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1 Le mercredi 16 avril 2008
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 8 heures 59.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tous dans cette salle
7 d'audience.
8 Madame la Greffière d'audience, pourriez-vous, s'il vous plaît,
9 donner le numéro de l'affaire.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
11 C'est l'affaire IT-04-83-T, le Procureur contre Rasim Delic.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Pourrions-nous avoir,
13 s'il vous plaît, les noms des personnes qui représentent les parties, en
14 commençant par l'Accusation.
15 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
16 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, et mes collègues de
17 la Défense, le général Delic, Monsieur Cornish et tous ceux qui sont dans
18 cette salle et autour. Je suis Daryl Mundis avec Kyle Wood et je suis
19 assisté par notre commis à l'affaire, Alma Imamovic-Ivanov.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
21 Et pour la Défense.
22 Mme VIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
23 Messieurs les Juges. Bonjour à tous mes collègues du bureau du Procureur et
24 à tous ceux qui se trouvent dans cette salle et autour. Je suis Vasvija
25 Vidovic avec Nicholas Robson pour la Défense du général Rasim Delic avec
26 notre assistante juridique Lejla Gluhic.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître
28 Vidovic.
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1 Puis-je vous rappeler, Monsieur le Témoin, que vous êtes toujours tenu par
2 la déclaration que vous avez faite au début de votre déposition, qui est de
3 dire la vérité et rien que la vérité.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je donne la parole au Juge Harhoff.
6 LE TÉMOIN: PAUL CORNISH [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 Questions de la Cour : [Suite]
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bonjour, Monsieur Cornish. Je vais
10 commencer avec la dernière question que j'avais à vous poser, et je vous la
11 pose maintenant.
12 Vous nous avez dit que, pour qu'un chef soit en mesure de commander et de
13 diriger son armée de façon efficace, il est nécessaire qu'il reçoive les
14 renseignements sur ce qui se passe sous son commandement. Je vous ai
15 demandé hier quels étaient les principes qui régissaient la transmission de
16 renseignements depuis la base vers le haut de la hiérarchie, et vous avez
17 dit qu'il y avait vraiment des règles, mais bien sûr que tout ce qui était
18 essentiel comme renseignement devait être transmis et finalement atteindre
19 le commandement, et ce de façon à permettre au commandant de prendre les
20 mesures qui sont nécessaires pour s'occuper, s'il en est nécessaire, pour
21 les combats.
22 Alors la question que je vous pose est la suivante : que faites-vous
23 si le système ne fonctionne pas, je veux dire si les renseignements qui
24 sont transmis sont inexacts ou insuffisants, ce qui veut dire qu'à tous les
25 niveaux ou à chacun des niveaux, des renseignements essentiels ont été omis
26 et ne parviennent pas à remonter parce qu'ils passent en quelque sorte dans
27 un filtre pour des raisons que vous ne connaissiez pas ?
28 Que doit faire le commandant à ce moment-là, et peut-il être
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1 considéré comme responsable ?
2 R. Merci, Monsieur le Juge.
3 Je vais commencer par faire deux observations qui, je crois, sont
4 utiles pour ma réponse. Le premier, c'est que la transmission
5 d'information, comme je crois l'avoir dit hier, doit toujours équilibrer à
6 la fois les nécessités de la rapidité d'une part et l'exactitude d'autre
7 part. Idéalement il faudrait pouvoir passer tous les renseignements aussi
8 rapidement que possible, presque dans l'instant, mais ça n'est évidemment
9 pas toujours possible de le faire; et donc il y a un système à la fois
10 d'avertissement, qui est suivi d'un système qui vise à donner davantage
11 d'informations au fur et à mesure qu'on dispose du temps nécessaire pour le
12 faire.
13 A ce stade, comme vous l'avez dit, il n'y a pas de règle. Il y a
14 divers systèmes et de procédures par lesquels les renseignements doivent
15 être transmis. Comme je l'ai dit hier, une armée au combat peut être un
16 système assez bureaucratique, même si c'est curieux et même si ça n'est pas
17 très efficace.
18 Pour répondre directement à votre question, quand ce système ne
19 fonctionne pas, lorsqu'il est imparfait, comme je crois que par nécessité
20 il est la plupart du temps, on en arrive au stade où le commandant doit
21 user de son jugement sur la base de ce qu'il sait et des renseignements
22 qu'il a. Je crois que ceci revient à ce que nous avions dit hier, les
23 stratégies occidentales, en parlant de Clausewitz, et l'idée que le
24 commandant doit avoir assez de confiance pour prendre la responsabilité de
25 son commandement.
26 C'est ce à quoi cette personne doit être formée. Le système doit
27 fonctionner de telle sorte qu'il doit penser qu'il a de bonnes raisons de
28 connaître toutes les circonstances, et alors il en suit que s'il a des
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1 renseignements qui peuvent modifier le tableau, là encore il doit être en
2 mesure d'avoir assez de confiance pour s'adapter et modifier ses décisions.
3 C'est difficile de décrire ça, je pense, de façon concrète, mais il y
4 a une question de jugement qui intervient tout le temps par rapport aux
5 renseignements disponibles.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie de votre
7 réponse. Ceci soulève une autre question, celle du devoir qu'a le
8 commandant Suprême de rechercher de façon active les renseignements de la
9 base, si pour une raison quelconque il a des soupçons concernant
10 l'efficacité des renseignements qui lui sont transmis.
11 En fait, ma question vraiment c'est : est-ce que les commandants ont
12 un devoir particulier de chercher, de façon active, des renseignements,
13 obtenir des renseignements concernant la question de savoir ce qui se passe
14 sous ses ordres, et plus précisément ce que devraient également faire les
15 dirigeants en ce qui concerne les crimes qui pourraient être commis ?
16 R. Je pense, Monsieur le Juge, que d'une façon générale, le commandant à
17 tout niveau a un tel devoir. Après tout, c'est la raison pour laquelle il
18 occupe ce poste de commandement. Je disais qu'il a besoin de
19 renseignements, et la personne sait qu'elle a besoin de renseignements. Il
20 faut donc qu'il y ait bien une obligation correspondante.
21 Mais je dirais deux choses : premièrement, c'est que d'une certaine
22 manière, cette obligation s'exécute de façon générale, le commandant
23 s'assurant que le système qu'il a sous ses ordres fonctionne bien, et du
24 fait qu'il est chef, de s'assurer qu'il a bien les hommes qu'il faut dans
25 les postes qu'il faut en dessous de lui et autour de lui. C'est précisément
26 l'idée qu'il y a dans la chaîne de commandement et des structures
27 hiérarchiques et ainsi de suite. Cette seule personne ne peut être partout
28 à tout moment, donc son obligation c'est de s'assurer qu'il a une chaîne de
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1 commandement qui fonctionne.
2 Et l'autre chose que je dirais, c'est que je pense que le côté devoir
3 ou obligation va dans deux directions; c'est un système dans lequel tout
4 niveau de la hiérarchie est quelque chose qui fonctionne en vertu du devoir
5 qu'ont les commandants plus jeunes de s'assurer que leurs supérieurs ont
6 bien les renseignements.
7 Donc, d'une certaine manière - je crois que je reviens à décrire
8 quelque chose qui commence à ressembler à ce que j'avais appelé un modèle
9 parfait hier - et il doit y avoir un système qui permet de s'autocorriger.
10 S'il y a un problème qui se passe quelque part, il faut donc faire quelque
11 chose qui permet de le corriger et d'assurer que les renseignements sont
12 transmis.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci beaucoup.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Cornish, je voudrais vous
15 reparler de la toute première question que vous a posée le représentant de
16 l'Accusation hier et qui avait trait à cette partie d'un groupe militaire
17 qui refuse de porter un uniforme et néanmoins exécute les ordres donnés au
18 combat.
19 Vous vous rappelez cela ?
20 R. Oui, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vais simplement ajouter une autre
22 variable dans cette équation et vous demander quels sont vos commentaires
23 par rapport à cette variable que je voudrais ajouter, et qui est que, ce
24 même groupe paramilitaire, si en fait il n'appartient pas au même groupe
25 national que les soldats de l'armée en question, quelle est la situation ?
26 R. Merci, Monsieur le Président.
27 Là encore, je voudrais faire une remarque en préface à ma réponse, à
28 savoir que, pour l'essentiel, les commentaires concernant l'hypothèse de
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1 paramilitaire, c'est qu'il peut y avoir une coïncidence d'effort militaire
2 qui peut être considérée comme une bonne chose par le commandant, mais il
3 sait également que cette coïncidence d'effort n'est pas la même chose que
4 l'unité de commandement.
5 Là encore, répondant directement à votre question, si le groupe
6 paramilitaire n'est pas de la même nationalité que les éléments de l'armée,
7 je dirais que les problèmes, ou tout au moins les difficultés dont j'ai
8 parlé hier seraient accrues et magnifiées plusieurs fois, parce qu'il
9 serait possible qu'en plus de ne pas porter l'uniforme ou d'utiliser les
10 mêmes insignes et autres éléments de ce genre dans l'activité militaire,
11 les emblèmes, il pourrait y avoir un grave problème, qui est l'absence de
12 langue commune, auquel cas, comme je l'ai dit hier, il faudrait d'une façon
13 ordinaire qu'il y ait des mécanismes très particuliers pour s'occuper de ce
14 problème.
15 Et il semble que si cette organisation paramilitaire était à la fois
16 distincte à cause d'une autre langue, il n'y aurait guère de chance de
17 pouvoir bien organiser les fonctions de liaison, simplement parce qu'elle
18 n'aurait pas reçu la même formation.
19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et bien, je vais ajouter un facteur de
20 plus; il y a un problème de langue, mais on peut interpréter. Il y a des
21 interprètes.
22 R. Dans ce cas, évidemment, ceci atténue en quelque sorte le problème. Là,
23 je reviendrais à ce que je disais avant, à savoir que ceci demeure une
24 organisation paramilitaire, mais je crois que nous avons dit hier que, pour
25 ces hypothèses, que même ces effectifs pourraient être payés par d'autres
26 sources ou se réapprovisionner par des moyens qui n'étaient pas des moyens
27 standards. Et qu'en aucun cas, je dirais que cet organe semble beaucoup
28 plus proche d'une organisation mercenaire qui se trouve fonctionner sur le
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1 même champ de bataille et qui pourrait faire un effort qui coïncide avec
2 celui de l'armée. Mais en me basant sur ce que je sais de ces questions, ce
3 serait difficile de dire que c'est la même chose, que c'est soumis à la
4 même hiérarchie.
5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.
6 Hier, le Juge Harhoff vous a demandé si vous saviez comment la police
7 militaire de l'armée régulière pourrait s'occuper des crimes ou violations
8 qui seraient commis par une unité paramilitaire. Vous avez répondu que vous
9 n'aviez aucune connaissance directe de cela, mais que vous pensiez que
10 c'était là une très grand défi, parce que le système dont nous parlons
11 faisait que la police militaire avait certaines capacités pour la
12 discipline militaire qui dépendraient du fait qu'il y ait une compréhension
13 disciplinée de ce qu'il faut faire et ne pas faire notamment.
14 Vous vous rappelez cette réponse ?
15 R. Oui.
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors que vous nous répondiez ceci,
17 j'aurais souhaité savoir comment vous suggériez comment cette situation
18 pourrait effectivement être traitée ou réglée, et votre réponse n'est pas
19 allée jusqu'au point de nous dire comment on fait face à cette situation,
20 comment on règlerait cette situation.
21 R. Pour être bien clair, à mon point de vue, nous avons une organisation
22 paramilitaire d'un certain type qui est ou n'est pas de la même nationalité
23 et peut être du même groupe ou pas du même groupe linguistique, avec la
24 possibilité d'avoir des traducteurs; et la suggestion que les membres de
25 cette organisation pourraient avoir commis de graves violations du droit.
26 Le problème que je vois, c'est que la police militaire, avec ses
27 possibilités d'enquête, d'après notre armée modèle, est limitée, comme je
28 l'ai dit hier, dans ses possibilités; et je pense que - là aussi,
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1 pardonnez-moi, vous savez que je n'ai pas de formation juridique - mais il
2 me semble qu'il y aurait un problème très grave également de compétence, de
3 juridiction : précisément, quelle est l'organisation dont on parle, qui a
4 juridiction sur elle ou compétence sur cet organe dans le cas en
5 particulier du crime allégué.
6 D'une certaine façon, je ne réponds pas à votre question parce que je n'ai
7 pas rencontré ce scénario avant. Mais il me semble que ce serait le
8 problème pratique et le problème de compétence qui se poserait, à savoir,
9 qui a juridiction, et ça pourrait se révéler tellement grave à ce moment-là
10 que notre armée modèle avec sa structure de commandement ne serait tout
11 simplement pas en mesure de faire face au problème et de le régler.
12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi de vous donner ces
13 éléments petit à petit. Je voudrais maintenant développer encore le
14 scénario de façon à vous permettre de traiter du problème de juridiction.
15 Ce group paramilitaire, que diriez-vous si en fait il était subordonné et
16 incorporé à l'armée ?
17 R. S'il avait été pleinement incorporé ?
18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, il y a eu un ordre pour
19 subordonner le groupe à l'armée.
20 R. Dans ce cas, je pense que la structure du commandement aura prévu que
21 tous les aspects d'appui et de discipline de cette structure paramilitaire
22 ont fait l'objet d'une réflexion complète, parce que s'il doit y avoir
23 intégration, alors il faut tout autant du carburant comme il peut y avoir
24 besoin également de la police militaire. Donc il faut évidemment que les
25 capacités de notre armée modèle ne soient pas poussées à l'extrême.
26 Je crois que ce serait peut-être ma réponse.
27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans ce scénario dont vous avez parlé,
28 avec des mercenaires, un peu plus tôt lorsque le Juge Harhoff vous posait
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1 sa question; sans suggérer que ce groupe paramilitaire dont nous parlons
2 soit effectivement un groupe de mercenaires, quelle serait votre réponse
3 quant à la question de la responsabilité du commandant de l'armée sur ce
4 groupe ? Est-ce que le commandant de l'armée serait responsable de crimes
5 commis par ce groupe paramilitaire ?
6 R. Je pense, Monsieur le Président - et là j'entre dans un domaine dans
7 lequel je ne suis pas expert - je crois que l'idée de la responsabilité du
8 commandement est encore en train de se développer. Je crois que c'est un
9 des types d'exemples dans lequel on voit à quel point elle est peu
10 développée.
11 Je crois que ça dépendrait, pour l'essentiel, de la mesure dans laquelle
12 cette organisation paramilitaire aurait été intégrée et aurait été
13 considérée comme étant intégrée. A quel point est-ce que cette organisation
14 aurait donné son consentement pour accepter le cadre et la discipline, et
15 la logistique, et toutes ces autres aspects de la structure du commandement
16 militaire; s'il ne l'avait pas accepté, à ce moment-là, je crois qu'on se
17 trouve ramené au problème antérieur. A savoir, quelle est la compétence ou
18 la juridiction que peut assumer le commandant. Parce que n'oublions pas que
19 le commandant, d'une certaine manière, dans toute situation de combat, se
20 fonde beaucoup sur le fait qu'on suppose qu'il a compétence pour agir comme
21 un commandant et avoir l'autorité, qu'il a, à la fois, autorité au point de
22 vue militaire et compétence sur ceux qu'il commande. Si ces hypothèses ne
23 peuvent pas être considérées comme acquises, dans ce cas, je crois que ça
24 va rendre les choses bien difficiles.
25 J'ai employé le terme mercenaire. Je voulais dire qu'il pouvait y avoir des
26 incertitudes concernant les raisons pour lesquelles et la manière dans
27 laquelle ces troupes paramilitaires étaient rémunérées. Ça créerait une
28 certaine impression dans notre armée modèle où il y aurait une organisation
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1 qui semblerait être payée peut-être mieux, peut-être plus rapidement, d'une
2 autre source. Je crois qu'on emploierait le terme "mercenaire" très
3 rapidement, et ceci aurait évidemment des incidences particulières en ce
4 qui concerne le moral et le reste.
5 Mais plus précisément, le fait que cette organisation serait payée d'une
6 autre source, je crois que ce serait un symbole très important montrant
7 qu'elle ne fait pas partie de l'organisation générale du commandement et ne
8 peut pas donc être pleinement intégrée; et ne fait pas partie d'une
9 alliance, et est par conséquent dans une catégorie distincte, une catégorie
10 en elle-même.
11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Cornish.
12 Y a-t-il des questions qui découlent des questions posées par les Juges ?
13 Maître Robson.
14 M. ROBSON : [interprétation] Oui, juste un point, Monsieur le Président.
15 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Robson :
16 Q. [interprétation] Monsieur Cornish, hier, le Juge Harhoff vous a demandé
17 comment les renseignements seraient transmis aux différents niveaux de
18 commandement et de quelle façon les renseignements en question seraient
19 condensés; et cette question a été abordée à nouveau par le Juge ce matin.
20 Hier, vous avez dit qu'il n'y avait pas de règles particulières qui
21 s'appliquaient, et vous avez dit que ceci impliquerait le fait qu'un
22 officier à un certain niveau a un sens très aigu de ce dont a besoin le
23 commandant au niveau supérieur.
24 Si je peux vous poser des questions concernant le chef de l'armée, celui
25 qui se trouve tout en haut de la pyramide au niveau stratégique, quelle est
26 la quantité de détails que vous pensez qui devrait parvenir jusqu'à cette
27 personne ?
28 R. Je vous remercie. Je pense que l'expression "aucune règle particulière
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1 ne s'applique," c'est quelque chose d'intéressant; et je crois que je
2 maintiendrais cette expression, mais je voudrais la développer si vous
3 permettez. D'une façon réaliste, on s'attend à ce que, peu importe le
4 nombre de règles que l'on puisse avoir, il ne sera probablement pas
5 possible que ces règles soient toujours observées, et par conséquent il
6 faut insister sur les systèmes et les processus que j'ai décrits tout à
7 l'heure. Il serait bon d'avoir des règles qu'on puisse appliquer, mais il
8 se peut que ce ne soit pas le cas, donc il faut davantage de dynamique.
9 En ce qui concerne le chef de toute l'armée qui se trouve tout à fait
10 en haut de la pyramide, il s'attendra à ce qu'on lui donne un tableau très
11 général, avec très peu de détails, parce que l'idée qu'il y aurait des
12 détails, ça, concerne les commandants subordonnés, sous ses ordres, et il
13 faudrait qu'il y ait donc des hypothèses à chaque niveau de détail. Il ne
14 faudrait pas qu'on ait l'impression qu'il vérifie ses subordonnés ou peut-
15 être qu'il serait en mesure de contredire les ordres qu'ils auraient
16 donnés. Donc il faut qu'il garde une certaine distance par rapport à ces
17 détails, de façon à ce que ces détails puissent être traités au niveau qui
18 convient, par exemple, de la section ou de la brigade ou la division, et
19 lui-même doit se préoccuper de notions plus vastes, et sa réflexion doit
20 aller vers le niveau politique.
21 Ce qui doit plus particulièrement le préoccuper, c'est le détail des
22 problèmes d'agression qui peuvent se poser. Ceci revient par le système,
23 par exemple, si à deux ou trois niveaux en dessous de lui il se fait jour
24 qu'il y a une division qui, à un moment donné, n'arrive pas du tout à
25 trouver de carburant, qu'il n'y en a pas de disponible pour le
26 réquisitionner, aucun allié qui peut le fournir, ça devient une question
27 très grave. C'est un détail évidemment qui devient pressant à ce moment-là,
28 et ça il doit en être et il peut en être informé.
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1 Q. Je vous remercie.
2 M. ROBSON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis.
4 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :
6 Q. [interprétation] Je vais reprendre là où M. Robson s'est arrêté.
7 Dans cette situation où le commandant Suprême a cet état-major qui
8 travaille pour lui, on suppose que les renseignements qu'ils obtiennent
9 vont ensuite être filtrés encore, et il y a connaissance des commandants
10 pour ce qui est vraiment important; vous êtes d'accord avec cela ?
11 R. Oui, certainement. Ce n'est pas quelque chose que j'ai vu de
12 près, mais je dirais que notre commandant Suprême obtient une idée générale
13 et qu'on ne le prévient que s'il y a un problème urgent dont il a besoin
14 d'être informé.
15 Q. Et ça c'est l'essentiel d'avoir cet état-major autour de ce
16 commandant. C'est que cet état-major reçoit les renseignements depuis le
17 terrain de façon à ce qu'on puisse traiter tous ces problèmes ?
18 R. Oui, je serais d'accord avec ça, précisément. Je dirais qu'on ne doit
19 pas oublier qu'à ce très, très haut niveau de commandement de la structure,
20 notre commandant Suprême, il s'agit davantage de l'organisation et du
21 matériel de notre armée modèle plutôt que de la direction opérationnelle.
22 Ça, c'est pour les personnes qui se trouvent sur le théâtre.
23 Q. Mais ce commandant Suprême va avoir une responsabilité stratégique en
24 ce qui concerne ce qui se passe ?
25 R. Oui.
26 Q. Et ne seriez-vous pas d'accord que, nonobstant cette structure où il y
27 a un état-major qui reçoit des renseignements, ceci ne veut pas dire que
28 cette structure, cet état-major, ne permet au commandant Suprême de ne pas
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1 être responsable ou d'éviter ce qui se passe ?
2 R. Non. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit précédemment, à savoir
3 que l'idée même de la structure de l'état-major, c'est qu'il soit en fait
4 en mesure de mieux répondre et de mieux être informé et de mieux contrôler
5 la situation. C'est pour ça qu'il a un état-major autour de lui. Je suis
6 d'accord avec vous.
7 Q. Et cet état-major est mis en place précisément pour que le commandant
8 Suprême puisse exercer son autorité au mieux ?
9 R. Oui.
10 Q. Donc il peut être responsable par rapport à la direction politique de
11 ce qui se passe dans l'armée ?
12 R. Oui, d'accord. Là encore, ça fonctionne dans les deux sens.
13 Naturellement, il faut que le message soit pertinent, et il faut à ce
14 moment-là que ceci aille au niveau qui convient de la chaîne de
15 commandement.
16 Q. Je voudrais vous poser une question concernant le dernier point dont on
17 a parlé, concernant certaines questions qui vous ont été posées ce matin et
18 des réponses que vous avez faites en ce qui concerne les groupes de
19 paramilitaires et/ou des mercenaires.
20 S'il y avait un ordre prévoyant la subordination d'un groupe
21 paramilitaire dans une armée, est-ce que vous qualifieriez ce groupe
22 paramilitaire de mercenaires ou vous ne le qualifieriez pas de mercenaires
23 ?
24 R. Je ne crois pas que je le ferais. Je supposerais, dans le scénario que
25 vous venez d'évoquer, que le critère important aurait été satisfait et que
26 cette organisation serait intégrée, dans les circonstances dont on a parlé
27 tout à l'heure, du point de vue logistique et du point de vue de la
28 discipline, et peut-être même du point de vue des insignes et des
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1 uniformes.
2 Mais on pourrait à juste titre supposer qu'il y a bien une chaîne de
3 commandement unique et une unité de commandement, et tous les autres
4 éléments dont a parlé hier; il n'y aurait aucune incertitude, par exemple,
5 en ce qui concerne le paiement des soldes, en reprenant tous ces éléments
6 qui ont été évoqués dans ce scénario.
7 Q. Je pense que la dernière question est de savoir si votre point de vue
8 sur cette question d'un groupe paramilitaire ou d'un groupe de mercenaires,
9 serait de savoir y a-t-il une différence si la demande d'être subordonné à
10 l'armée provient de ce groupe paramilitaire, émane de lui ?
11 R. Non, je pense que non, probablement. Là encore, repensant à notre
12 discussion d'hier, nous pouvons tous concevoir qu'en temps de crise et de
13 confrontation, d'affrontement, il puisse y avoir une sorte de mini levée en
14 masse ou que des civils raisonnablement armés se présentent et offrent
15 leurs services, et d'une certaine manière il faudra que ce soit considéré
16 sous ce jour-là. Le commandant de notre nouvelle armée modèle rencontre ces
17 gens sur place et il devrait se demander : qui sont ces gens, comment sont-
18 ils équipés, formés, d'où viennent-ils, combien de temps vont-ils rester,
19 est-ce que je peux leur faire confiance, et ainsi de suite. Et s'il n'est
20 pas en mesure de fournir ces réponses à ces questions, je pense qu'à ce
21 moment-là on lui pardonnerait de ne pas se fier à cette organisation, de
22 lui faire trop confiance.
23 Q. Je reprends la partie de votre réponse en portant les choses un peu
24 plus loin.
25 Vous avez parlé de "personnes qui seraient raisonnablement armées, qui
26 viendraient pour offrir leurs services." Ceci est à la ligne 15 de la page
27 14. Ces personnes qui auraient des armes raisonnables qui se présenteraient
28 et offriraient leurs services.
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1 Est-ce que ce groupe de personnes raisonnables, s'ils se proposent de
2 constituer une unité pour l'armée et qu'il y a un ordre ensuite qui est
3 donné pour former ces gens en une unité de l'armée, quelle conclusion
4 tiriez-vous d'une telle situation ?
5 R. Pas très différente de ce que j'ai dit, je le crains, jusqu'à
6 maintenant.
7 Cette unité de personnes, disons qu'ils portent des uniformes
8 flambant neufs, et qu'ils sont bien équipés, et qu'ils ont des fusils
9 d'assaut, et disons peut-être même d'autres armes variées et diverses, ce
10 que je veux dire c'est que tout ça, ce n'est pas si difficile de se le
11 procurer. On le trouve toujours sur un marché. Par conséquent, on en
12 revient en fait aux mêmes défis pour le commandant qui est sur place : je
13 ne sais rien de ces gens, je ne sais rien de ce qu'ils peuvent faire, de
14 quoi ils sont capables. Ils ont demandé s'ils pouvaient faire partie de ma
15 brigade, et honnêtement je serais complètement fou d'autoriser cela.
16 Peut-être, comme je l'ai dit hier, je pourrais les impliquer dans une
17 position défensive ou dans le cadre d'une opération générale pour exercer
18 une défense quelque part, mais je m'attendrais à les disperser dans mes
19 propres effectifs plutôt que de me fonder sur eux dans un lieu particulier
20 ou pour une tâche particulière.
21 Q. Peut-être que je n'ai pas été clair dans ma question. Ma question
22 c'était concernant ces personnes raisonnablement armées qui se présentent,
23 offrent leurs services et demandent à être formées en unité, et en fait le
24 commandant donne effectivement un ordre pour former une unité.
25 Quelles conclusions tireriez-vous ? Le commandant, en d'autres
26 termes, donne cet ordre et il forme une unité.
27 R. Oui.
28 Dans ce cas, il est convaincu du fait que tous ces tests ont été
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1 passés : que cette unité peut être intégrée dans sa chaîne de commandement,
2 que ces personnes comprennent la chaîne de commandement, que leur formation
3 et que ses capacités militaires sont à un certain niveau et que ceci
4 s'avèrerait utile et pourrait être intégré à ses forces. Que tous ces tests
5 ayant été passés, il jugerait que ceci pourrait être pleinement intégré.
6 Q. Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.
7 M. MUNDIS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Cornish, ceci met un terme à
9 votre déposition. Je sais que vous êtes très, très occupé, et nous vous
10 remercions d'être venu témoigner devant le Tribunal. Je vous souhaite un
11 bon voyage de retour.
12 [Le témoin quitte le prétoire]
13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis
14 clos partiel, s'il vous plaît.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous
16 sommes à huis clos partiel.
17 [Audience à huis clos partiel]
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15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La fenêtre est ouverte et nous ne
17 sommes pas en audience publique.
18 M. MUNDIS : [interprétation] Ce n'est pas un problème, Monsieur le
19 Président.
20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, témoin suivant, s'il
21 vous plaît.
22 Mme VIDOVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, d'après Mme la
23 Greffière, le témoin est un témoin de l'Accusation, un témoin à charge que
24 nous avons cité à la barre pour pouvoir lui poser des questions
25 supplémentaires; et comme nous n'avons pas pu communiquer avec lui, le
26 bureau du greffe nous a indiqué que le témoin arrivait aujourd'hui, et nous
27 avons l'intention de l'entendre demain.
28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, dans ce cas, nous
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1 allons lever l'audience jusqu'à 9 heures demain matin, dans la même salle
2 d'audience.
3 L'audience est levée.
4 --- L'audience est levée à 9 heures 37 et reprendra le jeudi 17 avril 2008,
5 à 9 heures 00.
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