Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 8 décembre 2006

2 [Procès d'appel]

3 [L'appelant est introduit dans le prétoire]

4 [Audience publique]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bonjour. Veuillez vous asseoir.

7 Nous allons entamer la deuxième journée de la procédure d'appel concernant

8 M. Brdjanin. Le point suivant prévu à l'ordre du jour, ce sont les

9 conclusions de la Défense. Elle dispose de 75 minutes. Je connais bien Me

10 Ackerman, je suis sûr qu'il n'aura pas besoin de tout ce temps.

11 M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

12 Monsieur le Juge Meron, je ne sais pas si je vais vous décevoir ou pas,

13 j'essaierai de ne pas le faire. J'ai quand même plusieurs choses à vous

14 dire aujourd'hui.

15 Pour commencer, Monsieur le Juge Meron, je souhaite apporter un complément

16 de réponse à la question que vous avez posée hier. J'espère qu'il ne sera

17 pas à ce point compliqué que vous ne me comprendrez pas.

18 Pour comprendre la question et pour essayer d'y répondre, je pense qu'il

19 est utile de savoir exactement la nature de l'accord conclu par

20 l'Accusation au moment du procès. Pour établir la responsabilité au titre

21 de la première catégorie de l'entreprise criminelle commune, la Chambre a

22 demandé : "S'il était nécessaire de prouver que les auteurs matériels de

23 l'infraction dont l'accusé est tenu responsable avaient conclu un accord

24 avec l'accusé ?" Réponse de l'Accusation : "Oui", qui poursuit en disant

25 "qu'il est essentiel de montrer qu'il y avait un accord ou une entente

26 entre une, deux ou plusieurs personnes pour dire qu'il y aura crime." La

27 question avait reçu une réponse nette et claire; c'était oui. La question

28 avait été soumise par écrit et l'Accusation avait disposé d'un délai

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1 raisonnable de plusieurs jours pour y répondre. Je serais étonné qu'on

2 n'ait pas consulté les spécialistes de l'appel au bureau du Procureur pour

3 répondre à cette question. C'est de cette façon-là qu'on procède en

4 général.

5 Ce n'est pas ce qui compte ici. Hier, je vous ai cité une partie de la

6 décision rendue par la Chambre chargée de la mise en état qui a dit que

7 l'Accusation devait prouver qu'entre la personne qui a été l'auteur

8 matériel des crimes reprochés à l'accusé et l'accusé lui-même, il y avait

9 un accord ou une entente en vue de commettre une infraction précise. Le

10 Procureur vous l'a dit hier, il y a eu procès partant de l'idée que c'était

11 bien le droit applicable en l'espèce. Maintenant, en arriver à ce stade de

12 la procédure et dire qu'un accord entre l'auteur matériel et l'accusé n'est

13 pas nécessaire, à notre avis c'est porter un préjudice sérieux à l'accusé.

14 Parce que la prémisse du procès, c'était l'entente ou l'accord qu'il y

15 avait. Un accord entre les auteurs matériels et l'Accusation. C'est ce que

16 l'Accusation avait promis de prouver et devait aussi prouver en application

17 du droit. C'est à partir de cela qu'on a mené les interrogatoires

18 principaux et les contre-interrogatoires. Maintenant dire que cette base

19 était erronée et que maintenant on peut condamner M. Brdjanin pour

20 entreprise criminelle commune avec un degré moindre de preuves, c'est le

21 privé de son droit de se défendre. Il y a le problème de la notification,

22 de lui dire de quoi il est accusé. L'ordonnance rendue par la Chambre a été

23 rendue en disant qu'effectivement on attaquait l'accusé sur certaines

24 charges retenues dans l'acte d'accusation, maintenant on ne pouvait pas

25 simplement modifier ces chefs d'accusation. C'était le droit applicable en

26 l'espèce. La question de savoir si c'était le bon droit ou pas, cela c'est

27 autre chose qui est radicalement différent.

28 J'ai le sentiment que c'est comme si on modifiait l'acte d'accusation

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1 au stade de l'appel sans donner le droit au procès en première instance. Si

2 le fait de rejeter le deuxième point de l'Accusation n'est pas la bonne

3 mesure, on pourrait peut-être envisager un nouveau procès. Je sais que

4 c'est là une perspective redoutable pour la Chambre et pour le Tribunal.

5 J'espère qu'ainsi vous aurez reçu un complément de réponse utile,

6 Monsieur le Président.

7 Je vais maintenant revenir sur certains éléments présentés par Mme

8 Brady. Page 79, ligne 23, Mme Brady vous a dit et là je reprends ses termes

9 que : "Brdjanin était l'acteur principal des événements répréhensibles

10 commis en Krajina." Elle a ajouté que dans une déclaration faite par écrit,

11 elle a un peu exagéré. Je pense qu'elle a vraiment exagéré. Elle m'a coupé

12 le souffle. Comment un premier substitut de la connaissance et de

13 l'expérience de Mme Brady, comment peut-elle dire de telles choses à la

14 Chambre ? La seule conclusion possible c'est qu'elle n'a pas examiné les

15 faits de l'espèce mais qu'elle a simplement examiné les conclusions de la

16 Chambre. Les éléments apportés au moment du procès ne sauraient aucunement

17 soutenir ce genre d'affirmation.

18 Il faut tous convenir que les conclusions tirées par la Chambre ne

19 sont pas les éléments de preuve. C'est ce qui sous-tend ces conclusions.

20 Les témoignages et les éléments de preuve qui sont à la base de ces

21 conclusions tirées par les Chambres qui constituent la matière même de

22 l'espèce. Vraiment je mets au défi, je défie Mme Brady de trouver la

23 moindre preuve qui permette de tirer une conclusion à l'emporte-pièce comme

24 celle-ci.

25 Je serai honnête envers vous. Vous savez que j'ai commencé à exercer

26 le droit avant que vous ne soyez tous nés. C'est ce que vous disiez hier.

27 C'est bien le dossier le plus difficile que j'ai eu à traiter. On est

28 revenu sans arrêt du côté de l'Accusation sur les faits de l'espèce en se

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1 basant sur les conclusions. Conclusions contestées par l'Accusation comme

2 si c'était les faits de l'espèce. Normalement, cela ne pose pas de problème

3 et c'est une façon tout à fait correcte de présenter des arguments et de se

4 défendre. Mais ici, c'est pratiquement sans intérêt. Vous le savez, en

5 l'espèce, l'appelant Brdjanin a soulevé un nombre tout à fait inédit de

6 questions concernant les constatations de la Chambre de première instance.

7 Il affirme que ces constatations ne sont pas étayées par des preuves. Ce ne

8 sont pas des informations vides de sens. Elles sont bien concrètes.

9 J'exhorte la Chambre de n'accepter aucune constatation de la Chambre

10 de première instance à première vue. Les éléments de preuve apportés et les

11 faits dans l'espèce viennent des éléments de preuve et pas des

12 constatations de la Chambre. Si à un moment donné, vous êtes tentés de

13 tirer des conclusions à partir des constatations de la Chambre de première

14 instance, regardez ce qu'il y a derrière. Vous verrez qu'il y a tellement

15 peu de choses ou pratiquement rien que rien ne peut permettre de tirer des

16 conclusions raisonnables qui tendraient à prouver la culpabilité de

17 l'accusé.

18 Tout d'abord, je vous demande d'accepter une thèse fondamentale.

19 C'est que l'Accusation ne prouve rien dans sa cause en disant que l'accusé

20 doit avoir, peut avoir, ou devrait avoir dit la vérité. Il faut, pour une

21 conviction intime, exclure tout doute possible. Si on parle d'une

22 probabilité, ceci doit avoir une incidence sérieuse sur l'issue de cette

23 procédure.

24 Je voudrais évoquer trois conclusions, à titre d'exemple et à titre

25 purement illustratif dans le temps qu'il m'est imparti. S'agissant des

26 conclusions de la Chambre de première instance parce qu'à mon avis elles

27 sont exemplaires. Elles montrent bien la nature de ce jugement. Je le dis

28 dans mon mémoire. Je vous parle des préoccupations qui montrent les

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1 carences de ce dossier à mon avis. Je ne veux même pas essayer de parcourir

2 ces éléments.

3 Il faut se rappeler qu'où il y a eu des preuves à l'appui dans une

4 mesure quelconque, la Chambre a souvent estimé que c'était une séquence de

5 preuves indirectes ou une chaîne, si vous voulez. S'il y a un maillon

6 faible, la chaîne de preuves indirectes va se briser. La conclusion ne

7 pourra pas être tirée. Il n'y a rien au bout de cette chaîne. Il y a trois

8 maillons de cette chaîne qui pourraient soutenir les conclusions de la

9 Chambre mais il y a un maillon qui est tout à fait erroné. Par conséquent,

10 on peut dire que les preuves indirectes ne permettent pas d'établir la

11 preuve au-delà de tout doute raisonnable.

12 Tout d'abord, il y a la question de la force et de la peur qu'il a

13 fallu utiliser pour appliquer ce plan stratégique. Si vous faites une

14 recherche dans les jugements en première instance, ou dans celui-ci, vous

15 verrez qu'un peu partout on répète ces termes qui sont essentiels à bien

16 des égards pour étayer les conclusions tirées par la Chambre. Au paragraphe

17 67 du jugement, la Chambre dit ceci : "Pendant la première séance de

18 travail de l'assemblée serbe de Bosnie-Herzégovine qui s'est tenue le 24

19 octobre 1991, Radovan Karadzic a précisé que les Serbes de Bosnie étaient

20 prêts à recourir à la force et à la terreur pour réaliser leurs objectifs

21 s'ils n'y parvenaient pas par d'autres moyens." C'est une preuve

22 convaincante. Note de bas de page que dit la Chambre de première instance,

23 Karadzic a dit ceci : "La guerre ne va commencer que si quelqu'un force les

24 Serbes à faire quelque chose contre leur gré." Ce sont là les termes à

25 partir desquels on a tiré cette conclusion. Il y a un problème. Si vous

26 regardez la pièce P21 utilisée par la Chambre de première instance, on ne

27 trouve pas cette citation. Elle n'y est pas.

28 On pourrait dire, oui, écoutez c'est malheureux, c'est une erreur

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1 assez malencontreuse mais ce n'est pas rare. On trouve souvent ce genre

2 d'erreurs. Elles sont malheureuses mais elles se produisent. Ceci n'a pas

3 d'incidence sur le jugement. Je dirais oui, peut-être si ce n'était qu'un

4 cas isolé, individuel, si ce n'était pas un maillon d'une chaîne

5 d'événements. Effectivement, ce serait une erreur malencontreuse. Mais ce

6 n'est pas la seule erreur quand on parle de l'autorité de la cellule de

7 Crise de la RAK et quand on parle de l'armée. La Chambre conclut que

8 Brdjanin exerçait une influence sur l'armée et Mme Brady vous l'a dit hier.

9 Au paragraphe 224 du jugement, la Chambre citait l'interaction entre la

10 cellule de Crise de la RAK et les militaires comme justification à la

11 conclusion qui avait été tirée, à savoir que Brdjanin avait de l'influence

12 sur l'armée. Note de bas de page 606, la Chambre parle d'une visite au camp

13 de Manjaca par la commission Masowizki qui avait été facilitée par la

14 cellule de Crise de la RAK et au cours de laquelle il y avait des membres

15 de la RAK. La Chambre s'appuie sur trois faits : il y a bien eu visite de

16 cette commission au camp de Manjaca; effectivement la cellule de Crise de

17 la RAK a contribué à la préparation de cette visite; Masowizki y a été avec

18 des membres de la RAK. La Chambre s'appuie sur la pièce P1777.

19 Malheureusement, si on examine de plus près cette pièce, on voit une chose

20 clairement. Premièrement, Masowizki n'a pas été en visite à Manjaca;

21 deuxièmement, la cellule de Crise de la RAK n'a pas contribué à la

22 préparation de cette visite puisqu'il n'y avait pas eu de visite comme la

23 cellule de Crise n'existait plus déjà depuis plus d'un mois; troisièmement,

24 on dit qu'il y avait dans cette visite des membres de la RAK. Les trois

25 conclusions tirées par la Chambre sont tout à fait erronées du tout au

26 tout. La Chambre aurait dû le savoir que c'était erroné parce qu'il y a eu

27 des départs au moment du procès entre le témoin expert à charge Brown et le

28 Juge Agius. Vous pourrez prendre connaissance de cet échange aux pages

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1 21553 à 21555 [comme interprété] du compte rendu d'audience. Le Juge Agius

2 manifeste son inquiétude en disant que c'est ce qu'a écrit l'expert Brown

3 dans son rapport, il dit que Masowizki avait été à Manjaca, or l'élément de

4 preuve montre que ce n'était pas vrai. Ce n'est pas retenu à l'audience et

5 pourtant ceci se retrouve dans le jugement pour des raisons que nul ne

6 comprendra.

7 En réplique, au mémoire de l'appelant, lorsqu'on parle de cette question de

8 la visite de Masowizki, l'Accusation dit pourtant au paragraphe 224 que le

9 jugement en première instance n'affirmait pas que Masowizki aurait été à

10 Manjaca,il ne le dit pas implicitement. Mais si vous regardez effectivement

11 le libellé qui se trouve au-dessus de la note de bas de page, c'est vrai,

12 pourtant la note 606 l'affirme.

13 Une fois de plus, la Chambre de première instance s'est appuyée sur

14 des preuves inexistantes. On pourrait dire que cela arrive, ce n'est qu'une

15 fois, mais ce n'est pas vrai. Vous diriez que cela n'a pas d'incidence sur

16 le jugement, ce n'est pas vrai non plus, parce que ce n'était pas un cas

17 isolé mais bien un élément, un des maillons d'une chaîne.

18 Troisième exemple, c'est presque devenu une cause célèbre au niveau de cet

19 appel puisqu'on vous en a parlé plus d'une fois. Paragraphe 200 du

20 jugement, la Chambre conclut que la cellule de Crise de RAK exerçait une

21 autorité de fait, de facto sur les municipalités et avait coordonné leurs

22 activités. La Chambre ajoute, c'est là que le lien était vraiment important

23 entre ces maillons : "Même s'il n'y a pas un seul document émanant soit des

24 dirigeants serbes de Bosnie, du SDS, soit des autorités de République serbe

25 de Bosnie-Herzégovine qui traitent explicitement de la relation normative

26 entre la cellule de Crise, la RAK et les autorités municipales," donc la

27 Chambre a dit qu'il n'y a pas de document, "un document publié par le

28 conseil exécutif du comité central du SDS fait spécifiquement référence au

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1 rôle joué par la cellule de Crise de la RAK, tel qu'il est exposé plus

2 haut." En l'espèce, en l'occurrence, la Chambre fait référence à la pièce

3 P116, je voudrais que cette pièce soit placée sur le rétroprojecteur afin

4 que vous puissiez la voir.

5 Tout en haut, vous verrez que ceci vient du conseil exécutif du SDS, la

6 date est le 24 février 1992. Près de deux mois -- non, trois mois avant la

7 création de la cellule de Crise. M. Radoslav Vukic est ainsi désigné au

8 poste de coordinateur du district autonome serbe de la Krajina. Il y est

9 dit qu'il doit participer aux activités de la cellule de Crise de la SAO de

10 Krajina. Je comprends, c'est plus de deux mois avant qu'il n'y ait

11 véritablement une cellule de Crise de la RAK.

12 Paragraphe numéro 10 de l'acte d'accusation, il dit que la cellule de Crise

13 a été constituée le 5 mai 1992. Regardez maintenant, s'il vous plaît, la

14 pièce 227 -- excusez-moi, Monsieur l'Huissier de vous demander d'utiliser

15 une autre pièce, pièce 227. Vous allez le voir. La cellule de Crise quand

16 a-t-elle été constituée ? Par une décision du 5 mai 1992, M. Brdjanin a par

17 la décision été nommé président. Paragraphe 6.26 de son mémoire en

18 réplique, l'Accusation vous dit que l'affirmation de Brdjanin selon

19 laquelle ce document ne fait pas référence à la cellule de Crise de la RAK,

20 mais à la cellule de Crise en Croatie, cet argument de l'Accusation est

21 incorrect, vous induit en erreur parce que ce n'est tout simplement pas la

22 vérité. La Chambre de première instance conclut que ce document que nous

23 venons d'examiner, je parle de la nomination de Vukic fait référence à la

24 cellule de Crise, si l'Accusation vous dites que ce qu'affirme Brdjanin est

25 incorrect et vous induit en erreur, pour dire ce genre de chose,

26 l'Accusation, la Chambre de première instance et vous aussi vous devriez

27 mettre de côté la déposition de M. Islamcevic qui dit que la SAO de Krajina

28 est en Croatie. Il y a un autre témoin à charge que je ne peux pas citer

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1 nommément ici, mais vous l'avez dans l'annexe confidentiel A 2 de ma

2 réponse à la réplique de l'Accusation qui dit que cette SAO de la Croatie;

3 vous avez Mevludin Sejmenovic qui dit que cette SAO est en Croatie; vous

4 avez la déposition du témoin à charge Osman Selak, un général musulman qui

5 appartenait auparavant à la JNA et qui dit que cette SAO est en Croatie; le

6 témoin à charge Jasmin Osobasic qui dit la même chose, la SAO est en

7 Krajina; la déposition du témoin à charge Rusmir Mujanic, qui dit la même

8 chose; pareil pour le témoin à charge Jovica Radojko; et l'expert Ewan

9 Brown, expert en résidence de l'Accusation; vous avez la pièce P1826, pièce

10 à charge; la pièce P92 et la pièce P2382.12, la pièce P21, page 03015402,

11 la pièce P13, ainsi que la pièce P2417 vous disent toutes la même chose. Ce

12 sont là des preuves accablantes dirais-je, du fait que c'est la SAO de

13 Krajina qui était en Croatie.

14 Cela n'a rien à voir avec la RAK, c'est la partie de la Krajina qui

15 avait été conquise auparavant au moment de la guerre par les forces serbes

16 et qu'on avait proclamée région autonome serbe de la Krajina. C'est la

17 partie de la Krajina qui se trouve au-delà, tout juste contiguë à la partie

18 de la Krajina qui est en Bosnie. Les dirigeants serbes de Bosnie

19 s'intéressaient beaucoup à cette zone, parce que l'idée c'était de

20 l'englober dans ce qu'on voulait créer dans cette République serbe, la

21 Republika Srpska pour rassembler tous les Serbes de la région.

22 Merci, Monsieur l'Huissier, je n'ai plus besoin de ce document. Nous

23 avons dit que la Chambre devait établir ou rédiger une opinion motivée de

24 façon, dans la mesure du possible, à expliquer pourquoi toutes ces

25 dépositions, toutes ces preuves concernant la SAO de la Krajina ont été

26 ignorées et jugées sans crédibilité. Pourtant on n'a pas trouvé ces motifs.

27 On a tout simplement écarté et ignoré ces éléments de preuve.

28 Voilà trois experts qui ne sont que le sommet de l'iceberg, car au

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1 fond et dans sa base le jugement présent est vicié. Dans le mémoire de

2 l'appelant, dans la réplique de l'appelant, nous faisons valoir cet

3 argument. Quand on prend toutes ces conclusions, on voit l'incidence

4 qu'elles ont sur le jugement. Ceci à notre avis doit être écarté dans sa

5 totalité et M. Brdjanin doit être tout simplement acquitté.

6 Parlons maintenant de la question de l'ordonnance portant calendrier,

7 vous avez dit hier, Monsieur le Président, que j'avais retiré ma requête en

8 ce qui concerne le corrigendum apporté au jugement. Je n'en parlerai pas et

9 hier vous avez dit que vous aviez reçu copie d'un courrier électronique que

10 j'avais envoyé à l'Accusation en ce qui concerne les erreurs que j'avais

11 relevées et j'avais un peu étoffé mon propos. Je ne sais pas s'il est

12 important que ceci soit consigné au compte rendu d'audience. Si vous

13 n'estimez pas que ce soit nécessaire, je pourrais passer à autre chose.

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire.

15 M. ACKERMAN : [interprétation] Vous pensez que ce n'est pas nécessaire d'en

16 parler. Fort bien. Ceci m'amène dès lors à aborder la question de certains

17 éléments de preuve relatifs à un groupe appelé le SOS. La Chambre fait

18 référence au paragraphe 48 du mémoire en réplique de la Défense où on dit

19 qu'il y avait des éléments significatifs montrant que le SOS n'existait pas

20 lorsque existait la cellule de Crise de la RAK. Tout d'abord vous avez vu

21 le document, vous connaissez désormais le paragraphe numéro 10 de l'acte

22 d'accusation qui dit que la cellule de Crise a vu le jour le 5 mai 1992.

23 Elle a existé jusqu'au 17 juillet 1992, c'est une conclusion tirée par la

24 Chambre au paragraphe 321 du jugement où il est dit qu'effectivement elle a

25 cessé d'exister le 17 juillet 1992. Vous ne trouverez aucune preuve parlant

26 d'activités consécutives postérieures à cette date, rien de la sorte.

27 Au paragraphe 114 du jugement la conclusion de la Chambre c'est que

28 le SOS est arrivé à Banja Luka le 3 avril 1992, a dressé des barrages et a

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1 fait certaines revendications. Mais il y a une certaine confusion qui règne

2 à propos de ce qui s'est passé par la suite. Le SOS a exigé la création

3 d'une cellule de Crise à Banja Luka, cellule qui serait chargée de répondre

4 à ses revendications. Une cellule locale a été créée qui avait à sa tête

5 Predrag Radic qui était le maire de Banja Luka, mais son existence fut

6 éphémère. Elle a surtout répondu aux revendications du SOS, revendications

7 et exigences auxquelles on a en grande partie répondu, mais pas autant que

8 le voulait le SOS. Il y a peu de choses qui indiquent dans le dossier de

9 l'espèce qui montreraient qu'il y aurait eu d'autres activités du SOS. Nous

10 avons un rapport du 1er Corps de la Krajina, fin juillet, après que la

11 cellule de Crise dû cesser d'exister, on parle de menaces du SOS contre le

12 chef du service de sécurité de Banja Luka, le SOS disait qu'il allait

13 attaquer la prison pour libérer plusieurs membres du SOS qui avaient été

14 accusés de certains crimes. C'est la pièce P395. Ceci montre que les

15 autorités ont tenté de maîtriser les activités du SOS puisqu'il y avait

16 plusieurs de ses membres qui avaient été arrêtés et mis en accusation ainsi

17 qu'emprisonnés.

18 Il y a une pièce, peut-être pas très utile mais quand même, qui parle de ce

19 qui est arrivé au SOS. Le 1er Corps de la Krajina dit qu'en fait on a fait

20 cesser les activités du SOS - c'est la pièce P2514 - et ceci s'inscrit sans

21 doute dans la campagne menée par l'armée pour essayer de maîtriser les

22 activités, de juguler les activités paramilitaires soit en dissolvant ces

23 groupes, soit en les insérant dans l'armée. Il n'y a pas de preuves qui

24 montrent qu'il y aurait eu des activités de la part du SOS qui seraient

25 relatives aux faits incriminés.

26 Autre confusion : il y avait une autre unité à Sanski Most qui opérait dans

27 cette municipalité et qui s'appelait à l'époque SOS ou parfois encore

28 section d'intervention. Il ne s'agissait pas du même groupe, ce n'était pas

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1 le SOS mentionné en l'espèce, SOS groupe qui a envahi Banja Luka le 3 avril

2 1992.

3 Si ce groupe de Banja Luka existait pendant l'existence de la cellule de

4 Crise, rien ne prouve qu'il aurait eu quelconque activité à ce moment-là.

5 Lorsqu'au paragraphe 227 la Chambre de première instance conclut que la

6 cellule de Crise de la RAK s'est servie des SOS comme un outil qui a

7 contribué à la réalisation du plan stratégique, on fait référence ici aux

8 revendications des SOS qui ont été formulées au début avril 1992, avant

9 même l'existence de la cellule de Crise de la RAK. Si bien que pour dire

10 que la cellule de Crise a utilisé les SOS pour mettre en œuvre ses propres

11 revendications, la Chambre nous cite la pièce P154, un article de journal

12 Glas du 21 avril 1992, c'est-à-dire avant la création de la cellule de

13 Crise. On cite Brdjanin qui dit : "Si des personnes individuelles dans les

14 entreprises de Banja Luka à qui on a demandé de partir ne l'ont pas fait

15 dans les trois jours, alors les membres des SOS vont entrer en scène." Cela

16 se passait le 21 avril 1992, c'est-à-dire 15 jours avant la création de la

17 cellule de Crise de la RAK. On voit bien que la cellule de Crise

18 n'utilisait absolument pas les SOS comme outil. Ce qui est très important

19 ici c'est qu'on voit que les SOS n'étaient plus à l'ordre du jour et qu'ils

20 ne reviendraient que si les revendications qui concernaient ces entreprises

21 n'avaient pas été respectées. Ceci est indiqué très clairement dans le

22 jugement, dans les preuves, dans les mémoires et ces revendications elles

23 ont été suivies des faits. Donc aucune raison pour les SOS de revenir.

24 Vous m'avez interrogé au sujet des relations entre la cellule de Crise de

25 Prijedor et la cellule de Crise de la RAK. Cela c'est une question vitale

26 parce qu'on peut dire que cette relation a eu une grande incidence sur le

27 procès et sur son issue. J'aimerais qu'on examine tout d'abord la pièce

28 P229 pour analyser cette question. J'aimerais qu'on place cette pièce sur

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1 le rétroprojecteur. Je vais commencer là où la Chambre de première instance

2 a elle aussi commencé. J'ai besoin de vous expliquer de quoi il s'agit, ce

3 qu'est ce document P229. Il s'agit de conclusions qui ont été adoptées lors

4 d'une réunion qui s'est tenue le 7 juin 1992, c'est-à-dire environ un mois

5 après la création de la cellule de Crise de la RAK. Il s'agissait d'une

6 réunion d'un sous-groupe de municipalités qui faisaient partie de la Région

7 autonome de la Krajina. On voit ici au premier paragraphe qu'il s'agissait

8 des municipalités de Bihac, Bosanski Petrovac, Srpska Krupa, Sanski Most,

9 Prijedor - cela c'est très important de le remarquer - Bosanski Novi et

10 Kljuc. Ces conclusions ont été envoyées à la cellule de Crise de la région

11 autonome à Banja Luka, aux dirigeants de la République de Bosnie-

12 Herzégovine à Sarajevo ainsi qu'au 1er Corps de la Krajina. Au paragraphe

13 numéro 4, vous lisez la chose suivante : "Nous exigeons que le 1er Corps de

14 la Krajina à Banja Luka et en particulier le général Momir Talic du 1er

15 Corps purgent des Musulmans et des Croates le 1er Corps de la Krajina."

16 Paragraphe 5 : "Nous exigeons de manière absolue que dans les trois jours à

17 venir les dirigeants de la Région autonome de la Krajina," c'est-à-dire M.

18 Brdjanin qui était président à l'époque de la cellule de Crise, enfin

19 théoriquement, "définissent clairement les limites géographiques de la

20 Région autonome de la Krajina."

21 Paragraphe 6 : "Les sept municipalités de notre sous-groupe, de notre sous-

22 région conviennent que les Musulmans et les Croates doivent partir de nos

23 municipalités jusqu'à ce qu'une situation soit établie telle que l'autorité

24 serbe puisse être maintenue et mise en œuvre sur notre propre territoire

25 dans chacune de ces municipalités. Nous exigeons que la cellule de Crise de

26 la Région autonome de la Krajina mette en place un corridor pour

27 l'expulsion, pour la réinstallation et le transfert des Musulmans et des

28 Croates vers la Bosnie centrale et l'Etat indépendant d'Alija de Bosnie-

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1 Herzégovine parce qu'ils ont voté pour cela. Si les dirigeants de la Région

2 autonome de la Krajina de Banja Luka ne résolvent pas cette question, les

3 sept municipalités que nous constituons accompagneront sous escortes

4 militaires tous les Musulmans et les Croates de nos municipalités vers le

5 centre de Banja Luka." Au paragraphe 7, ils exigent que le directeur Nikola

6 Erzeg : "constitue un gouvernement de la Région autonome de la Krajina qui

7 se chargera de prendre le contrôle de l'économie de la Région autonome de

8 la Krajina et distribuera les ressources économiques."

9 Si bien que nous avons ici un document du 7 juin qui dit que la cellule de

10 Crise de la RAK ne fait pas ce que nous voulons. Elle ne fait pas partir

11 les Musulmans et les Croates et elle ne fait pas ce que nous exigeons. Nous

12 exigeons qu'elle fasse ce que nous demandons sinon nous prendrons des

13 mesures. Il est indiqué que c'est le Dr Nikola Erzeg qui va prendre le

14 relais, qui va remplacer M. Brdjanin.

15 Que se passe-t-il ensuite ? Une semaine plus tard, pour le savoir nous

16 allons regarder la pièce P247. Apparemment rien ne s'était passé entre

17 temps. Rien ne s'était passé en réponse à la menace qui avait été formulée

18 dans le document que nous avons vu. Cette menace est reformulée. Nous nous

19 trouvons maintenant le 14 juin 1992. Ils se rencontrent à Korcanica. Nous

20 avons là des représentants de Srpska Krupa, Bosanski Petrovac, Bosanski

21 Novi, Bosanska Dubica et Prijedor - important encore de le noter - et

22 Sanski Most. Si vous vous reportez au bas de la première page, point 3 A :

23 "Nous pensons que le travail de la cellule de Crise de la Région autonome

24 de la Krajina en temps de guerre doit être beaucoup plus sérieux et que ses

25 hommes politiques et que ses experts doivent faire plus attention aux

26 difficultés rencontrées dans toutes les municipalités qui constituent la

27 Région autonome de la Krajina." Passons maintenant à la page suivante,

28 paragraphe B : "En conséquence, nous proposons que Vujo Kupresanin soit

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1 nommé président de la cellule de Crise de la région autonome de la Krajina

2 vu les fonctions qu'il exerce actuellement en tant que président de

3 l'assemblée." Ensuite, il est question d'autres choses qui doivent être

4 faites et qui sont en rapport avec la cellule de Crise. Passons au point E,

5 je cite : "Nous estimons que le travail de la cellule de Crise est

6 insatisfaisant et que la cellule de Crise sert les intérêts locaux de Banja

7 Luka. Nous estimons que la cellule de Crise doit être composée des

8 assemblées municipales et des représentants du Parti démocratique serbe

9 issus de toutes les municipalités qui constituent la RAK, région autonome

10 de la Krajina." Si bien qu'ils ne sont pas contents et on sait ce qu'ils

11 essaient de faire. Ils essaient de chasser tous les Croates et tous les

12 Musulmans de la RAK et la manière dont la cellule de Crise de la RAK

13 fonctionne, cela ne leur plaît pas, cela ne leur plaît pas la manière dont

14 cette cellule de Crise fait ce qu'eux ils aimeraient qu'elle fasse.

15 J'aimerais maintenant que nous passions au paragraphe qui se situe au

16 paragraphe F sous la ligne, deuxième paragraphe, de ce deuxième sous-

17 paragraphe : "En conséquence, il convient de faire des changements au

18 niveau des membres de la cellule de Crise de la RAK et ceci afin de rompre

19 avec ceux qui ont décidé d'entraver les travaux du Parti démocratique serbe

20 au sein de la RAK et de remettre en question les nobles objectifs qui ont

21 galvanisé le peuple serbe."

22 Je pense qu'ici ce qu'ils disent, j'affirme ce qu'ils disent c'est que M.

23 Brdjanin avait décidé d'entraver les activités du SDS et d'entraver la

24 poursuite de ces objectifs nobles et ambitieux du SDS. Ces objectifs

25 nobles, c'est le fameux plan stratégique dont nous n'avons cessé d'entendre

26 parler.

27 Cette rupture, quelles sont les autres preuves de son existence ? Vous avez

28 vu ces deux documents, vous m'avez entendu les commenter. La Chambre de

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1 première instance a interprété ces documents et cela je pense que toute

2 personne raisonnablement intelligente en restera pantois. La Chambre de

3 première instance interprète ces deux documents comme exprimant la volonté

4 de ces municipalités de mettre en œuvre les décisions de la cellule de

5 Crise de la RAK. Mais comment peut-on arriver à cette conclusion après

6 avoir lu ces deux documents, c'est sidérant.

7 Maintenant, nous avons ce document du 7 juin, ces protestations qui sont

8 exprimées, ensuite le 14 juin, puis nous devons regarder ce qui s'est passé

9 le 23 juin, huit jours plus tard. Pour cela, nous allons examiner la pièce

10 P1261. Apparemment les revendications formulées par ces groupes que nous

11 avons vus, ces groupes de municipalités, M. Brdjanin et la cellule de Crise

12 de la RAK n'en ont pas tenu compte, si bien que la cellule de Crise de

13 Prijedor décide d'agir de manière unilatérale. Si bien que le 23 juin, la

14 cellule de Crise de Prijedor déclare : "La cellule de Crise de la

15 municipalité de Prijedor n'accepte pas et considère comme non valables

16 toutes les décisions de la cellule de Crise de la RAK adoptées avant le 22

17 juin 1992." Il faut que vous sachiez, Mesdames et Messieurs les Juges, que

18 toutes les décisions relatives au désarmement au sein de la RAK ont eu lieu

19 avant le 22 juin 1992, donc ce rejet qui est exprimé ici dans ce document a

20 trait à toutes les décisions relatives au désarmement, toutes ces

21 décisions. La rupture est consommée.

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Ackerman, mais est-ce qu'ils

23 n'ont pas dans les faits mis en œuvre les décisions de la cellule de

24 Crise ?

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Non. J'y reviendrai plus en détail au fur et

26 à mesure de mon exposé. Je veux vous parler des conclusions de M. Treanor

27 qui travaille pour le bureau du Procureur et qui a déposé en tant qu'expert

28 en l'espèce. Quand je commenterai ces observations, je répondrai à cette

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1 question si vous m'en donnez le temps. Bien.

2 Cette conclusion du 22 juin indique qu'ils vont commencer à mettre en œuvre

3 les décisions de la cellule de Crise de la RAK après le 22 juin. On est

4 arrivé à un arrangement mais cela dure à peine trois jours, trois jours

5 exactement, puisque le 25 juin, la cellule de Crise de la RAK annonce à

6 nouveau qu'elle ne mettra pas en œuvre les décisions de la RAK, jusqu'à ce

7 que la RAK ait fait un certain nombre de choses. Il est important de

8 comprendre que l'assemblée de la RAK avait cessé de fonctionner, c'est pour

9 cela qu'il y avait une cellule de Crise. La raison d'être de la cellule de

10 Crise c'était de remplacer l'assemblée en temps de crise. Si bien que cette

11 protestation, cette plainte au sujet de la cellule de Crise est de nouveau

12 réitérée. Il faut savoir qu'il n'y a pas eu de décisions prises par la

13 cellule de Crise de la RAK entre le 22 et le 25 juin 1992.

14 La Chambre de première instance s'appuie sur la pièce P2351 dans le

15 jugement qu'elle a rendu au sujet de la municipalité de Prijedor et de la

16 façon dont elle a réagi aux décisions de la cellule de Crise de la RAK.

17 Cette pièce c'est un extrait du rapport de Gerald Treanor. Nous allons

18 examiner deux paragraphes, deux paragraphes qui ont été mentionnés par la

19 Chambre de première instance. Paragraphe 59 d'abord, dans la première

20 partie de ce paragraphe, premier membre de phrase, le témoin Treanor nous

21 parle des instructions du 26 avril, puisque nous parlons de cela,

22 j'aimerais qu'on examine quelques instants la pièce P157 pour vous

23 expliquer de quoi il retourne et comment cela s'inscrit dans ce contexte.

24 Malheureusement, je n'ai pas d'exemplaire supplémentaire qu'on puisse

25 placer sur le rétroprojecteur, je ne crois pas.

26 La pièce P157 c'est un document qui est en date du 26 avril 1992.

27 C'est un document qui émane du président du gouvernement de la République

28 serbe de Bosnie-Herzégovine et qui s'intitule "Extrait des instructions

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1 relatives au fonctionnement des cellules de Crise du peuple serbe dans les

2 municipalités". Ceci date d'avant la création de la cellule de Crise de la

3 RAK. Cela concerne le fonctionnement des cellules de Crise municipales. Il

4 me semble que ce qui est important dans ce document, on le trouve au

5 paragraphe 4, un paragraphe 4 qui indique que : "Le commandement de la

6 Défense territoriale et des forces de police relève des professionnels en

7 la matière. Il est donc nécessaire d'empêcher toutes sortes d'interférence

8 ou d'ingérence en ce qui concerne les questions relevant de la compétence

9 de la Défense territoriale ou le déploiement des forces de police."

10 En d'autres termes, la cellule de Crise n'a pas son mot à dire en ce

11 qui concerne ces questions-là.

12 Si on revient maintenant aux paragraphes 59 et 62 du document

13 précédent, on voit la chose suivante. Au paragraphe 59, on parle de la

14 cellule de Crise mais uniquement dans la dernière phrase, je

15 cite : "La cellule de Crise de la RAK affirme expressément que les cellules

16 de Crise municipales constituaient les organes suprêmes de l'autorité dans

17 les municipalités." Or, affirmer ceci, que les cellules de Crise

18 municipales sont les organes de l'autorité suprême, cela n'a rien à voir

19 avec la relation entre la cellule de Crise de Prijedor et la cellule de

20 Crise de la RAK. Cela ne correspond pas. Si vous regardez le paragraphe 62,

21 on peut y lire que : "En dehors de leur rôle en temps d'urgence, les

22 cellules de Crise étaient également des organes chargés de la coordination

23 des activités de la police militaire dans les municipalités ainsi que de la

24 coordination et de la communication avec les organes au niveau de la

25 république et de la région. Conformément aux instructions du 19 décembre et

26 du 26 avril, la composition des cellules de Crise était telle qu'elle

27 devait permettre la coordination et la communication alors que les

28 instructions du 26 avril étaient en place. On reviendra sur ces

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1 communications de la cellule de Crise et des divers organes." Il n'y a rien

2 là-dedans qui parle de la cellule de Crise de la RAK et de celle de

3 Prijedor alors que c'était la conclusion de la Chambre de première

4 instance.

5 On voit encore une fois que la Chambre de première instance nous donne des

6 références qui n'ont strictement rien à voir avec les conclusions qu'elle

7 tire.

8 Toutes les conclusions de la Chambre de première instance, qui

9 imputent une responsabilité à l'accusé en se fondant sur le fait que la

10 cellule de Crise de la RAK contrôlait ce qui se passait dans la

11 municipalité de Prijedor, ne concordent absolument pas à ce qu'on voit dans

12 ces documents. L'analyse de la Chambre de première instance est

13 complètement fallacieuse. C'est une conclusion qu'aucune Chambre de

14 première instance n'aurait pu raisonnablement rendre.

15 J'aimerais maintenant parler un peu plus du rapport Treanor et parler de la

16 complicité d'aider et d'encourager. Brdjanin a été déclaré coupable d'avoir

17 aidé et encouragé les actes de persécution et de torture, chefs 3 et 6; il

18 a été déclaré coupable d'avoir aidé et encouragé les actes d'expulsion et

19 d'actes inhumains, chefs 8 et 9; il a été déclaré coupable d'avoir aidé et

20 encouragé les actes d'homicide intentionnel, chef 5; de torture, chef 7; de

21 destruction sans motif d'agglomérations, de villes et villages, chef 11; de

22 destruction et d'endommagement délibéré d'institutions consacrées à la

23 religion. L'erreur que nous avons trouvée dans le jugement qui porte selon

24 nous le numéro 153, nous permet d'affirmer que la Chambre de première

25 instance s'est trompée en appliquant le droit dans ce domaine et qui exige

26 au-delà de tout doute raisonnable que les actes de l'accusé aient eu un

27 effet substantiel sur la perpétration de l'infraction.

28 A partir du paragraphe 271, la Chambre de première instance a exposé de

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1 manière tout à fait exacte le droit qui s'applique à la complicité. Le

2 problème c'est qu'elle ne l'a pas bien appliqué en l'espèce.

3 En passant, je trouve un petit peu bizarre cette position prise par

4 la Chambre de première instance et qui a été soulignée deux ou trois fois

5 par l'Accusation. C'est-à-dire que parfois le fait d'aider et d'encourager

6 est considéré comme une infraction moins grave que le fait de participer à

7 une entreprise criminelle commune. Il y a des circonstances dans lesquelles

8 je trouve cela complètement incroyable. Pour déclarer quelqu'un coupable

9 d'avoir aidé et encouragé un acte, il faut montrer que cette personne a eu

10 un impact substantiel sur le crime. Pour prouver que quelqu'un est membre

11 d'une entreprise criminelle commune, cet effet substantiel il n'est pas

12 nécessaire de le prouver. On peut avoir quelqu'un qui a participé

13 activement à une série de meurtres, qui a eu un impact substantiel sur ces

14 meurtres, qui est condamné de complicité, mais on pourrait dire que c'est

15 un crime moins grave que quelqu'un qui était membre d'une entreprise

16 criminelle commune. Pour moi, cela n'a aucun sens.

17 Ce qui me paraît aussi un petit peu bizarre c'est d'utiliser le

18 concept de l'inactivité ou de l'inaction. L'impact du comportement d'un

19 accusé peut être pris en compte au moment de la détermination de la peine.

20 Le droit relatif à la complicité a été passé en revue par la Chambre

21 d'appel dans l'affaire Simic. La Chambre est tout à fait au courant des

22 tenants et aboutissants de l'affaire Simic. Ce qui nous intéresse ici, on

23 le trouve aux paragraphes 103 et 130 de l'arrêt Simic. Paragraphe 130 de

24 cet arrêt, je cite : "La Chambre d'appel insiste sur le fait que les

25 conclusions de la Chambre de première instance ne permettent pas d'arriver

26 à une conclusion claire sur la manière dont le comportement de l'appelant a

27 été interprété par les auteurs matériels qui commettaient les passages à

28 tabac et sur l'impact de son comportement sur leurs actes," ce qui signifie

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1 qu'il faut que les auteurs matériels aient eu connaissance de ses actes.

2 Ils ne pouvaient pas interpréter son comportement s'ils ne savaient pas ce

3 qu'était ce comportement. Le problème en l'espèce c'est que jamais on a

4 montré qu'aucun auteur direct des crimes n'ait eu connaissance de quelque

5 manière que ce soit de ce que faisait M. Brdjanin. Jamais on a montré

6 qu'ils aient entendu parler de M. Brdjanin de ce qu'il faisait. Jamais.

7 Nous n'avons pas un seul criminel qui soit venu ici et qui nous ait dit :

8 "Oui, oui, bien sûr, je connais M. Brdjanin, c'était un grand dirigeant. Je

9 me suis conformé à ce qu'il disait," et cetera. Personne n'a jamais rien

10 dit de tel.

11 D'autre part au paragraphe 130, la Chambre d'appel note à cet égard :

12 "Qu'il n'a pas été montré que l'appelant se soit jamais rendu dans aucun

13 des centres de détention et rappelle qu'il a été reconnu que les auteurs

14 des passages à tabac, les membres des forces paramilitaires de Serbie, les

15 policiers locaux et certains membres de la JNA n'étaient pas sous ses

16 ordres."

17 Vous savez que la Chambre de première instance a conclu en l'espèce que les

18 auteurs matériels n'étaient pas sous l'autorité de M. Brdjanin. La Chambre

19 d'appel poursuit : "Pour les mêmes motifs, la Chambre d'appel estime que

20 les conclusions de la Chambre de première instance ne permettent pas à un

21 juge du fait d'arriver raisonnablement à la conclusion au-delà de tout

22 doute raisonnable qu'il y a eu un impact du comportement de l'appelant sur

23 les différents actes de torture perpétrés dans les lieux de détention à

24 Bosanski Samac." Au paragraphe 473 du jugement, la Chambre se dit

25 convaincue au-delà de tout doute raisonnable que la seule inférence

26 raisonnable est que lorsque les décisions de la cellule de Crise de la RAK

27 ont été rendues, l'accusé savait que les forces serbes de Bosnie devaient

28 attaquer des villes, villages et quartiers non-Serbes, par le biais des

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1 décisions de la cellule de Crise de la RAK concernant le désarmement, il

2 apportait une aide pratique aux forces serbes de Bosnie qui mèneraient les

3 attaques et une contribution substantielle à celle-ci.

4 Pour paraphraser la conclusion de la Chambre d'appel dans Simic, les

5 conclusions de la Chambre de première instance ne permettent pas d'arriver

6 à une déduction claire sur la façon dont le comportement de l'appelant

7 aurait pu être interprété par les auteurs matériels qui commettaient les

8 meurtres et sur l'impact de son comportement éventuel sur ces actes.

9 D'autre part, cette conclusion de la Chambre de première instance ne permet

10 pas raisonnablement d'arriver au-delà de tout doute raisonnable à une

11 conclusion quelconque au sujet de l'impact des actes de l'appelant sur ces

12 meurtres.

13 On ne nous a jamais expliqué dans le jugement comment les décisions du

14 désarment avaient pu avoir un impact sur les meurtres.

15 Le paragraphe 549 est contradictoire. Nous en avons parlé. On ne peut pas

16 dire que des opérations militaires dont l'objectif soit le déplacement des

17 populations et en même temps que ce soit le désarmement qui soit l'objectif

18 recherché. C'est complètement contradictoire tout cela. Au paragraphe 549,

19 on a dit que l'objectif de ces attaques militaires, c'était le déplacement

20 des populations. Il n'y a strictement aucun lien qui a été établi par la

21 Chambre de première instance entre les décisions relatives au désarmement

22 et ces attaques. On peut dire que les décisions relatives au désarment

23 rendues par la cellule de Crise n'ont absolument rien à voir avec tout

24 cela. Dans ces décisions, il est intéressant de voir qu'il n'est nullement

25 question d'aller attaquer des villages, de s'emparer des armes des non-

26 Serbes. On parle de faire respecter la loi, de rendre les armes. Il faut

27 que les armes de la Défense territoriale soient rendues. On ne demande

28 nullement à ce que les personnes donnent leurs armes personnelles. Il

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1 s'agit simplement que les armes qui sont détenues de manière illégale

2 soient confisquées. Il s'agit, par exemple, d'armes qui se trouvaient entre

3 les mains de paramilitaires qui opéraient dans la région. Chacune de ces

4 décisions, si vous le voulez bien, demandent simplement que la loi soit

5 respectée. L'Accusation nous dit que c'était une tentative de dissimuler

6 les opérations de désarmement de la population non-serbe.

7 Là, il y a une question qui se pose à nous. Si c'était véritablement une

8 tentative de dissimuler ce qui se passait, un rideau de fumée pour

9 justifier l'attaque de ces villages, à ce moment-là on doit forcément se

10 poser la question suivante, pourquoi est-ce qu'à un moment donné, la

11 cellule de Crise de la RAK a repoussé les dates butoirs de la restitution

12 des armes après le 11 mai ? Pourquoi repousser ces dates butoirs ? Si ce

13 n'était qu'un prétexte, si ce n'était pas un effort sérieux entrepris pour

14 faire respecter la loi, pour récupérer des armes qui étaient détenues de

15 manière illégale et pour essayer de diminuer les risques auxquels étaient

16 confrontés toute la population qui vivait à l'époque sur place, une menace

17 qui venait plus particulièrement de ces formations paramilitaires.

18 S'agissant de la torture, la Chambre de première instance a rendu

19 deux conclusions. La torture à l'extérieur des camps, elle était la

20 conséquence des décisions relatives au désarmement. A l'intérieur des camps

21 ces actes de torture résultaient de l'attitude de laisser-faire de

22 Brdjanin. S'agissant du transfert forcé et des expulsions, on a tenu compte

23 de ses déclarations publiques et de la mise en place d'une agence. Les

24 mêmes arguments s'appliquent. Aucun élément de preuve n'a été fourni pour

25 établir sa contribution à ces crimes quelle qu'elle soit, encore moins

26 substantielle. Il serait très difficile de ne trouver aucune preuve dans ce

27 sens.

28 Je voudrais maintenant parler des déclarations de M. Brdjanin. On

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1 nous parle longuement, aussi bien dans le jugement que dans les écritures

2 de l'Accusation, des différentes déclarations qui auraient été faites par

3 Brdjanin. L'Accusation insiste sur le fait que Brdjanin savait qu'il y

4 avait des mauvais traitements dans les camps et dans les lieux de détention

5 puisqu'il aurait soi-disant dit, je cite : "Si Stalin, Hitler et Churchill

6 avaient des camps de travail, alors nous aussi nous pouvons en avoir." Or,

7 il n'y a aucun élément de preuve quant au contexte dans lequel ces

8 déclarations ont été prononcées. Nous ignorons totalement ce contexte.

9 Cependant, on peut se demander quels étaient les camps où des prisonniers

10 étaient maltraités qu'il aurait pu mettre en relation avec Churchill, cela

11 paraît bizarre. Il me semble plutôt que la conclusion à laquelle il faille

12 arriver, étant donné qu'il parle de Churchill, qu'il était en train de

13 parler des camps de prisonniers de guerre qui existaient pendant la

14 Deuxième Guerre mondiale, des camps dans lesquels les Conventions de Genève

15 étaient respectées aussi bien en Allemagne qu'ailleurs. Je n'ai

16 connaissance d'aucun camp où on aurait pratiqué la torture et la mort et

17 qui aurait été dirigé par des Britanniques.

18 La Chambre a conclu que les déclarations faites en public par

19 Brdjanin ont apporté une aide substantielle à ceux qui ont commis des

20 crimes dans des camps. Cependant, il n'y a pas eu de preuves à l'appui en

21 l'espèce montrant que ceux qui ont commis des crimes dans les camps étaient

22 au courant des déclarations faites par Brdjanin. Aucune preuve montrant

23 qu'ils auraient lu la presse, écouté la radio, regardé la télévision, ce

24 qui est encore plus important qu'ils auraient entendu les déclarations de

25 Brdjanin. C'est un minimum requis en tant qu'éléments de preuve pour nous

26 montrer qu'il y a conviction intime et preuve au-delà de tout doute

27 raisonnable. On ne peut pas simplement se contenter de dire, j'ai dit telle

28 ou telle chose, quelqu'un aurait dû suivre ses propos. Je fais des efforts

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1 considérables, Madame et Messieurs les Juges, afin de lire International

2 Herald Tribune tous les matins. Je ne peux pas tout lire. Il y a beaucoup

3 de choses qui m'échappent. Si quelqu'un dit que parce que quelque chose a

4 été publié le 7 novembre 2006 dans l'International Herald Tribune et que

5 vous avez été au courant de cela et que vous avez agi suite à cela, c'est

6 insensé. Il faudrait prouver que vous l'avez lu ce jour-là, vous avez vu en

7 quoi consistait l'article. Vous ne pouvez pas simplement vous contentez de

8 supposer ceci. Vous ne pouvez pas supposer qu'il y a culpabilité. C'est

9 exactement ce qu'on a fait ici.

10 Hier, j'ai parlé de la déclaration du Témoin BT19 et l'Accusation m'a

11 répondu. Je ne peux pas identifier ce témoin. Je ne peux pas révéler son

12 identité publiquement. Vraiment je vous invite à examiner son témoignage et

13 ces éléments de preuve. C'était un témoin important, quelqu'un de très

14 crédible. Les pages de transcript pertinentes pour sa déposition sont 20

15 765 et 20 766. C'est crucial pour comprendre cette histoire de déclaration

16 de Brdjanin et de la propagande diffusée.

17 On a dit que si les gens quittaient Banja Luka c'était à cause des

18 déclarations faites en public par M. Brdjanin. Certains témoins sont allés

19 jusqu'à l'affirmer. Si vous vous reportez à présent aux paragraphes 85 et

20 86 de la réponse en appel de l'Accusation, il en est question, je ne vais

21 pas me répéter. Je ne vais pas examiner cela en détail. Les éléments en

22 l'espèce montrent que la grande majorité des gens n'ont pas quitté Banja

23 Luka jusqu'à un moment bien postérieur à la fin de l'existence de la

24 cellule de Crise de la RAK. Predrag Radic, le maire de Banja Luka, en a

25 parlé. Il a parlé du moment où les gens sont partis. Vous avez le document

26 DB 379, c'est une analyse des entrées et des sorties des gens de Banja Luka

27 pendant cette période. Pratiquement, il y a eu autant de gens qui sont

28 arrivés à Banja Luka que des gens qui ont quitté Banja Luka pendant

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1 l'existence de la cellule de Crise. C'était une enclave de paix. Le fameux

2 journaliste, Roy Gutman de Newsday de New York a appelé Banja Luka

3 l'endroit libre de terreur par rapport à ce qui se passait à d'autres

4 endroits de la Krajina.

5 Si M. Brdjanin avait une autorité quelque part, c'était bien à Banja

6 Luka où il était à la tête de la cellule de Crise de la RAK en tant que son

7 président.

8 Quant à l'autorité de la cellule de Crise de la RAK sur les

9 municipalités, il me semble que l'élément de preuve le plus important à cet

10 égard, c'est l'étude de la mise en œuvre faite par Gerald Treanor. C'est

11 quelqu'un qui est employé du bureau du Procureur. Je dois dire que c'est un

12 homme d'une grande intégrité. Il a fait une étude très détaillée et

13 approfondie de toutes les décisions de la cellule de Crise de la RAK et de

14 la mise en œuvre de ces décisions, dans chacune des municipalités de la

15 RAK. C'est à deux niveaux qu'il a analysé les preuves. Premièrement, il

16 s'est penché sur les agissements de la municipalité qui auraient pu

17 provenir de la cellule de Crise de la RAK mais aussi de la Republika

18 Srpska, du SDS, du MUP, du centre régional de la police ou de l'armée de la

19 Republika Srpska. Cela aurait pu venir de la cellule de Crise mais aussi de

20 l'une quelconque de ces autres instances. Il était impossible de distinguer

21 de laquelle. Si on supposait que tout ceci était venu de la cellule de

22 Crise de la RAK, il y avait alors un taux de mise en œuvre de décisions de

23 la cellule de Crise de 11,9 %. En d'autres termes, pratiquement 90 %

24 n'étaient pas mis en œuvre.

25 Si vous examinez le deuxième volet de son étude, ceci permettrait une

26 conclusion au-delà de tout doute raisonnable que lorsqu'il y a un lien

27 direct avec la mise en œuvre des décisions de la cellule de Crise de la

28 RAK, le taux de mise en œuvre chute à 3,6 %. Donc, 96 % des décisions ne

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1 sont pas mises en œuvre. Tout simplement ce qui a été fait par la Chambre

2 de première instance met au défi la logique. Ces éléments de preuve n'ont

3 pas été pris en compte par la Chambre de première instance. Il n'y a pas eu

4 d'opinion motivée pour montrer pourquoi ceci n'a pas été pris en compte, le

5 fait que les municipalités n'ont pas mis en œuvre les décisions de la

6 cellule de Crise de RAK. Il est difficile, Madame et Messieurs les Juges,

7 d'expliquer de très nombreuses carences dans le jugement. Le temps ne me

8 permet pas de tout vous montrer. Je ne peux vous montrer qu'une petite

9 portion de ceci.

10 C'est un peu comme s'il y avait deux récits l'un à côté de l'autre de

11 cette série d'événements. Il ne semble pas y avoir de recoupement. Il y a

12 les conclusions de la Chambre de première instance dans son jugement, il y

13 a aussi les éléments de preuve en l'espèce. Il ne semble pas y avoir de

14 lien entre les deux. Si vous vous penchez sur la déposition, sur les pièces

15 à conviction, vous avez une impression. Si vous lisez le jugement prononcé

16 par la Chambre de première instance, vous avez une autre impression.

17 Cet homme, Radoslav Brdjanin, je pense qu'il n'a pas été un acteur

18 majeur. Je pense que tout simplement il a été choisi pour porter le

19 chapeau, pour dissimuler les protagonistes puissants à Banja Luka qui eux

20 détenaient le véritable pouvoir et qui eux ont agi. Ce n'est pas la bonne

21 personne que nous avons ici. Ceux qui ont fait ces choses, ils vivent, ce

22 sont des gens aisés, ils ont des vies prospères dans la Republika Srpska.

23 La cellule de Crise de la RAK c'était pratiquement une plaisanterie.

24 Il n'y avait pas d'employés, pas de bureau. Nous n'avons pas ici la bonne

25 personne. Pendant que nous sommes en train de débattre d'un second couteau

26 de Radoslav Brdjanin, les véritables personnes vivent bien en Republika

27 Srpska. La cellule de Crise n'avait pas de bureau, n'avait pas de

28 téléphone, n'avait pas de véhicule. Elle n'a existé que du 5 mai au 17

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1 juillet 1992. Les événements dans la Krajina se sont produits avant,

2 pendant et après l'existence de la cellule de Crise. Tout simplement la

3 cellule de Crise n'avait pas d'impact sur les événements et Brdjanin n'en a

4 pas eu non plus.

5 Vous avez entendu beaucoup au sujet de ses propos mais peu au sujet

6 de ce qu'il a fait, au sujet de ses actions. Il n'a jamais ordonné qu'on

7 perpètre un crime. Regardez la déposition de Boro Mandic, au début de la

8 page 21 241. Mandic parle de Brdjanin en tant que ministre de la

9 Construction et du Logement de la Republika Srpska. Il protégeait les

10 logements des Musulmans et des Croates. Il empêchait qu'ils soient

11 expulsés. Il a protégé leurs biens. Ceci ne correspond d'aucune manière à

12 quelqu'un qui aurait appuyé le plan stratégique. Mandic a présenté de

13 nombreux documents qui viennent à l'appui de cette décision. Vous pouvez

14 les examiner. Il ne s'agit pas là du travail de quelqu'un qui a adhéré au

15 plan stratégique. Penchez-vous sur le témoignage de Mehmed Talic, c'est un

16 Musulman, sa déposition commence page 24 138, il décrit comment Brdjanin a

17 sauvé 1 860 Musulmans et Croates de Celinac, il les a sauvés de

18 déportation. Ils avaient été montés à bord d'autocars, les autocars

19 allaient partir mais Brdjanin a arrêté ceux-ci. Peut-être a-t-il sauvé leur

20 vie. Il dit comment Brdjanin a aidé sa fille à être sauvée dans une

21 situation très dangereuse et a peut-être sauvé sa vie.

22 Madame et Messieurs les Juges, on juge un homme sur ses actes et non

23 pas sur ses paroles. Lorsque vous vous penchez sur les actions de Brdjanin,

24 sur ses actes, vous n'y trouverez pas un criminel de guerre. Penchez-vous

25 sur les éléments de preuve et non sur le jugement. C'est là que vous

26 trouverez la vérité de l'espèce. Aucun Juge des faits raisonnables n'aurait

27 pu arriver aux conclusions qui ont été faites dans cette affaire. Brdjanin

28 devrait et doit être acquitté. Il me semble effectivement que j'ai réussi à

Page 159

1 terminer avant l'heure prévue.

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Ackerman. Tout

3 à fait, c'est vrai. Nous allons interrompre l'audience. Nous allons nous

4 retrouver à 10 heures 32.

5 --- L'audience est suspendue à 10 heures 11.

6 --- L'audience est reprise à 10 heures 35.

7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie, asseyez-vous.

8 A présent nous allons donner la parole à l'Accusation pour qu'elle

9 réponde. Vous avez la parole.

10 Mme GOY : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vais parler

11 aujourd'hui de l'obligation légale pour qu'il y ait commission par

12 omission. Ensuite, M. Kremer répondra aux arguments de Me Ackerman.

13 Vous nous avez demandé de présenter d'autres arguments afin d'étayer les

14 conclusions dans les paragraphes 537 du jugement de l'espèce, en

15 particulier pour ce qui est de l'obligation légale s'il y avait eu

16 infraction par Brdjanin et s'il y a des éléments de preuve à l'appui. Notre

17 position de base est que la Chambre de première instance dans son

18 paragraphe 537, même si elle s'est appuyée sur le comportement de Brdjanin

19 en tant qu'un tout, s'est focalisée avant tout sur ses actions, non pas sur

20 les omissions, en estimant au paragraphe 537 que son inaction ainsi que son

21 attitude publique à propos des camps et des lieux de détention ont

22 constitué un encouragement et ont apporté un soutien moral aux auteurs

23 matériels. Si on prend en compte l'impact de sa campagne de propagande,

24 c'est la focalisation sur la contribution de Brdjanin, sur ce qu'il a fait.

25 C'est cohérent par rapport aux conclusions générales de la Chambre de

26 première instance, sur le fait d'aider et encourager, donc la complicité

27 aux paragraphes 368 et 369 où il n'est pas question d'omission.

28 Mais même si, et cela c'est notre position alternative, si la Chambre

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1 de première instance était basée également sur l'omission, elle était en

2 droit de le faire. Nous entendons la commission par omission dans un sens

3 plus général, en englobant également la complicité par omission, par

4 conséquent nous allons répondre conformément aux conclusions de la Chambre

5 paragraphe 537 disant que ceci a été fait dans le contexte de la

6 responsabilité de Brdjanin en tant que complice, que celui qui a aidé et

7 encouragé.

8 Nous relevons cependant que nos conclusions au sujet de son

9 obligation d'agir sont également applicables à la responsabilité aux termes

10 de l'entreprise criminelle commune.

11 Il est reconnu dans la jurisprudence du Tribunal pénal international

12 pour l'ex-Yougoslavie et celui du Rwanda que la contribution pour

13 complicité peut être faite par omission si l'accusé avait la possibilité

14 d'agir et s'il avait l'obligation d'agir. La Chambre de première instance a

15 eu raison en concluant que Brdjanin a contribué par omission. Je vais me

16 polariser sur l'obligation d'agir. Brdjanin avait l'obligation d'agir pour

17 deux raisons. Premièrement, son comportement préalable dangereux, c'est-à-

18 dire la propagande qu'il a diffusée a créé un climat dans lequel les Serbes

19 de Bosnie étaient prêts à commettre des crimes contre les Musulmans et les

20 Croates. Un deuxième point, il était à la tête du gouvernement régional, il

21 avait l'obligation de protéger la population civile ainsi que les personnes

22 hors de combat, en particulier ceux qui étaient privées de leur liberté.

23 Dans notre mémoire en appel, en son paragraphe 5.11, nous nous sommes

24 concentrés uniquement sur la deuxième de ces obligations et nous vous avons

25 renvoyé à deux sources internes. La loi interne peut être pertinente pour

26 déterminer qui endosse cette obligation d'agir. Cependant, nous estimons

27 que dans la juridiction nationale, cette obligation est acceptée.

28 Lorsqu'elle existe c'est uniquement à ce moment-là qu'elle peut être

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1 suffisante pour constituer une responsabilité pénale dans le sens du droit

2 international.

3 Pour ce qui est du devoir d'agir qui découle du comportement

4 préalable dangereux, Brdjanin a créé un risque de commission de crimes dans

5 les camps, par conséquent, il avait l'obligation de s'assurer qu'il n'y

6 avait pas de torture de détenus. Il est reconnu dans la jurisprudence de ce

7 Tribunal, dans la jurisprudence à l'issue de la Seconde Guerre et

8 généralement dans les juridictions nationales, qu'un comportement préalable

9 dangereux peut constituer une source de l'obligation d'agir pour qu'il y

10 ait un comportement pénal fondé sur l'omission. Dans Oric, paragraphes 283

11 et 304, la Chambre de première instance a reconnu qu'une obligation d'agir

12 peut résulter d'un comportement préalable par lequel la personne concernée

13 a été exposée au danger. Je vous renvoie à la note en bas de page

14 1 943 du paragraphe 293 de la Chambre de première instance dans le jugement

15 Oric : "En jouant à un rôle clé afin de lancer ce genre d'attaque, l'accusé

16 a pris part à la création d'une situation dangereuse. En sa qualité de

17 commandant, il avait le devoir, l'obligation d'éviter ou de minimiser ce

18 danger et, par conséquent, il avait l'obligation de prendre des mesures

19 afin de prévenir des destructions des biens des Serbes de Bosnie."

20 Pour ce qui est de l'affaire de l'incendie de la synagogue, l'affaire

21 à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, la Chambre est arrivée à la

22 conclusion que le comportement dangereux préalable peut constituer une

23 obligation d'agir pour ce qui est des crimes contre l'humanité. Dans cette

24 affaire, l'accusé avait placé une victime juive dans une situation où il a

25 été attaqué par une foule en colère.

26 Ce comportement dangereux préalable est reconnu en tant qu'une

27 obligation d'agir dans un grand nombre de systèmes internes et peut être

28 considéré comme un principe général du droit.

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1 Pour ce qui est de la reconnaissance de ce comportement dangereux

2 préalable en tant que source d'obligation d'agir, l'Accusation s'appuie sur

3 une section d'un article de Michael Dutviller [phon] qui est contenu dans

4 notre bibliographie supplémentaire. Cependant si vous le souhaitez nous

5 pouvons vous fournir des sources premières dans les juridictions

6 nationales.

7 Dutviller a analysé la situation dans différentes juridictions

8 nationales, spécialement pour ce qui est de la question de la source de

9 l'obligation d'agir, mais plus généralement pour ce qui est de la question

10 est-ce que la commission par omission peut être acceptée en tant que

11 principe général de la loi. Cependant, nous avons toute une série de pays

12 qui peuvent être cités à l'exemple, y compris des pays de la "common law"

13 ou du droit romano-germanique, à la Russie et à la Chine.

14 Par la campagne de propagande qu'il a menée, Brdjanin a créé une

15 situation de danger pour les non-Serbes de la Krajina. Je vous renvoie à la

16 conclusion de la Chambre relative à la campagne de propagande, paragraphes

17 323 à 332 du jugement. Brdjanin a délibérément et de façon systématique

18 fait des discours incendiaires à la radio, à la télévision et dans la

19 presse. Il s'est servi des médias comme instrument, comme outil pour

20 exécuter ce plan stratégique.

21 La Chambre a conclu que les déclarations qu'il avait faites en public

22 avaient eu un impact désastreux, qu'ils avaient incité la population serbe

23 à commettre des crimes contre les Musulmans et les Croates.

24 La Chambre de première instance a conclu que c'est délibérément que

25 Brdjanin avait contribué à la création d'un climat dans lequel les Serbes

26 de Bosnie étaient prêts à commettre des crimes sur les Musulmans et les

27 Croates. Ceci est constitutif de l'exigence d'un comportement préalable

28 dangereux.

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1 Ceci se trouve à la note de bas de page 860 et se poursuit jusqu'à la

2 note 862 du jugement. Je vous renvoie à la déposition du Témoin BT94 que

3 nous mentionnons dans notre mémoire en appel au paragraphe 5.36.

4 En ce qui concerne la deuxième source de l'obligation d'agir qu'avait

5 Brdjanin, il était chef du gouvernement régional, en tant que tel il avait

6 l'obligation de protéger la population civile et les personnes hors de

7 combat, surtout celles qui avaient été privées de liberté. Le droit

8 coutumier international exige que soient protégées la population civile et

9 les personnes hors de combat lorsqu'il y a conflit armé, surtout les

10 personnes qui sont privées de leur liberté. La règle 87 de l'étude qu'a

11 fait le CICR sur le droit international coutumier dit que les civils et les

12 personnes hors de combat doivent être traités de façon humaine. Cette règle

13 s'applique quelle que soit la nature du conflit.

14 Elle se fonde notamment sur l'article commun 3 des conventions de Genève,

15 l'article 13 de la convention de Genève numéro 3, l'article 27 de la

16 convention de Genève numéro 4, et elle est reconnue comme une garantie

17 fondamentale des deux protocoles additionnels. Article 75 du premier

18 protocole additionnel ainsi que l'article 4 du second. Il y a un corollaire

19 précis de ces garanties. C'est l'obligation de protéger ceux qui sont

20 privés de liberté. A cet égard, je vous renvoie à la Règle 121 de l'étude

21 du CICR.

22 Le jugement Oric, en son paragraphe 304, a confirmé qu'une obligation peut

23 découler du droit humanitaire et qu'elle est due à la responsabilité qu'on

24 a envers ces personnes en matière de leur sécurité, en s'appuyant ainsi sur

25 l'article 13 de la Convention de Genève numéro 3 et l'article 11 du premier

26 protocole additionnel ainsi que sur l'arrêt Blaskic au paragraphe 663.

27 Le droit international humanitaire nous fournit une garantie fondamentale

28 pour toutes les personnes qui sont privées de leur liberté. Les victimes de

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1 torture mentionnées au paragraphe 537 c'étaient des Musulmans, des Croates

2 de Bosnie qui se trouvaient dans des camps et dans des installations de

3 détention. Ce sont des personnes qui ont le droit de bénéficier de cette

4 protection.

5 Il était chef de la cellule de Crise de la RAK. Il avait en tant que

6 tel l'obligation d'assurer cette protection. L'arrêt Blaskic dit, en sa

7 note de bas de page 1 384, que même si techniquement l'obligation de

8 fournir cette protection incombe à l'Etat partie à la convention. Ceci a

9 donné un principe général qui est de la responsabilité pénale s'il y a

10 omission. Dans la même veine, la Chambre de première instance Rutagnira

11 indique qu'il y avait dans le contexte du crime contre l'humanité que

12 l'Etat qui doit endosser cette responsabilité ne peut agir que par ses

13 agents, ce sont ceux-ci qui ont l'obligation non seulement de respecter

14 comme tout le monde les droits fondamentaux, mais ces agents doivent aussi

15 veiller à ce que ces droits soient respectés par d'autres. Il y a

16 l'obligation d'agir qui est mentionnée aux paragraphes 78 et 79. Le

17 jugement Rutagnira s'appuie notamment sur l'article 2 de la convention

18 portant sur la non-applicabilité des limites dans le temps aux crimes de

19 guerre et aux crimes contre l'humanité. Ce qui veut dire qu'une autorité

20 d'Etat peut être responsable si elle tolère des crimes de guerre et des

21 crimes contre l'humanité.

22 La jurisprudence après la Deuxième Guerre mondiale ainsi que la nôtre en ce

23 Tribunal reconnaissent qu'il y a l'obligation d'agir dans le chef de ces

24 personnes qui sont responsables de personnes privées de liberté. Dans

25 l'affaire de l'incendie de la synagogue, le Tribunal a estimé que cette

26 obligation résultait du fait que l'accusé escortait la personne dont il

27 avait la responsabilité. Dans le jugement du Tribunal militaire

28 international pour l'Extrême-Orient, il a été reconnu que l'obligation

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1 d'assurer la protection des personnes privées de liberté incombe non

2 seulement aux personnes qui ont la garde de ces personnes mais s'applique

3 également aux membres du gouvernement. Ce tribunal a invoqué le droit

4 coutumier international pour dire que la responsabilité de celui qui a la

5 responsabilité des prisonniers de guerre et des détenus civils, cette

6 responsabilité est endossée par le gouvernement. Elle ne se limite pas

7 simplement à l'alimentation ou au maintien de ces personnes, mais doit

8 aussi signifier qu'on ne peut pas autoriser les mauvais traitements, des

9 actes d'inhumanité à l'égard de ces prisonniers. Ceci est interdit par le

10 droit coutumier international.

11 Par conséquent, ce tribunal reconnaît qu'il y a l'obligation

12 d'empêcher que des crimes soient commis à l'encontre des détenus.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Excusez-moi un instant. Je me permets

14 de vous interrompre. Vous dites qu'il y a une obligation de la part du

15 gouvernement. Est-ce que ceci s'applique à l'ensemble du gouvernement ou

16 uniquement au ministre de la Guerre ?

17 Mme GOY : [interprétation] D'après ce jugement ceci s'appliquait également

18 au ministre des Affaires étrangères. Je vous renvoie à la bibliographie

19 supplémentaire où nous avons repris la section concernant le ministre des

20 Affaires étrangères.

21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

22 Mme GOY : [interprétation] Ce jugement du Tribunal militaire international

23 ne se limite pas à estimer responsables ceux qui ont la responsabilité

24 immédiate des prisonniers, pas seulement au service ou au ministère chargé

25 de ces prisonniers, mais aussi aux autres membres du gouvernement.

26 Dans la lignée de ces jurisprudences, nous avons la nôtre qui confirme

27 qu'il y a obligation de protéger les personnes privées de liberté. Nous

28 avons le jugement en première instance Krnojelac, paragraphe 316. Il y a

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1 été conclu que, puisqu'il était directeur de prison, il devait veiller à

2 protéger les prisonniers, à empêcher par exemple des passages à tabac.

3 L'arrêt Delalic confirme la mise en accusation et la condamnation de Mucic

4 qui était directeur de camp parce qu'il n'avait pas veillé à ce que soient

5 respectés les droits des prisonniers. Ceci faisait référence notamment à

6 l'obligation de libérer des prisonniers. Ceci concerne son obligation

7 légale.

8 Nous avons le Juge Lindholm dans le jugement Simic qui donne une opinion

9 individuelle. Il dit que : "Les fonctionnaires les plus haut placés à

10 Bosanski Samac comptaient parmi leurs membres Simic. Celui-ci avait

11 l'obligation de faire l'impossible pour protéger la population non-serbe."

12 Si nous tenons compte du raisonnement du Tribunal militaire international,

13 Brdjanin avait l'obligation de protéger, étant donné la position et le

14 poste qu'il occupait dans la cellule de Crise. Paragraphes 296 à 302 du

15 jugement lorsqu'il est question des fonctions du président de la cellule de

16 Crise exercée par Brdjanin.

17 La cellule de Crise représentait le gouvernement de la région en période de

18 conflit armé. C'était la plus haute autorité civile dans la RAK. L'autorité

19 revêtue par Brdjanin et l'influence qu'il exerçait sur les camps de

20 détention étaient là pour contrôler ce que faisait la police et l'armée.

21 Puisqu'il était président de la cellule de Crise de la RAK, il avait une

22 autorité de fait sur les municipalités, sur la police et exerçait une

23 grande influence sur l'armée.

24 Les liens qu'il avait avec les camps sont prouvés. La conclusion qui a été

25 faite par la Chambre au paragraphe 536 c'est qu'il avait la responsabilité

26 de ces camps et des installations de détention qui se multipliaient dans la

27 RAK. Ces camps et ces installations de détention faisaient partie du plan

28 stratégique exécuté notamment par Brdjanin.

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1 La situation qui régnait dans ces camps et dans ces installations de

2 détention a fait l'objet de discussions aux réunions de la cellule de

3 Crise. D'autres preuves montrent que Vojo Kupresanin, autre membre de la

4 cellule de Crise de la RAK, en août 1992, avait fait sortir des gens

5 d'Omarska et de Manjaca. Nous avons aussi Mevludin Sejmenovic, un témoin

6 qui dit à la page du compte rendu 12 122 et 12 223; nous avons le témoin

7 Blagojevic, page du compte rendu d'audience 21 923; Faik Biscevic, page du

8 compte rendu de l'audience 7 100 jusqu'à la page 7 102; nous avons

9 également la pièce P832.

10 Brdjanin lui-même a effectué une visite en juillet au camp d'Omarska. Il a

11 inspecté les centres de regroupement. Nous avons d'autres preuves qui

12 montrent qu'il a effectué une visite au camp de Manjaca et a fait un

13 discours disant que ceux qui n'étaient pas coupables seraient libérés. Je

14 vous renvoie à la déposition du témoin Enes Sabanovic.

15 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi, mais je pense qu'il y a une

16 erreur.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Il n'y a pas de preuve montrant qu'il y a eu

19 une visite de Brdjanin à Manjaca. C'est plutôt Vojo Kupresanin qui a

20 effectué cette visite. Je pense que l'Accusation a fait une erreur.

21 Mme GOY : [interprétation] Non.

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous pourriez nous donner une

23 référence ?

24 Mme GOY : [interprétation] Oui, oui. Je veux parler de la visite de M.

25 Brdjanin au camp de Manjaca et de ce qu'a dit dans sa déposition Enes

26 Sabanovic, page du compte rendu de l'audience 6 574 jusqu'à la page 6 576,

27 ainsi que le statue le Témoin BT27, pages du compte rendu 12 028 et 12 029.

28 En conclusion, M. Brdjanin avait l'obligation d'agir --

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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons examiner ces pages du

2 compte rendu d'audience, Maître Ackerman, si vous n'êtes pas en mesure de

3 le faire maintenant, la Chambre le fera.

4 M. ACKERMAN : [interprétation] Je me souviens que M. Sabanovic avait dit

5 qu'il avait vu Brdjanin à cet endroit, mais la Chambre n'a pas tiré de

6 conclusion à cet égard. C'est Vojo Kupresanin qui était allé à Manjaca. Le

7 compte rendu d'audience le montre clairement. C'était aussi la conclusion

8 de la Chambre.

9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que la Chambre s'est prononcée

10 sur ce point ?

11 Mme GOY : [interprétation] Non, il n'y a pas eu de conclusion sur ce point

12 par la Chambre, mais nous aimerions vous reporter aux éléments de preuve

13 versés au dossier de l'audience.

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Fort bien. Tout est maintenant clair.

15 Nous examinerons la question.

16 Mme GOY : [interprétation] En conclusion, M. Brdjanin avait l'obligation

17 d'agir à deux titres. Tout d'abord, en raison de son comportement dangereux

18 préalable et deuxièmement parce qu'il était le représentant du gouvernement

19 régional.

20 J'ai ainsi terminé la présentation de mes arguments et je suis prête à

21 répondre à vos questions.

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je me tourne vers mes collègues pour

23 leur demander s'ils ont des questions à poser. Apparemment ce n'est pas le

24 cas. Je pense que c'est maintenant votre collègue qui va vous succéder.

25 Mme GOY : [interprétation] Oui merci, Monsieur le Président.

26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est moi qui vous remercie. Je précise

27 que je vais vous demander de vous présenter pour que tout soit acté au

28 compte rendu d'audience.

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1 M. KREMER : [interprétation] Peter Kremer, je vais répondre à Me Ackerman

2 et aux arguments qu'il a avancés ce matin qui répètent ce qu'il avait

3 présenté par écrit ainsi que les arguments déjà invoqués au moment du

4 procès.

5 Il y a une chose qui est intéressante si l'on suit les arguments de Me

6 Ackerman présentés ce matin. Il dit que rien n'a changé. Ce qu'il disait au

7 procès a été présenté par lui de façon très éloquente. Il a mis en exergue

8 tel ou tel élément de preuve. Il a retenu certains éléments qu'il voudrait

9 que la Chambre examine plutôt que ceux que n'aimait pas son client. Il a

10 essayé de vous convaincre de l'innocence de son client. Il a échoué à

11 l'époque au moment du procès et nous estimons que ses efforts devraient

12 demeurer vains, maintenant également. Effectivement, ce n'est pas un

13 nouveau procès qu'il faut faire. Me Ackerman voudrait vous faire croire

14 qu'il s'agit d'un nouveau procès. Il vous a demandé de réexaminer les

15 éléments de preuve, les pièces à conviction, pour tirer vos propres

16 conclusions. Vous vous livreriez à une interprétation nouvelle et contraire

17 à celle qu'a faite la Chambre de première instance.

18 A notre avis, les critères applicables à l'appel que vous avez établis

19 montrent que ce n'est pas là la chose qu'il faut faire et que ce ne serait

20 pas non plus utile pour que se manifeste la vérité et que soit rendue

21 justice. Nous avons trois juges chevronnés qui ont examiné de près les

22 éléments de preuve et qui ont écouté les arguments présentés par Me

23 Ackerman au nom de M. Brdjanin. L'avis qu'a rendu la Chambre était motivé

24 sur la plupart des points. Pour ce qui est de l'argument selon lequel les

25 opinions n'étaient pas suffisamment argumentées, on peut dire et c'est

26 clair qu'il y a eu une discussion étayée d'énormément d'éléments de preuve.

27 Ici, il n'y a pas eu manque de preuve. Les preuves étaient nombreuses et

28 elles ont été examinées avec soin par la Chambre. Je prends le paragraphe

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1 23 de l'arrêt Kvocka : "La Chambre de première instance n'est pas dans

2 l'obligation d'énoncer la totalité des éléments de preuve sur lesquels elle

3 s'est appuyée. On peut s'attendre à ce que la Chambre agisse de la sorte,

4 examine tous les éléments de preuve." Hier, Me Ackerman a fait référence au

5 Témoin B19. Il a laissé entendre qu'au moment du contre-interrogatoire, on

6 avait demandé à ce témoin s'il n'avait jamais entendu parler de Radoslav

7 Brdjanin qui aurait fait des déclarations ou qui aurait eu des activités de

8 propagande. Le témoin a répondu par la négative. Il a dit qu'il n'avait

9 jamais entendu parler de M. Brdjanin pour ce qui est de la propagande et de

10 l'effet qu'elle aurait pu avoir.

11 Je vous remercie, Maître Ackerman, de nous avoir donné la référence

12 précise aujourd'hui, mais nous avons examiné le compte rendu de la

13 déposition du Témoin B19. Au moment du contre-interrogatoire, M. Brdjanin

14 n'est mentionné que deux fois. A la page 20 761-2 et à la page 20 765-6,

15 référence donnée par Me Ackerman. Je vous exhorte à examiner ces pages du

16 compte rendu d'audience car lorsqu'on lit cette référence, elle ne vient

17 pas à l'appui de l'affirmation de Me Ackerman. Effectivement, les questions

18 et les réponses ne concernent pas les activités de propagande. Lorsqu'il a

19 formulé sa question, Me Ackerman n'a jamais utilisé des termes qui

20 voudraient revenir à cela. Il n'est pas possible de tirer ce genre de

21 conclusion. Autre exemple d'une déclaration faite par Me Ackerman sans

22 qu'elle soit étayée, ce matin il a dit qu'il n'y avait pas d'exemple où il

23 y aurait un auteur matériel qui aurait eu connaissance de l'existence de M.

24 Brdjanin. Une fois de plus ce n'est pas le cas. Je vous donne un exemple.

25 Nous avons un témoin protégé qui témoignait à huis clos, ce sont les pages

26 du compte rendu d'audience T21123-21125. Si on lit cette déposition, on

27 voit clairement que lui en tant qu'auteur matériel avait connaissance de

28 l'existence de M. Brdjanin et de l'autorité qu'il exerçait.

Page 172

1 Hier, vous vous en souviendrez, cela a été rappelé aujourd'hui, Me Ackerman

2 a parlé de la décision prise par le secrétariat national à la Défense le 4

3 mai. Décision qui a été publiée la veille de l'entrée en vigueur de

4 l'existence officielle de la cellule de Crise de la RAK. Deux observations

5 à propos de cette discussion. Première observation, soit au paragraphe 649,

6 la Chambre reconnaît que la cellule de Crise n'a pas rendu cette décision.

7 Cependant le 5 mai, elle a repris à son compte toutes les responsabilités

8 endossées jusqu'alors par l'assemblée de la RAK et par ses instances dont

9 le secrétariat national. Ce qui veut dire que la décision prise le 4 mai,

10 elle est devenue de la responsabilité du ressort de la cellule de Crise de

11 la RAK. Celle-ci, à partir du 5 mai, a rendu plusieurs décisions à propos

12 du désarmement qui ont été mises en œuvre par les municipalités. Elle avait

13 la responsabilité des délais prévus et de tout acte ou mesure prise à

14 l'expiration de ces délais. Ce qui compte dans le jugement de la Chambre ce

15 n'est pas le moment où la décision a été prise, mais le moment où elle a

16 été mise en œuvre.

17 De plus, s'agissant de la responsabilité de Brdjanin au titre de la

18 complicité les détails de tout ce qui a trait au désarmement précédemment

19 n'ont aucune pertinence. Il suffit de savoir que les décisions de la

20 cellule de Crise de la RAK au sujet du désarmement ont eu un effet

21 substantiel. De plus, il n'est pas nécessaire qu'il y ait un lien entre

22 cela et les décisions de la cellule de Crise de la RAK au sujet du

23 désarmement, entre ces décisions et les attaques. Tout ce qui est

24 nécessaire c'est qu'il y ait contribution substantielle.

25 Cette constatation de la Chambre de première instance n'a pas d'impact sur

26 le jugement. Vous nous avez interrogés au sujet de la question de la

27 réinstallation du transfert des populations. Ceci s'explique parce que

28 l'Accusation a oublié dans son annexe B d'inclure ces éléments. Nous avons

Page 173

1 préparé un document à l'intention de la Chambre qui nous indique la note de

2 bas de page du paragraphe 674 [comme interprété] qui n'est pas incluse dans

3 les écritures de M. Brdjanin. Vous avez la note de bas de page 678, 679,

4 681. Vous verrez que les éléments de preuve dont il donne les références au

5 paragraphe 194 de son mémoire d'appel, ce sont deux des nombreuses pièces à

6 conviction qui sont mentionnées dans ce paragraphe et qui permettent de

7 comprendre quelle était la position de la Chambre de première instance,

8 comment elle est arrivée à cette conclusion.

9 Le jugement, ceci est une observation de nature générale, le jugement

10 de première instance a une structure telle qu'on y trouve des renvois

11 nombreux à différents éléments, autres éléments du jugement portant sur

12 l'analyse des éléments de preuve produits au procès. Le mémoire de la

13 Défense en son paragraphe 194 n'en tient pas compte, tel que par exemple le

14 paragraphe 9 C-.2 qui a trait aux expulsions et aux actes inhumains. Il n'y

15 est pas non plus tenu compte des autres pièces à conviction et des

16 témoignages qui sont mentionnés aux notes de bas de page 678 à 681. Si on

17 ne replace pas les éléments de preuve dans le cadre de l'analyse adoptée

18 par la Chambre de première instance, on ne respecte pas les critères

19 d'examen en appel exigés par la Chambre d'appel ici présente.

20 S'agissant de l'analyse des arguments soulevés au sujet de certains

21 éléments de preuve dans les mémoires de la Défense, nous vous renvoyons à

22 nos propres écritures, à nos propres mémoires, à nos réponses.

23 Maintenant, j'aimerais qu'on passe à la question qui avait trait au

24 SOS, Me Ackerman lui-même y a répondu ce matin. A ce sujet, je souhaiterais

25 insister sur le fait que l'utilisation du sigle SOS fait référence -- si on

26 regarde le glossaire du jugement, on voit que SOS, cela veut dire forces

27 serbes de défense. Ici, on ne fait pas de distinguo entre les forces de la

28 défense serbe et celles de Sanski Most, il n'y a pas de distinguo qui est

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1 fait entre ces deux éléments. Deuxièmement, ce matin, Me Ackerman nous

2 renvoie à la pièce P395 pour nous prouver qu'après le 5 mai il n'y avait

3 plus de SOS, qu'elles n'étaient plus opérationnelles ces forces-là. Ce

4 document est en date du 21 juillet 1992, au paragraphe 4, on y trouve la

5 phrase suivante, je cite : "Pendant la nuit, un groupe de SOS, c'est ainsi

6 qu'on les appelle, forces de la défense serbe ont menacé le chef du centre

7 des services de sécurité publique à Banja Luka, ils ont menacé d'attaquer

8 la prison de la ville et de libérer leurs membres qui étaient emprisonnés."

9 Ceci nous montre clairement que le 21 juillet 1992, ces SOS étaient là,

10 étaient opérationnels dans cette zone de Banja Luka. Je vous renverrais

11 également à la pièce P400, c'est un rapport au sujet des forces

12 paramilitaires qui étaient opérationnelles dans la zone de responsabilité

13 du 1er Corps de la Krajina, on y parle des SOS, de leur désarmement. Ce

14 document est en date du 28 juillet 1992. Ces deux documents, la Chambre de

15 première instance en a eu connaissance et ils ont un rapport avec les

16 conclusions de la Chambre de première instance s'agissant des SOS, de leur

17 présence et de l'utilisation qu'on en a fait dans la région.

18 Me Ackerman, d'autre part assez longuement nous a parlé de ce qu'il

19 appelle confusion avec la SAO de la Krajina. On en a parlé au moment de la

20 première instance, c'est un sujet qu'on évoque maintenant au stade de

21 l'appel. Il y consacre une bonne partie de son mémoire en réplique.

22 La question de savoir s'il y avait une SAO de Croatie, la Krajina --

23 en Krajina de Croatie ou en Bosnie, cette problématique la Chambre de

24 première instance en a été saisie, elle l'évoque dans le jugement de

25 première instance au paragraphe 166, note de bas de page 426. Ce qui

26 apparaît clairement, c'est que les éléments de preuve qui ont été produits

27 au cours du procès pouvaient effectivement donner lieu à confusion. Me

28 Ackerman essaie d'entretenir cette confusion, mais la Chambre de première

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1 instance a statué. Je pense que cette confusion, elle n'en est pas une,

2 parce que le 21 septembre [comme interprété] 1991, comme nous l'indiquons

3 dans notre mémoire en réponse, la Republika Srpska Krajina a vu le jour.

4 Dans son mémoire en réplique, paragraphes 15 à 31, tout ce que les témoins

5 qu'il a évoqués ce matin ont dit, tout cela ne donne pas lieu à

6 contestation. Effectivement, il y avait une SAO de Krajina en Croatie. Mais

7 il faut regarder la pièce 116 de l'Accusation qui est mentionnée aux

8 paragraphes 184 et 200 du jugement de première instance, à ce moment-là, il

9 n'y a qu'une conclusion qu'on puisse tirer, c'est qu'à partir de sa date,

10 de sa teneur et de tout ce qui entoure ce document, il n'y a qu'une seule

11 conclusion à laquelle on puisse arriver. C'est un document en date du 24

12 février 1992, c'est-à-dire trois mois après que la SAO de la Krajina soit

13 devenue la Republika Srpska Krajina.

14 La pièce P116 a trait à des questions qui sont purement en relation

15 avec la Bosnie. On y parle du SDS en Bosnie-Herzégovine. On y parle du

16 statut qui a créé cette institution. On parle de Vukic qui est membre du

17 comité exécutif et qui est nommé coordonnateur. Ce document est signé par

18 Dukic qui est président du comité exécutif.

19 Vukic est censé coopérer avec l'assemblée, pas l'assemblée croate,

20 non, non, l'assemblée des Serbes de Bosnie-Herzégovine, ainsi que

21 l'assemblée de la RAK, afin de garantir la mise en œuvre des décisions, des

22 conclusions et des prises de position de l'assemblée. Il faut également

23 qu'il tienne informer de l'évolution de la situation le comité exécutif du

24 SDS. Dans la pièce P1144, on peut voir que Vukic à l'époque était président

25 du conseil régional du SDS, je pense que ce n'était qu'une suite logique,

26 un élargissement de ces activités régionales.

27 La pièce P116 est confortée par le témoignage de Blagojevic, compte

28 rendu d'audience pages 21846 à 21850, il évoque la pièce P116 et il nous

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1 confirme qu'effectivement cela avait trait à la RAK.

2 Il n'y a aucune confusion. Aucune confusion. On a essayé de

3 l'introduire dans notre discussion, Me Ackerman a essayé de l'introduire

4 mais la Chambre de première instance a statué très clairement, elle a

5 décidé que dans son jugement elle éviterait toute confusion en parlant de

6 la RAK et de toutes ces décisions en utilisant le terme de RAK. Alors que

7 dans ce document-là, on utilise un intitulé quelque peu différent puisqu'on

8 utilise l'intitulé SAO de la Krajina.

9 De combien de temps puis-je encore disposer ?

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le temps qui vous est imparti est

11 écoulé.

12 M. KREMER : [interprétation] Permettez-moi de conclure en disant que,

13 selon nous, cette procédure d'appel est un appel qui repose uniquement sur

14 des contestations des faits qui ne sauraient être accueillies par la

15 Chambre d'appel puisque en réalité l'appelant n'a nullement pris les

16 éléments de preuve dans leur ensemble, mais il les examine par le petit

17 bout de la lorgnette.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons commencé un peu en

19 retard, donc je vous accorde quelques minutes de plus.

20 M. KREMER : [interprétation] Je dirais que cet appel n'est pas

21 conforme aux critères d'examen qui sont prévus pour ce type d'audience.

22 Nous estimons que du point de vue juridique, l'appel ne saurait être

23 accueilli. Pour ceci, je vous renvoie à nos arguments qui figurent dans

24 notre mémoire en réponse.

25 Nous estimons que M. Brdjanin n'a pas apporté son concours à la

26 procédure d'appel, que ce soit par son mémoire d'appel, son mémoire en

27 réponse, ou ses arguments ce matin, parce qu'il part du principe que

28 l'examen des passages qu'il cite du jugement de première instance vont

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1 faire apparaître des erreurs, ainsi que le déni de justice qui en résulte.

2 Le tableau qui a été fourni en vertu de l'ordonnance du 24 juillet 2006 n'a

3 aucune utilité puisqu'on n'y indique pas la manière dont ces erreurs ont

4 une incidence sur le verdict. Son mémoire d'appel, son mémoire en réplique

5 nous montre bien qu'il n'a pas bien compris le critère d'examen en appel

6 qui est appliqué au Tribunal pénal international. Par exemple, au

7 paragraphe 5 de son mémoire en réplique au sujet de l'erreur 133,

8 concernant le paragraphe 1 065 du jugement, il fait valoir que : "La

9 conclusion est tellement fallacieuse dans le jugement que la référence au

10 paragraphe 303 du mémoire de Brdjanin suffit pleinement pour mettre en

11 évidence cette erreur factuelle."

12 Je souhaiterais vous renvoyer à nouveau au paragraphe 23 de l'arrêt de la

13 Chambre d'appel dans Kvocka dont Me Ackerman a ignoré le principe pendant

14 toute son intervention.

15 S'agissant maintenant de l'autorité des municipalités, de la

16 municipalité de Prijedor, de la cellule de Crise de la RAK, les arguments

17 de Brdjanin qui figurent au paragraphe 5 de son mémoire en réplique font

18 abstraction, par exemple, du paragraphe 210 du jugement de première

19 instance qui répond tout à fait à ses arguments. On y parle du rapport

20 d'expert de Patrick Treanor et de ses annexes qui sont cités en note de bas

21 de page numéro 548. Deuxièmement, les éléments de preuve documentaires

22 venant de chacune des municipalités qui mettaient en œuvre les décisions de

23 la cellule de Crise de la RAK dans les trois domaines clés du désarmement,

24 des licenciements et des transferts de population, ces éléments de preuve

25 documentaires dont disposait la Chambre de première instance, ils ont été

26 cités dans leur intégralité à l'annexe C du mémoire en clôture de

27 l'Accusation en première instance. Ceci nous montre clairement que si l'on

28 procède à une analyse complète, une analyse véritable des éléments de

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1 preuve, les efforts entrepris par M. Brdjanin pour nous faire croire qu'il

2 y a erreur reposent sur ces deux mots seulement, les deux mots, "pas de

3 preuve," ou trois mots plutôt "pas de preuve." Mais à aucun moment, il ne

4 conforte ses affirmations. Il se contente de prendre un membre de phrase,

5 un petit bout d'une preuve qui a été mentionnée par la Chambre de première

6 instance dans son jugement, mais il fait complètement abstraction de la

7 logique interne, de l'économie du jugement, c'est ce qui rend complètement

8 fallacieuses toutes ses argumentations. Il ne cesse de répéter qu'il n'y a

9 pas de preuves, mais cela met en évidence la vacuité de ses arguments, si

10 bien que pour cette seule raison, il conviendrait de repousser ses

11 arguments puisqu'ils ne correspondent pas aux critères en examen en appel

12 qui doivent s'appliquer ici. D'autre part, il ne s'est pas conforté aux

13 directives de la Chambre qui l'enjoignent de ne pas répéter les arguments

14 qui ont été faits en première instance parce que tous ces arguments, ils

15 ont été examinés par la Chambre de première instance et la Chambre de

16 première instance a statué à ce sujet. Mais cela ne lui convient pas à lui,

17 les conclusions de la Chambre de première instance, donc il revient à la

18 charge.

19 Troisièmement, il déclare qu'il n'y a pas d'opinion motivée de la

20 part de la Chambre dans son jugement. Ce n'est pas vrai. La Chambre de

21 première instance donne beaucoup d'explications, elle développe son

22 raisonnement, elle explique comment elle est arrivée aux différentes

23 conclusions qui figurent dans le jugement. Il y est clair que le jugement

24 de première instance découle de tous les éléments de preuve présentés.

25 C'est un jugement qui ne comporte pas d'erreurs selon nous, pas d'erreurs

26 factuelles, pas d'erreurs juridiques et la Chambre de première instance, à

27 juste titre, a conclu que M. Brdjanin était coupable des crimes qui lui

28 étaient reprochés.

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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Kremer.

2 A vous, Maître Ackerman ?

3 M. ACKERMAN : [interprétation] Il y a 40 ans que je suis dans le métier et

4 jamais je n'ai obtenu de victoire dans les prétoires où j'ai plaidé en

5 attaquant mon adversaire, en l'accusant de diverses fautes. Je ne crois pas

6 que le Procureur parviendra à ses fins en adoptant ce genre de tactique.

7 Lorsque je dis que le jugement comporte des erreurs, je ne répète pas

8 simplement ce que j'ai dit en première instance. Je n'essaie pas de faire

9 en sorte qu'il y ait un nouveau procès. Je connais parfaitement les

10 critères d'examen en appel. Ce n'est pas ce que je suis en train de faire.

11 Ce que j'essaie de vous inciter à faire c'est de regarder les conclusions

12 de la Chambre de première instance, celles que je vous ai présentées, je

13 vous demande de regarder les conclusions qui reposent sur des éléments de

14 preuve indirects et je vous demande de vous poser la question suivante :

15 est-ce qu'une Chambre de première instance aurait pu raisonnablement

16 arriver à ces conclusions. Cela c'est quelque chose que vous êtes censés

17 faire. C'est la raison pour laquelle vous êtes là Mesdames et Messieurs les

18 Juges. Les liens logiques entre différents éléments de preuve indirects

19 doivent être tels qu'ils ne permettent qu'une seule conclusion logique qui

20 corresponde à la culpabilité de l'accusé. Or, ce que je suis en train de

21 vous dire, c'est que lorsque ces liens logiques, lorsque ces chaînons

22 disparaissent, à ce moment-là, l'ensemble de la chaîne s'écroule. Je ne dis

23 pas qu'il n'y a pas eu d'éléments de preuve, mais je dis que certaines

24 conclusions ont été réalisées à partir de certains liens logiques et de

25 certains maillons qui ne tiennent pas et que, comme ces maillons ne

26 tiennent pas, il n'y a plus de chaîne.

27 On vous a parlé d'omission ce matin, nous avons entendu un exposé à

28 ce sujet, je pense que du point de vue théorique, c'est quelque chose de

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1 très intéressant, je souhaiterais présenter toutes mes félicitations à la

2 personne qui a présenté cet exposé brillant. Malheureusement cet exposé est

3 vicié. Pourquoi ? Cela saute aux yeux, me semble-t-il. C'est qu'il ne peut

4 pas y avoir obligation d'agir à moins que cette action ne puisse avoir une

5 incidence sur la situation en question. Non, ce n'est pas possible.

6 Pourquoi agir à ce moment-là ? Pourquoi agir si lorsqu'on agit, de toute

7 façon, cela n'aura aucune incidence, aucun effet ? La Chambre de première

8 instance a conclu que M. Brdjanin n'avait aucune autorité de surveillance

9 et de contrôle sur ces personnes qui ont commis des actes répréhensibles,

10 si bien que s'il avait fait quoi que ce soit cela aurait été complètement

11 futile. Il ne peut pas y avoir obligation d'agir à moins que l'acte en

12 question ne puisse avoir un impact, un effet.

13 On vous dit que les arguments que j'ai présentés aujourd'hui, ce sont

14 exactement les mêmes que ceux que j'ai présentés en première instance, dans

15 mes mémoires, et cetera, que rien n'a changé. Mais pourquoi est-ce que je

16 changerais quoi que ce soit ? Nous avons un dossier. Je ne peux pas changer

17 le dossier de l'affaire. Bien entendu qu'il n'y a pas de changement. Il n'y

18 a pas de nouveaux éléments de preuve, pas d'éléments de preuve différents.

19 La situation est telle quelle, telle qu'elle était.

20 L'Accusation semble nous dire la chose suivante : s'il y a injustice

21 dans la manière dont la Chambre de première instance est arrivée à ses

22 conclusions, il ne faut pas y toucher parce qu'il ne faut pas contester les

23 conclusions de la Chambre de première instance. Mais cela ce n'est pas

24 acceptable.

25 Le Témoin BT19, c'est un témoin qu'on ne va pas oublier de sitôt,

26 hier dans mon intervention, je vous ai dit que l'Accusation s'appuyait sur

27 des déclarations de ce témoin qui a déclaré que c'était horrible de voir

28 des personnes normales devenir des machines à tuer, à cause du terrible

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1 pouvoir des médias. En d'autres termes, la propagande. On veut essayer de

2 nous faire accroire que cette déclaration porte sur M. Brdjanin, elle a

3 trait aux déclarations de M. Brdjanin. Ce contre-interrogatoire du Témoin

4 BT19, si vous l'examinez, il porte sur la question de savoir si cette

5 personne qui était tellement au courant de tout ce qui se passait sur place

6 dans la région avait entendu de Brdjanin.

7 "Question : Vous êtes aujourd'hui dans ce prétoire, j'imagine que

8 vous ne vous souvenez pas des rapports, des articles qui parlaient de

9 Brdjanin ?

10 "Réponse : C'est exact.

11 "Question : Aucune des annexes dont nous avons parlé aujourd'hui ne

12 comportent le nom de Radoslav Brdjanin, n'est-ce pas ?

13 "Réponse : Non, pas à ma connaissance.

14 "Question : J'imagine que jamais vous n'avez entendu qui que ce soit

15 dire pendant la période que vous avez passée sur place que M. Brdjanin

16 était à la tête de qui que ce soit ou était votre interlocuteur, celui à

17 qui vous deviez vous adresser, n'est-ce pas ?

18 "Réponse : C'est exact."

19 Il est pratiquement impossible, quand on connaît l'identité de cette

20 personne, il est impossible que cette personne se soit trouvée sur les

21 lieux et n'ait pas entendu parler de M. Brdjanin, ne lui ait pas parlé, si

22 effectivement il est bien la personne que présente l'Accusation.

23 L'Accusation a fait référence à la pièce P395. Elle dit, le SOS était actif

24 à Banja Luka, regardez la pièce P395, vous est-il dit. C'est comme si je

25 vous avais dissimulé quelque chose, non. Je vous l'ai posée sur le

26 rétroprojecteur et je l'ai lue. Non, non effectivement, je ne l'ai pas

27 posée sur le rétroprojecteur, mais je vous en ai lu un passage et je vous

28 ai dit que ceci concernait une menace d'attaque dirigée sur la prison de

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1 Banja Luka afin de libérer les membres du SOS qui y auraient été internés.

2 Je vous ai donné la date, je vous ai dit que c'était le 21 juillet, c'était

3 après la fin de l'existence de la cellule de Crise. Elle a cessé d'exister

4 le 16 juillet. Dire maintenant que ce document-ci que j'ai en main montre

5 et prouve qu'il y avait activité du SOS pendant l'existence de la cellule

6 de Crise, ceci est sans aucun intérêt.

7 Il y a une autre question qu'on ne peut pas escamoter, celle de la

8 SAO. On vous a dit il y a un instant que cette question avait été débattue

9 de façon exhaustive. C'est faux, c'est non. Jamais l'Accusation n'a affirmé

10 au cours du procès que le document P116 fasse référence à la cellule de

11 Crise de la RAK, jamais. Il y a eu audition d'un témoin, vous le verrez

12 dans le mémoire préparé par Me Trbovic, à un moment donné ceci a surgi, il

13 s'est levé pour dire : "La SAO de Krajina n'est pas en Bosnie, elle est en

14 Croatie." C'est ce qu'il a dit au procès. Mme Korner s'est levée elle-même

15 et a dit oui. Au moment du procès, l'Accusation a reconnu que ce document

16 ne porte pas sur la cellule de Crise de la RAK, ceci les témoins l'ont dit

17 de façon successive, je ne sais pas pourquoi cette question -- elle devrait

18 disparaître puisque c'est clair comme de l'eau de roche.

19 Mes arguments, ils concernent la justice, l'équité. Pourquoi quelqu'un

20 devrait-il être condamné par ce Tribunal sans preuve de sa culpabilité au-

21 delà de tout doute raisonnable ? C'est quelque chose qui ne saurait se

22 passer. Qu'est-ce que je vous demande de faire ? Je vous demande d'examiner

23 les éléments de preuve présentés au procès. Je vous demande de voir si une

24 Chambre de première instance raisonnable aurait pu conclure ce qu'a conclu

25 la présente Chambre dans son jugement. Vous le savez, notamment le Juge

26 Shahabuddeen qui est ici depuis plus longtemps que moi encore, vous savez

27 qu'il y a longtemps que j'exerce mon métier dans ce Tribunal. J'ai été

28 avocat dans le deuxième procès dont a connu ce Tribunal et j'ai même écrit

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1 un livre sur la jurisprudence de ce Tribunal. Ce Tribunal a été ma vie, il

2 l'est depuis près de dix ans. Je suis fier du travail que j'ai fait ici. Je

3 suis fier du travail qu'a fait ce Tribunal et je veux que le monde entier,

4 une fois que le Tribunal va fermer ses portes, dise de notre institution

5 que ce fut une chose qu'il fallait faire, que la justice y a été rendue en

6 ce Tribunal. Ceci explique la passion qui a été la mienne en l'espèce,

7 parce qu'en l'espèce justice n'a pas été faite, n'a pas été rendue.

8 Pourtant elle peut encore être faite. C'est vous qui devez vous en charger.

9 Je vous remercie.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Ackerman.

11 Nous allons maintenant entendre M. Brdjanin -- je pense qu'il y a une

12 question.

13 Monsieur le Juge Guney, s'il vous plaît. Excusez-moi.

14 M. LE JUGE GUNEY : Merci Monsieur le Président

15 Maître Ackerman, vous avez contesté l'obligation d'agir à moins que

16 l'obligation ait un effet. Mais l'effet suit l'action bien entendu. Donc,

17 pour éclaircir un peu la position de la Défense à cette fin, auriez-vous la

18 bonté de développer là-dessus, sur l'obligation d'agir en relation de

19 commission par omission ou commission par négligence. Merci.

20 M. ACKERMAN : [interprétation] Excellente question, Monsieur le Juge. Je

21 vous suis gré de l'avoir posée. Parfois quand nous nous penchons sur ces

22 notions et concepts juridiques, ces notions de droit, il faut prendre un

23 peu de recul et utiliser le bon sens. Parce que c'est vraiment ce que nous

24 tentons de faire lorsque nous disons le droit, lorsque nous l'appliquons.

25 Nous essayons de faire prévaloir le bon sens sur la condition humaine. Nous

26 essayons de l'améliorer en appliquant le bon sens. Même si le droit dit

27 éventuellement qu'on a l'obligation d'agir, le bon sens lui va vous dire

28 que ce n'est pas un devoir, une obligation raisonnable si on n'a pas les

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1 moyens d'agir. Lorsque je vous ai fait valoir qu'il n'était pas possible de

2 juger responsable quelqu'un parce qu'il n'avait pas agi à moins de

3 constater que cette action aurait eu une incidence, aurait provoqué une

4 modification de la situation. Si vous regardez ce qui se passait en

5 Krajina, il est impossible d'arriver à cette conclusion parce que les

6 crimes, ils étaient commis par des gens qui étaient très éloignés, c'est

7 d'ailleurs une constatation de la Chambre, qui étaient très éloignés de M.

8 Brdjanin. C'est pour cela que la Chambre n'a pas conclu à l'existence d'une

9 entreprise criminelle commune. Il n'y a pas effectivement de preuve que

10 s'il avait agit ceci aurait eu une incidence. Donc s'il n'y a pas de

11 conséquence, il n'y a pas d'obligation. Je ne sais pas si j'ai bien répondu

12 à votre question.

13 Avez-vous d'autres questions ?

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Monsieur le Juge Guney ? Non, je

15 ne pense pas que les autres Juges veulent intervenir.

16 Avez-vous quelque chose à dire, Monsieur Brdjanin ?

17 L'APPELANT : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Je vous remercie

18 de m'avoir offert cette possibilité de prendre la parole. Je pense que je

19 ne parlerai que très brièvement. Me Ackerman a déjà beaucoup parlé

20 aujourd'hui, il vous a soumis ses arguments et il a parlé des documents au

21 sujet desquels j'avais des questions, mais j'y renonce. Si vous m'y

22 autorisez, permettez-moi de retracer brièvement ma biographie. Ceci vous

23 permettra de voir mieux ce que j'ai fait et comment je l'ai fait pendant la

24 guerre.

25 C'est à Celinac que j'ai fait mon école primaire, à Novi Sad j'étais allé à

26 l'école secondaire, puis à Sarajevo à la faculté et également à Zagreb. Je

27 vous le dis parce que je souhaite vous montrer qu'avant la guerre, il était

28 sans aucune importance de savoir qui vivait où dans l'ex-Yougoslavie.

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1 A partir de la Croatie, en passant par la Bosnie-Herzégovine, la Serbie

2 jusqu'en Algérie, j'ai été chef de chantier. Assez jeune, je suis devenu

3 directeur d'une petite entreprise de bâtiments civils à Celinac et, par la

4 suite, d'une entreprise un peu plus grande à Banja Luka. Lors des élections

5 pluripartites, après la création du HDZ en Croatie et du SDA en Bosnie-

6 Herzégovine, on a vu naître le SDS. C'est le monde des affaires qui m'a

7 invité à me présenter candidat au poste du gouvernement local de Celinac.

8 Si j'en parle c'est parce qu'il y a confusion ici, elle n'est pas

9 intentionnelle, elle est due au fait qu'on ne comprend toujours pas bien

10 notre système de l'époque, la manière dont ceci fonctionnait. Je suis

11 devenu président du conseil exécutif, je dois dire effectivement que

12 c'était au nom du SDS, c'est le 19 décembre 1990 que j'ai pris ce poste.

13 S'il le faut, le Procureur peut vérifier si je dis la vérité, mais la

14 municipalité de Celinac était la seule municipalité de Bosnie-Herzégovine

15 où il n'y a eu aucun remplacement à des postes importants pendant que

16 j'étais à la tête de ce comité exécutif. Encore une fois, si on trouve que

17 je ne dis pas vrai ici, je suis tout à fait prêt à l'admettre. Mais encore

18 une fois, mon critère qui m'a guidé, c'était celui de compétence.

19 Vous avez Celinac qui est à majorité Serbe, mais à l'époque il y

20 avait des directeurs musulmans, il y avait des Musulmans qui occupaient des

21 postes très importants dans la municipalité, et cetera. Lorsque je n'étais

22 pas d'accord sur certaines prises de position, je suis parti à Banja Luka,

23 j'étais au chômage. Nikola Erceg qui est d'un petit gouvernement régional

24 m'a demandé si je voulais être secrétaire chargé de la circulation. "Vela"

25 ne veut pas dire la même chose qu'en anglais. Ce n'est pas vraiment à

26 l'échelon du ministre. Le 13 mai, j'ai été nommé Secrétaire chargé de la

27 circulation et des communications dans la région. Lorsque l'instruction sur

28 la constitution de cellules de Crise est arrivée de la part de M. Djeric,

Page 187

1 il s'est avéré ce qu'a dit aujourd'hui Me Ackerman. Deux choses, il a parlé

2 d'une, à savoir que les cellules de Crise ne peuvent pas s'ingérer dans les

3 affaires de la police et l'armée. Le deuxième point, qu'il n'y a pas de

4 cellule de Crise au niveau de la région autonome. C'est la raison pour

5 laquelle je souhaite parler de sa naissance.

6 Puisqu'il y a une grande dispersion de municipalités dans une région

7 très étendue, les représentants des différentes municipalités de la RAK de

8 Krajina de l'époque sont arrivés. Ils ont cherché l'endroit pour se

9 rassembler à Banja Luka. Pour créer un corps de coordination qui allait

10 servir de forum où ils allaient pouvoir présenter leurs griefs ou leurs

11 demandes. Les cellules de Crise étaient vues comme des instances d'appui

12 logistique, en particulier pour ceux dont les fils ont été mobilisés. Il

13 fallait trouver du bois de chauffage ou autres pour l'hiver. Il faut dire

14 qu'à l'époque, il n'y avait pas de corridor praticable vers la Serbie. D'un

15 côté, il y avait la Croatie, il fallait trouver les moyens de survie. Seul

16 Vojo Kupresanin pouvait être candidat ou M. Erceg. Je suis rentré chez moi

17 puisque je n'avais rien à faire là-bas.

18 Sur proposition de certains individus de la municipalité qui n'ont

19 pas accepté que la cellule de Crise de la RAK se place au-dessus de toutes

20 les instances, ils ont demandé qu'on crée un organe qui allait être présidé

21 par quelqu'un. Cela n'a pas eu lieu. Aucun de ces deux messieurs n'a

22 accepté. Il s'est avéré que peut-être j'avais le plus de disponibilité.

23 J'ai été invité à présider cet organe. Je ne sais pas comment il faut

24 traduire ceci en anglais. Mon avocat et son équipe d'enquêteurs ont cherché

25 à se procurer les procès-verbaux qui ont disparu de manière mystérieuse.

26 C'est dans ces PV qu'on voit que c'est un organe de coordination qui ne

27 peut donner d'ordre à personne.

28 Bien entendu que dans tous les documents on lit "président" mais

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1 quels étaient les ingérences, les attributions de cet organe ? Permettez-

2 moi de vous fournir quelques détails techniques. On n'a jamais eu de

3 bureau. On n'a jamais eu de cachet. On n'a jamais eu aucun employé, pas de

4 véhicule à nous. Je vous en prie dans l'ex-système communiste socialiste

5 lorsque quelqu'un occupait un poste, il avait tout d'abord à sa disposition

6 des bureaux et toutes sortes de moyens. Je pense que le Procureur sait que

7 nous n'avons jamais eu de bureau ni de cachet. Si je ne me trompe pas, vous

8 avez 21 décisions dans la cellule de Crise dont je n'en ai signé que trois.

9 Lorsque nous avons eu un témoin ici pour dire pourquoi 18 ont été

10 signées par quelqu'un d'autre, il a répondu : "mais c'est comme cela qu'on

11 a fait." Je vous soumets que dire que j'étais à la tête d'un gouvernement,

12 le Procureur l'a répété trois fois aujourd'hui, disant que j'étais chef de

13 gouvernement, mais je ne l'ai jamais été. Cela s'appelle comité exécutif.

14 Elle a raison sur les termes. Me Ackerman en première instance a fourni ici

15 des preuves montrant que le chef exécutif du gouvernement prouve qu'il a

16 travaillé sans cesse et que la cellule de Crise n'a jamais endossé les

17 attributions du gouvernement. Cependant, c'est le parlement qui n'a pas pu

18 se réunir parce qu'il y a eu mobilisation.

19 Si vous me permettez, je partirai de ce document qui est assez court.

20 Le 9 juillet, lorsque M. Karadzic a envoyé une information disant qu'il y

21 avait démantèlement de toutes les cellules de Crise. Les journalistes

22 s'adressent à Nikola Erceg, le président du conseil exécutif, ils lui

23 demandent : "Qu'allez-vous faire maintenant qu'il n'y a plus de cellule de

24 Crise ?" Il répond : "Pour ce qui est de l'existence sur la non-existence

25 des cellules de Crise, nous au gouvernement, nous considérons que peu

26 importe." C'est ce qu'a dit Nikola Erceg lorsqu'on lui a demandé de

27 commenter cette décision. Il dit : "Peu m'importe, j'aurais préféré que ces

28 cellules de Crise n'aient jamais existé. S'il n'y en avait pas eu, il n'y

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1 aurait pas eu cette crise." Là un point important, ceci ne veut pas dire

2 que les cellules de Crise sont à l'origine de la crise. Il a poursuivi :

3 "Pendant l'existence de la cellule de Crise de la RAK, nous avons

4 fonctionné de manière autonome en tant qu'organe exécutif du pouvoir civil.

5 On proposait des choses du domaine de l'exécutif qui n'étaient que vérifier

6 lors des réunions de la cellule de Crise. Nous pouvions fonctionner sans

7 cellule de Crise. En substance, c'est ainsi que nous avons fait également

8 pendant l'existence de la cellule de Crise." C'est ce que dit Nikola Erceg.

9 En première instance, pour autant que je le sache, c'est un document qui a

10 été présenté.

11 Je voulais parler de cette vérification. Ce qui m'amène à une

12 décision, excusez-moi. Je vois que cette décision a joué pour 50 % dans le

13 jugement en première instance, la décision sur le désarmement. Le 4 mai

14 1999, il y a eu un document qui a été montré par Me Ackerman. Il y est dit

15 que le secrétaire régional chargé de la Défense nationale s'est basé sur la

16 décision du ministre, du 16 avril. D'aucun a proclamé la mobilisation mais

17 le journal officiel de la RAK a publié un document valide et pas le

18 document de la cellule de Crise. La cellule de Crise s'est contentée de

19 vérifier cela. C'est le président du conseil exécutif qui le confirme.

20 C'est quelque chose qui provient du 4 mai. J'ai un autre document du 4 mai,

21 la même date, à savoir trois hommes ont apposé leurs signatures sur ce

22 document : le président de l'assemblée de la ville de Banja Luka,

23 lieutenant-colonel Milorad Sajic [phon] et le secrétaire chargé de la

24 Défense populaire de la ville de Banja Luka. Ils l'ont signé et ils ont

25 immédiatement publié cela dans le journal officiel. Cela n'a rien à voir

26 avec la cellule de Crise. A cette date-là, elle n'a pas existé. Certes,

27 nous avons vérifié nombre de choses. Je ne dis pas qu'elles ont été

28 vérifiées par des illettrés ou par des gens qui n'étaient pas à la hauteur

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1 de la tâche. Je ne peux pas admettre que nous sommes à l'origine de tout

2 cela. Cela a été fait par le ministère de la Défense. C'est la raison pour

3 laquelle je me permets de rappeler la constitution de la Republika Srpska.

4 On le trouve ici où il est écrit explicitement que la Défense territoriale

5 avant la création de l'armée se voit commandée par le commandant de la

6 République de TO.

7 Au niveau régional, les commandants répondent devant lui. La même

8 chose vaut pour la police. Ils rendent compte au ministre et à personne

9 d'autre. Il y avait une voie hiérarchique et cela s'est appelé les forces

10 de l'armée. Il y avait là la Défense territoriale, le ministère de

11 l'Intérieur et l'armée qui composaient ces forces armées. A partir de 1945,

12 ceci était centralisé. Ce qui s'est passé c'est qu'il y a eu un détail

13 qu'il convient d'expliquer. Le secrétaire régional, cela ne veut pas dire

14 que cela appartient à la région autonome. C'étaient plutôt des régions

15 militaires. La Bosnie-Herzégovine en 1945 a été divisée en six régions

16 militaires. Je pense qu'un expert constitutionnel en a parlé ici. En

17 parallèle, il y a une confusion que j'ai du mal à comprendre. Jamais la RAK

18 de Krajina ne s'est appelée la SAO de Krajina, jamais. C'est à Celinac

19 qu'on l'a appelée la RAK. Justement parce qu'il y avait la SAO Krajina dans

20 l'autre Krajina.

21 Ici, il y a eu souvent confusion entre les deux. C'est ce qui m'a

22 choqué aujourd'hui. Je regrette vraiment de ne pas l'avoir su hier.

23 J'aurais retrouvé ce témoin, son pseudonyme, et cetera. Plusieurs témoins

24 sont venus dire ici que je me suis rendu à Manjaca. Excusez-moi, je

25 parlerai peut-être en termes un peu simples et naïfs, mais je suis prêt à

26 rentrer chez moi pour trouver où se situe Manjaca. Croyez-moi, je ne sais

27 pas où cela se situe. Nous avons eu un témoin, je ne sais plus comment il

28 s'appelait, il est revenu me semble-t-il. Me Ackerman se souviendra. Il est

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1 venu parler de beaucoup de choses mais pas de cela. Il a dit qu'il est

2 resté à Manjaca du premier jour jusqu'au dernier jour. Il a dit que je n'ai

3 jamais mis les pieds à Manjaca. Il a même décrit la taille, la stature,

4 l'allure de la personne qui était à Manjaca. Il avait les yeux bleus, un

5 homme de grande taille, et cetera. Je ne veux justifier aucun crime, rien

6 du tout. Ce que je tiens à dire c'est la chose suivante : plus on condamne

7 de gens pour des choses qu'ils n'ont pas commises, plus on en aura à

8 amnistier pour des actes pour lesquels ils sont coupables. Je n'arrive pas

9 à comprendre si je suis coupable de quelque chose. Déclarez-moi coupable de

10 cela. Ne m'imputez pas d'avoir été à Manjaca si je n'y ai jamais mis les

11 pieds. Je ne comprends pas pourquoi on revient sans arrêt à cela. Excusez-

12 moi, je vais boire une gorgée d'eau.

13 J'ai appris aujourd'hui que j'étais à la tête du gouvernement et je peux

14 vous dire qu'en conversation avec un fonctionnaire de la Republika Srpska,

15 j'ai dit la chose suivante : "Je suis le numéro un devant la RAK de Krajina

16 uniquement lorsqu'il faut rendre compte de ce qui s'est passé. Pour toutes

17 les autres choses, je n'ai jamais été le numéro un."

18 Quel a été le rôle que j'ai joué en situation de guerre. Je vais vous citer

19 un exemple et je vous invite à vérifier cela. A la fin de la guerre, la

20 Republika Srpska, son assemblée a décidé d'accorder des "vouchers", comme

21 ils ont appelé cela, à ceux qui ont pris part à la guerre. Cent cinquante

22 "vouchers" étaient un maximum et 20, me semble-t-il, un minimum. Vingt

23 c'était attribué aux petits enfants, 120, 130 aux fonctionnaires haut

24 placés. Lorsque j'ai demandé à mon épouse combien j'en ai eu, elle m'a dit

25 20 autant qu'un nouveau-né. Alors que les gens qui n'ont rien fait, enfin

26 peu importe je ne vais pas maintenant les citer, ont eu ce qu'ils ont

27 mérité. Depuis que je suis ici, jamais n'a-t-on couvert les frais des

28 déplacements de mon épouse, ne serait-ce qu'une seule fois.

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1 Parlons maintenant de la puissance et de l'impuissance. Il a été

2 question des profiteurs de guerre par Me Ackerman. On m'a dit que je vais

3 payer cher de ma tête le fait de critiquer les profiteurs de guerre. Les

4 profiteurs de guerre à chaque fois que j'ai eu l'occasion de les dénoncer,

5 je l'ai fait. Je me suis servi de médias et je me suis servi de termes très

6 négatifs à leur égard. Ils se sont enrichis. Ils ont le pouvoir

7 aujourd'hui. Parfois, on en trouve également dans la vie politique. Là, je

8 ne parle pas des gens qui étaient déjà aisés avant la guerre, non. Je parle

9 de ceux qui avaient un vélo au début de la guerre et qui maintenant sont

10 richissime. Aucuns témoins du Procureur, dont certains ont dit des choses

11 très négatives à mon égard, n'ont jamais dit que je faisais partie d'un

12 lobby ou d'un groupe d'intérêt. Ils savaient que j'ai critiqué cela. J'ai

13 toujours critiqué deux types de gens, les profiteurs de guerre et les

14 formations paramilitaires.

15 Maintenant, on me juge ici. On me dit que j'ai pratiquement soutenu

16 les unités paramilitaires. Vous trouverez les images montrant que j'ai été

17 le seul à féliciter publiquement lorsque Voko de Prnjavor [phon] un chef

18 d'unité paramilitaire a été arrêté. Permettez-moi de dire quelques mots au

19 sujet du désarmement. J'ai dit que c'est le ministre de la Défense qui a

20 proposé cela et cela a été accepté par le secrétaire à la Défense

21 nationale. J'ai pensé que c'était quelque chose de bien, pourquoi ?

22 Ici, on n'arrête pas de dire que le désarmement a eu lieu à cause des

23 Musulmans. Les premiers à être désarmés c'étaient les Loups de Vucjak, à

24 100 % des Serbes. C'est à cause d'eux qu'on a décidé de cela au niveau de

25 Banja Luka. Je ne sais pas quelle a été la situation ailleurs

26 véritablement. Je ne peux pas en parler. J'ai vu beaucoup de documents ici,

27 certes. L'intention qui a présidé à ce désarmement n'était pas ce qu'on

28 affirme.

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1 On a vu des témoins témoigner ici, je ne sais pas, je n'étais pas là,

2 que la guerre de Prijedor a commencé lorsque des paramilitaires musulmans

3 ont attaqué l'armée qui se repliait. Ils ont dit que près de Kluc, on a

4 attaqué l'armée. Cela ne peut pas être la raison du désarmement. Peut-être

5 quelqu'un en a-t-il abusé. Je ne dis pas que non. Ce n'était pas cela

6 l'intention. On ne l'aurait pas accepté au niveau de la cellule de Crise.

7 Comment est-ce qu'on aurait pu parler de cela puisqu'il y avait 90 % de

8 Serbes à Banja Luka ? S'il y avait des unités paramilitaires, elles étaient

9 nécessairement serbes. Il ne pouvait pas y avoir d'autres unités

10 paramilitaires que celles qu'on cite sans arrêt ici.

11 Enfin j'ai parlé déjà de Manjaca. Il ne me reste plus qu'à parler des

12 licenciements et du pouvoir que j'avais sur la police et l'armée.

13 J'avais sur moi, je sais que ceci n'a pas beaucoup de valeur, ce que

14 j'ai, Me Ackerman en a parlé. Je reviendrai à cela à la fin, à la lettre.

15 Il y a tout un jeu d'éditions du journal officiel de la Republika Srpska.

16 Je les ai revus hier soir jusqu'après minuit, au sujet des différents

17 licenciements, décisions, et cetera. Dans aucune édition du journal

18 officiel, il n'est mentionné mon nom. Je ne nie pas ce que j'étais. On ne

19 peut pas affirmer que j'étais la personnalité numéro un, puisque ceci tout

20 simplement n'est pas vrai.

21 Me Ackerman estime que c'est de manière très convaincante qu'il a su

22 montrer en première instance un tableau que je vous invite à examiner. Les

23 représentants de la communauté internationale, de la Croix-Rouge

24 internationale, l'évêque Komarica représentant l'Eglise catholique,

25 l'effendi de Banja Luka représentant la communauté musulmane et d'autres se

26 sont adressés aux fonctionnaires au niveau de la RAK Krajina, à Banja Luka,

27 environ 100 à 120 fois. Me Ackerman a présenté ceci ici. Il a montré qu'ils

28 se sont adressés à cinq personnalités. Je l'ai ici. Jamais ils ne se sont

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1 adressés à moi. S'ils savaient que j'étais le numéro un, ils se seraient

2 adressés à moi, je suppose, n'est-ce pas ? Cela n'a jamais été le cas.

3 Me Ackerman l'a montré en première instance. C'est à cause de cela

4 qu'aujourd'hui lorsque je regarde la télévision - je ne voudrais pas

5 dépasser le temps qui m'est imparti, j'arrive à la fin - je dois vous dire

6 sincèrement que je vois à quel point j'avais raison lorsque j'ai critiqué

7 les profiteurs de guerre, à savoir les trois peuples, les Croates, les

8 Musulmans et les Serbes. La situation aujourd'hui est ce qui suit - nous

9 avons les trois télévisions dans notre unité pénitentiaire - les pauvres se

10 sont appauvris, la nouvelle oligarchie, c'est là justement les gens qui se

11 sont enrichis pendant la guerre. Aujourd'hui, ils peuvent payer les

12 informations, ils peuvent manipuler les informations. L'un de ceux qui les

13 dérangeait le plus, c'était moi. J'ai été arrêté au moment où j'étais

14 député. A la dernière session de l'assemblée, au moment où j'avais fondé un

15 parti politique, pendant quatre ans je me suis retrouvé au chômage, vu que

16 j'ai critiqué les profiteurs de guerre. J'ai été arrêté à cause de cela.

17 J'ai été arrêté en tant que député --

18 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, M.

19 Brdjanin n'a pas créé une armée populaire. Il y a une erreur dans le

20 transcript. Il a créé un parti politique, parti populaire. C'est ligne 25,

21 page 65. M. Brdjanin va confirmer qu'il s'agit d'un "parti populaire."

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Allez-y, Monsieur Brdjanin. Vous allez

23 arriver à la fin de vos commentaires, je suppose, dans quelques minutes.

24 L'APPELANT : [interprétation] Oui, tout à fait.

25 Aujourd'hui, lorsque je regarde la télévision, très sincèrement, je

26 regrette pour toutes les victimes qu'on a connues dans l'ex-Yougoslavie que

27 ce soient les Musulmans, les Croates ou les Serbes, ils ont tous pensé

28 qu'ils luttaient pour un Etat à eux qui serait juste, ce sont des individus

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1 qui se sont enrichis pendant cette guerre. Quand je l'ai dit publiquement

2 lors de cette dernière assemblée parlementaire, cela n'a pas plu lorsque

3 j'ai cité certaines instances très haut placées. Lorsque j'ai dit qu'ils

4 dissimulaient ces activités criminelles, cela n'a pas plu.

5 Vous savez dans notre région, il y a une règle. On dit la population

6 y est bien, mais il est facile de semer des désinformations parmi ce

7 peuple, dans les cafés, dans les bars, et cetera. Un directeur, par

8 exemple, a été licencié à Banja Luka. Pendant sept jours, il est venu

9 affirmer ici que c'est moi qui l'ai renvoyé de son poste. Me Ackerman lui a

10 demandé est-ce que vous savez que M. Brdjanin a demandé que vous restiez à

11 ce poste ? Cela n'a pas marché. Je pense qu'à ce moment-là, il a eu un

12 moment d'hésitation. A son retour à Banja Luka effectivement, il a répondu

13 que tout à fait, c'était faux de dire que c'est moi qui l'ai licencié. Vous

14 savez, chez nous on dit que ce sont toujours les innocents qui pâtissent et

15 les plus rusés qui s'en sortent. Encore une fois, jamais n'aurais-je

16 ordonné la commission d'un crime, même si j'avais voulu, je n'aurais pas pu

17 le faire. Quant à mon silence, Messieurs, essayez de vous représenter une

18 situation de guerre. Les crimes ce n'est pas une affaire publique. S'il y a

19 eu des crimes et, de toute évidence, il y a des crimes de part et d'autre,

20 du côté serbe également, ces crimes c'étaient un secret. Ce secret, vous

21 l'avez ici : il y a décision sur la création d'un centre de rassemblement à

22 Prijedor. C'est comme cela qu'ils ont appelé cela. Le chef de la police

23 dit, et cela se lit comme suit : lui, il doit recevoir toute information,

24 qu'aucune information ne peut être diffusée dans le public. Il serait

25 absurde de penser qu'on était au courant de tout ce qui se passait. Bien

26 sûr, il aurait fallu réagir. Il y a bon nombre de choses qu'on ignorait, on

27 ne savait pas. J'espère que vous me croirez, 95 % des choses font partie

28 des choses que j'ai apprises ici au Tribunal, alors que j'ai vécu à Banja

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1 Luka pendant la guerre. Par exemple, jamais je ne me suis rendu à Sanski

2 Most, pas une seule fois. Ici, on me reproche Sanski Most. Nous étions, le

3 président de la municipalité de Sanski Most et moi-même, nous étions les

4 deux députés. Après cette réunion montée par Ackerman de la sous-région, on

5 n'a jamais pris contact avec moi.

6 Si vous me permettez, un mot ou deux au sujet de la lettre. Vous

7 m'avez posé la question hier.

8 Comment dirais-je ? J'étais tellement mécontent. J'étais tellement aigri

9 par le jugement en première instance. Tout ce que j'ai vu c'est qu'on m'a

10 attribué des choses que je n'ai pas faites. Je n'avais pas ce pouvoir.

11 Jamais je ne l'ai eu. Dans cet état d'esprit, je ne faisais même plus

12 confiance à ma Défense. Cependant, je sais comme aujourd'hui, lorsque Me

13 Ackerman a présenté ses arguments, qu'il a tout fait pour m'aider. En tant

14 qu'Américain, il a eu du mal à comprendre pleinement notre situation, nos

15 différends, notre histoire, nos coutumes. A cause de ces malentendus, à un

16 moment donné de mon mécontentement, il y a eu cela. Aujourd'hui, j'ai

17 compris qu'effectivement il ne s'agit que d'un malentendu. Je vous prie de

18 considérer que ceci n'a plus lieu d'être. C'est une affaire close.

19 Encore une fois, je suis heureux que les membres de ma famille, mes

20 amis sachent que je ne suis pas l'homme qui a été dépeint ici. Je regrette

21 que la Chambre de première instance et le Procureur se soient trouvés

22 convaincus que je suis pratiquement un criminel de la pire espèce.

23 Je pense qu'il faudra encore beaucoup de temps pour qu'on comprenne

24 quel a été le rôle joué par la cellule de Crise. Me Ackerman a parlé

25 aujourd'hui de "marionnette," je pourrais être d'accord avec cela. Même si

26 sur décision du président du gouvernement on n'allait pas exister, on nous

27 a créés parce que des gens très intelligents ont su qu'un jour qu'ils

28 allaient avoir besoin d'un coupable.

Page 197

1 Je vous remercie de votre attention. Je ne sais pas si j'ai réussi à

2 tout faire, mais peu importe. Merci.

3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Brdjanin de cette

4 déclaration.

5 Nous avons écouté avec beaucoup de soins. Nous avons été saisis des

6 arguments présentés par les parties également.

7 Merci de vous rasseoir, Monsieur Brdjanin.

8 Nous allons examiner le dossier dans sa totalité, travailler à

9 l'élaboration d'un arrêt et vous en serez informés lors du prononcé de

10 l'arrêt.

11 Avant de terminer, avant de lever l'audience, je remercie les

12 parties. Je remercie le personnel de l'excellent travail réalisé, notamment

13 le personnel du Greffe. Je tiens aussi à remercier les interprètes --

14 L'INTERPRÈTE : Merci, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] -- qui ont parfois dû interpréter des

16 interprétations très rapides qui n'étaient pas simples non plus. Merci

17 aussi à notre sténotypiste. Je remercie mes éminents collègues de la

18 Chambre d'appel. L'audience est levée.

19 --- Le procès d'appel est levé à 12 heures 03.

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