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2 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait appeler
7 l'affaire, je vous prie.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
9 Messieurs les Juges, il s'agit de l'affaire IT-05-87/1-T, le Procureur
10 contre Vlastimir Djordjevic.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, et bonjour
12 aux conseils.
13 Monsieur Stamp.
14 M. STAMP : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis ici
15 accompagné de Mme Daniela Kravetz, de Mme Priya Gopalan, ainsi que notre
16 commis aux affaires, Mme Line Pedersen.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp, ce ne sera pas la
18 peine de présenter tous les matins les membres de votre équipe, mais étant
19 donné qu'il s'agit du premier jour du procès, nous allons également donner
20 la parole à Me Djordjevic pour qu'il présente les conseils de la Défense.
21 Maître Djordjevic.
22 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. Je suis
23 présent aujourd'hui, je vous présente mon co-conseil, Me Djurdjic ainsi que
24 mes assistant juridiques, Mlle Marie O'Leary, M. Aleksandar Popovic, et je
25 suis, bien entendu, le conseil principal, Me Dragoljub Djordjevic. Je vous
26 remercie.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Djordjevic.
28 Nous vous souhaitons tous la bienvenue et nous espérons que ce procès
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1 pourra avoir lieu dans une atmosphère de coopération, une atmosphère
2 constructive.
3 Je me tourne maintenant vers l'Accusation à qui je donne la parole pour sa
4 déclaration liminaire.
5 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 J'aimerais vous dire d'emblée, que le procès qui débute aujourd'hui
7 est un procès qui porte essentiellement sur l'expulsion d'une partie
8 extrêmement importante de la population civile du Kosovo. Très peu d'entre
9 nous auront oublié les images choquantes et bouleversantes montrées par les
10 médias en 1999, images qui présentaient des colonnes ou des convois de
11 réfugiés qui semblaient s'étirer sans fin, et qui étaient composés de
12 femmes, d'enfants et de personnes âgées qui quittaient le Kosovo à pied, à
13 bord de tracteurs, à bord de charrettes tirées par des animaux et parfois
14 par des hommes, à bord de wagons et à bord de tous types de véhicules à
15 moteur disponibles. En tout et pour tout, plus de 800 000 Albanais du
16 Kosovo sur une population qui dépassait à peine deux millions a fui le
17 territoire pour aller vers des Etats voisins, et ce, entre le 24 mars 1999
18 et le 10 juin 1999. Ils se sont enfuis vers les Etats voisins,
19 essentiellement vers l'Albanie et vers la Macédoine, la plupart de ces
20 personnes d'ailleurs ont fui pendant le premier mois du conflit. Ce procès
21 va nous permettre de comprendre pourquoi et comment cet exode humain a eu
22 lieu, et ce, à partir du Kosovo, et va nous permettre de comprendre qui est
23 responsable de cet exode.
24 L'Accusation avance que les moyens à charge de cette affaire nous
25 permettront de comprendre comment l'accusé, Vlastimir Djordjevic, a
26 participé avec d'autres membres de la direction politique militaire serbe
27 ainsi qu'avec d'autres membres de la police à une entreprise criminelle
28 commune, et ce, afin d'expulser une partie importante de la population des
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1 Albanais du Kosovo. Afin d'exécuter ce plan, ils ont terrorisé la
2 population des Albanais du Kosovo et les ont quasiment contraints à fuir,
3 et ce, du fait que de nombreux actes de persécution ont été commis contre
4 eux, et j'inclus parmi ces actes, les meurtres et assassinats.
5 L'objectif de cette entreprise criminelle commune était de modifier
6 l'équilibre ethnique au Kosovo, et ce, afin de maintenir le contrôle serbe
7 sur la province du Kosovo. Alors que le mobile ne constitue pas un élément
8 nécessaire que nous devons prouver en l'espèce, il s'agit toutefois d'un
9 paramètre qui vous permettra, Messieurs les Juges, de comprendre les moyens
10 de preuve présentés. C'est pour cela que vous entendrez des moyens de
11 preuve qui vont porter sur l'importance spéciale du Kosovo pour l'histoire
12 serbe ainsi que son importance pour certains membres de la direction du
13 gouvernement serbe.
14 Bien entendu, il s'agit de ma déclaration liminaire, j'aimerais indiquer
15 que nous avons inclus, parce que nous avons utilisé de nombreux sigles,
16 nous avons inclus un glossaire qui reprend la plupart de ces sigles tels
17 que l'entreprise criminelle commune, ainsi que les organisations qui sont
18 pertinentes en l'espèce. Je pense que ce glossaire a été distribué à la
19 Chambre de première instance.
20 Afin de poursuivre cet objectif, les auteurs de cette campagne de nettoyage
21 ethnique ont utilisé dès le début le bombardement de l'OTAN qui a commencé
22 le 24 mars 1999, et ce, afin d'exécuter un plan orchestré visant à
23 terroriser les Albanais de souche et à les contraindre à quitter la
24 province. Vous allez entendre des moyens de preuve portant sur des
25 exécutions de masse, portant sur cette procédure systématique en vertu de
26 laquelle les forces serbes sont allées de hameau en hameau, de village en
27 village, de ville en ville, et ont assassiné, tué, violé, brûlé, pillé et
28 détruit tous les biens et propriétés qui se trouvaient sur leur chemin. Et
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1 vous comprendrez comment ce mouvement de réfugiés, ce mouvement de masse
2 que l'on peut voir dans tout le Kosovo a été une conséquence directe des
3 saccages exécutés par ces forces.
4 Le but étant de faire peur à la population civile et de les contraindre à
5 quitter leurs foyers. Les villageois entendaient le son de l'artillerie
6 venant du village avoisinant, ils voyaient les maisons incendiées, ils
7 entendaient les histoires épouvantables relatées et colportées par les
8 victimes qui fuyaient et craignaient que le même sort allait leur être
9 réservé. Par conséquent, ils ont été nombreux à empiler en quelque sorte
10 leurs familles dans des charrettes ou sur des tracteurs ou sur tout autre
11 moyen de transport disponible et à se rallier au convoi afin d'éviter
12 d'être roués de coups, violés, ou assassinés. Le pillage et les incendies
13 avaient pour but d'assurer que rien ne resterait pour qu'ils puissent
14 revenir, si jamais ils osaient revenir.
15 Donc je vous ai indiqué que l'élément essentiel de ce procès est
16 l'expulsion, mais nous allons également aborder les principaux moyens
17 utilisés pour parvenir à exécuter cette exécution, à savoir les meurtres et
18 les assassinats.
19 Avant de parler des crimes et des auteurs, je pense qu'il serait utile de
20 vous faire faire un tour d'horizon rapide du secteur sans oublier un
21 historique ainsi que l'historique de sa population. Pour commencer, je
22 pense qu'il serait utile de vous montrer quelques cartes afin de bien
23 comprendre l'histoire du Kosovo. Vous entendrez parler très souvent,
24 pendant ce procès, du Kosovo. Les témoins serbes, par exemple, y feront
25 référence en parlant du Kosovo-Metohija ou Kajem [phon]. Vous voyez
26 maintenant sur cette première carte qui est affichée sur vos écrans, il
27 s'agit d'une carte des Balkans qui vous montre les différents Etats
28 entourant la Serbie et le Kosovo.
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1 Je ne sais pas si vous l'avez maintenant sur vos écrans, Messieurs les
2 Juges. Je pense que si vous appuyez sur le bouton vidéo --
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, il n'y a aucun problème, Monsieur
4 Stamp. La carte est bel et bien affichée.
5 M. STAMP : [interprétation] Avant les guerres du début des années 1990,
6 l'ex-Yougoslavie, que l'on appelait la RSFY, à savoir la République
7 socialiste fédérale de la Yougoslavie, avait cette apparence. Elle était
8 composée de six républiques qui étaient, par ordre alphabétique, comme suit
9 : Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie et Slovénie.
10 Au sein de la Serbie à proprement parler, il y avait deux provinces que
11 l'on appelait des provinces autonomes, à savoir la Vojvodine et le Kosovo.
12 Vous aviez également le Kosovo qui était au sud alors que la Vojvodine
13 était au nord.
14 Comme vous pouvez le voir, le Kosovo était plus précisément situé au sud de
15 la République de la Serbie, et le Kosovo avait au nord et au nord-ouest la
16 République du Monténégro, se trouvait à l'ouest et au sud-ouest, la
17 République de l'Albanie, et au sud, la RFY de la Yougoslavie.
18 Le Kosovo a été un territoire revendiqué pendant l'essentiel de son
19 histoire. Il faut savoir que cela a été le cas entre les années 1912 et
20 1918, et pendant la Deuxième Guerre mondiale, le Kosovo a été occupé par un
21 certain nombre d'envahisseurs. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le
22 Kosovo a été officiellement annexé à la Serbie. Vous vous rendrez compte
23 que le Kosovo correspond à une zone géographique assez petite, en dépit de
24 sa population qui s'élève à 2 millions de personnes.
25 Et je souhaiterais maintenant vous montrer la carte suivante, qui vous
26 présente les villes principales du Kosovo. Nombreuses sont les villes que
27 nous trouvons sur cette carte qui sont des villes dont nous parlerons
28 lorsque nous présenterons les éléments à charge portant sur les crimes qui
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1 ont été commis. Vous verrez que la capitale de cette province est Pristina,
2 qui se trouve vers le centre mais vers la droite, en quelque sorte, à
3 savoir à l'est de la province.
4 Le Kosovo n'a que 150 kilomètres du nord au sud, et vous pouvez en quelque
5 sorte comprendre quelle est la taille de cette province, du Kosovo. Voilà
6 maintenant une carte qui vous présente les 29 municipalités du Kosovo. Ici
7 nous avons, par exemple, le chef d'inculpation d'expulsion, vous avez
8 également le chef d'inculpation meurtres et assassinats, et vous verrez
9 dans quelles municipalités ces crimes ont été commis. Cette carte vous
10 présente tout simplement les municipalités et, je suppose, Messieurs les
11 Juges, qu'au fil du procès vous apprendrez à mieux connaître les
12 municipalités qui ont leur importance en l'espèce.
13 Vous remarquerez que dans l'acte d'accusation ainsi que dans certaines
14 cartes des noms différents sont donnés, cela dépend de la version serbe et
15 la version albanaise. Il y a également parfois des noms de localité qui
16 sont épelés de façon différente. Certains témoins, essentiellement les
17 témoins serbes, feront référence aux noms serbes alors que les témoins
18 albanais feront probablement référence aux noms albanais. Nous allons
19 utiliser les noms serbes pour bien nous assurer que l'accusé ainsi que les
20 personnes qui le représentent sachent de quoi il s'agit.
21 La population du Kosovo était composée essentiellement de deux groupes -
22 les Albanais et les Serbes. Avant le conflit en 1999, le dernier
23 recensement, qui a été complété dans son intégralité, a eu lieu en 1981 et
24 montre une population totale pour le Kosovo qui s'élevait à environ 1
25 million 585 habitants, à savoir 1 585 0000 habitants, 77 % de la population
26 était Albanais, 13 % était Serbe. Les autres 10 % étaient composés de
27 différents groupes, notamment des Turcs et des Rom, dont les chiffres
28 étaient beaucoup moins importants.
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1 Le recensement suivant a eu lieu en 1991, mais il fut boycotté par les
2 Albanais du Kosovo, mais en règle générale les estimations pour la
3 population du Kosovo en 1998 nous donne une population totale pour le
4 Kosovo qui s'élève à 2 millions, voire 2,2 millions de personnes, les
5 Albanais du Kosovo représentaient entre 80 et 85 % de cette population, et
6 les Serbes environ 10 %. Donc vous verrez qu'il y a eu une mutation
7 démographique, avec une diminution du nombre de Serbes et une augmentation
8 du nombre d'Albanais de souche pour la population. Et nous avons
9 l'intention de présenter des moyens de preuve présentés par des experts qui
10 vous parleront de la composition démographique de la population pendant la
11 période pertinente à l'acte d'accusation.
12 Tous les crimes incriminés dans l'acte d'accusation, qui sont reprochés à
13 l'accusé, à savoir les persécutions ainsi que les viols, les attaques
14 physiques, les vols, la destruction de biens et les meurtres et assassinats
15 se sont produits pendant le premier semestre de l'année 1999. Toutefois,
16 l'acte d'accusation précise également qu'en 1998 les forces de la
17 République fédérale de la Yougoslavie, à savoir la RFY et de la Serbie, se
18 sont engagées ou ont eu un comportement qui fait qu'elles ont attaqué de
19 façon indiscriminée et de façon excessive les civils. C'est un contexte
20 important qu'il faut comprendre pour pouvoir comprendre ce qui s'est passé
21 par la suite, non seulement pour comprendre comment l'entreprise criminelle
22 commune a vu le jour, et cela va nous permettre d'avoir un certain aperçu
23 de l'état d'esprit de l'accusé Djordjevic, ainsi du fait qu'il était
24 conscient que les forces qui lui étaient subordonnées agissaient de cette
25 façon, et qu'il était très vraisemblable qu'elles commettaient des crimes
26 contre les civils albanais du Kosovo avec qui elles sont rentrées en
27 contact.
28 Et pour mieux comprendre les événements de ce premier semestre de
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1 l'année 1999, je vous propose de vous présenter un aperçu très rapide de
2 l'histoire du Kosovo et du rôle joué par le Kosovo au sein de l'Etat serbe.
3 En 1974, une nouvelle constitution a été adoptée par la RSFY, et elle
4 prévoyait un changement de pouvoir, un déplacement du pouvoir de l'autorité
5 fédéral centrale vers les six républiques constitutives, à savoir la
6 Bosnie, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie,
7 ainsi que les deux provinces, les deux provinces autonomes de la Vojvodine
8 et du Kosovo qui faisaient partie de la Serbie. Donc les pouvoirs conférés
9 incluaient le contrôle républicain et provincial sur le pouvoir judiciaire,
10 sur la police, et sur tout le système d'éducation. Donc nous voyons qu'il y
11 a eu en quelque sorte délégation du pouvoir vers la province du Kosovo.
12 En 1980, le président Tito, qui avait dirigé la Yougoslavie pendant 35 ans
13 est décédé. Peu de temps après, les craintes ethniques et nationalistes qui
14 avaient été étouffées pendant très longtemps ont commencé à voir le jour.
15 Des troubles politiques ont commencé à être vus ici et là. Pendant les
16 années 1980, les Serbes du Kosovo ont exprimé leur préoccupation à propos
17 de la discrimination dont ils souffraient et qui était le fait du
18 gouvernement provincial majoritairement albanais. Entre-temps pendant la
19 même période, des années 1980 toujours, les Albanais du Kosovo ont commencé
20 à faire entendre leurs voix à propos du sous-développement économique de la
21 province. Les Albanais du Kosovo recherchaient une plus grande
22 libéralisation politique, et voulaient obtenir le statut de république pour
23 le Kosovo.
24 Au début des années 1980, et cela s'est poursuivi pendant toutes les
25 années 1980 ainsi que pendant les années 1990, les Albanais du Kosovo ont
26 fréquemment organisé des manifestations afin d'étayer leur aspiration à une
27 plus grande indépendance, à une plus grande autonomie. Très souvent, il
28 faut savoir que ces manifestations ont été étouffées par les forces
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1 militaires et les forces de la police de la Serbie. En 1989 notamment, la
2 présidence de la RSFY a réagi de façon très forte aux perturbations
3 latentes au Kosovo et a déclaré que la situation s'était tellement
4 détériorée qu'elle commençait à menacer la constitution, l'intégrité et la
5 souveraineté du pays. La présidence du RSFY a imposé des mesures spéciales
6 afin de faire en sorte que l'autorité de la police et la responsabilité en
7 matière de sécurité publique soient à nouveau conférées au gouvernement
8 fédéral de la RSFY. Donc nous voyons que l'on a essayé d'inverser la
9 procédure constitutionnelle ainsi que tous les progrès constitutionnels
10 obtenus en 1974.
11 Le 23 mars 1989, l'assemblée du Kosovo s'est réunie. Vous entendrez
12 des moyens de preuve par le truchement du premier témoin, me semble-t-il,
13 qui fera état de menaces, d'intimidation pour cette assemblée, et cela du
14 fait de la présence de chars qui se trouvaient à l'extérieur du bâtiment de
15 l'assemblée. Les membres, les députés ont voté afin d'abandonner ou de
16 retransmettre le contrôle de la police, l'éducation, le choix de la langue
17 officielle à la constitution serbe. Quelques jours plus tard, l'assemblée
18 de la Serbie a approuvé ces modifications à la constitution et a ainsi
19 révoqué l'autonomie qui avait été précédemment octroyée au Kosovo en
20 l'année 1974. Les tribunaux et les conseils municipaux du Kosovo ont cessé
21 de fonctionner.
22 Il n'est pas surprenant d'apprendre que cela a été suivi par de plus
23 en plus de grèves, de plus en plus de manifestations, de plus en plus de
24 troubles, et ce, de la part de la population du Kosovo qui réclamait
25 davantage d'autonomie et d'indépendance. Et il faut savoir que toutes ces
26 actions ont été assez fermement étouffées par les autorités, et supprimées
27 par les autorités serbes.
28 Au début des années 1990, des mesures ont été mises en œuvre et mises
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1 en place, il s'agissait en quelque sorte des premières tentatives
2 législatives ou par des moyens législatifs pour essayer de modifier
3 l'équilibre ethnique au Kosovo, et ce, afin toujours de maintenir le
4 contrôle serbe de la province. Nous avons vu qu'il y avait une
5 désintégration de la province, et le facteur principal a été le contrôle
6 serbe, alors que les Serbes étaient minoritaires. Les professionnels
7 albanais ont été renvoyés tout simplement à cause de leur appartenance
8 ethnique, ils ont été remplacés par des Serbes, qu'ils soient d'ailleurs
9 qualifiés, diplômés pour le poste ou non. Il faut savoir qu'après le début
10 de la guerre en Croatie et en Bosnie, un grand nombre de réfugiés serbes
11 par exemple, originaires de ces républiques, ont été relogés au Kosovo afin
12 justement de faire en sorte d'augmenter le nombre de Serbes dans cet
13 endroit, et des mesures spéciales ont été prises pour attirer les Serbes et
14 faciliter leur déménagement au Kosovo. Mais ce genre d'effort dont le but
15 était de modifier l'équilibre ethnique en faveur des Serbes n'a pas
16 véritablement été couronné de succès.
17 En juillet 1990, l'assemblée du Kosovo a adopté une résolution non
18 officielle, donc officieuse, qui déclarait que le Kosovo était une entité
19 égale et indépendante au sein de la RSFY, à savoir une république égale aux
20 républiques de la Serbie, de la Croatie, et de la Bosnie. L'assemblée de la
21 Serbie a réagi en quelques jours en adoptant une décision de suspension ou
22 de dissolution de l'assemblée du Kosovo.
23 L'assemblée du Kosovo ainsi suspendu a continué ses activités.
24 Toutefois en septembre 1990, elle a proclamé une constitution pour ce qui
25 devrait devenir la "République du Kosovo". C'est ainsi qu'ils l'ont appelé.
26 Une année plus tard, en septembre 1991, les Albanais du Kosovo organisaient
27 un référendum non officiel qui s'est exprimé, et ce, de façon écrasante en
28 faveur de l'indépendance.
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1 En mai 1992, les Albanais du Kosovo ont organisé des élections non
2 officielles, leur assemblée avait été dissoute de façon officielle par le
3 parlement serbe. Ils ont ensuite organisé des élections non officielles,
4 des élections pour l'assemblée, ainsi que pour choisir le président de leur
5 propre "République du Kosovo," tel qu'ils l'appelaient. Ibrahim Rugova,
6 maintenant décédé depuis, membre fondateur et membre de la Ligue
7 démocratique du Kosovo, fut ainsi élu président, et six années plus tard il
8 fut réélu à ce même poste.
9 Au début des années 1990, la LDK a dirigé ce gouvernement de
10 coalition non officiel et a adopté et poursuivi une politique de résistance
11 civile non violente et a commencé à mettre en place des institutions
12 parallèles non officielles dans les secteurs de l'éducation et de la santé
13 publique.
14 Donc le début des années 1990 fut une période au cours de laquelle la
15 majorité des Albanais du Kosovo continuaient à maintenir la pression en
16 revendiquant leur souhait pour une plus grande indépendance, une plus
17 grande autonomie, et cela passait par des actes de protestation ou des
18 actes de désobéissance civile, et les autorités serbes ont réagi soit en
19 restreignant ou en déplaçant l'autorité et les pouvoirs qu'ils avaient et
20 ont réagi parfois par des actes de violence.
21 Au milieu des années 1990, une faction des Albanais du Kosovo a
22 commencé à s'organiser dans le cadre d'un groupe connu sous le nom
23 d'Ushtria Clirimtare e Kosoves, à savoir l'UCK. J'ai tout essayé de
24 m'exercer à prononcer ce nom, mais je ne suis pas sûr que j'y suis parvenu.
25 Mais toujours est-il que ce groupe l'UCK connu dans les autres langues - et
26 c'est ainsi que je vais l'appeler, à savoir l'Armée de libération du Kosovo
27 - a commencé à préconiser un point de vue assez contraire à celui de la LDK
28 de M. Roguva. L'Armée de libération du Kosovo préconisait une politique
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1 d'insurrection armée, de résistance violente vis-à-vis des autorités serbes
2 au Kosovo.
3 L'UCK a commencé à lancer des attaques armées, essentiellement dirigées
4 contre les forces de police serbes au milieu des années 1990 et vers la fin
5 des années 1990. La police serbe a réagi en utilisant beaucoup la force, et
6 ce, par de nombreuses opérations contre des bases que l'on soupçonnait être
7 des bases de l'UCK contre les personnes qui soutenaient l'UCK au Kosovo. Il
8 y a eu persécution des Albanais du Kosovo, de civils albanais. Cela est
9 devenu une pratique de plus en plus commune et répandue. Donc il y a eu ces
10 agressions de la part de l'UCK d'un côté, les réactions des forces de la
11 RFY et de la Serbie, ce qui fait que cela nous a donné en 1997 et 1998 une
12 spirale et un cycle de violence.
13 Et j'aimerais en fait aborder deux sujets maintenant. Premièrement,
14 j'aimerais faire référence au terme "forces de la RFY et de la Serbie."
15 C'est un terme qui a été défini par l'acte d'accusation. C'est un terme qui
16 inclut non seulement les unités de l'armée de la RFY, l'armée yougoslave ou
17 la VJ, telle que nous l'appellerons de temps à autres, mais également le
18 ministère de l'Intérieur, à savoir la police, ainsi que différentes unités
19 militaires, unités territoriales, unités de défense locale, les forces de
20 défense villageoises, qui étaient composées de personnes du cru qui étaient
21 armées, les personnes qui étaient armées par la police et la VJ, ainsi que
22 les unités de volontaires rattachées et affectées ou intégrées à la VJ et
23 au MUP. Donc il s'agit d'un terme assez générique.
24 Deuxièmement, je dirais et j'avancerais que l'Accusation accepte que des
25 crimes très graves, voire extrêmement graves, ont été commis par des
26 membres de l'UCK contre des civils serbes, contre la police et contre
27 d'autres groupes ethniques, notamment contre des Albanais du Kosovo qui
28 étaient loyaux à l'Etat serbe. Et effectivement, le bureau du Procureur a
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1 également prononcé des actes d'accusation contre plusieurs membres de l'UCK
2 responsables de ces infractions. Mais cette affaire vous présente l'autre
3 revers de la médaille, à savoir les crimes commis par les forces de la RFY
4 et de la Serbie contre les civils albanais du Kosovo. Toute tentative de la
5 part de l'accusé afin de justifier son comportement ou le comportement de
6 ses forces, des forces qui étaient placées sous son commandement et qui
7 étaient sur le terrain en indiquant que des infractions et des crimes
8 semblables auraient pu être commis contre des civils par un autre parti n'a
9 aucune base, n'a aucun fondement, et ne reprend absolument pas la
10 jurisprudence ou ne tient pas compte de la jurisprudence de ce Tribunal.
11 Au début de l'année 1996 et pendant l'année 1997, l'UCK était un groupe
12 relativement limité, médiocrement armé et assez désorganisé. La plupart des
13 dirigeants de l'UCK se trouvaient à l'étranger. Mais notamment du fait de
14 la disponibilité d'armes supplémentaires à la suite de la désintégration et
15 de l'effondrement de l'ordre public dans l'Albanie voisine à ce moment-là,
16 du fait qu'un nombre de plus en plus important de volontaires se sont
17 ralliés à l'UCK, l'UCK en 1998 était composée de plusieurs milliers de
18 membres et est devenue de plus en plus active contre la police serbe. Et
19 d'ailleurs, en 1998, l'UCK contrôlait des parties importantes du territoire
20 du Kosovo. Il s'agissait non seulement d'actions dirigées contre la police
21 mais également, comme je l'ai déjà indiqué précédemment, contre des
22 Albanais du Kosovo qui étaient loyaux aux autorités serbes.
23 Donc il y a eu intensification du conflit, avec réaction de la part des
24 Serbes, réaction contre les activités de l'UCK et il faut savoir que des
25 villages et des villes où l'UCK avait des positions ont été pilonnés,
26 bombardés; les villageois et les résidants de ces villes et de ces villages
27 ont commencé à fuir. Ce problème a commencé à avoir une telle dimension
28 qu'il a commencé à attirer l'attention internationale.
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1 Il faut savoir qu'en mars 1998, les forces serbes ont exécuté une opération
2 de la municipalité de Srbica, et ont attaqué l'enceinte familiale, la
3 demeure familiale d'un notable qui était militant de l'UCK, un certain Adem
4 Jashari, qui résidait dans le village de Donji Prekaz. Lors de cette
5 attaque, plus de 50 personnes ont été tuées, notamment Jashari et toute sa
6 famille, à l'exception d'une jeune fille de 11 ans.
7 Nous allons utiliser le mot anglais "compound," à savoir "demeure
8 familiale," ou "enceinte familiale," cela décrit un type d'architecture que
9 l'on voit très souvent où résident les Albanais du Kosovo et vous allez
10 très souvent entendre ce terme pendant ce procès. Il s'agit enfin d'une
11 enceinte, d'une demeure familiale où habitent plusieurs unités familiales,
12 plusieurs cellules familiales qui appartiennent à la même famille, qui
13 vivent dans des maisons différentes dans la même enceinte familiale qui est
14 en général entourée et protégée d'un mur. Mais cela ne signifie pas pour
15 autant que la famille Jashari dans son enceinte avait construit une
16 fortification militaire.
17 Et j'aimerais ajouter qu'il est absolument indubitable que plusieurs
18 personnes qui se trouvaient dans cette enceinte avaient participé à des
19 activités de l'UCK. Toutefois, la nature particulièrement brutale et non
20 discriminée de l'attaque a profondément choqué et bouleversé de nombreux
21 observateurs locaux ou internationaux.
22 En mars 1998, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la
23 Résolution numéro 1160 qui a condamné, et je cite :
24 "…qui a condamné l'utilisation excessive de la force par les forces
25 de police serbes contre les civils et contre les manifestants pacifiques au
26 Kosovo."
27 Cette résolution fait partie des moyens à charge. Et l'Accusation avance
28 que l'accusé, en tant que chef de la police, était absolument conscient de
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1 l'utilisation de la force excessive et était également parfaitement
2 conscient de la condamnation internationale. Cette résolution a condamné la
3 violence, la violence de la part de l'UCK également.
4 En dépit de cette résolution adoptée en mars 1998 par les Nations
5 Unies, résolution qui condamnait les pratiques des forces de la RFY et de
6 la Serbie, ces forces ont non seulement continué leurs opérations contre
7 l'UCK, mais également contre la population civile dans les zones
8 d'opération de l'UCK. Mais il faut savoir que les forces de la RFY et de la
9 Serbie ont véritablement augmenté l'intensité de cette campagne.
10 En juillet 1998, les forces de la RFY et de la Serbie se sont lancées dans
11 une offensive à vaste échelle, et ce, dans toute la province du Kosovo. A
12 cette opération participaient notamment plusieurs brigades du Corps de
13 Pristina de la VJ et plusieurs unités spéciales du MUP également.
14 Il est intéressant de remarquer que le mois qui a précédé le lancement de
15 cette vaste offensive d'été a vu la création d'un commandement conjoint
16 pour le Kosovo-Metohija, tel que nous le connaissons, et ce commandement
17 conjoint a joué un rôle primordial lors des opérations au Kosovo, ce que
18 nous aborderons un peu plus tard.
19 Le mandat de ce commandement conjoint était de coordonner les affaires
20 civiles ainsi que les activités de la police et de l'armée lorsque ces
21 dernières étaient engagées dans le cadre d'opérations au Kosovo. Ce
22 commandement conjoint n'a aucun rôle officiel ou n'a aucune légitimité en
23 fonction du droit serbe ou de la constitution serbe. Mais son rôle et son
24 importance peuvent être compris lorsque l'on prend connaissance d'un ordre
25 militaire de la VJ qui porte la date du 7 juillet 1998, qui émane du
26 commandant de la 125e Brigade motorisée, et qui déclare une interdiction de
27 toutes les opérations si elles ne bénéficient pas de l'aval du commandement
28 conjoint. Donc il s'agit en quelque sorte d'un organe ad hoc, officieux,
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1 non officiel, auquel appartenait l'accusé et qui a participé et a été
2 responsable de la coordination des activités des forces de sécurité au
3 Kosovo en 1998.
4 Le commandement conjoint s'est réuni quasiment quotidiennement lors de
5 l'offensive importante du mois de juillet au mois d'octobre 1998, et
6 l'accusé a régulièrement participé à des réunions, avec certains de ses
7 anciens co-accusés, tels que Sainovic, Pavkovic, et Lukic. Nous pensons que
8 les moyens de preuve qui vont être présentés, et qui portent sur ces
9 événements de 1998, vous permettront de comprendre le rôle joué par
10 l'accusé ainsi que les déclarations qu'il a faites lors des réunions du
11 commandement conjoint, ce qui vous prouvera qu'il était absolument
12 conscient de l'utilisation de la force excessive dirigée contre les civils
13 albanais du Kosovo, et ce, de la part des forces de la RFY et de la Serbie,
14 notamment de la part de la police dont il était responsable. Nous
15 présenterons les procès-verbaux de ces réunions où il a été question de
16 l'utilisation de force excessive. Cela a été véritablement un thème
17 régulièrement abordé, et nous verrons qu'il était tout à fait conscient,
18 qu'il était vraisemblable et plus que vraisemblable que les forces qu'il
19 dirigeait allaient commettre les crimes qui lui sont reprochés.
20 Au vu de cette campagne continue contre la population civile au
21 Kosovo, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une autre
22 résolution, et ce, en date du 23 septembre 1998. Il s'agissait de la
23 Résolution 1199. Cette résolution exigeait un cessez-le-feu immédiat au
24 Kosovo ainsi que la présence internationale, et ce, pour superviser le
25 cessez-le-feu ainsi que le retrait des forces de sécurité utilisées pour la
26 répression civile.
27 Cette résolution ainsi que les réactions de plus en plus véhémentes
28 sur les fronts intérieurs et internationaux ont véritablement contraint le
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1 gouvernement de la RFY à commencer à se lancer dans des négociations
2 internationales en 1998. Vous entendrez des éléments de preuve très
3 détaillés à propos de ces négociations. Ces pourparlers ont donné naissance
4 à un certain nombre d'accords qui sont appelés les accords du mois
5 d'octobre, signés par les représentants de la RFY, de la Serbie, de l'OTAN
6 et de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. L'accusé
7 était justement l'une des personnes qui représentaient la Serbie, et plus
8 précisément la police de la Serbie.
9 Différentes dispositions ont été réclamées par les interlocuteurs
10 internationaux, telles qu'une fin immédiate à l'utilisation de la force
11 excessive et arbitraire dirigée contre la population civile, ainsi que la
12 diminution des forces de la VJ et du MUP au Kosovo. Cet accord exigeait
13 également la création et le déploiement d'une mission de vérification qui
14 devait être appelée la Mission de vérification des Nations Unies au Kosovo.
15 Et vous entendrez des éléments de preuve qui vont vous être présentés par
16 différents membres de cette mission qui parleront de ces accords.
17 Il est également important de remarquer qu'un rapport des Nations
18 Unies a estimé qu'à la fin du mois d'octobre 1998, environ 285 000 Albanais
19 du Kosovo avaient été contraints de quitter leurs foyers et avaient été
20 déplacés, soit à l'intérieur du Kosovo, à savoir ils campaient de façon
21 rudimentaire dans des montagnes, dans des forêts, dans des champs, dans
22 d'autres villages; et certains avaient été déplacés, avaient franchi la
23 frontière vers des Etats avoisinants. Et d'aucuns devraient également faire
24 remarquer que 285 000 personnes par rapport à l'ensemble de la population
25 totale albanaise du Kosovo, cela nous donne un rapport d'une personne pour
26 six personnes, donc une personne sur six personnes a dû quitter son
27 domicile en 1998, ce qui a été mis en exergue par la communauté
28 internationale, ce qui devait être su par l'accusé, qui était l'un des
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1 négociateurs serbes les plus importants, négociateur qui avait des contacts
2 avec la communauté internationale.
3 Malheureusement, les accords du mois d'octobre n'ont pas permis d'obtenir
4 les résultats tant escomptés. Il y a eu des premiers retraits des forces
5 serbes au début. Toutefois, l'UCK s'est rapidement déplacée et a très vite
6 comblé le vide laissé dans ces zones et est resté actif contre les forces
7 de la RFY et de la Serbie. En décembre, le nombre de forces serbes
8 augmentait à nouveau. A partir de leur arrivée en novembre 1998 jusqu'à
9 leur départ du mois de mars 1999, les observateurs de la Mission de
10 vérification au Kosovo ont remarqué qu'en sus des opérations menées contre
11 l'UCK, il y avait eu une certaine violence de la part des forces de la RFY
12 et de la Serbie, violence dirigée contre la population civile.
13 Ce qui nous donne une opération en janvier 1999, qui a eu lieu dans la zone
14 de Racak, qui s'est soldée par la mort de 40 Albanais du Kosovo et qui fut
15 un événement qui a permis en quelque sorte de ranimer, de galvaniser les
16 efforts déployés pour mettre un terme à la violence au Kosovo.
17 Il y a eu toute une suite de réunions internationales, notamment une
18 conférence de paix internationale à Rambouillet, près de Paris en mars
19 1999. Lors de ces négociations, les combats se sont arrêtés au Kosovo, les
20 négociations de Rambouillet ont eu lieu en février 1999, devrais-je
21 préciser. Ce sont des pourparlers qui ont fini par échouer à Paris à la mi-
22 mars 1999.
23 Avec l'échec de ces négociations, les vérificateurs de la Mission de
24 vérification du Kosovo se sont retirés du Kosovo. Le 23 mars 1999, il y a
25 eu une déclaration de guerre qui a été proclamée par la RFY, déclaration de
26 guerre imminente. Le lendemain, le 24 mars 1999, la campagne de
27 bombardement de l'OTAN commençait au Kosovo ainsi qu'ailleurs en Serbie, et
28 le parlement de la RFY déclarait l'état de guerre.
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1 Donc nous voyons que pendant toute la décennie 1990, nous avons assisté à
2 une augmentation de la violence avec une détermination de plus en plus
3 ferme de la part de l'UCK, qui s'exprime par des actes de violence qui sont
4 parfois illicites, criminaux, et ce, afin de faire partir l'Etat serbe du
5 Kosovo, avec le cycle de réponse violente de la part des autorités serbes.
6 Donc il est évident que des mesures absolument draconiennes devraient être
7 prises pour trouver une solution au problème du Kosovo.
8 Aussi tôt que le mois de février 1999, les membres de l'entreprise
9 criminelle commune avaient commencé à planifier les opérations de la VJ et
10 de la police qui ont été exécutées toujours avec cet objectif qui visait la
11 modification de l'équilibre ethnique, et ce, sous le prétexte d'écraser
12 l'UCK. Nous verrons comment l'accusé a participé à la planification de ces
13 opérations. Lorsque l'occasion a été vue, les membres de l'entreprise
14 criminelle commune ont réagi en lançant des opérations sur une grande
15 échelle, des opérations conjointes, opérations qui utilisaient les forces
16 de la RFY et de la Serbie. L'objectif de l'entreprise criminelle commune,
17 qui visait à modifier l'équilibre ethnique, et ce, afin de maintenir le
18 contrôle serbe de la province en dépeuplant le Kosovo d'une partie
19 importante des Albanais qui y résidaient, a été essentiellement obtenu à la
20 fin du mois d'avril, bien qu'il y ait encore eu quelques opérations isolées
21 qui ont vu le jour après.
22 Qui ont été les principaux protagonistes de cette tragédie ? Les moyens de
23 preuve présentés vous montreront que nombreux parmi les dirigeants de
24 l'Etat serbe et yougoslave ont joué un rôle dans cette entreprise
25 criminelle commune.
26 Nous avons, bien entendu, pour ce procès, dans un premier temps, l'accusé
27 Vlastimir Djordjevic, dont la fonction officielle est décrite de façon très
28 détaillée dans l'acte d'accusation ainsi que dans le mémoire préalable au
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1 procès. Lors de la période importante pour l'acte d'accusation, il a été
2 posté au QG du MUP à Belgrade. Il était ministre adjoint des Affaires
3 intérieures de la République de Serbie. Il était également chef du
4 département de la sécurité publique de la police. Il s'agissait donc de la
5 police de métier, de la police en uniforme du MUP. Il y a un autre
6 département au sein du MUP, le département de la sécurité d'Etat, appelé le
7 RDB, qui est en quelque sorte un service secret qui s'occupait de
8 compilation de renseignements secrets. Nous aborderons un peu plus le
9 détail de ces différents départements lorsque nous reviendrons sur le MUP.
10 Mais il me suffit de dire pour le moment qu'en tant que chef du
11 département de la sécurité publique du MUP, à savoir le RJB, l'accusé
12 Djordjevic avait la responsabilité totale et exerçait le contrôle sur les
13 unités de la police qui se trouvaient sur le terrain au Kosovo et qui ont
14 participé à la commission de crimes reprochés par l'acte d'accusation. Il
15 était redevable directement au ministre de l'Intérieur, à savoir M.
16 Stojiljkovic.
17 M. Djordjevic a été au départ incriminé avec six autres personnes qui
18 étaient tous participants à cette entreprise criminelle commune, à savoir
19 Milan Milutinovic, Nikola Sainovic, Dragoljub Ojdanic, Nebojsa Pavkovic,
20 Vladimir Lazarevic, et ainsi que Sreten Lukic.
21 Alors je vais vous décrire brièvement leurs différentes positions,
22 mais je commencerai, bien entendu, par le premier, à savoir, Slobodan
23 Milosevic, que vous devez certainement voir sur votre écran maintenant.
24 Bien entendu, l'on ne peut absolument pas parler du Kosovo pendant l'année
25 1998 sans faire référence à Slobodan Milosevic, qui était à l'époque
26 président de la RFY, qui était son dirigeant absolument incontesté, et qui
27 était sans aucun doute la personne la plus puissante dans ce pays à ce
28 moment-là au moment où les crimes précisés par l'acte d'accusation étaient
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1 commis. Son rôle au sein de l'entreprise criminelle commune a été un rôle
2 de dirigeant tout puissant, il donnait les ordres, c'est lui qui en a été
3 le principal instigateur et qui a été le principal planificateur de cette
4 entreprise criminelle commune.
5 Milosevic était, bien entendu, entouré de personnes loyales qui
6 partageaient ses points de vue à propos de l'importance du Kosovo pour la
7 Serbie, personnes sur lesquelles il pouvait absolument compter pour
8 exécuter les actions nécessaires qui devaient être menées à bien pour
9 modifier l'équilibre ethnique, et ce, afin de maintenir le contrôle serbe
10 au sein de cette province.
11 Il était non seulement président de la RSFY mais il était également
12 le président du parti qui avait le pouvoir dans le pays à ce moment-là, à
13 savoir le SPS, et de ce fait avait l'autorité de jure et de facto pour
14 exécuter et contrôler les opérations au sein des différents organes du
15 gouvernement, au sein du pouvoir militaire, ainsi que de la police.
16 Ensuite nous avons Milan Milutinovic, un ancien co-accusé de
17 l'accusé. Milutinovic était un membre extrêmement important du SPS et un
18 associé très proche de Slobodan Milosevic. Il était président de la Serbie,
19 l'un des Etats constitutifs de la République fédérale de la Yougoslavie,
20 l'autre Etat étant le Monténégro à ce moment-là. En tant que président de
21 la Serbie, Milutinovic était l'un des trois membres qui avait le droit de
22 vote au sein du conseil suprême de la Défense. Il s'agissait d'un organe
23 extrêmement important, responsable de la sécurité et de la sûreté dans le
24 pays. Milutinovic avait une position extrêmement importante puisqu'il était
25 président de la Serbie, il était membre du SPS, membre du conseil suprême
26 de la Défense, membre du commandement Suprême, était un des proches de
27 Milosevic et avait une fonction extrêmement élevée au sein du SPS, le parti
28 qui avait le pouvoir. Tous ces éléments combinés lui donnaient une
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1 influence et un contrôle de jure et de facto sur l'armée, la police et les
2 autres organes ainsi que sur les autres personnes qui faisaient partie de
3 cette entreprise criminelle commune.
4 Ensuite nous avons Nikola Sainovic. Nikola Sainovic était, d'après ce qui a
5 été dit par de nombreuses personnes, encore plus proche de Milosevic et des
6 personnes qui gravitaient tout près de Milosevic. Entre 1994 et 2000, il a
7 été vice-premier ministre de la RFY. En 1998 et en 1999, Sainovic fut
8 choisi personnellement par Milosevic qui lui a délégué la responsabilité
9 principale pour toutes les affaires relatives au Kosovo. Il a également été
10 chef du commandement conjoint et y a exercé de ce fait une autorité et un
11 contrôle sur les forces de la RFY et de la Serbie qui opéraient sur le
12 terrain au Kosovo à ce moment-là.
13 Vous avez ensuite trois autres anciens co-accusés de Djordjevic qui étaient
14 des commandants de l'armée yougoslave de la VJ; la VJ qui a agi en
15 coordination avec la police lors de la commission de nombreux crimes
16 reprochés dans l'acte d'accusation. Il s'agissait d'une armée extrêmement
17 moderne, d'une armée professionnelle et qui a agi avec les autres éléments
18 de la RFY en Serbie, et qui a joué un rôle absolument capital pour
19 l'exécution de l'entreprise criminelle commune.
20 Si vous prenez la chaîne de commandement à partir du haut, j'aimerais vous
21 indiquer que vous avez la constitution de la RFY et la législation fédérale
22 qui stipule que le commandement global de la VJ relevait du président de la
23 RFY, qui était à l'époque, Milosevic.
24 Puis vous verrez ensuite le général Dragoljub Ojdanic, que vous voyez
25 sur votre écran maintenant, il a été nommé chef de l'état-major de la VJ
26 par Milosevic et a eu cette position pendant toute la période de l'acte
27 d'accusation. En tant que chef de l'état-major général de la VJ, il était
28 le plus haut responsable, avait le plus de pouvoir au sein de la VJ, était
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1 le plus haut commandant militaire et avait le contrôle effectif des trois
2 services de la VJ, armée de l'air, de terre, et des forces aériennes.
3 Ensuite dans la structure hiérarchique, l'on trouve le général
4 Nebojsa Pavkovic, qui était commandant des forces terrestres de la VJ,
5 notamment la 3e Armée, et c'est extrêmement pertinent pour les événements
6 du Kosovo en 1999. Il a été nommé commandant de la 3e Armée le 25 décembre
7 1998, est resté à ses fonctions jusqu'à 1999. Pendant toute l'année 1999,
8 il était également membre du commandement conjoint au Kosovo pendant cette
9 période.
10 Le Kosovo relevait de la responsabilité d'une unité de cette 3e
11 Armée, le Corps de Pristina, qui était commandé par le général Vladimir
12 Lazarevic, dont vous voyez maintenant la photo à l'écran. Il fut nommé
13 commandant du Corps de Pristina le 25 décembre 1998. Il était également
14 membre actif du commandement conjoint au Kosovo.
15 Lors de ce procès, vous vous intéresserez sans doute davantage au
16 rôle qu'a joué le MUP ainsi que ses dirigeants étant donné que l'accusé
17 était un des hauts responsables du MUP.
18 Cela m'amène donc à un autre co-accusé de cet accusé, Sreten Lukic. A
19 compter du mois de juin 1998 et pendant toute l'année 1999, Lukic était le
20 chef de l'état-major du MUP à Kosovo. Nous y reviendrons plus tard. En
21 cette qualité, il était le plus haut responsable du MUP en poste au Kosovo,
22 il a dirigé les opérations du MUP au Kosovo et était également membre du
23 commandement conjoint et a donc participé aux réunions et à la prise de
24 décisions de ce commandement. En tant que chef de l'état-major du MUP pour
25 le Kosovo, Sreten Lukic a commandé et exercé un contrôle effectif sur les
26 unités du MUP déployées au Kosovo et ces unités subordonnées au MUP dans le
27 cadre des opérations au Kosovo. Il était directement subordonné à l'accusé
28 Djordjevic.
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1 D'autres hauts responsables du MUP, y inclus Vlajko Stojiljkovic,
2 décédé, ministre de l'Intérieur de la Serbie, nommé le 24 mars 1998. Il est
3 allégué qu'il était membre de cette entreprise criminelle commune, nous en
4 entendrons souvent parler pendant ce procès. En tant que ministre des
5 Affaires intérieures, il était le dirigeant politique du MUP et responsable
6 des activités du MUP et de son personnel.
7 Nous entendrons également parler d'Obrad Stevanovic, ministre adjoint
8 de la police, responsable de l'administration de la police, une sous-
9 division du RJB. Il se trouvait souvent sur le terrain du Kosovo pendant la
10 période couverte par l'acte d'accusation et coordonnait les activités
11 d'unités spéciales du MUP. Encore une fois, vous entendrez souvent parler
12 de lui dans le cadre de ce procès.
13 J'en viens ensuite à Radomir Markovic, qui était également ministre
14 adjoint au sein du MUP, au même échelon que l'accusé dans cette affaire,
15 Djordjevic. Comme je l'ai déjà dit, le MUP comportait deux services, la
16 division de la sécurité publique, le RJB et la division de la sécurité de
17 l'Etat, le RDB. Ce RDB était dirigé par Radomir Markovic et était
18 principalement impliqué dans le recueil d'information et de renseignement
19 se rapportant à la sécurité de l'Etat en République de Serbie.
20 Venons-en maintenant à la structure du MUP. Je souhaite ainsi vous
21 montrer un organigramme qui représente l'organisation du MUP dans le
22 contexte du Kosovo.
23 Le ministère de l'Intérieur, de par la loi serbe, avait pour mandat
24 de protéger les vies humaines, la sécurité des gens et de leurs biens et de
25 maintenir l'ordre et l'autorité du droit.
26 Le RJB que dirigeait Djordjevic était constitué des policiers
27 réguliers en uniforme qui, au quotidien, empêchaient la prévention de
28 crimes, enquêtaient sur ces crimes, veillaient à l'application de la loi et
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1 contrôlaient également les frontières.
2 Il est à noter en particulier que les policiers qui s'occupaient du
3 contrôle des postes-frontières étaient subordonnés à l'accusé. Nous verrons
4 que dans le cadre des crimes reprochés d'expulsion, tout ce qui s'est passé
5 aux frontières et le comportement des policiers aux postes-frontières est
6 de la plus haute importance.
7 Outre les officiers de police qui menaient leurs activités
8 ordinaires, le RJB comportait également des unités spéciales armées et
9 spécialement formées afin de mener des opérations, y compris des opérations
10 de combat dont la police régulière ne pouvait pas se charger. Les témoins
11 vous diront que ces policiers disposaient souvent de blindés, de transports
12 de troupes, de mortiers, de grenades, et autres armes dont ne dispose pas
13 normalement la police.
14 Au Kosovo en 1998 et 1999, les unités spéciales suivantes ont joué un rôle
15 actif : l'unité spéciale principale s'appelait simplement l'Unité spéciale
16 de la police, la PJP; nous entendrons souvent cette unité décrite ainsi,
17 par cet acronyme. Ensuite des groupes opérationnels de ratissage pour ainsi
18 dire, OPG, et l'Unité spéciale antiterroriste, SAJ
19 d'élite.
20 Pour ce qui est de la dimension de la sécurité de l'Etat au sein du MUP
21 dirigé par l'accusé -- non, pardon. Le service de la sécurité de l'Etat
22 était dirigé par Radomir Markovic, et il contrôlait une unité spéciale qui
23 était la leur, également impliquée dans le cadre d'opérations au Kosovo,
24 intitulée Unité d'opérations spéciales. Mais on utilise en général pour
25 qualifier cette unité l'acronyme JSO.
26 Sur l'organigramme, vous verrez que toutes ces unités relevaient de l'état-
27 major du MUP pour le Kosovo, et nombre de ces unités ont été impliquées
28 dans un grand nombre d'activités qui ont eu pour résultat les crimes commis
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1 à l'encontre de la population albanaise du Kosovo. Vous entendrez cela
2 grâce aux éléments de preuve présentés.
3 Ils étaient sous les ordres de l'accusé par le biais de l'état-major du MUP
4 au Kosovo, dirigé par Lukic, et étaient parfois directement sous les ordres
5 de l'accusé. Nous présenterons plusieurs ordonnances émanant de l'accusé
6 déployant ses unités au Kosovo, et nous faisons valoir que ces ordonnances
7 illustrent son rôle global en tant que commandant de ces unités, en tant
8 que chef du RJB.
9 Par exemple, nous présenterons une dépêche émanant de l'accusé en date d 21
10 mars 1999, par lequel il a donné l'ordre de déployer une compagnie de PJP,
11 de les envoyer de Subotica en Serbie au Kosovo, donc en date du 21 mars
12 1999. Et cette unité, après avoir été déployée, a activement participé aux
13 opérations dans la municipalité d'Orahovac où se trouvent Bela Crkva et
14 Mala Krusa, et nous entendrons des éléments de preuve au sujet des
15 massacres qui ont été perpétrés dans ces deux villages, massacres perpétrés
16 par la police le 25 mars.
17 L'accusé avait la responsabilité globale de toutes ces activités de police
18 actives au Kosovo. Par ailleurs, le MUP avait également des forces de
19 réserve pour compléter son contingent régulier, et ces forces de réserve
20 ont constitué l'essentiel des unités de défense locales dans de nombreux
21 secteurs du Kosovo.
22 Au sein de la province du Kosovo, les activités du MUP étaient réparties
23 sur une base géographique. Si l'on peut revenir à l'organigramme, on peut
24 voir au bas de l'organigramme les sept secrétariats de l'intérieur
25 régionaux distincts, certains témoins s'y référeront comme des SUP
26 de ces secrétariats était responsable des tâches du RJB dans les
27 municipalités composant la province du Kosovo. Il s'agissait donc des QG de
28 la police qui gouvernaient plusieurs municipalités au sein du Kosovo.
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1 Et les SUP que l'on voit donc au bas de l'organigramme, étaient redevables
2 dans la structure hiérarchique, parfois au commandement conjoint, parfois à
3 l'état-major du MUP au Kosovo, et parfois étaient directement placés sous
4 les ordres du QG d MUP à Belgrade.
5 Vous voyez ici les sept zones géographiques qui relevaient de la
6 responsabilité de ces secrétariats de l'Intérieur, ces SUP
7 suivante vous montre les municipalités que recouvraient ces sept régions,
8 et donc qui relevaient de la responsabilité de ces sept secrétariats de
9 l'Intérieur.
10 Outre le rôle des SUP, vous entendrez également parler du rôle d'autres
11 organes de commandement et de contrôle dirigeant les forces de la RFY et de
12 la Serbie, notamment l'état-major du MUP pour le Kosovo-Metohija ainsi que
13 le commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija.
14 L'état-major du MUP pour le Kosovo se trouvait à Pristina et de juin 1998 à
15 juin 1999 était dirigé par Sreten Lukic. Son objectif était de gérer les
16 activités du MUP visant à lutter contre le terrorisme au Kosovo, organiser
17 et diriger les activés des unités du MUP dans le cadre de tâches
18 sécuritaires complexes.
19 L'état-major du MUP au Kosovo comprenait des membres du RDB, ainsi que les
20 chefs de département au Kosovo et les chefs des sept SUP
21 que chef de l'état-major au Kosovo, en 1998 Lukic était passé sous les
22 ordres du ministre des Affaires intérieures, Stojiljkovic, ainsi que sous
23 les ordres de Djordjevic, son supérieur hiérarchique direct. Les rapports
24 quotidiens de situations étaient transmis, entre autres, au ministre, au
25 ministre adjoint, y compris cet accusé. Et comme je l'ai déjà dit, les sept
26 secrétariats régionaux devaient communiquer tout événement important, non
27 seulement à l'état-major du MUP à Pristina mais aussi au QG du MUP à
28 Belgrade. Par ailleurs, les hauts responsables du MUP, y compris l'accusé
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1 lui-même, Djordjevic, et Obrad Stevanovic assistaient parfois aux réunions
2 de l'état-major du MUP au Kosovo.
3 J'ai déjà parlé du commandement conjoint. J'aimerais simplement vous
4 signaler l'existence d'un autre organe que l'on décrivait parfois aussi
5 comme commandement conjoint. En 1998 et en 1999 à Belgrade, il existait un
6 organe ad hoc composé de hauts responsables militaires, politiques, et
7 hauts responsables de la police qui se réunissaient afin de discuter des
8 événements au Kosovo. C'est participants comptaient notamment Milosevic,
9 Sainovic, Ojdanic, Pavkovic, ainsi que l'accusé Djordjevic, et parfois le
10 ministre Stojiljkovic. L'on décrivait cet organe parfois comme "Commission
11 d'Etat pour la suppression du terrorisme." Il faut distinguer entre cet
12 organe et le commandement conjoint pour le Kosovo-Metohija, qui se
13 réunissait au Kosovo. Lorsque l'Accusation utilise le terme "Commandement
14 conjoint," nous nous référons à l'organe au Kosovo, et toute mention du
15 groupe de Belgrade qui se réunissait à Belgrade sera notée ou relevée de
16 façon explicite.
17 J'aimerais maintenant venir, si vous me le permettez, Messieurs les Juges,
18 aux crimes allégués.
19 L'accusé se voit reprocher des persécutions, des transferts forcés, des
20 expulsions, et des meurtres commis dans la première moitié de 1999 au
21 Kosovo. Les éléments de preuve démontreront que pendant la période couverte
22 par l'Accusation, il y avait un conflit armé en cours au Kosovo, tout
23 d'abord entre les forces de la RFY et de la Serbie d'une part, et l'UCK de
24 d'autre; et plus tard entre les forces de la RFY et la Serbie d'une part,
25 et d'autre part l'OTAN et l'UCK.
26 Pendant ce conflit, des milliers d'Albanais du Kosovo, des civils et des
27 non-combattants ont été tués par les forces de la RFY et de la Serbie,
28 quelque 800 000 ont été transférés de force et expulsés. Cela représente
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1 plus du tiers de la population totale du Kosovo et presque un Albanais du
2 Kosovo sur deux.
3 Vous savez, Messieurs les Juges, sur la base de l'acte d'accusation, du
4 mémoire préalable au procès et mes remarques antérieures, que les crimes
5 commis en 1999 ne sont que le dénouement final d'une campagne de
6 persécution et de violence qui allait en s'intensifiant, campagne menée par
7 les forces de la RFY et de la Serbie et leurs dirigeants afin de tenter de
8 conserver le contrôle physique et politique de la province du Kosovo, alors
9 que la majorité albanaise du Kosovo ne cessait de réclamer une plus grande
10 autonomie, voire même l'indépendance.
11 En l'espace d'une seule semaine, entre le 24 et le 30 mars 1999, d'après
12 les données des Nations Unies, quelque 94 000 Kosovars ont fui l'Albanie.
13 Bon nombre ont signalé qu'ils ne savaient pas où se trouvaient les hommes
14 de leurs familles comme ils avaient été séparés au moment de leur
15 expulsion. C'est un thème qui revient souvent dans ce contexte. Bon nombre
16 nous ont raconté qu'ils avaient été délibérément expulsés et que leurs
17 maisons avaient été détruites par les forces serbes. Nombreux sont ceux qui
18 nous ont dit qu'ils ont dû partir sans préavis, contraints à prendre la
19 fuite pendant la nuit, à pied, alors qu'il faisait en dessous de zéro,
20 souvent avec seuls les habits qu'ils portaient et les quelques objets
21 qu'ils pouvaient porter sur eux alors qu'ils prenaient la fuite. Bon nombre
22 nous ont dit également qu'ils ont été rassemblés par les forces serbes, et
23 obligés à monter dans des trains ou les autocars en direction de la
24 frontière afin d'être expulsés vers l'Albanie ou la Macédoine.
25 Monsieur le Président, j'aimerais vous montrer brièvement une vidéo qui
26 nous montre l'un de ces convois. Il ne s'agit que d'une vidéo sans son, et
27 je crois que cela nous prendra quelques minutes seulement.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
Page 198
1 M. STAMP : [interprétation] Merci beaucoup. Nous faisons valoir que la
2 grande majorité de ces réfugiés ont pris la fuite en raison des actes de la
3 VJ, du MUP et d'autres forces de la RFY et de la Serbie.
4 A compter du 24 mars 1999, suite à l'évacuation des observateurs du KVM et
5 le début de la campagne de bombardement de l'OTAN, les forces de la RFY et
6 de la Serbie ont saisi l'occasion pour intensifier leur campagne de
7 nettoyage ethnique.
8 Aux quatre coins du Kosovo, de manière concertée et coordonnée, les forces
9 de la RFY et de la Serbie ont lancé leur offensive généralisée et
10 systématique contre la population civile albanaise du Kosovo afin de les
11 expulser du Kosovo. Les éléments de preuve démontreront un schéma typique
12 dans de nombreuses municipalités. Les forces serbes encerclaient un village
13 ou une ville tout en laissant une issue possible. La VJ commençait alors à
14 pilonner le secteur à l'artillerie et aux armes lourdes, et puis les unités
15 du MUP, y compris des unités spéciales et les volontaires intégrés ou
16 rattachés au MUP, entraient dans la ville en expulsant les gens, en tuant
17 et en violant parfois, pillant et incendiant les maisons abandonnées;
18 l'objectif étant d'expulser la population et de ne rien laisser sur place
19 afin qu'ils n'aient aucune raison de rentrer chez eux.
20 Manifestement, ce type d'activités a créé une ambiance de terreur, et les
21 habitants des villages avoisinants ont pris la fuite pour éviter de subir
22 un sort similaire. Et c'est ainsi que ces convois de masse que l'on a vus
23 dans les médias internationaux se sont constitués dès la fin du mois de
24 mars 1999, l'on a vu des milliers et des milliers d'Albanais du Kosovo qui
25 littéralement fuyaient la mort.
26 Il est notamment à relever sur ce point que vous entendrez des éléments de
27 preuve de nombreux témoins, de nombreux réfugiés concernant la manière dont
28 sur les routes menant aux frontières les forces de la RFY et de la Serbie,
Page 199
1 y compris la police frontalière, les contraignaient à remettre leurs
2 papiers d'identité et leurs plaques d'immatriculation.
3 Pourquoi contraindre les gens à restituer leurs papiers d'identité ?
4 Nous faisons valoir que cela illustre clairement l'objectif de l'entreprise
5 criminelle commune visant à modifier l'équilibre ethnique au Kosovo et à
6 préserver le contrôle serbe, car une fois à l'extérieur du pays sans
7 papiers d'identité, il serait extrêmement difficile pour ces réfugiés de
8 rentrer chez eux puisque les autorités serbes pouvaient simplement
9 prétendre qu'il s'agissait de clandestins, d'immigrants illicites.
10 L'acte d'accusation reflète bien la nature généralisée de cette campagne
11 qui était une campagne de grande envergure. L'acte d'accusation fait état
12 de 11 sites où des massacres ont eu lieu, et 13 sites où les expulsions ont
13 eu lieu.
14 J'aimerais noter ici que les crimes énumérés dans l'acte d'accusation sont
15 cités selon différents types, différentes catégories d'infractions, par
16 exemple, expulsion ou meurtre. C'est une structure qui est utilisée afin de
17 faciliter l'analyse des crimes individuels dans l'acte d'accusation, mais
18 ne reflète pas forcement une distinction entre expulsion et meurtre sur le
19 terrain. En d'autres termes, lorsque l'on voit des mentions de sites
20 d'expulsion et sites de meurtres, cela ne veut pas dire qu'il s'agissait là
21 d'incidents distincts. Ils sont manifestement associés, liés entre eux.
22 Avant, pendant et après les expulsions, des meurtres ont eu lieu également.
23 Par ailleurs, les 11 sites où des massacres ont eu lieu, et les 13 sites
24 d'expulsion ne constituent pas une liste exhaustive de tous les crimes
25 signalés aux enquêteurs, mais représentent plutôt un échantillon qui
26 suffit, à notre avis, à démontrer l'existence d'une ligne de conduite
27 délibérée, et à montrer toute l'ampleur ainsi que la nature de la campagne
28 menée sur tout le territoire de la province.
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1 Pour en venir maintenant aux sites où les massacres ont eu lieu, sites
2 énumérés dans l'acte d'accusation; vous voyez ces sites à l'écran.
3 Les témoins que nous souhaiterions vous présenter sont les bienheureux
4 rescapés qui ont survécu à ces événements. Nombre de leurs proches, parfois
5 leurs familles toutes entières, ainsi que leurs voisins n'ont pas survécu à
6 la campagne d'expulsion. Nous ne pouvons dès lors pas entendre leurs
7 récits. Leurs histoires devront nous être racontées par ceux et celles qui
8 ont survécu et nous entendrons également parler l'au-delà, pour ainsi dire,
9 les tombes, grâce aux éléments de preuve présentés par des anthropologues
10 et des médecins légistes, des experts en ADN qui ont minutieusement analysé
11 des morceaux de dépouilles, de restes humains, des os, des tissus, des
12 papiers d'identité pendant des mois et des années consacrés à l'exhumation
13 de sites sur tout le territoire du Kosovo et autres sites d'inhumation en
14 Serbie. Je vais donc vous donner un aperçu de ces sites afin de déceler une
15 ligne de conduite délibérée et vous montrer comment tous ces événements
16 sont associés les uns aux autres.
17 Abordons tout d'abord Bela Crkva, simplement pour vous situer l'endroit,
18 cela se trouve au sud-ouest du Kosovo dans la municipalité d'Orahovac,
19 l'une des municipalités où de nombreux crimes ont été commis à l'encontre
20 de la population albanaise du Kosovo.
21 Dans le village de Bela Crkva, le 25 mars 1999, les forces de la RFY et de
22 la Serbie ont attaqué les villageois. De nombreux villageois ont pris la
23 fuite, se sont cachés sous un pont ferroviaire. La police serbe a ouvert le
24 feu sur un groupe de villageois, tuant 12 personnes dont dix femmes et
25 enfants. Les autres villageois étaient enjoints à quitter le lit de la
26 rivière. Les hommes et les garçons ont été séparés des autres, ont dû se
27 déshabiller, puis ont été dépouillés de leurs objets de valeur et papiers
28 d'identité. On a ordonné aux femmes et aux enfants de quitter le village,
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1 de se rendre dans un autre village voisin. Le médecin du village a tenté
2 d'intercéder auprès du commandant de la police, mais il a été abattu ainsi
3 que son neveu. Les autres hommes et garçons ont été contraints de retourner
4 dans le lit de la rivière, puis les forces serbes et la police ont ouvert
5 le feu sur eux, tuant quelque 65 d'entre eux. Certains ont survécu et
6 pourront nous raconter ce drame. C'est un thème récurrent que vous
7 retrouverez dans de nombreuses situations, car il s'agissait de massacres
8 de grande envergure. Bien souvent, des personnes ont survécu.
9 Le village même a été détruit, mais sur la base d'exhumations ultérieures
10 après le conflit, lorsque des enquêteurs internationaux ont pu accéder au
11 Kosovo, les cadavres de 54 victimes ont été récupérés. L'autopsie révèle
12 que la cause du décès dans 98 % des cas était des blessures par balle.
13 Vous voyez à l'écran une carte de Bela Crkva. Je vous ai dit que le village
14 avait été détruit. Vous voyez sur la carte à gauche les immeubles intacts
15 en mars 1999, puis sur la droite, la situation en avril 1999. Vous voyez
16 donc l'étendue de la destruction. D'ailleurs, on voit là qu'il y a une
17 inversion de 180 degrés, mais ce n'est tout de même pas difficile à
18 identifier. Si on prend la rivière comme point de référence, c'est donc la
19 ligne foncée en demi-cercle sur la gauche de la carte, puis on voit
20 l'immeuble blanc au centre de la carte. Vous voyez bien que les deux cartes
21 représentent le même endroit, mais à deux moments différents, un moment où
22 les immeubles étaient encore intacts, et l'autre où l'endroit était
23 saccagé.
24 Passons maintenant à Mala Krusa, un village voisin de Bela Crkva.
25 Le même jour, à quelques kilomètres de Bela Crkva à Mala Krusa, les
26 forces de la RFY et de la Serbie ont également attaqué ce village. Les
27 villageois se sont réfugiés dans une forêt à proximité et ont pu voir les
28 agresseurs piller et incendier leurs maisons. Le lendemain, le 26 mars, les
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1 forces serbes ont repéré bon nombre des villageois aux alentours de Mala
2 Krusa et ont enjoint aux femmes et aux enfants de partir en direction de
3 l'Albanie. Ils ont détenu et fouillé les hommes et les garçons plus âgés,
4 les ont dépouillés de leurs objets de valeur et papiers d'identités. Les
5 forces de la RFY et de la Serbie ont ensuite obligé les hommes et garçons
6 plus âgés à entrer dans une maison à proximité et ont ouvert le feu sur eux
7 à l'aide d'armes automatiques, puis ont incendié la maison. Quelque 100
8 personnes ont été massacrées, manifestement, nous n'avons pas de rapports
9 de médecins légistes concernant ce site puisque les victimes ont été
10 brûlées vives lors de cet incendie.
11 Passons maintenant à Suva Reka, l'on voit sur la carte où se trouve
12 Suva Reka au Kosovo.
13 Le 26 mars également, donc le même jour où les attaques ont eu lieu à Bela
14 Crkva et Mala Krusa dans la municipalité d'Orahovac, des policiers du poste
15 de police de Suva Reka ont encerclé l'enceinte familiale Berisha dans la
16 ville de Suva Reka, la plus grande ville de la municipalité, et ont ordonné
17 aux habitants de sortir des maisons. Quatre hommes ont été tués
18 directement, les autres membres de la famille se sont réfugiés dans un café
19 ou une pizzeria où ils ont essuyé les tirs de la police. Des engins
20 explosifs ont également été lancés dans le café ou le magasin où se
21 trouvaient les victimes.
22 J'aimerais vous montrer une photo aérienne, si vous le voulez bien. Vous y
23 voyez des flèches qui vous indiquent là où se trouvaient les maisons des
24 Berisha ainsi que le poste de police; et au milieu de la carte, vous voyez,
25 c'est une ligne droite qui aboutit à une structure où se trouvait
26 auparavant la pizzeria. Donc vous voyez à peu près où se trouvait cet
27 endroit, et vous voyez que le poste de police se trouve peu ou prou de
28 l'autre côté de la route à quelque 150 mètres de l'endroit où ces femmes et
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1 enfants ont été massacrés. Dans le siège de ce massacre, sans doute pour
2 dissimuler le crime et le sang dans la pizzeria, le magasin a été incendié.
3 Vous voyez à l'écran le café détruit et incendié, donc à quoi cela
4 ressemblait une fois que l'on y avait mis le feu et que les cadavres
5 avaient été emmenés.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 M. STAMP : [interprétation] Vous voyez également les marques de tirs
8 d'armes automatiques sur les murs. On voit également les dégâts causés par
9 les engins explosifs lancés dans ce café.
10 Les femmes, les enfants, les personnes âgées avaient tenté de se réfugier
11 dans ce magasin, mais au moins 47 d'entre eux ont été tués dans ce magasin,
12 dont 15 femmes et 17 enfants. La police et les membres de la Défense civile
13 ont ensuite organisé l'évacuation des cadavres. Les corps des victimes ont
14 été jetés à l'arrière de deux camions qui sont partis en direction de
15 Prizren. Sans que les agresseurs le sachent, trois personnes ont survécu,
16 ce qui est tout à fait extraordinaire - deux petits enfants -- ou plutôt
17 deux femmes et un petit enfant qui ont fait semblant d'être morts ont
18 également été jetés à l'arrière du camion et ont réussi à prendre la fuite
19 en sautant du camion. Nous entendrons en direct le témoignage de certains
20 de ces survivants.
21 Vous entendrez également raconter où les cadavres de ces femmes et enfants
22 ont finalement été retrouvés. Les dépouilles de la famille Berisha, des
23 membres de la famille tués ce jour-là ont été retrouvées à deux endroits
24 différents.
25 L'on vient de me signaler -- Messieurs les Juges, l'on vient de me signaler
26 qu'il serait peut-être opportun de faire une pause maintenant.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, j'attendais que vous arriviez à
28 un moment justement qui conviendrait bien. Voilà qui est le cas. Pour ceux
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1 qui ne connaissent pas bien la procédure puisqu'elle est nouvelle pour eux,
2 nous devons faire une pause au bout d'une heure et demie afin de permettre
3 à la régie de s'organiser et de permettre aussi aux interprètes de faire
4 une pause, donc dans le cadre du procès, nous déciderons des moments
5 auxquels ces pauses seront prises. Mais de façon générale, c'est toujours
6 au bout d'une heure et demie.
7 Nous reprendrons donc à 11 heures.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Stamp, je vous en prie.
11 M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 Juste avant la pause, j'étais en train de vous relater ce qui était advenu
13 aux corps des membres de la famille Berisha qui ont été tués à Suva Reka.
14 Ils ont été placés à bord de deux camions et ont été conduits jusqu'à
15 Prizren le même jour.
16 Vous entendrez, Messieurs les Juges, que par la suite les restes humains de
17 certains membres de cette famille qui ont été tués ce jour-là ont été
18 trouvés à deux endroits. Certains ont été exhumés sur un polygone
19 d'entraînement qui se trouvait juste à l'extérieur de la ville de Prizren.
20 Et puis, il faut savoir que par la suite des restes ont été identifiés
21 grâce à une analyse ADN et on a pu faire le lien avec quelque 24 membres de
22 la famille Berisha, ainsi qu'un fœtus puisque l'une des victimes était
23 enceinte, ces dépouilles ont été trouvés sur un site où se trouvait une
24 fosse commune clandestine. Ce site se situait sur un centre de formation
25 pour la SAJ, les forces de police d'élite anti-terroristes du MUP serbe, et
26 ils ont été trouvés à Batajnica près de Belgrade, en Serbie.
27 Certaines de ces personnes qui avaient été enterrées sur ce polygone
28 d'entraînement ont été exhumées puis conduites à Batajnica.
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1 Je dirais, Monsieur le Président, que je souhaiterais faire une
2 petite pause dans mon discours et vous montrer un croquis qui vous
3 permettra de comprendre la distance qui relie le site où a eu lieu le crime
4 et les lieux où ont été inhumées les victimes, ce qui vous permettra de
5 comprendre ce dont je parle. Les personnes qui connaissent la géographie
6 des Pays-Bas et de La Haye, par exemple, comprendront que la distance qui
7 sépare Suva Reka à Batajnica en Serbie est équivalente à la distance qui
8 sépare La Haye au Luxembourg, en quelque sorte, quelque 300 kilomètres.
9 Donc une question convient d'être posée : Comment est-ce que ces corps sont
10 allés de Suva Reka jusqu'à ce site près de Belgrade, qui se trouve à
11 quelque 285 kilomètres ? Il ne s'agit pas tout simplement de Belgrade, il
12 ne s'agit pas de n'importe quel terrain, il s'agit d'un terrain qui
13 appartenait à la police, il s'agit d'un terrain qui était utilisé par la
14 police pour former ses unités d'élite, donc il y avait un accès limité pour
15 ce terrain. Pourquoi est-ce que ces civils albanais morts, essentiellement
16 des femmes et des enfants, ont été conduits et dissimulés de cette façon ?
17 Qui avait la possibilité et les moyens surtout pour ce faire ? Et quel a
18 été le mobile, pourquoi est-ce que tant d'efforts logistiques ont été
19 déployés alors qu'un état de guerre avait été proclamé à une époque où les
20 ressources telles que les hommes, les camions, le carburant étaient
21 particulièrement précieux ?
22 Nous avançons que cela indique qu'il y avait une connaissance, mais une
23 connaissance coupable de la part des personnes, qui savaient que ces
24 personnes, les personnes décédées, avaient été victimes de meurtre et
25 d'assassinats et que cela s'inscrivait dans le cadre d'une entreprise
26 criminelle destinée à modifier l'équilibre ethnique au Kosovo.
27 J'aimerais maintenant vous parler de Podujevo qui se trouve de l'autre côté
28 de la Serbie, au nord de la Serbie -- non, je m'excuse, il s'agit du nord
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1 de la province du Kosovo.
2 Je vous dirais que le 28 mars 1999, les forces de la RFY et de la Serbie
3 ont attaqué la ville de Podujevo, qui est une petite ville, et ces forces
4 ont commencé à expulser les villageois albanais du Kosovo de leurs foyers.
5 Une unité qui était incorporée, qui faisait partie de la police, de la
6 police spéciale et qui était connue sous le nom de Scorpions, qui était
7 subordonnée à la police, est entrée dans une maison du village et a donné
8 l'ordre à un groupe de 19 femmes et enfants qui appartenaient aux familles
9 suivantes : Bogujevci, Duriqi et Llugaliu. Ils leur ont donné l'ordre de se
10 rassembler dans la cour, ils les ont roués de coups et ont tiré sur ces
11 civils. Quatorze personnes au moins ont été tuées et d'autres ont été très
12 gravement blessées lors des tirs. A nouveau, certains ont eu la grande
13 chance de survivre et deux survivants ainsi qu'un membre de l'unité de la
14 police qui a commis ce meurtre vont venir témoigner ici. Je dirais qu'une
15 fois de plus, le poste de police locale se trouvait à quelque 200 mètres de
16 cet endroit.
17 Il faut savoir, et cela a son importance, que l'accusé a été informé de ce
18 crime notoire et l'unité a été retirée du Kosovo. Il y a eu quelques
19 procédures pour la forme, pour la forme il y a eu une procédure qui a été
20 suivie. Personne n'a été sanctionné. Personne n'a été puni. Et quelque deux
21 semaines plus tard, l'accusé a approuvé le redéploiement de cette unité au
22 Kosovo à nouveau, où nous les retrouvons lorsque des crimes de guerre ont
23 été commis contre la population albanaise du Kosovo.
24 J'aimerais maintenant que nous parlions de la municipalité de Djakovica. Il
25 faut savoir que la vile de Djakovica est le chef-lieu de la municipalité de
26 Djakovica, il y a un site qui est le site SIS au 157 de la rue Milos Gilic.
27 Pendant la nuit du 1 au 2 avril 1999, les forces de la RFY et de la Serbie
28 ont lancé une opération contre le quartier de Qerim dans la ville de
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1 Djakovica. Pendant une période de plusieurs heures, ils sont entrés par la
2 force dans des foyers d'Albanais du Kosovo. Ils ont attaqué les personnes
3 qui se trouvaient dans ces maisons et ont ensuite incendié les maisons.
4 Pendant cette même nuit, des policiers serbes ont attaqué une maison sise
5 au 157 de la rue Milos Gilic. Un groupe de 20 civils, dont 19 étaient des
6 femmes et des enfants, ont entendu les forces serbes s'approcher et ont
7 essayé de se réfugier dans le sous-sol de cette maison. Les policiers les
8 ont forcés à sortir du sous-sol et à sortir de la maison. Ils ont tiré sur
9 les civils et ils ont incendié la maison.
10 Vous entendrez, Messieurs les Juges, le récit absolument épouvantable
11 du seul survivant, qui n'avait que 10 ans à l'époque, et qui a assisté à
12 ces meurtres et assassinats. Il a réussi à s'échapper en faisant le mort,
13 puis est sorti par une fenêtre après le départ des policiers.
14 J'aimerais maintenant vous parler du massacre d'Izbica qui se trouve dans
15 la municipalité de Srbica. Izbica est une ville qui se trouve au centre du
16 Kosovo. C'est une ville qui fait partie de la municipalité de Srbica. Dans
17 cette ville, le 28 mars, les forces de la RFY et de la Serbie ont commencé
18 à tirer avec des armes lourdes contre plusieurs villages qui se trouvaient
19 dans un secteur près du village d'Izbica. Quatre mille cinq cents [comme
20 interprété] personnes environ ont fui ces attaques et se sont rassemblées
21 dans un champ près d'Izbica.
22 Le 28 [comme interprété] mars, les forces de la RFY et de la Serbie ont
23 entouré et encerclé ces civils albanais du Kosovo qui avaient été déplacés.
24 Les femmes et les enfants ont reçu l'ordre de partir et de se diriger vers
25 l'Albanie. Deux femmes âgées handicapées étaient assises dans une remorque.
26 Elles ne pouvaient pas marcher. Les forces serbes ont mis le feu à la
27 remorque et ont brûlé vives ces femmes.
28 Une fois de plus, les hommes ont été séparés des femmes et des
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1 enfants, donc deux groupes ont été formés. Un groupe a été conduit vers les
2 bois et vers un ruisseau où ils ont dû s'agenouiller, à ce moment-là, les
3 forces serbes ont commencé à tirer. Le deuxième groupe a dû emprunter une
4 autre direction, ils ont été alignés avant qu'on ne leur tire dessus
5 également. Miraculeusement, il y a eu des survivants de ces deux exécutions
6 de masse, et vous entendrez le témoignage d'au moins l'un de ces
7 survivants. Plus de 116 hommes ont été tués ce jour-là à Izbica.
8 Un docteur du cru, Liri Loshi, a filmé les corps aux fins d'identification,
9 et vous verrez que cela fera partie de nos moyens à charge. Vous verrez les
10 villageois qui se rassemblent autour de leurs morts et qui les inhument.
11 Mais ils ne sont pas restés très longtemps. La vidéo du Dr Loshi a été
12 diffusée dans le monde entier, il semblerait que la réaction des médias
13 serbes a été que la vidéo était un faux, et de ce fait ils ont nié
14 l'existence de ce massacre.
15 Quoi qu'il en soit, entre la mi-mai et le 3 juin 1999, les victimes
16 d'Izbica ont été inhumées de l'endroit qui avait été l'endroit de leur
17 enterrement. Messieurs les Juges, vous voyez la photo qui se trouve à la
18 gauche, il s'agit du 9 mars, il s'agit d'un secteur, d'un secteur
19 rectangulaire. Vous voyez qu'il n'y a pas de tombes. La photographie qui se
20 trouve à la droite, qui date du 15 avril 1999, montre que des tombes
21 avaient été creusées. Il y a des lignes de tombes.
22 C'est un peu plus clair si vous voyez le cliché suivant. Vous voyez
23 donc qu'il y avait effectivement des tombes. Vous voyez sur la gauche le 7
24 mai, puis sur la droite c'est un peu plus précis et il s'agit d'un
25 agrandissement de la première photo que je vous ai montrée.
26 Et si nous pouvons maintenant voir la troisième photographie
27 aérienne, vous voyez une fois de plus sur la gauche les rangées de tombes
28 que l'on voit le 15 mai 1995, et puis la même photo a été prise le 3 juin
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1 1999. Et là vous voyez qu'il n'y a plus de rangées de tombes.
2 Manifestement, cela a été fait à la suite de la diffusion internationale de
3 la vidéo du Dr Loshi, c'est ce que nous avançons.
4 Le 27 juin 1999, au moment où une équipe internationale est arrivée
5 au Kosovo, une équipe de médecins légistes français a examiné le site à
6 Izbica. Ils n'ont pas trouvé de corps, mais ils ont trouvé des preuves
7 indiquant que des dépouilles humaines avaient bel et bien été inhumées à
8 cet endroit-là. Un peu plus tard, l'enquête a montré que le 1er et le 2 juin
9 1999, les forces de la RFY et de la Serbie sont revenues dans le secteur
10 d'Izbica et ont enlevé ces corps, les ont enlevés des tombes. Les autorités
11 serbes ont fini par admettre en 2001 et en 2002, lorsque les moyens de
12 preuve se sont affinés, et qu'il s'agissait d'un gouvernement différent
13 d'ailleurs en Serbie, ces autorités, disais-je, ont fini par admettre
14 qu'elles avaient effectivement enlevé les corps. Et il a été indiqué que
15 les efforts, à la suite de la diffusion internationale de cette vidéo, ont
16 été à nouveau une simulation en fait.
17 Car en 2001, une vingtaine des victimes du massacre d'Izbica ont été
18 identifiées, et ce, à partir de restes humains qui ont été découverts dans
19 une autre fausse commune clandestine, située sur un autre polygone
20 d'entraînement de la police à Petrovo Selo, Petrovo Selo se trouvant en
21 Serbie orientale, près de la frontière avec la Roumanie.
22 Donc une fois de plus, vous voyez qu'il y a des éléments de preuve
23 qui prouvent que l'on a essayé de dissimuler le crime puisque les restes
24 n'ont pas été trouvés alors qu'ils ont fini par être trouvés en 2001 sur un
25 site absolument clandestin, une fausse commune, qui se trouve à des
26 centaines de kilomètres de l'endroit où le massacre a été commis.
27 Donc une fois de plus, nous allons présenter des moyens de preuve
28 permettant de prouver que l'on a essayé de dissimuler ce crime, ce qui
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1 prouve que certains représentants des autorités serbes avaient connaissance
2 de ce qui s'était passé, se sentaient coupables vis-à-vis des assassinats
3 de ces civils. C'est exactement la même situation qu'à Suva Reka. Nous
4 avons une fois de plus les autorités serbes qui essaient en quelque sorte -
5 - qui ouvrent les tombes, qui volent les corps afin de dissimuler les
6 moyens de preuve. Il faut savoir que les personnes ont été inhumées, les
7 personnes, j'entends les victimes de ces massacres, et transportées à plus
8 de 250 kilomètres pour finalement être cachées à Petrovo Selo.
9 J'aimerais maintenant que nous parlions de la ville de Meja, Meja qui
10 est une ville qui se trouve dans la municipalité Djakovica au sud-ouest, ou
11 plutôt, dans la région de l'ouest vers le centre, si je peux m'exprimer de
12 la sorte, toujours au Kosovo.
13 Dans cette municipalité, la municipalité de Djakovica donc, le 27
14 avril, les forces de la RFY et de la Serbie ont amorcé une opération sur
15 une vaste échelle dans la zone des vallées des rivières Erenik et Trava.
16 Vous pouvez voir sur cette carte, maintenant cette carte topographique, les
17 vallées en question. Dans ces vallées se trouvaient de nombreux villages où
18 résidaient des Albanais du Kosovo, et cela jusqu'au nord de la
19 municipalité, ce qui se trouve dans la partie supérieure de la
20 photographie.
21 Vous verrez un point rouge au milieu de la carte qui correspond à la
22 ville de Djakovica. Vous voyez ce qui est indiqué en bleu, la flèche en
23 bleu qui vous indique l'emplacement de la rivière. Vous voyez également le
24 lieu où se situe la ville de Meja, les flèches pointent vers la ville de
25 Meja.
26 Les Albanais du Kosovo ont commencé à fuir vers le sud, ils souhaitaient
27 quitter la vallée, quitter leurs villages; et plusieurs convois ont été
28 formés. Dans les environs de Meja, des forces de la RFY et de la Serbie ont
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1 détenu et séparé des centaines d'hommes albanais du Kosovo. Ils ont séparé
2 donc des convois qui prenaient la fuite. Vous en verrez de nombreux moyens
3 de preuve vous permettant de comprendre que nombreux parmi ces hommes ont
4 été exécutés de la façon la plus sommaire et qu'il y avait eu plusieurs
5 membres supérieurs, plusieurs cadres du MUP qui ont participé à ces
6 exécutions.
7 D'après plusieurs organisations internationales qui ont compilé des données
8 qui seront versées au dossier dans cette affaire, plus de 344 hommes n'ont
9 plus jamais été vus en vie. Quelque deux années plus tard, quelque 300 de
10 ces hommes qui ont été séparés des convois alors qu'ils essayaient de
11 quitter la zone de Meja le 27 et le 28 avril 1999 ont été identifiés grâce
12 à une analyse ADN, analyse ADN qui a été faite sur des restes humains
13 trouvés dans une fosse commune qui se situe à l'intérieur d'une propriété
14 de la police de Batajnica.
15 Et là, je vous montre une carte qui vous permet de comprendre la distance
16 qu'il a fallu parcourir pour transporter ces corps et pour les cacher. Cela
17 signifie qu'il y a eu certaines mesures qui ont été prises, avec moult
18 logistique et coordination, non seulement pour la police du Kosovo
19 d'ailleurs, la police au Kosovo mais également pour la police en Serbie, à
20 proprement parler; et cela est particulièrement symptomatique du fait que
21 quelqu'un qui avait le grade de l'accusé, ou quelqu'un tel que l'accusé
22 avec son grade, sa position, qui exerçait une autorité et un commandement
23 sur toute la police de Serbie et du Kosovo, aurait pu participer à la mise
24 au point et l'exécution de ce plan.
25 Alors j'aimerais maintenant vous parler des charniers qui ont été trouvés
26 en Serbie en 2001. Ils ont été trouvés, ces charniers, après la publication
27 d'un reportage dans la presse écrite. Il avait été indiqué que période la
28 guerre en 1999 l'un des camions qui transportaient les corps du Kosovo en
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1 Serbie avait eu un accident et était tombé dans le Danube. Cet article a
2 été publié au début de l'année 2001 et a justement débouché sur une enquête
3 qui a permis de découvrir les fosses en question, les fosses communes. Et à
4 cette enquête ont participé plusieurs organisations internationales,
5 notamment le Tribunal.
6 Les restes d'environ 800 Albanais du Kosovo ont pu être identifiés grâce à
7 l'analyse ADN faite sur la fosse commune découverte en Serbie en 2001.
8 Environ la moitié de ces victimes ne figurent pas parmi les listes de
9 victimes que vous trouvez dans les annexes à l'acte d'accusation, mais il
10 s'agit d'Albanais du Kosovo qui ont soit été tués, soit portés disparus au
11 Kosovo, et ce, pendant une période qui correspond à la période de l'acte
12 d'accusation.
13 Des moyens de preuve présentés par plusieurs témoins vont prouver que cet
14 accusé a joué un rôle essentiel pour ce qui était d'orchestrer et
15 d'organiser la dissimulation des corps de ces victimes albanaises du Kosovo
16 en Serbie. Parmi ces victimes, nous aurons un officier de police supérieur
17 qui témoignera que l'accusé lui a personnellement donné l'ordre d'organiser
18 le transport de ces corps d'Albanais du Kosovo qui avaient été placés dans
19 un camion réfrigéré qui a été trouvé abandonné sur les bords du Danube.
20 Comme je l'ai déjà indiqué, le chauffeur a apparemment eu un accident et
21 son véhicule a quitté la route. Puis, les corps ont été conduits au centre
22 de formation de la SAJ à Batajnica.
23 Un autre témoin, un officier de la SAJ, qui travaillait justement dans ce
24 centre de formation, viendra témoigner et nous expliquera comment l'accusé
25 lui a donné l'ordre de réceptionner les camions remplis de corps, et il lui
26 a donné également l'ordre d'enterrer ces corps qui avaient été transportés
27 sur ce site, et cela a duré pendant une période d'une vingtaine de jours, à
28 compter du début du mois d'avril 1999; cela s'est fait six fois sur les
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1 ordres de l'accusé, et cette personne a dû réceptionner ces camions remplis
2 de cadavres qui ont été enterrés à Batajnica.
3 D'autres officiers de police viendront témoigner et nous expliqueront les
4 propos tenus par l'accusé et nous diront également ce qu'il n'a pas dit
5 lorsque l'information lui a été présentée à propos de son rôle, à propos du
6 rôle qu'il a joué à ce moment-là et à propos de sa fuite et de sa
7 disparition lorsqu'il a été informé qu'il allait devoir répondre à des
8 questions en 2001.
9 Et vous entendrez également cet officier qui témoignera comment au début du
10 conflit il s'est rendu compte qu'il y avait une réunion à Belgrade, réunion
11 à laquelle ont participé MM. Milosevic, le ministre du MUP Stojiljkovic, le
12 chef du département de la sécurité d'Etat Markovic, ainsi que cet accusé,
13 où il a été question de "champ de bataille" et de ce qu'on appelait
14 "nettoyage du terrain."
15 Je m'excuse parce qu'il me semble que je me suis peut-être perdu dans
16 mon texte.
17 Le ministre Stojiljkovic a donné l'ordre à l'accusé de prendre des
18 dispositions pour que le champ de bataille soit absolument nettoyé, évacué
19 de ces corps, et les enquêtes de cet officier ont permis de révéler que
20 lors de la réunion d'un collège du ministère de l'Intérieur, cet accusé a
21 donné l'ordre à un dénommé Dragan Ilic, qui avait également été nommé comme
22 appartenant à l'entreprise criminelle commune, d'aider pour évacuer et
23 éliminer les corps des victimes qui avaient été tuées au Kosovo.
24 Donc vous entendrez de la part de ces témoins que les personnes qui ont
25 participé à cette élimination des corps faisaient référence au nettoyage du
26 champ de bataille, et dans un contexte de guerre il s'agit d'une activité
27 tout à fait légitime. Il s'agit justement de nettoyer le champ de bataille
28 de tout engin explosif n'ayant pas explosé, d'enlever les animaux morts, et
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1 cetera. Mais lorsque cette expression est utilisée à propos de déplacement
2 de cadavres, il ne s'agit pas de victimes de la guerre, mais il s'agit tout
3 simplement de dissimuler le fait qu'il y avait eu meurtres en masse.
4 Et pourtant, j'avance que les architectes en quelque sorte de ce plan
5 ont échoué lamentablement. Car les témoins oculaires de ces meurtres et
6 assassinats témoigneront comment ces personnes ont été exécutées
7 collectivement. De surcroît, vous entendrez le témoignage du Dr Jose
8 Barybar, un anthropologue, anthropologue scientifique qui expliquera que la
9 grande majorité des victimes dont les restes ont été récupérés dans ces
10 fosses communes dans un état qui était tel qu'ils ont pu être examinés
11 avaient été tuées par des tirs qui avaient été infligés dans des
12 circonstances qui n'étaient absolument pas des circonstances de combat.
13 Les moyens de preuve relatifs aux fosses communes en Serbie
14 prouveront également que les meurtres ont été commis à la suite d'une
15 campagne systématique, une campagne menée sur une grande échelle. Le bureau
16 des personnes portées disparues, l'OMPF des Nations Unies, ainsi que la
17 MINUK au Kosovo, ont compilé des données relatives aux personnes portées
18 disparues au Kosovo pendant la période de l'acte d'accusation. Cela sera
19 présenté comme élément de preuve. Les rapports incluent notamment les lieux
20 et la municipalité de la disparition de chaque personne ainsi que la date
21 de la disparition de chaque personne.
22 La répartition des localités des décès, ainsi que la disparition de chaque
23 personne, ont été identifiées à partir des restes trouvés dans les fosses
24 communes en Serbie. Et je vais vous le montrer sur la carte qui apparaît
25 maintenant à l'écran. Vous avez les cercles verts qui indiquent l'endroit
26 où il y a eu une plus forte concentration de personnes portées disparues.
27 Vous voyez le bas gauche de la carte.
28 Et je devrais également vous dire qu'au milieu de la carte se trouve Suva
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1 Reka. C'est un oubli de ma part. Vous n'avez pas de grand cercle vert qui
2 correspond à Suva Reka, mais vous vous souviendrez en fait qu'à Suva Reka
3 il y a eu une trentaine de corps à la suite du massacre de Suva Reka qui
4 ont été retrouvés dans cet endroit.
5 Donc vous voyez les endroits d'où viennent ces personnes. Elles viennent de
6 l'ensemble du Kosovo. Elles ne viennent pas d'un seul lieu, elles viennent
7 de l'ensemble du Kosovo. Et nous indiquons également que vous entendrez des
8 moyens de preuve qui vous permettront de comprendre comment ces massacres
9 se sont échelonnés dans le temps. Suva Reka s'est produit le 20 mars, Meja
10 a eu lieu à la fin du mois d'avril; c'était le massacre de Meja. Alors vous
11 serez en droit de vous poser une question, de vous demander comment tout
12 cela aurait pu être obtenu, aurait pu être coordonné si cela ne faisait pas
13 partie d'une campagne organisée et systématique.
14 Ce que nous avançons, Messieurs les Juges, c'est que l'élimination et
15 l'évacuation des restes d'un si grand nombre de victimes tuées à des
16 endroits aussi différents les uns des autres, ainsi qu'à des périodes
17 différentes, qui correspondent à la période de l'acte d'accusation,
18 démontrent que l'accusé a participé à la planification et à l'organisation
19 de tout cela, non seulement il a participé à l'effort mené à bien pour
20 cacher les corps, mais il est évident que ce fait corrobore la conclusion
21 que cet accusé a été une des personnes qui a véritablement participé à la
22 coordination et au lancement de cette campagne systématique lancée sur une
23 grande échelle, campagne de violence et de meurtres et d'assassinats. Vous
24 pourrez en conclure qu'en tant que chef de la police pour toute la Serbie,
25 son rôle a été absolument indispensable pour que ces crimes aient lieu et,
26 que sans lui, sans sa participation, il aurait été extrêmement difficile de
27 pouvoir orchestrer ce plan auquel ont participé de nombreux officiers de
28 police venus de différents secteurs du Kosovo et de Serbie.
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1 L'Accusation vous permettra de comprendre comment cela a été possible.
2 Et avant de parler des sites d'expulsions, j'aimerais attirer votre
3 attention sur le nombre des victimes.
4 Car nous nous sommes livrés à des calculs mathématiques assez
5 rudimentaires. Le nombre de victimes dont les noms ont été trouvés, donc de
6 victimes identifiées, s'élève à 838 personnes. Il s'agit essentiellement
7 d'hommes. Mais il faut savoir qu'en dépit de ce fait, sur ce chiffre de 838
8 personnes, 53 étaient des enfants de moins de 16 ans, 41 étaient des
9 femmes, et 92 étaient des hommes âgés ayant plus de 65 ans. Donc ce que
10 nous avançons, c'est qu'il ne s'agissait pas de personnes contre lesquelles
11 on pouvait lancer une campagne légitime telle que le genre de campagne que
12 l'on lance contre des terroristes armés.
13 Pour ce qui est des expulsions, je parlerai de quatre de ces sites.
14 En fait, les meurtres et assassinats de civils sont une composante
15 importante des expulsions.
16 Mais j'aimerais vous présenter dans un premier temps une carte, qui
17 est maintenant affichée et qui vous montre les différents lieux d'où les
18 personnes ont été expulsées. Bien entendu, j'aimerais, ceci étant dit,
19 indiquer que les gens ont été déportés d'un peu partout, mais vous avez là
20 les lieux essentiels.
21 Vous verrez qu'il s'agissait d'une attaque systématique de la part des
22 forces de la RSFY et de la Serbie, ce qui prouve qu'il y a eu une attaque
23 systématique sur une grande échelle qui visait la population albanaise du
24 Kosovo, les civils, et qu'il s'agissait en fait d'une campagne, une attaque
25 particulièrement bien orchestrée et coordonnée.
26 En règle générale, on peut voir que dans la moitié est du Kosovo, les
27 forces de la RSFY et de la Serbie ont expulsé et chassé les Albanais du
28 Kosovo et les ont contraints à se déplacer vers le sud, donc vers la
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1 Macédoine. Dans la partie occidentale de la province, les réfugiés ou la
2 population ont été contraints de se déplacer vers l'Albanie. Et vous
3 verrez, sur la carte qui est maintenant affichée sur vos écrans, qu'il y a
4 eu des passages transfrontaliers, des personnes ont franchi la frontière
5 alors. Vous voyez donc les postes frontaliers, le poste frontalier du
6 Djeneral Jankovic. Il y a Cafa Prusit également. C'étaient les principaux
7 postes frontaliers, et je suis sûr que ce sont des termes que vous
8 connaissez déjà. Ils étaient au nombre de cinq postes frontaliers.
9 Comme je l'ai déjà indiqué, ces postes frontaliers étaient placés sous le
10 contrôle de la police du département de la sûreté publique dirigé par
11 l'accusé donc. Les moyens de preuve vous montreront que la police a fait
12 subir des sévices aux réfugiés albanais du Kosovo et leur a confisqué leurs
13 documents d'identité.
14 J'aimerais maintenant vous parler de la ville de Pec. Dans la ville de Pec,
15 qui se trouve dans la municipalité de Pec, les forces de la RSFY et de la
16 Serbie sont allées de maison en maison en forçant les Albanais du Kosovo à
17 quitter leurs foyers. Au cours de cette opération, des personnes ont été
18 tuées et de nombreuses maisons ont été incendiées. Les soldats serbes ainsi
19 que la police ont dirigé les civils vers le centre de la ville où ceux qui
20 n'avaient pas leurs propres véhicules ont dû monter à bord de camions et
21 d'autobus. On les a ensuite conduit vers Prizren et vers la frontière avec
22 l'Albanie. Puis, les Albanais du Kosovo ont dû descendre des bus et des
23 camions et parcourir à pied les 15 derniers kilomètres qui les reliaient à
24 l'Albanie. A la frontière, juste avant donc de quitter le Kosovo, ils ont
25 dû remettre leurs documents d'identité aux forces de la RSFY et de la
26 Serbie.
27 J'aimerais maintenant que nous examinions la municipalité de Prizren ainsi
28 que les routes à partir de Prizren, une route retenue pour ces expulsions.
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1 Car il y a de nombreuses personnes de Meja et de Korenica qui sont passées
2 par Prizren avant de se rendre en Albanie.
3 Dès le 25 mars, les forces de la RSFY et de la Serbie ont commencé à
4 attaquer les villages de cette municipalité. Dans un premier temps, il
5 s'agit du village de Pirane et de plusieurs autres villages, et les
6 Albanais du Kosovo ont dû quitter leurs foyers et se diriger vers la
7 frontière albanaise.
8 Dans la ville de Prizren, à proprement parler, cela a commencé le 28 mars
9 1999 [comme interprété] les forces de la RFY et de la Serbie sont une fois
10 de plus allées de maison en maison en donnant l'ordre aux Albanais du
11 Kosovo de partir. Ils ont formé des convois en utilisant tous les véhicules
12 dont ils disposaient. Nombreuses ont été les personnes qui ont dû parcourir
13 à pied les 15 derniers kilomètres jusqu'à la frontière. Le long de cette
14 route, certains hommes albanais ont été battus, roués de coups, voire tués
15 par les forces de la RFY et de la Serbie.
16 On retrouve exactement la même situation à Pristina. Vous avez la
17 carte qui vous montre les sites d'expulsion à partir de Pristina. De
18 nombreuses personnes ont été placées dans des trains tel que nous l'avons
19 vu dans le film. Je dirais qu'à Pristina la situation a exactement été la
20 même. Je n'ai pas besoin de réitérer ce que j'ai déjà dit. Avec le passage
21 de la frontière, vous voyez donc qu'il y a des personnes en fait qui ont
22 rallié les convois de Pristina qui venaient des secteurs avoisinants
23 Pristina et, comme d'habitude, de nombreuses personnes ont été attaquées,
24 rouées de coups, volées, tuées, leurs documents d'identité ont été
25 confisqués.
26 Puis j'aimerais maintenant parler d'Urosevac. Urosevac qui est le
27 chef-lieu de la municipalité d'Urosevac. Voyez cela sur votre écran. Une
28 fois de plus, il s'agit des personnes qui venaient des villages avoisinants
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1 d'Urosevac, des villageois qui ont dû, sous la force, quitter leurs foyers,
2 vous voyez les routes empruntées par les convois. Ils ont dû ensuite se
3 déplacer vers Urosevac, puis à partir d'Urosevac vers la frontière avec la
4 Macédoine. Ils ont dû franchir la frontière au poste frontalier Djeneral
5 Jankovic.
6 Alors je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'entrer dans tous les détails.
7 Les moyens de preuve à charge vous permettront de comprendre de façon très
8 claire comment ces personnes ont dû quitter sous la contrainte leurs foyers
9 et ont été, quasiment comme du bétail, acheminés vers ces corridors afin de
10 quitter leur pays. Comme je l'ai indiqué très souvent, lorsque les villes
11 et les villages étaient assiégés et encerclés, il y avait juste un couloir
12 en quelque sorte qui était laissé pour que ces personnes puissent fuir, et
13 dans bien des cas, les gens ont dû quitter leurs villages ou le pays à bord
14 de trains.
15 L'acte d'accusation impute également à l'accusé des persécutions s'étendant
16 à la destruction de sites culturels et d'édifices religieux. Il s'agit là
17 de destructions de très grande envergure visant les structures, les sites
18 culturels et religieux, les édifices religieux des Albanais du Kosovo. Il
19 s'agit là d'éléments de preuve dont nous affirmons, Messieurs les Juges,
20 qu'ils reflètent une forme de persécution pour des motifs raciaux,
21 politiques et religieux. Les éléments de preuve démontreront également que
22 bien souvent, dans le cadre des expulsions et des meurtres, les agresseurs
23 ont également détruit les mosquées et autres sites culturels des Albanais
24 du Kosovo, souhaitant ainsi que ces personnes ne rentrent jamais chez eux.
25 Vous voyez à l'écran un certain nombre de photos de ces structures qui ont
26 été détruites. Un certain nombre de témoins nous raconteront comment ces
27 sites culturels ont été endommagés ou détruits, y compris un expert en la
28 matière, Andreas Riedlmayer.
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1 Tous ces témoins nous diront que non seulement ces crimes ont été commis
2 avec l'intention de discriminer à l'encontre de ces personnes pour des
3 raisons religieuses et raciales, mais qu'en fait, l'on souhaitait également
4 que les personnes expulsées ne rentrent jamais chez eux. Les éléments de
5 preuve présentés par des témoins oculaires et des experts démontreront
6 également que ces dégâts n'ont pas été causés par les bombardements de
7 l'OTAN comme certains le suggéreront, mais ont été le fait d'attaques
8 venant du sol, les attaques des forces de la RFY et de la Serbie.
9 Les éléments de preuve que nous allons vous présenter vous amèneront à
10 conclure de manière irréfutable que ces sites religieux et culturels ont
11 été spécifiquement pris pour cibles par les forces de la RFY et de la
12 Serbie qui menaient cette campagne de persécution tel que définie par la
13 jurisprudence de ce Tribunal.
14 J'aimerais maintenant passer à la question complémentaire de la
15 responsabilité de l'accusé au terme de l'article 7, alinéa 3 du Statut de
16 ce Tribunal. Nous présenterons des éléments de preuve qui démontreront
17 qu'aucun des crimes dont il est fait état dans l'acte d'accusation n'a fait
18 l'objet d'enquête à proprement parler pendant la période où l'accusé était
19 chef de police, et les auteurs des crimes n'ont jamais été punis.
20 Cette impunité générale en matière de violations graves du droit
21 humanitaire à l'encontre d'Albanais de souche du Kosovo ne sont pas
22 imputables au fait que les tribunaux n'étaient plus opérationnels pendant
23 le conflit. Bien au contraire, les tribunaux civils continuaient à
24 fonctionner normalement.
25 Néanmoins, l'impunité dont les crimes dont nous parlons ont
26 bénéficié, des crimes graves commis à l'encontre des Albanais du Kosovo par
27 la police serbe. Les meurtres dont il est fait état dans l'acte
28 d'accusation représentaient des massacres de grande envergure et étaient
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1 forcément de notoriété publique lorsqu'ils ont été commis; et néanmoins, à
2 aucun moment des sanctions adéquates n'ont été prises afin de punir les
3 auteurs.
4 Nous nous attendons à démontrer pendant ce procès que les
5 persécutions, expulsions, meurtres, mauvais traitements, viols et
6 destructions de biens commis à grande échelle à l'encontre des Albanais du
7 Kosovo ne causaient aucun souci à la police. Aucun effort réel n'a été
8 entrepris pour enquêter sur ces questions ou sanctionner les auteurs de ces
9 crimes au sein du MUP. Il y eu de temps en temps une enquête tout à fait
10 exceptionnelle, en général lorsqu'il s'agissait d'un incident qui avait
11 attiré l'attention internationale, mais ces enquêtes sont restées
12 superficielles et les auteurs des crimes n'ont jamais été identifiés,
13 retrouvés, inculpés ou sanctionnés, du moins pendant la période où l'accusé
14 était en fonction jusqu'en 2001. Nous présenterons des éléments de preuve
15 concernant ces enquêtes au sujet des massacres d'Izbica et Podujevo qui
16 montreront que tous les efforts entrepris ne l'étaient que pour les
17 apparences.
18 L'impunité accordée aux crimes dont il est question dans l'acte
19 d'accusation allait de pair avec les tentatives visant à dissimuler ces
20 crimes. Aux différents sites qui ont été décrits, les auteurs ont tenté de
21 disposer des cadavres, des restes humains, des cadavres des victimes tuées
22 en dynamitant les maisons dans lesquelles les massacres avaient eu lieu ou
23 en dissimulant les corps, par exemple, sur des sites que nous avons déjà
24 décrits, tels Kacanik et Mala Krusa.
25 Enfin, les éléments de preuve démontreront que bien souvent les
26 crimes commis à l'encontre des Albanais du Kosovo, non seulement ont été
27 tolérés, mais encore, leurs auteurs ont reçu l'ordre de les commettre de
28 leurs supérieurs hiérarchiques. Vous entendrez le témoignage de vive voix
Page 222
1 de témoins et de policiers à ce sujet.
2 Avec tout le respect que je vous dois, Messieurs les Juges, nos
3 éléments de preuve établiront la responsabilité de l'accusé, conformément à
4 l'article 7, alinéa 3 du Statut. Nous affirmons que l'accusé avait le
5 contrôle effectif sur les policiers et avait les moyens, les ressources
6 matérielles, qui lui auraient permis d'empêcher les crimes et de les punir.
7 Il avait les moyens de discipliner les policiers qu'il avait déployés au
8 Kosovo et de les traduire en justice afin de veiller à ce qu'ils soient
9 punis pour les crimes commis étant donné qu'il était chef de la police. En
10 vertu de cette fonction, en vertu de ses attributions de droit et de fait,
11 il avait le pouvoir de prendre des mesures qui auraient pu empêcher la
12 commission de ces crimes ou du moins en punir les auteurs.
13 Nous vous montrerons des documents qui attestent du fait que l'accusé
14 exerçait son autorité sur les forces au Kosovo étant donné qu'il était le
15 chef de la police. Je vous ai déjà donné un exemple d'un tel ordre émanant
16 de l'accusé concernant ses forces au Kosovo, il s'agit ici d'un ordre en
17 date du 21 mars par lequel il déploie des unités au Kosovo.
18 Ordre adressé à tous les chefs des SUP, y compris ceux qui étaient en
19 activités au Kosovo, un ordre signé par l'accusé le 21 mars - nous
20 demanderons le versement au dossier d'un certain nombre de ces ordres - par
21 lequel il déployait ses unités au Kosovo et leur prescrivait un certain
22 nombre d'activités en termes contraignants. Il avait dès lors le contrôle
23 effectif sur ces unités.
24 Les éléments de preuve que nous présenterons, Messieurs les Juges,
25 démontreront également que l'accusait savait ou aurait dû savoir que de
26 graves violations du droit humanitaire international avaient été commises
27 par les forces du MUP ou les forces qui leur étaient subordonnées ou
28 intégrées au Kosovo. Il disposait d'informations explicites concernant le
Page 223
1 massacre de Podujevo, par exemple, y compris un rapport qui lui avait été
2 transmis, mais sa réaction fut inadéquate pour la forme seulement. Il
3 savait également que certains éléments au sein du MUP étaient enclins à
4 commettre des crimes. Mais nonobstant ses pouvoirs hiérarchiques et les
5 ressources dont il disposait pour prendre les mesures nécessaires, il s'est
6 abstenu d'empêcher ces crimes ou de les sanctionner, raisons pour
7 lesquelles nous soutenons qu'il est responsable au terme de l'article 7,
8 alinéa 3.
9 Quelques remarques générales avant de clore, Messieurs les Juges. La
10 présentation des moyens à charge sera complexe. Son champ sera très étendu
11 conformément à la nature même des chefs d'accusation; mais néanmoins, cette
12 présentation des moyens à charge sera détaillée comme il se doit, il est
13 nécessaire d'explorer de manière approfondie les caractéristiques
14 spécifiques des éléments de preuve.
15 Etant donné que l'accusé a participé à une entreprise criminelle commune,
16 ce que nous faisons valoir, il sera nécessaire de présenter bon nombre
17 d'éléments de preuve déjà présentés dans le cadre du procès de ses co-
18 accusés, afin de vous présenter un aperçu global. Nous avons formulé une
19 requête visant à ce que certains éléments de preuve déjà admis lors de
20 procès antérieurs soient admis dans le cadre de ce procès conformément à
21 l'article 92 bis. Cela dit, nous allons également demander à certains
22 témoins de venir témoigner devant vous, pour certains d'entre eux, ce sera
23 la troisième fois qu'ils viennent témoigner devant ce Tribunal; et nous
24 demandons à la Chambre de faire preuve de compréhension à leur égard, car
25 c'est quelque chose de très stressant pour eux que de faire le voyage pour
26 venir ici raconter ces expériences traumatisantes. Donc nous sommes très
27 reconnaissants envers ces témoins du sacrifice qu'ils sont prêts à
28 consentir dans l'intérêt de la justice.
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1 L'Accusation demandera également le versement d'un grand nombre de
2 documents qui seront très explicites. Je n'en dirai pas plus à ce sujet
3 pour l'heure.
4 Nous allons également citer un certain nombre de témoins qui faisaient
5 partie d'un cercle restreint qui était en "interne," pour ainsi dire,
6 c'est-à-dire d'anciens policiers ou soldats membres des forces de la RFY et
7 de la Serbie qui témoigneront au sujet des crimes commis et aussi
8 concernant la structure du MUP et le rôle de l'accusé. Certains sont prêts
9 à coopérer et souhaitent soulager leur conscience et nous montrer que ce
10 n'est pas la nation serbe toute entière qui est à l'origine de ces crimes,
11 mais bien certains individus responsables de ces crimes flagrants contre
12 l'humanité, des personnes qui étaient les hauts responsables qui ont incité
13 à commettre ces crimes et les ont orchestrés.
14 D'autres témoins ne font pas preuve de la même coopération, et nous
15 solliciterons ainsi l'aide de la Chambre afin de veiller à ce qu'ils
16 comparaissent.
17 Je vous ai déjà présenté un certain nombre d'avocats, Mme Kravetz à ma
18 droite. Mme Gopalan et M. Neuner qui joueront un rôle actif, donc vous
19 serez sans doute heureux de savoir que je ne serai pas le seul à m'exprimer
20 devant vous, vous serez sans doute soulagés.
21 D'autres avocats font partie de notre équipe et participeront sans doute à
22 la présentation devant cette Chambre, Mme Silvia D'Ascoli, Mme Tove Nilson
23 et M. Eliott Behar. Je tiens d'ores et déjà à les remercier tous et toutes
24 de tout le travail qu'ils ont effectué dans le cadre de la préparation de
25 cette affaire. Ultérieurement, je tiens également à remercier mon collègue,
26 Tom Hannis, qui a joué un rôle-clé dans la préparation de cette affaire et
27 de cette déclaration liminaire.
28 Messieurs les Juges, c'est pour nous un grand honneur de nous exprimer
Page 225
1 devant cette Chambre et nous ferons de notre mieux pour présenter les
2 moyens à charge en respectant les traditions d'équité et de
3 professionnalisme.
4 Pour finir, pourquoi ces crimes ont-ils été commis ? La réponse la plus
5 brève et la plus simple consiste à dire que ceux qui ont participé à
6 l'entreprise criminelle commune étaient excédés par le problème du Kosovo
7 et résolus à ne pas céder le Kosovo en dépit de la volonté de la majorité
8 des Albanais au Kosovo.
9 Cela faisait des années qu'ils avaient tout tenté, mais sans succès. Les
10 Serbes étaient dépassés sur le plan démographique au Kosovo, et les choses
11 ne pouvaient qu'empirer. Les efforts visant à régler le problème par le
12 biais de la législation et des mesures discriminatoires n'avaient pas
13 abouti. L'emploi de la force par la police et ensuite l'armée n'avait pas
14 non plus été couronné de succès, n'avait fait qu'aggraver la situation. Car
15 de plus en plus, les Albanais du Kosovo renonçaient à la possibilité d'une
16 résistance civile non violente et se tournaient vers l'UCK et un programme
17 de résistance violente.
18 Lorsque le conflit a commencé en mars 1999, la décision avait été prise et
19 les forces avaient été mobilisées visant à modifier une fois pour toute la
20 composition ethnique et l'équilibre ethnique au Kosovo.
21 Ainsi, les victimes des crimes cités dans l'acte d'accusation n'ont pas
22 constitué des dégâts accessoires dans le cadre d'un conflit entre l'UCK et
23 la RFY, et n'ont pas été des victimes des bombardements de l'OTAN. Il ne
24 s'est pas agi d'une série de coïncidences ni d'ailleurs de la conséquence
25 inévitable et malheureuse d'une campagne antiterroriste légitime menée par
26 les forces de la RFY et de la Serbie.
27 Bien au contraire, il s'agissait de quelque chose de planifié dont
28 les ordres étaient donnés par les plus hauts responsables, une entreprise
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1 coordonnée par l'accusé et les autres membres de l'entreprise criminelle
2 commune, utilisant les forces sous leurs ordres pour réaliser les objectifs
3 de l'entreprise criminelle commune.
4 Tous les éléments de preuve pris ensemble ne peuvent qu'aboutir à une seule
5 conclusion irréfutable, que ces crimes s'inscrivaient dans le cadre d'un
6 plan plus large, un plan commun.
7 Je vous demanderais, Messieurs les Juges, de garder à l'esprit un certain
8 nombre d'éléments-clés, notamment la nature même du conflit armé qui a
9 commencé le 24 mars, en d'autres termes, la nature coordonnée, généralisée
10 et systématique des attaques ou des offensives lancées sur tout le
11 territoire du Kosovo, et la ligne de conduite délibérée, le schéma qui
12 s'est reproduit presque partout, dans toutes les municipalités du Kosovo;
13 de garder à l'esprit le nombre d'enfants, de femmes et de personnes âgées
14 qui, manifestement, n'étaient pas des combattants de l'UCK ou des
15 terroristes; les efforts visant à dissimuler les crimes, notamment les
16 efforts faits pour transporter les cadavres, les emmener à des centaines de
17 kilomètres et les enterrer dans des charniers hors Serbie; les attaques
18 comportaient également des injures verbales pour des motifs ethniques, la
19 saisie et la destruction de papiers et de plaques d'immatriculation.
20 Pour conclure, l'Accusation fait valoir que tous les éléments de preuve
21 présentés ne laisseront aucun doute dans l'esprit des Juges de la Chambre
22 concernant la culpabilité de l'accusé et chaque chef d'accusation dans
23 l'acte d'accusation. Je me réjouis de vous présenter nos éléments à charge,
24 et je vous remercie de votre gentillesse et de m'avoir autorisé à
25 m'exprimer devant vous aujourd'hui.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Stamp.
27 Maître Djordjevic, comme nous l'avons prévu hier, ceci constitue une
28 opportunité aux termes de laquelle le Règlement de procédure et de preuve
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1 fournit la possibilité au conseil de la Défense d'exposer leur discours
2 liminaire. Est-ce que vous souhaitez le faire maintenant ou est-ce que vous
3 préféreriez attendre jusqu'au début de la présentation des éléments à
4 décharge ?
5 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Nous allons le faire lors de la
6 présentation des éléments à décharge. Nous n'allons pas le faire
7 maintenant, mais nous allons demander aux Juges de la Chambre de fournir
8 l'opportunité à notre client de présenter une déclaration en application du
9 84 bis, au cas où vous trouveriez l'opportunité propice.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie de votre
11 intervention, Maître Djordjevic, et des éclaircissements apportés. Il nous
12 reste à peu près 20 minutes pour ce qui est de la durée des bandes vidéo.
13 Est-ce que la déclaration de votre client pourra s'effectuer dans ce laps
14 de temps ?
15 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je suis convaincu que ce laps de temps
16 sera suffisant.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors si cela est le cas, compte tenu
18 du fait que les propos liminaires de la Défense seront reportés à la
19 présentation des éléments à décharge, les Juges de la Chambre se proposent
20 d'autoriser l'accusé à s'adresser à celle-ci pour ce qui est des éléments
21 qui se trouveraient être pertinents vis-à-vis de cette procédure au pénal.
22 Il convient de garder à l'esprit le fait que nous sommes intéressés par le
23 fond de ce procès et les éléments de preuve à être présentés, et non pas
24 les questions qui se rapporteraient à un contexte politique plus ample en
25 Serbie et ailleurs. Aussi vous demanderions-nous de garder cela à l'esprit
26 lorsque vous ferez votre déclaration.
27 Monsieur Djordjevic, ce moment vous convient-il pour présenter ce que
28 vous avez à dire à la Chambre ? Si vous le souhaitez, vous pouvez rester
Page 228
1 assis.
2 [Déclaration de l'Accusé]
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
4 Messieurs les Juges, je vous remercie tout d'abord de m'avoir autorisé à
5 m'adresser à vous après le discours liminaire de l'Accusation.
6 L'acte d'accusation me reproche d'être membre d'une entreprise criminelle
7 commune, et ceci aux fins de commettre les pires des crimes contre la
8 population civile albanaise. Le prétendu objectif de cette entreprise
9 criminelle commune aurait été le changement d'un équilibre ethnique au
10 Kosovo-Metohija, et ce, aux fins d'assurer un contrôle serbe durable vis-à-
11 vis de cette province.
12 Je dois reconnaître que cet acte d'accusation n'est pas clair, à mon égard,
13 pour ce qui est de la définition de cette prétendue entreprise criminelle
14 commune.
15 Tout d'abord, la province autonome du Kosovo-Metohija constitue une partie
16 intégrante et unique de la République de Serbie qui, aux côtés de la
17 République du Monténégro, constituait la République fédérale de
18 Yougoslavie. La Serbie exerçait une autorité souveraine sur son territoire
19 --
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic, je crains d'avoir
21 à vous demander de ralentir, parce que vous êtes en train de parler de plus
22 en plus vite, et cela se fait beaucoup plus vite que les gens ne sont
23 capables de vous interpréter. Donc je vous prie de ralentir, et cela
24 permettra aux interprètes de mieux vous suivre.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
26 La Serbie exerçait un pouvoir souverain sur tout son territoire, aussi ne
27 pouvait-elle pas entreprendre quelque activité que ce soit aux fins de
28 l'exercice d'un pouvoir prétendument durable sur son territoire. Aucune
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1 autorité d'Etat n'est limitée dans le temps et tous les Etats du monde
2 exercent un pouvoir souverain sur leur propre territoire, et ce, dans une
3 durée temporelle non limitée dans le temps. D'autre part, la modification
4 du prétendu équilibre ethnique au Kosovo et la thèse de l'Accusation disant
5 que les Serbes au Kosovo-Metohija constituaient une population minoritaire,
6 et que bon nombre d'entre eux considéraient que le Kosovo était partie
7 intégrante de la Serbie, chose que le Procureur nous indique dans son
8 mémoire préalable au procès, indique de façon évidente qu'il y a eu une
9 position politique de prise par l'Accusation aux termes de laquelle le
10 Kosovo-Metohija ne constituerait pas partie intégrante et constitutive de
11 la Serbie, à savoir que la Serbie n'exerçait guère de souveraineté à
12 l'égard du Kosovo-Metohija.
13 Il me semble qu'un acte d'accusation ainsi énoncé implique un objectif
14 politique, et ce procès-ci se devrait d'être un moyen juridique qui
15 aiderait à réaliser l'objectif en question.
16 Je suis né à Koznica, municipalité de Vladicin Han, en 1948. J'y ai résidé
17 avec mes parents et mon frère cadet. Après avoir terminé mes études
18 secondaires, j'ai été diplômé à la faculté de droit de Nis en 1971; et j'ai
19 trouvé un emploi au ministère de l'Intérieur de la République de Serbie, au
20 secrétariat de l'Intérieur de Zajecar.
21 Après ma période préparatoire dans l'exercice de mes fonctions, j'ai été
22 affecté aux tâches d'inspectorat dans la criminalité en matière
23 commerciale, et j'ai accompli ces tâches pendant environ un an. Fin 1975,
24 j'ai occupé les fonctions d'inspecteur supérieur dans la police. J'ai
25 occupé les fonctions de responsable du département de la police à
26 l'administration de la police du ministère de l'Intérieur à la république à
27 Belgrade, et ce, à partir du mois de février 1982. J'ai passé huit ans à ce
28 poste, et pendant un an et demi, j'ai été à la tête de l'inspectorat chargé
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1 du contrôle interne pour ce qui est de la légalité des activités du
2 ministère de l'Intérieur de la république.
3 De temps à autre à compter de 1981, pendant plusieurs années j'ai eu à
4 accomplir les fonctions de la plus grande des responsabilités sur le
5 territoire de la province autonome du Kosovo-Metohija, j'ai été commandant
6 de bataillon, j'ai également été commandant de forces associées du
7 secrétariat fédéral à l'Intérieur, et j'ai été à la tête du QG du ministère
8 de l'Intérieur chargé de la province autonome de Kosovo-Metohija.
9 Fin 1991, j'ai été nommé à la tête de l'administration de la police, et
10 j'ai exercé cette fonction jusqu'en 1997, date à laquelle le ministre
11 Stojiljkovic, après le meurtre du général Radovan Stojicic, m'a d'abord
12 nommé à l'intérim pour effectuer les fonctions de chef de la sécurité, et
13 plusieurs mois après, j'ai eu un titre de nomination pour ce qui est des
14 fonctions de directeur de la sûreté publique de la république. Par la
15 suite, il n'y a plus eu au niveau de la Sûreté de l'Etat de fonction
16 intérimaire à la tête du ressort.
17 En ma qualité de responsable de ce ressort de la sécurité publique au
18 sein du ministère de l'Intérieur de la République de Serbie, j'ai été tenu,
19 conformément aux politiques et aux décisions des instances de l'Etat, et
20 notamment aux décisions du ministre de l'intérieur, dans le cadre des
21 pouvoirs légaux qui étaient les miens, à prendre des mesures et mettre en
22 œuvre la politique de l'Etat telle que définie.
23 Je ne puis accepter des allégations aux termes desquelles le président de
24 la République fédérale de Yougoslavie, le président de la République de
25 Serbie, le vice-président du gouvernement de la République fédérale de
26 Yougoslavie, le ministre de l'Intérieur de la République de Serbie, le chef
27 d'état-major de l'armée de Yougoslavie, le commandant de la 3e Armée de
28 l'armée de Yougoslavie, le commandant du Corps de Pristina de l'armée de
Page 231
1 Yougoslavie, le responsable du QG du ministère de l'Intérieur de la
2 République de Serbie pour le Kosovo-Metohija, et moi, chef du ressort de la
3 sécurité publique du ministère de l'Intérieur de la République de Serbie,
4 serions des intervenants d'une entreprises criminelle commune lorsque nous
5 avons mis en œuvre une politique définie par toutes les instances
6 politiques et de l'Etat visant à contrecarrer le terrorisme.
7 C'est au niveau le plus élevé de l'Etat qu'a été approuvée et
8 planifiée l'activité antiterroriste de 1998, tout comme lors de la défense
9 du pays, et il n'y a pas eu de politique dirigée contre la population
10 civile albanaise au Kosovo-Metohija, pas plus que contre quelque population
11 civile où que ce soit. L'objectif a été celui de désentraver les voies de
12 communication, de neutraliser les activités des terroristes, de découvrir
13 et libérer les citoyens qui avaient été enlevés, de rétablir l'ordre
14 publique et la paix publique, ainsi que d'assurer la sécurité personnelle
15 et la sécurité matérielle de la totalité des citoyens du Kosovo-Metohija.
16 Les opérations déployées ont été dirigées contre des terroristes qui,
17 par la force, souhaitaient faire en sorte qu'il y ait sécession du Kosovo-
18 Metohija vis-à-vis de la République fédérale de Yougoslavie, sans choisir
19 les moyens de ce faire, et pendant la guerre se sont mis de façon ouverte
20 du côté de l'agresseur pour constituer sa force armée terrestre visant à
21 permettre et faciliter de par ses activités une agression terrestre à
22 l'encontre de la Serbie.
23 Les méthodes d'activité des terroristes se sont traduites par des attaques
24 contre l'armée et la police qui effectuaient leurs devoirs prévus par la
25 constitution et par la loi. Ils ont procédé à des enlèvements, à des
26 meurtres d'Albanais qui étaient loyaux vis-à-vis de leur propre Etat, ainsi
27 que par recours à des activités de terroristes à l'égard de la population
28 non Albanaise, par blocus et coupure des voies de communication.
Page 232
1 En moins d'un an, sans raison aucune, il y a eu meurtres et enlèvements de
2 policiers, de militaires, de citoyens tout à fait innocents, et ce, aux
3 fins de mettre en place une ambiance de peur, d'absence de tolérance, et
4 aux fins de générer des conflits interethniques, le tout visant à établir
5 une République du Kosovo et procéder à la sécession de cette province
6 autonome du Kosovo-Metohija de la République de Serbie.
7 Armés par l'Albanie et par des grandes puissances, au travers de
8 différentes formes d'activités, les extrémistes albanais et les terroristes
9 albanais se sont servis de tous les moyens possibles et imaginables, y
10 compris de la population civile, pour atteindre leurs objectifs, notamment
11 en créant des semblants de catastrophes humanitaires aux fins d'accuser les
12 forces de l'Etat pour recours excessif à la force et pour violation des
13 droits de l'homme.
14 Le plan et les ordres visant à agir à l'encontre de la population albanaise
15 n'existaient tout simplement pas dans quelque forme que ce soit. Les
16 activités des forces de l'Etat n'ont pas eu pour objectif la déportation et
17 l'expulsion de la population civile albanaise ou la mise en place d'une
18 ambiance de peur et d'insécurité, la destruction de biens culturels ou de
19 bâtiments religieux.
20 Dans le cadre de nos propres possibilités, nous avons entrepris toutes les
21 mesures qu'il fallait en vue d'identifier les délits au pénal et leurs
22 auteurs, indépendamment de leur appartenance ethnique, raciale ou
23 confessionnelle. Comme dans toute guerre, il y a eu des crimes de commis,
24 mais ils n'ont pas été planifiés, encouragés ou approuvés. Et s'agissant
25 des crimes et criminels qui ont été découverts, il y a eu comportement
26 conforme à la loi et aux procédures légales dans le cadre des possibilités
27 et des circonstances qui étaient les nôtres.
28 Il faut ne pas perdre de vue le fait que bon nombre de délits au pénal
Page 233
1 n'ont pas été déclarés, chose qui a rendu plus difficile les activités de
2 la police pour ce qui est de déceler les délits au pénal et leurs auteurs,
3 alors que le retrait des forces militaires et policières de cette province
4 autonome du Kosovo-Metohija en juin 1999, suite à la signature des accord
5 de Kumanovo, a fait qu'il n'a plus été possible de déployer les activités
6 de nos instances et de nos autorités sur le territoire du Kosovo-Metohija.
7 Les déplacements de la population étaient dus à plusieurs éléments : peur
8 des bombardements, peur des conflits avec les terroristes, peur des
9 activités de combat. Et il y a eu également des abus de la population
10 civile de la part de ces terroristes aux fins de créer des semblants de
11 catastrophes humanitaires en cours.
12 Il n'y a guère eu de transfert ou de déplacement forcé de la population,
13 alors que la population qui avait cherché refuge a reçu toute l'aide
14 possible conformément aux possibilités qui étaient les nôtres à l'époque.
15 Les fonctions que j'ai accomplies ne me permettaient pas de prendre
16 des décisions politiques ou des décisions qui relevaient de l'autorité de
17 l'Etat, conformément à la constitution et à la loi, tel que prévu par
18 celle-ci, alors que les modalités de la mise en œuvre de décisions relevant
19 des compétences du ministère de l'Intérieur de la République de Serbie et
20 du secteur de la sécurité publique, étaient des éléments définis par le
21 ministre de l'Intérieur.
22 A partir de 1981, suite aux manifestations à Pristina lorsqu'il a été
23 formulé cette exigence traduite par le slogan Kosovo République, qui visait
24 à la sécession par la force de la province autonome du Kosovo-Metohija vis-
25 à-vis de la République de Serbie, le ministère fédéral de l'intérieur de
26 République socialiste fédérative de Yougoslavie a créé un état-major dont
27 l'existence et les activités n'ont cessé d'être jusqu'à la fin juin 1999.
28 Lorsque les instances de l'Etat au sommet en 1998 ont adopté un plan visant
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1 à contrecarrer le terrorisme au Kosovo-Metohija, le ministre de l'Intérieur
2 a promulgué une décision qui a défini le mandat, la composition et la
3 responsabilité de l'état-major du MUP, destinée à contrecarrer les
4 activités terroristes au territoire de la province autonome du Kosovo-
5 Metohija. C'est le ministre qui a décidé, en sus du responsable nommé et
6 des membres de cet état-major, et dont faisaient partie les membres de la
7 sécurité publique et de la Sécurité d'Etat, un rajout pour ce qui est d'en
8 faire faire partie les responsables du secrétariat à l'intérieur des
9 centres et des départements de la sûreté de la République sur le territoire
10 de la province autonome du Kosovo-Metohija. La mission de cet état-major
11 était de planifier, organiser et diriger les activités et l'utilisation des
12 unités organisationnelles du ministère, ainsi que des unités qui ont été
13 envoyées là-bas et qui ont été rajoutées aux unités existantes sur place
14 aux fins de contrecarrer les activités terroristes sur le territoire de la
15 province autonome du Kosovo-Metohija.
16 En sus, la mission de l'état-major était de planifier, d'organiser, de
17 diriger et de réunifier les activités des unités organisationnelles du
18 ministère au Kosovo-Metohija pour ce qui est de l'exercice ou de
19 l'accomplissement des missions complexes liées à la sécurité.
20 Pour ce qui est donc de ces activités, des activités de l'état-major
21 et de l'Etat ou de la situation de la sécurité pour ce qui est des missions
22 de cet état-major, le responsable de cet état-major répondait directement
23 de ses activités auprès du ministre. Il l'en informait et il l'informait
24 des événements liés à la sécurité, il l'informait des mesures prises et des
25 résultats de ces mesures.
26 Par l'adoption de cette décision datée du 16 juin 1998, le ministre a
27 décidé de faire cesser toutes les autres décisions précédentes pour ce qui
28 est de la création de ce QG du ministère de l'Intérieur et de ces décisions
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1 portant création de l'état-major et de sa composition. S'agissant de ce
2 type de décisions, le ministre s'est conformé aux pouvoirs qui étaient les
3 siens et qui étaient énoncés dans la Loi relative à l'intérieur et aux
4 actes qui en découlaient. Cela a été possible compte tenu du fait que cet
5 état-major a réunifié les activités des deux branches du ministère de
6 l'Intérieur. Il n'y a donc que le ministre qui a été habilité de prendre ce
7 type de décision pour aménager de la sorte les activités et les
8 responsabilités de l'instance ainsi créées au niveau du ministère de
9 l'Intérieur tout entier.
10 Je n'ai jamais eu à rendre compte ou informer quelque organe de l'Etat que
11 ce soit sur la situation, les plannings et les missions liés à la situation
12 sécuritaire sur le territoire du Kosovo-Metohija. En ma qualité de
13 responsable du secteur de la sécurité publique, je n'ai reçu aucun rapport
14 portant sur la planification, organisation ou mise en œuvre d'actions
15 antiterroristes au Kosovo-Metohija pendant la période de temps couverte par
16 l'acte d'accusation.
17 C'est sur ordre du ministre que je suis allé séjourner en province autonome
18 du Kosovo-Metohija à partir du mois de juillet 1998 jusqu'à la fin
19 septembre 1998. Pendant cette période-là, il y a eu mise en œuvre d'un
20 planning visant à contrecarrer le terrorisme au Kosovo-Metohija adopté par
21 la direction au sommet de l'Etat, et ce, suivant un planning proposé par
22 l'armée de la Yougoslavie et réalisé avec la participation du ministère de
23 l'Intérieur de la République de Serbie.
24 Je suppose que compte tenu de la complexité et du sérieux de la situation
25 sécuritaire et politique sur le territoire de la province autonome du
26 Kosovo-Metohija, que le ministre a décidé que je sois présent là-bas
27 pendant la mise en œuvre de ce plan adopté aux fins de contrecarrer le
28 terrorisme en 1998. C'est donc par les forces du ministère de l'Intérieur
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1 dirigées par le QG, donc par l'état-major, et l'activité conjointe de
2 l'armée de Yougoslavie qu'il y a eu mise en œuvre de ce planning avec
3 coordination des activités au niveau du commandement du Corps de Pristina.
4 C'est en raison de cette gravité de la situation sécuritaire et politique
5 que la situation au Kosovo-Metohija a constitué la question politique de la
6 plus haute importance du pays, et c'est la raison pour laquelle des
7 responsables politiques au sommet de la République fédérale de Yougoslavie
8 et de la République de Serbie se sont déplacés pour se pencher sur les
9 questions relatives au fonctionnement des instances de l'Etat.
10 En suivant au quotidien la situation sur le terrain et en réalisant le
11 planning adopté de lutte contre le terrorisme, il convenait de procéder à
12 des échanges d'informations et à des échanges de communication entre les
13 structures de l'Etat afin que la population apeurée et troublée voit qu'il
14 y a des soins et une détermination de l'Etat pour ce qui est de rétablir
15 des communications normales et la possibilité habituelle des citoyens de se
16 déplacer sur le territoire du Kosovo-Metohija avec sécurité personnelle et
17 matérielle des citoyens pour le fonctionnement normal de l'Etat, et ce, aux
18 fins de contrecarrer le terrorisme et les activités des forces terroristes.
19 Suite à la mise en place de ce planning lié à la lutte contre le
20 terrorisme, il y a eu normalisation de la vie et des activités au Kosovo-
21 Metohija. Il y a eu rétablissement de la confiance interethnique et toutes
22 les personnes déplacées sont retournées chez elles.
23 Après intensification des négociations politiques, il y a eu signature d'un
24 accord entre Geremek [phon] et Jovanovic [comme inteprété]. Le 25 octobre
25 1998, suite à des pleins pouvoirs donnés par le ministre de l'Intérieur de
26 la République de Serbie, j'ai signé des accords avec John Byrnes et Klaus
27 Naumann pour ce qui est de la réglementation des postes de surveillance
28 avec diminution des effectifs de police et limitation d'utilisation des
Page 237
1 armes de gros calibre.
2 Après le retrait des forces de la police conformément à cet accord, les
3 forces terroristes ont mis à profit le retrait des forces de la police et
4 de l'armée de la Yougoslavie pour réoccuper leurs positions préalables et
5 pour la poursuite des activités terroristes qui étaient les leurs.
6 Suite à cette période, je me suis déplacé au Kosovo-Metohija seulement en
7 compagnie du ministre ou des membres du gouvernement de la République de
8 Serbie, et cela ne s'est fait qu'à plusieurs reprises jusqu'à la fin juin
9 1999.
10 En début de l'année 1999, on a estimé qu'il y avait probabilité d'une
11 agression à l'encontre du territoire de la Serbie, d'abord par des frappes
12 aériennes, et ensuite par le biais d'une invasion terrestre des forces de
13 l'OTAN. Au ministère de l'Intérieur de la République de Serbie, il y a eu
14 préparatifs en vue de la défense du pays et il y a eu mise à jour des
15 plannings de guerre.
16 J'ai dirigé le secteur de la sécurité publique de façon identique,
17 indépendamment du fait de savoir où se trouvaient les différentes unités
18 organisationnelles au niveau du territoire de la République de Serbie, et
19 ce, dans le cadre des attributions qui m'ont été confiées par le ministre.
20 Je me dois de souligner que le ministre, par sa décision du 16 juin 1998
21 dans le cadre des mandats et de la composition de cet état-major du MUP
22 visant à contrecarrer les activités terroristes sur le territoire du
23 Kosovo-Metohija, a procédé à une réunification des deux secteurs du
24 ministère de l'Intérieur et a pris à part entière toutes les décisions
25 liées aux missions, aux activités, aux informations et aux responsabilités
26 de cet état-major.
27 Pendant les activités de combat, les missions liées à la sécurité au
28 quotidien ont été effectuées par ce secteur de la sécurité publique, et ce,
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1 de façon réglementaire conformément à la loi et aux actes législatifs sur
2 tout le territoire de la République de Serbie. C'est moi qui ai dirigé
3 depuis Belgrade les activités de ce département tout en prenant soin du
4 territoire entier de la république.
5 Les activités antiterroristes sur le territoire de la province autonome du
6 Kosovo-Metohija relevaient des compétences exclusives du ministre avant et
7 pendant la guerre. C'est lui qui décidait dans le cadre du ministère de
8 l'Intérieur qui effectuerait les missions au Kosovo-Metohija et comment
9 cela serait fait conformément à la politique de l'Etat.
10 Je n'ai entendu ni le ministre ni quelque autre dirigeant que ce soit
11 donner des ordres pour commettre des crimes à l'égard de la population
12 civile albanaise ou à l'égard d'encouragements éventuels adressés aux
13 membres du MUP pour ce qui est de la perpétration de crimes ou pour ce qui
14 est de tolérer des crimes.
15 Indépendamment de la situation grave dans laquelle se trouvait le pays, il
16 a été constamment insisté sur la légalité du fonctionnement, sur la
17 nécessité d'un fonctionnement légal du MUP et sur la nécessité de respecter
18 les droits de l'homme. Il y a eu des mesures disciplinaires et pénales de
19 prises à l'encontre des membres du MUP qui avaient eu des manquements à cet
20 effet, l'accent étant mis sur le comportement adopté à l'égard des civils
21 et pour ce qui est de l'aide humanitaire.
22 Les tâches liées à la sécurité ont été effectuées de la même façon qu'avant
23 la guerre, et ceci dans des conditions bien plus graves. Nous nous sommes
24 conformés à la législation et aux dispositions qui étaient celles d'avant
25 l'état de guerre.
26 Compte tenu des destructions de grande envergure dues aux frappes
27 aériennes, j'ai eu à prendre des mesures pour ce qui est de remédier aux
28 séquelles de ces frappes aériennes et de veiller à des interventions
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1 rapides et efficaces des instances du MUP avec coordination de ces
2 activités et de celles des autres instances compétentes pour aller aux
3 lieux où les frappes aériennes se sont faites; avec envoi de sapeurs-
4 pompiers et autres services, et ce, aux fins d'aider les victimes de
5 procéder à des constats; et aux fins de documenter les séquelles des
6 bombardements, donc détermination du nombre et de l'identité des morts et
7 des blessés, destruction de bâtiments, et cetera.
8 Les communications rendues plus difficiles ont rendu plus difficile
9 l'accomplissement de nos tâches et de nos missions. Pendant toute la durée
10 de la guerre, le siège du ministère de l'Intérieur de la République de
11 Serbie et du secteur de la sécurité publique se trouvait à Belgrade,
12 précision faite du fait que les sites de ce siège changeaient au fur et à
13 mesure des frappes aériennes.
14 Les tâches liées à la sécurité ont été réalisées sur des fondements
15 unifiés, alors que les rapports relatifs à la situation sécuritaire et aux
16 événements n'ont pas comporté d'information relative aux activités
17 antiterroristes.
18 Je n'ai pas participé à l'établissement de plannings relatifs à la
19 lutte contre les terroristes. Je n'ai pas été informé des sites de
20 l'exercice de ces activités, et je n'ai pas participé non plus à leur mise
21 en œuvre pendant la période de temps englobée par l'acte d'accusation.
22 La mobilisation, la formation des effectifs réguliers et de réserves,
23 l'envoi des unités au Kosovo-Metohija, leur installation et leur
24 alimentation constituent des tâches régulières dont sont chargées les
25 administrations appropriées du secteur de la sécurité publique, voire les
26 différents départements et sections des secrétariats à l'intérieur. Mais
27 ces activités n'ont absolument rien à voir avec la planification,
28 l'administration et la mise en œuvre des activités antiterroristes. Les
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1 procédures disciplinaires ont été entreprises par mes soins conformément à
2 la procédure prescrite, et cela a constitué une activité des plus
3 régulières du secteur de la sécurité publique au sein du ministère de
4 l'Intérieur de la République de Serbie.
5 Il n'a pas été procédé dans les effectifs de réserve du ministère de
6 l'Intérieur de la République de Serbie des unités paramilitaires, mais il a
7 été procédé à la mobilisation d'individus conformément aux actes
8 législatifs régissant la matière. La procédure de leur accueil a été
9 réalisée par l'administration de la police en coopération avec les secteurs
10 militaires et les secrétariats à l'intérieur des régions.
11 C'est le responsable du secrétariat à l'intérieur de Bor qui m'a
12 informé pour la première fois de ce camion comportant des cadavres. Je n'ai
13 pas su comment cela était arrivé jusqu'au Danube, et je n'ai pas su d'où
14 cela était venu et qui avait organisé le transport. Suite à l'obtention de
15 cette information, j'ai estimé qu'il fallait procéder à la procédure
16 policière et criminelle habituelle, et j'ai insisté sur la nécessité de la
17 mettre en œuvre après m'être entretenu avec le responsable du secrétariat à
18 l'intérieur de Bor.
19 Cependant, après avoir obtenu des informations plus complètes et
20 compte tenu de l'impossibilité du secrétariat local à réaliser la
21 procédure, j'en ai informé le ministre qui a pris les décisions qui ont
22 suivi, et j'en ai informé le responsable du secrétariat à l'intérieur de
23 Bor ainsi que les autres personnes qui ont été impliquées dans
24 l'accomplissement des instructions du ministre. Je n'ai pas pu influer sur
25 les décisions prises, et compte tenu du fait que cela s'est passé pendant
26 une période de guerre, à savoir une période d'agression, je n'ai pas pu
27 quitter mon service et refuser l'exécution de ce que l'on m'a demandé de
28 faire.
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1 Donc après le changement des autorités en Serbie, des collaborateurs
2 proches à moi m'ont fait savoir que ma vie était en péril. J'ai également
3 appris que les nouveaux pouvoirs, après ma mise à la retraite, pour des
4 raisons qui m'échappaient, souhaitaient me mettre en prison et que l'on
5 prendrait pour prétexte à cela des prétendus abus dans l'Association
6 sportive policière.
7 C'est donc de ce fait et rien que pour ces raisons-là que j'ai quitté la
8 Serbie en 2001. Je vois à présent que j'ai suivi la mauvaise voie parce que
9 dans le cas contraire, en m'entretenant avec les instances de l'Etat, les
10 représentants de ce Tribunal et les enquêteurs de ce Tribunal, il m'aurait
11 été autrement possible d'apporter des éclaircissements concernant mon rôle
12 et mes agissements et d'éviter l'acte d'accusation qui a été dressé à mon
13 encontre qui a d'ailleurs été daté de 2003, à savoir deux ans après que
14 j'aie quitté la Serbie.
15 J'en suis tout à fait convaincu parce que j'ai eu à lire dans le livre de
16 l'ex-Procureur de ce Tribunal, Mme Carla Del Ponte, qu'il y a eu une
17 réunion secrète qui s'est tenue en Hollande le 2 avril 2003 entre le
18 ministre des Affaires étrangères de Serbie, Goran Svilanovic, et le
19 ministre de l'Intérieur, M. Dusan Mihajlovic, qui se sont entretenus avec
20 la Procureur Mme Carla Del Ponte au sujet de la coopération mutuelle et des
21 actes d'accusation à venir. C'est à cette occasion-là que le ministre
22 Mihajlovic a dit que le gouvernement se féliciterait de voir le Tribunal de
23 La Haye mettre en accusation le général Djordjevic. Page 195.
24 Lorsque l'on m'a remis l'acte d'accusation me concernant et concernant le
25 général Pavkovic, le général Lazarevic et le général Lukic, le premier
26 ministre de l'époque en Serbie, Zoran Zivkovic, d'après les propos de Mme
27 Carla Del Ponte, aurait refusé de prendre en main l'acte d'accusation.
28 Lorsqu'il s'est penché sur les noms, il a dit, "Djordjevic, aucun
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1 problème." Je me réfère à la page 205 de ce livre.
2 Messieurs les Juges, j'espère que c'est dans une procédure équitable et
3 correcte qu'il me sera fourni l'occasion de prouver que les dires et les
4 allégations de l'acte d'accusation sont infondés. Je n'ai pas exercé de
5 contrôle effectif à l'égard des unités du ministère de l'Intérieur
6 intervenant au Kosovo-Metohija pendant la période englobée par l'acte
7 d'accusation. Je n'ai pas eu à connaître et je n'avais aucune raison de
8 connaître des crimes commis par des subordonnés à moi, et ce, à grande
9 échelle vis-à-vis de la population albanaise. Je n'ai reçu aucune
10 information pour ce qui est des comportements sanctionnables [phon] des
11 unités du MUP. C'est dans le cadre de mes propres attributions que j'ai
12 pris des mesures légales à l'encontre des auteurs de délits au pénal, nous
13 sommes intervenus à titre préventif afin qu'il n'y ait pas perpétration de
14 délits au pénal. Il convient aussi de ne pas perdre de vue la situation
15 objective et l'époque où tout ceci s'est produit avec la possibilité de
16 réagir en temps utile.
17 Je regrette qu'il y ait eu des victimes au Kosovo-Metohija. Je regrette les
18 souffrances des familles. Je compatie profondément à leur douleur. J'aurais
19 sincèrement aimé que la guerre qui s'est déroulée sur le territoire du
20 Kosovo-Metohija se trouve être la dernière; et que tous les cas litigieux
21 viennent à être résolus par des moyens politiques, par des négociations et
22 des concertations.
23 Merci d'avoir eu la bonté de m'entendre.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Auriez-vous
25 l'amabilité d'éteindre votre microphone. Merci. Sinon, cela produit des
26 effets Larsen.
27 Alors nous avons donné à l'accusé la possibilité en application du
28 Règlement de prononcer une déclaration personnelle, ce qu'il vient de
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1 faire, ce qui a été consigné au compte rendu d'audience, et nous avons pris
2 note de la teneur de votre déclaration, Monsieur.
3 Nous en avons donc terminé avec la déclaration liminaire de l'Accusation et
4 les procédures préliminaires. Nous allons maintenant passer à la phase
5 suivante, à savoir la présentation des moyens à charge. A la suite de quoi,
6 bien entendu, la Défense aura la possibilité de présenter ses moyens à
7 décharge, et ce, donc en réponse aux moyens à charge.
8 Au vu de l'heure et au vu des dispositions pratiques qui doivent être
9 prises pour l'arrivée des premiers témoins, la Chambre se propose de lever
10 l'audience maintenant pour reprendre demain matin dès 9 heures, heure à
11 partir de laquelle nous commencerons à entendre les moyens de preuve.
12 Je souhaiterais juste mentionner quelque chose, au cas où une
13 confusion règne encore. Nous ne pourrons pas siéger jeudi. Il n'y a pas de
14 salle d'audience disponible. Il y a un calendrier qui a été diffusé sur
15 intranet et qui laisse entendre que nous siégeons, mais il s'agit d'une
16 erreur. En fait, il s'agira d'un autre procès qui siègera. Nous entendrons
17 donc les moyens de preuve demain, nous reprendrons vendredi et puis nous
18 poursuivrons la semaine prochaine.
19 Donc nous vous remercions, Monsieur Stamp, d'avoir prononcé votre
20 déclaration liminaire, et nous avons également entendu la déclaration
21 personnelle de l'accusé. Nous allons maintenant lever l'audience et nous
22 reprendrons demain matin à 9 heures.
23 --- L'audience est levée à 12 heures 41 et reprendra le mercredi 28 janvier
24 2009, à 9 heures 00.
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