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1 (Mercredi 11 décembre 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)
3 (Audience publique.)
4 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
5 (Questions relatives à la procédure.)
6 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, vous
7 voudrez bien citer l'affaire.
8 Mme Atanasio (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames
9 les Juges.
10 Affaire IT-99-36-T, le Procureur contre Radoslav Brdjanin.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Brdjanin, m'entendez-vous dans
12 une langue que vous comprenez?
13 M. Brdjanin (interprétation): Bonjour, Monsieur et Mesdames les Juges.
14 Oui, je vous entends et je vous comprends.
15 M. le Président (interprétation): Bonjour à vous, Monsieur Brdjanin.
16 Les présentations pour l'accusation, s'il vous plaît.
17 Mme Richterova (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, je suis
18 Anna Richterova et Kapila Waidyaratne, assistés de Denise Gustin,
19 substitut d'audience.
20 M. le Président (interprétation): Merci. Bonjour à vous.
21 Les présentations pour Radoslav Brdjanin.
22 M. Trbojevic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames
23 les Juges. Je suis Milan Trbojevic, assisté de Marela Jevtovic, mon
24 assistante.
25 M. le Président (interprétation): Avez-vous des questions à titre
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1 préliminaire?
2 M. Waidyaratne (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président et
3 Mesdames les Juges, j'ai une question à poser à propos du témoin prochain,
4 M. Murselovic, qui a témoigné dans l'affaire Stakic, et nous avons
5 l'intention de soumettre sa déposition préalable. Si la défense peut
6 marquer son accord avec certains faits, il y a un certains nombre de
7 domaines qui faisaient l'objet de contestations et que nous avons soumis à
8 la décision de la Chambre. Nous pensons qu'une décision de la Chambre
9 devrait intervenir. Ensuite, nous verrons si nous pouvons laisser cela au
10 compte rendu ou pas.
11 M. le Président (interprétation): A quoi faites-vous référence? La seule
12 information dont je dispose est qu'il semblerait qu'il y ait une seule
13 phrase, très courte, dans le compte rendu, à la page 2875, à laquelle la
14 défense souhaiterait faire une objection ou qu'elle voudrait voir expurger
15 du compte rendu.
16 M. Waidyaratne (interprétation): 2875, ligne 4, à 2876.
17 M. le Président (interprétation): De 2875, ligne 4, oui?
18 M. Waidyaratne (interprétation): Jusqu'à 2876, ligne 10.
19 M. le Président (interprétation): Vous souhaiteriez que ce soit expurgé?
20 Est-ce exact, Maître Trbojevic?
21 M. Trbojevic (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
22 j'ai sous les yeux un texte rédigé par Me Ackerman où il formule cette
23 demande, mais ceci ne correspond pas à ce dont vous venez de faire
24 lecture.
25 M. le Président (interprétation): Ecoutez, si vous souhaitez que nous
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1 prenions une décision, il faut que vous soyez catégorique et clair. Est-ce
2 que nous parlons des mêmes deux pages ou pas? Parce que nous ne pouvons
3 pas arrêter une décision si vous-même ne convenez pas du passage que vous
4 souhaiteriez voir expurger.
5 M. Waidyaratne (interprétation): Je vous signalerai quelles sont les
6 lignes pertinentes en l'occurrence, Monsieur le Président.
7 M. le Président (interprétation): J'ai marqué 2875 où le Juge Schomburg
8 commence par: "Une fois de plus, une question qui est loin des questions
9 judiciaires". Et puis, le reste de la page. Et puis, vous en arrivez à la
10 page suivante, ligne 10, parce que le reste de la page et une partie de la
11 page suivante ont déjà fait l'objet d'une expurgation.
12 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
13 Je fais référence à la page que vous venez de mentionner: 2875.
14 M. le Président (interprétation): Oui. Le document que j'ai sous les yeux
15 indique, est marqué jusqu'à la 2878, au bas de la page 2878. Il me paraît
16 naturel que cela inclue également le dernier paragraphe de la 2878, compte
17 tenu: "I consider him as being one of the most responsible.". C'est donc
18 ce qui est indiqué. Ce serait donc la séquence logique, la suite logique.
19 M. Waidyaratne (interprétation): Permettez-moi, Monsieur le Président.
20 Nous avons convenu, comme vous venez de le souligner, au 2876, page 11,
21 plutôt 9.11… Non, non. Ligne 11, jusqu'à 2878, jusqu'à la ligne 25… Pardon
22 9.19.
23 M. le Président (interprétation): Très bien, Maître Trbojevic.
24 M. Waidyaratne (interprétation): Non, ligne 19. Je vous présente mes
25 excuses, Monsieur le Président. Il s'agit de la ligne 19.
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1 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Trbojevic.
2 M. Trbojevic (interprétation): Monsieur le Président, je suis en accord
3 avec mon éminent confrère, j'accepte cela.
4 M. le Président (interprétation): Indication des pages? C'est avec cela
5 que vous êtes d'accord?
6 M. Trbojevic (interprétation): Oui, je peux marquer mon accord avec ce qui
7 vient d'être proposé par l'accusation.
8 M. le Président (interprétation): Très bien. Eh bien, nous arrêtons notre
9 décision.
10 (Les Juges se consultent sur le siège.)
11 La décision de la Chambre est donc la suivante: nous allons expurger
12 l'intégralité du contenu du compte rendu d'audience à partir de la page
13 2875, ligne 15, jusqu'à et y compris page 2878, ligne 25 incluse. Non non,
14 25, j'expurge cela aussi, parce que cela n'a rien à voir, c'est lié au Dr
15 Stakic.
16 Et puis, bien entendu, vous pouvez poser toutes les questions que vous
17 souhaitez, mais ceci est facile. Je propose que l'on appelle, qu'on
18 introduise le témoin.
19 Pas de mesures de protection, pour autant que je sache. Maître Richterova,
20 est-ce exact?
21 Mme Richterova (interprétation): Non, il n'y a pas de mesures de
22 protection.
23 (Le témoin, M. Muharem Murselovic, est introduit dans le prétoire.)
24 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Murselovic et
25 bienvenue au Tribunal. Vous allez déposer dans cette Chambre à présent.
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1 Avant cela, nous vous demandons d'avoir la gentillesse de bien vouloir
2 lire le texte de déclaration solennelle qui va vous être remis par
3 l’huissière. Ceci équivaut à un serment et vous vous engagez devant cette
4 Chambre à ne dire que la vérité, rien que la vérité, toute la vérité.
5 Veuillez lire le texte.
6 M. Murselovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
8 M. le Président (interprétation): Merci. Vous pouvez vous asseoir.
9 Maître Waidyaratne.
10 M. Waidyaratne (interprétation): Puis-je poursuivre, Monsieur le
11 Président?
12 M. le Président (interprétation): Oui.
13 M. Waidyaratne (interprétation): Merci.
14 M. le Président (interprétation): Si j'ai bien compris le témoin vous
15 connaît déjà, donc je n'ai pas besoin de faire les présentations.
16 (Interrogatoire principal du témoin, M. Muharem Murselovic, par M.
17 Waidyaratne.)
18 M. Waidyaratne (interprétation): Non. Je vous remercie.
19 Monsieur Murselovic, bonjour. M'entendez-vous?
20 M. Murselovic (interprétation): Je vous entends.
21 Question: Vous avez déposé dans une autre affaire: affaire contre M.
22 Stakic, Milomir Stakic, les 6 et 8 mai, ainsi que le 9 mai de cette année
23 2002?
24 Réponse: Oui, c'est exact.
25 Question: Vous avez revu votre déposition hier, déposition faite au cours
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1 de ce procès, et vous avez eu l'occasion d'entendre les cassettes audio;
2 est-ce exact?
3 Réponse: Oui, c'est exact.
4 Question: Enregistrement audio de cette déposition et vous la confirmez?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Monsieur Murselovic, je vais à présent vous poser un certain
7 nombre de questions pour apporter quelques éclaircissements sur certains
8 points. Et puis, je poserai quelques questions ayant trait à des
9 informations supplémentaires ou complémentaires.
10 Mais avant cela, je souhaite vous présenter à la Chambre, et pour ce
11 faire, je vous poserai un certain nombre de questions à titre liminaire
12 aux fins de présentations.
13 Monsieur Murselovic, vous résidiez, avant la guerre, à Prijedor,
14 municipalité de Prijedor?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Et à présent, vous continuez, vous vivez toujours à Prijedor?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Avant la guerre, vous vous occupiez, vous exerciez des fonctions
19 dans la restauration; est-ce exact?
20 Réponse: Oui, c'est exact.
21 Question: Est-ce que vous exercez encore des activités professionnelles
22 dans la restauration?
23 Réponse: Non, plus depuis 1998. Parce qu'après les premières élections
24 multipartites pour l'assemblée locale, j'ai été élu au poste de vice-
25 président de l'assemblée, et élu vice-président du parlement local de la
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1 municipalité de Prijedor.
2 Question: Quel est le poste que vous occupez à l'heure actuelle à la
3 municipalité de Prijedor?
4 Réponse: Oui, je suis président de l'assemblée et député de la Republika
5 Srpska, de l'entité appelée Republika Srpska.
6 Question: Quel est le parti que vous représentez actuellement au sein de
7 la municipalité?
8 Réponse: Je représente le parti pour la Bosnie-Herzégovine ou plutôt au
9 cours des élections locales, du parti pour une Bosnie-Herzégovine
10 intégrale. Je suis membre du parti pour la Bosnie-Herzégovine, et je
11 représente le parti dans l'entité de la Republika Srpska.
12 Question: Monsieur Murselovic, je vous ramène, si vous le voulez bien, à
13 1992. Avant 1992, avant que le conflit éclate dans la municipalité de
14 Prijedor, vous étiez également engagé dans un parti politique, mais quel
15 parti représentiez-vous?
16 Réponse: En 1990, j'étais membre du parti des entrepreneurs privés. Il
17 s'agit d'un petit parti qui réunissait des entrepreneurs indépendants;
18 j'étais un de ces entrepreneurs indépendants. J'étais membre de
19 l'association des entrepreneurs indépendants et, par conséquent, j'étais
20 membre également adhérent de ce parti.
21 Question: Monsieur Murselovic, avez-vous été élu à l'assemblée municipale
22 de Prijedor en 1990 suite aux élections multipartites?
23 Réponse: Oui. J'ai été élu après la tenue des premières élections
24 multipartites en 1990. Ensuite, je suis devenu conseiller représentant de
25 ce parti à l'assemblée municipale de Prijedor, et j'étais député.
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1 Question: Très rapidement, Monsieur Murselovic, dans cette assemblée, en
2 1992, avant 1992, pourriez-vous nous expliquer quelles étaient les
3 représentations des membres et les différents membres de quels partis
4 étaient représentés? Qui avait la majorité? Qui détenait la majorité?
5 Réponse: Dans l'assemblée de l'époque, l'assemblée multipartite, il y
6 avait 90 sièges.
7 Trente de ces sièges étaient détenus par le SDA.
8 Le Parti démocratique serbe, le SDS –enfin, le sigle du parti- comptait 28
9 sièges.
10 Quant à l'Union démocratique croate, le HDZ, il avait deux sièges à
11 l'assemblée municipale.
12 L'ancien parti socialiste disposait également d'un certain nombre de
13 sièges, puis également ce que l'on a appelé les formes réformistes d'Ante
14 Markovic disposaient de certains sièges.
15 Et j'étais un des députés municipaux.
16 Et l'Alliance socialiste avait également un certain nombre de députés
17 municipaux. Donc tous les partis de l'opposition, si je peux utiliser ce
18 terme, détenaient 30 sièges au total. Et le SDA, SDS et HDZ avaient à eux
19 trois quelque 60 sièges.
20 Question: Monsieur Murselovic, pourriez-vous nous fournir des informations
21 quant à la manière dont vous avez observé les relations de travail entre
22 les deux principaux partis, SDS et SDA, que je pourrais appeler
23 "gouvernement de coalition".
24 Réponse: Je crois que tout cela avait été l'objet d'un accord préalable.
25 Les petits partis n'avaient pas grand-chose à dire. SDS et SDA étaient les
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1 deux partis qui détenaient la majorité. Et eux se consultaient l'un
2 l'autre et, lorsqu'ils se présentaient à nous, ils avaient déjà des
3 propositions toutes prêtes. Ils avaient la majorité, donc cela n'avait pas
4 beaucoup d'importance si on votait oui ou non. C'est ainsi qu'ils
5 travaillaient dès le départ.
6 Mais à mesure que le temps passait, on avait de plus en plus le sentiment
7 qu'il y avait un certain nombre de sujets à propos desquels ils ne
8 pouvaient pas tomber d'accord. Donc pendant toute la durée de l'année
9 1991, il y a eu différentes interruptions des travaux de l'assemblée. Les
10 partis qui n'avaient pas réussi à se mettre d'accord demandaient des
11 interruptions de travaux de l'assemblée, et les activités parlementaires
12 habituelles étaient quelque peu gênées par cela.
13 Question: Permettez-moi de revenir au début de 1992. Vous souvenez-vous de
14 la proclamation ou établissement de la municipalité serbe formée dans la
15 municipalité de Prijedor.
16 Réponse: Au début de 1992 -je ne me souviens pas de la date précise-, il
17 fut décidé que serait mise en place cette municipalité serbe de Prijedor.
18 Je trouvais ça un peu bizarre que l'on proclame, simplement comme ça, la
19 municipalité serbe de Prijedor. Moi, je trouvais ça un peu curieux parce
20 que Prijedor, c'est une municipalité avec des villages mixtes. Et donc je
21 n'arrivais pas à imaginer comment un seul parti politique pourrait se
22 retirer et proclamer une municipalité serbe de Prijedor.
23 Les médias ont annoncé à l'époque qu'avait été proclamée la municipalité
24 serbe de Prijedor. Je ne sais pas qui a participé aux travaux de
25 l'assemblée, parce que nous, les députés locaux, avons été convoqués…
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1 n'avons pas été convoqués. Je ne sais pas, à part le SDS, quels sont les
2 députés qui ont participé à cette séance. Mais quoi qu'il en soit, cette
3 séance a eu lieu et ils ont, à cette occasion, choisi les personnes qui
4 allaient occuper les postes les plus importants de la municipalité de
5 Prijedor parmi les membres du SDS.
6 Question: Création de la municipalité serbe. Que pensiez-vous du travail
7 entre les membres du SDA et du SDS dans la municipalité de Prijedor?
8 Réponse: Très franchement, les membres du SDA n'ont pas participé à ce
9 processus. Moi, je ne sais pas. Je ne sais pas comment on a proclamé cette
10 entité. Je sais qu'il y a eu une séance de l'assemblée municipale. En tout
11 cas, j'ai lu dans la presse que l'on avait désigné les responsables, et
12 toutes les fonctions étaient attribuées à des adhérents du SDS.
13 Milomir Stakic était à l'époque vice-président de l'assemblée municipale.
14 Et pour l'assemblée serbe de Prijedor, il fut nommé président de
15 l'assemblée serbe, donc. Et une autre personne fut nommée vice-président,
16 par exemple, le Dr Kovacevic fut nommé président de l'exécutif, par
17 exemple, le président du tribunal était Nedzad Seric. Et puis, quelqu'un
18 d'autre… il a été remplacé par quelqu'un d'autre, par le juge du tribunal
19 de district de Prijedor. Cela ne me paraissait pas logique parce qu'il
20 n'avait pas encore modifié les… Rien n'avait changé vraiment. En fait, sur
21 le terrain, les choses étaient demeurées les mêmes. Ils ont pris
22 simplement cette décision de proclamer cela, et ceci, en attendant que de
23 meilleurs temps arrivent. Ensuite, il fallait voir ce qui allait arriver.
24 A l'époque, je n'ai pas accordé beaucoup d'attention à tout cela. J'ai
25 estimé simplement que c'était une décision qui avait été prise, qui était
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1 un signe de protestation que, nous, nous n'avons pas su comprendre,
2 protestation de la part des partenaires.
3 Question: Par la suite, est-ce que l'assemblée dans la municipalité de
4 Prijedor a pu poursuivre ses activités sans accrocs?
5 Réponse: L'assemblée elle-même ne fonctionnait pas vraiment sans accrocs.
6 Il y avait des interruptions fréquentes. En janvier, février, mars, on a
7 convoqué des réunions, mais aucun travail sérieux n'était fait à cette
8 époque-là. Il y avait quelques accords que nous ne comprenions pas.
9 Vous savez, ce qui passait, c'était que les Serbes -enfin le Parti
10 démocratique serbe- arrivaient avec des ultimatums. Ils disaient: "Il faut
11 que vous adoptiez une résolution pour condamner telle chose ou telle autre
12 chose, ou pour prendre la décision de rester en Yougoslavie", des
13 décisions qui n'auraient pas dû être prises par l'assemblée municipale de
14 Prijedor, qui n'avaient rien à voir. Et puis, le SDS et ses députés
15 quittaient l'assemblée. Le président, Muhamed Cehajic devait suspendre la
16 séance. Il y avait donc plusieurs tentatives de poursuivre les travaux,
17 mais l'assemblée n'y parvenait pas.
18 Question: Monsieur Murselovic, nous allons poursuivre. Vous savez qu'il y
19 a eu un changement de pouvoir dans la municipalité de Prijedor en avril
20 1992; est-ce exact?
21 Réponse: C'est exact.
22 Question: Suite à cette prise de pouvoir en avril 1992, pourriez-vous nous
23 expliquer brièvement quels ont été les changements politiques que vous
24 avez vu intervenir dans la municipalité de Prijedor?
25 Réponse: Le 30 avril ou plutôt le lendemain matin, je me suis levé et je
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1 voyais que les rues étaient remplies de soldats. A tous les croisements de
2 routes, il y avait des postes de contrôle, des forces militaires. Et puis,
3 la radio a commencé à proclamer des choses. Il y avait des posters, des
4 affiches partout dans la ville, avec le texte de cette proclamation, où il
5 était indiqué que le Parti démocratique serbe avait pris tous les pouvoirs
6 dans la municipalité de Prijedor parce que le parti ne pouvait plus
7 supporter de voir la municipalité de Prijedor connaître ce déclin
8 politique et économique; et que donc la prise de pouvoir était une étape
9 indispensable, et que donc c'est la raison pour laquelle le SDS a dû
10 prendre le pouvoir et tous les pouvoirs.
11 C'est ce que l'on a pu voir des affiches dans les rues signées par la
12 cellule de crise de la municipalité de Prijedor. C'est la première fois
13 que nous avons pu voir ce genre de chose. Je dois dire que cela nous a
14 beaucoup surpris à ce moment-là. Un jour ou deux plus tard, fut introduit
15 le couvre-feu, à partir de 10 heures du soir jusqu'à 6 heures du matin.
16 Et puis, d'une manière générale, on remarquait la présence des forces de
17 police et des forces militaires. Et ce, de manière patente. Et puis, je
18 dois ajouter que l'on a entendu répéter, sans cesse, que le SDS avait
19 assumé tous les pouvoirs sans qu'un seul tir de fusil ne fût essuyé, qu'il
20 allait prendre des mesures qu'il justifiait par le chaos politique et
21 autres qui régnait sur place.
22 Mais je dois dire que la situation a changé radicalement. Enfin moi, je
23 l'ai observé, le couvre-feu, je ne suis pas sorti après 10 heures du soir.
24 Les gens restaient calfeutrés chez eux. Pendant la journée, on sentait la
25 peur et que la crainte.
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1 Et à l'époque, des soldats serbes, ou plutôt la Défense territoriale s'est
2 engagée en Slavonie, Pakrac, Lipik -en Croatie, j'entends. Ils revenaient.
3 Donc là, il y avait des fusillades toute la nuit et les populations
4 commençaient à être effrayées, à sentir qu'il n'y avait plus de sécurité,
5 beaucoup d'incertitudes quant à l'avenir.
6 Bien sûr, après la prise du pouvoir, l'assemblée ne s'est plus réunie,
7 tout au moins pas dans sa forme initiale, suite aux élections.
8 Question: Monsieur Murselovic, vous avez parlé de la cellule de crise;
9 saviez-vous qui étaient les membres de la cellule de crise?
10 Réponse: Oui, je dois dire que c'est à ce moment-là qu'on a compris que la
11 cellule de crise… Tout simplement, c'est ce que l'on croyait: eh bien, le
12 président de la cellule de crise, M. Milomir Stakic -il était vice-
13 président auparavant-, il est nommé au poste de président. Donc il était
14 au poste de vice-président de la municipalité. Il a été nommé en tant que
15 président de la cellule de crise. Et il a remplacé, par là même, le chef
16 de la police qui était bosnien. A sa place, tout d'un coup, on voit un
17 nouveau chef de la police qui, même au sein de la municipalité serbe de
18 Prijedor, le chef était Simo Drljaca.
19 En ce qui concerne la présidence du Tribunal, comme je l'ai dit il y a
20 quelques instants, c’était un Serbe aussi qui a été nommé. En ce qui
21 concerne le secrétariat de la défense nationale, avant la guerre, c'était
22 Medunjanin, un Musulman, donc c'est un Serbe qui l'a remplacé. Et donc on
23 peut dire que, sur le territoire de cette municipalité serbe de Prijedor,
24 nouvellement créée, tous les postes à responsabilités ont été fournis par
25 des Serbes.
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1 Et M. Milomir Stakic a pris la parole souvent, après la prise de pouvoir.
2 Il s’est beaucoup expliqué. Il s'est déclaré le président de la cellule de
3 crise et de l'assemblée à l'époque.
4 Question: Monsieur le Témoin, puisque nous parlons de la cellule de crise,
5 pourriez-vous nous dire, d'après ce que vous savez, s'il y avait des
6 militaires qui faisaient partie de cette cellule de crise de Prijedor?
7 Réponse: Oui, en effet. Il y avait un homme qui s'est présenté comme le
8 chef de la Défense territoriale. Il s'est rendu souvent à Pakrac, à Lipik.
9 Ce n'était pas un soldat professionnel. Il s'appelait Slobodan Kuruzovic.
10 Et à part lui, il y avait le chef de la garnison. Je ne sais pas quel
11 était son grade. Il s’appelait Zeljala. Et puis, il en avait un autre,
12 Radmilo Arsic. Oui, je pense qu'il s'appelait Radmilo.
13 Eh bien, ils étaient membres de l'armée populaire yougoslave. Et ils
14 avaient des grades. C’étaient des gradés, des officiers. Je ne sais pas
15 exactement quels étaient leurs grades, commandant ou colonel. Je ne sais
16 pas plus. Toujours est-il qu’ils faisaient partie de cette garnison
17 stationnée dans la municipalité de Prijedor. Ils faisaient partie de la
18 cellule de crise.
19 Après un certain nombre d'incidents, souvent, ils ont pris la parole en
20 public. Ils ont émis des ultimatums pour remettre les armes, etc.
21 Question: Monsieur Murselovic, après la prise du pouvoir qui a eu lieu le
22 30 avril 1992, vous avez déjà témoigné au sujet d'une réunion avec le
23 président de la cellule de crise, M. Milomir Stakic, qui a eu lieu
24 quelques jours après la prise du pouvoir. Vous vous souvenez de cela?
25 Réponse: Oui. Monsieur Stakic était le président de la municipalité. Nous
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1 nous sommes souvent rencontrés au sein de l’assemblée. Souvent, il m’a
2 rendu visite dans mon bâtiment. Quand il est devenu le numéro 1, pour
3 ainsi dire, et quand on a démis de leurs fonctions tous les Bosniens, on
4 les a renvoyés tout simplement. Ils n'avaient même plus le droit de
5 pénétrer dans les locaux de l'assemblée du gouvernement du tribunal.
6 Quand, par exemple, M. Nedzad Seric a été renvoyé, on ne l'a pas laissé
7 entrer dans le tribunal. Nous avons été choqués par cela, car c'était un
8 homme de renommée, le président du tribunal. On ne comprenait rien, parce
9 que même les femmes qui étaient employées dans le tribunal, des
10 fonctionnaires, nous ont raconté cela en s'indignant. Elles nous disaient:
11 "Imaginez, ils ne l’ont pas laissé entrer". Et donc, quand M. Stakic a
12 pris le pouvoir, moi, je voulais savoir ce qu'il y avait de changé
13 exactement . Puisque, moi, j'étais le représentant des petits commerçants.
14 J'ai voulu savoir ce qui allait se passer: est-ce que les commerces
15 allaient fonctionner, est-ce que les restaurants allaient continuer à être
16 ouverts, à travailler?
17 Et donc, j'ai demandé un rendez-vous auprès de la secrétaire du président,
18 plutôt M. Stakic qui était promu au poste de président. J'ai donc voulu
19 avoir un entretien avec lui pour savoir quelle était la situation.
20 Il y avait un transporteur privé, il s'appelait Pavicic, qui est venu avec
21 nous. Il y avait aussi le secrétaire de notre association, il s'appelait
22 Simatovic, il était Serbe; l'autre était Croate. Il y avait aussi un
23 Bosnien avec moi, un restaurateur, il avait d'autres occupations aussi.
24 Nous nous sommes donc présentés et M. Stakic nous a reçus. Dès que nous
25 sommes entrés dans le couloir, dans le hall d'entrée -il était à peu près
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1 10 heures du matin, un petit peu plus tôt que 10 heures du matin-, j'ai vu
2 que cette secrétaire, qui auparavant était la secrétaire de M. Cehajic,
3 continuait à travailler dans l'assemblée.
4 Dans la municipalité de Prijedor, dans ce bâtiment, il y a la réception. A
5 gauche de la réception, se trouve le bureau du président, et à droite le
6 bureau du vice-président. C'était comme cela pendant 30 ou 40 ans, et cela
7 a continué à fonctionner de la sorte. J'ai remarqué que M. Stakic avait
8 pris le bureau qui était celui du président de la municipalité, de
9 l'assemblée municipale. Il y avait une autre pièce à côté pour des
10 réunions, etc.
11 Et moi, j'ai fait une blague, j'ai dit à la secrétaire: "Ecoute Mica, tout
12 le monde change: des gens viennent, d'autres partent, mais toi tu
13 restes!". Elle a ri. Elle a trouvé cela drôle. Ensuite, nous sommes allés
14 voir Stakic. Il nous a vus.
15 Il y avait un autre monsieur qui est sorti de son bureau, c'était un
16 député, il s'appelait Marko Pavic. Même avant, il était président de
17 l'assemblée; il a tenu le dernier mandat du système socialiste.
18 Stakic était très agréable. Il nous a bien reçus. Je lui ai demandé quelle
19 était la nouvelle situation, qu'est-ce que tout cela signifiait. Je
20 voulais tout simplement savoir quelle était la situation: si on a interdit
21 le travail des partis politiques, est-ce que les commerçants pouvaient
22 continuer à travailler? Est-ce que nous pouvions toujours travailler?
23 Il m'a répondu qu'il ne savait pas trop quoi me répondre, qu'il
24 s'apprêtait à partir à Banja Luka et a dit qu'il fallait qu'il soit à
25 Banja Luka à 10 heures, mais qu'à son retour il allait tout m'expliquer et
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1 qu'il allait m'expliquer la situation telle qu'elle était, car il allait
2 avoir plus d'informations. Il allait m'expliquer si on pouvait continuer à
3 travailler, etc.
4 Car, vous savez, il y avait beaucoup de choses qui manquaient. Par
5 exemple, il n'y avait pas de pétrole. On avait du mal à fonctionner. Je
6 lui ai fait donc part de tous les problèmes que nous rencontrions et je
7 voulais savoir surtout quel était cet avenir qu'on nous réservait: si les
8 commerces pouvaient continuer à fonctionner. C'est cela qui nous
9 intéressait.
10 Mais lui a parlé d'autre chose. Il m'a parlé des choses que je ne
11 comprenais pas à l'époque, je dois dire, pas trop bien en tout cas. Il m'a
12 parlé de la situation à Kupres, alors que nous nous inquiétions de
13 l'avenir de nos petits commerces. Mais toujours est-il qu'il m'a dit qu'il
14 devait se dépêcher pour aller à Banja Luka, que c'est à Banja Luka qu'il
15 allait recevoir et recueillir toutes les informations dont il avait
16 besoin, et qu'à son retour, dans un ou deux jours, il allait m'appeler
17 pour m'expliquer la situation.
18 Nous n'avons pas passé trop longtemps à cet endroit, nous y sommes restés
19 une dizaine de minutes. Ensuite, nous nous sommes dit au revoir. J'ai bien
20 vu qu'il fallait qu'il se dépêche. Donc nous sommes partis.
21 Voilà, je dois dire qu'il nous a accueillis vraiment correctement. Depuis,
22 nous ne nous sommes pas revus. Il ne m'a jamais donné de ses nouvelles.
23 Les choses ont évolué d'une autre façon, nous ne nous sommes donc plus
24 revus depuis.
25 Question: Monsieur le Témoin, pourquoi croyez-vous que M. Stakic a dit
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1 qu'il allait partir à Banja Luka?
2 Réponse: Ecoutez, à l'époque, il y avait cette région autonome de Banja
3 Luka. Elle venait d'être proclamée. On peut dire qu'il y a eu une certaine
4 réorganisation au niveau du système tout entier, du système économique,
5 etc. Un peu de temps avant cela, il y a eu la proclamation des régions
6 autonomes. Et si j'ai bien compris les choses, il fallait qu'il aille
7 consulter quelqu'un là-bas pour voir comment ils allaient continuer à
8 travailler, fonctionner. C'est ce qu'il m'a dit, en tout cas, c'est comme
9 cela que je l'ai compris.
10 Question: Monsieur Murselovic, nous passons au mois de mai 1992. Vous avez
11 déposé en détail dans l'affaire Stakic au sujet de cet incident qui s'est
12 produit le 22 mai 1992 à Hambarine. Après cela, vous souvenez-vous s'il y
13 a eu du pilonnage dans la région de Hambarine, donc après cela, après
14 cette date-là?
15 Réponse: Je dois dire que, pendant toute cette période-là, au cours du
16 mois de mai, il y a eu beaucoup d'incidents, et la population était
17 vraiment inquiète. Il y a eu beaucoup de tirs, il y a eu beaucoup de gens
18 portant des uniformes qui circulaient dans la ville. Il y avait des
19 soldats ivres qui se baladaient armés dans les rues. Il y a eu cet
20 incident à Hambarine.
21 Ce qui s'est produit vraiment, nous n'avons pu l'apprendre que par le
22 communiqué de la cellule de crise, et cette cellule de crise ne
23 communiquait aux citoyens que par les médias, ou parfois il y avait des
24 membres de la cellule de crise qui donnaient une interprétation des
25 événements.
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1 Alors que s'est-il passé exactement? Il y a eu un échange de tirs au point
2 de contrôle de Hambarine et un des soldats s'est fait tuer. C'était un
3 soldat serbe qui a voulu passer par le point de contrôle de Hambarine. Je
4 dois dire que Hambarine est une assemblée de communautés locales. C'est
5 une enclave habitée exclusivement par des Bosniens, par des Musulmans.
6 Quand ces soldats ont voulu passer, franchir ce barrage, eh bien,
7 prétendument, les soldats de la Défense territoriale les ont arrêtés et il
8 y a eu un soldat tué, un autre blessé -je parle bien sûr des soldats
9 serbes-. Ils étaient dans la voiture.
10 Après cela, il y a eu un communiqué de la cellule de crise exigeant que
11 tous les membres de la Défense territoriale remettent leurs armes, que cet
12 auteur, l'auteur de ces crimes se rende.
13 Il y a eu plusieurs versions de l'incident, plusieurs versions des choses
14 concernant cet incident, l'incident de Hambarine. Toujours est-il qu'ils
15 ont demandé que l'on remette les armes et que les coupables, comme ils ont
16 dit, les coupables se rendent. Ensuite, il y a eu des négociations. Il y a
17 ce Radmilo Zeljaja qui a aussi fait un communiqué demandant donc que l'on
18 dépose nos armes, mais les gens ne voulaient pas les déposer, ils ne
19 voulaient pas remettre les armes.
20 Donc le 23 ou le 22 -je ne connais plus la date exacte-, il y a eu le
21 pilonnage de Hambarine. Il y a eu des tirs de tous les côtés. D'ailleurs,
22 c'étaient des armes lourdes qui étaient déployées sur des points surélevés
23 autour de Prijedor. On a commencé à pilonner ce village, sans aucun
24 critère. Il y a même deux chars qui ont traversé la ville pour se placer
25 en bas de Hambarine en commençant à viser les maisons, une par une. Il
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1 s'agissait d'un pilonnage systématique. Ils tiraient sur tout ce qui
2 bougeait. Il y a eu beaucoup de morts parmi les civils. Et ils ont
3 continué, pendant tout ce temps-là, à répéter qu'ils voulaient désarmer
4 les unités de la Défense territoriale.
5 Moi, je n'ai pas eu de contact, mais je sais qu'il y a eu pas mal de morts
6 et pas mal de blessés.
7 Question: Monsieur Murselovic, avant de parler de votre arrestation, est-
8 ce que vous vous souvenez du pilonnage de Kozarac qui a eu lieu le 24 mai
9 1992?
10 Réponse: Oui, cela s'est produit un ou deux jours plus tard. Donc Kozarac
11 se trouve d'un côté de Prijedor et Hambarine du côté opposé. Donc Kozarac
12 se trouve à l'est de Prijedor, dans la banlieue est de Prijedor et
13 Hambarine dans la banlieue ouest de Prijedor. Et donc, là aussi, on a
14 demandé que l'on remette nos armes, et on m'a dit qu'il y a eu quelques
15 conflits, aussi. On a continué à demander assidûment que les policiers se
16 rendent, qu'ils remettent leurs armes, etc., et là aussi, on a commencé à
17 pilonner Kozarac. C'était la première fois que j'ai pu voir des obus voler
18 au-dessus de la ville pour tirer sur Kozarac. Donc, il y avait des obus
19 qui étaient tirés, qui traversaient la ville, et puis il y a eu aussi des
20 tirs de proximité. C'était la première impression que j'ai pu avoir de la
21 guerre. Là, je parle surtout des tirs d'artillerie.
22 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur, vous vous êtes fait arrêter le
23 23 mai 1992, n'est-ce pas?
24 M. Murselovic (interprétation): Oui. C'était un samedi. Le 23 mai. Il y
25 avait le couvre-feu, on n'avait pas le droit de sortir, les gens restaient
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1 chez eux. Et je dois dire que je regardais, ce jour-là, le journal
2 télévisé à 7 heures du soir. Je n'étais pas chez moi, j'étais en réalité
3 dans mon bureau dans le centre-ville. D'ailleurs, le seul journal télévisé
4 que l'on pouvait regarder, c'était le journal télévisé de la télévision de
5 Banja Luka, car juste auparavant, ils avaient détruit le relais télé de
6 Kozarac. C'est toute une autre histoire, n'est-ce pas.
7 Donc nous étions en train de regarder le journal télévisé de la télévision
8 de Banja Luka. A Banja Luka aussi, il y avait une espèce de Région
9 autonome, je ne sais plus quelle était l'organisation politique à
10 l'époque. Toujours est-il que nous ne pouvions pas regarder le journal
11 télévisé ni la télé de Zagreb ni de Belgrade ni de Sarajevo, uniquement
12 Banja Luka. Car chez nous, le journal télévisé, c'était à 7 heures et
13 demie, alors qu'ici c'était à 7 heures.
14 Donc, bon, je regardais le journal télévisé qui commençait à 7 heures et
15 j'ai entendu le speaker dire quelque chose comme cela -je cite-: "Un
16 groupe d'extrémistes a avoué que le restaurateur de Prijedor, Muharem
17 Murselovic, était à l'origine du financement.". Et ensuite, ils ont
18 mentionné encore quelques noms des gens de Zagreb, Prijedor, des gens que
19 je ne connaissais pas. Donc j'ai été bien surpris, j'étais vraiment
20 surpris par cette annonce. J'ai immédiatement appelé la police.
21 Je me souviens qu'un policier, répondant au nom de Jankovic, a répondu.
22 Donc, moi, je lui ai demandé de quoi il en était; de quel financement
23 parlait-on?
24 Vous savez, nous, on était un peu comme des souris piégées car tout cela
25 ne correspondait pas à la vérité. Ce policier m’a dit qu'il n'était pas au
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1 courant de quoi que ce soit, qu’il ne savait rien du tout à ce sujet. Et
2 moi, je lui ai demandé si quelqu'un pouvait démentir cela car cela n’avait
3 rien à voir avec la vérité. Et lui, il m'a répondu qu’il n’était au
4 courant de rien mais si j’avais besoin de quoi que ce soit, qu’ils
5 allaient venir, que quelqu'un allait m’appeler.
6 Moi, je ne me souviens même pas si je suis allé le voir parce que c’était
7 à deux pas de delà. J'étais à une centaine de mètres du poste de police.
8 Il y avait juste un petit jardin qui nous séparait et un hôtel. Et donc,
9 j'étais toujours dans mon bureau. Une demi-heure plus tard, même pas -il y
10 avait une rue piétonne en contre-bas-, quelqu'un m'a appelé. Moi, j'ai
11 ouvert la fenêtre. J'ai vu deux policiers. Il y en avait que je
12 connaissais qui s’appelait Bato Kovacevic. Bato, c'était peut-être son
13 petit nom. Peut-être qu’il s'appelait en vérité Slobodan. Kovacevic,
14 c'était son nom de famille. Cela, j’en suis sûr. Et donc, il m'a dit:
15 "Ecoute, sors. Car ils t’appellent, ils veulent te voir au poste de
16 police.". Moi, je lui ai répondu que je venais d'appeler le poste de
17 police. Celui-ci a persisté, il m'a dit: "Non, non, non. Il faut vraiment
18 que tu y ailles. Ils veulent te voir.". Je suis descendu et je les ai
19 suivis. Ce policier, celui que je ne connaissais pas -c’est-à-dire que je
20 ne connaissais pas son nom et son prénom-, il m'a demandé si j’étais armé.
21 Et moi, j'ai dit: "Oui, j'ai un pistolet là-haut, quelque part dans le
22 coffre". Eh bien, ils m’ont dit que cela ne faisait rien, que nous allions
23 nous rendre au poste de police.
24 Je me souviens que c'était le bureau 32 ou 33, situé au premier étage du
25 poste de police. Et il y avait un jeune homme qui m'avait interrogé. Il
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1 répondait au nom de Krneta. Assez jeune d'ailleurs, un jeune homme. Il
2 avait un bout de papier, enfin une feuille vierge, il y a inscrit mon nom,
3 mon prénom, ma date de naissance, le nom de mon père, de ma mère. Et il
4 m'a demandé ce que je savais à ce sujet. Et moi, je leur ai dit que j'en
5 savais autant qu'eux, car moi, j'avais appris cela à la télévision et je
6 n'y comprenais rien. Je lui ai donc demandé si quelqu'un pouvait démentir
7 cette information car ce n'était pas exact. Nous sommes restés assis là
8 jusqu'à peu près 9 ou 10 heures du soir. Il m'a raconté que son épouse
9 était musulmane, et qu'ils avaient un enfant. C'était un jeune père. Il
10 était assez jeune, assez gentil, poli. Il ne m'a rien dit.
11 J'ai demandé ce que j'allais faire là-bas, si j'allais y aller passer la
12 nuit, s'il allait me laisser. Il m'a dit qu'il fallait que je dorme là-
13 bas, au poste. Moi, je lui ai demandé si j'avais été arrêté. Il m'a dit:
14 "Ecoutez, vous verrez bien". Vers 11 heures du soir, ils m'ont fait sortir
15 du hall. J'ai vu un collègue, Music Ilijaz. Nous avons travaillé ensemble
16 dans l’école de restauration, enfin dans l’école hôtelière. Il était
17 professeur là-bas. Et donc nous nous sommes fait un signe de la main.
18 Ils nous ont conduits jusqu'au poste de police de Prijedor. C'est derrière
19 un parking, et ils nous ont introduits dans une pièce, une pièce où des
20 sans-abri, des errants, des ivrognes passent la nuit souvent. Il y avait
21 des espèces de palettes en bois, par terre. Et peu de temps après, M.
22 Seric, le président de la municipalité est entré. Nous avons fait une
23 blague. Moi, j’ai dit: "Nous voilà tous ici, hein". J'ai fait une blague.
24 On était sept et nous avons discuté. Cette nuit était bien longue, à part,
25 Ilijaz, Cehajic et moi-même, il y avait aussi un certain Mehmet Tursic,
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1 qui était le chef des impôts, de la direction des impôts de Prijedor. Il y
2 avait aussi un jeune médecin Sikora, croate de son état. Et puis, un
3 commerçant, Jusuf Ceric. Puis un jeune homme que je ne connaissais pas,
4 c'était en fait le fils d'une collègue à moi, Danica. Son mari était
5 Musulman, il est mort dans un accident de voiture quelques années plutôt.
6 D'ailleurs, je ne savais pas que Danica était Croate. C'est lui que me l'a
7 dit, il m'a bien dit que sa mère était une Croate.
8 Nous étions donc 7, comme je vous l’ai déjà dit, nous avons passé toute la
9 nuit dans cette pièce. Nous les avons entendus manipuler des armes, même
10 tirer en l’air. Pendant tout ce temps-là, ils criaient: "Ce sont des
11 Oustachis, ce sont de vrais Oustachis, ce sont des chefs". Ils criaient:
12 "Il faut les tuer tous." En fait, ils nous ont menacés. Ils voulaient nous
13 faire peur. Il y avait des espèces de barreaux en haut et, parfois, une
14 balle faisait ricocher sur les barres en métal ou sur le mur, derrière.
15 C'est là que nous avons passé cette nuit-là. Le lendemain, vers 6 ou 7
16 heures du matin, ils nous ont fait sortir pour nous faire subir un
17 interrogatoire.
18 A nouveau, j'ai été interrogé par ce même inspecteur qui m'a encouragé un
19 peu en me disant: "Vous savez, Murselovic, la situation est telle que l'on
20 a démenti cette information." J'étais vraiment soulagé. J’étais content et
21 j'ai dit: "Très bien. Vous allez me lâcher. Vous allez me libérer. Qu’est-
22 ce que je vais faire ici? Vous savez, j'ai passé une nuit terrible dans
23 cette pièce.".
24 Il m'a dit: "Moi, je n'en sais rien. Tout ce que je peux vous dire, c’est
25 ce que je viens de vous dire.". C’est comme cela que cela s’est passé.
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1 Ensuite, je suis resté jusqu'à 7 heures, enfin, jusqu'à 5 heures et demie
2 de l'après-midi ou 6 heures de l'après-midi. Ensuite, c'est le chef de la
3 police criminelle, Mijic Ranko, qui m'a appelé. Avant, juste avant cela,
4 ils m'ont apporté une bière, quelque chose à manger. Les policiers
5 commençaient à arriver... Ensuite Mijic m'a appelé...
6 Mme Richterova (interprétation): Nous avons, dans le compte rendu, le nom
7 de Mme Korner.
8 M. le Président (interprétation): Oui, je sais cela. Ceci sera corrigé par
9 la suite. Je vous remercie, je l'ai remarqué, mais je n'allais en parler
10 qu'à la fin. Je vous remercie.
11 Excusez cette interruption, Monsieur le Témoin. Vous pouvez continuer.
12 Efforcez-vous de résumer un peu les choses, sinon vous risquez de passer
13 toute la semaine ici.
14 M. Waidyaratne (interprétation): Je ne voulais pas interrompre le témoin,
15 Monsieur le Président.
16 Je demanderai à M. Murselovic d'être bref et aussi succinct que possible.
17 M. le Président (interprétation): En fait, Monsieur Murselovic, simplement
18 pour vous rappeler ceci: la transcription de tout ce que vous avez dit
19 dans l'affaire Stakic, vous l'avez, cela fait partie des archives de cette
20 affaire, du compte rendu. Nous allons le lire. En d'autres termes, vous
21 n'avez pas besoin de répéter de façon détaillée ce que vous avez déjà dit
22 dans l'affaire Stakic. Cela dit, j'invite le Procureur à diriger
23 l'interrogatoire du témoin sur ce qui est le plus important pour que le
24 témoin soit le plus bref possible dans ses réponses. Je vous remercie.
25 M. Waidyaratne (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
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1 M. Murselovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 Je vous prie de m'excuser. Parfois, on se laisse entraîner quand tous ses
3 souvenirs reviennent. Donc, je dirais que, vers 5 ou 6 heures, M. Mijic
4 Ranko a dit: "Vous pouvez partir maintenant. Tout ceci a été démenti. Mais
5 ne quittez pas Prijedor!". Et à tout hasard, je suis rentré chez moi. Cela
6 a été la fin de ma première arrestation.
7 Question: Monsieur Murselovic, après cela, le 30 avril 1992, vous avez été
8 arrêté pour la deuxième fois, est-ce exact? Non, excusez-moi, c'est le 30
9 mai 1992?
10 Réponse: Oui, j'étais à nouveau arrêté le 30 mai. En fait, ce jour-là, on
11 entendait beaucoup de tirs d'armes à feu.
12 Question: Après cela, on vous a emmené au camp d'Omarska; est-ce exact?
13 Réponse: Oui. Ce jour-là, le 30 mai, j'ai été emmené, la police est venue
14 me prendre, nous avons été emmenés à l'hôtel Balkan. Il y avait pas mal de
15 gens qui se trouvaient là. On nous a fait monter dans des autobus et on
16 nous a emmenés à Omarska.
17 Question: A Omarska, vous avez été détenu jusqu'au 6 août 1992; c'est bien
18 cela?
19 Réponse: Oui, c'est cela.
20 Question: Avant que nous posions des questions supplémentaires concernant
21 votre arrestation à Omarska, je voudrais vous demander: vous avez
22 mentionné sept personnes qui étaient détenues avec vous le 23 mai 1992, au
23 poste de police, vous avez mentionné Muhamed Cehajic, Ilijaz Music, le Dr
24 Sikora et les autres.
25 Réponse: Oui.
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1 Question: S'il vous plaît, avez-vous vu l'une quelconque de ces personnes
2 après cela? Et qui étaient ces personnes et où les avez-vous vues?
3 Réponse: J'ai vu certaines de ces personnes à Omarska. Par exemple, j'ai
4 vu Cehajic à Omarska; j'ai vu Ceric aussi à Omarska, et j'ai vu -je ne
5 sais plus son nom- le directeur du service des impôts. Ah oui, Mehmet
6 Tursic. Et puis, j'ai vu à Omarska qu'il y en avait d'autres que je
7 connaissais aussi. Et je suppose ou je peux dire avec certitude qu'ils ne
8 sont plus en vie. A Omarska, on en perd complètement la trace. Sur les
9 sept qui ont donc été arrêtés, je suis le seul à avoir quitté Prijedor et
10 à être encore en vie. Quant à la trace des autres, elle est perdue, elle
11 se perd à Omarska.
12 Question: Les personnes que vous n'avez pas vues à Omarska, est-ce que
13 vous les avez revues après le 23 mai 1992?
14 Réponse: Non, non, jamais. Je ne les ai jamais revues après cela.
15 Question: Après avoir été emmené au camp d'Omarska, on vous a emmené dans
16 un bus avec un grand nombre d'autres personnes, c'est bien cela?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Vous avez été détenu tout d'abord dans ce que l'on appelait "la
19 salle Mujo" dans la partie réfectoire ou cantine?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Est-ce que vous avez vu le Dr Muhamed Cehajic à Omarska, dans
22 cette salle ou pièce Mujo?
23 Réponse: Monsieur Cehajic, le Pr Cehajic, il enseignait à l'école
24 secondaire. C'est la première personne que j'ai vue à Omarska, parce qu'il
25 était au milieu de la pièce, assis. Nous avons parlé. Et pendant environ
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1 un ou deux mois, un mois, disons deux mois, en fait, je voyais M. Cehajic,
2 sauf pendant une brève période pendant laquelle il avait été emmené à
3 Banja Luka pour être interrogé. Mais il est revenu. Je l'ai trouvé à
4 Omarska, le 30 mai, lorsque j'y suis arrivé.
5 Question: Vous nous avez donné une description détaillée des dates
6 auxquelles vous avez été arrêté et détenu dans l'autre procès. Vous avez
7 mentionné le fait que, dans votre déposition antérieure, vous aviez été
8 détenu et transféré à un autre camp, dans un endroit que vous avez appelé
9 "le garage". Est-ce qu'il y avait une femme détenue avec vous dans cet
10 endroit appelé "le garage"?
11 Réponse: C'est un garage double de 22 à 23 mètres carrés. Avec nous -on
12 était peut-être 150, ou peut-être 170 dans ce garage-, il y avait une
13 femme qui était avec nous. Son nom était Hajra Hadzic. C'était la seule
14 femme qui se trouvait là, tous les autres étaient des hommes.
15 Question: Est-ce que vous savez si elle a survécu à sa détention dans le
16 camp ou non?
17 Réponse: Je ne le crois pas parce que je ne l'ai jamais revue par la
18 suite.
19 Question: Y a-t-il eu d'autres femmes qui étaient détenues dans le camp?
20 Réponse: Il y avait une trentaine de femmes qui s'y trouvaient, 31 ou 32,
21 je ne sais pas le chiffre exact. Elles étaient toujours dans le réfectoire
22 ou la cantine lorsque nous nous rendions en courant là pour prendre notre
23 repas. Certaines d'entre elles ont été relâchées avant nous, quelque sept
24 à huit jours avant que nous ne puissions partir. Nous avons quitté
25 Omarska.
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1 D'autres, toutefois, sont restées. Et cette Hajra était l'une d'entre
2 elles qui est restée après; et aussi une qui s'appelait Mahmuljin.
3 Mahmuljin, je crois, est son nom de jeune fille parce que je connais sa
4 famille. C'était un professeur qui était mariée à un dentiste, défunt
5 Mahmuljin. Et trois ou quatre autres femmes. Oui, Mme Besirovic qui
6 travaillait aussi à la banque. Donc trois ou quatre femmes qui sont
7 restées après notre départ, je ne suis pas absolument sûr. Et Hajra. Et
8 toutes traces de ces personnes ont été perdues depuis. Ces jeunes femmes
9 qui sont parties plus tôt, je crois que sept ou huit jours plus tôt, elles
10 sont allées à Trnopolje et à Prijedor. Je crois qu'elles ont toutes quitté
11 Prijedor par la suite.
12 Question: Monsieur Murselovic, qui étaient les personnes qui étaient
13 détenues avec vous, à l'endroit que vous appeliez "le garage", avant que
14 vous ne soyez transféré au camp de Manjaca?
15 Réponse: Avec moi, dans le garage proprement dit, il y avait un grand
16 nombre de personnes que je connaissais de Prijedor. Il y avait par exemple
17 un docteur bien connu, un médecin, le Dr Sadikovic. Oui, le Dr Sadikovic
18 qui était le chef du département "nez, gorge, oreille" oto-rhino. Et puis,
19 il y avait également Terzic Sefik qui avait comme surnom "Kiki".
20 Il y avait un très grand nombre de personnes dans le garage et les
21 conditions étaient épouvantables. Je veux dire que pratiquement pas une
22 matinée ne passait sans que quelqu'un n'étouffe et ne meurt de suffocation
23 parce que, quand il y a trop de gens, si on bouge, par exemple une jambe,
24 on ne peut pas la reprendre. Si vous êtes là, simplement debout, il n'y a
25 absolument pas de place pour faire quoi que ce soit.
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1 Chaque fois que la porte du garage s'ouvrait, on s'effondrait tous, que ce
2 soit par manque d'oxygène ou par épuisement. C'était effroyable. Nous
3 étions gardés là sous prétexte que nous devions nous préparer à être
4 échangés, nous rendre à un point d'échange. Heureusement, ceci n'a pas eu
5 lieu, parce que personne n'est jamais revenu de ceux qui avaient été
6 emmenés pour échange de ce genre.
7 Question: Monsieur Murselovic, vous avez mentionné la personne qui portait
8 le nom de "Eso Sadikovic". Est-ce qu'il a survécu à ce camp? Est-ce que
9 vous l'avez rencontré après que vous ayez été relâché?
10 Réponse: Le Dr Eso, c'était un homme très populaire, tout le monde
11 l'aimait. Il était intéressant. Sa compagnie était très agréable. Et il
12 écrivait fréquemment des éditoriaux dans un journal.
13 Il était avec nous dans ce garage. Puis, lorsque nous avons quitté
14 finalement ce garage, que l'échange n'a pas eu lieu, trois ou quatre jours
15 plus tard, vers 10 heures du soir, on l'a appelé, un homme du nom de Drago
16 Prcac, un policier d'un certain âge qui l'a emmené vers 10 heures. En
17 principe, il devait y avoir un autobus à l'extérieur. Donc il a appelé le
18 nom du Dr Sadikovic, qui est également sorti, et je ne l'ai jamais revu.
19 Je suppose qu'il a dû être tué parce qu'on ne l'a jamais revu.
20 Question: Monsieur Murselovic, vous avez déposé dans l'autre procès en ce
21 qui concerne les interrogatoires que vous avez subis dans le camp
22 d'Omarska. Est-ce que, à un moment quelconque, on vous a dit pourquoi vous
23 aviez été détenu ou pourquoi vous aviez été arrêté?
24 Réponse: Non. J'étais interrogé par deux hommes: l'un avait le nom de
25 Nenad Tomcic et l'autre s'appelait Neso. Et tout ce qu'ils ont dit: "Quand
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1 avez-vous été arrêté? Où étiez-vous avant cela?". J'ai dit: "Eh bien,
2 j'étais chez moi, j'étais à la maison.". Ils m'ont posé d'autres
3 questions, mais on ne m'a jamais dit pourquoi j'avais été arrêté ou
4 pourquoi je me trouvais là. Je continuais à leur demander qu'est-ce que
5 tout cela pouvait signifier et est-ce qu'il me laisserait partir? Mais ils
6 n'ont jamais répondu.
7 Question: Monsieur Murselovic, est-ce qu'à un moment quelconque quelqu'un
8 avait engagé des poursuites ou une instance contre vous?
9 Réponse: Non, pas contre moi.
10 Question: Vous avez décrit dans votre déposition antérieure les occasions
11 dans lesquelles vous avez été passé à tabac par des gardes dans le camp
12 d'Omarska?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Bon, est-ce qu'à un moment quelconque vous avez provoqué des
15 gardes pour les amener à vous battre ou est-ce que vous avez fait quoi que
16 ce soit de mal pendant que vous étiez détenu dans le camp?
17 Réponse: Certainement pas, parce que nous étions en haillons, nous
18 n'étions pas convenablement nourris. Nous avions faim. Nous avions besoin
19 de dormir et il fallait dormir sur le ciment. Quelques personnes avaient
20 une veste ou quelque chose qu'elles pouvaient mettre sur le sol pour y
21 dormir, un morceau de carton; et ceux-là, ils avaient de la chance.
22 Mais tout le monde avait peur parce qu'à tout moment des personnes étaient
23 emmenées de nuit, et on les tuait juste sous nos yeux. Personne n'a jamais
24 provoqué quiconque. Chacun essayait de se tenir tranquille. Un homme qui
25 qu'appelait Simo Kevic, qui travaillait avec moi précédemment, a dit aux
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1 gardes: "Eh bien, celui-ci a persécuté des enfants serbes alors qu'il
2 était à l'école.". Alors, ils m'ont pris et ont commencé à me battre avec
3 des câbles revêtus de quelque chose. J'ai dit à celui-là qui était en
4 train de me battre, qui était un jeune homme, je lui ai dit d'arrêter. Je
5 lui ai dit, je lui ai demandé… On a arrêté de me battre.
6 Une autre fois, on m'a battu dans des toilettes. Ils ont brisé la porte
7 des toilettes dans la pièce où je me trouvais. On m'a emmené dans une
8 autre pièce pour que je puisse me soulager. Quelqu'un a brisé la porte.
9 Ils ont utilisé les crosses de fusil contre la porte. Ils ont dit que
10 j'étais en train de faire des ablutions et ils m'ont brisé deux côtes.
11 Une fois lorsque nous sortions, emportant de la nourriture, invariablement
12 nous étions battus –je ne pouvais pas voir qui c'était, mais cela m'est
13 arrivé, de sorte que j'ai été battu plusieurs fois, sévèrement, et je ne
14 sais vraiment pas pourquoi. Mais je n'étais pas le seul. Est-ce qu'ils
15 m'ont battu sans savoir qui j'étais, par accident, par hasard?
16 Certains étaient battus pendant leurs interrogatoires et au cours de leurs
17 interrogatoires, et un certain nombre d'entre eux ont succombé à ces
18 passages à tabac parce que leurs bras et leurs jambes avaient été brisés.
19 Et lorsqu'ils revenaient de ces interrogatoires, ils étaient en si mauvais
20 état qu'ils en mouraient là, devant nous.
21 Je me souviens d'exemples de ce genre. Par exemple, M. Zijad Mahmuljin qui
22 était président du conseil exécutif était l'un de ceux qui était mort au
23 milieu de nous. Il y avait eu d'autres occasions de ce genre. Je crois que
24 j'ai plusieurs fois déposé sur cette question. Oui, ces passages à tabac
25 étaient fréquents.
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1 Une fois, il y avait Osman Mahmuljin qui était un de mes bons amis, qui
2 était un médecin, directeur de l'hôpital, il était avec nous.
3 Je pouvais voir ces personnes qui avaient été battues, elles étaient
4 complètement défigurées, elles avaient des ecchymoses sur le visage et sur
5 la tête. Et lorsqu'on essayait de mettre des compresses froides pour
6 essayer de soulager leur douleur. Le médecin disait: "Je crois qu'ils ne
7 vont pas survivre longtemps puisque leurs reins ont éclaté. Ils vont donc
8 mourir et ils ne rentreront jamais chez eux.". Voilà comment cela se
9 passait pour tous ces gens.
10 Question: Monsieur Murselovic, vous avez décrit des interrogatoires et
11 vous vous êtes référé à certaines des personnes qui conduisaient ces
12 interrogatoires. Est-ce que vous vous rappelez qui étaient ces personnes
13 que vous avez appelées interrogateurs, et d'où elles venaient, qui elles
14 étaient?
15 Réponse: La majorité venait de Prijedor. Il y avait Tomcic qui m'avait
16 interrogé, il y avait Nenad et aussi un certain Dragan Radakovic, qui
17 était en fait le gérant du parc national et qui enseignait le dessin. Il y
18 avait Milo Sauljevic qui était employé à la mairie. Il y en avait certains
19 également qui étaient du tribunal.
20 A plusieurs reprises, j'ai vu le fils de Dragan… Non pas Dragan, le fils
21 de Dragan, oui, Zivko, qui jusqu'à récemment était président du tribunal à
22 Prijedor. Il m'a également interrogé. Puis Tomic qui était le procureur et
23 qui est venu à plusieurs reprises. Je ne le connaissais pas bien à
24 l'époque mais on me l'a montré par la suite, et il y avait certaines
25 personnes que je ne connaissais pas du tout. Personne ne les connaissait
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1 beaucoup, après tout.
2 J'ai demandé à certaines de ces personnes… J'ai demandé qui étaient ces
3 personnes et on nous a dit qu'elles étaient de Banja Luka et qu'elles
4 procédaient à des interrogatoires et procédaient à des enquêtes plus
5 approfondies. C'est ce que Sefik Terzic m'a dit. Ils m'ont dit qu'ils les
6 avaient interrogées, ces personnes qui les avaient interrogées venaient de
7 Banja Luka mais étaient venues également avec ceux de Prijedor.
8 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, peut-être que ce
9 serait un moment qui convient pour suspendre la séance?
10 M. le Président (interprétation): Certainement, certainement. Nous
11 suspendons donc la séance pour 25 minutes et nous reprendrons
12 immédiatement après. Je vous remercie.
13 (La séance, suspendue à 10 heures 25, est reprise à 11 heures.)
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Murselovic, les interprètes
15 nous signalent qu'ils ont énormément de difficultés à vous suivre, compte
16 tenu de votre débit très rapide. Et de ce fait, le compte rendu d'audience
17 comporte un très grand nombre d'erreurs, et ceci n'est pas du tout dû aux
18 interprètes. Nous vous demandons donc de bien vouloir parler plus
19 lentement et de fournir des réponses aussi brèves que possible parce que,
20 dans le cas contraire, vous ne nous aiderez en rien.
21 M. Waidyratane (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
22 Monsieur Murselovic, avant notre pause, vous parliez des interrogatoires.
23 Je souhaiterais à présent passer plus précisément à la question des
24 interrogatoires, et je vous demanderai d'être aussi bref que possible dans
25 vos réponses.
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1 Monsieur Murselovic, avant d'être transféré à Manjaca, vous l'avez dit à
2 l'occasion de vos dépositions précédentes et aujourd'hui également, vous
3 nous avez dit donc que vous aviez été tenu dans un endroit que vous
4 appelez "le garage", qui se trouvait dans le bâtiment de la cantine; est-
5 ce exact?
6 M. Murselovic (interprétation): Oui.
7 Question: Et vous mentionnez le nom d'une personne, Eso Sadekovic, au
8 moment de votre transfert à Manjaca. Est-ce que c'était le 6 août 1992?
9 Est-ce là la date de votre transfert à Manjaca?
10 Réponse: Oui.
11 M. Waidyaratne (interprétation): Vous avez également indiqué, au cours des
12 procès précédents, quel avait été votre parcours entre Omarska et Manjaca.
13 Dans vos dépositions précédentes, vous en avez parlé. Au cours de ce
14 transfert, connaissiez-vous ou avez-vous vu les personnes suivantes: Dedo
15 Crnalic, Nazir Krak et "Djuzin" dont le vrai nom est Babic? Pourriez-vous
16 nous expliquer, ou expliquer brièvement à la Chambre, ce qui est arrivé à
17 ces gens-là au moment où vous êtes arrivé à Manjaca?
18 M. Murselovic (interprétation): Nous avons passé la journée toute entière,
19 journée du 6 août, en déplacement. Nous sommes arrivés vers 10 heures du
20 matin à Omarska. Nous avons été conduits dans Omarska et, vers 10 heures,
21 nous sommes arrivés à Manjaca. Nous nous sommes arrêtés à maintes
22 reprises. Il faisait très chaud. Nous sommes arrivés le soir. Il faisait
23 nuit. On nous a laissé dans les bus jusqu'au lendemain matin, avec le
24 chauffage allumé, toutes les portes et les fenêtres fermées. On ne nous a
25 pas autorisés à quitter le bus.
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1 Puis, ils ont pris Dedo Crnalic, ils l'ont sorti du bus. Il l’ont appelé
2 et lui ont dit de sortir. Quelqu'un l'a appelé, je ne sais pas qui. Et ils
3 ont commencé à le frapper immédiatement. Il faisait nuit, donc on ne
4 voyait pas grand-chose et nous étions couchés en-dessous des sièges. Puis,
5 au bout d'un certain temps, quelqu'un a jeté Dedo devant et c'est là qu'il
6 est resté couché, devant la porte. Monsieur Nezir Krak n'était pas dans
7 mon bus. Il était dans l'autre bus. On a entendu qu'on appelait son nom.
8 On lui demandait de sortir, ce qu'il a fait.
9 Et puis le lendemain matin, lorsque nous sommes sortis du bus, j'ai vu que
10 Dedo était toujours couché devant la porte avant du bus, et il semblait
11 inanimé. Il ne semblait pas être vivant. C’est ce que l’on m’a dit.
12 Lorsque nous nous sommes mis en rang, quelqu'un a reconnu un jeune homme,
13 Sejo Babic, Sejo ou Sead, mais tout le monde l'appelait "Djuzin". Ce nom
14 lui vient de sa sœur aînée. Quelqu'un l'a éloigné un peu du reste du
15 groupe et, ensuite, on a appris qu'il avait été tué. Nous étions tous
16 debout et puis on a commencé à nous appeler par nos noms. Le commandant du
17 camp est apparu -et c'est à ce moment-là qu'on s'est aperçu que nous
18 étions arrivés à Manjaca-, Bozidar Popovic -je crois que c'était son nom-,
19 et il a dit: "Ces morts, ça ne m'intéresse pas mais les gens qui sont en
20 rang ici, amenez-les à l'intérieur."
21 Ensuite, on nous a informés que certains des corps avaient été conduits à
22 Prijedor dans les bus. Et M. Dedo Crnalic, eh bien, son enterrement s'est
23 fait cette année, cet été parce qu'il était… son corps flottait dans la
24 rivière Vrbas. Quelqu'un l'a reconnu. On l'a exhumé cette année. Et on l'a
25 enterré au cimetière de Prijedor. Tandis que les autres n'ont pas encore
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1 été exhumés, ils n'ont pas été trouvés non plus.
2 M. le Président (interprétation): Un petit instant parce qu'au compte
3 rendu, il est indiqué: "This year and this year.": cette année et cette
4 année. "Son enterrement était cette année, cet été parce que son corps
5 flottait dans la rivière Vrbas. Quelqu'un l'a reconnu. Il a été exhumé
6 cette année et enterré au cimetière de Prijedor.".
7 Alors en d'autres termes, il a été repéré flottant dans la rivière Vrbas,
8 mais quand? Peu après son arrivée à Manjaca? Et comment l'avez-vous
9 appris, cela?
10 M. Murselovic (interprétation): Ces corps inanimés ont été conduits par
11 bus et on les a jetés dans la rivière Vrbas au retour. C'est ce qu'on a
12 appris plus tard. Et puis, quelque part à proximité de Banja Luka -je ne
13 sais pas exactement où-, on les a enterrés dans un cimetière, ces corps
14 non identifiés. Puis ensuite, il y a eu une exhumation, et cette
15 exhumation a eu lieu cette année parce que les familles voulaient que M.
16 Crnalic soit exhumé, et il l'a été. Et ensuite, il a été ré-enterré dans
17 un cimetière à Prijedor. Cela, c'était cette année, dix ans plus tard
18 donc.
19 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre.
20 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
21 Monsieur Murselovic, combien de temps avez-vous passé à Manjaca? Combien
22 de temps avez-vous été détenu à Manjaca?
23 M. Murselovic (interprétation): Je suis resté à Manjaca jusqu'au 14
24 novembre 2002, date à laquelle, par l'intermédiaire de la Croix-Rouge,
25 nous avons été transférés à Karlovac dans la République de Croatie.
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1 Question: Monsieur Murselovic, vous avez parlé d'exhumation. Suite à votre
2 retour à Prijedor, avez-vous participé à des activités d'exhumation dans
3 la municipalité de Prijedor?
4 Réponse: Je n'y ai pas participé directement, mais j'ai participé à
5 l'enterrement des corps exhumés. Parce que la commission fédérale établie
6 pour repérer les personnes portées disparues cherche depuis 1998 et
7 jusqu'à ce jour les personnes portées disparues. Et à Prijedor, nous avons
8 publié un registre des personnes portées disparues. Cela a trait à des
9 personnes qui ont disparu sans laisser de traces, qui sont portées
10 disparues. Et ce livre des personnes disparues de Prijedor s'arrête au
11 chiffre 3280 ou quelque chose comme cela, mais les rapports sont encore en
12 cours de rédaction parce qu'il y a des familles entières qui ont été
13 portées disparues et personne n'en a fait rapport, personne ne l'a
14 signalé.
15 Mais depuis 1998 -et je fais référence ici à la commission pour les
16 personnes portées disparues et leur identification, exhumer des personnes
17 portées disparues-, aujourd'hui un grand nombre des citoyens de la
18 municipalité de Prijedor ont été exhumés, un grand nombre de Bosniens et
19 quelques Croates, entre 1.500 et 1.600 ont d'ores et déjà été exhumés. Sur
20 ces 1.500, 1.600, environ 1.000 individus ont été identifiés. Un grand
21 nombre de familles, de proches ont fourni des échantillons pour analyse
22 ADN aux fins d'identification des victimes, et ce processus
23 d'identification des victimes est encore en cours aujourd'hui, à l'heure
24 où je vous parle.
25 Et je dois dire que la dernière fosse commune a été trouvée l'année
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1 dernière dans la région de la mine de minerai de fer Jakarina Kosa. C'est
2 une fosse, une fosse commune secondaire, pense-t-on, parce que les corps y
3 ont été transférés depuis un autre endroit. Et la commission aux personnes
4 portées disparues et les représentants de la communauté internationale ont
5 exhumé quelque 380 corps de cette fosse ainsi qu'un certain nombre de
6 parties de corps, de membres qui n'ont rien à voir avec les corps auxquels
7 je faisais référence avant.
8 L'enterrement n'a pas eu lieu encore. Et nous pensions que peut-être à la
9 fin de cette année-ci ou peut-être au début de l'année prochaine, on les
10 enterrera dans les cimetières de Prijedor et des environs, conformément au
11 souhait exprimé par les familles -je parle ici des personnes qui ont été
12 identifiées.
13 Question: Pour quitter le camp d'Omarska, au cours de votre détention, que
14 pouvez-vous nous dire de l'existence du camp, de son organisation, de la
15 manière dont il était géré au jour le jour?
16 Réponse: Je pense qu'à vrai dire le camp était très bien organisé. Et je
17 dois dire que l'on apportait des vivres une fois par jour. Les services de
18 restauration sociale de Ljubija. J’ai reconnu certains de ceux qui
19 participaient au transport des vivres. Et le camp lui-même se trouvait
20 dans les mines de minerai de fer de Ljubija. Les gardes arrivaient et ils
21 travaillaient en équipes de 12 heures. Ensuite, ils étaient libres pendant
22 24 heures. Nous savions donc toujours quels seraient les gardes qui
23 feraient partie de quelle équipe à quel moment. La tournante ne changeait
24 pas. Tous les jours, de manière régulière, les enquêteurs venaient, les
25 interrogateurs venaient. Ils venaient à bord de petits bus. Ils arrivaient
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1 vers 8 heures, plus ou moins, 8 heures du matin, et repartaient vers 4 ou
2 5 heures, peut-être 6.
3 A proximité des locaux où nous étions détenus, il y avait des gardes. Ils
4 étaient organisés et puis on voyait des gardes un peu plus loin aussi.
5 Donc on peut dire, sans peur de se tromper, que l'organisation était
6 impeccable et que le tout fonctionnait très bien. Les interrogatoires
7 avaient lieu. Ils suivaient un certain ordre, en fonction de l'endroit où
8 étaient détenus les prisonniers. Je peux donc en tirer la conclusion que
9 le camp était bien organisé. Et peu après notre arrivée, le 30, tout
10 fonctionnait très bien. Lorsque nous sommes arrivés au camp d'Omarska, le
11 30 mai, il fonctionnait déjà très bien.
12 Question: Est-ce que vous avez vu des corps inanimés gisant à proximité de
13 l'endroit où vous vous trouviez et qui, ensuite, ont été retirés?
14 Réponse: Oui, au cours de la journée, on tuait parfois une personne, ou
15 quelqu'un était ramené après l'interrogatoire, qui mourait parmi nous dans
16 la pièce où on était détenus. Mais la plupart d'entre eux étaient appelés
17 par leur nom la nuit. Les gardes appelaient des gens par leur nom et,
18 pendant toute la nuit, il se passait quelque chose et, d'une certaine
19 manière, on ne les a jamais revus en vie. D’une certaine manière,
20 lendemain matin vers 7 heures ou 8 heures, on voyait près de la maison
21 blanche des corps sans vie gisant sur le sol et puis une petite
22 camionnette ou fourgonnette apparaissait. C'était une fourgonnette avec
23 une cabine devant et il y avait une partie qui était consacrée au
24 transport de marchandises. C’est dans cette partie-là qu'on chargeait les
25 corps sans vie, cinq, six ou même sept et, ensuite, on les emmenait
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1 quelque part.
2 Ensuite, la fourgonnette revenait. Je ne sais pas, une demi-heure ou trois
3 quarts d'heure plus tard. Nous en sommes donc arrivés à la conclusion que
4 la fourgonnette n'emportait pas sa cargaison très loin.
5 Question: Monsieur Murselovic, je vous demanderai de vous rappeler un
6 incident: en l'occurrence, une réunion ou une rencontre qui a eu lieu à
7 Banja Luka lorsque vous étiez membre de l'assemblée de la chambre de
8 commerce à Banja Luka avant qu'éclate le conflit.
9 Réponse: Oui, j'étais membre de la principale assemblée commerciale. C'est
10 le nom que cette entité porte et, avant 1990, j'ai fondé une entreprise.
11 J'avais différents établissements de restauration et j'avais entre 14 et
12 15 employés. J'ai donc créé une entreprise, et je ne sais pas qui l'a
13 suggéré, mais j'ai été élu membre de l'assemblée de la chambre de commerce
14 de Banja Luka.
15 Question: Qui était le président de la chambre de commerce?
16 Réponse: Le président de la chambre de commerce de Banja Luka était Zvonko
17 Mersa. Je le connaissais bien parce qu'il est né à Sanski Most et, avant
18 de devenir directeur ou plutôt président de la chambre de commerce de
19 Banja Luka, il était directeur d'une grande entreprise qui s'appelait
20 "Krajinaturist", et qui regroupait et unifiait toutes les entreprises de
21 restauration sur le territoire de Banja Luka. C'était une sorte
22 d’organisation de travail qui réunissait toutes ces grandes entreprises.
23 Question: Monsieur Murselovic, au cours d'une réunion, d'un entretien à
24 Banja Luka, vous souvenez-vous avoir élu le président pour cette année-là?
25 Réponse: Je crois qu'un des mandats de M. Zvonko était arrivé à échéance
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1 et il a été présenté comme candidat par les entrepreneurs. On a proposé
2 qu'on lui confie un autre mandat. Une séance a été inscrite au calendrier.
3 Il y avait d'autres points à l'ordre du jour de la réunion prévue mais je
4 sais qu'un des points à l'ordre du jour était l'élection du président de
5 l’assemblée de la chambre de commerce de Banja Luka. Le nom de Zvonko
6 Mersa a été proposé par les entrepreneurs. Nous étions membres de la
7 chambre de commerce. On a donc proposé qu'il soit réélu comme président.
8 Question: En quelle année? Vous souvenez-vous?
9 Réponse: Je crois que c'était vers la fin de 1991, novembre ou décembre
10 peut-être. En tout cas, je suis certain ou presque que c'était vers la fin
11 de 1991. Je ne crois pas que c'était en 1992 parce qu'il ne se passait pas
12 grand-chose à Prijedor à ce moment-là. Donc j'ai du mal à établir un lien
13 avec autre chose. Mais je suis presque certain que c'était à la fin de
14 1991.
15 Question: Lorsque l'on a proposé le nom de cette personne pour élection au
16 poste de président, vous souvenez-vous de ce qui s'est passé au cours de
17 cette réunion?
18 Réponse: Nous, entrepreneurs, nous étions tous assis. Il y avait parmi
19 nous un certain nombre de gens que je connaissais. Et puis, M. Radoslav
20 Brdjanin est apparu -on ne sait même pas d'où. Il était accompagné de deux
21 ou trois hommes, et ils ont proposé que le président de la chambre de
22 commerce de Banja Luka soit un de leurs candidats. Je ne sais plus quelle
23 est la personne dont ils ont proposé le nom. Mais M. Brdjanin a voulu
24 prendre la parole à plusieurs reprises. Et il insistait pour que… enfin,
25 il insistait en disant que le SDS était le parti leader à Banja Luka. Il a
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1 indiqué qu'il était indispensable d'avoir un candidat qui soit élu suite à
2 la proposition du Parti démocratique serbe.
3 Les entrepreneurs, les petits commerçants ont participé à cette discussion
4 et ils n'étaient pas d'accord avec cette façon de voir les choses. Et très
5 franchement, c'était la première fois que je voyais M. Brdjanin, pour être
6 honnête. Et je voulais savoir qui il était, j'ai donc posé la question:
7 "Qui est cet homme?" On m'a dit que c'est un ingénieur de Celinac, membre
8 de l'équipe dirigeante du SDS, etc. Mais suite à plusieurs discussions,
9 nous n'avons pas accepté la proposition de M. Brdjanin et nous avons élu
10 la personne dont nous avions proposé le nom, M. Zvonko Mersa. Nous l'avons
11 donc réélu.
12 Monsieur Brdjanin a quitté la salle en signe de protestation, accompagné
13 de ces hommes. Et c'est comme cela que l'incident était clos. C'était la
14 première fois que j'avais vu cette personne. Très franchement, je ne l'ai
15 jamais plus revue, mais j'ai suivi ses apparitions dans la presse, à la
16 télévision. J'étais bien informé. Mais après cela, je ne l'ai plus jamais
17 revu jusqu'à aujourd'hui.
18 Plus tard, lorsque j'ai eu des contacts avec M. Zvonko Mersa, je l'ai vu à
19 la fin de 1992, début 1993 à Zagreg, je l'y ai rencontré, et je lui ai
20 posé la question, je lui ai dit: "Que s'est-il passé après?" Il m'a
21 répondu: "Deux ou trois mois plus tard, on m'a remplacé.". J'y aussi vu M.
22 Zvonko à Sanski Most et à Zagreb récemment.
23 Question: Monsieur Murselovic, au cours du procès Stakic, de l'affaire
24 Stakic, vous souvenez-vous que vous avez présenté au Tribunal de première
25 instance un document qui fut ensuite versé comme pièce à conviction, et ce
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1 document était en votre possession? Vous en souvenez-vous?
2 M. Murselovic (interprétation): Oui.
3 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, puis-je remettre
4 ce document à M. Murselovic?
5 M. le Président (interprétation): Oui.
6 M. Waidyaratne (interprétation): Il porte la cote 45A dans l'affaire
7 Stakic, et dans cette affaire-ci il portera la cote P255, si je ne
8 m'abuse. Et puis, il y a un autre document qui porte la cote S45 dans
9 l'affaire Stakic.
10 (La Greffière cherche les documents.)
11 (Intervention de l'huissière.)
12 M. le Président (interprétation): Madame l'Huissière, pourriez-vous, s'il
13 vous plaît, placer le texte en langue anglaise sur le rétroprojecteur?
14 Très bien.
15 Oui, posez votre question, Maître Waidyaratne.
16 M. Waidyaratne (interprétation): Connaissez-vous ce document? Est-ce que
17 vous l'avez déjà vu auparavant?
18 M. Murselovic (interprétation): Oui, en effet.
19 Question: Pourriez-vous dire aux Juges de la chambre de quelle façon vous
20 avez pu prendre connaissance, voir ce document?
21 Réponse: Je l'ai vu après la guerre. Quelqu'un que je connaissais, un
22 Serbe, m'a apporté ce document. En réalité, cela avait quelque chose à
23 voir avec M. Stakic car, au verso de ce document, on y voit la signature
24 de M. Stakic. Et cette décision, signée par M. Brdjanin de l'autre côté,
25 donc au verso, elle est acceptée. Je ne sais plus ce qui est écrit
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1 exactement, mais toujours est-il que c'était le président de la cellule de
2 crise de la municipalité de Prijedor, le Dr Milomir Stakic, qui avait
3 signé le verso du document. Et c’est à ce moment-là que j'ai vu le texte
4 de cette décision signée par M. Brdjanin et, là, je suis en train
5 d'examiner une photocopie de cette décision.
6 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais
7 présenter le document S46B. C'est un document de l'affaire Stakic avec un
8 numéro ERN 00633171.
9 M. le Président (interprétation): Allez-y.
10 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
11 Monsieur Murselovic, est-ce bien le document dont vous venez de parler? Le
12 document que vous avez présenté aux Juges de la Chambre de première
13 instance siégeant dans l'affaire Stakic?
14 M. Murselovic (interprétation): Oui, en effet.
15 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, j'ai la traduction
16 en langue anglaise de ce même document qui portait la cote.... C'était la
17 pièce à conviction n°S46A dans l'affaire Stakic. On peut, si vous le
18 souhaitez, placer ce document sur le rétroprojecteur.
19 (Intervention de l’huissier.)
20 Merci, Monsieur le Président. On m'a dit qu’il faudrait attribuer une cote
21 à ce document.
22 M. le Président (interprétation): Oui, en effet, il s'agit de références
23 croisées, donc je pense que, normalement, il devrait s'agir d'un document
24 ayant une cote semblable à P154 et, ensuite, cette cote devrait être
25 suivie de la cote attribuée dans l'affaire Stakic.
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1 M. Waidyaratne (interprétation): Est-ce que cela peut être le document
2 P154/2?
3 M. le Président (interprétation): S46A.
4 M. Waidyaratne (interprétation): 46A, en effet
5 M. le Président (interprétation): Oui, c'est le dernier document que nous
6 avons vu. Donc on va commencer par le début: P1542/45A sera la cote
7 attribuée au premier document auquel vous faites référence.
8 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
9 M. le Président (interprétation): Ensuite, la version en langue BCS, en
10 cyrillique, porte la cote qui se termine par /S45B.
11 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, très bien merci.
12 M. le Président (interprétation): Et donc le document qui, dans l'affaire
13 Stakic, portait la cote S45-1A, deviendra la pièce P1543/45-1A.
14 M. Waidyaratne (interprétation): Je pense que ceci devrait être la pièce
15 P1542.
16 M. le Président (interprétation): Vous gardez le 1542?
17 M. Waidyaratne (interprétation): C'est la même pièce à conviction.
18 M. le Président (interprétation): Pas de problème. Ensuite, le document
19 suivant, en cyrillique évidemment, portera la cote qui se termine par
20 /S45-1B. Cela vous va?
21 M. Waidyaratne (interprétation): Oui.
22 M. le Président (interprétation): Ensuite, la pièce S46A devient
23 P1542/S46A et B. Cela vous va?
24 M. Waidyaratne (interprétation): Un instant, s’il vous plaît. Donc le
25 numéro du transcript, c’est P1542?
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1 M. le Président (interprétation): Oui, oui, oui.
2 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
3 M. le Président (interprétation): Ensuite, le document qui se termine… Le
4 document S46B et S… et celui qui suit, qui est identique en serbo-croate,
5 deviendra S461B.
6 Vous pouvez continuer votre interrogatoire, Maître Waidyaratne.
7 M. Waidyaratne (interprétation): En ce qui concerne ce document qui a été
8 signé par le président Radoslav Brdanin, pourriez-vous lire l'intitulé de
9 ce document? Il s'agit donc du document 45A.
10 M. Murselovic (interprétation): L'intitulé, c'est "la décision". Ensuite,
11 en en-tête, on voit un numéro, une date et, ensuite, ce qui est écrit,
12 c’est "décision". Donc c'est l'intitulé. C'est une décision.
13 Question: Vous n'avez pas besoin de lire le document puisqu'il parle pour
14 lui-même. De quelle façon avez-vous eu pu vous procurer ce document? A
15 quel comment?
16 Réponse: J'ai vu ce document pour la première fois à un moment donné en
17 l'an 2000 ou 2001 quand un citoyen de Prijedor m'a apporté ce document.
18 Car nous étions en train de discuter dans mon bureau. Il m'a demandé si
19 j'avais vu cette décision. Et moi, je pensais bien qu'il y en avait, des
20 décisions comme celle-ci. On en a beaucoup parlé. Mais moi, je ne l'avais
21 jamais vue. Et c'est là qu'il me l'a montrée et qu'il m'a proposé de la
22 garder, si je voulais bien, et je l'ai prise, en effet.
23 D'un côté, il y avait donc le texte de cette décision, la décision prise
24 par la cellule de crise de Banja Luka avec la signature de Brdjanin. Et de
25 l'autre côté, au verso du document, ce n'était pas une décision, mais on y
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1 voyait donc la signature de M. Milomir Stakic et on voyait bien qu'il y
2 avait un lien très étroit entre les deux textes. Je vous dis donc au verso
3 du document, il y avait un texte avec en-tête "la cellule de crise de la
4 municipalité de Prijedor" et en bas la signature de Milomir Stakic.
5 Et cette décision de Milomir Stakic se réfère à la décision prise, enfin
6 signée par Radoslav Brdjanin. Et en ce qui concerne les dates, eh bien, il
7 y en a une qui est en date du 22 juin, alors que l'autre décision, la
8 décision signée par le Dr Stakic, a été prise le lendemain, un jour plus
9 tard.
10 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur le Président, avec ceci se
11 termine l'interrogatoire principal. Je ne sais pas s'il convient de
12 présenter les documents que je souhaite verser au dossier maintenant ou
13 bien est-ce que nous allons le faire plus tard parce que je ne suis pas
14 tout au fait au courant des habitudes que vous avez prises dans ce procès?
15 M. le Président (interprétation): Ecoutez. Je préfère que vous le fassiez
16 tout de suite, comme cela les choses vont plus vite. Si vous le souhaitez
17 donc, peut-être que nous allons pouvoir commencer le contre-
18 interrogatoire, et dès que vous êtes prêt, vous me le dites.
19 M. Waidyaratne (interprétation): Ecoutez. Après le contre-interrogatoire,
20 je vais être prêt pour demander le versement au dossier.
21 M. le Président (interprétation): Très bien. Je pense que maintenant c'est
22 le tour de Me Trbojevic.
23 Monsieur le Témoin, c'est Me Trbojevic qui va vous poser ses questions. Il
24 s'agit donc du contre-interrogatoire.
25 M. Trbojevic (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas beaucoup
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1 de questions à poser. Tout ceci durera une demi-heure, pas plus. Donc si
2 vous le voulez bien, on pourrait faire une pause maintenant et ensuite je
3 pourrai poser mes questions.
4 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Maître Trbojevic, c'est comme
5 vous voulez. Vous savez, normalement, la prochaine pause est prévue dans
6 45 minutes. Vous faites donc comme vous voulez. Soit vous commencez tout
7 de suite, vous posez vos questions et ensuite on prend la pause, ou bien
8 vous demandez de vous accorder une pause brève pour vous préparer et vous
9 la prenez. A ce moment-là, je vous l'accorde, et ensuite vous continuez
10 avec votre contre-interrogatoire.
11 M. Trbojevic (interprétation): Non, non. Merci, Monsieur le Président.
12 C'est très gentil de votre part, mais je n'ai pas besoin de pause à
13 présent.
14 M. le Président (interprétation): Très bien. Ecoutez, nous avons tout
15 notre temps. Si j'ai bien compris, nous n'avons pas d'autre témoin plus
16 tard.
17 Mme Richterova (interprétation): Non, en effet, Monsieur le Président,
18 nous n'avons pas d'autre témoin pour aujourd'hui. C'est notre dernier
19 témoin.
20 M. le Président (interprétation): Très bien. Le témoin est à vous, vous
21 pouvez commencer votre contre-interrogatoire.
22 M. Trbojevic (interprétation): Bonjour, Monsieur Murselovic. Eh bien, vous
23 nous avez fourni des réponses longues et détaillées, mais moi je vais vous
24 poser tout de même quelques questions, et j'aurai besoin peut-être de
25 quelques explications supplémentaires. C'est la nature de mon travail.
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1 M. le Président (interprétation): L'interprète vient d'attirer mon
2 attention sur le fait que vous êtes un petit peu trop loin du microphone,
3 Maître Trbojevic.
4 Et il y a une autre chose que je voudrais vous dire, peut-être pas à
5 l'attention de Me Trbojevic, mais plutôt pour vous, Monsieur le Témoin.
6 Vous parlez tous les deux la même langue et donc parfois vos propos se
7 chevauchent et il est difficile de les traduire. Donc veuillez respecter
8 une pause entre les questions posées et les réponses fournies de sorte que
9 vos propos ne se chevauchent pas et que ceci ne complique pas le travail
10 des interprètes.
11 Maître Trbojevic, c'est à vous.
12 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Muharem Murselovic, par Me
13 Trbojevic.)
14 M. Trbojevic (interprétation): Donc après les élections multipartites, il
15 y a une coalition des parties ethniques qui ont créé un gouvernement de
16 coalition. Ils ont élu des députés dans l'assemblée. Et tout ceci a
17 fonctionné plus ou moins bien en 1991, n'est-ce pas?
18 M. Murselovic (interprétation): Eh bien, oui, il y avait une apparence de
19 fonctionnement, c'est ce qu'on faisait croire. Il y avait quelques
20 fonctions de base de l'assemblée qui étaient accomplies. Il y a eu des
21 sessions, en effet, avec quelques pauses, mais on peut dire que, plus ou
22 moins, cela a fonctionné.
23 Question: Et la situation politique générale qui prévalait dans l'ex-
24 République socialiste fédérative de Yougoslavie a changé, n'est-ce pas,
25 après ces élections multipartites?
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1 Réponse: Il y avait la guerre en Croatie. L'ex-armée yougoslave, enfin ce
2 qui était l'armée yougoslave à l'époque, et ses unités de réserve se sont
3 rendues sur le théâtre des opérations en Croatie. Il y avait des unités de
4 Prijedor qui étaient déployées à Lipik, en Slavonie en général. Et donc on
5 peut dire, en effet, que c'était un temps de guerre, pour ainsi dire.
6 Et à Prijedor, on pouvait ressentir cela à travers un sentiment général
7 d'insécurité: quelques échanges de tirs, le harcèlement., etc. Donc il est
8 vrai que l'assemblée a réussi à tenir ses sessions, mais on ne peut pas
9 dire que ces sessions étaient vraiment utiles.
10 Question: Puisque vous étiez député, vous étiez actif dans la politique,
11 je veux profiter de vos connaissances en la matière pour vous demander
12 s'il n'est pas exact que même la présidence de l'ex-RSFY s'est dissoute et
13 que même l'assemblée fédérale s'est trouvée bloquée, dans l'impossibilité
14 de fonctionner?
15 Réponse: Eh bien, la présidence de la Yougoslavie -vous savez, il s'agit
16 là d'une politique de haut vol-, eh bien, à l'époque, cette assemblée et
17 cette présidence n'étaient pas encore dissoutes, démantelées. Mais les
18 problèmes étaient permanents et persistants.
19 Cette présidence fonctionnait encore à cette époque-là. Les présidents de
20 nos Républiques respectives voyageaient partout en Yougoslavie pour
21 essayer de trouver une solution pour préserver, pour conserver la
22 Yougoslavie. Et c'était là la source de problèmes, car ils n'arrivaient
23 pas à trouver une solution.
24 Il y en avait qui voulaient quitter l'Etat fédéral de Yougoslavie,
25 d'autres qui voulaient le préserver. Mais vous savez, l'époque était comme
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1 cela. Et entre-temps, dans la deuxième moitié de 1991, la guerre a éclaté
2 en Croatie.
3 Question: Mais la Constitution de la RSFY était toujours en vigueur?
4 Réponse: Non, effectivement, on ne pouvait pas changer la Constitution.
5 Question: Et le rôle principal de la Constitution était de préserver
6 l'intégrité territoriale?
7 Réponse: C'est ce qui était écrit dans la Constitution.
8 Question: Et donc le fait que l'armée est intervenue en Slovénie et en
9 Croatie, eh bien, c'était en accord avec la Constitution?
10 Réponse: Eh bien, moi, je vois les choses de la façon suivante. Après les
11 premiers incidents survenus en Slovénie -et vous vous en souvenez, j'en
12 suis sûr, car on en a beaucoup parlé dans les médias-, il y avait un
13 soldat, un Bosniaque qui a dit à l'époque: "Nous, on les défend alors
14 qu'ils nous attaquent".
15 Vous vous souvenez sans doute de cette phrase mémorable. Et là, on a très
16 bien compris que cette politique ne pouvait pas durer, qu'on n'allait pas
17 pouvoir garder cet Etat. Et déjà quelques politiques serbes ont commencé à
18 faire des déclarations indiquant qu'ils voulaient préserver des régions
19 ethniques habitées par les Serbes. Et les membres des autres groupes
20 ethniques ont commencé à quitter l'armée populaire yougoslave.
21 Et, d'ailleurs, immédiatement après le début du conflit en Croatie, en
22 1991, l'armée populaire yougoslave s'est vidée, pour ainsi dire, des
23 soldats appartenant aux autres groupes ethniques.
24 Et nous, nous croyions tous que, si la Croatie est partie et si la
25 Slovénie est partie, et si la Croatie donc a refusé de faire partie de
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1 cette association d'Etats, eh bien, la Bosnie-Herzégovine n'y avait plus
2 sa place non plus puisque les Serbes devaient avoir une place d'autorité.
3 Ils devaient dominer les autres nations au sein de cette nouvelle
4 structure tronquée.
5 Question: Donc si l'on peut dire que c'est là que l'on puise les raisons
6 des désaccords survenus au sein des députés de l'assemblée municipale de
7 Prijedor, vous serez d'accord?
8 Réponse: Eh bien, on peut dire que leurs opinions étaient à un tel point
9 divergentes qu'ils ne pouvaient pas se mettre d'accord, tout simplement.
10 Je peux vous dire que, par exemple, on a demandé à notre assemblée
11 municipale, et je dois le dire… donc c'est le Parti démocratique serbe qui
12 a demandé à l'assemblée municipale de prendre une sorte de décision, de
13 déclaration selon laquelle on souhaitait rester en Yougoslavie pour
14 soutenir en quelque sorte ce processus. Et le parti du SDA ne pouvait pas
15 être d'accord avec cela, tout comme nous, les députés. Car à l'époque, je
16 croyais -et je le crois toujours- que la Yougoslavie ne peut pas exister
17 sans la Slovénie, la Croatie. Et pour moi, ce n'est plus la Yougoslavie.
18 Car en 1918, au moment où la Yougoslavie a été créée en tant que royaume
19 des Serbes et des Croates et des Slovènes...
20 Question: Vous êtes d'accord qu'il ne faut pas aller trop loin dans le
21 passé.
22 Réponse: Oui, oui, bien sûr.
23 Question: Donc vous dites qu'il y avait des différences insurmontables. Il
24 fallait décider s'il fallait répondre ou non aux appels de mobilisation.
25 Là encore, on voit la différence de positions politiques prises au niveau
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1 du SDS et du SDA.
2 Réponse: Oui, en effet.
3 Question: Vous souvenez-vous d'une affaire qui est survenue à ce moment-
4 là? Il s'agissait donc de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine multipartite,
5 on a commencé une discussion portant sur la protection des intérêts
6 nationaux, vitaux. Donc c'était au moment où il y a eu la prise de
7 serment, la Constitution, etc. Il y a eu des discussions pour préparer le
8 texte d'une nouvelle Constitution, et on a parlé de la protection des
9 intérêts cruciaux, vitaux de la nation. Vous vous souvenez de tout cela?
10 Réponse: Oui, c'est ce qui existe aujourd'hui dans la Constitution. Nous
11 l'avons aujourd'hui ce texte-là.
12 Question: Et ensuite la guerre a commencé et tout cela s'est terminé,
13 n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Bien. Nous allons revenir sur la situation dans la municipalité.
16 Donc les soldats reviennent de la guerre, armés. Il y en a qui sont
17 choqués, il y en a qui ont peur. Il y en a qui font valoir leurs forces.
18 Pas mal de choses se passent dans la ville. Vous en avez parlé.
19 N'est-il pas exact qu'en ce qui concerne la situation économique, avec
20 l'interruption des flux d'argent avec la Slovénie et la Croatie -donc les
21 pays membres… étaient interrompus quand la guerre a commencé, n'est-il pas
22 exact qu'il est devenu très difficile de continuer à faire du commerce en
23 Yougoslavie? Donc l'économie était bloquée pour ainsi dire?
24 Réponse: Absolument. Vous avez parlé d'un détail, vous avez dit que des
25 guerriers revenaient du front. Et vous savez, nous voyions les choses
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1 d'une façon un petit peu idyllique. Je me souviens par exemple que M.
2 Slobodan Kuruzovic a fait venir une voiture de Croatie. Il y a plein de
3 gens qui ont fait venir plein de choses. Mais par exemple, lui, en
4 l'occurrence, il s'est approprié une superbe voiture de Croatie.
5 Nous, on n'arrivait pas à comprendre qu'en réalité il s'agissait de
6 pillage. On ne comprenait pas pourquoi, comment se faisait-il qu'il se
7 procurait cette voiture?
8 Et vous savez, en plus, il y avait l'inflation qui était galopante. Il y
9 avait des gens qui proposaient des dinars que l'on changeait dans la rue.
10 L'inflation était galopante et quotidienne. Les gens n'échangeaient que la
11 quantité d'argent dont ils avaient besoin jusqu'à midi. Et dans l'après-
12 midi, il fallait changer à nouveau car les cours changeaient, et on
13 pouvait perdre de l'argent si on changeait tout d'un coup. Et on disait
14 d'ailleurs, il y avait des gens qui disaient que l'argent était amené par
15 l'armée, que l'argent était apporté par des camions militaires, et
16 qu'ensuite, on l'échangeait contre des devises (Inaudible). Evidemment,
17 les salaires ne valaient plus grand-chose et les entreprises ne pouvaient
18 pas fonctionner.
19 Question: Et en plus, il y avait ces soldats, ces appelés partis sur le
20 front, ce qui faisait que les postes n'étaient pas pourvus.
21 Réponse: Oui, et puis on manquait de tout: d'essence, de denrées
22 essentielles. Et je dois dire que les Bosniens et les Croates n'ont pas
23 répondu aux appels à la mobilisation. Et puis, on nous demandait que l'on
24 remette nos armes. Ce qui était surtout difficile pour la population,
25 c'est que ces soldats, quand ils revenaient du front en passant par Banja
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1 Luka, Prijedor, Gradiska, on disait que l'on ne pouvait pas marcher dans
2 la rue à cause de toutes ces douilles, de toutes ces balles dont étaient
3 pavées les routes. On tirait le long de la nuit. Et il régnait dans la
4 ville une ambiance de peur et d'insécurité.
5 Question: On dispose d'informations indiquant qu'au cours de l'année 1991,
6 on a distribué à la population les armes appartenant à la Défense
7 territoriale?
8 Réponse: Moi, je ne dispose pas de telles informations. Je ne sais pas à
9 qui on a distribué ces armes, mais je sais qu'on a armé de façon intense
10 les villages habités par les Serbes, alors que les Bosniens ne disposaient
11 pas d'armes, ils n'avaient pas d'armes. Mais c'est vrai que tout le monde
12 essayait de s'acheter une arme. Il y avait des gens qui vendaient des
13 armes et d'autres qui en achetaient. Par exemple, il y avait des gens qui
14 revenaient du front et qui vendaient leurs armes.
15 Et un voisin m'a dit: "Ecoute, Murselovic, n’essaie même pas d'acheter une
16 arme d'un soldat serbe car il va prendre ton argent et, ensuite, il va
17 noter le numéro de l’arme qu'il a vendue.". C'est ce qu'il m'a dit. Et
18 heureusement qu'il me l’a dit. C'est vrai que, moi, je n'ai jamais eu
19 l'intention d'acheter une arme mais c'est vrai que tout cela était bien
20 organisé. Par exemple, quand on vend une arme à un Bosnien, eh bien, celui
21 qui a vendu garde l'argent mais note le numéro de l’arme et, ensuite,
22 quand cette personne remet les armes, quand tout le monde remet ces armes,
23 vous, la personne qui avait acheté, quand elle remet son arme, eh bien, on
24 sait d’où cette arme vient. De toute façon, les seules personnes qui
25 étaient censées remettre les armes, c'étaient les Bosniens et les Croates,
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1 pas les Serbes. Ils pouvaient les garder eux. Il y avait plein de choses
2 qui se passaient à ce moment-là.
3 Question: Est-ce qu'il y avait une activité quelconque concernant ces
4 armes? Est-ce qu'ils ont essayé d’empêcher cette distribution illégale
5 d'armes?
6 Réponse: Oui, oui, il y a eu des efforts. Ils ont essayé de le faire. Le
7 premier incident qui s'est produit, quand les Bosniens ont remis leurs
8 armes, c'était devant la municipalité. Et ils ne voulaient pas s'aligner,
9 ils ont juste laissé leurs armes devant l'immeuble. Il y avait beaucoup de
10 gens là-bas. Nous avons essayé de trouver une langue commune, d’arriver à
11 un accord. Mais à vrai dire, je n'ai pas vraiment participé à tout cela.
12 C'est vrai que j'étais un élu, un député mais je n'ai pas participé à tout
13 cela. Finalement, je ne voulais pas me mêler de tout cela.
14 M. Waidyaratne (interprétation): Est-ce que vous avez entendu parler des
15 soldats serbes qui ont perdu leur travail, qui ont été licenciés parce
16 qu'ils n'ont pas répondu à l'appel à la mobilisation.
17 M. Murselovic (interprétation): Peut-être qu'il y a eu de tels cas. Peut-
18 être qu'il y a eu un ou deux cas comme cela mais je ne pourrais pas les
19 compter sur les doigts d'une main. Je ne sais pas combien ils étaient. Il
20 y en a eu très peu sans doute car il y avait une propagande de guerre qui
21 a existé pendant toute cette période-là. On disait que les Serbes étaient
22 menacés, qu'ils devaient se défendre, etc.. On leur a dit qu'il ne fallait
23 pas que l’on répète les événements de 1941 mais c’est vrai qu’il y en a eu
24 quelques-uns qui n'ont pas répondu à ces appels. Plus tard, on m'a dit que
25 quelques personnes sont parties à Belgrade. Il y a eu quelques gens comme
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1 cela mais la plupart d'entre eux sont restés et sont partis sur le front
2 en Croatie.
3 Et puis, il a autre chose que je veux vous dire. Par exemple, dans la
4 presse locale, on publiait des articles. Et puis, il y avait des films qui
5 étaient montrés montrant le théâtre des opérations, les combats. Et puis,
6 vous savez, c'est là que j'ai entendu pour la première fois ce terme
7 "nettoyage ethnique". C’était un terme vraiment pas beau et je l’ai vu
8 dans Kozarski Vjesnik.
9 M. le Président (interprétation): Vous ne répondez pas à la question. Vous
10 faites une déviation bien longue, une digression. On vous a demandé s’il y
11 avait des soldats qui n’ont pas répondu à l’appel de la mobilisation. Vous
12 avez dit oui, eh bien, vous avez répondu à votre question.
13 M. Murselovic (interprétation): Très bien, merci.
14 M. Trbojevic (interprétation): Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire
15 qu'il y avait une possibilité légale, qu'il y a une procédure contre eux,
16 c'est-à-dire qu'ils pouvaient être poursuivis en justice pour cela?
17 M. Murselovic (interprétation): Oui.
18 Question: Et vous avez dit qu’à partir du 30 avril, quand le Parti
19 démocratique serbe a pris le pouvoir, eh bien qu'on a licencié toutes les
20 personnes appartenant à d'autres nationalités ayant des postes à
21 responsabilité?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Et les travailleurs, les ouvriers aussi?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Et vous êtes d'accord qu’à partir du 30 avril jusqu'au 22
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1 juillet, la date de cette décision que vous venez de regarder, la plupart
2 des remplacements ont déjà été faits?
3 Réponse: La plupart des dirigeants avaient été renvoyés de leur travail.
4 Et dans l'intervalle, un certain nombre d'entre eux avaient été emmenés
5 dans des camps. Ils ne sont pas venus travailler. Ils ne se sont pas
6 rendus à leur travail. Je pense que cette décision a créé cette situation
7 sur le terrain, la situation telle qu'elle existait.
8 Question: On a parlé de la nomination du chef de la police, et vous avez
9 donné des détails à ce sujet, et sur une question posée par la défense,
10 dans l'affaire Stakic. Je ne voudrais pas entrer dans cette discussion
11 maintenant mais nous avons un problème ici. Le chef de la police de la
12 municipalité doit être normalement désigné par le ministre de l'Intérieur,
13 d’après la loi. Vous dites que la municipalité avait son mot à dire et
14 devait ou bien donner son accord ou proposer quelque chose.
15 Réponse: Proposer, je ne sais pas.
16 Question: Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, donner quelques
17 éclaircissements supplémentaires à ce sujet? La loi dit que le chef de la
18 police doit être nommé par le ministre de l’Intérieur?
19 Réponse: C'est exact. Mais ceci est souvent purement formel. L'assemblée
20 désigne quelqu'un conformément aux propositions qui ont été faites par
21 certaines structures.
22 Question: Le ministre de l'Intérieur?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Vous avez dit que vous ne saviez pas si le chef de la police
25 devait rendre compte au conseil exécutif de la municipalité?
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1 Réponse: Je ne sais pas mais je crois que la coopération était très bonne
2 parce que, lorsque M. Simo Drljaca a été désigné, il a été nommé par la
3 municipalité serbe de Prijedor comme chef de la police aussi.
4 Question: Je voudrais maintenant vous poser des questions concernant la
5 propagande dont vous avez parlé. Vous avez dit quelque chose à ce sujet à
6 la page 4 de votre déposition de décembre 1997; c'est la première
7 déclaration. La date est inexacte, on lit "1992". A la page 4, dites-vous,
8 donc au sujet de cette propagande, vous dites qu'elle n'était pas
9 directement contre les non-Serbes, mais que les Musulmans étaient accusés
10 de ne pas avoir participé à la lutte contre les Oustachis et qu'on se
11 plaignait des événements qui avaient eu lieu en 1941 et ainsi de suite.
12 Est-ce que vous pouvez dire quoi que ce soit de plus en ce qui concerne
13 cette propagande?
14 Réponse: Eh bien, c'est une propagande qui était conduite avec beaucoup
15 d'intensité. On disait que les Serbes étaient en danger, qu'il ne fallait
16 pas permettre que ce qui s'était passé en 1941 se reproduise. Et
17 deuxièmement, il y avait une propagande constante pour dire que certains
18 des Bosniaques apparemment avaient tué des amis serbes. On avait dit qu'il
19 y avait une occasion dans laquelle le Dr Osman Mahmuljin était censé tuer
20 un de ses collègues, un médecin qui était souffrant, etc. Nous savions que
21 tout cela était faux. Des gens de Stubice devaient, par exemple, tuer des
22 voisins. Il y avait eu des listes qu'on avait diffusées. Et je suis sûr
23 que rien de tout cela n'était vrai et que d'aucuns étaient en train
24 d'inventer et de diffuser ce genre d'histoire.
25 Question: Lorsque vous avez parlé du Dr Stakic, quelques jours, un ou deux
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1 jours après le 30 avril, vous avez dit que parmi les questions que vous
2 lui avez posées, c'était de savoir si les partis politiques étaient
3 interdits?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Est-ce que cette question avait une raison particulière? Est-ce
6 qu'il y avait eu une annonce selon laquelle les partis politiques avaient
7 été interdits?
8 Réponse: Dès qu'il y a eu l'annonce qu'un parti prenait un pouvoir, dès
9 qu'il y a eu une proclamation de ce genre par rapport à un système
10 multipartite, il était évident que les autres partis étaient interdits
11 parce qu'il y aurait emploi de la force pour prendre le pouvoir. Et dans
12 cette annonce, tout était dirigé à l'encontre du SDA. Notamment, j'avais
13 demandé ce que cela voulait dire: "Est-ce qu'il est interdit de
14 travailler? Est-ce que le parlement va continuer à fonctionner? -J'étais
15 intéressé de savoir s'il allait fonctionner- Est-ce qu'on pourrait
16 travailler par des associations? Les entreprises pourront-elles
17 travailler? Est-ce qu'on pourra obtenir du carburant? Est-ce que les
18 magasins seront ouverts? Est-ce que quoi que ce soit fonctionnera?". Voilà
19 ce à quoi je pensais.
20 Question: Je voulais simplement vérifier s'il y avait eu une annonce
21 officielle pour dire que quelque chose était interdit?
22 Réponse: Non.
23 Question: Vous avez dit dans l'affaire Stakic, lorsque vous avez examiné
24 la question de savoir quand et comment est-ce qu'on pourra travailler, il
25 a mentionné la situation qui existait à Kupres.
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1 Est-ce que quelque chose se passait là-bas et qu'est-ce que cela avait à
2 voir avec cela?
3 Réponse: Il avait dit que les gens qui se trouvaient là-bas étaient plus
4 ou moins au combat, que tout le monde avait été mobilisé et que nous
5 n'avions pas encore ressenti les conséquences terribles de cette guerre.
6 Je crois que c'est à cela qu'il se référait. Je n'ai pas pensé que ceci se
7 produirait dans notre localité en quelques jours.
8 Il a mentionné Kupres, et à l'époque je n'avais pas compris ce qu'il
9 voulait dire parce que je voudrais dire qu'à partir du moment où la
10 situation était un blocage complet des informations des médias, nous ne
11 savions plus du tout ce qu'il se passait, où que ce soit. Comme je l'ai
12 dit, tous les émetteurs avaient été détruits -l'émetteur de Kozara ne
13 fonctionnait pas- et nous pouvions seulement voir la télévision de Banja
14 Luka, je ne me souviens plus de son nom à l'époque, et nous pouvions
15 entendre les stations de radio locales.
16 Question: Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, beaucoup
17 d'informations concernant Kupres ne vous parvenaient pas?
18 Réponse: Non.
19 Question: En ce qui concerne cet événement de Hambarine et de Kozarac,
20 vous avez dit qu'il y avait eu un incident qui s'était produit à
21 Hambarine, et si je ne me trompe pas, vous avez dit qu'une personne avait
22 été blessée, une autre avait été tuée. Et il y avait eu d'autres
23 renseignements, mais pas importants pour le moment.
24 Ce qui m'intéresse, c'est de savoir s'il y avait eu un incident qui avait
25 précédé cette situation à Kozarac, est-ce que vous avez entendu quoi que
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1 ce soit à ce sujet?
2 Réponse: Pour autant que je sache, avant cela à Kozarac, toute la police,
3 tous les membres de la police avaient été désarmés. Je me réfère à la
4 force de police de Kozarac. Et j'ajoute que les policiers qui étaient des
5 Bosniaques -on ne les a pas encore exhumés- ils ont été désarmés. L'armée
6 a pris la suite. La Défense territoriale à Kozarac, en un certain sens, a
7 bloqué Kozarac en constituant des points de contrôle à eux. Mais les gens
8 continuaient à traverser à travers Kozarac vers Brajkovac, et je sais que
9 certaines personnes de Kozarac disaient qu'il y avait un certain nombre
10 d'actes de provocation de la police sur la route de Kozarac. Je crois
11 qu'ils avaient mis des obstacles devant les voitures pour les fouiller. Il
12 y avait des provocations d'ordre mineur -vous savez, on s'y entend bien.
13 Donc une demande avait été faite pour que Kozarac soit désarmée et un
14 conflit en a résulté, a éclaté. C'était un conflit direct. Ce qui s'est
15 passé après cela, je ne sais pas parce que Kozarac est à 12 kilomètres de
16 Prijedor.
17 Question: A Hambarine et à Kozarac, il y a eu des ultimatums, des demandes
18 pour que toutes les armes soient rendues et pour que tous les auteurs se
19 rendent aussi?
20 Réponse: Oui.
21 M. Trbojevic (interprétation): Vous dites que l'ultimatum avait été signé
22 par la cellule de crise et aujourd'hui, vous avez dit que l'un des
23 ultimatums avait été signé par Radmilo Zeljaja, n'est-ce pas?
24 M. Murselovic (interprétation): Oui.
25 M. Waidyaratne (interprétation): Mais ça n'est pas exact, Monsieur le
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1 Président. Si je peux me rappeler -mais je me souviens-, il n'a pas été
2 dit qu'il avait été signé par la cellule de crise mais qu'il avait été
3 signé par Radmilo Zeljaja et que cela avait été annoncé.
4 M. le Président (interprétation): Vous avez raison, en fait.
5 Oui, Maître Trbojevic.
6 M. Trbojevic (interprétation): C'est la même chose pour moi. Je ne voulais
7 pas parler littéralement d'une signature au bas d'un papier.
8 M. le Président (interprétation): Posez donc la question au témoin sur la
9 déclaration du témoin telle que corrigée par M. Waidyaratne, si je
10 prononce correctement votre nom, s'il vous plaît.
11 M. Waidyaratne (interprétation): Parfaitement, Monsieur le Président.
12 M. Trbojevic (interprétation): Un des ultimatums a été annoncé par la
13 cellule de crise et un autre par Radmilo Zeljaja ou par le commandement?
14 M. Murselovic (interprétation): Eh bien, ils étaient ensemble. Radmilo
15 Zeljaja, comme commandant de l'armée, faisait également partie de la
16 cellule de crise. En tant que tel, il représentait en quelque sorte les
17 militaires, la partie militaire de l'ensemble de la structure. Les deux
18 s'identifiaient l'un à l'autre parce qu'à Kozarac un conflit avait éclaté
19 ouvertement. Après le bombardement, le pilonnage de Kozarac, des combats
20 ont eu lieu en grande échelle.
21 Question: Dans le courant de la journée, j'avais compris que vous avez dit
22 qu'il y avait eu plusieurs ultimatums et maintenant, vous dites que ceux-
23 ci comprenaient l'un et l'autre?
24 Réponse: Un ultimatum veut dire qu'il faut qu'il y ait reddition
25 inconditionnelle avec le fait de rendre toutes les armes, les auteurs
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1 doivent se rendre sans conditions, les personnes doivent se rendre sans
2 conditions, ainsi que leurs armes.
3 M. Trbojevic (interprétation): Je voudrais simplement déterminer combien
4 d'entre eux ont participé à cet événement? A la page 4 de votre
5 déclaration datée du 13 janvier de cette année, vous dites que vous avez
6 pensé que la coordination entre la cellule de crise et le commandement
7 militaire était absolue. Vous avez dit que la cellule de crise avait des
8 pouvoirs à la fois civils et militaires. Et dans le même paragraphe, vous
9 dites que l'armée avait sa propre hiérarchie de commandement, de sorte que
10 ces deux choses semblent se contredire. Il semble qu'il y ait là une
11 contradiction.
12 M. Murselovic (interprétation): Dans la cellule de crise, M. Kuruzovic
13 faisait partie de la cellule de crise. Il avait le grade de commandant. Je
14 le connais personnellement. Je ne connais pas bien les militaires. Il
15 était allé se battre aux champs de bataille en Slavonie et en Croatie.
16 Monsieur Zeljaja était là aussi et il faisait partie…
17 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas que vous répondiez à la
18 question. La question qui vous était posée était dans le même contexte.
19 Vous avez d'abord affirmé que la cellule de crise avait des pouvoirs à la
20 fois civils et militaires et qu'il y avait une hiérarchie et un
21 commandement à l'intérieur, au sein de l'armée. Maître Trbojevic pense ou
22 croit que ces deux déclarations sont contradictoires. Est-ce que vous êtes
23 d'accord avec cela?
24 M. Murselovic (interprétation): Je crois qu'il y avait une coopération
25 très étroite entre les deux.
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1 M. Trbojevic (interprétation): Vous dites que, quand vous avez été arrêté
2 la deuxième fois, vous dites qu'on vous a donc emmené, vous vouliez leur
3 demander où ils vous emmenaient. Et un soldat de la JNA a braqué un
4 pistolet vers vous. C'était le 30 mai, je crois. Et je crois que vous avez
5 entendu dire que l'armée populaire yougoslave avait officiellement retiré
6 ses unités de Bosnie-Herzégovine à la date du 19 mai, de sorte que: est-ce
7 que ceci aurait pu être un soldat de l'armée populaire yougoslave ou est-
8 ce que cela aurait été un soldat qui aurait été membre de l'armée de la
9 Republika Srpska ou de quelque autre unité, seconde ou troisième unité?
10 M. Murselovic (interprétation): J'ai dit qu'il portait un uniforme de
11 l'armée populaire yougoslave, un uniforme militaire de la JNA. Je ne vois
12 pas beaucoup de différences. Vous savez, pour ce qui est des grades, je ne
13 vois pas beaucoup de différences: ils portaient les même uniformes, il n'y
14 avait pas d'insignes particuliers qui permettraient de les différencier
15 d'autres uniformes.
16 Question: On s'attendrait à ce qu'un soldat de la JNA ait porté des
17 insignes de la JNA sur son uniforme, par exemple l'étoile à cinq branches.
18 Réponse: Ils ne portaient pas de casquette.
19 Question: Les simples soldats n'avaient pas de pistolet comme faisant
20 partie de leur armement d'ordonnance? Donc s'il n'avait pas de casquette,
21 il ne portait pas un uniforme régulier.
22 Il ne semble pas qu'il ait eu une arme d'ordonnance. Il ne semble pas
23 qu'il ait été un soldat régulier.
24 Réponse: Vous savez, je suis descendu du bus. J'ai traversé le carrefour.
25 Je suis allé dans la direction du poste de police. Un homme s’est approché
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1 de moi. Je ne le connaissais pas. Il était en uniforme militaire et il m'a
2 demandé: "Où allez-vous?" Je lui ai répondu que je voulais aller au poste
3 de police. Nous ne savions pas où nous allions, pourquoi nous allions là.
4 Mais lorsque je lui ai dit mon nom, il a tiré un pistolet et a dit: "Vous
5 voulez couper la gorge d'enfants serbes". Et il a commencé à me donner des
6 coups de pied. Et immédiatement, je suis monté dans le bus. Je n'ai pas eu
7 beaucoup de temps pour observer le type d'insigne qu'il pouvait porter ou
8 quel était son rang parce que je suis entré dans l'autobus et je me suis
9 couché sur le ventre.
10 M. Trbojevic (interprétation): Dites-moi, en réponse à la question de
11 l'accusation, vous dites que lorsque vous étiez à Omarska, il n'y a pas eu
12 de poursuites engagées contre vous. Je crois que vous avez dit qu'aucune
13 procédure n'avait été engagée contre vous. Est-ce que des poursuites
14 avaient été engagées contre qui que ce soit d'autre?
15 M. Murselovic (interprétation): Nous parlions entre nous et, d'habitude,
16 on se demandait l'un à l'autre: "Qu’est-ce qui s'est passé, qu’est-ce
17 qu’ils t’ont demandé?" C'était tout à fait normal. Et certains disaient
18 qu'ils avaient signé des déclarations qu'ils avaient dû faire. Et j'ai vu
19 une sorte de document qu’avait M. Cehajic qui annonçait quels étaient les
20 soupçons qui pesaient contre une personne. Quelqu'un de l'accusation avait
21 écrit quelque chose. Je n'ai rien signé pour ma part.
22 M. le Président (interprétation): Vous ne répondez pas à la question. La
23 question était de savoir si des poursuites avaient été lancées contre qui
24 que ce soit d'autre. Vous avez répondu à tout ce que l’on veut, sauf à
25 cette question. Quelle est votre réponse?
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1 M. Murselovic (interprétation): Ma réponse est qu'on m'a dit que certains
2 hommes avaient signé des documents et que des poursuites avaient été
3 lancées, engagées contre eux.
4 M. Trbojevic (interprétation): Est-ce qu'il a été fait un compte rendu de
5 votre interrogatoire?
6 M. Murselovic (interprétation): Non.
7 Question: Ce que vous avez dit en dernier, en ce qui concerne la réunion
8 de la chambre de commerce à Banja Luka, vous dites qu'au nom du SDS, M.
9 Brdjanin avait proposé un candidat comme président de la chambre de
10 commerce, et vous avez dit que sa proposition n'avait pas été acceptée.
11 Réponse: Oui.
12 Question: Alors peut-on en conclure qu'il ne pouvait pas donner d'ordre
13 pour ce qui était de savoir qui pouvait être désigné ou nommé?
14 Réponse: Eh bien, l'ensemble du processus, à notre avis, semblait une
15 manifestation d'arrogance, d'insolence. Il avait été présent avec ce
16 candidat. Je ne me souviens plus qui était ce candidat. Mais on n'a même
17 pas procédé à un vote le concernant. Nous avons seulement voté pour la
18 proposition concernant M. Mersa.
19 Question: Parmi les membres de cette assemblée de la chambre de commerce,
20 il y avait des Serbes?
21 Réponse: Oui, certainement.
22 Question: Donc ma conclusion est que la proposition de M. Brdjanin n'avait
23 pas suffisamment d'autorité pour être acceptée?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Et donc, ça n'a pas été adopté, ça n'a pas suivi les procédures
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1 habituelles suivies pour des propositions, lorsqu'une proposition était
2 présentée par un groupe à l'assemblée? Ceci n'était pas correctement
3 défini à l’assemblée?
4 M. Murselovic (interprétation): C'est cela.
5 M. Trbojevic (interprétation): Je vous remercie beaucoup. Je n'ai pas
6 d'autres questions.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Waidyaratne, est-ce que vous
8 avez d'autres questions?
9 M. Waidyaratne (interprétation): Une question.
10 M. le Président (interprétation): Allez-y.
11 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Muharem Murselovic,
12 par M. Waidyaratne.)
13 M. Waidyaratne (interprétation): Monsieur Murselovic, on vous a demande si
14 vous saviez quelque chose concernant les autres détenus et si des
15 poursuites avaient été instituées contre eux alors qu'ils étaient à
16 Omarska. Et vous avez dit que ça avait été le cas pour certains, que
17 certaines personnes avaient des charges qui pesaient contre elles ou que
18 des poursuites avaient été engagées contre elles. Est-ce que vous
19 connaissez des personnes précises auxquelles vous vous référez, dont vous
20 parlez? Y a-t-il des personnes précises?
21 M. Murselovic (interprétation): J'ai dit que certaines personnes avaient
22 signé des déclarations, des documents, des déclarations qu'elles avaient
23 faites. Et certaines personnes telles que M. Cehajic avait un document où
24 il était dit de quoi elles étaient soupçonnées.
25 Question: Est-ce qu'on les a fait comparaître devant un tribunal, une
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1 juridiction?
2 Réponse: Non.
3 Question: Est-ce qu'il a survécu au camp?
4 M. Murselovic (interprétation): Non.
5 M. Waidyaratne (interprétation): Je vous remercie.
6 M. le Président (interprétation): Ainsi, Monsieur Murselovic, comme vous
7 le voyez, vous avez réussi à en terminer avant même le temps imparti. Vous
8 allez bientôt être escorté par l'huissier hors du prétoire et vous
9 recevrez toute l'aide nécessaire dont vous avez besoin pour rentrer dans
10 votre pays.
11 Toutefois, avant que vous ne quittiez cette salle d’audience, j’ai le
12 devoir, en tant que Juge Président, en mon nom et au nom des deux autres
13 Juges ainsi qu'au nom du Tribunal, de vous remercier d'avoir accepté de
14 revenir à La Haye pour déposer la deuxième fois. Je sais que ça n'est
15 facile pour personne et c'est la raison pour laquelle je vous remercie une
16 fois de plus.
17 M. Murselovic (interprétation): Je vous remercie. Merci Monsieur le
18 Président. Merci, Mesdames les Juges.
19 (Le témoin, M. Muharem Murselovic, est reconduit hors du prétoire.)
20 (Questions relatives à la procédure.)
21 M. le Président (interprétation): Une correction: "Qu'il fallait tuer son
22 voisin de palier et les gens de Stubice". Alors que reste-t-il, Monsieur
23 Waidyaratne?
24 M. Waidyaratne (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Si vous le
25 permettez, j’aimerais demander qu’on verse au dossier le compte rendu du
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1 procès, de l'affaire Stakic.
2 M. le Président (interprétation): Oui.
3 M. Waidyaratne (interprétation): Il porte la cote P1542 avec pièces à
4 conviction accompagnant le document… ont été attribuées les cotes
5 P1452/S45, P1542/S46, P1542/S45-1, et enfin P1542/S46-1.
6 M. le Président (interprétation): Maître Trbojevic, cela vous convient-il?
7 M. Trbojevic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je n'ai aucune
8 objection.
9 M. le Président (interprétation): Eh bien. Ces documents seront versés au
10 dossier.
11 M. Waidyaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
12 M. le Président (interprétation): Merci de votre coopération de toute
13 part.
14 Est-ce que vous avez encore des points à aborder avant que nous ne
15 concluions cette journée?
16 Mme Richterova (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Nous avons
17 prévu l'audition d'un témoin demain, témoin 7.134, et vendredi le témoin
18 7.54. Or on m'a informé que le témoin 7.134 subira un interrogatoire qui
19 ne durera pas plus d'une heure. Il ne déposera pas plus d'une heure. Et
20 puis, on m'a dit qu'il y aura un contre-interrogatoire qui devrait durer
21 assez longtemps.
22 Et donc je m'en remets à vous, Monsieur le Président. Pourriez-vous me
23 dire s'il vous conviendrait mieux d'entendre deux témoins demain ou si
24 vous préféreriez assister à la plénière et donc respecter les dates
25 prévues, c'est-à-dire un témoin demain et un témoin vendredi? Je m'en
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1 remets à vous. A vous de décider.
2 M. le Président (interprétation): Maître Trbojevic, est-ce que cela risque
3 de poser des problèmes à la défense ou de la contrarier si nous entendons
4 les deux témoins dès demain?
5 M. Trbojevic (interprétation): Non, cela ne posera aucun problème.
6 M. le Président (interprétation): Eh bien, puisque cela ne pose pas de
7 problème, si vous pouvez faire déposer les deux témoins demain.
8 Mme Richterova (interprétation): Oui, cela ne posera pas de problème, on
9 peut les faire intervenir demain.
10 M. le Président (interprétation): Eh bien, très bien. Demain, nous
11 entendrons les deux. Merci, Madame Richterova.
12 Demain, audience le matin, vous le savez. Je ne sais plus si c'est dans ce
13 prétoire-ci ou dans un autre. Je crois qu'on a besoin de ce prétoire-ci
14 pour la plénière, si je ne m'abuse. Donc nous nous retrouverons dans le
15 prétoire n°1 demain.
16 Encore une fois, tous mes remerciements. Et je vous souhaite un bon après-
17 midi.
18 (L'audience est levée à 12 heures 34.)
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