Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 22 avril 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  6   M. BEHAR : [interprétation] Bonjour.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant de continuer, avant de continuer

  8   avec votre témoin, Monsieur Behar, je vois que M. Stamp est ici et, hier

  9   soir, j'ai reçu son message électronique. Je vous remercie pour cela,

 10   Monsieur Stamp, je vous remercie pour les informations que vous nous avez

 11   communiquées. Espérons que les choses avanceront comme prévu.

 12   La Chambre veut souligner qu'elle est au courant des contacts officieux

 13   pour ce qui est de la situation concernant le jour de vendredi de la

 14   semaine prochaine. La Chambre considère que nous siégerons vendredi

 15   prochain à moins que nous ne soyons pas en mesure d'en finir avec les

 16   témoins avant. Deux témoins qui vont venir pour témoigner, conformément aux

 17   articles 92 bis et ter, pourraient être des témoins qui témoigneront moins

 18   longtemps. Donc nous pourrons prendre une décision ce matin de ne pas

 19   siéger vendredi prochain, s'il est possible d'en finir avec ces témoins

 20   d'ici mercredi.

 21   La Chambre veut également qu'on finisse avec les témoins de cette

 22   semaine pour avoir trois jours entiers pour nous occuper des témoins de la

 23   semaine prochaine.

 24   Est-ce qu'il y a des informations pour ce qui est du troisième témoin

 25   pour la semaine prochaine, Monsieur Stamp ?

 26   M. STAMP : [interprétation] On ne peut rien confirmer. Nous faisons

 27   de notre mieux pour que la Chambre ne perde pas le temps.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc nous pouvons vous laisser vous

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  1   occuper de cela, Monsieur Stamp.

  2   M. STAMP : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous espérons que vous avez

  4   appris quelque chose de tout cela et nous espérons que vous allez accomplir

  5   vos obligations en travaillant ensemble avec les conseils de la Défense.

  6   Donc la Chambre confirme la décision selon laquelle nous n'allons pas

  7   siéger vendredi de la semaine prochaine. Tout cela est clair pour tout le

  8   monde.

  9   Merci, Monsieur Stamp.

 10   Monsieur Djurdjic.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   La Défense fera tout pour que ces décisions s'appliquent, mais j'aimerais

 13   que l'Accusation nous informe en temps utile pour ce qui est de l'ordre des

 14   témoins, parce que pour ce qui est du témoin qui n'a pas été confirmé, on

 15   ne sait pas si ce témoin témoignera en tant que dernier témoin mercredi ou

 16   plutôt lundi de la semaine prochaine. C'est pour cela que je demande à

 17   l'Accusation de nous communiquer cette information d'ici vendredi pour que

 18   tous les témoins prévus à  témoigner témoignent selon le plan adopté.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis certain que M. Stamp a compris

 20   cela et la Chambre aimerait également avoir cette information, mais je suis

 21   sûr que tout cela dépend du troisième témoin qui va venir témoigner la

 22   semaine prochaine et tout cela il faut qu'on en discute. Mais nous savons

 23   que deux témoins, qui ont été identifiés, remplaceront K86 et K79, dans cet

 24   ordre-là, mais si j'ai bien compris, il y a toujours la question concernant

 25   le troisième témoin à être résolue. Merci.

 26   Monsieur Behar, vous avez la parole.

 27   M. BEHAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avec la

 28   permission de la Chambre, j'aimerais soulever brièvement quelques questions

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  1   que j'aimerais poser encore au témoin et avec la permission de la Chambre,

  2   je ferai cela et je serai bref.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   LE TÉMOIN : AGIM JEMINI [Reprise]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar a encore quelques

 10   questions pour vous.

 11   Monsieur Behar, allez-y.

 12   Interrogatoire principal par M. Behar : [Suite] 

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 14   R.  Bonjour.

 15   Q.  Hier, je vous ai posé des questions concernant la période pendant

 16   laquelle vous vous cachiez dans des champs entre Celine et Bela Crkva.

 17   M. BEHAR : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher maintenant la pièce

 18   portant la cote P00650, s'il vous plaît. C'est la pièce qui a été montrée

 19   hier.

 20   Q.  Vous avez dit que cette photographie a été prise au printemps. Dites-

 21   nous si cette photographie a été prise pendant la période pour laquelle

 22   vous avez dit qu'il s'agissait d'une période de 30 jours pendant laquelle

 23   vous vous cachiez dans les champs et pendant cette période-là, vous avez

 24   trouvé des cadavres, des gens massacrés pour les enterrer ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Pouvez-vous nous donner la date exacte à laquelle cette photographie a

 27   été prise ?

 28   R.  Cette date pourrait être le 5 avril ou vers le 5 avril.

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  1   Q.  Est-ce que quelque chose de spécifique vous amène à penser que cette

  2   date pourrait être le 5 avril ?

  3   R.  La raison pour laquelle je dis que c'était cette date est que je sais

  4   que quand j'étais à cet endroit. Parce que nous ne restions pas au même

  5   endroit tout le temps. Nous essayions toujours de trouver des endroits plus

  6   sûrs pour nous.

  7   Q.  Merci.

  8   M. BEHAR : [interprétation] Maintenant, est-ce qu'on peut afficher la pièce

  9   portant la cote P00651, s'il vous plaît.

 10   Q.  Hier, à la page 86, à la ligne 24 du compte rendu, vous avez dit que

 11   cette photographie a été prise pendant que vous étiez à l'extérieur du

 12   village et après que vous étiez parti à l'endroit où toute la population

 13   s'était rassemblée après la date du 25 mars. Pouvez-vous nous dire à quelle

 14   date cette photographie a été prise ?

 15   R.  Cette photographie a été prise à peu près sept jours après le départ de

 16   la population du village, après le 28 mars. Ce qui veut dire que la date

 17   pourrait être le 6 ou le 7 avril.

 18   Q.  Hier vous avez dit, c'est ce qui a été consigné au compte rendu, vous

 19   avez dit que vous êtes parti à l'endroit où toute la population s'était

 20   rassemblée après le 25 mars. Pouvez-vous nous expliquer cela, à savoir

 21   pouvez-vous nous dire ce que vous avez entendu par là et qui s'est

 22   rassemblé à cet endroit-là ?

 23   R.  Nous n'étions pas là-bas au moment où la population s'est rassemblée.

 24   C'est parce que nous n'avions pas de contacts avec toute la population. La

 25   population a commencé à se déplacer dans cette direction le 25 et le 26

 26   mars. Après cela, la population a été forcée de partir de cette région et

 27   de se diriger vers l'Albanie.

 28   J'étais à Zrze à l'époque, cela se trouve à à peu près 7 kilomètres de

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  1   Celine.

  2   Q.  Est-ce que j'ai bien compris alors, que vous n'étiez pas au même

  3   endroit que la population dont vous venez de parler ?

  4   R.  Non. Nous avons visité cet endroit le deuxième jour, mais le 25 et le

  5   26, nous n'étions pas là-bas. Le 28, la population était forcée de partir

  6   de Celina et de se diriger dans la direction de l'Albanie.

  7   Q.  J'ai compris cela. Merci. C'étaient toutes mes questions que j'ai voulu

  8   vous poser.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, contre-interrogatoire

 10   ?

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Contre-interrogatoire par M. Djurdjic : 

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Jemini. Je m'appelle Veljko

 14   Djurdjic. Je suis membre de l'équipe de la Défense de l'accusé Vlastimir

 15   Djordjevic. Avec moi aujourd'hui est Mme Mary O'Leary, membre de l'équipe

 16   de la Défense.

 17   J'avais des questions à vous poser concernant les déclarations que vous

 18   avez faites jusqu'à aujourd'hui, et puisque vous étiez à plusieurs reprises

 19   ici pour témoigner, je vous prie, encore une fois, d'attendre que

 20   l'interprétation de ma question soit finie pour répondre à cette question,

 21   et je vous prie pour que cela soit plus efficace d'écouter attentivement

 22   mes questions pour pouvoir me fournir des questions précises et brèves.

 23   M. DJURDJIC : [interprétation] J'aimerais qu'on affiche maintenant la pièce

 24   à conviction P650, ou plutôt, que la pièce P651 reste affichée sur l'écran.

 25   Q.  Hier vous nous avez dit qu'ici la population s'est rassemblée. Sur

 26   cette photographie, on voit vous-même sur cette photographie assis. Est-ce

 27   qu'il s'agit du groupe qui revenait le soir au village, tous les soirs ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Merci. Je vois que vous êtes ici presque allongé, ou plutôt, assis au

  2   sol. Vous n'aviez pas peur des forces serbes ?

  3   R.  C'est le moment où l'intervention des forces de l'OTAN a eu lieu

  4   pendant la journée et c'est seulement pendant cette période-là de la

  5   journée que nous nous sentions en sécurité. Les forces serbes n'étaient pas

  6   actives à l'époque.

  7   R.  Pouvez-vous me dire quelle était cette intervention de l'OTAN pendant

  8   la journée, ce jour-là ?

  9   Q.   Bien, vous savez, bien sûr, ce que c'était ces frappes aériennes de

 10   l'OTAN. Au moment où les avions de l'OTAN survolaient la région, les forces

 11   serbes se trouvaient à l'abri ailleurs, et pendant cette période de temps

 12   nous étions en sécurité.

 13   Q.  Merci. Mais tout à l'heure, vous avez dit que quand cette photographie

 14   a été prise, il y avait une action de l'OTAN. Je vous demande où cette

 15   action de l'OTAN a eu lieu.

 16   R.  Non seulement ce jour-là, mais tous les jours il y avait des frappes

 17   aériennes de l'OTAN. Et tous les jours, pendant ces frappes aériennes de

 18   l'OTAN, nous nous sentions en sécurité. Chaque fois que les avions de

 19   l'OTAN ne survolaient pas la région, nous ne nous sentions pas en sécurité

 20   et nous partions pour trouver abri ailleurs. Pourtant, je ne sais pas

 21   quelles étaient les cibles des frappes aériennes de l'OTAN à l'époque, nous

 22   ne pouvions qu'entendre le bruit de ces avions.

 23   Q.  Merci. Mais d'après vos déclarations, je peux en conclure que vous

 24   entendez, voir bien. Est-ce que vous avez pu observer le pilonnage de

 25   Nogavci à l'époque ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Dites-moi, est-ce qu'il y a quelqu'un qui n'est pas sur cette

 28   photographie qui aurait monté la garde à l'époque ?

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  1   R.  Non. Tout le groupe se trouve sur cette photographie. Nous sommes donc

  2   au sol. Il y avait un autre groupe qui a trouvé refuge ailleurs. Nous

  3   n'étions pas tout le temps ensemble pour des raisons de sécurité.

  4   Néanmoins, nous observions pour voir si les forces serbes allaient se

  5   déplacer dans la direction de l'endroit où nous étions.

  6   Et là, à l'époque, nous n'avions personne pour monter la garde. Donc

  7   à l'époque où la photographie a été prise, nous n'étions pas un groupe armé

  8   ou organisé. Nous ne faisions qu'aider la population.

  9   Q.  Comment avez-vous aidé la population ?

 10   R.  Le 28 mars, dans la soirée du 28 mars, nous sommes arrivés jusqu'à cet

 11   endroit qui est représenté sur la photographie par hasard depuis la

 12   direction de Bellacerke et de Zrze. C'était à l'époque où la population

 13   s'est vu ordonner de se déplacer dans la direction de l'Albanie, et par

 14   hasard nous sommes tombés sur cette population ici, à cet endroit-là. Nous

 15   avons essayé d'aider les villageois autant que possible. Je menais le

 16   groupe.

 17   D'abord, il a fallu séparer les cadavres des gens toujours en vie pour

 18   pouvoir aider ceux qui étaient toujours en vie et pour prévenir d'autres

 19   massacres. Ensuite il a fallu passer par le village tout entier pour

 20   identifier les gens qui ont été massacrés et tués dans le village. C'est ce

 21   qu'on a fait un dimanche à l'époque, un dimanche.

 22   Egalement, nous avons enterré des cadavres pour que l'ennemi ne

 23   puisse pas les emmener du village. Cela a été fait. Nous avons enterré tous

 24   les cadavres à l'exception faite de cinq personnes appartenant à ma

 25   famille, que les forces ont amenées avec elles, et nous avons essayé de

 26   protéger le village et les villageois autant que possible. Nous ne pouvions

 27   pas faire beaucoup de choses, mais bien sûr, mais c'est ce que nous

 28   faisions pendant ces deux mois.

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  1   Q.  Merci, Monsieur Jemini. Si je vois bien, vous êtes tous souriants sur

  2   cette photographie.

  3   R.  Quand il y a de la douleur, il y a aussi du rire.

  4   Q.  Pouvez-vous me dire, ces tracteurs sur la photographie est quelque

  5   chose qui est au-dessus de votre tête, me semble-t-il. Est-ce qu'il s'agit

  6   d'un camion-là ou de la partie postérieure d'un camion ?

  7   R.  C'est un tracteur bâché avec une bâche en plastique. Et là-bas la

  8   population se cachait jusqu'à ce moment-là. Tout cela était donc laissé là-

  9   bas, les tracteurs, les voitures, et la population devait parcourir à pied

 10   cette distance jusqu'à l'Albanie. Cela faisait à peu près 50 kilomètres. Ce

 11   que vous voyez ici, c'est un tracteur couvert d'une bâche en plastique pour

 12   le protéger de la pluie.

 13   Q.  Merci. Et vous dites que c'était le 28 mars que cette photographie

 14   était prise ?

 15   R.  Non. Cette photographie a été prise vers le 7 ou le 8 avril. Les

 16   tracteurs, ainsi que l'équipement, étaient restés là-bas jusqu'au jour où

 17   la population ne soit revenue. Il y avait des véhicules et de l'équipement

 18   qui ont été pillés par la police, et les gens qui les aidaient.

 19   Q.  Merci. Lorsque la photographie - c'est la pièce à conviction 650 -

 20   lorsque cette pièce vous a été montrée à la question de mon éminent

 21   collègue M. Behar, vous avez répondu que vous changiez d'endroits. Vous

 22   étiez - et c'était l'explication donnée - pour expliquer de quelle façon

 23   cette photographie a été prise. Pourquoi vous changiez d'endroits d'où vous

 24   étiez ?

 25   R.  Nous nous déplacions d'un endroit à l'autre, parce que parfois la

 26   police arrivait tout près des endroits où nous étions. Ils se sont

 27   approchés de l'endroit que vous voyez sur la photographie, parce qu'ils ont

 28   pillé certains des véhicules et des tracteurs qui se trouvaient là-bas.

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  1   C'était pendant les premiers jours où nous étions là-bas. Et plus tard,

  2   nous partions là-bas pendant la soirée ou la nuit. Pendant la journée nous

  3   nous cachions à des endroits plus en sécurité.

  4   Q.  Merci. Pourquoi fuyiez-vous la police ?

  5   R.  Je ne pense pas que cela soit une question logique. C'est eux qui ont

  6   tué toutes les personnes qu'ils ont vues là-bas. Comment pourriez-vous

  7   penser que nous serions restés là-bas pour ne pas fuir la police ? Parce

  8   qu'ils ont exterminé tout le monde de ce territoire, de toute cette région

  9   entre Gjakovica et la plaine, et tout le monde a été expulsé pour être tué.

 10   Nous étions les seuls, 15 ou 16 d'entre nous qui étaient restés dans

 11   cette région, dans cette plaine, pendant cette période-là, et nous aurions

 12   été tués si la police nous avait rencontrés.

 13   Q.  Merci. Vous venez de parler de Djakovica et de la plaine. Comment êtes-

 14   vous au courant du fait que des gens ont été expulsés dans ce secteur, et

 15   notamment de Djakovica ?

 16   R.  L'endroit où nous nous trouvons ici sur la photographie est un relief,

 17   est un point en altitude, et à partir de là on pouvait voir Gjakova. Donc

 18   nous avons vu l'expulsion de la population de Gjakova et de Mitrovica. Tous

 19   les soirs nous rencontrions des gens qui étaient en train de quitter leurs

 20   lieux de résidence. Donc c'est de cette façon que nous avons été informés,

 21   mais en outre nous avons pu voir les déplacements de ces personnes.

 22   Q.  Merci. Vous ai-je bien compris ? Venez-vous de prononcer le nom de

 23   Mitrovica ?

 24   R.  Mitrovica est très loin, de l'autre côté. Mais la population de

 25   Mitrovica est passée par le secteur de Celine et de Krusha e Madhe à partir

 26   d'où elle a été dirigée vers l'Albanie pendant l'intervention de l'OTAN.

 27   Q.  Merci. Conviendrez-vous avec moi que Celina est à peu près à mi-chemin

 28   entre Prizren et Djakovica, à peu près ?

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  1   R.  Oui, c'est à peu près ça.

  2   Q.  Je vous remercie. Et il y a bien 35 kilomètre à peu près jusqu'à

  3   Prizren et jusqu'à Djakovica, n'est-ce pas ?

  4   R.  De Prizren à Celine, il y à peu près 17 kilomètres, et de Celine à

  5   Djakovica il y a à peu près la même distance, c'est-à-dire 17 kilomètres

  6   également.

  7   Q.  Oui, c'est à peu près ça. Et environ 80 kilomètres jusqu'à Pec. Mais

  8   dites-moi, je vous prie, vous n'aviez pas peur de vous mêler à la

  9   population qui quittait Djakovica pour aller vers

 10   Prizren ? Vous parliez à ces gens. Vous établissiez des contacts avec eux.

 11   R.  Non. Nous étions à 2, 3 kilomètres de la grand-route reliant Gjakove à

 12   Prizren, la route goudronnée. Donc nous n'avions aucune raison d'avoir

 13   peur. Toutes ces personnes étaient escortées par les forces policières

 14   alors qu'elles se dirigeaient vers l'Albanie, donc nous n'avons eu aucun

 15   contact avec ces personnes. Mais nous avons effectivement établi un contact

 16   avec une personne qu'on a fait sortir du convoi. C'est un homme que nous

 17   avons rencontré dans la soirée, mais il s'était évanoui. Une fois qu'il a

 18   repris conscience, il a poursuivi son chemin en direction de l'Albanie.

 19   Q.  Merci. Conviendrez-vous avec moi que toutes les personnes qu'on voit

 20   sur cette photographie sont aptes à porter les armes, que ce sont des

 21   hommes aptes à porter les armes ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci. Monsieur Jemini, est-ce que votre famille est originaire de

 24   Celine ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Merci. Quelle était la profession de votre grand-père ?

 27   R.  C'était un fermier.

 28   Q.  Et votre père, quelle était sa profession ?

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  1   R.  Il était fermier.

  2   Q.  Je vous remercie. Combien aviez-vous d'oncles du côté de votre père ?

  3   R.  Un.

  4   Q.  Et cet oncle, il était fermier également ?

  5   R.  Non, il était cheminot. Il travaillait à la gare ferroviaire. Mais à ce

  6   moment-là il avait déjà pris sa retraite.

  7   Q.  Votre grand-père, était-il encore en vie en 1999 ?

  8   R.  Non. Je n'ai pas le souvenir de mon grand-père, qui est mort avant ma

  9   naissance.

 10   Q.  Je vous remercie. Après le décès de votre grand-père, ses fils se sont-

 11   ils séparés ? Ont-ils vécu dans des lieux différents, ou bien ont-ils

 12   continué à vivre sur la ferme familiale ?

 13   R.  Ils ont continué à vivre ensemble pendant un certain temps, ensuite en

 14   1970 ils se sont séparés. Autrement dit, mon père et ses enfants d'une

 15   part, mon oncle et ses enfants d'autre part, ont désormais eu des lieux de

 16   résidence différentes.

 17   Q.  Je vous remercie. A la lecture de vos déclarations préalables, j'ai

 18   tiré la conclusion consistant à penser que votre ferme familiale se

 19   composait de cinq maisons, cinq bâtiments. Ai-je bien compris ?

 20   R.  En effet.

 21   Q.  Merci. Tous ces bâtiments, étaient-ils la propriété de votre père et la

 22   vôtre ?

 23   R.  Oui. Ces bâtiments appartenaient à mon père, ainsi qu'à moi-même et à

 24   mes frères, car mon père a eu quatre fils.

 25   Q.  Je vous remercie. Donc vous, les quatre fils, est-ce que vous viviez en

 26   un lieu différent du lieu de résidence de votre père ?

 27   R.  Non, nous vivions ensemble.

 28   Q.  Merci. Pouvez-vous me dire quelle était la superficie de la propriété

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  1   de votre père ? La superficie des terres ?

  2   R.  0,6 hectares.

  3   Q.  Je vous remercie. Et au bout de votre cour, y avait-il un mur qui

  4   séparait la rue et les autres cours de votre ferme ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Je vous remercie. Et ce mur, il était en quoi ? Il était fait de quoi ?

  7   R.  De briques de béton de 40 centimètres sur 20.

  8   Q.  Je vous remercie. Sauriez-vous nous dire quelle était la hauteur de ce

  9   mur ?

 10   R.  Deux mètres 20 à 2,50 mètres.

 11   Q.  Merci. Y avait-il un portail d'entrée à votre propriété ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Et ce portail, quelle était sa largeur ?

 14   R.  La largeur de ce portail était de 4 à 5 mètres et sa hauteur de 3,50

 15   mètre.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, au compte rendu

 17   d'audience, nous voyons bien les mots que vous avez prononcés, mais je

 18   crois que nous avons compris que le mur séparant la propriété des autres

 19   propriétés avait une hauteur de 2,20 mètres à 2,50 mètres alors qu'au

 20   compte rendu nous lisons 250 mètres. Ce mur serait vraiment très haut.

 21   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 22   Oui, je vois maintenant que vous avez appelé mon attention sur le compte

 23   rendu, quel est le problème.

 24   Q.  Monsieur Jemini, pourriez-vous répéter, pour le compte rendu

 25   d'audience, quelle était la hauteur du mur au bout de votre cour ?

 26   R.  Entre 2,20 mètres et 2,50 mètres.

 27   Q.  Merci. Et le portail d'entrée était fait en quoi ?

 28   R.  Il était en bois.

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  1   Q.  Merci. Est-il courant, la nuit ou même en général pendant la journée,

  2   que les portails d'entrée à de telles propriétés, à de telles fermes soient

  3   maintenus fermés ?

  4   R.  En général c'est le cas, mais il y a aussi des cas où le portail est

  5   maintenu ouvert.

  6   Q.  Merci. Si j'ai bien compris vos déclarations préalables, deux bâtiments

  7   de la ferme étaient complètement terminés alors que trois autres bâtiments

  8   étaient encore en cours de construction; ceci est-il exact ?

  9   R.  Oui, on pouvait vivre dans deux de ces bâtiments et dans les trois

 10   autres, personne n'habitait.

 11   Q.  Merci. Vous étiez quatre frères plus votre père. Est-ce que vous

 12   habitiez tous les cinq dans la même maison ou est-ce que vous résidiez dans

 13   des bâtiments différents ?

 14   R.  Nous habitions tous dans la même maison.

 15   Q.  Merci. Et l'autre maison était une maison destinée aux invitées; c'est

 16   bien ça ?

 17   R.  Oui, c'était une maison réservée aux invités et j'y avais également mon

 18   bureau, ma bibliothèque.

 19   Q.  Merci. Si je vous ai bien compris, Isuf Jemini n'habitait pas avec vous

 20   dans cette propriété familiale ?

 21   R.  Non, en effet.

 22   Q.  Merci. Puisque nous parlons de lui, je vais vous demander comment il se

 23   fait que le 25 il se soit trouvé chez vous ?

 24   R.  Il ne s'est pas trouvé là que le 25, il était déjà là avant, puisque

 25   nous sommes cousins et qu'il y a qu'un mur mitoyen entre sa maison et la

 26   nôtre, les deux maisons étant très proches l'une de l'autre. Pendant les

 27   journées de 24 et 25 mars, nous nous sommes regroupés, pas seulement moi et

 28   mon cousin, mais également tous les autres membres de la famille et

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  1   d'autres villageois encore.

  2   Q.  Merci. Mais pourquoi vous êtes-vous tous regroupés ?

  3   R.  Parce que nous avions peur. Nous prévoyions que les forces serbes

  4   allaient pénétrer dans le village. Nous nous sentions donc plus en sécurité

  5   en étant tous ensemble.

  6   Q.  Merci. Mais alors combien de temps avez-vous passé ensemble avant la

  7   date du 25 ?

  8   R.  Nous nous regroupions tous les soirs. Une fois que nous avions fini de

  9   travailler, nous nous réunissions. Donc dans la période immédiatement

 10   précédente, nous nous sommes réunis ainsi tous les soirs pendant à peu près

 11   un mois. Nous discutions de la possibilité de quitter cet endroit et de

 12   nous rendre à Prizren pour des raisons de sécurité.

 13   Q.  Je vous remercie. Qui étaient ces autres personnes en dehors de membres

 14   de votre famille qui ont vécu avec vous pendant le mois dont vous venez de

 15   parler ?

 16   R.  Il y avait des membres de ma famille, des membres de la famille de mon

 17   oncle, d'autres membres de la famille. Nous nous sommes regroupés, nous

 18   passions ce temps ensemble soit dans ma maison soit celle de mon oncle. Les

 19   femmes, les enfants, les personnes âgées avaient vraiment très peur et nous

 20   ressentions une espèce de responsabilité par rapport à eux.

 21   Q.  Merci. Mais est-ce que tout simplement ces personnes étaient membres de

 22   la famille Jemini, plus ou moins proche ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Merci. Et il s'agissait de personnes qui résidaient toutes à Celine

 25   normalement ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Merci. Où se trouvait la ferme familiale de Isuf, et notamment la cour

 28   de cette ferme par rapport à votre propriété ?

Page 3563

  1   R.  Tout près, à 15 mètres à peu près de notre maison. La maison d'Isuf

  2   était à 15 mètres environ de la maison dans laquelle nous habitions.

  3   Q.   Merci. Donc je suis en droit de penser que vos fermes étaient

  4   mitoyennes et que lui, simplement, avait un autre portail d'entrée pour

  5   pénétrer chez lui que celui qui permettait d'entrer chez vous ?

  6   R.  Oui, mais il y avait encore une entrée située entre nos deux maisons.

  7   Il y avait une porte de communication entre nos deux propriétés.

  8   Q.  Merci. Monsieur Jemini, vous êtes diplômé de la faculté technique, si

  9   j'ai bien compris ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et vos études, vous les avez faites à l'université de Pristina; c'est

 12   bien cela ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Merci. Quand avez-vous obtenu votre diplôme ?

 15   R.  En 1985.

 16   Q.  Merci. Est-ce qu'en 1981 vous étiez étudiant ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Je vous remercie. Avez-vous participé aux manifestations estudiantines

 19   de 1981 ?

 20   R.  Oui, bien sûr.

 21   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui avait motivé ces manifestations ?

 22   R.  Les raisons justifiant ces manifestations étaient nombreuses, de nature

 23   politique et économique, et toutes ces raisons ont abouti à la guerre dont

 24   nous parlons.

 25   Q.  Je vous remercie. Quelles étaient les revendications des manifestants ?

 26   Que voulaient-ils ?

 27   R.  Ils réclamaient la liberté, la démocratie, et il y avait également

 28   d'autres revendications. Mais je ne me les rappelle pas toutes.

Page 3564

  1   Q.  Merci. Et la République du Kosovo, c'était une revendication ?

  2   R.  Non. Il était trop tôt pour réclamer la création de la République du

  3   Kosovo.

  4   Q.  Je vous remercie. Vous étiez en première année d'études universitaires

  5   cette année-là, n'est-ce pas ?

  6   R.  Non. Je me suis inscrit en 1979. Vous savez que la faculté technique

  7   exige cinq ans d'études. Donc j'ai commencé en 1979. Je n'étais pas en

  8   première année cette année-là.

  9   Q.  Merci. Avez-vous peut-être participé aux débats qui ont eu lieu à

 10   l'assemblée de Kacanik ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Merci. Et une fois que le système multiparti a été mis en place,

 13   auriez-vous peut-être adhéré à quelconque parti politique ? Parce que si je

 14   ne me trompe, c'était en 1991 que les partis ont été créés.

 15   R.  J'étais membre de la Ligue démocratique du Kosovo, le LDK, qui était le

 16   seul parti albanais existant au Kosovo jusqu'à la période postérieure à la

 17   guerre.

 18   Q.  Je vous remercie. Ce n'était pas vraiment le seul, mais enfin, vous

 19   dites que vous avez été membre de ce parti politique. Mais dites-moi, vous

 20   étiez simple membre du parti ou est-ce que vous étiez permanent de ce parti

 21   ?

 22   R.  J'étais le chef de ce parti dans le village. A ce moment-là d'ailleurs

 23   j'étais également maire du village.

 24   Q.  Vous voyez, vous avez répondu à la question que je m'apprêtais à vous

 25   poser. En quelle année êtes-vous devenu dirigeant du parti au niveau du

 26   village ?

 27   R.  En 1986.

 28   Q.  Je vous remercie. Alors que vous aviez à peine 25 ans, vous étiez le

Page 3565

  1   chef aux yeux de votre père et de tous les membres plus âgés de votre

  2   famille ainsi que de toutes les autres familles.

  3   R.  Pour le village, c'était une réussite d'avoir un jeune homme ayant fait

  4   des études qui pouvait diriger le village. Entre 1986 et il y a deux mois,

  5   j'ai dirigé le village. Il y avait d'autres personnes, comme Hashim

  6   Rexhepi, qui avaient fait des études et qui venaient de Celine. Aujourd'hui

  7   toute la direction du village est composée de jeunes gens qui ont fait des

  8   études dans diverses universités.

  9   Q.  Je vous remercie. Pour ma part, je connais un grand nombre de personnes

 10   de cette région qui ont terminé leurs études universitaires avant vous,

 11   avant 1986, mais voici la question que je voulais vous poser maintenant :

 12   dans quelles conditions avez-vous été élu chef de ce village ?

 13   R.  Il y a un grand nombre de personnes éduquées dans un grand nombre de

 14   lieux, mais il n'y a qu'une seule personne qui est élue chef. Mon travail,

 15   mon action, mon honnêteté ont fait que les villageois ont voté pour moi et

 16   m'ont élu comme étant leur chef. Je n'avais pas beaucoup de perspective.

 17   J'aurais voulu en avoir davantage, mais au moins, j'ai pu contribuer au

 18   développement de ce village sans jamais en tirer les moindres bénéfices

 19   personnels. J'ai donc apporté ma contribution, comme l'a fait ma famille,

 20   au développement du village et à son progrès.

 21   Q.  Je vous remercie. Si je vous ai bien compris, c'est au moment des

 22   élections que vous avez été élu chef du village.

 23   R.  Oui, bien sûr. C'était au moment des élections, élections qui se

 24   déroulaient également dans les autres régions du Kosovo. Ce n'était pas un

 25   groupe particulier qui vous élisait à votre poste, c'était l'ensemble de la

 26   population qui élisait ses chefs.

 27   Q.  Je vous remercie. Qui a organisé ces élections ?

 28   R.  La direction du Kosovo avait organisé les élections. Entre 1986 et

Page 3566

  1   1990, les différents organes dirigeants du Kosovo composés de Serbes et

  2   d'Albanais ont organisé ces élections, et par la suite, à partir des années

  3   90, les élections à venir ont eu lieu comme dans tous les autres Etats

  4   modernes, tous les quatre ans, et c'est à ce moment-là que la population

  5   élit ses dirigeants.

  6   Q.  Merci. Il y a quelque chose que je ne comprends pas tout à fait. Est-ce

  7   qu'il s'agissait d'élections destinées à élire le président de la commune

  8   locale ? C'est ce que vous entendez; c'est cela ?

  9   R.  Oui, bien sûr. Il s'agissait d'élections locales, élections locales

 10   pour les villages, les communes et les municipalités.

 11   Q.  Merci. Si vous ne l'aviez pas rencontré auparavant, je suis sûr que

 12   vous avez maintenant rencontré Selihi. Il a dit, en fait, lui, qu'il n'y

 13   avait jamais eu de dirigeant pour le village. Il a dit qu'il n'avait jamais

 14   participé à une assemblée dont le but aurait été d'élire un dirigeant.

 15   R.  Ecoutez, je ne sais pas ce que Salihi a dit. Salihi, c'était l'un des

 16   villageois dans un village où vivaient quelque 2 000 habitants. Peut-être

 17   qu'il n'a pas voté, peut-être qu'il n'a pas participé, lui, aux élections.

 18   Mais toutefois, je pense qu'il devrait savoir comment se déroule la

 19   procédure électorale.

 20   Q.  Merci. Voilà ce que j'aimerais savoir : est-ce que Celine avec Nogavac,

 21   Krusa et Mala Hoca, est-ce que tout cela faisait partie de la commune

 22   locale ?

 23   L'INTERPRÈTE : Le nom de la commune locale n'a pas été saisi par les

 24   interprètes. 

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Celine appartient à une municipalité de

 26   Rahovec. En fait, Rahovec c'est une entité qui inclut en quelque sorte 22

 27   villages, notamment Celine, Krushe e Madhe. En fait, tous ces villages sont

 28   considérés comme une seule et même communauté locale.

Page 3567

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous connaissiez peut-être Ekrem Rexha ?

  2   R.  C'est un nom que j'ai entendu. Mais je ne le connais pas

  3   personnellement.

  4   Q.  Est-ce que vous auriez entendu parler de consignes ou d'instructions en

  5   février 1999 qui auraient porté sur des questions administratives et il

  6   s'agissait donc d'instructions et de consignes données par M. Rexha ?

  7   R.  Non. Non, je n'en ai pas entendu parler.

  8   Q.  Bien. Monsieur Jemini, est-ce que vous pourriez peut-être nous décrire

  9   où se trouve votre ferme dans le village ou cette propriété familiale ?

 10   R.  Oui, oui. Cette demeure familiale, cette propriété familiale se trouve

 11   dans un quartier important du village. Elle se trouve à quelque 700 mètres

 12   de la route principale à un endroit où il y a un tournant. Vous avez donc

 13   la route qui tourne vers Bellacerke, Krusha e Madhe, et cetera.

 14   Q.  Merci. Vous venez de mentionner cette route, la route Prizren-

 15   Djakovica. Puis-je avancer que cette route se trouve au sud du village de

 16   Celine ? Ai-je bien raison lorsque je dis cela ?

 17   R.  La route principale, la route qui relie Prizren à Djakovica est une

 18   route goudronnée qui se trouve dans le haut du village, dans la partie

 19   supérieure du village. Et à l'est de cette route, vous avez le village de

 20   Celine ainsi que ma maison d'ailleurs.

 21   Q.  Merci. Vous avez indiqué que vous pouviez à la fois aller à Velika

 22   Krusa et à Bela Crkva en passant par Celine. Donc puis-je avancer qu'il

 23   s'agit d'endroits qui se trouvent par rapport à Celine de l'autre côté en

 24   quelque sorte ?

 25   R.  Je ne comprends pas la question. Est-ce que vous pourriez répéter, je

 26   vous prie ?

 27   Q.  Je vais être un peu plus précis. Lorsque vous entrez dans le village de

 28   Celine et que vous entrez par la route principale, ensuite il y a des

Page 3568

  1   routes différentes, une qui va vers Velika Krusa et l'autre qui va vers

  2   Bela Crkva. Il s'agit de routes différentes; c'est cela ?

  3   R.  Oui. Oui, la route principale, elle va vers Celine, mais ensuite il y a

  4   un carrefour et à ce carrefour, les routes se dédoublent. Il y en a une qui

  5   va vers Velika Krusha et l'autre qui va vers Bela Crkva. Donc vers la

  6   droite, vous allez vers Krusha et si vous prenez la gauche, vous allez à

  7   Crkva. C'est la même route, en fait, mais la route se divise et vous emmène

  8   vers ces deux endroits.

  9   Q.  Merci. Et ce carrefour dont vous parlez, ce croisement, puisque vous

 10   nous dites qu'il y a une route qui tourne vers Velika Krusa, où se trouve

 11   exactement votre maison, alors ?

 12   R.  Elle se trouve juste à ce carrefour. A 60 mètres avant, avant que vous

 13   n'arriviez à ce carrefour justement, à ce croisement.

 14   Q.  Merci.

 15   M. DJURDJIC : [interprétation] Pour que nous allions un peu plus vite,

 16   j'aimerais demander qu'un document de la Défense soit affiché. Le document

 17   D002-5633. Est-ce que l'on pourrait afficher ce document ?

 18   Q. Monsieur Jemini, je pense que vous pourriez -- ou plutôt, je vous

 19   demande si maintenant que vous avez vu cette photographie, vous pourriez me

 20   dire où se trouve la route qui relie Prizren à

 21   Djakovica ? Un petit moment, je vous prie.

 22   Est-ce que vous pourriez attendre que Mme l'Huissière vous donne le

 23   stylet.

 24   Est-ce que vous pouvez voir la route en question ?

 25   R.  La photographie n'est pas très claire. Si Celine se trouve ici --

 26   écoutez, je ne suis pas sûr de là où se trouve Prizren-Gjakove. Bon, Celine

 27   est ici. Donc là, voilà cela devrait être la route Prizren-Djakovica. Mais

 28   bon, je n'en suis pas entièrement sûr et certain.

Page 3569

  1   Q.  Merci. Nous avons une photographie de meilleure qualité.

  2   Alors, voilà le village de Celine. Est-ce que vous pourriez nous

  3   indiquer où se trouve votre maison.

  4   R.  Est-ce que vous pourriez peut-être agrandir à ce niveau-là, parce que

  5   sinon je ne vois pas très bien.

  6   Q.  Je pense, je crois comprendre qu'on ne peut pas véritablement faire un

  7   agrandissement sur cette photographie. Mais est-ce que je pourrais avoir,

  8   je vous prie, la pièce D002-5635 -- ou plutôt je souhaiterais demander à

  9   Mme l'Huissière de bien vouloir déplacer vers le bas la photographie, et

 10   ensuite je demanderais d'agrandir le village en proprement parler.

 11   [Le conseil de la Défense et l'Huissière se concertent]

 12   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, le petit point qui a

 13   été placé sur la photographie n'est pas véritablement essentiel, donc je

 14   peux courir le risque de le perdre parce qu'en fait cela n'est pas une

 15   pièce à conviction.

 16   Est-ce que vous pourriez, je vous prie, déplacer vers le haut la

 17   photographie, ensuite je souhaiterais que l'on agrandisse la partie qui

 18   correspond au village de Celine. Je ne sais pas -- voilà c'est très bien.

 19   Q.  Monsieur, est-ce que nous pouvons maintenant faire toutes les

 20   annotations ? Je sais que c'est difficile parce qu'il s'agit d'une image

 21   satellite. Vous arrivez à vous retrouver, à vous repérer sur cette

 22   photographie ?

 23   R.  Ce qui est en bleu, vous voyez là c'est marqué en bleu, il y est marqué

 24   Celine. Cela correspond au village de Celine. Et justement -- enfin, je ne

 25   sais pas si vous voulez que je vous fasse des annotations au niveau de ce

 26   point ou bien sur une zone un peu plus large où ce point serait au milieu ?

 27   Q.  Cela est censé être une photographie aérienne du village de Celine et

 28   de ses environs. Alors je ne sais pas, est-ce que vous reconnaissez

Page 3570

  1   certains bâtiments ou certaines routes. Si tel est le cas, j'aimerais que

  2   vous nous indiquiez où se trouvait la propriété de votre famille, et vous

  3   pourriez peut-être nous indiquer où se trouvaient l'école, la mosquée, la

  4   route qui va vers Velika Krusa, celle qui va à Bela Crkva. Est-ce que vous

  5   êtes en mesure de reconnaître tout cela sur cette photographie ?

  6   R.  Non, alors, j'aimerais vous poser une question : est-ce que toute cette

  7   zone correspond au village de Celine ? C'est ça que je ne comprends pas en

  8   fait.

  9   Q.  Monsieur, d'après cette carte il s'agit de Celine. C'est indiqué en

 10   tant que tel, donc je suppose que cela nous montre le centre du village.

 11   R.  Malheureusement, cette photographie n'est pas très claire. Les fois

 12   précédentes, lorsque je suis venu déposer, je dois dire que nous disposions

 13   de photographies très, très claires, que je pouvais lire facilement. Là sur

 14   cette photographie, je n'arrive pas à discerner la route Prizren-Gjakove.

 15   M. DJURDJIC : [interprétation] Bien, il s'agit de la photographie suivante. 

 16   Donc il s'agit d'une carte de Celine, et c'est la pièce D002-5635.

 17   Est-ce que vous pourriez peut-être agrandir un peu plus pour que vous

 18   puissiez voir toutes les routes.

 19   Q.  Est-ce que vous les voyez maintenant, ces routes, Monsieur Jemini ?

 20   R.  Oui. Oui. Si vous preniez le point A où se trouve Celine, vous avez la

 21   route principale qui relie Prizren à Gjakove, la route devrait être là, en

 22   fait, à cet endroit-là, mais je ne la vois pas de façon très, très claire.

 23   Q.  Ecoutez, je n'ai pas vu l'endroit que vous nous indiquiez. Mais est-ce

 24   que vous pourriez nous indiquer où se trouve la route -- pour ce qui est de

 25   cette route Prizren-Djakovica, est-ce que vous pourriez mettre PZ au niveau

 26   de la direction de Prizren. Est-ce que vous pourriez mettre Djakovica vers

 27   la direction Djakovica.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, le problème justement c'est qu'il

Page 3571

  1   ne voit pas la route principale.

  2   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

  3   Sur la base de cette photographie, je peux dire, au minimum je peux dire

  4   qu'il s'agit de la route Prizren-Gjakove. Toutefois, je ne vois pas

  5   l'endroit où vous tournez pour entrer dans le village. Ce que je ne

  6   discernais pas, c'est la route qui vous amène de cette route, donc la route

  7   latérale qui vous amène de cette route au village.

  8   Comme je l'ai déjà dit, lorsque je suis venu déposer dans d'autres

  9   procès, les photographies étaient beaucoup, beaucoup plus claires que

 10   celles-ci.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation]

 12   Q.  Oui, mais nous n'avions pas d'image. Il s'agit d'une image, là, d'une

 13   photo plutôt, alors qu'auparavant vous avez utilisé des cartes. Donc je

 14   vois là, vous avez mis le P, et entre le PZ et le DJ, est-ce que vous voyez

 15   un carrefour où il y a une route qui bifurque vers la droite, une route qui

 16   tourne vers la gauche. Et là où il y a la route qui tourne vers la droite,

 17   vous avez mis la lettre I. Vous voyez ?

 18   R.  Là où j'ai écrit ?

 19   Q.  Oui, là où vous avez mis le point.

 20   R.  Oui, il s'agit de l'entrée du village.

 21   Q.  Est-ce que vous pourriez mettre le chiffre 1, je vous prie, là.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Je vous en remercie. Prenez cette route qui vous mène au village, est-

 24   ce que vous pourriez mettre une croix au niveau du croisement ou du

 25   carrefour dont nous parlons ?

 26   R.  Voilà, cela doit se situer à ce niveau-ci. Ensuite vous avez la

 27   direction de Krusha qui est celle-ci. Ensuite, en direction opposée, vous

 28   allez à Bellacerke.

Page 3572

  1   Q.  Alors, un peu moins rapidement, je vous prie. Pour ce qui est de la

  2   partie où vous avez mis la croix, est-ce que vous pourriez, je vous prie,

  3   mettre le numéro 2.

  4   R.  Oui. [Le témoin s'exécute]

  5   Q.  Je dirais aux fins du compte rendu d'audience que le chiffre 2

  6   correspond au carrefour de la route qui va vers Bela Crkva et Velika Krusa.

  7   J'aimerais maintenant vous demander de mettre une flèche pour nous indiquer

  8   la direction de Bela Crkva.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Merci. C'est parfait. Donc B correspond à Bela Crkva près de la flèche

 11   et cela correspond à la direction de Bela Crkva. Est-ce que vous pourriez,

 12   je vous prie, mettre la lettre K près de la flèche qui indique la direction

 13   de Velika Krusa.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez maintenant deux flèches qui

 15   partent dans des directions opposées. Vous avez une flèche B qui pointe

 16   vers le nord et vous avez l'autre flèche avec la lettre K qui indique le

 17   sud, n'est-ce pas ?

 18   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui. Merci. Et j'étais en train de décrire

 19   cela pour le compte rendu d'audience. Mais vous avez tout à fait raison,

 20   Monsieur le Président.

 21   Q.  Monsieur, étant donné qu'il s'agit d'une photographie prise par

 22   satellite et qu'il s'agit d'une zone très large que nous pouvons voir, est-

 23   ce que vous pourriez nous dire si nous voyons l'endroit où la photographie

 24   que nous avons étudiée un peu plus tôt a été prise ? Vous savez, la

 25   photographie qui est prise près du tracteur. Est-ce que nous pouvons voir

 26   cet endroit sur cette image ?

 27   R.  Si nous acceptons que le point où il est indiqué Celine correspond au

 28   centre du village, à 1,5 kilomètres ou 2 kilomètres du centre du village se

Page 3573

  1   trouve l'endroit où nous avons pris la photographie. Il s'agit de l'endroit

  2   où toute la population s'était rassemblée le 28.

  3   Q.  Merci. Je peux voir deux points maintenant. Est-ce que vous pourriez,

  4   je vous prie, faire un cercle, ensuite vous pourrez mettre le chiffre 3.

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Merci. Pourriez-vous maintenant m'indiquer, dans la mesure où vous le

  7   voyez, bien entendu, l'endroit où se trouvait la propriété de votre

  8   famille.

  9   R.  Elle se trouve juste à l'endroit où j'ai écrit le chiffre 2.

 10   Q.  Non, non. Je vous en prie, je vous en prie. N'écrivez pas par-dessus,

 11   parce que nous n'allons plus rien voir du tout.

 12   M. DJURDJIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander le versement

 13   au dossier de cette photographie.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Cette photographie sera versée au

 15   dossier, mais il faudrait que tout soit bien clair au compte rendu

 16   d'audience pour que nous comprenions bien que la croix qui correspond au

 17   chiffre 2 se trouve au niveau du carrefour et que justement la maison se

 18   trouve près du carrefour.

 19   Je vois que le témoin acquiesce du chef, donc cela me semble clair

 20   maintenant.

 21   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 23   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, mais je n'étais pas sûr de ce qu'allait

 24   préciser le témoin. Je voulais maintenant, en fait, lui représenter une

 25   photographie sans annotations pour lui demander de nous indiquer l'endroit

 26   où se trouvait sa maison ainsi que la mosquée et l'école. Là nous aurons

 27   une vraie pièce à conviction, parce que c'est une photo plutôt qui a été

 28   prise sur une toute petite échelle et je crains que si le témoin nous

Page 3574

  1   indique où se trouve tout cela, nous ne pourrons plus rien voir du tout.

  2   Donc je ne voulais pas le faire.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons accepter le versement au

  4   dossier de cette pièce, Maître Djurdjic. Voyez si vous pouvez obtenir

  5   davantage de détails, mais je suis d'accord avec vous. Puisqu'il s'agit

  6   d'une photographie, il est très difficile de travailler sur une

  7   photographie lorsqu'on est témoin.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D00071, Monsieur le

  9   Président. 

 10   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. J'aimerais maintenant demander à Mme

 11   l'Huissière de nous présenter à nouveau la photographie sans annotations.

 12   Q.  Monsieur Jemini, il s'agit, une fois de plus, de la même photographie.

 13   Est-ce que nous pourrions, je vous prie, commencer par vous demander à

 14   faire un point pour nous indiquer où se trouve votre maison ? Et ne vous

 15   précipitez surtout pas.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais l'échelle est tellement

 17   petite, Maître Djurdjic. Est-ce que vous ne pensez pas que nous pourrions

 18   peut-être essayer d'agrandir la photographie si vous voulez avoir ce genre

 19   de détail ?

 20   M. DJURDJIC : [interprétation] Si c'est possible et si M. le Greffier peut

 21   le faire ou Mme l'Huissière peut le faire, je lui demanderais de le faire,

 22   alors.

 23   Q.  Je ne sais pas ce que cela -- voilà, Monsieur Jemini, est-ce que c'est

 24   un peu mieux là ?

 25   R.  Oui, oui. Beaucoup mieux.

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. 

 27   Q.  Alors, maintenant que l'échelle est un peu plus grande, est-ce que vous

 28   pouvez nous indiquer où se trouvait votre maison ?

Page 3575

  1   R.  Comme je l'ai déjà dit, ma maison se trouve très, très près de ce

  2   carrefour, cet endroit que je vous ai déjà indiqué.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, mettre le chiffre 1,

  4   mais ne le mettez pas sur le carrefour, ne le mettez pas sur la route.

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Merci. Maintenant, où se trouve ce carrefour dont nous avons parlé un

  7   peu plus tôt par rapport à votre maison ?

  8   R.  Juste ici. C'est ici que se trouve ce carrefour. Je peux vous indiquer

  9   l'endroit où vous tournez. Voilà, vous arrivez par là et c'est là que vous

 10   tournez et la maison se trouve juste ici, comme je vous l'ai décrit

 11   précédemment.

 12   Q.  Monsieur Jemini, oui, mais maintenant nous avons perdu la maison. Est-

 13   ce que vous pourriez nous indiquer où se trouve la maison. Je ne sais pas,

 14   faites une croix à ce niveau-là.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Dites-nous où se trouve la mosquée, s'il vous plaît.

 17   R.  Elle se trouve à peu près ici.

 18   Q.  Merci, apposez le chiffre 2, s'il vous plaît, à côté de cet endroit-là.

 19   R.  [Le témoin s'exécute]

 20   Q.  S'il vous plaît, indiquez l'école également ou l'endroit où se trouvait

 21   l'école.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Merci. Et apposez le chiffre 3, s'il vous plaît.

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   M. DJURDJIC : [interprétation] Ça ne va pas. Est-ce qu'on peut avoir un

 26   feutre de couleur rouge, s'il vous plaît, ou un stylet de couleur rouge.

 27   Vous lui donnez ce stylet rouge pour qu'il indique l'endroit où se trouve

 28   le croisement pour qu'on puisse distinguer le croisement d'autres endroits.

Page 3576

  1   Mais si cela est clair, alors on peut peut-être verser cette pièce à

  2   conviction au dossier comme cela avec des annotations déjà apposées.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que le témoin ne peut pas

  4   améliorer la photographie même, parce que c'est là où se trouve le

  5   problème, on ne voit pas bien le croisement. Je pense que la Chambre a

  6   compris ce que le témoin a voulu indiquer sur cette image satellite.

  7   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci.

  8   Et maintenant je propose cette pièce à conviction au versement au dossier.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce sera la cote D00072.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Je pense qu'il est venu le moment

 12   propice à faire la pause technique.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous allons faire une pause d'une

 14   demi-heure.

 15   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

 16   --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, vous avez la parole.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   La pièce à conviction, P639, est-ce qu'on peut l'afficher, s'il vous plaît.

 20   Q.  Monsieur Jemini, pouvez-vous me dire, pour ce qui est de cet orifice

 21   qu'on peut voir sur la photo, qu'est-ce que cela représente, cette

 22   ouverture ?

 23   R.  Vous pouvez voir la fenêtre à laquelle je me trouvais pendant la

 24   guerre, et en face vous pouvez voir une maison qui se trouve à une distance

 25   d'entre 12 et 15 mètres, ainsi que les balcons de cette maison, et derrière

 26   cette maison se trouve une troisième maison.

 27   Q.  Merci. Donc pour résumer, il s'agit de l'endroit où vous étiez le 25 et

 28   le 26 mars 1999 ?

Page 3577

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Merci. Et la maison blanche qui est en arrière-plan, pouvez-vous nous

  3   dire à qui appartient cette maison ?

  4   R.  C'est ma maison.

  5   Q.  Merci.Et vous y habitiez ?

  6   R.  Non. J'habitais une autre maison qui se trouve un peu plus en

  7   contrebas. On ne peut pas la voir sur cette photographie. Et cette maison

  8   était en construction.

  9   Q.  Je vous ai posé la question concernant cette maison blanche, est-ce que

 10   quelqu'un l'utilisait ou pas ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Merci. Est-ce qu'il s'agissait d'une maison pour les invités ?

 13   R.  Non. La maison pour les invités se trouve un peu plus en dessus de

 14   cette maison. C'est la troisième maison qui n'a pas été habitée et qui

 15   était en construction. Un peu plus vers le bas à gauche se trouvait la

 16   maison dans laquelle nous vivions.

 17   Q.  Merci. Donc ces deux maisons ne sont pas visibles sur la photographie,

 18   la maison où vous habitiez et une autre maison au- dessus. Et derrière la

 19   maison blanche à gauche, on voit une maison en briques. Est-ce que c'était

 20   votre maison ou pas ?

 21   R.  Vous pensez à la première maison qui est en briques

 22   rouges ?

 23   Q.  Non, Monsieur Jemini. Vous voyez, la maison blanche pour laquelle vous

 24   avez dit qu'elle était en construction par rapport à cette maison à gauche,

 25   on voit une maison en briques aussi en construction.

 26   R.  Non. C'est la maison de mon voisin. Entre ces maisons se trouve une

 27   maison qui se trouve sur le croisement des routes qui relient Gjakova et

 28   Prizren, mais cette maison n'était pas reliée à notre maison familiale.

Page 3578

  1   Q.  Merci. Donc entre cette maison et la maison qui était en construction

  2   il y avait un mur, n'est-ce pas ?

  3   R.  Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ?

  4   Q.  Entre cette maison de votre voisin et votre maison, est-ce qu'il y

  5   avait un mur entre la maison de votre voisin et votre propriété familiale ?

  6   R.  Juste derrière notre maison se trouve ce mur, et derrière le mur se

  7   trouve la route, passe la route principale qui relie Gjakova à Prizren, et

  8   il y a un carrefour également.

  9   Q.  Merci. Si on regarde au-dessus de ces maisons, est-ce qu'on peut voir

 10   l'école ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pouvez-vous indiquer l'école sur la photographie ?

 13   R.  Je ne peux pas le faire sur cette photographie. Vous devriez faire

 14   afficher l'autre photographie qu'on a déjà vue et où on peut voir l'école.

 15   Q.  S'il vous plaît, sur cette photographie vous dites que l'école n'est

 16   pas visible. Est-ce que la mosquée est visible sur cette photographie ?

 17   R.  Non. Je ne peux pas voir la mosquée non plus. La mosquée, on peut la

 18   voir de l'autre angle. L'école, pourtant, peut-être vue de cet angle. Il y

 19   a d'autres photographies sur lesquelles l'école est visible si on regarde

 20   de cette position.

 21   Q.  Monsieur Jemini, nous allons arriver à ces autres photographies. Mais

 22   dites-moi si vous avez fait cette photographie, si vous avez pris cette

 23   photographie qui est affichée sur l'écran ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Quand ?

 26   R.  Cette photographie a été prise après notre retour dans le village.

 27   Q.  Merci.

 28   M. DJURDJIC : [interprétation] Maintenant, est-ce qu'on peut afficher la

Page 3579

  1   pièce P643.

  2   Q.  Monsieur Jemini, pouvez-vous nous dire ce que représente ces maisons,

  3   quelles sont ces maisons et de quel endroit cette photographie a été prise

  4   ?

  5   R.  Cette photographie montre la maison où nous vivions en tant que

  6   famille, c'est la maison qui a été incendiée pendant la guerre. Ensuite

  7   vous pouvez voir la maison de mon oncle Jusuf, qui se trouve à peu près à

  8   12 mètres plus loin. La photographie a été prise de l'endroit où nous

  9   étions cachés, de la fenêtre de l'endroit où nous étions cachés.

 10   Q.  Merci. La maison qui n'a pas de toit, est-ce que c'est pour cette

 11   maison que vous dites que c'est la maison dans laquelle vous habitiez ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci.

 14   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il serait

 15   approprié d'apposer le chiffre 1 au-dessus de la maison pour laquelle le

 16   témoin a dit qu'il y habitait ?

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pensez à la maison qui a été

 18   incendiée ? Oui, on peut procéder ainsi pour éviter la confusion.

 19   M. DJURDJIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Jemini, s'il vous plaît, apposez le chiffre 1 au dessus du

 21   toit de cette maison.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Donc cela indique la maison dans laquelle vous habitiez. Est-ce que

 24   c'est la maison dans la cave de laquelle vos parents et vos cousins étaient

 25   cachés ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Merci. La maison qui se trouve à gauche, la maison blanche qui a le

 28   toit entier, est-ce que c'est la maison de votre oncle paternel ? Comment

Page 3580

  1   s'appelle t-il d'ailleurs ?

  2   R.  Oui. C'est le fils de mon oncle paternel, Isuf, était avec moi. C'est-

  3   à-dire, il s'agit de la maison de mon oncle paternel. Il s'appelait Shaip.

  4   Q.  Merci. Pouvez-vous apposer le chiffre 2 au-dessus de la maison de Shaip

  5   ?

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   Q.  Merci. Et la maison qui se trouve à droite sur la photographie, qui a

  8   un mur jaune sans fenêtres, est-ce que cela se trouve sur votre propriété

  9   familiale ou pas ?

 10   R.  Non. Entre la maison jaune et notre maison, il y a la route que j'ai

 11   déjà mentionnée à plusieurs reprises. C'est la route qui part de la route

 12   principale entre Prizren et Gjakova. Cette route sépare ces deux maisons.

 13   C'est derrière ce mur que passe cette petite route.

 14   Q.  Tous les autres bâtiments se trouvent en dehors de votre propriété

 15   familiale et de l'autre côté de la route, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut voir l'école sur cette photographie ?

 18   R.  Non. Cette photographie a été prise de façon à ce qu'on peut voir la

 19   direction menant vers le village de Zrze, non pas vers l'autre partie du

 20   village.

 21   Q.  Merci. Pour ce qui est de la mosquée, est-ce qu'on peut la voir sur

 22   cette photographie ?

 23   R.  Non. L'école et la mosquée se trouvent de l'autre côté à droite. Ici on

 24   peut voir l'entrée dans le village. Ces deux bâtiments se trouvent dans la

 25   partie à droite.

 26   Q.  Merci. Dites-moi si on peut voir le portail d'entrée de votre propriété

 27   familiale sur cette photographie ?

 28   R.  Non.

Page 3581

  1   Q.  J'ai compris votre réponse. Lorsqu'on a regardé la photographie

  2   précédente et la fenêtre à laquelle vous étiez, il n'était pas possible de

  3   voir cette maison. Ai-je raison pour dire cela ?

  4   R.  Depuis cette fenêtre, de cette position, vous pouvez voir cette maison

  5   très bien, juste comme sur la photographie. Mais il y avait une autre

  6   position depuis laquelle cela était photographié et de cette fenêtre il

  7   était possible de voir la maison devant vous.

  8   Q.  Monsieur Jemini, répondez à ma question, s'il vous plaît. Tout à

  9   l'heure, on a vu la photographie sur laquelle on a pu voir la fenêtre où

 10   vous étiez pour prendre la première photographie. Ai-je raison pour dire

 11   que sur cette première photographie, on ne peut voir la maison qu'on peut

 12   voir sur cette photographie-là, qui est maintenant affichée sur l'écran ?

 13   R.  De cet endroit, on peut voir cette maison. Mais la même maison n'est

 14   pas visible sur cette photographie, parce que cette photographie représente

 15   un autre endroit. Mais de cette position, nous pouvons voir la maison,

 16   ainsi que les autres maisons se trouvant dans deux autres directions.

 17   Q.  Monsieur Jemini, vous étiez debout à la fenêtre pour prendre ces

 18   photographies. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi sur la photographie

 19   précédente on ne peut pas voir cette maison qu'on peut voir sur la

 20   photographie affichée sur l'écran ?

 21   R.  Je ne comprends pas votre question. De la fenêtre, vous pouvez voir

 22   cette maison. Pourquoi vous dites qu'on ne peut pas voir la maison de cette

 23   fenêtre ? Je ne sais pas si nous nous comprenons bien.

 24   Si je regarde droit devant moi, je vois les Juges. Si je regarde à

 25   gauche, je vous vois. Si je me tourne vers la droite, je vois le Procureur.

 26   Donc de cette position où j'étais à la fenêtre, je pouvais voir la maison.

 27   De l'autre position, je pouvais voir deux autres maisons. Pour ce qui est

 28   de la troisième position, il était possible de voir la mosquée et l'école.

Page 3582

  1   Donc si vous avez des photographies qui ont été prises d'angles différents,

  2   je peux peut-être vous montrer les bâtiments en question.

  3   Je pense que vous pouvez voir vous-même que cette photographie a été

  4   prise de plusieurs positions, plusieurs différents endroits, par exemple,

  5   de la fenêtre. On peut voir également une autre maison qui n'était pas

  6   habitée et qui se trouvait au  bord de la photographie.

  7   Q.  Est-ce qu'à l'étage où vous étiez, dans le grenier où vous étiez, il y

  8   avait une fenêtre ou plusieurs fenêtres ?

  9   R.  L'étage où nous étions pour observer, il n'y avait qu'une seule

 10   fenêtre. Il y avait une autre fenêtre qui donnait sur l'autre côté, mais

 11   nous ne regardions que par cette fenêtre.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Jemini, pour que je puisse

 13   comprendre votre témoignage, pouvez-vous me dire la chose suivante : sur

 14   deux photographies, vous avez apposé des annotations. L'une de ces

 15   photographies a été présentée ici. C'est la pièce P643. Vous avez également

 16   posé des annotations sur la pièce P639, photographie sur laquelle on peut

 17   voir une maison blanche en construction, qui se trouve au centre de la

 18   photographie.

 19   Est-ce que ces deux photographies ont été prises de la même fenêtre

 20   ou de deux fenêtres différentes ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces deux photographies ont été prises de la

 22   même fenêtre, Monsieur le Président, de la fenêtre par laquelle nous

 23   pouvions observer.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Sur la photographie qui est la pièce

 25   P643, à droite, tout à fait à droite sur la photographie, on peut voir une

 26   petite partie d'une maison blanche. Est-ce qu'il s'agit de la maison

 27   blanche qui se trouve au centre de la photographie précédente, sur laquelle

 28   vous avez posé des annotations ?

Page 3583

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est la maison que nous avons vue

  2   sur la photographie précédente. Donc de cette fenêtre, vous pouviez voir la

  3   maison au centre et la maison blanche. Maintenant c'est sous un autre angle

  4   que la photographie a été prise où on ne pouvait voir que cette maison.

  5   Donc on pouvait prise les photographies en se positionnant sur différents

  6   angles.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Cela aidait la Chambre pour

  8   comprendre cela.

  9   Monsieur Djurdjic, avez-vous d'autres questions à ce sujet.

 10   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci.

 11   Q.  Vous venez de répondre au Président qu'on voit la maison blanche qui

 12   était en construction. Apposez le chiffre 3 à côté de cette maison en

 13   construction, s'il vous plaît.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  Merci. Dites-moi maintenant, où se trouve le portail d'entrée dans la

 16   propriété ?

 17   R.  Si nous revenons à la photographie précédente, je pourrais vous le

 18   montrer. Je demande l'affichage de la photographie précédente.

 19   Q.  Bien. Mais dites-moi, parce qu'on ne voit pas ce portail. Dites-le-moi

 20   en mots, de quel côté se trouve le portail ?

 21   R.  Oui. Tout à l'heure, vous m'avez demandé de placer le pointeur sur le

 22   carrefour que l'on voit sur la route principale Prizren-Gjakova et de vous

 23   montrer aussi l'autre carrefour. Alors ici, on a la maison à côté de

 24   laquelle j'ai apposé le numéro 3 où la route tourne vers Krusha et

 25   Bellacerke. Et à partir de cette maison, non loin de là, se trouve le

 26   portail d'entrée dans ma propriété quand on tourne à droite à partir de la

 27   grande route.

 28   Q.  Je vous remercie. Dites-moi maintenant, je vous prie, quelle est la

Page 3584

  1   largeur de cet espace vert que l'on voit devant la maison de votre famille

  2   ?

  3   R.  Je crois que nous en avons déjà parlé. Le mur que l'on voit à partir de

  4   la maison de mon oncle et toute cette surface de terrain couvre une

  5   superficie de 0,6 hectares, ce qui fait donc un carré de 60 à 70 mètres de

  6   côté, à peu près.

  7   Q.  Je vous remercie. Donc à partir de la fenêtre devant laquelle vous vous

  8   trouviez et jusqu'à la maison de votre famille, il y a combien de mètres ?

  9   R.  Soixante, ou plutôt, 50 à 60 mètres, à peu près.

 10   Q.  Je vous remercie.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Je demanderais le versement au dossier de ce

 12   document.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce P00643 avec les nouvelles

 15   annotations qui viennent d'y être apposées devient la pièce D00073.

 16   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie. Je demande maintenant

 17   l'affichage de la pièce P641, je vous prie.

 18   Q.  Monsieur Jemini, pourriez-vous, je vous prie, nous expliciter ce que

 19   l'on voit sur cette photographie ?

 20   R.  Cette photographie montre exactement l'endroit où je me trouvais. On y

 21   voit la maison incendiée dans laquelle nous habitions. Et là, c'est la

 22   maison où nous nous sommes regroupés. Donc la fenêtre que l'on voit au

 23   niveau du toit, si vous voulez je peux l'annoter, c'est la fenêtre de la

 24   pièce dans laquelle nous nous regroupions.

 25   Q.  Je vous prierais d'inscrire une croix au niveau de cette pièce.

 26   R.  [Le témoin s'exécute]

 27   Q.  Je suppose que la fenêtre dont vous avez parlé c'est bien l'ouverture

 28   que l'on voit dans le toit à côté de la croix que vous venez d'apposer sur

Page 3585

  1   la photographie; c'est bien ça ? Vous m'avez entendu, Monsieur Jemini ?

  2   R.  J'ai l'impression que les interprètes ne parlent pas. Je ne les entends

  3   pas. Oui.

  4   Q.  Je vais répéter. Vous venez de dire oui. Donc c'est bien de cela qu'il

  5   s'agit. Ensuite on voit la maison familiale de couleur blanche sur cette

  6   photographie également. Est-ce que cette photographie a été prise du côté

  7   droit de la maison ?

  8   R.  Oui. La photographie a été prise à partir de l'endroit où nous nous

  9   trouvions, qui est entre la maison de mon cousin Isuf et ma maison. Donc

 10   dans un lieu qui en face du lieu à partir duquel a été prise la

 11   photographie précédente.

 12   Q.  Ça j'ai bien compris, mais si l'on veut définir la façade de la maison,

 13   c'est bien un côté de la maison qu'on voit ici, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et il y a une route derrière la maison; c'est bien ça ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Alors dites-moi, je vous prie, on ne voit pas ici les trois autres

 18   bâtiments.

 19   R.  On ne les voit pas, parce que la maison qu'on voit sur la photographie

 20   s'interpose, donc empêche de voir les trois autres bâtiments.

 21   Q.  Quand cette photographie a-t-elle été prise ?

 22   R.  Cette photographie a été prise après notre retour dans le village,

 23   peut-être en septembre, voire en octobre 1999.

 24   Q.  Je vous remercie. Sur cette photographie, on ne voit pas la maison dans

 25   laquelle se trouvaient les soldats, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non, on ne la voit pas. Cette maison-là est dans le coin de

 27   l'emplacement où se trouve la maison blanche. En fait, on peut la voir sur

 28   la photographie précédente, celle que nous avons vue en premier.

Page 3586

  1   Q.  Merci. Nous y reviendrons plus tard. Mais vous êtes en train de dire

  2   qu'entre cette maison et la maison dans laquelle se trouve la petite

  3   fenêtre, il y a une distance de 10 mètres; c'est bien ça ?

  4   R.  Ce n'est pas par rapport à la maison qu'on voit sur cette photographie,

  5   mais par rapport à la maison dans laquelle nous nous sommes regroupés et

  6   que l'on pouvait voir sur la photographie précédente.

  7   Q.  Monsieur Jemini, je vous ai parlé tout à l'heure de la maison dans

  8   laquelle se trouvaient les soldats. Vous avez dit qu'entre la maison où se

  9   trouvaient les soldats et cette maison, il y avait 10 mètres. Alors je vous

 10   demande comment il se fait que vous ne pouviez pas voir cette maison, parce

 11   que tout de même lorsqu'on regarde par une fenêtre, la vue s'étend sur au

 12   moins 20 mètres.

 13   R.  Oui. La maison en question se trouve à une distance de 12 à 15 mètres,

 14   à peu près. Ça je l'ai déjà dit. Pas plus que ça, peut-être même moins.

 15   Mais malheureusement, on ne la voit pas sur la présente photographie. Mais

 16   la distance en question ne dépasse pas 12 à 15 mètres. Et on la voit très

 17   clairement sur la photographie précédente.

 18   Q.  Merci. Est-ce que par hasard vous auriez pris une photographie dans

 19   laquelle on pourrait voir toutes les maisons, tous les bâtiments

 20   constituant la ferme de votre famille ? Est-ce que donc à partir du même

 21   angle de prise de vue on aurait une photographie sur laquelle toutes les

 22   maisons, tous les bâtiments apparaissent en même temps ?

 23   R.  Malheureusement non. Nous n'étions pas des photographes professionnels,

 24   donc nous aurions sans doute pu prendre d'autres photographies qui auraient

 25   rendu les choses plus claires, mais nous ne l'avons pas fait.

 26   Q.  Merci.

 27   M. DJURDJIC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de la

 28   présente photographie, Monsieur le Président.

Page 3587

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La photographie est admise.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce P00641, avec les nouvelles

  3   annotations qui viennent d'y être apposées, devient, Monsieur le Président,

  4   la pièce D00074.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Je demanderais maintenant, Monsieur le

  6   Président, que l'on affiche sur les écrans la pièce de la Défense D002-

  7   5761.

  8   Q.  Monsieur Jemini, on voit ici la même fenêtre mais prise sous un angle

  9   différent, comme vous dites, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et que voit-on à partir de cette fenêtre ?

 12   R.  A partir de cette fenêtre, on peut regarder dans deux directions

 13   différentes, mais ici ce qu'on voit dans la partie haute de la

 14   photographie, c'est le bâtiment de l'école. Si vous voulez, je peux vous

 15   l'annoter.

 16   Q.  Je vous en prie.

 17   R.  Voilà, c'est ce bâtiment qui se trouve là. Et en regardant dans cette

 18   direction, on voyait l'école qui a brûlé.

 19   Q.  Je vous remercie. Mais la maison qu'on voit ici en revanche, c'est

 20   quelle maison ?

 21   R.  La maison à côté de l'école ?

 22   Q.  Monsieur Jemini, la maison de briques que l'on voit dans le coin gauche

 23   à côté de la fenêtre, quelle est cette maison ?

 24   R.  Ici en bas. C'est la maison qui se trouvait à 12 mètres de distance et

 25   dans laquelle ont été stationnés les commandants de l'armée.

 26   Q.  Je vous remercie. Donc pour voir l'école, vous n'aviez pas besoin de

 27   soulever les tuiles du toit ?

 28   R.  Pour voir l'école, non, mais pour tout voir, oui.

Page 3588

  1   Q.  Je vous remercie. En fait, est-ce que vous avez soulevé des tuiles de

  2   toit ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Merci. Est-ce que vous l'avez fait alors que les militaires se

  5   trouvaient dans l'autre maison, de l'autre côté de la route ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous l'avez fait au moment où il y avait des gardes qui

  8   étaient stationnés sur le terrain juste en dessous de l'endroit où vous

  9   vous trouviez ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci. Donc vous n'avez pas fait le moindre bruit, et pas plus les

 12   militaires que les gardiens ne vous ont vus; c'est bien ça ?

 13   R.  Evidemment, nous étions très nerveux puisque nous courions toujours un

 14   danger. Donc nous avons fait particulièrement attention et nous nous sommes

 15   efforcés de faire le moins de bruit possible. Nous avons déplacé les tuiles

 16   très légèrement, simplement pour ménager une toute petite ouverture qui

 17   nous permettait de voir ce qui se passait à l'extérieur. Nous n'avons pas

 18   déplacé toutes les tuiles, nous les avons simplement un petit peu bougées

 19   pour créer une petite ouverture qui nous permettait de voir ce qui se

 20   passait à l'extérieur.

 21   Q.  Je vous remercie.

 22   M. DJURDJIC : [interprétation] Je demanderais maintenant l'affichage de la

 23   pièce de la Défense, D002-5762.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais vous demandez le versement de la

 25   dernière photographie au dossier ?

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, oui, oui.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La photographie est admise.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la pièce D002-5761

Page 3589

  1   et les nouvelles annotations qui viennent d'y être apposées devient la

  2   pièce D00075.

  3   M. DJURDJIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Jemini, est-ce que cet endroit ressemblait à ce qu'on voit sur

  5   la photographie au moment où vous vous y trouviez, le grenier où vous étiez

  6   ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Merci.

  9   M. DJURDJIC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de la

 10   présente photographie.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La photographie est admise.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le document ID

 13   D002-5762 devient la pièce à conviction D0076, Monsieur le Président.

 14   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci. Je demande l'affichage de la pièce à

 15   conviction de la Défense, D002-5762, je vous prie.

 16   Q.  Monsieur Jemini, je voudrais vous demander si toutes ces photographies

 17   que nous venons de regarder ont bien été prises après votre retour en

 18   Albanie; c'est bien ça ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, le dernier numéro de

 22   pièce que vous avez donné est en fait le numéro de la photographie qui est

 23   déjà affichée.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] J'ai demandé l'affichage de la pièce de la

 25   Défense D002-5763, Monsieur le Président. Et à mon avis, en tout cas c'est

 26   le souvenir que j'en ai, cela devrait être la photographie d'une maison. A

 27   moins que je n'aie fait erreur. 5763. Je dis bien D002-5763.

 28   Q.  Monsieur Jemini, pourriez-vous nous dire ce qu'on voit sur cette

Page 3590

  1   photographie ?

  2   R.  On y voit la maison dans laquelle nous habitions.

  3   Q.  Merci. Ce côté de la maison, celui où on voit un homme au pied de cette

  4   façade, est-ce que c'est bien le côté de la maison que l'on voyait sur la

  5   photographie où vous avez apposé une croix à côté de la fenêtre ?

  6   R.  Pourriez-vous répéter votre question ?

  7   Q.  Oui. Vous voyez l'homme qui est là sur le terrain, sur l'herbe, devant

  8   la maison sur la photographie qui est affichée actuellement ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que cet homme regarde dans la direction de la fenêtre dans

 11   laquelle vous étiez à l'intérieur de la maison lorsque vous étiez dans le

 12   grenier d'une maison ?

 13   R.  Non. Il regarde dans la direction inverse. Il regarde vers le mur et

 14   vers la route, en tout cas vers l'allée qui se trouve derrière la maison,

 15   derrière le mur.

 16   Q.  Et la maison où vous vous trouviez, elle se trouverait où sur la

 17   photographie affichée actuellement ?

 18   R.  La maison dans laquelle nous nous trouvions se trouverait à 50 ou 60

 19   mètres de là, dans la direction inverse, c'est-à-dire lorsqu'on regarde

 20   vers Krusha.

 21   Q.  Autrement dit, l'homme qu'on voit sur la photographie affichée

 22   actuellement tourne le dos à la maison dans laquelle vous vous trouviez ?

 23   R.  Exactement, c'est ça.

 24   Q.  Mais suis-je en droit de penser dans ces conditions que la photographie

 25   où on voyait la fenêtre sous le toit, la fenêtre du grenier, suis-je en

 26   droit de penser que cette photo-là a été prise à partir du côté de la

 27   maison affichée actuellement qui est opposé à celui que l'on voit sur la

 28   présente photographie ?

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  1   R.  Oui. Cette photographie-ci a été prise à partir de la maison blanche,

  2   c'est-à-dire de la maison dans laquelle nous n'habitions pas. Donc à angle

  3   droit par rapport à l'autre.

  4   Q.  Très bien. Vous nous avez expliqué cela. Mais suis-je en droit de

  5   penser que c'est à partir d'une façade de votre maison familiale, mais de

  6   la façade opposée par rapport à celle que l'on voit actuellement sur les

  7   écrans, que vous avez pris la photographie dans laquelle on voit la fenêtre

  8   du grenier dans laquelle vous vous trouviez, donc la fenêtre que vous avez

  9   annotée grâce à une croix ?

 10   R.  Non. C'était une autre photographie prise à partir d'un autre endroit

 11   qui n'a rien à voir avec la maison que l'on voit actuellement à l'écran.

 12   Q.  Monsieur Jemini, je vous prie de m'écouter attentivement. La

 13   photographie a été prise à partir d'un endroit où l'on pouvait voir la

 14   petite fenêtre devant laquelle vous vous trouviez dans le grenier, celle

 15   que vous avez annotée à l'aide d'une croix. Alors, je vous demande

 16   maintenant, puisque ce n'est pas à partir du côté de la maison que l'on

 17   voit actuellement sur les écrans que la photographie a été prise, si la

 18   photographie n'avait pas été prise à partir du côté opposé de la maison

 19   familiale, donc de la façade latérale opposée. Est-ce que c'est bien à

 20   partir de là que la photo où on voit la fenêtre avec la croix a été prise ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Je vous remercie.  

 23   M. DJURDJIC : [interprétation] Je demanderais maintenant l'affichage de la

 24   pièce de la Défense D002-5759.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais vous souhaitez demander le

 26   versement au dossier de la photographie qui était affichée à l'instant ?

 27   M. DJURDJIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président, car elle ne me

 28   servirait pas à grand-chose. Nous avons entendu l'explication du témoin

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  1   quant à l'endroit à partir duquel la photographie a été prise qui est, en

  2   fait, opposé à ce qu'on voit sur cette photo affichée.

  3   Mais je crois, en fait, que le document dont je demande l'affichage a déjà

  4   été versé au dossier et a déjà un numéro en P. Cela dit, je ne connais pas

  5   exactement ce numéro en P et je ne suis pas sûr que ce document ait été

  6   déjà versé au dossier.

  7   Q.  Mais en tout cas, ce qu'on voit maintenant sur les écrans, c'est bien

  8   l'endroit où vous vous êtes regroupés, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Sauriez-vous nous dire à quel moment cette photographie a été prise ?

 11   R.  Entre le 5 et le 20 avril.

 12   Q.  Merci. Pourriez-vous inscrire une croix pour vous désigner vous-même

 13   sur cette photographie.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  Je vous remercie. Et cet homme que l'on voit sur votre gauche, qui est-

 16   ce ?

 17   R.  C'est l'un des membres du groupe, donc l'un des hommes qui était avec

 18   nous pendant toute cette période.

 19   Q.  Connaissez-vous ses nom et prénom, peut-être ?

 20   R.  Oui. Xhevdet Ramadani.

 21   Q.  Je vous remercie. Qu'est-ce qu'on voit contre l'arbre ici ?

 22   R.  Un fusil automatique.

 23   Q.  Je vous remercie.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette

 25   photographie, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La photographie est admise.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce D002-5759 avec les nouvelles

 28   annotations qui viennent d'y être apposées devient la pièce D00077.

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  1   M. DJURDJIC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Jemini, dans votre déclaration du 18 juillet, vous avez dit

  3   que le 25 mars 1999, à Celine, il n'y avait pas de soldats ni de membres de

  4   la police; est-ce vrai ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que la police et l'armée est venue dans votre village avant la

  7   guerre ?

  8   R.  Durant deux derniers mois, non, mais avant, oui.

  9   Q.  Vous dites au paragraphe 2 de votre déclaration que le 25 mars 1999,

 10   l'armée a encerclé votre village avec des chars et des véhicules blindés.

 11   Où avez-vous vu ces chars et ces véhicules

 12   blindés ?

 13   R.  Nous les avons vus autour du village ainsi qu'à des points d'entrée

 14   dans le village.

 15   Q.  Et où étiez-vous debout à ce moment-là ?

 16   R.  A 5 heures du matin, j'ai été réveillé par ma famille et les membres de

 17   ma famille m'ont dit qu'ils entendaient des tirs et des coups de feu.

 18   Puisque j'étais chef du village, je me suis rendu au centre du village près

 19   de l'école pour voir quelle était la situation. A 5 heures 30 du matin, un

 20   char est entré dans le village de la direction de Bellacerke.

 21   Le char se trouvait à l'entrée du village à une distance d'à peu près

 22   200 mètres de la mosquée, dans la direction de Bellacerke et du côté opposé

 23   vers Nagavci et Rahovec. Il y avait d'autres chars et des membres de

 24   l'armée. Sur la route principale entre Prizren et Gjakova, il y avait des

 25   véhicules blindés transport de troupes, et c'est de cette direction que

 26   provenaient des coups de feu. C'est ce que j'ai vu au moment où je suis

 27   sorti de ma maison pour me rendre au centre du village.

 28   Tout le monde était inquiet. J'ai parlé à des gens, après quoi je

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  1   suis rentré chez moi. C'est alors que j'ai vu des chars ainsi que d'autres

  2   véhicules qui se trouvaient garés à l'entrée du village.

  3   Q.  Merci. Vous venez de dire qu'il était 5 heures du matin ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Il faisait déjà le jour ?

  6   R.  Oui, il y avait déjà la lumière du jour. Je ne suis pas sûr si le

  7   soleil brillait déjà.

  8   Q.  Donc le 25 mars à 5 heures du matin, il faisait déjà jour. Ai-je raison

  9   pour dire cela ?

 10   R.  Oui, bien sûr. C'est la même période de l'année que maintenant. Le jour

 11   se lève à 4 heures 30 du matin ou 5 heures. C'est l'aurore, la lumière du

 12   jour.

 13   Q.  Et vous avez vu tous ces chars et véhicules blindés à la lumière du

 14   jour ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Merci, Monsieur Jemini. Donc, nous ne pourrons pas savoir s'il y avait

 17   déjà la lumière du jour à 5 heures du matin. Nous n'avons pas d'autres

 18   moyens pour le moment pour constater cela.

 19   Mais dites-moi si, lorsque vous avez dit qu'il y avait des forces

 20   serbes qui attaquaient le village, s'il y avait une résistance à présenter

 21   aux forces serbes dans le village ?

 22   R.  Je ne sais pas à quelle résistance vous pensez. Il y avait la

 23   population civile. Il n'y avait pas des membres d'armée. La population

 24   n'avait pas d'armes.

 25   Q.  Comment savez-vous que la population ne disposait pas d'armes ?

 26   R.  Si vous estimez qu'un char vaut un fusil automatique ou un fusil tout

 27   simplement, vous avez tort. En tant que responsable de l'organisation de la

 28   vie des villageois, je sais très bien qu'à l'époque il n'y avait pas

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  1   d'armes dans le village. Il n'y avait pas de défense organisée du village.

  2   Q.  Vous avez dit qu'il n'y avait pas de chars, que les villageois

  3   n'avaient pas de chars. Mais dites-moi, comment vous savez que les

  4   villageois n'avaient pas d'autres armes ?

  5   R.  Si je suis responsable du village, je devrais savoir ce que les

  6   villageois ont ou dont ils disposent, et dans le même sens je savais très

  7   bien ce que les forces serbes ont provoqué comme dommages dans le village.

  8   Vous savez, les villageois m'auraient informé là-dessus, c'est-à-dire du

  9   fait que nous étions armés. Dans ce cas-là, les forces serbes auraient

 10   essuyé des pertes. C'est l'argument le meilleur pour vous dire que nous

 11   n'avions pas d'armes du tout pour présenter une résistance assez forte.

 12   Q.  Dans le même paragraphe, vous dites qu'il n'y avait pas de membres de

 13   l'UCK dans le village. Pouvez-vous me dire ce que c'est l'UCK, ou OBK en

 14   serbe ?

 15   R.  L'UCK ou l'OBK, c'était une unité ou une organisation qui a été

 16   engendrée dans le peuple en tant qu'une défense organisée de la population

 17   civile. Ils allaient là-bas, à des endroits où les forces serbes lançaient

 18   des offensives. Dans notre village il n'y avait pas des membres de l'UCK,

 19   parce qu'il n'y avait pas d'intervention des forces serbes dans notre

 20   village, donc il n'était pas nécessaire d'organiser la défense de notre

 21   village. Par conséquent, à Celine, il n'y avait pas de défense organisée

 22   dans le village même, il n'y avait pas donc de défense organisée pour

 23   s'opposer aux forces serbes.

 24   Q.  Merci. Et comment avez-vous appris cela, ce que venez de nous dire ?

 25   R.  Qu'est-ce que vous avez voulu dire par "tout cela," tout ce que j'ai

 26   dit ?

 27   Q.  Votre réponse précédente, quel type d'organisation était l'UCK, quelles

 28   personnes l'UCK protégeait et tout ce que vous venez de nous dire il y a

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  1   quelques instants dans votre réponse ?

  2   R.  Sur la base de l'expérience que j'ai eue le 25 mars et un an avant,

  3   dans des endroits où les forces serbes lançaient des offensives, les

  4   membres de l'UCK venaient pour protéger la population. Il y avait des

  5   unités de protection. Il s'agissait d'une riposte automatique à des

  6   offensives lancées par les forces serbes. Mais ce n'était pas le cas de

  7   notre village, parce que la police n'est entrée dans le village que le 25

  8   mars, pas avant. Par conséquent, il n'y avait pas de raisons pour organiser

  9   une défense quelconque de notre village, parce que le village n'a pas été

 10   attaqué avant cette date-là. La police et l'armée ont encerclé le village

 11   tôt dans la matinée, après quoi ils sont entrés dans le village le 25.

 12   J'aimerais vous poser une question. Quelle était la raison de

 13   l'intervention de l'armée et de la police serbe dans notre village le 25

 14   mars alors que nous n'étions que des civils et nous ne provoquions aucun

 15   dommage à qui que ce soit ? Nous vivions tranquillement dans votre village.

 16   Q.  Monsieur Jemini, je vais vous poser une question maintenant. Savez-vous

 17   que Celine avait des fortifications de troisième niveau et qu'il y avait

 18   des combats dans la direction de Bela Crkva à l'entrée de Celine le 25

 19   mars, qu'il y avait des combats donc à l'entrée de Celine qui se

 20   développaient de la direction de Bela Crkva ?

 21   R.  C'était à quelle date ?

 22   Q.  Le 25 mars 1999.

 23   R.  Non, il n'y avait pas de combat du tout. La population de Celine n'a

 24   opposé aucune résistance le 25 mars. L'offensive a commencé à 3 heures ou à

 25   4 heures du matin à Bellacerke. C'est là-bas où ils ont massacré la

 26   population. Ils ont fini leur opération là-bas, et ils ont commencé à

 27   avancer dans la direction de Celine. Après avoir fini leur boulot à

 28   Bellacerke, ils sont entrés à Celine et ils ont fait ce qu'ils ont fait à

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  1   la population de Celine.

  2   Si vous avez des informations disant qu'une résistance aurait été

  3   opposée à ces forces, j'aimerais bien que vous me communiquiez ces

  4   informations, mais je suis certain qu'il n'y avait pas de résistance

  5   opposée par les villageois de notre village.

  6   Q.  Et comment savez-vous qu'il y avait ces événements à Bela Crkva ?

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar.

  8   M. BEHAR : [interprétation] Je m'excuse d'avoir interrompu le contre-

  9   interrogatoire, mais j'ai remarqué que dans le compte rendu à la ligne 16,

 10   il est dit : Je suis presque certain, mais je crois qu'il a dit : Je suis

 11   plus que certain.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 13   M. DJURDJIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Jemini, avez-vous entendu ma question ? Comment savez-

 15   vous ce qui s'est passé à Bela Crkva le 25 mars 1999 ?

 16   R.  Le 25 mars dans la matinée, j'étais informé du fait que les forces

 17   serbes étaient intervenues à Celine, mais je n'ai pas été informé des

 18   massacres commis par la police dans la soirée. Deux jours après cela, le

 19   27, lorsque je suis rentré de Celine à Zrze, j'ai remarqué des cadavres

 20   entre Zrze et Celine. J'ai vu 40 cadavres et à Zrze on m'a dit quels

 21   étaient les événements survenus le 25 mars au village de Bellacerke.

 22   Q.  Merci. Au paragraphe 3, vous dites qu'à cinq heures et demie, le

 23   pilonnage a commencé ainsi que les tirs dans le village. Donc où est-ce que

 24   ce cela s'est passé ? Ces tirs, où ont-ils eu

 25   lieu ?

 26   R.  Vers cinq heures et demie du matin, jusqu'à 19 heures d'ailleurs, nous

 27   pouvions entendre de tous les côtés des tirs et des pilonnages sans aucune

 28   interruption. Cela ressemblait à une guerre entre deux fronts, entre deux

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  1   Etats armés et non pas entre une armée et des civils non armés.

  2   Q.  Merci, Monsieur Jemini. Comment est-ce que vous savez que la plupart

  3   des femmes âgées et des enfants se sont rassemblés en un seul groupe ?

  4   R.  Je me suis rendu dans le centre du village vers 5 heures du matin.

  5   Ensuite je suis rentré chez moi et ma famille, qui s'agisse de famille

  6   proche ou de famille éloignée, tous les membres de ma famille se sont

  7   rassemblés dans un endroit du village, je les ai conduits là-bas. Nous y

  8   avons laissé les femmes, les personnes âgées et les enfants, ensuite nous

  9   sommes revenus à la position que j'ai mentionnée un peu plus tôt. J'y étais

 10   plutôt vers 6 heures du matin.

 11   Q.  Je m'excuse, mais je n'ai pas très bien compris où vous avez emmené les

 12   femmes et les enfants.

 13   R.  Nous les avons emmenés vers un lieu qui se trouve au centre du village.

 14   En fait, c'était un espace ouvert. Il s'agissait d'une prairie. Cela nous

 15   semblait un endroit plus sûr pour la population du village.

 16   Q.  Merci. Qu'en est-il des autres ? Est-ce que les autres personnes ont

 17   également emmené leurs femmes et leurs enfants vers ce lieu au centre du

 18   village et les ont laissés là ?

 19   R.  Oui, tout le village. Outre les 2 000 habitants du village, il y avait

 20   des personnes qui venaient d'autres villages qui s'étaient réfugiés dans

 21   notre village. Donc il y avait ces connaissances, ces membres de la

 22   famille, et cetera, et cetera.

 23   Q.  Puis vous poursuivez, toujours dans le même paragraphe, le paragraphe

 24   3, vous faites référence à des personnes qui sont plus jeunes, dont l'âge,

 25   y compris entre 18 et 40 ans, et vous dites en fait que les hommes, eux,

 26   sont restés d'un côté. Mais qu'est-ce que vous entendez ? Où est-ce qu'ils

 27   sont restés ? Qu'est-ce que vous entendiez par ce fait-là ?

 28   R.  Les hommes connaissaient l'objectif de la police et des forces

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  1   militaires serbes. Donc les hommes, dont l'âge était compris entre 18 et 40

  2   ans, et ce, pour éviter que quoi que ce soit de fâcheux n'arrive à leur

  3   famille, sont restés de côté et ne se sont pas placés parmi le groupe

  4   composé de femmes, d'enfants et des personnes âgées. Ils n'avaient pas

  5   véritablement une position très précise où ils devaient se rendre. Ils sont

  6   tout simplement allés dans des endroits différents, tout comme je l'ai fait

  7   avec le fils de mon oncle. Nous avons trouvé cette position dans cette

  8   maison. Enfin il n'y avait pas en quelque sorte de lieu de rassemblement

  9   préorchestré.

 10   Q.  Merci. Vous vous êtes cachés tous les deux; c'est cela ?

 11   R.  Oui.

 12    Q.  Merci. Et qu'en est-il des hommes dont l'âge était compris entre 18 et

 13   40 ans ? Est-ce qu'ils étaient considérés comme des hommes en âge de porter

 14   les armes ?

 15   R.  Vous pouviez trouver un petit nombre de personnes qui n'avaient pas une

 16   grande aptitude physique, mais tous les autres étaient en bonne santé et

 17   étaient donc des hommes en âge de porter les armes.

 18   Q.  Mais vous aviez pensé qu'il serait plus sûr de se cacher; c'est ça ?

 19   R.  Je ne comprends pas la logique de votre question. Parce que nous

 20   pensions que nous échapperions à la mort si nous nous cachions. Se cacher,

 21   c'était beaucoup plus sûr pour nous. Se cacher, c'était une façon d'éviter

 22   le risque et le danger. Il y a de nombreuses personnes d'ailleurs qui ont

 23   survécu après s'être cachées. Je pense aux gens qui ne sont pas partis. Il

 24   y a des gens qui n'ont pas quitté leur maison, qui ne se sont pas cachés et

 25   ces personnes ont été tuées. Leurs corps ont été incendiés, carbonisés, ils

 26   ont été massacrés. Il s'agissait d'hommes plus jeunes qui avaient 25 ans,

 27   30, 40, 50 ans. Donc toutes les personnes qui n'ont pas quitté leurs

 28   maisons, qui ne se sont pas cachées ont véritablement souffert des

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  1   conséquences. Ils ont été tués chez eux, et je pense que la même chose nous

  2   serait arrivée si nous ne nous étions pas cachés. 

  3   Q. Bien, vous auriez pu être à l'extérieur avec vos familles, vos femmes et

  4   vos enfants.

  5   R.  Après 50 ans de pression exercée par les autorités serbes, nous savions

  6   pertinemment que les jeunes gens, les jeunes hommes seraient ciblés. Nous

  7   savions pertinemment qu'ils seraient massacrés, qu'ils seraient tués. C'est

  8   pour cela que nous avons pensé qu'il n'était pas sûr que nous restions dans

  9   le groupe des femmes, des enfants et des personnes âgées. Qui plus est,

 10   eux, n'auraient pas été en sécurité avec nous.

 11   Q.  Mais s'il n'y avait personne à l'intérieur des maisons, il n'aurait pas

 12   été lieu de tirer. Ne pensez-vous pas que j'ai raison ? Si l'immeuble était

 13   vide.

 14   R.  Je m'excuse de devoir vous expliquer ce plan des forces serbes et leurs

 15   offensives. Nous savons tous comment toutes ces offensives et ces plans ont

 16   été exécutés.

 17   Toutes les attaques qui ont été lancées le premier jour ont été

 18   effectuées afin de renforcer et de sécuriser les positions des forces

 19   serbes à telle enseigne pour qu'ils puissent, par la suite, massacrer la

 20   population. Le 25 et le 26 mars, les gens ont dû partir, ils sont allés sur

 21   la position dont nous avons parlé. Le village était absolument vide. Il n'y

 22   avait pas une seule âme dans ce village. Et ceux qui étaient à l'intérieur

 23   de leurs maisons, ils ont tous été tués. Ils ont été massacrés. Donc le

 24   village était vide. Il n'y avait personne, pas âme qui vive, mais la police

 25   et l'armée avaient le contrôle entier et absolu du village, parce qu'ils

 26   avaient établi des positions à chaque point d'accès du village.

 27   Mais jusqu'au moment où l'accord Kumanovo a été signé, personne n'a

 28   pu rentrer dans son village, parce que ce qu'ils ont véritablement effectué

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  1   c'est un nettoyage ethnique. La police, elle, assurait le contrôle des

  2   villages. Ils ont pillé dans les villages. Ils les ont non seulement

  3   pillés, mais ils les ont incendiés et ils pouvaient très facilement ainsi

  4   voir et détecter une présence quelle qu'elle soit dans le village.

  5   Q.  Merci. Donc je peux en conclure que vous aviez été informé par avance

  6   du plan ou qu'en tout cas, ce plan ne vous était pas inconnu.

  7   R.  Vous faites référence au plan de l'armée serbe ou vous faites référence

  8   au plan de ma population ?

  9   Q.  Parlez-moi du plan de la population, de votre population.

 10   R.  La population avait comme consigne de vivre discrètement, de rester

 11   chez elle en cas d'offensive et de se rassembler en un seul et même

 12   endroit. Personne n'avait prévu de quitter le village ou personne n'a prévu

 13   d'aller en Albanie non plus d'ailleurs. Personne n'avait envisagé ce

 14   nettoyage ethnique, ce massacre, cette destruction à 96 % du village. Et

 15   personne n'avait envisagé ce massacre de la population, puisqu'il y a 45 %

 16   de la population qui a été massacrée. Donc la population, elle, ne pouvait

 17   pas envisager tout cela. Mais les forces serbes, ainsi que leurs

 18   dirigeants, ils pouvaient très bien l'envisager et ils avaient

 19   effectivement un plan.

 20   Q.  Et qu'en est-il de l'UCK ?

 21   R.  Je pense que nous avons réussi à expliquer la question de l'armée,

 22   parce que s'il y avait eu présence militaire, présence de l'armée dans le

 23   village, rien ne se serait produit. Ils ont détruit et tué dans les

 24   villages et cela prouve exactement le contraire de ce que vous êtes en

 25   train d'avancer. Est-ce que vous avez, par exemple, quoi que ce soit,

 26   quelque élément que ce soit qui prouverait que nous avons été responsables

 27   des victimes parmi les forces serbes ?

 28   Nous vivions discrètement. Nous nous occupions de nos propres

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  1   affaires jusqu'au 25 mars. Il n'y avait absolument rien qui se tramait dans

  2   mon village. Nous nous occupions de notre travail et de nos affaires. Nous

  3   vivions chez nous.

  4   Je dois dire qu'en tant que dirigeant du village, j'étais extrêmement

  5   contrarié. Il m'était très difficile de comprendre pourquoi des enfants --

  6   comment est-ce que l'on peut tuer un enfant, comment est-ce qu'un homme âgé

  7   ou comment est-ce qu'une femme peut être tuée. Je ne parle même pas de

  8   tuerie collective. De toute façon, nous ne pourrons jamais oublier ce qui

  9   s'est passé.

 10   En deux mois, j'ai dû personnellement enterrer 78 corps, 78 personnes qui

 11   ont été massacrées. Il s'agissait de cadavres calcinés de civils, il s'agit

 12   de civils innocents qui ont été tués sans aucune raison. Je ne peux

 13   absolument pas imaginer comment cela s'est passé. Moi, j'avais beaucoup

 14   voyagé en Serbie, en Yougoslavie, j'avais des contacts avec des personnes

 15   différentes, avec des intellectuels. Et je dois dire que j'ai honte pour

 16   les Serbes, pour les Serbes qui vivent ou qui vivaient au Kosovo. J'ai

 17   honte de ce qu'ont fait les Serbes au Kosovo justement, parce que c'est

 18   quelque chose d'absolument inhumain.

 19   Imaginez un peu, j'ai dû regarder l'exécution de mes parents et je

 20   n'ai absolument rien pu faire pour l'empêcher. Et nombreux sont les

 21   villageois de mon village qui ont connu le même sort. Je ne peux absolument

 22   pas comprendre comment un être humain peut faire ce qu'ils ont fait.

 23   Moi, j'avais de nombreux collègues serbes, j'avais de nombreuses

 24   connaissances serbes. J'ai voyagé sur tout le territoire de la Yougoslavie.

 25   J'avais des contacts avec différentes entreprises, par exemple, mais je ne

 26   peux absolument pas établir un parallèle entre ce que j'ai vu pour ne pas

 27   parler des personnes que j'ai mentionnées pendant ces déplacements et ce

 28   qui s'est passé au Kosovo, ce qui d'ailleurs me préoccupe beaucoup.

Page 3603

  1   Q.  J'aimerais maintenant que vous me fournissiez des réponses précises,

  2   parce que vous m'avez fourni une réponse qui est très, très longue, mais

  3   vous ne m'avez pas apporté la réponse que j'attendais.

  4   M. DJURDJIC : [interprétation] Et je pense d'ailleurs que le moment serait

  5   peut-être venu de faire une pause, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire la deuxième

  7   pause, et nous reprendrons à 13 heures.

  8   --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

  9   --- L'audience est reprise à 13 heures 05.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous

 12   remercie.

 13   Q.  Au paragraphe 4 de votre déclaration du 17 juillet, vous relatez

 14   comment l'infanterie a commencé à progresser vers le village, et qu'en fait

 15   elle se déplaçait sur quatre rangées, cette infanterie. Où avez-vous vu ces

 16   soldats ?

 17   R.  J'ai vu les soldats à partir de la fenêtre. Ils étaient sur la route

 18   goudronnée qui relie Prizren à Gjakova. Il y avait des camions et de ces

 19   camions descendaient des soldats, et ils venaient donc vers le village.

 20   A cinq heures et demie du matin, lorsque je suis allé vers le centre

 21   du village, je les ai vus également. Parce qu'il faut savoir que lorsque

 22   vous êtes dans le village, sa situation géographique est telle que vous

 23   pouvez voir tout ce qui se passe autour du village.

 24   Q.  Merci. J'aimerais que vous me répondiez de façon directe et concise.

 25   Alors que vous venez de mentionner certains éléments que nous avons

 26   d'ailleurs déjà abordés. Je souhaiterais terminer mon interrogatoire

 27   principal ou votre interrogatoire principal. J'aimerais le terminer le plus

 28   rapidement possible.

Page 3604

  1   Puis-je avancer que ces soldats portaient des uniformes de camouflage

  2   couleur vert marron ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et ai-je raison d'avancer que vous étiez en mesure d'observer

  5   l'insigne, à savoir l'insigne de l'aigle à double tête yougoslave, un signe

  6   yougoslave ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  A quelle distance se trouvaient ces soldats lorsque vous les avez vus ?

  9   R.  A une distance de 7 à 8 mètres. Donc, 7, 8 mètres entre le toit et la

 10   route Celine-Krusha.

 11   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'elle n'est pas sûre de la distance.

 12   Elle ne sait pas s'il s'agit de 7, 8 mètres ou de 70 ou 80 mètres.

 13   M. DJURDJIC : [aucune interprétation]

 14   L'INTERPRÈTE : Question inaudible.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] 

 16   R.  Au carrefour, lorsque vous prenez la direction de Bellecerke, la route

 17   ne se trouve qu'à une distance de 4 ou de 5 à 6 mètres. Quatre, 5, 6 mètres

 18   du toit. Et à partir de cet endroit, je pouvais donc voir le déplacement de

 19   l'armée.

 20   Q.  Merci. Et pourtant, nous n'avons pas vu de route sur les photos

 21   présentées.

 22   R.  Oui, sur l'une des photographies précédentes, sur la photographie où

 23   l'on pouvait voir l'école. Sur cette photographie-là, on pouvait voir la

 24   route, elle était visible. Si vous affichez à nouveau cette photographie,

 25   je pourrais vous la montrer.

 26   Q.  Merci. Au paragraphe 5, vous dites que vous avez vu 35 soldats qui ont

 27   cassé le portail menant à votre ferme; est-ce exact ?

 28   R.  Oui.

Page 3605

  1   Q.  Et sur les photos que nous avons vues aujourd'hui, nous n'avons pas vu

  2   en fait de portail.

  3   R.  Le portail était ouvert. Vous ne pouvez pas le voir, mais les soldats,

  4   eux, ils sont entrés dans les maisons. Ils sont également allés chez mon

  5   cousin. Nous pouvions également voir la maison où se trouvaient cantonnés

  6   les commandants. Cela nous pouvions le voir à partir de l'endroit où nous

  7   nous étions cachés. Nous avons pu voir les mouvements de l'armée pendant

  8   toute cette journée-là.

  9   Q.  Monsieur Jemini, je vous demanderais de répondre à mes questions. Ce

 10   n'est pas la peine de répéter votre déclaration dont je dispose, dont

 11   dispose l'Accusation ainsi que la Chambre de première instance. Contentez-

 12   vous de répondre à ma question. J'aimerais savoir si ces soldats ont bel et

 13   bien cassé le portail d'entrée à votre

 14   Cour; oui ou non ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc ce portail il avait été fermé.

 17   R.  Ce portail n'était pas fermé à clé. Il n'était pas fermé à clé et

 18   pourtant ils l'ont cassé.

 19   Q.  Monsieur Jemini, comment est-ce que l'on peut casser un portail qui est

 20   fermé, mais qui n'est pas fermé à clé ?

 21   R.  Bien, c'est ce qu'ils ont fait, les soldats qui se trouvaient à cet

 22   endroit. Oui, dans les circonstances normales, certes, vous ouvrez et vous

 23   fermez le portail normalement. Mais en l'occurrence, ils l'ont cassé.

 24   Q.  Merci. Comment est-ce qu'ils l'ont enfoncé ce portail ? Est-ce que vous

 25   pourriez nous le décrire ?

 26   R.  Ce portail qui était un portail assez haut, puisqu'il avait 3 mètres de

 27   haut, il avait, en fait, une petite porte, plus petite qui pouvait être

 28   ouverte. Ils ont enfoncé ce qui encadrait en quelque sorte cette petite

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  1   porte. Je ne pouvais pas les voir, mais je pouvais les entendre, parce

  2   qu'ils étaient très près de l'endroit où je me trouvais. Puis je les ai vus

  3   lorsqu'ils sont entrés dans la cour.

  4   Q.  Au paragraphe 6, vous dites que vous avez reconnu les soldats comme

  5   étant des soldats d'Orahovac; est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Merci. Et vous nous dites qu'à la fenêtre où vous vous trouviez, vous

  8   avez été à même d'observer les soldats qui entraient dans les maisons, et

  9   ce, dans tout le village ?

 10   R.  Nous avons vu de nombreux soldats qui sont entrés dans les maisons du

 11   village. Bien sûr, nous n'avons pas vu chacun des soldats, mais le résultat

 12   de tout cela, c'est qu'il y a eu un incendie, nous voyions les flammes et

 13   la fumée qui sortaient de ces maisons. Donc ils y avaient été dans ces

 14   maisons.

 15   Q.  Puis vous poursuivez. Vous dites que vous avez vu 12 maisons auxquelles

 16   on avait mis le feu ce jour-là, donc 12 maisons qui ont été incendiées ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Dans quelle partie du village se trouvaient ces

 19   maisons ?

 20   R.  Dans la partie haute du village, entre la mosquée et l'école.

 21   Q.  Merci. Paragraphe 9, vous dites que les commandants qui sont entrés

 22   dans les maisons ou dans la maison qui se trouvait à côté de l'endroit où

 23   vous vous trouviez, ont utilisé pour ce faire le balcon du deuxième étage.

 24   Est-ce que vous pourriez nous dire vers quelle direction était orienté le

 25   balcon ?

 26   R.  Le balcon était orienté vers l'ouest, donc du côté de la route Celine-

 27   Krusha. Il se trouvait en face de la fenêtre où je me trouvais, moi.

 28   Q.  Oui, mais le balcon, il se trouvait à un angle de 90 degrés par rapport

Page 3607

  1   à la fenêtre où vous vous trouviez sur la droite. Donc si vous étiez sur ce

  2   balcon, vous étiez debout sur le balcon. Qu'est-ce que vous pouvez voir si

  3   vous êtes debout sur le balcon, qu'est-ce que vous voyez en face de vous ?

  4   R.  Je ne comprends pas la question. Toutefois nous étions à une position

  5   au milieu de la fenêtre. Puis il y avait à 12 mètres la maison où se

  6   trouvaient les commandants, et ces deux fenêtres étaient placées l'une en

  7   face de l'autre.

  8   Q.  Monsieur Jemini, lorsque vous sortez du balcon - je parle de la maison

  9   où se trouvaient les soldats - votre fenêtre à vous elle se trouvait sur la

 10   gauche. Et si la personne qui se trouve sur le balcon ne se tourne ni à

 11   droite ni gauche, vers quoi est-ce qu'elle regarde cette personne, si elle

 12   regarde en face d'elle ?

 13   R.  Cette personne peut voir ce qui se trouve devant la maison, elle peut

 14   regarder vers la fenêtre où je me trouvais. En fait, la personne, elle peut

 15   regarder vers trois directions lorsqu'elle se trouve positionnée ainsi sur

 16   ce balcon.

 17   Q.  Oui, mais je vous pose la question à propos d'une direction. Ce que

 18   j'aimerais savoir c'est ce que voit cette personne si elle regarde en face

 19   d'elle. Je ne vous pose pas de questions à propos de ce qu'elle voit sur sa

 20   droite ou sur sa gauche, j'aimerais savoir ce qu'elle voit lorsqu'elle

 21   regarde devant elle, cette personne.

 22   R.  Vous pouvez voir la maison où nous vivions ainsi que la maison de mon

 23   cousin.

 24   Q.  Bien. Est-ce que vous avez vu des postes radio qu'ils auraient utilisés

 25   ?

 26   R.  Oui, ils avaient du matériel radio.

 27   Q.  Est-ce que vous aviez vu ce type de matériel radio lorsque vous avez

 28   fait votre service militaire ?

Page 3608

  1   R.  Oui, le matériel radio existait à l'époque où j'ai fait mon service

  2   militaire, mais je dois dire qu'à cette époque-là je ne m'en suis pas trop

  3   occupé. J'ai vu que ces commandants utilisaient ces radios. Toutefois, vous

  4   devez savoir qu'il nous était extrêmement difficile d'observer en toute

  5   liberté le type de matériel dont ils disposaient, parce que la situation

  6   était quand même assez dangereuse.

  7   Q.  Merci. Mais est-ce que vous avez vu le poste de radio ?

  8   R.  J'ai vu le matériel. J'ai vu qu'ils avaient ce matériel radio. Mais je

  9   n'ai pas véritablement analysé le type de matériel dont il s'agissait.

 10   Q.  Merci. Est-ce qu'ils portaient des couvre-chefs ? Ils avaient quoi que

 11   ce soit sur la tête ?

 12   R.  Non, ils avaient juste un uniforme militaire.

 13   Q.  Donc ils n'avaient pas d'écouteurs ?

 14   R.  Non, ils n'en avaient pas.

 15   Q.  Merci. Est-ce que vous savez ce qu'est un R-U-P ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Vous n'avez pas vu de RUP dans l'armée lorsque vous vous y trouviez,

 18   RUP s'épelant R-u-p ?

 19   R.  Je ne me souviens pas en avoir jamais vu un. Mais je me trouvais dans

 20   un bureau.

 21   Q.  Merci. Au paragraphe 10, vous dites que les commandants utilisaient un

 22   code spécial et qu'il est également difficile de comprendre leurs ordres.

 23   Puis-je donc en conclure que vous ne compreniez pas ce qu'ils disaient ?

 24   R.  Au vu de la situation dans laquelle nous nous trouvions, nous ne

 25   pouvions pas véritablement suivre la conversation. Nous ne pouvions pas

 26   suivre et entendre tous les mots proférés lors de cette conversation.

 27   Toutefois, nous avons quand même pu entendre certaines choses, notamment

 28   lors d'un des appels. Ils ont mentionné le chiffre 444, et je pense avoir

Page 3609

  1   expliqué dans ma déclaration ce que j'ai entendu. Ils ont parlé de la

  2   situation qui prévalait sur le terrain. Ils ont plusieurs conversations de

  3   ce style.

  4   Alors il y a une de ces conversations qui a eu lieu vers 17 heures.

  5   J'ai entendu que quelqu'un disait : "Comment est-ce que la situation qui

  6   prévoit à Celine ?" Je les ai entendus dire : "Est-ce que c'est la même

  7   chose qu'à Recak ?" Et j'ai entendu qu'ils répondaient : "Non, c'est deux

  8   fois pire qu'à Recak."

  9   Nous avons donc appris ce qui risquait de se passer. Je veux dire que

 10   nous avons été véritablement effrayés, parce que nous pensions que beaucoup

 11   plus de personnes allaient mourir au cours des jours suivants. Nous étions

 12   en état de choc.

 13   Puis vers 19 heures, il y a une demande qui est arrivée, on leur a

 14   demandé d'arrêter l'offensive, de cesser les tirs et de cesser le pilonnage

 15   à Celine. A ce moment-là, l'offensive s'est arrêtée et nous n'avons plus

 16   entendu de tirs. Voilà ce que j'ai pu observer.

 17   Q.  Merci. Donc vous affirmez avoir également entendu la voix des personnes

 18   avec qu'ils s'entretenaient ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci. Vous venez de dire, comme vous l'avez déjà dit hier, que

 21   lorsqu'à 19 heures il a été ordonné de mettre un terme à l'action, l'action

 22   s'est arrêtée. Mais au paragraphe 14 de votre déclaration préalable, vous

 23   déclarez que les tirs se sont poursuivis toute la nuit.

 24   R.  Non. L'offensive qui a été menée de jour, c'est-à-dire entre les

 25   premières heures de la matinée et le début de la soirée, a été interrompue.

 26   Mais les hommes qui se trouvaient sur les positions entourant le village

 27   intervenaient de temps en temps pour assurer leur propre sécurité durant la

 28   nuit. Cela dit, l'offensive qui se menait à la lumière du jour, elle s'est

Page 3610

  1   arrêtée. La majorité des soldats qui se trouvaient à l'intérieur du village

  2   ont quitté le village, mais on entendait des tirs d'armes à feu qui

  3   provenaient de deux ou trois positions à différents intervalles de temps.

  4   Q.  Vous dites que les soldats qui occupaient des positions à différents

  5   lieux dans le village ont fait quelque chose. Mais où se trouvaient ces

  6   positions ? Vous les avez vues ?

  7   R.  La première position se trouvait à l'entrée du village, au niveau du

  8   carrefour. La deuxième, dans la direction de Krusha e Madhe, à l'entrée du

  9   village. On a également entendu des tirs d'armes à feu provenant de cette

 10   position. La troisième position se trouvait au niveau de l'école. Voilà

 11   quelles étaient les positions durant la nuit du 25. Ce sont les positions

 12   que nous avons pu observer, des positions qui étaient tenues par eux et à

 13   partir duquel nous avons, pendant la nuit, entendu des tirs d'armes à feu.

 14   Q.  Je vous remercie. Donc ces positions, ce sont les positions qu'ils ont

 15   occupées pendant la nuit. Et durant la nuit, vous les avez vus dans ces

 16   positions, n'est-ce pas ?

 17   R.  Je ne sais pas comment vous entendez exactement le mot "voir." Nous

 18   avons entendu des tirs d'armes à feu provenant de ces deux ou trois

 19   positions différentes, mais nous ne sommes pas allés faire le tour de ces

 20   trois positions pour saluer les hommes qui s'y trouvaient.

 21   Q.  Je vous remercie. Vous dites avoir également vu que chacune de ces

 22   positions était occupée par 20 à 30 hommes. C'est bien ça que vous avez

 23   dit, n'est-ce pas ?

 24   R.  On entendait un bruit indicatif de la présence d'un certain nombre

 25   d'hommes. Maintenant, est-ce qu'ils étaient 20 ou 30, nous ne le savions

 26   pas. La seule chose que nous pouvions faire, c'est estimer qu'il se

 27   trouvait là un groupe d'hommes comptant à peu près ce nombre-là de soldats.

 28   Q.  Je vous remercie. Au paragraphe 15 de votre déclaration préalable, vous

Page 3611

  1   déclarez que vos parents et deux ou trois autres membres de votre famille

  2   étaient arrivés chez vous le 26 mars 1999 aux environs de 8 heures du

  3   matin. A leur arrivée, êtes-vous descendu du grenier ?

  4   R.  Non. Non.

  5   Q.  Avez-vous discuté avec certains des membres de votre famille qui

  6   venaient d'arriver ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Avez qui vous êtes-vous entretenu et à quel endroit ?

  9   R.  Mon père est arrivé le premier dans cette maison. Il est arrivé à

 10   l'étage où nous nous trouvions, c'est-à-dire dans le grenier, et nous a

 11   expliqué ce qui s'était passé pendant la journée du 25 dans le secteur où

 12   il se trouvait. Après quoi, il est parti pour retourner au sous-sol où se

 13   trouvaient tous les autres.

 14   Plus tard, après un certain temps, ma mère est arrivée à l'endroit où

 15   nous nous trouvions. Elle m'a apporté quelque chose à manger. Bien que je

 16   lui aie demandé de rejoindre mon épouse et mes enfants, elle ne l'a pas

 17   fait. Pour ma part, j'ai refusé de manger la nourriture que m'avait

 18   apportée ma mère en signe de protestation contre sa décision. Ma mère

 19   m'implorait de partir, de ne pas risquer ma vie, puis finalement elle est

 20   repartie, elle est retournée au sous-sol où se trouvaient mon père, mon

 21   oncle, le fils de mon oncle et son épouse.

 22   Au moment où elle s'apprêtait à partir pour retourner au sous-sol, à

 23   une dizaine ou une quinzaine de mètres de distance de la maison dans

 24   laquelle nous nous trouvions, à partir de la route reliant Celine à Krusha

 25   e Madhe, un camion est arrivé. A bord de ce camion se trouvaient des

 26   paramilitaires, sinon des policiers serbes, qui avaient des couvre-chefs

 27   particuliers, qui portaient la barbe, qui avaient le crâne rasé, et cetera

 28   --

Page 3612

  1   Q.  Toutes mes excuses, mais nous perdons un temps précieux. Je vous ai

  2   posé une question et vous êtes en train tout simplement de me relater ce

  3   qui figure dans la suite de votre déclaration préalable.

  4   Alors votre père, qu'a-t-il dit ? Où se trouvait-il la veille ?

  5   R.  Il se trouvait à l'endroit où nous l'avions emmené la veille, en même

  6   temps que les autres personnes du village, cet endroit qui se trouvait tout

  7   près du centre du village.

  8   Q.  Merci. Il y a un instant, bien que je ne vous l'aie pas demandé, vous

  9   avez déclaré qu'un véhicule militaire était passé et à bord duquel se

 10   trouvaient 12 membres des forces spéciales. Pourriez-vous me dire quelle

 11   était la nature exacte de ce véhicule ?

 12   R.  C'était un camion militaire, un camion ouvert, donc qui n'était pas

 13   bâché, et à son bord se trouvaient des soldats qui étaient debout.

 14   Q.  Ce camion se déplaçait, n'est-ce pas. Il ne s'est pas arrêté; est-ce

 15   bien cela ?

 16   R.  En effet.

 17   Q.  Merci. Dans votre déclaration préalable, vous décrivez l'apparence de

 18   ces soldats et l'uniforme qu'ils portaient. Nous n'allons donc pas y

 19   revenir. Et au paragraphe 17 de votre déclaration préalable, vous dites

 20   qu'en passant, ils ont échangé quelques mots avec votre mère; c'est bien ça

 21   ?

 22   R.  C'est exact, mais comme ils se déplaçaient toujours vers Krusha --

 23   Q.  Suis-je en droit de dire qu'à partir de l'endroit où vous vous trouviez

 24   dans le grenier, vous avez entendu leur conversation, vous les avez

 25   entendus parler ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Je vous remercie. Dites-moi simplement à quel endroit se trouvait votre

 28   mère lorsque a eu lieu cet échange avec les hommes à bord du camion qui se

Page 3613

  1   déplaçait.

  2   R.  Elle se trouvait entre la maison où nous étions et la maison qui était

  3   en face de nous à côté de la route. A 10 ou 12 mètres de nous.

  4   Q.  Merci. Au paragraphe 18 de votre déclaration préalable, vous ai-je bien

  5   compris en disant que vous déclarez qu'aux environs de 9 heures il y avait

  6   deux à 300 soldats dans le village ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Merci. Au paragraphe 19, vous dites qu'aux environs de 9 heures 30, une

  9   trentaine de soldats ont pénétré dans votre cour; est-ce bien cela ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Au paragraphe 20, vous déclarez que des soldats se sont adressés à

 12   votre père en langue serbe pour lui demander s'il avait de l'argent; c'est

 13   ça ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et tout cela, vous l'avez entendu à partir de la fenêtre devant

 16   laquelle vous vous trouviez ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Après quoi ces soldats ont contraint votre père, votre mère et les

 19   membres de votre famille à se diriger vers le portail de la propriété et

 20   ils se sont trouvés entre les deux maisons; c'est bien ça ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Merci. Monsieur Jemini, tout ce que je viens de citer, ce sont des

 23   parties de votre déclaration préalable, mais à aucun moment dans celle-ci,

 24   vous ne faites mention de la police ou de quelconques paramilitaires, alors

 25   qu'hier en répondant aux questions de mon collègue de l'Accusation, M.

 26   Behar, vous n'avez cessé de mentionner des paramilitaires et des forces de

 27   police qui ne vous semblaient pas appartenir aux forces de police

 28   régulières.

Page 3614

  1   Alors d'où vient cette différence entre ce que vous avez dit le 17

  2   juillet 1999 et ce que vous avez dit ici hier ? Pourquoi toutes ces

  3   différences ?

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Djurdjic, mais si

  5   vous lisez la page à laquelle vous vous êtes arrêté dans la déclaration

  6   préalable du témoin, premier paragraphe entier à partir du haut de la page

  7   dans sa version anglaise, nous lisons les mots "special police forces,

  8   describe them," et cetera.

  9   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans ma version du

 10   texte, je vois qu'il est fait mention d'un véhicule à bord duquel se

 11   trouvaient 12 membres des forces spéciales. Je cite :

 12   "A ce moment-là, j'ai remarqué que certains soldats s'approchaient du

 13   village à partir de la grand-route. Une dizaine de minutes plus tard, j'ai

 14   remarqué un véhicule à bord duquel se trouvaient 12 membres des forces

 15   spéciales." Des "forces spéciales," mais pas de la police spéciale. Il est

 16   simplement question de forces spéciales. Ensuite, un peu plus loin dans le

 17   texte, le témoin parle des soldats qui se sont entretenus avec sa mère au

 18   moment où passait le camion. Et la première fois que le témoin mentionne la

 19   police, cela se trouve au paragraphe 25 de sa déclaration préalable,

 20   lorsqu'il décrit ce qui s'est passé à son retour de Zrze. Autrement dit,

 21   deux ou trois jours plus tard. Au paragraphe 28 également, au moment où il

 22   est question des cadavres qui ont été récupérés, le mot est utilisé, mais

 23   j'y viendrai en temps utile, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais je ne parle pas de la traduction

 25   anglaise. Je parle de la description des forces de police spéciales et de

 26   la façon dont elles étaient armées. Je cite :

 27   "Alors qu'ils passaient devant ma maison, ils ont vu ma mère dans

 28   notre cour."C'est le début du paragraphe suivant.

Page 3615

  1   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vois maintenant, Monsieur le Président.

  2   Il est question, à cet endroit du texte, de forces de police spéciales.

  3   Mais ensuite on parle de soldats qui passaient à bord d'un camion à cet

  4   endroit. Dans tous les paragraphes précédents, il est exclusivement fait

  5   mention de l'armée et de soldats. Nulle part la police n'est évoquée. Même

  6   si les hommes qui sont passés devant la maison à bord du camion ne se sont

  7   pas arrêtés, on dit qu'il s'agissait de soldats qui passaient par là.

  8   Q.  Monsieur le Témoin, si nous laissons le paragraphe où il est fait état

  9   de la police spéciale d'un côté pour les journées des 25 et 26, vous n'avez

 10   nulle part évoqué la police où que ce soit ailleurs dans le texte, n'est-ce

 11   pas ?

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais au paragraphe suivant, je crains

 13   que ce paragraphe ne commence par les mots suivants :

 14   "Au bout d'une demi-heure, c'est-à-dire à 9 heures environ, deux à 300

 15   soldats sont entrés dans le village, et parmi eux se trouvaient des groupes

 16   qui arboraient des rubans rouges tels que les hommes que j'avais vus à bord

 17   du camion. Certains groupes arboraient des rubans blancs. D'autres avaient

 18   des bandanas autour de la tête. Certains portaient des bandanas rouges.

 19   Certains avaient des couleurs de guerre noires et blanches, et tous ces

 20   hommes portaient de longs couteaux. Ils sont allés d'une porte à l'autre."

 21   Alors, si vous avez besoin de précision quant à ce que voulait dire le

 22   témoin, interrogez-le. Mais je ne pense pas qu'à la lecture de cette

 23   déclaration préalable vous soyez en droit de dire qu'il n'est fait nulle

 24   part mention de la police ou des forces de police spéciales, à savoir la

 25   mention que l'on voit au premier paragraphe.

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur Jemini, vous nous avez décrit les soldats qui se trouvaient à

 28   bord du camion. Est-ce que vous en aviez déjà vu avant des soldats

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  1   ressemblant à ces hommes ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Je vous remercie. Comment avez-vous pu conclure qu'il s'agissait de

  4   forces de police spéciales ou de forces spéciales, comme cela est dit dans

  5   la version anglaise de votre déclaration préalable au paragraphe 16 ?

  6   R.  Je crois que dans ma déclaration préalable j'ai décrit la méthode qui a

  7   été appliquée le 25 mars et les jours suivants. On pouvait reconnaître les

  8   membres de l'armée serbe, parce que nous les voyions tous les jours. Mais

  9   ces paramilitaires qui ont commis les actes d'incendie ou les massacres, et

 10   cetera, avaient une apparence différente. Ils portaient des uniformes

 11   différents. Ils arboraient des rubans de diverses couleurs. Ils avaient la

 12   barbe et le crâne rasé. Donc c'est par ces éléments que nous pouvions dire

 13   qu'ils étaient différents des soldats de l'armée régulière.

 14   Q.  Monsieur Jemini, vous venez de dire que la première fois que vous avez

 15   vu ces soldats, c'est lorsqu'ils sont passés à bord du camion le 26 mars,

 16   et que vous ne les aviez pas vus avant, n'est-ce pas ?

 17   R.  Non, pas avant le 25 mars.

 18   Q.  Merci. Au paragraphe 16 de votre déclaration, la première phrase

 19   commence par les mots suivants, je cite :

 20   "J'ai remarqué des hommes en uniforme militaire qui s'approchaient du

 21   village à partir de la grand-route."

 22   Quel était leur uniforme, plus précisément ?

 23   L'INTERPRÈTE : [hors micro]

 24   M. DJURDJIC : [interprétation]

 25   Q.  Apparemment toute ma question n'a pas été entendue. Au paragraphe 16,

 26   vous dites que des soldats venant de la grand-route se rapprochent du

 27   village. Quel était l'uniforme porté par ces soldats qui s'approchaient du

 28   village à ce moment-là ?

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  1   R.  C'était un uniforme de camouflage avec des impressions de couleur verte

  2   et noire, donc ressemblant tout à fait à l'uniforme des soldats de l'armée

  3   régulière.

  4   Q.  Je vous remercie. Au paragraphe 18, vous dites, je cite :

  5   "Aux environs de 9 heures, il y avait deux à 300 soldats dans le village."

  6   Quel était l'uniforme porté par ces soldats-là ?

  7   R.  Je l'ai déjà décrit. Le deuxième jour, le 26 mars, il y avait des

  8   soldats, il y avait des paramilitaires. Donc de nouveaux groupes d'hommes

  9   avaient rejoint les hommes de l'armée régulière que l'on pouvait voir dans

 10   le village la veille. C'étaient des hommes qui avaient une apparence

 11   différente. Je l'ai déjà dit. Douze hommes à bord du camion, puis il y en

 12   avait d'autres qui sont arrivés qui portaient des vêtements de couleur

 13   bleue, et il y avait des policiers qui portaient l'uniforme de la police

 14   régulière. Mais en sus de tous ces groupes, il y avait aussi des hommes qui

 15   portaient une barbe, qui avaient le crâne rasé, et des bandanas rouges

 16   autour du crâne, et cetera.

 17   Q.  Je vous remercie. Mais au paragraphe 19 de votre déclaration, vous

 18   dites, je cite :

 19   "Une trentaine de soldats ont pénétré dans ma cour à 9 heures 30 environ."

 20   R.  Sept ou huit soldats sont venus dans la direction où nous nous

 21   trouvions. Sept ou huit soldats se sont dirigés vers la cave dans laquelle

 22   nos parents s'étaient abrités. D'autres sont allés dans la maison de mon

 23   oncle. Eux étaient au nombre de huit ou dix, à peu près, et ils ont passé

 24   toute la journée dans la maison située à côté de celle où nous nous

 25   trouvions.

 26   Je sais qu'au total il s'agit d'une trentaine d'hommes ou un peu

 27   plus. On ne les a pas comptés un par un pour citer un chiffre exact, mais

 28   c'était leur nombre approximatif.

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  1   Q.  Je vous remercie. Avez-vous vu vos parents et les membres de

  2   votre famille au moment où les soldats les ont emmenés à cet endroit situé

  3   entre les deux maisons ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Ils les ont emmenés à un endroit situé entre deux maisons. Mais

  6   quelles étaient ces deux maisons ?

  7   R.  Il s'agissait de la partie supérieure de la maison dans laquelle nous

  8   vivions. Donc cela s'est passé juste derrière, à côté du mur, lequel mur se

  9   trouvait le long de la route principale.

 10   Q.  Donc, "ils nous ont amenés près de la barrière ou du mur de la cour."

 11   N'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci. Vous avez dit que les soldats étaient partis de votre cour. Mais

 14   à quelle heure est-ce qu'ils en sont partis ?

 15   R.  Ils ne sont pas partis pendant la journée. Ils sont partis après avoir

 16   commis cette exécution. Toutefois, ils sont restés toute la journée au

 17   carrefour. Puis pendant toute la nuit et le matin du 27 mars, ils se

 18   trouvaient toujours près du carrefour.

 19   Q.  Monsieur Jemini, je vous avais demandé à quelle heure est-ce que

 20   les soldats sont partis de votre cour ?

 21   R.  Ils en sont partis vers minuit. Il s'agissait du 26 mars.

 22   Q.  Merci. Donc il n'y avait plus personne sur votre propriété familiale.

 23   Il n'y avait plus de soldats qui restaient ?

 24   R.  Non, non, mais il y avait encore des soldats au carrefour, le long de

 25   la route, et juste derrière la maison.

 26   Q.  Quand est-ce que vous êtes -- ou plutôt, lorsque vous êtes descendu du

 27   toit, vous êtes passé par l'endroit où vos parents et les membres de votre

 28   famille s'étaient trouvés, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Mais est-ce que vous vous êtes rapproché d'eux?

  3   R.  Non, je n'ai pas osé le faire, parce que la police et l'armée étaient

  4   tout près. Puis nous avions peur de le faire, nous étions épuisés. Nous

  5   avons contourné cet endroit. Nous avons donc contourné les maisons : ma

  6   maison, la maison de mon oncle. Parce que c'était très, très dangereux et

  7   nous savions que s'ils nous voyaient, ils nous auraient exécutés. Nous ne

  8   nous sommes pas arrêtés. Nous avons poursuivi notre chemin et nous sommes

  9   allés en direction de Zrze.

 10   Q.  Monsieur Jemini, vous avez dit que vous avez dit au [inaudible] ainsi

 11   que les Rom, ainsi que la police avaient donc récupéré les corps de vos

 12   parents et des membres de votre famille et qu'ils les avaient éloignés de

 13   l'endroit où vous avez dit qu'ils se trouvaient, cet endroit où vous vous

 14   trouviez auparavant et où vous êtes allé, n'est-ce pas; c'est cela ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Merci. Mais vous vous souvenez ce que vous avez dit à l'équipe des

 17   méthologistes allemands lorsque vous leur avez parlé le 21 octobre 1995 ?

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense, Maître Djurdjic, qu'il va

 19   falloir que vous vous interrompiez. Alors je vous ai accordé six ou sept

 20   minutes de grâce, parce que je voulais que vous trouviez une césure logique

 21   dans votre contre-interrogatoire. Alors peut-être que vous pourriez revenir

 22   sur ce sujet demain si nous poursuivons. Mais j'indiquerais, en fait, que

 23   nous avons quasiment passé toute l'audience en contre-interrogatoire,

 24   aujourd'hui. Ce n'est pas la peine que j'en dise davantage. Je pense que

 25   vous m'aurez compris. Je suppose que vous devez véritablement toucher au

 26   terme de ce contre-interrogatoire.

 27   Nous allons lever l'audience et nous reprendrons demain.

 28   Monsieur Jemini, je m'excuse, mais je pense que nous devons à nouveau lever

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  1   l'audience et vous devrez revenir demain pour terminer votre déposition. Je

  2   vous remercie.

  3   [Le témoin quitte la barre]

  4   --- L'audience est levée à 13 heures 53 et reprendra le jeudi 23 avril

  5   2009, à 9 heures 00.

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