Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 2 avril 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  6   Madame D'Ascoli -- non, non, je m'excuse. Ce n'est pas Mme D'Ascoli, c'est

  7   Madame Gopalan.

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Le témoin

  9   suivant est le Dr Shukri Gerxhaliu.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est un plaisir de vous voir, Maître

 13   Djordjevic.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Le plaisir est partagé, Messieurs les

 15   Juges.

 16   Nous avions dit que si nous avions des questions administratives à

 17   soulever, nous le ferions devant cette Chambre de première instance. Alors,

 18   il s'agit toujours du même et sempiternel problème qui, à mon avis, ne peut

 19   pas être réglé, mais avec le passage du temps, il devient de plus en plus

 20   difficile de le régler. Il s'agit d'un problème technique à propos de

 21   l'ordinateur de l'accusé qui doit utiliser un disque dur extérieur, et ce,

 22   dans le quartier pénitentiaire des Nations Unies. Nous avons d'abord été

 23   rassurés, on nous a dit que cela sera réglé, mais le problème n'a pas été

 24   réglé. Alors, le fait est que mon collègue, mon confrère Me Djurdjic et

 25   moi-même, avons des problèmes pour préparer notre défense du fait de la

 26   quantité monumentale de documents que nous devons fournir à notre client

 27   sur des CD, sur des DVD et il n'arrive véritablement pas à se retrouver

 28   dans ce labyrinthe de documents en utilisant différents moteurs de

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  1   recherche. Donc il a demandé un certain nombre de solutions techniques. La

  2   seule façon, ce serait de lui permettre d'utiliser un disque dur extérieur;

  3   plusieurs accusés du quartier pénitencier d'ailleurs l'utilisent depuis

  4   très longtemps. Donc je ne comprends pas pourquoi son cas serait différent.

  5   Et Messieurs les Juges, je vous demanderais de prendre cela très au

  6   sérieux, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous êtes en train de me dire qu'il y

  8   a des accusés qui utilisent un disque dur extérieur ?

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour autant que je

 10   m'en souvienne, et c'est ce que mon client a indiqué, il m'a indiqué que le

 11   premier disque dur extérieur a été reçu par le général Perisic. Enfin, ceci

 12   étant, c'est mon client qui me l'a dit. Donc ce n'est pas une connaissance

 13   directe. Et plusieurs autres personnes ont apparemment utilisé ou utilisent

 14   apparemment des disques durs extérieurs. Donc moi, je ne vois pas d'où

 15   vient le problème. J'en ai parlé aux experts informatiques, et ils m'ont

 16   dit que c'était l'enfance de l'art, très facile à régler.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, je serais extrêmement surpris

 18   d'entendre que des disques durs extérieurs sont disponibles dans le

 19   quartier pénitentiaire, parce que par le passé cela avait posé d'énormes

 20   problèmes de sécurité, et je pense que c'est le problème fondamental en

 21   fait pour votre client. Lorsque cela a été soulevé il y a plusieurs

 22   semaines de cela, nous avions reçu un rapport détaillé à ce sujet. Et à ce

 23   moment-là, il y avait eu un échange de points de vue pour justement aider

 24   votre client, mais je dois vous dire que la solution n'a jamais été de lui

 25   faire utiliser un disque dur extérieur. D'après ce que je sais, il s'agit

 26   d'un problème de sécurité.

 27   Donc, le problème sera soulevé à nouveau. Je verrai s'il s'agit d'un

 28   problème différent. Je vais aussi m'enquérir pour voir si d'autres accusés

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  1   ont le droit d'utiliser ce genre de dispositif informatique. Mais si tel

  2   est le cas, cela ne signifie pas d'ailleurs automatiquement que votre

  3   client aura le droit de le faire, parce qu'il se peut quand même que cela

  4   suscite d'autres difficultés, ou des difficultés permanentes. Mais nous

  5   allons nous pencher sur cette question pour, dans un premier temps, nous

  6   assurer qu'il y ait une logique sécuritaire, et je pense à tous les

  7   dispositifs qui seront mis à la disposition de votre client lorsque je dis

  8   cela.

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci.

 10   M. STAMP : [interprétation] Puisque nous parlons de problèmes

 11   administratifs, j'aimerais juste indiquer qu'un témoin prévu pour la

 12   semaine prochaine, le Témoin K89, nous a informé par le truchement de

 13   l'Unité des Témoins et des Victimes -- je ne vais pas entrer dans les

 14   détails, dans les détails de sa vie, mais il a des problèmes avec un membre

 15   de sa famille. Donc il ne peut pas venir comme prévu. Alors bien entendu,

 16   nous avons ôté ce nom de la liste de la semaine prochaine. Je vais, bien

 17   entendu, en informer par écrit la Chambre et les parties, mais je voulais

 18   vous l'indiquer le plus rapidement possible, cela.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Stamp. Donc, nous

 20   supposons qu'un témoin prévu après ce témoin viendra à sa place, n'est-ce

 21   pas ?

 22   M. STAMP : [interprétation] Oui, oui. Nous faisons des efforts en ce sens.

 23   L'INTERPRÈTE : Les interprètes souhaiteraient que le microphone de Me

 24   Djordjevic soit débranché.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Maître Djordjevic, il vient d'être dit que votre micro était toujours

 27   branchée.

 28   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous

  4   prie, nous donner lecture de la déclaration solennelle qui vous est remise

  5   maintenant.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  7   Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

  8   rien que la vérité.

  9   LE TÉMOIN : SHUKRI GERXHALIU [Assermenté]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 12   Veuillez prendre place.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mme Gopalan a quelques questions à

 15   vous poser.

 16   Madame Gopalan, je vous en prie.

 17   Interrogatoire principal par Mme Gopalan : 

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Gerxhaliu.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  Pourriez-vous, je vous prie, nous décliner votre identité.

 21   R.  Je m'appelle Shukri Gerxhaliu.

 22   Q.  Quel est votre âge, Docteur Gerxhaliu ?

 23   R.  J'ai 55 ans. Je vais bientôt avoir 56 ans. Je suis né en 1953.

 24   Q.  Merci. Et où êtes-vous né, Docteur Gerxhaliu ?

 25   R.  Je suis né à Studime e Poshteme, dans les environs de Vushtrri.

 26   Q.  Merci. Et où résidez-vous à l'heure actuelle, Docteur Gerxhaliu ?

 27   R.  Je vis toujours dans mon village.

 28   Q.  Docteur Gerxhaliu, en février 2000, avez-vous fourni une déclaration au

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  1   bureau du Procureur, au TPIY ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Avez-vous eu la possibilité d'examiner cette déclaration récemment ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Je pense que vous avez apporté un certain nombre de corrections à cette

  6   déclaration lorsque vous l'avez examinée récemment. Donc, je vais vous

  7   donner lecture d'un certain nombre de corrections effectuées, et je vous

  8   demanderais de bien vouloir confirmer qu'elles sont exactes. Je vais vous

  9   remettre un exemplaire de votre déclaration que j'ai ici.

 10   Mme GOPALAN : [interprétation] Je souhaiterais demander l'aide de M.

 11   l'Huissier, je vous prie.

 12   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] Et la cote 65 ter de cette déclaration est

 14   la cote 2275, mais j'ai l'intention d'aller assez vite en besogne dans

 15   l'examen de cette déclaration, pour vous demander tout simplement de

 16   confirmer les corrections effectuées.

 17   Q.  Au paragraphe 24 de votre déclaration, vous dites :

 18   "A partir de l'endroit où nous étions cachés, j'ai vu une dizaine de

 19   véhicules qui arrivaient de la route de Studime e Poshteme…"

 20   Alors, la correction que vous souhaitez apporter est comme suit :

 21   "De l'endroit où nous étions dissimulés, j'ai vu une dizaine de véhicules

 22   qui venaient de la route, qui venaient de Studime e Poshteme, qui se

 23   dirigeaient vers Studime e Eperme."

 24   La septième phrase du paragraphe 24 est comme suit :

 25   "Nous n'avions pas de combustible, et tout est dégagé ici."

 26   La phrase devait être comme suit :

 27   "Nous n'avons pas de carburant, et tout a été dégagé. Nous avons nettoyé le

 28   terrain."

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  1   Est-ce que cette correction est exacte, Monsieur Gerxhaliu ?

  2   R.  Oui, oui, ces corrections sont tout à fait exactes. C'est ainsi que la

  3   situation s'est déroulée, parce que le convoi arrivait de la direction --

  4   Q.  Je vais vous interrompre, Monsieur. Nous allons aborder votre

  5   déposition dans un petit moment. J'aimerais plutôt, dans un premier temps,

  6   passer au paragraphe suivant où vous avez effectué une autre correction. Il

  7   s'agit du paragraphe 25, et la première phrase est comme suit :

  8   "Lorsque les soldats sont partis, Halil et moi-même avons marché jusqu'à

  9   Studime e Eperme."

 10   Alors que la correction que vous avez apportée est comme suit :

 11   "Lorsque les policiers et les soldats serbes sont partis, Halil et moi-même

 12   avons marché jusqu'à Studime e Eperme."

 13   Est-ce exact ?

 14   R.  Oui, c'est exact, parce qu'une fois qu'ils sont partis, nous avons vu

 15   qu'il n'y avait personne dans les environs. Donc, nous sommes allés nous

 16   cacher.

 17   Q.  Je vous remercie, Docteur Gerxhaliu. Maintenant que ces corrections ont

 18   été apportées à votre déclaration, considérez-vous que votre déclaration

 19   est véridique et exacte, et correspond à ce que vous savez ?

 20   R.  Oui.

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 22   dossier de cette pièce.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Merci, ce document sera versé au

 24   dossier.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00512, Monsieur le

 26   Président.

 27   Mme GOPALAN : [interprétation]

 28   Q.  Docteur Gerxhaliu, avez-vous témoigné dans l'affaire Milutinovic et

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  1   consorts en août 2006 ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Avez-vous récemment eu la possibilité d'examiner le compte rendu de

  4   votre témoignage dans cette affaire ?

  5   R.  Oui, oui, tout à fait.

  6   Q.  Merci. Et Docteur Gerxhaliu, vous avez apporté des changements à cette

  7   déposition dont je vais vous donner lecture maintenant. A la page 2 507,

  8   ligne 14 de votre déclaration dans l'affaire Milutinovic et consorts, vous

  9   avez dit que la date n'avait pas été bien consignée, et que la date exacte

 10   devrait être le 2 mai au lieu du 2 avril. Est-ce exact ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Q.  A la page 2 520 ligne 3, toujours dans l'affaire Milutinovic et il

 13   s'agit toujours de votre déposition, vous aviez dit que le nombre de jeunes

 14   filles albanaises qui avaient été tuées n'avait pas été bien consigné et

 15   que le chiffre devrait être de huit jeunes filles albanaises, est-ce exact

 16   ?

 17   R.  Oui, c'est exact, ce n'est pas neuf, mais huit. Huit étant le chiffre

 18   exact.

 19   Q.  Je vous remercie. A la page 2 521 ligne 9 du compte rendu d'audience

 20   dans Milutinovic, vous dites que les trois personnes mentionnées sont, mon

 21   oncle et ses fils, et que cela n'avait pas été bien consigné, mais qu'il

 22   s'agissait de mon oncle, Xhemajl, son cousin Selatin et son fils Shaban.

 23   C'est bien cela, Monsieur ?

 24   R.  Oui, c'est exact. Mon oncle s'appelait Xhemajl, son fils était Selatin,

 25   et son fils Shaban.

 26   Q.  Je vous remercie Docteur Gerxhaliu. Maintenant que vous avez apporté

 27   ces corrections à votre déposition, si les mêmes questions venaient à vous

 28   être posées aujourd'hui, est-ce que vous fourniriez les mêmes réponses ?

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  1   R.  Oui, tout à fait.

  2   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu.

  3   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

  4   demander le versement au dossier du compte rendu d'audience de la

  5   déposition du témoin dans l'affaire Milutinovic qui correspond à la cote

  6   5130 de la liste 65 ter.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00513.

  9   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais maintenant vous donner lecture du

 10   résumé de la déposition du témoin.

 11   Le témoin est un médecin albanais du Kosovo. Il décrit les événements

 12   qui ont débouché aux meurtres et assassinats dans le convoi, et ce, le long

 13   de la route des Gorges de Studime le 2 mai 1999. Le 28 ou le 29 mai 1999,

 14   les forces serbes ont lancé une offensive à partir de la zone de Rashice,

 15   et ce, à l'extérieur du village de Studime e Eperme dans la municipalité de

 16   Vucitrn. Les villageois se sont enfuis vers les collines pour y échapper.

 17   Les forces serbes ont brûlé des maisons à Studime e Poshteme pour empêcher

 18   les villageois de revenir. Le 2 mai 1999, aux environs du 2 mai 1999, les

 19   forces serbes ont brisé les lignes de l'UCK dans les zones nord de

 20   Meljenica et de Llap et ont progressé vers le sud en direction du village

 21   de Studime e Eperme.

 22   Le témoin estime qu'environ 40 000 réfugiés ont formé un convoi et se sont

 23   dirigés vers la route des Gorges de Studime, et ce, en direction de la

 24   ville de Vucitrn. Les forces serbes avançaient à partir du nord et ont

 25   pilonné le convoi. Les forces serbes ont également tiré à partir de

 26   positions à Saracak et Rashice qui se trouvaient au sud du convoi. Certains

 27   des réfugiés du convoi ont été tués par les forces, d'autres ont été roués

 28   de coups, et des effets objets précieux leur ont été confisqués. Le témoin

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  1   s'est dissimulé, a survécu au massacre et affirme que des unités de la

  2   police ont participé à cette opération.

  3   J'en suis maintenant arrivée au terme de ce résumé.

  4   Q.  Docteur Gerxhaliu, j'aimerais maintenant vous poser quelques questions

  5   à propos de votre déclaration. Au paragraphe 5 de votre déclaration --

  6   Mme GOPALAN : [interprétation] Il va falloir que je m'interrompe, car je

  7   n'entends pas l'interprétation -- je n'entends pas l'interprétation en

  8   B/C/S. Je vais reprendre.

  9   Q.  Docteur Gerxhaliu, au paragraphe 5 de votre déclaration, vous parlez

 10   des patients que vous traitiez. Est-ce que vous pourriez nous dire qui

 11   étaient vos patients aux environs du mois d'octobre 1998 ?

 12   R.  En octobre 1998, au dispensaire de Vushtrri, je soignais tous les

 13   patients qui se présentaient au dispensaire. Lorsque je revenais le soir ou

 14   lorsque j'avais un moment après le travail, j'allais dans la zone qui était

 15   contrôlée par l'UCK et j'y soignais tous les patients, indépendamment du

 16   fait qu'il s'agissait de membres de l'UCK ou des civils. Je soignais toute

 17   personne qui avait besoin de mes soins.

 18   Q.  Je vous remercie, Docteur Gerxhaliu. Au paragraphe 6 de votre

 19   déclaration, vous dites qu'environ 80 % de la municipalité de Vucitrn était

 20   placé sous le contrôle de l'UCK.

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais demander l'aide de M. l'Huissier

 22   et j'aimerais que la pièce 0038 soit placée sur le rétroprojecteur. Je

 23   pense qu'il sera ainsi plus facile au témoin de faire des annotations sur

 24   cette carte si vous la placez sur le rétroprojecteur.

 25   Q.  Vous dites dans votre déclaration au paragraphe 6 que les Serbes

 26   étaient cantonnés sur une position stratégique dans la zone de Rashice.

 27   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 28   Mme GOPALAN : [interprétation]

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  1   Q.  Un petit moment, Docteur Gerxhaliu. Je m'excuse, il y a un léger

  2   décalage en fait.

  3   Mme GOPALAN : [interprétation] Est-ce que nous pourrions agrandir la zone

  4   de Vucitrn, je crois qu'il va falloir tourner la carte dans le bon sens.

  5   Merci beaucoup.

  6   Q.  Docteur Gerxhaliu, j'ai quelques questions à vous poser à propos de la

  7   carte. Pourriez-vous, je vous prie, nous indiquer sur cette carte où se

  8   trouvaient les zones placées sous le contrôle de l'UCK, zones auxquelles

  9   vous faites références dans votre déclaration. Si vous faites une ligne,

 10   cela me suffira amplement.

 11   R.  Ce que je souhaiterais dire c'est que Rashice est un quartier de

 12   Studime e Poshteme, et cela se trouve sur un terrain qui surplombe les

 13   autres terrains. Voilà Studime e Poshteme et voilà le quartier de Rashice.

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez dessiner une ligne qui nous montre dans ce

 15   secteur où se trouvait le contrôle effectué par l'UCK dans ce secteur

 16   autour de Rashice.

 17   R. Voilà Studime e Eperme, voilà Studime e Poshteme. C'est à peu près

 18   là que se trouvait la ligne de démarcation jusqu'à Saracak e Eperm, puis

 19   Samadrexha. En fait il faudrait faire une ligne là.

 20   Q.  D'accord.

 21   R.  Parce que Samadrexha était le poste de contrôle des forces Serbes --

 22   Q.  Je vous interromps, Monsieur. Pour bien préciser tout cela, la ligne à

 23   laquelle vous faite référence est la ligne qui est en haut de la page. Est-

 24   ce que vous pourriez biffer la ligne qui n'est pas la bonne. Oui, effacez-

 25   la. Vous pouvez l'effacez me semble-t-il. Merci. Maintenant, on a juste une

 26   seule ligne qui passe par la place qui va vers Samadrexha. Arrêtez de

 27   dessiner, je vous prie, j'aimerais savoir où se trouvait la zone qui était

 28   contrôlée, est-ce qu'elle se trouvait au-dessus de la ligne, ou en dessous

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  1   de la ligne ?

  2   R.  Au-dessus, au-dessus. Cela correspond au secteur contrôlé par l'UCK,

  3   alors que la zone qui se trouve au-dessous de la ligne était placée sous le

  4   contrôle des forces serbes.

  5   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez mettre un A pour indiquer cette ligne ?

  6   Est-ce que vous pourriez juste mettre la lettre A au-dessus de la ligne que

  7   vous venez de dessiner ?

  8   R.  Ici ?

  9   Q.  Oui.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Merci. Maintenant, dites-moi s'il y avait une zone contrôlée par l'UCK

 12   qui se trouvait en dessous des rails ferroviaires qu'on voit ici sur la

 13   carte ?

 14   Mme GOPALAN : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire défiler la carte

 15   vers le haut un peu. Merci.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Ce sont les rails de chemin de fer.

 17   Mme GOPALAN : [interprétation]

 18   Q.  D'accord --

 19   R.  Ici cette zone --

 20   Q.  Merci.

 21   R.  C'est où se trouvaient les rails du chemin de fer.

 22   Q.  Pouvez-vous maintenant dessiner une ligne pour nous montrer quelle

 23   était la zone contrôlée par l'UCK, et qui se trouvaient en dessous de cette

 24   ligne qui représente les rails du chemin de fer, comme vous l'avez dit.

 25   R.  C'était ici où ils se trouvaient. Je pense que c'est à peu près la

 26   zone.

 27   Q.  Merci. Pourriez-vous apposer la lettre B à côté de la ligne que vous

 28   venez de dessiner ?

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  1   R.  [Le témoin s'exécute]

  2   Q.  Pour qu'on soit plus précis, Docteur Gerxhaliu, est-ce que la zone

  3   contrôlée par l'UCK se trouve en dessous de la ligne à côté de laquelle

  4   vous avez apposée la lettre B ou plutôt au-dessus de cette ligne ?

  5   R.  Cette zone se trouvait ici à partir de tous ces villages. Cette zone

  6   était contrôlée par l'UCK, et la zone où se trouvait les rails du chemin de

  7   fer, ainsi que d'autres territoires se trouvant à la proximité des rails du

  8   chemin de fer, étaient contrôlés par les forces serbes.

  9   Q.  Docteur Gerxhaliu, encore une fois il faut préciser ce point. Est-ce

 10   que vous dites que la zone qui se trouve en dessous de la ligne indiquée

 11   par la lettre B était contrôlée par l'UCK ? Et quand je dis "en dessous,"

 12   je pense plutôt sur le côté droit.

 13   R.  A partir de cette ligne, toute la zone qui se trouve au-dessous de

 14   cette ligne était contrôlée par l'UCK.

 15   Q.  Et pour ce qui est de la zone entre deux lignes que vous avez dessinée,

 16   la zone se trouvant entre les lettres A et B, ou plutôt les lignes que vous

 17   avez indiquées en apposant les lettres A et B, qui contrôlaient cette zone

 18   ?

 19   R.  Cette zone était contrôlée par les forces serbes ou par les forces de

 20   l'ex-Yougoslavie.

 21   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu.

 22   Mme GOPALAN : [interprétation] Nous pouvons maintenant laisser de côté

 23   cette carte. La carte peut rester sur le rétroprojecteur, parce que le

 24   témoin apposera d'autres annotations sur la même carte un peu plus tard.

 25   Q.  Docteur Gerxhaliu, est-ce que nous pouvons maintenant revenir à votre

 26   déclaration. Selon ce que vous avez dit, vers le 28 ou le 29 mars, les

 27   Serbes ont lancé une offensive de la direction de Rashice, et je crois que

 28   vous l'avez déjà indiqué. Vous avez déjà indiqué Rashice sur la carte en

Page 3110

  1   apposant la lettre R. Vous avez dit que beaucoup d'habitants locaux étaient

  2   partis dans les collines pour éviter les tirs et les pilonnages, et que les

  3   Serbes ont brûlé les maisons à Studime e Poshteme pour prévenir le retour

  4   de la population.

  5   Docteur Gerxhaliu, comment savez-vous que les Serbes ont incendié les

  6   maisons se trouvant à Studime e Poshteme ?

  7   R.  Ce jour-là, j'étais toujours en ville dans le centre de santé, et nous

  8   avons reçu les informations disant qu'une offensive avait été lancée. Nous

  9   sommes partis du dispensaire un peu plus tôt que d'habitude, et lorsque je

 10   me dirigeais vers ma maison, les membres de ma famille avaient déjà quitté

 11   la maison parce que le village de Begaj ainsi qu'un quartier qui se

 12   trouvait vers Rashice, était ciblés par l'offensive serbe. Les forces

 13   serbes combinées entraient dans ce village et ordonnaient aux villageois de

 14   partir, ils ont pillé le village, pris tous les objets de valeur et mis le

 15   feu dans la plupart des maisons. C'est ce que j'ai vu.

 16   Q.  Merci. Dans quel village avez-vous habité ?

 17   R.  J'habitais à Studime e Poshteme, où je vis toujours. Nous appelons

 18   cette partie de Studime e Poshteme Gerxhaliu. C'est la partie où je vis.

 19   Q.  Merci. Maintenant, j'aimerais qu'on parle des événements qui sont

 20   produits le 2 mai 1999, et c'est au paragraphe 11 de votre déclaration.

 21   Dans ce paragraphe vous dites qu'on vous a ordonné de quitter la région

 22   parce que les Serbes ont percé la ligne de front à Llap et à Meljenica et

 23   que vous avez décidé de quitter Vucitrn. Vous avez établi un itinéraire à

 24   suivre par votre famille. C'est aussi au paragraphe 11, et après une

 25   colonne a été formée. Docteur Gerxhaliu, j'aimerais qu'on revienne à la

 26   carte sur laquelle vous avez apposé des annotations tout à l'heure pour

 27   nous montrer la direction, ce que la colonne a emprunté le 2 mai.

 28   R.  Le 2 mai, nous étions à Sllakovc. L'un des hôpitaux de campagne de

Page 3111

  1   l'UCK se trouvait à cet endroit. Il était plus grand par rapport à d'autres

  2   hôpitaux de campagne. Dans la région de Shale --

  3   Q.  Docteur Gerxhaliu, je m'excuse mais il faut que je vous interrompe ici.

  4   S'il vous plaît, indiquez la direction dans laquelle s'est déplacée la

  5   colonne en partant de Sllakovc que vous avez déjà indiquée sur la carte en

  6   dessinant un cercle.

  7   R.  De Sllakovc, la colonne s'est rendue dans la direction de Ceceli. De

  8   Ceceli nous nous sommes rendus à Gornje Studime, ou Studime e Eperme, et de

  9   ce village nous nous sommes rendus à Donje Studime, ou Studime e Poshteme.

 10   C'est par là que la colonne s'est arrêtée.

 11   Q.  Merci beaucoup. Pourriez-vous dessiner un cercle autour de cette

 12   portion de la route que vous avez empruntée, et le long de laquelle vous

 13   vous êtes déplacés. Apposez un cercle autour de cette zone, et mettez la

 14   lettre C à côté de ce cercle. Juste la zone où se trouvait la route que

 15   vous avez empruntée.

 16   R.  [Le témoin s'exécute]

 17   Q.  Merci beaucoup. Et au paragraphe 12 de votre déclaration, vous dites

 18   que vous êtes parti vers 13 heures le 2 mai et les Serbes avançaient du

 19   nord dans votre direction, il y avait des pilonnages et c'est comme cela

 20   que votre groupe devait passer vers le sud. Pouvez-vous nous dire pourquoi

 21   vous vous êtes arrêtés à Studime e Eperme vers 15 heures de l'après-midi,

 22   ce qui est indiqué dans votre déclaration ?

 23   R.  Nous nous sommes arrêtés là-bas parce que les forces serbes se

 24   trouvaient derrière nous, mais également sur la colline de Rashice et de

 25   ces deux endroits, il y avait des pilonnages en direction de la colonne. Il

 26   y avait des tirs, des coups de feu, il y avait des pilonnages et, par

 27   conséquent, la colonne ne pouvait pas avancer. A proximité, il y avait une

 28   colline et nous pouvions donc observer le terrain très bien depuis cette

Page 3112

  1   colline.

  2   Q.  Docteur Gerxhaliu, vous avez dit qu'il y avait des pilonnages de la

  3   colline de Rashice. Pouvez-vous apposer la lettre D à côté de la colline à

  4   laquelle vous avez fait référence, ou peut-être que cela était déjà indiqué

  5   sur la carte ?

  6   R.  [aucune interprétation]

  7   Q.  Non, juste la lettre D pour nous indiquer la zone d'où provenaient les

  8   pilonnages.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Merci. Et dites-nous où la colonne s'est arrêtée ?

 11   R.  La colonne s'est arrêtée ici près de cette colline, et ils ne pouvaient

 12   pas nous voir derrière cette colline.

 13   Q.  Merci. Pouvez-vous apposer la lettre E à côté de la colonne où la

 14   colonne s'est arrêtée.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16    Q.  Merci. Vous avez dit qu'il y avait des pilonnages provenant du nord.

 17   Pouvez-vous indiquer la direction depuis laquelle vous avez vu ou vous avez

 18   entendu des obus tomber. Est-ce que cela est visible sur la carte ?

 19   Mme GOPALAN : [interprétation] Pourrions-nous faire défiler la carte un peu

 20   vers le bas pour pouvoir voir cela.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Les forces serbes ont pris les positions à

 22   Llap, dans la municipalité de Podujeve, ainsi qu'à Meljenica; et ils ont

 23   donc établi leurs positions dans une localité qui se trouvait derrière

 24   nous. Ils ont tiré dans la direction de Sllakovc. J'étais à bord du

 25   tracteur qui était parmi les derniers tracteurs dans la colonne, il y avait

 26   des éclats d'obus qui nous survolaient, qui volaient au-dessus de nos

 27   têtes.

 28   Mme GOPALAN : [interprétation]

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  1   Q.  Merci. Docteur Gerxhaliu, vous venez d'apposer une flèche. Qu'est-ce

  2   que cela représente ?

  3   R.  Ça indique la direction d'où ils venaient, de Llap, municipalité de

  4   Podujeve; donc ils venaient de ces deux directions et ils tiraient dans la

  5   direction de Sllakovc.

  6   Q.  Merci. Pouvez-vous donc apposer la lettre E --

  7   R.  Je pense que j'ai déjà apposé la lettre E ici.

  8   Q.  Vous avez raison. Pouvez-vous apposer la lettre F pour indiquer cette

  9   direction, et je m'en excuse.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Maintenant j'aimerais qu'on revienne à votre déclaration. Vous avez

 12   décrit à partir du paragraphe 15 et plus loin, vous avez décrit les

 13   événements qui se sont produits pendant que vous étiez dans la colonne. Et

 14   au paragraphe 15, vous dites que vers 17 heures un grand nombre des unités

 15   militaires et paramilitaires serbes se sont approchées de la colonne du

 16   nord. Pouvez-vous nous dire ce que les membres de ce groupe ont fait aux

 17   gens qui se trouvaient dans la colonne ?

 18   R.  Je me trouvais à peu près dans le milieu de la colonne. J'étais ici à

 19   l'endroit indiqué par la lettre E; donc c'est quelque part au milieu de la

 20   colonne. Ils sont arrivés derrière nous. Il s'agissait des forces

 21   combinées, les forces de la police, de l'armée, des forces paramilitaires.

 22   Ils étaient bien coordonnés entre eux, toutes leurs unités étaient là-bas.

 23   Ils se sont approchés du tracteur à trois ou quatre reprises. Au début, ils

 24   ont demandé des marks allemands, ensuite lorsque les gens n'avaient plus

 25   d'argent, ils ont commencé à les battre de façon brutale, et finalement ils

 26   les ont tués. Et d'autres groupes ont répété le même scénario.

 27   Q.  Docteur Gerxhaliu, dites-nous ce qui s'est passé pour ce qui est de

 28   votre beau-frère Halil Basholli ?

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  1   R.  Halil Basholli était le frère de mon épouse. Il conduisait le tracteur.

  2   Ils nous ont donc fait descendre du tracteur, ils l'ont battu jusqu'à ce

  3   qu'il n'ait plus eu d'argent. Il a été donc battu de façon brutale, et

  4   c'est à ce moment-là que nous avons compris qu'un autre groupe allait

  5   arriver et allait faire la même chose parce que la police était un peu plus

  6   loin, ainsi que l'armée, et c'est pour cela que nous avons décidé de

  7   descendre du tracteur et de nous cacher. Nous avons trouvé un abri dans un

  8   ruisseau.

  9   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. Lorsque vous dites "nous", qui avez-vous

 10   pensé exactement ? Avec qui vous avez trouvé refuge dans ce ruisseau ?

 11   R.  Moi-même, Halil, et encore deux ou trois autres personnes. Je ne sais

 12   pas qui ils étaient; mais Halil et moi-même, nous avons trouvé refuge dans

 13   le ruisseau.

 14   Q.  Merci. Au paragraphe 21 de votre déclaration, vous avez parlé du fait

 15   que vous avez quitté la remorque et vous vous êtes dirigés dans la

 16   direction du ruisseau, et lorsque vous avez sauté de la remorque vous avez

 17   atterri sur un cadavre. Vous avez regardé et vous avez vu qu'il s'agissait

 18   de votre cousin Haki Gerxhaliu. Docteur Gerxhaliu, pouvez-vous nous dire

 19   comment Haki Gerxhaliu a été tué ?

 20   R.  Oui, à l'époque il était mort. Donc il était mort au moment où j'ai

 21   sauté de la remorque du tracteur, j'ai sauté sur son corps parce que son

 22   tracteur était derrière le mien. Il y avait d'autres cadavres, d'autres

 23   corps là-bas, mais j'ai reconnu son corps et après cela, j'ai continué à

 24   marcher à gauche en direction du ruisseau.

 25   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. Et avant de faire cela, avant de vous diriger

 26   vers le ruisseau, avez-vous vu que quelqu'un d'autre aurait été tué, une

 27   autre personne qui se trouvait dans la colonne ?

 28   R.  J'ai pu entendre des tirs de tous les côtés. Mon tracteur était à

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  1   moitié couvert, et nous pouvions voir seulement la partie se trouvant

  2   derrière le tracteur vers le nord. Deux ou trois tracteurs qui se

  3   trouvaient un peu plus loin, quelqu'un s'est approché d'un couple âgé.

  4   L'homme a dit à l'autre homme en serbo-croate: "S'il-vous-plaît, ne tuez

  5   pas mon fils. Il s'est marié aujourd'hui." Et ils ont répondu : "Nous

  6   allons célébrer cela ensemble." Devant cet homme, ils ont tué son fils. Je

  7   me souviens toujours des mots qu'il a prononcés en B/C/S : S'il vous plaît,

  8   ne tuez pas mon fils. Il s'est marié aujourd'hui. Après quoi ils ont dit :

  9   Nous allons célébrer cela ensemble, après quoi ils l'ont tué. Nexhip ainsi

 10   que son fils ont été exécutés ensemble avec deux ou trois autres personnes.

 11   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. Maintenant j'aimerais qu'on regarde le

 12   paragraphe 24 de votre déclaration où il est question des événements qui se

 13   sont produits plus tard dans la journée au moment où les survivants de la

 14   colonne ont continué à se déplacer. Vous avez dit que vous avez vu un

 15   certain nombre de véhicules se déplaçant sur la route de Studime e

 16   Poshteme. Pouvez-vous nous décrire ces véhicules, s'il vous plaît.

 17   R.  Il y avait des véhicules divers. Halil et moi-même, nous étions cachés

 18   dans les arbustes, nous avons plutôt essayé de nous cacher pour qu'ils ne

 19   nous voient pas; nous les avons entendu parler entre eux. La nuit était

 20   étoilée. Je les ai reconnus. Le premier véhicule était un véhicule de

 21   marque Stojadin, véhicule de la police, les autres véhicules étaient les

 22   véhicules blindés de transport de troupe. Ils ont dit quelque chose comme

 23   quoi il fallait nettoyer le terrain. J'ai entendu un officier faire un

 24   rapport en disant : Nous avons nettoyé le terrain, mais nous n'avons plus

 25   de carburant et nous devons rebrousser chemin. C'est ce qu'ils ont dit. Ils

 26   sont donc retournés dans la même direction d'où ils étaient venus au début.

 27   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. Après que ces personnes soient parties, au

 28   paragraphe 25 vous avez dit qu'avec Halil vous vous êtes rendus à pied à

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  1   Gornji Studime ou Studime e Eperme. Qu'est-ce que vous avez vu une fois

  2   arrivés à ce village ?

  3   R.  Studime e Eperme ou Gornje Studime était en feu. Il y avait de la

  4   fumée. Nous respirions à peine, parce que le village tout entier était en

  5   flammes. On pouvait entendre le bétail qui était en feu, on pouvait

  6   entendre des chevaux et d'autres animaux en train de mugir. C'était une

  7   scène horrible de voir le village entier en flammes. Nous nous sommes

  8   déplacés difficilement parce qu'il y avait de la fumée partout, et nous

  9   sommes partis dans une autre région un peu plus loin.

 10   Q.  Merci. Mis à part les animaux qui étaient en flammes ainsi que le

 11   village, au paragraphe 25 de votre déclaration, vous avez parlé du nombre

 12   de victimes, et il s'agissait principalement des hommes mais il y avait

 13   cinq ou six femmes aussi. Pouvez-vous nous décrire l'état dans lequel se

 14   trouvaient les victimes au moment où vous êtes arrivés à ce village ?

 15   R.  Cela est arrivé après que nous nous soyons reposés parce que nous

 16   étions exténués la nuit précédente. Le lendemain, à savoir le 3 mai, nous y

 17   sommes retournés pour voir ce qui s'est passé et pour voir s'il y avait des

 18   gens qui ont survécu à cela.

 19   Le long de la route, j'ai vu beaucoup de cadavres, des hommes, des femmes,

 20   des enfants, et d'autres. L'UCK a donc établi ses positions, et dans la

 21   matinée l'UCK est venue pour ramasser les corps pour préparer l'enterrement

 22   de ces corps. Lorsque je me suis rapproché de l'endroit de l'enterrement,

 23   puisqu'ils avaient besoin d'assistance de qui que ce soit qui était en

 24   mesure de les aider, il y avait quelqu'un de la police militaire de l'UCK

 25   dont les uniformes étaient différents par rapport aux autres ainsi que

 26   leurs tâches. Cette personne m'a donné une liste de victimes, liste

 27   approximative, en me demandant si je connaissais les victimes. Sur la

 28   liste, j'ai vu figurer mon propre nom. J'ai dit que c'était moi-même, et

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  1   après quoi il a dit : Oui, vous êtes médecin. Donc il a rayé mon nom sur la

  2   liste et il était content de me voir toujours en vie. Après quoi, ils m'ont

  3   dit de revenir à Sllakovc à l'hôpital qui n'était pas complètement

  4   incendié. Et c'est comme cela que j'ai continué à travailler à l'hôpital,

  5   et c'est ce que j'ai fait à l'époque.

  6   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. Maintenant parlons du paragraphe 35 de votre

  7   déclaration où vous parlez de votre départ au Monténégro en début juin.

  8   Vous avez décrit être passé par un certain nombre de points de contrôle et

  9   vous avez fait référence au point de contrôle se trouvant à Zvecane, et

 10   vous avez décrit ce point de contrôle comme le point de contrôle qui posait

 11   le plus de problèmes. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé pour ce qui

 12   est des papiers d'identité des personnes qui passaient ce point de contrôle

 13   ensemble avec vous ? Il s'agit donc du point de contrôle à Zvecane.

 14   R.  Pour ce qui est de ce point de contrôle, il nous a été très difficile

 15   de le passer, même si sur le bus il y avait des plaques d'immatriculation

 16   serbes. Par rapport à cela, ils n'avaient pas de doute, mais une fois

 17   arrivés à cet endroit ils sont montés à bord du bus pour procéder au

 18   contrôle des documents. Ils m'ont dit que je devais subir un test pour voir

 19   si je portais des armes --

 20   Q.  Docteur Gerxhaliu, pour revenir à ma question : pouvez-vous me dire ce

 21   qui s'est passé pour ce qui est des papiers d'identité de ces personnes qui

 22   passaient par ces points de contrôle ?

 23   R.  Oui, les cartes d'identité délivrées en albanais par le ministère de

 24   l'Intérieur du Kosova ont été déchirées et jetées par eux.

 25   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. Pour le moment, je n'ai plus de question pour

 26   vous.

 27   Mme GOPALAN : [interprétation] Mais j'aimerais que la carte soit versée au

 28   dossier, la carte qui se trouve placée sur le rétroprojecteur.

Page 3118

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La carte sera versée au dossier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte 65 ter qui porte le numéro 00038

  3   deviendra la pièce portant la cote P00514.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  5   La Chambre de première instance a versé au dossier la déclaration ainsi que

  6   le compte rendu de la déposition antérieure du médecin.

  7   Maintenant, Maître Djordjevic, voulez-vous contre-interroger le témoin ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je dire quelque

  9   chose ?

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Docteur, vous avez la parole.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai voulu dire la chose suivante. Lorsque je

 12   suis venu pour témoigner dans l'affaire Milosevic et dans l'affaire

 13   Milutinovic, pour ce qui est du contexte de cette déclaration, je peux dire

 14   qu'il s'agissait de l'événement du 31 mai où la famille de mon cousin

 15   Selatin ainsi que mon oncle paternel Xhemajl ont été tués. J'aimerais que

 16   cette partie de ma déposition devienne partie intégrante de ma déclaration

 17   parce qu'aujourd'hui personne m'a posé de question par rapport à cet

 18   événement. C'est pour cela que j'aimerais que cela fasse partie intégrante

 19   de ma déposition parce qu'il s'agit d'un événement qui, pour nous, est un

 20   événement tragique.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que vous avez été un peu

 22   confus par la procédure à suivre ici, parce que la déposition ainsi que la

 23   déclaration que vous avez faite dans des affaires précédentes sont devant

 24   nous. Cela a été proposé au versement au dossier aujourd'hui, vous avez

 25   parlé de cet incident qui par conséquent inclut tous les détails pour ce

 26   qui est de la mort de beaucoup de membres de votre famille. Nous avons tout

 27   cela, nous avons lu cela, tous ces détails. Lors de ce procès nous devons

 28   entendre 120 témoins, et c'est pour cela que leurs déclarations écrites

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  1   sont versées au dossier, après quoi nous ajoutons des observations

  2   particulières. Par conséquent, nous connaissons toute cette histoire, parce

  3   que nous l'avons lu.

  4   Mme Gopalan a demandé le versement au dossier de cette déclaration, cela

  5   veut dire qu'on a fait droit à votre requête en quelque sorte.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, avez-vous des

  8   questions à poser au témoin ?

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai besoin

 10   de quelques instants pour me préparer à mon contre-interrogatoire.

 11   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 13   R.  Bonjour.

 14   Q.  Je vais maintenant vous poser une série de questions en tant que

 15   conseil de la Défense de l'accusé, Djordjevic, dans cette affaire en espèce

 16   pour en arriver à la vérité et pour que vous puissiez nous dire tout. Ce

 17   qui figure dans votre déclaration du 17 février 2000 - vous nous avez dit

 18   aujourd'hui que vous l'avez passé en revue - et à la page 2, paragraphe 2,

 19   vous dites que le 26 mars 1999, un paramilitaire serbe armé est venu à

 20   l'hôpital de Vucitrn où vous travailliez et, par la suite, le directeur,

 21   une personne d'origine ethnique serbe, vous a congédié, vous, ainsi que

 22   d'autres collègues albanais. Pourriez-vous nous dire d'abord si vous-même

 23   vous avez vu ce paramilitaire serbe lorsqu'il est entré dans le bâtiment de

 24   l'hôpital, est-ce que vous l'avez vu de vos propres yeux ? C'est ma

 25   question.

 26   R.  Je voudrais faire quelques commentaires justement à ce sujet. Oui, je

 27   l'ai vu de mes propres yeux, et je voudrais également ajouter que dans la

 28   cave de l'hôpital il y avait des armes. Cela servait de dépôt d'armes. Sur

Page 3120

  1   le toit du bâtiment il y avait une garde de 24 heures pour surveiller le

  2   terrain.

  3   Ce jour-là, le 26 mars, il est venu armé et il était là debout dans le

  4   corridor. Le directeur, Ranko Milenkovic, nous a dit de rentrer à la

  5   maison, alors je lui ai demandé : Pourquoi doit-on

  6   rentrer ? Il m'a dit qu'il y a un ordre qui est parvenu de la hiérarchie,

  7   et il a employé un mot serbe.

  8   Q.  Outre cet ordre de M. Milenkovic, votre directeur, est-ce qu'on vous a

  9   donné d'autres explications, est-ce qu'il y avait d'autres documents écrits

 10   indiquant que votre emploi prenait fin ? Je vous demande si à quelque

 11   moment que ce soit vous avez reçu une décision selon laquelle votre emploi

 12   prenait fin dans cette institution ?

 13   R.  Non, nous n'avons pas reçu de documents, aucune lettre, seulement cet

 14   ordre donné de façon orale, à savoir que la hiérarchie avait donné cet

 15   ordre.

 16   Q.  Quelle heure était-il quand ce paramilitaire est entré à l'hôpital ?

 17   R.  Il était environ 10 heures, je crois. Je me souviens très bien de cet

 18   instant. Il y avait une vieille dame qui attendait à la porte pour que

 19   j'aille l'examiner en fait.

 20   Q.  Nous en parlerons un peu plus tard, Docteur, justement. Vous dites vers

 21   10 heures.

 22   Pourriez-vous me dire si vous étiez suffisamment près de lui pour

 23   l'entendre parler au directeur, et s'est-il entretenu seulement avec le

 24   directeur ou bien vous a-t-il parlé à vous également, s'est-il entretenu

 25   avec d'autres collègues à vous qui étaient également des Albanais du cru ?

 26   R.  Ce paramilitaire était là de façon menaçante. Il n'a rien dit, il était

 27   simplement là, debout dans le couloir, je ne sais pas qui était ce

 28   paramilitaire. Il y avait plusieurs autres paramilitaires, des policiers,

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  1   des membres de l'armée de là jusqu'à la commune. Il y avait ce gardien qui

  2   était placé sur le toit du bâtiment il y avait également ces armes dans le

  3   dépôt. Ce Serbe était là, il s'appuyait contre le mur, il était armé. Le

  4   directeur, M. Milenkovic, nous a dit de partir et, bien sûr, il n'y avait

  5   rien d'autre que nous pouvions faire. J'étais le dernier à quitter

  6   l'hôpital.

  7   Q.  Docteur, veuillez m'expliquer comment est-ce que vous aviez conclu que

  8   cet ordre était venu de la hiérarchie par le biais de cette personne armée

  9   ? Est-ce que vous avez réfléchi peut-être à une autre façon dont cet ordre

 10   ait pu parvenir ? C'est pour ça que je vous demande s'il s'est entretenu

 11   avec vous personnellement et vos collègues ?

 12   R.  Je ne peux pas me livrer à des conjectures. Je ne peux que vous citer

 13   ce que le directeur m'a dit, M. Milenkovic. Il m'a dit : Vous devriez

 14   partir. Nous avons reçu des ordres venant d'en haut, il a dit "odozgo" en

 15   serbe. Après avoir examiné cette vieille dame, j'ai pris mon stéthoscope,

 16   et je suis parti accompagné de cette vieille dame.

 17   Q.  Je voulais vous poser la question suivante : pourquoi avez-vous établi

 18   ce lien entre l'ordre oral venant du directeur, relatif à vos services qui

 19   prenaient fin et l'arrivée de ce paramilitaire ? Pourquoi vous établissez

 20   un lien si vous n'avez pas vu le paramilitaire parler au directeur ?

 21   R.  Je ne pense pas qu'il est à même lieu d'en parler, je sais seulement

 22   que le paramilitaire était là, qu'il était armé, que le directeur m'a dit

 23   de partir. Je devais obéir, je ne sais pas ce qu'il savait. Si je n'avais

 24   pas obéi, j'aurais peut-être souffert des conséquences de cette

 25   désobéissance.

 26   Q.  Merci beaucoup. Vous dites que même avant que cette personne n'arrive

 27   et pendant que la personne était dans le couloir, qu'il y avait des

 28   policiers, des paramilitaires qui étaient présents dans l'hôpital. Dites-

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  1   nous comment est-ce que vous êtes arrivé à la conclusion que cette personne

  2   armée était un paramilitaire ?

  3   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président,

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

  5   Un instant, s'il vous plaît, Docteur.

  6   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais avoir la référence pour laquelle

  7   le conseil de Défense a posé cette dernière question, lorsqu'il dit :

  8   "Avant que ce paramilitaire n'arrive à l'hôpital, il y avait des policiers,

  9   des paramilitaires, des membres de la police."

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] D'où est-ce que vous avez tiré cela,

 11   Maître Djordjevic ?

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, un peu plus tôt

 13   j'ai posé cette question, et le témoin nous a dit qu'il y avait plusieurs

 14   soldats à l'hôpital, ensuite ma question ne faisait que donner suite à

 15   l'une des réponses du témoin. Vous pouvez voir au transcript que le témoin

 16   nous avait dit qu'il y avait dans la cave de l'hôpital un dépôt de

 17   munitions, qu'il y avait des soldats, des paramilitaires autour de

 18   l'hôpital, qu'il y avait également une garde sur le toit. Ma question n'a

 19   fait que donner suite à sa réponse.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, je suis vraiment

 21   désolé, mais je ne me souviens pas du tout d'avoir entendu tout cela. J'ai

 22   peut-être manqué, il est certain qu'il y avait une personne qui montait la

 23   garde sur le toit et qu'il y avait des armes dans la cave, mais je ne crois

 24   pas que l'on ait dit tout ceci. Vous voulez peut-être demander au témoin de

 25   vous préciser si effectivement c'était le cas.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Fort bien. Pour ne pas perdre de temps, je

 27   vais poser la question de façon plus directe : 

 28   Q.  Dites-nous si avant l'événement en question ce jour-là, s'il y avait

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  1   une présence de soldats dans l'hôpital, est-ce qu'il y avait également

  2   quelqu'un qui se trouvait sur le toit de l'hôpital, y avait-il des armes et

  3   des munitions dans la cave qui servait de dépôt d'armes d'une certaine

  4   façon ?

  5   R.  Tout près de l'hôpital, il y avait une académie policière du ministère

  6   de l'Intérieur de Serbie à l'époque. Ils étaient toujours près. Ces forces-

  7   là étaient toujours dans les environs. Comme j'ai dit un peu plus tôt, il y

  8   avait un garde qui était sur le toit de l'hôpital, il était là pendant un

  9   mois environ. Il y avait également des armes dans la cave, mais nous ne

 10   nous rapprochions pas de ces endroits. Les Serbes nous avaient dit : Vous

 11   n'avez pas le droit de monter sur le toit, et vous n'avez pas le droit non

 12   plus de descendre dans la cave. Nous savions qu'il y avait un garde qui

 13   montait la garde 24 heures sur 24, et qui était placé sur le toit.

 14   Q.  Qu'est-ce que vous avez vu, Docteur, qu'il s'agissait de la police, des

 15   formations paramilitaires, qui était-ce d'après vous ?

 16   R.  Vous parlez du couloir où se trouvait le paramilitaire, l'homme en

 17   question ?

 18   Q.  Non, Docteur. Vous nous parliez de ces endroits pour lesquels les

 19   Serbes vous ont dit que vous n'aviez pas le droit d'y aller, je parle du

 20   toit et de la cave. Est-ce que vous n'aviez vu que ces personnes

 21   appartenant à cette académie militaire ou avez-vous vu également des

 22   membres d'autres unités autour de l'hôpital, des membres de la police

 23   militaire ou autre ? Voilà, c'est ce que je voulais préciser.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Gopalan.

 25   Mme GOPALAN : [interprétation] Je suis vraiment désolée d'interrompre de

 26   nouveau, Monsieur le Président, mais le conseil de la Défense a posé

 27   plusieurs questions dans le cadre de la dernière série de questions, j'ai

 28   compté au moins trois questions. Je veux demander s'il était possible de

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  1   préciser au témoin à quelle question il devrait répondre.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, vous devriez peut-

  3   être poser une question à la fois. Nous avancerions plus rapidement. De

  4   cette façon, le témoin pourrait répondre plus facilement à une question,

  5   plutôt que de procéder autrement.

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le

  7   Président, la raison pour laquelle je pose cette question, c'était pour

  8   pouvoir accélérer le pas. L'Accusation préférerait peut-être que je ne pose

  9   aucune question, mais ce n'est pas possible. C'est la raison pour laquelle

 10   j'ai demandé au témoin s'il avait vu d'autres personnes outre que les

 11   membres de la police. C'est pour ceci que j'ai demandé la question. Ce

 12   n'est pas une perte de temps, mais je m'attends à recevoir une réponse. Y

 13   avait-il des membres de la police militaire, des paramilitaires ou autres

 14   dans l'hôpital et autour de l'hôpital, outre les policiers ? J'ai essayé

 15   d'être le plus concis et le plus précis possible.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais votre question couvre plusieurs

 17   sujets. La Chambre de première instance en l'occurrence vous demande de

 18   poser une question à la fois afin que nous puissions accélérer le pas. Je

 19   vous demanderais de bien vouloir procéder de cette façon-là. Merci.

 20   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 21   Q.  Qui avez-vous vu autour de l'hôpital avant que cette personne n'arrive

 22   ce jour-là, et après ce jour-là, il y avait des membres de quelle unité

 23   dans l'hôpital et autour de l'hôpital ?

 24   R.  Il y avait un mouvement de façon quotidienne. Comme j'ai déjà dit,

 25   l'hôpital est situé entre le bâtiment de l'académie de police et le poste

 26   de police. C'est là que l'hôpital se trouve jusqu'à ce jour. Il s'agissait

 27   d'unités combinées, militaires et paramilitaires. La police montait la

 28   garde sur le toit alors qu'en bas, nous ne pouvions pas descendre dans la

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  1   cave car nous ne savions pas qui montait la garde devant la cave.

  2   Q.  Merci de cette réponse. La question que j'ai posée un peu plus tôt et à

  3   laquelle vous n'avez pas encore répondu est la

  4   suivante : qu'est-ce qui vous a permis de conclure que la personne que vous

  5   avez vue dans le couloir de l'hôpital et la personne qui était armée en

  6   l'occurrence était un membre d'une unité de paramilitaires ?

  7   R.  Sa façon d'être, son apparence physique. Ses cheveux étaient plus longs

  8   que les membres de la police régulière. Il n'était pas rasé de près, il

  9   ressemblait à un paramilitaire.

 10   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, si à quelque moment que ce soit après ce

 11   jour-là vous avez reçu un document concernant votre congédiement. Avez-vous

 12   jamais reçu une décision par écrit selon laquelle on mettait fin à votre

 13   emploi à l'hôpital ?

 14   R.  Comme je l'ai déjà dit, on ne m'a informé que de façon orale que

 15   j'étais congédié. Je n'ai jamais reçu de document écrit.

 16   Q.  Combien de médecins serbes y avait-il à l'hôpital, outre vous-même, et

 17   vous étiez d'origine ethnique albanaise ?

 18   R.  Il y avait deux dentistes serbes, il y avait deux médecins serbes, il y

 19   avait des infirmières, donc je dirais qu'en tout, cinq à six, moins de dix.

 20   Je ne me souviens pas du nombre exact puisque dix ans se sont écoulés

 21   depuis.

 22   Q.  Merci. Docteur, dites-moi, s'il vous plaît, combien y avait-il

 23   d'Albanais qui étaient employés au centre médical de Vucitrn outre vous-

 24   même, combien y avait-il de médecins, d'infirmières et d'autre personnel

 25   médical ?

 26   R.  Il me faudrait élaborer. Au début des années '80 lorsque j'ai eu cet

 27   emploi, la structure était la suivante : 80 % du personnel médical était

 28   albanais, et il y avait 20 % de Serbes. Par la suite, dans les années '90,

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  1   la structure a changé, il y avait 60 % d'Albanais et 40 % de Serbes. Les

  2   Albanais étaient congédiés pour différentes raisons. Donc la structure

  3   changeait, le ratio changeait également. Lorsque j'ai été congédié, la

  4   proportion était de 60 à 40. Donc il y avait une pression constante pour

  5   que ce pourcentage change.

  6   Le nombre d'employés serbes augmentait de façon constante. Les Serbes

  7   venaient en tant que réfugiés de la Bosnie, de Croatie, et lorsqu'ils

  8   avaient terminé leurs études secondaires, ils venaient travailler là; alors

  9   que les Albanais, on leur disait que leurs diplômes n'étaient pas valides,

 10   ils ne pouvaient pas trouver un emploi.

 11   Q.  Merci, Docteur. J'aimerais savoir combien y avait-il de médecins ? Je

 12   ne vous demande pas de nous dire combien y avait-il de personnels, quel

 13   était le pourcentage ou quelle était la proportion du personnel non

 14   diplômé. Je voudrais savoir pour ce qui est des médecins, combien y avait-

 15   il de médecins d'origine albanaise ?

 16   R.  Environ 30 au total. Je parle ici de médecins et de dentistes.

 17   Q.  Docteur, dites-moi : est-ce que vous avez gardé de bons rapports avec

 18   certains de vos collègues serbes, j'entends par là des médecins qui

 19   travaillaient au centre médical de Vucitrn ?

 20   R.  Oui. Personnellement, j'ai eu de très bons rapports et une excellente

 21   coopération avec tous les médecins, particulièrement avec Natalia Tasi,

 22   elle était Croate. Elle-même avait des problèmes de diabète, elle ne

 23   pouvait pas très bien voir, et je l'aidais toujours lorsqu'elle prenait la

 24   tension artérielle de ses patients puisqu'elle n'arrivait pas à la lire.

 25   Donc de façon générale, mes rapports étaient excellents avec tous les

 26   médecins, mais plus particulièrement avec Natalia. Comme je vous ai dit,

 27   elle ne pouvait pas très bien voir et je l'aidais chaque fois qu'elle

 28   prenait la tension artérielle des patients.

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  1   Q.  La raison pour laquelle je vous pose cette question c'est parce que

  2   j'aimerais vous demander quand était-ce pour la dernière fois, avant que

  3   l'on vous dise de ne plus revenir au travail, quand avez-vous reçu votre

  4   salaire pour la dernière fois; et est-ce que vous savez quelle était la

  5   situation avec les autres médecins qui n'étaient pas albanais et à qui on

  6   n'a pas dit de quitter le centre médical de Vucitrn ? Donc est-ce que vous

  7   pourriez nous dire à quel moment avez-vous reçu votre dernière paye, et

  8   qu'en était-il pour eux également ?

  9   R.  Le dernier salaire que j'ai perçu, avant la guerre je ne me souviens

 10   pas quand était-ce, mais après la guerre, une fois que la guerre était

 11   terminée, quelqu'un nous a apporté notre salaire en dinars serbes. Je ne

 12   l'ai pas mentionné dans ma déclaration, mais il est exact de dire que nous

 13   avons tous reçu nos salaires en dinars après la guerre.

 14   Q.  Merci, Docteur, de cette réponse bien franche. J'aimerais savoir si

 15   votre directeur, vous aviez de bons rapports avec lui avant qu'il ne vous

 16   dise que vous étiez congédié ?

 17   R.  Bien sûr. Il était dentiste. Il était nommé par la municipalité au

 18   poste de directeur. J'avais de très bons rapports avec lui. Il travaillait

 19   en tant que dentiste. Il s'occupait de ses affaires, moi je m'occupais des

 20   miennes. Mais de façon générale, nous avions de très bons rapports.

 21   Q.  Voilà, justement je vous pose cette question. Est-ce qu'il vous est

 22   jamais arrivé -- ou plutôt, à ce moment-là lorsqu'il vous a dit de ne plus

 23   revenir, vous a-t-il jamais expliqué les raisons pour lesquelles -- il vous

 24   a donné d'autres explications outre la réponse que vous nous avez déjà

 25   donnée, à savoir que c'était un ordre qu'il avait reçu de ses supérieurs ?

 26   R.  Non, aucune autre raison ne m'a été donnée. C'était la dernière chose

 27   qu'il ne m'ait jamais dite. Je suis descendu, j'ai prescrit un médicament à

 28   cette vieille dame serbe qui était une patiente à moi, et j'ai quitté le

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  1   bâtiment en sa compagnie; et je ne l'ai plus jamais revu depuis, lui.

  2   Q.  Merci beaucoup, Docteur.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, si je ne m'abuse,

  4   c'est l'heure de la pause. Je pourrais ainsi faire une pause dans mon

  5   contre-interrogatoire et nous reprendrons après.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, alors le moment est

  7   propice, Monsieur Djordjevic. Effectivement, prenons notre pause maintenant

  8   et nous pourrons revenir à 11 heures. Ceci permettra au technicien de

  9   changer les rubans.

 10   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 11   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, je vous en prie.

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Docteur Gerxhaliu, quand est-ce que vous êtes revenu du Monténégro à

 15   Vucitrn, chez vous, dans votre ville ?

 16   R.  Aux alentours du 17, 18, 19 juin, je ne me souviens pas de la date

 17   précise.

 18   Q.  Avez-vous séjourné dans votre ville natale de Vucitrn depuis ?

 19   R.  Oui, oui, à Studime.

 20   Q.  Docteur Gerxhaliu, pourriez-vous me dire combien de vos collègues non-

 21   Albanais sont restés au dispensaire médical dans la ville de Vucitrn après

 22   le mois de juin ?

 23   R.  Lorsque je suis rentré en juin -- je suppose que vous me posez la

 24   question à propos de médecins, c'est cela ?

 25   Q.  Oui, il s'agit de médecins.

 26   R.  Je vous disais que lorsque je suis revenu après la guerre, je n'en ai

 27   vu aucun. J'ai entendu dire qu'ils avaient pris leurs effets personnels et

 28   qu'ils étaient partis.

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  1   Q.  Qu'en est-il du reste du personnel médical, je parle toujours des non-

  2   Albanais ?

  3   R.  Il y a des Roms, il y a des Musulmans, mais il n'y a pas de Serbes --

  4   je parle du dispensaire où je travaille, du dispensaire médical. Il y a des

  5   Turcs également, mais il n'y a pas de Serbes, et il y a des Monténégrins.

  6   Q.  Docteur Gerxhaliu, alors essayons, je vous prie, de déterminer quelles

  7   sont les divergences importantes entre votre déposition, vos déclarations

  8   précédentes; ce que vous avez dit aujourd'hui diffère légèrement du reste

  9   en fait. Voilà ce que j'aimerais indiquer à votre attention.

 10   Vous avez dit aujourd'hui que le 26 mai vous avez été en quelque sorte

 11   démis de vos fonctions oralement et que vous n'êtes jamais revenu au centre

 12   médical. Je pense que cela figure aux lignes 14 à 21 du compte rendu de la

 13   page 22, plutôt du compte rendu d'audience d'aujourd'hui.

 14   R.  Ce n'était pas le 26 mai, c'était le 26 mars pour commencer. Je ne sais

 15   pas si l'erreur vient de vous ou des interprètes, mais le fait est que cela

 16   s'est passé le 26 mars, deux jours après le début de la campagne aérienne

 17   de l'OTAN.

 18   Q.  Si j'ai dit le "26 mai," c'est moi qui ai fait l'erreur. Merci pour la

 19   correction apportée. Toutefois, il n'empêche que lors de votre

 20   interrogatoire principal mené à bien par mon estimée consoeur Mme Gopalan,

 21   vous avez répondu à l'une de ses questions - et cela figure à la page 12 du

 22   compte rendu d'audience d'aujourd'hui, ligne 19 à ligne 25 - vous avez dit

 23   que le 28 mars vous étiez encore dans la ville, que vous étiez au travail

 24   dans votre clinique, que vous êtes rentré chez vous et que vous n'y avez

 25   trouvé aucun membre de votre famille parce qu'ils avaient quitté le

 26   domicile avant cela, et qu'ensuite vous vous êtes dirigé vers le nord.

 27   Alors est-ce que vous pourriez préciser et nous dire ce qui est vrai, à

 28   savoir le 26 mars vous avez été démis de vos fonctions et vous n'êtes

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  1   jamais revenu au centre médical, ou est-ce qu'il est vrai que le 28 mars

  2   vous étiez encore dans votre clinique, dans votre dispensaire, et que vous

  3   êtes revenu, que vous n'avez trouvé personne chez vous, et que vous avez

  4   quitté la ville ? Laquelle de ces deux versions est vraie ?

  5   R.  J'ai déclaré dans les déclarations et lors de la déposition - je ne

  6   sais pas en fait ce que vous, vous avez entendu par le biais de

  7   l'interprétation - mais ce que j'ai dit c'est qu'il m'était impossible de

  8   revenir au centre médical après le 26 mars parce que les routes avaient été

  9   bouclées. Pendant ces deux jours, je me suis déplacé le long de la rivière,

 10   dans la montagne, je suis allé à l'hôpital de l'UCK à Sllakovc. Il nous a

 11   été impossible de rentrer chez nous jusqu'au mois d'avril.

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher à

 13   l'écran, je vous prie, le compte rendu d'audience d'aujourd'hui, page 12,

 14   lignes 19 à 25, je vous prie, et page 13, lignes 1 à 9.

 15   Q.  Alors est-ce que vous comprenez l'anglais, Monsieur ? Est-ce que vous

 16   le lisez ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Je vous prie de bien vouloir regarder l'écran et de bien constater

 19   quelle fut la réponse que vous avez apportée à la question posée par ma

 20   consoeur. Regardez le compte rendu d'audience. Vous avez dit que le 28 vous

 21   êtes rentré chez vous depuis la clinique, et c'est la raison pour laquelle

 22   je vous demande si vous avez fait une erreur, étant donné que vous venez

 23   maintenant de répéter qu'à partir du 26 vous n'avez plus eu rien à voir

 24   avec ce centre médical. Précisez-nous la situation.

 25   R.  Il s'agit d'une erreur. Après le 26, deux jours après le début des

 26   bombardements de l'OTAN, nous sommes partis et nous ne sommes plus revenus

 27   au centre médical. J'ai déjà dit que cela s'est passé deux jours après le

 28   début des bombardements de l'OTAN. Je me suis déplacé dans la zone que j'ai

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  1   décrite, mais il m'était impossible de revenir au centre médical. Comment

  2   est-ce que vous auriez pu revenir au centre médical en sachant pertinemment

  3   que votre vie était menacée ?

  4   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. J'aimerais maintenant vous poser une autre

  5   question : nous en sommes maintenant à ce que vous aviez dit à propos de

  6   cette femme âgée qui était votre patiente, vous l'avez examinée, et à la

  7   suite de cet examen vous avez quitté la clinique en question ou le centre

  8   médical et vous n'êtes plus jamais revenu. Vous nous avez dit que c'était

  9   l'une de vos patientes. Voilà la question que j'aimerais vous poser : cette

 10   femme, vous la connaissiez depuis longtemps, cette femme serbe ?

 11   R.  Oui, elle venait au centre médical très souvent. Elle souffrait d'un

 12   problème rénal, d'un problème cardiaque également d'ailleurs, elle venait

 13   fréquemment demander un avis médical. Ce jour-là, elle est venue pour

 14   obtenir une ordonnance, elle voulait juste renouveler son ordonnance pour

 15   obtenir de nouveaux médicaments de la pharmacie.

 16   Q.  Mais est-ce que vous savez où elle vivait ?

 17   R.  Quelque part à Vushtrri. Elle vivait dans les environs, je ne sais pas

 18   exactement où. Je ne connais pas son adresse, mais ce que je sais c'est

 19   qu'elle vivait dans la ville.

 20   Q.  Elle vous l'a dit, puisque vous le relatez dans votre déclaration, elle

 21   vous a dit que vous faisiez partie d'une liste de

 22   7 000 personnes de Vucitrn qu'ils avaient l'intention de tuer. Cet élément

 23   d'information à propos des 7 000 personnes qui devaient être tuées à

 24   Vucitrn, est-ce que cela est véridique ? Est-ce que vous avez bien compris,

 25   parce qu'il s'agissait quand même d'une liste de 7 000 personnes à Vucitrn

 26   ?

 27   R.  Je lui ai donné son ordonnance, elle m'a remercié et m'a demandé : Est-

 28   ce que vous avez peur ? Je lui ai dit : Non, je n'ai pas peur. J'ai

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  1   toujours bien traité les gens. Je pense qu'il y aura quelqu'un parmi les

  2   Serbes qui me défendra, et elle a répondu en me disant : Ce n'est pas vrai.

  3   Faites attention. J'ai entendu dire qu'il y avait une réunion qui avait été

  4   convoquée et que vous faisiez partie de ces 7 000 intellectuels qui vont

  5   être tués, et elle m'a dit que tout le secteur allait être nettoyé et

  6   habité par des réfugiés de Bosnie, de Croatie et d'autres endroits.

  7   Je l'ai remerciée et là je dois dire que j'ai quand même commencé à faire

  8   un peu plus attention, et en fait je considère qu'elle m'a sauvé la vie

  9   d'ailleurs. Je la remercie très souvent dans mes pensées parce que je n'ai

 10   jamais eu la possibilité de la revoir.

 11   Q.  Au paragraphe 4 de votre déclaration, vous dites qu'elle vous a dit que

 12   vous traitiez pendant la journée des patients, mais que pendant la nuit

 13   vous traitiez l'UCK. Cela ne me semble pas être une mise en garde

 14   particulièrement amicale. Est-ce que vous pourriez nous dire d'où elle a

 15   obtenu cette information ?

 16   R.  Ecoutez, c'est ce qu'elle m'a dit. Elle avait entendu dire qu'une

 17   réunion avait été convoquée et que lors de cette réunion quelqu'un avait

 18   mentionné mon nom, elle m'a dit que le nom du Dr Gerxhaliu avait été

 19   mentionné, qu'il avait été dit le Dr Gerxhaliu pendant la journée est comme

 20   un ange, mais le soir il va voir les terroristes pour panser leurs plaies,

 21   et c'est pour cela qu'il sera puni pour cette activité.

 22   Q.  Au paragraphe suivant ainsi que pendant votre déposition d'ailleurs,

 23   vous avez dit que la nuit vous alliez soigner les membres de l'UCK qui

 24   étaient blessés et les personnes qui se trouvaient dans le territoire

 25   contrôlé par l'UCK. Je peux en conclure qu'"ils," comme vous dites, et

 26   qu'"ils," comme elle disait, qu'il s'agit des forces serbes, alors est-ce

 27   que je peux en conclure qu'ils disposaient d'informations suivant

 28   lesquelles vous traitiez des soldats de l'UCK. Puis-je tirer cette

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  1   conclusion ?

  2   R.  Bien sûr qu'ils ont dit cela. C'est ce qu'elle a confirmé en fait.

  3   C'est pour ça qu'elle m'a mis en garde. C'est pour cela que par la suite

  4   d'ailleurs, j'ai commencé à être de plus en plus prudent.

  5   Q.  C'est la raison pour laquelle vous êtes parti de Vucitrn, parce que

  6   vous vous êtes rendu compte que votre vie était directement menacée par les

  7   Serbes, étant donné qu'ils avaient obtenu des informations suivant

  8   lesquelles vous soignez ceux qui pour eux étaient des terroristes de l'UCK.

  9   Est-ce que c'est ainsi que l'on peut analyser la situation une fois que

 10   vous avez reçu ces éléments d'information de la part de cette femme ?

 11   R.  Oui, oui, c'est ainsi d'ailleurs que les choses se sont passées.

 12   Q.  Merci, Docteur. J'aimerais maintenant vous poser une autre question,

 13   car vous avez dit que pendant la nuit vous vous rendiez dans des zones

 14   contrôlées par l'UCK pour fournir une assistance médicale aux combattants

 15   de l'UCK, ainsi qu'aux autres personnes, parce que la population en

 16   question ne pouvait pas venir à Vucitrn, parce qu'elle y aurait été tuée.

 17   Alors, Docteur Gerxhaliu, dites-nous je vous prie ce qui suit. Jusqu'au 26

 18   mai, est-ce que vous avez vu des cas de personnes qui venaient au centre

 19   médical de Vucitrn ? Je pense à des personnes qui venaient de territoires

 20   contrôlés par l'UCK, et ce, afin d'obtenir une aide ou une assistance

 21   médicale. Est-ce que vous auriez vu donc ces personnes qui auraient été

 22   liquidées ou tuées avant le 26 mai dans le centre médical aux alentours du

 23   26 mai ?

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, je pense que vous voulez

 25   parler du 26 mars. Vous avez à nouveau parlé du mois de mai.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est une erreur de ma part. Merci,

 27   Monsieur le Président.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant le 26 mars et après d'ailleurs, les

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  1   postes de contrôle serbes se trouvaient dans le village Dakovce qui se

  2   trouvait sur la route entre Prishtina et Vushtrri, et puis il y avait un

  3   poste de contrôle également à Samadrexha dans le quartier de Llazoviq. Il y

  4   avait d'autres postes de contrôle d'ailleurs, ce qui fait que les

  5   personnes, les civils qui vivaient dans la zone contrôlée par l'UCK et qui

  6   passaient par ces postes de contrôle faisaient l'objet de sévices. Certains

  7   ont d'ailleurs peut-être été tués. Moi, je n'ai pas pu tout voir de mes

  8   yeux, mais comme je l'ai indiqué dans ma déclaration dans l'affaire

  9   Milosevic, dans l'affaire Milutinovic ainsi qu'aujourd'hui, vous verrez par

 10   exemple même de nous jours qu'il y a encore des personnes qui souffrent de

 11   séquelles de leurs tortures et de leurs sévices subis à ces postes de

 12   contrôle. Donc, les gens avaient peur. Ils avaient peur de passer par ces

 13   postes de contrôle, et c'est la raison pour laquelle moi, je devais aller

 14   vers eux, je devais aller les trouver pour les soigner.

 15   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 16   Q.  Docteur Gerxhaliu, donc puis-je en conclure -- puis-je conclure d'après

 17   vos derniers propos que vous n'avez pas de conséquences directes du fait

 18   que des personnes auraient été tuées au poste de contrôle alors que ces

 19   personnes essayaient d'obtenir une aide médicale ? Je parle de personnes

 20   véritablement malades qui avaient besoin de voir un médecin à Vucitrn.

 21   Vous, vous n'avez pas de connaissance directe de ce genre de fait, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Non. Personnellement, je ne dispose pas de ce genre d'information. Il y

 24   a des gens qui s'occupent des droits de l'homme, des libertés qui justement

 25   disposent de ce genre de dossier. Moi, mon devoir et ma mission principale

 26   consistaient à soigner les gens qui avaient besoin de mon aide.

 27   Q.  Merci. Merci, Docteur Gerxhaliu. Alors, le document médical - enfin je

 28   ne sais pas, ce qu'on appelle les chartes médicales ou les dossiers

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  1   médicaux plutôt, pour trouver le mot exact - est-ce que ces dossiers

  2   médicaux ont été conservés à Vucitrn ?

  3   R.  Vous voulez parler de la période qui a précédé la guerre ?

  4   Q.  Non, non, je parle de dossiers médicaux couvrant -- oui, pour la

  5   période allant jusqu'au 24 mars 1999. Est-ce que ces dossiers ont été

  6   conservés ?

  7   R.  Lorsque nous sommes revenus après la guerre, nous n'avons rien trouvé.

  8   Tout avait été jeté. Tout avait disparu. Le centre médical qui existait

  9   avant la guerre avait été repris par la communauté internationale. Il a été

 10   reconstruit et il a été converti en un hôpital. Donc, nous n'avons rien

 11   trouvé de ces dossiers médicaux qui remontaient à la période précédant la

 12   guerre.

 13   Nous avons trouvé des documents personnels de collègues serbes, des permis

 14   de travail, par exemple, ce genre de choses, et nous leur avons envoyé

 15   leurs documents. Mais pour ce qui était des dossiers médicaux, nous n'avons

 16   rien trouvé.

 17   Comme vous le savez, moi, je ne suis pas revenu directement après. Je

 18   ne suis pas revenu directement du Monténégro au Kosova, mais lorsque j'ai

 19   fini par revenir, j'ai vu qu'il y avait de nombreux documents qui avaient

 20   été jetés et déchirés. Donc, pour ce qui est était des dossiers médicaux de

 21   nos patients, il faut savoir que rien n'avait été préservé, rien ne restait

 22   à cet endroit.

 23   Q.  Est-ce que vous connaissez l'identité de cette femme âgée qui était

 24   votre patiente et qui venait souvent vous voir en consultation ?

 25   R.  Je ne me souviens pas de son nom; je sais à quoi elle ressemble. Elle

 26   n'était pas très grande. Elle portait un foulard sur la tête. Je ne me

 27   souviens pas de son nom. J'avais plus de 80 patients, mais je me souviens

 28   très bien de son visage. Je me souviens également de son état de santé, des

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  1   thérapies dont elle avait besoin, et cetera, et cetera. J'ai également dit

  2   dans ma déclaration qu'il est extrêmement fâcheux que je ne me souvienne

  3   pas de son nom. Je suis allé au village de Grablje [phon] - c'est un

  4   village serbe - pour la chercher, parce que je voulais la remercier

  5   personnellement, mais je ne l'y ai pas trouvée.

  6   Q.  Merci. Vous avez justement abordé ce qui allait faire l'objet de ma

  7   question suivante. Vous venez de dire que vous ne l'aviez pas revue après

  8   la guerre. Donc, elle n'était pas originaire de Vucitrn. Elle venait du

  9   village de Grablje donc. Merci d'avoir précisé cela.

 10   R.  Non, non, non. Elle était de Vushtrri. C'était une femme de la ville de

 11   Vushtrri. Elle avait toujours habité à la ville. Grablje est un village qui

 12   fait partie de la municipalité de Vushtrri près de Babici [phon], mais

 13   elle, elle était de la ville. Elle vivait dans un appartement ou dans une

 14   maison -- enfin, je n'en sais rien. Je ne sais pas exactement d'ailleurs.

 15   Comme je vous l'ai dit, je n'avais pas son adresse. Je n'étais pas si

 16   intéressé par son adresse, tant qu'elle était ma patiente. Mais ce que je

 17   sais, c'est qu'elle vivait dans la ville.

 18   Q.  Je vous ai posé la question parce que vous avez mentionné le fait que

 19   vous étiez allé à Grablje parce que vous souhaitiez la remercier. C'est

 20   pour cela que je vous ai posé cette question. Donc, elle vivait en ville.

 21   C'est ce que vous venez de nous préciser. Merci. Je voudrais vous demander

 22   de faire preuve de patience maintenant.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez afficher à

 24   l'écran la pièce D002-5233. C'est la version serbe ou en B/C/S, et est-ce

 25   qu'on peut afficher en même temps D002-5235 en anglais.

 26   Q.  Docteur, voyez-vous ces documents ? Et après le paragraphe numéro 8, à

 27   la ligne 2, où il est dit :

 28   "Dans la zone de responsabilité du Kosovska Mitrovica," à tel jour,

Page 3138

  1   et cetera, pouvez-vous lire tout le paragraphe et pouvez-vous donner des

  2   commentaires là-dessus.

  3   R.  [aucune interprétation]

  4   Q.  Je ne reçois pas d'interprétation. 

  5   Je ne sais pas si vous avez répondu que vous êtes en mesure de voir ou pas

  6   cela.

  7   R.  Vous pensez à la version en serbo-croate, 006 -- ?

  8   Q.  "Dans la zone de responsabilité de Kosovska Mitrovica le 24 septembre

  9   1998, dans l'après-midi, un groupe de trois Spitar du village de Samodreza

 10   en tant que représentants du village se sont rendus à bord d'un tracteur

 11   chez les terroristes qui se trouvaient à la proximité du village de

 12   Cecelija pour les persuader de cesser les attaques et de rendre les armes."

 13   Est-ce qu'il faut que je réitère une partie de la citation ?

 14   R.  Je pense, oui.

 15   Q.  "Les terroristes les ont malmenés physiquement, les ont battus, ont

 16   cassé leur tracteur et leur ont dit de se rendre au village en disant que

 17   si la prochaine fois ils essayaient de se rendre dans cette région, ils

 18   allaient les tuer."

 19   Connaissez-vous cela, cet incident ?

 20   R.  Non, je ne dispose pas d'informations au sujet de cet incident. J'ai

 21   déjà dit dans l'affaire Milutinovic et consorts, et je vais répéter encore

 22   une fois dans cette affaire qu'il faut me donner des noms des personnes

 23   impliquées dans cet incident; comme je l'ai déjà dit, parce que c'est

 24   quelque chose qui n'est pas englobé dans ma déclaration. Tout simplement,

 25   je n'ai pas eu le temps pour m'occuper de tout cela. Vous pouvez

 26   probablement demander au Conseil des droits de l'homme pour en savoir plus,

 27   parce qu'ils suivaient la situation et tout un peu plus. Moi, je m'occupais

 28   de mes affaires et je travaillais en tant que médecin. Et si quelqu'un est

Page 3139

  1   venu pour demander mon assistance, je faisais ce que je pouvais faire. Donc

  2   je ne peux pas vous dire quoi que ce soit à ce sujet parce que je ne suis

  3   pas conscient de cela. Donc je n'ai pas entendu parler de cet incident. Je

  4   n'ai pas vu cet incident se dérouler.

  5   Q.  Merci, Docteur.

  6   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Maintenant, est-ce qu'on peut afficher une

  7   autre pièce, 65 ter la pièce P244. Mon collègue, Me Djurdjic m'a dit qu'il

  8   y avait des problèmes hier pour ce qui est de l'affichage de cette carte.

  9   Il s'agit en fait de la pièce 65 ter 5244. Il s'agit d'une carte qui porte

 10   le numéro 0586767, mais son numéro 65 ter est 5244.

 11   Q.  Et j'aimerais vous poser des questions à propos de cette carte. Après

 12   quoi, je vais vous poser des questions pour ce qui est d'une autre carte de

 13   l'Accusation qui a été déjà versée au dossier.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Et est-ce qu'on peut afficher maintenant

 15   cette première carte. Merci.

 16   Q.  Sur la carte qui vous a été présentée par l'Accusation, vous avez posé

 17   des annotations concernant le territoire qui était contrôlé par l'UCK.

 18   Cette carte qui est affichée sur l'écran est une carte où on peut voir les

 19   rails du chemin de fer passant par Vucitrn.

 20   Vous avez dit que 90% [comme interprété] du territoire était contrôlé par

 21   l'UCK. Je peux en conclure que mis à part les voies de communication

 22   principales tenues par les forces serbes, que le reste du territoire était

 23   tenu par l'UCK. Docteur, dites-moi si cette voie de communication, à savoir

 24   les rails du chemin de fer sur une portion des rails était contrôlée par

 25   l'UCK au nord-ouest ou au sud-est, parce que les rails passent en diagonale

 26   par Vucitrn, c'est ce qu'on peut voir sur la carte.

 27   R.  J'ai déjà posé des annotations, j'ai déjà dessiné une ligne similaire

 28   et j'ai expliqué que les rails du chemin de fer, la ville, entre Prishtina

Page 3140

  1   et Mitrovica, ces portions du chemin de fer étaient sous le contrôle des

  2   forces serbes, et je n'ai pas entendu dire que l'UCK aurait contrôlé cela.

  3   Mais les villages que vous venez d'énumérer, Cicavica et les autres

  4   villages, pour autant que je sache, 20 % de ce territoire était contrôlé

  5   par l'UCK, pour ce qui est de ces quartiers. Mais pour ce qui est de la

  6   ville et des banlieues de la ville, tout cela était contrôlé par les forces

  7   yougoslaves.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut aider le témoin. Est-ce

  9   que M. l'Huissier peut aider le témoin en lui donnant un stylet

 10   électronique pour qu'il dessine le territoire contrôlé par les Serbes. Est-

 11   ce qu'on peut lui donner un stylet électronique pour qu'il puisse dessiner

 12   ce cercle.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dessiné cette ligne. Mais les

 14   toponymes indiqués sur la carte sont indiqués en lettres minuscules trop

 15   petites. Je ne peux pas donc me situer sur la carte, je ne peux pas vous

 16   indiquer les endroits où se trouvaient les forces serbes. Je ne peux pas

 17   voir Samadrexha et les autres. Donc cette ligne ici, ça représente le

 18   territoire sous le contrôle de l'UCK et cette autre ligne, c'est le

 19   territoire contrôlé par les forces serbes.

 20   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 21   Q.  Est-ce que vous pouvez indiquer le territoire qui était autour de

 22   Vucitrn vers le nord.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir d'abord la

 24   partie inférieur de la carte où on peut voir Vucitrn.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez dessiner une ligne allant vers le nord vers les

 26   villages de Velika Kicic. Est-ce que vous voyez mieux maintenant ?

 27   R.  Oui, je vois mieux maintenant. Gojbulja, Mirac [phon]. Je ne vois pas

 28   Donja Sudimlja, peut-être que c'est ici. J'espère que j'ai raison.

Page 3141

  1   Q.  Oui. Donja Sudimlja est à droite par rapport à Vucitrn. Pouvez-vous

  2   dessiner un cercle autour de la zone contrôlée par les forces serbes.

  3   R.  Je pense que Gornje Sudimlja est là.

  4   M. DJORDJEVIC : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous ne pouvons pas agrandir la carte

  6   maintenant, sinon nous allons perdre toutes les annotations apposées

  7   jusqu'ici. Si nous agrandissons cette partie de la carte, nous devons

  8   apposer des annotations à nouveau.

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Puisque c'est important pour la Défense,

 10   j'aimerais qu'on place cette carte sur le rétroprojecteur parce que ça sera

 11   plus approprié que d'afficher la même carte dans le système électronique.

 12   Est-ce qu'on peut placer la carte sur le rétroprojecteur dans le sens

 13   inverse…

 14   Est-ce qu'on peut placer la carte de façon à ce que Vucitrn soit au

 15   milieu de la surface du rétroprojecteur --

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] Monsieur le Président, ce qu'on peut voir

 17   sur l'écran et sur la carte, je vois qu'il y a des annotations sur la

 18   carte.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois qu'il y a des annotations en

 20   noir.

 21   Mme GOPALAN : [interprétation] Si je me souviens bien, la version qu'on a

 22   montrée hier ne contenait pas d'annotation du tout.

 23   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Le Procureur a raison. Les annotations en

 24   jaune sont les annotations utilisées par la Défense lorsque la carte a été

 25   présentée pour retrouver plus facilement les endroits mentionnés dans la

 26   déclaration du témoin. Les annotations en noir, je ne peux pas vous dire de

 27   quoi il s'agit parce que ce n'est pas moi qui ai posé ces annotations, mais

 28   pour ce qui est des annotations en jaune, c'est moi qui ai apposé ces

Page 3142

  1   annotations en feutre jaune parce que ce sont les endroits mentionnés par

  2   le témoin.

  3   Ce n'est pas possible d'utiliser cette carte pour apposer d'autres

  4   annotations, nous n'avons pas l'autre carte qui est une carte vierge.

  5   J'aimerais que le témoin indique autour de Vucitrn seulement le territoire

  6   qui était contrôlé par les forces serbes, c'est tout ce que je veux que le

  7   témoin fasse, est-ce que cela est possible, bien sûr. Je ne pense pas que

  8   cela soit une question fondamentale.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre ne tiendra pas en compte

 10   les annotations en noir et en jaune qui existent déjà sur la carte. Le

 11   témoin utilisera le stylet rouge et comme cela nous pourrions suivre les

 12   annotations du témoin. Est-ce que cela peut vous aider, Maître Djordjevic ?

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Ma seule question pour le témoin pour ce

 14   qui est de cette carte est que le témoin nous indique le territoire

 15   contrôlé par les forces serbes sur cette carte.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur la première carte les toponymes étaient

 17   beaucoup plus clairs. Sur cette carte ce n'est pas aussi clair.

 18   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut donner la carte au

 20   témoin pour qu'il appose ses annotations, après quoi on peut replacer la

 21   carte sur le rétroprojecteur.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour moi, il était plus facile d'apposer des

 23   annotations sur la première carte --

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic, nous allons essayer

 25   d'agrandir cela dans le système électronique pour avoir une image plus

 26   nette de la carte.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis d'accord

 28   avec vous pour dire que l'autre carte, mais sans annotation apposée par le

Page 3143

  1   témoin, sera affichée, et il peut apposer des annotations maintenant sur

  2   cette autre carte. On peut afficher la première carte, je ne dispose pas du

  3   numéro exact de cette carte, mais Mlle O'Leary va m'aider, c'est P514,

  4   c'est la cote de la carte, mais il faut l'afficher sans annotations

  5   apposées par le témoin parce que cette carte a été déjà versée au dossier

  6   en tant que pièce à conviction --

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voyez-vous maintenant clairement ce

  8   qui est affiché sur l'écran, Maître Djordjevic. Je pense que c'est la carte

  9   sur laquelle M. le Médecin pourrait se situer, vous pouvez lui demander

 10   qu'il appose des annotations sur cette carte.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je suis d'accord avec vous, et c'est pour

 12   cela que j'ai proposé que cette carte soit affichée. Mais s'il est plus

 13   facile pour le témoin d'utiliser l'autre carte, je suis d'accord. Mais je

 14   ne veux qu'il indique le territoire de 20 % qui était contrôlé par les

 15   forces serbes, c'est tout ce que je veux qu'il fasse.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est plus facile de faire cela sur la

 17   première carte. Je vais essayer de le faire maintenant sur cette carte.

 18   Comme vous le savez, je suis médecin, et je ne me débrouille pas bien avec

 19   les cartes.

 20   Les forces serbes étaient à Studime, Donje Studime, Saracak, Samadrexha, à

 21   Dumnice, à Donje Dumnice, à Gojbulja, à Smrekonica, il s'agit de cette

 22   ligne-là pour indiquer ce territoire. C'est la zone qui est en dessous.

 23   Cette partie était contrôlée par les forces serbes yougoslaves. Ce

 24   territoire allant jusqu'à Llap était contrôlé par les forces de l'UCK. Ici

 25   se trouvent les rails du chemin de fer qui, comme je l'ai déjà dit, était

 26   contrôlé par les forces serbes, Pantine, Sitarice, Nevolane, c'est en

 27   dessous, Preluze, je ne vois pas Preluze, c'est à peu près ce territoire.

 28   C'était approximativement la ligne qui était sous le contrôle de l'UCK,

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  1   alors que la partie entre les deux lignes en rouge était contrôlée - au

  2   moins c'est ce que je pensais, ce qui représentait à peu près 20 %, c'est

  3   mon estimation - ce territoire était contrôlé par ces forces. Mais vous

  4   pouvez vérifier vous-même cela.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

  6   Q.  Merci.

  7   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Cette carte peut être retirée maintenant,

  8   mais j'aimerais que cette carte soit versée au dossier avec les annotations

  9   apposées par le témoin.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La carte sera versée au dossier.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte recevra la cote 514 [comme

 12   interprété].

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'ai déjà dit au Procureur avant.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte portera la cote D00069, Monsieur

 15   le Président.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maintenant cette carte fait partie du

 17   dossier de l'affaire, Maître Djordjevic.

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci.

 19   Q.  Est-ce que Veskovica était contrôlée par les membres de l'UCK ?

 20   R.  Quel endroit ?

 21   Q.  Vesekovce.

 22   R.  Vesekovc, oui jusqu'au 2 mai. Oui, je parle de Veskovc, cela se trouve

 23   au-dessus de Sllakovc. Sllakovc, Vesekovc, tout cela c'était dans cette

 24   zone-là.

 25   Q.  A la fin de mars et en début d'avril, Svracak était contrôlé par l'UCK

 26   aussi ?

 27   R.  Les deux Saracak n'était pas contrôlés par l'UCK. Dans ces deux

 28   Saracak, les Serbes vivaient et ces deux endroits étaient contrôlés par les

Page 3145

  1   forces serbes. Saracak e Eperme, Gornje Saracak et Donje Studime.

  2   Q.  A la fin du mois d'avril, dites-moi si les Serbes tenaient toujours

  3   Svracak ?

  4   R.  Oui, oui, je pense que oui, qu'ils contrôlaient Studime et Saracak. Il

  5   y avait un point de contrôle serbe là-bas qui lançait des obus de temps en

  6   temps vers Donje Studime. Il y avait toujours des forces serbes à ces deux

  7   positions.

  8   Q.  Merci. Au paragraphe 6, c'est le même paragraphe, dans le paragraphe 6

  9   de votre déclaration, il est dit que beaucoup de personnes étaient parties

 10   dans les montagnes pour éviter les tirs et les obus. Pouvez-vous

 11   m'expliquer pourquoi ces personnes ne se seraient pas rendues à Vucitrn

 12   pour éviter des coups de feu et des obus, parce que si j'ai bien compris, à

 13   Vucitrn, il n'y avait pas tout ça, il n'y avait pas de coups de feu, il n'y

 14   avait pas de pilonnage.

 15   R.  La population a été expulsée de toute la ville et a été rassemblée à la

 16   Dardania, à proximité d'un cimetière. Il n'y avait pas suffisamment de

 17   place pour toute la population. Le ruisseau de Studime coulait dans un

 18   canal d'une profondeur de deux ou trois mètres et c'était la meilleure

 19   position pour ceux qui voulaient y aller. Ils se sont rendus là-bas, tous

 20   ceux qui voulaient y aller, pour se sauver. Comme j'ai déjà dit, ils ont

 21   été expulsés de leurs domiciles, et comme j'ai déjà dit, ils sont allés au

 22   cimetière où un massacre a eu lieu le 22 mai.

 23   Q.  Vous vous êtes rendu dans les montagnes pour travailler dans des

 24   hôpitaux de campagne de l'UCK qui se trouvaient dans ces montagnes ?

 25   R.  Oui, oui j'ai travaillé à l'hôpital de l'UCK.

 26   Q.  Où se trouvaient les hôpitaux de l'UCK à l'époque ?

 27   R.  Lorsque cette zone était sous le contrôle de l'UCK, l'hôpital se

 28   trouvait à Bajgora et Kovacic, mais l'hôpital principal était à Sllakovc,

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  1   où j'ai passé la plupart de mon temps. Il s'agissait d'un bâtiment à deux

  2   étages et il y avait plus de pièces nécessaires pour accueillir tous les

  3   blessés. C'est là-bas que je travaillais la plupart du temps. Cet hôpital a

  4   été transformé en hôpital musée aujourd'hui.

  5   Q.  Dites-moi Docteur, quel était votre rôle à l'organisation de la

  6   protection médicale des membres de l'UCK se trouvant sur le terrain ? Y

  7   avait-il une sorte de hiérarchie ? Etiez-vous le seul médecin ou vous

  8   faisiez partie d'un groupe de médecins ?

  9   R.  Je travaillais seul parfois, quelquefois des collègues venaient de Llap

 10   pour m'aider. Parfois je me rendais là-bas pour les aider. Il n'y avait pas

 11   de hiérarchie. Nous travaillions en tant que bénévoles en fournissant de

 12   l'aide à ceux qui en avaient besoin. Les chirurgiens étaient arrivés après

 13   le 16 mai, ils s'occupaient de leur partie du travail, mais pendant la

 14   période où il n'y avait pas de chirurgien, je travaillais en temps que

 15   gynécologue, pédiatre ou chirurgien. J'ai tout simplement essayé de

 16   m'occuper de tous les patients qui venaient là-bas. Je faisais de mon

 17   mieux, mais je n'ai fait aucune différence entre les personnes blessées,

 18   personnes contagieuses, personnes âgées, enfants. C'était tout simplement

 19   des gens malades, et j'essayais de les aider tous, de faire de mon mieux

 20   selon le serment d'Hippocrate, comme vous le savez.

 21   Q.  Je respecte cela, mais pour ce qui est de la protection médicale

 22   dans des conditions de guerre, pour ce qui est du matériel nécessaire pour

 23   fournir de l'aide médicale, vous serez d'accord avec moi pour dire que ce

 24   n'est pas un travail simple et facile. Qui s'occupait de tout cela ? Qui

 25   prenait des décisions concernant l'organisation de l'aide médicale, de la

 26   protection médicale ?

 27   R.  Non, comme je l'ai déjà dit, il s'agissait du travail de bénévoles. Les

 28   gens fournissaient des choses nécessaires, parfois les membres de la

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  1   famille des gens malades amenaient ce qu'ils avaient. C'était le travail

  2   des bénévoles et rien n'a été fait de façon organisée, les gens essayaient

  3   tout simplement d'aider en fournissant de l'assistance aux personnes

  4   malades, aux personnes blessées, les gens donnaient du matériel médical,

  5   des médicaments. Nous utilisions l'équipement de la zone opérationnelle de

  6   Llap qui se trouvait à la frontière avec la Serbie.

  7   Parfois les gens de Llap nous fournissaient cet équipement, parce

  8   qu'ils en avaient plus que nous et les gens de Llap nous fournissaient

  9   cela. Je ne sais pas comment ils les ont trouvés, je ne sais pas s'ils les

 10   ont achetés, mais nous manquions de cela.

 11   Q.  Vous avez appelé ces hôpitaux des hôpitaux de campagne de l'UCK.

 12   Etiez-vous membre de l'UCK ?

 13   R.  Oui, puisque je travaillais à cet endroit-là, j'étais membre de

 14   l'UCK, je l'ai déjà dit même par le passé.

 15   Q.  S'agissant de ces hôpitaux de campagne, est-ce que ceci veut dire que

 16   les hôpitaux étaient placés sous le contrôle de l'UCK ?

 17   R.  L'UCK avait pour but de nous protéger, de nous informer dans le cas où

 18   la ligne de front était percée. Ils nous donnaient des ordres pour que l'on

 19   se déplace à un endroit plus sûr s'il y avait des problèmes, mais sinon ils

 20   ne jouaient aucun autre rôle dans notre travail. Comme j'ai dit, nous

 21   faisions un travail bénévole, donc dans les circonstances tout ceci était

 22   créé par le régime précédent, et tout le monde essayait de faire ce qu'ils

 23   pouvaient.

 24   Q.  J'aimerais vous poser la question suivante. Nous avons entendu des

 25   témoins nous donner leurs dépositions, mais puisque vous étiez membre de

 26   l'UCK, j'aimerais savoir si l'UCK était une organisation bien développée

 27   depuis les débuts de son existence ?

 28   R.  Voyez-vous, pour ce qui est de l'organisation et de la structure, ceci

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  1   ne fait pas partie de mon travail. Comme j'ai dit, je faisais partie de la

  2   logistique, et je ne me suis penché que sur mon travail. L'UCK avait son

  3   commandement. Il y avait des zones, ces zones opérationnelles, dans le

  4   contexte la zone opérationnelle de Shale, et c'est là que je travaillais,

  5   puis pour ce qui est du nord, Studime, Saracak. Il y avait une autre

  6   brigade qui s'appelait la Brigade 142, et elle opérait dans le sud de

  7   Vushtrri et Cicavica, mais nous communiquions plus avec Llap.

  8   Mais entre les Brigades 141 et 142 il y avait Vushtrri, et c'est là

  9   qu'étaient placées les forces serbes, et ceci nous empêchait de communiquer

 10   avec eux directement. Mais à l'hôpital, nous n'avions pas réellement de

 11   temps pour nous occuper de ce type de questions puisque nous voulions

 12   trouver des approvisionnements pour prodiguer des soins aux malades et aux

 13   blessés.

 14   Q.  Docteur, je vous ai posé cette question en tenant compte bien sûr de

 15   votre profession, mais également à cause de la déclaration que vous avez

 16   donnée, et je vais citer le paragraphe 11 dans lequel vous avez dit, je

 17   cite :

 18   "Le 2 mai 1999, l'ordre a été donné pour que l'UCK soit transféré puisque

 19   les Serbes avaient percé la ligne de front à Llap et Meljenica."

 20   Donc un ordre est parvenu pour que l'UCK soit transféré. Pourriez-vous nous

 21   dire, si vous le savez, qui avait la responsabilité dans cette zone et qui

 22   aurait pu donner un tel ordre ?

 23   R.  Ce n'était pas un ordre qui avait été donné par les commandants eux-

 24   mêmes. C'était plutôt une information, un message, qui nous avait été donné

 25   par les soldats à l'hôpital, ils nous avaient dit que les positions de

 26   combat à Meljenica, Majdan, Llap, dans ces zones opérationnelles-là, et au

 27   nord et dans la partie nord-ouest et sud-est, qu'ils étaient en train

 28   d'avancer et que nous devions procéder à une évacuation.

Page 3149

  1   Ce n'était pas un ordre, c'était une information, un message qui nous

  2   avait été donné afin que nous puissions partir avant qu'ils n'arrivent.

  3   Donc ils ont pris le temps pour transférer les malades, pour préparer le

  4   tout. Donc j'étais parmi les derniers à quitter l'endroit, et juste avant

  5   que nous ne partions, nous avions eu une discussion entre nous.

  6   L'UCK était une organisation plutôt démocratique. Ils n'imposaient pas quoi

  7   que ce soit. Ma famille voulait venir avec moi, donc j'avais la liberté

  8   d'être avec ma famille.

  9   Q.  J'ai très bien compris ce que vous m'avez dit, et si j'ai bien compris

 10   on ne vous a pas donné d'ordre, vous avez procédé de la sorte parce que

 11   vous aviez reçu une information. Mais vous nous dites - et je vous en ai

 12   donné lecture, mais vous pouvez en prendre connaissance vous-même - le 2

 13   mai 1999, un ordre est arrivé pour que l'UCK soit transféré, non pas

 14   l'hôpital, mais l'UCK, que l'UCK soit transféré parce que les Serbes

 15   avaient percé la ligne de front à Llap et Meljenica. C'est ce qui est

 16   rédigé dans la version en anglais. Alors qu'en serbe -- vous avez signé la

 17   version serbe également. Vous avez prononcé ces paroles effectivement en

 18   2000, c'était il y a plusieurs années, mais je vous demande maintenant de

 19   nous dire si vous vous souvenez de qui cet ordre est-il venu pour que l'UCK

 20   soit transféré ? Car c'était bien vos propos. Est-ce que vous savez qui

 21   avait la responsabilité de cette zone de responsabilité ? Qui était le

 22   commandant de cette zone de responsabilité pendant que vous travailliez

 23   dans ces hôpitaux de campagne ? Est-ce que c'était un ordre qui est parvenu

 24   du plus haut échelon, ou bien comment est-ce que cela s'est-il passé, donc

 25   l'ordre pour que l'UCK soit transféré ?

 26   R.  Pour ce qui est des ordres venant des structures militaires, le

 27   personnel militaire connaît mieux la façon de procéder. Nous faisions

 28   partie de la logistique. Nous travaillions sur une base volontaire. Nous

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  1   avions reçu ce message, et nous nous sommes conformés à cette information.

  2   Pour ce qui est des structures de l'UCK, ils avaient leurs propres ordres,

  3   j'ignore quels étaient ces ordres. Ils sont partis en direction de Dumnice,

  4   c'est-à-dire que le convoi est parti du côté droit vers Ceceli. Je sais que

  5   l'UCK les a pris et a blessé les membres de l'UCK, alors que les civils

  6   avaient emmené avec eux leurs membres de la famille malades.

  7   Pour ce qui est du commandement de l'UCK, pour ce qui est du QG, je ne me

  8   suis jamais rendu là-bas. Je n'ai pas eu le temps d'y aller. Je passais

  9   tout le temps à l'hôpital et je m'occupais de mes patients. Je ne peux donc

 10   pas vous parler de quelque chose que j'ignore. Je peux seulement vous dire

 11   que la distance entre l'hôpital de campagne et le commandement de l'UCK

 12   était assez importante, les deux endroits étaient assez éloignés. Ils

 13   avaient leur propre personnel militaire, et moi je m'occupais des patients.

 14   Q.  Docteur, est-ce que je vous ai bien compris, n'avez-vous jamais

 15   prononcé les paroles qui figurent au paragraphe 11, à savoir qu'un ordre

 16   était arrivé pour que l'UCK soit transféré ? C'est ce qui était rédigé ici

 17   au paragraphe 11. Est-il exact de dire que vous ne pouvez pas nous dire

 18   maintenant si un ordre était arrivé pour que l'UCK soit transféré, vous

 19   n'avez aucune idée de cela ?

 20   R.  Ecoutez, ce n'est pas un ordre en tant que tel, ce n'était pas un

 21   ultimatum. Nous avions reçu ceci comme un message, une information. La

 22   structure militaire fonctionnait d'après les ordres depuis leur

 23   commandement. Nous faisions partis de la logistique. Nous travaillions sur

 24   une base volontaire et nous avions reçu ceci comme une information, comme

 25   un message qui nous était parvenu.

 26   Ils auraient bien pu donner un ordre à leurs commandants de zone ou

 27   bien aux commandants des unités ou de leurs brigades. Je ne le sais pas.

 28   Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le commandement de la zone était

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  1   situé à une distance assez importante de l'hôpital; et je ne suis pas une

  2   personne qui aimait les armes, je n'ai jamais aimé les armes. Je n'ai donc

  3   pas porté attention sur tout ce qui est relatif aux questions militaires;

  4   je ne faisais attention qu'à mon travail. C'est tout ce que je veux vous

  5   dire. Personne ne m'a donné d'ordre. Mon travail était fait sur une base

  6   volontaire et c'est tout. S'il y avait eu des ordres, quelqu'un m'aurait

  7   dit quelque chose lorsque je suis parti, et lorsque eux ils sont partis

  8   avec les blessés je suis allé joindre ma famille et mes enfants, et non pas

  9   l'UCK et leurs soldats blessés.

 10   Q.  Docteur, veuillez répondre à ma question, s'il vous plaît. Ai-je raison

 11   de dire que cette partie-ci de votre déclaration qui figure au paragraphe

 12   11 n'est pas exacte, que vous ne savez absolument pas si l'UCK avait reçu

 13   quelque ordre que ce soit, car ici il est indiqué :

 14   "L'ordre est arrivé pour que l'UCK soit transféré," et non pas vous ou non

 15   pas l'hôpital, mais bien l'UCK. C'est ce que vous aviez dit, c'est ce que

 16   vous avez déclaré. Ai-je raison de dire que vous n'en avez pas connaissance

 17   et que ce qui est écrit ici n'est pas exact ?

 18   R.  J'ai dit cela effectivement, mais je parlais d'un ordre pour ce qui est

 19   des militaires de l'armée; mais pour ce qui est de nous, nous les membres

 20   s'occupant de la logistique, ce n'était pas un ordre qui était pour nous.

 21   Nous étions là en tant que volontaires.

 22   Q.  Très bien, merci. C'est tout ce que je voulais savoir.

 23   Ensuite dans le même paragraphe, vous dites :

 24   "Les civils ont donc dû également partir…"

 25   Dites-moi, s'il vous plaît, Docteur, pourquoi les civils devaient-ils

 26   partir s'ils ne participaient pas aux opérations de combat avec les forces

 27   serbes ? Pourquoi les civils devaient-ils partir ?

 28   R.  Simplement parce que tout ce qui était albanais était ciblé, et d'après

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  1   ce qui s'était passé plus tôt, les massacres qui se sont passés plus tôt,

  2   nous avions peur et nous espérions d'une certaine façon que nous pourrions

  3   arriver en Macédoine, en Albanie, au Monténégro et passer par Vushtrri. Des

  4   civils sont partis parce qu'ils avaient peur, parce que les forces serbes,

  5   lorsqu'ils ont incendié les maisons et lorsqu'ils se livraient aux

  6   opérations de combat, ils ne se battaient pas là sur le terrain où eux-

  7   mêmes pouvaient être tués, mais ils se sont plutôt défoulés sur la

  8   population civile.

  9   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, si les combats qui avaient lieu entre l'UCK

 10   et les forces serbes se déroulaient de façon quotidienne dans cette région

 11   ?

 12   R.  Il y avait des tirs qui se faisaient entendre très souvent. Je ne sais

 13   pas si c'étaient simplement des tirs unilatéraux ou bien s'il y avait un

 14   échange de tirs, je ne le sais pas. Un expert pourrait sûrement vous

 15   l'expliquer. Je ne le sais pas. Mais l'hôpital était assez éloigné des

 16   lignes de front, qu'il s'agisse de la partie nord-est ou nord-ouest, et

 17   comme je vous ai dit, pour ce qui est de mon travail en tant que médecin je

 18   n'étais préoccupé que par mon travail.

 19   Dans la nuit en question, les forces serbes ne sont pas allées vers

 20   Dumnice, c'est-à-dire là où sont allés l'UCK et les soldats, mais ils ont

 21   plutôt suivi le convoi. Donc eux nous ont suivis derrière, alors que devant

 22   nous il y avait des forces qui avaient pris des positions à Studime et

 23   Saracak. C'est là que ces massacres ont eu lieu, c'est à cet endroit-là que

 24   ces 118 ou 119 personnes avaient été tuées. Nous étions coincés.

 25   Q.  J'aimerais savoir : sur le territoire contrôlé par l'UCK - et vous avez

 26   évoqué plusieurs villages - quels villages étaient habités auparavant par

 27   les Serbes ? Je parle de la période qui a précédé le mois de mars 1999.

 28   R.  Il y avait peut-être des Serbes à Samadrexha puisque la population

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  1   était mixte dans ce village-là. Je crois qu'il y avait des Serbes à

  2   Samadrexha jusqu'à une époque plus tardive. C'est ce que j'ai entendu dire.

  3   Mais je ne les ai pas vus moi-même, et ils n'avaient pas de problèmes avec

  4   l'UCK jusqu'à plus tard. Les forces serbes avaient un point de contrôle

  5   dans le quartier de Llazoviq, et un peu plus loin il y avait certaines

  6   maisons où des Serbes plus âgés habitaient. C'est ce que j'avais entendu

  7   dire.

  8   Avant la guerre, je m'étais rendu à cet endroit assez souvent, à Saracak

  9   "area," mais pour ce qui est de la période dont vous parlez, s'agissant de

 10   Saracak, il n'y avait pas de membres de l'UCK. Les forces serbes tenaient

 11   leur point de contrôle à cet endroit-là puisque ce village de Saracak e

 12   Eperm était composé de Serbes.

 13   Q.  Vous avez parlé de Svracak, de Samodreza, y avait-il d'autres villages

 14   qui étaient placés sous le contrôle de l'UCK ?

 15   R.  Saracak était tenu par les forces serbes. Les autres villages étaient

 16   principalement albanais. Il ne s'agissait pas de villages mixtes.

 17   Q.  Permettez-moi de vous demander la chose suivante, s'agissant de Gornji

 18   Svracak et Samodreza, y a-t-il des maisons serbes à cet endroit-là où des

 19   personnes habitent, donc je ne parle pas de maisons vides, mais de maisons

 20   habitées.

 21   R.  Oui, plusieurs d'entre eux étaient mes patients. J'avais de bons

 22   rapports avec eux. Je leur rendais visite assez souvent avant la guerre.

 23   Q.  Savez-vous combien y avait-il de maisons serbes à Gornji Svracak ?

 24   R.  Il y avait environ quatre à cinq maisons, habitées principalement par

 25   des personnes plus âgées. Les jeunes habitaient Prishtina et visitaient les

 26   personnes âgées et les membres de leurs familles pendant les week-ends.

 27   J'avais des contacts avec ces personnes âgées, leurs fils, leurs nièces et

 28   neveux. Je ne les voyais pas. Mais comme j'ai dit, je rendais visite aux

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  1   personnes âgées assez souvent, puisqu'ils n'étaient pas en très bonne

  2   santé. Les jeunes travaillaient à Prishtina ou Vushtrri et se rendaient

  3   dans les villages pendant les week-ends. Donc les habitants de ces maisons

  4   étaient plutôt des personnes âgées.

  5   Q.  Docteur, combien y avait-il de maisons serbes à Samodreza ?

  6    R.  Dans ce quartier-là, près du quartier de Malokve [comme interprété],

  7   il y avait deux ou trois maisons serbes, de nouveau habitées par des

  8   personnes âgées; alors que le voisinage de Llazoviq était plutôt composé de

  9   dix à 12 maisons. Le quartier de Llazoviq était plus près de la ville, il y

 10   avait également un point de contrôle qui était érigé dans le coin, sur une

 11   colline tout près de ce quartier.

 12   Q.  Merci. Je vais maintenant revenir au paragraphe 11. Dans ce paragraphe,

 13   vous avez déclaré que les civils étaient également forcés à se déplacer

 14   après que Llap et Meljenica, dans la municipalité de Kosovska Mitrovica, et

 15   vu le départ des positions de l'UCK. Est-ce que vous seriez d'accord avec

 16   moi pour dire, eu égard à la situation et à la façon de mener des

 17   opérations de combat de type guérilla, que l'UCK menait des opérations de

 18   combat contre les forces serbes; est-ce que les civils et les forces de

 19   l'UCK se sont déplacés ensemble, se sont retirés ensemble, et s'agissait-il

 20   des membres de l'UCK qui ne portaient pas d'armes ?

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  [aucune interprétation]

 23   R.  [aucune interprétation] 

 24   Q.  Vous ne l'avez jamais vu ou est-ce que vous ne le connaissiez pas

 25   Bislim Zyrapi ?

 26   R.  Je crois que j'ai vu son nom dans les journaux, j'ai peut-être entendu

 27   parler de lui à la télévision, mais je n'ai jamais rencontré cette

 28   personne, la personne portant ce nom.

Page 3155

  1   Q.  Alors c'est plus clair, merci. Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît,

  2   lorsque vous avez vu son nom dans les journaux, est-ce que vous saviez

  3   qu'il était le chef de l'état-major de l'UCK, saviez-vous cela à ce moment-

  4   là ?

  5   R.  Il n'était pas -- Je connaissais les personnes de la zone

  6   opérationnelle de Shala. Je les connaissais avant la guerre et après la

  7   guerre. Je ne connaissais personne de l'état-major principal. Cela ne

  8   m'intéressait absolument pas, ce n'était pas du tout quelque chose qui me

  9   préoccupait. Je ne faisais pas partie de l'armée. Mon travail consistait à

 10   sauver des vies. C'est un nom que je n'avais pas entendu mentionner dans la

 11   zone opérationnelle de Shala.

 12   Q.  En tant que membre de l'UCK, est-ce que vous aviez connaissance d'un

 13   ordre selon lequel, en cas d'attaque menée par les forces serbes, toutes

 14   les forces de la ligne de front étaient censées se retirer ensemble avec la

 15   population civile; aviez-vous connaissance de cela ?

 16   R.  C'est la première fois que j'entends parler d'un tel ordre.

 17   Q.  Dans votre déclaration page 3, paragraphe 8 et paragraphe 3, page 4 en

 18   albanais, vous avez dit que :

 19   "De 30 à 40 000 personnes fuyaient cette zone à cause des opérations de

 20   combat entre l'UCK et l'armée serbe."

 21   N'est-il pas exact que la population civile partait de cette région à cause

 22   des opérations de combat qui se faisaient sur une base quotidienne entre

 23   l'UCK et les forces serbes ?

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopolan.

 25   Mme GOPALAN : [interprétation] Je suis en train de lire le paragraphe 8 en

 26   anglais et, malheureusement, je n'arrive pas à trouver la référence du

 27   paragraphe en question. Je me demandais si mon éminent confrère pouvait me

 28   donner la référence exacte.

Page 3156

  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'ai dit la même chose pour l'anglais,

  2   alors paragraphe 3, page 4. Je ne sais pas ce qui est consigné au compte

  3   rendu d'audience, mais c'est une erreur -- mais en albanais, c'est la même

  4   chose. Un instant, s'il vous plaît. 

  5   Mme GOPALAN : [interprétation] Je crois que nous avons retrouvé la page en

  6   question. Il s'agit du paragraphe 10 de la déclaration en anglais; ai-je

  7   raison, Maître ?

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, c'est tout à fait juste.

  9   Q.  Docteur, souhaiteriez-vous que je répète ma question ?

 10   R.  Nous n'en avons pas parlé de façon détaillée. Un ordre, oui, pour ce

 11   qui était de la partie militaire. Mais pour nous, il s'agissait tout

 12   simplement d'un message, d'une information que nous recevions des soldats

 13   suivant laquelle les positions étaient tombées entre les mains des forces

 14   serbes. Mais nous, les civils, nous devions partir. Je pense qu'il y avait

 15   entre 30 à 40 000 personnes après la guerre, d'après les documents qui ont

 16   été trouvés dans la municipalité de Vushtrri, c'est le chiffre qui a été

 17   retenu, entre

 18   30 000 et 40 000 réfugiés. Je pense que c'est un chiffre qui est plus ou

 19   moins exact, parce qu'il s'agissait d'un convoi énorme, il y avait beaucoup

 20   de personnes. Il n'y avait pas d'ordre. Personne ne pouvait me donner

 21   l'ordre de faire quoi que ce soit. Nous avons fait ce que nous avons fait,

 22   parce que nous avions peur, parce que nous étions en proie à la panique,

 23   parce que nous craignons que ce qui était arrivé à d'autres allait nous

 24   arriver. Il n'y avait pas d'autre raison en fait.

 25   Q.  Dans ce paragraphe, il me semble qu'il s'agit du dixième paragraphe de

 26   la version B/C/S et anglaise, vous dites et vous avez maintenant répété

 27   qu'il y avait entre 30 et 40 000 civils. J'aimerais en fait savoir si vous

 28   avez jamais fait une déclaration alors que vous vous trouviez à Ulcinj au

Page 3157

  1   Monténégro; est-ce que vous n'avez jamais fait une déclaration à la fin, en

  2   fin du mois de juin 1999 ?

  3   R.  Où ? A Ulcinj au Monténégro ou au Kosova ?

  4   Q.  Oui, oui, à Ulcinj au Monténégro. Le 18 juin 1999, est-ce que vous avez

  5   fait une déclaration, et le cas échéant, à qui ?

  6   R.  Oui. Il s'agissait d'une représentante du CICR, ou plutôt du groupe du

  7   ICG, "International Crisis Group," d'ailleurs, je ne me souviens pas du nom

  8   de l'organisation. C'est une femme qui m'a interrogé, puis il y a eu une

  9   autre déclaration faite après la guerre à Studime.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pensez-vous, Maître, qu'il s'agit d'un

 11   moment opportun pour faire la pause ?

 12   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, oui, je m'excuse. J'avais un peu

 13   oublié l'heure.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons donc faire la deuxième

 15   pause, et nous reprendrons à 13 heures.

 16   Mais, Maître Djordjevic, est-ce que vous pourriez nous dire où nous en

 17   sommes ?

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'ai l'intention de terminer mon contre-

 19   interrogatoire aujourd'hui et je laisserai, bien entendu, un laps de temps

 20   pour l'Accusation.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Nous

 22   reprendrons à 13 heures.

 23   --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.

 24   --- L'audience est reprise à 13 heures 02.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djordjevic.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   Je souhaiterais que soit affiché le document D002-5212. Il s'agit de la

 28   version anglaise, et pour la version B/C/S il s'agit de la pièce D002-5200.

Page 3158

  1   C'est la page numéro 2 qui m'intéresse.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Page 2.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation] S'il s'agit de la page 2, …

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, non, pas encore, me semble-t-il.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, c'est exact.

  6   C'est la page suivante en B/C/S qui devrait être affichée. Non, non, ce

  7   n'est toujours pas la bonne page. Page suivante, je vous prie. Visiblement,

  8   il y a un problème avec ce document. Il s'agit de la déclaration du témoin,

  9   déclaration du 18 juin 1999. Il s'agit du Témoin Sukri Gerxhaliu; vous avez

 10   également Fahrie Gerxhaliu, son épouse. Ce sont des déclarations qui ont

 11   été faites à Ulcinj. Vous pouvez le voir sur ces documents. C'est ce que

 12   j'ai devant moi, mais ce n'est pas ce qui apparaît à l'écran. Cela commence

 13   par : "Déclaration de témoin, incident numéro 1, 1er avril." Voilà, voilà.

 14   C'est cela. Enfin, c'est le bon document, mais ce n'est pas la bonne page.

 15   Ecoutez, je pense qu'il y a visiblement un malentendu à propos de ce

 16   document.

 17   En attendant que le document idoine soit affiché à l'écran,

 18   j'aimerais poser une question au témoin pour ne pas trop perdre de temps.

 19   D'ailleurs, je n'ai pas beaucoup de temps à ma disposition.

 20   Q.  Il s'agit d'une déclaration que vous avez faite à l'ICG, le

 21   International Crisis Group, et vous l'avez faite, cette déclaration, à

 22   Ulcinj à une certaine Mme Muriel le 6 juin 1999. Vous vous en souvenez ?

 23   R.  Oui, oui, je m'en souviens. C'était une femme, une ressortissante

 24   française, me semble-t-il. Mais je ne me souviens pas de son nom.

 25   Q.  Après avoir fait ladite déclaration, est-ce que vous avez examiné ce

 26   que vous aviez relaté ce jour-là ?

 27   R.  Non, je n'ai pas lu cette déclaration. J'ai fait ma déclaration, puis

 28   ensuite je suis rentré chez moi. Mais après, elle est revenue me trouver et

Page 3159

  1   a vérifié cette déclaration avec moi.

  2   Q.  Merci. Donc dans cette déclaration que nous n'avons toujours pas

  3   affichée sur nos écrans malheureusement, mais le fait est que j'ai un

  4   document papier avec moi en B/C/S, document de cette déclaration, donc il

  5   va falloir que j'attende avant que je ne vous pose des questions à propos

  6   de la partie polémique. Parce que j'aimerais que l'on précise certaines

  7   choses à ce sujet, et j'espère que cela va être bientôt affiché sur nos

  8   écrans. Vous faites référence à l'incident numéro 1, il s'agit du 2 avril,

  9   et vous dites à la fin du premier paragraphe :

 10   "Le 2 mai alors que nous faisions la navette ou les allées et venues entre

 11   ou vers Sudimlja, nous avons été entourés dans un champ pour des membres

 12   des forces serbes, il s'agissait de la police et des paramilitaire, qui

 13   venaient de Saljska Bajgora."

 14   C'est un incident dont vous avez parlé il y a peu de temps de cela. Lors de

 15   votre déposition, vous nous aviez indiqué qu'il y avait entre 30 000 et 40

 16   000 réfugiés. Vous avez dit qu'il y avait des gens qui étaient montés sur

 17   des tracteurs et qui descendaient de la montagne, il s'agit de civils, et

 18   ils le faisaient pour ne pas perdre leur vie.

 19   "Il y avait quelque 20 000 civils sur des tracteurs," et vous avez dit :

 20   "Nous descendions de la montagne avec tous les membres de nos familles pour

 21   ne pas mourir de faim."

 22   Est-ce que vous pourriez nous expliquer cette divergence, ce décalage entre

 23   le nombre de réfugiés dans un premier temps, puis il y a également une

 24   divergence pour ce qui est de la raison que vous évoquez pour expliquer le

 25   déplacement de cette colonne. Parce que vous dites dans cette déclaration

 26   que vous aviez peur de mourir de faim, alors qu'il y a un petit moment de

 27   cela, vous avez fourni une autre version à la Chambre. Est-ce que vous

 28   pourriez nous expliquer cette divergence, et entre-temps je vais essayer de

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  1   retrouver le document en question.

  2   R.  Pour ce qui est du nombre évoqué, j'ai toujours indiqué qu'il y avait

  3   entre 30 000 et 40 000 personnes. Alors, il est évident que je ne les ai

  4   pas comptées, mais c'est l'impression que j'en ai dégagé en voyant toutes

  5   ces personnes, c'est ce que j'ai dit à cette femme. Il se peut qu'elle ait

  6   commis une erreur. Peut-être qu'au lieu d'écrire 40 000, elle a écrit 20

  7   000. Mais moi, je suis catégorique, j'insiste sur ce chiffre de personnes,

  8   donc compris entre 30 000 et 40 000 personnes. Et après la guerre, Simic

  9   était le commandant adjoint à Vushtrri, il a donné exactement le même

 10   chiffre, entre 30 000 et 40 000 réfugiés qui s'étaient rassemblés dans

 11   cette vallée. Donc je ne pense pas que le chiffre pose problème. Je pense

 12   tout simplement qu'il s'agit d'une erreur.

 13   Lorsque j'ai examiné à nouveau la déclaration, j'ai apporté de nombreuses

 14   corrections. J'aurais dû apporter cette correction qui m'a échappé. Je ne

 15   l'ai pas vue. C'était l'ICG, c'est probablement quelque chose qui a été

 16   fait par l'ICG. C'est la raison pour laquelle je suis ici pour dire ce que

 17   je pense et, je répète, je réitère que l'impression que j'en avais dégagé

 18   est qu'il s'agissait d'un nombre compris entre 30 et 40 000 personnes. Il

 19   s'agit peut-être d'une erreur de nature technique.

 20   Q.  Merci. C'est beaucoup plus clair maintenant. Un petit moment, je vous

 21   prie. 

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Alors, d'après mon commis aux audiences,

 23   je pense que la meilleure méthode consisterait à montrer au témoin le

 24   document papier dont je dispose. Alors je vais maintenant demander à --

 25   maintenant je ne le retrouve pas d'ailleurs ce document papier.

 26   [Le conseil de la Défense se concerte] 

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Nous allons quand même attendre que cela

 28   soit donc retrouvé. J'ai voulu proposer ce document au versement au

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  1   dossier, donc on va attendre un peu. Sinon, je m'en excuse. Mais ces

  2   parties on l'a évoquées également, et ces parties figurent dans la

  3   déclaration de ce témoin.

  4   Q.  La deuxième partie de ma question était comme suit : dans ce compte

  5   rendu il a été dit que vous êtes descendus des montagnes pour ne pas mourir

  6   de faim et de froid. Quelle était la vraie raison ? Pour être précis,

  7   quelle était la raison pour laquelle vous avez cela dans ce compte rendu,

  8   dans le compte rendu du ICG ?

  9   R.  Il y avait plusieurs raisons pour cela, d'abord, la population avait

 10   peur du massacre qui a eu lieu, effectivement. Il n'y avait pas de verglas

 11   ni de neige, mais il n'y avait pas de médicament, il n'y avait pas de

 12   vivres, mais la raison principale pour le faire était la peur, la

 13   population était intimidée et craignait des massacres et des tortures, ce

 14   qui est en fait réellement passé à Drenice, Izbice, Racak. Malheureusement,

 15   cela est arrivé à Studime aussi.

 16   Q.  Docteur, lorsque vous parlez de la remorque dans laquelle vous étiez

 17   dans la colonne et dans laquelle vous étiez caché, pouvez-vous nous décrire

 18   exactement l'aspect de cette remorque, ou plutôt, pour être plus précis,

 19   pouvez-vous nous décrire l'endroit où vous étiez dans la remorque de ce

 20   tracteur. Vous avez décrit un peu où se trouvait exactement cette remorque,

 21   et comment elle a été cachée ? Est-ce que vous pouvez me décrire un peu

 22   plus précisément comment vous vous êtes caché dans cette remorque, qu'est-

 23   ce qu'il y avait en dessous et au-dessus ?

 24   R.  Le tracteur avait une remorque, comme c'est le cas des tracteurs à

 25   remorque. Au sol, il y avait un peu de foin. Ma famille s'y trouvait ainsi

 26   que la famille de mon épouse. La moitié de cette remorque était couverte

 27   avec une bâche en polyester qui pouvait être plus large, pour couvrir toute

 28   la remorque, mais c'était seulement la moitié de la remorque qui était

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  1   couverte de cette bâche, et j'y étais assis, donc sous cette bâche. Ma

  2   fille et les autres étaient autour de moi. Si quelqu'un s'approchait de la

  3   remorque, il ne pouvait pas me voir parce que j'étais caché parmi les

  4   enfants et les membres de ma famille.

  5   Q.  Est-ce qu'il y avait d'autres personnes qui se trouvaient cachées sous

  6   cette bâche en polyester ?

  7   R.  Seulement moi, parce que cette bâche en synthétique ne couvrait qu'une

  8   partie de la remorque, des deux côtés, et au coin. J'étais au coin, donc au

  9   coin de la remorque, et ma fille, à côté de moi, les autres étaient dans

 10   l'autre partie qui n'était pas couverte. Ma fille aînée était assise là-bas

 11   aussi. Elle était devant moi, j'étais derrière elle, et comme je l'ai déjà

 12   dit, cette partie était couverte par cette bâche en synthétique.

 13   Q.  Dites-moi qui conduisait ce tracteur ?

 14   R.  Mon frère – le frère de mon épouse, Halil Bashota.

 15   Q.  En Serbie, c'est "surak" en serbe. C'est le frère de votre épouse.

 16   Parce que je vois qu'ici il est indiqué "zet" [phon] ou le beau-frère.

 17   C'était plutôt le frère de votre épouse. Mis à part vos deux filles, si

 18   j'ai bien compris --

 19   R.  Notamment oui, il s'agit de mon beau-frère, en fait du frère de mon

 20   épouse, Halil.

 21   Q.  Mis à part vos deux filles, qui d'autre était dans la remorque assis et

 22   visible de l'extérieur ?

 23   R.  Mes deux fils, la mère de mon épouse ou ma belle-mère, les enfants de

 24   Halil, la belle-sœur de Halil et ses filles. Le tracteur était rempli des

 25   membres de ma famille ainsi que des membres de ma belle-famille.

 26   Q.  Est-ce que vous étiez en mesure de voir quoi que ce soit en étant en

 27   dessous de cette bâche synthétique ?

 28   R.  A première vue, personne ne pouvait me voir, mais lorsqu'ils se sont

Page 3163

  1   approchés plus près de la remorque en utilisant des lampes, ils pouvaient

  2   me voir, c'est pour cela que j'ai sauté du tracteur et je suis parti.

  3   Q.  Vous n'avez pas bien compris. Est-ce que vous vous étiez en mesure de

  4   voir quoi que ce soit en étant caché sous cette bâche synthétique ? Est-ce

  5   que vous étiez en mesure de voir quoi que ce soit à l'extérieur de la

  6   remorque ?

  7   R.  J'ai pu voir un peu en levant ma tête au-dessus de cette bâche pour

  8   voir ce qui se passait autour.

  9   Q.  Merci. Les choses qui se sont passées autour de la remorque, les

 10   soldats serbes qui demandaient de l'argent, les conversations entre eux

 11   disant quel nombre de personnes ont été tuées et quelles autres allaient

 12   être tuées, votre beau-frère qui a été battu, dites-nous si vous avez

 13   entendu ces passages à tabac pendant que vous étiez caché sous la bâche

 14   synthétique dans la remorque ?

 15   R.  Oui, j'ai été en mesure de voir et d'entendre ce qui se passait autour.

 16   Le lendemain j'ai vu que Halil était couvert de bleus parce qu'ils l'ont

 17   battu en utilisant des matraques. Après j'ai vu ce qui se passait.

 18   Q.  Après avoir sauté de la remorque, vous avez dit que vous aviez atterri

 19   sur le cadavre de votre cousin ou de votre voisin. Dites-moi si vous savez

 20   comment il a été tué ou c'était plutôt après que vous avez appris comment

 21   il a été tué ? Est-ce qu'à ce moment-là, vous étiez au courant des

 22   circonstances de sa mort ?

 23   R.  Non. Son tracteur se trouvait à côté du mien, le tracteur de Haki, et

 24   je pouvais voir cela parce que le tracteur était derrière nous. Quand

 25   quelqu'un a dit quelque chose en serbo-croate il est descendu du tracteur,

 26   et en présence de son père, de son épouse, de ses enfants, tout cela s'est

 27   passé devant ces personnes. Il y avait une petite distance qui séparait mon

 28   tracteur du sien, il a été exécuté sur place.

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  1   Q.  Merci de cette réponse.

  2   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, sur l'écran on peut

  3   finalement voir des extraits de la déclaration faite à l'enquêteur de

  4   l'ICG. J'aimerais que seulement cette page soit versée au dossier, la page

  5   en anglais et la page en B/C/S, par rapport à cela j'ai posé des questions

  6   au témoin tout à l'heure.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que la déclaration toute

  8   entière devrait être versée au dossier si vous voulez que cela devienne une

  9   pièce à conviction jusqu'à cela soit parcouru vraiment en détail, on ne

 10   peut pas être sûr si une autre partie de cela n'influence tout, ou se

 11   réfère à cela. Voulez-vous que le document tout entier soit versé au

 12   dossier ?

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote de ce document sera D00070.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci.

 17   Q.  Docteur, dites-moi ce que vous faites aujourd'hui, quel est votre poste

 18   au centre médical à Vucitrn, à partir du moment où vous êtes retourné au

 19   centre médical ?

 20   R.  Après être retourné à Vushtrri, j'ai continué à travailler en tant que

 21   médecin spécialiste de la médecine du travail, parce que j'ai bénéficié

 22   d'une formation à Belgrade avant la guerre. Je m'occupe principalement des

 23   maladies professionnelles ainsi que d'autres maladies. Après la guerre j'ai

 24   suivi une formation pour ce qui est de la médecine de famille qui a été

 25   fournie par des professeurs britanniques.

 26   Q.  Docteur, le dernier sujet de mon contre-interrogatoire à aborder, vous

 27   m'avez dit aujourd'hui que vous avez coopéré avec la zone opérationnelle de

 28   Llap, est-ce vrai ?

Page 3165

  1   R.  Je n'avais pas de contact direct avec cette zone, mais il y avait une

  2   personne que nous envoyions pour ce qui est du matériel médical. Il nous

  3   donnait le matériel médical parce qu'ils étaient mieux fournis que nous.

  4   Ils nous envoyaient cela par les civils.

  5   Q.  Savez-vous si dans l'UCK il existait également la défense territoriale

  6   dans le cadre de l'UCK ainsi que la protection civile ?

  7   R.  Tout simplement, je travaillais à l'hôpital où je m'occupais de

  8   patients. Je l'ai dit maintenant et je le dis de nouveau, lorsque l'on

  9   parle de ce qui était arrivé à l'organisation je n'avais même pas le temps

 10   de réfléchir à tout cela. La plupart du temps je travaillais tout seul,

 11   sans le concours de mes collègues. Je devais me consacrer aux questions de

 12   santé, d'épidémiologie, et cetera, je devais prodiguer des soins aux

 13   personnes qui en avaient besoin.

 14   Q.  En d'autres mots, vous ne savez pas s'il y avait une défense civile

 15   dans le cadre de l'UCK, ai-je raison de dire cela ?

 16   R.  Vous avez raison, je n'avais absolument pas d'intérêt, cette structure-

 17   là ne m'intéressait pas.

 18   Q.  Merci. J'ai maintenant une dernière question pour vous. Au paragraphe

 19   25 de votre déclaration, vous avez déclaré que certains soldats de l'UCK

 20   avaient aidé à enterrer les morts. Pourriez-vous nous expliquer, s'il vous

 21   plaît, pourquoi l'UCK faisait cela ? Pourquoi n'était-ce pas les civils qui

 22   se sont occupés de ce type de chose, puisque c'était les civils qui avaient

 23   leur vie dans des circonstances particulières ?

 24   R.  Faites-vous référence au 3 mai ou au 31 mai ?

 25   Q.  Je fais référence au 3 mai.

 26   R.  Le 3 mai, il y avait peu de civils qui étaient restés sur place. C'est

 27   la raison pour laquelle il était nécessaire que les soldats de l'UCK leur

 28   viennent en aide pour dégager les corps qui se trouvaient le long de la

Page 3166

  1   route. Ils m'ont dit de revenir à l'hôpital parce que près de l'hôpital

  2   dans un champ, il y avait environ 90 vaches qui avaient été tuées, et il a

  3   fallu que j'organise un petit groupe de soldats et de civils pour dégager

  4   ces carcasses afin d'éviter que les maladies ne se propagent. Comme je vous

  5   l'ai dit, il y avait quelques civils qui étaient là-bas et l'UCK a aidé à

  6   enterrer les morts.

  7   Q.  Y avait-il que des civils ou il y avait également des membres de l'UCK,

  8   est-ce que vous savez si c'était le cas ?

  9   R.  Ils étaient tous des civils. J'ai des photos ici avec moi si vous

 10   voulez, je peux vous les montrer, vous pouvez également voir vous-même

 11   qu'il n'y avait absolument pas de soldats parmi ces civils qui avaient été

 12   tués. Toutes ces personnes étaient des civils.

 13   Q.  Docteur, je vous remercie d'avoir répondu à toutes ces questions,

 14   d'avoir précisé certains points qu'il fallait préciser. Je vous remercie

 15   d'être venu déposer, j'en conclu mon contre-interrogatoire et je voudrais

 16   vous remercier de nouveau.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Djordjevic.

 18   Madame Gopalan, est-ce que vous avez des questions supplémentaires à poser

 19   au témoin ?

 20   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 22   Nouvel interrogatoire par Mme Gopalan : 

 23   Q.  [interprétation] Docteur, j'ai des questions supplémentaires à vous

 24   poser qui découlent du contre-interrogatoire du conseil de la Défense. On

 25   vous a demandé pourquoi vous avez quitté Vucitrn, c'est le conseil de la

 26   Défense qui vous a posé cette question à la page 35 ligne 24. D'abord pour

 27   préciser, dites-nous où se trouve votre maison, dans quel village ?

 28   R.  Ma maison se trouve dans Studime e Poshteme, mais c'est dans le village

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  1   de Studime ou bien comme on le voit sur la carte, c'est D. Studime. C'est

  2   là que se trouve ma maison. Un peu plus haut se trouve le quartier de

  3   Rashice où les forces serbes étaient positionnées alors que ma maison se

  4   trouvait en contrebas, dans la partie basse du village.

  5   Q.  Et le 2 mai, pourquoi avez-vous rejoint le convoi ?

  6   R.  Nous nous sommes joints au convoi, car nous espérions survivre. Les

  7   forces militaires et paramilitaires avaient percé les deux lignes de front

  8   derrière nous et ma femme a toujours voulu que l'on se déplace tous

  9   ensemble. Si un obus devait nous tomber dessus, il nous tomberait dessus en

 10   tant que famille.

 11   Q.  Dans quelle direction est-ce que le convoi s'est déplacé ?

 12   R.  Le convoi s'est déplacé de Sllakovc en direction de Ceceli, et ensuite

 13   de Ceceli on a tourné à droite en direction de Studime e Eperme, et de

 14   Studime e Eperme vers Studime e Poshteme, où la colonne s'est arrêtée près

 15   d'une colline. Derrière la colline il y avait les forces serbes qui

 16   tiraient de temps en temps.

 17   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. On vous a également posé des questions

 18   relatives à l'emplacement de diverses forces armées. Vous avez dit que dans

 19   la nuit en question, l'UCK s'est dirigé en direction de Dumnice. Pourriez-

 20   vous nous dire Dumnice se trouve où par rapport à l'endroit où vous étiez ?

 21   Est-ce au nord, est-ce au sud, à l'est ou à l'ouest ?

 22   R.  Dumnice se trouvait à l'est de l'endroit par rapport où j'étais. Le

 23   convoi s'est déplacé vers Ceceli et ensuite on a tourné à droite en

 24   direction de Studime, ensuite l'UCK est allé à gauche vers Dumnice.

 25   Q.  Merci. Vous avez également parlé des forces armées qui suivaient le

 26   convoi. De quelles forces s'agit-il ?

 27   R.  Il s'agissait des forces serbes qui avaient percé la ligne de front à

 28   Shala, près de Meljenica et dans la région de Llap. Ils avaient rejoint,

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  1   ils étaient arrivés jusqu'aux forces yougoslaves de Sllakovc, ils

  2   pilonnaient, ils tiraient, nous essayions de les éviter et nous avons fait

  3   cela jusqu'à Studime où ils nous ont rattrapés.

  4   Q.  Quelles étaient les forces armées qui étaient situées à Studime et

  5   Svracak ?

  6   R.  De nouveau, c'étaient les forces serbes, mais ils avaient été

  7   positionnés à Saracak et à Studime, auparavant ils étaient sur la colline

  8   de Rashice. Nous avions derrière nous les forces qui avaient réussi à

  9   percer la ligne de front à ces deux endroits que j'ai mentionnés, et devant

 10   nous, nous avions les forces qui avaient été positionnées là un peu plus

 11   tôt.

 12   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. J'aimerais maintenant passer à un autre

 13   sujet. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous avez vu de la remorque

 14   ou du tracteur dans lequel vous étiez caché. Vous avez mentionné avoir vu

 15   des formations paramilitaires, certains soldats extirpant de l'argent,

 16   tuant et passant à tabac certaines personnes. Est-ce que ces soldats

 17   semblaient chercher quelque chose à l'intérieur des tracteurs également ?

 18   R.  Ils se rapprochaient du tracteur, et ils demandaient de l'argent. Par

 19   la suite lorsqu'on leur donnait de l'argent, ils passaient à un autre

 20   tracteur. Nous pensions que si on donnait de l'argent nous ne serions plus

 21   à risque; mais en réalité ce n'était pas exact puisque tout de suite après

 22   un autre groupe arrivait, ils fouillaient les hommes, ils les passaient à

 23   tabac, les exécutaient en la présence des membres de leurs familles pour

 24   semer la panique et la peur parmi les civils. C'est pour cela que plus de

 25   118 ou 119 personnes avaient été tuées cette nuit-là.

 26   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. J'aimerais maintenant que vous me parliez

 27   d'un homme qui avait été tué cette nuit-là. Vous parlez de lui dans votre

 28   témoignage à la ligne 18, et 9, vous dites que vous avez entendu des

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  1   paramilitaires se faisant demander de ne pas tuer le fils de cette

  2   personne, et cette personne a été néanmoins exécutée. Ce que j'aimerais

  3   préciser ce sont les noms des personnes que vous avez vues tuer la personne

  4   en question, si vous vous en souvenez, bien sûr.

  5   R.  Il y avait Haki qui avait été tué, il était juste à côté de la remorque

  6   de mon tracteur. Dix mètres plus loin il y avait également la remorque du

  7   tracteur de Nexhip Bunjaku de Studime e Eperme, et lui il a été tué. Son

  8   père Sherif avait marié son fils avec une femme d'un autre village et avait

  9   rejoint le convoi ce jour-là. C'est à ce moment-là que j'ai entendu le

 10   Serbe lui dire en serbe -- il leur a d'abord dit en serbe : S'il vous

 11   plaît, ne tuez pas mon fils. Il vient de se marier aujourd'hui.

 12   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu --

 13   R.  Ensuite le Serbe a répondu : Nous allons fêter son mariage, et ils

 14   l'ont exécuté.

 15   Q.  Merci, Docteur Gerxhaliu. Je n'ai plus d'autres questions.

 16   R.  Il n'y a pas de quoi.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   Questions de la Cour :

 20   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Docteur, j'aimerais vous poser une

 21   question concernant ce couple de personnes âgées. Qui est allé vers eux ?

 22   Est-ce que c'étaient les paramilitaires ?

 23   R.  Au moment de l'exécution, il était très difficile de dire de qu'il

 24   s'agissait exactement; il y avait des membres de la police, il y avait des

 25   paramilitaires et d'autres unités qui étaient bien coordonnées parmi eux.

 26   Mais pour ce qui est de la police et des membres de l'armée, c'est eux qui

 27   avaient commis le plus d'atrocités. Les militaires les avaient rejoints

 28   également, donc c'étaient la police et les paramilitaires qui s'étaient

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  1   livrés au plus d'atrocités.

  2   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Merci.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Docteur, vous serez heureux

  4   d'apprendre que ceci met fin à votre témoignage. Nous avons vos dépositions

  5   et vos déclarations qui avaient été faites dans le cadre d'un autre procès,

  6   et je vous remercie d'avoir répondu aux questions qui vous ont été posées

  7   ici. Tout ceci sera pris en compte à une étape ultérieure du procès. Nous

  8   vous remercions de vous être déplacé jusqu'ici et de l'aide que vous nous

  9   avez apportée. Vous pouvez maintenant regagner votre maison, vous pouvez

 10   retourner à vos activités. L'huissier vous aidera à quitter la salle, et je

 11   vous remercie de nouveau.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 13   Messieurs les Juges. Je crois que j'ai été clair et j'ai témoigné de façon

 14   sincère. Le désir de mes gens, des gens qui habitent encore là-bas,

 15   indépendamment de leur origine ethnique, est que vous rendiez une décision

 16   juste. Je vous remercie de nouveau en mon propre nom et au nom de ma

 17   famille.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Docteur.

 19   Nous allons reprendre nos travaux dans la matinée à 9 heures du matin

 20   demain matin.

 21   [Le témoin se retire]

 22   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le vendredi 3

 23   avril 2009, à 9 heures 00.

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