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1 Le mercredi 31 août 2011
2 [Audience sentencielle]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 32.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes dans ce
7 prétoire et à l'extérieur du prétoire.
8 Madame la Greffière, veuillez appeler l'affaire, je vous prie.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
10 Messieurs les Juges.
11 Il s'agit de l'affaire IT-04-84-R77.1-S, le Procureur contre Shefqet
12 Kabashi.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
14 Je demanderais aux parties de se présenter, en commençant par l'Accusation.
15 Mme KORNER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je suis
16 Joanna Korner, et je suis assistée de Mme Alma Imamovic-Ivanov pour
17 l'Accusation.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Korner.
19 Et pour la Défense.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
21 les Juges. Je m'appelle Michael Karnavas, et je représente les intérêts de
22 M. Kabashi.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Je vois que M. Kabashi
24 est également présent.
25 Maintenant, je voudrais vous dire que vous avez devant vous une Chambre
26 nouvellement composée, étant donné que les Juges Moloto et Delvoie se sont
27 récusés la semaine dernière. Le Président ou le vice-président du tribunal
28 a assigné le Juge Kwon et le Juge Morrison à cette affaire. Voici donc une
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1 Chambre nouvellement constituée.
2 Monsieur Kabashi, je me tourne vers vous pour vous dire qu'au cours de
3 votre comparution le 26 août 2011, vous avez plaidé coupable des chefs qui
4 pèsent contre vous. Et conformément au Règlement de procédure et de preuve,
5 la Chambre doit être satisfaite d'un certain nombre de conditions avant
6 d'accepter votre plaidoyer de culpabilité.
7 Donc, nous allons peut-être vous poser un certain nombre de questions. Je
8 vais d'abord demander à mes confrères s'ils ont des questions à poser à M.
9 Kabashi.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Non, pas pour l'instant.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le Juge Kwon ? Je crois que le Juge
13 Kwon a des questions à l'endroit de M. Kabashi.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Je voudrais simplement vérifier
15 si vous comprenez très bien qu'en plaidant coupable vous pourriez recevoir
16 une sentence d'une durée de jusqu'à sept ans d'emprisonnement.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
19 Mme KORNER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
20 je ne sais pas de quelle façon vous souhaiteriez procéder, mais je pensais
21 que je pourrais peut-être d'abord prendre la parole, puisqu'il n'a pas eu
22 de mémoire préalable dans cette affaire. Je crois que l'on pourrait passer
23 assez rapidement à la partie suivante.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien. Normalement, avant de
25 prononcer une sentence ou d'avoir un plaidoyer de culpabilité, normalement
26 il y a un mémoire préalable au procès. Et si finalement, la Chambre, en
27 dernier lieu, n'enregistre pas un plaidoyer, à ce moment-là nous savons de
28 quelle façon de procéder conformément à la loi.
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1 Mme KORNER : [interprétation] Oui, effectivement. Monsieur le Président, je
2 dois vous dire que je suis tout à fait néophyte dans cette affaire. C'est
3 pour la première fois que je suis devant vous dans une affaire où un accusé
4 a plaidé coupable.
5 Je crois qu'il faudrait décider s'il s'agit d'un plaidoyer de
6 culpabilité informé. Je crois que le public devrait entendre un résumé bref
7 des faits. C'est tout ce que je voulais dire.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, procédons de la façon suivante.
9 D'abord, il faudrait poser des questions à M. Kabashi ou je vous permettrai
10 de poser des questions que vous souhaitez lui poser, les parties pourront
11 le faire et nous également. Permettez-moi d'abord de consulter mes
12 confrères.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre vous donnera donc l'occasion
15 de faire des représentations conformément à l'article 62 bis, et ceci
16 comprend également la base factuelle sur le plaidoyer de culpabilité.
17 D'abord, une question que je voudrais poser, c'est la question
18 suivante : s'agissant de l'article 62 bis, la Chambre doit être satisfaite
19 qu'il existe des faits suffisants pour établir le crime et la participation
20 de l'accusé à celui-ci, c'est-à-dire d'établir un plaidoyer de culpabilité.
21 Dois-je comprendre que les parties ne semblent pas être en désaccord
22 sur le fait qu'il y ait suffisamment de faits indiqués dans le compte rendu
23 d'audience de la procédure, tel qu'allégué par l'Accusation, à savoir que
24 M. Kabashi a omis de répondre aux questions.
25 Mme KORNER : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour vous, cela suffit, des faits
27 suffisants ?
28 M. KARNAVAS : [interprétation] M. Kabashi a dit qu'il n'était pas en mesure
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1 de… donc, ceci constituerait un refus par contumace.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, justement. C'est la raison pour
3 laquelle j'ai dit "tel qu'allégué par l'Accusation". Donc, un plaidoyer de
4 culpabilité, bien sûr, à ce moment-là, est de savoir de quelle façon il
5 existe des faits suffisants. Le plaidoyer de culpabilité, quant aux charges
6 qui sont contre M. Kabashi, il a omis, par contumace, de répondre aux
7 questions, et donc, moi-même je ne pouvais pas décider par moi-même. La
8 question se pose à savoir jusqu'à quelle mesure est-ce que le plaidoyer de
9 culpabilité est informé.
10 Donc, si vous voulez vous entretenir avec votre client, bien sûr, vous
11 pouvez le faire, mais il faudrait peut-être s'entendre là-dessus alors,
12 pour savoir qu'il n'y a pas de contradiction de culpabilité.
13 M. KARNAVAS : [interprétation] M. Kabashi, Monsieur le Président, a indiqué
14 à maintes reprises qu'il n'était pas en mesure de répondre aux questions,
15 donc non pas qu'il n'a pas voulu répondre aux questions. Il comprend
16 également ce qui s'ensuit. Si j'étais aux Etats-Unis, j'entrerais un type
17 de plaidoyer dans lequel il pourrait maintenir son innocence tout en
18 plaidant coupable, c'est normalement quelque chose qui est fait dans des
19 cas de peine de mort, en fait, une personne qui plaide l'innocence pour ne
20 pas obtenir une sentence de mort et pour pouvoir muter celle-ci en une
21 peine d'emprisonnement à vie.
22 Je crois et nous estimons que M. Kabashi reconnaît le fait que son omission
23 de répondre à des questions, en fait, représente un manquement, parce qu'il
24 n'a pas répondu à certaines questions. Nous estimons, néanmoins, qu'il y a
25 des circonstances atténuantes qui pourront peut-être être prises en compte
26 lors de la phase de la sentence.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de consulter mes
28 collègues.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karnavas, puisque je suis tout
2 à fait nouveau à cette affaire, je me demande si votre client a expliqué à
3 la Chambre les raisons qui l'ont poussé à ne pas répondre, pourquoi a-t-il
4 dit qu'il n'était pas en mesure de répondre aux questions.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Justement, Juge Kwon, j'allais justement le
6 dire. Dans sa déposition, il a essayé d'expliquer que -- d'une certaine
7 façon, il l'a expliqué, dans une certaine mesure, du meilleur qu'il a pu.
8 Et de nouveau, il l'a expliqué la semaine dernière avant l'ouverture du
9 nouveau procès dans l'affaire Haradinaj. Mais je pourrais simplement
10 résumer les points saillants, si vous le souhaitez.
11 Si vous passez en revue le compte rendu d'audience --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, Monsieur Karnavas. Permettez-
13 moi simplement de consulter mes confrères très brièvement.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Karnavas, vous pouvez continuer
16 votre explication. Vous pouvez nous la donner, mais avant cela, j'aimerais
17 exprimer les préoccupations de la Chambre très brièvement pour savoir s'il
18 s'agit d'un plaidoyer de culpabilité inéquivoque [phon]. C'est
19 effectivement la question qui pourrait être posée. Mais si vous souhaitez
20 répondre à la question qui vous a été posée par le Juge Kwon, vous pouvez
21 le faire.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Mais avant
23 de répondre au Juge Kwon, si vous regardez l'article 77(A)(i), Monsieur le
24 Président, on peut lire ceci : Etant un témoin devant une Chambre, un
25 témoin refuse de répondre à une question malgré la demande qui lui est
26 faite par la Chambre. Alors, nous estimons qu'effectivement on voit qu'ici,
27 nous retrouvons les mots "refuse ou omet".
28 C'est un manquement, c'est une omission de refuser, ce n'est pas un
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1 refus.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Karnavas, je pense que le
3 plaidoyer de culpabilité ne se trouve pas dans cet article s'agissant de ce
4 qui est retenu contre votre client.
5 Mme KORNER : [interprétation] Oui, mais c'est "refuser ou omettre".
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors, c'est ce que vous me dites.
7 M. KARNAVAS : [interprétation] Non, il a refusé de répondre aux questions.
8 Ce n'est pas "et", c'est "ou" dans l'article.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous dites qu'il a refusé de
10 répondre, n'est-ce pas, il n'a pas omis de répondre, mais il a refusé de
11 répondre, c'est ce que vous nous dites ?
12 M. KARNAVAS : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,
13 Monsieur le Président, je ne comprends pas réellement ce qu'en réalité,
14 vous voulez dire. Il a omis de répondre, il n'a pas refusé de répondre.
15 Voilà ce que je veux dire. Si nous relisons le compte rendu d'audience, il
16 vous dit à vous, Monsieur le Président, que ce n'est pas une question de ne
17 pas vouloir répondre, mais qu'il n'est pas en mesure de répondre et c'est
18 pour cela que nous soutenons qu'il y a omission de répondre.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour l'instant, je vais vous permettre
20 de répondre à la question qui vous a été posée par le Juge Kwon. Dans une
21 certaine mesure, il y a un problème qui reste dans cette question qui est
22 un peu pendante, et nous allons y réfléchir ultérieurement.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Juge Kwon, si vous regardez le
24 compte rendu d'audience du 5 juin 2007 - et justement j'allais aborder
25 certains passages dans mes commentaires - vous verrez que M. Kabashi répète
26 à maintes reprises et explique les raisons pour lesquelles il n'est pas en
27 mesure de répondre, qu'il ne peut pas répondre. D'une part, il dit qu'il
28 n'a pas de mesure de protection réelle, car il était au courant de cas dans
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1 lesquels les témoins étaient venus déposer et quelque chose leur était
2 arrivé, ou certains témoins qui ont subi certains problèmes ou des
3 exactions. A plus d'une reprise, il parle du fait que par le passé, il a
4 fourni des informations aux enquêteurs des Nations Unies et aux enquêteurs
5 du TPIY et que ces informations n'ont jamais été suivies, c'est-à-dire que
6 d'une certaine façon, lorsque le Kosovo était très, très dangereux, il a
7 donné des informations à la police du Kosovo, à l'ONU, aux enquêteurs
8 d'UNMIK et aux enquêteurs du TPIY. Il a donné des noms, il a donné des
9 endroits où ils pouvaient trouver des corps, et cetera, et rien n'a été
10 fait.
11 Et donc, il a risqué sa vie en donnant ces informations. Il a déposé
12 dans l'affaire Limaj et il était tout à fait connu qu'il avait déposé dans
13 cette affaire. Il décrit également le fait que lorsqu'il a donné ces
14 déclarations - car il a fourni ces déclarations à deux reprises en 2004 et
15 encore une autre déclaration dans l'affaire Haradinaj - il était vraiment
16 très déçu de la façon dont la déclaration a été mise ensemble. On lui a
17 posé des questions qui n'avaient pas été enregistrées sur bande, on lui a
18 donné un résumé et dans le résumé, il a trouvé plusieurs problèmes
19 factuels, donc malheureusement, il est arrivé à la conclusion que les
20 enquêteurs essayaient de résumer ce qu'il avait dit, de résumer sa
21 déposition, pour servir leurs propres fins plutôt que de transcrire ce
22 qu'il a réellement dit.
23 Donc, je crois que normalement, ce qui se passe lorsqu'une
24 déclaration est faite -- il est très difficile de résumer, effectivement.
25 Des erreurs peuvent être faites de façon -- enfin, des erreurs honnêtes,
26 pas des erreurs intentionnelles. On peut faire une petite erreur. Lorsque
27 c'est relu, c'est soit des mois ou des années plus tard, puisque la
28 déclaration a été d'abord fournie en albanais, et ce n'est que lorsque les
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1 témoins viennent déposer ici devant ce Tribunal qu'ils peuvent voir ces
2 déclarations dans leur propre langue et ils constatent des erreurs.
3 C'est également l'une des raisons pour lesquelles le témoin a été déçu,
4 désenchanté et également désenchanté par l'ensemble du processus, parce
5 que, comme je l'ai déjà dit, il a dit que les enquêtes n'avaient pas été
6 menées à la suite de ces informations et deuxièmement, lorsqu'il a été
7 détenu en prison près de trois ans et demi, il a fait l'objet de torture et
8 il a même eu un massacre, et ceci n'a pas été enquêté par le TPIY. Il m'en
9 a parlé, et je pense que ce n'était pas dans l'acte d'accusation; le Juge
10 Bonomy l'a enlevé. Imaginez : à l'aide d'une touche d'ordinateur, on efface
11 un événement lors duquel des centaines de personnes ont été tuées. Il était
12 préoccupé par ceci.
13 Il ne dit pas qu'il a peur pour sa propre vie. Il dit l'opposé. Mais
14 en réalité, il parle d'autres témoins qui ont été tués, donc d'autres
15 témoins qui ont déposé, qui ont donné des informations et qui ont été tués.
16 Et dernièrement, lorsqu'on lui a posé la question dans l'affaire
17 Haradinaj s'il avait peur pour sa propre vie, il a dit que non. Lorsqu'on
18 lui a posé des questions sur les membres de sa famille - nous devons tenir
19 compte du fait qu'il a une mère, un père, une sœur avec six enfants, une
20 autre sœur avec deux enfants, et toutes ces personnes vivent au Kosovo - la
21 réponse à la question était : je ne le sais pas.
22 Je vous pose la question suivante, Monsieur le Président, Messieurs
23 les Juges, de vous mettre à sa place en répondant à ce type de question. Le
24 mieux qu'il pouvait dire, c'est qu'il n'était pas en mesure à l'époque de
25 déposer, et il n'est pas en mesure de déposer maintenant. Il savait très
26 bien, lorsqu'il est venu, qu'il serait arrêté lorsqu'il arriverait ici. Il
27 a laissé derrière son enfant de deux semaines, un nouveau-né, espérant
28 qu'il allait pouvoir mettre tout ceci derrière lui. Il souffre également du
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1 syndrome post-traumatique. Lorsqu'il se présente ici devant le Tribunal, il
2 est absolument incapable de réfléchir clairement. Toutes ses émotions
3 reviennent à la surface. Il trouve qu'il lui est très difficile de répondre
4 aux questions très simples.
5 Malheureusement, il n'a jamais fait l'objet d'un traitement réel, et je
6 demanderais d'ailleurs, de toute façon, qu'il soit évalué par le UNDU.
7 C'est juste pour répondre à la question du Juge Kwon.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première raison que vous avez
9 évoquée, à la page 6 ligne 17 -- vous dites, je cite, qu'il n'y a pas de
10 réelles mesures de protection. Mais les mesures de protection n'ont-elles
11 pas effectivement été enlevées à sa demande ?
12 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bonne question. Très, très bonne
13 question, Monsieur le Président. Dans l'affaire Limaj, il bénéficiait de
14 mesures de protection alors que le monde entier savait qu'il avait déposé
15 dans l'affaire Limaj. De façon réaliste, toute personne travaillant -- ou
16 tout du moins du côté de la Défense, nous savons très bien que les mesures
17 de protection ne fonctionnent pas, en réalité, parce que du moment qu'une
18 personne quitte cette salle d'audience, ils ont accès aux téléphones, aux
19 courriels et aux visites. Alors, indépendamment des mesures de protection
20 appliquées, même si on s'efforce de les mettre en place et de les
21 respecter, cela ne marche pas.
22 Et si vous regardez sa déposition -- je vais vous le dire exactement
23 -- si vous prenez sa déposition qui a été faite en audience publique le 5
24 juin 2007 à la page 5 437 et 5 438, le témoin dit, je cite :
25 [Tel que lu] "R. J'ai donné cette déclaration pour qu'elle soit relue
26 dans le courant de l'après-midi du vendredi alors que je revenais des
27 Etats-Unis d'Amérique, et je n'avais pas porté attention, je n'étais pas
28 dans l'état d'écouter réellement la relecture. Mais le but était de revenir
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1 ici et d'expliquer aux Juges qu'il n'y a absolument aucune condition qui
2 soit en place pour que le témoin puisse venir ici et déposer. Les
3 conditions ne sont pas appropriées, et donc je demande aux Juges de la
4 Chambre de me permettre de ne pas déposer parce que je ne suis pas en
5 mesure de témoigner. J'ai plusieurs explications. Les Juges
6 m'interrompaient et ne me permettaient pas de répondre. Je suis la personne
7 qui vivait au Kosovo. Je suis la personne qui est venue ici dire la vérité
8 sur les choses que j'ai entendues ou sur ce que j'ai entendu d'autres
9 personnes dire. C'est moi qui est impliqué."
10 Il poursuit -- et c'est justement ce que j'ai l'intention de faire cet
11 après-midi, c'est-à-dire de passer en revue tous ces passages divers et
12 variés, car en réalité, ce que nous dit le témoin, c'est qu'il n'y a
13 absolument aucune mesure de protection réelle et malheureusement, qui soit
14 vraiment en place. Voilà un homme qui risque sa vie pour déposer et
15 maintenant, on le traite comme un criminel, et c'est comme cela qu'il se
16 sent aujourd'hui. Il poursuit sur la même page, il dit :
17 [Tel que lu] "Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est tout à
18 fait juste. C'est notre devoir, mais dans le cadre d'une vie normale,
19 puisque cette vie normale n'existe pas dans l'Etat dans lequel je vis, où
20 les gens peuvent se faire tuer, et lorsque la vie des gens a changé, je ne
21 sais pas dans quelles conditions je peux témoigner ici. Je ne peux pas me
22 convaincre de donner une déclaration ici à cause des événements que j'ai
23 vécus."
24 Il parle de la situation au Kosovo, et nous devons donc nous mettre à sa
25 place et penser au fait qu'il n'a aucune protection. Même s'il ne vit pas
26 au Kosovo maintenant, mais comme il nous l'a dit, son père, sa mère, ses
27 sœurs et d'autres membres de la famille y vivent aujourd'hui.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karnavas, je comprends très
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1 bien ce que vous avancez, et ces questions pourraient effectivement être
2 des questions que vous allez pouvoir évoquer dans le cadre de la sentence.
3 Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'il n'y a pas réellement
4 d'intention criminelle pour ce qui est -- la mens rea n'existe pas ?
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais peut-être pouvoir répondre à la
6 question. Je ne suis pas un anglophone, mais lorsqu'on a employé le mot
7 "contumacious", j'ai regardé dans l'ordinateur, et le mot dit que c'est une
8 personne qui défie l'autorité, qui désobéit. Alors, lorsque vous faites
9 référence à l'article 77, où on dit que le témoin refuse de répondre, à ce
10 moment-là, je peux peut-être également attirer votre attention sur le fait
11 que l'article 77(A) donne une description générale de ce que constitue un
12 outrage au Tribunal sans décrire les éléments, mais dit : Dans l'exercice
13 de son pouvoir inhérent, le Tribunal peut déclarer coupables d'outrage les
14 personnes qui entravent délibérément et sciemment le cours de la justice, y
15 compris, notamment, toute personne qui, étant témoin devant une Chambre,
16 refuse de répondre à une question."
17 Voilà, c'est mon analyse de ce que représente l'outrage au Tribunal,
18 mais le refus de répondre à une question devrait être, d'une certaine
19 façon, ce que représente un refus, mais c'est également une personne qui
20 entrave délibérément et sciemment le cours de la justice. Donc, si une
21 personne refuse de répondre à une question parce que, soit il ne comprend
22 absolument pas du tout la question, ou parce qu'il y a peut-être des
23 éléments non-- on peut refuser de répondre ou omettre de répondre à une
24 question de façon non délibérée, mais je crois que, d'après moi, en lisant
25 l'article 77, ce n'est pas effectivement couvert par ceci, mais d'après
26 l'acte d'accusation, votre client n'a pas été retenu coupable d'un refus
27 fait de façon délibérée et fait sciemment. Je crois qu'il faudrait avoir le
28 mens rea.
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1 Mme KORNER : [interprétation] Oui, mais nous avons dit qu'il s'agissait
2 d'un refus, que la personne avait refusé sciemment de répondre à la
3 question.
4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
5 Mme KORNER : [interprétation] Ce mot, "contumacious", qui est un mot qui
6 représente le refus en français et qui est un mot très ancien anglais, je
7 ne sais même pas de quelle façon il s'est infiltré dans le Règlement de
8 procédure et de preuve, mais effectivement, il s'agit d'un refus délibéré,
9 d'une prise de décision -- c'est fait de façon délibérée et avec une
10 intention de ne pas répondre à cette question.
11 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, voilà. Ceci correspond également à
13 ma compréhension des choses.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
15 Maître Karnavas --
16 M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Morrison aimerait ajouter
18 quelque chose pour rendre la chose encore plus compliquée.
19 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] J'espère que je vais pouvoir peut-
20 être couper le noeud. Est-ce que vous acceptez la chose suivante, est-ce
21 que vous acceptez le fait que le mot "contumacious", donc le refus, que ce
22 mot comprend également l'omission et le refus ?
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.
24 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Un refus peut-être de répondre à une
25 question. Peut-être que le fait de refuser de répondre à une question --
26 par exemple, la personne dit : non, je veux pas répondre à cette question.
27 L'omission de répondre à une question serait également de ne pas répondre
28 du tout, donc une omission totale de répondre et de donner une explication.
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1 Que si le mot "contumacious", qui est un mot archaïque donc, on peut, selon
2 le common law britannique, lorsqu'on emploie ce mot "contumacious," on peut
3 être trouvé coupable donc d'un refus, de ce mot "contumacious", d'un refus
4 de répondre à une question seulement et en ne répondant pas également. Le
5 fait de rester muet et de ne pas répondre à la question présente également
6 une culpabilité ou un refus.
7 Donc est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'effectivement votre
8 client avait un mens rea parce qu'il a refusé dans ce sens-là de répondre,
9 parce qu'il a délibérément pris le choix de ne pas répondre, c'était sa
10 propre décision ?
11 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous acceptez donc que par
13 votre plaidoyer de culpabilité, que de cette façon-là, vous avez plaidé
14 coupable à un choix délibéré pour ne pas répondre aux questions qui vous
15 sont posées, pour quelque raison que vous ayez eue, mais que ceci ne
16 voulait pas dire que vous vouliez ou que vous aviez une incapacité qui ne
17 vous permettait pas de répondre aux questions ? Donc c'était une décision,
18 elle a été prise sciemment. Vous avez décidé vous-même de ne pas répondre
19 aux questions, pour quelque raison qu'elle soit, la raison n'était peut-
20 être pas bonne, mais est-ce que vous acceptez le fait que ceci pouvait
21 faire partie de votre plaidoyer de culpabilité ?
22 Si vous souhaitez consulter votre conseil, vous pouvez le faire.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous donner l'occasion de le
26 faire, même si l'accusé a répondu oui.
27 [Le conseil de la Défense se concerte]
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La réponse demeure la même après
2 consultation avec le conseil ?
3 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, dans ces circonstances, la
6 Chambre est convaincue que le plaidoyer de culpabilité a été fait de façon
7 volontaire et délibérée. Il s'agit d'un plaidoyer de culpabilité qui a été
8 fait en connaissance de cause et qui n'est pas équivoque, et qu'il existe
9 des faits suffisants pour établir le crime et la participation de l'accusé
10 à celui-ci.
11 Par conséquent, la Chambre trouve l'accusé coupable des deux chefs
12 d'accusation.
13 Le premier chef d'outrage au Tribunal, punissable en vertu du pouvoir
14 inhérent du Tribunal. Donc l'accusé avait été accusé dans l'affaire
15 Haradinaj, et il a refusé de répondre ou a omis de répondre à des
16 questions, outrage commis le 5 juin 2011 [comme interprété].
17 Et la Chambre conclut que l'accusé est coupable d'un deuxième outrage
18 au Tribunal commis en novembre 2007 lorsqu'il a déposé par voie de
19 vidéoconférence lorsqu'il était témoin dans l'affaire Haradinaj, Balaj et
20 Brahimaj, l'accusé a refusé de répondre à une question.
21 Et c'est sur cette base que nous allons procéder.
22 Madame Korner, je viens de faire quelque chose, que malgré que j'ai fait
23 cela, je vous donne la parole pendant quelques instants.
24 Mais en fait, je vous prie de m'excuser d'avoir conclu que l'accusé
25 est coupable avant même de vous donner l'occasion de présenter les
26 arguments.
27 Etes-vous disposée à présenter les arguments ?
28 Mme KORNER : [interprétation] La seule chose que je souhaitais faire c'est
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1 présenter les faits afin de voir la base des accusations qui pèsent contre
2 l'accusé. Comme j'ai dit la semaine dernière, nous n'avons pas d'arguments
3 s'agissant de la peine, comme je l'ai précisé la semaine dernière.
4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
5 Mme KORNER : [interprétation] Et donc je dirais brièvement, Messieurs les
6 Juges, que l'accusé M. Kabashi est né le 1er juillet 1976, il est âgé de 35
7 ans aujourd'hui. Il est né à Zahac au Kosovo. Et comme vous le savez,
8 Messieurs les Juges, il s'agit d'un Albanais du Kosovo. Il a apparemment
9 rejoint les rangs de l'Armée de libération du Kosovo en avril 1998. Et le
10 22 décembre 1998, lui et d'autres membres de sa famille ont été arrêtés par
11 les forces serbes à leur domicile. Il a ensuite été emprisonné, d'abord
12 dans un endroit appelé Peje, puis Dubrava, et finalement, à Nis, en Serbie.
13 Et en fait, il n'a été relâché que le 27 mars 2002, donc en tout, il a
14 passé un peu plus de trois ans, trois ans et demi ou trois ans et un quart,
15 dois-je dire, en tant que prisonnier des Serbes.
16 Après qu'il ait été relâché, selon sa propre déposition, il a
17 travaillé dans l'industrie du bâtiment. Et ensuite, il a rejoint les rangs
18 de la police du Kosovo. Et ensuite, il a quitté le Kosovo pour se rendre
19 aux Etats-Unis où il réside et où il travaille en gérant un restaurant.
20 Pour ce qui est de la procédure, eh bien, pendant une période de
21 trois jours en octobre 2004, M. Kabashi a fait une déclaration à un
22 enquêteur du bureau du Procureur concernant sa participation aux événements
23 de 1998. Au début de sa déclaration, il a dit qu'il la faisait
24 volontairement, qu'il n'avait pas été menacé ou forcé, et on ne lui avait
25 pas fait de promesses ou d'incitations, et qu'il était disposé à déposer
26 devant le Tribunal international. Il a signé cette déclaration.
27 Il a ensuite fait une déclaration supplémentaire le 8 décembre 2004,
28 dans laquelle on retrouvait les mêmes éléments que je viens de mentionner.
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1 Le 11 et le 14 mars 2005, il a déposé, comme vous l'avez entendu, avec des
2 mesures de protection dans l'affaire Limaj et consorts. Il a ensuite été
3 interrogé à nouveau entre le 10 et l4 mai 2007, cette fois-ci par des
4 avocats et des enquêteurs du bureau du Procureur, qui travaillaient dans
5 l'affaire Haradinaj et consorts. Et une déclaration consolidée comprenant
6 les réponses qu'il a données dabs cet entretien et ses déclarations
7 antérieures a été produite. Il s'agissait d'une version tronquée pour
8 produire un document qui était pertinent à l'affaire Haradinaj.
9 Donc la déclaration a été recueillie en anglais, mais traduite en albanais,
10 et les versions anglaise et albanaise ont été signées de sa main le 1er juin
11 2007. Et il a signé une déclaration selon laquelle il avait donné cette
12 déclaration volontairement, et il a précisé qu'il était conscient qu'il
13 pouvait être appelé à la barre devant le Tribunal.
14 Alors, pour ce qui est des événements visés à l'acte d'accusation, le
15 5 juin 2007, il a été appelé à la barre dans l'affaire Haradinaj. Et avant
16 de déposer, il a demandé la levée des mesures de protection. Après avoir
17 prononcé la déclaration solennelle, il a demandé à faire ce qu'il a
18 qualifié de "petites clarifications" avant les questions. Il a dit ensuite
19 qu'il avait donné la déclaration il y a longtemps et qu'il l'avait donnée
20 pour faire la lumière sur les crimes antérieurs et actuels du Kosovo, et
21 qu'il était présent uniquement parce qu'on lui avait dit que s'il n'était
22 pas présent, il serait arrêté et amené devant le Tribunal. Donc, il a parlé
23 de menaces émanant du bureau du Procureur. Et donc, on lui a demandé s'il
24 souhaitait bénéficier de mesures de protection, il a répondu que non.
25 Le Juge qui présidait l'affaire lui a donné l'occasion d'expliquer sa
26 position, et il a dit ce qui suit :
27 [Tel que lu] "Comme je l'ai dit antérieurement, je n'ai pas besoin que l'on
28 passe en audience à huis clos. Tout peut se faire en audience publique;
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1 mais si vous souhaitez entendre ce que j'ai dit plus tôt, eh bien, à la
2 lumière de ce qui s'est passé dans ma vie pendant la guerre, avec ces
3 événements qui ont eu lieu après la guerre, et ce qui s'est passé avec les
4 enquêteurs du bureau du Procureur, je ne suis pas heureux, je ne suis pas
5 en mesure de déposer. Je ne peux pas. Ce n'est pas parce qu'on me force,
6 mais si vous me forcez à le faire, mais je peux simplement vous dire que je
7 ne suis pas en mesure. Vous pouvez prendre votre décision, mais je vous
8 demande et je demande au Procureur de me relâcher et de me permettre de me
9 rendre à nouveau au Kosovo et de voir mes enfants. Eh bien, si vous
10 souhaitez m'envoyer en prison, il n'y a rien que je puisse faire."
11 Voilà le compte rendu d'audience à l'époque. Donc, il s'agit de la page 5
12 468 du 5 juin.
13 Il a eu une nouvelle occasion de répondre aux questions, mais il a
14 refusé à nouveau, et M. Karnavas a été désigné pour le représenter, puisque
15 la Chambre de première instance l'avait prévenu qu'ils s'apprêtaient à
16 rendre une ordonnance en vertu de l'article 77(D). Et ensuite, il a été
17 décidé qu'une audience allait avoir lieu le 7 juin. Et ce jour-là, le 7
18 juin, la Chambre a été informée par M. Karnavas et un représentant de la
19 Section des Victimes et des Témoins que lorsqu'ils s'étaient rendus à
20 l'hôtel de M. Kabashi le jour précédent, il avait disparu et avait laissé
21 une note qui se lit comme suit :
22 "Pour plusieurs raisons dans ce Tribunal, les conditions ne sont pas
23 remplies pour que le témoin dépose correctement. C'est la raison pour
24 laquelle j'ai décidé de ne pas déposer et j'ai demandé à la Chambre de
25 première instance de me laisser partir et de me donner le droit de
26 retrouver ma famille. Et je dis cela en toute conscience, en connaissance
27 de cause. Je vous remercie. Et si la Chambre de première instance a besoin
28 d'explications, je peux les fournir sans hésitation."
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1 Et en fait, il s'est avéré qu'il s'était rendu en Allemagne, et ensuite
2 s'est rendu aux Etats-Unis.
3 Il s'agit du premier chef d'accusation.
4 Maintenant, pour ce qui est du deuxième chef. Le 18 octobre 2007, un
5 entretien avec M. Kabashi a été mené par la Chambre de première instance
6 saisie de l'affaire Haradinaj par voie de vidéoconférence. M. Kabashi a été
7 informé qu'il était interrogé en tant que suspect et on lui a lu ses
8 droits, et il a confirmé qu'il n'avait pas besoin de conseil.
9 On lui a donné l'occasion à nouveau l'occasion de s'expliquer
10 pourquoi il ne souhaitait pas répondre aux questions et pourquoi,
11 notamment, ce qu'il entendait par les menaces émanant du bureau du
12 Procureur. Et en fait, il n'a fait que réitérer le fait qu'il n'y avait pas
13 eu d'enquête concernant les informations qu'il avait fournies à la police,
14 aux forces de la KFOR. Donc, il ne s'agissait pas d'un refus de déposer,
15 mais étant donné ce qu'il avait vécu et ce qu'il avait observé, il n'était
16 pas moralement ou physiquement en mesure de déposer.
17 Il avait précisé qu'il a reçu des menaces après sa déposition dans
18 l'affaire Limaj.
19 Et ensuite, on lui a demandé de déposer avec des mesures de
20 protection par vidéoconférence, et il a répondu à la page 37 du compte
21 rendu d'audience :
22 "Non. Ce n'est pas que je ne souhaite pas déposer, mais je ne peux pas.
23 Quelles que soient les circonstances que vous pouvez réunir pour que je
24 dépose, je ne peux pas le faire. Cela ne change rien que cela ait lieu dans
25 un prétoire, par visioconférence, que ce soit en audience publique ou à
26 huis clos. Je ne peux pas déposer car rien ne va."
27 Et il a dit à nouveau qu'il n'avait pas été menacé personnellement.
28 Le 20 novembre 2007, il a déposé en tant que témoin -- en fait, il était
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1 appelé à la barre en tant que témoin par vidéoconférence. Il était
2 représenté par un conseil aux Etats-Unis et au Tribunal, ici. Avant la
3 déclaration solennelle, le conseil a informé la Chambre qu'il n'avait pas
4 l'intention de déposer. Donc, après avoir prononcé la déclaration
5 solennelle, M. Kabashi a dit qu'il n'était pas disposé à s'exprimer devant
6 le Tribunal. Et à nouveau, il a dit : "Ce n'est pas que je ne souhaite pas
7 répondre aux questions, mais je ne suis pas en mesure de m'exprimer devant
8 vous, Messieurs les Juges."
9 Voilà ce qu'il en est des faits sur lesquels repose la cause de
10 l'Accusation.
11 Pour ce qui est de la sentence, eh bien, le bureau du Procureur ne
12 demande pas de durée particulière pour ce qui est de la peine
13 d'emprisonnement, si ce n'est que pour dire que la sentence devrait être
14 proportionnelle à la gravité des circonstances et de l'infraction.
15 Si vous avez des questions, Messieurs les Juges, je suis disposée à
16 répondre à celles-ci.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne demandez pas de durée
18 particulière de la période d'emprisonnement; est-ce à dire que vous
19 demandez une peine d'emprisonnement ?
20 Mme KORNER : [interprétation] Oui.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On a clarifié cette question.
22 Je pense que la Défense est disposée à présenter les arguments.
23 Il était question d'appeler à la barre un témoin de moralité. Est-ce qu'il
24 est disponible ?
25 M. KARNAVAS : [interprétation] Malheureusement, il n'est pas disponible. Il
26 a été obligé de rentrer en raison de l'ouragan Irène.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, nous pouvons lever l'audience,
28 si vous le souhaitez.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai contacté le témoin, et nous avons pris
2 une décision avec M. Kabashi. En fait, j'ai pris des instructions de M.
3 Kabashi sur cette question.
4 Entre-temps, nous avons reçu un rapport --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais -- je ne sais pas si vous
6 vous apprêtez à commencer avec la présentation de vos arguments, mais si
7 c'est le cas, j'aimerais que vous nous fassiez savoir si vous avez des
8 éléments factuels avec lesquels vous n'êtes pas d'accord avec l'Accusation,
9 et j'aimerais vous inviter également de tenir compte du fait des
10 discussions antérieures, donc pour ce qui est de l'élément moral. Nous
11 avons établi cela très clairement.
12 A moins qu'il y ait d'autres questions, d'autres desideratas, eh bien, vous
13 pouvez aller de l'avant.
14 M. KARNAVAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 Si j'avais des objections, s'agissant des faits présentés par l'Accusation,
16 je l'aurais fait clairement pour les besoins du compte rendu d'audience. Je
17 pense qu'il s'agit d'une représentation assez exacte et fidèle.
18 Bien sûr, j'aurais mis l'accent sur d'autres questions.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela va sans dire.
20 M. KARNAVAS : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois que vous avez
21 reçu le rapport du Dr Falke sur l'évaluation psychiatrique qui a été
22 réalisée auprès de M. Kabashi au quartier pénitentiaire. Il s'agissait d'un
23 rapport bref. Malheureusement, nous n'avons pas pu organiser la venue du
24 psychiatre, et M. Falke le résume. Mais en fait, il faut convenir de noter
25 qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique. Je pense qu'il
26 faudrait tenir compte de cela.
27 Nous estimons que M. Kabashi ne devrait pas purger une peine plus
28 longue que celle qu'il a déjà purgée, en quelque sorte. Cela fait deux
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1 semaines qu'il est au quartier pénitentiaire, donc étant donné son bon
2 comportement et de la règle des un tiers, en fait il a purgé trois
3 semaines.
4 Mais lorsque l'on le regarde, M. Kabashi, en tant que personne, si on
5 regarde son parcours, son expérience et le fait qu'il souffre de syndrome
6 de stress post-traumatique, puisqu'il a été prisonnier de guerre, il a été
7 torturé, il était réveillé dans la nuit pour être battu, maintenant il est
8 mis à part et il est sous garde anti-suicide. Il est réveillé toutes les 30
9 minutes pendant la nuit pour qu'on puisse s'assurer qu'il est bien vivant.
10 J'estime, Messieurs les Juges que cela équivaut à bien plus que trois
11 semaines.
12 M. Kabashi a quitté New York pour venir déposer ici sachant qu'en arrivant,
13 il serrait arrêté --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, s'il vous plaît,
17 Monsieur Karnavas.
18 M. KARNAVAS : [interprétation] M. Kabashi a quitté New York pour venir ici,
19 pour essayer de déposer dans l'affaire Haradinaj, sachant qu'il faisait
20 l'objet d'un mandat d'arrêt et qu'il serait arrêté in situ et serait amené
21 au quartier pénitentiaire. Avant de venir ici, il avait rencontré le
22 représentant du Procureur à New York, et j'étais présent. Il l'a rencontré
23 à deux reprises, il lui a expliqué ce qu'il souhaitait faire, qu'il ne
24 donnerait pas de promesse. On lui a dit que nonobstant sa déposition et
25 quelle que soit la qualité de sa déposition, pour l'Accusation, il n'y
26 aurait pas de garantie et de promesse s'agissant des accusations portées à
27 son encontre. Bien sûr, je pense que cela devrait être consigné au compte
28 rendu d'audience.
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1 Il y avait, bien sûr, une autre option; c'était de combattre. Il existe le
2 droit de contester, et je pense que s'il avait contesté sa comparution,
3 s'il l'avait fait et si on avait estimé qu'il avait le syndrome de stress
4 post-traumatique, il y a de fortes chances qu'un juge n'ait pas autorisé
5 son extradition sachant qu'il a été mis en prison et qu'il aurait souffert
6 comme il souffre maintenant en raison de ces trois années et demie passées
7 en tant que prisonnier de guerre.
8 Lorsque M. Kabashi a quitté New York, son fils était âgé de deux semaines.
9 Il a quitté son fils, ses trois filles et sa femme et il est venu déposer,
10 sachant qu'il devait répondre de ces accusations et qu'il existait une
11 possibilité réelle qu'il passerait quelque temps en prison.
12 On discute très souvent de si les Juges devraient donner une peine en
13 fonction de l'accusé ou si ce doit être en fonction du crime, c'est une
14 question académique, mais si on regarde le statut de l'article 24, il y a
15 deux approches. Il est écrit :
16 "On doit tenir compte de la gravité de l'infraction et des
17 circonstances particulières de la personne condamnée."
18 Ce n'est pas comme dans les tribunaux fédéraux aux Etats-Unis où
19 nous avons des lignes directrices s'agissant de la peine; voilà les crimes
20 et voilà la peine de prison. Ici, dans ce Tribunal, cela revient aux Juges.
21 Malheureusement, le Statut ne fournit pas de lignes directrices que l'on
22 pourrait retrouver dans les juridictions nationales, des lignes directrices
23 que le Juge pourrait consulter pour prononcer une sentence.
24 Pour les besoins de cette audience, comme Mme Korner, je suis tout à fait
25 néophyte en la matière, bien sûr, même si j'ai travaillé dans des milliers
26 de cas dans ma vie antérieure aux Etats-Unis pour ce qui est de ma
27 juridiction et de l'Etat de l'Alaska.
28 Pour ce qui est des infractions. Pour ce qui est du passé criminel de
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1 l'accusé et des possibilités de réhabilitation. Troisième point : le besoin
2 d'empêcher l'accusé de causer du mal supplémentaire au public. Le quatrième
3 point : les circonstances de l'infraction, la mesure dans laquelle
4 l'infraction a pénalisé la victime ou causé une menace à l'ordre lorsqu'il
5 était publique. Cinquième point : l'effet de la peine imposée s'agissant de
6 l'accusé et de l'effet que cela a sur l'accusé et sur les autres membres de
7 la société pour ce qui est des comportements criminels. Et sixième : la
8 réaffirmation des normes de société. Et enfin, la restauration de la
9 victime et de la communauté.
10 Donc, en l'espèce, il s'agit d'un cas d'outrage et il s'agit ici non
11 pas de rétribution, mais de faire en sorte que de tels crimes ne soient pas
12 commis à l'avenir.
13 L'Accusation a décidé de ne pas supprimer les accusations même si M.
14 Kabashi a fait de son mieux pour déposer dans l'affaire Haradinaj. Il ne
15 souhaite pas envoyer un message, mais il doit s'assurer qu'il y ait un
16 élément de prévention pour ce qui est de l'outrage.
17 Pour ce qui est de la peine, je pense qu'il faut individualiser et
18 regarder l'individu lui-même. Donc, qui est-il ?
19 J'ai lu des passages dans le compte rendu d'audience, et j'aimerais
20 souligner un passage supplémentaire. A la page 5 439 dans l'affaire
21 Haradinaj, le 5 juin 2007, M. Kabashi dit : "Monsieur le Président, ce
22 n'est pas une question de peur."
23 Et il poursuit :
24 [Tel que lu] "Je suis déçu. Je suis non seulement déçu, mais des choses qui
25 n'auraient pas dû avoir lieu, n'auraient pas dû être faites dans un monde
26 moderne, ont eu lieu. Vous-même n'avez peut-être pas connu de telles
27 choses, mais il y avait des personnes à qui on a demandé des questions en
28 tant que témoins et dont les noms ne figurent pas sur les listes de témoins
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1 car ils ont été tués. Je ne souhaite pas bénéficier de mesures de
2 protection, car de telles mesures n'existent pas dans la réalité. Elles
3 n'existent que dans les confins de ce prétoire, et non à l'extérieur du
4 prétoire."
5 A vous, Messieurs les Juges, de lire entre les lignes, compte tenu des
6 circonstances et des accusations dans l'affaire Haradinaj, bien sûr -- dans
7 le jugement, certains commentaires qui ont été formulés pour ce qui est des
8 éléments de preuve.
9 Est-ce que l'Accusation a menacé Kabashi ou non. Il arrive souvent
10 qu'un représentant du bureau du Procureur puisse dire à un témoin qu'il
11 doit dire la vérité sinon il pourrait se rendre coupable d'outrage, mais
12 tout cela dépend de la façon dont c'est présenté, et je pense qu'on le
13 sait. Le Procureur Ray, à l'époque, était très direct, donc cela a été
14 peut-être interprété comme une menace. Ce n'était peut-être pas son
15 intention, mais c'est la façon dont cela a été interprété par M. Kabashi.
16 M. Kabashi souhaitait simplement faire la lumière sur des crimes qui ont
17 été commis.
18 Qui était M. Kabashi ? Il était membre de l'Armée de libération du Kosovo.
19 Il a été en prison. Et il a fourni des informations très tôt, il y a
20 longtemps. Il a fourni des informations aux autorités du Kosovo, à la MUNIK
21 et aux enquêteurs du Tribunal. Peut-être que ses attentes - et c'est
22 souvent le cas - étaient irréalistes, irréalisables. Il pensait que les
23 choses se dérouleraient rapidement, que ces gens qu'il désignait, il
24 espérait que ces gens allaient être arrêtés rapidement. Et pour ce qui est
25 des événements dans la prison de Dubrava, où il y a eu ce massacre, il
26 espérait qu'il y aurait eu des enquêtes à ce sujet et que les auteurs de
27 ces crimes seraient punis.
28 Et sans doute que ses attentes étaient trop élevées, et cela alimente cette
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1 situation complexe dans laquelle nous nous trouvons. Mais en fait, il
2 s'agit simplement de la même personne qui a déposé et qui a fait une
3 déclaration selon laquelle, lorsqu'il faisait partie de l'Armée de
4 libération du Kosovo et lorsqu'on lui disait d'aller exécuter quelqu'un, il
5 se rendait là-bas, il prévenait la personne pour dire qu'il a été chargé de
6 l'exécuter et qu'il devait quitter. Voilà ce qu'est M. Kabashi. C'est un
7 homme de caractère.
8 Au cours des trois dernières semaines, étant donné que cette affaire m'a
9 occupé pendant presque dans l'ensemble du mois dernier - trois semaines à
10 La Haye et une semaine aux Etats-Unis - au cours des préparatifs et pendant
11 que M. Kabashi se préparait pour témoigner, j'ai encouragé M. Kabashi
12 d'aller répondre aux questions, de se présenter devant les tribunaux et
13 devant le Tribunal ici et de répondre aux questions. Et en réalité, il m'a
14 dit : Vous ne comprenez pas ce comment je me sens lorsque j'entre dans ce
15 prétoire. Vous ne pouvez pas du tout même essayer de comprendre comment je
16 me sens. Moi, en fait, dans mon impertinence, je disais : oui, je sais, je
17 peux comprendre comment vous vous sentez. Mais comment est-il possible que
18 je puisse réellement comprendre comment se sent M. Kabashi et ce qui se
19 passe dans son esprit alors que je n'ai jamais été à sa place ?
20 Alors que je me préparais pour vous faire ces représentations, je me suis
21 souvenu de cette phrase très classique du film "Ne tirez pas sur l'oiseau
22 moqueur", et la personne, alors qu'on lui a posé une question sur un
23 accusé, dit : "Vous ne comprenez jamais une personne jusqu'à ce que vous ne
24 voyiez les choses de son point de vue, jusqu'à ce que vous ne marchiez dans
25 ses chaussures."
26 Donc, c'est ce qu'a dit dans ce film ce merveilleux avocat, Atticus Finch,
27 et effectivement, je pense que ce que disait cet avocat dans ce film
28 reflète exactement les principes dont vous devriez tenir compte lorsque
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1 vous prononcerez votre peine. J'ai tenté, avec peu de succès, je dois dire,
2 d'essayer d'appliquer ce principe pendant que je représentais M. Kabashi,
3 mais vous êtes plus sages et vous avez beaucoup plus d'expérience, et je
4 suis tout à fait certain que vous réussirez là où j'ai manqué.
5 M. Kabashi est âgé de 35 ans. Il a une grande famille; sept frères et
6 sœurs. Il a deux sœurs en Europe, il a deux sœurs qui vivent au Kosovo;
7 l'une qui a six enfants; l'autre qui en a deux, et ses parents vivent
8 également au Kosovo. Il vient d'une grande famille. Il est allé aux Etats-
9 Unis, il s'est présenté là-bas, il a demandé l'asile et il a essayé de
10 recommencer sa vie. Son frère, qui était censé venir ici mais qui n'a pas
11 pu être là, aurait témoigné justement sur la vie de M. Kabashi et comment
12 M. Kabashi a essayé de refaire sa vie, et les événements dont il a été
13 l'objet pendant qu'il était en prison, pendant qu'il était membre de l'UCK.
14 Il le comprend très bien.
15 Pour terminer, je voulais simplement dire une chose, je suis avocat depuis
16 près de 30 ans en tant que conseil de défense, en tant que procureur, et
17 c'est une expérience effectivement qui m'a permis de comprendre beaucoup de
18 choses. M. Kabashi a beaucoup de caractère. Il faudrait lui donner une
19 peine qui lui permettrait de rentrer à la maison le plus tôt possible.
20 Je vous remercie.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Karnavas.
22 D'abord, je me tourne vers Mme Korner. Est-ce que vous souhaitez dire
23 quelque chose ?
24 Mme KORNER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puis-je poser une question à M.
27 Karnavas.
28 A la page 24, ligne 19, vous avez dit que l'Accusation n'avait pas retiré
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1 les charges même si M. Kabashi est venu et a essayé de faire de son mieux
2 pour déposer dans l'affaire Haradinaj.
3 Pourriez-vous, je vous prie, nous expliquer comment a-t-il fait de son
4 mieux pour essayer de déposer. Pourriez-vous élaborer un peu là-dessus.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui. Au cours d'une période qui a duré trois
6 jours devant la Chambre de première instance, donc dans le prétoire - il
7 s'agissait d'un lundi, mardi et mercredi - on lui a posé une série de
8 questions et de nouveau, à cause de cette réaction physique, il était
9 incapable de répondre à la question, tout du moins à la satisfaction de
10 l'Accusation. Je sais que l'Accusation avait un très grand nombre de
11 questions à poser. Il était absolument incapable de répondre à ces
12 questions. Il a néanmoins répondu à un certain nombre de questions et à
13 suffisamment de questions qui permettaient à l'Accusation d'essayer
14 d'obtenir plus d'éléments s'agissant de l'affaire Limaj. Je pense qu'il y a
15 d'ailleurs encore une décision pendante pour voir si ces éléments seront
16 pris. Je pense qu'il ne serait pas juste de dire qu'il est venu et qu'il a
17 témoigné de façon brillante et que c'est la raison pour laquelle
18 l'Accusation devrait réfléchir à sa position; non, cela n'a pas été le cas.
19 Si vous regardez M. Kabashi aujourd'hui, si vous le voyez aujourd'hui et si
20 vous prenez cette personne telle que je l'ai rencontrée lorsqu'il est venu
21 déposer dans l'affaire Haradinaj, c'est qu'en réalité, il n'a jamais été
22 évalué adéquatement, et il a encore cette incapacité de répondre aux
23 questions. Et jusqu'à il n'y a pas très longtemps, il n'était même pas
24 conscient du fait qu'il y a des façons qui permettent aux personnes de
25 faire face aux problèmes qu'ils ressentent. Il a essayé, il a fait de son
26 mieux. Il a essayé de répondre aux questions qui lui ont été posées par
27 l'Accusation. Il a essayé de faire en sorte qu'il y ait un transcript. On a
28 demandé à la Défense de le contre-interroger. Ils ne l'ont pas fait. M.
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1 Kabashi n'a jamais dit qu'il n'aurait pas répondu aux questions posées par
2 la Défense. Je sais que l'Accusation sous-tend que M. Kabashi aurait
3 réellement pu faire plus d'effort, mais M. Kabashi, pendant que je l'ai
4 rencontré à New York, au cours des trois jours à New York, s'est rendu
5 disponible à l'Accusation pour témoigner, mais je sais qu'il a dit très
6 clairement à l'Accusation qu'il n'était pas en mesure de donner aucune
7 garantie à savoir de quelle façon il allait se comporter en cour, mais il a
8 dit qu'il allait venir - et il est venu volontairement - qu'il allait obéir
9 à l'injonction de comparaître. Il l'a fait de façon volontaire.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il d'autres questions ?
11 Oui, le Juge Morrison.
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karnavas, pour ce qui est
13 des questions d'extradition, vous pourriez peut-être nous aider. Quelle est
14 la loi qui s'applique ici, parce que M. Kabashi n'est pas un citoyen des
15 Etats-Unis; il habite aux Etats-Unis en tant que personne ayant demandé un
16 asile.
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais à ce moment-là, il n'aurait pas
19 le droit aux dispositions des droits sur l'extradition des Etats-Unis
20 d'Amérique.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, tout à fait. En fait, pour venir ici,
22 le Homeland Security Office a dû lui fournir un document de voyage, mais il
23 était pleinement représenté par un procureur et nous avons fait un peu de
24 recherche dans ce domaine. La loi a changé quelque peu, et ce, il y a
25 quelques mois. Je dirais que les Etats-Unis d'Amérique n'auraient jamais
26 même pu réfléchir à permettre à un témoin de voyager, mais maintenant, il a
27 tous les droits, comme les citoyens américains.
28 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Donc, il aurait pu, s'il avait
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1 décidé de le faire, exploiter - je n'utilise pas ce mot de façon négative -
2 mais il aurait pu faire appel à la demande d'extradition. Je sais que ceci,
3 au Royaume-Uni, aurait pris plusieurs années, même, n'est-ce pas. Cela se
4 serait appliqué dans cette affaire-ci également, pour ce qui le concerne.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, justement, nous en avons parlé avec M.
6 Kabashi, Monsieur le Président, et les défenseurs fédéraux de New York sont
7 excellents. Ils se présentent devant la cour fédérale tous les jours et
8 donc, il avait reçu de très bons conseils, il savait très bien quelle était
9 ses possibilités.
10 Il a dit : "Je sais que je n'aurais pas dû partir, je sais que j'ai fait
11 quelque chose qui n'était pas correct", lorsque le Président, le Juge Orie,
12 lui a permis de quitter le prétoire pour revenir le lendemain, chose qu'il
13 n'a jamais faite. Cela me démontre à moi et devrait vous démontrer à vous,
14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de quel type de personne il
15 s'agit lorsque l'on parle de M. Kabashi.
16 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, justement. Effectivement. Qu'il ait
18 quitté ne fait pas partie de l'acte d'accusation.
19 C'est juste quelque chose que je voulais indiquer.
20 Avant d'inviter M. Kabashi et de lui demander s'il veut ajouter quelque
21 chose, il y a simplement une petite question technique que je voudrais
22 résoudre. S'agissant des rapports médicaux, vous avez fourni des
23 exemplaires de courtoisie à la Chambre et aux membres de la Chambre, et ce,
24 au cours des dernières années. Je pense qu'il y a également un autre
25 rapport de 2011. Vous nous avez fourni un rapport du Dr Falke. J'aimerais
26 savoir de quelle façon vous aimeriez que ceci soit consigné au compte rendu
27 d'audience, techniquement parlant. Voudriez-vous que ce rapport soit versé
28 au dossier en tant qu'élément de preuve dont on devrait tenir compte lors
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1 de la sentence et du prononcé de la peine ?
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, effectivement. M. Kabashi nous a dit,
3 m'a dit qu'il n'avait absolument aucune objection à ce que ces rapports
4 soient rendus publics.
5 Vous aimeriez que ces rapports fassent partie du compte rendu
6 d'audience ?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Si vous avez des
8 exemplaires, j'inviterais Mme la Greffière à assigner des cotes à ce
9 moment-là. Est-ce que vous avez des exemplaires supplémentaires ?
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai des copies
11 supplémentaires.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
13 Madame la Greffière, est-ce que vous avez reçu les rapports ? D'abord, il
14 s'agirait du rapport du Dr Falke qui porte la date du 31 août 2011.
15 Mme la Greffière, dites-nous, je vous prie, si un exemplaire vous a
16 été rendu disponible.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le
18 Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, y attribuer
20 une cote. Il s'agira d'une cote de la Défense.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
22 pièce D1.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, la pièce D1 est versée au
24 dossier. Si j'ai bien compris, Monsieur Karnavas, il n'y a pas nécessité de
25 verser au dossier ce document sous plis scellé à moins que -- aimeriez-vous
26 que ce document, qui est assez, néanmoins, privé et sensible, soit versé au
27 dossier sous pli scellé ?
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez dit quelque chose,
2 justement, à ce sujet, en audience publique. Permettez-moi de consulter mes
3 confrères.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Karnavas.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Je me suis entretenu avec M. Kabashi qui m'a
7 dit qu'il n'avait aucune objection à ce que le document soit placé sur le
8 rétroprojecteur. Vous pouvez en parler avec lui si vous le souhaitez. Il
9 n'est pas nécessaire de garder ce document sous pli scellé.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, le document sera versé au
11 dossier en tant que pièce publique.
12 Et il y a également quelques rapports médicaux --
13 M. KARNAVAS : [interprétation] Je demanderais que ces documents-là, à ce
14 moment-là, soient versés au dossier sous pli scellé.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, vous avez eu ces
16 documents ?
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Vous avez ces documents. Je vous les ai
18 envoyés la semaine dernière. Ils devraient être disponibles.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Alors, je vais demander à Mme
20 la Greffière si elle a reçu ces documents.
21 Mme KORNER : [interprétation] J'ai une copie, si vous le souhaitez.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, c'est Mme la Greffière qui,
23 à ce moment-là, pourra faire en sorte que cette pièce soit versée au
24 dossier.
25 Voilà. Je vois que la Chambre dispose d'une copie. Madame la Greffière,
26 cette liasse de documents, qui constitue un dossier médical, pourriez-vous
27 nous dire quelle en sera la cote ?
28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agira
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1 de la pièce D2 versée au dossier, sous pli scellé.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. D2 est versée au dossier,
3 sous pli scellé.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kabashi, aimeriez-vous ajouter
6 quelque chose à la suite de ce qui a été dit dans le cadre de cette
7 audience qui s'est tenue cet après-midi ? Aimeriez-vous ajouter quelque
8 chose autre que ce que nous a déjà dit M. Karnavas ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous remercie.
10 Je vous remercie de l'opportunité que vous me donnez. Je crois que tout le
11 monde comprend la situation et ce qui se passe, mais je souhaitais
12 m'excuser auprès des Juges, auprès du Tribunal pour les problèmes que j'aie
13 pu causer, en commençant par l'année 2007.
14 Je m'excuse de ne pas avoir été aussi utile que j'aurais dû l'être et bien
15 que j'aie très envie de rentrer retrouver ma famille, je respecte toute
16 décision qui sera prise par ce Tribunal s'agissant du droit.
17 Je vous remercie.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Kabashi.
19 Cela signifie que l'audience est bientôt terminée. La Chambre devra
20 examiner l'ensemble des arguments présentés par les parties. La Chambre
21 devra examiner, pour ce qui est des contraintes temporelles, si le jugement
22 prononcé antérieurement serait injuste vis-à-vis de M. Kabashi vu le temps
23 qu'il a passé au quartier pénitentiaire, mais en même temps, nous devons
24 examiner la sentence que l'on pourrait imposer.
25 Et je dis clairement qu'il est possible que la sentence soit
26 prononcée plus tard dans la journée, mais cela ne signifie pas que cela
27 sera fait.
28 Donc, il est possible que cela se fasse, mais nous informerons les
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1 parties en conséquence. Permettez-moi de conférer quelques instants avec
2 mes collègues.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je dis est plutôt vague, et donc,
5 nous prendrons une pause et nous reprendrons dans 15 minutes, et nous
6 serons sans doute plus concrets à ce moment-là. En tout cas, plus concrets
7 que ce que ce que je viens de l'être il y a quelques instants.
8 Nous prendrons une pause, et nous reprendrons, si possible, pour ce qui est
9 des enregistrements, à 16 heures 05.
10 --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.
11 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a examiné la question en
13 l'espèce et nous avons décidé, mais bien que nous avons besoin de
14 clarifications pour ce qui est des prétoires et leur disponibilité, nous
15 allons délivrer une ordonnance fixant le calendrier du prononcé de la
16 sentence. Cela aura lieu le vendredi 16 septembre à 15 heures 30. Mais
17 comme je l'ai dit antérieurement, il faudra s'attarder sur tous les détails
18 s'agissant de l'ordonnance.
19 Et pour ce qui est de l'ordonnance portant détention, elle demeure en
20 vigueur, si bien que M. Kabashi demeurera en détention au moins jusqu'au 16
21 septembre.
22 Donc, nous levons l'audience, par conséquence, et nous reprendrons
23 sans doute le vendredi 16 septembre, à 15 heures 30, et la salle d'audience
24 reste à être déterminée.
25 Monsieur Karnavas.
26 M. KARNAVAS : [interprétation] Je ne saurais pas -- Il est possible que je
27 ne serai pas présent. Je présuppose que la Chambre d'audience n'aurait pas
28 d'objection à ce que j'apparaisse par vidéoconférence.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, vous serez excusé de votre
2 absence. Quelle serait la solution la plus appropriée, il n'y a pas
3 d'autres options que la vidéoconférence. On pourrait vous passer un coup de
4 téléphone après le prononcé de la sentence, et pour ce qui est de la
5 vidéoconférence, eh bien, je n'en sais rien des coûts, mais vous êtes
6 excusé. Nous savons que vous avez des obligations ailleurs et nous nous
7 efforcerons de trouver des solutions à cet effet.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Très bien.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience.
10 --- L'audience sentencielle est levée à 16 heures 15 et reprendra le
11 vendredi 16 septembre 2011, à 15 heures 30.
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