Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 41

  1   Le lundi 19 mars 2012

  2   [Conférence de mise en état]

  3   [Audience publique]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 31.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer le

  7   numéro de l'affaire, je vous prie.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour Monsieur le Juge. Il s'agit de

  9   l'affaire IT-03-67-R77.4, qui est un procès intenté à Vojislav Seselj. Je

 10   vous remercie.

 11   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Seselj, est-ce que vous

 12   entendez la procédure dans une langue que vous comprenez ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai eu besoin de quelque temps pour m'adapter

 14   aux moyens techniques qui sont à ma disposition, mais j'entends

 15   l'interprétation.

 16   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Avant de poursuivre, Monsieur Seselj, j'ai appris que vous ne vous

 18   sentiez pas bien cet après-midi ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Suffisamment bien pour participer à cette

 20   conférence de mise en état.

 21   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Très bien.

 22   Je vais me présenter. Je suis le Juge Melville Baird. Le Juge Stefan

 23   Trechsel et moi-même avons été nommés pour siéger en l'espèce par le

 24   Président du Tribunal le 16 décembre 2011, en remplacement de MM. les Juges

 25   Hall et Morrison. Et la Chambre a décidé que ce serait moi qui présiderais

 26   la présente conférence de mise en état.

 27   Voici quel est le contexte dans lequel s'inscrit l'audience d'aujourd'hui.

 28   Une ordonnance initiale en lieu et place d'acte d'accusation a été émise le


Page 42

  1   9 mai 2011 et les accusations contre M. Seselj, accusations d'outrage au

  2   Tribunal en application de l'article 77 du Règlement pour n'avoir pas

  3   respecté les ordonnances exigeant de lui qu'il enlève de son site Web,

  4   entre autres, trois ouvrages et cinq documents qui sont présumés contenir

  5   des renseignements confidentiels, cette ordonnance, donc, n'a pas été

  6   respectée. Lors d'une comparution initiale en date du 6 juillet 2011, M.

  7   Seselj a plaidé non coupable par rapport à cette accusation, à ce chef

  8   d'accusation. Le 15 juillet 2011, la Chambre de première instance a ordonné

  9   à M. Seselj d'enlever de son site Web au plus tard, le 8 août 2011, un

 10   quatrième ouvrage qui est présumé contenir également des renseignements

 11   confidentiels. Ceci n'a pas été fait, et dans sa décision du 21 octobre

 12   2011, la Chambre de première instance a modifié l'ordonnance tenant lieu

 13   d'acte d'accusation pour qu'elle englobe le fait que M. Seselj n'ait pas

 14   respecté l'ordonnance du 15 juillet 2011. Le 11 novembre 2011, un plaidoyer

 15   de non-culpabilité a été exprimé au nom de M. Seselj lors de sa deuxième

 16   comparution initiale.

 17   La Chambre est tenue, en application de l'article 65 bis du Règlement,

 18   d'organiser une conférence de mise en état dans un délai de 120 jours

 19   suivant la date de la comparution initiale. La présente conférence de mise

 20   en état a trois objets : premièrement, organiser des échanges entre les

 21   parties afin de veiller à ce que la préparation du procès soit rapide;

 22   deuxièmement, revoir la situation de l'accusé en l'espèce, et autoriser

 23   l'accusé à évoquer des questions relatives à sa situation; troisièmement,

 24   autoriser l'accusé à évoquer toutes questions relatives à son état de santé

 25   physique et mentale, ainsi que toutes questions liées aux conditions de

 26   détention.

 27   J'indique en cet instant qu'aucune requête n'est en suspens devant la

 28   Chambre de première instance. Et comme ceci a été dit pendant la deuxième


Page 43

  1   conférence initiale, la Chambre est informée du fait que les documents à

  2   l'appui de l'ordonnance tenant lieu d'acte d'accusation ont été remis à

  3   l'accusé et qu'il ne reste plus aucun document à lui communiquer.

  4   A ce stade, Monsieur Seselj, je vous demande si vous êtes en mesure de dire

  5   si vous êtes prêt à procéder dans le cadre du procès ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je serais -- eh bien, Monsieur le

  7   Juge, est-ce que je suis prêt à procéder, c'est plutôt une question à

  8   laquelle Dieu peut répondre, elle ne m'appartient pas. C'est une question

  9   qui dépend également des puissances obscures de l'Occident et de leurs

 10   services de renseignements.

 11   Je proteste, Monsieur Baird, contre le fait que ce procès n'a pas commencé

 12   il y a longtemps. Il aurait pu commencer il y a un an. Il n'y a aucune

 13   raison d'attendre plus longtemps, et puisqu'il y a déjà eu pas mal de

 14   retard, je serais enclin à penser que ceci est dû à des motifs politiques.

 15   Si vous considérez que j'ai violé le Règlement et si vous estimez que le

 16   procès est si simple qu'il n'est pas besoin de recourir à un amicus curiae,

 17   je suis d'accord avec cela, parce qu'il n'y a jamais eu nécessité de

 18   recourir à un amicus curiae. Et donc, il n'y avait aucune raison

 19   d'attendre, nous aurions dû commencer depuis longtemps.

 20   Je comprends que les Juges ont été remplacés. Deux Juges, le Juge Hall et

 21   comment s'appelle l'autre Juge ? Ah, Howard Morrison ont fait de leur mieux

 22   pour échapper à cette affaire, étant donné l'expérience négative qui était

 23   la leur sur la base d'une affaire précédente. Mais dès que les Juges ont

 24   été remplacés, nous aurions pu passer au procès. Pourquoi est-ce que le

 25   procès n'a pas déjà commencé ? Pourquoi que est-ce qu'une conférence de

 26   mise en état se tient en lieu et place du procès en tant que tel ?

 27   En ce qui me concerne, je suis prêt au procès, mais il importe que

 28   vous remplissiez certaines conditions préalables au procès. Le Greffe m'a


Page 44

  1   empêché toute communication avec mes conseillers juridiques. Il y a un mois

  2   à peu près, j'ai bénéficié d'une visite planifiée de mes deux conseillers

  3   juridiques restants, parce que Zoran Kasic a été enlevé de ma défense. Les

  4   deux conseillers qui restent étaient censés me rendre visite, Orkan Mikovic

  5   [phon] et Boris --

  6   L'INTERPRÈTE : -- patronyme qui n'a pas été entendu par l'interprète.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Comme cela a été le cas pour Nemanja Saric,

  8   celui qui s'occupe des aspects administratifs de ma défense, le Greffe m'a

  9   écrit une lettre dans laquelle il me disait que deux personnes seulement

 10   pouvaient me rendre visite. Or, il n'y a pas un seul cas devant ce Tribunal

 11   dans lequel un assistant administratif a été privé de son droit de

 12   participer aux conversations entre la Défense et l'accusé. Je suis le seul

 13   accusé à qui ceci est arrivé.

 14   Et ayant été informé qu'il n'y aurait pas de secret des

 15   communications et qu'une pièce avait été préparée à notre intention, une

 16   pièce que M. Karadzic et d'autres accusés utilisent souvent, je veux parler

 17   des accusés de plus haut rangs qui ont une très grande importance pour les

 18   services de renseignements étrangers, j'ai conclu que chaque mot que nous

 19   allions prononcer serait mis sur écoute, et c'est la raison pour laquelle

 20   nous n'avons pas dit un mot des affaires qui me concernent et, en

 21   particulier, pas un mot de l'espèce qui nous réunit aujourd'hui. J'indique

 22   qu'il s'agit bien du troisième procès pour outrage qui m'est intenté.

 23   Dans ce procès, voilà ce que je demande. Dejan Dirovic [phon] devrait

 24   pouvoir me rendre visite en même temps que Nemanja Sarovic, mon commis aux

 25   audiences. Je dois être prêt à préparer ma défense avec eux, parce que j'ai

 26   besoin de comparaître en tant qu'unique témoin de ma propre défense au

 27   procès, en invitant éventuellement deux ou trois autres témoins. Mais je

 28   suis prêt à agir à condition que l'on me donne le droit de communication


Page 45

  1   couverte par le secret.

  2   Dans le procès précédent, j'ai fait venir dix témoins et je voulais

  3   que mes conseillers juridiques et mon commis aux audiences soient présents

  4   pour entendre les témoins avant leur audition dans le prétoire. Ceci n'a

  5   pas été autorisé. Les témoins sont apparus dans le prétoire sans avoir

  6   bénéficié d'aucune préparation. La moitié de ces témoins n'ont pas été

  7   autorisés à témoigner en audience publique et c'est la raison pour laquelle

  8   ils ont refusé de témoigner. J'espère que ceci ne se renouvellera pas,

  9   parce que cette fois-ci, je n'ai pas l'intention de citer à la barre des

 10   témoins qui auraient par le passé bénéficié de mesures de protection. Je

 11   tiens à citer des témoins qui comprennent sur le fond mon procès pour

 12   outrage.

 13   Le fait que je ne respecte pas le Tribunal de La Haye est déjà une

 14   nouvelle de notoriété publique. Le problème réside dans le fait que si l'on

 15   peut caractériser le procès pour outrage qui m'est intenté devant le

 16   Tribunal de La Haye de poursuite contre le crime, eh bien ma thèse

 17   principale à moi consiste à dire que le Tribunal de La Haye s'est proclamé

 18   lui-même compétent pour poursuivre ce crime. Le Tribunal de La Haye prétend

 19   qu'il est un tribunal dont les droits sont inhérents à son existence. Il a

 20   peut-être des compétences inhérentes à son existence, mais il s'est arrogé

 21   ses compétences.

 22   Cette compétence arrogée repose sur le droit qui est le sien

 23   d'entamer des poursuites dans la présente affaire sans décrire les éléments

 24   caractéristiques du crime, et je ne parle même pas du problème que

 25   constitue le fait qu'un outrage au tribunal puisse faire l'objet de

 26   poursuite et puisse être sanctionné en tant que crime dans de telles

 27   affaires. Je ne parle même pas des affaires où une personne a fait du

 28   chantage par rapport à des témoins ou a présenté un faux témoignage, mais


Page 46

  1   si quelqu'un découvre un secret, savoir si c'est un crime ou pas, ça, c'est

  2   une autre question.

  3   Je viens de présenter simplement quelques-uns des problèmes qui ont

  4   freiné ma défense, et j'espère que vous pourrez régler ces problèmes

  5   autrement que vos collègues précédents dans vos fonctions.

  6   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Bien. Ceci m'amène à ma deuxième

  7   question. D'ailleurs, vous en avez déjà parlé quelque peu il y a un

  8   instant. Est-ce que vous avez l'intention de citer à la barre des témoins

  9   pendant la présentation de vos moyens de défense ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai l'intention de citer à la barre trois

 11   témoins venant de l'extérieur. Ils sont très informés sur la façon dont

 12   fonctionne ma défense interne, ils sont très informés de mes activités.

 13   Mais c'est ma déposition qui sera la plus longue et j'aurais besoin de

 14   séances de récolement avec l'assistance de Dejan Mirovic, avocat au

 15   barreau, qui sera la personne qui m'interrogera. Le contre-interrogatoire

 16   peut être mené par vous ou l'un de vos collègues ou un représentant du

 17   bureau du Procureur, peu me chaut. Ce n'est pas mon problème. Mais

 18   l'interrogatoire principal sera mené de telle sorte que je serai interrogé

 19   par mon propre assistant juridique, Dejan Mirovic.

 20   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] La Chambre de première instance vous

 21   fournira des renseignements en temps utile quant à la date de début du

 22   procès.

 23   Monsieur Seselj, est-ce que vous avez l'intention d'évoquer d'autres

 24   questions relatives à votre état de santé ou à vos conditions de détention

 25   ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] S'agissant de mes conditions de détention, je

 27   dois répéter ce que j'ai déjà dit lors des conférences de mise en état

 28   précédentes ainsi que dans d'autres affaires auxquelles je suis lié.


Page 47

  1   L'administration du quartier pénitentiaire a en ce moment-là l'appui non

  2   seulement du Greffe mais également du Président du Tribunal qui, tous,

  3   m'empêchent d'écrire et de présenter mes propres écritures. J'écris mes

  4   documents à la main depuis longtemps. Cela fait neuf ans que chaque fois

  5   que j'écris un document, je demande aux gardes de permanence d'en faire une

  6   photocopie à mon intention de façon à ce que je puisse soumettre au

  7   Tribunal l'original en conservant une photocopie comme preuve des écritures

  8   réalisées par moi. Il y a deux mois, l'administration du quartier

  9   pénitentiaire m'a interdit d'utiliser la photocopieuse. Par le biais de mes

 10   assistants juridiques, je me suis plains auprès du Président du Tribunal

 11   qui a rejeté mes protestations. Donc, à l'avenir, je n'aurai plus la

 12   possibilité de mettre quoi que ce soit par écrit personnellement ou

 13   d'envoyer un document manuscrit à la Chambre de première instance, au

 14   Président du Tribunal ou au Greffe. Ce sont ces instances qui m'en

 15   empêchent.

 16   Pourquoi est-ce que j'écrirais quelque chose si je ne peux pas

 17   conserver la preuve que j'ai soumis ce quelque chose ? La seule preuve

 18   possible est une photocopie. Mes écritures ne sont pas longues, une à trois

 19   pages au maximum, mais ils ne veulent pas m'autoriser à obtenir des

 20   photocopies. Ils me créent délibérément des difficultés et m'imposent un

 21   stress supplémentaire, délibérément.

 22   Quant à mon état de santé, les puissances les plus obscures de ce

 23   monde, les puissances occidentales se servent de leurs services de

 24   renseignements pour continuer à nuire à ma santé, et nous verrons quel en

 25   sera le résultat. Nous le verrons très bientôt. Mais dès que je respirerai

 26   mieux, je me battrai contre ce Tribunal de La Haye. Et au fur et à mesure

 27   qu'ils adopteront des mesures plus sophistiquées, ma défiance et ma haine

 28   pour ce Tribunal antiserbe illégal ne font que croître. Je n'ai pas besoin


Page 48

  1   de vous en convaincre, car mon état de santé actuelle a été créé

  2   artificiellement de l'extérieur.

  3   Tous les médecins auxquels j'ai eu recours au centre universitaire de

  4   Leiden ont déclaré qu'il n'y avait aucune raison physiologique justifiant

  5   l'arythmie dont je souffre, ainsi que la tachycardie dont je souffre. Cela

  6   n'a rien à voir. Ces deux troubles n'ont rien à voir avec l'état de mes

  7   vaisseaux sanguins, rien à voir non plus avec les résultats de mes analyses

  8   sanguines. Mes vaisseaux sanguins sont en parfait état. Je n'ai jamais

  9   manifesté d'augmentation du taux de sucre dans le sang ou des triglycérides

 10   ou quoi que ce soit qui aurait pu justifier de tels problèmes. Tout ce qui

 11   m'arrive, et en particulier le dernier incident dont j'ai été victime au

 12   moment de l'implantation du défibrillateur, sont des incidents complètement

 13   absurdes qui viennent du monde extérieur. Et en temps utiles, ces incidents

 14   finiront par me coûter la vie.

 15   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Est-ce qu'il y a une question que vous

 16   aimeriez évoquer en ce moment en dehors de celles que vous avez déjà abordées ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais savoir si vous avez essayé de

 18   résoudre le problème de mes rencontres avec mes conseils juridiques et pour

 19   ce qui est des problèmes que je rencontre au niveau des préparatifs ou des

 20   préparations des témoins en vue de leur témoignage.

 21   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Je ne fais que mener cette conférence

 22   de mise en état à cette étape-ci. Vos commentaires ont été notés,

 23   toutefois, et il y a certainement d'autres forums, d'autres moyens

 24   juridiques grâce auxquels vous allez pouvoir soulever ces questions si vous

 25   le souhaitez.

 26   Maintenant, s'il n'y a rien d'autre, Monsieur le Greffier, je propose de

 27   lever l'audience.

 28   --- L'audience de la Conférence de mise en état est levée à 14 heures 51.