Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 19 mai 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Madame Kravetz.

  6   Mme KRAVETZ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Le témoin

  7   suivant est le Dr Antonio Alonso dont la déposition aura un rapport avec le

  8   paragraphe 75(D) de l'annexe 7 [comme interprété] de l'acte d'accusation.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 10    [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 11   LE TÉMOIN : ANTONIO ALONSO [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir

 16   prononcer la déclaration solennelle qui vous est présentée maintenant.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre

 20   place, Monsieur. Vous entendez l'interprétation en espagnol de mes propos ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.  

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mme Kravetz a quelques questions à

 23   vous poser.

 24   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Interrogatoire principal par Mme Kravetz : 

 26   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, bonjour. Veuillez décliner votre

 27   identité, je vous prie.

 28   R.  Antonio Alonso Alonso.

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  1   Q.  Une petite minute, je vous prie. Quelle est votre profession ?

  2   R.  Je suis expert en toxicologie de l'Institut national pour la médecine

  3   légale dans le département de biologie, et ma spécialité est la génétique

  4   médico-légale.

  5   Q.  Et depuis combien de temps travaillez-vous à l'institut de Toxicologie

  6   et de Science médico-légale ?

  7   R.  Depuis 1984. Donc cela fait environ 25 ans que je travaille dans ce

  8   service de biologie.

  9   Q.  Et très, très brièvement, pourriez-vous nous expliquer quelles sont vos

 10   responsabilités et vos fonctions dans cet institut ?

 11   R.  Oui, tout à fait. En fait, je suis expert auprès des tribunaux de

 12   justice, toujours dans le domaine de la biologie et de la génétique, avec

 13   trois applications. Il s'agit de l'identification des personnes portées

 14   disparues. Je travaille également dans le cadre d'enquêtes criminelles. Il

 15   s'agit de l'examen des restes osseux de personnes. Je m'occupe également

 16   d'analyses de paternité. Ce sont les trois domaines pour lesquels je

 17   travaille au sein de l'institut.

 18   Q.  Je vous remercie, Monsieur. Nous avons la pièce 02501. Il s'agit d'une

 19   pièce de la liste 65 ter. Il s'agit de votre curriculum vitae. Je ne vais

 20   pas aborder ce curriculum vitae par le menu parce que c'est un document qui

 21   se passe tout à fait de toute explication. C'est un document que vous avez

 22   présenté au bureau du Procureur en 2003. J'aimerais savoir si vous

 23   souhaitez mettre à jour certains éléments de votre curriculum vitae. Y a-t-

 24   il eu des modifications récentes, modifications professionnelles bien

 25   entendu ?

 26   R.  Non, hormis quelques études scientifiques que j'ai effectuées à partir

 27   de 2003 jusqu'à nos jours. Je dois indiquer qu'en Espagne, l'on vient de

 28   créer la commission nationale pour l'utilisation médico-légale de l'ADN. Il

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  1   s'agit d'un institut de réglementation qui s'occupe de qualité, qui

  2   s'occupe de la bioéthique, qui s'occupe de questions juridiques et légales

  3   de la bioéthique également et de l'application de cette loi dans plusieurs

  4   domaines pratiques. Je suis le numéro deux de cette commission.

  5   Et puis, cela fait plusieurs années que je travaille également au sein

  6   d'une commission qui a été mise en place pour que soit mise au point un

  7   protocole national pour l'identification génétique en cas de grandes

  8   catastrophes, de grands désastres naturels. Voilà les éléments qu'il

  9   convient d'ajouter à mon curriculum vitae. Il s'agit des événements les

 10   plus récents bien entendu.

 11   Q.  Je vous remercie.

 12   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

 13   demander le versement au dossier du curriculum vitae, le document 02501.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P00797 [comme

 16   interprété].

 17   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 18   Q.  Vous nous avez dit que vous travaillez dans le domaine de la génétique,

 19   génétique médico-légale. J'aimerais savoir si les tests d'ADN sont

 20   effectués à l'institut où vous travaillez, et le cas échéant, quelles sont

 21   les normes avec lesquelles vous travaillez et quels types de tests ADN

 22   faites-vous ?

 23   R.  Fondamentalement, comme je vous l'ai déjà dit, il s'agit des études

 24   d'ADN qui sont utilisées pour l'identification des personnes dans le cas

 25   d'enquêtes criminelles. Il s'agit de l'identification des personnes portées

 26   disparues, de l'identification de victimes de grandes catastrophes; et nous

 27   avons également une vaste expérience pour ce qui est de l'identification

 28   des personnes à partir des restes osseux trouvés dans les fosses communes.

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  1   Alors, non seulement pour ce qui nous intéresse, mais nous avons déjà

  2   aidé ce Tribunal, le TPIY, à la suite de la guerre en Bosnie, et nous avons

  3   également une vaste expérience pour ce qui est de l'identification des

  4   victimes de guerre à la suite de la guerre civile espagnole qui, comme vous

  5   savez, a eu lieu entre l'année 1936 et 1939. Là il s'agit d'études beaucoup

  6   plus difficiles et délicates que celles que nous avons faites pour ce

  7   Tribunal-ci.

  8   Et puis, nous travaillons également dans le cadre de la génétique médico-

  9   légale. Je vous l'ai déjà dit. Il s'agit d'analyses d'ADN, l'ADN qui a une

 10   valeur historique ou archéologique, par exemple. Par conséquent, notre

 11   centre a une très, très vaste expérience pour ce qui est de

 12   l'identification génétique des restes osseux.

 13   Q.  Et pour ce qui est des tests d'ADN effectués par votre institut, est-ce

 14   que vous tenez compte des normes industrielles utilisées à l'heure actuelle

 15   ?

 16   R.  Dans le domaine de la génétique médico-légale, il y a un phénomène de

 17   normalisation pour ce qui est des techniques que nous pouvons utiliser. Je

 18   pense aux marqueurs génétiques par exemple, qui peuvent être utilisés pour

 19   identifier les relations de parenté génétique. Nous utilisons des systèmes

 20   qui ont été validés. Nous utilisons également des systèmes qui, d'ailleurs,

 21   sont utilisés par la plupart des laboratoires de la planète.

 22   Ce qui fait que oui, nous utilisons, pour répondre à votre question,

 23   des techniques qui sont normalisées, et nous utilisons également toute une

 24   série de contrôles positifs ou négatifs d'ailleurs qui sont importants pour

 25   présenter la fiabilité des résultats.

 26   Qui plus est, nos scientifiques font l'objet de différents tests

 27   d'aptitude. Je pense, par exemple, aux contrôles effectués par le groupe

 28   portugais et espagnol de l'Institut international de la génétique médico-

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  1   légale. Vous avez également le réseau européen d'instituts des sciences

  2   médico-légales. C'est un réseau européen où l'on retrouve tous ces

  3   instituts.

  4   Q.  Je vous remercie. Monsieur, avez-vous préparé quatre rapports relatifs

  5   à l'identification génétique des restes osseux humains qui ont été exhumés

  6   en 2001 dans un endroit appelé Batajnica en Serbie ?

  7   R.  Oui, tout à fait.

  8   Q.  Non, je m'excuse, je n'ai pas laissé les interprètes terminer. Je crois

  9   comprendre que le dernier de ces rapports porte la date du 17 novembre 2004

 10   et présente une synthèse des résultats des trois rapports précédents ainsi

 11   que quelques informations supplémentaires relatives à d'autres tests que

 12   votre institut a mis au point justement à propos de ces restes; est-ce

 13   exact ?

 14   R.  Oui, tout à fait. Les trois premiers rapports sont des rapports

 15   partiels en ce sens que nous recevions différents échantillons de

 16   référence, et pour chaque échantillon de référence, on compare ou on met en

 17   parallèle avec l'échantillon de la famille de référence. Et puis nous avons

 18   également ce quatrième rapport, qui est un rapport beaucoup plus exhaustif,

 19   qui reprend toutes les conclusions. Et puis nous avons également augmenté

 20   le nombre de marqueurs génétiques, ce qui fait que cela augmente la

 21   fiabilité des résultats. Il faut savoir qu'à l'heure actuelle, l'on a mis

 22   au point des systèmes avec un plus grand nombre de marqueurs qui ont été

 23   inclus dans la dernière étude, ce qui fait que le dernier rapport est un

 24   rapport qui reprend toutes les informations dont nous disposions, bien

 25   entendu. Donc il est beaucoup plus complet.

 26   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit du rapport

 27   de la liste 65 ter 02486, rapport daté du 17 novembre 2004. Je souhaiterais

 28   demander son versement au dossier. Je ne vais pas demander le versement au

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  1   dossier des trois rapports précédents pour les raisons qui ont été avancées

  2   par le témoin, puisque tous ces détails ont été repris dans le quatrième

  3   rapport.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Nous acceptons le versement au

  5   dossier de ce rapport.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P00799, Monsieur le

  7   Président.

  8   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci.

  9   Q.  En juin 2006, avez-vous fourni des réponses à des questions qui vous

 10   ont été envoyées par le bureau du Procureur à propos justement des rapports

 11   que vous aviez préparés et eu égard également à la méthodologie qui a été

 12   utilisée par votre institut pour effectuer ces testes d'ADN ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et en fournissant vos réponses vous avez expliqué certains aspects de

 15   vos rapports ?

 16   R.  Oui. Il s'agit de plusieurs questions relatives à la fonction de notre

 17   institut, qui portaient également sur la compétence des experts qui ont

 18   signé ce rapport, qui portaient également sur les caractéristiques

 19   techniques des analyses, ainsi que sur les moyens de contrôle de qualité

 20   utilisés par les personnes menant les analyses. Il s'agissait également de

 21   la fiabilité des preuves obtenues par rapport aux différents échantillons,

 22   qu'il s'agisse des échantillons des restes osseux ou des échantillons des

 23   familles de référence. Ce sont tous ces aspects qui font l'objet d'une

 24   explication dans ce rapport, ce rapport que nous avons effectivement

 25   transmis en 2006.

 26   Q.  Je vous remercie. Messieurs les Juges, je souhaiterais demander le

 27   versement au dossier de cette pièce de la liste 65 ter 02487.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera fait.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et cette pièce recevra la cote P00800.

  2   Mme KRAVETZ : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez déjà témoigné devant ce Tribunal dans

  4   l'affaire Milutinovic et consorts ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Avez-vous eu la possibilité récemment de consulter le compte rendu de

  7   votre témoignage précédent ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Et après avoir examiné votre déposition, est-ce que vous fourniriez les

 10   mêmes réponses aux questions qui vous ont été posées si elles venaient à

 11   vous être posées à nouveau aujourd'hui ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Je vous remercie.

 14   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

 15   demander le versement au dossier du compte rendu dans l'affaire

 16   Milutinovic. Il s'agit de la pièce 05259 de la liste 65 ter.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et cette pièce devient la pièce P00801,

 19   Monsieur le Président.

 20   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur, je souhaiterais maintenant que nous nous penchions sur votre

 22   quatrième rapport, le rapport de l'année 2004, et j'ai quelques questions à

 23   vous poser à ce sujet. Dans un premier temps, est-ce que vous pourriez nous

 24   expliquer comment se fait-il que vous avez participé à l'analyse de

 25   l'identification génétique des restes osseux qui avaient été exhumés à

 26   Batajnica ?

 27   R.  Ce fut l'anthropologue Jose-Antonio [phon] Baraybar qui a demandé que

 28   notre institut l'aide à procéder à l'identification de restes osseux, entre

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  1   autres, les restes de Batajnica. Je pense que ce fut le premier contact que

  2   nous avons reçu. Il a donc contacté l'institut de toxicologie, et c'est le

  3   directeur de l'institut de Médecine légale de Belgrade qui a envoyé

  4   directement les dix échantillons.

  5   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du nom de ce directeur de l'institut

  6   Médico-légal de Belgrade qui vous a envoyé ces échantillons ?

  7   R.  Oui, le Dr Dusan Dunjic.

  8   Q.  Dans votre rapport, vous indiquez que vous avez reçu 56 échantillons de

  9   l'institut de Belgrade, et à la première page du rapport, ces échantillons

 10   ont été identifiés avec un code, un code BA, ainsi qu'un chiffre. Est-ce

 11   que ce chiffre a été affecté à chacun des échantillons ? Il s'agit de ce

 12   code de référence. Est-ce que c'est votre institut qui l'a fait ou est-ce

 13   que les échantillons sont arrivés avec ces chiffres déjà ?

 14   R.  Non, non, comme vous pouvez le voir sur la photographie. Vous pouvez

 15   voir la photographie des éprouvettes dans lesquelles se trouvait chacun des

 16   échantillons, donc ces codes avaient déjà été attribués à partir de

 17   Belgrade.

 18   Q.  Et comment est-ce que ces échantillons vous étaient envoyés ? Est-ce

 19   que c'est le Pr Dunjic qui s'est rendu lui-même personnellement en Espagne

 20   pour vous amener ces échantillons ? Comment est-ce qu'ils ont été livrés,

 21   ces échantillons ?

 22   R.  Oui, effectivement. Ce fut le Pr Dusan Dunjic qui est venu lui-même

 23   personnellement à l'Institut national de toxicologie.

 24   Q.  Dans votre rapport, vous faites référence au fait que vous avez

 25   également reçu 13 échantillons sanguins. Il s'agit des échantillons

 26   sanguins de familles de référence. Vous les avez reçus de la Commission

 27   internationale des personnes portées disparues pour ce qui est de 11

 28   échantillons, et deux ont été reçus de ce Tribunal. Compte tenu de ce que

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  1   vous aviez reçu de ces différentes institutions, combien d'identifications

  2   positives avez-vous pu effectuer après avoir, bien entendu, fait tous vos

  3   examens à l'institut ?

  4   R.  Il y a un total de 21 identifications qui ont été effectuées, à partir

  5   de trois types de marqueurs d'ADN. Il s'agit des marqueurs autosomiques,

  6   qui permettent de déterminer la lignée à 50 %, donc lignée paternelle ou

  7   lignée maternelle. Il y a également un ADN mitochondrial qui est transmis

  8   uniquement par la mère; et puis nous avons également effectué des analyses

  9   de marqueurs pour le chromosome Y, qui est un chromosome qui est transmis

 10   de père à fils, donc par la lignée paternelle.

 11   Nous avons analysé différents types de parenté. Premièrement, les relations

 12   entre les restes et les échantillons de référence. Il y a certains restes

 13   osseux qui ont pu être identifiés grâce à ces familles de référence, et

 14   nous les avons utilisés pour effectuer des identifications en chaîne. Car

 15   il ne faut pas oublier que dans le -- vous avez ces restes osseux, il y a

 16   des groupes familiaux que l'on trouve parmi ces restes osseux. Il y a, par

 17   exemple, des familles assez nombreuses que l'on trouve parmi ces restes

 18   osseux. Et puis il y a deux types d'identification qui ont été effectués

 19   grâce à l'ADN mitochondrial et grâce à l'analyse du chromosome Y. Et il

 20   faut savoir que lorsque vous avez le chromosome Y et l'analyse de l'ADN

 21   mitochondrial, cela vous permet moins de procéder à une identification de

 22   ces restes, mais cela faisait partie de ce que nous appelons des

 23   identifications liminaires. Il ne s'agissait pas d'identifications

 24   positives, car pour ce qui est des identifications positives, c'est ce qui

 25   est décrit comme identifications confirmées dans le rapport.

 26   Q.  Vous nous dites que vous avez procédé à 21 identifications grâce à

 27   l'utilisation de trois types de marqueurs ADN. Mais qu'en est-il des autres

 28   56 restes que vous avez reçus ? Pourquoi n'avez-vous pas été à même

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  1   d'identifier ces autres restes humains ?

  2   R.  Je dirais, en premier lieu, qu'il y avait ces 56 restes, mais il y

  3   avait 41 profils différents parmi ces 56 restes. Ce qui signifie qu'il y

  4   avait ce qu'on appelle des individus qui se répétaient dans ces restes, en

  5   quelque sorte. Donc la première conclusion du rapport c'est que vous avez

  6   ces 56 restes osseux qui correspondent seulement à 41 personnes. Il y a

  7   donc 10 personnes pour lesquelles il y a des doublons, et deux personnes

  8   pour lesquelles on a trouvé trois restes osseux. Cela nous a permis de

  9   diminuer le chiffre de 56 victimes supposées au chiffre de 41 victimes.

 10   Nous avons eu la possibilité de comparer cela avec 13 échantillons de

 11   référence. Il se peut que le fait que nous n'avons pas identifié certaines

 12   personnes vienne du fait que nous n'avions pas d'échantillons de référence

 13   de famille adéquats. Il se peut qu'il y ait d'autres explications qui

 14   expliquent pourquoi nous n'avons pas pu identifier tout le monde parmi ces

 15   56 restes osseux. De toute façon, nous ne savions pas quel était le travail

 16   préalable qui avait été fait. Je pense au travail préalable

 17   d'anthropologie, par exemple, qui permet l'identification préliminaire de

 18   ces restes osseux, ce qui fait que nous ne pouvons pas savoir pourquoi les

 19   autres restes osseux n'ont pas été identifiés.

 20   Q.  Dans votre rapport, vous faites référence à cette identification et

 21   vous utilisez une expression, "nous ne pouvons pas exclure la possibilité."

 22   Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que cela signifie ?

 23   R.  Oui. Ce que nous disons, c'est que nous ne pouvons pas exclure la

 24   possibilité que tel individu est le père ou la mère, par exemple, de ce

 25   reste, puisque nous avons analysé 15 régions différentes de l'ADN, et pour

 26   chacune de ces régions, on essayait de voir quelle était la compatibilité,

 27   parce qu'il faut qu'il y ait toujours au moins partage d'une des variantes.

 28   Il ne faut pas oublier que ce type d'ADN se transmet de père à fils, donc

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  1   vous avez une composition 50 % pour les gènes maternels et 50 % pour les

  2   gènes paternels. Il y a une variante que l'on reçoit de notre mère et une

  3   variante que l'on reçoit de notre père toujours.

  4   Ce qui fait que nous ne pouvons pas exclure certaines possibilités,

  5   parce que lorsque nous voyons qu'il y a une compatibilité pour chacune des

  6   régions, lorsque l'on voit qu'il y a une compatibilité, on établit une

  7   valoration [phon] statistique pour voir dans quelle mesure l'on pourra

  8   utiliser ce degré de compatibilité. Parce qu'il ne faut pas oublier non

  9   plus qu'il y a l'index de vraisemblabilité [phon], ce que l'on appelle le

 10   LR, le "likelihood ratio" en anglais, et cela doit également être pris en

 11   considération.

 12   Q.  Dans votre rapport, vous expliquez qu'outre la réception de ces restes,

 13   et vous avez également reçu les échantillons sanguins, vous avez reçu deux

 14   arbres généalogiques. Vous avez donc un arbre généalogique reçu du TPIY, où

 15   les liens familiaux sont expliqués entre les échantillons référence et les

 16   victimes du massacre de Suva Reka. Vous avez également reçu un tableau que

 17   vous avez reçu de la Commission internationale des personnes portées

 18   disparues, là encore où l'on établit les liens de famille entre les

 19   échantillons et les victimes du massacre.

 20   Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous avez utilisé ces deux

 21   documents pour procéder à l'identification génétique de ces restes ?

 22   R.  Oui. Ce que nous avons fait pour mener à bien une analyse comparative,

 23   lorsque l'on a les profils génétiques des échantillons de référence et des

 24   échantillons de restes osseux, c'est que nous comparons tous les éléments,

 25   et lorsque l'on a procédé à cette comparaison, on se rend compte qu'il y a

 26   certains pour lesquels on peut retenir la compatibilité génétique. Et

 27   lorsque l'on a déterminé la compatibilité génétique, si vous avez un

 28   échantillon de référence qui fait partie d'un groupe familial, nous voyons

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  1   si cette relation père/fils correspond à l'information théorique, à savoir

  2   à  l'information donnée par l'arbre généalogique.

  3   A partir de ce moment-là, on voit si les éléments obtenus

  4   correspondent aux éléments que l'on trouve dans l'arbre généalogique, et

  5   c'est ainsi que nous procédons. C'est un véritable casse-tête d'ailleurs.

  6   Parce que vous avez la compatibilité génétique père/fils, vous avez la

  7   compatibilité entre les frères, vous avez ces échantillons de référence.

  8   Nous voyons où ces individus se trouvent dans l'arbre généalogique et nous

  9   voyons si nous obtenons cette compatibilité génétique et si la

 10   compatibilité génétique correspond aux liens de parenté que nous pensions

 11   avoir détectés.

 12   Q.  Donc si je vous ai bien compris, vous examinez d'abord la compatibilité

 13   génétique qui prévaut pour l'établissement de l'arbre généalogique sur la

 14   base du document que vous recevez de la Commission chargée des personnes

 15   disparues, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, effectivement, en théorie. Mais en réalité, ceci se fait

 17   automatiquement. Les bases de données sont utilisées pour des comparaisons,

 18   et si l'on observe une compatibilité de 50 % par rapport aux échantillons

 19   de référence, on peut supposer qu'on est en présence d'une relation

 20   père/fils. A ce moment-là, nous prenons l'arbre généalogique et nous

 21   situons la personne à sa place dans l'arbre généalogique.

 22   Q.  Et les noms des victimes que vous avez pu identifier, vous les avez

 23   reçus à partir de l'arbre généalogique, si j'ai bien compris ce que vous

 24   avez dit.

 25   R.  Oui. Dans la majorité des cas, nous obtenons les noms dans les arbres

 26   généalogiques que nous recevons. Nous recevons également des noms attachés

 27   aux échantillons de référence.

 28   Mais j'aimerais apporter une précision, à savoir que la nomenclature

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  1   utilisée pour les noms propres n'est pas toujours la même. Nous avons déjà

  2   formulé un commentaire à ce sujet dans des écritures jointes à l'envoi de

  3   notre rapport. Car dans la majorité des cas, on utilise la nomenclature des

  4   patronymes, avec le prénom du père entre parenthèses et le nom de famille à

  5   la fin, mais ce n'est pas toujours le cas. Il y a des nomenclatures un peu

  6   différentes parfois, où l'on utilise le prénom et le nom de famille. Donc

  7   la nomenclature, la façon de mettre par écrit les noms propres, n'est pas

  8   identique partout. Mais en tout cas, nous mettons sur papier les noms que

  9   nous recevons à titre d'information en provenance des arbres généalogiques.

 10   Nous replaçons les résultats de nos identifications dans l'arbre

 11   généalogique, et ces identifications se font sur la base des échantillons

 12   de référence, bien sûr.

 13   Q.  Je vous remercie.

 14   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, l'arbre généalogique

 15   et le document établi par la Commission chargée des personnes disparues, à

 16   savoir le document 65 ter numéro 02500, je ne vais pas les soumettre au

 17   témoin puisqu'il vient de s'expliquer sur ces deux sujets, mais j'en

 18   demande le versement au dossier.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document se

 21   voit affecter le numéro P00802.

 22   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 23   Q.  Docteur Alonso, j'aimerais maintenant que nous examinions la réponse

 24   que vous avez faite au bureau du Procureur.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Et je demande l'affichage de la page 8 du

 26   document 65 ter numéro 02487 à cet effet.

 27   Q.  Il s'agit du tableau qui est annexé à la réponse envoyée par vous. Vous

 28   répondiez à une question portant sur les profils que vous avez utilisés.

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  1   Vous répondez en disant que, par la suite, vous avez recalculé ces profils

  2   grâce à l'adjonction d'éléments de référence que vous avez obtenus dans la

  3   période récente.

  4   Est-ce que vous voyez le document sur l'écran ?

  5   R.  Oui, j'ai le document devant moi.

  6   Q.  Je vous demanderais d'expliquer les deux dernières colonnes, celles

  7   dont les titres sont LR1 et LR2. Pouvez-vous nous dire quelles sont les

  8   données que l'on trouve dans ces colonnes ?

  9   R.  Oui. Dès lors que l'on a déterminé la compatibilité génétique entre

 10   deux échantillons, nous dénombrons le nombre de fois où en théorie nous

 11   pouvons retrouver cette compatibilité si nous sommes en présence d'une

 12   relation père/fils, mère/fils, père/mère/fils. Evidemment, à ce stade, nous

 13   pensons à une relation parentale qui est un peu due au hasard.

 14   Nous devons établir ces valeurs, et je dirais que dans la majorité

 15   des cas, cette valeur est supérieure à 10 000 dans le cas présent, ce qui

 16   signifie qu'il est 10 000 fois plus probable que nous ayons cette

 17   compatibilité et que l'hypothèse selon laquelle ces personnes auraient un

 18   lien de parenté est 10 000 fois supérieure au fait qu'elle n'ait pas de

 19   lien de parenté.

 20   Ensuite, nous faisons une quantification par rapport à la population

 21   générale, c'est-à-dire quelles sont les chances qu'il n'y ait aucun rapport

 22   génétique entre les restes examinés et la population générale. Nous

 23   effectuons deux calculs différents. Un calcul qui concerne les fréquences

 24   constatées en Europe, puisque c'est le cas qui nous intéresse précisément,

 25   et un deuxième calcul qui concerne les résultats obtenus dans la population

 26   albanaise du Kosovo.

 27   Nous obtenons donc deux indices qui sont un peu différents l'un de

 28   l'autre, mais qui nous donnent finalement le même résultat, puisque dans

Page 4690

  1   les deux cas, il est confirmé que nous avons des chances de compatibilité

  2   supérieures à 10 000. Si nous transformons ces chiffres en probabilité de

  3   rapport de paternité ou de maternité, la valeur de LR égale 10 000

  4   équivaudrait à une probabilité de 99,99 % de présence de rapport parental,

  5   parce qu'un LR égale à mille équivaudrait à 99,999, et ainsi de suite.

  6   Q.  Cette nouvelle utilisation des nouvelles bases de données relatives à

  7   la population albanaise du Kosovo dans votre processus d'identification a-

  8   t-elle eu une influence sur les résultats obtenus par vous en matière

  9   d'identification ?

 10   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je me suis bien

 11   rendue compte que le compte rendu d'audience s'est arrêté il y a quelques

 12   instants, mais j'hésitais à interrompre mon interrogatoire.

 13   Q.  Docteur, pouvez-vous attendre un instant avant de répondre, je vous

 14   prie.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Docteur, je vous explique. Nous devons attendre que le problème

 17   technique qui a affecté le déroulement du compte rendu d'audience Live sur

 18   l'écran soit réglé. Le système fonctionne maintenant, oui. Très bien.

 19   Docteur Alonso, voilà ce que je vous demandais tout à l'heure. Lorsque vous

 20   avez recalculé vos résultats sur la base de cette nouvelle base de données

 21   de la population albanaise du Kosovo, est-ce que ceci a eu une influence

 22   sur l'identification génétique que vous aviez réalisée précédemment après

 23   analyse des restes osseux ?

 24   R.  Non, absolument pas, à savoir que nous parvenons à peu près aux mêmes

 25   valeurs de LR. Ce calcul n'a aucun rapport avec la compatibilité obtenue

 26   précédemment. Ce calcul ne permet que de quantifier la signification de

 27   cette compatibilité. Et dans le cas présent, nous avons obtenu des valeurs

 28   auxquelles nous pouvions nous attendre étant donné le nombre de relations

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  1   de parenté établies comme certaines. Donc je répondrai à votre question en

  2   disant que cela n'a eu aucun effet significatif.

  3   Q.  Je vous remercie. Etant donné votre expérience et votre savoir-faire

  4   dans le domaine des analyses d'ADN, pourriez-vous nous dire si une

  5   identification à l'ADN a été réalisée par votre institut médico-légal et de

  6   toxicologie, et est-ce que cette analyse est fiable ? Je parle bien de

  7   l'analyse ADN des restes reçus par vous dans votre laboratoire. Est-ce que

  8   ces analyses sont, à votre avis, fiables, et à quel degré ?

  9   R.  Le degré de fiabilité correspond à celui qui peut être obtenu par les

 10   méthodes modernes, les méthodes actuelles utilisées dans les laboratoires

 11   médico-légaux, à savoir que nous obtenons des chiffres égaux à plusieurs

 12   millions ou plusieurs dizaines de millions. Pour les coefficients, nous

 13   avons un échantillon de références; nous avons également deux individus qui

 14   pourraient être le père et la mère. Autrement dit, lorsque l'on est en

 15   présence des deux géniteurs et d'un fils, la probabilité attachée aux

 16   valeurs trouvées est beaucoup plus grande. En l'absence d'un des deux

 17   parents, cette valeur diminue. Autrement dit, la fiabilité des analyses

 18   obtenues par nous correspond à ce que l'on pouvait attendre étant donné la

 19   situation réelle, avec une marge d'erreur. Etant donné que le résultat est

 20   égal à 10 ou 20 000, nous avons une probabilité d'existence de paternité

 21   suffisamment importante pour nous permettre de dire que les identifications

 22   sont pratiquement avérées.

 23   Q.  Je vous remercie, Docteur Alonso. Je n'ai plus de questions à vous

 24   poser.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

 26   questions à poser au témoin pour le moment.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Maître Djordjevic.

Page 4692

  1    M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai quelques

  2   questions à poser à ce témoin.

  3   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Alonso. Je m'appelle Dragoljub

  5   Djordjevic, et je suis le conseil de la Défense de l'accusé Vlastimir

  6   Djordjevic. Je n'en aurai pas pour longtemps, mais j'ai tout de même

  7   quelques questions à vous poser pour vous demander de préciser un certain

  8   nombre d'éléments qui ressortent de votre analyse très détaillée.

  9   Vous avez répondu à ma collègue de l'Accusation ce matin lorsqu'elle vous a

 10   interrogé au sujet des 56 corps qui ont fait l'objet des identifications

 11   demandées par le Dr Dunjic à Belgrade. Nous ne savons pas pourquoi les

 12   restes humains n'ont pas été identifiés, et ceci peut être interprété de

 13   diverses manières. Est-ce que cette absence d'identification est due aux

 14   échantillons concrets ou est-ce que vous pensiez que les 56 corps auraient

 15   dû être en nombre plus importants ? Est-ce que vous pensez qu'en dehors de

 16   ces 56 cadavres, il y en avait plus à Batajnica ? C'est cela que je vous

 17   demande.

 18   R.  Non. Nous nous sommes fondés sur 56 éléments, 56 individus; 56

 19   échantillons de restes osseux dont chacun était enfermé dans un récipient

 20   scellé, et nous ne savions pas à qui appartenaient ces restes osseux. Sur

 21   ces 56 échantillons, nous avons procédé à une première analyse et nous

 22   avons trouvé 41 profils génétiques. Cela signifie pour nous que sur les 56

 23   échantillons, nous sommes en présence de 41 individus. Voilà ce que peut

 24   nous dire l'analyse génétique.

 25   Mais nous ne tenons pas compte du nombre de victimes que l'on

 26   recherche. Nous ne tenons pas compte non plus des résultats d'analyses

 27   préliminaires réalisées par les anthropologues au moment de l'exhumation à

 28   Batajnica, qui donnent tout de même une idée du nombre éventuel de

Page 4693

  1   victimes.

  2   Pour ce qui nous concerne, nous recevons un certain nombre d'éléments

  3   qui constituent une série assez longue la plupart du temps, suite, dans la

  4   plupart des cas, à une analyse anthropologique qui permet d'obtenir une

  5   certaine idée du nombre final qui sera obtenu.

  6   Donc pour ce qui nous concerne, 56 échantillons et 41 individus.

  7   J'espère avoir bien répondu à votre question.

  8   Q.  Absolument. Alors est-ce que cela signifie que les 56 échantillons de

  9   restes osseux que vous avez reçus, chacun de ces échantillons avait un

 10   numéro de référence avant de vous être renvoyés, je suppose ? Est-ce bien

 11   le cas ?

 12   R.  Oui, effectivement.

 13   Q.  De ma question précédente découle ma question actuelle. Au moment où

 14   ces restes osseux sont arrivés dans votre laboratoire, je suppose que le Dr

 15   Dunjic, médecin légiste de Belgrade, et M. Fulton, représentant le TPIY,

 16   étaient présents. Je suppose que ce sont eux qui ont transporté ces

 17   échantillons, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Le Dr Dunjic, votre collègue, vous a-t-il fait savoir étant partie de

 20   l'hypothèse que chacun de ces échantillons appartenait à une personne

 21   distincte ?

 22   R.  Je ne suis pas en mesure de me rappeler exactement ce que m'a dit le Dr

 23   Dunjic. La seule chose qui nous était demandée était de procéder à

 24   l'analyse génétique de ces restes humains. Je ne sais pas si la supposition

 25   selon laquelle chacun de ces échantillons provenait d'un individu distinct

 26   a été formulée en mots devant moi. Ça, je ne saurais vous apporter une

 27   réponse précise sur ce point.

 28   Q.  Cela signifie-t-il que parmi ces 56 échantillons de restes humains vous

Page 4694

  1   avez trouvé à plusieurs reprises la même séquence ADN sur plusieurs

  2   échantillons ?

  3   R.  Effectivement. Il y avait dix individus qui étaient associés à deux

  4   restes osseux, et trois individus, si je ne me trompe, qui étaient associés

  5   à trois restes osseux. Pour le reste, les échantillons correspondaient

  6   chacun à un individu distinct.

  7   Q.  Etant donné qu'on vous a apporté 56 restes osseux enregistrés avec un

  8   numéro de référence, vous avez dit qu'il s'agissait surtout d'os longs,

  9   n'est-ce pas, conviendrez-vous avec moi que le Dr Dunjic, lorsqu'il vous a

 10   apporté ces échantillons différents avec des numéros de référence

 11   différents, partait de la supposition que chacun de ces échantillons

 12   correspondait à une personne différente ? Est-ce que sur ce point, vous

 13   pouvez vous dire d'accord avec moi ?

 14   R.  Il peut en être ainsi, mais il peut arriver aussi selon les

 15   circonstances, notamment les conditions dans lesquelles les restes osseux

 16   ont été récupérés, du fait que l'on est en présence de squelettes complets

 17   ou pas. Il est très courant qu'un doute puisse prévaloir au sujet d'un

 18   certain nombre de ces restes osseux, et c'est d'ailleurs pourquoi existent

 19   les diverses techniques qui nous permettent d'analyser plus en profondeur

 20   la situation.

 21   Il arrive parfois que l'on applique plusieurs techniques, plusieurs

 22   analyses différentes, précisément en raison de l'existence d'un tel doute.

 23   Cela dépend beaucoup du type de restes que l'on trouve, est-ce que c'est un

 24   reste osseux isolé ou est-ce que c'est un squelette complet. Cela déjà

 25   détermine le niveau de difficulté de l'analyse.

 26   Et puis, il peut y avoir d'autres éléments à prendre en compte, soit

 27   l'absence d'identification, soit l'existence d'un doute quant au fait que

 28   plusieurs restes osseux peuvent appartenir ou non à la même personne. Tout

Page 4695

  1   cela modifie un peu la situation du point de vue de l'analyse.

  2   Q.  Voici ma question suivante : lorsque vous avez reçu ces éléments, est-

  3   ce que vous avez reçu associé à chaque échantillon un document qui

  4   permettait de savoir à quel endroit, selon quelle technique et pour quelle

  5   raison les restes osseux qui vous étaient envoyés pour analyse avaient été

  6   exhumés ? Est-ce que vous aviez des informations à ce sujet au moment où

  7   vous vous êtes lancés dans vos analyses ?

  8   R.  Nous ne connaissions aucun autre détail que le lieu d'où provenaient

  9   ces restes osseux, à savoir Batajnica, et nous avions un tableau reprenant

 10   les éventuels résultats anthropologiques. Mais c'était un tableau très

 11   grossi. Autrement dit, la signification de ce tableau ne permettait de

 12   savoir qu'une chose, à savoir quel reste osseux appartenait à une femme,

 13   quel reste osseux appartenait à un homme, et dans le cas de victimes

 14   jeunes, l'âge probable de ces enfants.

 15   Je pense que ces analyses anthropologiques sont des analyses qui ne

 16   servent que d'orientation générale. Ce ne sont pas des analyses aussi

 17   fiables que celles obtenues grâce à une analyse génétique. Les analyses

 18   anthropologiques ne peuvent nous donner qu'une tranche d'âge, et puis une

 19   probabilité quant au sexe de la personne à qui le reste osseux appartenait.

 20   Voilà donc les renseignements que nous avons obtenus de Batajnica, et

 21   nous avons reçu un petit tableau qui résumait l'éventuelle répartition

 22   entre homme, femme et enfant, et l'âge approximatif.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djordjevic, je suis

 24   absolument désolé, mais comme nous l'avons indiqué hier, nous sommes dans

 25   l'obligation à présent de lever l'audience.

 26   Docteur Alonso, je crains de devoir vous dire qu'il va nous falloir

 27   interrompre l'audience pendant un certain temps en raison d'une cérémonie

 28   extraordinaire à laquelle les Juges sont tenus d'assister.

Page 4696

  1   Nous devrions pouvoir reprendre nos débats à 10 heures 30, mais tout

  2   dépendra, bien sûr, de la longueur de la cérémonie en question. Donc,

  3   Docteur, je vous présente mes excuses pour cette interruption, mais nous

  4   allons suspendre maintenant et reprendre nos débats à 10 heures 30, et même

  5   éventuellement une autre heure si cela s'avère nécessaire.

  6   --- L'audience est suspendue à 9 heures 53.

  7   --- L'audience est reprise à 10 heures 32.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y Monsieur Djordjevic.

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Monsieur, je poursuis sur le même sujet. Ce qui m'intéresse c'est de

 11   savoir si vous auriez été aidé si l'on vous avait fourni des rapports

 12   complets des anthropologistes de la médecine légale et des spécialistes de

 13   la médecine légale quand il s'agit des restes humains que vous avez reçus,

 14   ceux qu'il s'agissait d'identifier ?

 15   R.  Bien, nous avons commencé à partir des situations aveugles, comme on

 16   dit, donc on ne savait pas à qui ils appartenaient. C'est pour cela que

 17   nous n'avions pas besoin d'avoir des informations préalables. Nous avons

 18   reçu les profils génétiques, nous les avons comparés. Ce qui aurait pu être

 19   intéressant en revanche, pour augmenter le pourcentage de différentiation,

 20   c'était d'avoir plus d'échantillons génétiques des différents membres de

 21   famille. Mais dans ces cas d'espèce, quand on travaille de la façon dont on

 22   a travaillé, on avance à l'aveugle, en tâtonnant. On évalue les

 23   comptabilités, on obtient les profils, et ensuite on les compare avec les

 24   références. Nous allons aussi vérifier les arbres généalogiques, et ensuite

 25   on essaie de trouver les liens de parenté en faisant toutes ces

 26   comparaisons.

 27   Donc ce que nous essayons, c'est de faire une analyse SIV [phon]. En ce qui

 28   concerne les évaluations combinées, et ce n'est pas seulement dans ce

Page 4697

  1   domaine que c'est quelque chose qui se produit, quand par exemple vous

  2   essayez d'identifier le nombre de personnes péries dans de grandes

  3   catastrophes naturelles. C'est toujours bien d'intégrer les informations

  4   différentes, d'avoir, par exemple, les échantillons des dents et d'autres

  5   tissus pour pouvoir procéder à des analyses. Ici on n'avait que des restes

  6   osseux, et c'est vrai que si on avait eu plus, cela aurait été utile.

  7   Q.  En ce qui concerne le travail que vous avez fait pour le bureau du

  8   Procureur, les premiers contacts que vous avez eus étaient les contacts

  9   avec l'anthropologiste en médecine légale, M. Jose-Pablo Baraybar ?

 10   R.  Oui. C'est lui qui est entré en contact avec l'Institut national de

 11   toxicologie, et il nous a demandé de procéder à ces analyses.

 12   Q.  Avec qui avez-vous convenu que tout ceci soit acheminé à Madrid ? Parce

 13   que vous avez dit que M. Dusan Dunjic, qui est le directeur de la médecine

 14   légale de Belgrade, est venu, ainsi que M. Fulton, qui à l'époque

 15   travaillait pour le bureau du Procureur. Mais qui a convenu de cette venue

 16   à Madrid avec votre institut ?

 17   R.  Je ne dispose pas de ces informations. Le Pr Dunjic, aussi bien que M.

 18   William Fulton, sont venus à l'institut avec leurs échantillons, et à

 19   partir du moment où l'anthropologiste nous a dit que les analyses ont été

 20   faites, ils nous ont dit qu'ils ont essayé de trouver un laboratoire de

 21   renommée pour procéder à ces identifications et qu'ils avaient besoin de

 22   notre savoir-faire. Ceci a eu lieu en 2002. A l'époque, il n'y avait pas

 23   beaucoup de laboratoires disposant de l'expérience nécessaire pour procéder

 24   aux analyses des restes osseux.

 25   Donc ils sont entrés tous les deux en contact avec le Pr Baraybar et

 26   ils sont venus à l'institut. On a convenu de la date de la visite, et

 27   ensuite ils sont venus munis des échantillons.

 28   Q.  Vu qu'à l'époque en Serbie il n'y avait pas de laboratoire capable

Page 4698

  1   d'effectuer les analyses que vous pouviez faire dans votre institut, est-ce

  2   qu'il existait des accords préliminaires avec, par exemple, le Dr Dunjic,

  3   quant aux échantillons qu'il fallait amener, à la façon dont il fallait les

  4   faire venir et de la façon dont il fallait les marquer, ou est-ce que vous

  5   avez improvisé tout cela ?

  6   R.  En réalité, je ne me souviens pas précisément si nous avons eu de

  7   contact du tout avec le Dr Dunjic avant de recevoir les échantillons.

  8   Cependant, les échantillons que nous avons reçus, à en juger de la façon

  9   dont ils ont été présentés et envoyés, tout cela a été fait suivant un

 10   protocole en vigueur concernant des éléments de preuve. Rien n'a été

 11   improvisé là, vraiment, dans toute cette procédure.

 12   Q.  A plusieurs reprises dans vos rapports vous avez parlé de

 13   "contamination." Pourriez-vous nous expliquer ce terme, quand vous parlez

 14   de la contamination des échantillons ?

 15   R.  Dans la plupart des échantillons de restes osseux que nous avons

 16   analysés, il s'agissait toujours des toutes petites quantités de l'ADN, qui

 17   étaient si petites qu'il pouvait y en avoir moins que, par exemple, une

 18   goutte de salive. C'est pour cela que nous étions obligés d'élaborer des

 19   mesures particulières pour éviter la contamination, en faisant attention de

 20   l'éviter, en tout cas pour vérifier s'il y a eu ou non la contamination.

 21   Avant d'analyser et extraire l'ADN, on essayait de nettoyer l'échantillon

 22   de tout élément extérieur, nous faisions exactement la même chose avec la

 23   moelle osseuse, pour essayer de nettoyer, de cristalliser la matière la

 24   plus pure possible. On le faisait avec les rayons UV, avec des mesures de

 25   sécurité adéquates pour éviter aussi la contamination de la part de la

 26   personne qui manipule les échantillons.

 27   Ils portaient des vêtements spéciaux, et cetera, pour procéder à ces

 28   analyses. Ce que nous faisons aussi, c'est les vérifications négatives

Page 4699

  1   quand il s'agit de la destruction de l'ADN.

  2   Nous le faisons parce que la quantité de l'ADN est très petite. Nous

  3   possédons une certaine technologie, un savoir-faire, pour arriver à obtenir

  4   ces profils, c'est une réaction en chaîne polymérase. On essaye, en faisant

  5   cela, de procéder aux analyses. Si une contamination a lieu, elle va

  6   s'étendre sur la totalité des échantillons. C'est pour cela qu'on essaie

  7   d'éviter cette contamination à tout prix.

  8   C'est pour cela qu'on a quantifié l'ADN. Tous les tests négatifs ont

  9   été négatifs. Tous les échantillons que nous avons obtenus étaient

 10   supérieurs à ce dont on a vraiment besoin, conformément aux normes en

 11   vigueur dans la technologie d'aujourd'hui.

 12   Q.  Est-ce que vous avez extrait l'ADN d'un tissu compact, osseux ou des

 13   dents, par exemple, à partir du moment où ces échantillons vous ont été

 14   délivrés ?

 15   Est-ce qu'il y avait des signes de contamination qui pouvaient dater

 16   du temps d'avant qu'ils n'arrivent chez vous ? Est-ce que vous avez pu

 17   apercevoir des signes de destruction naturelle ou altération qui pourraient

 18   éventuellement avoir un impact sur l'identification des échantillons ?

 19   R.  En ce qui concerne le premier volet de votre question, nous avons

 20   extrait l'ADN des tissus durs. Nous n'avions pas de tissus dentaires, et

 21   c'est les meilleurs tissus que vous pouvez avoir pour extraire un

 22   échantillon de l'ADN. Mais en même temps, je peux vous confirmer qu'il

 23   s'agit là des tissus durs.

 24   Même quand on parle des contaminations que nous avons pu constater,

 25   ce sont les contaminations habituelles. Il s'agit des restes osseux qui ont

 26   déjà commencé à être détruits, et il y a toujours eu cette contamination

 27   bactérienne. Cela étant dit, cela n'a pas agi sur l'analyse qu'on a pu

 28   faire de ces échantillons, l'ADN en définitive, puisqu'il n'y a pas eu de

Page 4700

  1   signes extérieurs de destruction des échantillons ou de manipulation de ces

  2   échantillons préalable.

  3   Q.  Très bien. Les rapports d'autopsie que nous avons reçus en l'espèce, en

  4   analysant l'espèce, je ne sais pas quels sont ceux que vous avez pu

  5   examiner, mais on parle, par exemple, de l'activité de feu sur les cadavres

  6   trouvés dans la fosse de Batajnica. Et puisque j'ai appris de la part de

  7   mon collègue, qui est aussi expert dans ce domaine, que l'incendie peut

  8   détruire toute trace de l'ADN, j'ai voulu savoir si vous, dans les

  9   échantillons que vous avez analysés, si vous avez pu constater des

 10   échantillons où il n'y avait plus de trace d'ADN, où ces traces avaient été

 11   donc détruites par incendie.

 12   R.  Non. Dans aucun cas, en ce qui concerne les échantillons que nous avons

 13   reçus, donc des restes osseux, il n'a été constaté qu'ils avaient été

 14   brûlés auparavant. Je n'ai aucune connaissance au sujet de ces rapports

 15   d'autopsie. Mais même quand un corps a été brûlé, il faut évaluer le degré

 16   de la brûlure parce que c'est en fonction de ce degré qu'il va être

 17   possible ou non d'extraire un échantillon ADN de ces restes osseux. Alors

 18   que là, il s'agissait de tissus fermes ayant une couleur caractéristique

 19   correspondant aux tissus osseux, et il n'y avait aucune indication qu'il y

 20   a eu brûlure de ces tissus.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Maintenant je voudrais demander que l'on

 22   montre la pièce D003-0379.

 23   Q.  Ici, on voit votre déclaration préalable en date du 15 novembre 2006.

 24   Dites-moi, est-ce bien la déclaration préalable que vous avez fournie et

 25   signée ? Est-ce que vous vous souvenez de cela ? Est-ce que vous

 26   reconnaissez cela ?

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vais demander que l'on montre aussi la

 28   première page au témoin. Donc là, on voit la déclaration en anglais.

Page 4701

  1   Q.  Je vais vous aider, Monsieur. Il s'agit là de votre déclaration où vous

  2   avez parlé de Batajnica, mais vous y avez aussi parlé de la location de

  3   Glodjane. Est-ce que vous vous en souvenez ? Est-ce que vous vous souvenez

  4   de cela ?

  5   R.  Oui. C'est ma signature effectivement. Je pense que je me souviens que

  6   les questions posées au cours de l'entretien portaient sur une autre série

  7   d'échantillons de Batajnica qui nous ont été apportés par le Pr Dunjic, qui

  8   ne présentaient pas les mêmes caractéristiques, à savoir il n'a pas été

  9   possible de procéder à l'identification. Vu l'état des restes humains des

 10   échantillons, il n'a pas été possible de procéder au test de l'ADN. On

 11   garde toujours ces échantillons. Je pense que c'est quelque chose qui est

 12   pertinent en l'espèce.

 13   Q.  Il est important de savoir de quelle façon on a fait l'enquête sur les

 14   crimes perpétrés au Kosovo. Je voudrais savoir si, au moment où le Dr

 15   Dunjic a apporté les restes des corps trouvés à Glodjane au Kosovo, est-ce

 16   qu'à ce moment-là M. Dunjic était accompagné par M. Fulton, William Fulton

 17   ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Dites-moi, au bout de combien de temps vous avez pu constater, vous

 20   personnellement, que les restes de Glodjane étaient contaminés au point où

 21   il serait impossible de procéder à une quelconque analyse de l'ADN par

 22   rapport à ces échantillons ?

 23   R.  A aucun moment, n'avons nous dit qu'ils étaient contaminés au point où

 24   il n'était pas possible d'effectuer une analyse ADN. Nous avons dit que ces

 25   échantillons n'étaient pas les plus adéquats parce qu'il ne s'agissait pas

 26   là de tissus durs. Ce n'était pas des os, mais des tissus mous, et parfois

 27   ils étaient complètement décomposés.

 28   Et certains échantillons n'étaient pas correctement identifiés, pas de

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  1   façon très fiable. Certaines références se chevauchaient, il y avait des

  2   doublons, parfois cela ne correspondait pas. Donc nous avons gardé ces

  3   échantillons et nous les avons donnés aux enquêteurs du Tribunal.

  4   Ce qui ne veut pas dire qu'il est impossible d'extraire l'ADN de ces

  5   échantillons. Ce que j'ai dit, c'est que les échantillons ADN obtenus à

  6   partir de ces échantillons vont être en mauvais état et que donc il serait

  7   difficile de procéder aux tests. Parfois, à cause de ce degré très avancé

  8   de décomposition, il n'est pas possible, avec les tissus mous, à obtenir

  9   toutes ces informations, pas aussi bien qu'avec les tissus durs.

 10   Q.  Excusez-moi, je ne vous ai pas très bien compris, mais vous

 11   savez, je ne suis pas un spécialiste en la matière. C'est pour cela que

 12   vous êtes là d'ailleurs. Donc c'était moi qui ai mal compris.

 13   Au point 6 de votre déclaration, vous dites que vous avez reçu ces

 14   échantillons de Batajnica pour établir l'identité et les liens de parenté

 15   entre les victimes, les individus dont vous avez reçu les échantillons ADN,

 16   et vous dites que vous n'avez pas reçu de détails. Quels sont ces détails

 17   que vous évoquez ? Est-ce qu'il s'agit des détails portant sur l'identité

 18   probable des victimes, ou l'identité de la famille la plus proche, ou autre

 19   chose ? Pourriez-vous me dire à quoi vous faites référence ?

 20   R.  Au moment où nous avons reçu ces restes osseux, tout ce que nous

 21   savions, c'était que c'étaient les restes osseux qui découlent d'une fosse

 22   commune et qu'il s'agissait de procéder à l'analyse génétique de ces

 23   restes, qu'il y avait des doutes qu'il s'agissait là peut-être de victimes.

 24   Nous avons reçu aussi des échantillons de référence pour déterminer

 25   l'identité de ces échantillons. Ce sont toutes les informations que nous

 26   avons reçues à l'époque, à savoir un certain nombre d'échantillons. Nous

 27   les avons référencés et nous avons reçu la demande de procéder à l'analyse

 28   ADN pour établir l'identité en faisant la comparaison avec les échantillons

Page 4703

  1   des références qui devaient arriver plus tard. Ce sont les informations

  2   dont nous disposions à l'époque.

  3   Q.  Maintenant c'est plus clair aussi. Au niveau du paragraphe 10 de votre

  4   déclaration préalable, et je pense que là, il s'agit déjà de la page 3,

  5   vous dites que vous n'avez analysé que les échantillons de Batajnica. Mais

  6   vous avez cependant reçu aussi les échantillons de Glodjane. Alors dites-

  7   moi, comment et pourquoi avez-vous été surpris ? Pourquoi n'avez-vous

  8   analysé que ces échantillons de Batajnica et pas ceux de Glodjane ? Comment

  9   se fait-il que les échantillons de Glodjane sont arrivés par la suite ?

 10   Est-ce que vous avez une explication par rapport à cela ?

 11   R.  Nous avons été surpris parce qu'on s'attendait à recevoir des

 12   échantillons précis, concrets, de Batajnica; et ensuite, on a reçu une

 13   autre série d'échantillons. Au niveau de l'institut, on a pris des photos

 14   de ces échantillons. On les a gardés aussi de la façon appropriée, et le

 15   Tribunal peut les analyser éventuellement. Comme je l'ai déjà dit dans ce

 16   rapport, nous avons déjà informé le Tribunal de cela.

 17   Donc notre institut s'attendait à recevoir certains échantillons,

 18   mais ensuite nous en avons reçu d'autres aussi qui s'ajoutaient aux

 19   premiers.

 20   Q.  C'est justement ça qui m'intéressait. Quand vous vous êtes mis d'accord

 21   sur le travail qu'il vous appartenait à faire, j'imagine que la lettre de

 22   mission ou la discussion entre votre institut et le Procureur de ce

 23   Tribunal a indiqué que vous alliez recevoir certains échantillons. Est-ce

 24   que vous vous souvenez de la façon dont ces négociations se sont faites ou

 25   vous ne vous en souvenez-vous pas ? Parce que je ne comprends pas pourquoi

 26   vous a-t-on apporté les échantillons de Glodjane en présence, de surcroît,

 27   de M. William Fulton qui travaille pour ce Tribunal ?

 28   R.  Je ne me souviens pas exactement de la façon dont ces négociations se

Page 4704

  1   sont faites. Toujours est-il que nous avions défini entre nous, M. Dunjic

  2   et M. Fulton, et que nous devions recevoir des échantillons de Batajnica,

  3   et nous nous attendions à les recevoir. En ce qui concerne les autres

  4   échantillons, on ne savait même pas qu'on devait les recevoir. On était

  5   surpris en les recevant. On a compris qu'il fallait les garder. Mais moi,

  6   j'ai déjà dit qu'il s'agissait là des échantillons qui présentaient un

  7   degré assez avancé de décomposition. Donc on peut les garder, pendant des

  8   années, congelés, si jamais le Tribunal nous demande à procéder aux

  9   analyses de ces échantillons.

 10   Nous avons fourni toutes les explications nécessaires, et je pense

 11   que la Commission internationale pour les personnes portées disparues a,

 12   par la suite, effectivement analysé ces explications.

 13   Q.  Voilà ce que j'aimerais savoir à propos des résultats: pour votre

 14   analyse, est-ce que vous avez reçu une ordonnance du TPIY pour ce qui était

 15   des restes de Batajnica ? En d'autres termes, est-ce qu'il y a eu une

 16   ordonnance du Tribunal vous demandant d'analyser ces restes ?

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous reçu l'interprétation de la

 18   question ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je n'ai pas entendu. Je n'ai pas

 20   entendu l'interprétation de la toute dernière question.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Alors, puis-je demander aux interprètes

 22   s'ils souhaitent que je répète la question ?

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les interprètes vous ont demandé de

 24   répéter la question, Maître Djordjevic.

 25   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Pour ce qui est des échantillons osseux de référence qui viennent de

 27   Batajnica, est-ce que vous avez reçu une ordonnance de la Cour vous

 28   demandant d'effectuer l'analyse de ces échantillons, et ce, en utilisant

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  1   des normes de meilleure qualité qui sont utilisées par votre institut ?

  2   R.  Je ne sais pas si je pourrais parler d'une ordonnance, mais je dirais

  3   que le Tribunal a montré un certain intérêt. Il y a eu un échange de

  4   correspondance à propos de l'analyse de ces restes. Il faut savoir qu'il y

  5   a eu les deux échantillons de référence qui ont été envoyés par le TPIY, et

  6   puis le Tribunal a manifesté son intérêt. Le Tribunal a également envoyé

  7   l'arbre généalogique. Et puis il faut savoir que le Tribunal nous a

  8   également demandé un exemplaire de nos analyses. Il y avait l'intérêt qui

  9   était manifesté par le Pr Dunjic, par Belgrade, et puis il y avait

 10   également l'intérêt manifesté par le TPIY.

 11   Donc il y a eu des demandes. Il y a eu toute une série de

 12   correspondance qui montre très clairement l'intérêt du TPIY. Ils ont envoyé

 13   les échantillons de référence. Ils ont envoyé les arbres généalogiques, des

 14   renseignements supplémentaires, et tout cela, pour que nous effectuions nos

 15   recherches et nos analyses. Donc cela montre très clairement qu'il y avait

 16   un intérêt, effectivement.

 17   Q.  Est-ce que le Dr Dunjic vous a jamais envoyé des échantillons de

 18   référence pour les restes de Glodjane ? Est-ce qu'il vous a envoyé les

 19   arbres généalogiques également, et est-ce qu'il vous a envoyé les

 20   échantillons des membres proches de la famille, des proches des familles

 21   dont les restes ont été trouvés à Glodjane, puisqu'il y avait certains

 22   échantillons qui sont restés à votre institut ?

 23   R.  Non, non, jamais. Il n'y a pas eu d'information sur les arbres

 24   généalogiques. Il n'y a pas eu d'information non plus à propos des membres

 25   éventuels des familles des victimes.

 26   Q.  Est-ce que ce Tribunal a jamais manifesté un intérêt pour les restes de

 27   Glodjane qui vous ont été envoyés par M. Dunjic et M. Fulton ?

 28   R.  Oui. Il y a un représentant du bureau du Procureur qui, à un moment

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  1   donné, nous a demandé ce qu'il en était de ces restes, et il nous a demandé

  2   des informations. Ils nous ont demandé si une analyse pouvait être

  3   effectuée. Nous leur avons fourni les renseignements à propos de ces

  4   échantillons, il s'agissait d'échantillons osseux qui présentaient beaucoup

  5   de problèmes, et nous avons indiqué qu'une analyse devrait être effectuée

  6   par un laboratoire qui aurait une expérience approfondie de ce type

  7   d'analyse puisqu'il s'agissait d'échantillons sur lesquels il était

  8   particulièrement difficile de travailler. Nous avons d'ailleurs même

  9   suggéré qu'une commission internationale devrait se charger de cela.

 10   Q.  Est-ce qu'il s'agissait de M. Fernando Triana, et je pense au nom du

 11   représentant du Tribunal ? Est-ce qu'il s'agissait de cette personne ?

 12   R.  Je pense qu'il s'agissait du Procureur espagnol qui nous appelait par

 13   téléphone, et il nous a manifesté son intérêt par téléphone pour ces

 14   échantillons. Je ne peux pas vous l'assurer de façon absolue, mais je pense

 15   qu'il s'agissait de cette personne. Je pense que c'est le nom que vous avez

 16   évoqué.

 17   Q.  Merci, Monsieur. J'aimerais vous poser une autre question à propos des

 18   restes de Glodjane : au paragraphe 22 de votre déclaration, vous dites que

 19   la même année où M. Triana vous a contacté, à savoir, il s'agissait du mois

 20   de mars 2006, un enquêteur de ce Tribunal, M. Harjit Sandhu, est également

 21   venu personnellement à Madrid et qu'il s'agissait de M. Sandhu. Vous avez

 22   déclaré lui avoir remis les échantillons de référence de Glodjane et vous

 23   avez dit qu'il les avait pris. Est-ce que je vous ai bien compris à ce

 24   sujet ? Est-ce que vous pourriez préciser cela ? Il s'agit des paragraphes

 25   22 et 23 de votre déclaration.

 26   R.  Il ne s'agit pas des échantillons de référence, mais il s'agit des

 27   échantillons des restes osseux. C'étaient les seuls échantillons dont nous

 28   disposions. Ils ont été remis avec tous les documents de conservation. Ils

Page 4707

  1   ont été remis à cet enquêteur du Tribunal, M. Harjit Sandhu.

  2   Q.  A la suite de cela, M. Patrick Lopez-Terres a pris contact avec vous et

  3   il vous a posé des questions, après ces échantillons, alors qu'ils avaient

  4   déjà quitté votre institut. De quoi s'agissait-il ? Qu'en était-il, et pour

  5   qui travaillait M. Patrick Lopez-Terres ? Cela d'ailleurs est une référence

  6   au paragraphe 23 de votre déclaration.

  7   R.  Ecoutez, je ne sais plus pour qui il travaillait. Je suppose qu'il

  8   travaillait pour le Tribunal.

  9   Il y a eu toute une demande de précision, parce qu'à un moment donné,

 10   lorsque nous fournissons des explications techniques à des personnes qui ne

 11   sont pas expertes, cela peut donner suite à toute une confusion, parce que

 12   parfois il y a quelques problèmes de compréhension. Si vous voyez qu'il y a

 13   un phénomène de contamination, de contamination bactérienne j'entends, vous

 14   savez que vous n'allez pas pouvoir mener à bien votre analyse. Donc il faut

 15   essayer d'expliquer cela. De toute façon, tant que nous n'avions pas

 16   effectué les analyses, on ne pouvait pas garantir que l'on allait obtenir

 17   cet ADN humain. Mais parfois, il est très difficile d'obtenir ce qu'on

 18   appelle l'ADN nucléaire, qui est très sensible en fait. Il est très

 19   difficile de l'obtenir. Mais dans certains cas, on peut obtenir ce qu'on

 20   appelle l'ADN mitochondrial, parce que c'est un ADN qui résiste beaucoup

 21   mieux à ce type de situation. Je pense à la contamination des échantillons

 22   que nous avions. Il s'agissait d'explications très techniques, avec les

 23   documents qui portaient sur les échantillons.

 24   Q.  Je vous remercie. Vous répondez à mes questions aujourd'hui, et il y a

 25   dix minutes environ, vous avez dit que lorsque vous avez remis les restes

 26   mortels de Glodjane à l'enquêteur du Tribunal, vous leur avez indiqué qu'il

 27   serait plus judicieux que ces restes soient analysés étant donné qu'il ne

 28   s'agissait pas d'os, mais qu'il s'agissait de tissus mous, vous leur avez

Page 4708

  1   dit, disais-je, qu'il serait plus judicieux qu'ils soient analysés dans un

  2   autre endroit. A quel institut scientifique pensiez-vous lorsque vous leur

  3   avez fourni ce conseil ?

  4   R.  J'ai déjà répondu à cette question. Il s'agit des laboratoires de la

  5   Commission internationale pour les personnes portées disparues.

  6   Q.  Merci. Il se peut que je n'avais pas compris. Mais j'aimerais vous

  7   poser une autre question : est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de ces

  8   restes ? Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de ces restes une fois

  9   que vous les avez remis au représentant du Tribunal ?

 10   R.  Non, je n'ai pas été informé officiellement du sort qui a été réservé à

 11   ces restes, mais je suis collègue de certains, du Dr Thomas Parsons, par

 12   exemple, qui travaille pour la Commission internationale pour les personnes

 13   portées disparues, et je pense d'ailleurs que ces restes ont été analysés

 14   par leur laboratoire, mais comme je l'ai déjà dit, je n'en ai pas été

 15   informé officiellement.

 16   Q.  Merci. Monsieur Alonso, si nous prenons en considération le fait que

 17   les échantillons de référence ont été prélevés sur les membres de la

 18   famille, j'aimerais savoir quelle est la pertinence de cette procédure pour

 19   la tâche que vous avez menée à bien ?

 20   R.  Je n'ai pas compris votre question, Maître.

 21   Q.  Les échantillons de référence ont été prélevés sur les membres des

 22   familles dont on présumait qu'il s'agissait des membres de la même famille.

 23   Il y avait donc des liens de parenté entre ces personnes, c'est ce que l'on

 24   supposait, et les personnes qui ont été tuées, qu'il s'agisse d'ailleurs de

 25   ce lieu-là ou d'autres endroits où il y a des catastrophes. Alors

 26   j'aimerais savoir dans quelle mesure est-ce que la méthode de prélèvement

 27   est importante pour l'ensemble de l'analyse que vous souhaitez mener à bien

 28   ?

Page 4709

  1   R.  Il y a deux aspects qui sont importants lorsque l'on fait un

  2   prélèvement. La conservation de l'échantillon biologique pour pouvoir

  3   analyser l'ADN. En règle générale, il s'agit d'échantillons sanguins que

  4   l'on met sur un papier filtre, et il faut qu'il y ait une quantité

  5   suffisante pour pouvoir extraire l'ADN de façon fiable et pour pouvoir

  6   justement répéter les analyses. Donc la première garantie, c'est la

  7   conservation.

  8   Puis deuxièmement, il s'agit de l'identification de la personne en

  9   question, puis il y a également la chaîne de conservation qui est

 10   extrêmement importante. De toute façon, nous avons reçu des échantillons

 11   qui avaient été pris avec des kits appropriés, les échantillons avaient été

 12   scellés. Il s'agissait d'enveloppes très scellées que nous avons ouvertes

 13   dans le laboratoire, où l'on a consigné les échantillons sur un registre,

 14   on a procédé à une première inspection des échantillons, puis ensuite on a

 15   procède à l'analyse et à l'extraction de l'ADN.

 16   Pour ce qui est du prélèvement de l'échantillon, cela est extrêmement

 17   important. Ce qui est important, c'est l'identification de la personne qui

 18   donne l'échantillon, puisque cette identification va être utilisée aux fins

 19   de comparaison. Puis il y a le degré de contamination, par exemple, qui est

 20   important, ce qui nous ramène à l'état de conservation.

 21   Q.  J'aimerais revenir sur l'analyse des restes mortels que vous avez faite

 22   à propos des restes de Batajnica. Vous nous dites avoir reçu ces

 23   échantillons de référence ainsi que les arbres généalogiques un peu plus

 24   tard. Alors quel était le cadre de la procédure qui vous a permis d'obtenir

 25   ces échantillons de référence ? Est-ce que cela s'est fait par contact

 26   direct avec votre laboratoire ou est-ce que vous avez tout simplement

 27   obtenu ces échantillons parce qu'ils vous ont été envoyés sur votre demande

 28   sans autre procédure ?

Page 4710

  1   R.  Je crois me souvenir que dans chaque rapport que nous avons présenté,

  2   je dirais que nous avons dit dans le premier rapport qu'il n'y avait eu

  3   qu'analyse de l'ADN mitochondrial, il n'y avait pas eu de référence, donc

  4   nous avons indiqué qu'il fallait absolument avoir des échantillons de

  5   référence pour pouvoir justement identifier le reste des échantillons des

  6   restes osseux.

  7   Tous les échantillons ont été envoyés soit par Federal Express, soit

  8   par HDL. Ils étaient transportés dans des réceptacles qui se trouvaient

  9   dans des conteneurs très scellés. Pour ce qui était de l'hermétisme, cela

 10   était parfait. Ils étaient identifiés, donc cela était indiqué au moment de

 11   la réception des échantillons. Il n'y  absolument rien à dire à propos de

 12   l'état dans lequel se trouvait les échantillons, à ce sujet.

 13   Q.  Mais qui a réceptionné les échantillons de référence et qui est la

 14   personne qui vous les a envoyés ? Parce que je suppose qu'ils venaient du

 15   même institut.

 16   R.  Pour ce qui était des 13 échantillons que nous avons reçus, il y en a

 17   11 qui donnent, dans le document de conservation, toutes les listes, tous

 18   les renseignements. Ils avaient été envoyés par la Commission

 19   internationale des personnes portées disparues, puis il y en avait deux qui

 20   venaient du Tribunal.

 21   Il s'agit de documents que possède maintenant le Tribunal, et vous pouvez

 22   tout à fait voir qui est la personne qui a signé l'accusé de réception des

 23   échantillons, et à chaque échantillon correspond la signature de la

 24   personne qui a réceptionné ledit échantillon.

 25    Q.  J'aimerais vous poser une dernière question, Monsieur, aujourd'hui.

 26   C'est une question qui porte sur les restes mortels de Glodjane. Lorsque

 27   vous les avez remis à l'enquêteur du Tribunal, M. Harjit Sandhu, est-ce que

 28   vous lui avez remis ces échantillons conformément à une procédure bien

Page 4711

  1   stipulée ? Je pense aux problèmes de contamination, de putréfaction. Est-ce

  2   que tout cela a été pris en considération pour éviter ces problèmes ?

  3   R.  Oui, tout à fait. Les échantillons, de toute façon, étaient déjà

  4   contaminés par des microorganismes. Il y avait déjà un phénomène de

  5   putréfaction, mais nous avons préparé une boîte réfrigérée adéquate pour

  6   pouvoir transporter de façon adéquate ces échantillons.

  7   Q.  Je vous remercie, Docteur. Je n'ai plus de questions à vous poser

  8   aujourd'hui. Je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées.

  9   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je souhaiterais tout simplement que la

 10   déclaration du témoin du 15 novembre 2006 soit versée au dossier. Il s'agit

 11   de la pièce D003-0379.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D00118, Monsieur

 14   le Président.

 15   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djordjevic.

 17   Madame Kravetz, avez-vous des questions supplémentaires à poser ?

 18   Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je n'ai pas de

 19   questions supplémentaires à poser.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense, Docteur, que vous serez ravi

 21   d'entendre que vous êtes arrivé au terme de votre déposition aujourd'hui.

 22   La Chambre vous est reconnaissante d'être venu à La Haye, vous est

 23   reconnaissante également d'avoir répondu aux questions, de nous avoir

 24   aidés, et vous remercie pour tous les rapports détaillés que vous avez

 25   préparés. Je dois vous dire que nous comprenons beaucoup mieux vos

 26   rapports.

 27   Maintenant vous pouvez reprendre le fil de vos activités normales, et

 28   une fois de plus nous souhaitons vous remercier.

Page 4712

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

  2   [Le témoin se retire] 

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar, est-ce que le prochain

  4   témoin est prêt ?

  5   M. BEHAR : [interprétation] Oui, oui. Le prochain témoin sera Tahir

  6   Kelmendi.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons cru comprendre qu'il se

  8   peut qu'il y ait quelques problèmes pour ce qui est de présenter des

  9   documents et de demander au témoin de les lire. Est-ce qu'il s'agit d'un

 10   problème de vue --

 11   M. BEHAR : [interprétation] Je n'en suis pas sûr. Je ne sais pas s'il

 12   s'agit d'un problème de vision. M. Kelmendi, de toute façon, nous a

 13   informés qu'il n'avait pas de lunettes. Donc je pense qu'il serait peut-

 14   être plus opportun de lui lire des documents.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

 16   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous êtes en mesure

 20   d'affirmer solennellement que vous allez dire la vérité, toute la vérité et

 21   rien que la vérité ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   LE TÉMOIN : TAHIR KELMENDI [Assermenté]

 24   [Le témoin répond par l'interprète]

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. M. Behar a quelques

 26   questions à vous poser, Monsieur, mais j'aimerais vous dire qu'il va peut-

 27   être vous être difficile de tenir tout le temps votre écouteur. Il faudrait

 28   peut-être que les deux soient mis.

Page 4713

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais ce n'est pas un problème.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Behar.

  3   Interrogatoire principal par M. Behar : 

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vous remercie d'être venu ici.

  5   Est-ce que vous pourriez nous décliner votre identité ainsi que votre date

  6   et lieu de naissance ?

  7   R.  Je m'appelle Tahir Kelmendi. Je suis né le 21 avril 1954, à Qyshk, dans

  8   la municipalité de Peje.

  9   Q.  Et je crois comprendre que vous résidez toujours à Qyshk, n'est-ce pas

 10   ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Q.  Monsieur, je crois comprendre que le 22 mai 2008, vous avez fait une

 13   déclaration à un représentant du bureau du Procureur à propos de votre

 14   expérience au Kosovo; est-ce exact ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Et vous avez eu la possibilité de prendre connaissance de cette

 17   déclaration avant de venir ici aujourd'hui ?

 18   R.  Non, non, je n'ai pas vu la déclaration.

 19   Q.  La déclaration que vous avez faite au bureau du Procureur vous a été

 20   présentée lors de votre séance de récolement et vous aviez un interprète

 21   qui vous a permis de comprendre cette déclaration, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et je crois comprendre qu'il y a quelques éléments de cette déclaration

 24   que vous souhaiteriez corriger pour que cela corresponde fidèlement à votre

 25   déposition.

 26   M. BEHAR : [interprétation] Je souhaiterais demander l'affichage à l'écran

 27   de la pièce 05135 de la liste 65 ter. C'est le paragraphe 6 qui va

 28   m'intéresser.

Page 4714

  1   Q.  Monsieur, au paragraphe 6, je crois comprendre qu'il y a peut-être un

  2   problème au sujet de la date. Je vais vous donner lecture de ce qui figure

  3   dans ce paragraphe. Vous dites, je cite :

  4   "Je me souviens que le 25 avril 1999, la police serbe est venue dans notre

  5   village et a demandé à ce qu'on lui remette les armes, parce que personne

  6   ne nous ferait de mal, et ils ont reçu une arme de poing à canon court et

  7   un fusil de chasse pour lesquels il existait un port d'armes, puisque nous

  8   n'avions pas d'autres armes dans le village."

  9   Alors est-ce que c'est la date qui figure dans ce paragraphe qui a besoin

 10   d'être corrigée ?

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  D'accord.

 13   R.  La date doit être corrigée. Il faut lire le 17, et non le 25 avril.

 14   Q.  Très bien. D'accord, Monsieur. Je pense que maintenant tout est clair.

 15   Je vais vous demander maintenant ce qu'il en est d'une autre correction que

 16   vous souhaitez apporter au texte.

 17   M. BEHAR : [interprétation] Je demande l'affichage du paragraphe 75 de

 18   votre déclaration préalable.

 19   Q.  Dans ce paragraphe, et encore une fois je vais vous en donner lecture,

 20   Monsieur, vous décrivez le meurtre d'Avdi Berisha qui a été tué par un

 21   tireur embusqué. Dans ce paragraphe 75, vous dites, je cite :

 22   "Ce meurtre d'Avdi Berisha en particulier, je l'ai vu de loin, mais à une

 23   distance qui n'était pas supérieur à 30 mètres. J'étais juste de l'autre

 24   côté du cours d'eau où Avdi a été tué."

 25   La distance qui figure dans ce paragraphe est-elle exacte ou a-t-elle

 26   besoin d'être corrigée par vous ?

 27   R.  La distance réelle est de 3 mètres.

 28   Q.  Donc il faut lire 3 mètres au lieu de 30 mètres; c'est bien ça ?

Page 4715

  1   R.  Oui, en effet.

  2   Q.  Je vous remercie. Monsieur, êtes-vous convaincu que les renseignements

  3   contenus dans votre déclaration préliminaire sont conformes à la vérité et

  4   exacts d'après ce que vous savez et pensez ?

  5   R.  Oui.

  6   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

  7   au dossier de la déclaration préliminaire du témoin.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis au dossier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient, Monsieur le

 10   Président, la pièce P00803.

 11   M. BEHAR : [interprétation] Je peux maintenant lire un bref résumé de la

 12   déposition de M. Kelmendi à l'attention des Juges de la Chambre.

 13   M. Kelmendi est né et a grandi à Cuska.

 14   Il décrira comment, aux premières heures de la journée du 14 mai 1999, il a

 15   vu la police serbe et l'armée yougoslave encercler son village avant d'y

 16   pénétrer. Il expliquera qu'il a reconnu certains des officiers de police

 17   présents, y compris un certain M. Obrnovic, commandant du poste de police

 18   de Klicina. Il explique qu'il a vu et parlé avec certains de ces officiers

 19   de police très récemment.

 20   M. Kelmendi s'est caché et a observé un massacre et des expulsions de

 21   personnes. Il a vu les forces serbes séparer les hommes des femmes et des

 22   enfants. Les femmes ont été envoyées dans une maison où on les a dirigées

 23   dans la cour, car la maison elle-même était en feu.

 24   Il a vu les forces serbes diviser les hommes en trois groupes pour les

 25   envoyer dans trois maisons différentes, 15 hommes dans la maison d'Azem

 26   Rexha, 12 dans la maison de Sadik Gashi et 10 dans la maison de Deme Gashi.

 27   Il a entendu des coups de feu dans chacune de ces maisons. Il a vu alors

 28   les forces serbes mettre le feu à ces maisons à l'aide de cartouches

Page 4716

  1   inflammables.

  2   Il a vu les forces en question emmener les femmes et les enfants hors de la

  3   cour et les faire monter à bord de tracteurs pour les envoyer hors du

  4   village de Peja.

  5   Une fois que les forces serbes sont parties, M. Kelmendi a été confronté

  6   aux cadavres de ses amis, de ses voisins et de ses proches. Il a aidé à

  7   dissimuler ces cadavres, puis à les enterrer dans une fosse commune.

  8   Voilà la fin du résumé.

  9   Q.  Monsieur, j'ai quelques questions à vous poser. Je vais vous en poser

 10   un certain nombre au sujet de la journée du 14 mai et des événements de ce

 11   jour-là. Et j'aurai également quelques questions à vous poser au sujet de

 12   ce qui s'est passé avant ce jour-là.

 13   Au paragraphe 36 de votre déclaration écrite, vous expliquez que le 13 mai,

 14   dans la soirée, 80 réfugiés environ sont arrivés à Cuska en provenance du

 15   village voisin de Katundi i Ri, et vous dites qu'un homme dont le nom était

 16   Ranko Vlahovic s'était trouvé à Katundi i Ri et qu'on lui avait dit que ces

 17   réfugiés pouvaient venir à Cuska parce que les Serbes allaient chasser tous

 18   les habitants de Cuska vers l'Albanie le lendemain.

 19   Alors voici ma question, Monsieur: pouvez-vous nous dire comment il se fait

 20   que vous ayez appris tout cela ?

 21   R.  Ces choses m'ont été dites par quelqu'un qui venait de Katundi i Ri.

 22   Q.  Monsieur, je vous demande, si c'est possible de parler un peu plus près

 23   du micro. Vous voyez, nous avons des micros ici. Nous avons entendu une

 24   partie de votre dernière réponse, donc pas de problème. Mais j'aurai

 25   plusieurs questions à vous poser, donc pour l'avenir, pourriez-vous vous

 26   rapprocher du micro.

 27   Avez-vous vu ces réfugiés de vos yeux lorsqu'ils sont arrivés à Katundi i

 28   Ri ?

Page 4717

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et vous avez dit que tout cela vous avait été communiqué par quelqu'un

  3   qui venait de Katundi i Ri. Ce quelqu'un était-il l'un des réfugiés dont

  4   vous venez de parler ?

  5   R.  Cette personne était originaire de Katundi i Ri. Cet homme s'appelle

  6   Suf Tafilaj.

  7   Q.  Vous avez également parlé d'un homme dont le nom est Ranko Vlahovic.

  8   Pourriez-vous nous dire qui était ce Ranko Vlahovic ?

  9   R.  Ranko Vlahovic était le commandant du poste de police dans la zone

 10   opérationnelle du village.

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire comment vous avez appris cela, d'où vous le savez

 12   ?

 13   R.  Je connaissais cet homme déjà avant ce qui s'est passé dans le village.

 14   Je le fréquentais et je discutais avec lui.

 15   Q.  J'ai quelques questions à présent qui portent sur les événements du 14

 16   mai en tant que tels. Vous avez dit qu'à 6 heures du matin le 14, vous

 17   étiez hors de votre maison et vous emmeniez vos bêtes dans le pré. Vous

 18   avez dit avoir vu la police serbe et l'armée yougoslave encercler le

 19   village et vous dit que les forces serbes en question venaient de la

 20   localité de Peja. Pouvez-vous nous dire quelle est la distance qui sépare

 21   votre village de Peja ?

 22   R.  Peje est à trois kilomètres à peu près de Qyshk.

 23   Q.  Et vous avez décrit les uniformes que vous avez vus sur ces hommes.

 24   Vous avez expliqué dans votre déclaration écrite que les forces serbes

 25   portaient un uniforme de camouflage où la couleur prédominante était soit

 26   le bleu, soit le vert, et vous avez dit également que ces hommes portaient

 27   des bandanas noirs et avaient quelque chose qui ressemblait à des peintures

 28   de guerre sur le visage. Alors je me demandais si vous pourriez nous dire

Page 4718

  1   exactement ce que vous avez vu sur leur visage ?

  2   R.  Les couleurs qu'ils avaient sur le visage étaient du noir et du vert.

  3   Q.  Vous avez dit avoir vu des policiers serbes patrouiller à bord de

  4   véhicules de police sur la route menant à Peja, et vous avez déclaré avoir

  5   reconnu l'un des officiers présents comme étant un certain Obrnovic. Ceci

  6   figure au paragraphe 24 de votre déclaration écrite. Pourriez-vous

  7   expliquer aux Juges de la Chambre qui était M. Obrnovic et comment vous

  8   l'avez reconnu ?

  9   R.  Je connaissais Obrnovic déjà avant toute cette affaire, parce que

 10   j'avais des contacts avec lui. Son visage m'était très familier.

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire qui il était, quel était son métier, si vous le

 12   connaissez ?

 13   R.  Obrnovic était commandant du poste de police de Klicina.

 14   Q.  Vous venez de dire que vous aviez des contacts avec lui. Pouvez-vous

 15   vous expliquer plus avant sur ce point à l'intention des Juges ? Est-ce que

 16   vous aviez parlé avec lui par le passé ?

 17   R.  Non, pas ce jour-là, parce que personne n'avait la possibilité de

 18   s'approcher de lui ce jour-là.

 19   Q.  Je comprends bien que vous ne l'avez pas fait ce jour-là, mais dans le

 20   passé, l'avez-vous fait ?

 21   R.  Ah oui, oui. Par le passé, oui.

 22   Q.  Pourriez-vous expliquer la nature des contacts que vous avez eus avec

 23   lui, en quelques mots simplement, par le passé ? Est-ce que vous discutiez

 24   avec lui ?

 25   R.  Par le passé ?

 26   Q.  Oui.

 27   R.  J'étais agriculteur, et chaque fois que j'allais à Peje ou que je

 28   rentrais de Peje, je le rencontrais, donc je le connaissais

Page 4719

  1   personnellement. Je savais qui il était.

  2   Q.  Je vous remercie. Dans votre déclaration écrite, au paragraphe 27, vous

  3   dites également que la veille du jour en question, c'est-à-dire le 13 mai,

  4   M. Obrnovic avait envoyé un autre homme, dont le nom était Mijo Brajovic,

  5   vérifier si les villageois étaient dans les parages à Cuska et s'il y avait

  6   une présence policière dans le village. Pouvez-vous nous dire comment vous

  7   avez appris cela ?

  8   R.  Je sais cela parce que, dans l'après-midi du 13, Mijo Brajovic et moi-

  9   même avons eu une conversation, et il m'a dit: "N'aie pas peur, parce que

 10   rien ne vous arrivera."

 11   Q.  Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez pensé qu'il voulait dire

 12   par ces mots lorsqu'il vous a dit, Tu n'as pas besoin d'avoir peur, rien ne

 13   va vous arriver ?

 14   R.  Il voulait dire qu'en tant que villageois, nous n'avions pas besoin

 15   d'avoir peur des forces qui arrivaient dans le village.

 16   Q.  M. Brajovic vous a-t-il dit cela lui-même et vous a-t-il dit que M.

 17   Obrnovic l'avait envoyé dans le village ?

 18   R.  Oui. Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous connaissiez M. Brajovic déjà avant ce jour-là ? Est-ce

 20   que vous le connaissiez avant de lui parler ce jour-là comme vous l'avez

 21   décrit ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Avant de passer à autre chose, je sais que vous avez parlé du poste de

 24   police de Klicina en déclarant que M. Obrnovic en était le commandant.

 25   Pourriez-vous nous dire où se trouvait Klicina par rapport à Cuska, c'est-

 26   à-dire par rapport à votre village ?

 27   R.  Klicina doit être à six ou sept kilomètres de mon village, de Cuska.

 28   Q.  D'accord. Et qu'en est-il d'Ozdrimi ?

Page 4720

  1   R.  Ozdren est de l'autre côté. Ozdren est sur la route Mitrovica-Peje.

  2   C'est une autre route que la route qui va de Peje à Prishtina. Et Klicina

  3   est sur la route qui va de Prishtina à Peje; Ozdren étant sur la route qui

  4   va de Mitrovica à Peje.

  5   Q.  D'accord. Vous dites dans votre déclaration écrite que les civils se

  6   sont regroupés au centre du village chez vous, et au paragraphe 41, vous

  7   dites que vous n'êtes pas allé vous-même à cet endroit où tout le monde se

  8   regroupait au centre du village, mais que vous avez observé ce qui se

  9   passait à une distance de 50 mètres. Pourriez-vous expliquer aux Juges de

 10   la Chambre depuis quel endroit vous avez vu tout cela ?

 11   R.  J'étais à 50 mètres de l'endroit où les choses se sont passées. J'étais

 12   dans un endroit qui se trouve après la maison de Deme Gashi.

 13   Q.  Lorsque vous dites "après la maison de Deme Gashi" - en tout cas c'est

 14   ce que nous avons entendu de la bouche des interprètes - est-ce que cela

 15   veut dire que vous étiez de l'autre côté de l'endroit où se trouvait cette

 16   maison, ou pourriez-vous nous donner plus de détails ?

 17   R.  J'étais derrière la maison.

 18   Q.  Je vous remercie. Vous dites également que les hommes ont été séparés

 19   des femmes. Pouvez-vous nous expliquer dans quelles conditions cela s'est

 20   passé ? Comment cette séparation s'est faite ?

 21   R.  Les forces de police ont séparé les hommes des femmes lorsqu'elles sont

 22   arrivées dans le village. Elles ont exigé que chacun leur remettre leurs

 23   cartes d'identité. Il fallait jeter au sol l'argent que l'on pouvait avoir,

 24   tout ce qu'on avait sur soi, les bijoux, et cetera. Puis ensuite, ils ont

 25   séparé les hommes en trois groupes. Le premier groupe a été envoyé dans la

 26   maison d'Azem, le deuxième dans la maison de Sadik Gashi, et le troisième

 27   dans la maison de Deme Gashi, derrière laquelle j'étais debout en train de

 28   regarder ce qui se passait.

Page 4721

  1   Q.  J'aurais quelques questions de détail à vous poser au sujet de ce qui

  2   s'est passé un peu plus tard. Pour le moment, parlons de ce groupe de

  3   femmes que vous avez évoqué. D'abord, je vous demanderais où étaient les

  4   enfants ? Est-ce qu'il y avait des enfants sur place également ?

  5   R.  Oui, oui.

  6   Q.  Est-ce que les enfants ont été divisés en plusieurs groupes ?

  7   R.  Oui. Les femmes et les enfants ont été envoyés dans la maison de Sali

  8   Gashi et ont été brûlés, parce qu'on a fait entrer tous ces gens-là dans la

  9   maison de Gashi après qu'elle a pris feu.

 10   Q.  J'aimerais que nous avancions progressivement, si vous voulez bien. Je

 11   sais que vous avez expliqué dans votre déclaration écrite que les femmes et

 12   les enfants se trouvaient dans la cour, et vous avez dit, comme vous venez

 13   de le faire à l'instant, que la maison de Sali Rexha avait été incendiée.

 14   Pouvez-vous nous expliquer qui a mis le feu à cette maison et dans quelles

 15   conditions ?

 16   R.  Ce sont les forces qui sont arrivées qui ont séparé les hommes des

 17   femmes.

 18   Q.  Est-ce que vous avez vu comment la maison a pris feu, cette maison de

 19   Sali Rexha Gashi ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu,

 22   comment le feu a été mis à la maison ?

 23   R.  Quand ils ont séparé les femmes et les enfants des hommes, ils les ont

 24   envoyés dans cette maison, mais ils ont d'abord mis le feu à la maison avec

 25   ce produit incendiaire qu'ils avaient entre les mains. Ils ont ensuite

 26   envoyé les femmes et les enfants là-bas pour leur montrer quelle était la

 27   terreur qu'ils étaient en train de semer.

 28   Q.  Est-ce que vous pourriez expliquer -- vous avez parlé, je sais, d'une

Page 4722

  1   substance inflammable. Mais pourriez-vous expliquer ce que vous avez vu

  2   exactement, si vous avez vu quelque chose, comment ils ont mis le feu à

  3   cette maison ?

  4   R.  Je ne sais pas comment je peux vous l'expliquer. Il s'agissait d'un

  5   objet de forme arrondie, une espèce de cartouche, je pense, qui ressemblait

  6   un peu à une bouteille ou un boulon, une cartouche, je pense. C'était comme

  7   une bouteille. Ça avait la forme d'une bouteille, et c'est avec cet objet

  8   qu'ils ont mis le feu à la maison.

  9   Q.  Je vous remercie. Je vais maintenant vous poser quelques questions au

 10   sujet de ce qui est advenu des hommes. Je sais que vous avez déjà dit

 11   quelques mots aujourd'hui quant au fait que les forces serbes avaient

 12   divisé les hommes du reste des villageois. Vous en parlez également dans

 13   votre déclaration écrite. Est-ce que vous pourriez nous expliquer de façon

 14   un peu plus détaillée dans quelle condition les hommes ont été séparés des

 15   autres par les forces serbes ?

 16   R.  Oui. Ils ont divisé les hommes en trois groupes. Le premier groupe a

 17   été envoyé dans la maison de Sali Rexha Gashi, le deuxième dans la maison

 18   de Sadik Gashi, et le troisième dans la maison de Deme Gashi. Une fois

 19   qu'ils les ont faits entrer à l'intérieur de ces maisons, on a entendu des

 20   coups de feu; et immédiatement après, ils ont mis le feu aux maisons pour

 21   supprimer toutes les traces.

 22   Q.  Je reviendrai sur la suite des événements avec vous, Monsieur, dans

 23   quelques instants, de façon détaillée. Mais avant cela, pouvez-vous nous

 24   dire à quelle distance se trouvaient ces maisons les unes par rapport aux

 25   autres ?

 26   R.  La maison de Sadik est à une trentaine de mètres de la maison de Deme,

 27   et il y a 70 mètres qui la sépare de la maison d'Azem.

 28   Q.  Je remarque que dans votre déclaration écrite vous parlez parfois de la

Page 4723

  1   maison d'Azem Gashi, et à d'autres moments vous parlez de la maison d'Azem

  2   Rexha. Pourriez-vous nous dire si Azem Gashi et Azem Rexha sont le même

  3   homme, une seule et même personne ?

  4   R.  Oui. Azem Rexha Gashi, Rexha, c'est le prénom de son père, et Gashi,

  5   c'est son nom de famille. C'est la raison pour laquelle j'utilise ces noms

  6   pour le désigner.

  7   Q.  Je vous remercie. Je pense que maintenant c'est clair. Pourriez-vous

  8   nous dire aussi dans quelle maison vivait normalement Syl Gashi ? Je sais

  9   que vous évoquez sa maison à quelques reprises dans votre déclaration

 10   écrite. Est-ce que c'était la même maison que celle où habitaient les trois

 11   autres ?

 12   R.  Syl Gashi est le fils d'Azem Rexha Gashi, mais nous l'appelions

 13   Muharrem, en dépit du fait que dans ses papiers d'identité son nom officiel

 14   est Syl.

 15   Q.  Donc est-il permis de dire dans ces conditions que la maison de Syl

 16   Gashi est la même que celle d'Azem Gashi ?

 17   R.  En effet.

 18   Q.  Maintenant, si vous me le permettrez, j'aimerais que nous parlions de

 19   ce qui est arrivé à ces hommes dans chacune des trois maisons. Vous dites,

 20   dans votre déclaration écrite au paragraphe 56, que des premiers coups de

 21   feu ont été entendus dans la maison d'Azem Gashi. Pourriez-vous nous

 22   expliquer ce que vous avez vu et entendu par rapport à cette maison ?

 23   R.  Lorsqu'ils ont emmené le premier groupe dans cette maison, j'ai entendu

 24   des tirs de fusil automatique et j'ai vu des flammes s'échapper de cette

 25   maison cinq minutes après qu'ils aient brûlé les cadavres.

 26   Q.  Et vous dites que vous avez vu des flammes. Est-ce que vous avez vu

 27   comment ces flammes sont nées ?

 28   R.  Non, dans la maison d'Azem je n'ai pas vu, parce qu'il était impossible

Page 4724

  1   de voir qui a mis le feu; mais cinq minutes plus tard j'ai vu sortir les

  2   flammes.

  3   Q.  Vous dites dans votre déclaration écrite que les flammes que vous avez

  4   vues ensuite sortaient de la maison de Sadik Gashi. Pourriez-vous nous

  5   expliquer ce que vous avez vu exactement et entendu dans cette maison de

  6   Sadik Gashi ?

  7   R.  Le deuxième groupe a été emmené dans la maison de Sadik Gashi, où ils

  8   ont fait la même chose que ce qu'ils avaient fait dans la première maison.

  9   Ils ont assassiné et brûlé vives ces personnes. Parmi ces personnes, j'ai

 10   vu Hazir, qui avait la jambe fracturée et qui essayait tout de même de

 11   s'évader de cet endroit.

 12   Q.  La troisième série de coups de feu dont vous parlez dans votre

 13   déclaration préalable provenait, d'après ce que vous avez dit, de la maison

 14   de Deme Gashi. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce que vous

 15   avez vu et entendu dans cette maison ?

 16   R.  Ils ont amené dix hommes dans la maison de Deme Gashi. Ils les ont

 17   faits entrer dans la maison, ils les ont tués aux fusils automatiques,

 18   après quoi Rexhe Isuf Kelmendi a parvenu à survivre. Il était dans la pièce

 19   et il a eu la chance extraordinaire de survivre à cette fusillade.

 20   Q.  J'aurais également des questions à vous poser au sujet de ce qui s'est

 21   passé après les événements. Mais avant d'en arriver là, et afin que les

 22   choses soient tout à fait précises, j'aimerais que vous expliquiez à quelle

 23   distance vous vous trouviez des différentes scènes que vous avez vues ?

 24   Est-ce que vous étiez toujours à l'endroit que vous avez décrit tout à

 25   l'heure ?

 26   R.  J'étais à 50 mètres, derrière la maison de Deme, allongé sur le sol.

 27   Q.  Pourriez-vous décrire les personnes qui ont commis ces actes, c'est-à-

 28   dire qui ont tiré ces coups de feu et mis le feu à ces maisons ?

Page 4725

  1   R.  Ces hommes portaient des uniformes de la police et de l'armée.

  2   Q.  Pourriez-vous nous décrire l'aspect de ces uniformes ?

  3   R.  Ces uniformes étaient des uniformes de camouflage avec couleurs

  4   dominantes bleues ou vertes, mais les hommes en question, je n'ai pas pu

  5   les dévisager de façon très détaillée parce que pour moi tout cela avait

  6   l'air d'un film d'horreur, un peu comme les Ninjas.

  7   Q.  Mais quand vous dites les Ninjas, est-ce que c'est parce que ces hommes

  8   portaient un bandana autour de la tête ? Est-ce que je vous ai bien compris

  9   ?

 10   R.  A cause de l'aspect de leur visage. Parce que de toute ma vie, je n'ai

 11   pas vu des visages inspirant autant l'horreur, jamais.

 12   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire qui est Qash Lushi ?

 13   R.  Pourriez-vous répéter votre question, je vous prie ?

 14   Q.  Oui. Pourriez-vous nous dire qui est Qash Lushi ? Je suppose que c'est

 15   un autre habitant de votre village ?

 16   R.  Mais son nom c'est Qaush Lushi, pas "ch", Qaush Lushi.

 17   Q.  Oui. Je vous remercie. Qaush Lushi, pourriez-vous nous dire qui est cet

 18   homme ? Est-ce que c'est l'un des habitants de votre village ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Pourriez-vous nous dire ce qui lui est arrivé ?

 21   R.  Oui. Ce jour-là, le jour où ils ont séparé les femmes et les hommes,

 22   ils ont exigé de lui 100 000 euros pour ne pas massacrer son fils, et lui a

 23   demandé à son épouse d'aller chercher cet argent. Il leur a remis l'argent,

 24   après quoi son fils a été massacré, et Qaush Lushi était allongé sur la

 25   nuque devant sa maison quand le premier groupe a été exécuté.

 26   Q.  Je crois que nous avons peut-être un petit problème d'interprétation

 27   dans la dernière partie de votre réponse. Vous dites allongé sur la nuque.

 28   Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui est arrivé une fois qu'il a

Page 4726

  1   donné l'argent ?

  2   R.  Ils lui ont tranché la gorge.

  3   Q.  Est-ce que vous avez vu cela de vos yeux ou est-ce que vous l'avez

  4   appris d'un tiers ?

  5   R.  Oui, oui. Je l'ai vu de mes yeux. Ils l'ont fait asseoir sur la cuvette

  6   des toilettes et ils ont détaché sa tête de son corps avec une kalachnikov.

  7   Q.  Pouvez-vous nous dire à quelle distance approximative vous vous

  8   trouviez lorsque vous avez vu cela ?

  9   R.  J'étais derrière la maison de Deme Gashi, à une distance de 60 mètres

 10   de l'endroit où les choses se sont passées, à peu près, parce que les

 11   toilettes se trouvaient un peu plus bas par rapport à l'endroit où j'étais

 12   allongé au sol.

 13   Q.  Mais quand vous dites des toilettes, est-ce que ce sont des toilettes

 14   qui se trouvent à l'intérieur de la maison, ou une cabane à l'extérieur de

 15   la maison ? Pouvez-vous nous l'expliquer ?

 16   R.  C'était une cabane à l'extérieur de la maison, dans la cour d'Azem

 17   Gashi. C'étaient des latrines qui se trouvaient dans la cour.

 18   Q.  Encore une fois, pour que tout soit absolument clair, pouvez-vous nous

 19   expliquer qui a commis cet acte, qui l'a tué ?

 20   R.  C'étaient les mêmes personnes que celles qui ont commis le massacre de

 21   Qyshk.

 22   Q.  Je vous remercie. Monsieur, j'ai encore des questions à vous poser sur

 23   ce sujet, mais je vois que l'heure de la pause semble être arrivée.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En effet, Monsieur Behar.

 25   Nous devons, Monsieur le Témoin, faire maintenant une pause, et nous

 26   reprendrons nos débats dans une demi-heure. L'Huissier va vous aider

 27   pendant toute la durée de la pause à vous retrouver. Nous reprendrons nos

 28   débats à 12 heures 30.

Page 4727

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  2   --- L'audience est suspendue à 12 heures 01.

  3   --- L'audience est reprise à 12 heures 32.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Questions, Monsieur Behar, allez-y.

  5   M. BEHAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Avant la pause, vous parliez de ce meurtre qui s'était produit, et

  7   c'est quelque chose qui s'est produit à l'intérieur d'une maison et à

  8   l'extérieur de la maison où vous étiez. Je voudrais vous demander de

  9   regarder la pièce 05258.

 10   M. BEHAR : [interprétation] Je demanderais qu'on la place sur l'écran.

 11   C'est la photo numéro 6 qui m'intéresse. Donc le document 05258, comme je

 12   l'ai dit.

 13   Je pense que nous avons un petit problème avec cette pièce, Monsieur le

 14   Président. Permettez-moi un instant, s'il vous plaît.

 15   [Le conseil de l'Accusation et le Commis aux affaires se concertent]

 16   M. BEHAR : [interprétation] En attendant, je vais essayer de revenir là-

 17   dessus. Peut-être pourrions-nous avoir la pièce P00772. C'est une pièce

 18   qu'on a déjà utilisée en l'espèce.

 19   Q.  Monsieur, il y a une photo ici. Est-ce que vous voyez cette photo sur

 20   l'écran ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Un des hommes sur la photo, au centre en haut, au niveau du deuxième

 23   rang de la photo des personnes, est-ce que vous savez qui est cet homme ?

 24   R.  Celui qui est au milieu ? C'est Salipur, qui était un policier d'active

 25   à Peje.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire comment vous le connaissez ?

 27   R.  Je le connais parce que le 26 mars, Ram Xhemajli Kelmendi, et qui avait

 28   98 ans, a été tué par cet homme. Il avait 98 ans, et il a été tué par cet

Page 4728

  1   homme.

  2   Q.  Est-ce que c'est quelque chose que vous avez vu vous-même ou est-ce que

  3   vous en avez entendu parler ?

  4   R.  Uk Kelmendi, son fils, me l'a dit le lendemain.

  5   Q.  Est-ce que vous avez eu affaire à cette personne dans le passé ? Le cas

  6   échéant, est-ce que vous pouvez nous en parler comment vous saviez qui il

  7   était ?

  8   R.  C'était une personne extrêmement dangereuse. C'était un grand criminel

  9   dans les Balkans, très connu.

 10   Q.  Est-ce que vous l'avez vu dans votre ville ou à proximité de la ville

 11   où vous habitiez ?

 12   R.  Je le voyais à Peje, parce que c'était un policier d'active à Peje

 13   pendant très longtemps.

 14   Q.  En ce qui concerne le timing, est-ce que vous pouvez me dire quand est-

 15   ce que vous l'avez vu ? Etait-ce la même année ? L'année précédente ?

 16   R.  Avant la guerre au Kosova, je le voyais plusieurs fois. Pas une seule

 17   fois, plusieurs fois. Il s'appelait Munja, éclair. C'était une personne

 18   très dangereuse.

 19   Q.  Très bien. Je vous remercie. On va revenir vers les événements que vous

 20   venez de décrire. Les événements qui se situent à la date du 14 mai. Au

 21   niveau des paragraphes 61 et 62 de votre déclaration, vous avez dit que les

 22   Serbes, après les tirs, les incendies de ces trois maisons avec les hommes

 23   qui étaient à l'intérieur, qu'après cela, les forces serbes avaient pris

 24   les femmes et les enfants de la cour de Sali Rexha, qu'ils les ont placés

 25   sur les tracteurs et ils les ont envoyés à Peja. Pourriez-vous nous dire où

 26   se trouvaient votre épouse et vos enfants ? Est-ce qu'ils étaient là aussi

 27   ?

 28   R.  Oui.

Page 4729

  1   Q.  Est-ce que vous avez vu le convoi partir ? Est-ce que vous avez vu cela

  2   vous-même ?

  3   R.  Oui, sur les tracteurs.

  4   Q.  Pourriez-vous nous dire quelle est la direction qu'ils ont prise ?

  5   R.  Ils ont été dirigés vers l'Albanie, pour cacher ce qu'ils ont fait,

  6   pour cacher les corps des hommes qu'ils avaient tués à Qyshk. Ils ont

  7   dirigé les gens vers Peje, ensuite par Zastava, et ensuite ils leur ont dit

  8   de reprendre la même direction, et ceci à trois reprises.

  9   Q.  Vous décrivez cela, n'est-ce pas, dans le paragraphe 64 de votre

 10   déclaration préalable. Est-ce que vous pouvez nous dire d'où vous savez

 11   tout cela. Est-ce que vous -- vous n'étiez pas là. Comment savez-vous quel

 12   était le mouvement du convoi ?

 13   R.  Mon épouse, mon fils et mes deux filles y étaient au moment où cet

 14   événement tragique s'est produit.

 15   Q.  Je voudrais vous demander, Monsieur, de penser à ce que vous avez dit

 16   au sujet de ces maisons-là où se trouvaient les hommes et sur ce que vous

 17   avez vu après le départ des forces serbes. Pourriez-vous nous dire ce que

 18   vous avez vu, les observations que vous avez faites de ces maisons et de

 19   vos co-villageois dans ces maisons ?

 20   R.  Au début, j'ai suivi ce qui s'est passé et je suis revenu à l'endroit

 21   où j'ai été avant. J'ai essayé de faire sortir les corps pour qu'ils ne

 22   brûlent pas, parce que je savais très bien que je serais un jour capable de

 23   raconter cette histoire. Parce que c'était un gros incendie et c'était

 24   pratiquement impossible de dire s'il y avait des corps à l'intérieur, oui

 25   ou non.

 26   Q.  Peut-être pourrions-nous parler de ce que vous avez pu observer dans

 27   ces maisons, vous personnellement. Pourriez-vous nous dire ce que vous avez

 28   pu y voir cette fois-ci, à savoir à partir du moment où les forces sont

Page 4730

  1   parties, où vous êtes allé voir la maison, la maison d'Azem Gashi. Qu'est-

  2   ce que vous avez vu là-bas ?

  3   R.  J'ai trouvé les corps en train de brûler. Il y avait des flammes qui

  4   s'en dégageaient. J'ai pensé que j'allais devenir fou. Je pouvais voir que

  5   les corps bougeaient parce que les gens n'étaient pas encore complètement

  6   morts. Ils avaient été brûlés vivants, alors même qu'on leur avait tiré

  7   dessus au préalable.

  8   Q.  Est-ce qu'il y a eu des gens qui ont survécu à cela, à cet incendie de

  9   la maison d'Azem Gashi ?

 10   R.  Uniquement Hazir Berisha qui se trouvait dans la maison de Sadik Gashi;

 11   95 % d'autres personnes ont été carbonisées. Deux heures plus tard, quand

 12   j'y suis allé, il y avait encore des corps qui bougeaient.

 13   Q.  Je sais que vous avez parlé de M. Berisha et de la maison de Sadik

 14   Gashi. Pourriez-vous nous dire ce que vous y avez vu ?

 15   R.  On a emmené les hommes là-bas. On les a tués, et ensuite on les a

 16   incendiés, brûlés. Hazir Berisha est le seul qui a survécu à cela. Il a été

 17   blessé au niveau de la jambe, il a essayé et il a réussi à sortir par la

 18   fenêtre. Il s'en est enfui.

 19   Q.  Est-ce que vous avez vu cela vous-même ? Est-ce que vous l'avez vu en

 20   train de s'enfuir ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que vous avez vu M. Berisha par la suite, après qu'il a fui la

 23   maison ?

 24   R.  Non. Ce n'était pas possible, parce qu'il est parti dans un champ de

 25   blé qui était derrière la maison de Sadik Berisha. C'est là qu'il est allé,

 26   dans ce champ de blé. 

 27   M. BEHAR : [interprétation] Pourrions-nous, à présent, voir la pièce

 28   P00797, s'il vous plaît. J'ai besoin de voir la photo numéro 4.

Page 4731

  1   Q.  Mais il faut qu'on voie une autre photo, ce n'est pas la bonne.

  2   Attendez un petit peu. Je vais vous poser la question.

  3   Monsieur, est-ce que vous reconnaissez cette maison, la maison sur la photo

  4   ?

  5   R.  Ça, c'est la maison de Sadik Gashi; la personne ici, c'est Hazir

  6   Berisha de Qyshk, celui qui a survécu le massacre quand les forces serbes

  7   les ont exécutés.

  8   Q.  Merci. Et puis enfin, je vais vous poser quelques questions au sujet

  9   des observations que vous avez pu faire au niveau de la maison de Deme

 10   Gashi. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire ce que vous avez vu là,

 11   après les tirs, après l'incendie ?

 12   R.  C'est la même chose que dans la maison de Sadik. On a fait entrer dix

 13   hommes dans la maison, on les a tués. Ensuite, on les a incendiés.

 14   Q.  Monsieur, dans le paragraphe 57 de votre déclaration, vous parlez des

 15   survivants aux massacres. Je vais vous lire ce que vous dites :

 16   "Par la suite, j'ai appris qu'Isa Gashi a survécu à l'exécution qui s'est

 17   produite dans la maison d'Azem Rexha. Ensuite, Hazir Berisha a survécu à la

 18   tuerie dans la maison de Sadik Gashi, et Rexhe Kelmendi a survécu à

 19   l'exécution dans la maison de Deme Gashi."

 20   Je sais que vous avez dit que vous avez vu M. Berisha, que vous l'avez vu

 21   en train de s'enfuir. Mais pourriez-vous nous dire comment vous savez pour

 22   les deux autres, pour Isa Gashi et Rexhe Kelmendi ? Comment vous savez

 23   qu'ils ont survécu, eux ?

 24   R.  Rexhe Kelmendi est sorti par la fenêtre parce que, quand ils sont

 25   entrés à l'intérieur, les policiers lui ont donné l'ordre de prendre les

 26   allumettes et de mettre le feu à la maison, et ensuite, lui, il a pu

 27   s'enfuir en sortant par la fenêtre.

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez m'expliquer comment vous avez appris ce que vous

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  1   venez de nous dire ? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez vu ou

  2   est-ce que quelqu'un vous a raconté cela ?

  3   R.  Rexhe, quand il est sorti par la fenêtre, je l'ai vu. J'étais à 50

  4   mètres de la fenêtre et de la maison et je lui ai fait signe pour qu'il

  5   vienne en ma direction, parce que s'il ne le faisait pas, on l'aurait vu,

  6   on l'aurait rattrapé et il aurait été tué.

  7   Q.  Qu'en est-il d'Isa Gashi ? Est-ce que là, il s'agit de quelque chose

  8   que vous avez vu de vos propres yeux ou est-ce qu'on vous en a parlé, la

  9   façon dont il a survécu à tout cela ?

 10   R.  Je ne pouvais pas le voir parce qu'Isa était à 60, 70 mètres par

 11   rapport à l'endroit où j'étais. Mais après, quand on essayait de faire

 12   sortir les corps de cette maison en feu, je l'ai vu, et il m'a raconté ce

 13   qui s'était passé.

 14   Q.  Donc là, vous venez de parler de ces corps que vous étiez en train de

 15   faire sortir de la maison, et je voudrais que vous m'en parliez. Je sais

 16   que vous en parlez dans le paragraphe 70 de votre déclaration où vous dites

 17   que vous avez caché les corps des gens qui avaient été tués. Est-ce que

 18   vous pourriez nous expliquer pourquoi vous éprouviez la nécessité de cacher

 19   ces corps, pourquoi vous le faisiez ?

 20   R.  Il fallait les cacher de la police parce qu'ils voulaient tout

 21   dissimuler. Ils voulaient les brûler, de sorte que personne ne sache ce qui

 22   s'est passé, jamais, donc détruire toutes les traces de tous ces gens.

 23   Q.  Pourriez-vous expliquer aux Juges comment les avez-vous cachés, ces

 24   corps ?

 25   R.  Oui. Quand ils ont été tués et brûlés, moi-même avec l'aide de Mustaf

 26   Krizbuki [phon] et d'autres villageois, nous avons réussi à les sortir de

 27   là. On ne pouvait pas les enterrer le jour même parce qu'il y avait 1 240

 28   personnes, des civils, qui étaient à l'abri là-bas. Donc j'ai pris des

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  1   bâches en plastique, j'ai enveloppé les corps avec ces bâches, et ensuite

  2   on a creusé une grande tombe et on les y a placés.

  3   Q.  Très bien, Monsieur. Il y a quelques instants, vous avez dit un certain

  4   Avdi Berisha. Pourriez-vous nous dire ce qui lui est arrivé ?

  5   R.  Alors que j'étais en train d'observer les forces de police en train de

  6   quitter Qyshk, puisque je savais qu'ils allaient à Pavlan, puisque Qyshk et

  7   Pavlan sont très proches, enfin, un village à côté de l'autre, cette

  8   maison, la maison d'Avdi, elle est à peu près à 60 mètres de la route

  9   goudronnée et il a été tué par un tireur embusqué devant mes yeux, sous mes

 10   yeux; il était à 3 mètres de distance. Il a été tué par un tireur embusqué,

 11   un policier.

 12   Q.  Et pour que tout ceci soit bien clair, est-ce que vous l'avez vu en

 13   train de se faire tuer par un membre de la police ?

 14   R.  Oui.

 15   M. BEHAR : [interprétation] Je vous demande un petit instant, parce que je

 16   voudrais vérifier quelle est la situation de cette pièce que j'ai voulu

 17   montrer au témoin tout à l'heure.

 18   [Le Procureur et le Commis aux affaires se concertent]

 19   M. BEHAR : [interprétation] Excusez-moi, on est toujours en train de

 20   travailler là-dessus.

 21   Q.  Monsieur, je voudrais vous poser une autre question. Vous avez décrit

 22   les gens ce jour-là, le 14 mai, vous avez dit qu'ils avaient été envoyés,

 23   déportés du village de Cuska. J'ai voulu vous demander si vous-même, si

 24   vous avez observé quoi que ce soit avant ce jour-là indiquant qu'il y avait

 25   d'autres groupes d'Albanais qui se déplaçaient en grand groupe comme celui-

 26   ci ?

 27   R.  Oui. Les gens de Peje ont plus souffert que nous à Qyshk.

 28   Q.  Etes-vous en mesure de nous dire ce que vous avez vu, ce que vous avez

Page 4734

  1   pu observer, quand il s'agit des gens de Peja ?

  2   R.  J'ai vu des convois en train de se diriger en direction du Monténégro,

  3   ils fuyaient.

  4   Q.  Et où étiez-vous au moment où vous avez pu observer cela ?

  5   R.  Pendant tout ce temps, je circulais parce que je voulais savoir ce qui

  6   se passe; j'ai voulu savoir ce qui arrive au peuple albanais.

  7   Q.  Est-ce que vous avez vu cela de votre village Cuska ? D'où avez-vous vu

  8   cela ?

  9   R.  Non, non, j'étais plus près, parce que comme j'ai pu voir le feu, la

 10   fumée, un feu qui ne ressemblait à aucun autre feu que j'ai vu au cours de

 11   ma vie.

 12   Q.  Est-ce que vous pourriez nous en parler davantage ? Est-ce que vous

 13   pouvez nous dire où est-ce que vous avez vu ce feu et cette fumée qui se

 14   dégageaient ?

 15   R.  J'étais un berger. J'avais du bétail, et j'ai vu tout ce que les Serbes

 16   ont fait. Ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont incendié, comment ils ont forcé

 17   les gens à passer par les champs, comment ils les ont chassés.

 18   Q.  Mais ce que vous êtes en train de décrire, est-ce que vous l'avez vu à

 19   Peja ? C'est juste pour que les Juges comprennent exactement où cela se

 20   passe.

 21   R.  Je l'ai vu à Peje, mais il y avait des gens qui m'ont dit aussi comment

 22   ils ont été chassés. La situation était vraiment confuse à l'époque.

 23   Q.  Pourriez-vous nous dire, parce que vous avez parlé d'un convoi plus

 24   tôt, pourriez-vous nous expliquer à quoi ressemblait ce convoi ? Enfin,

 25   combien de gens y avait-il dans le convoi, par exemple ?

 26   R.  Il y avait beaucoup de monde là-dedans. Il y avait des voitures, des

 27   tracteurs. Il y avait un nombre extraordinaire de gens dans cette colonne.

 28   Il y avait des gens de la ville qui marchaient et qui se dirigeaient vers

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  1   d'autres endroits, mais c'était facile à voir, parce qu'ils étaient

  2   vraiment nombreux.

  3   Q.  Est-ce que vous les avez vus marcher sur la route ?

  4   R.  La sortie de la ville en direction du Monténégro peut être vue des

  5   champs parce que c'est une plaine, et à partir du champ, vous pouvez tout

  6   voir.

  7   Q.  Pourriez-vous nous dire à quel moment vous avez vu cela ?

  8   R.  Je ne me souviens pas de la date exacte.

  9   Q.  Mais est-ce que c'était --

 10   R.  C'était quand même avant le massacre de Qyshk, mais je ne me souviens

 11   pas de la date exacte. Donc ils ont d'abord fait fuir les gens, et ensuite

 12   ils ont incendié toute la ville.

 13   Q.  Est-ce que c'était la même année, le même mois peut-être, du massacre

 14   de Qyshk ? Est-ce que vous vous en souvenez ? Est-ce que c'était une année

 15   avant ?

 16   R.  C'était la même année. Je pense que c'était à peine un mois plus tôt,

 17   mais je n'en suis pas sûr.

 18   Q.  Je voudrais quand même vous poser des questions au sujet d'une autre

 19   réponse que vous m'avez donnée. Parce que quand je vous ai demandé si vous

 20   voyiez la rue et où se trouvait cette rue, vous avez parlé de la sortie de

 21   la ville de Peja qui va en direction du Monténégro. Est-ce que vous

 22   pourriez nous expliquer où se trouvait cette route exactement, par rapport

 23   à Cuska et à Peja, par exemple ?

 24   R.  La route qui relie Peje à Mitrovica, vous avez cette route, et puis à 3

 25   kilomètres à l'extérieur, lorsque vous sortez de Peje, il y a cette flèche

 26   qui vous montre la direction du Monténégro. Et c'est là que j'ai vu tous

 27   ces gens qui se dirigeaient justement vers cette direction.

 28   Q.  Merci. Une autre dernière précision. Lorsque vous parlez de Peja, est-

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  1   ce que vous faites référence à la ville de Peja ou à la municipalité ? Est-

  2   ce que vous pourriez nous l'expliquer ?

  3   R.  Non, je fais référence à la ville.

  4   Q.  Merci. Alors j'aimerais vous montrer deux photographies. Mais je vous

  5   demande juste un petit moment.

  6    [Le Procureur et le Commis aux affaires se concertent]

  7   M. BEHAR : [interprétation] Je me demandais si l'on pourrait passer cela

  8   sur le rétroprojecteur. Et je vais vous expliquer ce dont il s'agit,

  9   Monsieur le Président.

 10   En fait, il s'agit de deux photos qui relèvent d'un ancien numéro de

 11   la liste 65 ter. J'ai cru comprendre que les photos avaient été effacées,

 12   Mais bon, voilà.

 13   Q.  Monsieur -- voilà, la photographie va être placée. Vous nous avez parlé

 14   un peu plus tôt de ces personnes qui ont été tuées à l'extérieur de

 15   l'étable, et je me demande si vous seriez en mesure d'identifier ce que

 16   nous voyons sur la photographie. De quoi s'agit-il ?

 17   R.  Je ne vois pas grand-chose. Ah, oui. Maintenant, oui, voilà. Justement,

 18   il s'agit de l'endroit où Qaush Lushi a été décapité. Cela se trouve à une

 19   cinquantaine de mètres de sa maison. Il a été décapité avec un fusil

 20   automatique, et vous voyez d'ailleurs sur les cloisons, vous voyez encore

 21   les traces de balles. Il s'agit des balles qui ont permis de le décapiter.

 22   Q.  Alors, voilà l'autre photo, Monsieur. Est-ce qu'il s'agit bien des

 23   traces ou des trous laissés par les balles dont vous parliez ?

 24   R.  Oui, oui. Tout à fait. Voilà, il s'agit des balles qui l'ont décapité,

 25   parce qu'il avait payé 100 000 euros, et pourtant, son fils a été tué; et

 26   ensuite, lui a été tué dans cette dépendance.

 27   Q.  Merci.

 28   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais demander

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  1   le versement au dossier de ces deux photographies.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cela sera versé au dossier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ces pièces auront la cote P00804.

  4   M. BEHAR : [interprétation] Voilà. Je n'ai plus de questions à vous poser,

  5   Monsieur, Je vous remercie vivement. Mais mon confrère de la Défense aura

  6   certainement des questions à vous poser.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic.

  8   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Accordez-moi

  9   juste une petite seconde pour que je m'installe.

 10   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

 11   Q.  [interprétation] Monsieur Kelmendi, bonjour. Je m'appelle Me Dragoljub

 12   Djordjevic. Je représente l'accusé, M. Djordjevic. J'ai quelques questions

 13   à vous poser afin de préciser certains des faits dont vous avez parlé, à

 14   propos desquels mon confrère vous a posé des questions.

 15   J'aimerais, dans un premier temps, Monsieur Kelmendi, vous demander quelle

 16   est votre profession.

 17   R.  Je suis fermier.

 18   Q.  Quels sont les cours que vous avez suivis ?

 19   R.  J'étais à l'école pendant huit ans.

 20   Q.  Comment est-ce que vous avez pris contact avec le bureau du Procureur

 21   du Tribunal de La Haye, puisque je vois que vous avez fait une première

 22   déclaration le 22 mai 2008 ?

 23   R.  Je les avais rencontrés préalablement également, parce qu'il faut

 24   savoir que huit membres de ma famille ont été tués dans le feu, comme ils

 25   étaient albanais.

 26   Q.  Quand avez-vous, pour la première fois, fait une déclaration au

 27   Tribunal ? Ou est-ce que votre première déclaration est la déclaration qui

 28   a été versée au dossier et qui porte la date du 22 mai 2008 ?

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  1   R.  Non, c'était beaucoup plus tôt. Cela s'est passé lorsque les forces de

  2   l'OTAN sont arrivées, que le Kosova était libéré. Je me trouvais sur les

  3   sites du massacre, et là j'ai participé à une interview. Il faut savoir

  4   également que la chaîne "Euro News" a fait état de ce massacre à la

  5   télévision.

  6   Q.  Monsieur Kelmendi, est-ce que vous êtes sûr qu'en 1999, au moment où

  7   l'OTAN est arrivée au Kosovo, est-ce que vous êtes sûr que vous avez fait

  8   une déclaration aux représentants du Tribunal international, ou est-ce

  9   qu'il s'agissait peut-être de représentants d'autres organisations

 10   internationales ?

 11   R.  J'ai fait une déclaration à l'attention des personnes qui voulaient

 12   savoir ce qui s'est passé pendant le massacre de Qyshk. Je ne sais pas

 13   pourquoi d'ailleurs ces déclarations ne sont pas évoquées ici.

 14   Q.  Est-ce que vous savez quelles organisations représentaient ces

 15   personnes à qui vous avez fait une déclaration sur le massacre de Cuska ?

 16   R.  Non, je n'en sais rien. Ecoutez, à l'époque j'étais en plein désarroi,

 17   en plein désespoir du fait de mon vécu, du fait de ce que j'avais vu, du

 18   fait que j'avais vu les forces serbes commettre ces choses. C'est

 19   absolument inimaginable de voir ce qu'ils ont fait.

 20   Q.  J'en suis fort désolé, mais j'aimerais quand même vous demander si vous

 21   vous souvenez avoir fait une déclaration en 1999 à des représentants du

 22   Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

 23   R.  La KFOR italienne le sait mieux que moi.

 24   Q.  Merci, Monsieur Kelmendi. Puis-je avancer que votre village se trouve à

 25   la périphérie de la ville de Pec ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Merci. Pourriez-vous nous expliquer où se trouvait exactement votre

 28   maison lorsque vous venez de la direction de Pec, et sur la route entre Pec

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  1   et Pristina ?

  2   R.  Ma maison se trouve à 300 mètres de la route goudronnée, 300 mètres à

  3   vol d'oiseau.

  4   Q.  Merci. Est-ce que vous savez qui sont Hazir et Fadil Berisha ?

  5   R.  Oui, ce sont des co-villageois. Ils vivent dans le village de Qyshk.

  6   Q.  Lorsque vous faites référence à la personne qui part de la maison de

  7   Sadil [phon] Fazik [phon] qui était en proie aux flammes, est-ce que vous

  8   faites référence à l'une des deux personnes dont nous parlons maintenant ?

  9   R.  Oui, il s'agit de Hazir Berisha.

 10   Q.  Alors, voilà ce que j'aimerais savoir : vous avez vu une personne qui

 11   partait de la maison de Sadil [phon] Gashi, la maison de Sadil Gashi

 12   d'ailleurs étant en proie aux flammes en mai 1999, et la personne que vous

 13   avez vu quitter la maison est la seule personne qui a survécu aux tirs dans

 14   la maison. Est-ce que vous savez de qui il s'agit ?

 15   R.  Oui, cette personne, c'est Hazir Berisha. C'est la personne qui est le

 16   témoin vivant du massacre où les forces ont agi contre eux.

 17   Q.  Est-ce que je vous ai bien compris ? Vous nous dites que cette personne

 18   était tuée alors ?

 19   R.  Hazir s'est échappé. Il avait la jambe cassée. Les flammes

 20   l'entouraient déjà, mais il a quand même réussi à s'échapper. Cela, je l'ai

 21   déjà expliqué un peu plus tôt.

 22   Q.  Merci. Non, non, j'avais cru comprendre autre chose. Je m'excuse.

 23   Quelle était la distance de la maison de Hazil [phon] et Fadil Berisha par

 24   rapport à votre maison ?

 25   R.  C'est intéressant. Il faut savoir que la maison de Hazir se trouve dans

 26   une autre rue, donc nous ne sommes pas dans la même rue. Mais à vol

 27   d'oiseau, nous ne sommes qu'à 300 mètres l'un de l'autre, environ.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous seriez en mesure de dessiner quelque chose ? Je

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  1   vais vous donner une page blanche, ou peut-être que nous pourrions utiliser

  2   le matériel de ce Tribunal. Mais est-ce que vous seriez en mesure de

  3   m'indiquer où se trouvait la maison de Gashi, ainsi que la maison de Hazir

  4   et Fadil Berisha ? Je vous demanderais également de nous indiquer où vous

  5   vous trouviez lorsque vous avez assisté à ces événements du 14 mai 1999.

  6   Est-ce que vous êtes en mesure de faire un croquis, dans un premier temps,

  7   l'emplacement de la maison de Hazim Gashi, puis l'emplacement de la maison

  8   de Fadil Gashi, et ensuite l'endroit où vous vous trouviez et d'où vous

  9   avez pu tout observer.

 10   R.  Oui.

 11   M. DJORDJEVIC : [interprétation] J'aimerais demander à M. l'Huissier de

 12   bien vouloir aider le témoin pour qu'il puisse justement utiliser le stylet

 13   électronique afin de dessiner ce croquis, parce que je souhaiterais qu'il

 14   nous indique où se trouve la maison d'Azem Gashi, la maison de Sadik Gashi,

 15   ainsi que la maison de Deme Gashi, et j'aimerais également qu'il mette les

 16   lettres A, S et D respectivement. 

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que ce serait peut-être plus

 18   praticable avec une feuille de papier.

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] De toute évidence, Monsieur le Président.

 20   Q.  Je vous prierais de dessiner un petit carré pour la maison d'Azem Gashi

 21   et d'inscrire la lettre A à côté. Puis ensuite, de dessiner un autre petit

 22   carré à l'endroit où vous situez la maison de Sadik Gashi et d'inscrire la

 23   lettre S à côté. Puis enfin, de dessiner un petit carré à l'endroit où vous

 24   estimez se trouve la maison de Deme Gashi et d'écrire la lettre D à côté de

 25   ce carré. Puis ensuite, je vous demanderais d'ajouter un petit cercle, par

 26   exemple, à côté duquel vous inscrirez la lettre X, et ce cercle

 27   représentera l'endroit où vous vous trouviez.

 28   R.  Est-ce que vous pourriez répéter votre question, je vous prie ?

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  1   Q.  Je ne vous ai pas encore posé une question. Ça, je le ferai plus tard.

  2   Mais ce que j'aimerais que vous fassiez, et j'ai l'impression que vous

  3   l'avez déjà fait, que vous dessiniez l'emplacement des maisons d'Azem,

  4   Sadik et Deme Gashi sur la feuille de papier que vous avez devant vous. Ce

  5   sont les trois maisons où les événements dont nous parlons se sont

  6   déroulés. Puis, d'inscrire la lettre A à côté du symbole que vous aurez

  7   dessiné pour la maison d'Azem Gashi, la lettre S à côté du symbole que vous

  8   aurez dessiné pour la maison de Sadik Gashi et la lettre D à côté du

  9   symbole que vous aurez dessiné pour la maison de Deme Gashi. Puis,

 10   d'inscrire un cercle et la lettre X à côté de ce cercle pour représenter

 11   l'endroit où vous vous trouviez. Voilà ce que je vous ai demandé de faire.

 12   R.  [Le témoin s'exécute]

 13   Q.  Pourriez-vous aussi noter l'emplacement de la cabane des latrines.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, pas trop à la fois, Maître. Une

 15   seule chose à la fois.

 16   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Très bien.

 17   Q.  D'abord, je vous demanderais de noter la maison d'Azem Gashi, et la

 18   lettre A à côté.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les trois maisons sont déjà sur le

 20   papier.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] D'accord.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maintenant, vous voulez que le témoin

 23   inscrive la lettre X et un petit cercle à côté pour désigner l'endroit où

 24   il se trouvait, n'est-ce pas ?

 25   M. DJORDJEVIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis ensuite, vous avez demandé encore

 27   quelque chose. Après le cercle et la lettre X, que vouliez-vous que le

 28   témoin situe ? C'étaient les latrines ?

Page 4742

  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, les latrines dans lesquelles, si je

  2   ne me trompe, Qaush a été tué.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elles sont déjà notées. Le témoin est

  4   très en avance sur vous et sur nous.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Mais qu'en est-il de l'emplacement

  6   correspondant à la lettre X ? Je ne vois pas où se trouvait le témoin.

  7   Q.  Qu'est-ce que vous êtes en train de dessiner ? Est-ce que c'est

  8   l'endroit où vous vous trouviez ?

  9   R.  J'étais ici, derrière la maison. A partir de cet endroit, j'ai vu

 10   qu'ils ont regroupé les gens ici, puis ils les ont emmenés dans la maison

 11   d'Azem. J'étais tout le temps allongé sur le sol. J'ai tout vu du début à

 12   la fin.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pourriez tracer un

 14   cercle représentant l'endroit où vous vous trouviez non loin de la maison,

 15   et à côté de ce cercle inscrire la lettre X.

 16   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 17   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 18   Q.  Si j'ai bien vu, vous vous trouviez derrière la maison de Deme Gashi. 

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Je vous remercie.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous prierais à présent, Monsieur le

 22   Président, d'admettre ce dessin en tant que pièce à conviction.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce dessin est versé au dossier.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il se voit affecter le numéro D00119,

 25   Monsieur le Président.

 26   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 27   Q.  J'ai encore une chose à vous demander, Monsieur. Je vous demande de me

 28   dire à combien de mètres derrière la maison de Deme Gashi vous vous

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  1   trouviez ?

  2   R.  J'étais à 14 ou 15 mètres de la maison. Bien sûr, je n'ai pas mesuré

  3   cette distance, mais j'essayais d'être le plus près possible du lieu où les

  4   choses se passaient. J'ai vu le fils d'Azem dans la foule et j'ai essayé de

  5   me rapprocher des événements.

  6   Q.  Dites-moi, je vous prie, quelle est la distance qui sépare la maison de

  7   Deme Gashi de la maison d'Azem Gashi, d'après votre évaluation ?

  8   R.  60 à 70 mètres, je dirais.

  9   Q.  Dites-moi, quelle est la distance qui sépare la maison de Deme Gashi de

 10   la maison de Sadik Gashi, d'après votre appréciation personnelle ?

 11   R.  Elles sont très proches l'une de l'autre. Elles sont séparées par la

 12   grand-route qui va vers la maison d'Azem. Donc il y a peut-être 40 ou 50

 13   mètres entre les deux, pas plus.

 14    Q.  Quelle distance sépare la maison de Sadik Gashi de la maison d'Azem

 15   Gashi, toujours d'après votre appréciation personnelle ?

 16   R.  Peut-être un peu plus, parce que la maison de Sadik est plus près du

 17   cimetière, en contrebas un petit peu. Je ne saurais pas exactement quoi

 18   vous dire. Elles ne sont pas loin, mais je n'ai jamais mesuré. Je ne

 19   saurais vous donner un chiffre exact parce que je ne suis pas professionnel

 20   des plans, donc je n'ai pas mesuré cette distance.

 21   Q.  Je vous remercie. Quoi qu'il en soit, je n'avais pas l'intention de

 22   vous demander une mesure tout à fait exacte. Je voulais avoir votre avis

 23   sur ces distances.

 24   Les latrines, je vois que la maison dont elles étaient les plus proches

 25   était la maison d'Azem Gashi. A votre avis, à quelle distance de cette

 26   maison se trouvaient les latrines ?

 27   R.  Les latrines pouvaient être à 10 mètres de la maison de Deme. Donc je

 28   dirais à 40 ou 50 mètres.

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  1   Q.  M. l'Huissier vous a retiré votre dessin, mais j'ai vu qu'il y avait un

  2   numéro inscrit sur ce dessin, le numéro 10. Est-ce que vous avez consigné

  3   ce numéro 10 par écrit pour indiquer la distance séparant les latrines de

  4   la maison elle-même ? Je vois ce chiffre 10 sur le dessin, et M. l'Huissier

  5   vous rend votre dessin à l'instant.

  6   R.  Le numéro 10 désigne la distance à partir des latrines. C'étaient des

  7   latrines publiques qui étaient destinées à tous les villageois et qui se

  8   trouvaient à 10 mètres de la maison d'Azim, sur la route. C'étaient des

  9   toilettes publiques.

 10   Q.  Je vous remercie. L'endroit où vous vous trouviez derrière la maison de

 11   Deme Gashi, est-ce que il y avait, à cet endroit, de la végétation qui

 12   avait poussé ? Est-ce que c'était un terrain plat, est-ce que c'était un

 13   terrain en creux ? Quelle était la description que vous feriez de la

 14   topologie de l'endroit où vous vous trouviez derrière la maison de Deme

 15   Gashi ?

 16   R.  C'était un canal, et il y avait de la végétation. Il y avait du

 17   feuillage très dense. Les oiseaux ne vous retrouveraient même pas là-

 18   dedans.

 19   Q.  Je vous remercie. Connaissant la culture et le mode de vie des Albanais

 20   du Kosovo, j'aimerais vous poser la question suivante : autour des maison

 21   d'Azem, de Sadik et de Deme Gashi, y avait-il, oui ou non, un mur de brique

 22   ?

 23   R.  Non, non. Il n'y a pas de murs au Kosova. Depuis que le communisme a

 24   disparu, nous nous sommes débarrassés de tous les murs.

 25   Q.  Et dans votre village, vous avez fait cela, vous avez démoli les murs ?

 26   R.  Le jour où nous avons rendu notre carte du parti, nous nous sommes

 27   débarrassé des murs.

 28   Q.  Mais cela s'est passé quand ?

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  1   R.  Vous le savez mieux que moi.

  2   Q.  Non, je ne le sais pas. C'est la raison pour laquelle je vous pose la

  3   question. Quand le communisme a-t-il disparu au Kosovo-Metohija ? En quelle

  4   année ? Je ne le sais vraiment pas.

  5   R.  Je ne connais pas l'année. Je ne la connais pas.

  6   Q.  Etes-vous sûr qu'au jour d'aujourd'hui, il n'y a plus de murs de grande

  7   hauteur autour d'une seule maison occupée par des Albanais du Kosovo ?

  8   R.  C'est un fait, il n'y a pas de murs de brique. Si vous ne me croyez

  9   pas, venez avec moi. J'ai mon honneur puisque je suis albanais. Mais vous

 10   pouvez venir avec moi et vérifier de vos yeux.

 11   Q.  Je me contente de vous poser des questions ici, et je dispose de

 12   renseignements qui semblent indiquer le contraire de ce que vous venez de

 13   dire. Mais ma question suivante concerne la photographie qui vous a été

 14   montrée par le représentant du bureau du Procureur en premier. Et sur cette

 15   photographie, vous avez reconnu un homme dont vous avez dit qu'il

 16   s'appelait Salipur, surnommé Munja. Vous avez également proféré un certain

 17   nombre de qualificatifs au sujet de cette personne. Mais ma question au

 18   sujet de cette photographie, et je crois qu'il s'agit de la pièce à

 19   conviction P00772, si ma mémoire est bonne, c'est la photographie de groupe

 20   qui a été utilisée par mon collègue de l'Accusation.

 21   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Et j'en demanderais une nouvelle fois

 22   l'affichage sur les écrans.

 23   R.  Oui, oui, oui.

 24   Q.  Donc j'ai plusieurs questions à vous poser au sujet de cette photo.

 25   Cette photo, vous la regardez ici devant vous sur l'écran, mais est-ce la

 26   première fois aujourd'hui que vous la voyez ?

 27   R.  Non, Monsieur. C'est la dernière fois que je vois cet homme, parce que

 28   je l'ai vu vivant. Et il a fait pratiquement tout sauf manger des êtres

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  1   humains vivants.

  2   Q.  Suis-je en droit de dire que ce n'est pas aujourd'hui la première fois

  3   que vous voyez cette photographie ? Autrement dit, que vous l'avez déjà vue

  4   avant le jour d'aujourd'hui ?

  5   R.  Je l'ai vu de son vivant, en civil, mais aussi alors qu'il portait un

  6   uniforme, même avant la guerre.

  7   Q.  Mais je vous pose une question au sujet de la photo. Je ne vous pose

  8   pas des questions au sujet de Munja Salipur, non. C'est au sujet de la

  9   photo que je vous ai posé la question. Est-ce que c'est la première fois

 10   que vous voyez cette photo aujourd'hui ?

 11   R.  Non. Je l'ai vue plusieurs fois.

 12   Q.  Quand est-ce que vous l'avez vue pour la première fois, Monsieur ?

 13   R.  C'est une question complètement absurde. C'était un homme qui était

 14   mauvais, très mauvais.

 15   Q.  Quand est-ce que vous avez vu pour la première fois cette photo ?

 16   R.  Je vous ai dit que c'était plus tôt, avant.

 17   Q.  Pourriez-vous me dire quand par rapport aux événements qui se sont

 18   produits le 14 mai 1999, à peu près. Encore une fois, est-ce que vous avez

 19   vu cette photo pour la première fois il n'y a pas longtemps ou juste après

 20   l'entrée de la KFOR au Kosovo ?

 21   R.  Je l'ai vue des milliers de fois. Je vous ai déjà répondu à cette

 22   question. Est-ce que vous me comprenez ?

 23   Q.  Non, puisque je vous demande à quel moment vous avez vu la photo, pas

 24   l'homme. Donc uniquement la photo. Ce n'est que la photo qui m'intéresse.

 25   Vous le reconnaissez, mais ce n'est pas lui qui m'intéresse. C'est la

 26   photo. Quand est-ce que vous avez vu la photo ? C'est ça la question que je

 27   vous pose.

 28   Quand est-ce que vous avez vu pour la première fois cette photo ? Juste

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  1   après la fin du conflit, après l'entrée de la KFOR ou il n'y a pas

  2   longtemps ?

  3   R.  Oui, je l'ai vue quand la KFOR est arrivée, quand ils nous ont montré

  4   les photos des différents criminels. C'est là que j'ai vu la photo pour la

  5   première fois.

  6   Q.  Donc ils vous ont montré les photos des criminels. Est-ce qu'ils vous

  7   ont dit, Regardez, ce sont des criminels, ou est-ce qu'ils vous ont demandé

  8   si ces gens-là c'étaient des criminels ? Et puis dites-moi aussi qui vous a

  9   montré ces photos.

 10   R.  Non. Ils m'ont demandé si je reconnaissais des gens sur les photos

 11   qu'ils me montraient.

 12   Q.  Bien. Pourriez-vous me dire qui vous a posé cette question, qui vous a

 13   montré ces photos ?

 14   R.  Les gens autorisés à poser des questions au sujet des crimes commis au

 15   Kosova. Bien sûr que je ne me souviens pas de leurs noms. Et je ne sais pas

 16   qui ils étaient, évidemment. D'ailleurs, je n'étais pas habilité à poser

 17   des questions à savoir qui ils étaient, parce que vous savez, nous, on ne

 18   pose pas trop de questions.

 19   Q.  Est-ce que c'étaient des Albanais ou des étrangers ?

 20   R.  Des étrangers.

 21   Q.  Merci. Voici la question suivante : avez-vous jamais, à aucun moment,

 22   reçu un livre d'une organisation non gouvernementale en cadeau qui

 23   comprenait, entre autres, cette photo-là et la photo de votre voisin qui a

 24   survécu, Hazir Berisha ?

 25   R.  Je ne connais rien au sujet d'un livre. Je n'ai jamais vu de livre. Je

 26   ne sais rien à ce sujet.

 27   Q.  Merci. Juste après l'événement du 14 mai 2000 -- 1999, vous avez dit

 28   qu'en compagnie avec quelques voisins à vous, vous avez déplacé les corps

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  1   pour que la police serbe ou l'armée serbe, peu importe, ne vienne pas s'en

  2   emparer.

  3   Après le 14 mai, est-ce que qui que ce soit est revenu dans le

  4   village - là, je parle des forces serbes - pour aller chercher les corps

  5   des gens tués dans les maisons d'Azem, Sadik et Deme Gashi ? Si ceci était

  6   le cas, est-ce qu'ils ont posé les questions aux villageois de savoir où se

  7   trouvaient les corps ?

  8   R.  Oui. Ils sont arrivés le 16. Ils sont arrivés dans la maison d'Ymer

  9   Kadrija. Ils ont posé des questions au sujet des villageois. Il a dit qu'il

 10   ne savait rien. Alors ils sont revenus le 17 pour demander qui a été tué et

 11   qui a survécu. Quand ils ont appris que j'ai survécu, trois ou quatre jours

 12   plus tard, ils sont venus frapper à ma porte. Ils sont venus, ils ont tiré

 13   d'une kalachnikov, mais j'ai pu m'échapper. Et depuis, je vivais caché,

 14   parce que je ne faisais confiance à personne.

 15   Q.  Est-ce que vous savez qui est arrivé le 16 et le 17 mai à cette

 16   occasion-là quand ils ont tiré sur vous ? Pas seulement est-ce que vous

 17   connaissez ces personnes-là, mais est-ce que vous savez combien elles

 18   étaient, en quel nombre ?

 19   R.  Le premier jour, ils étaient quatre. Souvent, ils venaient en voiture.

 20   Le 16 et le 17, ils étaient vêtus d'uniformes, d'uniformes de police. Une

 21   fois, ils sont venus habillés en vêtements civils.

 22   Q.  Pourriez-vous nous décrire leur véhicule ?

 23   R.  C'était un véhicule de particulier. Ils avaient un double rôle. Quand

 24   il y avait les frappes de l'OTAN, ils utilisaient des véhicules de

 25   particulier, et sinon, ils utilisaient leurs voitures de fonction.

 26   Q.  Est-ce que c'étaient des voitures simples ou des voitures tout-terrain

 27   ? Là, je parle des voitures de fonction.

 28   R.  Ceux qui sont venus dans le village ?

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  1   Q.  Vous avez dit que quand il y a eu les frappes de l'OTAN, qu'ils

  2   venaient dans des véhicules de particulier, et que quand il n'y avait pas

  3   des frappes de l'OTAN, qu'ils venaient dans leurs voitures de fonction.

  4   Alors quelles étaient ces voitures de fonction ? Est-ce que c'étaient les

  5   voitures de la police ou autre chose ? Ou bien, des voitures particulières

  6   ? Ou bien, des voitures toutes simples ? Je parle du 16 et 17 mai. Je ne

  7   sais plus quelle date vous avez évoquée, la date à laquelle ils vous ont

  8   tiré dessus, et depuis, vous avez dit que vous vous cachez quelque part.

  9   R.  Là, vous avez tout mélangé dans la question que vous venez de me poser.

 10   Pendant les frappes de l'OTAN, ils utilisaient des voitures de particulier,

 11   et sinon, le reste du temps, ils utilisaient leurs voitures officielles de

 12   fonction. Après les massacres, ils sont venus dans le village dans des

 13   Mercedes noires qui appartenaient à des particuliers.

 14   Q.  Merci. Après le 14 mai, avez-vous vu Ranko Vlahovic, Obrnovic ou

 15   Brajovic, aucun des trois ? Vous personnellement ?

 16   R.  Après la guerre, non. Je ne les voyais plus après la guerre. C'est

 17   impossible de les voir.

 18   Q.  Avant la fin de la guerre, par exemple au cours de la période allant

 19   entre le 14 mai et le 11 juin. Est-ce que vous n'avez vu aucun des trois

 20   pendant cette période-là ?

 21   R.  Non, après cette date-là, je ne voyais plus personne, parce que tout

 22   simplement je me tenais à l'écart des routes goudronnées, puisque j'avais

 23   très peur. J'ai voulu survivre pour pouvoir, un jour, venir ici et déposer,

 24   raconter ce qui s'est passé dans mon village.

 25   Q.  Monsieur Kelmendi, on va revenir sur la photo qui est toujours devant

 26   vous. Je voudrais vous demander dans quelles circonstances vous avez

 27   rencontré Salipur, surnommé Munja. Et puis, veuillez préciser où est-ce

 28   qu'il se trouve sur la photo.

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  1   R.  C'est lui qui est à côté du drapeau au milieu.

  2   Q.  Quand est-ce que vous l'avez rencontré pour la première fois, dans

  3   quelles circonstances ?

  4   R.  C'était avant la guerre. Je l'ai vu frapper quelqu'un de mes propres

  5   yeux, à Peje.

  6   Q.  Mais c'était pendant la guerre ? Après la guerre ? Est-ce que vous le

  7   connaissiez personnellement ?

  8   R.  Non, non.

  9   Q.  Mais est-ce que vous connaissez cette personne, la personne qu'il était

 10   en train de frapper ?

 11   R.  Il le frappait sans aucune raison, juste parce qu'il était albanais, et

 12   on a dû le secourir parce qu'il était vraiment en mauvais état, cet homme.

 13   Q.  Mais vous devez vous souvenir de son nom, puisque vous avez été

 14   traumatisé par cet incident. En temps de paix, vous devez vous en souvenir.

 15   C'est un incident très important. Est-ce qu'il portait un uniforme pendant

 16   qu'il le passait à tabac ou est-ce qu'il était habillé en vêtements civils

 17   ?

 18   R.  C'est vraiment une question ridicule que vous me posez là.

 19   Q.  Non, mais c'est très triste, la question que je vous pose. Je ne suis

 20   absolument pas d'accord avec vous. Si vraiment il y avait quelqu'un qui

 21   était en train de passer à tabac quelqu'un juste parce qu'il était

 22   albanais, et pour aucune autre raison, au beau milieu de Pec, c'est triste.

 23   C'est pour cela que je vous pose la question. Veuillez, s'il vous plaît,

 24   répondre à la question, et nous allons poursuivre demain, parce que là nous

 25   devons terminer.

 26   Donc, est-ce que Salipur Munja portait un uniforme ou est-ce qu'il portait

 27   des vêtements civils pendant qu'il était en train de passer à tabac cette

 28   personne, et comment s'appelait cette personne qu'il frappait sans aucune

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  1   raison ? Parce que dès que vous dites que quelqu'un frappait quelqu'un sans

  2   aucune raison, vous êtes obligé de nous faire part de toutes les

  3   circonstances de cet évènement pour pouvoir en parler. C'est pour cela que

  4   je vous pose la question.

  5   R.  Non, je ne connaissais pas cette personne. Cela s'est produit il y a 15

  6   ans. Cependant, le massacre qui a eu lieu à Qyshk a tout simplement diminué

  7   l'importance de ce premier incident que j'ai mentionné. Je m'excuse d'avoir

  8   utilisé ces termes où j'ai dit que c'était "ridicule."

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djordjevic --

 10   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, nous allons

 11   terminer, et je vais poursuivre mon interrogatoire demain.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Kelmendi, à présent nous

 13   devons lever la session puisqu'il y a un autre procès qui va se dérouler

 14   ici. C'est pour cela que nous allons cesser nos travaux, et je vais vous

 15   demander de revenir demain matin à 9 heures pour poursuivre votre

 16   déposition. L'Huissier va vous aider à partir du moment où nous allons

 17   sortir de ce prétoire. Donc nous nous attendons à vous voir ici demain

 18   matin à 9 heures, et à présent, nous levons la séance.

 19   --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi 20

 20   mai 2009, à 9 heures 00.  

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