Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 12 février 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 14.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  6   LE TÉMOIN : JOHN PAUL SWEENY [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, maintenant j'entends l'anglais.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors je crois que vous reconnaissez

 10   la langue que vous entendez, elle doit être plus familière.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Et il y a une question que je

 12   voulais évoquer avec votre autorisation. J'ai été interrogé hier par

 13   l'Accusation au sujet de dates, et si cela peut vous aider, j'ai fait des

 14   vérifications hier soir et je peux vous donner l'information précise au

 15   sujet du cadre temporel et je pourrais également vous apporter quelques

 16   autres informations.

 17   Si j'ai bien compris, les bombardements de l'OTAN ont commencé le mercredi

 18   24 mars 1999 à 8 heures du soir, heure de Belgrade. Le lendemain matin,

 19   jeudi 25 mars, d'après les dires d'un témoin albanais, un dénommé Ahmet

 20   Adbuli - il m'a été indiqué qu'il disposait d'information fiable - une

 21   colonne est arrivée à 3 heures 40 tôt le matin. Il y avait des chars, des

 22   camions et 15 autocars avec des plaques d'immatriculation serbe de Nis et

 23   de Leskovac. Et sur un des autocars il y avait une inscription "Express

 24   Nis". Il a compté à peu près 50 hommes par autocar, donc au total ça

 25   faisait 750 hommes à bord des autocars. En plus, il y avait les équipages

 26   des chars et des camions. Et il a dit que tous portaient des uniformes

 27   bleus de police avec des insignes blancs au bras et tous étaient armés.

 28   Une fois arrivés au village, les Albanais ont fui vers les collines. Alors

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  1   il faut comprendre la géographie des lieux. Il y a les montagnes de

  2   l'Albanie, il y a la rivière Drina et une route principale avec ce village.

  3   Un peu plus loin, il y a un bois et c'est là qu'ont fui la plupart des

  4   villageois. Les Serbes ont tiré des obus vers eux avec des armes

  5   d'artillerie, et ces gens ont passé la nuit là-bas.

  6   Le lendemain matin, vendredi 26 mars, ils ont compris qu'ils avaient été

  7   encerclés par les forces serbes de toutes parts. Les villageois se sont

  8   rendus et ils sont tous entrés au village de Mala Krusa suite à quoi il y a

  9   eu une sélection, un tri.

 10   Et lors de ce tri, ils ont reconnu Dimitri Nikolic. Alors, cette femme

 11   témoin a reconnu l'intéressé. A ce moment-là, elle l'a appelé par son

 12   prénom Dimitri, et l'autre a tourné la tête. Un deuxième témoin Mehmet

 13   Abduli a reconnu, comme il nous l'a indiqué, d'autres personnes et j'ai

 14   pris note de certains noms.

 15   Lorsqu'il s'agit de chiffres, il est difficile de dire de façon précise,

 16   mais d'après moi il s'agissait de 109 hommes tués et six ont survécu. Le

 17   plus âgé s'appelait Bali Abduli.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Alors le plus âgé était Bali

 19   Abduli [comme interprété], âgé de 72 ans et le plus jeune Xhelal Shehu, il

 20   avait 13 ans. Si les interprètes ont bien entendu.

 21   Est-ce que vous voulez que je l'épelle ?

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic.

 24   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vois que le témoin est en train de lire

 25   dans un carnet de notes. Il ne l'a pas fait hier, mais il le fait

 26   aujourd'hui. Alors je vous demanderais, à cet effet, de demander au témoin

 27   quel est le carnet de notes qu'il est en train d'utiliser, pourquoi il ne

 28   l'a pas utilisé hier et de quoi il s'agit aujourd'hui, avant de continuer

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  1   avec l'exposé qu'il est en train de présenter.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je n'ai pas pu voir de carnet depuis

  3   ici.

  4   Merci, Maître Djordjevic, de nous avoir attiré l'attention sur ce

  5   fait.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un simple carnet de notes. J'ai écrit là

  7   toute une série d'articles pour en faire un film et j'ai écrit pour mon

  8   journal. J'ai relu les articles que j'ai pondus, et j'ai pris les notes de

  9   ces journaux.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez donc pris ces notes hier

 11   soir ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, hier soir. Et hier je n'avais même pas ma

 13   déclaration sous les yeux. Donc tout simplement, je suis en train de

 14   fournir des détails, et je tenais à vous donner des dates précises dont je

 15   ne pouvais pas me souvenir hier pour répondre aux questions qui m'ont été

 16   posées.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que vous nous avez jusqu'à

 18   présent rendu possible de déterminer avec davantage de précision les

 19   événements que vous avez évoqués hier --

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Certes.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] …d'après ce que vous avez pu consulter

 22   pendant la nuit. Alors, il serait préférable que vous laissiez ce carnet de

 23   notes de côté, et Me Djordjevic pourra continuer avec ses questions. Et au

 24   cas où il s'avérerait nécessaire d'ajouter quelque chose, Mme Kravetz s'en

 25   occupera à l'occasion des questions complémentaires.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement. Je vais mettre ce carnet de

 27   côté. Le fait est que maintenant j'ai les dates exactes de mon arrivée au

 28   Kosovo pour la première fois, de mon déplacement vers Mala Krusha, et

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  1   autres dates, notamment celles des deux films.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.

  3   Alors si vous souhaitez, Maître Djordjevic, avoir un droit de vue sur ces

  4   documents, vous pourrez le demander, ou alors Mme Kravetz pourra également

  5   en temps utile poser des questions à ce sujet.

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois que

  7   je vais en rester là.

  8   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

  9   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je m'appelle Dragoljub Djordjevic,

 10   je suis le conseil de la Défense de l'accusé Vlastimir Djordjevic.

 11   Monsieur Sweeney, je me propose à présent de vous poser des questions qui

 12   sont en premier lieu liées au témoignage que vous avez fourni hier, ainsi

 13   qu'au sujet de la déclaration faite à la date du 22 janvier, du 23 janvier,

 14   et du 24 janvier 2001, auprès de l'enquêteur du bureau du Procureur.

 15   Je me propose maintenant d'entamer toute une série de questions. Vous nous

 16   avez dit hier que vous étiez un journaliste expérimenté et que cela faisait

 17   presque 20 ans que vous faisiez ce métier. Au fil des 10 ou 12 dernières

 18   années, vous faites du journalisme d'investigation.

 19   J'aimerais que vous nous indiquiez de quoi il s'agit au juste ce

 20   journalisme d'investigation. Qu'entendez-vous par là vous-même lorsque vous

 21   le dites ?

 22   R.  C'est une bonne question. Tout journalisme est, dans un certain degré,

 23   investigatif [phon], parce que nous nous efforçons de communiquer aux

 24   lecteurs des informations qu'ils ne connaissent pas ou dont ils ne

 25   comprennent pas la portée. Alors ce que j'essaie c'est de rapporter des

 26   récits qui valent la peine d'être racontés, sans pour autant entrer dans la

 27   vie privée des personnes, ou raconter des histoires au sujet de la famille

 28   royale. Ce n'est pas du tout ce que j'aime faire; au contraire, je déteste

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  1   faire cela. Alors je préfère écrire des récits portant sur des hommes, des

  2   gens, et faire des reportages qui s'appuient sur les faits.

  3   Donc il faut que vous disposiez d'éléments de preuve au sujet des choses

  4   qui se produisent, et que vous présentiez ces éléments de preuve de façon

  5   équitable et honnête. Alors il y a des éléments qui peut-être ne

  6   s'intègrent pas à l'image générale ou qui semblent être contraires à la

  7   logique. Donc il importe aussi de relater cela.

  8   En substance, je rédige des reportages au sujet de choses que les hommes

  9   puissants n'aiment pas voir racontées.

 10   Q.  Est-ce que cette façon d'écrire les reportages sous-entend en premier

 11   lieu une objectivité et un documentarisme ?

 12   R.  Absolument.

 13   Q.  Merci. Alors, avez-vous été, lorsque nous nous parlons du rapport que

 14   vous avez rédigé à l'intention de la chaîne numéro 4 et du journal où vous

 15   travaillez - il me semble que vous aviez déjà indiqué que c'était le

 16   journal Observer - est-ce que vous avez fourni des appréciation arbitraires

 17   sans pour autant les étayer au moyen d'informations fiables ?

 18   R.  Ecoutez, je ne suis pas parfait, je suis un être humain. Mais vous

 19   devriez quand même me fournir plus d'informations pour que je réponde.

 20   Q.  Est-ce que vous savez quels étaient les Etats frontaliers de cet Etat

 21   de Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie ? Puis concrètement

 22   parlant, la Province autonome du Kosovo ? Et en me fournissant votre

 23   réponse, j'aimerais que vous m'indiquiez le nord, l'ouest, l'est, le sud,

 24   pour que nous ayons une idée. Donc quels sont les Etats qui étaient des

 25   Etats frontaliers au niveau de la province du Kosovo et ses immédiats ?

 26   R.  Bien, oui. J'étais allé pour la première fois en Yougoslavie en mars

 27   1991 une fois que M. Milosevic avait envoyé ses chars contre les étudiants

 28   de Belgrade. Et d'après ce que j'ai cru comprendre, au nord-ouest de l'ex-

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  1   Yougoslavie, il y avait l'Italie; l'Autriche; puis la Hongrie, puis la

  2   Roumanie; et plus bas, à côté de la Macédoine, il y avait la Grèce et

  3   l'Albanie.

  4   Q.  Et la Province autonome du Kosovo, avec quels Etats était-elle

  5   limitrophe ? Je ne parle pas de la Serbie, bien entendu, et du Monténégro

  6   de l'époque, parce que ce sont des Etats qui ont été créés ultérieurement,

  7   ça faisait partie de la République fédérale de Yougoslavie, et c'était une

  8   fédération constituée par deux Etats, la République du Monténégro et la

  9   République de Serbie. Et dans le cadre de la République de Serbie, il y

 10   avait deux provinces, l'une étant la Vojvodina et l'autre le Kosovo. Alors

 11   quel est l'Etat avec lequel était limitrophe au sud et à l'ouest la

 12   province du Kosovo ? Et pour être plus précis je vais vous demander le sud.

 13   Quelles étaient les frontières au sud-ouest et à l'est ?

 14   R.  J'ai déjà dit tout à l'heure l'Albanie, il y a la Grèce. Je ne pense

 15   pas qu'il y ait une frontière avec la Bulgarie. La Macédoine faisait partie

 16   intégrante de la Yougoslavie. Mais je ne comprends pas quel est l'objectif

 17   de votre question.

 18   Q.  Je vais vous dire quel est l'objectif de ma question, et je vais vous

 19   poser une question tout à fait concrète. Seriez-vous d'accord avec moi pour

 20   dire que cette République fédérale de Yougoslavie, non pas la République

 21   socialiste fédérative de Yougoslavie de l'époque, mais la République

 22   fédérale de Yougoslavie, lorsqu'il y a conflit en 1999, il y a une

 23   République fédérale de Yougoslavie. La République socialiste fédérative de

 24   Yougoslavie n'existait plus depuis belle lurette. Alors êtes-vous d'accord

 25   pour dire que cette République fédérale de Yougoslavie avait pour frontière

 26   au sud la Macédoine, qui est appelée ex-République yougoslave de Macédoine

 27   ?

 28   R.  Certes.

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  1   Q.  En raison de son contentieux avec la Grèce.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, pouvez-vous

  3   ralentir quelque peu, parce que votre question -- ou plutôt, c'est une

  4   question qui n'est une question qu'en partie. Et c'est plutôt long, et il

  5   est difficile de vous suivre.

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, bonne observation, Monsieur le

  7   Président. Je vais m'y conformer. Et je m'en excuse.

  8   Q.  Alors, au sud, disais-je, il y a une frontière avec l'ex-République

  9   yougoslave de Macédoine. Au sud-ouest, il y a une frontière avec la

 10   République d'Albanie. Et dans le cadre de tout ceci, au nord il y a ce que

 11   l'on appelle la Serbie au sens restreint de ce terme, et à l'ouest, la

 12   République actuelle du Monténégro, qui est de nos jours un Etat indépendant

 13   qui faisait partie de la République fédérale de Yougoslavie à l'époque.

 14   Est-ce que nous sommes d'accord sur ces faits-là ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Je vous remercie. Ma question suivante est celle-ci : vous avez

 17   mentionné, vous avez opéré dans vos témoignages avec des chiffres de 700 et

 18   800 000 Albanais qui s'étaient réfugiés en Albanie. Alors, est-ce que nous

 19   pouvons constater que c'est bien ce que vous nous aviez dit ?

 20   R.  Oui. Mais je suis un être humain. Je n'ai pas compté chacun des

 21   Albanais du Kosovo qui ont quitté le Kosovo suite aux frappes de l'OTAN.

 22   Nous nous basons sur les estimations faites par des instances

 23   internationales telles que la Croix-Rouge et les différentes instances des

 24   Nations Unies. Ce sont des estimations qui avaient été faites à l'époque,

 25   et je crois bien qu'à l'époque cela était considéré comme étant exact. Au

 26   cas il y aurait des chiffres plus récents qui se trouveraient être plus

 27   petits, cela ne me surprendrait pas.

 28   Dans mon témoignage devant ce Tribunal, j'ai essayé de faire la

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  1   distinction entre deux éléments, les éléments dont j'ai entendu parler et

  2   dont j'ai rapporté des récits à mes journaux. Il y a aussi d'autres

  3   éléments où j'étais moi-même témoin des choses que j'ai vu de mes yeux, et

  4   j'ai vu, par exemple, ces trous dans la terre au niveau de l'étable de

  5   Batusha, et j'ai vu qu'il y avait un massacre de dissimulé là. Pour ce qui

  6   est maintenant des réfugiés, c'est une estimation plutôt approximative.

  7   Donc il y a une différence entre ce que j'ai vu de mes yeux, et ce dont

  8   j'ai entendu parler.

  9   Q.  Monsieur Sweeney, les trous dont vous avez parlé à l'instant, on en

 10   parlera tout à l'heure. Pour le moment, je voudrais - et c'est l'objectif

 11   de mon contre-interrogatoire - je voudrais aboutir à la vérité, qui est

 12   celle dont vous disposez, tout en tenant compte des erreurs qui sont tout à

 13   fait admissibles, et je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous

 14   affirmez que vous êtes un être humain.

 15   Ma question suivante est celle-ci : savez-vous que les Albanais du

 16   Kosovo avaient fui, mis à part l'Albanie, vers la République Yougoslave de

 17   l'époque du Monténégro, et vers cet ex-République Yougoslave de Macédoine,

 18   et aussi vers la Serbie ? Le saviez-vous, cela ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Alors seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le chiffre qu'on a

 21   mentionné tout à l'heure - et que cela venait d'organisations

 22   gouvernementales et autres à caractère international telles que la Croix-

 23   Rouge - avait tenu compte de la totalité des habitants du Kosovo, ou

 24   plutôt, des Albanais du Kosovo, qui avaient cherché refuge ailleurs en

 25   quittant le Kosovo ?

 26   R.  Le chiffre que j'ai mentionné dans le film est celui de

 27   800 000, si je ne m'abuse, et cela se rapporte aux Albanais du Kosovo qui

 28   ont fui suite aux frappes aériennes de l'OTAN et suite à l'attaque

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  1   militaire Serbe à l'encontre de cette population kosovare au printemps de

  2   1999 ?

  3   Q.  Merci, Monsieur Sweeney. Monsieur Sweeney, pour être objectif - et

  4   lorsqu'on parle de chiffres, je crois, que vous avez compris la finalité de

  5   mon contre-interrogatoire, et elle se rapporte à cela. On a vu un clip

  6   vidéo qui se rapporte à l'arrivée au Kosovo des forces de l'OTAN. Vous ou

  7   le reporter, je pense que c'était votre voix, mais peu importe de savoir

  8   qui a prêté sa voix, vous avez dit qu'au Kosovo il y a eu des dizaines de

  9   milliers d'Albanais à avoir été tués. Ultérieurement, vous nous avez dit

 10   que vous avez eu à savoir qu'il s'agissait d'un chiffre de 3 à 5 000,

 11   d'après les sources officielles, pour ce qui est des personnes tuées.

 12   A ce sujet, pouvez-vous nous dire si ce n'est pas, à votre avis, une façon

 13   sensationnaliste d'écrire quand vous parlez d'un chiffre qui est de

 14   plusieurs fois supérieur à celui qui a été le chiffre véritable ? Bien

 15   entendu, à chaque fois qu'une personne est tuée c'est une grande perte,

 16   mais la perte tout aussi honteuse, lorsque l'on présente les choses de la

 17   façon qui a été celle qui était la vôtre.

 18   R.  Oui. Mais nous ne savions pas les faits véritables. Ce que nous

 19   savions, c'est qu'au printemps 1999, des centaines de milliers d'Albanais

 20   avaient fui, et eux avaient indiqué que leurs parents ont été massacrés et

 21   tués, que leurs maisons étaient détruites. Certains des éléments de preuve,

 22   nous avons pu les voir, et je suis allé moi-même dans les montagnes de

 23   l'Albanie et j'ai vu à côté de moi passer jour après jour des dizaines et

 24   des dizaines de milliers de personnes. Donc ce chiffre n'était pas exact,

 25   mais il n'était pas sensationnaliste lorsque j'ai rapporté la chose. Alors

 26   il serait difficile de vérifier combien de personnes ont péri, au cas où

 27   les autorités officielles n'avaient pas autorisé les reporters à suivre les

 28   activités militaires. Alors vous me demandez maintenant d'indiquer d'une

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  1   façon exacte et précise le nombre de personnes tuées alors que cela n'avait

  2   pas été possible. Je ne pense pas que le fait de ne pas avoir réussi à être

  3   tout à fait exact ne mérite pas d'être qualifié de sensationnaliste comme

  4   reportage.

  5   Q.  Merci, Monsieur. Ma question suivante est celle-ci : les chiffres que

  6   vous avez mentionnés et qui sont officiels, 3 à 5 000 personnes tuées au

  7   Kosovo, est-ce que vous savez nous dire si ce chiffre se rapporte seulement

  8   aux Albanais du Kosovo, ou est-ce que cela se rapporte à la totalité des

  9   groupes ethniques ayant vécu au Kosovo ?

 10   R.  J'imagine que cela se rapporte à tous et à toutes. Quelle est la date

 11   de l'information que vous évoquez ?

 12   Q.  Il y a bon nombre de sources. Il n'y en a pas une seule de précise,

 13   comme vous l'avez dit. Les premières évaluations datent de juillet 1999, et

 14   elles proviennent d'organisations internationales variées, telles que la

 15   Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, ensuite cela provient d'autres

 16   organisations non gouvernementales, et il y a plusieurs organisations qui

 17   ont avancé des chiffres, mais il n'y en a pas une seule à avoir dit qu'il y

 18   avait eu plus de 5 000 personnes tuées.

 19   Alors, j'espère que vous allez tomber d'accord avec moi pour dire que

 20   lorsqu'il est question de ce chiffre-là, il ne s'agit pas seulement de

 21   civils. Il est question du chiffre total, du nombre total de personnes

 22   tuées, citoyens du Kosovo qu'il s'agisse de membres de l'UCK ou d'autres

 23   formations, sans parler des autres groupes ethniques.

 24   R.  Je pense que dans une certaine mesure nous pouvons tomber d'accord l'un

 25   avec l'autre. La question qui se pose est celle justement de savoir quel

 26   est le nombre de personnes à avoir fui, et quel est le nombre de personnes

 27   à avoir été tuées au Kosovo. Tout ce que je puis faire en ma qualité de

 28   reporter, tout ce que je pouvais faire à l'époque, c'était de parler des

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  1   chiffres qui étaient évoqués à l'époque.

  2   J'ai également parlé du 11 septembre 2001, et je me souviens qu'à la

  3   page de garde du Daily Telegraph, on disait qu'il y avait eu 60 000

  4   personnes de tuées. En réalité il n'y en a eu que 3 000 de tuées, mais il y

  5   a quand même des milliers de personnes tuées. A ce moment-là, je savais

  6   qu'il y avait des milliers de personnes tuées. Je ne connaissais pas le

  7   chiffre exact. Bien entendu, il est dans la nature humaine, au moment où on

  8   est sous le choc, de ne pas comprendre véritablement combien de personnes

  9   au juste il y a eu à périr.

 10   Mais quand il s'agit d'organisations internationales et des chiffres

 11   avancés, peut-être ces chiffres ont-il été exagérés. Mais cela ne signifie

 12   pas qu'il n'y a pas eu de morts. Il y a eu des morts. J'ai vu des cadavres,

 13   et je me suis entretenu avec des personnes dont des parents proches avaient

 14   été tués, par exemple, des Albanais du Kosovo originaires de Mala Krusa.

 15   Q.  Alors puisque vous venez de parler du 11 septembre, ce n'était pas dans

 16   mon intention que de vous poser cette question, mais est-il exact de dire

 17   que vous avez rédigé un livre au sujet de Saddam Hussein ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Saviez-vous qu'en application du droit international suite au 11

 20   septembre, la stratégie principale de la politique internationale, d'abord

 21   des Etats-Unis de l'Amérique et de la communauté internationale, les choses

 22   que je justifie à part entière a consisté ou s'est traduit par une lutte

 23   contre le terrorisme international.

 24   R.  Cela se peut. Une partie de cette lutte n'a peut-être pas été si sage

 25   ni si correcte.

 26   Q.  Je m'excuse de cette digression, suite à ça, il y une guerre qui éclate

 27   au Proche-Orient, je ne vais pas parler des Etats ni des personnes

 28   impliquées, je ne veux pas parler non plus de séquelles. Je vais vous poser

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  1   la question suivante, Monsieur Sweeney. Quand vous avez appris qu'il n'y a

  2   pas eu de dizaines de milliers de citoyens du Kosovo à avoir été tués,

  3   avez-vous publié l'information disant qu'en réalité il n'y a eu que 3 à 5

  4   000 personnes de tuées, soit dans un reportage, soit dans une information

  5   que vous auriez publié par la suite à l'année 1999 ?

  6   R.  Non. La question cruciale serait celle de savoir si cela a été fait

  7   lorsque la communauté internationale avait su quel était le bon chiffre, à

  8   savoir le chiffre de 3 000 à 5 000. Alors, excusez-moi, mais j'ai

  9   l'impression que vous êtes en train de me critiquer pour le fait de ne pas

 10   m'être procuré ces chiffres. Mais je ne sais pas en réalité quand est-ce

 11   que ces chiffres ont été déterminés. Le chiffre que vous avancez, à quelle

 12   date a-t-il été, pour la première fois, placé sur la scène internationale.

 13   Q.  Je ne vous critique pas, Monsieur Sweeney, je ne fais que vous poser

 14   une question mais je m'attends à une réponse, parce que nous n'avons pas

 15   l'autorisation de débattre de quoi que ce soit avec le témoin. Nous ne

 16   faisons que poser des questions. Ma question suivante est celle-ci.

 17   R.  Je m'excuse, mais je ne peux pas répondre à votre question à moins que

 18   vous ne m'indiquiez quel est le fondement de la question que vous avancez.

 19   Si vous ne me dites pas à quelle date ont été déterminés les chiffres que

 20   vous nous avez avancés; ce n'est pas que je ne veux pas vous répondre, mais

 21   je n'ai pas suffisamment d'informations. Lorsque vous me dites que les

 22   chiffres officiels vont de 3 à 5 000, je voudrais savoir à quelle date ce

 23   chiffre a été constaté, si ça a été constaté après 1999. Je crois qu'il

 24   n'est pas juste ou équitable de me critiquer de ne pas avoir relevé le

 25   chiffre en été 1999.

 26   Q.  Non, non, je ne vous critique pas. Je dis que par la suite vous aviez

 27   appris qu'il n'y avait eu que 3 à 5 000 de tués. Quand est-ce que vous

 28   l'avez appris, et de qui l'avez-vous appris ?

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  1   R.  Bien, au fur et à mesure que le temps s'est passé, les chiffres sont

  2   allés décroissant, mais je n'ai pas suivi pour ma part tous les récits

  3   portant sur les massacres au Kosovo, et événements du Kosovo, pour le reste

  4   de ma carrière. Je m'étais trouvé là à ce moment-là, je sais qu'il y a eu

  5   des milliers de personnes tuées et c'est exact. Or, la nature du

  6   journaliste est telle si vous faisiez des films documentaires ou des

  7   reportages, vous ne revenez pas sur le sujet pour dire, soit dit en

  8   passant, le chiffre était erroné. Alors j'ai beaucoup de satisfaction pour

  9   pouvoir le dire à présent, ça ne fait pas l'ombre d'un doute, mais je ne

 10   suis pas responsable des chiffres. J'ai la responsabilité de reporter ou

 11   d'informer de façon équitable et objective.

 12   Et quand la communauté internationale, lorsque la machine militaire

 13   de l'OTAN est entrée au Kosovo, les médecins légistes ont pu recueillir des

 14   déclarations d'Albanais et comptaient les morts. Ce n'était pas possible

 15   lorsque les hommes de Milosevic étaient présents au Kosovo. Alors vous ne

 16   pouvez pas me critiquer pour ce qui est des chiffres qui sont survenus

 17   après l'arrivée de l'OTAN au Kosovo, chose qui a rendu possible une

 18   collecte d'informations de façon tout à fait honnête et juste.

 19   Q.  Monsieur Sweeney, avez-vous entendu parler de cette notion que l'on

 20   appelle "dégâts collatéraux" ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Quand avez-vous, pour la première fois, entendu parler de ce terme-là ?

 23   R.  Bien, c'est de façon évidente, une phrase qui vient des films

 24   d'Hollywood; je crois que cela a fait son apparition pour la première fois

 25   lors de la guerre du Vietnam. C'est une phrase tout à fait horrible, parce

 26   que cela déshumanise les cas où l'armée commet de graves erreurs en

 27   bombardant des civils.

 28   Q.  Là nous sommes d'accord. Vous vous souviendrez du porte-parole de

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  1   l'OTAN, M. Jamie Shea et de ses rapports, il a très souvent utilisé ce

  2   terme tel que je l'ai avancé "dégâts collatéraux." Nous sommes bien

  3   d'accord pendant les bombardements ?

  4   R.  Oui, oui.

  5   Q.  Auriez-vous des informations disant combien de civils ont été tués au

  6   Kosovo suite aux "erreurs collatérales" ou "dégâts collatéraux" dû aux

  7   frappes aériennes de l'OTAN ?

  8   R.  Non, je ne le sais pas.

  9   Q.  Monsieur le Témoin, disposez-vous de données indiquant le nombre de

 10   civils qui ont été tués en tant que victimes collatérales des activités des

 11   forces armées, des forces de police serbe sur le territoire du Kosovo,

 12   alors que ces forces étaient en train d'essayer de mettre sous contrôle le

 13   désordre qui régnait au Kosovo ?

 14   R.  Je crains que cette question ne nous engage sur le terrain d'un débat

 15   particulièrement difficile, car si vous dites qu'il y avait un certain

 16   nombre de civils qui ont été tués alors que les forces serbes étaient en

 17   train d'essayer de mettre un terme au désordre, bien, je sais pour ma part,

 18   qu'il y a des cas tout à fait concrets, documentés, montrant que des Serbes

 19   ont assassiné des civils. C'était en 1998 qu'ils ont arrêté, torturé et

 20   soumis à des sévices un certain nombre de personnes.

 21   Donc les Albanais et les Kosovars diraient ici qu'il ne s'agissait

 22   simplement pas d'une opération de maintien de la paix, et nous ne sommes

 23   pas en train ici de comparer des choses comparables. C'est pourquoi je

 24   pense qu'il s'agit d'un débat qui n'est peut-être pas le plus souhaitable.

 25   Je me rappelle que lorsque les forces de l'OTAN ont bombardé Belgrade, un

 26   relais de télévision a été touché, un certain nombre de journalistes ont

 27   été tués. Cela était évidemment injustifiable et je ne dis pas uniquement

 28   ça parce que je suis un journaliste moi-même. J'ai souvent l'occasion de

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  1   dire que les infirmiers également ont pu périr dans ce genre de

  2   circonstances, c'étaient des victimes qu'on ne pouvait pas justifier. Et

  3   les journalistes sont loin d'être aussi indispensables que les infirmiers

  4   dans ce type de situation.

  5   Alors pour répondre à votre question quant au nombre de personnes qui ont

  6   été tuées lors des frappes de l'OTAN, en tant que victimes collatérales, je

  7   pourrais donner une estimation de quelques centaines de personnes et, bien

  8   sûr, chacune de ces victimes représente une tragédie à part entière, mais

  9   je ne pense pas qu'on puisse comparer ça avec les milliers de victimes des

 10   forces serbes.

 11   Q.  Je suis d'accord avec la première partie de votre réponse, mais pas la

 12   dernière. Et je vais poursuivre avec cette même question. Est-ce que vous

 13   avez connaissance qu'en plus des cibles qui étaient des cibles de la police

 14   Serbe et des forces armées serbes, l'OTAN a également visé des

 15   installations où étaient retenus des membres de l'UCK et peut-être des

 16   civils albanais du Kosovo ?

 17   R.  Oui. Vous parlez de la prison d'Istog, il y avait une prison qui a

 18   également été touchée.

 19   Q.  Vous avez parlé de maisons où étaient retenus des membres de l'UCK.

 20   Vous avez parlé de l'affaire Milutinovic, en tout cas, c'est ce que vous

 21   avez dit dans l'affaire Milutinovic et consorts lorsque vous avez déposé.

 22   Et selon vous, avez-vous déclaré que cet incident n'était pas certainement

 23   pas une coïncidence. Vous avez parlé d'une colonne de tracteurs qui

 24   transportait des civils. C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui. Si nous parlons de cette colonne de tracteurs, oui, effectivement.

 26   J'en ai fait état et j'ai dit que j'avais été particulièrement inquiet, je

 27   pensais qu'il s'agissait ici de quelque chose qui était concerté, et sur la

 28   base de ce que les survivants de cet incident ont pu me dire, cela cadrait

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  1   tout à fait avec cette hypothèse. Il s'agissait de personnes qui avaient

  2   été retenues, qui étaient emprisonnées par les forces serbes au moment où

  3   les forces de l'OTAN ont frappé cet objectif. Il est apparu que les Serbes

  4   avaient été avertis de ce qui allait se passer et que les communications

  5   militaires qui avaient eu lieu suite à cela ont ensuite été repérées par

  6   l'OTAN qui a procédé à la frappe.

  7   Ce qui s'est passé avec ces colonnes de tracteurs, c'est que les

  8   Serbes ont délibérément tué ces personnes en les visant avec des armes, en

  9   les faisant exploser, et les journalistes qui étaient présents en Serbie

 10   ont relevé cela également.

 11   Q.  Je suis d'accord avec vous dans cette situation. 

 12   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne souhaite pas

 13   interrompre mon estimé confrère, mais je voudrais juste demander s'il ne

 14   serait pas possible à chaque fois de préciser la référence exacte du

 15   passage de sa déposition dans l'affaire Milutinovic, parce que jusqu'à

 16   présent nous n'avons pas eu ces références. Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cela a été soulevé hier déjà,

 18   Maître Djordjevic. Je vous remercie.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, oui, je suis

 20   d'accord avec ma confrère, et j'accepte tout à fait ses remarques. Mais

 21   seulement dans le cas où le témoin me répondrait que quelque chose n'est

 22   pas exact, dans ce cas-là, je produirai une référence. Et dans la mesure où

 23   le témoin a confirmé ce que je lui ai présenté, je pense que nous n'avons

 24   pas besoin de perdre de temps ici et qu'il n'est pas indispensable de

 25   produire à chaque fois une référence. Je vais donc poursuivre avec mon

 26   contre-interrogatoire.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous vous référez à des extraits

 28   d'une déposition dans une autre affaire ou même dans le cadre de la même

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  1   affaire, il faudrait que les autres conseils soient en mesure de retrouver

  2   dans le compte rendu d'audience les références précises afin de pouvoir s'y

  3   reporter et de vérifier. Je pense donc que votre position n'est pas

  4   satisfaisante. Je vous remercie.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Comme je l'ai dit, j'accepte la remarque

  6   de ma consoeur, et à l'avenir nous nous y conformerons.

  7   Q.  Monsieur le Témoin, puisque vous étiez sur le terrain au moment de ces

  8   événements au Kosovo, est-ce que vous avez eu l'occasion de voir la

  9   couverture qui en été donnée par ABC depuis que vous étiez engagé sur le

 10   terrain au Kosovo ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Dans ce cas-là, je n'aurai pas de questions supplémentaires sur ce

 13   thème particulier. La Défense voudra verser une pièce particulière, mais il

 14   s'agit d'un enregistrement audio qui n'est pas particulièrement de bonne

 15   qualité. C'est pourquoi je ne voudrais pas le présenter aujourd'hui, en

 16   tout cas, pas avant que cet enregistrement ne puisse être remasterisé.

 17   Ma question suivante est : est-ce que durant les guerres de l'ex-

 18   Yougoslavie, vous aviez été à Vukovar, aussi à Vinkovsci, Zagreb et

 19   Zvornik; est-ce exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  C'est donc exact, Monsieur le Témoin ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Ma question suivante : est-ce qu'à partir de ces différents endroits,

 24   vous avez fait des reportages concernant les crimes de guerre commis par

 25   les forces de la Yougoslavie d'alors à l'encontre des peuples qui vivaient

 26   sur ces différents territoires ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous dites que vous avez fait des reportages dans toute cette zone.

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  1   Est-ce que vous avez également fait des reportages pendant la période au

  2   cours de laquelle s'est déroulée l'opération croate appelée Tempête ?

  3   R.  De quelle opération s'agissait-il ? Tempête, c'était à quel moment ?

  4   Q.  L'opération Tempête était l'unique opération militaire qui a eu lieu à

  5   la fin des affrontements entre les forces croates et le reste de la

  6   population serbe qui se trouvait dans la région de la Krajina, à Knin et en

  7   Lika, et lorsque d'autres régions également ont été prises. Il y a eu un

  8   convoi d'une importance considérable de plusieurs centaines de milliers de

  9   personnes qui ont quitté la zone pour la Serbie. C'était en été et je ne

 10   suis pas sûr de pouvoir vous donner la date exacte, mais avez-vous jamais

 11   couvert ces événements particuliers ?

 12   R.  Oui. Il me semble que mes fonctions avaient légèrement changé à ce

 13   moment-là, et que je n'étais plus en ex-Yougoslavie en 1995, lorsque les

 14   forces croates ont repris la Krajina et en ont chassé les Serbes. Donc je

 15   n'étais pas présent. Mais j'étais présent en 1999 [comme interprété], et à

 16   partir de 1999 [comme interprété] j'ai vu les horreurs qui ont été commises

 17   des deux côtés. J'étais tout à fait conscient du fait que les Serbes et la

 18   JNA conduisaient une offensive qu'ils s'étaient livrés à un bombardement de

 19   l'hôpital d'Osijek, et je savais également que des civils serbes innocents

 20   avaient été exécutés et torturés ou tués par des fascistes croates, ou des

 21   quasi-fascistes dans la ville d'Osijek, et j'ai fait un reportage sur ces

 22   thèmes également.

 23   Alors je n'ai pas couvert l'opération Tempête, parce que j'étais à ce

 24   moment-là basé à Londres. J'ai porté attention à toutes les différentes

 25   communautés qui existaient en ex-Yougoslavie, mais je portais tout

 26   particulièrement mon attention sur l'agression serbe, et aussi sur le fait

 27   que de nombreuses victimes étaient Serbes, parmi lesquelles, selon moi, il

 28   était évidemment exact qu'il se trouvait de nombreuses personnes

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  1   originaires de la Krajina.

  2   Q.  Lorsque vous parlez de "l'agression serbe," vous pensez peut-être aux

  3   attaques de la JNA contre les positions croates, le peuple croate, des

  4   cibles croates en général ? C'est ce que vous voulez dire ?

  5   R.  Si vous bombardez un hôpital, c'est une agression. Et les Serbes et la

  6   JNA ont bombardé à de multiples reprises l'hôpital d'Osijek. Ils ont

  7   procédé de même avec Sarajevo en 1992. A l'époque, je n'ai pas fait un

  8   décompte, mais l'information qui circulait qui était tout à fait

  9   vraisemblable était que la ville était bombardée de 3 000 obus environ par

 10   jour. Ils ont bombardé également l'hôpital de Sarajevo. Et j'ai utilisé le

 11   terme d'agression serbe de façon tout à fait intentionnelle, qu'il n'est

 12   absolument pas justifiable ni nécessaire de bombarder un hôpital. Cela est

 13   injustifiable.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez couvert les crimes commis par

 15   les Moudjahiddines en Bosnie et les crimes horribles qu'ils ont commis à

 16   l'encontre de civils serbes ?

 17   R.  C'est avec précaution que j'utiliserais aussi bien les termes Al-Qaeda

 18   que Moudjahiddines. Je ne suis pas sûr que cela s'applique véritablement

 19   ici. Bien entendu, j'ai entendu ce terme également, car la propagande des

 20   Serbes de Bosnie était particulièrement forte, notamment celle émanant de

 21   Pale et des amis et des parents de M. Karadzic. Cependant, je suis tout à

 22   fait conscient que la guerre se poursuivait sur le terrain et que toutes

 23   les communautés, tout d'abord les Serbes, mais également les Croates et les

 24   Bosniens, les Musulmans de Bosnie, se livraient à des actes de plus en plus

 25   barbares, et aucune de ces composantes ne pouvait être blanchie et

 26   considérée comme innocente.

 27   Je voudrais dire que pour ce qui concerne les chiffres, du point de vue de

 28   journaliste comme je l'étais à l'époque, le point de vue généralement

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  1   partagé était que le gros des actes et crimes avaient été commis par les

  2   forces serbes, ensuite à partir de 1993, les Croates ont commencé également

  3   à se livrer à des tueries, ensuite les Musulmans bosniaques également et

  4   numériquement cela se situait en dernière position.

  5   Q.  Est-ce que la couverture que vous en avez fait à l'époque correspond à

  6   ce que vous venez de dire à l'instant à ces différents sujets ?

  7   R.  Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire lorsque vous

  8   parlez de correspondance ici.

  9   Q.  Je vous prie de m'excuser, je vais essayer d'éclaircir ma question. Le

 10   contexte de la question que je vous ai posée est le suivant : est-ce que

 11   vous avez couvert uniquement les crimes commis par les forces serbes, ou

 12   bien avez-vous couvert également, comme vous venez de suggérer, les crimes

 13   commis par les autres parties au conflit ?

 14   R.  Oui, tout à fait. Un de mes amis qui a été tué en janvier 1992 à

 15   Osijek, Paul Jenks, a fait l'objet d'un compte rendu officiel selon lequel

 16   il avait été tué par un sniper serbe. C'était la version des Croates et du

 17   gouvernement. J'ai tourné un documentaire pour "channel" 4 et j'ai écrit

 18   des articles pour The Observer, suggérant qu'une autre version était à

 19   prendre en considération, qu'il y avait un certain Eduardo qui avait sans

 20   doute été impliqué dans ces événements.

 21   Je suis donc tout à fait ouvert et j'ai recueilli les témoignages de

 22   victimes dans des cas où les forces serbes n'étaient pas en cause. J'ai

 23   également, de façon tout à fait certaine, couvert également des événements

 24   dans lesquels les victimes avaient été des Serbes. Il y avait eu neuf

 25   Serbes qui ont été tués à Osijek. Ils ont été pris en embuscade. Ils se

 26   trouvaient tout simplement du mauvais côté, si vous voulez, au moment où la

 27   guerre a démarré. Il est absolument exact donc que j'ai couvert ce qui a

 28   été commis par les différentes parties.

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  1   Je suis tout à fait au courant également de l'islamisation

  2   progressive du côté bosnien. Mais honnêtement, comme je l'ai déjà dit,

  3   l'essentiel de la couverture qui a été la mienne a été fait entre 1991 et

  4   1994, et je ne suis pas revenu ensuite en 1995.

  5   Q.  Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

  6   Est-ce que vous pourriez maintenant clarifier ce que vous avez dit

  7   hier au sujet de votre travail pour "channel" 4 lorsque vous avez filmé des

  8   atrocités, des massacres. De quel type de massacre s'agissait-il ? Perpétré

  9   par qui ? Par quelle partie ? Vous avez dit qu'on vous avait "demandé de

 10   tourner des images relatives à ce massacre."

 11   R.  Lorsque j'ai mentionné cela, c'était dans le cadre d'un souci

 12   d'équilibre dans mon travail de reporter, j'ai ainsi couvert le massacre de

 13   Mala Krusa. Mais nous avons également couvert le fait que des Albanais

 14   avaient brûlé des maisons de Serbes, et nous l'avons montré dans notre film

 15   documentaire, parce que nous voulions nous livrer à un travail objectif du

 16   journalisme qui respecte l'éthique.

 17   Quant au massacre qui s'est produit fin mars, il me semble que l'homme qui

 18   vivait sur la rive occidentale de la rivière a pu s'échapper plus

 19   facilement en raison de l'endroit où il se trouvait. Ensuite, il y a eu ces

 20   hommes que j'ai rencontrés plus tard, fin mars ou début avril, toujours

 21   dans le cadre de mon reportage. Je me suis rentré chez moi à Londres pour

 22   les vacances de Pâques, et j'ai rencontré des collègues de "channel" 4 qui

 23   m'ont ensuite mandaté pour tourner un film. Dans mon esprit, c'était un

 24   film qui devait être consacré spécifiquement au massacre de Mala Krusa.

 25   Q.  Je vous remercie. C'est plus clair à présent. Est-ce que dans votre

 26   travail sur le terrain vous avez jamais eu connaissance que des civils de

 27   nationalité serbe aient été soumis à des crimes de la part de l'UCK tels

 28   que des enlèvements, des meurtres ?

Page 937

  1   R.  Oui. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas s'en rendre compte. La

  2   télévision de Belgrade faisait constamment état de cas de kidnappings,

  3   d'enlèvements, de tortures, de meurtres auxquels s'est livrée l'UCK, et

  4   nous en avions tout à fait conscience.

  5   Q.  Entendu. Mais il s'agissait de reportages à la télévision serbe. On

  6   aurait pu considérer cela comme de la propagande serbe. Ce qui m'intéresse,

  7   c'est de savoir si vous, personnellement, vous vous êtes jamais intéressé à

  8   ces cas-là également.

  9   R.  Je n'ai pas eu l'occasion de travailler sur des cas de ce type à Mala

 10   Krusa, non. Mais il faut dire que dès le départ, je me suis concentré sur

 11   le massacre de Mala Krusa. Ceci dit, dès le départ également j'avais

 12   conscience du contexte plus large.

 13   Cependant, si l'on regarde la population et sa structure au Kosovo,

 14   il me semble qu'il y avait 9/10 d'Albanais et 1/10 de Serbes. Nous avions

 15   donc une situation qui ressemblait à celle de l'apartheid en Afrique du

 16   Sud, où je ne me suis pas rendu avant la fin de l'apartheid. Nous avions

 17   donc une situation dans la quelle une petite minorité essayait de contenir

 18   et de dénier les droits d'une majorité. Cela, vous pouvez y arriver qu'en

 19   vous livrant à la torture et au meurtre.

 20   Par conséquent, la majeure partie des crimes, des meurtres, ont été

 21   commis par les Serbes à l'encontre de la population civile albanaise, et

 22   non pas l'inverse. Procéder à des comparaisons et traiter de façon égale

 23   les deux côtés ne serait pas justifiable, ça ne serait pas dire l'ensemble

 24   de la vérité. Car la vérité, c'est que la majorité albanaise était opprimée

 25   par la minorité serbe. C'est d'ailleurs ce qui a conduit finalement l'OTAN

 26   à conduire la campagne qu'elle a conduite, et en conséquence de cela,

 27   évidemment, a conduit à l'attaque par les forces serbes de la population

 28   albanaise. Alors je me suis concentré sur Mala Krusa.

Page 938

  1   Mais s'il y avait eu des éléments allant dans le sens de l'enlèvement

  2   ou de la torture qui aurait été infligée, par exemple, à Dimitri Nikolic et

  3   à sa famille, bien, j'aurais évidemment essayé de trouver, j'aurais trouvé

  4   ce qui s'est passé et j'aurais fait un reportage sur ce sujet également.

  5   Mais cela n'a pas été le cas alors qu'à l'inverse s'il y avait eu des

  6   preuves d'actes de violence ou de maisons de Serbes qui avaient été

  7   incendiées par les Albanais, nous en aurions fait état.

  8   Pour ce qui concerne la question de la propagande et de la télévision

  9   serbe, le problème, à mon sens, c'est que la télévision serbe ne faisait

 10   jamais état des crimes qui étaient commis par les Serbes. Il y avait un de

 11   mes amis qui travaillait pour l'OSCE, et il a fait état du cas d'une

 12   famille de cinq Albanais qui ont péri dans un accident de la route. C'était

 13   sur un tracteur, et cela a été couvert comme étant un accident de la route

 14   qui se serait produit en 1998. Mais à vrai dire, ce qui s'est passé, c'est

 15   qu'une équipe de policiers du MUP les avait pris en embuscade, parce qu'ils

 16   pensaient qu'il s'agissait de trafiquants d'armes de l'UCK. Ils ont tiré

 17   sur le tracteur, ils ont tué ces personnes et ils se sont rendu compte,

 18   qu'après coup, qu'il s'agissait d'une famille de civils qui n'étaient pas

 19   armés. Alors, cela vous montre pourquoi nous avions du mal à avoir

 20   confiance en la couverture qui était celle de la télévision de Belgrade.

 21   Quant à la question des Albanais, il y avait beaucoup d'éléments qui

 22   convergeaient. C'était en première page du Observer. Lorsque les frappes de

 23   l'OTAN ont été conduites, cela a entraîné des difficultés diplomatiques

 24   avec notamment le gouvernement chinois, puisque l'ambassade chinoise à

 25   Belgrade a été visée et un de mes collègues danois avait affirmé que l'OTAN

 26   avait délibérément visé l'ambassade chinoise. Cela a fait la une du

 27   Observer.

 28   Evidemment, nous avons eu des problèmes après avec les Britanniques

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  1   et les Américains. Votre idée était que j'aurais peut-être délibérément

  2   exagéré les événements qui m'étaient relatés par les victimes albanaises et

  3   que j'aurais eu un point de vue favorable à l'OTAN, mais cela n'est

  4   absolument pas vrai. J'ai tout fait pour résister à cette tentation.

  5   Q.  Je ne suis pas sûr d'avoir reçu la réponse à ma question.

  6   Ma question suivante, Monsieur Sweeney : est-ce que vous aviez des

  7   informations indiquant que les opérations des forces serbes avaient été

  8   planifiées, qu'il s'agissait d'une opération de purification ethnique et

  9   qu'il avait là une chaîne de commandement, il s'agit là évidemment de

 10   plusieurs questions. Je vous prie de m'excuser.

 11   R.  Il n'y a pas de problème. Quant à la question de savoir "où j'ai des

 12   informations indiquant que ces actions étaient concertées ?" Personne ne me

 13   l'a dit. C'était une simple déduction. Le vendredi de cette fin mars, il y

 14   avait 750 hommes dans 15 bus qui avaient été réquisitionnés, qui ont pris

 15   position autour de Mala Krusa. Il y avait des chars. Il y avait également

 16   des véhicules blindés et des camions. Ces hommes serbes étaient en uniforme

 17   de la milice serbe et tout cela exige une planification très précise, car

 18   cette partie du Kosovo est très éloignée, c'est un long chemin qui a dû

 19   être parcouru par ce convoi pour se rendre sur place. C'est pourquoi que je

 20   suis persuadé que cela exigeait une planification très précise.

 21   Ensuite, vous avez également des preuves des tentatives de dissimulation

 22   qui ont eu lieu. Les réfugiés albanais m'ont dit, ainsi qu'à leurs amis et

 23   à leurs familles, ils m'ont dit que leurs amis et leurs familles avaient

 24   été assassinés. Ce que j'ai compris c'est qu'après l'invasion du Kosovo

 25   opérée par l'OTAN, cela s'est produit 12 juin, c'est après que je me suis

 26   rendu sur le terrain.

 27   Lorsque nous nous sommes rendus sur place là où se trouvait la grange,

 28   cette dernière n'existait plus. Il n'y avait plus que deux trous dans le

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  1   sol, et ça également demande une organisation très minutieuse. Alors vous

  2   ne pourriez pas parvenir à cela si ça n'était pas organisé depuis le

  3   sommet. Comment pourriez-vous vous débarrasser d'une centaine de corps

  4   autrement ?

  5   Q.  Monsieur Sweeney, vous avez dit vous-même qu'à l'époque l'état de

  6   guerre avait été déclaré en République fédérale de Yougoslavie, et ce, pour

  7   un motif qui était le bombardement de l'OTAN. Est-ce que j'ai raison de

  8   dire cela ?

  9   R.  Il y a eu un moment où je considère que les gouvernements occidentaux

 10   en ont vraiment eu assez de contempler le spectacle de civils kosovars,

 11   albanais se faire massacrer. Ils ont voulu mettre un terme à cela. Ils ont

 12   demandé à M. Milosevic d'y mettre un terme. Il n'a pas réagi, et

 13   finalement, les frappes aériennes ont eu lieu. Ceci a été une réaction

 14   immédiate, en effet.

 15   Q.  Bien. Nous n'allons pas polémiquer sur ce point, car cela ne ferait

 16   qu'entamer entre nous un débat prolongé et complexe. Nous n'avons pas

 17   toutes les réponses et nous ne sommes pas ici pour apporter ces réponses,

 18   c'est la seule chose qui nous est interdite, donc je ne vais pas faire de

 19   commentaire.

 20   Monsieur Sweeney, quand Mme Kravetz, ma collègue, recueillait des

 21   informations auprès de vous, à votre sujet, nous avons entendu et compris,

 22   si je ne m'abuse, que vous êtes diplômé de la London School of Economics,

 23   n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-il exact, comme vous le dites dans votre déclaration préalable, que

 26   vous n'avez subi aucun entraînement militaire ? Vous le dites dans votre

 27   déclaration du 22 janvier 2002, du 23 janvier 2002 et du 24 janvier 2002.

 28   Mais j'ai encore quelques éléments à vous communiquer avant votre réponse.

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  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je demanderais à ce sujet l'aide des

  2   responsables de la Chambre. Il s'agit du document 65 ter numéro D001-4054.

  3   C'est la déclaration préalable du témoin en anglais. Et j'aimerais qu'un

  4   exemplaire de cette déclaration soit remis au témoin pour qu'il se penche à

  5   la page 2 du document.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que j'en ai déjà un exemplaire ici.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce qu'il faudrait peut-être afficher

  8   ce document pour que chacun puisse le voir dans le prétoire. Page 2, donc.

  9   Nous avons ici la page 1. Je demande que l'on affiche la page 2. Je vous

 10   remercie. Nous avons donné notre accord pour donner les références qui

 11   s'imposent. Je vais donc respecter mon engagement.

 12   Q.  Paragraphe 2, ce que vous dites au paragraphe 2, je cite : "Je n'ai

 13   subi aucun entraînement militaire préalable, mais si j'ai suivi un stage de

 14   connaissance du champ de bataille…" Est-ce que exact ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Je vous remercie. Monsieur Sweeney, est-ce que peut-être vous auriez

 17   subi une formation particulière qui vous permet d'être expert en matière

 18   militaire et policière, ainsi qu'en matière liée au sujet événements

 19   historiques et politiques et en matière liée à la médecine légale ? Est-ce

 20   que vous auriez subi une formation complémentaire dans ces domaines même si

 21   vous n'en avez peut-être aucune expérience personnelle ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  En raison de la déclaration que vous avez faite au sujet de la

 24   situation politique dans le pays. C'est en raison de cela que s'agissant de

 25   cette déclaration que vous avez faite devant le bureau du Procureur, je

 26   considère qu'elle est nulle et non avenue. Car un témoin est censé parler

 27   de ce qu'il sait et pas de ce qu'il pense.

 28   C'est la raison pour laquelle je considère cette partie de votre

Page 942

  1   déclaration préliminaire comme problématique. Et je vais poursuivre mes

  2   questions de ce contre-interrogatoire jusqu'à la pause, si vous me le

  3   permettez.

  4   Monsieur Sweeney --

  5   R.  Est-ce que je peux répondre à ce que vous venez de dire ?

  6   Q.  Je vous en prie.

  7   R.  C'est peut-être un peu snob que de dire que parce qu'on n'a suivi

  8   aucune formation, on ne peut pas rendre compte d'un événement. En tant que

  9   journaliste britannique de l'année - titre que j'ai reçu - j'ai contribué à

 10   révéler des erreurs judiciaires concernant huit personnes en 2001, et je me

 11   suis rendu dans un très, très grand nombre de zones de guerre. Donc lorsque

 12   je vais dans un endroit pour couvrir un massacre, je crois que je suis

 13   habileté à le faire.

 14   Q.  Mais ce n'était pas ce que je vous disais. Je vous parlais du contenu

 15   politique, historique, militaire, policier de vos articles au sujet des

 16   faits. Ce que vous êtes en droit de le faire ou pas, ce n'est pas à moi à

 17   en juger. Donc nous nous sommes mal compris.

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche sur les écrans

 19   la page 5 de votre déclaration, de la déclaration préalable du témoin M.

 20   Sweeney.

 21   Q.  Monsieur Sweeney, je vous prierais de vous pencher sur le troisième

 22   paragraphe de cette page.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Nous en arrivons à la question que je vous annonçais tout à l'heure.

 25   Selon ce que vous dites, vous avez été informé du fait que Batusha se

 26   trouvait à l'endroit où étaient les cadavres, n'est-ce

 27   pas ?

 28   R.  Oui. De façon à ce que tout soit clair, je suis en train de me pencher

Page 943

  1   sur le paragraphe 3 qui est affiché à l'écran, c'est-à-dire le paragraphe

  2   qui commence par : "Le trou mesurait tant et tant…" en anglais, n'est-ce

  3   pas ? Donc là, je ne m'appuie pas sur des éléments qui m'auraient été

  4   communiqués par d'autres. C'est le commentaire que je voudrais faire.

  5   Q.  C'est exact, Monsieur Sweeney, mais je tiens à ce que tout soit

  6   absolument clair. Vous dites que les trous que vous avez vus de vous yeux

  7   résultaient principalement d'explosion à la dynamite, et comme vous n'avez

  8   pas subi d'entraînement militaire avant de venir déposer, voici la question

  9   que je voudrais vous poser : savez-vous quelles sont les conséquences d'une

 10   explosion à la dynamite ou d'une explosion à toute autre explosif tel que

 11   le TNT, par exemple, pour ne pas énumérer tous les explosifs existant ?

 12   Avant d'avoir appris ce que vous avez éventuellement appris en la matière,

 13   est-ce que vous avez eu un contact avec quelque équipe que ce soit ? Par

 14   exemple, vous dites qu'une équipe est arrivée plus tard de Grande-Bretagne.

 15   Je crois qu'il s'agissait en fait de représentants de Scotland Yard venus

 16   d'Ecosse, qui ont procédé à une enquête et qui ont participé à l'enquête

 17   dont nous parlons ici. Est-ce que c'est de cette façon que vous avez appris

 18   qu'il s'agissait de dynamite et que les trous se trouvaient là et étaient

 19   le résultat d'une explosion à la dynamite, ou est-ce que c'est simplement

 20   une supposition de votre part et que vous n'avez aucune information fiable

 21   quant à la réalité de ce que vous pensez et dites dans cette partie de

 22   votre déclaration préliminaire ?

 23   R.  Mon caméraman m'accompagnait. Il s'agit de James Miller, qui a été tué

 24   à Gaza en 2003. Mais je pense que lui a subi un entraînement au sein des

 25   Gardes irlandais. Il avait, je crois, une certaine expérience militaire, et

 26   je pense que James a estimé exactement la même chose que j'ai estimée moi-

 27   même. Mais il est exact que je n'ai pas subi officiellement un entraînement

 28   militaire. Il est également exact que j'ai rendu compte des guerres dans

Page 944

  1   l'ex-Yougoslavie et de l'invasion de l'OTAN, ou plutôt, de l'invasion

  2   britannique et américaine de l'Afghanistan et de l'invasion occidentale du

  3   nord de l'Irak en 1991, et encore une fois de l'Irak en 2003. J'ai

  4   également été présent dans des zones de guerre aussi diverses que le

  5   Burundi et l'Angola, et j'ai assisté à toutes sortes de troubles et de

  6   guerres civiles.

  7   Donc je ne dis pas que je suis expert en matière de médecine légale,

  8   loin de là, mais par ailleurs je ne trouve pas ça un trou profond creusé

  9   dans le sol, et il semblerait bien que deux explosions aient donné lieu à

 10   l'existence de ce trou dans la grande de Batusha. Mais je ne pense pas que

 11   vous puissiez dire que parce que je n'ai subi aucun entraînement militaire,

 12   je ne sais pas faire des déductions ou tirer des conclusions sur la base de

 13   ce que je vois.

 14   Q.  Est-ce que vous avez des témoins parmi les Albanais qui vous auraient

 15   confirmé que les forces serbes étaient venues et avaient fait sauter la

 16   grange avec de la dynamite précisément, ou est-ce que c'est encore une

 17   conclusion de votre part ?

 18   R.  Non, manifestement pas, parce que tous les survivants du massacre de la

 19   grange se sont immédiatement enfuis. Personne n'est resté autour du trou en

 20   dehors de la population serbe, des membres de la communauté serbe, des

 21   villageois serbes. Donc la dynamite et les tentatives de masquage de tout

 22   ce qui s'était passé et de la mort d'une centaine de personnes, donc

 23   l'existence d'une centaine de cadavres, s'est faite en dehors de la

 24   présence du moindre témoin albanais. Donc, comme je l'ai dit, ce que je

 25   viens de déclarer est une déduction de ma part. Est-ce qu'il s'agissait de

 26   dynamite ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, c'était un explosif, un trou,

 27   ou plutôt, deux trous, d'une telle profondeur creusés dans le sol qui

 28   donnait l'impression qu'un bâtiment s'était écoulé juste à côté.

Page 945

  1   Quelle est la cause qu'on peut assigner à une explosion de cette

  2   importance ? Est-ce que j'ai raté quelque chose là ?

  3   Q.  Si vous me posez la question, bien que je ne suis pas en train de

  4   discuter avec vous, cela aurait pu être dû à l'explosion d'une grenade ou

  5   d'un obus de mortier ou d'une bombe aérienne ou d'un autre élément. Mais

  6   c'est la raison pour laquelle je vous ai demandé si vous aviez trouvé une

  7   trace particulière d'un explosif particulier, ou un autre élément de preuve

  8   avérant la nature de l'explosif ou un morceau de la grange, par exemple,

  9   qui vous aurait permis de tirer cette conclusion. C'est pourquoi je vous ai

 10   posé la question que je vous ai posée, et j'ai lu attentivement le rapport.

 11   J'ai vu ce que vous aviez écrit au sujet des particules de terre, et je

 12   vous ai posé la question dans ce cadre.

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ceci met fin à mon

 14   contre-interrogatoire. Je pense qu'il est temps pour la pause. Je ne pense

 15   pas que ce soit une bonne idée de passer à une autre série de questions du

 16   contre-interrogatoire immédiatement. J'en ai terminé de cette partie de mon

 17   contre-interrogatoire.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire la première pause.

 19   --- L'audience est suspendue à 15 heures 26.

 20   --- L'audience est reprise à 16 heures 03.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 23   Je demande que l'on affiche la page 9 de la déclaration préliminaire du

 24   témoin. Merci.

 25   Q.  Monsieur Sweeney, vous avez devant vous la page 9 de votre déclaration,

 26   celle dont nous parlons déjà depuis quelque temps. Et je vous demanderais

 27   de vous pencher sur le paragraphe 5 dans cette page, où vous parlez des

 28   preuves --

Page 946

  1   R.  Avant d'en arriver là, j'aimerais, si vous le permettez, revenir sur ce

  2   que vous avez dit avant la pause. Je décrivais les trous creusés dans le

  3   sol et la grange de Batusha en disant qu'elle avait sauté à l'aide de

  4   dynamite. Vous avez dit que l'explosion pouvait être due à un obus de

  5   mortier ou de canon, ou à une bombe aérienne. Je pense que vous avez tort

  6   au sujet de cela, pour les raisons suivantes : une grenade ou un obus de

  7   mortier, ou de canon provoque des dommages beaucoup moins importants, même

  8   si le trou peut ressembler à un terrain de football. Mais en aucun cas

  9   d'une taille comme celle que j'ai vue. En Tchétchénie, j'ai vu pas mal de

 10   trous de grande taille qui sont dus à des objets tombant du ciel, comme par

 11   exemple, une bombe, mais cela n'a rien à voir. Donc quand j'ai dit

 12   dynamite, je voulais dire explosifs, explosifs de façon générale, et je

 13   m'en tiens à ce que j'ai dit. Je n'accepterai en aucun cas les propositions

 14   de rechange venant de vous. Je voulais être clair sur ce point.

 15   Q.  Croyez-moi ou pas, je n'ai pas d'avis personnel sur la question. Il y a

 16   des experts qui seront consultés. Il y a même des photographies des maisons

 17   voisines où l'on peut constater les dommages subis par ces maisons,

 18   notamment au niveau des fenêtres. Il me semble inutile de poursuivre sur ce

 19   sujet; je vous remercie de vos explications.

 20   Donc page 9 de votre déclaration préliminaire : vous parlez de preuves

 21   d'organisation et de preuves de l'existence d'une chaîne de commandement,

 22   et vous dites que ceci est la conclusion que l'on peut tirer sur la base du

 23   fait que les autobus avaient des plaques d'immatriculation de Nis, de

 24   Leskovac, et cetera, et que ces véhicules étaient arrivés au Kosovo. Vous

 25   parlez également d'un homme de Subotica, et encore une fois vous avez pris

 26   contact avec lui par le truchement de témoins dont il est fait état dans

 27   votre déclaration préliminaire.

 28   Mais la raison pour laquelle j'aimerais vous interroger au sujet de

Page 947

  1   ce que vous dites dans cette page de votre déclaration, c'est que je ne

  2   comprends pas très bien pour quelles raisons vous dites qu'il doit s'agir

  3   d'une organisation importante; organisation dont l'existence est prouvée

  4   par un certain nombre d'éléments, et qui aurait une chaîne de commandement

  5   particulière, et cetera, étant donné que ce sont, en fait, des actions

  6   légales qui sont menées dans un pays en guerre. Qu'est-ce qu'il y a de si

  7   étonnant à ce sujet ? On sait qu'en temps de guerre, on utilise tous les

  8   moyens disponibles, même à des coûts très importants, notamment pour un

  9   pays qui subit des sanctions à l'époque. Donc il s'agit de civils qui ont

 10   subi des souffrances importantes la plupart du temps, et pas des dirigeants

 11   du pays. Qu'y a-t-il donc d'étonnant au sujet de tout cela ? Pourquoi est-

 12   ce que vous en concluez qu'il existait une chaîne de

 13   commandement ? A mon avis, ce ne sont que des actions tout à fait normales.

 14   Est-ce que vous conviendriez avec moi --

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vraiment, c'est une question

 18   extraordinairement longue et qui devient de plus en plus longue. Pourriez-

 19   vous, je vous prie, vous limiter un peu, car je crois que vous avez exposé

 20   votre argument clairement, et que le témoin devrait pouvoir répondre. Mais

 21   je ne pense pas que cela puisse l'aider de prolonger la question.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président --

 23   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président --

 24   M. DJORDJEVIC : [interprétation] -- j'admets et j'accepte vos commentaires.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Une précision, je vous prie. Je ne sais pas

 26   si c'est un problème d'interprétation, mais je ne vois pas mention de cela

 27   au paragraphe 5.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La question était si longue qu'elle a

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  1   dépassé les capacités des sténotypistes. Mais nous pourrions peut-être

  2   entendre la réaction du témoin à ce que vous avez dit.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je peux répéter.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne pense pas qu'il soit nécessaire

  5   que vous vous répétiez pour le moment. Entendons d'abord la réaction du

  6   témoin, ensuite vous pourrez peut-être préciser un peu les choses suite à

  7   sa réponse.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Maître Djordjevic, vous venez de dire que tout

  9   ceci n'était que le signe d'action normale. Mais excusez-moi, le meurtre de

 10   plus de 100 hommes et jeunes gens dans une grange n'est pas une action

 11   normale; c'est un crime de guerre. Je crois que ceci a effectivement eu

 12   lieu, car je crois ce que les Albanais m'ont dit, isolément et en groupe,

 13   et en tout cas je ne crois pas qu'ils mentaient. J'en arrive maintenant à

 14   cette question de l'organisation des autobus. Quinze autobus et un très

 15   grand nombre d'hommes, des autobus venant de lieux qui sont très éloignés

 16   du Kosovo. L'explosion de la grange qui donne tous les signes, à mon avis

 17   en tout cas, de quelque chose qui a sauté à la dynamite, et la disparition

 18   de plus de 100 hommes et jeunes gens qui ne sont jamais revenus. Ils ont

 19   été assassinés, et leurs cadavres ont disparu. Ceci exige une organisation,

 20   l'organisation des hommes de la police venue de Serbie à bord d'autobus

 21   venant de Leskovac et de Nis, et l'organisation sur le terrain visant à

 22   choisir les hommes et les jeunes gens, ceci a été prouvé par les Albanais

 23   qui en ont apporté la preuve, organisation nécessaire où les hommes placent

 24   leurs mains sur la tête, et que des mitrailleuses soient mises en place

 25   pour les tuer, et qu'ensuite des tentatives soient faites pour détruire les

 26   preuves. Tout ceci exige une organisation. Nous parlons d'un déplacement de

 27   plus de 100 personnes qui ont été tuées. On ne peut pas faire cela dans une

 28   société normale, ouverte et démocratique telle que les sociétés d'Europe

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  1   occidentale. Si les Britanniques devaient agir ainsi où que ce soit dans le

  2   cadre de combats se déroulant où que ce soit dans le monde, cela ferait

  3   scandale. On ne peut pas tuer 100 personnes et cacher leurs cadavres sans

  4   qu'il y ait une organisation.

  5   Q.  Ne me parlez pas de l'armée britannique, je vous prie. Je n'ai aucune

  6   intention d'entrer dans ce sujet avec vous. Autrement dit, vous affirmez

  7   que les forces qui sont arrivées à bord des autobus sont les auteurs de ce

  8   crime.

  9   R.  Non. Enfin, ceci semble très, très vraisemblable, mais je ne peux pas

 10   certifier qui est l'auteur de ce crime. La seule chose que nous avons, ce

 11   sont les preuves fournies par le film. Les Albanais adultes et enfant

 12   disent qu'il y a eu sélection, et un grand nombre de personnes qui sont de

 13   simples paysans, qui ne sont pas des gens très évolués, qui ne vivent pas

 14   dans des villes, je crois que ces personnes ne mentaient pas et on dit la

 15   vérité. Elles ont reconnu certaines personnes. Elles ont vu ce qui se

 16   passait. Elles ont été terrifiées à cause de l'arrivée des forces Serbes,

 17   puis il y a la mitrailleuse, et il y a six témoins dans la grange. Il

 18   s'agit de survivants, parce que ces personnes ont été couvertes,

 19   recouvertes par les cadavres de leurs amis et des membres de leurs

 20   familles, et ces personnes ont été couvertes de sang. Egalement, elles ont

 21   reconnu les forces Serbes. C'est ce que ces personnes ont dit. Je crois

 22   qu'il y a plus que suffisamment d'éléments de preuve qui corroborent la

 23   description générale, pour penser que ces personnes ont dit la vérité. Si

 24   j'avais trouvé une contradiction dans leurs propos, j'en aurais rendu

 25   compte parce que c'est mon devoir. Je ne veux en aucun cas faire publier

 26   des mensonges, mais il y a eu corroboration de choses que j'ai entendu

 27   dire, et il est absolument vrai que j'ai parlé à des dizaines de personnes,

 28   que leurs récits étaient cohérents et qu'ils donnaient une image globale et

Page 951

  1   cohérente d'un massacre qui a eu lieu.

  2   Q.  Nous avons entendu parler de cela hier, mais ma question portait sur

  3   l'organisation. Brièvement, vous avez apporté une réponse très longue, mais

  4   enfin, je ne vais pas vous poser de questions complémentaires suite à tout

  5   ce que vous venez de dire très longuement. Même page de votre déclaration

  6   préliminaire, mais paragraphe 7 maintenant : vous dites dans ce paragraphe

  7   que l'expérience a démontré que dans l'ex-Yougoslavie, rien n'arrivait en

  8   l'absence d'ordres venant d'en haut. Conviendriez-vous avec moi que vous

  9   avez dit cela en situant votre propos dans un contexte négatif, qui est

 10   marqué par tout ce que vous avez dit dans la déposition que vous avez faite

 11   dans l'affaire Milosevic en 1990, contexte qui s'appuie sur l'expérience

 12   que vous avez du moment où Milosevic en 1997, selon ce que vous déclarez, a

 13   envoyé des chars contre des étudiants, et aux rapports de Milosevic avec le

 14   Kosovo ?

 15   R.  Excusez-moi, je suis à la page 7. Je ne trouve pas le paragraphe dont

 16   vous parlez.

 17   Q.  Page 9.

 18   R.  Page 9, paragraphe 7.

 19   Q.  Oui.

 20   R.  Oui. Oui, c'est ce que je déclare. Je suis d'accord avec moi-même. Je

 21   confirme.

 22   Q.  Mais ma question consistait à vous demander si cette déclaration, étant

 23   donné l'expérience que vous avez acquise entre 1991 et 1999, a été faite

 24   dans un contexte négatif par rapport aux dirigeants Serbes.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Je vous remercie. Connaissez-vous la constitution de la Yougoslavie de

 27   l'époque, en tout cas en partie ?

 28   R.  Pas de façon approfondie. Enfin, je dirais que j'ai fait quelques

Page 952

  1   études de politique, et l'une des choses qui m'a frappé, c'est qu'une

  2   constitution peut être merveilleuse, et que la réalité du pays peut être

  3   désastreuse. La constitution de l'Union soviétique, que j'ai étudiée en

  4   1977, était superbe, mais la réalité de la vie en Union soviétique était

  5   détestable. Donc je n'ai pas ressenti le besoin, pour cette raison,

  6   d'étudier en détail la constitution de la Yougoslavie de l'époque. Puis

  7   j'ajouterais que mon point de vue sur la constitution Yougoslave très

  8   franchement n'a aucun intérêt, à mon avis.

  9   Q.  Etant donné la déclaration préliminaire que vous avez faite, je vous

 10   demande si cela vous étonne que ce soit les dirigeants d'un pays qui

 11   décident si oui ou non l'état de guerre va être proclamé, étant donné que

 12   le pays en question est attaqué par les forces mondiales les plus

 13   importantes le 24 mars, et que le pays est bombardé pendant 72 jours sans

 14   interruption. Est-ce que cette décision de la part des dirigeants du pays

 15   vous surprend ?

 16   R.  Je crois que cette histoire est bien plus compliquée que cela. Mais

 17   non, je ne suis pas surpris. Je ne trouve pas cela inhabituel que de voir

 18   ce type de réaction.

 19   Q.  Merci de la réponse précise. Est-ce que vous pensez que les incidents

 20   sont survenus au Kosovo suite à des ordres venant du haut ? Et là on parle

 21   du crime de Mala Krusa, notamment. Est-ce qu'à cet effet vous auriez des

 22   éléments de preuve pour ce qui est, par exemple, de témoignages qui

 23   illustreraient la corrélation entre le haut, donc Belgrade, et le bas,

 24   c'est-à-dire les auteurs, les perpétrateurs [phon]  de ce qui s'est produit

 25   sur le terrain même ?

 26   R.  Non. On peut tirer certaines conclusions partant de l'organisation

 27   telle qu'elle se présentait sur le terrain, mais indépendamment de cela,

 28   j'ai rédigé des récits au sujet de ce que l'on a appelé l'opération Fer à

Page 953

  1   cheval. Il s'agit d'un récit où il est question de l'intention de Milosevic

  2   et de ses acolytes de procéder à un nettoyage ethnique du Kosovo. Une fois

  3   de plus, c'est comme pour ce qui est du récit relatif au chiffre. C'est un

  4   récit où j'ai pu procéder les sources, mais il y a d'autres témoignages, ou

  5   témoignages d'une autre qualité, qui sont des descriptions faites par des

  6   témoins oculaires de ce qui s'était passé à Mala Krusa, et il y a aussi le

  7   témoignage qui provient de ce que j'ai vu de mes yeux à Mala Krusa. Alors,

  8   j'affirme qu'il y a eu un massacre à Mala Krusa, et pour ce qui est de

  9   cette opération Fer à cheval, je ne suis pas tout à fait sûr du fait que ce

 10   soit un récit véridique, et aussi si cela est quelque chose de fabriqué.

 11   Mais toujours est-il que les Albanais qui ont été en corrélation, qui

 12   étaient liés à la direction de l'UCK, ont dit que cela faisait partie d'un

 13   planning et que cela venait du haut, de Milosevic.

 14   Q.  Monsieur Sweeney, pour autant que je m'en souvienne, en me préparant

 15   pour ce contre-interrogatoire, vous avez précisé que la source pour tout ce

 16   qui vous a été donné d'apprendre au sujet de cette opération Fer à cheval

 17   sont des sources d'origine du renseignement Allemand, de la BND.

 18   R.  Il se peut que cela soit vrai en partie, mais je suis certain d'avoir

 19   vérifié cela avec quelqu'un d'autre. J'imagine qu'il doit y avoir eu

 20   plusieurs sources, et au moins plusieurs sources albanaises. Ce n'est pas

 21   une bonne idée que de baser un récit rien que sur une source.

 22   Q.  Est-ce que vous avez pour ce récit fait référence à des sources serbes

 23   aussi ?

 24   R.  Cela peut paraître inhabituel, mais j'avais un bon ami qui était ex-

 25   policier à Belgrade. Ce qui fait que j'ai également disposé de sources

 26   serbes, des diplomates aussi, mais personne en provenance du haut du régime

 27   Milosevic, du sommet du régime de Milosevic.

 28   Q.  Est-ce que vous avez, au sujet des ces amis serbes puis le policier,

Page 954

  1   avez-vous donné son nom pour un témoignage potentiel dans ce procès ?

  2   R.  Non. Il n'a pas été question de cela. Cet homme n'a pas été au Kosovo,

  3   il ne sait rien au sujet de ce massacre de Mala Krusa. Et s'agissant des

  4   gens de Belgrade et notamment de l'opposition au régime de Milosevic,

  5   c'étaient des rumeurs qui avaient couru, mais il ne savait rien de concret

  6   au sujet de ce qui s'était passé à Mala Krusa ou au Kosovo. Et ceci s'est

  7   terminé par un déplacement en personnes là-bas.

  8   Q.  Alors on a parlé de cette opération Fer à cheval et non pas de Mala

  9   Krusa, mais ceci suffit. Vous avez dit qu'il y a eu là des rumeurs, des

 10   bruits qui ont couru. Au sujet de ce que vous avez écrit pour ce qui est de

 11   la rumeur disant que des forces serbes allaient commettre des crimes contre

 12   le groupe ethnique et procéder à un nettoyage ethnique au Kosovo, quand

 13   est-ce que vous avez publié ça ? En quelle année ? Vous en souvenez-vous ?

 14   R.  Je pense que cela figure quelque part dans ma déclaration. Puis-je y

 15   jeter un coup d'œil ? Oui. Alors penchez-vous sur la page 10. Il y est dit

 16   et je donne lecture de ce que j'ai déclaré :

 17   "De mars à novembre 1999, j'étais en Albanie et au Kosovo pendant des

 18   périodes de temps prolongées et j'ai entendu parler d'une opération Fer à

 19   cheval. Il s'agissait d'un planning du gouvernement yougoslave visant à

 20   procéder au nettoyage ethnique du Kosovo par le biais d'une action

 21   militaire contre la population albanaise. On avait notamment ciblé les

 22   secteurs frontaliers. Et prétendument cette opération Fer à cheval aurait

 23   été citée ou identifiée par des services de Renseignements allemands, la

 24   BND, ensuite ça a été repris par le magazine Times.

 25   Alors, j'ai dit: "Je n'avais pas d'information de première main pour ce qui

 26   est d'une opération planifiée qui serait documentée."

 27   Alors s'agissant de ma source, du magazine Times, c'est surtout le

 28   magazine Times et non pas la source de renseignement allemande. Donc

Page 955

  1   toujours est-il que la source c'est la lecture de ce reportage et j'ai

  2   procédé à des vérifications avec des Albanais du Kosovo que j'ai contactés,

  3   puis je me suis procuré d'autres informations encore pour rédiger mon

  4   texte, pour pondre mon article pour The Observer, en début juin.

  5   Q.  Vous nous avez dit que vous aviez partiellement des sources de la BND

  6   en partie et que c'était notamment l'article du Times que vous avez cité.

  7   Mais vous serez d'accord avec moi pour dire que l'article du Times a été

  8   publié vers la mi-mars 1999 ?

  9   R.  Cela se peut. J'ai une assez bonne mémoire, mais pas si bonne pour ce

 10   qui est de garder en mémoire toute chose et tout ce qui a été publié il y a

 11   une dizaine d'années. Mais pour être tout à fait équitable, lorsqu'il

 12   s'agit de ce paragraphe de la déclaration, je dois dire que ce que j'ai

 13   déclaré est exact et ce que j'ai dit il y a cinq minutes dans le prétoire

 14   n'était pas exact. Je n'ai pas eu de source dans une agence de

 15   renseignement allemande, mais la source était ce que j'avais lu dans le

 16   magazine Times. Et c'est ce qui m'a incité à procéder à des investigations

 17   et le tout s'est soldé par ce récit au sujet de l'opération Fer à cheval.

 18   Mais j'ai complété par des entretiens avec d'autres personnes. Je n'avais

 19   pas pris le reportage de quelqu'un d'autre pour le paraphraser.

 20   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez écrit des articles sur le Kosovo suite à

 21   l'entrée des forces de l'OTAN sur le territoire du Kosovo ?

 22   R.  Oui. Je suis allé au Kosovo pour le compte de mon journal, c'est un

 23   hebdomadaire The Observer, et j'ai rédigé presque toutes les semaines des

 24   reportages, parce que c'était l'événement le plus important de l'époque au

 25   monde. J'ai écrit des reportages d'Albanie au sujet du massacre pénétré à

 26   Mala Krusa qui a fait l'objet des témoignages de personnes qui avaient

 27   réussi à s'enfuir avec femmes et enfants. Et c'était au printemps. Puis

 28   j'ai attendu en Macédoine aux fins d'entrer aux côtés des forces de l'OTAN.

Page 956

  1   Et j'ai commencé à écrire des reportages sur toute une série de sujets du

  2   Kosovo même.

  3   Ce qui m'a attiré c'était l'événement de Mala Krusa, parce que j'ai

  4   estimé que c'était une histoire choquante sur laquelle je voulais me

  5   centrer et m'informer autant que faire se pouvait sur le sujet, mais j'ai

  6   également rédigé d'autres articles.

  7   Q.  Monsieur Sweeney, auriez-vous pris connaissance de ce qu'était l'UCK ?

  8   R.  C'est cette armée de libération du Kosovo. Bon nombre de Serbes

  9   diraient que c'était là une organisation terroriste qui vaquait à des

 10   meurtres, à des enlèvements et des kidnappings. D'autres Albanais,

 11   notamment les Albanais du Kosovo, le percevaient comme une armée de

 12   libération. Mon opinion se trouverait quelque part entre les deux points de

 13   vue, à savoir que c'était une sorte d'armée de libération, mais aussi

 14   certains des membres ou leaders de cette organisation avaient tué, enlevé

 15   et torturé d'autres personnes et commis des choses dégoûtantes sans

 16   véritablement une raison à cela, une bonne raison à cela.

 17   Les sources militaires britanniques et américaines ont parlé en

 18   termes plutôt négatifs pour ce qui était de leur possibilité de faire quoi

 19   que ce soit de positif ou plutôt de procéder à une modification de la

 20   situation militaire sur le terrain.

 21   Q.  Saviez-vous que certains pays occidentaux, l'UCK ou la KLA ont été

 22   carrément déclarés organisations terroristes ? Avez-vous des informations à

 23   ce sujet ?

 24   R.  Non. De quels pays parlez-vous ?

 25   Q.  Non, mais je ne suis pas là pour répondre à vos questions. Ma question

 26   suivante, Monsieur Sweeney.

 27   R.  Je m'excuse mais ma question. Vous m'avez demandé, ou plutôt, vous me

 28   posez une question qui assumait qu'il y avait un fait derrière. Alors, je

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  1   vous demande quel est le fait sur lequel vous vous fondez pour poser la

  2   question parce que je trouvais cela surprenant. Et je voudrais savoir

  3   pourquoi vous pouvez affirmer qu'une série de pays occidentaux avaient dit

  4   de l'UCK, à savoir du KLA, que c'était une organisation terroriste. Vous

  5   pouvez avoir raison et je voudrais savoir lesquels.

  6   Q.  Je sais, je vous dirais, par exemple, que parmi les premiers à

  7   reconnaître le Kosovo et son indépendance, il y avait les Etats-Unis

  8   d'Amérique. Ils les ont qualifiés de la sorte auparavant. Donc je vous

  9   avais demandé si vous aviez des informations, vous m'avez dit que non et

 10   cela me satisfait.

 11   Monsieur Sweeney, autre chose. Est-ce que vous savez ou est-ce que vous

 12   avez eu vent des crimes commis par l'UCK vis-à-vis des civils serbes à

 13   l'époque où il y a également eu ces événements de Mala Krusa ? C'était donc

 14   mars, avril 1999 et tout le reste de la période jusqu'à l'entrée des forces

 15   de l'OTAN. C'est ma toute première question.

 16   R.  Excusez-moi, mais s'agissant ce que vous avez dit tout à l'heure dans

 17   quel contexte les Etats-Unis d'Amérique ont-ils déclaré que l'UCK était une

 18   organisation terroriste ? Est-ce que c'était une déclaration de la part de

 19   la Maison-Blanche ou du Département de l'Etat ou était-ce -- enfin d'où

 20   cela venait-il ? Quelle en est la source ? Parce que je crois que j'ai

 21   gardé la chose en mémoire et j'aimerais en apprendre un peu plus long à ce

 22   sujet, parce que je ne me souviens pas, par exemple, que le président

 23   Clinton ait dit cela ou se soit comporté de façon à qualifier l'UCK

 24   d'organisation terroriste comme cela a été le cas, par exemple, pour ce qui

 25   est de l'administration Bush qui a considéré le Hamas comme étant une

 26   organisation terroriste.

 27   Q.  Ecoutez, Monsieur Sweeney, je voulais savoir si vous aviez des

 28   informations à titre privé au sujet de ce point-là. Nous pouvons, à titre

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  1   privé, continuer notre conversation pour ce qui est de --

  2   R.  Mais excusez-moi. Vous êtes en train de me présenter une chose comme

  3   étant un fait. Et j'hésite et je vous demande si vous en êtes certain. Je

  4   n'ai pas besoin d'en parler avec vous à titre privé. Alors le point

  5   suivant, c'est celui de savoir si votre question était celle de me demander

  6   si j'avais conscience du fait que l'UCK avait fait des choses dégoûtantes

  7   vis-à-vis de la population serbe. Oui, je suis conscient de la chose, et je

  8   sais qu'il y a eu deux frères à avoir été enlevés et abattus, il me semble,

  9   en 1998. Et il y a eu toute une série d'attaques terroristes de la part de

 10   l'UCK vis-à-vis de la population serbe, mais leur nombre était petit et le

 11   nombre des Serbes tués était petit en comparaison avec le chiffre des

 12   Albanais tués en 1998, alors qu'en 1999 le nombre des Albanais tués n'a

 13   fait que croître, et en particulier après les frappes aériennes de l'OTAN,

 14   jusqu'à un point horrible.

 15   Alors je crois que l'on ne peut comparer les deux choses. Si votre

 16   question a été celle de savoir que l'UCK a commis des actions terroristes,

 17   la réponse est forcément affirmative.

 18   Q.  Je crains fort que vous soyez venu à parler de choses au sujet

 19   desquelles vous ne disposez pas de renseignements précis, et je ne peux pas

 20   en parler.

 21   Mais je vais vous poser la question suivante : après l'entrée des

 22   forces de l'OTAN, auriez-vous eu des informations qui indiqueraient que

 23   l'UCK a commis des crimes vis-à-vis de civils serbes, enlèvements,

 24   meurtres, tortures ? Avez-vous entendu cet horrible récit relatif à la

 25   vente d'organes humains prélevés sur les prisonniers serbes, donc trafic

 26   d'organes ?

 27   R.  Excusez-moi. Là, vous me posez deux questions. Oui, bien sûr, je suis

 28   conscient du fait que des civils serbes ont été enlevés, torturés et tués,

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  1   et ce, par des membres de l'UCK. Comme je l'ai déjà dit, la part du lion de

  2   la violence a été perpétrée par les forces serbes à l'encontre de la

  3   population albanaise.

  4   Je ne suis pas au courant de ce récit portant sur le trafic d'organes

  5   prélevés sur les Serbes capturés. Je n'ai pas rencontré cela à Mala Krusa.

  6   Et je suis quelque peu sceptique à ce sujet, mais je n'ai aucun doute sur

  7   le fait que vous disposiez de pas mal d'éléments de preuve à ce sujet.

  8   Q.  Merci, Monsieur Sweeney.

  9   Ma question suivante porte sur votre arrivée au Kosovo. Je veux bien

 10   admettre que vous vous soyez trompé sur la date pour ce qui est de votre

 11   entrée au Kosovo le 14 juin, parce que vous avez dit que vous étiez assis

 12   sur un char britannique. Je suis plus porté à croire que c'était le 12

 13   juillet, parce que c'est là un document qui est daté de cette date-là et il

 14   s'est passé moins de temps depuis.

 15   R.  Pour être tout à fait juste, je vous ai dit hier que je n'étais pas

 16   tout à fait certain au sujet des dates, et je crois avoir au début de notre

 17   audience d'aujourd'hui indiqué que je suis entré au Kosovo le 12 juillet.

 18   Et il me semble qu'hier je n'étais pas sûr si c'était la date du 12 ou du

 19   14. Alors vous avez raison, il s'agit du 12 juillet -- 12 juin.

 20   Q.  Oui, 12 juin, pour le besoin du compte rendu.

 21   R.  Et je crois que dans votre question, il est fait état de la déclaration

 22   du 12 juillet. Or, je crois que vous vouliez dire 12 juin.

 23   Q.  J'ai dit 12 juin, et l'interprète a dit 12 juillet. Donc là il vient de

 24   se rectifier.

 25   R.  Oui, mais ils font un travail difficile. Fort bien.

 26   Q.  Ma question suivante est celle de savoir qui est-ce qui vous a autorisé

 27   en votre qualité de civil à vous mettre sur la partie avant d'un véhicule

 28   de combat de l'armée britannique. Ça, je n'ai pas très bien compris.

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  1   R.  Il y avait un bouchon formidable dans la circulation. Il y avait

  2   l'armée britannique qui se trouvait devant, et le bouchon était dû à la

  3   présence d'Albanais d'origine du Kosovo qui voulaient retourner chez eux

  4   pour reconstruire leur vie. Et on s'est retrouvé en plein milieu de ce

  5   chaos dans la circulation, et je suis allé à pieds avec mon sac à dos, je

  6   me suis déplacé vers le début de la colonne et j'ai demandé à ce qu'on

  7   m'embarque. Et j'ai été embarqué sur plusieurs véhicules, trois ou quatre,

  8   et étant donné que j'étais de façon évidente Britannique, j'ai demandé à

  9   l'armée britannique si elle pouvait me prendre, m'embarquer à bord. Et ça a

 10   été la façon la plus facile d'arriver à destination, à savoir Pristina.

 11   Q.  Enfin, je crois savoir pas mal de choses au sujet de la réglementation

 12   militaire, et l'armée britannique se déplaçait en plein milieu d'opérations

 13   de combat. Et indépendamment de la signature d'un accord, la présence de

 14   l'armée était indispensable. C'était les explications de l'OTAN et ils

 15   étaient là pour sécuriser le retour des civils au Kosovo. Donc ai-je raison

 16   de vous poser la question de savoir comment avez-vous fait pour obtenir

 17   cette autorisation ? Est-ce que c'était une autorisation informelle ou est-

 18   ce que vous vous êtes procuré cette autorisation d'une façon autre ?

 19   R.  D'une autre façon ?

 20   Q.  De quelque façon que ce soit.

 21   R.  C'était informel.

 22   Q.  Merci. Dites-nous si vous étiez armé cette fois-là.

 23   R.  Non. Jamais je ne porterais une arme où que ce soit.

 24   Q.  Dans votre déclaration, il me semble qu'il s'agit aussi de la page 10

 25   du compte rendu que vous avez sous les yeux, il me semble, je n'ai pas

 26   vérifié mais c'est dans ce PV, qu'il y a eu deux collègues à vous, deux

 27   journalistes allemands qui ont été tués, et que c'est la raison pour

 28   laquelle vous étiez très inquiet; est-ce vrai ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Savez-vous qui est-ce qui a tué vos collègues ?

  3   R.  Le récit que nous avons entendu à l'origine, au tout début, c'était une

  4   rumeur qui a couru, et n'oubliez pas qu'il s'agissait d'une situation de

  5   guerre, ce qui fait qu'il était très difficile d'aboutir à la vérité.

  6   Q.  Bien sûr.

  7   R.  Mais nous avons cru -- enfin, le récit qui a couru dans Pristina était

  8   celui de dire que c'était des Serbes qui s'opposaient à l'intervention de

  9   l'OTAN au Kosovo qui avaient tué ces deux Allemands. Je ne sais pas si

 10   c'est un fait, mais c'est le récit qui a couru.

 11   Q.  Vous n'avez pas d'information autre sur ce sujet ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Merci. Par la suite, vous avez loué un véhicule et vous êtes allé à

 14   Mala Krusha.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Monsieur Sweeney --

 17   R.  Je vous écoute.

 18   Q.  Alors vous arrivez en premier à Mala Krusha, le village est déserté, et

 19   on voit les traces du départ des Serbes de là-bas. Est-ce qu'on peut

 20   constater que les maisons ont été fermées à clé ? Après votre réponse,

 21   j'aurai une autre question à vous poser.

 22   R.  James Miller et moi étions les deux premiers occidentaux à arriver là-

 23   bas. Je crois que c'est absolument exact. Et il y avait quelques

 24   villageois, M. Shehu, ce garçon qu'on a vu sur le film, et si mes souvenirs

 25   sont bons, c'était plutôt déserté. Les maisons serbes et d'autres -- enfin,

 26   je ne pense pas que nous soyons tout de suite entrés. Nous n'étions pas

 27   tout à fait rassurés, si je puis m'exprimer ainsi, et lorsque nous sommes

 28   entrés, les portes étaient déjà ouvertes. Par exemple, la maison de Sava

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  1   Nikolic, j'imagine un Albanais était préalablement déjà entré et il y avait

  2   tout de fouillé, les vêtements, et cetera, ce qui fait qu'il y avait des

  3   choses disséminées un peu partout.

  4   Q.  Veuillez m'indiquer, combien de temps avant vous ces Albanais

  5   pouvaient-ils entrer dans Mala Krusa avant vous, puisque vous dites que ces

  6   portes étaient déjà ouvertes ?

  7   R.  Je crois que je suis arrivé là-bas le 17 juin à Mala Krusa, et nous

  8   avons commencé à filmer. Donc il est tout à fait possible que les Albanais

  9   soient entrés. Enfin, il était clair que quelqu'un était déjà entré dans

 10   ces maisons serbes avant nous. Dans l'une de ces maisons, il y avait une

 11   inscription en albanais, "Faites attention aux mines." Donc les Albanais

 12   étaient entrés et n'ont pas détruit les maisons. Ils ne les ont pas

 13   incendiées. Nous avons demandé des photos et des bandes vidéo, des bandes

 14   vidéo privées qui pouvaient être utilisées pour notre programme de

 15   télévision. Et là, on pourrait avoir des visages. Les Albanais qui vivaient

 16   dans Mala Krusa n'avaient pas à le faire. Ils savaient exactement de quoi

 17   avaient l'air ces gens-là. Mais il est évident que nous avions recherché

 18   des gens, et nous ne nous sommes pas fait d'illusion. Des Albanais étaient

 19   déjà entrés dans ces maisons avant nous.

 20   Q.  Et selon votre avis, ils ont pillé ces maisons, pris des choses de

 21   valeur, des vêtements. Ils ont cherché d'autres objets de valeur. Est-ce

 22   que c'est ce que nous pouvons dire ?

 23   R.  Je ne suis pas convaincu de la chose, mais c'est ce que j'ai supposé.

 24   Q.  Est-ce que vous êtes entrés en compagnie d'Albanais dans ces maisons

 25   serbes ou est-ce que vous êtes entrés seuls, vous et votre collègue

 26   caméraman ?

 27   R.  A bien des fois, il y avait deux Albanais traducteurs. D'abord, c'était

 28   une femme, puis encore un homme, et eux étaient en notre compagnie. Je

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  1   crois -- enfin, je ne pense pas pouvoir le dire, mais il y avait moi, il y

  2   avait James Miller. On entrait dans la plupart de ces maisons en compagnie

  3   de notre traducteur albanais qui, de façon évidente, n'était pas originaire

  4   de Mala Krusa. Nous les avions recrutés à Prizren, mais dans la plupart des

  5   cas il n'y avait que James et moi.

  6   Q.  Monsieur Sweeney, êtes-vous conscient d'un fait, à savoir que vous

  7   n'aviez pas le droit d'entrer dans une propriété privée sans autorisation

  8   préalable, ou est-ce que vous pouvez nous dire que vous aviez disposé d'une

  9   autorisation quelle qu'elle soit émanant d'autorité quelconque de l'époque

 10   ?

 11   R.  Il y a eu massacre de plus d'une centaine d'hommes et de garçons dont

 12   le plus jeune avait, me semble-t-il, 13 ou 14 ans. J'ai enquêté à cet

 13   effet. C'était pour cela que je m'y suis trouvé. Alors, pour ce qui est

 14   d'une idée qui serait celle de nécessiter une autorisation spéciale, ne

 15   semble-t-elle pas être quelque peu bureaucratique ? Moi, j'essayais de

 16   mettre des noms sur des visages et assurer des éléments de preuve sur

 17   l'identité de ces personnes. C'est donc dans ce contexte que je suis entré

 18   dans ces domiciles et je crois que du point de vue moral, ma façon de faire

 19   était tout à fait justifiable. C'est dans ce contexte, et la question me

 20   semble absurde.

 21   Q.  Oui, mais ne vous semble-t-il pas, Monsieur Sweeney, que vous vous êtes

 22   emparé d'objets appartenant à d'autres de façon illégale ? Et ne pensez-

 23   vous pas que cela ait été une façon déshonorable de procéder ? Vous n'êtes

 24   pas un policier. Vous n'êtes pas un investigateur. Vous êtes un

 25   journaliste, donc un citoyen comme les autres.

 26   R.  Quelle est la question, s'il vous plaît ?

 27   Q.  Attendez que je vérifie le compte rendu d'audience afin de voir s'il y

 28   figure ce que je vous ai demandé.

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La question que j'ai entendue était

  2   accompagnée d'un grand nombre de commentaires. Vous avez dit: "Avez-vous

  3   conscience du fait que vous avez pris possession de la propriété d'autrui

  4   d'une façon qui n'était pas honnête ?"

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ma réponse est la même que précédemment.

  6   J'enquêtais sur le massacre de plus d'une centaine d'hommes et de garçons.

  7   J'avais toutes les raisons de croire que ce massacre avait bien eu lieu à

  8   cause des conversations que j'avais eues avec les survivants en Albanie en

  9   avril. A ce moment-là, nous étions en juin. Donc je tenais cela pour un

 10   fait, et les témoins albanais me disaient la vérité à mon sens, à savoir

 11   que leurs hommes avaient disparu. J'étais maintenant dans leur village. Les

 12   maisons albanaises étaient détruites. Il y avait un énorme trou dans le sol

 13   là où s'était trouvée la grange.

 14   Dans ce contexte et à la lumière de cela, je me suis lancé à la

 15   recherche d'éléments de preuve qui auraient pu m'aider et auraient pu aider

 16   l'ensemble, le reste du monde également, les services de police qui, à

 17   l'époque, n'étaient pas présents afin que tous puissent appréhender ce qui

 18   s'était réellement passé sur place, et qui était responsable de ce

 19   massacre. Je pense que cela, d'un point de vue moral, était tout à fait

 20   justifié et n'avait rien de malhonnête.

 21   Q.  Monsieur Sweeney, ce qui m'intéresse, c'est la chose suivante : est-ce

 22   qu'à cette occasion - alors, vous avez dit que vous entriez pour

 23   l'essentiel seuls, vous et votre collègue, dans ces maisons - est-ce que

 24   vous disposiez de preuves concernant les personnes que vous avez citées

 25   montrant qu'il s'agissait bien des perpétrateurs directs du crime de Mala

 26   Krusa ? Je pense ici à MM. Nikolic, Tasic, et cetera. Est-ce que quelque

 27   Albanais que ce soit vous a déclaré que ces personnes étaient les

 28   perpétrateurs directs de ce massacre de la grange ?

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  1   R.  Excusez-moi, vous avez utilisé l'expression "Ce massacre inouï." Qu'est

  2   ce que vous entendez par là ?

  3   Q.  J'entends le meurtre de 103 hommes dans la grange Batusha. C'est ce

  4   dont nous parlons depuis le début.

  5   R.  Entendu. Je n'utiliserai pas ici l'expression que vous avez employée, à

  6   savoir "massacre inouï." C'est ce qui m'a perturbé.

  7   Q.  Parlons de crimes alors.

  8   R.  Entendu. Oui, comme je l'ai dit hier, les Albanais, les survivants

  9   albanais, les femmes et les enfants, avaient identifié ces personnes, et en

 10   conséquence de cela et par suite au récapitulatif auquel j'ai procédé hier,

 11   ce matin également j'ai parcouru certains des articles que j'ai écrits.

 12   J'ai pu retrouver le moment où ces noms sont apparus. Le premier d'entre

 13   eux est celui de Dimitri Nikolic. Il me semble qu'il travaillait dans la

 14   distillerie locale de Rakia, et il était bien connu de la grand-mère

 15   Batusha. La grand-mère Batusha est un témoin tout à fait fiable, et elle a

 16   déclaré -- cela a été enregistré dans le premier film documentaire et

 17   également dans le second cela. J'ai compris qu'il s'agissait de Dimitri. Je

 18   l'ai vu. Il avait un passe-montagne, mais malgré cela elle savait, la

 19   grand-mère Batusha savait qu'il s'agissait de lui. Elle a crié, "Dimitri,"

 20   et c'est alors qu'il s'est détourné. Je savais donc que c'était Dimitri

 21   Nikolic que je cherchais.

 22   Quant à Sava Nikolic, selon la déclaration de Xhelal Shehu, c'est

 23   celui qui avait tiré sur eux le premier jour. C'était le premier des

 24   membres des forces serbes qui avaient agi ainsi, avant même le massacre,

 25   alors que la population courrait pour se mettre à l'abri dans les bois.

 26   Sava Nikolic, je me souviens également de son nom, mais je ne me

 27   rappelle pas exactement de ce qui avait été dit à son sujet.

 28   L'un des survivants de la grange a vu également Momcilo Nikolic.

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  1   Voilà les noms dont il s'agit. Les noms principaux : Dimitri Nikolic, Sava

  2   Nikolic, Sveta Tasic. Voilà les personnes à la recherche desquelles je

  3   m'étais lancé, et leurs maisons avaient été pillées mais laissées intactes

  4   par ailleurs. Et c'est là que j'ai trouvé des preuves.

  5   Q.  A partir de votre témoignage d'hier, je comprends que leurs voisins

  6   albanais ont reconnu ces différentes personnes qui se trouvaient en

  7   uniforme de la police. Mais vous avez également dit, il me semble bien m'en

  8   souvenir, que vous ne pouvez pas affirmer avec certitude qu'il s'agissait

  9   bien des personnes qui ont ouvert le feu. Alors pourriez-vous clarifier

 10   cela maintenant, s'il vous plaît ? Vous avez commencé aujourd'hui à nous

 11   dire que lorsque vous avez identifié ces personnes qui ont été reconnues

 12   par les témoins, je vous ai demandé ensuite s'il s'agissait également des

 13   auteurs directs et vous avez dit que trois d'entre eux étaient les auteurs

 14   du crime ?

 15   R.  Je vous prie de m'excuser, mais je ne sais pas qui a donné l'ordre de

 16   ce massacre et qui l'a dirigé. Je ne crois pas qu'il s'agissait de ces

 17   trois ou quatre noms que les Albanais m'ont donné. Je pense qu'il

 18   s'agissait de locaux qui participaient. Si bien que, oui, il s'agit des

 19   auteurs parce qu'ils étaient présents. Mais ils auraient pu faire quelque

 20   chose pour arrêter ce qui s'est passé, mais ils ne l'ont pas fait, ils sont

 21   donc des auteurs. Mais je ne pense pas qu'ils ont organisé et dirigé cela.

 22   Par contre ils ont participé.

 23   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Ma question suivante : est-ce que vous vous

 24   êtes adressé concernant ces trois personnes au bureau du Procureur, à

 25   quelque Tribunal ou service de police que ce soit et savez-vous si des

 26   poursuites au pénal ont été entreprises contre ces personnes en raison du

 27   crime qui a été commis ?

 28   R.  Oui. Ce que je veux dire c'est que j'ai dit aux enquêteurs du bureau du

Page 968

  1   Procureur ce que j'avais découvert et j'ai déclaré cela également aux

  2   enquêteurs de Scotland Yard. Je crois que mon premier contact a eu lieu

  3   avant le mois de juin. Les enquêteurs du TPIY ont pris les éléments dont je

  4   disposais, et cela a donné lieu à des déclarations que nous avons sous les

  5   yeux.

  6   Q.  En dehors de ces déclarations qui étaient les vôtres, avez-vous

  7   connaissance de quelque connaissance que ce soit qui aurait pu découler de

  8   ce que vous avez dit devant ce Tribunal depuis que des poursuites ont été

  9   entraînées contre ces personnes en Serbie, à La Haye, peut-être dans un

 10   pays tiers ?

 11   R.  Si cela est exact, je voudrais en savoir un petit peu plus sur le

 12   sujet. Je ne suis pas au courant que de telles poursuites aient été

 13   engagées contre ces trois personnes en Serbie. Est-ce le cas ?

 14   Q.  Ma question suivante : puisque vous avez cité un nombre de victimes de

 15   Mala Krusa qui, selon vous, est exact ainsi qu'un nombre de survivants que

 16   vous avez présenté comme exact, avez-vous été informé du nom des personnes

 17   qui ont été tuées dans la grange à Mala Krusa ?

 18   R.  Oui. Mais excusez-moi, je voudrais revenir à ce que vous avez demandé

 19   précédemment. Vous m'avez demandé si j'avais connaissance de quelle

 20   conséquence que ce soit découlant de --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Oui, je voudrais revenir juste ce

 22   que vous m'avez demandé précédemment, à savoir si j'étais au courant de

 23   conséquences que ce soit de mes déclarations ? Est-ce que vous êtes en

 24   train de me dire que des poursuites ont été engagées contre ces personnes

 25   en Serbie ?

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 27   Q.  Non. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je vous ai demandé si vous aviez

 28   connaissance de quelque poursuite que ce soit devant quelque Tribunal que

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  1   ce soit incluant celui-ci également contre les personnes que vous avez

  2   indiquées comme étant les auteurs, qui étaient présents sur le site du

  3   massacre. Je vous parle de la famille Nikolic, de Dusan, Tasic et d'autres.

  4   C'est la question que je vous ai posée. Je ne vous ai pas fourni la moindre

  5   information à ce sujet.

  6   R.  Excusez-moi, j'ai été quelque peu perturbé par cette question. Alors je

  7   vérifie juste le compte rendu afin de voir ce qu'était votre dernière

  8   question.

  9   J'ai dit aux enquêteurs de ce Tribunal tout ce que je savais et je

 10   leur ai remis les éléments de preuve qu'ils souhaitaient obtenir de moi.

 11   C'est ce que j'ai fait. Je ne pense pas que cela ait constitué une erreur.

 12   Q.  Je vous remercie. Question suivante : est-ce qu'aujourd'hui, vous avez

 13   connaissance du statut de ces différentes personnes ? Est-ce qu'elles sont

 14   considérées disparues, ou bien disposez-vous d'autres éléments à ce sujet ?

 15   R.  A mon sens, il y a toujours une certaine incertitude concernant les

 16   chiffres. Mais la dernière version que j'ai entendue, est que 103 hommes et

 17   enfants ont été tués dans la grange, qu'il y a eu six survivants. Et par

 18   ailleurs, il y a eu huit personnes tuées dans un massacre de moindre

 19   envergure qui a eu lieu dans la partie occidentale de Mala Krusa; à Velika

 20   Krusa, plus haut sur la route, il y a eu également 20 morts. Mais

 21   concentrons-nous sur Mala Krusa. Pour ce qui est des chiffres, ce que j'ai

 22   pu avoir comme information à ce jour, ne remet pas en question les chiffres

 23   que nous avons cités.

 24   Q.  Merci, Monsieur Sweeney.

 25   Je voudrais maintenant un éclaircissement concernant la rivière que

 26   vous avez mentionnée. Dans le compte rendu d'audience, il est indiqué qu'il

 27   s'agit de la rivière Drina. Mais je voudrais maintenant que vous nous

 28   disiez comment s'appelle exactement cette rivière, car il ne s'agit pas de

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  1   la rivière Drina et je suppose que vous savez comment cette rivière

  2   s'appelle.

  3   R.  Non. Mais si l'interprète a dit que c'était la Drina et qu'il s'est

  4   trompé, je pense que j'ai juste fait passer une erreur. C'était une rivière

  5   qui se trouve à proximité de Mala Krusa. Je suis désolé, mais j'ai dû mal

  6   saisir le nom. Je ne connais pas le nom exact de la rivière. Si vous le

  7   connaissez, je vous prie de me le donner. Je serais très heureux d'en être

  8   informé.

  9   Q.  Monsieur Sweeney, pouvons-nous être d'accord pour dire que cette

 10   rivière s'appelle la rivière Drin ?

 11   R.  Pouvons-nous véritablement, car il y a trois langues différentes qui

 12   sont en usage dans cette région. Il est possible que j'ai accédé à une

 13   version albanaise, une traduction, une reformulation en albanais du nom de

 14   la rivière et non pas en serbe. Mais il ne s'agit pas de deux rivières qui

 15   sont toutes proches l'une de l'autre. Vous avez manifestement raison en ce

 16   qui concerne le nom de cette rivière.

 17   Q.  Je pense que les Albanais appellent cette rivière Drini et non pas

 18   Drina. Mais entendu, Drina est un nom de rivière très connue et qui court

 19   le long de la frontière actuelle entre la Serbie et la Bosnie-Herzégovine.

 20   Dites-nous maintenant pour passer à autre chose, vous avez dit avoir

 21   vu un camion dans la rivière. Pourquoi avez-vous mentionné cela; qu'avez-

 22   vous vu exactement; quelle sorte de camion était-ce ?

 23   R.  Quand j'étais dans les collines, c'était en mars 1999, l'un des témoins

 24   qui m'a en premier parlé du massacre de Mala Krusa, m'a affirmé qu'il y

 25   avait plus d'une centaine de morts, il avait en cela raison. Et il avait

 26   affirmé également avoir vu un camion en flammes dans la rivière. Et ce qui

 27   m'a marqué, c'est que la rivière, en effet, aurait été un bon endroit pour

 28   se débarrasser de restes humains. Mais n'oublions pas que le mystère reste

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  1   entier, personne ne sait où ces corps ont été enterrés. Les personnes qui

  2   ont perdu leurs proches, les mères, les épouses ne savent pas où sont les

  3   corps de leurs disparus. C'est une douleur insupportable qui se prolonge

  4   ainsi pour toutes ces personnes tant qu'elles ne savent où sont les corps

  5   de leurs proches.

  6   En conséquence, je m'efforçais de découvrir la vérité à ce sujet et lorsque

  7   nous sommes venus sur place nous avions un problème tout à fait simple à

  8   comprendre: nous ne pouvions pas prendre notre caméra jusque dans la

  9   rivière car notre équipement aurait pu être endommagé, le courant de la

 10   rivière était fort, il était puissant. Il s'agissait d'un terrain qui

 11   n'était pas facile, notamment à l'époque. Nous ne pouvions donc pas prendre

 12   la prise de vue que je souhaitais, et c'est alors que je me suis rendu dans

 13   la rivière et j'ai nagé, et j'ai vu ce que je pensais être des traces de

 14   sang sur le camion.

 15   Je suis parfaitement conscient que vous pourriez suggérer que vous

 16   pouvez avoir l'impression dans ce genre de circonstance de voir des choses

 17   qui ne sont pas réellement présentes, qui n'existent pas. Je me trompe

 18   peut-être. Je n'ai pas de preuves tangibles, je ne suis pas légiste. Mais

 19   les légistes sont venus, et il me semble qu'au moment où ils sont venus le

 20   camion n'était plus là, et il s'était déplacé en aval, et il était perdu et

 21   n'a pas été examiné. Mais de toute façon, la question reste ouverte de

 22   savoir où sont les morts, les corps ?

 23   Q.  Est-ce que vous avez indiqué à l'un de ces légistes à l'époque que vous

 24   aviez vu ces camions ? Et si vous l'avez fait, à qui avez-vous parlé ?

 25   R.  Il y a un malentendu concernant cet événement. Lorsque nous sommes

 26   arrivés pour la première fois à la mi-juin, il n'y avait pas d'experts

 27   légistes. Ils ne sont arrivés que beaucoup plus tard. Il me semble que

 28   c'était en juillet, environ trois semaines plus tard. Et à l'époque, nous

Page 972

  1   étions seuls et nous essayions de rassembler le maximum de preuves et

  2   d'informations possibles. Et je pense que nous leur en avons parlé mais

  3   maintenant cela dépend d'eux. Et ce que nous avons fait, c'est que nous

  4   avons examiné la chose et nous avons essayé de la filmer, mais nous ne

  5   pouvions pas le faire.

  6   Q.  A présent, Monsieur Sweeney, je voudrais vous demander si vous avez

  7   enquêté également concernant le contexte général des événements de Mala

  8   Krusa, en prenant un peu plus de distance ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Dans ce cadre, avez-vous eu connaissance des actions menées par l'UCK

 11   sur ce territoire au moment des faits ?

 12   R.  Nous avions entendu des histoires de la part des villageois. Les

 13   Albanais avaient la version suivante, à savoir que tout avait été très

 14   calme dans la région et qu'ils étaient en bons termes avec leurs voisins

 15   serbes, d'où le caractère particulièrement choquant de ce qui s'est produit

 16   pour eux. Et je pense qu'il est tout à fait envisageable que l'UCK se soit

 17   efforcée de maintenir un certain calme dans cette région, car c'était une

 18   région par l'intermédiaire de laquelle on pouvait facilement faire passer

 19   des armes d'Albanie au Kosovo. Et s'il n'y avait pas de violence, par

 20   exemple, dans un endroit comme Mala Krusa, s'il y avait eu des cas d'actes

 21   violents à Mala Krusa, bien, cela aurait incité une des unités du MUP à se

 22   rendre sur place et aurait rendu le trafic d'armes plus difficile.

 23   Nous n'avions pas de preuves directes de cela, et lorsque nous sommes

 24   venus pour la première fois, il n'y avait absolument aucun membre des

 25   dirigeants de l'UCK présent sur le terrain. Les lieux étaient déserts, et

 26   c'était quelque chose dont nous avions conscience. Mais cela  ne justifiait

 27   en aucune façon le meurtre de ces personnes.

 28   Q.  Mais ce n'est pas ce que je voulais dire, à aucun moment.

Page 973

  1   Ma dernière question pour aujourd'hui, Monsieur Sweeney : aviez-vous

  2   quelque connaissance que ce soit - des citoyens de nationalité serbe qui

  3   auraient été enlevés ou tués dans cette région à cette époque-là ?

  4   R.  Il me semble qu'il y avait une histoire qui circulait dans un village

  5   voisin selon laquelle certains Serbes avaient été enlevés et d'autres tués.

  6   C'était pendant que nous étions sur place, mais ce n'était pas dans le

  7   village de Mala Krusa; c'était à plusieurs kilomètres dans une zone où

  8   était présent un bataillon de soldats hollandais. Nous nous sommes

  9   concentrés sur Mala Krusa. Nous n'avons pas enquêté plus en détail sur le

 10   massacre de moindre ampleur qui a eu lieu à Velika Krusa et a fait 20

 11   morts. Mais puisque nous nous concentrions sur la succession des événements

 12   à Mala Krusa, c'est là que nous en sommes restés.

 13   Ceci dit, vous avez tout à fait raison, il y avait eu des victimes

 14   serbes et des Serbes qui ont été tués, des innocents qui ont été enlevés et

 15   torturés, tués par les Albanais de l'UCK, et cela est évidemment

 16   condamnable également.

 17   Q.  Je vous remercie, Monsieur Sweeney. Je suis évidemment désolé que des

 18   victimes innocentes aussi bien serbes et albanaises aient péri où que ce

 19   soit. Cela conclut mon contre-interrogatoire, et je voudrais vous remercier

 20   pour les réponses que vous nous avez fournies. Je vous remercie.

 21   R.  Merci.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djordjevic.

 23   Madame Kravetz, avez-vous des questions supplémentaires ?

 24   Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je n'ai pas de

 25   questions supplémentaires.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Est-ce

 27   qu'il serait d'une utilité quelconque de revenir peut-être sur les dates au

 28   sujet desquelles vous m'avez interrogé hier et qui ont trait au film ?

Page 974

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.

  2   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui. C'était --

  3   Nouvel interrogatoire par Mme Kravetz : 

  4   Q.  [interprétation] Pourriez-vous clarifier les dates auxquelles a été

  5   tourné le premier documentaire ?

  6   R.  Ce documentaire est passé à la télévision le 20 mai 1999.

  7   Q.  Et votre second documentaire, "Prime Suspects" ?

  8   R.  Le 4 novembre 1999.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   Mme KRAVETZ : [interprétation] Pas de questions supplémentaires. Je vous

 11   remercie.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Sweeney, vous serez

 13   certainement content d'apprendre que cela conclut votre déposition. Nous

 14   apprécions particulièrement le fait que vous ayez pu venir ici et nous

 15   apporter votre concours. Nous allons prendre à présent les dispositions

 16   nécessaires pour que vous puissiez quitter le prétoire et reprendre vos

 17   activités ordinaires. Je vous remercie.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   [Le témoin se retire]

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.

 21   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que

 22   le témoin suivant, M. Mehmet Krasniqi ou M. Avdyli, qui est son autre nom,

 23   puisse être interrogé par M. Stamp qui se dirige vers le prétoire en ce

 24   moment, qui est en chemin.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vérifie juste le temps, et il me

 26   semble qu'il serait plus pratique de faire la pause à présent et

 27   d'introduire le témoin ensuite.

 28   Mme KRAVETZ : [interprétation] Cela nous conviendrait également. Ça ne pose

Page 975

  1   pas de problème.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je donne donc à M. Stamp le temps dont

  3   il a besoin pour venir, et je pense que nous allons faire la pause à

  4   présent et reprendre à 17 heures 45.

  5   --- L'audience est suspendue à 17 heures 09.

  6   --- L'audience est reprise à 17 heures 47.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp.

  8   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Le

  9   témoin suivant est M. Mehmet Krasniqi.

 10   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir

 14   lire à haute voix ce qui est écrit sur le carton que M. l'Huissier vous

 15   tend à l'instant.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 17   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 18   LE TÉMOIN : MEHMET KRASNIQI [Assermenté]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 21   asseoir.

 22   M. Stamp a quelques questions à vous poser.

 23   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   Interrogatoire principal par M. Stamp : 

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous, je vous prie,

 26   décliner vos nom et prénom ?

 27   R.  Bonjour. Je m'appelle Mehmet Krasniqi.

 28   Q.  Et votre date de naissance, je vous prie ?

Page 976

  1    R.  Le 19 mai 1967.

  2   Q.  Votre nom de famille a-t-il toujours été Krasniqi ?

  3   R.  Pendant quelque temps j'ai utilisé le nom de famille Avdyli.

  4   Q.  Quand êtes-vous passé du nom d'Avdyli au nom de Krasniqi ?

  5   R.  En 1999.

  6   Q.  A quel moment en 1999, si vous vous en souvenez ?

  7   R.  Je crois que c'était en septembre, mais je n'en suis pas sûr.

  8   Q.  D'où êtes-vous originaire, Monsieur Krasniqi, je vous

  9   prie ?

 10   R.  De Krusa e Vogel.

 11   Q.  Et cette localité est parfois mentionnée par son nom serbe, n'est-ce

 12   pas ? Il s'agit bien de Mala Krusa ?

 13   R.  Oui, Mala Krusa.

 14   Q.  Avant 1999, ou en tout cas avant l'intervention de l'OTAN en 1999,

 15   combien de maisons comptait ce village, votre village ?

 16   R.  Il comptait au total 100 maisons, si je ne me trompe.

 17   Q.  Quelle était la répartition ethnique dans votre village ? Combien de

 18   familles étaient albanaises ? Combien d'autres appartenances ethniques ?

 19   R.  Soixante-treize familles était albanaises.

 20   Q.  Et les autres ?

 21   R.  Etaient serbes, il y avait aussi trois foyers, trois maisons Rom.

 22   Q.  Avant le mois de mars 1999, quelle était la qualité de coexistence

 23   entre les différents groupes ethniques pour autant que vous le sachiez ?

 24   R.  Nous n'avions aucun problème. Nous n'avons jamais eu aucun problème

 25   avec eux. Nos relations étaient bonnes. Aucune difficulté.

 26   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je

 27   demande l'affichage du document 65 ter numéro 00615 qui est la classe de

 28   cartes. J'aimerais l'utiliser quelques instants pour que nous nous

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  1   orientions un peu mieux. Et je demande que l'on passe directement à la page

  2   22 de ce document. Peut-on agrandir un peu plus l'image à l'écran, le bas

  3   de la page notamment, ce qui nous permettra de voir les grandes villes.

  4   Q.  Vous voyez, Monsieur, sur cette carte les grandes villes proches de

  5   votre village, notamment en haut à gauche la ville de Djakovica, n'est-ce

  6   pas ?

  7   R.  Oui, oui.

  8   Q.  Et en haut à droite : Rahovec ou Orahovac ?

  9   R.  Rahovec et Prizren, je les vois.

 10   Q.  Est-ce que vous voyez où se trouve Mala Krusa sur cette carte; est-ce

 11   que vous parvenez à situer cette localité ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Je vous prierais de bien vouloir tracer un cercle autour de Mala Krusa.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  Comme on peut le constater, Mala Krusa se trouve pratiquement au milieu

 16   de la distance qui sépare Prizren d'Orahovac, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   M. STAMP : [interprétation] J'indique pour le compte rendu d'audience que

 19   le témoin a tracé un cercle autour de Mala Krusa, et qu'il a inscrit un

 20   numéro qui ressemble à un 6.

 21   Q.  Est-ce que vous voyez d'autres villages dans les environs, comme par

 22   exemple, Celine ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et Zrze ?

 25   R.  Comment ? Vous voulez dire Xerxe.

 26   Q.  Oui, Xerxe.

 27   R.  Xerxe, oui.

 28   Q.  Pourriez-vous inscrire une marque à côté de ce village.

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  1   R.  On a ici Xerxe, Celine et Nagavc. Vous voulez que je trace un cercle

  2   autour de toutes ces localités ?

  3   Q.  Oui.

  4   R.  Voilà, ici c'est Xerxe, Celine et Nagavc.

  5   Q.  Je vous demanderais de vraiment tracer un cercle autour de ces trois

  6   localités.

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   M. STAMP : [interprétation] Je demande un numéro de pièce. J'ai demandé au

  9   témoin d'inscrire un cercle autour de son village, ainsi que des villages

 10   environnants, car nombre des villages environnants sont évoqués dans les

 11   déclarations préliminaires de témoins qui ont demandé à être entendus en

 12   application de l'article 92 bis du Règlement.

 13   Donc je le fais dans l'intérêt des Juges de la Chambre, de façon à

 14   permettre la reconnaissance de ces localités. Vous constaterez plus tard en

 15   entendant la déposition de ce témoin que certains de ces villages ont une

 16   pertinence par rapport à sa déposition.

 17   Je demande le versement au dossier de la carte avec ses annotations.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La carte est admise au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P301, Monsieur le

 20   Président, Messieurs les Juges.

 21   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 22   Q.  Le 24 mars 1999, l'intervention de l'OTAN a lieu en Serbie dans l'ex-

 23   Yougoslavie et notamment au Kosovo. Le lendemain 25 mars, que s'est-il

 24   passé dans votre village ?

 25   R.  Le 25 mars, les forces Serbes sont arrivées et ont encerclé le village

 26   à partir de la grand-route liant Prizren à Gjakove. La population était

 27   inquiète, ces gens ont donc pris la direction des montagnes environnantes.

 28   Q.  D'accord. Quand vous dites les forces serbes sont arrivées et ont

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  1   encerclé le village, de quelles forces s'agit-il exactement ? Pourriez-vous

  2   en préciser la nature, les décrire plus précisément ?

  3   R.  Oui. C'était les forces venant de Serbie.

  4   Q.  Est-ce qu'elles avaient des véhicules ?

  5   R.  Oui. Elles avaient des pièces d'artillerie lourde, des chars, des

  6   blindés transport de troupes.

  7   Q.  A quel moment approximatif, avez-vous vu ces soldats arriver au

  8   voisinage de votre ville ou de votre village ?

  9   R.  Je les ai vus tôt le matin. On voyait les phares des véhicules, et des

 10   engins militaires dans les environs du village. Ils se sont arrêtés au

 11   carrefour sur la route Prizren-Gjakove et ont tourné, ont pris le virage

 12   vers le village. C'était avant l'aube.

 13   Q.  Pourriez-vous nous donner une heure approximative ?

 14   R.  Aux environs de 5 heures du matin.

 15   Q.  Lorsque vous avez vu ces soldats Serbes, vous-même et votre famille,

 16   avez-vous fait quelque chose de particulier ?

 17   R.  Tous les habitants du village ont pris la direction des montagnes, donc

 18   nous avons abandonné notre maison, et avec ma famille nous avons également

 19   pris la direction des montagnes.

 20   Q.  Pourriez-vous d'abord nous en dire un peu plus sur votre famille :

 21   combien de membres comptait votre famille ?

 22   R.  A cette époque-là, nous étions quatre au sein de ma famille; moi-même,

 23   mon épouse et deux enfants.

 24   Q.  Quel était l'âge de vos deux enfants ?

 25   R.  Mon fils avait 2 ans et ma fille, 9 mois.

 26   Q.  Et je crois que vous avez dit dans une réponse précédente que toute la

 27   population du village avait prise la direction des montagnes; est-ce que

 28   les Serbes se sont également dirigés vers la forêt et les montagnes ?

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  1   R.  Non, les Serbes n'ont pas pris la direction des montagnes; ils n'ont

  2   pas quitté leur maison.

  3   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, je demande l'affichage

  4   du document 65 ter numéro 00099. C'est la page 2 de ce document qui

  5   m'intéresse. C'est une photographie aérienne du village, qui a été prise en

  6   juillet 1999 par un enquêteur du TPIY. Est-ce bien la page 2 que nous avons

  7   à l'écran ?

  8   Q.  Est-ce que bien l'image de votre village, Monsieur ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Voyez-vous votre maison sur cette photographie ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  D'accord. Je vais vous demander d'inscrire le chiffre 1 sur votre

 13   maison.

 14   R.  J'ai inscrit le chiffre 1 sur le toit de ma maison.

 15   Q.  Très bien. Je vous remercie. Est-ce qu'on voit la forêt vers laquelle

 16   vous-même et vos voisins vous êtes dirigés sur cette photographie ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Pourriez-vous néanmoins tracer une flèche sur la photographie pour

 19   indiquer la direction de la forêt. Tracez une flèche pointant vers la

 20   forêt, Monsieur Krasniqi. Vous pouvez vous servir du stylet.

 21   R.  Bien, c'est ici. Si vous démarrez ici, à partir des maisons, on a

 22   d'abord le ruisseau, et les bois sont derrière.

 23   Q.  Je vous demande simplement d'inscrire, de tracer une flèche pointant

 24   vers la forêt. C'est tout ce que je vous demande.

 25   R.  J'ai la main qui tremble.

 26   Q.  D'accord. Je crois que ce que vous venez d'inscrire est tout à fait

 27   compréhensible.

 28   Lorsque vous étiez dans la forêt, dans les bois, est-ce que vous avez vu

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  1   quelque chose de particulier qui se passait dans le village que vous veniez

  2   de quitter ?

  3   R.  Je ne voyais rien de particulier, mais j'entendais les bruits provenant

  4   de la grand-route et qui se dirigeaient vers le village, et j'ai vu de la

  5   fumée qui s'échappait du village.

  6   Q.  Les forces qui étaient entrées dans votre village et l'avaient encerclé

  7   ont-elles fait quelque chose de particulier pendant que vous étiez dans les

  8   bois ?

  9   R.  Nous ne pouvions pas voir ce qu'elles étaient en train de faire dans le

 10   village, car nous étions dans les bois, tout près des ruisseaux. Mais nous

 11   avons entendu les bruits de tirs, et nous avons vu la fumée qui s'élevait

 12   au-dessus des maisons.

 13   Q.  Je vois. Mais lorsque vous vous trouviez dans la forêt, sur les flancs

 14   de la montagne, est-ce que quelque chose s'est passé dans la région ?

 15   R.  Le 25, rien ne s'est passé à part les coups de feu. Et nous avons vu

 16   que des branches étaient tombées des arbres, en raison des tirs, donc il y

 17   avait des branches qui étaient tombées sur le sol. Mais rien d'autre en

 18   dehors de cela.

 19   Q.  Et les balles étaient tirées à partir de quel endroit ?

 20   R.  Les balles visaient la forêt.

 21   Q.  Mais elles provenaient d'où ?

 22   R.  Elles provenaient du secteur situé plus bas et des forces Serbes.

 23   Q.  Combien de temps vous-même et votre famille, ainsi que les autres

 24   villageois, êtes-vous restés dans la forêt ?

 25   R.  Nous sommes restés là-bas toute la journée, et jusqu'au lendemain

 26   matin. Certains qui avaient des enfants en bas âge sont allés vers la

 27   maison des Batusha, les autres sont restés dans la forêt. La maison de

 28   Sejdi Batusha.

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  1   Q.  Qui est Sejdi Batusha ?

  2   R.  C'est un villageois.

  3   Q.  Est-ce que vous voyez sa maison sur la photographie ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Je vous prierais de vous saisir du stylet et d'inscrire le chiffre 2

  6   sur sa maison.

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   Q.  Je vous remercie. Ceux d'entre vous qui êtes restés dans la forêt, leur

  9   est-il arrivé quelque chose -- ou vous est-il arrivé quelque chose de

 10   particulier ?

 11   R.  Le 26 mars, la police et les forces serbes ont ordonné à tout le monde

 12   de se regrouper et de se rendre dans la maison de Sejdi Batusha. Les femmes

 13   âgées, les enfants, les hommes, il y avait deux handicapés incapables de se

 14   déplacer, et ils ont donné l'ordre que l'on transporte ces deux hommes à

 15   l'endroit où se trouvaient tous les autres villageois. Et ils ont appelé

 16   les noms d'Aziz Shehu et de Sulejman Batusha à partir d'une fenêtre, donc

 17   ces deux hommes ont été appelés à se charger du transport des deux hommes

 18   handicapés jusqu'à la maison de Sejdi Batusha.

 19   Q.  Très bien. Vous êtes un peu en avance sur moi. J'en suis toujours à la

 20   forêt. Est-ce que des policiers sont arrivés dans la forêt pendant que vous

 21   vous y trouviez ?

 22   R.  Le 26 mars, les chars ont gravi le chemin menant au village et ont

 23   encerclé le village à partir de la forêt. Mais pas un seul policier n'est

 24   arrivé à l'endroit où nous étions dans les bois. Toutefois, les policiers

 25   ont ordonné à ces deux personnes de venir nous voir dans les bois pour nous

 26   donner l'ordre de rentrer dans le village.

 27   Q.  Vous vous rappelez où vous êtes allés dans le village ?

 28   R.  Nous sommes allés à la maison de Sejdi Batusha.

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  1   Q.  Quand vous êtes arrivés dans cette maison, est-ce que vous avez pénétré

  2   à l'intérieur de la maison, ou est-ce que vous êtes restés à l'extérieur ?

  3   R.  Nous étions tous ensemble : les femmes, les hommes, les enfants, et

  4   nous avons tous été rassemblés à l'intérieur de la maison de Sejdi Batusha.

  5   Q.  Que s'est-il passé à ce moment-là ?

  6   R.  Quand on était dans la cour, on nous a dit d'aller dans la rue et on

  7   nous a séparés, les hommes et les femmes. Les femmes ont reçu l'ordre de

  8   partir pour l'Albanie ou de se noyer dans la Drina, et les hommes ont reçu

  9   l'ordre de se mettre en rang, sur trois rangs, et de mettre les mains sur

 10   la tête.

 11   Q.  Et les enfants, les enfants en bas âge ?

 12   R.  Ils ont dit aux femmes et aux enfants de partir pour l'Albanie ou de se

 13   noyer dans la Drina. Mais les garçons de 13 ans et plus a dit que les

 14   hommes, y compris Bali Avdyli, qui avait 72 ans, ont reçu l'ordre de rester

 15   dans la rue et de se mettre les mains sur la tête.

 16   Q.  Et les femmes et les jeunes enfants, sont-ils restés là, ou ont-ils été

 17   obligés de partir ?

 18   R.  Ils sont partis parce que la police avait donné l'ordre, donc ils ont

 19   commencé à circuler.

 20   Q.  Je vous prierais maintenant d'inscrire le numéro 3 sur la photographie

 21   aérienne pour désigner la route que les femmes et les enfants ont empruntée

 22   à leur départ. Pouvez-vous faire cela, je vous prie ?

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Je vous remercie. Pourriez-vous nous décrire soigneusement qui étaient

 25   les personnes que vous avez vues sur place en train de donner aux hommes

 26   l'ordre de se mettre en rang sur trois rangs, et en train de donner l'ordre

 27   aux femmes et aux enfants de partir ou de se noyer dans la rivière, dans la

 28   Drin. Qui étaient ces

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  1   personnes ?

  2   R.  Il y avait plusieurs policiers avec des brassards blancs et jaunes sur

  3   le bras. Ils étaient sur la route et ils nous ont ordonné de remettre nos

  4   portefeuilles, nos papiers, donc de leur remettre tous ces objets. Ils nous

  5   insultaient, ils nous posaient des questions du type : Où est l'OTAN ?

  6   Pourquoi l'OTAN ne porte-t-il pas à votre secours ? L'OTAN va venir et vous

  7   sauver, bien entendu.

  8   Q.  Ces policiers, quelle était le couleur de leurs uniformes ?

  9   R.  Ils portaient des uniformes bleus, des uniformes bleu foncé.

 10   Q.  Avant cela, aviez-vous déjà remarqué des policiers portant ce type

 11   d'uniforme ?

 12   R.  Oui. Oui. Nous pouvions les voir dans le village. Ils se rendaient à la

 13   maison de Dimitri Nikolic.

 14   Q.  Après que la police a séparé les hommes des femmes et des enfants, ces

 15   policiers vous ont-ils donné un ordre, vous ont-ils ordonné de vous rendre

 16   quelque part ou de faire quoi que ce soit ?

 17   R.  Ils nous ont dit de nous lever, de lever les mains également, de ne pas

 18   regarder sur les côtés mais de regarder vers le bas, et ils nous ont

 19   emmenés à la maison de Rasim Batusha. Il y avait là une maison avec un

 20   couloir et deux pièces. Rasim Batusha avait l'habitude d'y entreposer le

 21   foin destiné à ses animaux. Ils nous ont dit d'entrer dans la maison. Le

 22   couloir était plein. La pièce où je me trouvais, ainsi que l'autre pièce,

 23   était pleine également. Dans la pièce où j'étais, il y avait du fourrage

 24   pour les animaux, et après cela ils nous ont tiré dessus. Ils nous ont

 25   exécutés.

 26   Q.  Entendu. Voyez-vous la maison de Rasim Batusha sur cette photographie ?

 27   R.  Le lieu du massacre ? Oui.

 28   Q.  Entendu. Pourriez-vous tracer un cercle autour de cet endroit, s'il

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  1   vous plaît.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  Combien de personnes environ ont été obligées, combien d'hommes ont été

  4   obligés d'entrer dans cet endroit, dans cette

  5   maison ?

  6   R.  Il y avait 109 hommes qu'on a obligé à entrer dans la maison.

  7   Q.  Y avait-il un ou deux étages seulement à cette maison ?

  8   R.  Un seul étage.

  9   Q.  Y avait-il des fenêtres ou non ?

 10   R.  L'une des pièces avait une seule fenêtre, alors que l'autre en avait

 11   deux. L'une donnait sur la rue et l'autre donnait de l'autre côté, du côté

 12   opposé.

 13   Q.  Quelle était la taille approximative de ces deux pièces, en mètres

 14   carrés si vous pouvez nous le dire ?

 15   R.  Seize mètres carrés pour l'une des pièces.

 16   Q.  Etait-ce la pièce où vous vous trouviez ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Connaissez-vous un villageois nommé Sait Hajdari ?

 19   R.  Oui. C'est un des parents par alliance.

 20   Q.  Savez-vous où il se trouvait ?

 21   R.  Il était présent également parmi les hommes qui étaient là avec nous

 22   autres alors que nous avions été obligés d'entrer dans la maison. Mais

 23   comme Sait Hajdari était dans une chaise roulante au moment où ils avaient

 24   été forcés d'entrer dans la maison, il a été laissé à l'extérieur, car il

 25   était impossible de le faire entrer. En fait, ils l'ont utilisé pour

 26   bloquer la porte.

 27   Q.  Lorsque vous étiez à l'intérieur de cette maison qui était utilisée

 28   comme une grange, d'après vos propres termes, pourriez-vous nous expliquer

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  1   - prenez votre temps pour nous expliquer en détail ce qui vous est arrivé à

  2   vous-même et aux autres hommes qui étaient présents dans cette maison.

  3   R.  Peu de temps après que nous sommes entrés à l'intérieur, ils ont

  4   commencé à nous tirer dessus. C'est l'exécution qui commençait. Certains

  5   ont été tués sur le coup. D'autres n'ont pas été tués, et ils criaient.

  6   Quelqu'un disait : "S'il vous plaît, ne criez pas, ne criez pas. Peut-être

  7   qu'ils ne viendront pas pour nous exécuter chacun, pour nous exécuter un à

  8   un, individuellement. S'il vous plaît, ne criez pas." Donc certains

  9   criaient. Shefqet Shehu a regardé par la fenêtre, parce qu'il croyait

 10   qu'ils étaient peut-être partis. A ce moment il a vu Momcilo Nikolic à la

 11   fenêtre. C'était son voisin. Il a dit : Alors, Momcilo Nikolic, es-tu en

 12   train de faire cela à nous ? C'était un Serbe de son village. Momcilo

 13   Nikolic a alors abattu Xhefket. Il a continué ensuite à tirer en direction

 14   des corps des autres personnes qui étaient présentes.

 15   Ensuite, ils ont versé une substance inflammable liquide à l'intérieur de

 16   la pièce. Asslani se trouvait près de moi, c'était un homme âgé et son bras

 17   avait été touché par des balles. Il a dit : "Mon bras a été coupé." Et

 18   lorsqu'ils ont versé cette substance inflammable, je sais que Hajdari se

 19   trouvait au-dessus de moi, et il m'avait recouvert de sang. Mon visage, ma

 20   veste, tout ce que je portais était trempé de sang. Un peu plus tard, ils

 21   ont commencé à apporter du maïs, des épis de maïs dans la pièce et à les

 22   déposer sur les corps.

 23   Q.  Si vous pouviez juste vous arrêter un peu ici. Vous avez dit qu'ils ont

 24   utilisé une substance liquide. Dites-nous, en plus à ce sujet, quelle

 25   substance inflammable ont-ils utilisée ?

 26   R.  Ils voulaient brûler, ils voulaient brûler les gens, nous brûler. Une

 27   partie de ce carburant a atteint mon oreille. J'ai essayé de l'essuyer.

 28   Pendant près d'un mois et demi, j'ai été incapable d'entendre correctement

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  1   de cette oreille, et mon visage et mes bras qui avaient été brûlés se sont

  2   rétablis plus rapidement que mon oreille.

  3   Q.  Entendu. Donc ils ont mis feu à la maison après avoir tiré, n'est-ce

  4   pas ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Avez-vous vu les personnes qui tiraient à l'intérieur de la maison ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Savez-vous à partir de quelle position ils ont tiré ?

  9   R.  A partir des fenêtres, à travers des fenêtres.

 10   Q.  Savez-vous quel type d'arme ils ont utilisé pour tirer dans la maison ?

 11   R.  Non, je ne sais pas quel est le nom des armes qui ont été utilisées,

 12   mais ils avaient placé une caisse sous la fenêtre sur laquelle se trouvait

 13   une mitrailleuse.

 14   Q.  Avez-vous vu cette mitrailleuse ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Où était-elle ?

 17   R.  A la fenêtre, à la fenêtre de la pièce où je me trouvais. Le canon de

 18   la mitrailleuse dépassait à l'intérieur de la pièce, se trouvait à

 19   l'intérieur.

 20   Q.  Vous nous dites ce qui s'est passé à l'intérieur de la maison. Mais

 21   combien de temps êtes-vous resté à l'intérieur ?

 22   R.  J'y suis resté sous les corps pendant un certain temps, assez longtemps

 23   pour que le sang dont mes vêtements étaient trempés sèche. Quand ils ont

 24   commencé à lancer des épis de maïs sur les corps, je ne pouvais plus

 25   respirer à cause de la fumée, et j'ai commencé à étouffer. C'est le moment

 26   auquel je me suis levé et je me suis dit qu'il serait mieux pour moi de

 27   sortir et de mourir d'une balle que de mourir brûlé. Et lorsque je me suis

 28   relevé, mon visage a été pris dans des flammes, mes bras également, car je

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  1   devais utiliser mes bras pour m'extirper de l'amas des corps, et je suis

  2   sorti par la fenêtre et me suis rendu directement à la maison de mon oncle,

  3   à la cave de cette dernière.

  4   Q.  Est-ce que nous pourrions voir si sur cette carte vous pouvez nous

  5   indiquer où se trouve la maison de votre oncle, la carte qui est devant

  6   vous ?

  7   R.  Oui, je le peux.

  8   Q.  Par rapport au cercle que vous avez tracé indiquant la zone où

  9   l'exécution a eu lieu, où se trouve la maison de votre oncle ?

 10   R.  Elle est immédiatement voisine, adjacente.

 11   Q.  Entendu.

 12   R.  Elle est juste à côté du lieu du massacre.

 13   Q.  Entendu. Afin que nous le voyions avec précision, je vous prie de

 14   porter le chiffre 4 avec précision là où se trouve la maison de votre oncle

 15   où vous avez trouvé refuge.

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Combien de temps à peu près êtes-vous resté dans la cave de la maison

 18   de votre oncle ?

 19   R.  Jusqu'à ce que la nuit tombe. Et c'est à ce moment-là que je suis parti

 20   pour me rendre dans les montagnes.

 21   Q.  Etiez-vous seul dans la maison de votre oncle ou d'autres personnes

 22   étaient-elles présentes aussi ?

 23   R.  Non, j'étais seul dans la cave de la maison de mon oncle.

 24   Q.  Pendant que vous étiez dans la maison de votre oncle, avez-vous noté

 25   que la police serbe présente dans le village se livrait à quelque acte que

 26   ce soit ?

 27   R.  Je les ai vus entrer dans la cour de la maison de mon oncle. Il

 28   s'agissait de trois policiers. Ils ont emporté la Mercedes, et il y avait

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  1   une Renault 18 également qu'ils ont débarrée et qu'ils ont lancée alors

  2   qu'elle était vide et sans conducteur, qu'ils ont lancée contre le mur de

  3   la maison.

  4   Q.  Lorsque vous avez observé cela, où vous trouviez-vous dans la maison de

  5   votre oncle ?

  6   R.  J'étais au deuxième étage.

  7   Q.  Donc vous avez fui et trouvé refuge dans la cave, et à un certain

  8   moment vous êtes monté au deuxième étage, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Lorsque vous êtes arrivé au deuxième étage de la maison, faisait-il

 11   encore jour ou faisait-il déjà nuit ?

 12   R.  Il faisait encore jour.

 13   Q.  Ces personnes qui ont pris la Mercedes de votre oncle, les avez-vous

 14   reconnues, avez-vous reconnu quelqu'un parmi eux ?

 15   R.  Je n'ai reconnu que Sveta Tasic, c'était le seul que je connaissais

 16   parmi les trois.

 17   Q.  Entendu. Vous le connaissiez, mais le connaissiez-vous

 18   bien ? De quelle manière le connaissiez-vous ?

 19   R.  C'était un Serbe de mon village. Je le connaissais très bien.

 20   Q.  Avez-vous vu quiconque faire quoi que ce soit en ce qui concerne la

 21   maison où l'exécution avait eu lieu ? Peut-être avez-vous du mal à suivre

 22   ce que je vous demande. Lorsque vous étiez au second étage de la maison de

 23   votre oncle, est-ce que vous avez remarqué quoi que ce soit se déroulant à

 24   l'endroit où l'exécution avait eu lieu ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  C'est probablement parce que --

 27   R.  Ils ont continué à amener des épis de maïs, il s'agissait de deux

 28   jeunes hommes qui jetaient ces épis de maïs sur les corps. Cela se passait

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  1   pendant la journée. Des policiers se trouvaient autour de la maison, ils

  2   étaient accompagnés de jeunes hommes. Il y avait donc ce policier qui a

  3   dit, "Si vous voyez quelqu'un en train de bouger, n'ayez aucune pitié,

  4   tuez-les."

  5   Q.  Quand ils étaient en train de jeter des épis de maïs dans la maison,

  6   est-ce que cette dernière était toujours en flammes dans cette zone ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pouvez-vous nous dire à quel moment à peu près vous avez quitté la

  9   maison de votre oncle pour vous rendre dans la forêt ?

 10   R.  A peu près à 18 heures. Il faisait nuit et j'ai quitté la maison pour

 11   me rendre dans les montagnes où j'ai vu deux hommes qui fuyaient, l'un

 12   d'eux était Refki Rashkaj et l'autre était Adnan Shehu. J'étais dans les

 13   montagnes et je pouvais voir de là où j'étais les maisons qui étaient en

 14   flammes, avaient été incendiées. Et j'ai vu qu'ils étaient toujours en

 15   train de transporter des épis de maïs et de les jeter sur les corps. J'ai

 16   pu remarquer cela à partir des montagnes, j'ai vu les maisons qui étaient

 17   en flammes.

 18   Q.  Est-ce que quelque chose est arrivé aux autres maisons du village ?

 19   R.  Elles étaient toutes en flammes.

 20   Q.  Est-il arrivé quelque chose aux maisons des Serbes du village pendant

 21   que vous étiez dans la montagne ?

 22   R.  Non, rien ne leur est arrivé.

 23   Q.  Combien de temps êtes-vous resté dans la forêt ?

 24   R.  J'y suis resté jusqu'à lundi.

 25   Q.  Cela représentait combien de jours ?

 26   R.  Samedi, dimanche et lundi; au total trois jours.

 27   Q.  Et où êtes-vous allé après ?

 28   R.  Lundi avant l'aube, je suis allé au village de Nagavc.

Page 992

  1   Q.  Est-ce que vous avez reçu là-bas des soins médicaux du fait des

  2   brûlures dont vous avez souffert ?

  3   R.  Lorsque je suis arrivé au village de Nagavc, il y avait énormément de

  4   gens. D'abord, je suis tombé sur Ali Hoti, un docteur. Il n'avait rien sur

  5   lui pour s'occuper de mes blessures. Il m'a dit, Xhemajl Danaj est là. Va

  6   le voir. Lui pourra t'aider. Je suis allé le voir, mais il n'avait pas de

  7   matériel. Il s'est servi de langes pour bébé pour me panser mes plaies.

  8   Q.  Etait-ce aussi un médecin ?

  9   R.  Oui, lui aussi était médecin, Xhemajl Danaj était médecin aussi.

 10   Q.  Vous nous dites qu'arrivé à Nagavc, vous avez vu pas mal de gens. Que

 11   faisait donc ces gens là-bas ?

 12   R.  Les gens de Celina, de Krusa e Madhe, Hoxha [phon] et Brestovc, tout

 13   comme Velika Krusa, ils se trouvaient tous à Nagavc.

 14   Q.  Mais que faisaient-ils là ? Pourquoi s'étaient-ils rassemblés là ? Le

 15   savez-vous ?

 16   R.  Je n'étais pas là quand on leur a dit, mais on leur a dit de rester là

 17   et de ne pas aller et venir. Ces gens relataient ce qui leur était arrivé.

 18   Ils m'ont dit que les Serbes leur avaient pris l'argent et les objets de

 19   valeur et leur ont dit de rester dans le village jusqu'à ce qu'on ne leur

 20   dise de partir vers l'Albanie. C'est ce que j'ai ouï-dire de la part de ces

 21   gens lorsque j'étais Nagavc.

 22   Q.  Mais de quel groupe ethnique faisaient partie tous ces gens qui se

 23   trouvaient à Nagavc ?

 24   R.  Ils étaient tous Albanais et Musulmans.

 25   Q.  Et au final, sont-ils partis en Albanie ?

 26   R.  Oui. Lorsque Nagavc a été bombardée le 2 avril, à deux heures et quart,

 27   nous sommes d'abord allés vers la route et de là on s'est dirigés vers

 28   l'Albanie.

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  1   Q.  Quel passage frontière avez-vous traversé pour vous rendre en Albanie ?

  2   R.  Le passage de frontière Qafe Morina.

  3   Q.  Quand vous étiez à la frontière, vous est-il arrivé quelque chose ?

  4   R.  Oui. Lorsque je traversais la frontière, ils ont remarqué que mes mains

  5   et mon visage étaient brûlés, donc ils m'ont insulté, offensé. Ils m'ont

  6   dit : "Tu as été blessé par obus. Tu es un soldat. Où est ton commandant ?

  7   Qui t'as blessé ?" Ils m'ont pris à l'intérieur et m'ont attaché au

  8   radiateur.

  9   Q.  Qui vous l'a fait ?

 10   R.  Les forces serbes, des membres de la police. Ils portaient des

 11   uniformes de la police, mais il y avait aussi des gens de l'armée, des

 12   membres de l'armée.

 13   Q.  Et la pièce où on vous a fait entrer, ça se trouvait au poste-frontière

 14   ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Combien de temps êtes-vous resté là-bas ?

 17   R.  Jusqu'à ce qu'il fasse nuit, je ne sais pas quelle heure il était

 18   exactement, mais il ne faisait pas encore tout à fait nuit. On était au

 19   crépuscule.

 20   Q.  Et où êtes-vous ensuite allé ?

 21   R.  Ils m'ont dit de partir en Albanie.

 22   Q.  Bien. Avant que de passer en Albanie, qu'est-il advenu des autres

 23   personnes qui ont traversé le poste-frontière du Kosovo vers l'Albanie ?

 24   Comment ces personnes-là ont-elles été traitées par la police des

 25   frontières ?

 26   R.  Elle les a pillées. Elle leur a confisqué leur argent, leurs pièces

 27   d'identité. On leur a donné l'ordre de jeter leurs pièces d'identité sur un

 28   tas. Et lorsqu'ils ont remarqué que j'avais des blessures, ils m'ont fait

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  1   revenir. Tous les gens qui traversaient la frontière étaient insultés.

  2   Q.  Vers quel lieu en Albanie êtes-vous allé ?

  3   R.  Dans le secteur Berat.

  4   Q.  Et on vous a soigné, avez-vous reçu des soins médicaux ?R.  A Kukes, à

  5   Kukes. J'y suis resté pendant trois jours. C'est là qu'on ma fourni une

  6   assistance médicale et j'ai 'ai reçu des médicaments. Mais je ne voulais

  7   pas rester là-bas. Je voulais au plus vite retrouver ma famille parce que

  8   je ne savais rien d'eux. Je ne savais pas s'ils étaient vivants ou morts.

  9   Aussi voulais-je partir, et j'ai refusé de rester à l'hôpital. J'ai soigné

 10   mes blessures avec de la crème ordinaire. C'est une façon de soigner

 11   alternative, et je me suis débarrassé de toutes mes cicatrices, ce qui fait

 12   que je n'ai plus de cicatrices sur mon visage ni sur mes mains.

 13   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 14   Juges, je voudrais maintenant montrer au témoin une petite séquence vidéo.

 15   Mais je réalise qu'il faudrait peut-être demander le versement au dossier

 16   de cette vue, et peut-être devrions-nous revenir à cette vue pour un autre

 17   marquage avant le versement au dossier.

 18   Q.  Monsieur Krasniqi, pendant que vous vous trouviez à l'extérieur de la

 19   maison de votre cousin, à l'endroit que vous avez annoté au moyen d'un

 20   numéro 3 sur la carte, lorsque les femmes ont été séparées des hommes,

 21   pendant ce temps où vous avez été emmenés de la maison vers l'étable où il

 22   y a eu toutes ces exécutions, auriez-vous vu un membre quelconque des

 23   forces de la police que vous auriez reconnu ?

 24   R.  De là on nous a conduits vers le site des exécutions. J'ai pu

 25   reconnaître deux personnes à ce moment : Dimitrije Nikolic, Zvezdan Nikolic

 26   et Momcilo Nikolic ainsi que Sava Nikolic. Ces trois-là étaient venus du

 27   contrebas, c'est là que je les ai vus, les autres, et c'est ceux que j'ai

 28   reconnus. Les autres, je ne les connaissais pas.

Page 995

  1   Q.  Mais là, vous venez de nous donner quatre noms.

  2   R.  Je me suis trompé pour ce qui est de Momcilo.

  3   Q.  Bon. Alors Momcilo, vous ne l'avez pas vu là ?

  4   R.  Non, je ne l'ai pas vu là-bas.

  5   Q.  Et ces trois autres, qui est-ce, Sava, Zvezdan, et Dimitrije Nikolic,

  6   est-ce que c'étaient des gens que vous connaissiez avant ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Où les voyiez-vous, ces gens ?

  9   R.  Je les ai vus à l'endroit où on a tourné, on a bifurqué vers le

 10   bâtiment, la maison de Rasim Batusha.

 11   Q.  Est-ce que vous voyez cet endroit sur la photo que vous avez sous les

 12   yeux, l'endroit où vous les avez aperçus ?

 13   R.  Oui, oui. Oui.

 14   Q.  Est-ce que vous pouvez marquer cet endroit avec un numéro 5, l'endroit

 15   où vous avez vu les trois hommes en question ?

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Comment étaient-ils vêtus ?

 18   R.  Ils portaient des uniformes de police.

 19   Q.  Etaient-ils armés ?

 20   R.  Oui, ils étaient armés.

 21   Q.  Quel type d'armes possédaient-ils ?

 22   R.  Ils portaient leurs armes sur l'épaule, et je crois que ça s'appelle

 23   des kalachnikov. Je ne sais pas trop.

 24   Q.  Avez-vous vu qu'ils faisaient quelque chose là où ils se trouvaient ?

 25   R.  Non. Mais ils se sont dirigés vers nous.

 26   Q.  Bon. De l'endroit où ils se trouvaient, pouvaient-ils voir la maison,

 27   voir l'étable où les exécutions ont eu lieu ?

 28   R.  Oui. Cet endroit pouvait être vu de l'endroit où eux se trouvaient.

Page 996

  1   Q.  Je vous ai déjà posé la question probablement, mais dites-nous, combien

  2   de temps aviez-vous connu ces gens-là avant ces événements ?

  3   R.  On est né et on a vécu dans le même village, tous. On s'est connu

  4   enfants, depuis notre naissance.

  5   Q.  Vous avez dit Dimitrije. Or, vous avez vu un homme en uniforme de la

  6   police se diriger vers la maison de Dimitrije. Est-il allé là-bas pour

  7   affaires ou quoi d'autre ?

  8   R.  Nous ne savions pas quelle affaire il pouvait bien avoir. Ça

  9   ressemblait à une espèce de cafet'. La police serbe y allait, les policiers

 10   arrivaient en voiture, et ils se saoulaient. Les enfants avaient plutôt

 11   peur d'aller à l'école par cette route-là. Et les adultes aussi évitaient

 12   d'emprunter ce chemin. On ne passait par là que lorsqu'on allait voir le

 13   médecin ou en cas de nécessité absolue.

 14   Q.  Merci. Pendant que nous en sommes encore à ce site, est-ce que vous

 15   êtes en mesure de nous dire à quelle heure ou à quelle période de la

 16   journée vous êtes entré dans cette maison, ce bâtiment où les exécutions

 17   ont eu lieu, à peu près ?

 18   R.  Je n'avais pas de montre sur moi. Je pense qu'il devait être 11 heures,

 19   11 heure 30, mais je ne sais pas l'heure exacte.

 20   Q.  Onze heure 30 du matin ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et à quelle période de la journée avez-vous fui par la fenêtre ?

 23   R.  Je ne le sais pas, cela. Je suis resté assez longtemps sous les corps,

 24   mais je ne sais pas exactement combien de temps. On n'a plus pu entendre

 25   des cris de personnes, et lorsqu'ils ont jeté ce liquide et lorsque la

 26   fumée a commencé à s'élever, je me suis mis à étouffer. J'avais touché le

 27   sang sur mon visage et sur mon corps, et c'était déjà sec. Je ne pouvais

 28   plus respirer, et je me suis dit, Je vais quand même sortir, il vaut mieux

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  1   être tué par balle que brûlé vif. Je ne sais pas exactement quelle heure il

  2   était, c'est donc ainsi que je suis parti et Dieu m'a sauvé.

  3   Q.  Mais pouvez-vous à peu près nous donner une estimation du moment où

  4   vous avez quitté l'endroit ?

  5   R.  Que voulez-vous que je vous dise ? Je n'avais pas de montre. Je ne sais

  6   pas vous le dire exactement.

  7   Q.  Bon.

  8   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre autorisation,

  9   je demanderais à ce que cette photo soit versée au dossier et obtienne une

 10   cote.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 12   M. STAMP : [interprétation] Je vous en remercie, Monsieur le Président.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction P302,

 14   Messieurs les Juges.

 15   M. STAMP : [interprétation] Vous souvenez-vous à peu près combien d'hommes

 16   et de jeunes gens on a emmenés dans cette maison, là où il y a eu les

 17   exécutions ?

 18   R.  Je ne les ai pas comptés à ce moment-là, mais maintenant je ne suis pas

 19   en mesure de le faire parce que cela me fait mal. Je ne sais pas combien

 20   d'hommes et de jeunes hommes il y avait là. Ils nous ont emmenés dans cette

 21   pièce, et sur le chiffre total ou nombre total de gens qu'il y avait, six

 22   seulement ont survécu. Il y avait des jeunes qui n'avaient que 13 ans. Le

 23   plus jeune avait 13 ans.

 24   Q.  Pendant que vous étiez en Albanie, vous souvenez-vous d'avoir fait une

 25   déclaration à des enquêteurs de ce Tribunal au sujet de ce qui vous était

 26   arrivé à l'étable ou la maison où les exécutions ont eu lieu ?

 27   R.  Oui, je m'en souviens. J'ai donné des déclarations à tous ceux qui

 28   m'avaient dit qu'ils faisaient partie des effectifs de ce Tribunal

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  1   international, mais je ne sais pas vous dire à quelle date j'ai fait ces

  2   déclarations. Je n'ai pas pris de note des dates, mais j'étais toujours à

  3   disposition à chaque fois qu'ils voulaient me poser des questions.

  4   Q.  Vous nous avez dit tout à l'heure que vous ne vous souveniez pas du

  5   nombre de personnes qui ont été emmenées vers cette pièce, mais vous

  6   souvenez-vous de cette déclaration du 4 avril 1999 auprès des enquêteurs du

  7   bureau du Procureur, et que vous avez établi une liste des noms de

  8   personnes dont vous avez pu vous rappeler pour ce qui est de ceux qui ont

  9   été emmenés vers l'étable ?

 10   R.  Je me souviens d'avoir fait une déclaration auprès des représentants du

 11   Tribunal et d'avoir témoigné. Je ne sais pas vous donner de date, mais je

 12   sais que j'ai fait une déclaration.

 13   M. STAMP : [interprétation] Monsieur le Président, je propose que l'on

 14   montre au témoin sa déclaration aux fins de lui rafraîchir la mémoire,

 15   parce que comme vous pouvez le constater, il ne se souvient pas du nombre

 16   et des noms de tous ceux qui ont été emmenés à l'étable. Il s'agit de la

 17   déclaration du 4 avril 1999, et je n'ai pas l'intention de lui faire

 18   montrer la déclaration entière. Il a déjà témoigné à son sujet, mais je ne

 19   voudrais pas que tout soit versé au dossier, mais je voudrais lui

 20   rafraîchir la mémoire au sujet du nombre de personnes et des noms. Il

 21   s'agit de la pièce 023441 [comme interprété].

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qu'on montre au témoin cette

 23   déclaration, et vous avez libre champ pour ce qui est de rafraîchir sa

 24   mémoire sur ces questions-là.

 25   M. STAMP : [interprétation] Je crois qu'il nous faudra nous pencher sur la

 26   page 7 de ce document.

 27   Messieurs les Juges, je me pose la question de savoir s'il ne serait pas

 28   préférable de le faire demain puisque j'ai oublié mon exemplaire, et comme

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  1   c'est une pièce à conviction assez volumineuse et j'ai oublié mon

  2   exemplaire où j'ai marqué les pages pertinentes en version albanaise, donc

  3   je ne peux me pencher que sur la version anglaise, et cela me prendrait

  4   trop de temps que de vérifier les numéros de page. De toute manière, nous

  5   sommes à une minute seulement de la fin de cette audience, aussi peut-être

  6   est-il préférable de continuer demain.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien. Nous allons lever

  8   l'audience et continuer demain matin à 9 heures.

  9   Monsieur Krasniqi, nous allons lever l'audience pour ce soir, et nous

 10   allons reprendre demain matin à 9 heures, à 9 heures le matin. Le personnel

 11   du Tribunal vous aidera et assurera votre présence demain matin ici. Je

 12   vous remercie et je vous prie de vous lever.

 13   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le vendredi 13

 14   février 2009, à 9 heures 00.

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