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1 Le lundi 23 juillet 2007
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour, tout le monde.
6 Peut-on citer le numéro de l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-04-83-
8 T, le Procureur contre Rasim Delic.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
10 Les parties peuvent-elles se présenter. Monsieur Mundis.
11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite le
12 bonjour à toutes les personnes présentes.
13 Je suis Daryl Mundis. Aujourd'hui, avec moi, nous avons M. Neuner,
14 de même qu'Alma Imamovic, notre commis d'audience.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
16 La Défense.
17 Mme VIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, mes éminents
18 collègues de l'Accusation, de même que toutes les personnes présentes.
19 Je suis Vasvija Vidovic avec Nicholas Robson, et je représente Rasim Delic,
20 avec nos assistants, Lejla Gluhic et Asja Zujo.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
22 Avant de faire venir le témoin, la Chambre souhaite soulever un point. Un
23 peu tardivement, mais ceci concerne le témoin Berislav Marijanovic, qui
24 était contre-interrogé par vous, Monsieur Robson. Vous lui avez soumis la
25 deuxième déclaration qu'il aurait été censé faire auprès d'une ONG quelque
26 part.
27 Vous vous en souvenez ?
28 M. ROBSON : [interprétation] C'est la Commission de la vérification des
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1 crimes de guerre.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il a nié avoir fait cette déclaration,
3 n'est-ce pas ? Il a nié être au courant de cette déclaration ?
4 M. ROBSON : [interprétation] Il faudrait que je vérifie le compte rendu
5 d'audience pour être tout à fait sûr, si je me souviens bien, mais au
6 début, il ne se souvenait pas d'avoir fait une déclaration, mais après, au
7 contre-interrogatoire, il a accepté qu'il avait fait cette déclaration, car
8 il a accepté le fait que la personne ou le bureau qui avait pris cette
9 déclaration lui avait certainement parlé pour recueillir ces informations
10 contenues dans la déclaration. C'est ainsi que je m'en souviens.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous n'allons plus passer
12 le temps à traiter de nos souvenirs, mais je souhaite simplement vérifier
13 avec vous s'il s'agit de la déclaration qui était censée avoir été prise du
14 (expurgé)
15 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, je me souviens qu'il
16 s'agissait de la Commission chargée de la vérification des crimes de guerre
17 sur le territoire de la République croate d'Herceg-Bosna, qui a pris la
18 deuxième déclaration. Je crois que le siège de cette organisation est à
19 Mostar.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. J'ai deux déclarations,
21 dont l'une qui a été utilisée par l'Accusation et l'autre qui est
22 prétendument le document qui a été pris par le (expurgé)
23 (expurgé)
24 On m'informe du fait que nous en avons parlé à huis clos partiel, donc
25 peut-être il faudrait que l'on repasse à huis clos partiel.
26 Est-ce que le greffe peut faire en sorte que l'on passe à huis clos
27 partiel.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
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1 le Président.
2 [Audience à huis clos partiel]
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
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16 (expurgé)
17 (expurgé)
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20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 [Audience publique]
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
6 M. MUNDIS : [interprétation] L'Accusation cite à la barre M. Osman Fusko,
7 et c'est mon collègue, M. Neuner, qui va interroger ce témoin.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Cette discussion ne vous
9 concerne pas ?
10 M. MUNDIS : [interprétation] Non. Merci, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin peut-il prêter serment, s'il
14 vous plaît.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 LE TÉMOIN: OSMAN FUSKO [Assermenté]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Fusko. Vous
20 pouvez vous asseoir.
21 Interrogatoire principal par M. Neuner :
22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
23 R. Bonjour.
24 Q. Quel est votre nom ?
25 R. Osman Fusko.
26 Q. En 1992, vous étiez le commandant de la compagnie d'infanterie qui
27 faisait partie de la Défense territoriale de Mehurici ?
28 R. Oui.
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1 Q. En novembre 1992, vous avez rejoint les rangs de la 306e Brigade de
2 Montagne ?
3 R. Oui.
4 Q. Qui était le commandant de cette brigade ?
5 R. Esad Sipic.
6 M. NEUNER : [interprétation] Peut-on montrer la pièce à conviction
7 PT1096, document en date du 14 mai 1993.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, mais ne devriez-vous pas
9 établir une base avant de montrer ces pièces à conviction ?
10 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'un document
11 qui émane de la 306e Brigade de Montagne.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ne devriez-vous pas établir cela avec
13 le témoin ?
14 M. NEUNER : [interprétation]
15 Q. Avez-vous, Monsieur le Témoin, vu à l'époque un document émanant de la
16 306e Brigade de Montagne ?
17 R. Je n'avais pas accès à tous les documents, mais parfois j'en voyais
18 certains.
19 Q. Vous venez de mentionner Esad Sipic. Avez-vous jamais vu la signature
20 d'Esad Sipic ?
21 R. Ça, je l'ai vue.
22 Q. Si je vous montrais un document avec sa signature, seriez-vous en
23 mesure de la reconnaître ?
24 R. Oui.
25 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite
26 maintenant demander que le document PT1096 soit montré au témoin, et je
27 vais poser d'autres questions.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, vous pouvez poursuivre.
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1 M. NEUNER : [interprétation]
2 Q. En attendant que le document s'affiche à l'écran, je souhaite vous
3 montrer où était stationnée la 306e Brigade de Montagne en 1993.
4 R. A quel moment ? Au moment de la rédaction de ce document, le bataillon
5 était stationné à Mehurici.
6 Q. Merci.
7 M. NEUNER : [interprétation] Si on montrait la partie inférieure de
8 l'original, s'il vous plaît, au niveau de la signature.
9 Q. Est-ce que vous reconnaissez la signature ?
10 R. Oui.
11 Q. C'est la signature de qui ?
12 R. D'Esad Sipic.
13 Q. Dans la dernière ligne, ou plutôt la troisième de la fin du texte, il
14 est écrit : "1BB." Est-ce que vous pourriez expliquer ce que ceci
15 représente ou signifie ?
16 R. Le 1er Bataillon de Montagne.
17 Q. Encore une fois, pour le compte rendu d'audience, il était stationné à
18 Mehurici ?
19 R. Oui.
20 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je demander
21 le versement au dossier de ce document ?
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier.
23 Peut-on lui attribuer une cote ?
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction 134.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel est le nom de ce document ? Quel
26 est le numéro ERN ?
27 M. NEUNER : [interprétation] Il s'agit du numéro ERN 0603-1363 --
28 pardon, 1303 jusqu'à 1304. Excusez-moi, je vais relire cela. Il s'agit d'un
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1 document d'une page dont le numéro ERN est 0603-1303 seulement.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est la pièce à conviction 134.
3 M. NEUNER : [interprétation] Merci.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
5 M. NEUNER : [interprétation]
6 Q. Jusqu'en mars 1993, vous étiez l'adjoint du commandant chargé de
7 la Sécurité et des Renseignements au sein du 2e Bataillon de la 306e Brigade
8 de Montagne; est-ce exact ?
9 R. Oui, du 2e Bataillon.
10 Q. Où est-ce que ce 2e Bataillon était stationné ?
11 R. Le 2e Bataillon était stationné dans le village de Krpeljici.
12 Q. En mars 1993, quel était votre poste, votre nouveau poste ?
13 R. En mars ou avril 1993, je ne suis pas sûr de la date, j'ai
14 commencé à faire partie de la 306e Brigade en tant qu'officier chargé de la
15 sécurité.
16 Q. Combien de temps êtes-vous resté à ce poste ?
17 R. En tant qu'officier chargé de la sécurité ?
18 Q. Oui.
19 R. Jusqu'en mars 1995.
20 Q. Où avez-vous travaillé pendant cette période de mars 1993
21 jusqu'en 1995 ?
22 R. Vous voulez dire dans quelle localité ?
23 Q. Oui. Où était votre bureau ?
24 R. A Krpeljici et aussi à Guca Gora.
25 Q. Qui était votre responsable supérieur en tant qu'officier de
26 sécurité au sein de la 306e Brigade ?
27 R. Mon supérieur immédiat était Asim Delalic.
28 Q. Quels étaient vos devoirs dans le service de sécurité ?
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1 R. J'exerçais les fonctions de la police militaire et de la sécurité
2 de l'état-major en tant qu'officier chargé de la sécurité.
3 Q. Combien de policiers militaires existait-il au sein de la 306e
4 Brigade en 1993 ?
5 R. Environ 20. Je ne saurais vous dire le chiffre exact.
6 Q. Combien de membres de personnel y avait-il au sein du service de
7 Sécurité militaire de cette brigade en 1993 ?
8 R. Trois.
9 Q. Est-ce que vous pouvez donner les noms ?
10 R. Moi-même, Asim Delalic et Haris Jusic.
11 Q. Si vous appreniez que des crimes étaient commis au sein de la
12 zone de responsabilité de la 306e Brigade, quelles mesures étaient prises
13 dans le cadre des enquêtes par le service de Sécurité militaire de la 306e
14 Brigade ?
15 R. Si nous apprenions que de telles choses s'étaient déroulées, nous
16 recherchions les auteurs du crime, si ceci relevait, bien sûr, de nos
17 compétences. Je le redis : "Si" tel était le cas.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous interromps. Vous venez
19 de dire "Si tel était le cas". Ma question est de savoir si vous avez
20 effectivement appris que de tels crimes ont été commis ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, on l'a appris.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'avez-vous fait dans le cadre
23 des enquêtes ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de l'enquête, nous n'avons pu
25 rien faire, car il s'agissait des Moudjahidines.
26 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, vous avez dit que des mesures
27 d'enquêtes pouvaient être envisagées. Je voudrais bien savoir si, aussi,
28 des mesures de prévention étaient-elles envisagées d'éventuels crimes ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, il n'était pas possible
2 d'empêcher cela, car les Moudjahidines qui étaient à cet endroit, là où eux
3 ils fonctionnaient, ils échappaient à tous contrôles.
4 Mme LE JUGE LATTANZI : Je comprends. Mais des mesures de prévention en
5 général étaient-elles, sur le papier au moins, envisagées ou non ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, pour autant que je le sache,
7 il n'y a pas eu de mesures qui auraient pu être prises afin d'empêcher ce
8 qui a été fait.
9 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Neuner, mais
11 j'ai une question qui découle de la question du Juge.
12 Lorsque vous dites que "les Moudjahidines qui étaient dans la région
13 échappaient au contrôle de qui que ce soit", à qui pensez-vous lorsque vous
14 dites "qui ce soit" ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Personne ne pouvait les contrôler dans les
16 devoirs, pour les nommer ainsi, qui étaient les leurs, car ils faisaient
17 tout ce qu'ils voulaient sans autorisation de qui que ce soit. Quant à la
18 question de savoir qui les avait envoyé dans cette zone, je l'ignore encore
19 aujourd'hui.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Lorsque vous dites "qui que ce soit",
21 vous voulez dire qui que ce soit au sein de votre zone de responsabilité ou
22 les deux autres collègues dont vous avez parlé, ou bien vous voulez dire
23 qui que ce soit au monde ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas parlé de la planète entière.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est la raison pour laquelle je vous
26 demande ce que vous voulez dire par "qui que ce soit." Vous voulez dire
27 vous et vos collègues qui faisaient partie du système de sécurité de la
28 306e Brigade de Montagne ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Personne d'entre nous ne pouvait
2 contrôler cela.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Merci.
4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'enchaîne avec une autre question
5 suite à la question du Président. Est-ce que vous saviez si les
6 Moudjahidines avaient leur propre système d'enquête disciplinaire ? Ma
7 question est la suivante. S'ils n'étaient pas placés sous votre control,
8 est-ce qu'ils étaient placés sous leur propre contrôle ? Est-ce que les
9 Moudjahidines avaient leur propre police militaire qui s'occupait des
10 enquêtes au sujet des crimes commis par des membres des forces
11 moudjahidines ? Si vous le savez, si vous ne le savez pas, dites-le.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends la question, mais je ne saurais
13 répondre à cette question, car tout contact avec eux était impossible à
14 tout moment et à tous les endroits. Je ne dispose pas d'information
15 indiquant s'ils avaient de tels membres capables de s'acquitter de telles
16 tâches.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Neuner. Excusez-nous
19 de cette interruption.
20 M. NEUNER : [interprétation]
21 Q. Je souhaite enchaîner sur ce que les Juges venaient de dire. En 1992 et
22 début 1993, où étaient stationnés les Moudjahidines ?
23 R. Ils étaient stationnés dans l'école primaire de Mehurici.
24 Q. Est-ce que dans ce même bâtiment une autre unité était stationnée ?
25 R. Vous voulez dire unité de l'ABiH ?
26 Q. Par exemple.
27 R. Il y avait l'état-major régional de Mehurici, mais ils étaient à part
28 aux deuxième et troisième étages.
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1 Q. Et où étaient stationnés les Moudjahidines à ce moment-là ?
2 R. Au troisième étage.
3 Q. Il y avait un seul escalier ou plusieurs ?
4 R. Un seul escalier.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Vidovic.
6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse, mais
7 page 12 du compte rendu d'audience, lignes 1 et 2, le témoin n'a pas dit
8 que c'était l'état-major régional qui était au deuxième ou troisième étage,
9 mais au contraire que les Moudjahidines y étaient stationnés, alors que
10 dans le compte rendu d'audience, nous avons une erreur disant que c'était
11 l'état-major régional qui y était. Je demande au témoin d'expliquer cela.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Les Moudjahidines étaient aux deuxième et
13 troisième étages, et l'état-major régional était au rez-de-chaussée.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ça vous va, Monsieur Neuner ?
15 Poursuivez.
16 M. NEUNER : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
18 M. NEUNER : [interprétation]
19 Q. Vous avez également indiqué qu'il y avait le 1er Bataillon de la 306e
20 Brigade qui se trouvait là. Vous avez parlé un peu plus tôt de l'état-major
21 régional. Est-ce que vous pourriez nous dire à quel moment que l'une de ces
22 unités précédait l'autre à cet endroit ?
23 R. L'état-major régional de Mehuric se trouvait dans cette école à
24 Mehurici, et ce, jusqu'au moment où la 306e Brigade a été établie. Lorsque
25 cette 306e Brigade de Montagne a été créée, seul le bataillon est resté
26 dans l'école primaire de Mehurici.
27 Q. Mais cela s'est passé en novembre 1992, je parle du moment où la 306e
28 Brigade a été créée ?
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1 R. Oui.
2 Q. Au sein du 1er Bataillon de la 306e Brigade, est-ce qu'il y avait un
3 adjoint responsable de la sécurité militaire ?
4 R. Oui.
5 Q. Comment s'appelait-il ?
6 R. Hasan Zukanovic.
7 Q. Et où se trouvait son bureau ?
8 R. Je n'en sais rien. Quelque part dans cet établissement scolaire. Je ne
9 suis pas véritablement en mesure de vous dire exactement où se trouvait son
10 bureau dans l'école.
11 Q. Mais est-ce qu'il était en mesure de vous envoyer des informations à
12 propos des Moudjahidines ?
13 R. Est-ce que c'est votre question ?
14 Q. Oui.
15 R. Il était en mesure de le faire, mais je ne l'ai jamais vu envoyer de
16 documents. Au cas où un document arrivait, il était possible qu'il arrive
17 directement pour le commandant adjoint responsable de la sécurité. Donc, il
18 l'avait directement.
19 Q. Et qui était le commandant du 1er Bataillon situé dans cette école, le
20 1er Bataillon de la 306e Brigade de Montagne ?
21 R. Mirzet Ljubenovic.
22 Q. Combien de temps a-t-il eu cette fonction ?
23 R. Je n'en sais rien. Je ne suis pas véritablement en mesure de vous
24 donner une durée. Vous savez, cela s'est passé il y a 12, 13 ans, beaucoup
25 de temps s'est passé depuis.
26 Q. Etant donné que nous avons parlé des liens entre votre service et les
27 Moudjahidines, j'aimerais vous montrer un document, le document PT1092, en
28 date du 10 mai 1993. Le numéro ERN est 0403-2452 à 2453 [comme interprété].
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1 Vous verrez -- si vous pouvez, je vous prie, faire défiler ce document vers
2 le bas, vous verrez qu'il s'agit d'un document qui est envoyé à l'état-
3 major général de l'armée de l'ABiH. Mais vous voyez qu'il y a également un
4 chapitre relatif à la 306e Brigade de Montagne, et c'est la deuxième page
5 de ce document qui m'intéresse en fait -- est-ce que l'on pourrait, je vous
6 prie, faire défiler cela ? Vous verrez qu'il y a un texte qui a été
7 souligné.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la
9 deuxième page de la version anglaise du document, je vous prie ? Merci
10 beaucoup.
11 M. NEUNER : [interprétation]
12 Q. Et là vous voyez qu'il y est question du statut non défini des forces
13 musulmanes de Mehurici qui travaillent, et je cite --
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que citez-vous exactement ?
15 M. NEUNER : [interprétation] Il s'agit de la deuxième ligne de la page 2 --
16 non, je m'excuse. Il s'agit de la troisième page de la version anglaise.
17 Voyez, cela commence par la première ligne : "Les forces de Mehuric" et
18 vous voyez, il est question -- je cite maintenant la deuxième ligne :
19 "A propos de la création de la 8e Brigade musulmane et il y a des
20 combattants de notre brigade qui leur présentent des rapports ou présentent
21 des rapports aux autres unités, et ce, de façon quotidienne."
22 Vous voyez que cela est placé dans le chapitre intitulé : "306e
23 Brigade de Montagne".
24 Q. Monsieur Fusko, à l'époque, vous faisiez partie donc de la sécurité, du
25 service de la Sûreté militaire à ce moment-là. Est-ce que vous êtes en
26 mesure de confirmer qu'il y avait des combattants de la 306e Brigade qui
27 présentaient des rapports aux Moudjahidines ?
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Neuner, avant, j'aimerais
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1 comprendre quelque chose. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que la
2 8e Brigade de Montagne est équivalente aux Moudjahidines ?
3 M. NEUNER : [interprétation] Je voudrais poser une question, Monsieur le
4 Président.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais, en ce moment --
6 M. NEUNER : [interprétation] Non, en fait, j'aurais peut-être dû faire
7 l'inverse effectivement.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je pense que vous avez un peu
9 anticipé là.
10 M. NEUNER : [interprétation] Effectivement.
11 Q. Alors, d'aucun n'a jamais entendu parler de la création de la 8e
12 Brigade de Montagne, Monsieur Fusko ?
13 R. Non.
14 Q. Alors, je vais reprendre ce que je voulais dire. Je vous dirais que
15 dans le document il est question du statut non défini des forces musulmanes
16 de Mehurici. Qu'entendait-on par "les forces musulmanes de Mehurici" ?
17 R. Dans ce document, cela fait référence aux Moudjahidines.
18 Q. Donc les forces musulmanes de Mehurici sont des Moudjahidines; c'est
19 cela ?
20 R. Oui, oui, c'est tout à fait cela.
21 Q. Si je comprends bien, le document semble suggérer que des combattants
22 de "notre brigade," à savoir la 306e Brigade de Montagne, se présente au
23 rapport ou leur envoie des rapports. Est-ce que c'est ce que vous avez pu
24 véritablement observer à ce moment-là ?
25 R. Je n'ai vu aucun rapport présenté par les combattants de la 306e
26 Brigade et destiné aux Moudjahidines. En fin de compte, je n'ai pas pu
27 observer cela parce que de toute façon là où ils étaient cantonnés, il n'y
28 avait pas d'accès.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic.
2 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, veuillez regarder le
3 document, je vous prie, et observer le fait que l'Accusation a posé deux
4 questions extrêmement directrices, j'aimerais demander à mon estimé
5 confrère de ne pas poser ce genre de questions.
6 Puis, en tout cas, en langue bosnienne, dans le document, il n'est fait
7 aucune référence suivant laquelle un rapport a été envoyé à la 306e
8 Brigade. Ce qui est dit dans ce document c'est que : "Il y a des
9 combattants de la 306e Brigade qui ont postulé pour se rallier à eux."
10 Alors, il se peut qu'il s'agisse d'une erreur de traduction. Quoi qu'il en
11 soit, dans mon document, je ne vois aucune référence à l'envoi de rapport
12 ou à la présentation de rapport.
13 J'aimerais demander à mon estimé confrère de bien vouloir lire les
14 documents avant de poser des questions au témoin, puis, si cela est
15 nécessaire, il faudrait également qu'il vérifie les traductions.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Neuner, qu'avez-vous à
17 répondre ?
18 M. NEUNER : [interprétation] La traduction des services de traduction
19 DVU indiquent que vous leur envoyiez des rapports, alors nous allons
20 vérifier cela plus tard. Mais est-ce qu'effectivement cela doit être
21 traduit de façon différente, comme l'a suggéré mon estimée consoeur.
22 Q. Est-ce que vous avez remarqué ou est-ce que vous avez pu
23 constater qu'il y avait des gens qui avaient postulé pour se joindre ou
24 rallier les Moudjahidines, comme l'a suggéré mon estimée consoeur ?
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait
26 faire une petite vérification. Demandez au témoin de donner lecture de la
27 partie idoine en B/C/S, ensuite, les interprètes interprèteront.
28 M. NEUNER : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Fusko --
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais vous dire ceci, Monsieur
3 Neuner. Lorsque vous nous montrez ou vous nous présentez la version
4 anglaise, la phrase commence par : "Les forces de Mehurici," et je vous ai
5 entendu parler des forces des Moudjahidines, mais nous n'avons pas vu la
6 première phrase pour savoir quel est le mot qui précède le mot "forces,"
7 est-ce qu'il s'agit véritablement des "Moudjahidines."
8 Toujours est-il qu'il serait opportun que vous demandiez au témoin de
9 donner lecture de tout ce paragraphe en B/C/S et nous aurons
10 l'interprétation.
11 M. NEUNER : [interprétation]
12 Q. Vous avez entendu la suggestion de Monsieur le Président. Est-ce que
13 vous pourriez nous lire la phrase, je vous prie, Monsieur ?
14 R. Est-ce que vous pouvez élargir cela un peu, je vous prie ? Merci.
15 "Nous avons beaucoup de problèmes eu égard aux statuts non défini des
16 forces musulmanes de Mehurici."
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] "D'après nos renseignements, à l'heure
19 actuelle --"
20 M. NEUNER : [interprétation]
21 Q. Poursuivez votre lecture.
22 R. -- "… ils sont en train de préparer la création de la 8e Brigade
23 musulmane. Tous les jours, des combattants de notre brigade postulent pour
24 soit se rallier à leur brigade ou se rallier à eux ou à d'autres unités. Ce
25 genre de comportement est en quelque sorte une entrave, ce genre de
26 comportement est une interférence par rapport à nos plans. Le statut social
27 de nos combattants est extrêmement mauvais, et parfois, nous nous trouvons
28 confronter à des ultimatums qui indiquent qu'il faudrait leur fournir les
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1 produits de première nécessité dont je vous ai déjà parlé."
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
3 M. NEUNER : [interprétation] Nous ferons en sorte que cela soit modifié
4 dans la version anglaise.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie,
6 Maître Vidovic.
7 Poursuivez, Maître Neuner.
8 M. NEUNER : [interprétation]
9 Q. Toujours à la même page dans le document original, la phrase commence
10 par : "Iz podataka." Alors, est-ce que vous pourriez, je vous prie, nous en
11 donner lecture ?
12 R. Quelle est la phrase que vous souhaitez que je lise ?
13 Q. C'est toujours la même page, Monsieur.
14 R. Oui.
15 Q. La phrase commence par : "Iz podataka," quatre lignes après le texte
16 qui est souligné.
17 R. Bien.
18 "D'après les renseignements, nous voyons que jusqu'à présent il n'y a pas
19 une seule condamnation qui a été prononcée dans la vallée. Conscient de
20 l'inefficacité du système judiciaire, les combattants enfreignent souvent
21 la loi. Quotidiennement, nous essayons de faire en sorte d'empêcher qu'il y
22 ait des fuites d'information confidentielle."
23 Q. C'est une phrase qui commence d'ailleurs par le nom Biljanka [phon],
24 donc la vallée de Biljani. Est-ce que vous pourriez expliquer ce dont il
25 s'agit ?
26 R. Oui, c'est la vallée, c'est une région en fait, c'est la vallée de la
27 rivière Bila.
28 Q. C'est là que se trouve Mehurici; c'est bien cela ?
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1 R. Oui.
2 Q. En 1993, quel était le tribunal compétent pour traduire en justice des
3 affaires, et ce, dans la vallée de la Bila ?
4 R. Le tribunal de Travnik.
5 Q. Est-il exact, vous étiez, je vous le rappelle, membre du service de la
6 Sûreté militaire, est-il exact qu'il n'y a pas une seule condamnation qui
7 ait été prononcée eu égard à cette région, cette région de la vallée ?
8 R. Jusqu'au moment où le conflit a éclaté avec les Croates, nous n'avions
9 pas de problèmes. Il n'y avait pas de rapports au pénal. Mais pour ce qui
10 est des Moudjahidines, nous ne pouvions pas véritablement déposer des
11 rapports au pénal parce que nous ne pouvions pas corroborer ce genre de
12 rapports avec des documents valables qui auraient permis à un tribunal
13 d'être saisi de ce genre de rapport.
14 Q. Alors, je vais reformuler ma question. Pour ce qui est de la 306e
15 Brigade de Montagne, est-ce qu'il y a eu des condamnations, des jugements
16 adoptés ou prononcés par le tribunal de Travnik eu égard à des infractions
17 par exemple, et je parle du mois de mai 1993 ?
18 R. Je ne m'en souviens pas.
19 Q. Mais --
20 R. Il n'y a pas eu véritablement de crimes graves.
21 Q. Donc, en tant que membre des services de la Sûreté militaire pour la
22 306e Brigade de Montagne, vous nous dites qu'il n'y a pas eu jusqu'au mois
23 de mai 1993, de crimes graves commis dans la vallée de la Bila; c'est cela
24 ?
25 R. Pour autant que je le sache ou d'après ce que je sais, avant que
26 n'éclate le conflit avec les Croates, nous n'avions absolument aucun
27 problème qui aurait dû nous inciter à déposer des rapports au pénal.
28 Q. En avril 1993, à la fin du mois d'avril 1993, est-ce que vous vous
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1 souvenez qu'il y a eu un crime grave commis à l'encontre de Croates dans la
2 vallée de la Bila justement ?
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais d'où vient cette information,
4 Monsieur Neuner ?
5 M. NEUNER : [interprétation] Je retire ma question.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
7 M. NEUNER : [interprétation]
8 Q. Pour ce qui est des Moudjahidines, je vais vous poser la deuxième
9 partie de ma question : est-ce que vous savez s'il y a eu des condamnations
10 prononcées à l'encontre des Moudjahidines, est-ce qu'il y a eu des
11 jugements prononcés à l'encontre de Moudjahidines ?
12 R. D'après ce que je sais, non.
13 M. NEUNER : [interprétation] Merci.
14 Je souhaiterais le versement de cette pièce au dossier, je vous prie.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document PT1092 sera versé au
16 dossier. Je souhaiterais qu'une cote soit attribuée au document.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce
18 135.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
20 Monsieur Neuner, je vous en prie.
21 M. NEUNER : [interprétation] Est-ce que le document PT1094 pourrait être
22 montré au témoin ? Il s'agit du numéro ERN Y005-4266. Il s'agit d'un
23 document du 13 mai 1993. C'est un document qui a été signé par M. Asim
24 Delalic, comme ne le voyons.
25 Q. J'aimerais vous demander de bien vouloir examiner les deux noms qui ont
26 été soulignés, Ramo Durmis et Sljivo Malik.
27 Il s'agit du dernier paragraphe, Monsieur le Président, troisième
28 ligne -- quatrième ligne à partir du haut.
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1 Non, j'ai une version différente, je vois. Effectivement, il s'agit
2 de l'avant-dernier paragraphe. Vous voyez qu'il est indiqué :
3 "Avec les Moudjahidines, il y a un nombre assez important de
4 Musulmans de Bosnie qui sont commandés par Ramo Durmis et Sljivo Malik, qui
5 ont étudié à un moment donné en Arabie Saoudite."
6 J'aimerais vous poser une question, Monsieur : savez-vous qui est
7 Ramo Durmis ?
8 R. J'ai entendu parler de Ramo Durmis, et je l'ai vu une fois.
9 Q. Où l'avez-vous vu ?
10 R. Alors que je passais par Mehurici, et je ne faisais qu'y passer.
11 Q. Qu'avez-vous entendu à propos de Ramo Durmis ?
12 R. J'ai tout simplement entendu qu'il était membre de l'Unité des
13 Moudjahidines, qu'il était avec eux.
14 Q. Donc cela signifie qu'il était cantonné à l'école de Mehurici ?
15 R. Pas à l'école de Mehurici, mais dans leur camp de Poljanice.
16 Q. Vous voyez qu'il est dit dans cette phrase que M. Durmis commandait un
17 nombre important de Musulmans de Bosnie ?
18 R. Comment voulez-vous que je sache s'il les commandait ou non ? Il s'agit
19 probablement de renseignements obtenus sur le terrain. Il s'agit
20 probablement de renseignements qui ont été obtenus auprès de la population
21 locale.
22 Q. Que savez-vous à propos de Sljivo Malik ?
23 R. J'en ai entendu parler, mais je ne l'ai jamais vu, et je ne le connais
24 pas.
25 Q. Qu'avez-vous entendu à son sujet ?
26 R. Tout simplement qu'il était également membre de cette équipe, en
27 quelque sorte, à savoir ces personnes qui étaient avec les Moudjahidines.
28 M. NEUNER : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
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1 dossier de ce document, je vous prie.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document sera versé au dossier. Je
3 souhaiterais une cote pour ce document.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document 136, Monsieur le
5 Président.
6 M. NEUNER : [interprétation] J'aimerais que l'on puisse voir la pièce 92,
7 et la page 13 de cette pièce à conviction dont le numéro ERN est 0471-7276.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Lorsque vous dites "pièce 92," il
9 s'agit de la pièce 92 qui a déjà été versée au dossier.
10 M. NEUNER : [interprétation] C'est cela.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais formuler une suggestion,
12 Monsieur. Oubliez les numéros ERN à partir du moment où un document a été
13 versé au dossier.
14 M. NEUNER : [interprétation] Je voulais juste vous être utile.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, vous vouliez nous aider. Je vous
16 remercie.
17 M. NEUNER : [interprétation] Je voulais aider le greffier, en fait, parce
18 que c'est un document qui est composé de plusieurs pages, et je ne voulais
19 montrer que la page numéro 13 au témoin.
20 Q. Alors, veuillez consulter ces photographies et nous dire si vous
21 reconnaissez une ou des personnes sur ces photographies ?
22 R. Ces gens, non, je ne les connais pas.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il y a une autre photo tout en haut du
24 document, Monsieur. Est-ce qu'on pourrait commencer par cette première
25 photo-là ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, nous pouvons commencer par cette
27 photo.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous reconnaissez la
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1 personne qui tient un micro sur la première photo qui se trouve tout en
2 haut de la page ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne le connais pas personnellement. Je
4 l'ai probablement vu ici et là. De toute façon, ils étaient tous barbus. En
5 ce qui me concerne, ils étaient tous Arabes.
6 M. NEUNER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer la quatrième
7 page du même document, au document dont le numéro ERN est le numéro 0401-
8 7276 [comme interprété].
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que voulez-vous faire du reste des
10 photographies de cette page ?
11 M. NEUNER : [interprétation] Je crois comprendre que le témoin n'a reconnu
12 personne sur ce jeu de photographies.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien.
14 M. NEUNER : [interprétation]
15 Q. Avez-vous jamais vu cette personne ?
16 R. Oui, oui, j'ai vu cette personne. Je l'ai vue en 1992, à la fin de
17 l'année, c'était l'automne, ils étaient encore à Mehurici. C'était juste
18 avant qu'ils n'aillent au camp, mais cette personne n'est pas restée très
19 longtemps à Mehurici. Il a assez vite disparu, d'ailleurs je ne sais pas
20 comment il s'appelle, je ne sais pas où il est allé. Je parle de cette
21 personne, de cet homme qui porte cette barbe rousse.
22 Q. Où l'avez-vous à Mehurici ?
23 R. Devant l'école alors qu'il pénétrait dans le bâtiment pour monter à
24 l'étage, là où étaient les autres.
25 Q. Etait-il seul ou en compagnie de quelqu'un ?
26 R. En général, ces hommes-là, les Arabes étaient ensemble.
27 Q. Donc, était-il accompagné de quelqu'un ou pas ?
28 R. Non, non. Vous voulez dire escorté par des Musulmans de Bosnie ?
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1 Q. Non, de façon générale. Etait-il seul ou avec d'autres ?
2 R. Ils ne circulaient jamais seul. Ils étaient toujours à deux ou à trois,
3 ou encore davantage.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Fusko, page 24, ligne 10,
5 vous avez dit : "Je l'ai vu devant l'école lorsqu'il a pénétré dans le
6 bâtiment pour monter à l'étage où se trouvaient les autres." La question
7 qui vous a ensuite été posée, était la suivante : A ce moment-là était-il
8 seul ou accompagné de quelqu'un ? Ne nous dites pas ce qu'ils avaient
9 l'habitude de faire, mais dites-nous bien ce qui s'est passé ce jour-là, à
10 ce moment-là. Etait-il seul ou accompagné de quelqu'un ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était en compagnie d'autres hommes comme
12 lui, des Arabes.
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
14 Cela vous aide, Monsieur ?
15 M. NEUNER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre.
17 M. NEUNER : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin la
18 pièce 90, un document qui porte la date du 28 mai 1993.
19 Q. Je vous demanderais d'abord si vous reconnaissez la signature qui
20 figure sur ce document ?
21 R. Oui.
22 Q. C'est la signature de qui ?
23 R. Asim Delalic.
24 Q. Le document évoque des Moudjahidines, dirigés par Ramo Durmis, qui
25 effectuent une opération de reconnaissance dans le secteur du mont
26 Probijeno, au niveau de la côte 1009. Il est question d'une personne qui a
27 été tuée au cours du conflit avec la brigade Frankopan. Savez-vous où se
28 trouve le secteur du mont Probijeno ?
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1 R. Je ne me suis pas trouvé sur le mont Probijeno, mais je connais.
2 M. NEUNER : [interprétation] J'aimerais que la carte numéro 9, du classeur
3 distribué aux Juges, soit soumise au témoin.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous en avez terminé avec ce document
5 ?
6 M. NEUNER : [interprétation] Oui.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
8 M. NEUNER : [interprétation] C'est déjà une pièce à conviction, elle est
9 déjà versée au dossier.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
11 M. NEUNER : [interprétation]
12 Q. L'image va être agrandie sur votre écran, et je vous demanderais
13 d'essayer de trouver sur cette carte le mont Probijeno. Peut-être, Madame
14 l'Huissière peut-elle aider le témoin à indiquer le lieu avec le stylet,
15 une fois qu'il l'aura trouvé. ?
16 R. Pour l'instant je ne trouve pas l'endroit sur la carte. Il faudrait que
17 l'image soit encore agrandie sur l'écran.
18 Q. Est-ce que vous le voyez maintenant ?
19 R. Oui.
20 Q. Je demanderais que l'on remettre le stylet au témoin. Monsieur le
21 Témoin, je vous demanderais de tracer un cercle autour du nom de ce mont et
22 d'inscrire le chiffre "1" à côté du cercle ?
23 R. [Le témoin s'exécute]
24 M. NEUNER : [interprétation] Malheureusement, je crois qu'il va falloir
25 recommencer. Il faudrait effacer ce que le témoin a inscrit sur la carte,
26 il va devoir recommencer l'exercice.
27 Q. Monsieur, pourriez-vous trouver sur la carte Mehurici ?
28 Maintenant, Monsieur le Témoin, je vous demanderais d'inscrire un
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1 cercle autour du nom de Probijeno Brdo et d'inscrire le chiffre "1" à
2 l'intérieur du cercle.
3 R. [Le témoin s'exécute]
4 Q. Savez-vous où se trouve l'école de Mehurici dont il a été question il y
5 a quelques instants ?
6 R. Oui.
7 Q. Pourriez-vous inscrire un cercle autour du bâtiment et inscrire le
8 chiffre "2" à côté du cercle ?
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] A côté de Mehurici ou à côté de
10 l'école ?
11 M. NEUNER : [interprétation] A côté de l'école, du bâtiment de l'école.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que je puisse trouver
13 précisément l'emplacement de l'école sur la carte, enfin, elle devrait se
14 trouver à peu près ici [Le témoin s'exécute].
15 Q. Pourriez-vous inscrire un chiffre "2" à côté du cercle que vous venez
16 de tracer, je vous prie ?
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 Q. Vous avez dit qu'à un certain moment, les Moudjahidines s'étaient
19 installés ailleurs, avaient quitté l'école. Savez-vous où ils se sont
20 installés ?
21 R. Ils se sont installés à Poljanice.
22 Q. Je vous demanderais de tracer un cercle autour de Poljanice et
23 d'inscrire le chiffre "3" à côté de ce nouveau cercle.
24 R. [Le témoin s'exécute]
25 Q. Savez-vous si le camp était désigné par un nom particulier ?
26 R. Non.
27 Q. Dans le document que nous venons d'examiner, il est question d'une
28 opération de reconnaissance concernant le secteur du mont Probijeno.
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1 Pourriez-vous nous dire, puisque le document date de la fin du mois de mai,
2 qui, à la fin du mois de mai, contrôlait le territoire situé entre le mont
3 Probijeno et Mehurici ?
4 R. Entre le mont Probijeno et Mehurici, à ce moment-là, le territoire
5 concerné aurait dû être sous le contrôle de la 306e Brigade de Montagne,
6 mais à ce moment-là, il n'y avait pas de ligne de front à cet endroit. Si
7 vous parlez du document que vous m'avez soumis, il y a quelques instants,
8 ce qui est écrit dans ce document est une action qui a été réalisée sur
9 l'initiative personnelle de quelqu'un, le fait de se diriger vers le mont
10 Probijeno.
11 Q. Je comprends, mais la Brigade Frankopan qui est évoquée dans ce
12 document était manifestement positionnée non loin de là, donc je vous
13 demande où se trouvaient les autres positions de l'ABiH, si je puis
14 utiliser ce terme --
15 R. Non, l'ABiH n'avait pas de positions à cet endroit.
16 Q. A la fin du mois de mai ?
17 R. Je n'ai pas compris la question.
18 Q. A la fin du mois de mai, ou même pour étendre la portée de la question,
19 je vous demanderais, à la fin du mois de mai et au début du mois de juin,
20 est-ce que l'ABiH avait des positions dans le secteur situé entre le mont
21 Probijeno et Mehurici ?
22 R. Pour autant que je le sache, l'ABiH n'avait aucune position dans ce
23 secteur.
24 Q. Que s'est-il passé au début du mois de juin 1993 ?
25 R. A quel endroit ?
26 Q. Dans la zone dont nous sommes en train de parler.
27 R. Au début du mois de juin, il y a eu des conflits lorsque les Croates et
28 les Musulmans se sont affrontés.
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1 Q. Quand cet affrontement a commencé, où se trouvaient les positions qui
2 ont été érigées dans cette zone ?
3 R. Je répète qu'il n'y avait pas de positions dans cette zone. Aucune
4 position n'y a été érigée.
5 Q. Mais si je vous ai bien compris, un affrontement a commencé à ce
6 moment-là. Un affrontement opposant qui et qui ?
7 R. Opposant le HVO et l'ABiH.
8 Q. A partir de quelles positions l'ABiH a-t-elle démarré lorsque cet
9 affrontement a commencé dans cette zone, si elle avait des positions ?
10 R. Je ne saurais répondre à cette question, car à ce moment-là, je n'étais
11 pas présent sur ce territoire.
12 Q. Quand êtes-vous revenu dans cette zone ?
13 R. Je suis revenu au moment où l'affrontement a commencé. C'est ce jour-là
14 que j'ai quitté ma maison pour me rendre à Mehurici.
15 Q. Quel était le mois où vous êtes allé à Mehurici ?
16 R. C'était le mois de juin.
17 Q. Quelle date au mois de juin ?
18 R. C'était la première partie du mois de juin. Je ne me rappelle pas
19 exactement la date. C'était peut-être le 8, le 9 ou le 7. Je ne sais plus
20 exactement, je ne me souviens plus de la date exacte.
21 Q. Mais entre le 7 et le 9 juin 1993 environ, à partir de quel endroit les
22 unités de l'ABiH démarraient-elles eu égard à l'affrontement que vous avez
23 évoqué il y a quelques instants ?
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic.
25 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, objection. C'est la
26 deuxième fois que la même question est posée, à partir de quel endroit les
27 unités démarraient-elles. C'est une question particulièrement directrice,
28 pour autant que l'on envisage que ces unités ont démarré de quelque part,
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1 si tel est bien le cas.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Neuner, l'objection est
3 soulevée sur le fondement du caractère directeur de la question. Avez-vous
4 une réponse ?
5 M. NEUNER : [interprétation] Je vais reformuler ma question, Monsieur le
6 Président.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.
8 M. NEUNER : [interprétation]
9 Q. Monsieur le Témoin, page 21, ligne 3 du compte rendu d'audience, vous
10 avez dit que les unités de l'ABiH -- excusez-moi, un instant. Page 29,
11 ligne 7, vous avez dit : "Le jour où l'affrontement a éclaté." La question
12 que je vous avais posée était la suivante : au moment où le conflit a
13 éclaté entre l'ABiH et le HVO, d'après ce que j'ai compris, donc ma
14 question consistait à vous demander à partir de quel endroit provenaient
15 les forces qui ont participé à cet affrontement, dont la présence a permis
16 que l'affrontement éclate ?
17 R. Vous me posez la même question que tout à l'heure, mais je ne saurais y
18 répondre, parce que ce matin-là j'étais à mon domicile, j'étais rentré du
19 poste de commandement avancé de Vlasic, et on entendait des bruits de tirs
20 dans toute la vallée, donc je ne saurais répondre précisément à cette
21 question.
22 Q. Quand vous êtes arrivé à Mehurici, y avait-il des soldats à ce moment-
23 là à Mehurici ?
24 R. Quand je suis arrivé à Mehurici, il y avait quelques hommes en uniforme
25 qui faisaient partie de l'ABiH.
26 Q. Ces hommes étaient-ils engagés dans une action quelconque ou étaient-
27 ils simplement debout à cet endroit ?
28 R. Ils étaient debout. Ils ne faisaient rien de particulier. Mais quelques
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1 minutes plus tard, ou une heure ou deux plus tard, je ne me souviens plus
2 exactement, des civils croates ont commencé à arriver à Mehurici.
3 Q. Depuis quel endroit ?
4 R. Depuis le secteur de Puselje --
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic.
6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Nouvelle objection, Monsieur le Président,
7 je pense qu'il conviendrait d'interroger le témoin en lui demandant s'il
8 sait de quelle zone venaient ces civils avant de lui demander quelle était
9 la zone en question.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, êtes-vous en train de
11 dire que si le témoin ne sait pas d'où venaient ces civils, il lui est
12 impossible de dire simplement : "Je ne sais pas d'où ils venaient" ?
13 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cela lui est
14 possible, mais mon objection est due au fait que les questions que nous
15 entendons aujourd'hui sont extrêmement directrices. A tout moment, la
16 réponse est sous-entendue dans la question parce que demander au témoin
17 d'où venaient ces personnes permet de penser qu'il savait d'où venaient ces
18 personnes.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis d'accord sur le caractère
20 directeur d'un certain nombre de questions posées aujourd'hui. Mais
21 s'agissant de cette question précise, est-ce que le témoin ne peut pas dire
22 : "Je ne sais pas d'où ils venaient", s'il ne le sait pas ? Vous
23 n'accepteriez pas cela ?
24 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je l'admets, Monsieur le Président, mais
25 comme il y eu deux ou trois questions successives qui étaient directrices,
26 j'ai soulevé mon objection. Mais j'accepte que le témoin réponde selon
27 l'ordre d'idée indiqué par vous.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
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1 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Neuner. Vous pouvez demander au
2 témoin de répondre à la question de savoir d'où venaient ces personnes.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Les civils qui sont arrivés à Mehurici, je ne
4 savais pas d'où ils venaient au moment où ils sont arrivés. C'est seulement
5 plus tard que j'ai su qu'ils venaient de Puselje, Bikosi, Podstinje, et
6 cetera, avant tout, de ces localités, de Maline aussi.
7 M. NEUNER : [interprétation]
8 Q. Je vous demanderais d'annoter sur la carte que vous avez devant vous à
9 l'écran les diverses localités dont vous venez de prononcer les noms.
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. Je vous demanderais d'inscrire le chiffre 4 à côté du cercle concernant
12 Podstinje.
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. Merci. J'indique pour le compte rendu d'audience que le témoin a tracé
15 un cercle autour de Gornje Maline et a inscrit le chiffre "5" à l'intérieur
16 de ce cercle. A présent, il a tracé un cercle autour de Bikosi et inscrit
17 le chiffre "6" à l'intérieur de ce cercle.
18 Maintenant, le témoin a tracé un cercle autour de Puselje et inscrit le
19 chiffre "7" à l'intérieur du cercle. Je vous remercie, Monsieur.
20 Où vous trouviez-vous lorsque vous avez vu ces personnes ?
21 R. J'étais dans les locaux de l'école primaire de Mehurici.
22 Q. Et ces personnes qui sont arrivées à Mehurici, qu'ont-elles fait ?
23 R. Vous parlez des civils qui ont afflué ?
24 Q. Oui.
25 R. Ils ont été installés dans le gymnase de l'école primaire. Quant à
26 savoir ce qu'ils ont fait très concrètement, c'est tout à fait logique, ils
27 s'efforçaient de rester en vie.
28 Q. Quelle était l'appartenance ethnique de ces personnes ?
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1 R. Croate.
2 Q. Avez-vous parlé à certaines de ces personnes ?
3 R. J'ai eu un entretien avec le Dr Puselja, une femme médecin, et il y
4 avait là aussi une infirmière dont le prénom était Kata, je pense. Nous
5 avons discuté des besoins de toutes ces personnes, de la meilleure façon de
6 leur venir en aide, mais cela s'est passé les jours qui ont suivi.
7 Q. Est-ce qu'au cours de ces conversations, vous avez appris ce qui était
8 arrivé à ces personnes ?
9 R. Je n'ai pas eu de dialogue avec ces personnes, mais je les ai entendues
10 parler les unes avec les autres, et j'ai entendu au gré de ces
11 conversations que, selon ces personnes, des gens avaient été tués.
12 Q. A quelle heure de la journée avez-vous appris cela ?
13 R. C'était l'après-midi. J'ai entendu des civils croates qui parlaient les
14 uns avec les autres.
15 Q. Que disaient-ils exactement, si vous vous en souvenez ?
16 R. Et bien, qu'ils avaient peur des Moudjahidines, que c'était la raison
17 principale qui les avaient poussés à venir à cet endroit, ce genre de
18 chose.
19 Q. Qu'avez-vous appris au sujet de ces personnes qui auraient été tuées ?
20 R. Je n'ai rien appris de très concret, mais au fil du temps, en les
21 entendant parler, j'ai entendu parler d'un certain nombre de personnes qui
22 avaient été abattues par les Moudjahidines ou les Arabes, je ne sais plus
23 quel était le nom utilisé pour les désigner, et que cela s'était passé dans
24 les environs de Bikosi.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Procureur.
26 Monsieur le Témoin, les civils croates qui sont arrivés à Mehurici, sont-
27 ils arrivés à pied ou dans le cas contraire, auraient-ils été amenés par
28 quelqu'un ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Certains sont arrivés par eux-mêmes, et
2 d'autres sont arrivés en compagnie de membres de l'ABiH car ils avaient
3 peur des Moudjahidines. Ils pensaient que l'ABiH pourraient les protéger,
4 donc ils sont venus en compagnie de membres de l'ABiH, pour certains
5 d'entre eux.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je ne comprends pas très bien. Vous
7 dites avoir vu des civils croates arriver à Mehurici, et que certains
8 d'entre eux étaient escortés par des soldats de l'ABiH ? C'est cela que
9 vous dites ? Est-ce que vous avez une idée de la façon dont cela a pu
10 advenir ? Où ces civils ont-ils rencontré les soldats en question ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est probable que les gens ont commencé à
12 fuir et que, voyant des soldats de l'ABiH, ils les ont rejoints, car ils
13 avaient sans doute appris que les Moudjahidines étaient en train de grimper
14 là-haut. Mais tout ce que ces personnes disaient, c'est qu'elles avaient
15 peur des Moudjahidines et que c'était la raison pour laquelle elles étaient
16 venues à Mehurici.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc ces civils auraient contacté des
18 soldats de l'ABiH dans les localités que ces civils fuyaient et ils
19 auraient demandé la protection des membres de l'ABiH jusqu'à Mehurici, ils
20 auraient demandé à être escortés par ces soldats; c'est cela que je dois
21 comprendre ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement ce qui s'est passé.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous nous avez dit que lorsque ces
24 civils sont arrivés à Mehurici, ils ont été logés dans les locaux de
25 l'école de Mehurici, n'est-ce pas ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans le gymnase.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] On leur a proposé des vivres et des
28 vêtements, ou simplement une protection ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que j'ai vu pendant le temps que
2 j'ai passé sur place, ces personnes ont eu un peu de nourriture, et on leur
3 a distribué quelques matelas et quelques sacs de couchage. Tout cela, ce
4 sont les membres de la protection civile de Mehurici qui l'ont fourni.
5 C'était leur responsabilité. Mais en tout cas, ces civils ont eu de quoi
6 manger et ont eu de quoi s'abriter.
7 Le gymnase, bien sûr, ce n'est peut-être pas l'endroit le plus confortable
8 du monde. Un gymnase, c'est un gymnase. Mais en tout cas, ces personnes y
9 étaient en sécurité.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous rappelez-vous à peu près quel
11 était le nombre de ces civils arrivés au fil des jours ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dans mon souvenir, c'est qu'ils
13 étaient environ 200. Je ne saurais vous donner leur nombre exact. Même si
14 j'avais connu leur nombre exact à l'époque, je ne m'en souviendrais plus
15 aujourd'hui.
16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Votre réponse me suffit tout à fait.
17 Merci beaucoup, Monsieur.
18 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Neuner.
19 M. NEUNER : [interprétation] J'ai encore une question.
20 Q. Monsieur, les gens qui sont arrivés dans les locaux de votre école,
21 étaient-ils armés ?
22 R. Non.
23 Q. S'agissant des personnes dont il était question dans les conversations,
24 de ces personnes qui auraient été tuées, est-ce que quelque chose dans ces
25 conversations indiquait si ces personnes étaient armées avant d'être
26 abattues ?
27 R. Je ne sais pas. Je ne saurais répondre à votre question.
28 M. NEUNER : [interprétation] Je demanderais que la carte soit sauvegardée
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1 et versée au dossier.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La carte est admise en tant qu'élément
3 de preuve. Je demande qu'une cote lui soit attribuée.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
5 pièce 137.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
7 M. NEUNER : [interprétation] Je pense que l'heure de la pause est arrivée,
8 Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Neuner.
10 Nous allons donc faire une pause et reprendrons nos débats à 16 heures.
11 Je suspends l'audience.
12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 33.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 00.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Neuner, il vous reste
15 11 minutes à peu près sur le temps qui vous était initialement imparti.
16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On me dit que c'est 26. Excusez-moi.
18 M. NEUNER : [interprétation]
19 Q. Monsieur le Témoin, je souhaite vous poser une question : les gens qui
20 ont été tués, d'après ce que vous avez entendu, est-ce que vous savez ce
21 qui leur est arrivé avant qu'ils n'aient été tués ?
22 R. Je ne saurais vous le dire.
23 Q. Savez-vous si ces personnes se déplaçaient à ce moment-là aussi, et si
24 ensuite ils ont été tués à un moment ?
25 R. D'après ce que les gens disaient, mais ce sont des rumeurs soi-disant
26 ils étaient en train de se déplacer et soi-disant des membres de l'ABiH les
27 avaient kidnappés.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Vidovic.
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1 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, page 36 du compte
2 rendu d'audience, ligne 20, il est écrit que le témoin a dit que : "Ces
3 personnes avaient été kidnappées par les membres de l'ABiH." Mais ce que le
4 témoin a dit est que : "Ils étaient saisis"
5 Je vois que Mme le Juge Lattanzi hoche la tête et j'espère qu'il est
6 compréhensible que ce n'était pas les membres de l'ABiH qu'ils avaient
7 kidnappés.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est ce qui était dit dans
9 l'original en B/C/S ?
10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Le témoin peut expliquer ce qu'il a dit. Il
11 a dit qu'ils ont été enlevés du groupe des membres de Bosnie Herzégovine,
12 alors que d'après le compte rendu d'audience on dirait que c'était l'ABiH
13 qui les a kidnappés.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le mot "enlever" veut dire cela.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ça veut dire quoi ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Dois-je continuer ?
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Le mot "enlever," que j'ai utilisé, les
19 membres de l'ABiH ont essayé de les protéger et de les conduire à un lieu
20 sûr. Ils ont été enlevés par les Moudjahidines, par les Arabes. Ça dépend
21 comment vous voulez les appeler.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] De l'ABiH ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ils n'étaient pas membres de l'ABiH.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous n'avez pas compris ma question.
25 Vous pouvez poursuivre.
26 M. NEUNER : [interprétation]
27 Q. Vous avez dit que les membres de l'armée essayaient de protéger ces
28 personnes avant leur enlèvement. A quelle unité de l'armée appartenaient-
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1 ils, ces membres qui ont essayé de les protéger ?
2 R. Tout à l'heure, nous avons parlé de cette question déjà. D'après les
3 informations dont je dispose, autrement dit, j'en ai entendu parler, je
4 n'ai pas vu ces personnes, je ne sais pas qui les conduisaient, mais
5 c'étaient les membres de l'ABiH. Je crois qu'ils appartenaient au 1er
6 Bataillon, d'après mes renseignements.
7 Ceci n'a jamais été confirmé. D'ailleurs, ce n'était pas moi qui
8 étais chargé de l'enquête à ce sujet.
9 Q. Lorsque vous dites le "1er Bataillon," vous faites référence à quelle
10 brigade ?
11 R. A la 306e Brigade.
12 Q. Qui était stationnée dans l'école de Mehurici ?
13 R. Oui, le 1er Bataillon était stationné à l'école de Mehurici.
14 Q. Les soldats qui ont essayé de protéger les personnes, qu'ont-ils fait
15 après cet enlèvement ?
16 R. Je ne sais pas. Car je n'ai jamais été en contact de nouveau avec ces
17 personnes. Ce que je vous dis c'est ce que j'ai entendu dire, mais on ne me
18 l'a pas confirmé.
19 Q. Avez-vous essayé de vérifier cette rumeur ?
20 R. Je n'ai pas pu vérifier cela.
21 Q. Qui était la personne la plus haut placée sur le plan militaire au
22 moment où vous avez appris cette information ?
23 R. Il s'agissait pour la plupart des employés chargés des secteurs
24 différents, mais le commandement à ce moment-là était divisé en trois
25 parties. Il n'y avait personne de haut gradé à ce moment-là.
26 Q. Avez-vous essayé d'informer un supérieur hiérarchique à l'extérieur de
27 l'école de ce que vous aviez appris ?
28 R. Je pense que c'était seulement le lendemain que le commandant de la
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1 brigade est venu et l'adjoint du commandant chargé de la sécurité. Au
2 moment où ils sont venus, je me suis arrêté dans le couloir avec l'adjoint
3 du commandant. J'ai essayé de lui en parler. Lui, il m'a répondu que lui
4 aussi il avait entendu parler des crimes qui auraient été commis.
5 Q. L'adjoint du commandant chargé de la sécurité est Hasan Delalic ?
6 R. Oui.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Neuner, ne mettez pas les
8 mots à la bouche du témoin. Demandez-lui qui était l'adjoint ?
9 M. NEUNER : [interprétation] Je m'excuse. Je voulais tout simplement aller
10 plus vite.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il faut faire les choses de manière
12 correcte.
13 M. NEUNER : [interprétation]
14 Q. Est-ce que M. Delalic est venu seul ?
15 R. Non.
16 Q. Qui était avec lui ?
17 R. Le commandant de la brigade était avec lui ce jour-là. C'était le
18 lendemain ou le surlendemain du conflit, car le même jour il ne pouvait pas
19 venir. Personne n'allait risquer sa vie pour traverser une zone de combat.
20 Q. A la page 39, ligne 8, je vois qu'il est écrit "Hasan Delalic." Est-ce
21 que vous pourriez, s'il vous plaît, dire comment s'appelait l'adjoint
22 chargé de la sécurité de la 306e Brigade ?
23 R. Asim Delalic.
24 Q. Jusqu'à ce que M. Delalic ne vienne vous voir, est-ce que vous avez
25 informé qui que ce soit de ce que vous aviez appris ?
26 R. Il n'y avait personne à informer. Tous les liens avec la brigade, comme
27 je l'ai dit tout à l'heure, étaient rompus. Comme je l'ai dit tout à
28 l'heure, car la brigade était divisée en trois parties, il y en avait à
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1 Krpeljici, Rudnik et à Mehuric et les officiers s'étaient retrouvés à des
2 endroits différents, y compris dans leurs maisons au moment où le conflit a
3 éclaté.
4 Q. Vous venez de dire, à la page 39, ligne 5, que l'adjoint du commandant
5 chargé de la sécurité, M. Delalic, avait déjà entendu dire que des crimes
6 avaient été commis. Qu'a-t-il appris ? Qu'est-ce qu'il vous a dit ?
7 R. Je lui ai dit qu'apparemment il y avait eu des crimes qui avaient été
8 commis dans la zone de combat. Il m'a répondu que lui aussi il avait reçu
9 de telles informations et il a dit : Je ne sais rien pour le moment, je ne
10 connais pas les détails, on verra, on l'apprendra.
11 Q. Il avait entendu parler de quel type de crimes ?
12 R. Il parlait des "gens" tués, des hommes et des femmes, je ne sais pas
13 exactement qui.
14 Q. Savait-il ou avait-il des indices par rapport aux auteurs éventuels de
15 ces crimes ?
16 R. A ce moment-là, il ne m'en a rien dit.
17 Q. Y a-t-il eu une quelconque discussion au sujet de la vérification des
18 rumeurs ?
19 R. Vous parlez de quelle période ?
20 Q. Est-ce qu'entre M. Delalic et le commandant de la brigade, il y a eu
21 des discussions au sujet de la vérification de ces rumeurs selon lesquelles
22 des gens auraient été tués ?
23 R. Je suis resté très peu de temps avec l'adjoint du commandant, je n'ai
24 pas eu de contact avec le commandant. Je lui ai dit simplement bonjour. Je
25 ne sais pas s'il y a un dialogue entre les deux.
26 Q. Avez-vous reçu des instructions particulières ?
27 R. Non, je n'ai pas reçu d'instructions particulières à ce sujet, car je
28 suppose que Delalic avait pris la responsabilité pour enquêter à ce sujet
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1 et essayait d'établir quelles étaient les personnes qui avaient perpétré
2 cela. Je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite.
3 Q. Qu'est-il arrivé aux cadavres ?
4 R. Je ne saurais vous le dire non plus, car je n'étais pas présent à ce
5 moment-là, et deuxièmement, c'était les gens de la protection civile qui
6 étaient chargés de l'assainissement du terrain.
7 Q. Les cadavres ne pouvaient-il faire l'objet d'une enquête permettant de
8 vérifier les rumeurs ?
9 R. Je vous répète encore une fois que je ne pourrais pas vous répondre à
10 cette question car je ne dispose pas d'information à cet égard.
11 Q. Je souhaite vous montrer un document, c'est la pièce à conviction dont
12 le numéro est PT1236, un télégramme en date du 12 juin. Dans la première
13 ligne du document, il est écrit - c'est un document de la 306e Brigade de
14 Montagne pour le commandement du 3e Corps d'armée et je souhaite qu'on lise
15 les deux dernières phrases :
16 "Il existe des indices concernant l'exécution de 20 civils capturés et
17 [illisible] et membres du HVO."
18 Est-ce que cette phrase reflète de manière exacte l'opinion qui prévalait
19 au sein du service de Sécurité militaire de la 306e Brigade le 12 juin 1993
20 ?
21 R. Est-ce que vous pourriez expliquer ou clarifier votre question ?
22 Q. Si l'on examine cette phrase, il y est question des indices concernant
23 l'exécution de 20 civils capturés et membres du HVO.
24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Monsieur Neuner, j'ai une question.
25 Est-ce que le nombre de personnes tuées dans cet incident est un fait
26 établi, n'est-ce pas le cas ?
27 M. NEUNER : [interprétation] Certainement, mais j'essaie de vérifier le
28 fait que le mot "exécution," est mentionné ici. Ça c'est un autre point
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1 important. Ceci reflète le fait que ceci a été mentionné dans le document
2 de l'époque.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous essayez de confirmer que ces
4 personnes ont été exécutées et non pas simplement tuées. Vous faites une
5 distinction entre les deux.
6 M. NEUNER : [interprétation] Je ne fais pas de distinction entre les deux,
7 mais je demande simplement au témoin ce qu'il sait, puisqu'il était dans la
8 zone et il a entendu les rumeurs. Je lui demande tout simplement si le
9 contenu de ce document est exact aux informations qu'il avait reçues à
10 l'époque.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Justement c'est là le problème que
12 j'ai, car ce témoin vient de nous dire qu'il avait entendu des rumeurs au
13 sujet de cet incident. Il le dit dès le début de sa déposition, et nous
14 avons entendu la déposition des personnes qui étaient sur les lieux. Je ne
15 suis pas sûr de que vous voulez obtenir de la part de ce témoin.
16 Je suis ici tout l'après-midi en essayant d'établir pour quelle
17 raison ce témoin a été cité à la barre. Je ne comprends pas, même en lisant
18 sa déclaration je n'ai pas pu le comprendre.
19 Maintenant, vous prenez votre temps pour établir si 20 civils et membres du
20 HVO ont été exécutés. Je me demande et j'essaie de voir ce que vous essayez
21 de constater et d'établir en ce moment-là.
22 M. NEUNER : [interprétation] Peut-on demander au témoin d'enlever ses
23 écouteurs brièvement avant que je réponde ? Est-ce que le témoin comprend
24 l'anglais ?
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous devriez le savoir.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il peut nous le dire.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
28 M. NEUNER : [interprétation] Dans de telles circonstances, puis-je demander
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1 que le témoin enlève ses écouteurs ?
2 Monsieur le Président, vers la fin du mois d'octobre ce témoin a rédigé un
3 document qui contredit, dans une certaine mesure, le texte de ce document.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quel document ?
5 M. NEUNER : [interprétation] Le document qui est devant vous, à droite. Il
6 a personnellement signé ce document. J'essaie d'établir si le témoin savait
7 dès le mois de juin immédiatement après les événements, par exemple, comme
8 ici le 12 juin, les choses, ou si son opinion et ses connaissances ont
9 changé par la suite.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que ce témoin est l'auteur de
11 ce télégramme ?
12 M. NEUNER : [interprétation] Il y a un autre témoin qui viendra déposer ici
13 qui était le supérieur hiérarchique de ce témoin, et il a rencontré son
14 supérieur hiérarchique comme nous l'avons entendu un ou deux jours avant
15 les événements.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la réponse à ma question ?
17 M. NEUNER : [interprétation] Il n'est pas l'auteur de ce document, mais il
18 faisait partie du service de Sécurité militaire qui a participé aux mesures
19 qui ont été prises afin de vérifier les rumeurs au sujet de ce qui se
20 passait.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais il vient de vous dire qu'il ne
22 pouvait absolument pas les vérifier.
23 M. NEUNER : [interprétation] Oui, mais il peut confirmer que le contenu de
24 ce document est exact car, à l'époque, il avait entendu les rumeurs aussi,
25 c'est ce que j'essaie d'établir; la base de ce qu'il savait en juin, et par
26 la suite, je souhaite lui demander pourquoi il a changé d'avis en octobre.
27 C'est tout ce que j'essaie d'établir, Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Neuner.
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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je souhaite ajouter pendant que le
2 témoin n'a pas ses écouteurs que s'il y a quoi que ce soit d'intéressant
3 ici, ça devrait être la dernière phrase.
4 M. NEUNER : [interprétation] J'allais parler de la dernière phrase aussi,
5 mais je pensais que dans la première déclaration il y avait un ou deux
6 termes qu'il faudrait vérifier avec le témoin, ensuite j'allais passer très
7 rapidement à la dernière phrase. Je vais essayer d'être bref.
8 Q. Monsieur le Témoin, voici ma première question : puisque vous venez de
9 lire la phrase qui est devant vous, est-ce que ce fait -- ou plutôt, est-ce
10 que ce document décrit de manière exacte les choses lorsqu'il y est écrit
11 que le 12 juin il y a eu des indices au sujet de l'exécution d'environ 20
12 personnes ?
13 R. Tout d'abord, je n'ai jamais vu ce document. Deuxièmement, s'agissant
14 des indices il s'agissait de ce que les gens qui étaient passés de notre
15 côté disaient. Après, il s'est avéré que des personnes avaient été
16 exécutées, mais de la part des Moudjahidines et qu'aucun membre de l'ABiH
17 n'y avait participé.
18 Q. Très bien. Mais au fond, peu importe qui a exécuté ces hommes, il s'est
19 avéré que ces personnes avaient été exécutées; c'est ce que vous dites
20 maintenant ?
21 R. Exécutées, fusillées ou tuées, mais de toute façon ces personnes ont
22 été tuées et elles étaient mortes.
23 Q. Dans la phrase, il est écrit aussi que 20 personnes avaient été
24 capturées, donc les personnes capturées ont été exécutées. S'agit-il là des
25 indices dont vous aviez pris connaissance à l'époque ?
26 R. Je n'ai pas entendu parler de prisonniers. Mais d'après les rumeurs et
27 d'après ce que les gens disaient par la suite, on disait qu'il s'agissait
28 des personnes d'appartenance ethnique croate qui avaient été enlevées, et
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1 je suppose que ces personnes-là n'avaient pas été capturées.
2 Q. Puis, vous voyez qu'à la phrase suivante il est question d'une enquête
3 qui en est instance. Est-ce que vous le saviez à l'époque ? Est-ce que vous
4 étiez informé de cela ?
5 R. Après cet événement, c'est Asim Delalic qui s'est chargé de tout cela
6 et c'est lui qui a étudié cette question.
7 Q. Vous, vous n'y avez absolument pas participé à cela ?
8 R. Non.
9 M. NEUNER : [interprétation] Je souhaiterais passer maintenant au document
10 suivant dont le numéro PT --
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Procureur, avant que nous
12 ne passions à un autre document, je dois vous dire que je n'ai pas tout à
13 fait compris qui a envoyé le télégramme et qui était le destinataire dudit
14 télégramme.
15 M. NEUNER : [interprétation] Cela, je l'ai indiqué aux fins du compte rendu
16 d'audience. Il est dit à la toute première ligne qu'il s'agit d'un
17 télégramme envoyé par la 306e Brigade au 3e Corps.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, 306.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, mais nous ne savons pas qui l'a
20 envoyé, qui parmi la 306e Brigade. Le témoin vient de nous dire qu'il
21 n'était absolument pas informé de ce télégramme. J'essaie de savoir.
22 M. NEUNER : [interprétation] Le témoin vient de nous dire que M. Delalic
23 est la personne qui s'est chargée de l'enquête. Il a également indiqué
24 qu'une exécution aurait pu avoir lieu, d'après les bruits qui couraient, et
25 au lieu d'utiliser le mot "capturé," il a utilisé le mot "enlevé".
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être qu'il vaudrait mieux poser
27 des questions à M. Delalic à propos de ce document, plutôt que de poser vos
28 questions à un témoin qui ne sait absolument rien dudit document. Vous nous
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1 dites, Monsieur, que ce télégramme provenait de la 306e Brigade et qu'il
2 était destiné au 3e Corps. Vous voyez où se trouve le cachet -- d'accord,
3 c'est le cachet du destinataire. Très bien, très bien, je le vois
4 maintenant. J'en reviens à ma première question qui est toujours valable.
5 Ne pensez-vous pas que la personne à qui vous devriez poser les questions à
6 propos de ce document devrait être M. Delalic qui a participé à l'enquête,
7 plutôt que de poser vos questions à ce témoin qui vous a dit à plusieurs
8 reprises cet après-midi qu'il n'avait absolument rien à voir avec ladite
9 enquête ?
10 M. NEUNER : [interprétation] Vous m'accordez un petit moment, Monsieur le
11 Président, pour que je consulte mon confrère ?
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, faites donc.
13 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
14 M. NEUNER : [interprétation] Je souhaiterais que le témoin ôtes ses
15 écouteurs à nouveau.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur, est-ce que vous pourriez
17 enlever vos écouteurs ?
18 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Messieurs les
19 Juges, M. Delalic va parler de ce document lorsqu'il sera convoqué ici,
20 mais en octobre, ce témoin a signé un document qui, en quelque sorte, qui a
21 été signé au nom de M. Delalic et les deux hommes travaillaient ensemble.
22 Par conséquent, ce témoin va évoquer dans les documents du mois d'octobre
23 l'enquête dans son intégralité ainsi que les résultats de l'enquête. On ne
24 peut pas véritablement évaluer le poids accordé à ce document en ne voyant
25 que ce document. Il faudrait l'étudier avec l'autre document. J'essaie tout
26 simplement d'obtenir le point de vue du témoin à propos des deux documents
27 pour que vous, vous puissiez jauger la situation.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais Monsieur, le témoin vous a
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1 dit lorsque vous avez fait afficher ce document à l'écran, qu'il n'avait
2 jamais vu ce document de sa vie. Ne pensez-vous pas qu'il serait peut-être
3 plus judicieux de poser des questions à ce témoin à propos du document
4 qu'il a rédigé en octobre ?
5 M. NEUNER : [interprétation] Oui, c'est ce que je voulais faire.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis, ensuite, lorsque M. Delalic sera
7 cité à la barre, vous verrez comment vous pourrez concilier ce qu'il a
8 demandé d'écrire à ce témoin en octobre avec ce que nous avons vu. Parce
9 qu'en fait, vous posez des questions à ce témoin à propos d'un document à
10 propos duquel il ne sait absolument rien. Il nous a dit que c'était la
11 première fois qu'il voyait ce document. C'est ce qu'il nous a dit dans le
12 cadre de sa déposition.
13 M. NEUNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avions montré
14 à ce témoin ce document lors de ses déclarations. Il a fait des
15 observations à propos dudit document. J'ai essayé de poser quelques
16 questions à propos du document, et je pense que le témoin a confirmé
17 certains éléments du document. J'étais sur le point de vous présenter le
18 document suivant. Il ne me reste plus que deux documents à étudier, à vous
19 présenter.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne remets absolument pas cela en
21 question.
22 M. NEUNER : [interprétation] Je n'essayais pas de revenir sur ce document,
23 Monsieur le Président, je souhaitais juste procéder comme vous l'avez
24 souhaité.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je comprends Monsieur, mais
26 n'oubliez pas que les Chambre de première instance lorsqu'elle sort de ce
27 prétoire, devra essayer de comprendre ce document et ce qu'a dit le témoin
28 à propos du document. Si nous ne comprenons pas la logique qui sous-tend
Page 1111
1 l'exercice maintenant, je ne pense pas que nous la comprendrons plus tard.
2 Donc, je ne comprends toujours pas, Monsieur Neuner, en dépit des
3 explications que vous m'avez fournies.
4 M. NEUNER : [interprétation] Je suis tout à fait disposé à poursuivre pour
5 tirer mes conclusions bientôt.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, et je ne veux
7 surtout pas intervenir de la sorte et vous interrompre, mais j'essaie tout
8 simplement de suivre et de comprendre ce que vous dites et ce que vous
9 faites.
10 M. NEUNER : [interprétation] Est-ce que nous pourrions enregistrer ce
11 document aux fins d'identification, Monsieur le Président ?
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document sera enregistré aux fins
13 d'identification.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document MFI 138.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
16 M. NEUNER : [interprétation] Le document suivant est le document PT1443,
17 document du 3 août 1993.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez dit document "PT1" --
19 M. NEUNER : [interprétation] "PT1443." Ce document fait référence à une
20 visite de M. Merdan et du père Stjepan, vous voyez au paragraphe premier du
21 document. Au paragraphe 4(a) de ce document, il est fait référence à M.
22 Fusko.
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8 [Audience à huis clos partiel]
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26 [Audience publique]
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
28 Je vous en prie, Monsieur Neuner.
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1 M. NEUNER : [interprétation] Il s'agit de ma dernière pièce, la pièce
2 PT1584.
3 Q. Est-ce que vous reconnaissez la signature, Monsieur Fusko ?
4 R. Oui.
5 Q. De quelle signature s'agit-il ?
6 R. C'est la mienne.
7 Q. Vous envoyez ce document au 3e Corps, et au Groupe opérationnel
8 Bosanska Krajina, ainsi d'ailleurs qu'à l'organe responsable de la sécurité
9 militaire.
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, comment se fait-il que vous ayez
12 rédigé ce document ?
13 R. Ce document a été rédigé à la suite d'une demande qui nous avait été
14 envoyée. J'ai consulté Asim Delalic. Je lui ai demandé ce que nous étions
15 censés faire. Il m'a dit de rédiger un rapport d'information pour indiquer
16 que l'ABiH n'avait commis aucun délit, et que rien de la sorte n'avait été
17 commis par aucun membre de l'ABiH.
18 Q. Peut-on dire que vous avez reçu des instructions qui visaient à ce que
19 vous rédigiez ce rapport ?
20 R. Oui. Cela d'ailleurs s'est passé deux ou trois mois après ledit
21 événement. J'ai reçu des instructions de la part de Delalic. Il était
22 absent.
23 Q. Est-ce que vous étiez en mesure de remettre en question ces
24 instructions, d'en faire abstraction ?
25 R. Non.
26 Q. Est-ce que vous avez mené à bien une enquête pour dégager cette
27 conclusion ou pour tout simplement assurer le suivi des consignes qui vous
28 avaient été confiées ?
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1 R. J'ai obtempéré à ce que m'avait demandé mon supérieur. Il m'a dit ce
2 que je devais faire et je l'ai fait.
3 Q. Mais qu'avez-vous fait ?
4 R. Qu'entendez-vous lorsque vous me demandez ce que j'ai fait ?
5 Q. Est-ce que vous avez mené à bien une enquête ou est-ce que vous avez
6 rédigé ce qu'il vous avait dit ?
7 R. Non. Je n'avais pas le droit de prendre des mesures dans le cadre d'une
8 enquête. Je n'aurais pu le faire que si Delalic m'avait donné des
9 consignés.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais comprendre quelque chose.
11 Monsieur, est-ce que vous êtes en train de nous dire que ce qui est écrit
12 dans ce document correspond à ce que Delalic vous a demandé d'écrire ou
13 est-ce qu'il vous a demandé d'écrire quelque chose, et les mots que nous
14 avons là, ainsi que les idées, proviennent de vous, c'est vous qui les avez
15 rédigés ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai reçu des consignes de la part de
17 Delalic, et j'ai suivi ces consignes.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En quoi consistaient ces consignes ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous le dire exactement, mais
20 il y a eu une enquête préalable afin de savoir si des Croates avaient été
21 tués, et il y avait un délai pour la réponse. Delalic était absent. J'ai
22 demandé ce que je devais faire. Il m'a dit de rédiger qu'il y avait eu des
23 personnes qui avaient péries au cours de combats et qu'il s'agissait de
24 Croates.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Il vous a dit cela ? Ce sont les
26 propos qu'il a tenus ? Il vous a dit que vous deviez écrire qu'il y avait
27 des personnes mortes qui étaient croates ? C'est cela ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et il vous a dit que vous deviez
2 écrire qu'ils avaient été tués pendant des combats ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, qu'ils avaient été tués lors de combats.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
5 Poursuivez, Monsieur.
6 Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro]
7 Pendant un combat avec qui ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Entre l'ABiH et le HVO.
9 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur
11 Neuner.
12 M. NEUNER : [interprétation]
13 Q. J'aimerais vous poser une question à propos de certains détails
14 mentionnés dans ce document. Par exemple, il est dit à la troisième phrase
15 avant la fin du document :
16 "Ils portaient tous des uniformes."
17 Est-ce que cela correspond à l'une des consignes qui vous avaient été
18 données ou est-ce que vous aviez des éléments de preuve vous permettant
19 d'écrire ce que vous avez rédigé ?
20 R. Non, cela correspondait aux consignes de Delalic. C'est lui qui
21 s'occupait de la question. Je n'ai jamais mené à bien une enquête à ce
22 sujet. Je n'ai jamais dirigé une enquête.
23 Q. Et il est question d'un lieu où ils ont été enterrés, un lieu qui
24 s'appelle Pjescara. Comment avez-vous obtenu cette information ?
25 R. C'est Delalic qui me l'a indiquée. Je lui ai demandé ce que je devais
26 rédiger, quel lieu je devrais mentionner, et il m'a dit que ces personnes
27 pouvaient être trouvées dans le secteur de Pjescara, qui se trouve entre
28 Bikosi et Maline.
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1 Q. Si je vous montre une carte, vous pourriez nous montrer où cela se
2 trouve ?
3 R. Très sincèrement, je doute fort que vous puisiez montrer cela sur une
4 carte. Il s'agit véritablement d'un tout petit lieu-dit entre Maline et
5 Bikosi. Je ne sais pas, sur une carte, cela représenterait à peine un
6 millimètre. Donc, il est très difficile de montrer cela sur une carte.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant que vous ne passiez à autre
8 chose, est-ce que je pourrais poser une question au témoin ? Est-ce que
9 vous avez participé à l'enterrement de ces 25 corps ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous avez écouté ce que j'ai dit, j'avais
11 mentionné le fait qu'aucun membre de l'armée n'a participé à l'enterrement
12 de ces corps. C'est la protection civile qui avait les compétences pour
13 l'assainissement du terrain.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui. J'avais remarqué cela, mais je
15 voulais savoir si vous aviez participé à cet enterrement.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
18 M. NEUNER : [interprétation]
19 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de nous indiquer au moins l'endroit où
20 se situe Pjescara ?
21 R. Sur la carte ?
22 Q. Oui.
23 R. Oui, montrez-moi la carte.
24 M. NEUNER : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,
25 utiliser la carte numéro 10. C'est une carte que vous trouverez dans le
26 classeur qui a été remis à la Chambre. Il s'agit de la partie inférieure de
27 la carte numéro 10.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avec que nous ne consultions la carte
Page 1118
1 numéro 10, qu'allons-nous faire du document PT1584 ?
2 M. NEUNER : [interprétation] Je souhaiterais qu'il soit versé au dossier.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document sera versé au dossier. Le
4 document PT1584.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs
6 les Juges, ce sera la pièce 140.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
8 Nous avons maintenant la carte 10 qui a été affichée à l'écran.
9 M. NEUNER : [interprétation]
10 Q. Est-ce que vous pourriez nous indiquer où se trouve cet endroit ?
11 R. Cela se trouve à peu près ici [Le témoin s'exécute]. Je sais que cet
12 endroit s'appelle Pjescara.
13 Q. Est-ce que vous pourriez apposer le chiffre "1" à côté de cet endroit,
14 je vous prie ?
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Je vous remercie. Comment pourriez-vous décrire l'endroit où vous venez
17 de dessiner un cercle ?
18 R. Il s'agit d'un sentier de montagne entre Bikosi et Maline, les gens
19 avaient l'habitude de creuse pour trouver du sable. Mais ce n'est pas du
20 sable véritablement, mais c'est pour ça que ça s'appelle "Pjescara", cela
21 veut dire "carrière de sable", et c'est pour cela que cet endroit a ce nom.
22 M. NEUNER : [interprétation] Je souhaiterais que cela soit versé au
23 dossier.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous acceptons le versement au dossier
25 de cette pièce.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 141.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
28 M. NEUNER : [interprétation]
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1 Q. J'aimerais vous poser une question, Monsieur, car vous étiez au sein de
2 la 306e Brigade, service de la sécurité militaire. J'aimerais savoir si à
3 un moment donné il y a eu une exhumation qui a eu lieu ?
4 R. Je n'en sais rien.
5 Q. Est-ce qu'il a eu à un moment donné une enquête menée à bien sur les
6 lieux par votre unité de la sécurité militaire à cet endroit qui s'appelle
7 Pjescara ?
8 R. Pour autant que je le sache, non. Mais est-ce qu'un membre du
9 commandement supérieur a fait quelque chose, ça, je n'en sais rien.
10 Q. Ma dernière question est la suivante. Au mois d'octobre, lorsque vous
11 avez rédigé ce rapport, aviez-vous des déclarations de témoins ou d'autres
12 documents résultant de l'enquête menée par M. Delalic pour vous aider à
13 rédiger ce rapport ?
14 R. Non, ce rapport a été rédigé en consultation avec lui. Et aucun
15 document écrit portant sur les questions abordées dans le rapport ne m'a
16 été donné.
17 Q. Mais aviez-vous des déclarations de témoins oculaires qui évoquaient
18 cet incident ?
19 R. Non.
20 Q. D'autres documents auraient-ils été envoyés par M. Delalic au 1er
21 Bataillon de la 306e Brigade de Montagne pour s'enquérir de la nature de
22 cet incident ?
23 R. Je n'en ai pas eu connaissance. S'il l'a fait, il l'a sûrement fait par
24 ordre oral.
25 Q. Avez-vous trouvé un quelconque document dont l'auteur aurait été M.
26 Delalic et qui aurait été envoyé au 3e Corps d'armée au sujet de cette
27 question, un document autre que votre propre rapport, je veux dire, mais
28 dans lequel il aurait été question de l'enquête ?
Page 1120
1 R. Non.
2 M. NEUNER : [interprétation] L'Accusation n'a plus de questions pour ce
3 témoin, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Neuner.
5 Maître Vidovic.
6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, il m'a
7 fallu quelque temps pour m'installer.
8 Contre-interrogatoire par Mme Vidovic :
9 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Fusko.
10 R. Bonjour.
11 Q. Je m'appelle Vasvija Vidovic, et je vais maintenant vous interroger en
12 tant que conseil de la Défense du général Rasim Delic.
13 Aujourd'hui, durant votre déposition, j'ai compris que vous aviez grandi en
14 Bosnie centrale, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Dans le village de Dub ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous êtes diplômé du lycée de métallurgie de Travnik, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Cette école ne vous a dispensé aucun enseignement militaire d'aucune
21 sorte, n'est-ce pas ?
22 R. En effet, non.
23 Q. Monsieur Fusko, je vous prierais simplement de ménager une courte pause
24 entre la fin de mes questions et le début de vos réponses, pour assurer une
25 bonne inscription de tous vos propos au compte rendu d'audience.
26 R. Très bien.
27 Q. J'ai compris aussi, sur la base de ce que vous avez dit aujourd'hui,
28 que lorsque vous avez fait votre service militaire, vous n'aviez reçu qu'un
Page 1121
1 entraînement militaire élémentaire, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Vous n'avez aucune connaissance spécialisée quant au travail de la
4 police militaire, n'est-ce pas ? C'est bien cela ?
5 R. Oui.
6 Q. Au cours de votre carrière, avant la guerre, vous n'aviez absolument
7 pas le moindre rapport avec un quelconque travail de policier, n'est-ce pas
8 ?
9 R. Non.
10 Q. Vous n'avez jamais participé à une quelconque enquête jusqu'au moment
11 où vous avez été versé dans les rangs de l'organe chargé de la sécurité de
12 la 306e Brigade, n'est-ce pas ?
13 R. En effet, non.
14 Q. Et vous avez été versé dans les rangs de cet organe en mai 1993, n'est-
15 ce pas ?
16 R. C'est en mars ou avril que j'ai été transféré au sein du commandement
17 de la brigade dans l'organe chargé de la sécurité.
18 Q. Merci de cette précision. En d'autres termes, ce que j'ai compris,
19 c'est que vous aviez été chargé d'une mission par l'armée, cette mission
20 consistant à travailler au sujet de l'organe chargé de la sécurité, mais
21 qu'avant cette date, vous n'aviez absolument pas la moindre expérience en
22 la matière, n'est-ce pas ?
23 R. C'est exactement cela.
24 Q. Puisque nous parlons de votre absence d'expérience, cette absence
25 d'expérience qui était la vôtre n'était pas une exception parmi les membres
26 de la 306e Brigade, n'est-ce pas ?
27 R. Pour la 306e Brigade, j'ai été affecté à la mission qui a été la mienne
28 dans ces conditions, mais je n'étais pas le seul, il y a trois ou quatre
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1 hommes au moins qui se sont vus confier des missions sans avoir la moindre
2 connaissance de la doctrine militaire en la matière. Trois ou quatre.
3 Q. Merci. Et la brigade comptait environ 1 700 hommes, n'est-ce pas ?
4 R. Je ne saurais vous donner le chiffre exact, mais c'était à peu près
5 cela, entre 1 500 et 1 700.
6 Q. Merci beaucoup. M. Asim Delalic, votre supérieur, l'adjoint du
7 commandant chargé des tâches de sécurité au sein de la 306e Brigade,
8 n'avait pas lui non plus la moindre connaissance en la matière, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Je pense qu'il n'était pas allé dans une école particulière pour cette
11 tâche, en dehors du fait qu'il avait servi dans les rangs de l'ancienne JNA
12 en tant que policier militaire, si mes renseignements sont bons. Mais,
13 c'était simplement un policier militaire.
14 Q. Je vous remercie. Pas une seule des personnes qui travaillaient dans le
15 domaine de la sécurité au sein de la 306e Brigade n'avait un entraînement
16 spécifique lui permettant d'accomplir ce genre de mission, n'est-ce pas ?
17 R. En effet.
18 Q. Toute la brigade n'avait qu'un seul juriste, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Ce juriste était M. Haris Jusic, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Mais même M. Haris Jusic n'avait pas la moindre expérience des
23 enquêtes, n'est-ce pas; j'ai raison en disant cela ?
24 R. Oui, Jusic, c'était un juriste qui, avant la guerre, exerçait ses
25 fonctions de juriste au sein d'une entreprise.
26 Q. A présent, j'aimerais très rapidement vous interrogez au sujet de votre
27 brigade.
28 La 306e Brigade, pendant toute l'année 1993, a fonctionné comme une
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1 patrouille villageoise, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, oui.
3 Q. Vous nous avez dit qu'au début de l'année 1993, les conditions dans
4 lesquelles fonctionnait cette brigade étaient très mauvaises, n'est-ce pas
5 ?
6 R. C'est certain.
7 Q. Vous avez déclaré que le 3e Corps d'armée avait donné l'ordre de créer
8 cette brigade vers la fin de l'année 1993, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, en tout cas, c'est ce qui a été fait.
10 Q. Voici maintenant la question que je voudrais poser : cet ordre émanant
11 du commandement supérieur n'a tout simplement pas été respecté par le
12 village de Bukovica, n'est-ce pas ? Et par un certain nombre d'autres
13 villages, dès le début, Gluha Bukovica a refusé de faire partie de la 306e
14 Brigade et a décidé de rejoindre les rangs de la 314e Brigade ?
15 R. Oui, Gluha Bukovica et le village de Zagradje aussi, je pense, ont
16 décidé de faire partie de la 314e.
17 Q. Merci. Donc, vous conviendrez qu'en 1993, le chaos régnait dans votre
18 secteur au moment où la brigade a été créée; c'est bien cela ?
19 R. Oui. A mon avis, on peut parler de chaos à ce moment-là.
20 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je veux maintenant soumettre un document au
21 témoin.
22 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je demande que le
23 document D113 soit soumis au témoin.
24 Q. Monsieur Fusko, lorsque vous verrez apparaître le document sur votre
25 écran, je vous prierais de l'examiner.
26 Pour ma part, Monsieur le Président, je demanderais simplement un
27 léger agrandissement du document affiché.
28 Ce document est un document qui émane de votre brigade, de la 306e Brigade,
Page 1124
1 il porte la date du 8 janvier 1993. C'est un rapport qui émane de l'organe
2 chargé de la sécurité. Ce document portant la signature de votre supérieur,
3 M. Delalic, dont vous avez parlé aujourd'hui.
4 Ma question est la suivante : peut-être n'avez-vous pas encore vu ce
5 document --
6 R. Je ne l'ai encore jamais vu.
7 Q. -- mais ce que je voudrais vous demander, c'est ce que vous pensez des
8 faits qui sont évoqués dans ce document. Ce document évoque la situation
9 qui devient de plus en plus complexe en 1993, et nous lisons, à un certain
10 moment, je cite : "Les dirigeants locaux qui tiennent des réunions et
11 promettent la création de zones de responsabilité pour les soldats aux
12 environs de leurs villages, sur le terrain." Vous voyez cela, il est
13 question aussi d'insuffisance d'armes et d'équipement pour la brigade ?
14 R. Oui. Certainement, c'est ce qui se passait.
15 Q. Puis, il y a ce long paragraphe, l'avant-dernier, où il est question du
16 fait que la vérité, c'est que dans de nombreux cas, les soldats refusent de
17 se rendre sur leur position. Puis, je poursuis la lecture, je cite : "Ce
18 problème est en cours de solution par les soldats qui amènent les hommes
19 jusqu'aux positions, et il y a eu de nombreux cas où certains hommes ont
20 été placés en détention militaire à titre de mesure disciplinaire."
21 Monsieur le Témoin, est-il exact, n'est-ce pas, que ce document rend bien
22 compte de la situation sur le terrain ?
23 R. Je ne sais pas comment vous l'expliquer. Ce texte montre tout ce qui se
24 passait. La situation était chaotique. Les gens ne comprenaient pas ce
25 qu'était effectivement une armée. A mon avis, selon ce que nous savions,
26 ceci est arrivé parce que les gens étaient pauvres, ils manquaient
27 d'uniformes, ils manquaient d'armes, donc les gens sont partis dans
28 d'autres brigades, comme vous venez de le dire, par exemple, la 314e.
Page 1125
1 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin.
2 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je demande le versement
3 au dossier de ce document.
4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est admis en tant que
5 pièce à conviction. Je demande une cote.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
7 pièce 142.
8 Mme VIDOVIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur le Témoin, vous venez d'avoir sous les yeux un document qui
10 démontre que la police militaire de la brigade a essayé de restaurer
11 l'ordre au sein de la brigade, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Dans votre déposition jusqu'à présent, vous avez déjà dit que seulement
14 une vingtaine de membres de la police militaire faisaient partie de votre
15 unité ?
16 R. Je ne me souviens pas du nombre exact. En tout cas, ce n'était pas une
17 section complète, c'était une vingtaine d'hommes.
18 Q. Aucun de ces hommes n'avaient d'armes, n'est-ce pas ?
19 R. Il est arrivé à plusieurs reprises que les policiers militaires partent
20 appréhender quelqu'un et ils n'avaient qu'un seul pistolet ou un seul fusil
21 à se partager entre trois policiers militaires.
22 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, que le commandant de la 306e Brigade, compte
23 tenu du nombre très limité de policiers militaires qu'il avait sous ses
24 ordres, ne pouvait pas empêcher les défauts de discipline et le fait que
25 certains hommes quittaient la brigade ?
26 R. Vous avez tout à fait raison en disant cela.
27 Q. J'aimerais maintenant vous interroger au sujet de la situation
28 militaire dans la zone.
Page 1126
1 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, avant de soumettre au
2 témoin un document, j'aimerais lui rappeler une partie de sa déposition.
3 Vous avez déclaré, Monsieur, que la vallée de la Bila, donc la vallée dans
4 laquelle coule la rivière est la vallée dans laquelle coule la rivière
5 Bila, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, vous avez raison.
7 Q. Elle a été divisée en quatre ou cinq régions par des barrages routiers
8 du HVO ?
9 R. Oui, à commencer par Stari Bila, où il avait un barrage routier. Puis,
10 il en avait un à Baj [phon], et un autre à Gornje Maline, et cetera, et
11 cetera.
12 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
13 Juges, j'aimerais soumettre au témoin la pièce D114. Il s'agit d'un rapport
14 opérationnel journalier de la 306e Brigade qui porte la date du 9 mai 1993.
15 Q. Monsieur le Témoin, je vais me contenter de vous lire un court extrait
16 de ce document qui correspond au paragraphe 2. Nous voyons d'abord
17 l'intitulé du paragraphe : "Agresseur," et en dessous, nous lisons, "HVO."
18 Alors, à la date du 9 mai 1993, je cite ce qui est écrit à ce niveau du
19 texte, je cite :
20 "Les membres du HVO continuent à tenir les barrages routiers en empêchant
21 les voitures ou les civils de passer. Ils confisquent les véhicules à
22 moteur."
23 Ceci est-il exact ?
24 R. Oui. Tout ce qui est écrit ici est exact.
25 Q. Maintenant, Monsieur le Témoin, voici ce que je voudrais vous dire, il
26 est exact, n'est-ce pas, que la brigade était elle-même divisée, elle ne
27 fonctionnait pas comme une brigade unie, n'est-ce pas ?
28 R. Le monsieur de l'Accusation, tout à l'heure, a dit que la brigade était
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1 divisée en trois parties, et même davantage. Donc le fonctionnement de la
2 brigade était extrêmement difficile.
3 Q. J'aimerais maintenant vous poser une autre question.
4 Le commandement de la brigade ne fonctionnait pas en tant qu'instance
5 unifiée et n'a pas fonctionné en tant qu'instance unifiée au moins jusqu'au
6 18 juin 1993, c'est-à-dire après les combats ?
7 R. Je ne saurais vous dire exactement la date, mais il n'a pas fonctionné.
8 Peut-être, qu'il a recommencé à fonctionner une dizaine de jours plus tard,
9 même si je me souviens pas de la date exacte, il est certain qu'il a fallu
10 au moins une dizaine de jours pour que le commandement de la brigade
11 s'unifie.
12 Q. Des parties du commandement se trouvaient à Krpeljici ?
13 R. Oui.
14 Q. D'autres, à Han Bila ?
15 R. Non, pas à Han Bila, mais à Han Runig [phon] qui est à deux kilomètres,
16 deux kilomètres et demi de Han Bila. Certains appellent cet endroit, Han
17 Bila, mais son vrai nom c'est le Runig [phon] de Bila, la mine de Bila, qui
18 se trouvait aux environs de la mine.
19 Q. Donc le commandement de la brigade était divisé. Ce n'était pas une
20 instance unifiée. J'ai raison de dire cela, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci beaucoup.
23 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je demande le
24 versement au dossier de ce document et qu'une cote lui soit affectée.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est admis en tant
26 que pièce à conviction. Je demande une cote.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira
28 de la pièce 143.
Page 1128
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
2 Mme VIDOVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais maintenant vous soumettre un autre
4 document qui concerne les événements survenus dans le secteur où vous
5 résidiez et dont il est question depuis déjà pas mal de temps.
6 Monsieur le Président, je demande que l'on soumette au témoin le document
7 D115. C'est un télégramme qui émane de la 306e Brigade, et qui est destinée
8 au 3e Corps d'armée.
9 Monsieur le Témoin, examinez la première page de ce document, je vous
10 prie.
11 J'aimerais que l'on montre tout de suite au témoin la deuxième page
12 du document également, de façon à ce qu'il puisse répondre efficacement à
13 la question que je vais lui poser. Donc je demande maintenant l'affichage
14 de la deuxième page sur les écrans.
15 Monsieur le Témoin, nous lisons les mots "Gabela 710," dans ce
16 document. Est-ce que vous connaissez la signification de ces mots ?
17 R. Je ne la connais pas.
18 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci. Dans ces conditions, Monsieur le
19 Président, je demande que l'on affiche à nouveau sur les écrans la première
20 page du document.
21 Monsieur le Président, j'aimerais attirer votre attention sur un
22 court extrait de ce document, le passage qui se lit comme suit :
23 "Mardi et mercredi, le HVO et les Chetniks ont mené des négociations
24 dans le secteur de Vlasic, après quoi le pilonnage de Zenica et de Mehurici
25 a eu lieu." Je poursuis la citation. Je cite : "L'agresseur a engagé
26 l'infanterie dans le secteur dont la cote est 1 752 et a déployé la Section
27 chargée du sabotage et de la reconnaissance dans cette zone," et cetera, et
28 cetera.
Page 1129
1 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous aider sur le point
2 suivant, car il en sera question dans d'autres documents également.
3 "Chetniks," c'est le mot que les gens de votre région utilisaient pour
4 désigner les forces serbes, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, c'est exact. Vous avez raison. L'agresseur était mentionné
6 sous la dénomination de forces serbes et se trouvait sur le plateau de
7 Vlasic.
8 Q. Merci. "Les Chetniks," c'est une autre expression utilisée pour
9 évoquer les forces serbes, n'est-ce pas ?
10 R. Vous avez raison.
11 Q. Selon ce que vous savez, ce document porte la date du 2 juin 1993. Je
12 vous demande si vous aviez connaissance, à ce moment-là, d'une quelconque
13 coopération entre les forces serbes et les forces croates pour mener à bien
14 des attaques conjointes contre le secteur où vous vous trouviez au début du
15 mois de juin 1993 ?
16 R. Je n'ai aucune information précise sur ce point. Je ne sais pas qui a
17 envoyé ce télégramme, mais j'ai entendu les habitants de la région raconter
18 que l'agresseur serbe et monténégrin, comme nous l'appelions à l'époque, et
19 les membres du HVO se réunissaient régulièrement dans des points de contact
20 sur le plateau Vlasic. Je ne saurais confirmer avoir jamais vu une telle
21 réunion. Je n'en ai jamais été témoin oculaire.
22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant, je vous prie.
23 Monsieur Neuner.
24 M. NEUNER : [interprétation] Je ne voudrais pas interrompre ma collègue de
25 la Défense, mais elle a posé une question, page 67, ligne 18 -- ou plutôt
26 non, ligne 16, où il était question du 2 juin 1993, et je vois le document
27 qui est soumis au témoin en ce moment. Je pense qu'il y a eu une erreur
28 d'interprétation car l'interprète a parlé du "22 juin," c'est une erreur,
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1 me semble-t-il ? Le document est encore affiché sur l'écran.
2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous ne voyons pas où figure le "22
3 juin," dans la traduction.
4 M. NEUNER : [interprétation] Au milieu, en dessous du mot "Date." On lit
5 les mots : "22 juin," alors que dans l'original --
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que quelqu'un pourrait me
7 montrer où se trouve mot "Date," dans le document ?
8 M. NEUNER : [interprétation] Au niveau de l'en-tête il y a une case où on
9 lit le mot "Titre," et on lit les mots "306e Brigade de Montagne." En
10 dessous du mot "Titre," on voit "Déposé," puis le mot "Date;" puis les
11 mots, "22 juin." Je lis en traduction anglaise.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle est la date exacte ?
13 M. NEUNER : [interprétation] La date est celle du 22 juin [comme
14 interprété], comme l'a dit à juste titre ma collègue de la Défense. C'est
15 moi peut-être qui ait fait une erreur.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où est-ce qu'on voit "22 [comme
17 interprété] juin ?"
18 M. NEUNER : [interprétation] Dans l'original, on lit les mots "22 [comme
19 interprété] juin." Excusez-moi, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] D'accord. Merci beaucoup.
21 Vous pouvez poursuivre, Maître Vidovic.
22 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie.
23 Q. Monsieur le Témoin, un peu plus tôt dans la journée, répondant aux
24 questions de l'Accusation au sujet des événements survenus à Maline au mois
25 de juin, -- plutôt, je demande, Monsieur le Président, excusez-moi, une
26 cote pour ce document avant de passer à ma question suivante.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document est versé au dossier.
28 Mais, Mme le Juge Lattanzi voudrait évoquer une question.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 Mme LE JUGE LATTANZI : Tout est clair pour moi maintenant. Merci.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Madame le Juge.
4 Est-ce que vous avez une objection par rapport à l'admission de ce
5 document, Monsieur Neuner ?
6 M. NEUNER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Le fondement
7 permettant l'admission de ce document au dossier n'est pas tout à fait
8 clair pour l'Accusation, car le témoin a dit qu'il ne reconnaissait pas ce
9 document, qu'il ne l'a jamais vu avant. En page 67, ligne 19 du compte
10 rendu d'audience, il déclare, je cite : "Je ne saurais confirmer l'avoir
11 déjà vu. Je n'ai pas été témoin oculaire de cela." Donc le fondement sur
12 lequel s'appuie ma collègue de la Défense pour demander le versement au
13 dossier de ce document n'est pas très clair aux yeux de l'Accusation.
14 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je répondre ?
15 J'ai interrogé le témoin au sujet des faits évoqués dans ce document.
16 Je l'ai également interrogé au sujet de la coopération entre les forces
17 serbes et les forces croates sur le terrain. Le témoin a confirmé avoir
18 entendu parler de cette coopération de la bouche des habitants de la
19 région. Voilà quel est le fondement de ma demande de versement de ce
20 document au dossier.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Vidovic, je souhaite vous
23 demander un point de clarification notamment la base sur laquelle vous
24 demandez le versement au dossier de ce document, en regardant le compte
25 rendu d'audience, il est écrit que vous lui avez posé une question au sujet
26 de la coopération entre les forces serbes et croates sur le terrain, mais
27 dans le document, il n'est pas du tout question d'un telle coopération. Il
28 y est dit qu'il y a eu des négociations à Vlasica, mais mis à part cela, je
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1 ne vois pas de référence à la coopération, est-ce que vous pourriez nous le
2 dire ?
3 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, d'après la manière
4 dont je comprends les choses, les deux parties étaient en négociation dans
5 la région de Vlasic suite à quoi, Zenica et Mehurici ont été pilonné. Peut-
6 être vous ne comprenez pas en ce moment. Monsieur le Juge, mais pour que
7 les armes lourdes arrivent jusqu'à Zenica, c'était les forces serbes qui
8 devaient les utiliser.
9 Si vous le souhaitez, Monsieur le Président, je peux très bien retirer ce
10 document et l'utiliser avec un autre témoin afin de ne pas perdre de temps,
11 mais je dois dire la chose suivante maintenant : Monsieur le Président, le
12 témoin a nié sa connaissance de ce document et sa connaissance du contenu
13 du document, il a nié le fait d'avoir vu le document avant que l'Accusation
14 ait toutefois versé au dossier tous ces documents. Ces documents ont reçu
15 des cotes aux fins d'identification ou ont été admis. Mais pour moi, ça ne
16 pose pas de problème de retirer ce document, mais je pense que ceci n'est
17 pas équitable.
18 Je pense que ceci n'est pas équitable puisque s'agissant des
19 documents de l'Accusation lorsque le témoin dit clairement : Je n'ai jamais
20 vu ces documents, je ne sais rien à ce sujet, ensuite les documents
21 reçoivent une cote. Maintenant, on objecte au versement au dossier d'un
22 document dont le contenu est connu par le témoin, car le témoin était au
23 courant des événements décrits dans le document.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic, vous comprendrez que
25 les décisions portant sur le versement au dossier de certains documents
26 sont extrêmement complexes et ne sont pas faciles à faire.
27 L'article et la règle qu'on essaie d'appliquer dit qu'il doit y avoir un
28 rapport entre le témoin et le document; autrement dit, le témoin doit soit
Page 1133
1 avoir vu le document ou l'avoir signé, ou doit être au courant du document.
2 Si le témoin ne reconnaît pas le document, dans ce cas-là, il doit au moins
3 être capable de déposer au sujet des faits décrits dans le document, c'est
4 sur cette base-là, je suppose que nous pourrions probablement verser le
5 document au dossier. Mais il s'agit là d'un cas limite car le document ne
6 porte pas réellement sur la déposition de ce témoin jusqu'à présent.
7 Mais si vous allez retirer le document et essayez de le verser par le biais
8 d'un autre témoin, je pense que ce sera la meilleure démarche à suivre.
9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, avant de le retirer,
10 je souhaite ajouter quelque chose.
11 Je pense que nous devons être un peu plus corrects par rapport à ce qui
12 s'est passé d'après ce qu'on dit. Il y a eu deux pièces à conviction de
13 l'Accusation qui ont été marquées aux fins d'identification cet après-midi,
14 justement en raison du fait qu'il n'y a pas eu de base suffisante leur
15 permettant d'être versées au dossier. Il s'agissait des pièces MFI 138 et
16 MFI 139. Peut-être que vous êtes au courant des autres documents où un lien
17 clair n'a pas été établi, peut-être il y a eu une telle omission mais ces
18 deux pièces à conviction n'ont pas été versées au dossier justement en
19 raison d'un manque de fondement.
20 Il ne faut pas dire que l'Accusation bénéficie d'un traitement
21 préférentiel ici, à moins que vous ne disiez que c'étaient vos collègues de
22 la partie adverse qui étaient injustes puisqu'ils ont fait objection. Je
23 vous encourage de ne pas retirer ce document, ou plutôt je propose que le
24 document soit marqué aux fins d'identification, vous en traiterez avec un
25 autre témoin. Ceci est-il acceptable ?
26 Donc le document sera marqué aux fins d'identification, peut-on lui
27 attribuer une cote ?
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du document MFI 144.
Page 1134
1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
2 Vous pouvez poursuivre, Madame Vidovic. Je m'excuse de cela. Excusez-
3 moi, nous avons dépassé le temps de la pause.
4 Est-ce que le moment est opportun pour vous ou est-ce que vous souhaitez
5 ajouter quelque chose avant la pause ?
6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, le moment est
7 tout à fait opportun. Je voulais dire, lorsque j'ai dit que le traitement
8 n'était pas équitable, je parlais de l'attitude de mes collègues de
9 l'Accusation et non pas de la Chambre. Je souhaite clarifier cela.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. C'est ce que j'avais
11 cru entendre.
12 Nous allons prendre notre pause et revenir à 6 heures moins le quart.
13 Excusez-moi, j'ai raccourci la pause de 10 minutes, mais nous devrons faire
14 avec une pause de 20 minutes, merci beaucoup.
15 --- L'audience est suspendue à 17 heures 25.
16 --- L'audience est reprise à 17 heures 50.
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Vidovic.
18 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Q. Monsieur Fusko, nous avons parlé de la partie de votre déposition qui
20 portait sur les événements qui se sont déroulés au début juin 1993. Vous
21 avez mentionné le fait que cet événement concernant Maline a eu lieu
22 pendant la période entre le 7 et le 9 juin, si j'ai bien compris; c'est
23 exact ?
24 R. Oui, mais je ne saurais vous dire la date exacte.
25 Q. Merci. En réalité, s'agissant de cet événement du 8 juin, il a été
26 précédé par de fortes attaques lancées par le Conseil de la Défense croate
27 contre la population musulmane de la Bosnie centrale en tant que telle dans
28 l'ensemble; est-ce exact ?
Page 1135
1 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire par le mot "attaque".
2 Q. Je fais référence aux attaques du HVO.
3 R. Il y a eu des routes qui ont été bloquées, fermées. On pourrait appeler
4 déjà ça une torture, car des gens étaient enfermés en raison de ces points
5 de contrôle. Ils ne pouvaient pas bouger.
6 Q. Etiez-vous au courant d'une attaque contre des villages musulmans dans
7 la zone de Maline, avant les événements ? Est-ce que le nom de Velika
8 Bukovica vous dit quelque chose ?
9 R. Oui.
10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je souhaite que l'on remette au témoin le
11 document D116, s'il vous plaît.
12 Q. Je vous prie, Monsieur le Témoin, de bien vouloir examiner de document.
13 Il s'agit d'un télégramme de la 306e Brigade, en date du 5 juin 1993. Ce
14 télégramme est bref. Encore une fois, il est écrit : "Gabala 910." On voit
15 que ceci a été envoyé au commandant du 3e Corps d'armée, et il est écrit
16 dans le texte : "
17 "La FORPRONU devrait venir à Velika Bukovica. Une personne a été
18 grièvement blessée. Le village de Ricice est encerclé et a fait l'objet
19 d'une attaque."
20 Ma question concernant ce document est la suivante : étiez-vous au courant
21 du fait que le village de Ricice a été encerclé et a subi une attaque le 5
22 juin, peu avant les événements de Maline ?
23 R. A ce moment-là, j'étais à Vlasic, au poste de commandement avancé, donc
24 je n'avais pas toutes les informations. Mais comme je l'ai déjà dit, on
25 apprenait tout cela de la part des gens, ou plutôt des soldats qui étaient
26 sur place, qui étaient des témoins oculaires et qui étaient sur les lignes
27 de front.
28 Q. Très bien. Merci. Donc, vous ne savez rien au sujet des événements qui
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1 se sont déroulés à Bukovica. Très bien. Merci, Monsieur le Témoin.
2 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, à la page 74, ligne
3 13, par erreur il est écrit à la place du village "Ricice", on voit
4 "Kruscica". Il faut simplement clarifier cela. J'ai demandé au témoin une
5 question au sujet du village de Ricice.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Vidovic. Que le
7 compte rendu d'audience reflète qu'il s'agit de "Ricice" et non pas de
8 "Kruscica."
9 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci. Je ne vais donc pas demander le
10 versement au dossier de ce document.
11 Q. Maintenant, Monsieur le Témoin, je vais vous poser quelques questions
12 au sujet des événements dont vous avez parlé.
13 Mme VIDOVIC : [interprétation] On peut enlever le document en question.
14 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous poser une question au sujet de ce qui a
15 déjà fait l'objet de votre déposition, notamment une question concernant
16 les Arabes, les combattants arabes. Vous avez dit que vous les avez vu pour
17 la première fois en automne 1992; est-ce exact ?
18 R. Oui.
19 Q. A ce moment-là, vous avez pu remarquer qu'ils aidaient la population
20 locale; par exemple, il leur donnait de la nourriture. Avez-vous pu
21 remarquer cela ?
22 R. A cette époque-là ?
23 Q. Oui, automne 1992.
24 R. A cette époque-là non, mais par la suite, peut-être pendant l'hiver nos
25 gens se joignaient à eux, et de ce fait ils recevaient de la nourriture et
26 des armes de même que des équipements, mais pas immédiatement après leur
27 arrivée.
28 Q. Très bien. Si je vous dis qu'ils distribuaient la nourriture à la
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1 population musulmane locale, par exemple, aux réfugiés, ceci aussi serait
2 exact, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Et vous serez d'accord avec moi pour dire que les Moudjahidines ont
5 très vite bénéficié de la sympathie de la population musulmane locale ?
6 R. A mon avis oui, mais je ne saurais vous dire quel était le pourcentage
7 de la population qui la regardait d'un œil bien veillant.
8 Q. Je ne vais pas vous poser cette question-là. Mais dites-moi la chose
9 suivante, s'il vous plaît : En déposant au sujet des relations entre les
10 Moudjahidines et votre brigade, vous avez dit que votre brigade n'avait pas
11 de coopération avec eux, n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Ni de communications ?
14 R. Oui.
15 Q. En réalité, il était très difficile de communiquer avec eux, tout
16 d'abord en raison de la barrière linguistique; est-ce exact ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous serez d'accord avec moi pour dire que la population bosniaque
19 parle rarement la langue arabe. Ai-je raison de dire cela ?
20 R. Oui.
21 Q. Ce sont seulement les prêtres musulmans qui le parlent; les imams ou
22 les hodjas, si vous voulez ?
23 R. Même eux ne parlent pas tous l'arabe. Ils connaissent un peu, mais ils
24 ne le parlent pas tous.
25 Q. Très bien. Parfois, certaines personnes avaient fait leurs études dans
26 des pays arabes, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Mais de telles personnes étaient très rares en Bosnie ?
Page 1138
1 R. Oui.
2 Q. Au mieux de vos connaissances, aucun Arabe n'était membre de votre
3 brigade. Ai-je raison de dire cela ?
4 R. Oui, je peux l'affirmer avec 100 % de certitude.
5 Q. Aujourd'hui, l'Accusation vous a montré un document qui concernait les
6 passages où le fait que certains membres de votre brigade étaient passés du
7 côté des Arabes et avaient rejoint leurs rangs ?
8 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je fais référence au document D135, Monsieur
9 le Président. Je souhaite que l'on le montre au témoin de nouveau. Il
10 s'agit de la pièce à conviction D135, qui était versée au dossier.
11 Je vous prie de bien vouloir montrer la page 2 du document, la placer sur
12 le rétroprojecteur. Nous avons ici la première page, et maintenant la
13 deuxième page, s'il vous plaît.
14 Q. Concernant ce document, je vais vous poser la question suivante : Il
15 est exact de dire, n'est-ce pas, que la 306e Brigade ne tolérait tout
16 simplement pas de tel transfert ? Ai-je raison de dire cela ?
17 R. Oui.
18 Q. La 306e Brigade essayait d'empêcher cela, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, mais elle n'y est pas parvenue.
20 Q. Tout simplement, les Arabes ne permettaient pas à la police militaire
21 d'entrer dans leur camp. Ai-je raison de dire cela ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous, vous ne pouviez rien faire à ce sujet, n'est-ce pas ?
24 R. Non, absolument rien, à moins d'entrer en conflit avec eux.
25 Q. S'il vous plaît, Monsieur le Témoin, dites-nous la chose suivante :
26 lorsque vous avez mentionné cette éventualité d'un conflit, est-ce que vous
27 êtes d'accord avec moi pour dire que votre population et vous, en tant que
28 membre de l'armée, vous avez déjà en face de vous deux ennemis ? Ai-je
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1 raison de dire cela ?
2 R. Oui.
3 Q. Ceci voudrait dire que vous auriez un troisième ennemi sur ce même
4 territoire, mis à part les deux autres ?
5 R. Si, comme vous disiez tout à l'heure, nous devions arrêter les membres
6 qui étaient passés de leur côté, à mon avis logiquement, effectivement, on
7 aurait dû ouvrir un troisième front.
8 Q. Merci. Je souhaite, Monsieur le Témoin, que l'on revienne sur ce
9 document en particulier. Je souhaite vous demander d'examiner maintenant la
10 page 2 de ce document, où la 306e Brigade parle des difficultés en raison
11 du fait que les combattants ne répondent pas aux appels de se rendre sur
12 les lignes, et vous dites que le système judiciaire n'est pas derrière
13 vous. Je souhaite vous demander de vous rappeler cette situation et je vais
14 vous poser une question. Ici, vous dites que les jugements ne sont pas
15 rendus.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, excusez-moi. Est-ce
17 que vous pouvez attendre avec votre question ? Je souhaite que l'on
18 clarifie la réponse précédente.
19 Monsieur le Témoin, lorsque vous dites : "Si nous avions essayé d'arrêter
20 ces personnes qui étaient passées de leur côté. Logiquement parlant, nous
21 aurions dû ouvrir un troisième front." Mais lorsque vous dites, en anglais,
22 "bring in," ce qui veut dire "les amener," où est-ce que vous les auriez
23 emmenés ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est question de ces personnes qui passaient
25 du côté des Arabes sur leur propre initiative, et là je parle des
26 Bosniaques.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais il s'agit des gens qui avaient
28 décidé de quitter leur brigade d'origine -- o.k. merci, je comprends. Vous
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1 pouvez continuer, Maître Vidovic. Votre question portait sur le fait que
2 les organes judiciaires n'étaient pas derrière eux.
3 Mme VIDOVIC : [interprétation]
4 Q. Ai-je bien compris, s'agissant des membres de la brigade qui étaient
5 partis de leur propre gré, si vous vouliez les ramener, vous aurez dû
6 entrer en conflit avec les Arabes ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Pour vous, ceci aurait signifié l'ouverture d'un troisième front sur ce
9 territoire; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Maintenant, je souhaite revenir sur ce document. Je vous demande
12 d'examiner la deuxième partie de la page, où il est écrit;
13 "D'après les données, nous pouvons voir que dans la vallée de la Bila,
14 aucun jugement n'a été rendu, et les combattants, sachant que les organes
15 judiciaires ne sont pas efficaces, perpètrent souvent des délits."
16 S'il vous plaît, vous avez travaillé dans le domaine de la sécurité. Dites-
17 nous, il est exact de dire, n'est-ce pas, que pendant cette période vous
18 avez déposé un nombre de plaintes au pénal ?
19 R. Après les événements, pas immédiatement pendant cette période.
20 Q. Quand ça ?
21 R. Pendant la période qui a suivi, à partir de juillet, août de la même
22 année, et après pendant environ un an, ou plutôt pendant deux ans environ
23 après.
24 Q. Monsieur le Témoin, ce document porte la date du 11 mai 1993, et il est
25 dit dans ce document que vous ne bénéficiez pas du soutien des organes
26 judiciaires. Autrement dit, je conclus qu'avant cela, vous aviez déposé des
27 plaintes au pénal, mais si vous ne le savez pas, peu importe.
28 R. Je ne sais pas.
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1 Q. Très bien.
2 R. Je sais que plus tard, en juillet, août, septembre, j'ai commencé à
3 faire ce genre de travail.
4 Q. Très bien. Je vais vous poser alors la question suivante : il est vrai,
5 il est exact de dire, n'est-ce pas, que votre brigade, disons au cours de
6 la deuxième moitié de l'année 1993, avait déposé un grand nombre de
7 plaintes au pénal auprès du Procureur et celui-ci vous les a simplement
8 renvoyées en disant que ceci n'était pas écrit de manière compétente. Ai-je
9 raison de dire cela ?
10 R. Je pense que vous avez raison puisque, effectivement, il y a eu un
11 renvoi de plaintes au pénal qui n'ont jamais donné lieu à des suites.
12 Q. On vous disait qu'ils ne pouvaient pas donner suite à ces plaintes, car
13 elles ne contenaient pas suffisamment de données et n'étaient pas écrites
14 de manière compétente.
15 R. Oui, vous avez raison, puisque nous n'avions pas d'éléments de preuve
16 et que la cour les rejetait.
17 Q. C'était la cour ou les procureurs qui les rejetaient ?
18 R. Je ne saurais vous dire exactement. C'était la cour, mais je ne sais
19 pas quelle était leur structure interne.
20 Q. Vous ne le savez pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Voici ma question suivante. Il est exact de dire, n'est-ce pas, que ce
23 problème du renvoi des plaintes au pénal était pris en considération lors
24 des réunions de haut niveau à Travnik aussi. Est-ce que vous êtes au
25 courant de cela ?
26 R. Je ne sais pas quel était le cas.
27 Q. Très bien. Merci. Le Procureur vous a posé des questions au sujet du
28 fait que ces gens passaient de l'autre côté. Vous n'excluez pas la
Page 1142
1 possibilité selon laquelle ceci se passait après que l'ordre a été donné
2 concernant l'établissement du Détachement El Moudjahid ?
3 R. Je n'ai pas compris votre question.
4 Q. Je vais répéter. On vous a posé une question au sujet du fait que des
5 membres de la 306e Brigade passaient de l'autre côté. Vous n'excluez pas la
6 possibilité selon laquelle la Brigade aurait rétroactivement accepté cela,
7 suite à la constitution du Détachement El Moudjahid. Ai-je raison de dire
8 cela ?
9 R. Je pense que c'était fin août, début septembre. C'est à ce moment-là
10 qu'on a arrêté de parler du fait d'arrêter ou de ramener ces gens-là. Je ne
11 sais pas si quelqu'un avait donné son aval pour que ces personnes restent
12 auprès des Moudjahidines, ça, je ne le sais pas.
13 Q. Avant cela, on disait que ces gens-là devaient être ramenés ?
14 R. Oui, c'était un problème que l'on rencontrait au jour le jour.
15 Q. Merci. Je vais vous poser une question de clarification au sujet de
16 l'école à Mehurici, s'il vous plaît. Vous avez vécu près de cette école,
17 n'est-ce pas ? Il est exact de dire, n'est-ce pas, que les Moudjahidines
18 avaient abandonné l'école de Mehurici au moment où le bataillon de la 306e
19 Brigade est entré et a aménagé dans les locaux de l'école ?
20 R. Oui, c'est exact. Ils sont allés au camp de Poljanice, mais ils avaient
21 gardé un bureau au troisième étage de cette école, où ils venaient de temps
22 en temps, mais rarement.
23 Q. C'est là qu'il y avait de la nourriture et qu'ils s'occupaient des
24 questions logistiques ?
25 R. Surtout de la nourriture.
26 Q. Aujourd'hui, vous avez parlé en détail du fait qu'il était très
27 difficile d'obtenir des informations de la part des Arabes. Ai-je raison de
28 dire cela ?
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1 R. Oui.
2 Q. Vous avez dit vous-même que, personnellement, vous n'arriviez pas à
3 reconnaître les Arabes. Vous avez dit, en fait, qu'ils avaient tous la même
4 apparence.
5 R. Oui, ils se ressemblaient tous, pour l'essentiel. Ils ont tous la peau
6 mate et ils portaient tous de très longues barbes.
7 Q. Vous n'êtes pas, en ce sens, une exception. La plupart des gens du cru
8 ne pouvaient pas en fait dire qui venait d'Égypte, qui venait d'Algérie.
9 Ils les appelaient tous des Arabes.
10 R. Oui, les gens les appelaient les Arabes, les Moudjahidines, mais
11 essentiellement, on les appelait les Arabes.
12 Q. Vous avez dit qu'à un moment donné, un ordre a été donné pour que soit
13 créé le Détachement El Moudjahid. J'aimerais vous poser une question à ce
14 sujet. Si je devais vous dire qu'en Bosnie centrale et dans votre secteur,
15 il y avait des Arabes qui ne se sont jamais ralliés au Détachement El
16 Moudjahid, est-ce que vous accepteriez cette idée ou est-ce que vous la
17 réfuteriez ?
18 R. Oui, je l'accepterais, mais je dirais qu'il s'agissait d'un pourcentage
19 très faible.
20 Q. Qu'entendez-vous par cela ?
21 R. Il y avait des Arabes qui, après une année ou plus, n'étaient ni sous
22 le contrôle de l'armée, ni sous le contrôle du Détachement El Moudjahid.
23 D'ailleurs, une fois, on m'a confié une tâche, on m'a demandé de faire en
24 sorte de m'assurer qu'une messe pourrait être donnée. Donc je suis allé en
25 face de leur camp, j'ai rencontré l'un de leurs représentants, je ne sais
26 pas exactement, il m'a dit qu'il était émir, mais je ne suis pas sûr des
27 titres qu'ils avaient. C'était déjà en 1995. Ils m'ont dit, en fait, qu'ils
28 pouvaient être responsables de tous leurs hommes, à l'exception d'un homme
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1 qui s'appelait Abu Hamza à Guca Gora.
2 Q. Dans le secteur de Guca Gora, il y avait des Arabes qui ne faisaient
3 pas partie du Détachement El Moudjahid ?
4 R. Je n'ai entendu parler que de cette personne qui se trouvait à Guca
5 Gora.
6 Q. Vous avez dit que des civils croates avaient été logés dans l'école à
7 Mehurici. Vous avez dit qu'ils sont partis de l'école. Conviendrez-vous
8 avec moi du fait suivant. Lorsque les civils sont arrivés, les Arabes ne se
9 trouvaient plus dans cette école. Ils se trouvaient dans leur base à
10 Poljanice, c'est cela ?
11 R. Oui, ils se trouvaient dans leur base à Poljanice. Comme je l'ai déjà
12 indiqué, à la fin de l'année 1992, ils sont partis de l'école.
13 Q. Je vous remercie. J'aimerais savoir si vous conviendrez avec moi du
14 fait suivant : s'occuper de la population civile n'incombait pas à l'armée,
15 cela ne faisait pas partie des compétences de l'armée, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, c'est tout à fait exact.
17 Q. Cela relevait du ministère de l'Intérieur, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, si vous parlez de leur sécurité, c'était effectivement le
19 ministère de l'Intérieur, ainsi que le département de la police dont le QG
20 se trouvait à Mehurici, qui étaient compétents en la matière.
21 Q. Je voudrais revenir sur ces civils qui sont arrivés à l'école à
22 Mehurici. Est-il exact qu'ils étaient gardés par des policiers civils ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-il également exact que la 306e Brigade a fourni plusieurs policiers
25 pour les aider.
26 R. Oui, c'est exact. Ils appartenaient à la section de la police militaire
27 et ils se trouvaient sur les lignes en face de l'agresseur serbo-
28 monténégrin. Ils étaient en train de repartir en direction de leur ligne
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1 et, ce faisant, ils ont séjourné à Mehurici, et c'est là que nous leur
2 avons demandé de nous prêter main-forte pour que les choses puissent bien
3 fonctionner.
4 Q. Est-ce que le nom "Biban" évoque quelque chose pour vous ?
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, mais
6 je pensais qu'il fallait que j'obtienne une précision à propos d'une
7 réponse apportée par le témoin, parce que vous avez demandé qui a
8 accompagné les civils à Mehurici. Lorsque j'ai posé une question au témoin
9 - je lui avais posé, en fait, la même question - il avait répondu qu'il
10 s'agissait des soldats de l'ABiH.
11 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, vous lui avez demandé qui
12 a escorté les soldats à l'école. Moi, j'ai demandé qui avait monté la garde
13 auprès des civils lorsqu'ils séjournaient à l'école. Je pense qu'il s'agit
14 de deux questions différentes, mais je n'ai pas vu comment ma question a
15 été consignée au compte rendu d'audience.
16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je m'excuse.
17 Mme VIDOVIC : [interprétation]
18 Q. Monsieur, je reviens à la question que j'avais posée. Je vous redemande
19 si le nom "Biban" évoque quelque chose pour vous ?
20 R. Je connais un dénommé Biban qui vient de la zone de notre vallée. Il
21 faisait partie du ministère de l'Intérieur à l'époque.
22 Q. En d'autres termes, il ne faisait pas partie de la police militaire, il
23 faisait partie de la police civile, c'est cela ?
24 R. Oui.
25 Q. Merci. Monsieur, vous nous avez dit lors de votre déposition que Haris
26 Jusic était avocat au sein de la brigade ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que vous vous souvenez que vous avez témoigné pour le Procureur
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1 en octobre 2006 ?
2 R. Oui.
3 Mme VIDOVIC : [interprétation] J'ai la déclaration avec moi, si cela est
4 nécessaire, mais je vais poser directement mes questions au témoin pour ne
5 pas perdre de temps.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un petit moment, je vous prie. Parce
7 que je vois qu'il est consigné au compte rendu d'audience qu'il a témoigné
8 auprès du Procureur. Est-ce qu'il a témoigné ou est-ce qu'il a fait une
9 déclaration à l'intention du Procureur ?
10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Non. Il a fait une déclaration.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était une déclaration destinée au
12 Procureur, c'est cela ?
13 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, c'est cela, au Procureur.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.
15 Mme VIDOVIC : [interprétation]
16 Q. Monsieur, est-ce que vous vous souvenez avoir dit que Haris Jusic avait
17 pris des déclarations de la part de villageois croates du village de
18 Maline; vous vous en souvenez ?
19 R. Oui.
20 Q. C'est exact, n'est-ce pas ?
21 R. Oui. Je ne sais pas ce qui est advenu des déclarations par la suite.
22 Q. Alors n'allons pas trop vite en besogne, je vous prie. Vous avez
23 également dit qu'à l'époque les Croates n'étaient pas disposés à parler des
24 événements.
25 R. Oui, c'est exact.
26 Q. N'allez pas trop vite, Monsieur, car il ne faut pas que cela soit trop
27 vite pour le compte rendu d'audience. Mais est-il exact qu'ils avaient peur
28 et qu'ils ne parlaient pas beaucoup de ces événements ?
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1 R. Oui, c'est vrai.
2 Q. Voilà ce que j'aimerais suggérer. La police militaire du bataillon de
3 la 306e Brigade qui a participé à ces événements a donné des déclarations,
4 elle. Est-ce que vous acceptez cette idée ?
5 R. A quel événement faites-vous référence ?
6 Q. A ce qui s'est passé dans le village de Maline le 8 juin.
7 R. Vous nous dites que la police militaire y a participé ?
8 Q. Non. Vous allez beaucoup trop vite. Je ne vous dis pas que la police
9 militaire a participé à ces événements. Ce que je vous dis est comme suit.
10 Si je devais vous dire que des membres de la 306e Brigade qui ont escorté
11 ces personnes à Mehurici ont fait des déclarations, est-ce que cela est
12 exact ? Est-ce que vous le savez d'abord ?
13 R. Je ne sais rien à propos de déclarations qui auraient été faites
14 fournies par eux.
15 Q. Il se peut que vous n'ayez pas vous-même connaissance de ces
16 déclarations. Mais est-ce que c'est une possibilité que vous pourriez
17 envisager ?
18 R. La possibilité qu'ils aient fait des déclarations ?
19 Q. Qu'ils aient fait des déclarations à l'intention de Haris Husic ?
20 R. Oui, c'est possible.
21 Q. Et serait-il possible que vous n'en sachiez rien ?
22 R. Oui, en tout cas, c'est tout à fait exact que je n'en sais rien.
23 Q. Mais est-il exact que le 8 juin et pendant une période qui a suivi
24 cette date, M. Esad Sipic était le commandant de la brigade; vous l'avez
25 dit, cela ?
26 R. Oui. Esad Sipic était le commandant à l'époque.
27 Q. Convenez-vous avec moi qu'en octobre 1993, il n'était plus le
28 commandant, mais qu'il a été remplacé par Vezir Jusufspahic ?
Page 1148
1 R. Oui, c'est exact, quoique je ne connaisse pas la date exacte de ce
2 remplacement.
3 Q. Bien. Vous savez, n'est-ce pas, qu'à partir du mois de juin jusqu'au
4 mois d'octobre 1993, le commandant adjoint du 3e Corps, Dzemal Merdan, est
5 venu dans cette région ?
6 R. Oui, bien que je ne l'aie pas rencontré moi-même. Je ne l'ai pas reçu
7 moi-même, mais je sais qu'il est venu, effectivement.
8 Q. Bien. Est-ce que vous savez qu'il est venu accompagné de représentants
9 de la communauté internationale ?
10 R. Je sais qu'il y avait des étrangers, mais je ne sais pas à quelle
11 organisation ils appartenaient. D'ailleurs, j'ai répondu exactement la même
12 chose à votre confrère.
13 Q. J'aimerais revenir sur le document -- pour ne pas trop perdre de temps,
14 Madame, Messieurs les Juges, il s'agit de la pièce 140. Il s'agit d'un
15 rapport que vous avez envoyé à propos des événements, et vous avez confirmé
16 que vous aviez signé ce document. Vous nous dites que vous aviez reçu des
17 consignes de M. Delalic.
18 R. Oui, c'est exact.
19 Q. Si je vous disais que ces consignes faisaient référence au fait que les
20 membres de l'ABiH n'avaient pas commis de massacre, est-ce exact ?
21 R. Oui, c'est tout à fait cela. C'est justement ce que j'ai essayé
22 d'expliquer lorsque votre confrère m'a posé des questions à propos de ce
23 document. C'est exactement ce qui est indiqué dans ce document.
24 Mme VIDOVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je souhaiterais
25 que le témoin puisse consulter un document qui apparemment --
26 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, avant cet après-midi, si je ne
27 me trompe pas, vous nous aviez dit que le document que vous avez signé,
28 vous l'avez écrit sur instruction précise de votre supérieur. Maintenant --
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1 j'avais compris, peut-être je me trompe, que c'était le rapport que votre
2 supérieur donnait des faits. Maintenant, vous nous dites que c'était
3 précisément là les faits sur lesquels ce document relate, et donc, que
4 précisément cela signifie qu'il n'y a pas eu de massacre par les membres de
5 l'armée bosniaque.
6 Donc, vous confirmez cette affirmation de maintenant ? Seulement pour me
7 clarifier votre pensée à propos de ce document, parce que j'avais compris
8 une autre chose. Merci.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] A propos de ce document, je dirais qu'il
10 s'agit du fait que les membres de l'armée n'ont pas commis ce massacre,
11 c'est ce à quoi je pensais.
12 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement ainsi que j'ai répondu
14 lorsqu'on m'a posé la première question.
15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'aimerais savoir où est-ce qu'il est
16 écrit dans ce document précisément que les membres de l'"armija" n'ont pas
17 commis ce massacre ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Une référence a été faite à l'"armija", parce
19 que ce rapport était un rapport de suivi à la suite d'une question
20 précédente.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un petit moment, Monsieur,
22 l'Accusation vous avait posé une question, et vous avez demandé si, d'après
23 ce document, il est établi que des membres de "l'armija" n'ont pas commis
24 de crimes, n'ont pas tué de personnes, et vous avez dit c'est exactement ce
25 que j'ai essayé d'expliquer un peu plus tôt. C'est exactement ce qui est
26 écrit dans le document. Alors, j'essaie de retrouver la ligne. Lorsque je
27 l'aurais trouvée, je vous indiquerais quelle est cette ligne.
28 La question que j'aimerais vous poser, c'est ce qui suit : Où est-il
Page 1150
1 écrit dans les documents que les membres de "l'armija" n'ont pas commis des
2 massacres ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela n'est pas indiqué dans le document.
4 Toutefois, ce qui était entendu par les documents, c'était les membres de
5 "l'armija", parce que notre contrôle, c'était un contrôle que nous avions
6 sur "l'armija" et sur personne d'autre. C'est ce qui est indiqué de façon
7 implicite dans le document.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne sais pas où vous voyez que cela
9 est écrit de façon implicite. Est-ce que vous pourriez me citer une phrase
10 ou un paragraphe de la lettre qui vous donne cette impression, Monsieur ?
11 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous m'autorisez.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui.
13 Mme VIDOVIC : [interprétation] J'ai retrouvé la question. Il s'agit de la
14 page 87, ligne 21. Je parlais des consignes données par M. Delalic, et il
15 s'agissait de consignes données à propos de membres de "l'armija". C'est ce
16 que j'ai posé comme question au témoin. Je n'ai jamais mentionné le
17 document.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un petit moment. Un petit moment,
19 Maître. Vous nous parlez de la page 87. Alors, je sais qu'il y a deux
20 versions, mais à la ligne 24, voilà ce que je vois :
21 "Q. Si je vous disais que ces consignes faisaient essentiellement
22 référence au fait que les membres de l'ABiH n'ont pas commis de massacres,
23 est-ce exact, ou ai-je raison de le dire ?"
24 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais ça, c'est après que vous lui
26 avez demandé, vous lui avez dit :
27 "Q. Pour ne pas trop perdre de temps, Monsieur le Président, il
28 s'agit d'un rapport succinct que vous avez envoyé après l'événement, et
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1 vous avez confirmé que vous avez signé le document. Vous dites que vous
2 aviez reçu des consignes de la part de M. Delalic; est-ce exact ?"
3 "R. Oui, c'est exact."
4 "Q. Et si je devais vous dire que ces consignes font essentiellement
5 référence au fait que les membres de l'ABiH n'ont pas commis de massacres,
6 ai-je raison de le dire ? Suis-je en droit de le dire ?"
7 Je ne comprends pas cette question, Maître. Ce témoin nous a dit qu'il
8 avait reçu une des consignes afin de rédiger ce rapport de la façon dont il
9 est rédigé. Il nous a dit que ce qu'il avait rédigé, cela correspondait aux
10 consignes reçues de Delalic. Il y a eu des consignes suivant lesquelles il
11 devait écrire ceci. Comment est-ce que l'on peut interpréter cela comme
12 étant une référence au fait que les membres de l'ABiH n'ont pas commis un
13 massacre, c'est ce que je ne comprends pas. Je ne le comprends pas. Peut-
14 être que je suis un peu lent à la détente, mais j'aimerais quand même que
15 vous m'aidiez en la matière.
16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président --
17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est une question que je posais au
18 témoin, Maître.
19 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président, mais je
20 voulais que quelque chose soit bien clair pour le compte rendu d'audience.
21 Il se peut que j'aie des connaissances beaucoup plus générales et beaucoup
22 plus importantes, et j'ai le droit de poser ce genre de question au témoin.
23 C'est pour cela que je lui ai demandé s'il avait reçu des consignes à
24 propos de l'ABiH, et vous pouvez m'autoriser à poser ces questions et à
25 avoir une connaissance un peu plus profonde de la question.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître, je ne conteste absolument pas
27 le fait que vous pouvez avoir des connaissances plus profondes, mais ce que
28 je dois comprendre, ce que nous devons comprendre, c'est ce qui se passe.
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1 Lorsqu'un témoin nous donne une réponse qui n'est pas véritablement
2 évidente d'après le document, je lui demande de nous fournir des
3 explications. Je ne suis pas en train de remettre en question la question
4 que vous avez posée. Vous lui avez posé une question, mais il faudrait en
5 fait -- vous lui avez demandé de nous parler des consignes et du fait que
6 les consignes faisaient essentiellement référence au fait que les membres
7 de l'ABiH n'avaient pas commis de massacres. Alors, il doit indiquer à la
8 Chambre où il a obtenu ces renseignements dans ce document, et ensuite vous
9 pouvez poser vos questions d'après vos connaissances beaucoup plus
10 approfondies, mais avant que vous ne posiez ces questions, laissez-nous la
11 possibilité de comprendre.
12 Monsieur, d'après ce document que vous avez rédigé en fonction des
13 consignes qui vous ont été données, où est-ce que vous trouvez dans le
14 document le fait que les membres de l'ABiH n'ont pas commis de massacre ?
15 Où est-ce cela se trouve ? Donnez-moi une référence précise, une référence
16 exacte à un passage, un extrait du document en question.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai reçu des consignes de Delalic, comme je
18 vous l'ai déjà dit. Vous avez ce texte, et ce qui est entendu là, c'est que
19 l'armée n'a pas commis de massacre.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais où est-ce que cela est écrit dans
21 le document, le fait que "l'armija" n'a pas commis de massacre ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela n'est pas écrit dans le document, mais le
23 document a été rédigé en ce sens.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais comment le savez-vous, Monsieur,
25 parce que vous, vous avez dit que vous êtes contenté de rédiger ce qu'on
26 vous a demandé de rédiger. Alors comment vous le savez, cela ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous ne répondez pas à ma
Page 1153
1 question. Je vous demande comment vous le savez, ce fait, parce que d'après
2 votre témoignage, vous avez rédigé dans ce document ce qu'on vous a demandé
3 d'écrire dans ledit document. Donc, comment est-ce que vous pouvez
4 commencer à -- comment est-ce que vous pouvez voir plus que ce qui est
5 écrit dans le document ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais là je crois, Monsieur le Président,
7 que je n'ai pas compris votre question.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Parce que vous avez répondu avant que
9 je termine ma question. Ma question, elle est comme suit : Comment est-ce
10 que vous savez, si cela ne vous a pas été communiqué, si cela ne se trouve
11 pas dans le document, comment est-ce que vous le savez, ce fait ? En plus,
12 vous nous avez dit que ce document est le fruit des consignes très, très
13 strictes et précises que vous a donné Delalic.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais vraiment pas comment répondre à
15 votre question.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous ne savez pas comment répondre à
17 ma question. Si vous saviez répondre, vous nous le diriez peut-être.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous fournir de plus amples
19 renseignements. Les mots "ABiH" ne se trouvent pas dans le texte, mais
20 c'est un document qui au départ émanait de l'ABiH, et je suis d'avis que le
21 texte fait référence à l'ABiH, même si ces mots ne se trouvent pas dans le
22 texte.
23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ecoutez, Monsieur, ce document indique
24 de façon très claire que lors d'une bataille avec des unités du HVO dans
25 les villages de Maline, et de Bikosi et de Postinje, le HVO a essuyé des
26 pertes en hommes et en matériel. A partir de cela, est-ce que vous pouvez
27 en conclure que l'ABiH n'a pas participé aux combats ? Vous pouvez le dire,
28 cela ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] On ne voit pas dans ce texte, mais le simple
2 fait d'avoir écrit --
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, non. Ecoutez. Je ne comprends pas
4 ce que vous voulez dire par le fait que "le simple fait que le document ait
5 été écrit montre que l'ABiH n'a pas été impliquée," parce qu'au paragraphe
6 suivant, on lit, je cite :
7 "Dans le secteur susmentionné, 20 cadavres [comme interprété] ont été
8 ramassés entre les 10 et 12 [comme interprété] juin 1993. Les cadavres
9 n'ont pas pu être identifiés, car aucun document d'identité n'a été
10 retrouvé sur les corps, qui étaient tous revêtus d'un uniforme. Les
11 cadavres ont tous été brûlés à l'endroit appelé Pjescara, entre Maline et
12 Bikosi. Nous répétons que tous ces individus sont morts aux combats."
13 D'où tirez-vous l'impression en lisant cela que l'ABiH n'était pas
14 impliquée ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] A mon avis, la conclusion est tout à fait
16 claire, l'armija, l'ABiH n'a pas fait cela. Selon ce que savait Delalic, il
17 savait que des cadavres avaient été ramassés par les gens présents. Quant à
18 ceux qu'il y avait là, je n'en sais rien, je n'étais pas là.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pouvez-vous laisser les Juges de la
20 Chambre tirer leurs propres conclusions, Monsieur. Mais, nous, nous ne
21 savons pas comment vous parvenez à la conclusion que vous avez citée ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, je ne saurais vous le dire.
23 Tout à l'heure, j'ai dit que tout ceci concernait un rapport de l'ABiH et
24 que c'est mon supérieur qui m'a dit que cet acte n'avait pas été commis par
25 des membres de l'ABiH, mais pour le reste, je ne peux rien dire de plus.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ça c'est nouveau dans votre
27 déposition, c'est un élément nouveau, quelque chose que vous n'avez encore
28 jamais dit et qui n'est pas écrit dans cette lettre. Vous n'avez pas écrit
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1 dans ce document que votre supérieur vous avait dit que l'ABiH n'était pas
2 impliquée. Dans ce cas-là, la question qu'on est en droit de se poser est :
3 pourquoi n'avez-vous pas écrit cela noir sur blanc, si c'est ce qu'on vous
4 a demandé d'écrire ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai discuté avec lui et j'ai écrit ce qu'il
6 m'a dit précisément d'écrire. Il m'a dit d'écrire ce qui est écrit.
7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement, et de ne rien ajouter
8 d'autre que ce qui est écrit dans ce document, n'est-ce pas ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.
10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors pourquoi est-ce que maintenant
11 vous avez ajouté des choses qu'il ne vous a pas dit d'écrire ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ce ne sont pas des membres de
13 l'ABiH qui ont fait cela, à partir d'éléments antérieurs --
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais vous dire une chose. Ce que
15 nous vous demandons de faire ici, c'est de parler de faits en vous fondant
16 sur ce que vous savez, mais pas de nous donner votre avis. Ne donnez pas
17 votre avis personnel tant qu'on ne vous le demande pas, je vous prie.
18 Eventuellement, dans certaines circonstances, il vous sera demandé.
19 Vous pouvez procéder, Maître Vidovic.
20 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis en droit de
21 soumettre au témoin une supposition de ma part. D'ailleurs, le Règlement au
22 titre de l'article 90 (H) m'autorise à donner au témoin une information au
23 sujet de ma façon de voir les choses. Je crois que le témoin a aussi le
24 droit de répondre lorsque je lui soumets ma façon de voir les choses,
25 Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi, ce n'est pas
27 vous qui aurez le dernier mot. Je vous ai dit que vous étiez en droit de le
28 faire. Mais nous, Juges de la Chambre, nous avons le devoir de comprendre
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1 le témoin quand il répond à votre question. Si nous ne comprenons pas, nous
2 devons faire en sorte de comprendre.
3 D'accord ? Vous pouvez procéder et poser votre question, Maître.
4 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur le Témoin, je vous prie, vous avez examiné aujourd'hui un
6 document.
7 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je parle de la pièce 134 que j'aimerais voir
8 soumise une nouvelle fois au témoin.
9 Q. Monsieur le Témoin, je vous prierais de vous pencher sur ce document du
10 14 mai 1993 émanant de la 306e Brigade que le Procureur vous a déjà soumis.
11 Est-ce que vous voyez ce passage qui se lit comme suit : "Le 1er Bataillon
12 de Montagne a des effectifs équivalents à une compagnie de Montagne, fait
13 partie de la réserve et correspond à une section renforcée de la 7e Brigade
14 musulmane."
15 Alors voici ma question : il est vrai n'est-ce pas, Monsieur le Témoin, que
16 dans ce secteur la 7e Brigade musulmane ne possédait aucune unité
17 organisée, mais que dans le village de Kljaci se trouvait un certain nombre
18 de membres de cette brigade qui se trouvaient là au poste de contrôle en
19 raison des combats, n'est-ce pas ?
20 R. Je sais qu'elle n'était pas positionnée dans le secteur. Je ne sais pas
21 s'il y avait des membres de cette brigade à Kljaci. Je ne saurais vous dire
22 cela. Je ne saurais vous dire s'il y avait des membres de cette brigade à
23 cet endroit.
24 Q. En d'autres termes, vous ne savez pas que la 7e Brigade musulmane était
25 présente dans le secteur ?
26 R. Non, je ne sais pas cela.
27 Mme VIDOVIC : [interprétation] Nous n'aurons plus besoin de cette pièce à
28 conviction, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. La pièce peut être
2 retirée.
3 Mme VIDOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette maintenant au
4 témoin la pièce 90.
5 Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous, je vous prie, jeter un nouveau coup
6 d'œil à ce document. Ce document date du 28 mai 1993. Il est intitulé "Note
7 de service au sujet du décès de Brkic Akifa Sakib." Connaissez-vous cette
8 personne ?
9 R. La personne décédée ?
10 Q. Oui.
11 R. Oui.
12 Q. Est-il vrai que cette personne ne faisait pas partie de la 306e Brigade
13 ?
14 R. En effet, puisque c'était un mineur d'âge.
15 Q. Merci beaucoup.
16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres
17 questions pour ce témoin.
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Vidovic.
19 Des questions supplémentaires du côté de l'Accusation ?
20 M. NEUNER : [interprétation] Quelques-unes, Monsieur le Président.
21 Nouvel interrogatoire par M. Neuner :
22 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, combien de soldats comptait la
23 306e Brigade en 1993, disons pour être plus précis, en juin 1993 ?
24 R. Des membres de la Brigade ?
25 Q. Oui.
26 R. Je ne saurais vous le dire exactement, mais le chiffre tournait au tour
27 de 1 500, 1 700, 1 600 à peu près, mais je ne saurais vous donner le
28 chiffre exact car je n'avais rien à faire avec les services chargés du
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1 personnel.
2 Q. Dans votre déposition aujourd'hui, vous avez dit avoir vu à plusieurs
3 reprises des Moudjahidines. Combien d'hommes comptait le groupe le plus
4 important de Moudjahidines que vous auriez vu en 1992 dans la vallée de la
5 Bila ? Je parle de Moudjahidines de la région ou de Moudjahidines
6 étrangers.
7 R. Des étrangers, il y en avait entre 50 et 100. Des gens de chez-nous, il
8 y en avait peut-être au maximum 50. Je ne connais pas le nombre exact, mais
9 c'était à peu près cela. Car bien sûr, je ne les ai pas comptés moi-même.
10 Q. A quel endroit à peu près est-ce que vous pouviez voir ces personnes ?
11 R. Dans les premières heures de la matinée, ces hommes s'entraînaient. Ils
12 couraient, ils allaient vers Gluha Bukovica en étant partis de Mehurici.
13 Ils allaient donc vers Gluha Bukovica et d'autres villages. Ils couraient
14 sur la route goudronnée pour se maintenir en forme, je suppose. C'est là
15 qu'on les voyait.
16 M. NEUNER : [interprétation] J'aimerais que l'on soumette au témoin la
17 pièce 92. La page qui m'intéresse, c'est la page 6 de ce document dont le
18 numéro ERN, je l'indique à M. le Greffier, est 0471-7268.
19 Q. C'est une photographie. Est-ce que vous avez déjà vu la personne
20 représentée sur cette photographie ?
21 R. C'est possible, mais affirmer avec certitude que je sais de qui il
22 s'agit --
23 L'INTERPRÈTE : L'interprète note que la phrase n'est pas terminée.
24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Vidovic.
25 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas
26 comment les deux dernières questions du Procureur peuvent entrer dans le
27 champ du contre-interrogatoire que j'ai mené.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis entièrement d'accord avec
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1 vous.
2 Monsieur Neuner, est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous posez ces
3 questions ?
4 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai montré la même
5 photographie hier au témoin, et il a répondu à ce moment-là qu'il avait vu
6 un groupe de Moudjahidines en train de faire du sport. Hier, j'ai obtenu
7 d'autres renseignements en montrant la photographie de cet homme. Je
8 voulais simplement poser une question de suivi par rapport à la question
9 relative au nombre d'hommes qu'il avait vus.
10 Mais je suis d'accord avec ma collègue de la Défense et je suis tout
11 à fait prêt à passer à autre chose.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Objection retenue.
13 M. NEUNER : [interprétation]
14 Q. Combien d'hommes comptait le groupe le plus important de Moudjahidines
15 que vous avez pu voir en 1993 avant le mois de juin ?
16 R. Je ne saurais vous répondre parce qu'il y avait certains habitants de
17 la région parmi eux, je dirais que c'était une cinquantaine. Enfin leur
18 groupe comptait entre 50 et 100 hommes. C'est ce que je dirais en gros,
19 mais je ne saurais préciser davantage.
20 Q. Une groupe de 50 à 100 hommes en comptant les gens de la région et les
21 étrangers, c'est-à-dire au total, n'est-ce pas ?
22 R. Au total, à ce moment-là.
23 Q. D'un point de vue militaire, que pensez-vous qu'un groupe de 1 000
24 soldats peut faire face à un groupe de 50 à 100 soldats ?
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, vous êtes debout.
26 Mme VIDOVIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, même
27 fondement que tout à l'heure.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Désolé, Monsieur Neuner, mais depuis
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1 que vous avez commencé vos questions supplémentaires je n'ai rien entendu
2 qui découle du contre-interrogatoire. Je me dois de vous dire que je suis
3 d'accord avec Me Vidovic, à moins que vous ne nous prouviez le contraire, à
4 savoir que vous nous démontriez que vos questions découlent du contre-
5 interrogatoire.
6 M. NEUNER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
7 Juges, ma collègue de la Défense a posé ce que je mettrais entre guillemets
8 en parlant de questions du "troisième front" à ce témoin. J'essaie
9 simplement d'établir quel était le nombre de soldats qui se trouvaient d'un
10 côté, et quel était le nombre de soldats maximum que l'on pouvait trouver
11 dans ce qu'il est convenu d'appeler le troisième front ? C'est tout ce que
12 j'essaie de faire sur la base des questions précédemment posées par la
13 Défense.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que dans ce cas il vous faut
15 parler des fronts. Intéressez-vous d'abord aux fronts existants, et si vous
16 voulez parler du nombre de Moudjahidines dans ce cadre, faites-le de cette
17 façon. Mais votre collègue de la Défense n'a jamais posé la moindre
18 question au sujet des effectifs que constituaient les Moudjahidines en tant
19 que tels. Elle a évoqué des questions relatives au nombre de fronts qui se
20 trouvaient éventuellement face à l'armée des Musulmans de Bosnie dans
21 l'éventualité où les Moudjahidines auraient été attaqués. Et il a été
22 question de trois fronts. Mais vous devez resituer vos questions dans leur
23 contexte.
24 M. NEUNER : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, Monsieur le
25 Président. Ce que j'essayais de faire c'était de poser une question de
26 suivi succédant à la proposition de ma collègue de la Défense et je
27 m'efforçais d'établir un certain nombre de faits liés à sa proposition.
28 C'est tout ce que j'essayais de faire.
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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Partez de ce qui a été fait au cours
2 du contre-interrogatoire. Ensuite, la collègue de la Défense ne se lèvera
3 pas pour demander la parole.
4 M. NEUNER : [interprétation] J'ai posé un certain nombre de questions
5 relatives aux faits. Je pense que le témoin a répondu à mes questions et
6 l'Accusation n'a pas d'autres questions pour le moment à poser au témoin.
7 Monsieur le Président, Je vous remercie.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
9 Monsieur le Juge Harhoff.
10 Questions de la Cour :
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'aimerais vous
12 ramener à la pièce à conviction 140 car il y a encore quelque chose que je
13 ne comprends pas dans le sens donné à ce document. Je demanderais à M. le
14 Greffier de retrouver cette pièce et de l'afficher à nouveau sur les
15 écrans.
16 En attendant, j'aimerais vous poser une question portant sur l'objet
17 de ce document.
18 En le lisant, j'acquiers l'impression que les forces de l'ABiH étaient en
19 train de combattre les forces croates, et que, durant ces combats, 25
20 Croates ont été tués, que ces 25 hommes étaient tous des combattants, ce
21 que l'on peut déduire du fait qu'ils portaient tous un uniforme. Ceci est
22 encore confirmé par l'observation que l'on trouve à la fin du texte selon
23 laquelle tous ces individus sont morts au combat. Donc, à la lecture de ce
24 texte il est permis de penser que rien ne s'est mal passé, que la situation
25 évoquée dans ce document était tout à fait légitime, que 25 soldats,
26 membres de forces étrangères, ont été tués et que leurs cadavres ont
27 ensuite été ramassés.
28 Mais vous nous avez déclaré également que vous aviez reçu de Delalic
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1 l'ordre d'écrire cela dans ce texte, et vous nous avez dit très clairement
2 que des crimes avaient été commis. Je ne peux m'empêcher de penser que ce
3 document est une façon de masquer la vérité, c'est-à-dire que ce document a
4 été écrit dans le but délibéré de dissimuler la vérité. Vous connaissiez la
5 vérité puisqu'on vous avait dit que des crimes avaient été commis. Je peux
6 vous renvoyer au passage du compte rendu d'audience où votre propos a été
7 consigné.
8 Donc, vous saviez, je suppose, au moment où ce rapport a été écrit
9 que ce qu'il indique ne correspond pas à la vérité. Car la vérité c'était
10 que des crimes avaient été commis, et si je puis me permettre d'interpréter
11 votre réponse, dites-moi si je me trompe bien entendu, ces crimes ont été
12 commis par les Moudjahidines. Est-ce que ce que je viens de dire est une
13 hypothèse valable ? Je ne veux absolument pas vous souffler une quelconque
14 réponse. Je ne veux pas vous piéger, il faut que vous me disiez comment les
15 choses se sont passées.
16 Je vous vois hocher de la tête, donc je suppose que vous êtes
17 d'accord avec ce que je viens de dire. Ma question est la suivante :
18 pourquoi importait-il tellement de transmettre au 3e Corps d'armée un
19 message indiquant qu'aucun crime n'avait été commis ? Vous saviez que des
20 crimes avaient été commis par les Moudjahidines, éventuellement. Delalic le
21 savait. Mais dans ces conditions, pourquoi ne pas le dire ? Pourquoi était-
22 il si important de continuer à protéger les Moudjahidines ? Vous auriez pu
23 dire que les Moudjahidines ont participé aux combats au cours desquels 25
24 personnes ont été tuées, mais vous n'avez même pas dit cela. Vous avez dit
25 que c'était l'ABiH qui était engagée dans des combats et que durant ces
26 combats 25 Croates ont été tués.
27 Dites-moi, je vous prie, pourquoi dissimuler des choses de cette
28 façon, était-il si important, pourquoi ne pas dire la vérité ?
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1 R. Il n'y a pas eu dissimulation. On sait qu'il y a eu 25 cadavres. Selon
2 ce que savait Delalic, est-ce qu'il a envoyé d'autres rapports, ça je n'en
3 sais rien ? Mais c'est un fait que ce sont les Moudjahidines qui ont fait
4 cela. Il l'a déterminé après avoir interrogé y compris les hommes qui ont
5 amené ces personnes.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais pourquoi ne l'avez-vous
7 pas dit ?
8 R. J'ai dit cela en répondant aux questions de l'Accusation. Ces hommes
9 ont été enlevés, kidnappés.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, bien sûr. Néanmoins dans le
11 rapport que Delalic vous a ordonné d'écrire, on ne trouve nulle part dans
12 le texte la moindre mention du fait que ces crimes ont été commis par les
13 Moudjahidines.
14 R. Non, ce n'est pas écrit.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais pourquoi ? Pourquoi souhaitiez-
16 vous -- ou plutôt, pourquoi Delalic souhaitait-il donner l'impression au 3e
17 Corps d'armée qu'aucun crime n'avait été commis ?
18 R. On pensait, je le répète encore une fois à l'ABiH. On voulait dire que
19 l'ABiH n'avait pas commis cela.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais néanmoins, il semble que vous
21 prenez la responsabilité de ces 25 Croates qui ont été tués ? Ce sont des
22 hommes qui ont été tués par des membres de l'ABiH pendant les combats, et
23 les hommes tués étaient des combattants, donc tout cela était légal et
24 légitime sur le plan du droit; et pourtant vous continuez à me dire qu'il
25 s'agissait de crimes de guerre et que ces crimes ont été commis par les
26 Moudjahidines. Manifestement, là, il y a une contradiction, donc la
27 question que je vous pose est la suivante : quel était l'intérêt qu'avait
28 Delalic à transmettre un message erroné au 3e Corps d'armée ?
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1 R. Je ne saurais interpréter la façon de penser de Delalic. Peut-être que
2 dans le contexte du moment où ce texte a été écrit, après que les consignes
3 en question aient été données, peut-être que le but c'était d'empêcher
4 quiconque de penser que c'était des membres de l'ABiH qui auraient commis
5 quoi que ce soit, parce qu'à l'époque les Moudjahidines n'étaient pas sous
6 notre contrôle. Peut-être est-ce cela qu'il avait en tête, mais je ne
7 saurais vraiment expliquer ce qu'il avait en tête. Je n'en sais rien.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous n'en avez pas parlé avec lui ?
9 Je veux dire, il a dû y avoir pas mal de discussions de couloir au sujet du
10 camp dans ces journées-là ?
11 R. Oui, le sujet, c'était le camp.
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc la version correcte du texte
13 aurait dû indiquer que des membres des Moudjahidines avaient tué 25 Croates
14 et qu'un crime avait éventuellement été commis parce que toutes les
15 personnes tuées n'étaient pas des combattants, que toutes les personnes
16 tuées ne portaient pas un uniforme; ça, ça aurait été la vérité. Alors
17 pourquoi est-ce que Delalic n'a pas tout simplement dit cela ? Dans ce cas-
18 là, il n'aurait pas été tenu responsable, pas plus que la 306e Brigade.
19 R. Je ne sais pas ça. Je ne sais pas.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
21 Mme LE JUGE LATTANZI : Pour conclure sur cet aspect et pour que tout soit
22 clair, les 25 Croates auxquels on se réfère sur ce document signé par vous
23 où vous écrivez sur instructions précises de votre supérieur, Delalic, ces
24 25 Croates étaient, à votre connaissance, des civils ou des combattants ?
25 J'ai besoin de cette clarification définitive.
26 R. Je redis que ce n'est pas moi qui ai procédé aux interrogatoires, donc
27 je ne peux vous répondre, je ne sais pas s'ils portaient tous un uniforme
28 et, par conséquent, s'ils étaient tous membres du HVO ou pas.
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1 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc, vous avez écrit des choses, qu'au moins en
2 partie, vous saviez qui n'étaient pas vraies, qui étaient fausses ?
3 R. Non, parce que je ne me suis pas occupé des investigations ou des
4 interrogatoires à ce sujet, d'ailleurs je ne pouvais pas le faire, voyez-
5 vous.
6 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais vous avez dit -- vous avez à peine dit que
7 quand même vous ne saviez pas si tous avaient des uniformes ou non. Donc en
8 tout cas, vous avez écrit des choses qui en partie n'étaient pas vraies,
9 parce qu'ici vous dites que vous écrivez que tous avaient des uniformes.
10 En tout cas, sur ce point, j'ai maintenant plus de clarté qu'auparavant.
11 Maintenant, j'ai une autre question -- peut-être quelques autres -- je
12 m'excuse, quelques autres questions.
13 Vous ou, que vous sachiez, quelqu'un de vos supérieurs présents sur le
14 terrain, avez-vous relaté à des supérieurs de niveau élevé, tel que
15 l'accusé ou quelqu'un directement subordonné à l'accusé, de la présence de
16 militaires étrangers dans votre zone ? Est-ce que les autorités qui
17 n'étaient pas dans la zone, c'était vous qui étiez sur le terrain, c'est
18 vous qui les voyiez.
19 Donc, avez-vous relaté sur cette présence quand même pas aussi
20 normale, aussi selon votre témoignage ?
21 R. Les autorités hiérarchiques supérieures étaient informées de cela pour
22 autant que je le sache, les autorités supérieures savaient que ces
23 étrangers posaient des problèmes à l'intérieur du territoire.
24 Mme LE JUGE LATTANZI : Et donc -- et donc, vous nous avez aussi dit que
25 vous ne pouviez pas exercer votre pouvoir coercitif par coercition envers
26 ces combattants, et donc, aller prendre -- capturer les gens qui laissaient
27 les soldats de l'armée bosniaque, qui laissaient votre brigade pour
28 rejoindre ces - comme vous avez dit - Arabes, parce qu'ils étaient trop
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1 puissants, ce que j'ai compris. Vous n'aviez pas le pouvoir pour faire face
2 au pouvoir de ces gens.
3 Donc, je m'excuse, mais je dis cela un peu de certaines observations qui
4 ont été faites par la Chambre sur la dernière question posée par le
5 Procureur, que je trouve quand même fondée, de chercher à clarifier en quoi
6 consistait du point de vue du nombre, de la quantité, ce pouvoir de ces
7 combattants étrangers ?
8 R. Ce que je pense et ce que j'ai vu sur le terrain c'est que : ces hommes
9 qui se trouvaient là n'hésitaient à rien. Même si la possibilité existait,
10 ils essayaient de tuer un Musulman de Bosnie pour lui prendre ses armes. Il
11 y avait des tortures à cause des femmes, à cause de toutes sortes de
12 choses. C'est la raison pour laquelle personnes n'avait le courage d'entrer
13 dans un affrontement avec eux. Armés, ils l'étaient alors que chez nous
14 dans la brigade, il y avait beaucoup d'hommes qui étaient sur le front et
15 qui n'avaient pas d'armes.
16 Dans une tranchée, il y avait souvent trois hommes qui n'avaient qu'une
17 seule arme à se partager, et ça, c'était le problème.
18 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc, vous avez dit que les autorités supérieures
19 savaient -- connaissaient la présence de ces hommes, de ces combattants
20 étrangers dans votre zone. Et donc, vous aviez quand même l'impression que
21 cette présence était-elle autorisée par les autorités politiques et
22 militaires de votre pays ?
23 R. Je n'en avais pas la moindre idée personnellement. Je n'avais pas
24 l'impression qu'ils nous voulaient du bien parce que j'ai vu comment ils se
25 comportaient. Maintenant, les autorités de l'Etat, gouvernementales, ce
26 qu'elles pensaient, ça, je ne le sais pas.
27 Mme LE JUGE LATTANZI : Je ne vous demande pas ce qu'ils pensaient. Mais si
28 vous dites que vous aviez l'impression, vous saviez qu'ils connaissaient de
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1 cette présence, donc vous aviez le sentiment que quand même, il y avait une
2 autorisation implicite, explicite, que la présence était quand même une
3 présence légale, autorisée.
4 R. Etant donné qu'aucun ordre officiel ne concernait cela, non. Moi, mon
5 avis, c'était que ce n'était pas autorisé, que leur présence n'était pas
6 autorisée.
7 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc eux aussi ils savaient, mais selon vous, ils
8 n'avaient pas le pouvoir d'intervenir pour les chasser ou pour réglementer
9 leur conduite ?
10 R. Je ne sais pas comment vous expliquer cela. Encore aujourd'hui, je ne
11 sais pas dans quelles conditions, comment et d'où ils sont venus. Ça
12 vraiment, je ne me l'explique pas.
13 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Madame le Juge. Compte
15 tenu de l'heure tardive, l'audience va être suspendue et nos débats
16 reprendront demain, dans la même salle d'audience, salle numéro I, à 14
17 heures 15.
18 --- L'audience est levée à 19 heures 09 et reprendra le mardi 24
19 juillet 2007, à 14 heures 15.
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