Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 15 avril 2008

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je salue toutes les personnes

7 présentes dans ce prétoire et autour de celui-ci.

8 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,

10 bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-04-83-T, le Procureur contre Rasim

11 Delic.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

13 Commençons par la présentation de l'Accusation.

14 M. MUNDIS : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et Messieurs les Juges,

15 bonjour à mes collègues de l'Accusation, M. Delic et à toutes les personnes

16 autour du prétoire et dans ce prétoire. M. Wood, M. Mundis et Alma

17 Imamovic, notre commis à l'affaire.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

19 Et pour la Défense.

20 Mme VIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, bonjour à

21 mes collègues de l'Accusation, à toutes les personnes dans ce prétoire et

22 autour de celui. Vasvija Vidovic, Nicholas Robson au nom du général Delic

23 et nous avons comme assistante juridique, Lejla Gluhic.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Grand merci, Madame.

25 Bonjour, Monsieur. Je vais vous demander de vous lever et de prononcer la

26 déclaration solennelle.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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1 LE TÉMOIN: PAUL CORNISH [Assermenté]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur. Veuillez

4 vous asseoir.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce n'est pas Me Vidovic, mais ce sera

6 Me Robson ce matin.

7 Bonjour, Maître Robson.

8 M. ROBSON : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

9 Interrogatoire principal par M. Robson :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Cornish.

11 R. Bonjour.

12 Q. Je m'appelle Nicholas Robson et c'est avec mes collègues que nous

13 défendons les intérêts du général Rasim Delic.

14 Nous vous avons cité en tant qu'expert aujourd'hui pour discuter d'un

15 rapport que vous avez rédigé et qui porte comme titre, "Les compétences

16 générales : du chef, du commandement et de la direction dans la guerre

17 d'aujourd'hui."

18 Avant de nous pencher sur ce rapport, j'ai quelques questions préliminaires

19 que je voudrais aborder. La première chose que je voudrais dire est celle-

20 ci : nous parlons tous deux la même langue. Vous allez aujourd'hui répondre

21 à mes questions. Ce faisant, je vous demanderais de parler lentement, et si

22 c'est possible de faire une petite pause lorsque j'aurai posé la question,

23 ceci permettra aux interprètes d'interpréter correctement le propos et

24 d'avoir le temps de le faire.

25 Deuxième chose : je voudrais vérifier que vous avez un exemplaire de votre

26 rapport comme de votre curriculum vitae sous les yeux ?

27 R. Oui.

28 Q. Ce sont les deux seuls documents que vous avez ?

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1 R. Oui.

2 M. ROBSON : [interprétation] Si vous me le permettez, Madame et Messieurs

3 les Juges, est-ce que le témoin a le droit d'avoir ces documents ?

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pas de problème à mon avis.

5 M. MUNDIS : [interprétation] Pas non plus pour moi.

6 M. ROBSON : [interprétation]

7 Q. Quelques questions liminaires : où travaillez-vous aujourd'hui ?

8 R. A Chatham House qu'on connaît aussi sous le nom d'Institut royal des

9 relations internationales à Londres.

10 Q. Quel est votre emploi dans ce lieu ?

11 R. J'ai une chaire. Je suis professeur. L'intitulé complet est Pr

12 Carrington de la sécurité internationale. C'est le titre que je porte, et

13 j'ai pour mission d'être à la tête du programme de sécurité internationale

14 à Chatham House.

15 Q. Pourriez-vous en quelques mots nous expliquer ce qu'est Chatham House,

16 ce que fait cet institut ?

17 R. Ce ne sera pas bref, mais je vais quand même essayer.

18 Chatham House, à bien des égards, c'est le premier centre de

19 réflexion en matière d'affaires internationales dans le monde. Il a été

20 créé vers le milieu des années '20 à la suite de la Première Guerre

21 mondiale afin, au départ, de créer un lieu où les délégations diplomatiques

22 officielles pouvaient s'entretenir, et effectivement négocier ce qu'on

23 appelle aujourd'hui "hors ligne," donc en marge sans que ce soit officiel,

24 sans pour autant qu'on ait à afficher officiellement la position d'un

25 gouvernement.

26 De ce fait, nous avons ce que nous appelions la Règle de Chatham

27 House, ce qui est une autre façon de dire officieusement, sans que ce soit

28 consigné de façon officielle. C'est l'idée maîtresse à la base de Chatham

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1 House. Nous faisons beaucoup de recherches axées sur la politique, sur tous

2 les aspects des affaires, des relations internationales, et nous couvrons

3 le monde entier, toutes les grandes régions du monde. Nous avons aussi des

4 disciplines fonctionnelles, l'économie internationale, le droit

5 international, l'environnement et l'énergie, et aussi en ce qui me

6 concerne, je m'occupe de la sécurité internationale.

7 Q. Vous nous avez dit à la tête du programme de la sécurité

8 internationale. Quels sont les sujets que vous abordez dans le cadre de ces

9 fonctions ?

10 R. Pour le moment, nous sommes fort afférés à l'examen de questions en

11 rapport avec la prolifération et le contrôle des armements. Nous

12 développons des propositions de projet sur ce que j'appellerais la

13 prolifération à bas bruit de technologie chimique et nucléaire, de petites

14 armes, armes légères, ce qu'on appelle les armes de convention.

15 Nous travaillons beaucoup sur les questions liées au terrorisme, que

16 ce soit en Grande-Bretagne ou au niveau international. Comme c'est vrai

17 pour tous les centres de réflexion s'occupant de sécurité aujourd'hui, nous

18 travaillons sur les opérations en cours, surtout pour être précis, en

19 Afghanistan et en Irak. Je travaille aussi beaucoup sur l'OTAN, les

20 relations entre l'OTAN et l'Union européenne en ce qui concerne

21 l'utilisation des forces armées.

22 Q. Voici ce que j'aimerais maintenant faire, c'est simplement abordé votre

23 rapport.

24 M. ROBSON : [interprétation] Il s'agit du document de la Défense D 1034.

25 Peut-être, va-t-on pouvoir l'afficher.

26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Robson, Maître, j'ai

27 parcouru ce rapport et le curriculum vitae du témoin -- bonjour, Monsieur.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je voulais savoir si c'est surtout

2 une formation politique ou un bagage politique à ce témoin ou si c'est

3 plutôt un bagage juridique. Ce n'est pas très clair à la lecture du CV.

4 M. ROBSON : [interprétation] Je voulais le faire plus tard, mais je peux le

5 faire maintenant.

6 Q. Pourriez-vous répondre à la question de M. le Juge ? Est-ce que vous

7 avez surtout un bagage politique ou un bagage juridique ?

8 R. Surtout politique en très grande partie, pas juridique. Ma formation

9 juridique est pratiquement inexistante; même si j'ai suivi une formation

10 classique de bas niveau au niveau juridique militaire, parce que ceci

11 c'était nécessaire pour travailler en tant que procureur dans les tribunaux

12 militaires, mais ça c'est fait dans les années '80.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant. Et vous dites de bas

14 niveau, c'est à quel échelon ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bas.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais c'est combien ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais vraiment eu de formation

18 juridique, donc ce serait au niveau de la licence et c'était un cours très

19 bref qui permet à un officier qui a normalement le grade de capitaine de

20 présenter un dossier de poursuite étant, bien sûr, soutenu très

21 sérieusement par les services juridiques de l'armée, en l'occurrence de

22 l'armée britannique.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

24 M. ROBSON : [interprétation] Prenons d'abord la page 3, paragraphe 4. C'est

25 ce paragraphe qui m'intéresse.

26 Q. Ce document s'affiche à l'écran, mais n'hésitez pas à vous servir de

27 l'exemplaire que vous avez sous les yeux.

28 Dans le fond, l'ossature de votre rapport concerne trois couches d'activité

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1 : ce qu'on appellera le leadership, le commandement et la direction. Vous

2 dites que pour chacune de ces couches, chacune est indispensable pour qu'il

3 y ait succès militaire.

4 Sur quoi vous appuyez-vous pour dire qu'il faut chacune de ces trois

5 activités, donc chacune est indispensable au succès militaire ?

6 R. C'est simplement la façon dont je vois les choses. Je me base sur la

7 connaissance et l'expérience acquise en la matière, puisque j'ai été

8 militaire moi-même et j'ai subi une formation militaire, mais aussi en tant

9 que chercheur, qu'enseignant, professeur, professeur de ces sujets et

10 j'écris depuis quelque 25 ans des livres et rapports sur le sujet. Ce que

11 je veux dire, c'est de cette façon-là que je présenterais l'idée du

12 "commandement du général," par exemple, si je faisais un cours à des

13 étudiants à Cambridge, c'est comme ça que je présenterais les choses.

14 Q. Et ces activités, leadership, commandement et direction, est-ce que ce

15 sont des sujets que vous avez enseignés ?

16 R. Oui.

17 Q. Donc vous vous êtes penché sur ces sujets au cours de votre carrière ?

18 R. Oui.

19 Q. Pourriez-vous dire où vous avez donné cours et en quelles qualités vous

20 avez abordé ces questions ?

21 R. J'ai donné cours au King's College London, en tout cas au nom de ce

22 collège, le collège de Roi, le King's College qui a un accord de cours au

23 ministère de la Défense et c'est ce collège qui assure la présence des

24 enseignants au collège de l'armée pour les services inter services. Aussi

25 j'ai donné des cours de sécurité internationale à Cambridge. J'ai notamment

26 donné un cours sur les lois du conflit armé, droit international

27 humanitaire. Et la tradition de la justice quant à la guerre, je ne peux

28 pas me souvenir de tous les lieux où j'ai enseigné, mais j'ai aussi

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1 enseigné ici à l'Institution Clingendael à La Haye et à d'autres endroits

2 sur les mêmes sujets. Pour finir, pendant que j'étais au Foreign and

3 Commonwealth Office, j'ai fait des cours d'analyse de la politique sur ces

4 mêmes questions, commandement, direction, recours aux forces armées pour ce

5 qui est de ces questions de politique actuelle et contemporaine au début

6 des années 1990.

7 Q. Vous avez dit que King's College avait une présence au niveau de

8 l'enseignement, ce qu'on appelait en anglais le "Joint Staff College",

9 l'école de guerre supérieure. Qu'est-ce que c'est exactement ce collège ?

10 R. C'est là qu'on forme, qu'on enseigne pour assurer la transition de ce

11 qu'on appellera la formation d'officiers subalternes, si vous voulez, pour

12 la fin des années 1920 au début de la trentaine, puis on va au niveau

13 supérieur. C'est un filtre, une sélection pour être sûr que ceux qui vont

14 parvenir au niveau supérieur de commandement dans le système militaire

15 britannique, mais aussi étranger, ont les connaissances nécessaires pour le

16 faire car il y a beaucoup d'étrangers qui travaillent et qui se forment à

17 ce "Joint Staff College".

18 Q. Donc est-ce que c'est une institution qui assure la formation de

19 l'armée britannique ?

20 R. Oui, formation et enseignement, à tous égards, donc tous les aspects

21 des affaires internationales, politiques, et études stratégiques. Tout ceci

22 se fait sous contrat, le contractant étant le King's College de

23 l'Université de Londres qui assure le volet ce qu'on appelle académique ou

24 universitaire, s'intéressant surtout à la formation d'officiers

25 britanniques.

26 Quand on dit "joint", conjoint, ça veut dire que vers le milieu des

27 années 1990 au Royaume-Uni, et ceci s'est fait ailleurs dans beaucoup

28 d'autres pays où il y avait des forces armées assez petites, les trois

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1 écoles ont été fusionnées. Donc c'est ce qu'on appelle en jargon militaire

2 "joint," conjoint ou interarmées.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quels étaient ces trois collèges ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait le Collège naval royal qui est à

5 Greenwich, puis il y avait le Collège aérien à Bracknell, puis il y avait à

6 Camberley, l'armée de terre.

7 M. ROBSON : [interprétation]

8 Q. Prenons deux de ces activités, commandement et direction. Quelle

9 différence faites-vous entre le commandement et la direction ou contrôle ?

10 Les ordres et le suivi des ordres.

11 R. J'essaie de l'expliquer dans le corps du document de cette façon-ci :

12 le commandement, c'est la direction, la décision, alors que ce qu'on

13 appellera en anglais le contrôle, c'est la mise en œuvre des décisions, des

14 instructions données. Donc c'est la gestion si vous voulez de toute cette

15 entreprise pour le contrôle, c'est pour veiller à ce que les ordres donnés

16 par le supérieur, par le commandement, sont exécutés.

17 M. ROBSON : [interprétation] Je pense que nous pouvons maintenant passer à

18 la page 5, paragraphe 8 qui se trouve dans la rubrique consacrée au chef --

19 L'INTERPRÈTE : Ce qu'on appellera pour que ça soit plus facile: leadership.

20 Q. Vous avez une citation de Sir John Hackett, nous voyons la façon dont

21 il dit qu'un chef fait partie d'un ensemble collectif plus vaste.

22 Pourriez-vous nous expliciter ce type davantage, à savoir que le chef

23 militaire s'inscrit dans une entreprise, dans un geste collectif plus vaste

24 ?

25 R. Oui, ce que je veux dire tout simplement, en tout cas c'est une

26 expérience que j'en ai dans ma formation, dans mon analyse, c'est ainsi que

27 je débouche sur cette conclusion. Un chef ou une entreprise militaire

28 moderne, c'est quelque chose de très complexe. C'est vrai de toutes les

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1 entreprises militaires, ça peut être quelque chose de très dangereux, de

2 très périlleux. Dans ce contexte c'est encore peut-être plus vrai

3 aujourd'hui que dans toute l'histoire militaire. Il faut aujourd'hui que

4 l'activité soit un travail d'équipe.

5 Et John Hackett le dit clairement, il va au cœur du sujet. C'est pour

6 ça que je fais une assez longue citation de ce qu'il a écrit. Excusez-moi

7 que ce soit si long, mais je pense qu'il dit clairement ce qui compte, à

8 savoir qu'il faut une étroite collaboration, un travail d'équipe entre le

9 chef, le commandant et ceux qu'il dirige, qu'il commande. Ce n'est pas

10 tout, ce n'est pas de simplement diriger et de dire va faire ceci, c'est

11 quelque chose de beaucoup plus organique, de dynamique. C'est ça que

12 j'essaie de dire, et je pense que John Hackett le dit beaucoup mieux que

13 moi.

14 Q. Merci de cette réponse. Passons du chef militaire à la section

15 suivante que nous allons trouver à la page 7 de votre rapport, qui parle du

16 commandement militaire.

17 En haut de la page, dans le préambule vous dites que : "Le commandant

18 potentiel doit être reconnu en tant que tel et après avoir été reconnu, il

19 doit être formé pour pouvoir exécuter la tâche qui va lui incomber."

20 Paragraphe 12, à la toute dernière phrase, vous dites que : "Un

21 commandement militaire effectif ne doit pas se faire par hasard, par

22 accident, sans qu'il n'y ait auparavant une formation, une préparation

23 correcte."

24 Voici la question : quelle est l'importance qu'il faut donner à la

25 préparation d'un chef militaire ?

26 R. Je pense que c'est d'une importance énorme. Si je le dis c'est

27 pour deux raisons. Aucun soldat, aucun marin, aucun aviateur ne pourrait se

28 charger d'une telle mission sans avoir au préalable bénéficié d'une

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1 formation correcte, une formation la plus approfondie possible. Tout

2 simplement parce que l'idée c'est que ce chef militaire, on va lui demander

3 d'affronter beaucoup de dangers, de risques. Ceci étant, on va demander à

4 ce chef de faire ce que la plupart des êtres humains ne feraient pas.

5 Si vous avez quelqu'un qui vous tire dessus, notre instinct naturel

6 c'est de nous cacher, de nous mettre à l'abri ou de prendre la fuite. C'est

7 ce que nous sommes formés à faire. Il faut former un homme qui devient un

8 soldat à résister à cette tendance pour pouvoir exécuter plusieurs tâches,

9 affronter les périls et riposter, ça c'est le premier niveau. Où que ce

10 soit dans quelque organisation militaire que ce soit, on n'arrive à rien si

11 on n'est pas formé, et formé de la façon la plus approfondie possible pour

12 faire face à ce genre de circonstances.

13 En ce qui concerne le chef, le chef ou le commandant potentiel, à un

14 certain niveau, doit pouvoir convaincre les hommes qu'il va faire affronter

15 le danger, de les convaincre ces hommes, que vous êtes compétent, que vous

16 avez un bon jugement. Je le dis quelque part que vous êtes à la hauteur de

17 votre travail et que vous n'êtes pas pour ainsi dire, une espèce de

18 psychopathe. Il faut pouvoir le faire pour convaincre vos troupes.

19 Mais il y a une autre dimension, dimension qui est en rapport avec

20 les conflits, la guerre contemporaine, c'est qu'il y a un niveau de

21 technologie avancée, c'est "high tech", c'est très compliqué et ici je

22 pense surtout aux formes armées, à l'expérience militaire de l'Europe

23 occidentale, des Etats-Unis, mais on le voit dans le monde entier, les

24 forces militaires dans la mesure du possible et s'ils en ont le budget,

25 reprennent cette idée d'avoir une armée, une guerre très technologique.

26 Dans de telles circonstances, le commandant, quelque part, il doit

27 pouvoir apprendre à même vraiment tellement de capacités, capacités dont

28 n'aurait jamais eu besoin, auxquelles n'aurait jamais pensé un général il y

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1 a 100 ou 150 ans. Donc c'est un exercice de gestion considérable, mais

2 c'est aussi en plus le courage, la bonne personnalité, la confiance en soi,

3 toutes ces qualités, mais c'est encore plus compliqué, je dirais

4 aujourd'hui que ça n'a jamais été le cas de toute l'histoire du monde.

5 Q. Dans la hiérarchie d'une armée, à quel niveau un commandant doit-

6 il bénéficier d'une formation; à tous les niveaux ou est-ce qu'il y a des

7 niveaux plus importants que les autres ?

8 R. Je dirais que dès le début, dès la première étape c'est très important.

9 En effet, si vous rejoignez des forces armées à un échelon très bas, disons

10 en tant que simple fantassin, une fois que vous avez acquis cette formation

11 élémentaire, l'organisation militaire va essayer de voir si vous pouvez

12 passer à l'échelon supérieur, car cette organisation militaire veut non

13 seulement confirmer que vous êtes à la hauteur des tâches primaires, mais

14 que vous pouvez aussi être un chef, conduire vos hommes à ce niveau-là

15 également. Dans toute organisation, à tous les niveaux que ce soit dans

16 l'armée de terre, de l'air ou dans la marine, dans tous les pays je dirais

17 aussi, il y a cette idée qu'il faut être soldat, mais pour ce qui fait un

18 soldat ce n'est simplement les actes qu'on exécute en tant que soldat,

19 actes élémentaires, c'est aussi la capacité d'acquérir peu à peu les

20 compétences d'un commandant.

21 Je pense que ceci devient très important parce que qu'est-ce que ça veut

22 dire, c'est qu'en théorie si une personne escalade les différents échelons

23 de la hiérarchie pour arriver au sommet, ça veut dire que cette personne en

24 franchissant ces échelons, lorsqu'il devient général de brigade, lui ou

25 elle aura vraiment acquis énormément d'expérience à chacun des échelons du

26 commandement. Donc c'est au fond comme ça que ça devrait se passer.

27 Q. Quelle est l'issue probable si un commandant n'a pas de formation

28 correcte ?

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1 R. Je suppose que l'histoire nous a montré des exemples, je n'y pense pas

2 comme ça maintenant, mais il y a eu des exemples où un commandant s'avère

3 être incapable d'être à la hauteur du niveau de commandement qu'on lui a

4 confié, qu'une fois, on appelle ça le "principe de Peter," où le niveau

5 d'incompétence qui est le vôtre, ne se révèle que lorsque vous êtes promu à

6 ce niveau de compétence ou d'incompétence. Donc là, cet officier qu'on dit

7 incompétent peut se trouver à la tête d'une tâche qui lui est trop

8 importante.

9 C'est difficile pour moi parce que normalement, d'après mon expérience,

10 c'est quelque chose qui ne devrait pas se passer. Cette personne devrait

11 avoir franchi tous les niveaux de formation à moins qu'il ne -- s'il avait

12 dormi pendant tout le temps, il devra avoir compris les idées principales,

13 donc il devrait avoir acquis certaines compétences. Mais je suppose que la

14 différence la plus importante c'est que, bien sûr, ça peut se passer, mais

15 s'il y a promotion, si une promotion doit se faire c'est parce qu'il y a eu

16 activités sur le terrain en combat. Et à ce moment-là, vous allez voir que

17 quelques fois, un officier très subalterne, ça peut être un lieutenant-

18 colonel qui n'a même pas la trentaine, quel que soit le service, il va être

19 promu à un niveau très élevé pour diriger une brigade, voire une division.

20 Etant en guerre, il n'aurait pas pu assister à des cours de formation

21 théorique au collège de guerre, mais dans de telles circonstances, c'est

22 parce qu'il a une prestation au combat remarquable, qu'il a acquis une

23 réputation et qu'il s'est donc ainsi qualifié et peut être promu.

24 Q. Restons sur le même sujet, vous avez expliqué qu'il peut y avoir des

25 soldats qui franchissent rapidement des échelons de la hiérarchie, mais

26 normalement, la promotion comment se fait-elle, comment va-t-on nommer un

27 homme à tel ou tel poste ?

28 R. Moi, je ne peux vous relater que ce que je connais de mon système, le

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1 système britannique, vous avez un ensemble d'individus qui vont franchir

2 différents échelons, il va y avoir un écrémage, plus on monte plus il y a

3 une sélection, puis aussi les gens vont prendre leur retraite, ceux qui

4 sont déjà au sommet ou alors il y a guerre et il y a mort et donc il y a

5 vacance de poste, poste qui va être pourvu par ou occupé par des

6 subalternes. Et à chaque niveau, on se demande qui est l'homme le plus

7 formé, le mieux qualifié, il y a toute une série de rapports qui sont

8 établis pour savoir, en fin de compte qui va bénéficier de cette promotion.

9 Ce que j'essaie de dire, c'est qu'en temps normal, en temps de paix, c'est

10 quelque chose qui ne se fait pas de façon arbitraire. Normalement, c'est le

11 résultat d'un processus très long, un processus qui s'est étalé sur de

12 nombreuses années, à partir d'un niveau très subalterne où vous avez des

13 officiers qu'on évalue pour voir s'ils se prêteraient à un commandement

14 supérieur. Est-ce que cet homme pourrait devenir lieutenant-colonel,

15 commander un bataillon ou pourrait aller même plus loin ?

16 Mme LE JUGE LATTANZI : Vous avez dit en temps de paix, il y a cette

17 procédure complexe; mais en temps de guerre, il y a des occasions où on

18 prend des décisions urgentes qui ne tiennent pas compte de toutes les

19 données pour nommer un commandant, dans votre pays parce que vous parliez

20 de votre pays.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans de telles circonstances, je dirais que la

22 promotion peut se faire comme suit : vous avez un officier supérieur, qui

23 demande une promotion pour un poste inférieur, aurait la possibilité de

24 nommer au sein de son commandement quelqu'un à ce niveau.

25 Donc si vous êtes général et vous avez besoin d'un nouveau général de

26 brigade sous vos ordres, vous allez regarder un peu plus bas pour trouver

27 quelqu'un au sein de la structure du commandement, personne dont vous

28 pensez, vu la prestation de cette personne au combat où cette personne est

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1 à même de faire ce travail.

2 Vous avez tout à fait raison parce qu'il n'est pas possible, il n'y a

3 pas de possibilité ou peu de possibilité de lire des rapports confidentiels

4 qui remontent à 20 et 25 ans. Dans une telle situation, il faudrait se

5 baser sur son propre jugement.

6 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, Monsieur.

7 M. ROBSON : [interprétation]

8 Q. Une question de suivi, dans une telle situation, quel est le processus

9 permettant de désigner un officier à un nouveau poste de commandement.

10 D'après votre expérience, comment est-ce que ça peut se passer ?

11 R. Excusez-moi, vous voulez dire en temps de paix ou en temps de conflit ?

12 Q. D'abord, en temps de paix.

13 R. On saurait par exemple, que telle ou telle désignation, nomination doit

14 avoir lieu dans deux ou trois ans, deux ans et demi et que les candidats

15 pour ce poste, on saurait qui ils sont parce que, bien sûr, ils sont tous

16 des hommes et des femmes ambitieux. Il y aura un certain nombre de

17 personnes qui souhaiteraient obtenir ce poste, et ils se seraient déjà

18 présentés pour ce poste ou on leur aurait dit qu'ils avaient été

19 sélectionnés. Donc il y aurait eu un processus de sélection qui aurait lieu

20 ou on pourrait savoir ça environ une année d'avance, ou peut-être,

21 quelqu'un se verrait dire qu'on pense à lui ou elle pour ce travail.

22 Q. Passant à la question suivante : en temps de guerre, quel processus est

23 suivi lorsqu'un commandant prend un nouveau poste, un nouveau rôle ?

24 R. L'idée c'est qu'on essaie de faire les choses de façon aussi détaillée

25 et aussi fouillée que possible. Je pense qu'en temps de conflit, c'est un

26 facteur qui limite le taux. Il faut imaginer qu'un commandant pourrait se

27 voir dire : "Vous allez prendre la suite parce que quelqu'un est blessé ou

28 pire encore, il va falloir que vous preniez le commandement immédiatement

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1 après cette personne." Donc la personne en question aurait à le faire, et

2 l'unité ou l'organisation qu'il prend, il faudrait qu'il soit formé et

3 entraîné à pouvoir accepter le poste en question.

4 Mais s'il y avait quelque possibilité de le faire "de façon

5 convenable," ça pourrait être de la manière suivante : le candidat ou le

6 nouveau commandant se verrait dire que ça doit être son futur poste. Il

7 aurait à ce moment-là ce qu'on appelle dans les cercles militaires une

8 période dans laquelle "on passe la suite."

9 C'est-à-dire qu'il pourrait rencontrer celui qui occupe le poste,

10 rencontrerait celui qui doit le suivre de façon à se familiariser avec la

11 nature du poste. Le nouveau commandant irait visiter le domaine dans lequel

12 il est responsable. Il irait voir ses subalternes, il fera des visites et

13 des briefings. Il regarderait essentiellement autant qu'il le pourrait pour

14 connaître son nouveau commandement avant ou juste avant le moment où il

15 prendra la suite, de façon à savoir exactement vers quoi il va.

16 Ce qui lui donnerait également une possibilité de faire connaître sa

17 -- et d'imposer son autorité dans la nouvelle structure de commandement.

18 Q. Combien de temps est-ce qu'un tel processus pourrait prendre lorsqu'un

19 nouveau commandant va imposer sa présence personnelle ?

20 R. Je dirais que ça pourrait prendre quelques minutes, dans des cas de

21 conflits urgents, ou plusieurs jours, parce que ceci, en particulier, si le

22 passage de suite se fait à un niveau très élevé, alors, à ce moment-là, il

23 est très clair qu'il faut évidemment comprendre et voir beaucoup plus de

24 choses, de sorte à ce que le nouveau commandant aura beaucoup de choses à

25 voir, beaucoup de visites à faire, beaucoup d'informations à prendre. Donc

26 ça peut prendre plusieurs jours, ça pourrait prendre une semaine. Comme je

27 l'ai décrit, ça c'est la façon dont il conviendrait de faire les choses.

28 C'est peut-être parfois un luxe, mais c'est comme ça qu'on essayerait de le

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1 faire.

2 Q. Passons à la page 9, paragraphe 17 de votre rapport, vous y parlez de

3 certains concepts, et la premier c'est l'unité de commandement.

4 Pourriez-vous nous expliquer ce qu'implique ce concept ?

5 R. Oui. C'est très simple, en fait. C'est l'idée selon laquelle il faut

6 qu'il n'y ait qu'une seule personne qui soit en fin de compte responsable,

7 une personne seulement qui prend les décisions, une personne seulement qui

8 est responsable de la prise de cette décision et, par conséquent, qui

9 décide des opérations quel que soit le niveau, à savoir quel niveau cette

10 opération doit avoir lieu.

11 S'il devait y avoir deux ou plusieurs personnes qui prennent des

12 décisions, je crois qu'à ce moment-là que ça pourra peut-être fonctionner

13 si ces décisions étaient identiques, s'ils prenaient les mêmes décisions.

14 Mais dans ce cas-là si elles étaient identiques, il serait superflu d'avoir

15 plus d'une personne qui s'en occupe, mais le véritable danger c'est que si

16 vous avez plus d'une personne qui exerce un commandement, à ce moment-là

17 vous pouvez vous trouver dans le cadre d'ordres conflictuels, d'ordres qui

18 entrent en conflit, et comme ce sont des ordres qui doivent être adressés à

19 des formations subordonnées, et si l'unité subordonnée, une formation, un

20 commandant reçoit deux ordres qui sont en conflit, qui se contredisent, à

21 ce moment-là, il ou elle doit vraiment n'avoir aucune idée quel ordre

22 exécuter. Donc il y aurait confusion. Donc il faut éviter cela à tout prix

23 dans un système militaire par cette idée d'unité de commandement. Napoléon

24 Bonaparte avait dit jadis qu'il valait mieux un mauvais général que deux

25 bons généraux.

26 Q. Pourriez-vous nous dire quel est le fondement de ce concept, de

27 cette notion, d'où est-ce que ça vient ?

28 R. C'est assez difficile d'en donner les sources, la genèse. Je ne suis

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1 pas sûr de pouvoir le faire, mais c'est l'une de ces notions qui est

2 vraiment considérée comme tellement fondamentale et tellement évidente pour

3 le système militaire que ça n'a plus vraiment une source très facile à

4 identifier du point de vue de la tactique ou du combat, le fait de lutter

5 contre l'ennemi. Je ne crois pas qu'il y a une source bien facile à

6 définir. Je crois que c'est très, très ancien, ça remonte à la nuit des

7 temps.

8 Q. Bien. Alors passant à cette autre notion : vous exposez la chaîne de

9 commandement. Pouvez-vous expliquer cela ?

10 R. Oui. D'après ma façon de comprendre les choses, l'unité du commandement

11 est quelque chose qui est plus conceptuel et idéal, tandis que la "chaîne

12 de commandement" c'était plus factuel, plus descriptif. C'est-à-dire que,

13 comme je crois l'avoir dit plus tôt, il est utile de penser, une pyramide,

14 un système de hiérarchie pyramidale dans lequel il y a un homme et une

15 femme tout en haut qui donne des ordres à trois ou quatre en dessous,

16 subalternes, et ceci se poursuit vers le bas, et quel que soit l'endroit où

17 vous vous trouvez dans la pyramide, il faut savoir qui vous est subordonné,

18 qui est votre subordonné, et à qui vous êtes vous-même subordonné, de façon

19 à ce qu'il puisse y avoir plusieurs chaînes de commandement dans le même

20 système et, en fin de compte, ceci remonte à une chaîne de commandement

21 essentiel.

22 Q. Abordons ce que vous venez d'évoquer. Au paragraphe 17, vous dites que

23 : "Les arrangements de la hiérarchie militaire sont explicites, il y a eu

24 comme une désignation faite d'avance." Comment ça se fait, en fait, dans

25 une armée ?

26 R. Je vais commencer par le haut. Au niveau d'un commandement de division,

27 disons la division numéro 1, on a sous son commandement trois brigades, la

28 brigade A, B et C; et chacune de ces brigades a sous son commandement trois

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1 bataillons, A1, A2 ou AB [comme interprété], et ainsi de suite. Donc, à

2 chaque niveau, à chaque commandant, à chaque unité, l'ensemble c'est où est

3 leur place dans le système, de sorte que le bataillon A3 sait qu'il fait

4 partie de la brigade A et de la division 1.

5 Là encore, dans mon expérience, je ne crois pas que ce soit spécial comme

6 expérience, c'est quelque chose qui est bien compris, en fait, une partie

7 très importante du système militaire de savoir exactement où on se trouve

8 dans l'ensemble de l'organigramme. Ceci est souvent utilisé pour créer des

9 sous-unités, pour avoir également la loyauté et une certaine fierté et

10 ainsi de suite. Donc vous trouvez, par exemple, le fait que les unités

11 d'une certaine brigade peuvent se considérer comme meilleures que les

12 unités d'une autre brigade pour aucune bonne raison que le fait qu'ils

13 appartiennent à la brigade en question. Donc il y a une idée de compétition

14 qui peut s'installer.

15 Q. Donc, vous dites que les unités savent exactement quelle est leur place

16 dans la structure en question. Dans votre rapport, vous dites que les

17 désignations d'un chef de commandement peuvent être modifiées au fur et à

18 mesure qu'une opération est en cours et progresse.

19 Pourriez-vous nous dire selon quel processus une unité sera

20 normalement désignée pour une autre partie de la chaîne de commandement que

21 celle qu'elle était à l'origine ?

22 R. Oui, comme ceci peut arriver parce que, bien entendu, aucun commandant

23 militaire ne dirait exactement comment ça peut se faire; il y a la personne

24 la plus ancienne et la plus gradée qui est responsable et qui a sous ses

25 ordres un très grand nombre de moyens et de ressources, et utilisera ces

26 ressources de façon à pouvoir accomplir sa tâche, empêcher la défaite, tout

27 ce que vous voulez. Et donc ce qu'il doit faire, c'est tenir compte des

28 ressources qu'il a et de les utiliser au mieux, d'après ce qu'il pense.

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1 Alors si le critère du point de vue hiérarchique, si l'arrangement

2 dont je parle, le système semble bien adapté à la tâche, en mesure

3 d'atteindre l'objectif, à ce moment-là le commandement va l'utiliser telle

4 qu'elle se présente.

5 Si, toutefois, il pense qu'il faut réagencer les choses de façon à

6 tenir compte de circonstances nouvelles, conditions nouvelles ou de défis

7 qui n'ont pas été prévus, des choses imprévues, à ce moment-là, il faut

8 qu'il fasse ces modifications, sans ça, ce serait un idiot, en

9 l'occurrence. Il faut qu'il redéploie ses forces, par exemple, si à un

10 moment donné dans la ligne de front, un bataillon, très loin dans la chaîne

11 de commandement fait l'objet de davantage de pression qu'un autre bataillon

12 qui est un peu plus loin ailleurs, il va falloir qu'il fasse faire un

13 mouvement de façon à pouvoir boucher la brèche, en quelque sorte.

14 La façon dont il le fera, ce sera en utilisant la chaîne de

15 commandement, mais pas en l'évitant. Par exemple, si c'est un commandement

16 de corps très ancien de niveau très élevé, il va dire au commandant de la

17 division numéro 1 : "J'ai besoin que vous prêtiez main-forte au commandant

18 de la division numéro 2," le commandant de la division numéro 1 dit :

19 "Bien." Il dit à un de ses commandant de brigade : "Il faut que vous me

20 fournissiez un bataillon que je peux maintenant passer au commandant de la

21 division numéro 2."

22 Donc tout le long de la chaîne de commandement, il est entendu que

23 c'est un ordre qui est de fournir des renforts à quelqu'un d'autre ailleurs

24 dans le système. Donc, en fait, on ne discute, c'est bien compris, c'est

25 une pratique militaire bien comprise, mais elle doit se faire comme il faut

26 et avec soins, avec prudence.

27 Q. A ce sujet, dans votre rapport, vous dites que les modifications dans

28 la chaîne de commandement ne sont entreprises qu'après avoir bien réfléchi

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1 à la question, bien planifié les choses.

2 Quelles sont les mesures qui seraient prises lorsque l'on modifierait

3 quelque chose dans la chaîne de commandement et lorsque l'on déplacerait

4 quelque chose ?

5 R. Ce serait un système où on répète, c'est-à-dire qu'un commandant très

6 haut dans la hiérarchie, recevant l'ordre ou la demande de prêter main-

7 forte, regarde à ce moment-là, voit ses commandant subordonnés, dit :

8 "Voilà ce que j'ai à faire, et j'ai besoin pour cela d'un bataillon," ou ce

9 que ça peut être. J'emploie un exemple limité. Mais disons, par exemple,

10 l'idée qu'il a besoin d'un bataillon et il va demander à ce moment-là à ses

11 divers commandants de brigade de fournir un bataillon. L'une des brigades

12 peut peut-être être épuisée par le combat. Une autre pourrait dire : "Nous

13 venons juste de recevoir des recrues très jeunes et peu expérimentées." Le

14 troisième peut dire : "En fait, nous venons juste de nous reposer, nous

15 sommes en forme, donc on peut y aller." Donc il fournit à ce moment-là.

16 Donc tout se fait, comme je l'ai dit, par répétition itérative.

17 C'est-à-dire qu'il y a un dialogue qui s'instaure et à un moment donné,

18 évidemment le bataillon va être fourni, mais c'est un dialogue aussi

19 responsable, aussi raisonnable que celui qu'on peut espérer dans des

20 circonstances de ce genre, et ce sera donc le bon bataillon qui sera

21 envoyé. En l'occurrence, le commandant s'il veut s'assurer que ce qu'il a

22 sous son commandement reste également en bonne forme, il veut être sûr de

23 pouvoir protéger ses propres forces, et que tout ceci peut se faire comme

24 il faut.

25 Q. Donc pour utiliser votre exemple, si le bataillon de la Brigade numéro

26 1 est déplacé pour se trouver à ce moment-là intégrée à une autre brigade,

27 qui va contrôler ce bataillon après la modification ?

28 R. Il n'y aurait absolument aucun doute, et il ne peut y avoir aucun doute

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1 quel qu'il soit, qu'il y a une modification du commandement. C'est

2 essentiel, et le commandement de bataillon le sait, il le saura qu'il

3 quitte une structure de commandement pour entrer dans une autre structure

4 de commandement. En fait, il ne peut pas y avoir de faille entre les deux,

5 les choses seront écrites du point de vue également du temps : à 7 heures,

6 à telle heure, le 15 avril, vous cessez d'être sous le commandement de la

7 brigade A et vous passez sous le commandement de la brigade B. C'est très

8 clair. D'une minute à l'autre, il y a cette transition immédiate de

9 commandement.

10 Si on n'avait pas cela, là encore il n'y aurait pas d'unité de

11 commandement parce que ce commandant de bataillon, à ce moment-là, se

12 trouverait dans une position de ne pas savoir de qui il va recevoir ses

13 ordres. Donc il faut qu'il ait ces renseignements. Donc il est essentiel

14 qu'une chaîne de commandement prenne fin lorsqu'une autre chaîne de

15 commandement se met en place.

16 Q. Donc au moment précis en question, le commandant de bataillon ne reçoit

17 plus d'instructions et ne rend plus compte, n'obéit plus au commandant A du

18 bataillon, mais reçoit ses ordres du commandant de la brigade B, et à ce

19 moment-là, se place sous ses ordres et lui rend compte, le commandant de la

20 brigade B ?

21 R. Oui, c'est fondamental de mon point de vue.

22 Q. Et pendant combien de temps est-ce que cette modification peut perdurer

23 ? Est-ce que c'est permanent, est-ce que c'est juste pour un temps ?

24 R. En fait c'est un peu ce qu'on veut. Ça peut être n'importe quoi, ça

25 peut être soit permanent. Le commandant suprême a le droit de réorganiser,

26 de redéployer ses propres forces comme il l'estime bon, mais pour assurer

27 la cohérence de l'ensemble de l'organisation, on s'attend ou on espère que

28 l'unité qui a été détachée y va pour quelques heures ou quelques jours et

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1 reviendra dans sa structure d'origine, de façon à pouvoir restaurer la

2 cohérence et la bonne adaptation.

3 M. ROBSON : [interprétation] Je voudrais juste corriger peut-être au compte

4 rendu, Monsieur le Président, à la page 21, ligne 16, on lit à propos de

5 commandant de bataillon : "qu'il ne reçoive plus d'instructions qui n'ont

6 pas à rendre compte 'au commandant de la brigade B'; mais qu'à ce moment-

7 là, il semblerait qu'il reçoit des instructions de la brigade B [comme

8 interprété]." Bien entendu. Il faudrait que le texte dise --

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Commandant A --

10 M. ROBSON : [interprétation] Oui, il recevra donc des instructions du

11 commandant de la brigade A.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puisque nous sommes en train de

13 discuter de ce point, maintenant que nous avons juste eu une petite pause

14 pour corriger le compte rendu.

15 Vous disiez, Monsieur le Témoin, qu'il faudrait qu'il y ait

16 discussion très soignée, très prudente, une planification très prudente.

17 Qui discute de ces modifications dans la structure du commandement ? Je

18 suis un peu dans la confusion parce que -- je suis un peu dans le doute

19 parce que je pensais que vous aviez dit qu'il ne devait y avoir qu'un seul

20 commandant, et maintenant vous nous dites qu'il y a délibération,

21 discussion. Qui discute de quoi ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai dit, il n'y a aucun doute qu'une

23 décision a été prise, par exemple qu'un bataillon doit être transféré d'un

24 secteur à un autre, ça va avoir lieu. La délibération a eu lieu à ce

25 moment-là ou la discussion entre le commandant et ses chefs de sections,

26 par exemple, de façon à ce que l'un puisse dire : "Je ne peux pas envoyer

27 mon bataillon parce que mes recrues ne sont pas formées ou sont épuisées."

28 Ou qu'il y ait un autre qui vient de revenir ou il faut savoir quel est

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1 celui qui peut fournir le bataillon.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, un commandant du corps donne

3 l'ordre à la brigade A en disant : "Je veux que vous cédiez un bataillon à

4 la brigade B." Le commandant de la brigade a le droit de lui répondre, et

5 de dire : "Excusez-moi, mais je ne peux pas vous donner mes hommes parce

6 que mes hommes sont fatigués. Ils viennent juste de revenir du combat."

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai dit, pour qu'il y ait ce

8 transfert d'un bataillon, par exemple, --

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je comprends.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire c'est qu'il y a échange

11 d'information de façon à savoir quelle est la solution qui convient le

12 mieux, mais il faut qu'il y ait une solution.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

14 M. ROBSON : [interprétation]

15 Q. Avec l'exemple que vous venez de nous donner, si un bataillon doit être

16 déplacé dans l'organigramme, dans la chaîne de commandement, à quel niveau

17 se prend la décision de déplacer ce bataillon ?

18 R. Ça c'est très difficile à dire. A l'évidence, il faut que ça se passe

19 au-delà et au-dessus du niveau de la brigade puisque nous parlons de fait

20 de prendre un bataillon qu'on enlève de la chaîne de commandement considéré

21 et, évidemment, ce commandant répond au quartier général. Donc il faut que

22 ça aille au-delà de la division ou au niveau de la division, par exemple,

23 au niveau du corps.

24 Donc ça peut se passer au niveau auquel le problème a été identifié, repéré

25 où un officier de très haut niveau est chargé de régler le problème. Et à

26 ce moment-là, la décision descend toute la chaîne de commandement jusqu'à

27 ce que la solution soit trouvée et que les moyens soient fournis.

28 Q. Bien. Pourriez-vous nous dire quel est vraisemblablement le résultat

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1 si, après les modifications de la chaîne de commandement, l'unité ne se met

2 pas sous les ordres ou ne rend pas compte au nouveau commandant, mais

3 continue d'agir comme si elle était sous le commandement antérieur ?

4 R. Je crois que j'irais jusqu'à dire que ça serait une sorte d'anathème du

5 point de vue militaire, parce que ce serait une violation de l'idée

6 fondamentale de base de l'unité du commandement et ceci saperait le système

7 de la chaîne de commandement. Donc je crois que ce serait le premier

8 problème très important.

9 Le deuxième problème étant plus pratique, ceci a à voir avec ce que les

10 militaires appellent la sécurité opérationnelle. C'est-à-dire que tout un

11 chacun dans ce système compliqué doit savoir ce que font les autres. Et

12 pour revenir à notre exemple, si vous êtes commandant de bataillon, vous

13 n'avez aucune idée de ce que fait le commandant du bataillon voisin ou même

14 qui est cette personne, de qui il reçoit ses ordres, à ce moment-là, il y a

15 un danger très grave qu'on puisse mal interpréter ses actions, qu'on puisse

16 voir que certains de ces hommes se trouvent à un endroit où vous pensez

17 qu'ils ne devraient pas être, vous pourriez supposer qu'il y a des forces

18 ennemies ou vous risquez de tirer dessus.

19 Donc, il faut donc qu'on se comprenne très clairement en ce qui concerne

20 les dispositifs à la position de forces et quelles sont les tâches et les

21 missions confiées.

22 Q. Pour passer maintenant à une question un peu différente dans la chaîne

23 de commandement et de l'unité du commandement.

24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Robson, ceci donc est un point

25 absolument essentiel. Est-ce que vous pourriez demander au témoin comment

26 le passage de l'information est assuré d'un bataillon, à ceux qui

27 combattent à côté, en quelque sorte.

28 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Juge, c'est une question que je

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1 vais faire examiner parce qu'il en est traité dans le rapport. Peut-être

2 que vous me permettrez d'y venir. Si vous avez des questions

3 supplémentaires à poser à ce moment-là, vous pourrez le faire.

4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Certainement.

5 M. ROBSON : [interprétation]

6 Q. Donc, en traitant de cette question d'unité de commandement et en

7 posant le problème de façon légèrement différente, lorsque nous avons une

8 situation dans laquelle une unité militaire qui comporte un certain nombre

9 de personnes qui se trouve sous un commandement, on ne sait pas vraiment

10 clairement qui est le commandant supérieur au niveau suivant et on ne sait

11 pas exactement qui a l'autorité, en fin de compte sur cette unité, quels

12 sont les problèmes qui vont probablement se poser, s'il en est, bien sûr ?

13 R. Je dirais que ça serait vraiment très improbable comme circonstance --

14 là encore, je crois, j'ai du mal à concevoir cela. Ça contredit tout ce que

15 je sais, tout de mon expérience et de ce que j'ai appris, mais s'il devait

16 y avoir des circonstances de ce genre où trois ou quatre personnes disant

17 qu'ils sont responsables, qui sont en charge, à ce moment-là, cette

18 organisation serait dans un dysfonctionnement presque total.

19 Si cela revient à mes premières remarques, dans un système militaire, plus

20 particulièrement dans un système militaire, à cause des dangers d'urgence,

21 et cetera, il faut qu'il y ait une seule décision qui est transmise par

22 certains moyens, de façon à permettre à l'organisation de fonctionner. Si

23 vous avez trois ou quatre décisions différentes, là encore, si c'est la

24 même décision, très bien, mais c'est superflu à ce moment-là. Mais si elles

25 sont des décisions différentes à ce moment-là, l'organisation, dirais-je,

26 ne peut pas fonctionner de façon efficace ou effective.

27 Parce que ce n'est pas simplement trois ou quatre personnes qui sont autour

28 d'une table pour discuter de la façon de faire le monde. Mais, en fait, ils

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1 commandent quelque chose, ils font fonctionner quelque chose. Ce n'est pas

2 nécessairement militaire, ça pourrait être une affaire, une société, mais

3 s'il y a des conflits d'idées, mais à ce moment-là, je ne vois pas comment

4 cette organisation pourrait être aussi directe, comme efficace, ou pourrait

5 être gérée de façon convenable.

6 Dans la mesure où le supérieur de l'organisation est considéré, alors

7 là encore, je crois qu'on va répéter la confusion, la confusion va se

8 répéter. Reprenons notre exemple du commandant de brigade qui ne sait pas à

9 qui il doit donner des ordres, recevoir des information, on verra à ce

10 moment-là une organisation qui, du point de vue militaire, ne

11 fonctionnerait pas, serait dans le dysfonctionnement et se dirait à ce

12 moment-là, "Mais comment est-ce que je peux faire confiance à cette

13 organisation, à cette structure. Comment puis-je lui confier une mission si

14 elle est organisée de la façon dont elle semble être organisée ?"

15 Q. Donc, il est important --

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi. Mais je voudrais

17 interrompre une question. Si vous regardez à la page 25, ligne 10, il

18 s'agit de personnes qui prétendent être commandant ou qui rendent le coup

19 monté, obéissent au commandant ? Il faudra peut-être faire une correction

20 au compte rendu.

21 M. ROBSON : [interprétation] Qui prétendent être commandants.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

23 M. ROBSON : [interprétation]

24 Q. Est-ce qu'il s'ensuit qu'il est important pour un commandant supérieur

25 de savoir qui commande les unités subordonnées ?

26 R. Oui. Je pense que c'est très important, parce qu'à mon avis, dans tout

27 ce que j'ai lu à ce sujet, il est dit que la relation personnelle de

28 commandement grandit entre un commandant et ses subordonnés et leurs

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1 subalternes, parce qu'ils doivent savoir que cette personne est capable de

2 subir des pressions d'un commandement, et ce qui est encore plus important,

3 ils doivent pouvoir faire confiance à ce commandant afin qu'ils puissent

4 réaliser ces missions, exécuter une mission confiée.

5 Q. Parlant toujours du commandement militaire, je vais passer maintenant à

6 un autre sujet, c'est page 10, paragraphe 21, ici, l'on parle des soldats

7 qui rejoignent les rangs d'une organisation militaire.

8 Et vous dites qu'en général, on ne peut pas revenir sur une décision de

9 rejoindre une organisation militaire.

10 Qu'est-ce que vous voulez nous dire ?

11 R. Cela se réfère, bien sûr, aux armes, forces de volontaires tout

12 d'abord, mais je ne dirai pas que cela se réfère à ce cas exclusivement. On

13 pourrait dire que lorsqu'on procède à la mobilisation, qu'il existe une

14 mobilisation obligatoire, je ne pourrais pas aller trop loin en disant tout

15 cela, mais on suppose qu'il y a un consensus de la part de ces soldats.

16 Mais ce que je veux dire, c'est que cette personne doit prendre la

17 décision de rejoindre les rangs d'une force armée, et une fois que sa

18 décision est prise, il est inconcevable que cette personne rejoigne quelque

19 chose qui ne pourra pas être changé, que cette décision ne peut pas être

20 changée le mois prochain, par la suite, et que cette personne puisse dire :

21 "Voilà, maintenant je vais changer mon avis et je vais prendre des

22 vacances." C'est un engagement très sérieux.

23 Et Lidell Hart, un stratagème britannique, dit que c'est une idée de

24 responsabilité illimitée. Si vous vous joignez à quelque chose, vous faites

25 un engagement sérieux pour un certain nombre d'années et vous ne pourrez

26 pas rompre votre engagement. Bien sûr, on signe toute sorte de contrats, et

27 nous pourrions changer notre avis et en fin de compte on peut décider de

28 partir. Mais dans une force armée vous pouvez le faire, mais c'est un

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1 processus qui prend beaucoup de temps, et cetera, et cetera. Et je dirais

2 qu'il est très rare que cela se passe en temps de guerre parce que

3 l'organisation ne marcherait pas.

4 Donc je me répète, une fois que cette personne rejoint les rangs

5 d'une organisation, cette organisation s'attend à ce que cette personne

6 reste dans ses rangs pendant la période convenue, de deux ans ou trois ans.

7 Q. Quel genre de problèmes pourrait avoir lieu si un soldat décide de

8 résilier le contrat et de quitter les rangs de l'armée ?

9 R. Je dirais que le problème serait le suivant : les jeunes hommes et

10 femmes seraient en situation de danger extrême, et dans une circonstance on

11 s'attendrait à ce qu'ils fassent quelque chose qui est paradoxal, et ça

12 veut dire rester dans cette situation de danger plutôt que de chercher

13 l'abri ou fuir cette situation de danger. Si vous avez un système militaire

14 qui accepte que si danger apparaît vous allez tout simplement fuir, dans ce

15 cas-là, vous ferez face constamment à une désertion constante, et

16 l'organisation ne fonctionnerait pas.

17 Ceci ne pourrait pas être toléré, c'est-à-dire que tout sera fait

18 pour que cela ne se produise pas. Et c'est pourquoi lors de l'entraînement,

19 on met un accent sur la loyauté de bas niveau entre les personnes, contre

20 les copains. Donc vous devez être loyal à votre bataillon, à vos camarades,

21 à votre uniforme, à votre drapeau. Donc il s'agit de loyauté tout à fait

22 pour que vous restiez en place au moment où tous vos instincts vous disent

23 qu'il faut partir. Parce que comme je vous le dis, parce que si vous

24 décidez de partir, et si le système le tolère d'une certaine manière,

25 l'organisation ne marcherait pas, s'effondrerait.

26 Q. Vous dites que le système s'effondrerait si les gens pouvaient partir.

27 Je vais vous poser une question un peu différente. Est-ce qu'il peut

28 y avoir des problèmes parce que les personnes peuvent rejoindre les rangs

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1 d'une armée sans signer un contrat ou sans passer par un système de

2 recrutement officiel ?

3 R. Tout simplement venir comme ça, se joindre ?

4 Q. Oui, lors d'un combat.

5 R. Je pense que cela poserait toute une sorte de problèmes différents. Si

6 vous êtes commandant d'un bataillon ou quelque chose d'équivalent, si vous

7 avez 500 ou 600 hommes sous votre commandement, et si un jour tout d'un

8 coup il y a 100 personnes qui sont arrivées et qui disent : Voilà, nous

9 voulons nous battre pour vous - je dois revenir maintenant sur ce que

10 Napoléon a dit, il a dit un mauvais général vaut mieux que deux bons

11 généraux - le commandant de bataillon il ne serait pas d'où viennent ces

12 gens, quel était leur entraînement et s'ils comprennent bien quelle est

13 leur mission, combien de temps vont-ils rester.

14 Et encore, ce qui est plus important, si vous ne savez pas d'où ils

15 viennent, qui ils sont, il pourrait y avoir un problème de sécurité

16 également. Est-ce que je peux leur faire confiance au sujet de tout ce qui

17 se passe sur un champ de bataille, mes unités, et cetera. Donc si vous ne

18 savez pas qu'ils sont ces gens, le commandant ne voudrait pas tout

19 simplement accepter, peut-être pas, peut-être pas accepter, mais dépendre

20 d'eux, d'une manière réelle.

21 Q. Peut-être que ce n'est pas vraiment une question importante, mais est-

22 ce qu'il est important qu'une armée peut compter sur ses hommes ?

23 R. Oui. Lorsque les gens sont dans une situation de stress et de danger

24 immense, bien sûr que c'est important. Mais je pense que la hiérarchie,

25 l'armée doit pouvoir compter sur tous ses subalternes dans la structure, et

26 lorsqu'une instruction est lancée au plus haut niveau, il faut qu'elle

27 passe par tous les échelons, et il faut que tous soient prêts à faire ce

28 qu'on leur demande de faire. Si vous ne pouvez pas leur faire confiance,

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1 dans ce cas-là, l'ordre n'a aucun sens.

2 Q. Je vais passer maintenant à un sujet un peu différent. Parlons d'un cas

3 où un soldat rejoint les rangs d'une armée.

4 Est-ce qu'il est normal que l'on tienne des registres au sujet de ces

5 gens ?

6 R. Est-ce que vous voulez parler de l'armée qui a des registres au sujet

7 de ses soldats ?

8 Q. Oui.

9 R. Oui, bien sûr. Il existe une bureaucratie très développée, du moins

10 dans mon armée, parce que c'est une opération de ressources humaines très

11 complexe. Il faut que l'on tienne registre de l'entraînement, de l'état de

12 santé, des promotions, de la discipline et de toute sorte de choses. Et je

13 pense qu'aujourd'hui, ceci ne serait pas tellement sur copie papier, mais

14 plutôt enregistré dans des ordinateurs. Mais bien sûr qu'il y aurait un

15 effort de tenir compte, de tenir des registres de toutes les personnes dans

16 le système pour savoir d'où ils viennent, et cetera, et cetera.

17 Q. Est-ce qu'il peut y avoir des problèmes si le commandant supérieur ne

18 dispose pas d'informations précises au sujet des membres de ses unités

19 subordonnées ?

20 R. Oui, il pourrait y en avoir. Pour revenir à l'exemple de notre

21 commandant de brigade, s'il pense qu'un de ses commandants de bataillon ne

22 savait qui était sous commandement, on pourrait se demander de quelle

23 manière ce commandant de bataillon est efficace, parce que le bataillon et

24 la brigade et la division ne pourraient pas savoir de quoi ce bataillon est

25 capable, ce qu'il peut faire. Il pourrait être un bon ou un mauvais

26 bataillon, ou meilleur ou moins bon que l'on ne pense.

27 Q. Bien sûr. J'aimerais que l'on passe maintenant à la page 11, c'est la

28 dernière phrase du paragraphe 21. C'est lié à ce que vous avez dit tout à

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1 l'heure.

2 La phrase dit : "Il est important de savoir que dans les armées modernes,

3 le consentement par une personne est donné afin d'être subordonné à un

4 système politique et militaire guidé par une idée, plutôt qu'à un leader

5 spécifique."

6 Pourriez-vous nous l'expliquer un petit peu ?

7 R. Oui, si vous avez une approche hollywoodienne du leadership militaire,

8 là vous avez, par exemple, une personne qui a beaucoup de charme et charme

9 ses troupes et grâce à cela l'on remporte la victoire. Cela s'est passé

10 dans les temps anciens, bien sûr, et cela fait partie de la question

11 d'influence du leadership.

12 Mais, aujourd'hui, nous avons un système bien plus complexe, et vous

13 pouvez avoir les généraux qui peuvent être blessés, qui peuvent être

14 relevés de leurs fonctions, donc il est important que le système aussi

15 complexe qu'il soit, continue à fonctionner. Et dans le système de

16 démocratie occidentale il faut que les gens soient motivés par une idée

17 plutôt que par un leader, quelle que soit cette personne.

18 M. ROBSON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je pense que

19 c'est le bon moment pour faire la pause.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Nous allons reprendre à 11 heures

21 moins le quart.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 14.

23 --- L'audience est reprise à 10 heures 45.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Robson.

25 M. ROBSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Q. Monsieur Cornish, avant la pause, nous avons parlé des unités d'armée

27 qui suivent un système plutôt qu'un leader particulier. Et sur ce point, je

28 voudrais vous demander quelque chose : est-ce qu'il y a des

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1 caractéristiques qui montrent qu'une unité d'armée fait partie d'un système

2 ?

3 R. Oui.

4 Mais avant de répondre à votre question, je voudrais dire que dans le

5 compte rendu d'audience, il était indiqué que j'ai employé le terme de

6 "fosse commune secondaire," mais je n'ai pas employé ce terme. Je ne me

7 souviens pas l'avoir dit.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était quelle page et quelle ligne ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant à l'écran, à l'heure 10.13.02.

10 M. ROBSON : [interprétation] Oui, c'est à la page 33, ligne 3, non,

11 excusez-moi.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était à la page précédente, ligne 8.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Page précédente, ligne 8.

14 M. ROBSON : [interprétation] Page 32, ligne 8.

15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Dr Cornish, quelle est l'expression

16 que vous avez employée; est-ce que vous vous souvenez ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas malheureusement, mais je

18 pense que je n'ai pas employé le terme de " fosse commune secondaire."

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] L'équipe audio-visuelle va s'en

20 charger.

21 M. ROBSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Q. Est-ce que vous vous rappelez la question ou vous voulez que je la

23 répète ?

24 R. Si je me souviens de la question, la question était quelles sont les

25 symboles ou les caractéristiques d'une unité.

26 Afin de montrer sa présence au sein d'un système, l'unité pourrait, par

27 exemple, porter un uniforme standard. Un badge ou des écussons pour montrer

28 que cette unité, que ses membres font partie non seulement de cette unité,

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1 mais d'une structure plus grande. Donc il pourrait y avoir des insignes

2 d'épaulette pour montrer qu'ils font partie de tel ou tel bataillon, et

3 cetera.

4 Il peut y avoir des insignes, des drapeaux, et ainsi de suite. Et

5 également, ceci est quelque chose que vous ne pourriez pas voir, mais il

6 peut y avoir une doctrine commune selon laquelle ils travaillent tous, plus

7 ou moins, de la même manière étant donné qu'ils ont eu la même formation et

8 qui sont déployés de la même manière, et ainsi de suite.

9 Q. Si une unité n'a pas de telles caractéristiques typiques, n'a pas de

10 drapeau, par exemple, ou d'insignes d'armée, quelle est la conclusion que

11 vous pourriez en tirer ?

12 R. Il peut y avoir deux conclusions, soit cette unité est une unité

13 spéciale; une unité de forces spéciales, par exemple, une unité de commando

14 et que cette unité a reçu la consigne de ne pas porter d'uniforme, ni

15 d'insigne afin de pouvoir agir sous couvert. Je pense qu'une autre

16 interprétation pourrait être que cette unité se considère à part par

17 rapport à l'organisation dont elle provient, mais je pense que ceci serait

18 inhabituel. Il serait inhabituel que cette unité ne se comporte pas de la

19 même manière que d'autres unités au sein d'une même armée.

20 Q. Si l'unité n'agit pas sous couvert, mais participe au combat régulier,

21 est-ce que cela ferait partie de la première catégorie dont vous avez

22 parlé, à savoir les unités spéciales ou de la deuxième catégorie ?

23 R. Je pense que ça ferait partie de la seconde catégorie, de l'armée on

24 parle des forces "régulières" pour faire la distinction entre les forces

25 armées normales et celles qui font partie aux opérations spéciales. Si une

26 force armée régulière se met à part par rapport à une structure de

27 commandement normal, dans ce cas-là ceci serait considéré comme inhabituel,

28 et peut-être même déloyal dans un certain sens.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et dans de telles circonstances,

2 quelles seraient les responsabilités du commandant ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que le commandant voudrait que cette

4 unité subalterne, vous savez, nous parlons d'une unité qui s'est rattachée

5 à une structure de commandement, et je pense que dans de telles

6 circonstances, il serait raisonnable que le commandement supérieur accepte

7 que cette unité subordonnée se comporte comme si elle faisait partie de la

8 structure de commandement normal. C'est-à-dire qu'elle devrait avoir la

9 même attitude de loyauté et de travail d'équipe, comme c'est le cas pour

10 d'autres unités parce que sinon, il faudrait expliquer pourquoi elle n'a

11 pas agir de la sorte.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais qu'est-ce qui se passe si cela

13 n'entre pas dans ce système ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-là, cela relève de la discipline.

15 Le commandant subalterne pourrait recevoir l'instruction de porter un

16 uniforme standard ou quoi que ce soit d'autre, et comme je l'ai déjà dit

17 c'est aussi une question de discipline militaire entre le subordonné et le

18 commandant supérieur. Si cette unité subordonnée se présente en tant que

19 faisant partie de la chaîne hiérarchique, dans ce cas-là c'est une question

20 de discipline.

21 Sinon, le commandant supérieur pourrait penser que c'est une idée, en

22 fait, a agi selon son propre gré et ses propres aspirations, et si cette

23 unité ne porte même pas les mêmes insignes et le même type d'uniforme, dans

24 ce cas-là le commandant ne pourrait pas faire confiance à cette unité en

25 temps de conflit.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

27 Maître Robson.

28 M. ROBSON : [interprétation]

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1 Q. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait un style de leadership à

2 l'hollywoodienne.

3 Je voudrais vous demander la chose suivante : si l'unité ne reconnaît

4 que l'autorité de certaines personnes au sein d'une armée et si elle

5 essayait d'obtenir une direction uniquement de ces personnes-là, en dehors

6 de la chaîne du commandement régulier, quelle est la conclusion que vous

7 pourriez en tirer ?

8 R. Cela voudrait dire que cette unité ne fait pas partie de la

9 chaîne de commandement de la hiérarchie et qu'elle ne respecte pas, qu'elle

10 n'observe pas l'unité du commandement, et je pourrais en tirer toutes les

11 conclusions que j'ai énoncées ce matin.

12 Q. J'aimerais que l'on passe à la page 11, paragraphe 23. Mais avant de le

13 faire, passons au paragraphe 22 intitulé : "Objectif." Et ici, vous dites

14 que le commandant doit faire appel aux ressources militaires afin d'obtenir

15 un objectif militaire stratégique, et en fin de compte politique.

16 Qu'est-ce que vous voulez dire là-dessus ?

17 R. Je pense que ce paragraphe relève de ma propre compréhension et de mes

18 préférences politiques et philosophiques. Dans ce sens, je pense que les

19 démocraties occidentales, que dans ces démocraties, l'armée doit être

20 utilisée uniquement pour obtenir un objectif politique. Et une fois cet

21 objectif atteint, le pouvoir civil et politique doit se rétablir par la

22 suite.

23 Si une organisation militaire a un objectif qui n'est pas uniquement

24 un objectif politique, et si son objectif est d'utiliser les forces

25 militaires et que c'est un objectif en soi, je pense que ceci relèverait

26 plutôt du militarisme.

27 Q. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui partagent votre avis là-dessus

28 ?

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1 R. Je pense que toutes les personnes qui ont lu et compris Karl von

2 Clausewitz seraient d'accord avec moi. C'est un stratège prussien du XIXe

3 siècle, et c'est une personne qui plus que qui d'autre a compris la

4 relation entre l'utilisation de l'armée et le contrôle politique, civil, de

5 cette organisation.

6 Q. Au paragraphe suivant, au paragraphe 23, vous dites que la relation

7 entre les activités militaires et l'objectif politique est ce qui est très

8 bien compris dans les forces armées modernes, et ensuite vous parlez des

9 échelons des "niveaux de guerre."

10 Quelle est l'origine de ce terme "niveaux de guerre" ?

11 R. C'est encore une question difficile. Je pense que tout à l'heure vous

12 m'avez posé une question similaire.

13 Encore une fois, cela fait partie de la compréhension fondamentale de

14 la manière dont une armée est organisée entre les niveaux stratégiques

15 opérationnels et tactiques. Et je pense que vous pouvez trouver cette

16 expression sur le net dans l'encyclopédie Wikipedia. Mais je pense que vous

17 ne pouvez pas trouver quelle est la source de cette expression parce que

18 c'est tellement répandue et tellement connue.

19 Cela dit, il existe un stratège français, Henri de Gomani, de la fin

20 du XVIIIe et début XIXe siècle qui parle des niveaux tactiques opérationnels

21 et stratégiques, et on dit que c'est lui qui est à la source de cette idée

22 parlant de la division entre les différents niveaux. Mais je pense que ça

23 fait partie du bon sens militaire.

24 Q. Vous dites que cette relation entre l'activité militaire et

25 l'objectif politique est quelque chose qui est enseigné. Où est-ce qu'on

26 apprend ce concept ?

27 R. Dès qu'on commence une formation militaire, à tout niveau,

28 dirais-je. Ce n'est pas quelque chose qui est limité aux officiers et aux

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1 chefs. C'est quelque chose qu'on enseigne de façon générale dans toute

2 l'armée, dans tout le système de l'armée. Donc c'est l'organisation de base

3 dans les académies militaires comme celle où j'ai été, l'Académie royale de

4 Sandhurst; mais ça s'enseigne aussi dans les collèges de guerre, au Staff

5 College comme celui où j'ai enseigné au commandement conjoint au Royaume-

6 Uni.

7 Q. Nous allons examiner de plus près les niveaux de guerre.

8 Pourriez-vous nous expliquer quel est le niveau stratégique ?

9 R. Je le dis dans le rapport. C'est à ce niveau que la politique nationale

10 de sécurité, que la stratégie de défense se décide. Certains avaient

11 coutume de penser qu'il y avait deux niveaux stratégiques, un niveau

12 politique et un niveau militaire, une stratégie politique et une stratégie

13 militaire. Moi je préfère et je ne suis pas le seul, loin de là, à utiliser

14 un seul terme. Au niveau qui est le plus élevé, il y a au niveau du

15 gouvernement la capacité de décider à quel moment, pourquoi, comment on va

16 avoir recours aux forces armées. Et ce processus de prise de décision n'est

17 pas simplement civil et politique. C'est quand même grâce au savoir-faire

18 des militaires que cette décision se prend. Donc, même au niveau suprême

19 politique, on a des décisions qui sont instruites par le savoir militaire

20 et ceci va déboucher sur des instructions stratégiques.

21 Q. Passons au niveau opérationnel. Pourriez-vous nous dire ce que c'est ?

22 R. Il peut régner une certaine confusion quand on utilise le terme

23 "opérationnels" ou "opérations" parce que tous les systèmes militaires

24 utilisent le mot "opérations" comme euphémisme pour parler plutôt de

25 combat, pour dire par exemple : j'ai été en opérations ou nous sommes en

26 opérations en Afghanistan, en Irak.

27 Le niveau opérationnel sur le plan de la doctrine c'est quelque chose de

28 différent. Il se situe au niveau des divisions des brigades, là où les

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1 commandants se servent de leur force militaire pour appliquer, pour donner

2 suite aux décisions stratégiques.

3 A ce niveau, dès lors vous avez des commandants, des soldats, des

4 commandants de forces militaires, c'est tout ce qu'ils font, ce ne sont pas

5 ces personnes qui vont débattre politiquement, ce sont des professionnels

6 de carrière qui vont exécuter des tâches militaires, mais ils le font pour

7 mettre en œuvre les décisions stratégiques qui sont arrivées à leur niveau

8 à eux.

9 Q. Fort bien. Vous allez peut-être nous parler du niveau tactique ?

10 R. Là on parle de combat, les contacts comme on dit dans le monde

11 militaire, des contacts avec l'ennemi de façon à exécuter les objectifs

12 militaires opérationnels qui vous ont été transmis. L'opérationnel, c'est

13 la planification de l'utilisation des forces, les manœuvres pour les mettre

14 en place, la tactique c'est l'exécution effective au niveau des combats, de

15 la capture, de la prise.

16 Q. Revenons au niveau stratégique, quelles sont les missions, les

17 obligations qui incombent un chef professionnel d'une armée, je parle ici

18 du numéro 1 dans une armée qui travaille au niveau stratégique, quelles

19 seraient les missions classiques qui lui incombent ?

20 R. A ce niveau-là, au niveau du gouvernement, dans le gouvernement, le

21 chef militaire professionnel, prenons l'exemple du Royaume-Uni, chaque arme

22 au Royaume-Uni a un chef à sa tête qui est un militaire de carrière. Le

23 chef de l'état-major aussi pour l'armée, c'est le chef d'état-major pour

24 les forces aériennes, pour l'armée de l'air et il y aussi un premier, ce

25 qu'on appelle le lord de la mer, là c'est un petit ressort amical de

26 l'histoire.

27 Chacun est chef de son armée, de son arme, et il doit représenter son arme

28 dans le processus de prise de décision politique, c'est ce qui se fait au

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1 Royaume-Uni. Et cette représentation, elle se canalise dans un troisième

2 niveau, vous avez le chef de l'état-major de la défense qui est le chef de

3 ces trois chefs d'armée de façon à s'assurer que tout ce savoir-faire, tout

4 ce savoir suit les différentes étapes du processus politique.

5 Tout ceci, parce qu'à l'origine on a cette pensée suivante : c'est une

6 activité tellement difficile, tellement souterraine qu'il serait

7 déraisonnable de penser que les chefs politiques savent parfaitement ce

8 qu'il faut faire et ce qu'il n'est pas possible de réaliser. Donc quand ils

9 vont décider, dans ce processus de prise de décision, il faut qu'ils aient,

10 à ce niveau suprême, des individus à même de dire : "Voilà, écoutez, vous

11 ne pouvez pas utiliser une seule diffusion pour faire plus d'une chose."

12 C'est à titre de conseiller que ces gens officient.

13 Q. Parlons du chef professionnel de l'armée, en règle générale, de quelle

14 façon ce chef va-t-il diriger ses subordonnés ?

15 R. Vous parlez du chef professionnel d'une armée, dans une capitale qui

16 représente son arme ?

17 Q. Oui.

18 R. Mais ici ce n'est pas tant le commandement qui intervient, comme je

19 viens de le décrire, commandement d'unités de formation qui vont être

20 déployées en formation de combat. C'est un niveau beaucoup plus élevé,

21 c'est plutôt une gestion d'entreprise si vous voulez. Vous avez donc un

22 PDG, un président directeur général, qui a bien sûr une responsabilité,

23 mais vous avez autour de lui des spécialistes, vous avez un chef

24 responsable des finances, un autre des ressources humaines, un autre chargé

25 du matériel, encore quelqu'un chargé du recrutement et ainsi de suite.

26 Autant de personnes, autant de subordonnés au chef qui, dans une

27 certaine mesure, sont vraiment des experts à plein titre. Ce n'est pas

28 vraiment simplement le fait d'ordonner, le chef n'a pas tellement d'ordre

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1 qu'il pourrait donner à un directeur du matériel, si ce n'est qu'il va lui

2 dire il faut bien sûr, s'assurer que nos forces sont bien dotées, mais ça,

3 ça tombe sur le sens. C'est pour ça qu'on a un chef du personnel. A ce

4 niveau-là règne un autre climat.

5 Q. Fort bien. Prenons la partie de votre rapport consacrée au contrôle

6 militaire, page 14 et suivantes.

7 Nous y trouvons en haut de page un préambule, dernière phrase, vous dites

8 que le contrôle militaire implique les choses suivantes : l'infrastructure

9 du commandement, planification, communication, transmission et liaison,

10 information, renseignement et compte rendu logistique et approvisionnement

11 ainsi que discipline.

12 Sur quoi vous appuyez-vous pour dire cela ?

13 R. C'est un peu, c'est très proche, la même chose que ce qui était la base

14 d'un commentaire précédant quand on analyse, quand on enseigne, quand on

15 explique ce monde souvent bizarre, ce que je fais depuis près de 25 ans. Et

16 si on me demande comment, à mon avis, fonctionne un système militaire, ce

17 sont les composantes qui me semblent essentielles.

18 Q. Premier élément, l'infrastructure du commandement, vous prenez

19 l'exemple d'un QG d'un état-major classique, de brigade ou de division, et

20 vous dites qu'il y a dans cet état-major des spécialistes.

21 La question est peut-être simple, mais n'empêche, pourquoi est-ce

22 qu'il y a division de cet état-major en plusieurs zones de spécialistes ?

23 R. Vous parlez du premier bureau, deuxième bureau, en anglais, G2, G3, G4.

24 Q. Non, je parle de façon plus générale. Expliquez-nous pourquoi un

25 commandement se divise en plusieurs zones spécialisées ?

26 R. C'est parce qu'à ce niveau -- mais remontons un peu plus en arrière.

27 A tout niveau de commandement, il faut que quelqu'un s'assure qu'il y

28 a à manger, qu'il y a du carburant, il faut que toutes ces choses se

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1 fassent. A l'échelon très bas, ipso facto, nous parlons d'une petite

2 organisation, il se peut qu'il y ait un seul individu qui se charge de

3 plusieurs tâches. Là il est possible qu'à l'échelon du bataillon, là je

4 vous relaye ma propre expérience, il se pourrait fort bien qu'un officier

5 soit responsable de la planification opérationnelle tout en étant

6 responsable de la planification en ressources humaines, si c'est

7 raisonnable d'agir ainsi. Mais plus on gravit, plus on remonte les

8 échelons, là nous avons plus de monde inévitablement donc la tâche

9 s'agrandit de façon commensurable.

10 Et quand on arrive en haut la hiérarchie, là la tâche est énorme, et

11 dans chaque zone vous avez intégré une autre petite chaîne de commandement,

12 ce qui vous donne un spécialiste, disons en fourniture de munitions avec

13 sous ses ordres un autre spécialiste qui s'occupe des munitions pour les

14 fusils, l'autre pour les munitions d'artillerie.

15 Et on veille à ce que tous les éléments soient bien abordés au niveau

16 et dans les capacités requises. C'est ça d'avoir tout ce dont on a besoin

17 au bon niveau.

18 Q. Vous dites qu'au niveau le plus élevé, dans une zone spécialisée, dans

19 un secteur on a degré de spécialisation ?

20 R. Tout à fait.

21 Q. Fort bien. Passons à autre chose, page 15, paragraphe 30. Prenons

22 l'avant-dernière phrase, nous sommes là à la page 15, haut de page : "Tout

23 commandant doit, bien entendu, supposer que ses subordonnés vont et ses

24 commandants subordonnés vont faire preuve d'obéissance et seront fiables.

25 On doit s'attendre à ce que toute unité subordonnée exécute, soit prête à

26 exécuter des ordres. Vous l'avez déjà expliqué, mais est-ce que vous

27 pourriez expliciter davantage cette phrase-ci ?

28 R. Voici ce que je veux dire par là : tout commandant, tout commandant

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1 lorsqu'il reçoit une mission, une tâche à remplir, que va-t-il faire ? Il

2 va voir quelles ressources il ou elle a et commencer à planifier cette

3 mission. Ce faisant, à moins qu'il n'y ait une raison particulière qui va

4 le pousser à penser autrement, ainsi, si une de ses unités subalternes,

5 pour reprendre un exemple antérieur, est épuisée ou a reçu beaucoup de

6 nouvelles recrues, il va ajuster ses plans.

7 Mais s'il n'y a pas de circonstances exceptionnelles particulières,

8 il ou elle va supposer que les unités, les moyens, les ressources qu'il a

9 sous son commandement sont disponibles. C'est essentiel pour préparer les

10 plans, c'est essentiel, il ne peut pas commencer à planifier, par exemple,

11 déplacer un bataillon sur le flanc gauche, sur le flanc droit, s'il n'est

12 pas sûr que les bataillons vont agir et respecter les ordres qu'il va

13 donner.

14 Q. Reprenons ce scénario : vous avez un commandant qui donne l'ordre à un

15 bataillon de passer du flanc gauche au flanc droit, ou quelles que soient

16 les instructions données par ce commandant, est-ce que le commandant va

17 s'attendre à obtenir confirmation de cette unité subalterne qui va lui dire

18 que l'ordre donné est exécuté ?

19 R. Oui. Normalement, en règle générale, pratiquement toujours. Je viens de

20 vous le dire, le commandant supérieur a supposé que les commandants et

21 unités subalternes vont agir conformément aux ordres donnés. Le commandant

22 supérieur devra le savoir, parce que c'est lui qui a le commandement, c'est

23 lui qui dirige le tout. Il doit savoir que les instructions données par lui

24 ont été mises en œuvre. En règle générale, on va avoir un commandant

25 subordonné qui va informer son supérieur hiérarchique qu'il a exécuté la

26 tâche qu'il avait reçue.

27 Ce qui compte, si, par exemple il n'a pas été en mesure d'exécuter

28 l'ordre en raison de difficultés, manque de carburant, rencontre avec

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1 l'ennemi, il serait essentiel de le dire au supérieur hiérarchique. De

2 cette façon ce dernier pourra ajuster le plan.

3 Q. Nous allons passer à la question du compte rendu dans un instant.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Un instant. C'est en rapport avec une

5 question que je vous avais posée avant la pause. Ici, j'entends que vous

6 dites, j'entends votre réponse, revenons à un exemple que j'ai déjà donné,

7 si une unité est épuisée ou a reçu beaucoup de nouvelles recrues, et

8 cetera, lorsque je vous ai posé cette question, vous avez dit qu'il pouvait

9 répondre à son supérieur hiérarchique.

10 Je ne dis pas qu'il y a contradiction, mais est-ce que vous --

11 maintenant j'ai une compréhension un peu différente maintenant.

12 J'ai l'impression que le commandant supérieur doit ajuster ses plans

13 alors qu'avant j'avais l'impression que le commandant subordonné pouvait

14 dire, répondre à son supérieur en disant : "Je ne peux pas faire le travail

15 parce que je n'ai pas les hommes pour le faire."

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi si j'ai laissé planer l'ombre d'un

17 doute. Je ne pense pas qu'il y ait de contradictions. Ce que j'essaie de

18 décrire, c'est un système qui est itératif, c'est-à-dire qu'à tous niveaux,

19 le commandant dans ce système reçoit une tâche de son supérieur

20 hiérarchique. Il va demander à ses subordonnés ce qu'il en est. Il veut

21 savoir exactement si l'unité est apte, s'il a rencontré des problèmes.

22 Partant de l'idée qu'il n'y a pas de problèmes particuliers, il faut

23 que l'unité soit présente, soit fiable, qu'on sache qu'elle va faire le

24 travail qu'on va lui donner. Et ce commandant subalterne doit pouvoir dire

25 à son supérieur que l'ordre est exécuté.

26 Donc je ne veux pas dire ici qu'on refuserait d'accepter des

27 instructions, mais en tout cas il y a une discussion sur la façon optimale

28 de résoudre le problème. Ceci se fait à tous les niveaux du système, il y a

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1 des échanges d'information. Le supérieur pose la question au subordonné,

2 lequel pose la question à son subordonné à lui, puis ça remonte dans

3 l'autre sens pour qu'à la fin la mission soit accomplie.

4 En d'autres termes, il y a un flux constant d'instructions, de

5 demandes, puis un retour d'information.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'avais posé ma question et la réponse

7 n'a pas fait toute la clarté. Si une unité subordonnée ou son commandant

8 dit qu'il n'est pas capable d'exécuter la mission, vous avez donné

9 l'exemple de nouveaux soldats, de nouvelles recrues, ou ses hommes sont

10 fatigués, est-ce que lui peut dire à son supérieur, lui envoyer un message

11 pour dire : "Je ne peux pas exécuter la mission parce que mes hommes sont

12 fatigués" ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Disons que ça se passerait comme suit : il y a

14 ce processus de briefing, d'ordres qui sont donnés, le commandant va dire :

15 ça va être dur pour les raisons suivantes. Il va expliquer sa situation à

16 son supérieur hiérarchique. Celui-ci sait alors quels sont les moyens de

17 ses ressources; et c'est à lui qu'il incombe de prendre une décision. Bien

18 entendu, même si c'est le cas, il va peut-être décider d'envoyer cette

19 unité pour remplir cette mission, mais à ce moment-là il est au courant.

20 Et c'est ça qui compte, il doit avoir cette connaissance, il doit

21 savoir ce dont sont capables ses hommes subordonnés, son chef subordonné et

22 il ne le saura que s'il y a un retour régulier d'information et s'il y a

23 donc une planification.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

26 M. ROBSON : [interprétation]

27 Q. Enchaînons sur ce point. Vous dites que le commandant supérieur peut

28 malgré tout envoyer cette unité subordonnée pour remplir la mission. Si le

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1 commandant, le chef supérieur, avait donné un ordre à une unité subalterne,

2 lui avait donné une mission sachant pourtant que les hommes de cette unité

3 étaient fatigués. Est-ce que le chef subordonné de l'unité subordonnée peut

4 radicalement, simplement refuser d'exécuter l'ordre ?

5 R. Excusez-moi si j'ai donné cette impression, si je vous ai donné

6 l'impression qu'il avait le droit de refuser. Il est essentiel, impérieux

7 de donner des informations sur l'état de l'unité que vous avez sous vos

8 ordres à votre supérieur. De cette façon, le supérieur en service sait ce

9 qu'il peut attendre de vous. Mais parfois, il se peut que votre unité, qui

10 n'est pourtant pas au maximum de ses capacités, est la meilleure qu'il a.

11 Alors il va peut-être, malgré tout, décider d'utiliser cette unité. En fin

12 de compte, le supérieur hiérarchique, lui, il a reçu lui-même un ordre

13 qu'il doit exécuter, et ça va ainsi de suite.

14 Q. Nous allons parler d'une obligation de rapport dans un instant. Mais

15 revenons pour le moment à la planification, ça se trouve dans votre rapport

16 à la page 15.

17 Vous y évoquez les différents types de planification, à divers

18 niveaux. Au niveau stratégique, vous dites qu'il faut pour ceci bien

19 réconcilier les objectifs à long terme. Comment vont s'exprimer ces

20 objectifs stratégiques ?

21 R. Quand je parle des "objectifs à longue portée," c'est pour faire

22 une distinction entre ces autres niveaux, le niveau tactique étant beaucoup

23 plus immédiat. Quand je dis de plus longue portée au niveau stratégique, il

24 sera peut-être question de la défense du pays ou de battre l'ennemi. Ce

25 sont les idées les plus vastes qu'on puisse imaginer. On utilise des forces

26 armées de façon à, voilà, battre cet ennemi, ce sont des objectifs à long

27 terme.

28 Sur le plan militaire, ça n'a pas beaucoup de signification

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1 immédiate, mais c'est dans ce contexte-là que tout ce qui va se faire en

2 deçà doit s'inscrire. Et plus on descend les échelons jusqu'aux échelons

3 les plus bas, l'objectif c'est, emparez-vous de cette côte, capturez ce

4 bâtiment. Mais ceci se fait dans le contexte des objectifs stratégiques de

5 haut niveau qui étaient, par exemple, ce que j'évoquais.

6 Q. Fort bien. Dans ce paragraphe, vous dites qu'un commandant qui établit

7 un plan dit quels sont les ordres qu'il faut exécuter et pourquoi, mais que

8 les modalités d'exécution sont laissées aux soins des subordonnés.

9 Pourriez-vous nous expliquer pourquoi c'est le cas ? Quelles seraient les

10 conséquences si c'est un commandant subalterne qui détermine les modalités

11 d'exécution ?

12 R. C'est quelque chose de tout à fait courant, et c'est d'ailleurs

13 fondamental. En tout cas, en Europe occidentale, aux Etats-Unis et dans

14 beaucoup de pays qui ont suivi l'exemple de l'Europe occidentale, sans

15 doute pourrais-je être plus élégant dans ce que je dis, mais ceci suffira,

16 j'espère.

17 L'idée c'est que vous avez des jeunes gens très capables, très bien

18 formés, qui se trouvent en situation d'officiers subalternes tout en étant

19 des soldats, des militaires de métier. L'idée, c'est qu'il faut un système

20 qui permettra à ces gens d'utiliser leur imagination, leurs connaissances

21 et leur sens de l'initiative surtout pour réagir de la façon la plus

22 précise possible à une situation concrète. C'est essentiel.

23 Ce qu'il faut c'est qu'il y ait quelqu'un quelque part qui va donner

24 la meilleure réponse possible aux problèmes qui se posent et comment y

25 parvenir. C'est en faisant confiance au subordonné qui lui, face aux

26 problèmes, plutôt que du somment ou d'échelons vraiment très supérieurs, de

27 donner des ordres directs disant comment précisément telle ou telle chose

28 doit être réalisée.

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1 Dans la réflexion stratégique, on a en gros deux démarches qui

2 utilisent toutes deux des termes allemands, "befails tactik" [phon], donc

3 c'est une tactique basée sur les ordres. On ne fait que ce qu'on a l'ordre

4 de faire et rien d'autre. L'autre démarche moderne est beaucoup plus

5 souple, c'est "alftrogs tactik," [phon] donc on comprend ce que souhaite le

6 supérieur et vous, en tant que subalterne, vous remplissez votre mission

7 pour répondre à ce qu'il demande. Mais c'est vous qui êtes chargé de faire

8 votre travail.

9 Q. Je vous remercie.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que ce n'est pas en

11 partie aussi parce qu'un officier subalterne est plus près de la situation,

12 et comprend mieux la situation que le supérieur qui est beaucoup plus

13 distant, éloigné, et que c'est l'officier subalterne qui connaît les

14 modalités. Par exemple, s'emparer de cette colline, passer par l'est, par

15 l'ouest, passer des deux côtés, donc ça c'est le plan, son plan d'attaque,

16 et qu'on ne peut pas décider de façon télécommandée ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement. Vous avez parfois des

18 commandants dans quelque armée que ce soit qui croient qu'ils doivent

19 donner des instructions microdétaillées : on n'attaquera que du nord. On

20 pense que c'est de la bêtise militaire parce que manifestement cet homme a

21 des connaissances, des responsabilités, mais elles sont très vastes, très

22 complexes. Ce que ce chef supérieur n'a pas, comme vous dites, Monsieur le

23 Président, il ne voit pas cette colline, il ne sait pas comment la prendre

24 au mieux.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

26 M. ROBSON : [interprétation]

27 Q. S'agissant de la planification aux différents niveaux que vous

28 mentionnez, stratégie, opérationnelle, tactique, est-ce qu'il y a un degré

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1 d'information, de détails qui est requis pour pouvoir planifier à ces

2 différents niveaux ?

3 R. Bien entendu. Au niveau très bas, si vous êtes un commandant de faible

4 échelon à la tête d'une trentaine de soldats, ce qu'on appelle une section,

5 vous devriez avoir au bout des doigts, c'est-à-dire avoir la connaissance

6 nécessaire, savoir combien chaque soldat a de fusils et de cartouches, la

7 différence entre 20 et 30, ça fait une sacrée différence à ce moment-là;

8 combien de gourdes ou de bouteilles d'eau chaque homme a.

9 Mais que va dire ce chef de section à son chef de compagnie ? Ce sera

10 une version de synthèse; au prenant : "Nous, ma section, nous avons besoin

11 encore de 100 munitions ou bien de 30 jerrycans d'eau." Les informations

12 vont être résumées chaque fois qu'on franchit un échelon. Il serait

13 ridicule qu'un chef de division soit inondé d'information lui disant

14 combien chaque soldat sur huit hommes que compte une division, combien

15 chaque soldat va porter de bouteilles d'eau. Il n'a pas besoin de le

16 savoir.

17 Q. Paragraphe 32, transmission, communication.

18 Ici vous expliquez la façon dont chaque échelon communique avec

19 l'échelon supérieur et pas inférieur. Vous donnez la communication entre un

20 chef de section et son chef -- ou de l'échelon inférieur, mais aussi

21 communique avec le chef de compagnie, échelon supérieur, et ceci se répète

22 à chaque échelon de la hiérarchie.

23 Si à un échelon donné, disons celui de la brigade, si le chef ne rend

24 pas compte à son échelon supérieur immédiatement hiérarchique, mais saute

25 un échelon, par exemple, ou même deux s'il fait rapport au commandant, au

26 chef de corps d'armée, que se passe-t-il ?

27 R. Il se peut qu'il y ait des circonstances exceptionnelles qui font que

28 cela va se passer. Un chef de brigade va peut-être être détaché de la

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1 hiérarchie habituelle, être chargé d'une mission spéciale pour le chef de

2 corps. Ça c'est assez courant. Mais ce qui est essentiel, c'est que tout le

3 monde le sait, tout le monde sait que ça va se passer, parce que c'est un

4 dispositif des plus particuliers.

5 La division, qui est en principe responsable de la brigade en

6 question, va savoir que la brigade a été détachée et répond maintenant au

7 corps d'armée. La division ne va pas demander de comptes rendus

8 d'information qui viendraient de la brigade, elle saurait ce qui va se

9 passer. Ce qui veut dire qu'il n'y aurait pas de conflit.

10 Si, cependant, une brigade dans des circonstances ordinaires,

11 décidait d'elle-même de faire rapport en contournant la hiérarchie pour

12 sauter des échelons et passer à un échelon supérieur, comme je vous l'ai

13 déjà dit, ceci contredirait le principe de l'unité du commandement, et ce

14 serait sauter ou sortir de la hiérarchie. Ce serait anathème parce que tout

15 le système s'effondre. Les gens ne savent pas ce que les autres font,

16 quelles ressources utilisées et pourquoi elles sont utilisées.

17 Q. Une question qui se rapporte à la précédente, peut-être analogue. C'est

18 quelque chose que nous avons déjà abordé. Si le commandement de l'unité

19 militaire, au lieu de s'adresser à son commandant supérieur hiérarchique

20 immédiatement dans la chaîne de commandement, essaie de rendre compte

21 différemment et de recevoir directement des instructions à des niveaux

22 politiques les plus élevés de l'Etat, à l'armée à laquelle il appartient ?

23 R. Ça, c'était évidemment sortir de la chaîne de commandement en ayant une

24 confiance en soi bien exagérée. Ce serait un abus tellement flagrant du

25 système, je crois. Egalement, le message serait très particulier, à savoir

26 que cette unité se considère comme étant en quelque sorte dans une relation

27 spéciale par rapport à la direction politique.

28 Comme je crois l'avoir dit, il se peut qu'il y ait des circonstances

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1 dans lesquelles une très petite unité pourrait presque relever directement

2 d'un chef politique. C'est une pratique assez commune d'utiliser des unités

3 très, très petites, de forces très, très spéciales, une poignée d'hommes,

4 une demi-douzaine ou quatre hommes peut-être, qui peuvent à ce moment-là

5 obéir et rendre compte exactement au chef du gouvernement.

6 Mais ça, je continue de le dire, ce serait un arrangement spécial que

7 tout le monde comprendrait. Ce n'est pas la façon dont le système militaire

8 fonctionne, mais pour qu'une unité normale et régulière fasse la même

9 chose, ça se serait vraiment présomptueux.

10 Q. Dans votre rapport, vous soulignez l'importance du fait que le

11 commandant puisse avoir un tableau exact en temps réel de la situation dans

12 son secteur de responsabilité, en recevant justement des comptes rendus.

13 Pourrais-je vous demander ce qui se passerait si l'unité subordonnée

14 comprend des soldats qui ne parlent pas la même langue que le commandant

15 supérieur ? Quelle pourrait être l'importance de ceci notamment pour la

16 base commune de communication ?

17 R. C'est très important, bien sûr, idéalement il faudrait que toutes les

18 unités, tous les soldats parlent la même langue. Mais dans une organisation

19 militaire, depuis longtemps, on a résolu le problème parce qu'on peut

20 concevoir qu'on ait fait une alliance et que l'on combatte côte à côte avec

21 des soldats d'un autre pays. Donc, la façon de régler le problème, c'est

22 l'utilisation d'un spécialiste qu'on appelle un officier de liaison, OL,

23 officier de liaison. Les officiers de liaison seront déployés chaque fois

24 que c'est nécessaire partout où c'est nécessaire pour servir de passerelle

25 entre les différentes unités des différents pays, ayant des langues

26 différentes. A l'évidence, il faudrait que cette personne connaisse bien

27 les langues nécessaires. Ça c'est une des façons de résoudre la question.

28 L'autre manière de la régler, et là, je parle d'après mon expérience,

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1 c'est essentiellement la façon dont fonctionne l'OTAN, l'Alliance

2 atlantique, on standardise autant qu'on le peut la manière dont ces

3 différentes nationalités opèrent. Vous avez les accords standards sur la

4 manière dont les forces sont utilisées, déplacées; comment on reconstitue

5 les effectifs, et cetera. Donc même s'il y a des difficultés de langue,

6 l'organisation dans son ensemble fonctionne de façon aussi cohérente que

7 possible.

8 Q. Quel type de problèmes pourraient se poser si ces éléments ne sont pas

9 mis en place, en d'autres termes, s'il n'y a pas d'officier de liaison,

10 s'il n'y a pas d'accord standard; pourriez-vous nous le dire ?

11 R. Bien, j'imagine qu'il n'y aurait guère de possibilité de voir les

12 commandants d'un côté ou de l'autre de ces unités de comprendre ce qui se

13 passe, ce que fait l'unité en question. Et ça, par conséquent, nous ramène

14 à ce problème de la pensée militaire de la sécurité opérationnelle, il ne

15 serait pas possible de savoir que telle unité a reçu et compris les ordres

16 qui lui ont été envoyés de la même manière que les autres unités l'auraient

17 reçue et compris à cause d'une difficulté linguistique. Et c'est la raison

18 pour laquelle on n'arriverait pas à savoir ce qu'elles font exactement

19 parce que personne ne comprendrait pas ce qu'ils disent. Donc les

20 traductions seraient essentielles.

21 Q. Dans une situation de combat en cours, de combat, de luttes, quelle est

22 l'importance de la rapidité pour une transmission des renseignements, des

23 informations ?

24 R. C'est très, très important. Mais il faut établir un équilibre entre la

25 rapidité et l'exactitude. Si je peux vous donner un exemple de cela, à un

26 niveau subalterne, si une unité est au contact avec une force ennemie et

27 qu'on lui tire dessus, elle essuie des coups de feu, l'exigence c'est

28 qu'elle transmette autant de renseignements que possible, qu'elle peut le

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1 faire au niveau supérieur et ainsi de suite en remontant toute la chaîne

2 afin que le commandant du corps, en fin de compte, puisse comprendre qu'une

3 partie de sa formation est au contact avec l'ennemi.

4 Mais la première exigence pour le soldat, qui par exemple est entré en

5 contact avec l'ennemi, n'ait pas à sortir des rapports ou commencer à en

6 écrire, il doit faire ce que doit faire un soldat, c'est-à-dire de répondre

7 au contact et commencer à riposter, à tirer, enfin faire ce qui est exigé.

8 Donc, en résumé, deux choses peuvent se passer, vous avez d'abord un

9 rapport immédiat qui peut simplement être un mot, un contact qui remonte

10 toute la chaîne du commandement et tout le monde comprend ce que ça veut

11 dire et ceci sera suivi ensuite par le fait d'attendre, je suis au contact,

12 je suis occupé pour le moment, dès que j'aurai réglé le problème, je

13 pourrai vous dire exactement ce qui s'est passé. Donc ceci sera suivi par

14 un rapport détaillé sur le contact et finalement, ce n'était que trois

15 hommes, en fait, l'unité était plus grande que celle-là et ces

16 renseignements-là seront passés, transmis. Il faut qu'il y ait un équilibre

17 entre la rapidité de transmission et l'exactitude de l'alerte.

18 Q. Quelles seraient les conséquences si ce type d'information ne serait

19 pas transmis au commandant supérieur, aux échelons supérieurs ?

20 R. A ce moment-là, le commandant au niveau supérieur ne peut pas savoir, à

21 moins qu'il y ait d'autres façons de savoir, je ne peux pas concevoir ce

22 que ça peut être à moins qu'il ait une sorte de satellite ou de

23 surveillance aérienne. Ce commandant ne peut pas savoir que l'un des

24 aspects les plus importants de l'activité militaire a commencé. Si un

25 commandant ne sait pas cela, je crois que c'est désastreux, que peut-il

26 faire, comment doit-il utiliser ses forces ou les déplacer; qu'est-ce que

27 ça veut dire ? S'agit-il de forces ennemies très importantes ou d'une

28 petite unité ?

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1 Q. Assurément. Au paragraphe 36, vous parlez de la question des

2 informations, des renseignements et du fait qu'il a rendu compte, comment

3 rendre compte, le paragraphe 36 traite de ce que vous venez de mentionner,

4 à savoir l'exigence de rendre compte de l'activité ennemie.

5 Si nous passons à la page suivante, à la page 17, vous parlez également de

6 la nécessité de rendre compte d'autres renseignements tels que la situation

7 au point de vue des vivres et de l'eau.

8 Donc, indépendamment de rendre compte de l'activité de l'ennemi et de faire

9 rapport sur la question des vivres ou de l'eau, y a-t-il d'autres points

10 sur lesquels une unité devrait fournir des renseignements de façon

11 régulière à l'échelon supérieur ?

12 R. En fait, il faut transmette autant de renseignements que ça peut être

13 nécessaire, il n'y a pas de limite particulière, ce qui est évident, c'est

14 ce que vous avez dit. Ce sont les ressources qui sont essentielles pour

15 remplir les tâches immédiates, par exemple, les vivres, excusez-moi, les

16 munitions, les vivres, l'eau et ainsi de suite.

17 Mais s'il s'agit, par exemple, d'une unité mécanisée qui veut savoir

18 aux échelons hiérarchiques qu'elle a des problèmes de carburant, quel est

19 l'état de son carburant, ceci peut exprimer peut-être pas du nombre de

20 gallons ou de litres dont elle dispose ou de litres de fuel dont elle

21 dispose, mais combien de jours de mouvement je peux encore assurer avec ce

22 carburant. Tous ces renseignements doivent être transmis et on pourrait

23 également donner des renseignements concernant, par exemple, les blessés ou

24 les morts, les victimes, j'ai 30 hommes et ils sont tous en état de

25 combattre, ils ne sont pas blessés ou j'ai 30 hommes mais deux d'entre eux

26 ont été légèrement blessés ou trois ont, par exemple, une maladie due peut-

27 être à l'eau ou aux aliments qu'ils ont ingérés, mais ils sont encore à peu

28 près en état de combattre et ainsi de suite.

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1 Vous devez transmettre autant de renseignements pertinents que le

2 permettent les circonstances.

3 Q. De façon typique, comment est-ce que ces renseignements doivent être

4 transmis ?

5 R. On suit une routine, c'est fait de façon quotidienne du niveau le plus

6 bas jusqu'en remontant toute la chaîne de façon à ce qu'il y ait

7 connaissance constante. Les militaires utilisent un terme de connaissance

8 de la situation et ceci en deux parties à savoir de savoir de façon aussi

9 précise que possible ce que votre adversaire est susceptible de faire, mais

10 ils doivent également savoir de façon aussi précise ce que vous pouvez

11 faire avec vos propres forces, ce qu'elles sont capables de faire et à quoi

12 elles peuvent se mesurer, être confrontées.

13 Donc s'il y a quoi que ce soit de surprenant, il est extrêmement nécessaire

14 de donner des renseignements à ce sujet si une unité peut fournir des

15 renseignements sur la base qu'il y a un indicateur de tel ou tel type de

16 problèmes.

17 M. ROBSON : [interprétation] Mes collègues me disent ma dernière question

18 et votre réponse se sont chevauchées et donc je vous prie de m'excuser,

19 peut-être que j'ai parlé un peu rapidement. Donnez-moi un instant, s'il

20 vous plaît.

21 Je ne sais pas si c'est quelque chose que l'on pourrait corriger un

22 peu plus tard.

23 Mme LE JUGE LATTANZI : Maître Robson, pour vous dire que vous ne tenez

24 jamais compte du fait qu'on traduit aussi en français.

25 M. ROBSON : [interprétation] Je vous présente mes excuses, Madame le Juge.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est simplement pour qu'on ne fasse

27 pas de présomptions, qu'on ne préjuge pas, Maître Robson.

28 M. ROBSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors, pour que nous ne fassions pas

2 d'erreur, pourquoi ne demandez-vous pas au témoin de bien vouloir répéter

3 la réponse qu'il a faite à la question de façon à ce que nous sachions

4 exactement quelle était la réponse qu'il voulait faire.

5 M. ROBSON : [interprétation] Excusez-moi.

6 Q. Monsieur Cornish, je vais vous reposer la question. Donc d'une façon

7 typique, comment est-ce que les renseignements devraient être transmis ?

8 R. Ma réponse était que c'était fait de façon quotidienne, routine du

9 niveau inférieur tout en haut de la chaîne, et puis ensuite j'ai poursuivi,

10 le reste de la réponse est correct.

11 M. ROBSON : [interprétation] J'entends l'interprétation dans les écouteurs

12 du général Delic, donc je tiens compte de cela, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Voulez-vous répéter, Monsieur Robson.

14 M. ROBSON : [interprétation] Je dis que j'entends l'interprétation derrière

15 moi, donc je vais pouvoir suivre cela comme une façon de m'indiquer comment

16 ralentir.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ah bon, je pensais que vous vouliez

18 qu'il réduise le volume.

19 M. ROBSON : [interprétation]

20 Q. Maintenant, en ce qui concerne les renseignements relatifs à la

21 situation qui existe dans une unité, par exemple les résultats d'un combat

22 ou l'état dans lequel se trouvent les effectifs, le personnel dans cette

23 unité, que se passe-t-il si une unité ne rend pas compte au commandement

24 supérieur, mais en fait envoie ces renseignements à un organe ou une entité

25 qui se trouve en dehors de l'organisation de l'armée ? Quelle conclusion

26 pourriez-vous tirer s'il y a lieu ?

27 R. Bon ça, ça touche à la question justement du niveau suivant de la

28 présomption, c'est déjà assez mal pour court-circuiter un des échelons du

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1 commandement, et c'est bien pire de le contourner, de l'éluder

2 complètement. C'est tout à fait inconcevable que ça puisse aller à, par

3 exemple une direction politique différente. Que se passerait-il donc ?

4 Je ne saurais vraiment pas décrire cela, qualifier cette situation en

5 l'absence de l'existence d'une alliance, d'une opération impliquant une

6 alliance multinationale dans laquelle il serait possible qu'une unité

7 nationale rende compte à ses autorités nationales, par sa chaîne de

8 commandement, en parallèle à une autre unité qui le ferait également à sa

9 propre hiérarchie. Mais un organe qui serait intégré dans une seule chaîne

10 de commandement, qui rendrait compte à un système politico-militaire

11 complètement différent, je serais stupéfait, je ne saurais comment décrire

12 ou qualifier cette situation.

13 Q. Au paragraphe 37 il est question de la logistique et des fournitures.

14 Où est-ce que normalement, l'unité militaire obtient ses armes, ses

15 munitions, son matériel, son équipement ?

16 R. Pour ce qui est des armes d'habitudes, elles ont déjà été délivrées,

17 font partie de l'organisation de combat, de la dotation de combat de cette

18 unité de sorte que, par exemple, ils peuvent avoir ce dont ils ont besoin,

19 par exemple un bataillon d'infanterie, les armes qui vous ont été remises.

20 En ce qui concerne par exemple le réapprovisionnement, chaque unité même au

21 niveau le plus bas, même une toute petite unité a une certaine quantité,

22 une certaine capacité de se réapprovisionner. On peut même penser par

23 exemple, une section, une escouade de quelque huit personnes, huit

24 personnels. Ils auraient un petit peu de matériel à utiliser en plus. Donc

25 ça pourrait être à un niveau très subalterne.

26 Mais sinon il y a des opérations logistiques très complexes qui

27 remontent aussi loin qu'on le peut, avec d'énormes quantités de conteneur

28 de circulation qui font parvenir ce matériel vers l'endroit où il doit être

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1 utilisé.

2 Depuis -- on voit quels sont les chiffres qui -- si on voit la

3 première guerre du Golf, on peut voir à l'évidence, c'est une opération

4 militaire très grande, et du point de vue logistique, les dimensions de

5 l'opération qui doivent exister derrière pour ce qui est des chefs

6 militaires.

7 Q. Serait-il inhabituel -- non, je vais poser la question différemment.

8 Quelles conclusions pourriez-vous tirer, le cas échéant, si une unité

9 militaire se trouvait en dehors de la chaîne de réapprovisionnement

10 normale, en ceci qu'elle recevrait de l'argent, des armes, des munitions,

11 du matériel d'équipement et des vivres, des sources qui sont extérieures à

12 l'armée ?

13 R. A un niveau donné, il y a toujours eu et il y aura toujours dans les

14 forces armées, la possibilité, et même la nécessité de réquisitionner, de

15 procéder à des réquisitions de sorte que je vais vous donner un exemple

16 simpliste ou disons simple.

17 Si vous êtes commandant d'une unité qui se déplace en camion, avec

18 des camions, des transports d'autos, et que vous n'avez plus de carburant

19 pour vos camions, il est censé du point de vue militaire, plutôt que

20 d'attendre que la logistique vous apporte des citernes pour venir jusqu'à

21 votre position et vous réapprovisionne, si on a cette situation, on

22 pourrait réapprovisionner ces véhicules à partir de stations services

23 civiles.

24 De même, pour les vivres, tout au long de l'histoire militaire, les

25 militaires, les soldats ont toujours utilisé les ressources locales pour se

26 réapprovisionner parfois et souvent même, de façon plus civilisée que

27 d'autres, parfois au contraire, il peut s'agir d'un contrat, de paiements

28 qui sont faits, dans d'autres cas, bon on connaît en histoire militaire que

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1 c'était simplement le fait qu'on prenait tout ce qu'on pouvait. Et à ce

2 moment-là ça s'appelle vivre sur le pays.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez terminer.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi pour avoir fait une première

5 partie de la réponse aussi longue, mais quand il s'agit d'armes et de

6 munitions, du matériel par exemple, alors là on entre dans le domaine de ce

7 qui est essentiel au système parce que si le système ne comprend pas bien,

8 n'a pas une bonne compréhension de l'utilisation, la dépense en carburant,

9 en munitions, et la seule façon de comprendre, c'est par des rapports, par

10 des réquisitions, par les exigences des demandes de munitions et le reste.

11 Si on n'a pas une idée claire de tout cela, à ce moment-là on ne peut pas

12 donner un tableau clair de la manière dont fonctionne cette unité.

13 Surtout que cette unité ait des munitions ailleurs, parce qu'elle en

14 a trouvé sur place ou qu'elle a pu se réapprovisionner en carburant quelque

15 part. Mais si ça ne vient pas par le système normal, alors à ce moment-là

16 on ne peut guère faire confiance au fait que cette unité pourrait accomplir

17 la tâche pour laquelle elle a été désignée.

18 Quant aux devises, à l'argent, ça c'est un problème que je n'ai

19 jamais rencontré, je n'ai jamais rencontré ce problème et donc je ne sais

20 pas comment les choses s'agenceraient, fonctionneraient parce

21 qu'indépendamment des niveaux très subalternes, lorsqu'il y a conflit,

22 opérations de conflit, ceci semble être un problème d'absence d'argent

23 liquide.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que dites-vous, par exemple, en ce qui

25 concerne sur ce point l'utilisation d'un butin pour se réapprovisionner ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous voulez

27 parler de, par exemple, le fait qu'on aurait saisi de l'argent ou une forme

28 de trésors ?

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Exactement. Ça pourrait être quelque

2 chose --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça arrive, ça continuera de se passer. Mais je

4 dirais que dans un système militaire bien créé, du type auquel je suis

5 habitué, ceci ne doit pas avoir lieu, pour toute une série de raisons : en

6 partie parce qu'on ne pense pas que ce soit la meilleure manière de traiter

7 les gens sur les territoires desquels où l'on se trouve, en train de faire

8 ces opérations, mais également du point de vue militaire et c'est plus

9 grave.

10 Il faut qu'il y ait un contrôle de la qualité sur ce qui est fourni.

11 Il faut avoir également la possibilité de faire confiance que lorsqu'une

12 unité reçoit du carburant, c'est bien le carburant voulu, si c'est la bonne

13 qualité qu'il faut et qu'elle va pouvoir, à ce moment-là, faire fonctionner

14 ses moteurs. Donc il faut également que les munitions soient d'une certaine

15 qualité et qu'elles soient bien adaptées aux fusils, aux armes qui doivent

16 les tirer.

17 Donc s'il n'y a pas de contrôle de la qualité, ce que vous décrivez,

18 bien entendu, peut arriver, ça arrive. Mais je crois que pour les armées

19 régulières, les forces armées régulières ce n'est pas considéré comme une

20 façon professionnelle de faire les choses. Il y a également -- ça a des

21 résultats négatifs du point de vue professionnel.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

23 Mme LE JUGE LATTANZI : Une question toujours sur cet aspect.

24 Pour des approvisionnements, vous nous avez parlé de la possibilité

25 de réquisitions. Est-ce qu'on pourrait aussi accepter des contributions

26 volontaires au lieu de prétendre par la réquisition de s'approvisionner ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je crois que oui, je pense que oui. Je ne

28 connais pas de circonstances dans lesquelles cela aurait eu lieu, mais je

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1 peux imagine que ça pourrait être le cas.

2 Toutefois, j'aurais tendance à dire que s'il devait y avoir une

3 organisation ou une personne ou quelqu'un de responsable qui soit disposé à

4 le faire, à ce moment-là, il serait préférable que cette offre soit faite

5 au niveau le plus élevé à l'appui de l'ensemble de l'opération parce que ce

6 qu'on veut essayer d'éviter c'est ces idiosyncrasies, ces petites

7 curiosités de savoir qui a quoi et où on l'a obtenu, d'où on l'a obtenu. Il

8 pourrait y avoir également un problème de loyauté si cette unité est

9 appuyée par sa propre logistique, c'est son système de réapprovisionnement.

10 Qu'est-ce que ça voudrait dire en fait, que se passe-t-il véritablement ?

11 Est-ce qu'on peut vraiment se fier à cela, en l'occurrence ?

12 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

13 M. ROBSON : [interprétation]

14 Q. Alors, imaginons qu'il y ait une unité militaire qui ne dépende pas de

15 la chaîne régulière d'approvisionnement pour les ressources dont elle a

16 besoin et qu'elle ait des moyens financiers indépendants, est-ce qu'une

17 telle situation pourrait avoir une incidence sur le commandement et la

18 direction de cette unité ? Seriez-vous en mesure de le dire ?

19 M. MUNDIS : [interprétation] Je soulève une objection. Ceci est une

20 question directrice.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Maître Robson.

22 M. ROBSON : [interprétation] Ce que je vais faire, c'est reformuler la

23 question, si vous me le permettez.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

25 M. ROBSON : [interprétation]

26 Q. Si vous êtes en mesure de nous dire, si vous ne le pouvez, pas, je

27 comprendrai, dites-le également. Quelles sont les conséquences qui

28 pourraient découler du fait qu'une unité recevrait des ressources ou des

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1 moyens externes, et un soutien financier extérieur ?

2 R. Là encore, je dirais que ça amène à se poser la question de savoir quel

3 est le niveau d'intégration de cette unité dans l'ensemble du système, dans

4 l'ensemble de la structure, en fait, de la fiabilité de cette unité, pour

5 des raisons que j'ai déjà exposées. Vraiment, on ne pourrait pas avoir une

6 idée bien claire, précisément de savoir de quoi cette unité est capable si

7 on ne rend pas compte, si on ne demande pas par la chaîne logistique

8 normale, en rendant compte dont elle a besoin.

9 Oui, je pense que j'en resterais là dans ma réponse.

10 Q. J'ai encore une ou deux petites questions que je voudrais évoquer avec

11 vous et je regarde l'horaire.

12 M. ROBSON : [interprétation] Peut-être que le moment serait bien choisi

13 pour suspendre l'audience.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Effectivement. Nous allons suspendre

15 l'audience et nous la reprendrons à midi et demi.

16 L'audience est suspendue.

17 --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.

18 --- L'audience est reprise à 12 heures 30.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Robson.

20 M. ROBSON : [interprétation] Merci.

21 Q. Dr Cornish, j'aimerais que l'on examine maintenant la partie de votre

22 rapport qui a trait à la discipline. C'est la page 19, paragraphe 44 qui

23 m'intéresse plus particulièrement.

24 En parlant de la discipline militaire, dans ce paragraphe, on voit que vous

25 écrivez l'exercice de la discipline militaire a trois postulats. Le premier

26 est tellement évident et c'est que les personnes qui sont punies sont des

27 soldats bien formés.

28 Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu ?

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1 R. Oui. Ici, je dis qu'il y a déjà quelque chose dont on a parlé tout à

2 l'heure, c'est-à-dire qu'il y a un contrat entre le soldat et son

3 commandant au sein de ce système; c'est un contrat spécifique grâce auquel

4 ces mesures de discipline peuvent être prises. C'est ce que je veux dire.

5 C'est un cadre spécifique d'interactions que l'on emploierait pas dans

6 d'autres circonstances, par exemple au sein d'une famille ou être à la tête

7 d'une famille ou dans une entreprise.

8 Ce système suppose que toutes les personnes au sein de ce système ont

9 suivi cette information et ont signé ce contrat.

10 Q. Et le dernier postulat est en bas de la page lorsque vous dites d'une

11 manière presque banale : "L'exercice de la discipline militaire suppose

12 également un degré de protection physique de l'attaque ennemie."

13 Qu'est-ce que vous pouvez en dire ?

14 R. Au-delà du niveau immédiat ou l'on parle de l'expectation de

15 l'attentive d'être puni, au-delà de ce niveau-là dans un système juridique

16 militaire, en Grande-Bretagne, ce serait pareil à un niveau de tribunal

17 d'instance, et puis vous avez des instances supérieures de juridiction

18 jusqu'à l'appel. Donc il est évident que c'est un système complexe, et

19 d'habitude il ne serait pas possible d'avoir ce genre de structure. Lorsque

20 votre armée se déploie, se déplace, et surtout lorsque vous êtes sous

21 l'attaque, parce qu'à ce moment-là vous avez d'autres choses bien plus

22 préoccupantes à régler.

23 Q. Passons maintenant au dernier sujet. C'est dans le chapitre qui traite

24 de l'échec militaire, page 21, page 22, paragraphe 52 : "Echec de la

25 direction militaire." Vous dites que : "La direction militaire a six

26 domaines principaux," et nous en avons parlé aujourd'hui. Ensuite, vous

27 dites à la fin : "Si l'un de ces six domaines n'est pas présent, dans ce

28 cas-là il y aurait un échec de direction militaire."

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1 Quel est le fondement de votre thèse que vous avancez ?

2 R. Ceci s'enchaîne parce que mon analyse est fondée sur mon expérience, ma

3 formation. Et en rédigeant ce rapport, j'ai bien réfléchi à la question.

4 Comment décrire un système de direction militaire typique ? Et je suis sûr

5 lorsque je dis que ceci sera compris de tous les militaires. Puis est-ce

6 qu'on peut se passer de quoi que ce soit de ces domaines ? Et je ne vois

7 pas comment ce système de gestion complexe pourrait fonctionner sans

8 quelconque de ces six domaines.

9 Q. Merci, Docteur Cornish.

10 M. ROBSON : [interprétation] Je n'ai plus de questions, mais je vais

11 demander le versement au dossier du rapport et du CD du Dr Cornish. Son

12 rapport porte la cote D1034, et son CD porte la cote 1035.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. MUNDIS : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

16 Le rapport D1034 et le CD D1035 sont versés au dossier. Je vous prie de

17 leur donner une cote.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Les deux pièces porteront la cote 1383.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

20 Monsieur Mundis.

21 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Contre-interrogatoire par M. Mundis :

23 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Cornish.

24 R. Bonjour.

25 Q. Je suis Daryl Mundis, et avec mes collègues je représente le bureau du

26 Procureur dans cette affaire. Je vais vous demander de bien vouloir suivre

27 la même démarche que tout à l'heure, c'est-à-dire que nous parlons la même

28 langue, et il faut que nous fassions la pause entre questions et réponses

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1 afin que le sténotypiste et l'interprète puissent nous suivre.

2 Revenons à quelque chose dont vous avez parlé aujourd'hui. Je vais

3 commencer d'abord par ce dont on a parlé aux pages 36 et 37 du compte rendu

4 d'audience, et je vais rafraîchir votre mémoire.

5 Le Président vous a posé quelques questions parlant des membres d'une unité

6 qui ne portaient pas d'uniforme standard, et de la relation dans un tel cas

7 de figure, quelle est la relation avec la discipline militaire.

8 Est-ce que vous vous rappelez ce sujet ?

9 R. Oui.

10 Q. Entre autres, vous avez dit, l'on peut le lire à la page 36, lignes 2 à

11 9, vous dites : "Autrement, je pense que le commandant supérieur pourrait

12 être pardonné parce qu'il pense et suppose que cette unité subordonnée en

13 dépit de ce qui a été dit fonctionnait selon ses propres aspirations, et ce

14 que je veux dire est qu'il ne penserait pas que cette unité passerait le

15 test de base, à savoir de porter le même uniforme et d'avoir les mêmes

16 insignes," et ainsi de suite, "et ainsi il ne pourrait peut-être pas faire

17 confiance à cette unité en temps de conflit."

18 Est-ce que vous vous souvenez de cette partie de votre réponse ?

19 R. Oui.

20 Q. Dans un tel cas de figure où cette unité subalterne n'aurait pas

21 d'uniforme standard, est-ce que votre réponse serait différente si cette

22 unité avait reçu des missions, en dépit du fait que les membres de cette

23 unité ne portaient pas d'uniforme standard ?

24 R. Oui. Je dirais que oui, mais dans ce cas-là je pense que l'on partirait

25 d'une sorte de structure d'alliance et non pas d'une structure nationale ou

26 d'un commandement unique, national. Si je me rappelle bien la discussion

27 dont vous venez de faire le résumé, il était également question de la chose

28 suivante, c'est-à-dire qu'un ordre a été donné aux membres de cette unité

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1 de changer leurs uniformes ou de porter un autre type d'insigne.

2 Et votre question : "Que feriez-vous dans ce cas-là ?"

3 Moi je dirais qu'il est tout à fait concevable qu'il y ait une

4 opération d'alliés. Et on m'a fait comprendre que c'était le genre scénario

5 où il y avait une autre unité qui refuse de faire partie, de s'intégrer

6 dans la chaîne du commandement national.

7 Q. D'accord. Mais prenons ce même scénario comme exemple. En se

8 fondant sur votre expérience en la matière, si nous avons une situation où

9 l'unité doit se conformer aux ordres prescrivant les uniformes, les

10 insignes et cetera, et si les membres de l'unité n'obéissent pas à cet

11 ordre, et n'empêche l'on confie des missions à cette unité, et cette unité

12 les exécute en dépit du fait qu'ils n'observent pas, que les membres de

13 cette unité n'ont pas observé l'ordre de porter un certain type d'uniforme.

14 N'empêche, les membres de cette unité ont reçu certaines missions et les

15 ont exécutées. Quel serait votre avis là dessus ?

16 R. Moi je dirais tant mieux. Si le commandant a confié une mission à cette

17 unité et tout s'est bien passé, dans ce cas-là d'accord, c'est très bien.

18 Mais je maintiens ce que j'ai dit tout à l'heure, qu'il ne peut pas y avoir

19 le même niveau de fiabilité, de transmission que le commandant pourrait

20 s'attendre à avoir par rapport à d'autres unités. Si cette unité refuse de

21 s'intégrer entièrement dans une chaîne, cela serait significatif bien sûr.

22 Q. Et votre avis reste pareil même lorsqu'il s'agit des missions de combat

23 par exemple qui sont confiées ?

24 R. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce qui est le plus important dans les

25 activités militaires c'est le combat, c'est pour ça que ces gens sont là.

26 S'ils arrivent à faire le travail qui leur est confié, tant mieux. Mais

27 l'aspect secondaire qui est aussi très important, et c'est la

28 planification, les attentes qu'on peut avoir de cette unité. Je pense que

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1 c'est quelque chose un petit peu à part par rapport aux dispositifs

2 standards dont j'ai parlé tout à l'heure.

3 Q. Si l'on continue à donner des ordres, de s'engager dans les combats,

4 même si cette unité ne se conforme pas aux règlementations par rapport au

5 port d'uniforme, et cetera, quelle serait votre conclusion ?

6 R. Je dirais tant mieux tant que cela marche, mais pour combien de temps

7 encore ? Est-ce qu'à un moment donné le commandant de cette unité attachée

8 va décider de son propre gré et dire, voilà ça suffit maintenant je ne vais

9 plus participer au combat. Mais si ça marche, tant que ça marche ça va.

10 Mais ça ne peut pas continuer à jamais.

11 Q. Passons maintenant à une autre question et réponse que vous avez donnée

12 ce matin. C'est à la page 31 du compte rendu d'audience, et mon confrère

13 parlait du besoin de tenir les registres des effectifs. Est-ce que vous

14 vous en souvenez ?

15 R. Oui.

16 Q. Sa question est à la page 31, lignes 8 à 10 : "Est-ce qu'il pourrait y

17 avoir des problèmes si un commandant supérieur ne disposait pas

18 d'informations précises au sujet des membres d'une unité subordonnée ?"

19 Je vais vous demander la chose suivante : quelles sont les informations et

20 dans quelle mesure le commandant supérieur doit être informé des membres

21 des unités subordonnées ?

22 R. L'officier supérieur s'attendrait à ce que son officier subalterne en

23 soit informé et qu'il en rende compte pour avoir les connaissances

24 nécessaires, pour connaître ses effectifs. Donc si cet officier subalterne

25 n'est pas capable de fournir ces informations ou ne souhaite pas les

26 fournir, dans ce cas-là, ce commandant n'a pas le commandement entièrement,

27 et dans ce cas-là on revient à la question de confiance et dans quelle

28 mesure le commandant supérieur peut donner des ordres à son officier

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1 subalterne. Ça veut dire qu'il pourrait y avoir un problème. Il va toujours

2 y avoir certaines informations personnelles qui doivent être transmises le

3 long de la chaîne de commandement, surtout lorsqu'il s'agit par exemple des

4 blessures. Et si cela ça ne se fait pas, c'est comme si on ne transmettait

5 pas des informations au sujet des munitions ou du carburant.

6 Q. J'ai encore quelques questions qui s'enchaînent. Est-ce que le

7 commandant du corps d'armée ne pourrait pas diriger le corps s'il ne

8 connaissait pas l'identité des soldats dans une compagnie ou dans un

9 bataillon ?

10 R. Non, mais si vous me le permettez, cela aurait une incidence négative

11 sur sa capacité de commander, si les commandants de division, brigade ou

12 compagnie ne connaissaient l'identité de leurs soldats.

13 Q. Je voulais justement en venir. On ne s'attendrait pas à ce qu'un

14 commandant de division connaisse l'identité de soldats dans une compagnie,

15 par exemple ?

16 R. Je pense que j'ai dit tout à l'heure qu'on ne s'attend pas à ce que ce

17 commandant sache combien de bouteilles d'eau porte chaque soldat, mais il

18 important que quelqu'un dans le système en soit au courant.

19 Q. D'accord. Et on pourra faire la même chose en passant aux échelons

20 inférieurs, qu'il s'agisse de commandant de brigade ou de commandant de

21 bataillon. On ne pourrait pas connaître les individus qui sont à un échelon

22 inférieur, n'est-ce pas ?

23 R. Oui. Simplement il s'agit de connaître qu'est-ce qu'un être humain peut

24 savoir et dans quelle mesure il peut être renseigné. Si vous avez un

25 bataillon qui a entre 500 et 600 hommes, il est impossible que leur

26 commandant les connaisse par leurs noms, c'est impossible.

27 Q. Mais, le commandant de bataillon pourrait reconnaître au moins la

28 plupart des gens qui font partie de son bataillon, n'est-ce pas ? Il ne

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1 pourrait pas connaître leurs noms, mais il pourrait les reconnaître, il

2 pourrait savoir que ce sont bien les membres de son unité ?

3 R. Oui.

4 Q. Je pense qu'on peut dire que le commandant d'une compagnie pourrait

5 connaître l'identité de tous ses soldats ?

6 R. Oui.

7 Q. Mais un commandant de corps d'armée peut fonctionner même s'il ne

8 connaît pas l'identité de toutes les personnes, tous les soldats qui font

9 partie de son corps ?

10 R. Je suis d'accord avec vous. Je dirais que s'il connaissait tout le

11 monde, ça veut dire quelque chose ne marche pas, quelque chose est bizarre.

12 Q. Et comme vous l'avez déjà dit, on s'attendrait à ce que la chaîne de

13 commandement fonctionne de la même manière, c'est-à-dire que si un

14 commandant de bataillon se pose la question au sujet de l'identité de ses

15 soldats, il s'adresserait au commandant de compagnie pour obtenir ces

16 informations.

17 R. Oui.

18 Q. Si un commandant de brigade a besoin de la liste de tous les soldats

19 qui sont membres de sa brigade, il s'adresserait au commandant de

20 compagnie, n'est-ce pas ?

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les interprètes vous prient de

22 ralentir.

23 M. MUNDIS : [interprétation] Oui, je vais le faire.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous prie tout simplement de

25 ralentir. Je ne vous demande pas de renoncer à vos écouteurs.

26 M. MUNDIS : [interprétation]

27 Q. On s'attendrait à ce que si ces informations sont nécessaires, le

28 commandant de brigade pourrait obtenir le nom de tous les soldats dans son

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1 bataillon en passant par la chaîne de commandement, c'est-à-dire que le

2 commandant de brigade s'adresserait au commandant de bataillon qui lui

3 s'adresserait au commandant de compagnie, n'est-ce pas ?

4 R. Oui, je suis d'accord. Si le commandant de brigade, pour une raison

5 quelconque, doit connaître l'identité de tous les soldats et le nom de tous

6 les bataillons et sections, il demanderait au commandant de bataillon qui

7 s'adresserait ensuite au commandant de compagnie, qui demanderait à son

8 tour au commandant de section de fournir ces informations et après cela

9 remonterait le long de la chaîne de commandement.

10 Q. Passons maintenant à un autre sujet.

11 On a parlé tout à l'heure d'une situation où une unité, une unité

12 subalterne, où une poignée de soldats rendraient compte directement à un

13 chef politique, leader politique.

14 Est-ce que vous vous souvenez de ce sujet ?

15 R. Oui.

16 Q. En parlant de cette situation, en répondant à la question posée par mon

17 confrère, Maître Robson, à la page 52, lignes 21 jusqu'à 25, vous avez dit

18 : "Je maintiens que ce serait un dispositif spécial que tout le monde

19 comprendrait."

20 Ma question est la suivante : qu'est-ce que vous voulez dire lorsque

21 vous dites que "tout le monde le comprendrait" ?

22 R. Je pourrais vous citer deux exemples.

23 Il se peut qu'il y ait des circonstances où des forces spéciales

24 soient employées, et on dit souvent que ce sont des forces stratégiques. La

25 raison pour laquelle elles sont connues en tant que forces stratégiques est

26 qu'elles remplissent, exécutent des missions dont elles rendent compte à un

27 niveau très élevé. Et si vous êtes dans un système militaire qui dispose

28 des forces spéciales, il est compris par tout le monde que ces forces

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1 passent par une chaîne de commandement spéciale.

2 Un autre exemple où vous avez une hiérarchie militaire plus normale,

3 régulière où vous avez des unités, par exemple, d'un bataillon d'ingénieurs

4 et on s'attendrait normalement à ce que ce bataillon soit sous les ordres

5 de la brigade. Mais il se peut que ce bataillon reçoive et soit placé sous

6 les ordres d'une division directement. Donc ceci serait compris comme un

7 dispositif spécial.

8 Q. J'aimerais que l'on parle maintenant de plus petites unités qui sont

9 placées directement sous les ordres d'un leader politique. J'imagine que

10 dans ce cas-là l'on parle d'un leader politique très très haut placé.

11 R. Je ne sais pas si on pourrait dire qu'il s'agit d'un leader, mais il se

12 peut que l'on parle d'un commandement très haut placé, d'un quartier

13 général très haut placé qui peut confier des missions à ce genre d'unités,

14 et ensuite recevoir le compte rendu directement de cette unité sans passer

15 par la chaîne de commandement habituelle.

16 Q. Peut-être ma question n'était pas suffisamment précise, mais j'aimerais

17 que l'on se concentre pour quelques instants sur un cas de figure où vous

18 avez une petite unité, une poignée de soldats qui relève d'une autorité

19 politique. Lorsque vous dites "un commandement ou un quartier général très

20 haut placé," de quel type de commandement parlez-vous ?

21 R. Je parle d'un commandement très haut placé. Je pense qu'il est bien

22 connu de tous, en Grande-Bretagne, par exemple, qu'il y avait des rapports

23 établis par des détachements de forces spéciales qui ont été envoyés aux

24 opérations très spécifiques et que ces rapports seraient envoyés

25 directement à un niveau très, très haut placé, c'est-à-dire au gouvernement

26 directement.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que cela

28 va au-delà du niveau de l'armée, est adressé directement au niveau

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1 politique ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

3 M. MUNDIS : [interprétation]

4 Q. Lorsque vous dites que "ces rapports seraient envoyés directement au

5 niveau du gouvernement, où un conseil militaire serait donné," qui est

6 cette personne qui donnerait ce conseil militaire, de qui parlez-vous ?

7 R. Je parle du niveau stratégique où les responsables politiques sont

8 informés des conseillers militaires et il se peut qu'ils fassent appel aux

9 forces spécifiques. Je parle d'une partie de l'armée très spécifique et

10 ceci pourrait être offert pour exécuter des missions de reconnaissance, de

11 renseignement en profondeur, comme c'était le cas, par exemple, pour la

12 Grande-Bretagne, au nord de l'Iraq, au début des années '90. Les

13 informations ont été envoyées par radio directement à Londres.

14 Q. Et dans le cas où ces informations sont envoyées directement au niveau

15 le plus élevé du gouvernement, les représentants politiques sont informés

16 ou consultés de la -- reçoivent le conseil des responsables militaires les

17 plus hauts placés, n'est-ce pas ?

18 R. Oui. Je dirais que c'est une situation idéale. Je pense que c'est la

19 meilleure des situations, mais si les responsables civils décident

20 d'employer la force armée, je pense qu'il est du bon sens qu'ils soient

21 conseillés par les militaires.

22 Q. Passons à un autre sujet évoqué lui aussi ce matin, il y a à peine

23 quelques instants.

24 Vous répondiez une fois de plus à une question de M. le Président de

25 la Chambre. Elle portait sur l'utilisation de butin, de matériel capturé

26 pour essayer d'utiliser comme moyen de réapprovisionnement.

27 Vous vous en souvenez ?

28 R. Oui.

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1 Q. Votre réponse se trouve à la page 61, lignes 7 à 9 du compte rendu

2 d'audience, vous avez dit que : "Ça se passe et ça se passera encore à

3 l'avenir. Mais je dirais que lorsque vous avez un système bien établi, un

4 système militaire tel que celui que je connais, normalement ça ne devrait

5 pas se passer." Il y a peut-être une erreur dans le compte rendu

6 provisoire.

7 Et quand vous parlez de "système militaire organisé, établi," vous pensez à

8 quel système, au singulier ou au pluriel ?

9 R. A ceux où j'ai enseigné, où dans lesquels j'ai travaillé. Dans cette

10 liste vous auriez, bien sûr, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Suède,

11 l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l'Autriche et, disons de

12 façon accessoire ou, indirectement, l'armée afghane. J'ai aussi enseigné

13 bien plus, je ne m'en souviens plus, malheureusement, lorsque j'étais au

14 collège de guerre au "staff collège" où j'ai donné des cours à beaucoup

15 d'officiers militaires africains.

16 Q. Mais vous avez une expérience qui est constituée par votre expérience

17 professionnelle dans ces projets que vous avez menés, ces choses que vous

18 avez faites, mais c'est surtout dans le cadre d'institutions d'Europe

19 occidentale ?

20 R. Oui, surtout.

21 Q. Et je suppose que l'expérience que vous avez acquise avec ces

22 militaires occidentaux ou ces systèmes constitue le socle même de ce que

23 vous dites dans votre rapport, c'est la base ?

24 R. Oui, bien entendu. Si vous rédigez ce genre de document, vous devez

25 vous soumettre à une certaine autocritique et tout du long, pendant la

26 rédaction, je me suis demandé s'il était possible d'universaliser, excusez-

27 moi d'utiliser ce mot, dans quelle mesure il était possible de considérer

28 ces principes que j'ai évoqués comme étant des principes universels.

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1 Partant de mon expérience, où j'ai enseigné, travaillé avec plusieurs

2 systèmes militaires, c'était le système européen ou d'Europe occidentale,

3 je crois pouvoir dire que les principes que j'ai évoqués ne sont pas

4 étrangers à bien plus bien plus d'autres forces armées, pas seulement pour

5 celles de l'Europe occidentale.

6 Q. Vous conviendrez avec moi, en tout cas à l'exception de l'armée

7 afghane, toutes ces autres forces armées que vous avez énumérées,

8 britanniques, allemandes, américaines, belges, néerlandaises,

9 autrichiennes, ce sont des forces armées très développées, des systèmes

10 militaires bien établis, bien développés.

11 R. Oui. Au fil des ans, j'ai aussi travaillé avec des systèmes moins

12 développés, non occidentaux, j'ai étudié pour les armées de guérillas

13 révolutionnaires, d'autres groupes organisés. Et si on y regarde dur -

14 parce que j'affirme que bien nombre de ces principes relèvent du bons sens

15 - on peut trouver des similitudes au niveau des principes et des codes.

16 Q. Bien sûr. Mais lorsque vous avez des armées moins développées, il se

17 peut qu'elles ne soient pas en mesure de tout à fait appliquer ces

18 principes, de les respecter ?

19 R. Oui, bien sûr. Je suis d'accord avec vous pour dire que deux armées ne

20 peuvent pas se gérer à la même cadence avec la même technologie que des

21 armées qui sont, elles, très bien développées. Mais si vous parlez de

22 l'unité du commandement, de ce principe-là, j'affirmerais que ce principe,

23 il est compris dans toute organisation militaire, pas seulement dans

24 l'armée américaine ou dans la marine britannique.

25 Q. Pour ce qui est du respect de ces principes, le respect sera

26 proportionnel au degré d'organisation ?

27 R. C'est vrai. Ce sera plus compliqué. Ça prendrait plus de temps. On va

28 parvenir aux mêmes effets par des moyens différents, des voies différentes,

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1 mais l'unité, la voie hiérarchique, l'objectif commun, tous ces principes

2 restent réalisables et seraient réalisés.

3 Q. Voyons ce concept de la logistique, du réapprovisionnent et ce qui a

4 débouché sur cette réponse dont nous venons de parler.

5 Lorsque vous avez des systèmes militaires très développés, est-ce

6 qu'on pourrait dire que leurs systèmes de logistique le sont aussi ?

7 R. Oui.

8 Q. Qu'en serait-il des forces armées moins développées. Est-ce qu'elles

9 ont le même degré d'organisation logistique et d'approvisionnement ?

10 R. Elles auraient un système similaire. Cependant, ces systèmes ne vont

11 peut-être pas autant avoir besoin de véhicules ou avoir d'autant de canons

12 d'artillerie. Donc il faudra peut-être moins d'obus. Il se peut que leurs

13 besoins soient moindres dans certains domaines. Cependant, il faudra quand

14 même qu'ils aient de la logistique.

15 Q. Je pense que vous avez fourni quelques exemples. Une force armée qui

16 utilise des camions va devoir réquisitionner le carburant des structures

17 civiles ou lorsque vous avez des besoins en nourriture va devoir utiliser

18 le fruit de la terre, donc intervention sur l'économie civile.

19 Qu'en est-il d'une situation où l'armée n'a pas les moyens, quelle

20 qu'en soit la raison, de se procurer des armes et des munitions en passant

21 par la filière logistique ?

22 R. Je pense qu'à ce moment-là s'effondre tout le système.

23 L'armée va demander de l'aide d'unités de soutien de pays qui

24 devraient les soutenir, mais ce serait vraiment la situation la plus

25 difficile. Si, au fond, pour cette opération on n'a plus ni carburant ni

26 munition, on pourrait dire qu'elle n'aurait pas dû commencer déjà cette

27 opération.

28 Q. S'il y avait des munitions, s'il y avait des armes grâce à l'économie

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1 civile, est-ce que l'armée pourrait l'utiliser ?

2 R. Oui. C'est un cas de figure qui serait envisagé. Je vous ai donné

3 l'exemple, par exemple, d'une station-service civile où il y a beaucoup de

4 carburant, et si vous n'en avez pas ça semble logique de réquisitionner ce

5 carburant.

6 Q. Pareil pour des armes et des munitions si dans l'économie civile il y

7 en a ?

8 R. Ça, ça devient un peu plus compliqué parce qu'ici nous parlons de

9 systèmes d'armement. Bien sûr, un fusil ressemble beaucoup à un autre, mais

10 le calibre des munitions peut être très différent, disons à un millimètre

11 près. Quelquefois on ne peut pas tout utiliser. Il y a aussi le fait de

12 savoir si on peut se fier sur ces munitions. Là, on privilégie les

13 munitions standard, les armes standard quand on parle de la logistique.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais j'aimerais poser la même

15 question. Si on a des munitions dans l'économie civile, il ne faut pas

16 nécessairement utiliser des munitions d'un calibre différent pour une arme.

17 Pour ce qui est du réapprovisionnement si, par exemple, il vous est

18 possible de recevoir et des armes et des munitions ou la munition utilisée

19 pour l'arme ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'avoue que je ne suis pas très au courant de

21 ce cas de figure. Il faudrait que j'y réfléchisse un peu plus longuement.

22 Mais je m'aventurais à dire que là nous revenons à un problème déjà évoqué

23 où la force en question se réapprovisionne en utilisant ce qui est le plus

24 capital dans une activité militaire, à savoir des munitions. En théorie, le

25 système de commandement devrait savoir qu'il n'a plus de munitions pour

26 commencer, puis qu'il y a eu réapprovisionnement parce que sinon, ça ne

27 peut pas être considéré, ces munitions comme déjà intégrées dans tout le

28 système.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Mundis.

2 M. MUNDIS : [interprétation]

3 Q. Est-ce que vous diriez autre chose, si on était dans une situation de

4 combat, pour une raison, l'armée n'est pas à même de vraiment doter une

5 armée en armes et si cette unité puisait dans l'économie civile, cette

6 unité, quelles mesures prendrait-elle ?

7 R. Si je vous comprends bien, le péage, le vol ce dont on a besoin est

8 illégal d'après le droit international humanitaire. Je suppose qu'il

9 faudrait un système par lequel l'unité qui est privée de ses moyens

10 réquisitionne ou achète ce dont elle a besoin d'une façon ou d'une autre,

11 qu'elle ait besoin de carburant, de munitions, de nourriture ou d'eau.

12 Q. Revenons brièvement à un autre sujet évoqué en début d'après-midi,

13 celui de la discipline militaire. Pourriez-vous d'abord nous donner une

14 réponse générale pour nous dire le rôle joué par la discipline, ou la

15 punition peut-être, dans l'armée et dans l'exécution des missions

16 militaires ?

17 R. Je peux m'efforcer de le faire.

18 Voici ce que j'ai dit : un soldat qui est dans une unité militaire

19 doit observer la discipline. Il doit être suffisamment bien formé, avoir

20 suffisamment de bonne conduite que pour décrire ce que j'ai décrit comme

21 étant une activité qui est tout à fait contraire à l'intuition, c'est-à-

22 dire qu'on vous tire dessus, et pourtant vous devez rester sur place. Je

23 pense que ceci nécessite un plus haut niveau de formation et cette

24 personne, elle doit être disciplinée dans le sens d'avoir de la discipline.

25 C'est comme ça que je comprends la discipline, et ceci c'est possible et

26 c'est nécessaire en grande mesure pour que l'unité et l'individu restent

27 disciplinés.

28 Q. Le maintien du bon ordre, de la discipline, c'est quelque chose

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1 d'absolument essentiel dans toute organisation ou mission militaire, n'est-

2 ce pas ? Vous en conviendrez avec moi ?

3 R. Absolument.

4 Q. Je voudrais évoquer des points précis de votre rapport. Je pense que

5 vous l'avez toujours sous les yeux.

6 Parlons d'abord de l'art d'être chef, le leadership militaire, la

7 première section, me semble-t-il. Revenons à ce qu'a dit von Clausewitz aux

8 qualités du chef. Paragraphe 7, au bas de la page 4. Là nous avons une

9 liste qui se poursuit à la page suivante qui énumère des qualités que doit

10 avoir un bon chef d'armée, un bon chef militaire.

11 Vous le voyez ?

12 R. Oui.

13 Q. Le petit a m'intéresse tout particulièrement. Vous citez le courage en

14 citant von Clausewitz : "Le courage d'accepter les responsabilités, que ce

15 soit devant une autorité externe devant le tribunal ou devant sa propre

16 conscience."

17 Est-ce que vous pourriez étoffer votre propos ?

18 R. Je vais essayer. Clausewitz ici, à mon avis, a pu dire deux choses.

19 D'abord, que le chef doit pouvoir faire ce que fait le soldat. Ce que je

20 viens de décrire, à savoir endosser ce stress énorme qui est de se trouver

21 face à un danger, un conflit. Rappelez-vous le courage qu'on demande aux

22 soldats. Mais il a besoin aussi un autre niveau du courage, la capacité à

23 prendre une décision même si la connaissance qu'il a des faits n'est pas

24 parfaite et de donner des instructions partant du jugement qu'il a posé,

25 qu'il a porté et peut-être encore plus de changer d'avis si les

26 circonstances évoluent, l'exigent.

27 Donc je pense que Clausewitz dit qu'il faut avoir une personne, qui

28 normalement est courageuse, face preuve d'un courage extraordinaire pour

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1 prendre très rapidement des décisions et en fonction de l'évolution des

2 événements.

3 Q. Vous parlez ici du fait d'accepter les responsabilités, à savoir que

4 cette personne est comptable de ses actes; est-ce que c'est important pour

5 un chef militaire ?

6 R. Vous dites être comptable, redevable ou --

7 Q. Vous citez Clausewitz ici, pour considérer le courage d'accepter la

8 responsabilité, de l'endosser, mais une responsabilité de quoi, envers qui

9 ? Pourquoi est-ce que vous avez mentionné cette citation dans votre rapport

10 ?

11 R. Si j'ai cité ceci dans le rapport, c'est pour vous montrer, bon, il n'y

12 a pas que Sun Tzu et Clausewitz qui le disent, il y en a d'autres. Mais

13 c'était pour vous montrer que le stratège, le penseur militaire a reconnu

14 qu'un chef a besoin de démontrer plusieurs qualités précises, c'est de cela

15 que ça vient.

16 "Responsabilité", ici dans ce contexte, c'est vraiment, c'est qu'on a

17 la force morale permettant d'accepter la mission qu'on vous offre ou qu'on

18 vous impose si vous êtes chef de division, manifestement, vous devez avoir

19 suffisamment de confiance en vous, avoir cette responsabilité. Si vous

20 n'avez pas ce sens de responsabilité, si vous n'êtes pas sûr que vous êtes

21 à la hauteur de la tâche, vous ne devez pas accepter cette tâche. Je pense

22 que c'est ce qui est dit ici.

23 Q. Le fait d'accepter la responsabilité, si vous l'acceptez, est-ce que ça

24 veut dire que vous devez aussi accepter que vous pouvez être tenu

25 responsable en remontant la filière ou en la descendant aussi ?

26 R. Tout à fait.

27 Q. Etre chef ici, ce leadership comme l'a décrit Clausewitz, en matière de

28 responsabilité et de comptabilité, est-ce que ceci ne va pas donner le ton

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1 pour tout le commandement ?

2 R. Tout à fait, à tous les échelons, un chef doit penser en aval et en

3 amont. Il doit penser à ceux qui sont commandés et à ceux qui commandent.

4 Comme vous l'avez dit, il y a un sentiment que c'est une voie qui va dans

5 les deux sens. La responsabilité, elle n'est pas unilatérale.

6 Q. Merci.

7 M. MUNDIS : [interprétation] Pas d'autres questions.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Robson, avez-vous des questions

9 supplémentaires.

10 Nouvel interrogatoire par M. Robson :

11 M. ROBSON : [interprétation]

12 Q. Une seule chose.

13 Monsieur Cornish, on a évoqué un cas de figure : une armée n'a pas

14 assez d'armes, ni de munitions, on vous a demandé si une unité pourrait

15 essayer d'obtenir des munitions, des armes en se tournant dans

16 l'environnement que j'appellerais local.

17 Est-ce que c'est comme ça que doit fonctionner une armée ? Est-ce que

18 des unités subalternes peuvent comme ça décider d'aller chercher des armes

19 là où elles les trouveront ou est-ce qu'en règle générale, ça doit se faire

20 autrement même lorsque la situation est tellement exacerbée ?

21 R. Ce n'est pas une façon classique ou privilégiée d'opérer, on

22 préfèrerait que le système militaire permette -- imaginons que nous avons

23 affaire à un régiment d'artillerie, un bataillon d'artillerie, il faudrait

24 que grâce au système ou dans le système, on prévoit une situation où il y a

25 suffisamment de carburant, de vivres, d'eau, de munitions pour que ce

26 bataillon puisse garder sa cohérence, se redéployer, se déplacer,

27 progresser, puis, avoir suffisamment de munitions pour la mission qui lui a

28 été confiée.

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1 Si ce n'est pas le cas, si des munitions manquent, j'ai l'impression

2 que le système commence à se débiter, ce n'est pas simplement un système

3 qui va fournir des obus d'artillerie, il doit fournir un type précis

4 d'artillerie. Vous, le système, vous devez pouvoir compter là-dessus, vous

5 savez que le système peut faire certaines choses dans certaines mesures

6 avec une certaine portée. Si l'arme n'est pas précisée, comment voulez-vous

7 opérer, si vous avez des munitions qui viennent ailleurs, alors on ne sait

8 plus ce que le système peut de lui-même.

9 Et il se peut qu'il y ait d'autres possibilités. Effectivement, ces

10 munitions peuvent ne pas marcher ou peuvent s'avérer dangereuses parce

11 qu'elles sont de mauvaise qualité. A ce moment-là, vous avez un système

12 d'armement qui est paralysé, qui est inutilisable. Donc, c'est vraiment le

13 dernier recours, je ne parle que de mon expérience limitée, mais

14 l'expérience que j'ai me dit et c'est certain quand on parle de système

15 militaire très développé, "high-tech", qu'il est peu probable que ce

16 système n'ait pas le ravitaillement dont il a besoin. Parce qu'aujourd'hui,

17 on n'a pas tout simplement besoin de poudre à canon, d'obus ou de boulets

18 de canon, nous avons maintenant un système beaucoup plus compliqué.

19 Si vous avez un bataillon, une unité qui est à court de munitions, elle le

20 dit aux échelons supérieurs de la chaîne de commandement. Vous savez, il y

21 a une autre utilité importante de cette chaîne, c'est qu'elle vous donne

22 des renseignements sur le dispositif de vos forces et on sait ainsi que ce

23 bataillon n'a plus de munitions ça veut dire qu'il était utilisé et s'il

24 était utilisé c'est parce qu'il est engagé avec le nez. Donc on a de plus

25 de plus de renseignements. Au départ, ça pourrait ressembler à une

26 information simple, on a besoin de X munitions, mais en fait, cette idée ou

27 ce fait, en cache une autre beaucoup plus importante. Donc là, on a des

28 informations qui pourront aussi être relayées à la logistique. Si la

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1 logistique c'est ce que vous trouvez là où vous le trouvez, à ce moment-là,

2 l'information, le renseignement n'est pas organisé, structuré et il n'est

3 pas saisi par la chaîne de commandement.

4 M. ROBSON : [interprétation] Pas d'autres questions, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Madame le Juge.

6 Questions de la Cour :

7 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, vous avez parlé aujourd'hui d'un

8 rapport dialectique, j'ai compris comme ça, vous me corrigez si je me

9 trompe, entre les unités subordonnées et les unités supérieures en ce qui

10 concerne en particulier le problème du déplacement d'une unité sous le

11 commandement d'un autre bataillon. Pardonnez-moi les termes, je ne suis pas

12 si précise, en étant une femme surtout.

13 Je voudrais savoir, ce problème de ce rapport dialectique, d'échange

14 d'informations, des suggestions qui arrivent du bas amont, s'applique aussi

15 pour les opérations de combat, pour les modalités, le temps, l'espace des

16 opérations de combat sur le terrain et donc qu'on tienne compte des

17 suggestions, des propositions qui viennent de l'unité subordonnée.

18 R. Merci, Madame le Juge. Oui, je pense que oui.

19 Bon, je n'ai parlé de rapport dialectique, mais je pense que c'est

20 excellent. Merci de cette idée, je vais la garder.

21 Mais je pense qu'il devrait y avoir effectivement un échange d'idées et si

22 vous avez affaire à une organisation confiante, d'une organisation, d'une

23 chaîne de commandement qui est vraiment mature, c'est précisément ce que

24 vous allez pouvoir avoir, c'est-à-dire ce flux, bien sûr, nous avons parlé

25 de renseignements, par exemple, sur les munitions, on en a besoin de ces

26 informations. Mais il faut aussi qu'il y ait suffisamment de souplesse ou

27 si vous avez un chef de division en consultation avec ses chefs de brigade,

28 s'il a un plan pour faire quelque chose et si un des chefs de brigade

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1 donne, lui, ses ordres à ses chefs de bataillon, et s'il y a un des chefs

2 de bataillon qui, en fait, a une meilleure idée pour faire quelque chose,

3 parce qu'il a compris quelque chose, il a fait une observation que personne

4 d'autre n'aurait pu faire, il va relayer ça au chef de brigade, lequel va

5 le dire au chef de division, voilà j'ai une nouvelle idée.

6 Mais en fin de compte, après tout cet échange d'idées, et tout ceci

7 se fait très rapidement, en fin de compte il y a une autorité, il y a une

8 décision. Malgré tout, il y a quelqu'un qui dira merci de ce renseignement,

9 merci de l'idée, voici comment nous allons faire.

10 Mme LE JUGE LATTANZI : En restant toujours sur cette question-là. S'il y a

11 une unité qui a une tâche particulière, une unité d'assaut qui doit

12 combattre en première ligne, ils devront attaquer, rompre la ligne de

13 défense de l'ennemi corps à corps, peut-être aussi encore -- est-ce qu'on

14 tiendrait en compte, en particulier, des opinions de cette unité sur les

15 modalités, le temps, l'espace de l'opération de combat ?

16 R. Oui, ça pourrait se faire. Cependant, on pourrait s'attendre à ceci :

17 on pourrait s'attendre à ce que le système, la hiérarchie, la chaîne de

18 commandement pour autant qu'elle fonctionne bien, elle devrait déjà avoir

19 tenu compte de ce que peut faire ce bataillon. Pourquoi ? Parce qu'elle a

20 toutes les informations sur ce qu'a fait le bataillon, ses hommes, ses

21 munitions, et cetera. Ce qui veut dire qu'il devrait y avoir un bon niveau

22 de jugement pour savoir ce qu'on peut attendre de ce bataillon.

23 Néanmoins, le chef de bataillon voit quelque chose de différent. Il

24 serait tout à fait essentiel qu'il le dise, qu'il fasse cette observation à

25 son commandant, et éventuellement passer à l'échelon supérieur. Mais, en

26 fin de compte, le chef de bataillon après avoir fait cette observation,

27 après avoir dit : peut-être que j'ai l'impression que je ne pourrais pas

28 faire cette percée pour telle ou telle raison, malgré tout il pourrait,

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1 c'est imaginable, donner l'ordre que ce soit fait quand même. Et c'est là

2 que se trouve l'autorité. Et c'est pour ça qu'il est tellement important de

3 compter sur la discipline militaire, que c'est à ce point essentiel.

4 Mme LE JUGE LATTANZI : Cela signifie qu'en dernier ressort, on ne peut pas

5 refuser ?

6 R. Absolument.

7 Mme LE JUGE LATTANZI : Encore une chose, non, peut-être deux. Vous avez

8 parlé d'un anathème qu'il y aurait, si on saute la chaîne de commandement

9 et sans que naturellement, la victime de cet anathème soit informée de ce

10 qui arrive.

11 Mais si la victime de cet anathème, donc le commandement qui s'est vu

12 sauté, informé, dans un système qui fonctionne, quelle serait la réaction

13 de cette victime ? Quelle devrait être la réaction de cette victime, de

14 faire valoir ses droits, de demander une explication, de démissionner ?

15 Quel serait dans votre système, que c'est un système trop parfait, de votre

16 armée britannique, je dirais, mais quand même qu'est-ce qu'on ferait dans

17 votre système ?

18 R. Dans le système britannique, comme dans beaucoup d'autres, s'il s'agit

19 par exemple d'enlever une unité de la chaîne de commandement pour lui

20 confier une mission spécifique avec un ordre spécifique, ce qui veut dire

21 qu'on va contourner le fait de rendre compte, la chaîne de commandement qui

22 a perdu une unité le sait et ne s'opposerait pas à cela, parce que tout

23 ceci, ce serait fait en bonne et due forme. Il aurait reçu un ordre,

24 disant, "Voilà, un de vos bataillons va être déplacé, allez faire ceci, et

25 il sera responsable, rendra compte pour trois jours ou une semaine à tel ou

26 tel." Donc, il ne devrait pas y avoir d'objection. Ça pourrait s'inscrire

27 dans les fonctions militaires. Notre commandant le sait et l'accepte.

28 Si malgré tout, il apprend que ceci s'est passé de façon officieuse,

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1 il est certain qu'il va être en colère de ce qui va se passer, inquiet, et

2 il pourrait exiger une explication de la part de l'unité subalterne, pour

3 savoir pourquoi est-ce que vous avez fait ça, qui vous a dit de faire ça ?

4 Il pourrait aussi faire valoir à son commandant à lui que ceci s'est passé

5 et que c'est inacceptable à son avis, vu mon niveau de commandement. Et ça

6 devient le problème de son commandant supérieur qui va devoir déterminer ce

7 qu'il faut faire.

8 En fin de compte, on pourrait s'attendre à ce que le système corrige

9 l'erreur, puisqu'on estime quand même que c'est une faute, un anathème, si

10 ceci se passe, mais on pourrait aussi imaginer que le commandant tout à

11 fait supérieur dise voilà, ça s'est passé, ça n'aurait pas dû se passer,

12 mais c'est fait. Alors, continuons. Tout est possible. Mais il y a des

13 procédures, des attentes et on pourrait effectivement faire valoir quelque

14 chose, une réclamation. Mais si vous avez un chef de brigade, un général de

15 brigade, est-ce qu'il va dire à son chef de division, je ne suis pas

16 d'accord, non, je démissionne, je rentre chez moi. Non, je ne pense pas.

17 Pas plus qu'un simple soldat va dire moi, je ne veux pas qu'on me tire

18 dessus, je rentre chez moi.

19 Je ne pense pas que ce cas de figure va se présenter ou devrait se

20 présenter.

21 Mme LE JUGE LATTANZI : Une dernière chose : est-ce que vous avez une

22 expérience dans votre armée ou d'autres armées ou on utilise pour la

23 défense en temps de guerre du territoire national des volontaires avec

24 l'enrôlement même de la population civile, et donc des unités de

25 volontaires ou même des membres de la population civile qui s'enrôlent dans

26 les unités qui existent déjà ?

27 R. Oui, ça se produit très souvent dans l'histoire militaire, notamment au

28 XXe siècle. En d'autres termes, dans des conflits plus récents, plus

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1 contemporains, il n'y a rien d'inhabituel à cela, dans le sens que ça a

2 souvent eu lieu, et je crois que ça continuera d'avoir lieu, même jusqu'au

3 point, une autre expression française d'importance, "la levée en masse" est

4 concevable que la population civile ou bien en masse ou bien en petites

5 unités, en groupes ou même à titre individuel, que des personnes puissent

6 vouloir prêter leur concours.

7 Je crois que ce que je dirais à ce moment-là en regardant -- ce n'est

8 qu'un coup d'œil, qu'on peut s'attendre à ce que le commandement concerné

9 accepterait cette aide avec gratitude, mais ne se fonderait pas dessus.

10 Disons, si par exemple, vous faites une opération dans un pays

11 étranger et que certains des locaux acceptent de vous aider à organiser une

12 petite position défensive, à ce moment-là on pouvait peut-être vouloir

13 accepter de les utiliser dans la défense, dans la question de défense. Mais

14 vous n'allez pas probablement vous fier à eux, ou vous fonder à eux pour la

15 défense en question. Il faudra probablement les mélanger à d'autres pour

16 être bien sûr qu'il y aura quand même une défense sur les lieux, parce

17 qu'en fin de compte il ne s'agit pas de soldats que vous avez formés et

18 entraînés et sur lesquels vous pouvez vous fonder et auxquels vous pouvez

19 vous fier d'une certaine façon. Donc, c'est très bien, ce sont de braves

20 gens, mais ce ne sont pas des soldats.

21 Mme LE JUGE LATTANZI : Dans ce cas, ce système presque parfait comme vous

22 avez décrit continuait à fonctionner ou il y a des exceptions, des

23 situations spécifiques en ce qui concerne le commandement et le contrôle de

24 ces volontaires ?

25 R. Je crois qu'à ce moment-là, ça soulève toutes sortes de problèmes. Est-

26 ce que ce contingent -- la première question qui se pose est de savoir ce

27 qu'ils sont capables de faire. Quelles sont leurs capacités, est-ce qu'ils

28 ont des fusils ou d'autres armes ? Que peuvent-ils effectivement faire ? De

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1 quoi sont-ils capables, peuvent-ils opérer de façon opérationnelle avec

2 d'autres parties de votre unité ? Ont-ils une formation suffisante, un

3 entraînement suffisant ? Est-ce qu'ils vont rejoindre votre organisation ou

4 est-ce qu'ils sont en parallèle, à côté aussi longtemps qu'ils en ont envie

5 ? Il y a tous ces aspects difficiles qui se posent, toutes ces questions

6 qui se posent, je crois.

7 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Cornish. Les

9 choses seraient évidemment bien plus faciles si nous vivions tous dans un

10 monde parfait.

11 Mais je vous ai posé au tout début de votre déposition, une question

12 de savoir si vous aviez une formation juridique. Je l'ai fait parce que je

13 pouvais prévoir que certaines des questions qu'ils auraient à vous poser

14 auraient peut-être un caractère juridique.

15 Alors, si vous n'êtes pas en mesure de répondre à certaines de mes

16 questions, dites-moi tout simplement cela, parce que je ne voudrais pas que

17 vous fassiez des hypothèses sur des questions qui sont hors de votre

18 domaine de compétence, d'expertise.

19 La question que je voudrais évoquer avec vous, une question de

20 responsabilité, de capacité de rendre compte et effectivement le droit

21 d'exercer un contrôle, une juridiction sur des groupes qui se trouvent sur

22 place et qui se déplacent pendant une heure ou deux, je dirais des

23 paramilitaires comme groupes.

24 Ma première question est : est-ce que vous avez une expérience quelconque,

25 une connaissance quelconque de la façon dont les relations sont normalement

26 organisées entre une armée régulière avec des soldats, une armée régulière

27 et des paramilitaires ou des unités de paramilitaires ?

28 R. Je pense que d'une façon plus vaste, la question va au-delà de ce que

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1 je sais de mon domaine de compétence. Je dirais qu'il y a des relations, en

2 l'occurrence, nos critères de commandement dans une chaîne de commandement

3 parfait, c'est qu'il n'y a pas d'unité d'organisation paramilitaire quelle

4 qu'elle soit.

5 Mais il faudrait que des efforts spéciaux soient mis en place pour

6 que tout le monde comprenne ce qui se passe et pourquoi et comment, si les

7 choses s'adaptent. Et il faudrait qu'il y ait des efforts spéciaux faits

8 pour que les choses soient bien claires.

9 Là encore, j'entre dans un domaine où je suis tout à fait profane.

10 C'est que lorsqu'on est déployé sur des opérations, évidemment nous devons

11 respecter le droit national et international. Et la question que je

12 poserais, serait de savoir exactement quel est le statut de cette

13 organisation et est-ce qu'il serait juste que vous, commandant, vous vous

14 fondiez sur de tels éléments.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quels sont les efforts dont vous venez

16 de parler qui devraient être déployés -- de quels efforts parlons-nous ? De

17 façon à être bien sûr que nous nous comprenons.

18 R. Supposons que la structure de commandement soit une division avec trois

19 brigades et chacune de ces brigades a trois bataillons dont c'est une

20 structure simple d'une petite armée. Et le commandant au niveau de la

21 division est informé du fait qu'une organisation paramilitaire qui remplit

22 toutes les conditions politiques et juridiques vient contribuer à l'effort,

23 il dira, à ce moment-là très clairement à ses commandants de brigade,

24 précisément de qui il s'agit dans cette organisation et à leur tour, ils

25 diront très clairement au niveau des commandants de bataillon ce qu'est

26 cette organisation parce qu'il faut qu'on le sache, il faut y avoir pour

27 l'essentiel l'impression qu'il y a une sécurité opérationnelle. Il ne faut

28 pas qu'il y ait de confusion en ce qui concerne la disposition de nos

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1 propres forces. Il y a beaucoup d'incertitude concernant l'ennemi et

2 l'endroit où il se trouve, mais il faut qu'il y en ait le moins possible

3 concernant vos propres forces parce que ce qu'on ne veut vraiment pas avoir

4 c'est qu'en fin de compte, une partie de votre organisation est rattachée à

5 votre organisation, mais on n'était pas au courant, se déplace devant vous

6 et à ce moment-là, on suppose que c'est peut-être des ennemis.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je voudrais envisager les choses sous

8 un angle quelque peu différent.

9 Pourquoi les armées utilisent-elles ou cherchent à avoir l'appui

10 d'unités paramilitaires plutôt que d'incorporer directement ces unités dans

11 leur propre armée ? Quel est l'avantage qu'on peut vraiment tirer d'avoir

12 des unités paramilitaires ?

13 R. Je devrais répondre à cette question sur la base du fait que c'est une

14 hypothèse. De ma propre expérience, je ne sache pas que les armées que je

15 connais bien, auraient jamais fait cela sauf dans des circonstances très

16 très spéciales. Mais peut-être que je peux dire quelque chose d'utile,

17 depuis l'histoire militaire qui est que dans la période moderne de la

18 guerre industrielle, industrialisée, il y a eu des circonstances dans

19 lesquelles des forces armées, des armées ont utilisé, si on peut dire des

20 forces paramilitaires, bien à ce qu'on ne les appelait pas comme ça dans le

21 début du XIXe siècle ou du XVIIIe siècle. Mais l'idée, c'était que ces gens

22 pourraient fournir des connaissances du terrain, du territoire,

23 connaissance locale et donc il y aurait là un service particulier qu'ils

24 pourraient fournir.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Comment la police militaire de

26 l'armée régulière traiterait-elle des crimes ou infractions comme des

27 violations, par exemple, du droit international humanitaire qui seraient

28 commis par des unités paramilitaires; le savez-vous ? Savez-vous quelque

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1 chose à ce sujet ?

2 R. Je n'ai aucune connaissance directe à ce sujet, mais je pense que ce

3 serait un défi très vaste, de très grande échelle parce que le système dont

4 nous parlons aurait certaines capacités du point de vue de la police

5 militaire et de la discipline militaire et ceci dépendrait du fait qu'il y

6 ait une compréhension de la discipline militaire au niveau général, ce

7 qu'il faut faire, ce qu'il ne faut pas faire; ce qu'on peut faire ou non.

8 Si on pense justement à des unités paramilitaires qui sont

9 rattachées, je pense qu'il faut bien que la discipline militaire soit

10 connue et on peut penser que ceci serait au-delà des moyens dont

11 disposerait un petit détachement de police militaire.

12 Je pense que ce serait là vraiment quelque chose de très difficile à

13 réaliser.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je voudrais passer à une autre

15 question concernant la responsabilité du commandement à savoir le courant

16 de renseignements, d'informations dont vous avez déjà parlé de façon assez

17 abondante.

18 Le flux de l'information, je crois que vous nous avez expliqué

19 comment les informations sont condensées depuis leur point de départ sur le

20 terrain jusqu'aux divers niveaux du commandement jusqu'à tout en haut de

21 l'état-major, du commandement. Pouvez-vous nous dire quelque chose sur la

22 façon dont se fait cette condensation, comment se fait le choix entre les

23 informations au fur et à mesure qu'elles remontent. Si vous avez, par

24 exemple, un rapport de combat qui vient d'un bataillon ou même d'un

25 commandant de compagnie qui envoie un rapport quotidien, qu'il l'envoie au

26 commandant de bataillon qui à son tour en quelque sorte, édite et traite le

27 rapport et envoie le rapport modifié, ainsi que d'autres en le faisant

28 remonter. Et finalement, le texte final est très différent de ce qu'il

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1 était au tout début.

2 Comment se fait ce processus de modification de la rédaction ou de

3 l'édition ?

4 R. Je ne crois qu'il y ait des règles particulières. Je crois que c'est

5 une question d'avoir le sens de ce qu'attend le commandement du niveau

6 supérieur, de ce dont il a besoin. Là encore dans le système parfait dont

7 je vous ai parlé, du point de vue des principes généraux, un commandant à

8 un niveau moyen a été formé dans le cadre de sa formation pour des niveaux

9 au-dessus, à un ou deux niveaux au-dessus, un échelon au-dessus. Donc, on

10 est formé à traiter le genre d'information dont l'échelon supérieur du

11 commandement aura besoin.

12 Donc un rapport de combat à l'échelon de base pourrait comprendre le

13 nombre d'obus qui ont été tirés contre vous. On peut passer cette

14 information au niveau de la section au commandement de compagnie, mais au-

15 delà de cela ça n'était plus très utile de surcharger le commandement avec

16 ce type d'information. Et à partir du moment où on arrive au niveau du

17 commandant de la brigade, il suffit peut-être de dire qu'à ce moment-là

18 cette unité a essuyé le feu de pièces d'artillerie, de façon à faire un

19 rapport consolidé et qui peut être analysé de cette manière. Quel que soit

20 le niveau du commandement, le commandant essaie pour son propre supérieur

21 hiérarchique de lui fournir ce dont il a besoin, concernant la situation.

22 Il utilise non seulement son jugement sur ce que font ses subordonnés, mais

23 il s'efforce de savoir ce que son supérieur souhaiterait savoir et lui

24 fournit les renseignements.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vois que maintenant c'est

26 bientôt l'heure et j'aurais encore une question à vous poser. Je souhaite

27 consulter le Juge Président de la Chambre et voir s'il y a d'autres

28 questions.

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1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je reporte ma question à demain.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je lève l'audience jusqu'à demain

4 matin 9 heures dans la même salle d'audience.

5 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 16 avril

6 2008, à 9 heures 00.

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