Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 23 mars 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Avant de commencer, j'indique

  6   que nous devrons demain suspendre l'audience à 12 heures 15, car tous les

  7   juges du Tribunal se réunissent à partir de 12 heures 30 en séance

  8   plénière. La troisième partie de l'audience de demain ne pourra donc pas se

  9   tenir. J'indique par ailleurs que les responsables néerlandais de la

 10   sécurité m'ont fait savoir vendredi que tout le quartier, et notamment le

 11   bâtiment où nous nous trouvons ne sera absolument pas ouvert au public le

 12   mardi 31 mars, à savoir mardi prochain, et ce, en raison d'une très

 13   importante conférence internationale qui se tiendra au plus haut niveau

 14   gouvernemental et qui portera sur l'Afghanistan. Cette conférence devant se

 15   tenir au centre des congrès qui est le bâtiment voisin du notre, tout le

 16   quartier sera fermé au public et il n'y aura aucun moyen d'entrer ou de

 17   sortir du bâtiment où nous nous trouvons le 31 mars. J'indique aux

 18   représentants de l'Accusation et de la Défense que nous n'aurons pas la

 19   possibilité de siéger le mardi 31 mars, si nous n'avons pas terminé à midi

 20   et quart demain.

 21   Monsieur Stamp, je crois savoir que vous avez une observation à

 22   faire.

 23   M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il s'agit des

 24   mesures de protection destinées à un témoin à venir. Je demanderais donc

 25   que nous passions à huis clos partiel. Je prends la parole, car je pense

 26   qu'il serait bon que je présente une demande à la Chambre. Cela étant, il

 27   serait peut-être préférable de le faire avant l'entrée du témoin dans le

 28   prétoire, plutôt que d'interrompre sa déposition. Je voulais simplement

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  1   vous donner une idée de l'objet de ma demande.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous attendrons l'arrivée

  3   du témoin en question. C'est bien le témoin suivant celui que nous sommes

  4   en train d'entendre ?

  5   M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

  7   M. STAMP : [interprétation] Nous ferons comme vous le souhaitez.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons d'abord commencer par la

  9   suite de l'audition du témoin en cours.

 10   [Le témoin vient à la barre]

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je tiens à vous rappeler que la

 14   déclaration que vous avez faite indiquant que vous vous engagiez à dire la

 15   vérité est toujours valable.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   LE TÉMOIN : JOSE-PABLO BARAYBAR [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : [Suite]

 22   Q.  Bonjour, Monsieur Baraybar. Je vais aujourd'hui poursuivre mon contre-

 23   interrogatoire en commençant là où nous nous sommes interrompus la dernière

 24   fois. Tout ceci est en rapport avec la déposition que vous avez faite

 25   durant l'interrogatoire principal mené par l'Accusation. Monsieur Baraybar,

 26   j'aimerais vous interroger au sujet de la nature des blessures et lésions

 27   constatées par les membres de votre équipe, et ce, en me limitant aux

 28   cadavres qui ont été exhumés à Batajnica, puis retournés au Kosovo, à

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  1   Batajnica et à Petrovo Selo. Je parle bien de la nature des blessures qui

  2   ont été infligées aux personnes dont les corps ont été exhumés.

  3   Nous avons ici un tableau qui a déjà été versé au dossier, qui constitue

  4   donc déjà une pièce à conviction, tableau établi après les autopsies. Nous

  5   voyons dans ce tableau que 744 cadavres trouvés à Batajnica ont été

  6   autopsiés, et que vous avez pu déterminer la cause de la mort dans 506 cas,

  7   alors que pour 238 cas, vous n'avez pas été en mesure de la déterminer.

  8   Alors, ma question est la suivante, je vous rappelle que vous avez conclu,

  9   parlant de ce sujet, que les personnes qui avaient trouvé la mort à cet

 10   endroit étaient des civils --ou s'il ne s'agissait pas de civils, il

 11   s'agissait de personnes incapables de se défendre. Les blessures constatées

 12   sur les corps provenaient de balles et non d'éclats d'obus, éclats d'obus

 13   qui, selon vous, sont en général la cause majoritaire du décès des

 14   personnes participant à des combats. Alors, ma première question est la

 15   suivante. Sur quoi fondez-vous votre expérience, d'où vous vient cette

 16   expérience en la matière ?

 17   R.  Ce que j'ai dit, c'est qu'après avoir mené une enquête relative à 25

 18   conflits armés environ, d'ailleurs des renseignements relatifs à cette

 19   enquête ont été communiqués au Tribunal dans l'affaire Brdjanin et Talic.

 20   La cause principale de morbidité ou de mortalité dans des conflits armés

 21   classiques, et par ces mots je parle de deux groupes de personnes en armes

 22   combattant les uns contre les autres, qu'ils s'agissent de guérillas ou

 23   d'armées, en tout cas il s'agit toujours de personnes portant des armes, la

 24   cause majoritaire de morbidité et de mortalité, ce sont les éclats d'obus;

 25   et les tirs d'armes à feu viennent en deuxième lieu, s'agissant de

 26   déterminer ce qui a provoqué les blessures. Dans le cas qui nous intéresse,

 27   ce sont les tirs d'armes à feu qui sont la première cause constatée.

 28   S'agissant des blessures qui ont principalement lésé les extrémités, à

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  1   savoir les bras et les jambes, le thorax ou la tête. Toutefois, nous avons

  2   observé un schéma inverse dans les cas où des personnes ont été tuées dans

  3   quelque chose qui n'était pas un conflit armé, à savoir dans une situation

  4   où un groupe est armé alors que l'autre ne l'est pas. Dans ce cas, il n'est

  5   pas question d'engagement militaire. En l'espèce, nous avons constaté une

  6   répartition des blessures causées par tirs d'armes à feu sur la tête, le

  7   thorax et les extrémités. Il arrive parfois que le nombre de blessures

  8   lésant le crâne et le thorax soit égal ou pratiquement égal. Dans le cas

  9   qui nous intéresse, les blessures infligées au thorax sont pratiquement en

 10   nombre égal aux blessures infligées au crâne, en tout cas en nombre très

 11   important.

 12   J'ai dit également, je peux vous citer ce que j'ai dit, mais peut-être

 13   préférez-vous que je paraphrase, il a été déterminé que dans des contextes

 14   où étaient utilisées des armes à feu, lorsqu'un groupe tire sur un autre,

 15   certains cadavres démontrent des blessures squelettisées, alors que

 16   d'autres n'en portent pas. Toutefois, tous les cadavres que nous avons

 17   examinés en l'espèce avaient été tués par emploi d'armes à feu. Lorsque

 18   nous nous sommes intéressés aux restes décomposés et à tous les restes

 19   humains que nous avons trouvés, c'est peut-être redondant ce que je vais

 20   dire maintenant, mais en tout cas qu'il s'agisse de squelettes ou des os,

 21   il est toujours possible de dire que certains des restes humains ne

 22   démontreront aucun traumatisme osseux suite à des tirs d'armes à feu qui

 23   auraient touché autre chose que des os comme, par exemple, l'abdomen ou

 24   d'autres parties des tissus mous du corps.

 25   Mais je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

 26   Q.  Vous avez parlé d'une citation de ce que vous auriez déjà dit.

 27   Qu'aviez-vous à l'esprit ?

 28   R.  La citation à laquelle je pensais est une citation qui se situe dans un

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  1   contexte marqué par l'emploi d'armes à feu, ce qui détermine la découverte

  2   de lésions squelettisées dans certains cas et non squelettisées dans

  3   d'autres. L'article auquel je pensais, c'est un article dont l'auteur est

  4   De La Grande Maison et collaborateurs, qui est paru en 2001. J'ai la

  5   citation complète dans la bibliographie que j'ai utilisée, et qui a été

  6   communiquée à la Chambre.

  7   Q.  Monsieur Baraybar, pourriez-vous, je vous prie, nous dire si vous

  8   connaissez les rapports d'autopsie qui ont été établis suite à l'autopsie

  9   des soldats de l'armée yougoslave et des policiers yougoslaves qui ont

 10   trouvé la mort au Kosovo ?

 11   R.  Cela dépend. Votre question est très générale. Ce que je veux dire,

 12   c'est que j'ai eu sous les yeux des rapports, et notamment si je me

 13   souviens bien, des rapports portant sur certains cas. J'essaie de me

 14   rappeler précisément ces cas, portant sur des cas bien précis de cadavres

 15   identifiés au Kosovo comme étant probablement des cadavres de soldats, mais

 16   à moins que vous ne me donniez davantage de détails, je ne saurais vous en

 17   dire davantage.

 18   Q.  Lorsque je parle de membres de la police ou de l'armée - à l'époque

 19   dont je parle, le territoire concerné était sans aucun doute le territoire

 20   souverain de la Serbie ou de la Yougoslavie - donc je vous interroge au

 21   sujet de membres de la police et de l'armée de la République fédérale

 22   yougoslave qui auraient trouvé la mort durant les combats menés au Kosovo.

 23   S'agissant de ces cadavres, auriez-vous des informations liées aux

 24   autopsies réalisées ou pas ?

 25   R.  Non, dans le cas précis que vous évoquez, non, je n'en ai pas.

 26   Q.  Je vous remercie. Selon les rapports dont vous êtes l'auteur et que

 27   vous avez remis au bureau du Procureur de ce Tribunal, certains de ces

 28   rapports ayant été versés au dossier, il ressort que le nombre de cas

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  1   étudiés pendant la période où vous étiez à la tête de l'OMF, a été

  2   supérieur à 3 000, ce qui implique que 1 800 à 1 900 de ces cas étaient

  3   directement liés au territoire du Kosovo-Metohija. Donc ce qui m'intéresse,

  4   c'est de savoir si vous avez établi des statistiques comparatives relatives

  5   aux autopsies réalisées sur d'autres cadavres que Batajnica, Petrovo Selo,

  6   et Perucac ?

  7   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions une

  8   référence nous permettant de déterminer quel est le document évoqué par la

  9   Défense.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous nous aider, Maître

 11   Djordjevic.

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je ne peux pas le faire immédiatement,

 13   Monsieur le Président, mais je vais reformuler. Je vais demander à M.

 14   Baraybar combien de cadavres exhumés ont été autopsiés à Batajnica, Petrovo

 15   Selo, et Perucac, pendant la période où il dirigeait le bureau des

 16   personnes disparues et des conclusions médicolégales. Parce que je n'ai pas

 17   la référence immédiatement du rapport dont je parlais tout à l'heure; donc

 18   je ne voudrais pas perdre de temps.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous donner un nombre exact.

 20   Nous pourrions, bien sûr, extrapoler sur la base de la liste consolidée des

 21   portés disparus. A savoir que je suis parti le 1er mai 2007, et vous avez

 22   ici une liste qui date d'avril 2008, avant cela, vous aviez une autre liste

 23   datant d'octobre 2006. Donc pour faire simple, je propose que nous nous

 24   appuyions sur la liste de 2006, où nous voyons que 3 011 cas ont fait

 25   l'objet d'un travail achevé, c'est-à-dire que les restes identifiés, ça

 26   montait à 751 [comme interprété] plus 91. Et là, il faudrait faire une

 27   addition pour obtenir un chiffre exact, à savoir 842 [comme interprété]

 28   dépouilles. Donc voilà quel est le nombre moyen de cas que mon bureau a

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  1   examinés.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

  3   Q.  Pour les corps exhumés, avez-vous pu déterminer la cause de la mort des

  4   cadavres en question, et est-ce que vous disposez de statistiques

  5   déterminées puisque vous avez parlé de Batajnica, Petrovo Selo, et Perucac,

  6   mais est-ce que vous les avez pour les autres cas ? Parce que je ne les ai

  7   pas eus sous les yeux.

  8   R.  Je ne les ai pas, et pour autant que je le sache, ils ne figurent pas

  9   dans mon rapport.

 10   Q.  Je vous pose cette question par souci d'objectivité de votre rapport,

 11   étant donné la conclusion tirée par vous selon laquelle les cadavres

 12   exhumés provenaient de Batajnica, de Petrovo Selo, et du lac Perucac, et

 13   que ces corps présentaient des blessures dont il ressortait à l'évidence

 14   que les personnes en question étaient incapables de se défendre au moment

 15   où elles ont été blessées et qu'elles étaient par conséquent non armées.

 16   Vous avez parlé de sources déterminées, des sources françaises en

 17   particulier. Je ne sais pas quel est le conflit armé ou la partie du monde

 18   qui faisait l'objet de cette source citée par vous. Est-ce que vous auriez

 19   un travail de recherche relatif au conflit du Kosovo peut-être ? Est-ce que

 20   vous auriez une étude qui pourrait être comparée à celle dont vous parlez ?

 21   R.  Non. Toutefois, dans mon rapport que j'ai communiqué au Tribunal dans

 22   l'affaire Brdjanin/Talic, et que j'ai ensuite complété avec l'aide de

 23   Gasior en 2006, il s'agit d'un article paru dans le journal d'enquêtes

 24   médico-légales. Donc nous avons élargi et explicité certains des éléments

 25   que vous venez d'évoquer, pas seulement pour le Kosovo mais également dans

 26   d'autres parties des Balkans, notamment en Croatie et en Bosnie, si je ne

 27   m'abuse, la Croatie, c'est sûr, et ce dont je suis en train de parler c'est

 28   de la distribution des blessures selon le lieu anatomique affecté et de la

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  1   détermination de la nature des lésions qui pouvaient être provoquées par

  2   tel ou tel mécanisme en temps de guerre. Mais pour répondre à votre

  3   question, non, je n'ai pas d'autres sources liées au Kosovo. C'est certain.

  4   Q.  Monsieur Baraybar, je ne conteste pas le lieu anatomique où les

  5   blessures ont été découvertes par vous ou ce que vous avez fait de façon

  6   plus générale. Ce que je dis, c'est autre chose. Vous dites que ce que vous

  7   avez constaté indique qu'il s'agissait de personnes sans armes qui ne

  8   pouvaient pas être partie prenante à un combat, ou s'il s'agissait de

  9   combattants, que ces combattants ne portaient pas d'arme au moment où ils

 10   ont été blessés. Donc c'est la raison pour laquelle je vous demande si vous

 11   avez une possibilité, une source de comparaison au Kosovo s'agissant de la

 12   façon dont les combats ont été menés, des armes qui ont pu être utilisées,

 13   et de la possibilité éventuelle de comparer avec d'autres conflits

 14   classiques, comme vous les avez appelés, puisque vous avez indiqué que dans

 15   des combats, des blessures pouvaient être subies dans les conditions que

 16   vous avez décrites, c'est-à-dire étaient en général et majoritairement dues

 17   à des éclats d'obus sans qu'on puisse trouver un orifice d'entrée et de

 18   sortie de la balle. Donc voilà le fond de ma question. Est-ce que vous avez

 19   des renseignements relatifs à des conflits au Kosovo et qui pourraient

 20   appuyer l'affirmation que vous faites ?

 21   R.  Non, je crains de ne pas pouvoir vous répondre par oui ou par non, mais

 22   replaçons les choses dans leur contexte. J'ai ici la conclusion de mon

 23   rapport qui se lit comme suit, je cite :

 24   "Permettre de penser de façon assez sûre que les individus concernés qui

 25   ont été tués étaient incapables de se défendre et ne participaient pas à un

 26   affrontement entre deux groupes armés," ce qui permet de penser, et je ne

 27   l'affirme pas, mais cela permet de penser que la situation était telle que

 28   je l'ai décrite. Les renseignements que je fournis dans mon rapport ainsi

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  1   que dans des citations antérieures que je vous ai déjà données se comparent

  2   tout à fait bien d'un pays du monde à un autre où des "guerres" ont eu

  3   lieu. L'étude des 25 cas dont j'ai déjà parlé va de l'Afghanistan aux

  4   Balkans, et elle démontre que même si le contexte dans lequel la guerre est

  5   menée est différent, on trouve un schéma répétitif, quel que soit le lieu.

  6   Je vous donnerais un autre exemple, cette distribution des lésions, qu'il

  7   s'agisse en premier lieu de lésions dues à des éclats d'obus et en deuxième

  8   lieu de lésions dues à des armes à feu, on retrouve ce même schéma dans un

  9   conflit du Pérou qui date de 1984 où il s'agissait d'une guerre menée par

 10   des insurgés contre l'armée du pays. Donc encore une fois nous pouvons dire

 11   sur la base de cette comparaison entre le Pérou et le Kosovo ou la Bosnie,

 12   que quelque soit le lieu, c'est une conclusion universelle. Voilà, ce que

 13   nous savons pour le moment.

 14   Q.  Suis-je en droit de dire, après la réponse que vous venez de faire, que

 15   vous concluez que les choses se sont probablement passées ainsi ? Vous ne

 16   dites pas ce que vous dites avec une certitude à 100 %, n'est-ce pas,

 17   s'agissant de savoir si ces personnes étaient en mesure ou pas de se

 18   défendre ?

 19   R.  C'est exact, parce que toutes les affirmations d'un expert, tel que

 20   moi-même ou un autre expert, ne vous apportent que le scénario le plus

 21   probable. Tout est toujours sûr avec une certaine marge d'erreur qui peut

 22   atteindre 50 %. Donc le scénario le plus probable, cela signifie que les

 23   éléments de preuve recueillis par moi me permettent de reconstituer la

 24   situation comme constituant une probabilité, mais je ne peux pas vous

 25   donner autre chose qu'une probabilité statistique, parce que les éléments

 26   sur lesquels nous travaillons ne nous permettent pas par nature d'affirmer

 27   quelque chose à 99,9 % de certitude. Nous ne travaillons pas avec de l'ADN.

 28   Il est tout à fait clair que les éléments sur lesquels nous travaillons

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  1   sont des variables quantitatives. Donc nous fournissons le scénario le plus

  2   probable. C'est ce que peut reconstituer un expert, un scénario le plus

  3   probable. Je ne dis pas que le scénario qui a eu lieu avec 100 % de

  4   certitude. Je pense qu'il s'agit du scénario le plus probable, ce qui

  5   signifie que tous les éléments aptes à nous aider nous permettent de

  6   conclure que ce scénario est le plus probable, sinon je n'irais pas jusqu'à

  7   dire que ces éléments permettent d'attester que ces individus qui ont été

  8   tués étaient incapables de se défendre. Je dis que cela "permet fortement

  9   de le penser", donc c'est ce qui est le plus probable. Les éléments

 10   d'information que nous avons comparés à d'autres éléments d'information,

 11   qui sont détaillés dans le rapport, nous conduisent à conclure que ce

 12   scénario, cette cause du décès est la plus probable. Il est possible que

 13   d'autres causes aient pu intervenir, oui c'est possible, tout est possible,

 14   mais je ne saurais commenter de simples possibilités. Je ne peux commenter

 15   que des probabilités, et c'est ce que je fais dans mon rapport.

 16   Q.  Toutefois, est-ce que vous avez disposé d'éléments comparatifs vous

 17   permettant de présenter au Tribunal et au bureau du Procureur d'autre

 18   situation que celle des cadavres que vous avez examinés au Kosovo, et si

 19   vous avez disposé d'éléments précis, aussi précis que ceux de Batajnica,

 20   Petrovo Selo, et Perucac, vous conviendrez avec moi que si nous disposions

 21   de ces statistiques, la probabilité de vos affirmations serait bien

 22   supérieure ou bien inférieure ou non existante. Est-ce que vous nous avez

 23   montré d'autres cadavres examinés par vous qui présenteraient des blessures

 24   provoquées par des éclats d'obus dont vous pourriez dire que ces personnes

 25   ont perdu la vie au cours de conflits armés dans une situation très

 26   différente ? Si tous les cadavres examinés par vous présentaient des

 27   orifices de sortie et d'entrée, tels que provoqués par des armes à feu,

 28   est-ce que vous conviendrez que ce que je dis peut-être valablement dit ?

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  1   R.  Non, je ne dirais pas ça, mais je peux vous dire pourquoi. Ce que je

  2   veux dire, c'est que je n'essaie pas de disconvenir de ce que vous dites

  3   simplement pour maintenir mes arguments à flot, mais il y a une raison pour

  4   laquelle je peux ne pas être d'accord avec vous. Souvenons-nous que les

  5   trois fosses communes qui sont discutées dans mon rapport correspondent à

  6   des événements précis. Il ne s'agit pas de personnes qui sont arrivées par

  7   hasard dans ces fosses à côté d'autres cadavres. Par exemple - et c'est

  8   simplement le souvenir que j'ai des jours passés au Kosovo - un des groupes

  9   de cadavres provenait d'Izbica, et Izbica avait vécu une attaque bien

 10   particulière à une date bien particulière suite à quoi un certain nombre de

 11   personnes, pas tout le monde, a été tué. D'autres cadavres provenaient de

 12   Meja, et à Meja il y avait également eu une attaque bien particulière, donc

 13   un autre événement. Par conséquent, l'événement et la nature même de

 14   l'événement font ce qui nous permet de déterminer la nature des lésions

 15   présentées par les cadavres parce que tout événement a une nature bien

 16   particulière. Par conséquent, je ne saurais simplement comparer 1 800

 17   cadavres avec d'autres cadavres découverts au Kosovo dans des événements

 18   différents de celui qui m'intéresse. Bien entendu, je ne peux comparer que

 19   des choses comparables. Je peux comparer à Meja ou à Izbica un autre

 20   événement de même nature, mais je ne saurais comparer tous les cadavres

 21   découverts au Kosovo qui pourraient être le signe d'événements différents

 22   et dans lesquels seraient intervenus des mécanismes différents. Par

 23   exemple, je ne saurais comparer le cadavre d'une vieille femme découverte

 24   dans son appartement avec un cadavre découvert à Meja. Ce que je veux dire,

 25   c'est que cela n'aurait pas de sens. Par conséquent, c'est là que je ne

 26   suis pas d'accord avec vous.

 27   Q.  Je pourrais être d'accord avec vous si vous l'aviez écrit dans votre

 28   rapport, mais c'est ce qu'il manque dans votre rapport. Ce que nous avons

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  1   dans votre rapport, c'est toute une série de certificats de décès ainsi que

  2   des rapports médico-légaux, et je reviens à l'un d'entre eux. Ba012, c'est

  3   l'affaire dont il a déjà été question au début de votre déposition. J'ai

  4   une référence, un instant je vous prie. Le rapport en B/C/S est le document

  5   numéro 2794; 02794, c'est la version anglaise de ce rapport, et nous voyons

  6   là un certificat de décès relatif à Lirije Berisha, ainsi qu'un rapport

  7   médico-légal qui l'accompagne.

  8   J'en demande l'affichage sur les écrans, merci bien.

  9   Alors, ce qui m'intéresse, et je regarde ce rapport, c'est la raison pour

 10   laquelle on ne trouve que quelques phrases dans ce rapport -- je vois que

 11   Mme Kravetz s'est levée.

 12   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais une

 13   référence de page. Quelle est la page du rapport à laquelle nous nous

 14   intéressons en ce moment ? J'aimerais que notre collègue de la Défense nous

 15   communique cette référence si c'est possible.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît. Je vais

 17   le faire tout de suite. Je vais poursuivre et je vous le dirai plus tard.

 18   Ma question est de nature générale, mais voilà, je vous cite cet exemple,

 19   étant donné que vous en avait parlé M. Baraybar.

 20   Q.  Comment se fait-il que tous les rapports d'autopsie aient été rédigés

 21   en juste quelques phrases, et comment nous qui nous nous intéressons à la

 22   nature de ces lésions et à la cause de ces lésions, comment pouvons-nous

 23   étudier ces rapports avec nos propres témoins experts étant donné que là,

 24   par exemple, ce rapport est si court et nous n'avons pas de détails qui, à

 25   notre avis, sont nécessaires et devraient y figurer pour que nous puissions

 26   contredire certaines conclusions ? Nous avons ici tout simplement la

 27   conclusion, mais nous n'avons aucun compte rendu portant sur l'autopsie

 28   pour voir ce qui a été déterminé lors de l'autopsie, quelles sont les

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  1   causes des lésions des traumatismes osseux, et cetera. Comment se fait-il

  2   que ces rapports soient si brefs ? Etait-ce courant de procéder ainsi ?

  3   R.  Non. J'ai sous les yeux la page de garde de mon rapport. Maître

  4   Djordjevic, à mon avis, se réfère au rapport d'inspection que je n'ai pas

  5   sous les yeux. J'ai le paragraphe concerné à la page 11 de mon rapport,

  6   mais j'imagine que ce n'est pas ce qui l'intéresse.

  7   Q.  C'est exact. Juste un instant, s'il vous plaît.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Pour ne pas perdre trop de temps,

  9   j'aimerais que M. l'Huissier donne cette copie papier au témoin, et je vous

 10   prie de montrer tout d'abord ce document à Mme le Procureur.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation]  Merci.

 12   Comme je vous l'ai dit au début de l'interrogatoire, cette inspection

 13   médico-légale n'était pas une autopsie formelle, c'est pourquoi les

 14   informations sont très brèves. Mais cela ne veut pas dire que ce document a

 15   été rédigé à l'endroit où l'autopsie a eu lieu, certainement pas. Tous les

 16   formulaires où l'on écrit à la main comment l'examen a eu lieu et quelles

 17   sont les blessures constatées, tout cela n'est que le sommaire, et

 18   l'inspection médico-légale n'est qu'une inspection. Ce n'est pas une

 19   autopsie en tant que telle. Cela dit, beaucoup d'attention a été donnée au

 20   fait qu'il fallait reconstruire les cadavres, les parties de corps brisées,

 21   par exemple s'agissant des blessures occasionnées par armes à feu au niveau

 22   du crâne, et cetera. Nous avons des photos, nous avons des parties écrites

 23   à la main qui y figurent. Tout cela existe à mon avis, tout ce que je veux

 24   dire c'est que ce que vous avez ce n'est que le résumé qui a été fourni

 25   justement pour les cas de figure tels que cette affaire d'aujourd'hui. Ce

 26   n'est qu'un résumé. Ce n'est pas l'autopsie en tant que tel. Cela devrait

 27   figurer à l'OMPF de l'ONU au Kosovo.

 28   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Mais ce sont les documents que j'ai reçus

Page 2665

  1   --

  2   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi la référence.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je répète. C'est P4556 et P5148.

  4   Q.  Ma question suivante porte sur le fait suivant, Monsieur Baraybar. Est-

  5   ce que vous avez pu tenir compte des rapports d'autopsies portant sur les

  6   cadavres transportés depuis Batajnica, Petrovo Selo, et Perucac au Kosovo ?

  7   R.  Pourriez-vous être un peu plus précis ?

  8   Q.  Est-ce que vous teniez compte de ces rapports ? Est-ce que vous les

  9   avez étudiez, est-ce que vous vous êtes servi de ces rapports dans votre

 10   travail ou pas du tout ?

 11   R.  Oui. Nous avons d'abord examiné les premiers cas. Je ne parle pas des

 12   huit premiers, mais nous avons reçu un grand nombre de cas, nous avons pu

 13   constater que du moins en ce qui concerne Batajnica et Perucac, la cause du

 14   décès n'était pas déterminée, et il semblait que tous les cas étaient

 15   identiques, à savoir que tous étaient tués suite à une blessure occasionnée

 16   par un instrument contondant, et les cadavres étaient trop décomposés. Nous

 17   avons rencontré vraiment des difficultés, et à un moment donné nous avons

 18   examiné ces rapports mais uniquement en tant que référence. Un rapport

 19   d'inspection est un rapport indépendant. Nous n'essayons pas de citer les

 20   erreurs commises par d'autres, mais nous avons l'obligation envers les

 21   familles de transmettre les restes de ces gens. Nous ne pouvions pas tout

 22   simplement les transmettre en tant que -- s'il restait encore des restes de

 23   ces cadavres qui étaient fournis à l'extérieur en plus.

 24   Q.  Revenons à la statistique que vous avez fournie. Il s'agit du document

 25   qui porte la référence en B/C/S 02795, pages 5 455. En fait, ce document a

 26   été versé au dossier en tant que P5455. J'aimerais que l'on montre le

 27   tableau qui y figure.

 28   C'est la pièce à conviction P455.

Page 2666

  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, la pièce P455

  2   figure à l'écran maintenant.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci.

  4   Q.  Examinons le tableau que vous avez dressé pour Batajnica. Vous avez en

  5   tout 238 cas de décès non déterminés. Comment se fait-il que votre équipe

  6   n'ait pas pu déterminer quelle était la cause du décès ?

  7   R.  Juste pour préciser, lorsqu'on dit non déterminé, cela ne veut pas dire

  8   que l'on ne sait pas quelle était la cause. C'est peut-être un problème de

  9   traduction. Vous pouvez en fait déterminer quelle est la cause la plus

 10   probable du décès sur la base des éléments fournis par le cadavre. Vous

 11   pouvez avoir le squelette de quelqu'un qui a été empoisonné par exemple, ou

 12   étranglé ou que l'on a blessé à coups de couteau dans les tissus mous. On

 13   ne peut dans ce cas dire que la cause n'est pas connue, mais cela ne veut

 14   pas dire que l'on ne peut pas déterminer quelle était la cause du décès. En

 15   l'espèce, on ne pouvait pas déterminer quelle était la cause parce que les

 16   cadavres étaient trop fragmentés, ou il manquait des parties de cadavres.

 17   Par exemple, il y avait aussi des housses mortuaires où il y avait des

 18   parties de cadavres appartenant à plusieurs individus. Par exemple, il n'y

 19   avait qu'une jambe, et en l'espèce vous ne pouviez pas déterminer quelle

 20   était la cause du décès sur la base tout simplement d'une jambe.

 21   Q.  Que signifie le chiffre 238 non déterminé ? Parce que maintenant je ne

 22   comprends rien. Vous avez ici une statistique où vous dites le nombre de

 23   cas examinés, le nombre de cas où la cause du décès a été examinée, et la

 24   troisième catégorie ce sont les cas non déterminés. Qu'est-ce que cela veut

 25   dire ?

 26   R.  Mais je pense que j'ai déjà expliqué, mais je peux vous le redire. Sur

 27   un total de 744 personnes, pour les 506 personnes on a déterminé quelle

 28   était la cause du décès sur la base des éléments de preuve physique, tandis

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  1   que pour les 238 la cause du décès ne pouvait pas être déterminée sur la

  2   base des restes examinés. Soit il y avait des restes qui n'étaient pas

  3   complets, il y avait des parties qui manquaient, et cetera.

  4   Q.  Je vous ai compris. Tout à l'heure je ne vous ai pas compris, mais

  5   maintenant je comprends, merci de l'avoir expliqué. Maintenant, vous devez

  6   préciser votre réponse, parce que la situation est plus claire. Ma question

  7   maintenant est la suivante. S'agissant de ces personnes où nous n'avons pas

  8   pu déterminer la cause du décès, est-ce que cela veut dire compte tenu de

  9   votre rapport où vous dites que s'agissant de Batajnica, en grande partie

 10   ces restes n'étaient que des squelettes et il restait peu de tissus mous;

 11   est-ce exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Est-ce que cela veut dire que lorsqu'il s'agissait de blessures

 14   occasionnées par un coup de couteau ou il y avait des lésions par balle au

 15   niveau des tissus mous, vous ne pouviez pas déterminer sur le squelette que

 16   cette mort était occasionnée par une balle parce qu'il n'y avait pas de

 17   restes sur le squelette, est-ce que je vous ai bien compris ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Ma question est la suivante : est-ce que les blessures occasionnées

 20   suite à un éclat d'obus ou tir d'arme à feu peuvent également ne pas

 21   occasionner de blessures sur le squelette ?

 22   R.  C'est exact.

 23   Q.  Merci. Ma question suivante porte sur votre rapport, la référence D002-

 24   4164. Je pense que c'est la version en anglais, et ce document a plus de 50

 25   pages, mais étant donné que vous en êtes l'auteur vous connaissez fort bien

 26   ce rapport. Il s'agit de l'examen que vous avez effectué sur neuf groupes

 27   de cadavres découverts à Berica. Donc vous avez réalisé cet examen vous-

 28   même, donc en tout il y avait neuf groupes trouvés à Berisa au Kosovo ?

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  1   R.  Si je vous ai bien compris, c'était des éléments de preuve présentés

  2   dans l'affaire Limaj et consorts, n'est-ce pas ?

  3   Q.  Oui, mais je vous cite la référence exacte du document.

  4   J'aimerais que l'on montre maintenant la première page de ce document.

  5   C'est la référence D002-4166 pour qu'il n'y ait pas d'erreur, et je vous

  6   prie de me dire si vous connaissez ce document.

  7   R.  Oui je le vois.

  8   Q.  Est-ce que vous êtes l'auteur de ce document ? Est-ce que vous

  9   connaissez ce document ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci. A la page 3 de ce document, il est dit :

 12   "Dans le cadre de l'examen des cadavres il est dit :

 13   'Etant donné qu'on ne pouvait pas déterminer si les blessures par armes à

 14   feu ont été occasionnées avant ou après le décès, il a été constaté que ces

 15   blessures ont été occasionnées au moment de la mort et en fait ont causé la

 16   mort…"

 17   Est-ce que l'examen médico-légal se fonde sur les suppositions ou sur

 18   les faits ?

 19   R.  Je vais vous donner une réponse élaborée pour que tout soit clair. En

 20   tant qu'anthropologue ou pathologiste médico-légal, quelqu'un qui examine

 21   dans toute façon les cadavres, examine les causes les plus probables de la

 22   mort et non pas ce quels étaient les mécanismes de la mort. Par exemple,

 23   quelqu'un a été tué au niveau du crâne, la cause du décès est certainement

 24   cette blessure occasionnée au crâne, mais le mécanisme de la mort, la

 25   personne a saigné à mort. Lorsque vous avez un cadavre où il n'y a plus de

 26   tissus mou, où vous n'avez que des os ou de toute façon un cadavre en état

 27   de décomposition, nous, en tant que scientifiques, nous essayons de

 28   déterminer quel était le mécanisme de la mort. Si nous essayons de le

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  1   faire, ce ne serait pas la peine de le faire, parce que tout ce que vous

  2   pouvez dire c'est que l'on constate qu'il y a eu une blessure par arme à

  3   feu au niveau de la tête, mais je ne peux pas dire si la personne était

  4   déjà morte au moment où la blessure a été occasionnée. Peut-être que la

  5   personne est morte suite à une crise cardiaque par exemple. La question qui

  6   se pose est de savoir si tout cela était logique dans un contexte, ce n'est

  7   pas mon opinion personnelle que je suis en train de défendre.

  8   Lorsqu'il s'agit de violation des droits de l'homme, nous devons

  9   tenir compte de deux choses. Tout d'abord, les cadavres découverts dans ces

 10   fosses communes ont été découverts par quelqu'un, et lorsque vous avez par

 11   exemple des cadavres, on voit que les mains étaient liées et ligotées et

 12   qu'ils avaient des yeux couverts. Certainement il ne s'agissait pas de

 13   personnes qui s'étaient suicidées. De même, lorsqu'on examine les restes,

 14   il faut tenir compte du contexte pour tirer des conclusions, des

 15   suppositions et, bien sûr, ce sont des suppositions. Si l'on veut être

 16   puriste, bien sûr, on ne peut pas dire si la personne était cliniquement

 17   parlant morte ou pas, parce que maintenant on pourrait se lancer dans une

 18   discussion métaphysique. Si la personne était presque morte, si elle avait

 19   du pouls ou pas, mais néanmoins elle était encore un peu vivante ou pas du

 20   tout, il faut tenir compte de tous les éléments qui ont causé la mort et

 21   non pas examiner quel était le mécanisme de la mort.

 22   De même où vous trouvez un cadavre où vous avez cinq blessures

 23   occasionnées par arme à feu au niveau de la tête, on ne peut pas dire

 24   pourquoi ces blessures ont été occasionnées. Vous savez, dans le dernier

 25   paragraphe de mon rapport, je cite un article d'Okoye et Kimmerle où l'on

 26   examinait les schémas d'activité s'agissant des personnes tuées par armes à

 27   feu où il est dit qu'en fonction du calibre la personne allait mourir dans

 28   tant de minutes et cetera. Toutes ces études nous aident à faire le lien

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  1   entre les blessures physiques et les médecins légistes traitant ce genre de

  2   relation tous les jours.

  3   Je pourrais vous fournir d'autres articles où l'on traite de ce sujet, où

  4   l'on parle de la cause la plus probable de la mort. On considère que c'est

  5   la procédure la plus appropriée, non seulement au Tribunal mais partout

  6   dans le monde.

  7   Q.  Est-ce qu'il faut déterminer les blessures au niveau des

  8   os, quel était le mécanisme suite auquel ces blessures ont été

  9   occasionnées, quelle était la cause de la mort ? Est-ce que cela relève du

 10   travail d'un anthropologue ?

 11   R.  Oui. Un anthropologue aide le pathologiste à déterminer quelle est la

 12   cause la plus probable, comme je vous l'ai déjà dit et, bien sûr,

 13   l'anthropologue détermine quel était le mécanisme de la blessure. Est-ce

 14   qu'un pathologiste examine les tissus mous et les organes ? Nous devons

 15   d'autre part comprendre comment un os se brise, nous devons tout savoir au

 16   sujet des os. Ma réponse est oui. Je réponds par l'affirmative.

 17   Q.  S'agissant du mécanisme de la blessure, est-ce que l'anthropologue

 18   étudie ce mécanisme également ?

 19   R.  Oui, bien sûr. Comme je vous l'ai déjà dit, si en tant qu'anthropologue

 20   je ne pouvais pas faire la différence entre un trou au niveau de l'os

 21   occasionné par une arme à feu ou par tout simplement une perceuse, dans ce

 22   cas-là je n'aurais pas de travail, j'imagine.

 23   Q.  A la page 3 de votre rapport, on peut voir que tous les orifices

 24   d'entrée et de sortie au niveau de la tête et au niveau du thorax allaient

 25   causer la mort; est-ce que je vous ai bien compris ?

 26   R.  Il faut tenir compte du contexte. Lorsqu'on détermine les causes le

 27   plus probables de la mort, vous avez deux types de blessures. Le premier

 28   groupe sont les blessures mortelles, et ces blessures sont occasionnées au

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  1   niveau de la tête et au niveau du thorax, et si les blessures ne sont pas

  2   traitées au niveau des bras et au niveau des jambes, ces blessures peuvent

  3   également être mortelles, parce qu'à ce niveau il y a une artère importante

  4   qui passe au niveau du fémur, et si la blessure n'est pas traitée à ce

  5   niveau-là, elle peut être mortelle également.

  6   Q.  Monsieur Baraybar, est-ce que vous avez entendu parler de la collection

  7   de Baraybar ?

  8   R.  Oui, certainement. J'ai certainement entendu parler de la collection

  9   Baraybar, non pas dans le sens que ça existe, mais j'en ai entendu parler.

 10   Q.  La collection squelettique médico-légale Baraybar, est-ce que vous

 11   pouvez nous dire ce que ceci représente ?

 12   R.  Pour autant que je sache, le terme a été donné à cette collection après

 13   mon nom, afin de me faire honneur, même si ceci ne m'a pas facilité les

 14   choses dans la vie. Le TPIY ou le bureau du Procureur avait un gros projet

 15   en Bosnie et surtout au Kosovo afin de recalculer les normes portant sur

 16   l'agissement de la population dans les Balkans. C'est ce qui a été fait.

 17   Ceci a été publié l'année dernière en 2008, par le "Journal of Forensic

 18   Sciences." Cette "collection" était constituée d'un certain nombre d'os et

 19   de plâtres. Je sais que ces os ont été utilisés pour les examens, et

 20   ensuite ont été renvoyés là où ils avaient été récupérés.

 21   Q.  Qui avait recueilli ces os ? Pourquoi est-ce que la collection porte

 22   votre nom ? C'était vous qui les aviez récupérés ?

 23   R.  Puisque j'étais l'expert médico-légal affecté par le Tribunal, et

 24   j'étais à la tête des équipes médico-légales le plus souvent, je

 25   surveillais la plus grande partie de ce projet. C'est la raison pour

 26   laquelle je suppose que l'Université du Tennessee aux Etats-Unis, qui a

 27   effectué ce travail, a pensé qu'il s'agirait là d'une distinction

 28   particulière si cette série d'études était appelée ainsi, car il n'y a pas

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  1   vraiment une collection physique d'os derrière une vitre. C'est ainsi que

  2   j'ai compris cela.

  3   Q.  J'aimerais savoir maintenant si vous avez assisté à la réunion

  4   regroupant les anthropologues, les médecins légistes, les experts médico-

  5   légaux de l'Académie américaine pour les sciences médico-légales tenue à

  6   Dallas 2004, lorsque les représentants de l'Université de Tennessee ont

  7   présenté l'ensemble de ce projet ? Est-ce que vous avez assisté à ce

  8   congrès, est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il s'agissait d'après vos

  9   souvenirs ?

 10   R.  J'y étais. Je me souviens que je suis arrivé tard. J'ai présenté un

 11   article qui a été publié après le congrès dans le même volume. Le titre

 12   était "Lorsqu'il n'y a plus d'ADN, peut-on encore identifier les personnes

 13   ?" Ceci a été publié dans le "Journal of Forensic Science" en 2008. Je ne

 14   sais pas exactement quand. Au début du congrès, j'ai appris justement à ce

 15   moment-là que j'avais reçu l'honneur selon lequel cette "collection" allait

 16   porter mon nom.

 17   Q.  Les choses ne se sont-elles pas passées différemment, n'est-il pas vrai

 18   de dire que vous et tout un groupe de scientifiques présents là-bas, vous

 19   avez subi des critiques très sérieuses concernant le contexte éthique de

 20   l'ensemble de cette entreprise, surtout liées au fait que vous aviez

 21   recueilli les os de ces personnes sans l'accord de leurs proches, et compte

 22   tenu du fait que seule l'Accusation était au courant de cela ? A l'époque,

 23   l'adjoint du Procureur, M. Graham Blewitt, a dit que vous aviez été

 24   autorisé à mener une enquête, mais dans les termes les plus vastes

 25   possibles alors que les scientifiques du Tennessee ne savaient pas que les

 26   restes ou les os étaient des victimes du Kosovo et de la Bosnie. Ai-je

 27   raison de dire que Mme Soubok [phon], professeur d'anatomie et

 28   d'anthropologie médico-légale de l'université, vous a sévèrement critiqué,

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  1   et c'était le cas des autres scientifiques qui ont assisté à ce congrès ?

  2   L'ensemble du projet a été remis en question en raison de cela ?

  3   R.  C'est une opinion. Je peux expliquer. Si qui que ce soit avait été

  4   soumis à un débat chauffé, et je pèse mes mots pour ne pas parler de la

  5   diffamation, c'était moi. Vous savez il suffit d'aller sur internet mettre

  6   mon nom et les os à côté vous aurez toute une série d'articles et de

  7   commentaires des scientifiques dont les noms ne sont pas présentés et qui

  8   critiquent mes agissements et le seul nom qui y est présenté est le mien.

  9   Jusqu'à présent, je n'ai pas vu de désaccord ou discussion au niveau

 10   universitaire au sujet de ces séries d'articles qui ont été publiées et

 11   révisées par des pairs. Ce serait le type de critique que j'accepterais et

 12   auquel je m'attendrais. Mais les critiques qui ont commencé avec la

 13   publication dans le "Sydney Herald" je pense en Australie, était en 2001,

 14   si je ne me trompe, et puis il y avait une revue totalement inconnue au

 15   Royaume-Uni appelée "The Age," je me souviens car j'ai travaillé pour le

 16   Tribunal à Sanski Most je pense. Ce même sujet revenait dans des contextes

 17   différents sans cesse pendant des années et des années. Apparemment ceci

 18   est capable d'émouvoir beaucoup de personnes et d'inspirer beaucoup de

 19   personnes pour qu'elles écrivent là-dessus. Je n'ai pas de commentaires.

 20   Visiblement ce genre de travail n'est pas très populaire. Je n'essaie pas

 21   de voir tout ce qui est écrit à mon sujet au jour le jour, certainement

 22   pas.

 23   Q.  Est-ce que vous pouvez faire un commentaire au sujet de la déclaration

 24   de vos collègues de l'Université de Tennessee qui ont dit qu'ils n'étaient

 25   pas au courant de l'origine de ces os, et qu'ils avaient appris seulement

 26   par la suite que les os appartenaient à personnes tuées peu de temps avant.

 27   Pourquoi est-ce que ces personnes auraient dit cela ?

 28   R.  C'est la première fois que j'entends parler du fait que mes collègues

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  1   de Tennessee avaient dit cela. Peut-être que vous pouvez m'indiquer la

  2   source de cette citation, mais même si tel est le cas, je n'ai pas de

  3   commentaires. Si ce que vous dites est exact, il faut leur poser la

  4   question à eux. Je n'ai pas de commentaires à formuler là-dessus. C'est la

  5   première fois que j'entends parler de cela.

  6   Q.  Les journalistes d'une organisation qui s'appelle IACAN, "Kosovo action

  7   network" vous ont posé -- il s'agit d'un journaliste qui s'appelle Petra

  8   Kirning [phon] et Kees Brining [phon], et vous avez répondu la même chose,

  9   qu'il fallait leur poser la question à eux. Ce qui m'intéresse surtout

 10   c'est est-ce qu'il est exact que le but de prendre un échantillon d'os de

 11   plus de 800 cadavres était afin de déterminer l'âge des personnes qui

 12   devait correspondre à ce que vous appelez du profil, soit des gens du

 13   Kosovo, soit de la Bosnie d'après vos termes ? Est-ce que c'était le but de

 14   cette étude scientifique, c'est-à-dire de déterminer l'âge de ces personnes

 15   suite à la retrouvaille du squelette de la personne ? Est-ce que c'était

 16   cela la raison ? Si j'ai bien compris, il s'agissait de la prise des côtes

 17   et de la clavicule; ai-je raison de dire cela ?

 18   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin s'est vu

 19   poser une question complexe. Il y a plusieurs questions contenues dans

 20   cette même question. Il faudrait lui montrer la source des documents dont

 21   il est question. Tout d'abord est-ce qu'on peut poser la question en

 22   plusieurs fois.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons ici des questions

 24   compliquées et des objections compliquées.

 25   Si vous souhaitez que le témoin fasse un commentaire intelligent, il serait

 26   nécessaire que vous lui soumettiez l'article et la référence spécifique.

 27   Compte tenu la manière dont vous posez vos questions, je suggère que le

 28   témoin ne pourra pas vous donner une réponse raisonnablement experte à

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  1   cette question.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, j'aurai

  3   besoin alors d'un peu plus de temps car je viens d'apprendre cela moi-même

  4   juste avant l'audience.

  5   Q.  Tout d'abord, est-ce que pour les buts dans le cadre de vos recherches,

  6   vous avez recueilli les restes des os de plus de 800 cadavres ou pas ?

  7   R.  Tout d'abord, il ne s'agissait pas des recherches menées par moi, c'est

  8   ce que j'ai déjà dit; deuxièmement, je ne sais pas vous dire comme ça

  9   combien d'échantillons des restes ont été pris, mais vous vous avez la

 10   source, peut-être que le chiffre est correct. Je peux supposer que tel

 11   était le cas, oui.

 12   Q.  Est-ce que vous auriez l'amabilité de nous répondre s'il est possible

 13   que ce soit le cas ou si le nombre était effectivement aussi élevé que

 14   cela. Qui était à l'initiative de ce projet de récupération des ossements,

 15   qui était à la tête de cela --

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous posez de nouveau des questions

 17   multiples. Est-ce que vous souhaitez que le témoin se prononce au sujet

 18   d'un article en particulier ?

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président.

 20   Je ne souhaite pas que le témoin parle ni fasse des commentaires au sujet

 21   d'un article car il peut s'agir d'une diffamation. C'est la raison pour

 22   laquelle je lui ai demandé s'il était exact de dire que des os ont été

 23   prélevés auprès de 800 cadavres. Maintenant je demande qui était à

 24   l'initiative de cela, de ce prélèvement des échantillons.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Permettez-lui de répondre à cette

 26   question-là.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit au départ, la

 28   proposition soumise au bureau du Procureur, le concept scientifique venait

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  1   de moi, même s'il ne s'agissait pas de ma recherche personnelle ou

  2   collection personnelle, ainsi de suite. Je vais répondre à votre question

  3   complexe, aux deux autres parties de votre question, quant à la question de

  4   savoir pourquoi, la réponse est très simple.

  5   Au cours des années passées dans les Balkans, les normes permettant de

  6   déterminer l'âge de squelettes utilisés venait surtout de ce qui était

  7   appliqué aux populations nord-américaines. Ce que nous savons maintenant

  8   c'est que s'agissant de l'agissement squelettique, les populations

  9   différentes âgent [phon] de manière différentes. Afin de pouvoir être

 10   objectif il ne suffit pas seulement de reconstruire des profils

 11   démographiques, en disant que beaucoup de personnes trouvent la mort entre

 12   25 et 35 ans; mais aussi afin de pouvoir assister à l'identification

 13   individuelle, dans le sens je pense que telle personne et telle personne,

 14   et dans le cadre de son profil nous avons le fait que c'est un mâle, et il

 15   est âgé de tel âge, et cetera. Là, pour l'établir, l'on applique les normes

 16   qui concernent la population en question. Parmi les objectifs des

 17   anthropologues médico-légaux à travers le monde, l'un est d'élaborer ce que

 18   l'on appelle les normes spécifiques à une population. Je ne peux pas

 19   utiliser la norme africaine sur la population sud-américaine ou nord-

 20   américaine, et ainsi de suite. C'est ça la raison. Je ne sais pas si j'ai

 21   été clair, mais c'est ça les raisons principales. Bien sûr, je peux entrer

 22   dans plus de détails, mais je ne sais pas si ma réponse vous satisfait.

 23   Q.  En partie. Ma question suivante concerne cette collection d'os. Voici

 24   ce que j'ai lu, et veuillez me répondre en disant si c'est exact ou pas.

 25   J'ai lu dans plusieurs articles que les échantillons prélevés étaient des

 26   échantillons du pubis, de côte, et de la clavicule; est-ce exact ?

 27   R.  Oui et non. S'agissant de la clavicule, ils ont pris un morceau de la

 28   clavicule pour appliquer une technique qui requière une partie de l'os, et

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  1   non pas l'ensemble. En ce qui concerne l'os pubic parfois c'était le cas.

  2   Parfois ils ont pris le plâtre en silicone. Et s'agissant des côtes,

  3   c'était la même chose, c'est-à-dire les côtes étaient coupées, les morceaux

  4   de côtes de deux à trois centimètres, et ont été plâtrés aussi. Donc, ça

  5   dépendait; il s'agissait d'une variation et d'une combinaison de toutes ces

  6   techniques.

  7   Q.  Merci. Voici la question suivante qui m'intéresse. Les restes osseux

  8   prélevés auprès de ces victimes, est-ce qu'il s'agissait là des personnes

  9   dont l'identité avait été établie ou pas ?

 10   R.  Il y avait la combinaison des deux. Il y avait un grand nombre de cas

 11   où les personnes avaient été identifiées, et puis aussi de nombreux cas où

 12   les personnes n'avaient pas été identifiées. Donc, les normes qui

 13   s'appliquaient aux personnes connues pouvaient s'appliquer aux personnes

 14   inconnues aussi.

 15   Q.  Lorsque vous avez parlé du profil qui vous intéressait, est-ce que ceci

 16   portait sur les Balkans, sur l'ex-Yougoslavie, ou seulement sur le Kosovo

 17   et la Bosnie ?

 18   R.  Je suppose qu'il s'agit là du profil, mais la citation provient d'où ?

 19   D'un article ?

 20   Q.  C'est vous-même qui l'avez dit tout à l'heure. Vous avez dit que le

 21   profil permettant de déterminer l'âge des restes humains ne pouvait pas

 22   être déterminé en appliquant les normes nord-américaines, et que c'est pour

 23   cela que vous avez lancé ce projet-là. Mais puisque vous avez dit que le

 24   projet se déroulait au Kosovo et au Bosnie, il faut savoir que la

 25   Yougoslavie est une notion un peu plus vaste, les Balkans, c'est une notion

 26   encore plus vaste. Donc, ce qui m'intéresse maintenant, c'est quelle est la

 27   région en question ?

 28   R.  Je n'ai pas parlé du profil dans ce contexte-là, mais de la norme

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  1   spécifique à une population, et en ce qui concerne l'ex-Yougoslavie, elle

  2   représente un échantillon assez représentatif d'un peuple. Par exemple, les

  3   personnes âgées en ex-Yougoslavie, ça peut être une notion beaucoup plus

  4   uniforme en tant que peuple par rapport à la population, puis vous pouvez

  5   diviser les populations en sous-groupes, comme par exemple la population

  6   nord-américaine est une population multiraciale et multinationale. Donc,

  7   l'idée de créer une norme spécifique à une population pour cette partie des

  8   Balkans est en fait assez représentative.

  9   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, avant que cette idée ne vous vienne à

 10   l'esprit, vous avez mentionné le mot "norme" plutôt que "profil." Est-ce

 11   que vous avez utilisé des profils ou normes européens ? Est-ce que vous

 12   connaissez ces normes ? Est-ce que vous les avez utilisées plutôt que des

 13   nomes américaines ?

 14   R.  Nous allons entrer dans des détails très techniques, mais revenons

 15   d'abord un peu en arrière. En 1995-1996, par exemple, nous avons travaillé

 16   au Rwanda, même pas dans les Balkans, au Rwanda. Et nous devions examiner

 17   un certain nombre de cadavres, et nous devions établir des profils

 18   spécifiques concernant leurs âges, leurs sexes et ainsi de suite. Les

 19   seules normes médico-légales que nous pouvions utiliser étaient les normes

 20   nord-américaines. Pourquoi ? Les normes nord-américaines, et je parle de

 21   deux normes en particulier, l'une d'elle s'appelle Suchey-Brooks, elle se

 22   réfère aux changements ou aux métamorphoses d'une partie de la synthèse

 23   pubienne, et puis ensuite, les normes élaborées par Iscan and Loth, qui se

 24   fondent sur la métamorphose de la partie externe des côtes, et c'était les

 25   seules normes médico-légales disponibles. Pourquoi était-ce le cas ? Car

 26   ces personnes avaient effectivement effectué une recherche identique en

 27   recueillant des échantillons d'une salle d'autopsie portant sur les

 28   personnes dont l'âge et le sexe étaient connus. Donc, dans le cas de

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  1   Suchey-Brooks, il y avait un échantillon, un grand échantillon multiracial

  2   dans le bureau des chercheurs du comté de Los Angeles, alors que d'autres

  3   échantillons venaient de la Floride. Mais c'était les seules normes assez

  4   sûres que l'on pouvait appliquer jusqu'à ce moment-là dans la médecine

  5   légale. Donc, à l'année 1996 dans les Balkans, encore une fois nous avons

  6   eu les mêmes problèmes qu'au Rwanda par rapport aux normes à utiliser. Et

  7   bien sûr, il y avait d'autres normes, la norme européenne des

  8   anthropologues, mais ce n'était pas les normes médico-légales. C'était des

  9   normes dérivées. Et bien sûr, vous avez d'autres normes élaborées par des

 10   professeurs hongrois très connus. C'était des cas portant encore une fois

 11   sur une population majoritaire qui ne peut pas se comparer aux autres

 12   individus.

 13   Donc en 1996, nous avions le choix d'utiliser ce dont on disposait

 14   mais, bien sûr, notre idée était de pouvoir utiliser quelque chose qui

 15   pourrait se répliquer ailleurs par ceux qui allaient continuer à travailler

 16   dans le cadre de l'identification dans les Balkans, et je veux dire même

 17   au-delà du TPIY, comme c'est le cas aujourd'hui. Donc c'était ça la raison.

 18   Et lorsque l'on parle des normes, il faut faire très attention, car il y a

 19   beaucoup de normes. Mais quant à la possibilité d'utiliser une norme, je ne

 20   veux pas toujours appliquer une norme. Il y a des normes dérivées d'une

 21   population égyptienne à l'époque des pharaons par exemple; on ne peut pas

 22   l'appliquer aux Bosniens ou aux Péruviens, donc ça ne marche pas ainsi.

 23   Donc ici, vous essayez d'identifier une population spécifique, un groupe

 24   d'individus, et vous vous fondez sur les éléments les plus précis dont vous

 25   disposez.

 26   Q.  Et comment est-ce que vous avez alors pu atteindre les résultats

 27   concernant tous ces cadavres -- ou plutôt, dites-moi d'abord à quel moment

 28   est-ce que la collection a commencé à être constituée, la collection connue

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  1   comme collection Baraybar, en quelle année ?

  2   R.  Le projet, si je ne me trompe, avait commencé en 1998 ou 1999, l'un des

  3   deux. Encore une fois, je me fonde sur ma propre mémoire. Je préfère

  4   appeler cela un projet plutôt que le nom que mes éminents collègues de

  5   Tennessee ont donné à ce projet lorsqu'ils lui ont attribué mon nom.

  6   Q.  Et si c'était 1998, à quel moment est-ce que vous avez pu recueillir

  7   les parties de squelettes en Bosnie puisque vous avez dit que vous l'avez

  8   fait en Bosnie aussi ?

  9   R.  Non -- je veux dire oui; c'est ce que j'ai déjà dit. Ce projet se

 10   fondait sur les restes humains de la Bosnie et, si je ne me trompe, il y a

 11   une petite collection de la Croatie aussi et du Kosovo.

 12   Q.  Et ça aussi c'était en 1998 ?

 13   R.  Encore une fois, sur la base de mes souvenirs, je dirais que le projet

 14   avait débuté en 1998, 1999, mais je ne suis pas sûr, je n'ai pas d'éléments

 15   pour corroborer cela. Je me fonde simplement sur ma mémoire pour dire cela.

 16   Q.  Vous avez dit qu'il y avait un nombre de cadavres identifiés et non

 17   identifiés dont on avait prélevé ces échantillons. Et là où les cadavres

 18   avaient été identifiés, est-ce qu'on avait demandé officiellement

 19   l'approbation auprès des membres de la famille afin de pouvoir prélever ses

 20   os pour mener des recherches scientifiques ?

 21   R.  Non. Ces os avaient été recueillis dans le cadre de la procédure

 22   d'autopsie et comme c'est le cas lors de chaque autopsie, vous prélevez les

 23   échantillons dont vous avez besoin dans le cadre de votre examen et dans ce

 24   type de cas, la détermination de l'âge ou d'autres choses fait partie de

 25   l'enquête. Lors d'une autopsie, vous recueillez des échantillons de tissus,

 26   de l'urine, du sang, des organes, tout ce dont vous avez besoin afin

 27   d'arriver à vos conclusions. Donc la logique est la même. Il ne s'agissait

 28   pas du fait que l'on aurait prélevé des échantillons dans le cadre d'une

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  1   expérience étrange.

  2   Q.  Certainement, ce n'est pas ça que je voulais dire; mais encore une

  3   fois, je vous pose cette question en raison des réactions des familles de

  4   victimes et de représentants de certaines organisations internationales qui

  5   s'étaient prononcés à ce sujet-là comme par exemple, Mme Munira Subasic,

  6   qui fait partie du Mouvement pour les mères des enclaves de Zepa et

  7   Srebrenica ou un père qui, au nom de l'Association Spresimi [phon] et Mari

  8   [phon] Hoti, et l'Association des personnes disparues, son commentaire

  9   était que c'était absolument scandaleux que personne d'entre eux n'avait

 10   été consulté et qu'ils avaient tous été choqués. Est-ce que vous êtes au

 11   courant de ces commentaires ou pas ?

 12   R.  Ce que je sais c'est qu'un certain nombre de journalistes très

 13   irresponsables et peut-être - je dis peut-être même si j'en suis

 14   pratiquement sûr - donc peut-être certains collègues dont je tairai le nom

 15   pour le moment, ont estimé que cela pourrait être une aventure intéressante

 16   de s'adresser aux médias en faisant ce genre de commentaires très peu

 17   appropriés et très inexacts. Après quoi, les familles qui avaient vu

 18   certains de leurs êtres chers se voir prélever des os pour cette collection

 19   privée, une collection qu'ils pensaient peut-être que je conservais chez

 20   moi à mon domicile ou sous mon lit ou quelque chose comme ça, parce que

 21   j'ai entendu ce genre de chose également. Donc ces familles ont réagi comme

 22   on pouvait s'attendre à ce qu'elles réagissent ayant reçu ce genre de

 23   renseignements. Qu'est-ce que je peux vous dire ? J'ai vécu ce genre de

 24   campagne de calomnies déjà un certain nombre de fois dans ma vie, campagne

 25   lancée par des familles qui ont inventé tout ce qui a été dit. On trouve

 26   toutes sortes de choses sur internet, voyez-vous. Moi j'ai arrêté de lire

 27   ce genre de choses, très franchement. Pour ma santé mentale, j'ai arrêté de

 28   les lire il y a longtemps.

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  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore

  2   quelques questions à poser au témoin, mais je crois que l'heure se prête à

  3   la pause technique. J'ai déjà dépassé l'heure d'ailleurs, mais j'en aurai

  4   encore au maximum pour dix minutes de questions adressées à M. Baraybar,

  5   après quoi j'en aurai fini de mon contre-interrogatoire. Je pense que ce

  6   serait une bonne idée de suspendre maintenant.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Une pause va vous permettre de revoir

  8   le reste de vos notes et de bien rassembler vos esprits, Maître Djordjevic,

  9   je suppose.

 10   Donc nous allons suspendre et nous reprenons à 16 heures 15.

 11   --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

 12   --- L'audience est reprise à 16 heures 17.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, à vous.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q.  Monsieur Baraybar, ma dernière question porte sur les désagréments que

 16   vous avez vécus en rapport avec cette collection d'ossements, ou quel que

 17   soit le nom qu'on lui donne. Je voudrais vous demander si cette collection

 18   est restée à l'Université de Tennessee, ou si elle a été déménagée au

 19   Kosovo ?

 20   R.  Pour autant que je le sache, l'Université de Tennessee a retourné tous

 21   ces ossements au TPIY. Je ne travaille plus pour le TPIY, comme vous le

 22   savez. Par conséquent, toute question relative à ce genre de chose devrait

 23   être adressée à l'Université de Tennessee. Pour autant que je le sache, les

 24   ossements lui ont été retournés.

 25   Q.  Encore une question. Pourquoi est-ce que ces ossements se sont

 26   retrouvés à l'Université de Tennessee aux Etats-Unis pour commencer ?

 27   R.  L'Université de Tennessee est, si je puis m'exprimer ainsi, la grande

 28   université à avoir mis au point le programme le plus complet

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  1   d'anthropologie médico-légale aux Etats-Unis. C'est la première de toutes

  2   les universités en la matière, comme vous le savez peut-être. Le

  3   département d'anthropologie médico-légale a été créé par le Dr William

  4   Bass, un légiste anthropologue très connu. En fait, l'un des ouvrages dont

  5   il est l'auteur est pratiquement un manuel pour les anthropologues médico-

  6   légaux du monde entier, une bible. Donc voilà quelle était la principale

  7   raison.

  8   Q.  Est-ce que cela était fait à votre initiative, sur votre proposition ?

  9   R.  Oui, oui. Sur ma proposition, oui.

 10   Q.  Y a-t-il eu un accord signé à ce sujet entre le TPIY et l'Université de

 11   Tennessee ?

 12   R.  Encore une fois, il faudrait que vous posiez la question au TPIY, mais

 13   je suppose que oui.

 14   Q.  En tant que chef de l'organisation des personnes disparues et des

 15   recherches médico-légales, vous n'êtes pas au courant de cela, vous ne

 16   savez pas si oui ou non un accord officiel a été conclu ?

 17   R.  Je ne dirais pas que je n'en sais rien, mais comme je vous l'ai déjà

 18   dit, il serait bon que vous posiez la question au TPIY, car j'ai cessé de

 19   travailler pour le TPIY depuis 2002. Je crois savoir qu'une espèce d'accord

 20   existe, mais je n'ai pas été partie prenante à la conclusion de cet accord,

 21   puisque je ne suis plus salarié du TPIY. Donc j'estime ne pas avoir les

 22   moyens nécessaires pour répondre à une question de ce genre, n'ayant jamais

 23   eu les documents officiels sous les yeux. Je suppose que le meilleur

 24   interlocuteur à interroger à ce sujet, c'est le TPIY.

 25   Q.  Existe-t-il un document d'expert quelconque à l'Université de Tennessee

 26   qui aurait été adressé au bureau du Procureur de ce Tribunal et qui aurait

 27   pu éventuellement être utilisé dans un prétoire dans le cadre d'une affaire

 28   entendue par ce Tribunal ?

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  1   R.  Encore une fois, vous devriez demander à l'Université de Tennessee si

  2   elle a envoyé un quelconque rapport au TPIY. Toutefois, il existe une série

  3   de documents qui ont été publiés dans le "Journal of Forensic Sciences." Ce

  4   sont des documents de fond, des articles de fond qui existent en tout cas

  5   en Amérique du Nord, et plus précisément aux Etats-Unis, dont le système

  6   respecte ce qu'il est convenu d'appeler la norme Daubert, s'agissant de

  7   l'utilisation de certaines publications dans les prétoires. Cette norme a

  8   paru en 2008, l'année dernière, mais encore une fois je n'ai pas de

  9   renseignements précis sur ce point. Je pense que vous pourriez trouver des

 10   réponses sur internet.

 11   Q.  Je pose cette question encore une fois parce que je suppose que

 12   l'Université de Tennessee a reçu des fragments d'ossements pour réaliser

 13   des analyses approfondies dans l'intérêt des Chambres et des participants à

 14   des procès menés ici ou ailleurs, mais je suppose que vous n'avez pas de

 15   renseignements à ce sujet.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Alors, je demande l'affichage du document

 17   P453 sur les écrans à présent. Page 18.

 18   Voilà, c'est la bonne page qui est à l'écran.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais j'ai le sentiment tout d'un coup

 20   qu'il s'agirait peut-être de la pièce P455, non ?

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] P453. Page 18.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, mais ce qui m'intéresse c'est de

 23   savoir si nous devons voir s'afficher à l'écran un document qui est une

 24   pièce à conviction. Vous avez évoqué ce document dans le cadre de votre

 25   contre-interrogatoire, n'est-ce pas ?

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai absolument

 27   pas utilisé ce document. Ce document est un protocole d'accord relatif aux

 28   échanges entre rapports d'expert des experts médico-légaux. Je parle bien

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  1   du document P453, page 18.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, j'ai l'impression

  3   que nous ne nous comprenons pas bien. En ce moment même, vous avez sur

  4   votre écran le document dont vous avez demandé l'affichage, document que

  5   vous venez d'utiliser pour les dernières questions que vous posiez aux

  6   témoins. Souhaitez-vous que ce document soit versé au dossier ou pas ?

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'en souhaite

  8   le versement au dossier.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous dirais, Maître Djordjevic, que

 10   vous êtes en très bonne compagnie, car c'est Me Djurdjic qui avait donné

 11   l'exemple de ce genre de situation. La Chambre admet ce document au

 12   dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D00064, Monsieur

 14   le Président.

 15   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, oui. Absolument.

 16   Je demanderais maintenant que l'on affiche sur l'écran le protocole

 17   d'accord relatif aux échanges de rapports d'expert entre des spécialistes

 18   de médecine légale. Il s'agit de la pièce P453, page 18.

 19   Voilà. Elle est affichée. Très bien.

 20   Q.  Ma question est très courte. Connaissez-vous ce protocole d'accord,

 21   Monsieur ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Selon ce protocole, y a-t-il eu collaboration ou pas ? Et en parlant de

 24   collaboration ou de coopération, je parle d'échange d'information entre

 25   experts de médecine légale, autrement dit anthropologues, pathologues

 26   [phon], et cetera, oui ou non y a-t-il eu échange d'information ?

 27   R.  Oui, de façon générale, oui. Je dirais que nous avons été très

 28   accueillants vis-à-vis des experts médico-légaux serbes qui venaient au

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  1   Kosovo pour pratiquer des exhumations de dépouilles dont ils estimaient

  2   qu'il s'agissait de dépouilles de cadavres non-albanais. Par ailleurs, la

  3   majeure partie de ces exhumations et de ces examens, sinon la totalité

  4   d'entre eux, ont été réalisés avant que mon bureau ne soit créé. Par

  5   conséquent, je n'étais pas présent, donc il n'y a pas eu réciprocité.

  6   Q.  Mais ma question est fondamentalement la suivante : est-ce que vous

  7   échangiez des informations avec des experts serbes au sujet de ce que j'ai

  8   appelé, pour ma part, des profils et que vous appelez, si je ne me trompe,

  9   des normes relatives à l'âge des cadavres exhumés ? Est-ce qu'il y a eu

 10   coopération sur ce sujet, est-ce que certaines normes auraient pu être

 11   appliquées que vous ne connaissiez pas particulièrement, parce que vous

 12   avez dit appliquer la norme nord-américaine qui a commencé à être appliquée

 13   avec les exhumations liées au Rwanda et à la Yougoslavie, et cetera ?

 14   R.  Comme je vous l'ai déjà dit, la publication définitive des normes, la

 15   dernière publication a eu lieu l'année dernière, et moi j'avais quitté le

 16   Kosovo l'année précédente. Donc, par définition, ma réponse est négative.

 17   Q.  Votre réponse est donc un non. Je vous remercie. Je n'ai plus de

 18   questions à vous poser, Monsieur. Je vous remercie des réponses que j'ai

 19   reçues de vous aujourd'hui ainsi que les jours précédents.

 20   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 21   Juges, ceci met un point final à mon contre-interrogatoire. Si nous devions

 22   vous soumettre d'autres remarques, nous entendons le faire par écrit. Pour

 23   le moment nous en avons terminé. Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Souhaitez-vous demander le

 25   versement au dossier du dernier document, Maître Djordjevic ?

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui. Encore une fois, ma réponse est oui,

 27   Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis au dossier en

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  1   tant que pièce à conviction.

  2   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le juriste hors classe me fait savoir

  4   que ce document est déjà une pièce à conviction, donc vous avez eu raison

  5   de ne pas en demander le versement.

  6   Madame Kravetz, des questions supplémentaires ?

  7   Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, Monsieur le Président, pas de questions

  8   supplémentaires.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] M. le Juge Baird a quelques questions

 11   à vous poser.

 12   Questions de la Cour : 

 13   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Baraybar, j'aimerais ramener

 14   votre esprit à la référence que vous avez faite à des blessures

 15   tangentielles par balle sur le crâne, où vous parliez de l'orifice

 16   principal, comme vous l'aviez appelé, et de cas où l'on trouvait un orifice

 17   d'entrée et un orifice de sortie simultanément. Pouvez-vous nous dire

 18   quelle pouvait être la position de la personne abattue par rapport à la

 19   personne responsable du tir dans un cas comme celui-ci ?

 20   R.  C'est une question très difficile, en réalité, Monsieur le Juge, et

 21   elle est en général posée par des juristes, si je puis me permettre. Une

 22   chose que nous devons bien comprendre s'agissant de cela, c'est que les

 23   trajectoires que l'on peut déterminer sur un cadavre, donc sur un

 24   squelette, se font par rapport à la position anatomique de l'individu en

 25   question, n'ont pas grand-chose à voir avec l'endroit où la personne était

 26   debout ou gisait au sol. Anatomiquement, cela signifie que l'on considère

 27   le corps comme debout avec les deux bras le long du corps. Donc, d'un point

 28   de vue absolu, la direction en question irait du haut vers le bas et non du

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  1   bas vers le haut. Toutefois, dans ce cas particulier, on ne sait pas si la

  2   personne avait la tête baissée ou si elle était, par exemple, à genoux.

  3   Dans certains cas, des tirs provenant d'armes de poing, comme c'est

  4   le cas en l'espèce, peuvent nous donner des renseignements plus approfondis

  5   sur la position de la personne, sur l'endroit où elle pouvait se trouver

  6   par rapport à la personne responsable du tir. Par exemple, des tirs qui

  7   pénètrent le corps par le cou, ce pour quoi il faut que la tête soit

  8   hyperfléchie, autrement dit fléchie vers l'avant, sinon la balle ne peut

  9   pas pénétrer. Mais lorsqu'on a une balle à forte vélocité, il est

 10   extrêmement difficile de dire dans quelle position se trouvait la personne.

 11   Donc, je ne sais pas si j'ai répondu --

 12   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Je vous remercie. Vous avez parlez

 13   également des blessures, des lésions péri mortem. Une lésion péri mortem,

 14   c'est sur le fond une blessure infligée après la mort, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non. En réalité, non. Péri mortem n'est pas synonyme de post mortem,

 16   parce qu'il est question ici d'intervalle proche du moment de la mort, ce

 17   qui signifie que nous parlons d'un moment qui est très peu antérieur ou

 18   très peu postérieur à la mort. En d'autres termes, si je prends une

 19   personne, que je tire sur cette personne et que la personne meurt en raison

 20   des blessures qu'elle a reçues, on peut éventuellement penser que je tire

 21   une deuxième fois sur cette personne, alors qu'elle est déjà cliniquement

 22   morte. Je ne pourrai pas déterminer si le deuxième laps de temps constitue

 23   la différence entre le moment où le premier tir a eu lieu et le moment où

 24   le deuxième tir a eu lieu. La seule façon de déterminer cela c'est de faire

 25   des recherches en différents lieux et de détecter certains éléments qui

 26   auraient pu être produits par le cadavre alors qu'il était encore vivant.

 27   Par exemple, il y a des saignements particuliers, en quantité plus

 28   importante que normalement, certains éléments, donc, qui peuvent être

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  1   produits par le corps lorsqu'il est vivant.

  2   Par conséquent, oui, je tire sur un cadavre, le cadavre saigne parce

  3   que la personne est morte il y a 30 secondes, cette personne ne produit pas

  4   toutefois la substance en question. C'est une façon de déterminer si nous

  5   sommes dans le péri mortem. Mais s'agissant d'un cadavre qui est mort

  6   depuis quelques années, on ne parle pas de péri mortem, mais de post

  7   mortem. Péri mortem ne peut se situer que très peu de temps avant ou après

  8   la mort. Post mortem signifie qu'il y a présence d'artefact. Par exemple,

  9   si le cadavre a été jeté dans une fosse et que des rochers ont recouvert le

 10   corps et cassé et fracturé des os, c'est une situation à prendre en compte.

 11   Ça, c'est post mortem. Le péri mortem se situe immédiatement avant ou après

 12   le décès.

 13   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Donc il n'y a pas de ligne de

 14   démarcation très nette.

 15   R.  Non. Encore une fois, c'est cela le grand art de travailler sur un

 16   cadavre qui est composé de tissus cellulaires. Par exemple, on peut mesurer

 17   la quantité de sang que l'on a ou que l'on n'a pas à l'intérieur du corps,

 18   on peut faire des mesures sur les ossements, on peut également utiliser des

 19   éléments qui sont exacts, mais moins précis.

 20   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Je vois. Je vous remercie. R.  Je vous

 21   remercie.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous serez heureux de savoir que ceci

 23   met un terme aux questions qui vous seront posées. La Chambre vous remercie

 24   de votre participation et de l'aide que vous avez apporté à ce procès dans

 25   le cadre des efforts qui vous ont été demandés. Nous vous sommes

 26   reconnaissants pour cela. Vous pouvez, bien sûr, reprendre le cours de vos

 27   activités normales à partir de maintenant.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Puis-

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  1   je dire quelque chose ? J'ai une note ici qui permettrait de préciser une

  2   réponse faite à Me Djordjevic. J'aurais voulu pouvoir prononcer quelques

  3   mots à l'issue de ma déposition devant la Chambre.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela dépendra de Me Djordjevic.

  5   Est-ce que vous aimeriez entendre ce qu'a à dire le témoin, Maître

  6   Djordjevic ? Je suppose que vous répondiez par l'affirmative.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Non, plutôt par la négative.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Scellé par la négative.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Très bien.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voilà. Vous avez votre réponse, je le

 11   crains fort.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème.

 13   Je vous remercie.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   [Le témoin se retire]

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Stamp, nous croyons savoir

 17   que vous avez une question à évoquer devant la Chambre ?

 18   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Pourrais-je passer à huis clos partiel. Je vous en serais reconnaissant.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel, je vous prie.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 22   le Président.

 23   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 2693-2703 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 28   --- L'audience est levée à 17 heures 46 et reprendra le mardi 24 mars 2009,

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  1   à 9 heures 00.

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