Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 7 février 2012

  2   [Audience sur la peine]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusée est introduite dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  6   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci. J'aimerais savoir qui

  7   représente les parties.

  8   M. ROGERS : [interprétation] Bonjour. Paul Rogers et Kyle Wood représentant

  9   le bureau du Procureur, et notre commis à l'affaire, Mme Carmela Javier.

 10   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci.

 11   Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Bonjour. Je représente les intérêts de

 12   Jelena Rasic. Je m'appelle Mira Tapuskovic, et mon assistante juridique

 13   s'appelle Jelena [phon] Aronchick.

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Lors d'une audience le mardi le 31

 15   janvier 2012, les Juges de cette Chambre ont accepté un accord sur le

 16   plaidoyer conclu entre l'Accusation et Jelena Rasic au titre de cinq chefs

 17   d'outrage au Tribunal présentés dans un acte d'accusation modifié déposé

 18   conjointement par les parties le 24 janvier 2012.

 19   Les Juges de la Chambre ont déterminé que Jelena Rasic avait plaidé

 20   coupable de manière claire et volontaire et en toute connaissance de cause,

 21   et a, par conséquent, déterminé qu'il existait des faits suffisants pour

 22   établir les crimes pour lesquels elle a plaidé coupable. Les Juges de la

 23   Chambre ont donc condamné Jelena Rasic pour outrage au Tribunal et entendu

 24   les exposés des parties.

 25   Aujourd'hui, les Juges de la Chambre sont présents pour une audience

 26   afin de prononcer un jugement et ont considéré les conclusions d'ordre oral

 27   et écrit déposées par la Défense le 27 janvier 2012 et corrigées le 30

 28   janvier 2012. Et ils ont également considéré deux rapports médicaux déposés


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  1   par le Dr Vera Petrovic, datés du 26 janvier et 1er février 2012, déposés

  2   ex parte à titre confidentiel le 6 février 2012. La Chambre établit les

  3   raisons suivantes : 

  4   En vertu le l'article 77(G) du Règlement de procédure et de preuve,

  5   la peine maximum qu'encourt une personne convaincue d'outrage au Tribunal

  6   est de sept ans d'emprisonnement ou d'une amende de 

  7   100 000 euros ou les deux.

  8   L'Accusation a avancé qu'en ce qui concerne le prononcé du jugement

  9   et en ce qui concerne les arguments de la Défense, la Défense avance que la

 10   peine de Jelena Rasic devrait être d'au moins trois mois d'emprisonnement

 11   ou, si les Juges de la Chambre déterminent une peine supérieure, que celle-

 12   ci devrait être avec sursis.

 13   Les crimes commis par Jelena Rasic dont elle s'est avouée coupable

 14   sont graves. La constitution de faux témoignage constitue une entrave

 15   directe au cours de la justice. Lorsque ces crimes sont commis devant une

 16   instance pénale internationale, telle que ce Tribunal, ceci constitue une

 17   portée considérable. Et ceci donc, de manière ordinaire, se solderait par

 18   une peine de prison considérable.

 19   En ce qui concerne les circonstances aggravantes, les Juges de la

 20   Chambre ont noté la position de confiance dans laquelle se trouvait Jelena

 21   Rasic lors de la commission de ses crimes. Les membres des équipes de la

 22   Défense sont obligés d'agir de manière consciencieuse en respectant

 23   pleinement les lois et les règlements applicables. Ceci est également le

 24   cas pour tout agent professionnel qui participe à des procès devant ce

 25   Tribunal. En tant qu'auxiliaire de justice, ceci doit être toujours à

 26   l'esprit quand on s'acquitte de ses obligations. Cependant, Jelena Rasic

 27   n'a fait que cela, c'est-à-dire qu'elle a pressenti des témoins potentiels

 28   et de manière criminelle.


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  1   Les Juges de la Chambre notent qu'il y a eu un comportement criminel

  2   persistant et répétitif.

  3   En ce qui concerne les circonstances atténuantes, il est évident que

  4   Jelena Rasic n'était pas ou n'aurait pas pu être à l'origine ou

  5   l'instigatrice de ce comportement criminel de grande envergure visant à

  6   constituer des faux témoignages. Il est donc évident qu'une autre personne

  7   ou d'autres personnes liées à l'affaire Lukic sont d'une manière

  8   responsables pour l'avoir recrutée, d'avoir recruté une personne

  9   relativement jeune et relativement inexpérimentée pour commettre ces

 10   crimes.

 11   La Chambre note qu'il n'a pas été avancé que Jelena Rasic avait

 12   profité de ses crimes. Elle a considéré son expression univoque de remords

 13   ainsi que son absence de casier judiciaire.

 14   L'accord de plaidoyer milite en faveur des circonstances atténuantes.

 15   Jelena Rasic a décidé de plaider coupable au tout dernier moment, à savoir

 16   juste avant le début du procès, mais ce fait ne change pas l'avis de la

 17   Chambre à cet égard. Toutefois, la Chambre estime qu'elle ne peut pas

 18   considérer au titre de circonstances atténuantes le fait que Jelena Rasic

 19   ait accepté une audition avec l'Accusation, car sa participation n'a pas

 20   été sincère. Ceci étant dit, elle n'a pas dit la vérité à propos de

 21   plusieurs éléments déterminants pour l'enquête de l'Accusation et a ainsi

 22   renoncé à coopérer avec l'Accusation, fait qui n'est pas une circonstance

 23   aggravante et n'a pas été pris en compte comme tel par la Chambre.

 24   Jelena Rasic a toujours respecté les ordonnances rendues par la

 25   Chambre, notamment eu égard à sa mise en liberté provisoire. C'est un

 26   élément à apporter à son crédit, tout comme sa reddition volontaire aux

 27   représentants du ministère de l'Intérieur de la République de Serbie. De

 28   surcroît, la Chambre a considéré la bonne conduite de Jelena Rasic en


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  1   détention, notamment dans le contexte des circonstances spéciales de sa

  2   détention étant donné qu'elle est la seule femme détenue au quartier

  3   pénitentiaire.

  4   La Chambre veut prendre note des thèses présentées par les parties en

  5   ce qui concerne l'état de santé de Jelena Rasic. La Défense soutient que

  6   son état est comparable à d'autres problèmes de santé graves reconnus par

  7   les Chambres de première instance comme autant de circonstances

  8   atténuantes. Elle relève que la Chambre devrait considérer comme

  9   circonstance atténuante l'impact de sa détention sur son état

 10   psychologique.

 11   L'Accusation avance que l'état de Jelena Rasic ne semble pas être un

 12   problème clinique préalable, mais plutôt une réaction à la situation dans

 13   laquelle elle se trouve suite à son comportement criminel. Elle accepte que

 14   cela a peut-être une certaine pertinence mais précise que l'on ne devrait

 15   pas accorder trop de poids à cet élément. Pour ce qui est de l'argument de

 16   la Défense suivant lequel une peine d'emprisonnement plus longue devrait

 17   être accordée avec sursis, l'Accusation indique que l'état de santé ne

 18   devrait être considéré comme circonstance atténuante qu'à titre

 19   exceptionnel ou rarement. Dans d'autres situations, elle doit être prise en

 20   considération au stade de l'exécution de la peine.

 21   La Chambre est d'avis que l'état de santé ne devrait être considéré

 22   comme circonstance atténuante que dans des situations exceptionnelles ou

 23   rarement. L'état de santé de Jelena Rasic en l'espèce ne relève pas de ces

 24   catégories. Pourtant, la Chambre de première instance considérera son état

 25   de santé au stade de l'exécution de la peine.

 26   Nous concluons que la gravité des crimes commis par Jelena Rasic

 27   mérite l'imposition d'une peine d'emprisonnement immédiate de 12 mois au

 28   quartier pénitentiaire des Nations Unies. Cependant, nous considérons qu'il


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  1   convient, au vu des circonstances actuelles, d'accorder huit mois de cette

  2   peine avec sursis, notamment pour les raisons indiquées au titre des

  3   circonstances atténuantes.

  4   Nous souhaitons insister sur le fait que nous avons spécialement tenu

  5   compte de la situation particulièrement difficile qui serait engendrée car

  6   elle serait la seule femme détenue au quartier pénitentiaire des Nations

  7   Unies et du régime de quasi-mise en secret qui s'en suivrait. Bien que la

  8   nature quasi cellulaire de ce régime de détention ne soit pas illégale dans

  9   la jurisprudence largement établie ni conçu comme une sanction, elle est

 10   perçue ainsi par l'accusée et nous y avons donc accordé une priorité, ainsi

 11   qu'à l'impact dans la pratique de ce régime pour son bien-être. A cet

 12   égard, nous avons examiné les rapports du Dr Vera Petrovic relatifs à

 13   l'état de santé de Jelena Rasic. Nous avons également tenu compte du jeune

 14   âge de Jelena Rasic et du fait que c'est la première fois qu'elle est

 15   condamnée à une peine de prison.

 16   Par conséquent, nous vous condamnons, Jelena Rasic, à une peine de 12 mois

 17   d'emprisonnement. Les 78 jours que vous avez passés en détention jusqu'à

 18   présent seront déduits de votre peine. Vous ne purgerez pas les huit

 19   derniers mois de votre peine, à moins que vous ne soyez condamnée pour un

 20   autre crime passible d'emprisonnement, notamment pour outrage au Tribunal,

 21   au cours des deux prochaines années à compter d'aujourd'hui.

 22   J'aimerais savoir si vous avez d'autres questions à soulever, Monsieur

 23   Rogers ?

 24   M. ROGERS : [interprétation] Oui, seulement à propos des deux rapports

 25   médicaux que l'Accusation n'a, bien entendu, pas vus. Je me demande en fait

 26   si vous y avez fait référence dans le jugement et si vous vous êtes fondés

 27   sur ces rapports médicaux pour prendre votre décision, nous aimerions bien

 28   pouvoir les parcourir. Il se peut qu'il ne soit pas possible -- qu'ils ne


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  1   soient pas du domaine public, en fait, car ils ont un statut ex parte, mais

  2   je souhaiterais que soit levé le statut de confidentialité pour que

  3   l'Accusation puisse prendre connaissance de ces deux rapports.

  4   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.

  5   Mme TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne pense pas que le statut ex parte de

  6   ces documents doit être levé et modifié. La Chambre de première instance a

  7   demandé au Greffier de les présenter avec ce statut, et je pense en fait

  8   que la Chambre de première instance avait de bonnes raisons, des raisons

  9   valables, pour le demander. Par conséquent, je ne pense pas que ces

 10   documents doivent être transmis à l'Accusation, qui d'ailleurs n'a pas

 11   obtenu les deux précédents.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] La Chambre va examiner la question

 13   de la levée de la nature ex parte de ces documents, et nous inclurons ceci

 14   dans le jugement écrit qui suivra ce prononcé du jugement oral.

 15   J'aimerais savoir s'il y a d'autres questions que les parties souhaitent

 16   soulever ?

 17   Merci. Nous en avons terminé avec cette audience. L'audience est levée.

 18   --- L'audience sur la peine est levée à 14 heures 28.

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