Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 21 mai 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   LE TÉMOIN : XHAFER BEQIRAJ [Reprise]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La déclaration solennelle que vous

 11   avez prononcée hier est toujours de vigueur. Vous êtes toujours tenu à dire

 12   la vérité.

 13   Monsieur Djordjevic, c'est à vous.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : [Suite]

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Hier, nous avons discuté du système d'éducation au Kosovo, vous avez

 20   dit que les droits de la population albanaise ont été violés dans ce sens.

 21   Puisque vous avez travaillé comme enseignant, je voudrais vous poser

 22   quelques questions concernant des choses qui se sont produites il y a

 23   relativement peu de temps, et ce sont quelques questions d'actualité en

 24   réalité, mais cela concerne aussi la période qui nous intéresse en

 25   l'espèce.

 26   Je voudrais savoir si vous êtes au courant des mesures qu'il s'agissait de

 27   mettre en avant conformément à l'accord sur l'éducation en date du 1er

 28   septembre 1996, et est-ce que vous êtes au courant de cet accord qui a été

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  1   signé entre Slobodan Milosevic et Ibrahim Rugova qui, à l'époque,

  2   représentait la population albanaise ?

  3   R.  Oui, j'ai entendu parler de cela, mais que je sache, cet accord n'a

  4   jamais vraiment fonctionné. Si je ne m'abuse, en 1997 et même plus tôt, les

  5   étudiants avaient organisé des manifestations qui ont été empêchées par la

  6   police. Ils ont passé à tabac les étudiants, les ont poursuivis au pénal et

  7   tout cela a très mal tourné.

  8   Q.  Est-ce que vous vous souvenez quelle était la raison de protestations

  9   estudiantines de la population albanaise en général en 1996, est-ce que

 10   vous saviez quelle était la principale raison de cette vague de

 11   protestations ?

 12   R.  Je ne me souviens pas vraiment des raisons précises qui ont provoqué

 13   ces protestations, mais je sais que ce que l'on demandait, c'était

 14   davantage de liberté, avoir une démocratie et libérer les installations de

 15   l'éducation nationale.

 16   Q.  En 1997, lors des manifestations, est-ce qu'ils n'avançaient pas comme

 17   demande principale l'indépendance du Kosovo, ou bien est-ce qu'il

 18   s'agissait purement d'éducation ?

 19   R.  Evidemment qu'on parlait aussi de l'indépendance, mais si je ne

 20   m'abuse, je ne connais pas la vraie raison qui les a motivés parce que cela

 21   s'est produit il y a longtemps.

 22   Q.  Je voudrais vous demander, puisque vous avez dit que vous étiez au

 23   courant de l'existence de cet accord entre feu Dr. Rugova et feu président

 24   Milosevic, le président de Serbie, est-ce que vous étiez au courant des

 25   mesures dont ils avaient convenu dans le cadre de cet accord qui devait

 26   être mis en œuvre à partir du 1er septembre 1996. En réalité, il s'agit de

 27   la date du mois de mars 1998, excusez-moi.

 28   R.  Je ne me souviens pas de ces mesures. Tout ce que je sais, c'est que

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  1   l'accord n'a pas fonctionné.

  2   Q.  Ensuite, les événements historiques ont abouti à l'inauguration de

  3   l'institut des études albanaises à Pristina, cela s'est produit au mois de

  4   mars 1998. Puisque vous êtes professeur de la langue albanaise et que

  5   l'institut des études albanaises s'occupe de domaines plus vastes que le

  6   domaine purement linguistique, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui

  7   s'est produit dans cette institution le 31 mars ou même avant cela, le 23

  8   mars 1998 ? Je ne sais pas si vous allez être d'accord avec moi pour dire

  9   que cet accord a été signé par Fehmi Agani, Abdyl Ramaji, Rexhep Osmani,

 10   Goran Percevic, Djobrosav Bjeletic; il y avait aussi Sant'Egidio, Monsignor

 11   Vicenzo Paglia qui était présent, en tant que représentant de la

 12   communauté. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?

 13   R.  Tout d'abord, je ne sais absolument pas qui a participé à cet accord.

 14   Si je ne m'abuse, cet institut des études albanaises existait. Comme je

 15   l'ai dit hier, il y avait très peu d'institutions destinées à la population

 16   albanaise, et même quand on disposait des installations physiquement, elles

 17   étaient en mauvais état. Même dans les domaines avec les instruments tels

 18   l'éducation, les ressources, les laboratoires manuels, et cetera. Moi, je

 19   pense que c'était tout simplement une stratégie pour tromper la communauté

 20   internationale en essayant de leur faire croire que les Albanais

 21   bénéficiaient de leurs droits, alors qu'en réalité, les Albanais n'avaient

 22   absolument pas accès aux universités, c'est un fait tout simplement. Quand

 23   on pouvait aller à la fac il fallait s'asseoir par terre parce qu'on

 24   n'avait pas de chaises.

 25   Q.  Est-ce que vous savez pour quelle raison ces installations étaient en

 26   mauvais état ?

 27   R.  Quelles sont ces installations dont vous parlez ?

 28   Q.  C'est vous qui avez parlé de ces installations. Je parle de bâtiments

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  1   des facultés, des écoles, et cetera.

  2   R.  Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'à partir du moment où l'on a donné

  3   cet institut aux Albanais, cet institut se trouvait physiquement en mauvais

  4   état. Je ne l'ai pas vu de mes propres yeux, je l'ai entendu dire. C'était

  5   des installations de fortune où il fallait travailler, j'y ai travaillé

  6   aussi, les conditions y étaient très difficiles, mais il existait la

  7   volonté de continuer. C'est pour cela que nous avons réussi à survivre dans

  8   ces conditions extrêmement difficiles.

  9   Q.  Est-ce que vous savez le nombre total de facultés qui dépendaient de

 10   l'Université de Pristina ?

 11   R.  Il y en avait pas mal, je ne les connais pas toutes, je ne peux pas les

 12   énumérer. Peut-être que les fonctionnaires du système de l'éducation, les

 13   doyens, les fonctionnaires du rectorat pourraient mieux vous informer à ce

 14   sujet.

 15   Q.  Est-ce que vous savez qu'en vertu de cet accord, les étudiants de

 16   nationalité albanaise ont reçu sept bâtiments au total qui devaient abriter

 17   une trentaine d'écoles ? Ils ont aussi reçu les clés d'autres installations

 18   nécessaires à la vie estudiantine, à savoir les dortoirs, les restaurants,

 19   et cetera.

 20   R.  Je n'ai aucune connaissance à ce sujet. Tout ce que je sais, c'est que

 21   les étudiants suivaient les cours dans les maisons des particuliers. C'est

 22   ce que je sais.

 23   Q.  Est-ce que vous avez des connaissances quant au retour des étudiants de

 24   nationalité albanaise dans les grandes écoles ?

 25   R.  Non, je n'ai pas de connaissance à ce sujet. Jusqu'en 1998, j'étais

 26   étudiant moi-même. J'ai suivi mes cours dans des maisons de particuliers.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  Ceci a duré jusqu'à la fin de l'année 1998, mais je n'ai pas observé de

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  1   changements dans la situation, pas personnellement. Je n'ai pas mis les

  2   pieds dans l'immeuble de la faculté de philologie. C'est là que j'ai fait

  3   mes études. En ce qui concerne les autres universités, je n'ai pas vraiment

  4   d'information directe à ce sujet, mais je sais que mes collègues, des

  5   étudiants aussi, nous disaient à l'époque qu'ils suivaient les cours dans

  6   des maisons de particuliers eux aussi.

  7   Q.  Monsieur Beqiraj, est-ce qu'en 1996 ou 1997 et 1998, M. Ibrahim Rugova

  8   représentait la communauté albanaise ? Est-ce que vous pouvez nous dire si

  9   M. Fehmi Agani, Abdul Rrahman ainsi que Rexhep Osmani, étaient aussi des

 10   représentants de la population albanaise ? Est-ce que vous savez s'ils ont

 11   participé aux négociations avec le président serbe Slobodan Milosevic ?

 12   Est-ce que vous pensez que ces personnes dont je viens de vous donner le

 13   nom étaient des représentants légitimes de la population albanaise à

 14   l'époque ?

 15   R.  Oui. Ils représentaient la population albanaise effectivement à

 16   l'époque, puisqu'ils ont été élus lors des élections.

 17   Q.  Vu que c'est eux qui ont signé cet accord en présence des représentants

 18   -- je ne vais pas dire la communauté internationale, mais en présence d'un

 19   membre de l'organisation qui s'appelle Sant'Edgidio, et qu'ils ont reçu ces

 20   immeubles même en mauvais état, est-ce que vous savez si qui que ce soit se

 21   rendait dans les immeubles de la faculté pendant cette période ? Est-ce que

 22   vous savez s'il y a eu des cours dans ces immeubles en 1998, par exemple,

 23   notamment à l'institut des études albanaises. Est-ce que cet institut

 24   fonctionnait, est-ce qu'il y avait des professeurs qui travaillaient, est-

 25   ce qu'il y avait des étudiants qui y suivaient des cours ?

 26   R.  Tout d'abord, quand il s'agit de cet accord, tout ce que je peux dire

 27   c'est qu'il y a eu beaucoup d'accords, mais dans quelle mesure ils étaient

 28   mis en œuvre, c'est une autre question, parce que vous pouvez passer un

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  1   accord évidemment, mais ensuite mettre un accord en œuvre, ça en est une

  2   autre.

  3   En ce qui concerne cet institut des études albanaises, non, je ne

  4   sais même pas s'il y avait des professeurs qui travaillaient, puisque

  5   c'était une situation complètement exceptionnelle. En 1998, nous avions une

  6   situation de guerre. Je ne dispose pas des informations que vous venez de

  7   m'exposer dans votre question.

  8   Q.  Merci. J'ai une question aussi liée à ce contexte, à cette situation :

  9   est-ce que vous savez que le 6 août 1998, le ministère de l'Education, lors

 10   d'une réunion tenue avec le représentant de la communauté internationale et

 11   M. Kamerun et M. Djamjanovic, qu'ils se sont mis d'accord sur les donations

 12   et les investissements, et qui visaient à reconstruire trois dortoirs au

 13   niveau de l'université de technologie, ainsi que la réparation des

 14   installations du dortoir numéro 3, qui se trouve dans la cité

 15   universitaire, ainsi que la reconstruction de l'ancien bâtiment de la

 16   faculté de technologie, qui se trouve à l'endroit où se trouvait auparavant

 17   la faculté de technologie, ainsi que la réparation de l'amphithéâtre qui se

 18   trouve dans l'enceinte de la faculté de technologie, ainsi que la

 19   réparation du bâtiment administratif qui se trouve aussi à la même localité

 20   où se trouvait la faculté de technologie. Donc il s'agit d'une surface

 21   totale de 12 kilomètres carrés.

 22   Le prix en mètres carrés, de travaux devait correspondre à l'époque à

 23   450 écus et nos prix devaient correspondre à 400 millions d'écus. Donc tout

 24   ceci devait être financé par la République de Serbie et ses ministères.

 25   Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

 26   R.  Ecoutez, je ne suis pas au courant de tout cela. Je pense qu'on a

 27   plutôt détruit que de réparer quoi que ce soit. Moi, j'ai entendu dire en

 28   revanche qu'on a construit des églises, des églises qui n'existent même pas

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  1   auparavant. D'ailleurs si vous allez visiter l'université aujourd'hui, vous

  2   allez vous en rendre compte vous-même. Moi, je n'ai pas vraiment entendu

  3   parler de travaux au niveau des facultés. Non, on n'a rien réparé, on n'a

  4   rien reconstruit. On a tout simplement démoli, brûlé, des livres

  5   disparaissaient. C'est de ces choses-là que j'ai entendu parler.

  6   Q.  Tout à l'heure, je vous ai demandé si vous saviez comment ces bâtiments

  7   à Pristina avaient été démolis ou endommagés.

  8   R.  Je n'en suis pas sûr, mais je me demande qui pouvait les détruire, ceux

  9   qui travaillaient évidemment. Donc ce sont les professeurs serbes et les

 10   étudiants serbes qui s'y trouvaient. C'est eux qui étaient les

 11   propriétaires, pour ainsi dire, les utilisateurs de ces locaux.

 12   Q.  Est-ce que vous conviendrez que la personne qui utilise certaines

 13   ressources n'a aucun intérêt à les détruire ? Est-ce que vous conviendrez

 14   que là on parle des destructions qui ont eu lieu avant 1998 ?

 15   R.  Non, je ne pense pas que ceci soit le cas. Je pense qu'on a fait exprès

 16   de les détruire. Des centaines de livres ont été détruits, des livres qui

 17   se trouvaient dans ce bâtiment. Je pense que nous avons des preuves à

 18   l'appui pour corroborer ce que je viens de dire, des preuves qui confirment

 19   la façon dont on a détruit ces immeubles, ces universités. Ce n'était pas

 20   une époque de construction ou reconstruction, c'était l'époque de la

 21   destruction qui a duré une dizaine d'années, toute une décennie, une

 22   décennie de répression dont a souffert avant tout le peuple albanais.

 23   Q.  N'avez-vous pas dit hier que la population serbe au Kosovo représentait

 24   5 % de la population ?

 25   R.  C'est ce que je sais grâce aux informations que j'ai pu lire.

 26   Q.  Et quelle est la source de ces informations, pouvez-vous me le dire ?

 27   Est-ce qu'il existait un recensement de la population qui datait de cinq ou

 28   dix années avant la période qui nous intéresse, un recensement de la

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  1   population à laquelle la population albanaise avait pris part ?

  2   R.  Je n'ai pas d'information quant au recensement de la population, mais

  3   il y a eu des élections et d'autres situations qui ont montré de tels

  4   rapports qui correspondaient à ces pourcentages. Jusqu'aux années 1990,

  5   nous avons eu de très bons rapports avec la population serbe, mais après ce

  6   qui s'est passé par la suite, à savoir cette promulgation du nationalisme

  7   serbe, la haine s'est installée entre les deux peuples, et la suite on la

  8   connaît tous.

  9   Q.  Donc je suppose que là vous êtes en train de me dire que ce chiffre

 10   approximatif que vous nous avez donné, que vous en êtes arrivé à ce

 11   chiffre-là sur la base des élections. Si vous n'êtes pas d'accord, dites-le

 12   tout de suite, s'il vous plaît.

 13   R.  Non, je ne veux pas retirer ce que je viens de dire, je peux tout à

 14   fait corroborer cela par des informations reconnues par la communauté

 15   internationale, à savoir que la population albanaise représentait 92 % de

 16   la population et que les Serbes représentaient à peu près 5 % de la

 17   population, et vous avez 3 % de cette population représenté par d'autres

 18   nationalités habitant au Kosovo.

 19   Q.  La dernière question que je vous ai posée, je vous l'ai posée parce que

 20   si vous basez vos informations sur les élections, ceci voudrait dire que la

 21   population serbe avait participé à ces élections, et même que les 3 %

 22   d'autres groupes ethniques présents au Kosovo avaient participé à ces

 23   élections. Donc c'est ce que vous êtes en train de nous dire, c'est ce que

 24   vous essayez de nous dire, que les Serbes aussi avaient participé aux

 25   élections au Kosovo, au même titre que d'autres groupes ethniques ?

 26   R.  Non, les Serbes n'ont pas participé, ils ont boycotté ces élections. Je

 27   n'ai pas d'information qui dirait que les Serbes auraient participé à ces

 28   élections, mais il ne s'agissait pas uniquement des élections. Après 1999,

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  1   lorsque nous sommes retournés au Kosovo après le nettoyage ethnique, les

  2   tortures et le génocide auxquels nous avons été exposés, jusqu'en 2000 ou

  3   2001, si je ne m'abuse, les gens ont commencé à être enregistrés et à se

  4   voir octroyer des cartes d'identité. Et sur la base de ces enregistrements,

  5   on est arrivé à ce chiffre pour ce qui est de la population albanaise parce

  6   que nous avons reçu nos cartes d'identité, des passeports MUNIK.

  7   Q.  Monsieur Beqiraj, Nis est une ville au centre de la Serbie, à Nis se

  8   trouve l'université. J'attends que mon assistant m'apporte des documents

  9   dans lesquels on peut voir qu'en 1996, 1997 et 1998, il a été prévu

 10   l'inscription de 2 400 étudiants à l'Université de Nis. A l'Université de

 11   Pristina, il a été prévu que 2 430 étudiants soient inscrits. Voudriez-vous

 12   dire, expliquer que parmi 2 400 étudiants pour lesquels les moyens

 13   financiers du budget de la Serbie ont été octroyés, que 5 % de la

 14   population serbe au Kosovo et à Pristina aurait pu représenter ce chiffre

 15   de 2 400 étudiants à Nis, en Serbie, qui est deux fois plus grande que la

 16   ville de Pristina ? Est-ce que vous pouvez nous donner des commentaires

 17   pour ce qui est de ce chiffre ?

 18   R.  Je ne peux pas vous donner de commentaires là-dessus. Tout ce que je

 19   sais et dont je suis certain c'est que le nombre d'étudiants à l'Université

 20   de Pristina n'était pas 2 430 étudiants. Il y avait un peu plus d'étudiants

 21   bien que la situation était comme elle était à l'époque, et les conditions

 22   qui y régnaient à l'époque étaient mauvaises. Les jeunes gens ont fait tout

 23   pour continuer leur éducation sans aucun appui du gouvernement serbe. Au

 24   contraire, les étudiants ont été arrêtés et torturés pendant des

 25   protestations qui ont été organisées, et lors de ces protestations, ils ont

 26   demandé la démocratie, le droit à l'éducation sans aucune discrimination

 27   sur la base nationale, religieuse ou raciale.

 28   Q.  Je serais d'accord avec vous pour ce qui est de ce que vous venez de

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  1   dire, mais je ne dirais pas que les étudiants ont protesté pour ce qui est

  2   de leur droit à l'éducation, mais plutôt ils ont demandé ce que de nombreux

  3   témoins ont dit ici, ils ont demandé l'indépendance du Kosovo après les

  4   changements constitutionnels qui ont eu lieu en Serbie.

  5   Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que ces

  6   protestations ont été organisées pour l'indépendance du Kosovo, que c'était

  7   l'objectif principal de ces protestations, et que toujours lors de ces

  8   protestations, ils ont demandé l'indépendance du Kosovo et la République du

  9   Kosovo ?

 10   R.  J'ai déjà dit que les étudiants ont protesté pour demander le droit à

 11   l'éducation, à utiliser les installations de l'éducation, à utiliser leur

 12   droit à l'éducation comme toutes les autres nations du monde entier

 13   l'utilisent, et ils ont voulu vivre dans leur propre pays en liberté sans

 14   être arrêtés et torturés et persécutés. Les autorités ont essayé de

 15   réprimer ces protestations, et il y a des faits qui étayent cela.

 16   Q.  Je suis d'accord avec vous pour dire que les autorités doivent réagir à

 17   tout cela s'il s'agit des citoyens qui sont contre le système

 18   constitutionnel du pays.

 19   Je vais en finir avec ce concernant l'éducation, j'ai voulu vérifier

 20   à quelle mesure vous étiez familier avec toutes ces informations.

 21   La langue serbo-croate qui était enseignée à l'époque et qui a été

 22   rebaptisée par la suite la langue serbe, j'aimerais savoir si à l'époque

 23   vous parliez cette langue ?

 24   R.  Avant je parlais cette langue beaucoup mieux, je l'écrivais et je la

 25   comprenais mieux. Pourtant, aujourd'hui il m'est plus difficile de la

 26   parler, même si je la comprends.

 27   Q.  Est-ce qu'au Kosovo, on pouvait utiliser les deux langues, quelle

 28   langue était la langue officielle au Kosovo à l'époque, y compris dans des

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  1   institutions de l'éducation ?

  2   R.  A l'époque, la langue serbo-croate était la langue officielle.

  3   Q.  Dans les institutions de l'éducation aussi ?

  4   R.  Avez-vous fait référence à des institutions, des établissements de

  5   l'éducation albanaise ?

  6   Q.  Nous parlons maintenant des établissements de l'éducation légaux qui à

  7   l'époque existaient dans le pays qui s'appelait la Serbie et dans la

  8   province autonome qui s'appelait Kosovo-Metohija. A cette époque, le

  9   système légal ne reconnaissait pas les systèmes de l'éducation parallèles.

 10   Est-ce qu'à l'époque on pouvait utiliser la langue serbo-croate, serbe, ou

 11   albanaise ? C'était ma question. Est-ce qu'il y avait d'autres langues qui

 12   ont été utilisées de façon officielle au Kosovo à l'époque pour ce qui est

 13   des établissements de l'éducation ?

 14   R.  Monsieur le Président, j'aimerais savoir de quelle période de temps le

 15   conseil de la Défense parle ?

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai noté qu'il s'agit de la période

 17   allant de 1996 à 1998, mais je n'en suis pas certain.

 18   Est-ce que c'est correct, Maître Djordjevic ?

 19   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est la

 20   période de temps dont on parle ici.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Cela va aider le témoin.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   C'était la période pendant laquelle la discrimination régnait, et la langue

 24   officielle était le serbo-croate.

 25   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

 26   Q.  Serez-vous d'accord avec moi pour dire que dans la constitution de la

 27   République de Serbie, la langue officielle au Kosovo-Metohija était aussi

 28   la langue albanaise ?

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  1   R.  Oui. Avant 1989, la langue albanaise était également la langue

  2   officielle. Néanmoins, lorsque la constitution de 1974 a été révoquée de

  3   façon de force, la langue albanaise n'était plus la langue officielle au

  4   Kosova. A l'époque, nous ne pouvions pas utiliser nos droits et en même

  5   temps les autres peuples pouvaient bénéficier de ces mêmes droits.

  6   Q.  Monsieur Beqiraj, vous avez voyagé partout au Kosovo. Le Kosovo n'est

  7   pas une grande province. Moi aussi j'ai voyagé à travers le Kosovo. J'ai vu

  8   le panneau avec l'inscription Urosevac. Au-dessus il y avait une autre

  9   instruction, Ferizaj. Avez-vous remarqué cela dans les années 1990, par

 10   exemple, en 1996 ou 1998. Est-ce que vous avez vu ces deux appellations de

 11   la même ville ?

 12   R.  Est-ce que le conseil de la Défense peut réitérer la dernière partie de

 13   sa question ? On peut dire qu'une langue est officielle si elle est

 14   utilisée dans des institutions légales, et non pas sur les panneaux à côté

 15   des routes.

 16   Q.  Monsieur Beqiraj, pouvez-vous nous dire quand vous vous êtes marié,

 17   quelle année ?

 18   R.  En 1994.

 19   Q.  1994 ? Avez-vous le certificat de mariage original, que vous avez

 20   obtenu dans la municipalité où vous vous êtes marié ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Dans ce certificat de mariage, je peux lire le texte qui est en

 23   albanais et en serbe, ou plutôt seulement en serbe ou seulement en albanais

 24   ?

 25   R.  Je ne me souviens pas. Pourtant, la région dans laquelle mon mariage a

 26   été enregistré était peuplée en majorité par les albanais, et j'ai remarqué

 27   que pour ce qui est de ce registre il y avait des entrées en albanais et en

 28   serbe. A mon avis, cela n'est pas pertinent. Ce qui est pertinent c'est

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  1   l'utilisation de la langue albanaise dans des différentes institutions,

  2   pour ce qui est de l'éducation ou pour ce qui est d'autres institutions au

  3   Kosova.

  4   Q.  Monsieur Beqiraj, avez-vous jamais essayé de vous faire embaucher en

  5   tant qu'enseignant dans le système scolaire qui a été reconnu par l'Etat de

  6   Serbie souverain à l'époque, sur le territoire de la province du Kosovo-

  7   Metohija à l'époque ? Avez-vous jamais envoyé votre candidature à des

  8   concours pour ce qui est des postes d'enseignant au Kosovo dans le système

  9   d'éducation au Kosovo ?

 10   R.  J'étais élève d'une école secondaire, par la suite j'étais étudiant. A

 11   l'université je n'ai pas voulu travailler. J'ai voulu continuer mes études

 12   pour avoir un meilleur futur.

 13   Lorsque j'ai commencé mes études, les mesures de force ont été appliquées.

 14   Nous avons été expulsés des institutions de l'éducation et nous étions dans

 15   la rue, et nous avons été obligés de trouver une solution à cette

 16   situation, nous avons continué à suivre nos études dans des maisons privées

 17   pour que nos jeunes gens continuent leur éducation et ne soient pas

 18   analphabètes. C'était la situation qui régnait à l'époque.

 19   Q.  Je vais maintenant aborder les événements du 14 avril 1999 à Tirana,

 20   dont vous avez parlé dans votre déclaration que vous avez lue et signée par

 21   la suite. Cette déclaration vous a été lue après.

 22   Vous avez dit que dans votre maison il y avait des réfugiés du

 23   village de Opterusa que vous connaissiez. Savez-vous dans quelle

 24   municipalité se situe ce village ?

 25   R.  En fait, je ne connaissais pas cette famille. J'ai fait

 26   connaissance des membres de cette famille au moment où ils ont cherché

 27   refuge. Il y avait des bâtiments qu'on pouvait leur céder. Ce village se

 28   trouvait sur le territoire de la municipalité de Rahovec.

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  1   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à Prizren, au moment où vous vous êtes

  2   installé dans ces bâtiments dans un état pas très bon, pouvez-vous nous

  3   dire ce qui s'est passé par la suite ?

  4   R.  A mon avis, ils étaient arrivés là-bas après le mois d'août 1998.

  5   Ils ont été hébergés dans d'autres maisons à Prizren. Je ne connais pas les

  6   raisons pour lesquelles ils ont quitté leur propre maison à Prizren, ils

  7   ont frappé à ma porte, ils ont demandé refuge et nous les avons aidés.

  8   Q.  Pour ce qui est de l'année 1998, saviez-vous que la ville

  9   d'Orahovac était occupée par les membres de l'UCK et que pendant une

 10   période cette ville était sous le contrôle total de l'UCK ?

 11   R.  Après la guerre, j'ai appris que l'UCK contrôlait cette ville

 12   pendant une brève période de temps, et après quoi les forces serbes les ont

 13   chassés de cette ville. A Rahovec, il y avait des combats. Beaucoup de

 14   civils ont été tués, c'était le résultat des combats menés sur le

 15   territoire de la municipalité de Rahovec.

 16   Q.  Dans l'une de vos déclarations, vous avez dit qu'un soir 12 jeunes

 17   hommes sont arrivés dans votre maison parce qu'ils pensaient que votre

 18   maison était plus en sécurité. Dites-nous par rapport à quelles autres

 19   maisons votre maison était plus en sécurité ? Qu'est-ce que ces 12 jeunes

 20   hommes ont entendu par cela ?

 21   R.  Je m'excuse. Ma maison n'était pas plus en sécurité par rapport à

 22   d'autres maisons. Il n'y avait pas de maisons au Kosovo pour lesquelles on

 23   pouvait dire qu'elles étaient en sécurité.

 24   Quand j'ai dit cela, j'ai pensé à la chose suivante : ces voisins

 25   étaient arrivés là-bas, et par conséquent nous pouvions survivre ensemble à

 26   cette période difficile. C'est ce que à quoi j'ai pensé quand j'ai dit

 27   cela. Personne n'était en sécurité à l'époque. Même si cette maison avait

 28   été une forteresse, personne n'aurait pu s'y sentir en sécurité.

Page 4843

  1   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait afficher la

  2   déclaration du 14 avril 1999 à l'écran ? Il s'agit de la pièce D003-0395.

  3   Est-ce qu'on peut afficher la deuxième page de la déclaration, s'il vous

  4   plaît. Est-ce qu'on peut afficher la version en albanais. Ce qu'on peut

  5   voir maintenant, c'est la version en B/C/S. Tout à l'heure, le texte en

  6   albanais a été affiché et à présent on peut voir le texte en B/C/S --

  7   c'était seulement la première page.

  8   Monsieur le Président, si vous permettez, j'aimerais lire une partie de la

  9   déclaration au témoin, parce que vous avez la version en anglais devant

 10   vous. J'aimerais lire le paragraphe à propos duquel je poserai des

 11   questions à ce témoin.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maintenant nous pouvons voir cette

 13   version sur l'écran. Oui, allez-y.

 14   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q. Au paragraphe 3 de cette déclaration, vous dites que vous avez décidé de

 16   faire partir votre famille vers un endroit plus sécuritaire. Vos enfants et

 17   vos cousins étaient partis vers le centre de Prizren, et vous êtes resté

 18   dans votre maison avec les réfugiés d'Opterusa.

 19   Mais dans le paragraphe suivant, vous dites :

 20   "Le lendemain dans la soirée, 12 jeunes hommes sont arrivés dans ma

 21   maison parce qu'ils ont estimé que ma maison était plus en sécurité. Ils

 22   sont restés une nuit."

 23   Par rapport à ce paragraphe, je veux vous poser la question suivante, si

 24   vous avez déclaré cela. Sinon, dites-nous de quoi il s'agit pour qu'il n'y

 25   ait pas de dilemme par rapport à cette partie de votre déclaration. Votre

 26   famille est partie dans un endroit plus en sécurité selon vous, et ces

 27   jeunes hommes considèrent votre maison comme la maison la plus en sécurité

 28   par rapport à d'autres maisons. Dites-nous pourquoi ces 12 jeunes hommes

Page 4844

  1   sont arrivés dans votre maison, pour quelle raison ?

  2   R.  Je vais vous expliquer cela. Je n'ai pas lu cette déclaration, je ne

  3   l'ai pas signée non plus. J'ai fait partir mes enfants et des femmes vers

  4   le centre de la ville pour des raisons de sécurité. Les hommes étaient

  5   restés dans cette maison.

  6   Les familles de nos voisins ont procédé de la même façon. Il y avait des

  7   jeunes et des personnes âgées qui étaient restés dans leurs maisons pour

  8   les garder. Puisque la situation était comme elle était, nous avons décidé

  9   de rester tous ensemble. Ma maison n'était pas un fief, une forteresse.

 10   C'était une maison ordinaire. Mais nous étions tous ensemble pour pouvoir

 11   survivre à tout cela parce que la situation était difficile. Il ne

 12   s'agissait pas des raisons de sécurité. Parce qu'au Kosova à l'époque la

 13   situation était très difficile. Les conditions de sécurité étaient très

 14   mauvaises. Personne ne se sentait en sécurité.

 15   Q.  Je comprends cela. Mais j'aimerais savoir qui étaient ces 12 jeunes

 16   hommes. Pourquoi ils étaient arrivés dans votre maison ? De qui il

 17   s'agissait, dites-nous ?

 18   R.  Il s'agissait de mes voisins avec lesquels je partageais tout. Ces

 19   jeunes hommes, mes voisins, avaient également fait partir leurs maisons,

 20   ils les ont envoyés au centre-ville parce que nous avons entendu des

 21   histoires terribles pour ce qui est des raids policières, des pillages, et

 22   cetera. C'est pour cela que nous avons pensé qu'il aurait été mieux

 23   d'envoyer les femmes et les enfants dans le centre-ville. J'ai déjà dit

 24   avant que dans l'usine Progres il y avait beaucoup de membres de ces

 25   forces. Il y avait des tirs d'armes à feu en continu. C'est pour cela qu'on

 26   a décidé de procéder ainsi. Je ne sais pas si c'était une bonne ou mauvaise

 27   décision, mais c'était la décision que nous avons prise. C'était la guerre.

 28   Nous avons pensé que c'était la meilleure solution pour nous, et nous avons

Page 4845

  1   décidé de rester ensemble.

  2   Q.  Merci de cette explication. Les choses sont beaucoup plus claires

  3   maintenant. Pouvez-vous nous dire quand pour la première fois vous avez

  4   entendu parler de l'UCK, de l'Armée de libération du Kosovo ?

  5   R.  Pour ce qui est de l'UCK, j'ai entendu parler de l'Armée de libération

  6   du Kosova en 1997, lorsque trois membres de l'UCK à Drenica, pendant les

  7   funérailles d'un instituteur de Drenica qui a été tué par les forces de

  8   police, lors de ces funérailles ils étaient apparus pour la première fois

  9   en public. Jusqu'à ce moment-là, les gens ne croyaient pas qu'une telle

 10   armée existait. J'ai appris d'autres choses pour ce qui est de cette armée

 11   après la guerre.

 12   A mon avis, cette organisation militaire était née du peuple, du peuple qui

 13   a subi beaucoup de représailles à l'époque. Il s'agissait des jeunes hommes

 14   qui ont pris des armes pour défendre eux-mêmes, et leurs familles, et leurs

 15   terres.

 16   Q.  Monsieur Beqiraj, pouvez-vous me dire si vous avez vu quelles armes

 17   avaient les membres de l'UCK, quels étaient leurs uniformes, et s'ils

 18   portaient des uniformes ?

 19   R.  Non, je n'ai jamais vu cela, simplement après la guerre. Lorsque nous

 20   sommes revenus d'Albanie, là j'ai eu l'occasion de les voir.

 21   Q.  Monsieur Beqiraj, aviez-vous entendu parler de la présence de l'UCK

 22   dans les environs de Prizren ?

 23   R.  Oui, j'en avais entendu parler, je savais qu'il y en avait dans les

 24   environs de Vrini et dans d'autres petits villages de la municipalité de

 25   Rahovec.

 26   Q.  Est-ce que vous saviez que les membres de l'UCK avaient torturé, violé

 27   des membres de la population tant serbe qu'albanaise qu'ils considéraient

 28   comme manquant de loyauté à leur cause, d'après leurs propres critères ?

Page 4846

  1   R.  A ma connaissance, l'UCK a toujours pleinement respecté les lois de la

  2   guerre. Je me souviens très bien de l'époque où ils avaient enlevé certains

  3   prisonniers, et ensuite ils les avaient échangés contre des membres des

  4   forces serbes. A mon avis, l'UCK s'est toujours conformée aux lois de la

  5   guerre. C'est une armée qui avait été obligée de se mettre en place afin de

  6   protéger les membres de sa population. Donc c'est complètement différent

  7   d'un conflit entre deux parties belligérantes. Ce serait pareil dans le

  8   cadre d'une véritable guerre entre deux parties en présence, si ce genre de

  9   chose arrivait, mais commettre un véritable nettoyage ethnique de la

 10   population civile, là ça dépasse tout entendement et toute raison.

 11   Q.  Je suis parfaitement d'accord avec vous, Monsieur Beqiraj, à cet égard.

 12   Néanmoins, je n'ai pas très bien compris si vous avez été témoin ou si vous

 13   avez entendu parler de ces échanges. Les avez-vous vus ces échanges de

 14   prisonniers ou en avez-vous entendu parler seulement ? Vous avez dit que

 15   des personnes qui avaient été enlevées ensuite avaient été échangées. De

 16   quoi s'agit-il exactement ? Qu'est-ce que vous avez essayé de nous dire ?

 17   R.  D'après ce dont je me souviens, ils avaient fait prisonniers certaines

 18   personnes. Pas nécessairement des soldats, je ne sais plus, mais je pense

 19   que c'étaient des soldats, des soldats serbes. A ma connaissance, ils ont

 20   négocié pour échanger les prisonniers. Je ne sais pas si cela s'est fait,

 21   mais de mon point de vue, l'UCK a toujours respecté les lois de la guerre.

 22   C'est une armée qui avait peu d'armes et de matériel militaire parce que

 23   c'était une armée qui n'était pas une armée professionnelle, c'était une

 24   armée constituée dans le cadre d'une situation particulièrement difficile

 25   et qui s'était constituée en réaction à une situation de répression contre

 26   notre population. N'importe qui dans le monde entier aurait fait exactement

 27   la même chose pour protéger sa population contre tout nettoyage ethnique et

 28   contre tout assassinat.

Page 4847

  1   Maintenant, en ce qui concerne ce que vous dites sur les enlèvements

  2   et les viols de civils, c'est quelque chose dont je n'ai jamais entendu

  3   parler. Très franchement, je ne sais pas, et je n'y crois pas.

  4   Q.  Il y a un instant vous avez répondu en disant que vous aviez vu des

  5   membres de l'UCK après la guerre seulement. Ce que vous dites maintenant

  6   c'est que vous parlez d'un échange qui serait survenu pendant la guerre.

  7   Alors est-ce que vous pouvez être un peu plus précis parce que là il y a

  8   une contradiction ? Comment avez-vous entendu parler de ces échanges ? Pour

  9   savoir qu'il y a eu échange, échange c'est quand même dans ce genre de

 10   situation une question qui en général est maintenue plus ou moins dans la

 11   confidentialité. Alors seulement quelqu'un qui avait contact avec l'UCK

 12   aurait pu avoir entendu parler de cet échange de prisonniers. Pouvez-vous

 13   être un peu plus explicite ?

 14   R.  Oui, j'en ai entendu parler par la radio, par la télévision, et d'après

 15   mes souvenirs, parce que de toute façon je n'avais aucun contact avec l'UCK

 16   puisque j'étais tout simplement enseignant et j'étais également étudiant

 17   puisque je suivais des cours. Je vous ai dit l'entière vérité. J'ai vu des

 18   uniformes de l'UCK et des membres de l'UCK uniquement une fois que la

 19   guerre était terminée.

 20   Q.  Merci pour cet éclaircissement, Monsieur Beqiraj. Connaissez-vous une

 21   personne du nom de Resadija Morina de Prizren ?

 22   R.  Non, je ne la connais pas.

 23   Q.  Savez-vous où se trouve la rue d'Ulcinjska à Prizren, et à quelle

 24   distance se trouve-t-elle par rapport à votre maison ?

 25   R.  A vol d'oiseau, je dirais à 500 mètres environ.

 26   Q.  Saviez-vous que le 6 février 1999, il a été dit que certains membres de

 27   l'UCK, deux jours avant, alors qu'ils étaient armés de fusils automatiques,

 28   s'étaient rendus au 105 de la rue Ulcinjska à Prizren et avaient enlevé

Page 4848

  1   Milaim Morina et son cousin, Zeknja Nedo. Est-ce que vous avez entendu

  2   parler de cet incident ? Il s'agit de deux personnes et les deux personnes

  3   que je viens de mentionner, Milaim Morina et Zeknja Nedo.

  4   R.  Très franchement, non, je n'ai jamais entendu parler de cet incident.

  5   Q.  Connaissez-vous le nom de Senad Bajrami, en avez-vous entendu parler ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Connaissez-vous la rue Kosovska à Prizren, et à quelle distance se

  8   trouve-t-elle par rapport à chez vous ?

  9   R.  Pour vous dire la vérité, non, je ne connais pas bien cette rue parce

 10   qu'en fait beaucoup de temps s'est écoulé depuis l'époque et en réalité les

 11   noms des rues ont très souvent été changés. Donc non, je ne connais pas et

 12   je ne me souviens pas du nom de cette rue.

 13   Q.  Vous ne connaissez pas cette rue. Maintenant, est-ce que néanmoins vous

 14   auriez entendu parler d'un incident qui serait survenu le 8 mars 1999, à

 15   environ 20 heures 30 ? Certains membres de l'UCK ont attaqué et gravement

 16   blessé Morina Maska Zeren. Je crois que c'est son nom de famille. Est-ce

 17   que vous avez entendu parler de cet incident ?

 18   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler de cela. Pour vous dire la vérité,

 19   beaucoup de choses épouvantables se passaient à l'époque. Les gens étaient

 20   tués, les gens étaient torturés, et on ne pouvait pas tout suivre et on ne

 21   pouvait pas être au courant de tout ce qui se passait.

 22   Q.  Auriez-vous entendu parler d'un incident le lendemain, le 9 mars,

 23   encore une fois dans la soirée, il s'agit de l'enlèvement de Imer Xhhfiqi

 24   qui a été enlevé à Prizren. Est-ce que vous en avez entendu parler ?

 25   R.  Non, je n'en ai pas entendu parler.

 26   Q.  Auriez-vous des connaissances directes ou indirectes d'incidents qui

 27   sont survenus dans les environs de Prizren dans le quartier de Mala Krusa,

 28   à Randubrava, Jablanica et Hoca, ce sont des incidents qui auraient été

Page 4849

  1   causés par les forces serbes mais qui au départ auraient été dus aux

  2   membres de l'UCK ? Les forces serbes auraient donc réagi aux actions des

  3   membres de l'UCK.

  4   R.  Je suis désolé, pouvez-vous répéter votre question.

  5   Q.  Je vous ai mentionné un certain nombre de villages dans les environs de

  6   Prizren. Je ne vais pas les répéter car nous n'avons pas le temps. Mais

  7   est-ce que vous avez entendu parler d'incidents, d'incidents violents

  8   engendrés par les membres de l'UCK dans les environs de Prizren, plus

  9   précisément dans les villages dont je vous ai énuméré la liste ?

 10   R.  Non, je n'ai aucune connaissance de ces incidents. Les membres de l'UCK

 11   n'ont jamais usé de violence à l'encontre des Albanais ou de tout civil en

 12   général.

 13   Q.  Dans votre déclaration du 14 avril 1999, qui n'a pas été signée par

 14   vous-même et qui ne vous a pas été relue non plus, je voudrais savoir si

 15   cette déclaration peut être versée au dossier, que ce soit en partie ou en

 16   totalité avant d'appeler la pièce suivante ?

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, cette pièce peut être versée au

 19   dossier.

 20   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document recevra la cote 00120.

 22   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je voudrais maintenant demander qu'un

 23   document soit appelé en vertu de l'article 65 ter. Il s'agit de l'album du

 24   Kosovo, le document P615, page 48. Lorsque je dis album, j'entends une

 25   carte de la ville de Prizren. Donc il s'agit de l'atlas du Kosovo, P615.

 26   Pouvons-nous, s'il vous plaît, agrandir quelque peu le cliché ?

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pendant que ceci est en train d'être

 28   fait, puis-je mentionner pour le compte rendu d'audience que page 22, ligne

Page 4850

  1   10, la déclaration du 14 avril 1999 est devenue la pièce à conviction

  2   D00120.

  3   M. DJORDJEVIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Beqiraj, vous voyez cette carte devant vous, à l'écran ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Je voudrais inviter le greffier d'audience à aider M. Beqiraj à

  7   utiliser le stylet.

  8   Monsieur Beqiraj, étant donné que vous avez été à Prizren, je suppose que

  9   les quelques questions qui vont suivre ne vont pas être difficiles pour

 10   vous. Pourriez-vous, s'il vous plaît, placer le chiffre 1 à l'endroit où se

 11   trouvait votre maison, juste à côté de la route qui mène de Djakovica à

 12   Prizren ? Est-ce que nous pouvons voir l'emplacement approximatif de votre

 13   maison sur cette carte ?

 14   R.  Je ne vois pas l'emplacement sur cette carte.

 15   Q.  Reconnaissez-vous les différentes parties de la ville sur cette carte,

 16   sur ce plan ? Pouvez-vous m'indiquer sur ce plan où se trouve le centre-

 17   ville, pouvez-vous l'encercler, faire un rond sur le quartier du centre-

 18   ville et placer un X, une croix, à l'intérieur de ce rond. Où se trouve le

 19   centre-ville ?

 20   R.  C'est un plan qui n'est vraiment pas clair, je trouve.

 21   Q.  Pas clair. Je vois. Je n'ai pas d'autre plan de la ville de Prizren et

 22   je ne pense pas que nous puissions en trouver un autre dans l'atlas du

 23   Kosovo.

 24   R.  Très franchement, je trouve que c'est difficile de me retrouver sur ce

 25   plan et donc j'ai peur de vous donner des informations erronées, j'ai peur

 26   de mal situer le centre-ville, c'est la raison pour laquelle j'hésite

 27   réellement à le faire.

 28   Q.  Pouvez-vous lire au moins les noms de certains quartiers de la ville en

Page 4851

  1   blanc ? Je ne sais pas si vous arrivez à les distinguer.

  2   R.  Oui. Maintenant, oui.

  3   Q.  Mon assistant va essayer de nous fournir un plan qui soit plus précis.

  4   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je prie la Chambre de bien vouloir

  5   m'excuser du temps que nous passons sur cet élément particulier, d'autant

  6   plus que j'avais promis de terminer mon contre-interrogatoire dès la

  7   première séance de ce matin.

  8   Non, nous n'avons pas d'autre plan. Il n'y a aucun autre plan à notre

  9   disposition. Je vais aller de l'avant.

 10   Q.  Entre le 24 et le 28 mars, vous-même et votre famille vous êtes rendus

 11   à Prizren et revenus de Prizren à plusieurs reprises. Lorsque je dis

 12   Prizren, je fais allusion à la maison de votre oncle là-bas. Vous êtes

 13   allés là-bas et vous êtes revenus, ceci à plusieurs reprises.

 14   Au cours de ces quatre jours, est-ce que vous-même ou les membres de votre

 15   famille ont eu à subir ou à faire face à des situations difficiles, à des

 16   incidents, lors de ces trajets pour vous rendre chez votre oncle et pour en

 17   revenir ?

 18   R.  Lorsque nous avons décidé de partir tous ensemble, toute la famille, je

 19   l'ai déjà expliqué hier, dans notre village, enfin dans notre quartier, il

 20   n'y avait plus que quatre familles qui restaient. Toutes les autres

 21   s'étaient enfuies parce qu'elles avaient peur de ce qui risquait d'arriver.

 22   Donc nous aussi nous avons décidé de partir dans la direction du centre-

 23   ville pour aller chez d'autres membres de notre famille qui vivaient là-

 24   bas.

 25   Pendant que nous marchions, nous étions à pied, donc nous marchions dans

 26   les petites rues pour entrer dans le centre-ville et là, à environ 7

 27   heures, nous avons traversé la grande route, celle qui mène de Prizren à

 28   Gjakove, nous nous sommes vraiment dépêchés pour ne pas être repérés par

Page 4852

  1   les forces serbes parce que nous avions vraiment peur, à ce moment-là,

  2   d'être victimes des forces serbes. Nous sommes passés sur cette route très,

  3   très vite et nous avons repris toutes les petites rues pour nous rendre là

  4   où nous voulions aller dans le centre-ville, chez notre oncle.

  5   Pendant que nous marchions dans ces petites rues, un certain nombre de

  6   membres de notre famille sont sortis de leurs maisons, nous ont vus marcher

  7   rapidement et nous avons entendu aussi quelques coups de feu aux alentours

  8   de 8 heures du soir. Nous avons entendu dire à ce moment-là que les forces

  9   de l'OTAN avaient frappé des casernes militaires. Ces personnes-là nous ont

 10   dit, "Ne continuez pas votre route parce que vous risquez de tomber aux

 11   mains des Serbes." C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de nous

 12   arrêter et de passer la nuit dans une maison dans le centre-ville de

 13   Prizren.

 14   Nous pouvions entendre des coups de feu qui étaient tirés dans le quartier

 15   où nous nous trouvions. Il y a même eu des balles qui ont touché les murs

 16   de la maison dans laquelle nous nous étions réfugiés, les vitres ont été

 17   brisées. Et ça a été pour nous une nuit épouvantable, mais il n'y avait pas

 18   d'autre solution, il fallait que nous restions dans cette maison.

 19   Q.  Je vais me limiter aux deux questions essentielles et puis je vais me

 20   limiter pour les autres.

 21   Lorsque vous avanciez vers la frontière albanaise, sur la remorque du

 22   tracteur, vous avez parlé de personnes qui vous escortaient et d'autres

 23   choses, et vous avez parlé d'un certain nombre de choses, tout cela peut se

 24   retrouver dans votre déclaration que vous avez faite au bureau du

 25   Procureur. Pouvez-vous nous dire la chose suivante : sur la gauche et sur

 26   la droite de la route, est-ce que vous avez remarqué que les bas-côtés de

 27   la route vers Morina étaient tous les deux, à gauche comme à droite, minés

 28   ? Lorsque je dis cela, je ne vous demande pas si vous avez vu les mines

Page 4853

  1   elles-mêmes, mais je veux savoir si vous avez vu des panneaux indiquant

  2   "Mines", des panneaux indiquant que cette zone avait été minée, cette zone

  3   qui menait vers la frontière albanaise ?

  4   R.  Non, je n'ai pas vu de tels panneaux. Je me souviens très franchement

  5   que j'ai entendu dire cela par d'autres personnes. Parce que parmi les

  6   forces serbes, il y avait des gens qui étaient tout à fait corrects. Un

  7   policier ou un soldat, je ne sais plus, avait conseillé quelqu'un qui était

  8   avec nous de ne pas marcher sur le bas-côté de la route, parce que

  9   justement ce bas-côté était miné, mais ces gens qui étaient corrects, ils

 10   étaient très peu nombreux, mais donc il nous avait prévenu. Mais je n'ai

 11   pas vu de panneaux, de signaux montrant que cette zone était minée. C'est

 12   pourquoi je vous le dis, très franchement, ce sont des choses que j'ai

 13   entendu dire par d'autres personnes.

 14   Lorsque nous sommes revenus d'Albanie, j'ai vu que les rues

 15   effectivement étaient minées. La route goudronnée était détruite à

 16   plusieurs endroits. Entre Morina et Prizren, il y avait des traces qui

 17   montraient bien que les rues, enfin toute cette zone avait été minée.

 18   Q.  Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'il n'y avait pas de panneaux

 19   visibles sur les côtés des rues et des routes pour indiquer que cette zone

 20   était minée ? J'entends sur la route qui vous menait à la frontière

 21   albanaise. Il n'y avait donc aucun panneau, aucun signal, aucun signalement

 22   ?

 23   R.  Il y avait des trous. C'était miné, mais il n'y avait pas de panneaux

 24   qui disaient, Attention, mines. Voilà, c'est ce que j'ai entendu dire par

 25   d'autres personnes. Moi ce que j'ai vu ce sont les trous lorsque je suis

 26   revenu.

 27   Q.  La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que je ne

 28   comprends pas très bien pourquoi il fallait que vous ayez des escortes, si

Page 4854

  1   de toute façon il n'y avait aucun risque que qui que ce soit s'écarte de la

  2   route pour aller marcher sur les côtés. C'est pour ça que je vous posais la

  3   question.

  4   Maintenant, avant d'en arriver à ma conclusion, je voudrais vous

  5   poser la question suivante. Hier, vous avez parlé d'abus verbal à votre

  6   encontre de la part des Serbes, ainsi que d'abus gestuels. Ils vous ont dit

  7   des choses du genre, "Où se trouve votre UCK ? Où se trouve l'OTAN ? Où se

  8   trouve Thaqi ?"

  9   A ce moment-là, quel était le statut plus particulier de Thaqi ? Dans

 10   quelle mesure était-il connu des forces serbes à l'époque ? Il y avait

 11   quelqu'un d'autre qui était aussi très important en ce qui concerne la

 12   population albanaise, il me semble.

 13   R.  Oui. D'après mes souvenirs à l'époque, Thaqi était l'une des

 14   personnalités les plus importantes de l'UCK. Il était également présent et

 15   a participé aux négociations. Ça, c'est d'après ce que j'ai vu à la

 16   télévision, et aussi après la guerre lorsqu'il est devenu beaucoup plus

 17   connu. Donc les gens savaient qui il était.

 18   Q.  J'ai remarqué qu élément nom de jeune fille de votre femme est Thaqi.

 19   C'est bien cela ?

 20   R.  Oui, tout à fait.

 21   Q.  Est-elle la cousine de Hasim Thaqi ?

 22   R.  Non, mais vous savez, c'est un nom qui est très courant pour les

 23   familles de Kosovo. Non, ma femme n'a rien à voir avec la famille de Thaqi.

 24   Je dirais que dans n'importe quel village, n'importe quel ville, vous

 25   trouverez toujours une famille qui porte ce nom de Thaqi.

 26   Q.  Merci. Merci, Monsieur Beqiraj.

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais tenir ma

 28   promesse et mettre un terme à mon contre-interrogatoire. Je crois que le

Page 4855

  1   temps est venu aussi pour faire une petite pause. Il y a peut-être un

  2   certain nombre de questions qui ont un petit peu permis d'éclaircir la

  3   situation, mais j'ai essayé de limiter mes questions dans ce contre-

  4   interrogatoire.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  6   Madame Gopalan, avez-vous besoin de questions supplémentaires ?

  7   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'aurais besoin

  8   d'environ 15 minutes.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons donc faire une petite

 10   pause maintenant. Puis-je vous demander de limiter un petit peu plus encore

 11   vos questions supplémentaires.

 12   Mme GOPALAN : [interprétation] Je ferai de mon mieux.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Essayez de vous limiter aux questions

 14   vraiment essentielles. L'histoire politique n'est pas quelque chose qui va

 15   déterminer le résultat de cet acte d'accusation.

 16   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur le

 17   Président, de m'aider à orienter mes questions.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Je tiens à ce que cela soit bien

 19   clair.

 20   Puis-je mentionner pour aider aussi l'Accusation qu'il y a eu une certaine

 21   tendance avec les derniers témoins à placer au dossier les déclarations, et

 22   ensuite à passer beaucoup de temps sur certaines parties de la déclaration

 23   avec le témoin. Cela nous a fait perdre beaucoup de temps et de façon

 24   inutile. Bien sûr, il y aura d'autres questions, d'autres aspects qui

 25   auront besoin d'être éclaircis, d'être approfondis avec quelques

 26   déclarations, mais pour notre procédure, cela ne sert à rien de voir un

 27   témoin répéter plusieurs fois la même chose, des questions qui ont déjà été

 28   traitées dans la déclaration qui est montrée comme pièce.

Page 4856

  1   L'objet de l'article 92 bis et 92 ter est de raccourcir la procédure en

  2   utilisant justement ces déclarations écrites comme élément de preuve, et

  3   non pas comme un moyen de rajouter encore des éléments de preuve. Nous

  4   aimerions que l'Accusation soit bien consciente de cet aspect-là des

  5   choses. Voilà.

  6   Maintenant nous allons faire une petite pause d'une demi-heure et nous

  7   reprendrons à 11 heures.

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

  9   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan, les questions

 11   supplémentaires.

 12   Nouvel interrogatoire par Mme Gopalan : 

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 14   R.  Bonjour.

 15   Q.  J'ai quelques questions à vous poser, tout d'abord, je voudrais parler

 16   de votre expérience personnelle du système de l'éducation puisque vous avez

 17   été étudiant et enseignant, et je voudrais vous demander de vous limiter à

 18   ce qui est votre expérience personnelle.

 19   A la page 4 823, vous avez parlé au sujet du système d'éducation

 20   parallèle, et vous avez dit, "nous voulions faire partie de ce système

 21   d'éducation normal, mais nous n'avions pas le droit d'entrer dans les

 22   immeubles."

 23   Vous avez vécu cela, est-ce que vous vous êtes trouvé dans une école

 24   encerclée par la police par exemple ?

 25   R.  Oui, c'est exact. Cela m'est arrivé le 1er octobre, la nouvelle

 26   année scolaire devait commencer. Je venais d'être reçu à l'université, et

 27   on ne nous a pas laissé entrer à l'école normale de Prizren. L'immeuble a

 28   été encerclé par les forces serbes, le syndicat des étudiants a fait un

Page 4857

  1   discours en notre présence pour essayer de les dissuader et de leur faire

  2   comprendre qu'il fallait nous laisser entrer dans l'école.

  3  Q.  Quand vous dites le 1er octobre, pouvez-vous nous préciser l'année, s'il

  4   vous plaît ?

  5   R.  C'était le 1er octobre 2001 si je ne m'abuse.

  6   Q.  Très bien.

  7   R.  Les forces serbes nous ont encerclés --

  8   Q.  Vous venez de dire le 1er octobre 2001, c'est bien cela ?

  9   R.  Excusez-moi, 1991. C'est une erreur de ma part.

 10   Q.  Alors vous pouvez poursuivre.

 11   R.  Les étudiants qui ont fait ce discours ont été arrêtés par la suite.

 12   Q. Quand vous parlez de l'école normale, est-ce que vous pouvez nous dire à

 13   quoi correspond cette institution ? Est-ce que c'est une faculté, une

 14   université, un institut, de quoi il s'agit ? Quel est le niveau d'éducation

 15   dispensé dans cette institution ?

 16   R.  C'est un niveau universitaire faisant partie de l'Université de

 17   Prishtina. Vous y avez les gens appartenant aux différents groupes

 18   ethniques. C'est une institution universitaire.

 19   Q.  Très bien, merci. Par la suite, au cours de votre déposition, vous avez

 20   dit que vous avez suivi des cours dans des maisons de particuliers et vous

 21   dites que souvent que vous avez été agressé par la police qui venait pour

 22   confisquer les outils pédagogiques, et cetera.

 23   Est-ce quelque chose que vous avez vécu aussi ?

 24   R.  J'ai entendu parler de ces descentes, et une fois j'ai réussi à m'en

 25   sortir grâce à un professeur qui nous en a averti. Nous avons réussi à

 26   quitter le lieu juste avant la descente de la police parce qu'au cours de

 27   telles actions, on arrêtait les élèves et les profs. On confisquait les

 28   outils pédagogiques, les livres, et cetera.

Page 4858

  1   On ne se sentait pas en sécurité dans les endroits où on étudiait. Il

  2   est arrivé que l'on essaie de trouver un endroit plus sûr pour poursuivre

  3   nos études et pour enseigner.

  4   Q.  Merci. Quand vous parlez du lieu que vous avez quitté juste avant la

  5   descente de la police, est-ce que vous pouvez nous dire à quelle date cela

  6   a eu lieu, est-ce que vous pouvez nous dire où tout cela s'est produit

  7   exactement ?

  8   R.  C'était le hall d'une mosquée. Cette mosquée nous a permis d'utiliser

  9   le hall pour y suivre des cours. L'événement s'est produit en 1993.

 10   Q.  Maintenant, je vais passer au dernier thème que je vais aborder. Ce

 11   sont les événements qui se sont déroulés au moment du bombardement de

 12   l'OTAN.

 13   On vous a demandé des questions à ce sujet, surtout des questions portant

 14   sur vos mouvements entre le centre-ville de Prizren et votre maison autour

 15   des dates du 24 au 28 mai [comme interprété], et vous avez dit que vous

 16   vous dépêchiez en marchant le long de la route principale pour ne pas être

 17   détecté par les forces serbes. "Vous aviez peur de tomber entre leurs

 18   mains."

 19   Quand vous dites cela, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous

 20   aviez peur de tomber entre leurs mains.

 21   R.  La situation depuis quatre mois était telle que cette haine a commencé

 22   à être palpable après le bombardement de l'OTAN, les forces serbes nous

 23   détestaient et ils ont commencé à se comporter comme des sauvages. Des gens

 24   disparaissaient dans des circonstances mystérieuses, dont le sort reste

 25   inconnu aujourd'hui. C'est la vérité, et c'est pour cela qu'on avait peur

 26   de tomber entre leurs mains et de subir le même sort.

 27   Q.  Je vous remercie, Monsieur. Je n'ai plus de questions à vous poser.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Madame.

Page 4859

  1   Monsieur, vous allez être content d'apprendre qu'ici se terminent les

  2   questions que l'on souhaitait vous poser. Nous souhaitons vous remercier

  3   d'être venu à La Haye, de nous avoir aidé avec votre déposition.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur le Président,

  5   Messieurs les Juges. J'ai une demande à formuler. Je voudrais poser une

  6   question, si c'est possible. Je ne m'attends pas à recevoir une réponse,

  7   mais je voudrais tout de même avoir la possibilité de poser cette question.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant des années, j'ai entendu dire que le

 10   Kosova était le berceau de la nation serbe. J'ai toujours eu du mal à

 11   croire, à comprendre comment cela était-il possible, comment le berceau de

 12   la Serbie pouvait se trouver au Kosova et comment, en même temps, les

 13   enfants serbes pouvaient alors grandir en Serbie, en ayant leur berceau au

 14   Kosova.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que personne ici ne va

 16   s'occuper de cette matière. Mais l'huissier va vous aider à quitter le

 17   prétoire.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une question rhétorique, pour ainsi

 19   dire. Je ne m'attendais pas à avoir une réponse. Mais je vous remercie de

 20   m'avoir donné la possibilité de la poser.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Vous pouvez disposer.

 22    [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar.

 24   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, notre témoin suivant est

 25   M. Hyseni et je pense qu'on peut l'introduire, effectivement. Nous, nous

 26   allons préparer.

 27   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

Page 4860

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez lire ce qui est écrit sur le

  3   document qu'on va vous présenter.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  5   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  6   LE TÉMOIN : BEDRI HYSENI [Assermenté]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir. M.

  9   Behar a des questions pour vous.

 10   Interrogatoire principal par M. Behar : 

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 12   R.  Bonjour.

 13   Q.  Pouvez-vous vous présenter et nous donner votre date de naissance, s'il

 14   vous plaît.

 15   R.  Je m'appelle Bedri Hyseni. Je suis né le 16 octobre 1960.

 16   Q.  Monsieur, vous êtes un Albanais du Kosovo, n'est-ce pas, vous êtes né à

 17   Ferizaj dans le village de Biba, c'est un village qui fait partie de la

 18   municipalité d'Urosevac ?

 19   R.  Oui, c'est exact. C'est là que j'habite encore au jour d'aujourd'hui.

 20   Q.  Monsieur, vous avez fourni une première déclaration au bureau du

 21   Procureur le 8 mai 1999 au sujet des événements que vous avez vécus au

 22   Kosovo, et vous avez fourni une deuxième déclaration préalable au bureau du

 23   Procureur le 27 août 2001 et le 1er septembre 2001; est-ce exact ?

 24   R.  Oui, c'est exact, oui.

 25   Q.  Est-ce que vous avez eu la possibilité de relire ces déclarations

 26   préalables avant de venir déposer ici aujourd'hui ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Si j'ai bien compris, vous vouliez apporter quelques corrections à vos

Page 4861

  1   déclarations préalables de sorte qu'elles puissent refléter vraiment votre

  2   déposition à juste titre.

  3   M. BEHAR : [interprétation] Je vais demander que l'on présente sur l'écran

  4   la pièce 65 ter 2270. C'est la page 3 de votre deuxième déclaration

  5   préalable, mais le document PDF à l'écran est numéroté différemment, donc

  6   c'est la page 8, je pense.

  7   Q.  La page 3 de votre deuxième déclaration, n'est-ce pas, on peut lire :

  8   "Entre 1991 et 1994, j'ai été un activiste au Conseil des droits de

  9   l'homme"

 10   Est-ce que c'est bien cela ?

 11   R.  Non. J'étais un militant de ce Conseil des droits de l'homme et des

 12   libertés entre 1991 et 1999.

 13   Q.  Très bien. La même page en anglais, deuxième phrase, on peut lire :

 14   "Il a été arrêté à un moment donné entre 1994 et 1995 et condamné à huit

 15   années de peine de prison pour terrorisme."

 16   Est-ce exact ?

 17   R.  Il a été arrêté en 1993 et il a passé six années en prison.

 18   Q.  Merci. Et maintenant qu'on a apporté ces modifications, est-ce que vous

 19   considérez que ce qui figure dans ces déclarations préalables correspond à

 20   la vérité, est exact d'après votre meilleur souvenir ?

 21   R.  Oui. Effectivement.

 22   Q.  Merci.

 23   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, avec ces corrections, je

 24   vais demander que ces déclarations préalables soient versées au dossier en

 25   vertu de l'article 92 bis.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire, vous

 27   dites les déclarations faisant partie du 92 bis ?

 28   M. BEHAR : [interprétation] Je vais expliquer de quoi il s'agit, toutes ces

Page 4862

  1   déclarations font partie d'un même dossier, et le dossier tout entier a été

  2   versé en vertu de l'article 92 bis, et je voudrais demander qu'elles

  3   reçoivent une cote, il s'agit du dossier 65 ter 02270.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Mais nous allons attribuer

  5   des cotes différentes à ces déclarations préalables.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] La première déclaration préalable, celle

  7   du 8 mai 1999, recevra la cote P00808. La deuxième en date du 27 août 2001

  8   et le premier septembre 2001 va recevoir la cote P00809.

  9   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie.

 10   Q.  Monsieur, est-ce que vous vous souvenez avoir déposé dans l'affaire

 11   Milutinovic le 11 septembre 2006 ?

 12   R.  Oui. C'était le 11 septembre 2006. C'est là que j'ai déposé dans

 13   l'affaire Milutinovic et consorts.

 14   Q.  Est-ce que vous avez eu la possibilité de revoir le compte rendu de

 15   cette déposition ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  J'ai cru comprendre que vous vouliez apporter quelques corrections à ce

 18   compte rendu d'audience. Je vais demander que le document 65 ter 05079 soit

 19   montré sur l'écran. Il s'agit de la page 3 092.

 20   Monsieur, au niveau des lignes 1 à 5 de cette page, on vous demande :

 21   "Et vous êtes marié et vous avez trois enfants ?"

 22   R.  Oui. Mais là il faut apporter un changement. Je suis marié et j'ai

 23   quatre enfants. Je suis désolé de vous avoir interrompu.

 24   Q.  Mais pas de problème, pas de problème du tout. Maintenant à la page 3

 25   109 -- on va attendre de la voir s'afficher sur l'écran. Lignes 10 à 11, on

 26   peut lire :

 27   "Au mois de février 1999, vous avez fait l'objet d'une sentence collective

 28   de 289 mois d'emprisonnement."

Page 4863

  1   R.  Non. C'est 289 années, c'est cela la peine.

  2   Q.  Très bien. A la page 3 112. On peut lire, lignes 13 et 14 :

  3   "On retrouve deux coopératives là-bas, une coopérative d'apiculture et une

  4   autre qui était une coopérative agricole."

  5   Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quoi il s'agit là ?

  6   R.  Ce n'est pas vraiment une coopérative de l'apiculture, mais je peux

  7   vous dire que cette coopérative s'appelle "Bleta", ce qui signifie

  8   abeilles.

  9   Q.  Très bien, merci. Maintenant, je voudrais vous montrer la page 3 114.

 10   Lignes 3 à 5, où l'on peut lire :

 11   "Ils ont bombardé la caserne de Ferizaj et il y avait des chars dans le

 12   village de Komogllave qui s'avançaient sur la route en direction de

 13   Postoni."

 14   Est-ce que il y a quelque chose que vous voulez corriger ici ?

 15   R.  Oui. Postoni ça n'existe pas. Il n'y a pas de localité Postoni. Moi je

 16   pensais à Fshati i Vjeter et Rruga e Shkupit sur la route de Skopje.

 17   Q.  Merci. Maintenant qu'on a apporté ces corrections, est-ce que vous

 18   pensez que ce compte rendu d'audience correspond à votre déposition à

 19   l'époque et est-ce qu'aujourd'hui, si on vous posait les mêmes questions,

 20   vous répondriez de la même façon ?

 21   R.  Je ne vous ai pas compris. Pourriez-vous répéter votre question ?

 22   Q.  Oui, oui, Monsieur. Je vous demande si maintenant avec ces corrections

 23   que vous avez apportées au compte rendu d'audience, est-ce que vous pouvez

 24   dire que ceci correspond à votre déposition dans l'affaire Milutinovic ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce qu'aujourd'hui, si on vous posait les mêmes questions, est-ce

 27   que vous répondriez de la même façon ?

 28   R.  Oui, oui, oui, effectivement, c'est exactement ce que j'ai dit au cours

Page 4864

  1   de la déposition.

  2   Q.  Merci.

  3   M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander que

  4   ceci soit versé au dossier.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   Nous allons lui attribuer la cote P00810.

  8   M. BEHAR : [interprétation] Je voudrais demander aussi que l'on verse au

  9   dossier une pièce à conviction qui avait été à l'époque introduite par le

 10   témoin Hyseni, donc le témoin ci-présent, il s'agit de la pièce 05080,

 11   c'est une carte du Kosovo qui fait partie de l'atlas et qui avait été à

 12   l'époque annotée par le témoin.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P00811.

 15   M. BEHAR : [interprétation] A présent, je vais lire le résumé de la

 16   déposition de M. Hyseni.

 17   M. Hyseni est diplômé en droit. Il était membre du Conseil des droits de

 18   l'homme d'Urosevac. Il a expliqué la persécution en cours des Albanais du

 19   Kosovo. Il a décrit comment ses collègues, qui travaillaient dans le

 20   domaine du droit de l'homme, étaient emprisonnés et même tués à cause de

 21   leurs activités dans le domaine des droits de l'homme, où ils travaillaient

 22   pour la population albanaise. Il a décrit que les réservistes de la police

 23   aient contrôlé les points de contrôle sur les routes locales, et qu'un mois

 24   avant les bombardements de l'OTAN, les militaires sont venus et qu'ils ont

 25   armé la population serbe.

 26   M. Hyseni décrit les observations quand il s'agit des activités et du

 27   déploiement des forces serbes au début du commencement du bombardement de

 28   l'OTAN le 24 mars 1999, quand il s'est déplacé de sa ville Biba à Sojevo,

Page 4865

  1   et ensuite on l'a forcé à se cacher dans les montagnes avec les autres

  2   villageois albanais. Il a décrit l'attaque de forces serbes sur Sojevo qui

  3   ont brûlé 90 % des maisons des civils et les ont chassés.

  4   Il décrit les voyages dans un convoi en direction d'Urosevac quand il a été

  5   renvoyé par la police à Gnjilan, mais au lieu de se rendre à Slatina, où il

  6   est resté pendant 12 jours. Il a décrit les conditions à Slatina où des

  7   milliers d'Albanais du Kosovo sont arrivés.

  8   Il avait peur de ce qui allait arriver. M. Hyseni est revenu à Urosevac, où

  9   les conditions étaient terribles. Il a passé cinq jours là-bas avant de

 10   monter à bord d'un autocar qui allait en direction de la frontière

 11   macédonienne. Il décrit avoir été arrêté par la police et l'armée serbe au

 12   niveau du point de contrôle de Kacanik. Il a continué jusqu'au passage

 13   frontière à Djeneral Jankovic, et ensuite il a observé une grande présence

 14   de la police là-bas avant de quitter le pays le 27 et le 28 août [comme

 15   interprété].

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 17   M. BEHAR : [interprétation]

 18   Q.  J'ai quelques questions à vous poser, Monsieur. Vous avez raconté ce

 19   qui s'est passé, et après votre expérience à Sarajevo, vous avez dit que

 20   vous avez fui Sarajevo avec votre famille, et que vous vous êtes rendus

 21   dans les montagnes. Vous avez dit avoir rejoint à peu près 200 villageois

 22   là-bas. Vous avez décrit dans votre deuxième déposition que ce groupe

 23   ensuite s'est partagé en deux, et que votre groupe a réussi à s'enfuir sans

 24   avoir été remarqué, mais que ce deuxième groupe que vous avez décrit a été

 25   volé et on les a forcés à marcher jusqu'à Urosevac.

 26   Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez pu savoir ce qui s'est

 27   passé avec ce deuxième groupe ?

 28   R.  Cela s'est produit le 6 avril, autrement dit pendant le bombardement de

Page 4866

  1   l'OTAN. Les paramilitaires et les policiers qui ont été aidés par les

  2   soldats de l'armée yougoslave et qui étaient déjà déployés dans les

  3   bâtiments de l'école ont mené à bien une opération, tout d'abord dans le

  4   quartier de Limanaj où ils ont tué deux personnes, Hamit Halimi et Qerim

  5   Havazi, et ils ont expulsé tous les habitants de ces quartiers en

  6   incendiant les maisons. Ils en ont brûlé 90 %.

  7   Le même groupe, les mêmes forces ont poursuivi leur avancée en direction de

  8   mon quartier. Là où j'habitais à l'époque, c'est le quartier de Shukri Begu

  9   ou Sulaj. Là-bas, les paramilitaires accompagnés de la police ont incendié

 10   les maisons. Ils ont tué mon oncle du côté de ma mère, Nazir Nebihu et

 11   Hazira Nebihu.

 12   Q.  Attendez, on va s'arrêter un instant, s'il vous plaît. Permettez-moi de

 13   vous interrompre ici. Nous avons tout cela dans votre déclaration et cela

 14   figure également dans le compte rendu de votre témoignage. J'aimerais qu'on

 15   se concentre sur la question concernant ces groupes. Vous avez dit qu'il

 16   avait un groupe composé de 200 villageois, et vous avez dit que ce groupe a

 17   été divisé en deux groupes, et vous avez ensuite décrit ce qui s'était

 18   passé pour ce qui est du deuxième groupe. Voilà ma question : comment

 19   saviez-vous ce qui s'était passé pour ce qui est du deuxième groupe ?

 20   R.  J'ai pensé que je devais décrire l'événement en question, mais je vois

 21   que vous vous intéressez seulement au destin du deuxième groupe. Je vais

 22   expliquer cela.

 23   Au début, nous étions 200 civils, personnes âgées, femmes, enfants,

 24   et à la fin du village le groupe s'est divisé en deux. Un groupe s'est

 25   dirigé vers le village de Komogllave, qui se trouve à la proximité des

 26   bois. Le deuxième groupe où se trouvaient les membres de ma famille s'est

 27   rendu dans la direction d'un autre endroit, dans les bois également, et

 28   lorsque les unités paramilitaires ont mis feu aux maisons, et ils ont vu ce

Page 4867

  1   deuxième groupe et ils se sont dirigés vers eux. De l'endroit où nous

  2   étions, nous pouvions voir ce qu'ils avaient fait. Ils les ont pillé. Ils

  3   ont séparé les hommes des femmes, et ils leur ont ordonné de continuer à

  4   marcher à pied dans la direction de Ferizaj, sinon la police les aurait

  5   tués.

  6   Novica Mijovic était la personne qui a dit cela à la population. Pour

  7   comprendre mieux la situation qui prévalait à l'époque là-bas, je vais dire

  8   que certaines personnes qui se trouvaient dans la colonne ont essayé de

  9   fuir la colonne et de s'introduire dans les bois, et ils ont rejoint notre

 10   groupe parce que certains membres de leurs familles étaient dans notre

 11   groupe. Ils nous ont décrit ce qui s'était passé, comment ils avaient été

 12   pillés, comment les bijoux et d'autres objets de valeur leur ont été pris.

 13   Voilà comment on a appris cela.

 14   Q.  Merci. Si j'ai bien compris, il y avait des personnes du deuxième

 15   groupe qui ont vécu toutes ces choses-là, après quoi ils ont rejoint votre

 16   groupe ?

 17   R.  Oui, c'est comme ça que cela s'est passé.

 18   Q.  Je vois que vous avez mentionné qu'il y avait des membres de leurs

 19   familles dans votre groupe. Est-ce que vous étiez en mesure de leur parler

 20   après qu'ils avaient rejoint votre groupe ?

 21   R.  Oui. Nous tous leur avons parlé. Nous étions 80 et nous leur avons

 22   parlé, moi aussi.

 23   Q.  Merci. Vous avez expliqué, Monsieur, -- il vaut mieux peut-être que je

 24   reformule la question. Vous avez expliqué que vous étiez resté à Slatina

 25   entre dix et 12 jours, et vous avez décrit dans votre déclaration que plus

 26   de 10 000 personnes étaient passées par cet endroit pendant que vous étiez

 27   là-bas. Pouvez-vous expliquer à la Chambre quelles étaient les conditions

 28   qui régnaient à Slatina pendant cette période entre dix et 12 jours que

Page 4868

  1   vous étiez là-bas ?

  2   R.  Les conditions qui régnaient à Sllatine à l'époque étaient relativement

  3   bonnes, mais puisqu'il y avait des personnes qui affluaient en grand nombre

  4   de Gnjilane, Viti et Ferizaj, la situation devenait de plus en plus

  5   difficile, et nous manquions de nourriture et d'autres choses de première

  6   nécessité. Cette grande concentration de population a provoqué la crise

  7   humanitaire.

  8   Q.  Vous nous avez décrit avant que le 22 avril 1999, vous êtes parti pour

  9   Urosevac, et vous avez dit que vous aviez fait cela pour s'occuper de votre

 10   beau-père ainsi que de votre beau-frère, et également vous étiez inquiet

 11   parce que certaines choses auraient pu se passer à Slatina. Pouvez-vous

 12   dire à la Chambre quelles choses auraient pu se passer à Slatina selon vous

 13   ?

 14   R.  Oui. Parce qu'il y avait beaucoup de personnes là-bas, plus de 10 000

 15   personnes, c'était le nombre estimé de personnes, ceux qui ont enregistré

 16   toutes ces personnes, qui ont essayé de s'occuper de toutes ces personnes,

 17   la police venait souvent dans la région et pillait les villageois, prenait

 18   des véhicules de villageois. C'était la raison pour laquelle j'ai quitté

 19   cet endroit, parce que j'ai commencé à avoir peur de voir le pire se

 20   passer. En fait, cela a commencé à se passer déjà avant parce que la

 21   population a été expulsée et les jeunes ont été emprisonnés à Viti.

 22   J'ai quitté Sllatine également parce que mon beau-père et mon beau-

 23   frère, la deuxième nuit après le commencement des raids aériens, si je ne

 24   m'abuse, ont été blessés après que l'armée serbe ait lancé un obus de la

 25   caserne qui est tombé à la proximité de leur maison.

 26   Puisque mon épouse n'était pas au courant de tous ces événements,

 27   puisque j'ai appris cela à la télévision, je savais quels étaient les

 28   événements qui se sont produits, j'ai pensé que je devais y aller et ne pas

Page 4869

  1   envoyer ma femme y aller.

  2   Q.  Merci. Pour ce qui est d'Urosevac ou Ferizaj, pouvez-vous me dire

  3   quelles étaient les conditions. Parce que vous avez dit que les conditions

  4   qui prévalaient dans cette ville à l'époque étaient terribles. Pouvez-vous

  5   me décrire ces conditions et pouvez-vous me dire pourquoi vous avez décrit

  6   ces conditions comme des conditions terribles ?

  7   R.  J'ai décrit ces conditions comme des conditions terribles parce que --

  8   non seulement dans le quartier de Lodja où se trouvaient les Albanais, mais

  9   partout la situation a été interdite. Dans d'autres quartiers il n'y avait

 10   pas de population parce que la population avait été expulsée. Il y avait

 11   des quartiers de la ville où je pouvais aller, bien sûr, je ne pouvais pas

 12   aller partout, j'ai vu les membres de l'armée, de la police, des unités

 13   paramilitaires, les membres de ces unités paramilitaires portaient des

 14   vêtements spécifiques, avaient des cheveux longs, et cetera, avaient des

 15   visages masqués, et il y avait des tirs incessants et les enfants avaient

 16   peur.

 17   Q.  Monsieur, dans votre deuxième déclaration vous avez également dit que

 18   le 27 avril 1999 vous êtes allé avec ce groupe à la gare routière

 19   d'Urosevac où il y avait quatre autocars pleins de gens, et vous avez dit

 20   que vous étiez monté dans l'un de ces autocars. Savez-vous, Monsieur, si

 21   ces autocars étaient là-bas parce que les forces serbes ont organisé cela

 22   ou les Albanais ? Pouvez-vous nous expliquer cela ? Si vous le savez.

 23   R.  Bien sûr, c'était les forces serbes qui ont arrangé tout cela, parce

 24   que la route menant à Skopje -- là-bas il n'y a pas quatre ou cinq lignes

 25   routières. Il y a peut-être seulement une ligne, un autocar qui circule une

 26   fois par jour là-bas. Mais ils voulaient utiliser les autocars et les

 27   trains pour se débarrasser de la population.

 28   Q.  Pouvez-vous nous dire qui conduisait ces autocars ?

Page 4870

  1   R.  Les chauffeurs de ces autocars étaient tous serbes.

  2   Q.  Quelle était l'appartenance ethnique des passagers ?

  3   R.  Des Albanais, bien sûr.

  4   Q.  Merci. Vous avez dit dans votre déclaration et également dans votre

  5   témoignage que votre autocar a été arrêté à Kacanik à un point de contrôle.

  6   Pouvez-vous nous dire qui se trouvait à ce point de contrôle ?

  7   R.  A l'entrée de Kacanik il y avait un point de contrôle et à ce point de

  8   contrôle l'autocar a été arrêté. A ce point de contrôle il y avait un grand

  9   groupe de policiers qui portaient des uniformes étranges, ces uniformes

 10   dataient de l'année 1979, 1980 ou 1981. Ils portaient des rubans bleu clair

 11   autour de leurs armes, il y avait deux membres d'unité de réserve, je les

 12   connaissais tous les deux. L'un d'entre eux était inspecteur fiscal.

 13   Fisekovic, c'était son nom de famille. L'autre, il avait le même âge que

 14   moi. Il était boulanger.

 15   Q.  Vous avez décrit que l'autocar a continué dans la direction de Djeneral

 16   Jankovic, et il y avait de nombreux policiers là-bas. Pouvez-vous expliquer

 17   ce que ces policiers faisaient à Hani i Elezit?

 18   R.  Ces policiers étaient debout là-bas en groupes de trois, et cette

 19   longue colonne de réfugiés albanais qui était expulsés de là-bas était

 20   escortée par ces policiers le long de la route goudronnée. Ils étaient

 21   debout à une distance de entre 300 et 400 mètres par rapport à la colonne

 22   et ils leur ordonnaient de franchir la frontière en groupes de dix.

 23   Lorsqu'une famille avait plus de dix membres, ces familles devaient laisser

 24   deux enfants, par exemple, derrière eux pour franchir la frontière en

 25   groupes. Ils donnaient des ordres aux réfugiés en leur disant ce qu'ils

 26   devaient faire.

 27   Q.  Pouvez-vous nous donner une idée, Monsieur, pour ce qui est du nombre

 28   approximatif de policiers que vous avez vus là-bas ? Est-ce qu'il

Page 4871

  1   s'agissait d'un grand groupe de policiers ? Ou d'un petit groupe de

  2   policiers ?

  3   R.  Comment dirais-je ? Comme je l'ai déjà dit, ils étaient divisés en

  4   groupes de trois policiers. Ils étaient peut-être plus de 30, je suppose.

  5   Il y avait beaucoup de policiers là-bas.

  6   Q.  Merci. Est-ce que, selon vous, ces policiers procédaient d'une façon

  7   organisée ?

  8   R.  Oui, ils avaient l'air d'être une unité organisée. Ils portaient des

  9   uniformes de police typiques, des uniformes de camouflage de couleur bleu

 10   foncé.

 11   Q.  Pendant que vous étiez là-bas, Monsieur, pendant que vous étiez à cet

 12   endroit, avez-vous été en mesure d'entendre les policiers donner des ordres

 13   entre eux ?

 14   R.  Je n'ai pas entendu d'ordres donnés par des policiers les uns aux

 15   autres. Je ne m'intéressais pas à entendre ce qu'ils se disaient entre eux.

 16   Le seule ordre que j'ai entendu était l'ordre qui nous a été destiné de

 17   former des groupes de dix personnes, mais je ne sais pas qui a donné cet

 18   ordre, je ne sais pas. Il s'agissait probablement d'une hiérarchie qui

 19   régnait parmi ces policiers.

 20   Q.  Merci. C'étaient les questions que j'ai voulu vous poser, et maintenant

 21   mon éminent collègue Me Djordjevic peut poser des questions

 22   supplémentaires.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Behar.

 24   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci. J'ai besoin d'un peu de temps pour

 25   me préparer.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar, entre-temps il faut

 27   que je dise qu'il y avait des modifications à la déclaration, c'est la

 28   pièce 809. Il s'agit de modifications qui ont été apportées en janvier

Page 4872

  1   2002. Est-ce que vous voulez que cette pièce soit versée au dossier ?

  2   M. BEHAR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je demande que cela

  3   soit versé au dossier aussi, ces modifications à la déclaration

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela sera versé au dossier.

  5   M. BEHAR : [interprétation] Merci.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela sera la pièce portant la cote

  7   P00812.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  9   Contre-interrogatoire par M. Djordjevic : 

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Hyseni. Je m'appelle Dragoljub

 11   Djordjevic, conseil de la Défense de l'accusé présent ici.

 12   Monsieur Hysei, d'abord, je voudrais qu'on parle d'un malentendu. Dans le

 13   résumé 65 ter que nous avons obtenu ici de la part de l'Accusation, le

 14   Procureur a écrit que vous étiez entré en Macédoine le 27 ou le 28 juin

 15   1999. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que vous étiez entré en

 16   Macédoine en avril 1999 ?

 17   R.  Oui, c'était en avril. Il s'agit d'un malentendu.

 18   Q.  Merci. Vous avez fait votre première déclaration le 8 mai 1999, pendant

 19   que les opérations au Kosovo étaient en cours. Pouvez-vous nous dire

 20   comment vous avez pris contact avec les représentants de l'Accusation et du

 21   Tribunal, je suppose que c'était en Macédoine ?

 22   R.  Comment est-ce que je les ai contactés ?

 23   Q.  Oui.

 24   R.  Le bureau du Procureur m'a contacté parce que j'étais réfugié. Je me

 25   trouvais à Stankovac 1, si je ne m'abuse. Je les ai rencontrés là-bas, je

 26   leur ai décrit la situation, les événements. J'ai fait ma première

 27   déclaration là-bas à l'époque. Pour pouvoir faire cette déclaration -- je

 28   pense que j'avais le droit de faire cette déclaration pour décrire de façon

Page 4873

  1   précise ce que j'avais vu.

  2   Q.  Dites-moi ce que vous avez fait après l'année 1991 ?

  3   Quelle était la source de votre revenu à l'époque ?

  4   R.  Après 1991, j'avais une compagnie privée. Il s'agissait de la

  5   production -- en fait, j'étais menuisier.

  6   Q.  Vous aviez 31 ans au moment où vous avez fini vos études en 1991 ou

  7   1992. Vous vous êtes marié en 1986. Pendant vos études, quelle était la

  8   source de votre revenu ?

  9   R.  Je n'étais pas marié en 1996. C'était en mars 1986. J'ai obtenu mon

 10   diplôme en 1991. Je n'avais qu'un seul examen à passer. J'ai commencé mes

 11   études en 1985, 1986, 1987. J'ai fait mon service militaire à Postojna.

 12   Puisqu'il n'y avait pas de postes pour les Albanais à l'époque, j'ai décidé

 13   d'arrêter mes études, que j'ai poursuivies ultérieurement.

 14   Q.  Vous venez de dire que vous avez fait votre service militaire à

 15   Postojna. Pouvez-vous nous dire dans quelle armée vous étiez à Postojna ?

 16   Quelle était votre spécialisation ?

 17   R.  J'ai fait mon service militaire à Postojna en Slovénie, j'étais membre

 18   d'une brigade d'infanterie. J'étais tireur, c'est "strelac", en serbe.

 19   Q.  Merci. Dites-moi si vous avez essayé de vous faire embaucher dans la

 20   ville où vous viviez ou bien ailleurs sur le territoire de l'ex-Yougoslavie

 21   après avoir obtenu votre diplôme, est-ce que vous avez essayé de vous faire

 22   embaucher dans votre profession ?

 23   R.  Après avoir fini mes études, je n'ai pas cherché du travail parce que

 24   dans la ville où j'ai obtenu mon diplôme il y avait de la discrimination

 25   pour ce qui est des employés albanais. Personne ne pouvait travailler,

 26   seulement ceux qui ont accepté de reconnaître la Serbie en tant que leur

 27   pays pouvaient travailler. Je crois que vous connaissez tout cela, ces

 28   choses qui se sont passées en 1989. Lorsque Kosova a perdu son statut de

Page 4874

  1   province. J'ai fait enregistrer ma compagnie et je suis devenu entrepreneur

  2   privé.

  3   Q.  Ma question était comme suit : avez-vous essayé de vous faire embaucher

  4   hors le territoire de la province autonome du Kosovo-Metohija en tant que

  5   juriste ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Dans votre déclaration, vous avez mentionné qu'il y avait des

  8   dispositions qui ont commencé à être appliquées au détriment des Albanais

  9   du Kosovo, les Albanais du Kosovo ne pouvaient pas être embauchés à cause

 10   de ces dispositions qui ont été appliquées à l'époque. Puisque vous êtes

 11   juriste, pourriez-vous me dire de quelles réglementations il s'agissait ?

 12   R.  Je fais référence à des réglementations bien connues qui étaient

 13   entrées en vigueur en 1991. Les usines n'embauchaient plus des Albanais. La

 14   police non plus n'embauchait pas des Albanais qui travaillaient avant dans

 15   la police. Ils ont été licenciés. Si quelqu'un voulait travailler, il

 16   devait signer une déclaration pour dire que le Kosova s'appelait Kosovo-

 17   Metohija et reconnaître l'Etat serbe. Comme je l'ai déjà dit, dans toutes

 18   les usines il n'y avait pas d'Albanais. Les forces de la police empêchaient

 19   les travailleurs albanais d'entrer dans ces usines. Il s'agit de

 20   réglementations imposées par la Serbie. Ce sont des réglementations

 21   auxquelles j'ai fait référence.

 22   Q.  Monsieur Hyseni, vous avez parlé de cela, et la réponse à cette

 23   question se trouve à la déclaration écrite que vous avez faite, ce n'était

 24   pas ma question. Vous avez parlé des comportements possibles à l'époque. En

 25   tant que juriste, j'aimerais savoir si vous connaissez des réglementations

 26   selon lesquelles les Albanais ne peuvent pas être embauchés au Kosovo ?

 27   R.  J'ai dit que je n'avais pas vu de réglementation ou de dispositions en

 28   tant que telle parce que je n'étais pas embauché dans des organes d'Etat,

Page 4875

  1   mais le fait est que les Albanais venaient au travail et on les licenciait,

  2   et cela a dû se fonder sur des dispositions appliquées par la Serbie.

  3   J'avais des membres de ma famille, mes oncles et d'autres cousins qui

  4   travaillaient à l'époque et qui par la suite ont été licenciés.

  5   Vous savez que quand quelqu'un est embauché, avant d'être embauché il

  6   doit subir une procédure.

  7   Q.  A la page 2 de votre déclaration du 27 août 2001, vous avez dit que les

  8   Albanais recevaient des documents à être signés et on leur demandait de

  9   reconnaître des réglementations appliquées en République de Serbie. Vous

 10   avez dit aujourd'hui que dans de tels documents, Kosovo devait être appelé

 11   Kosovo-Metohija et d'autres choses également mentionnées dans ces

 12   documents. Pouvez-vous nous dire si vous n'avez jamais vu un tel document,

 13   est-ce que vous l'avez vu de vos propres yeux ?

 14   R.  Je vous ai dit que je ne l'avais pas vu de mes propres yeux parce que

 15   pour voir un tel document, si vous êtes albanais, il vous faut aller à

 16   votre travail pour le signer afin pour pouvoir continuer à travailler. J'ai

 17   dit que certains des membres de ma famille avaient été licenciés parce

 18   qu'ils ont refusé de signer ce document. Je crois que j'ai été clair dans

 19   mon explication. J'ai dit que je ne l'ai pas vu de mes propres yeux.

 20   Q.  Est-ce que l'un de vos cousins, licencié parce qu'il n'a pas voulu

 21   signer ce document, vous a dit ce qui figurait dans ce document ?

 22   R.  Ils ne m'ont pas donné de détails, ils m'ont tout simplement dit que

 23   pour ce qui est du titre de ce document, ils ont dit qu'il y figurait

 24   l'Etat serbe et la province autonome du Kosovo-Metohija, et les Albanais

 25   n'ont pas accepté cela, le Kosova jouissait d'un statut autre. C'était au

 26   détriment, en fait, du statut du Kosovo. C'était au détriment du statut du

 27   Kosova. Ce statut particulier du Kosova a été révoqué par la force. Je

 28   crois que vous vous souvenez de cet événement parce que cela a été fait

Page 4876

  1   avec l'approbation des gens qui n'étaient pas même pas membres du

  2   Parlement.

  3   Q.  Monsieur Hyseni, nous ne souhaitons pas trop entrer dans les détails

  4   des questions historiques, mais dans la mesure où vous avez parlé de ces

  5   événements en tant que faits, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour

  6   dire que le Parlement de la province autonome qui existait avec des

  7   élections qui ont eu lieu sur la province autonome de Kosovo-Metohija était

  8   constitué essentiellement de personnes d'appartenance ethnique albanaise ?

  9   R.  Oui, il s'agissait essentiellement de personnes d'appartenance ethnique

 10   albanaise. Il y avait également quelques Serbes, mais c'était une région

 11   autonome du nom de Kosova et non pas de Kosovo-Metohija. Ensuite, cette

 12   façon de présenter les choses a été inventée. Il ne fallait pas la garder.

 13   Il ne fallait pas garder un double nom, mais le simple nom Kosova.

 14   Q.  Quel est ce nom exactement ? Est-ce que le mot "Dukagjin" est un mot

 15   albanais ou serbe ? Qu'est-ce que veut dire "Dukagjin" ? Est-ce que ça veut

 16   dire Metohija ?

 17   R.  "Dukagjin" est un mot albanais. Lorsque les Serbes parlent de Metohija,

 18   en fait ils évoquent le patrimoine religieux du Kosova. Des églises ont été

 19   défendues pendant des siècles et des siècles par les Albanais. C'était la

 20   famille Vojvoda qui avait toujours défendu les églises dans cette région,

 21   sans oublier que les Albanais avaient trois religions différentes. Appeler

 22   un pays sur la base d'une référence sur l'appartenance religieuse n'est pas

 23   une bonne chose puisqu'il y avait trois appartenances religieuses. Le nom

 24   du Kosova, c'est le Kosova. Il est reconnu en tant que tel par les

 25   conventions internationales et aujourd'hui, il s'agit d'un état indépendant

 26   et qui est parfaitement conforme à toutes les règles de la démocratie dans

 27   le monde.

 28   Q.  Monsieur Hyseni, est-ce que vous connaissiez le nom de la province

Page 4877

  1   autonome avant 1974 ?

  2   R.  Kosova.

  3   Q.  Kosovo-Metohija.

  4   R.  Tout ce que je sais, c'est qu'on l'a effectivement appelé Kosmet ou

  5   Kosovo-Metohija justement pour faire naître et accroître le nationalisme

  6   serbe, mais c'est un nom qui est complètement incorrect. Le Kosova a

  7   toujours été le Kosova et il l'est toujours aujourd'hui. C'est son nom

  8   approprié.

  9   Q.  Nous n'allons pas nous étendre sur cette question. Je voulais juste

 10   vous rappeler que le mot Metohija est un mot d'origine grecque. Nous

 11   n'allons pas nous étendre sur cette question.

 12   Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, en ce qui concerne les ouvriers

 13   albanais sur le territoire du Kosovo entre 1991 et 1999, ils n'étaient pas

 14   employés ni dans les usines d'Etat nationalisées, ni dans les fonctions

 15   administratives et institutions administratives de l'état ?

 16   R.  C'est tout à fait correct. Ils n'étaient pas employés parce qu'en fait

 17   ils avaient été expulsés de leur travail et toute possibilité de travailler

 18   leur était niée, la liberté de choisir l'emploi qu'ils souhaitaient

 19   solliciter. Ils ne pouvaient pas travailler puisqu'ils souffraient tous de

 20   discrimination. Il n'y avait pas un seul Albanais qui pouvait travailler ou

 21   qui était employé.

 22   Q.  Il n'y avait pas un seul Albanais qui travaillait ?

 23   R.  Je ne dis pas tous. Il y en avait certains qui travaillaient, ceux qui

 24   étaient restés. Ceux qui souhaitaient respecter et s'en tenir à la

 25   politique serbe.

 26   Q.  Lorsque vous dites un petit nombre, est-ce que vous vous rendez compte

 27   que sur le territoire de la municipalité de Urosevac, il y avait plus de

 28   700 employés albanais qui travaillaient dans les institutions

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  1   administratives de la région ? Vous vous en rendez compte ? Est-ce que vous

  2   êtes conscient de ce chiffre ? Je parle de Urosevac.

  3   R.  Au cours de cette période à Ferizaj, plus de 700 employés qui auraient

  4   travaillé est absolument faux. Ceux qui étaient employés par les

  5   institutions administratives serbes étaient bien connus, et ils étaient

  6   très peu nombreux. On pouvait les compter sur les doigts d'une main.

  7   Q.  En page 2, paragraphe 5; et page 3, paragraphe 1 dans les versions

  8   anglaises et albanaises respectives, vous dites que l'objectif était de

  9   faire disparaître le statut du Kosovo en tant qu'unité fédérale.

 10   Est-ce que le Kosovo avait auparavant été une unité fédérale faisant

 11   partie de la République fédérale socialiste de Yougoslavie ?

 12   R.  Oui, Monsieur. La constitution de 1974 reconnaissait le Kosova comme

 13   étant une partie constituante de la Fédération yougoslave. Effectivement,

 14   le Kosova était une partie constituante de la fédération. C'était une unité

 15   constituante. La province autonome socialiste du Kosova était une partie

 16   constituante de la Fédération de Yougoslavie, et je peux même vous le

 17   confirmer en vous expliquant la chose suivante. La présidence, qui a été

 18   constituée après le décès de Tito, a été faite de telle façon que chaque

 19   unité fédérale en fait avait un mandat au sein de la présidence.

 20   Lorsque moi-même j'étais soldat à Postojna en 1987, le président de

 21   Yougoslavie était Sinan Hasani qui venait du Kosova. Ce fait justement vous

 22   confirme bien que le Kosova était véritablement une partie constitutive de

 23   la Fédération de Yougoslavie. Cela confirme que le Kosova était une unité

 24   fédérale et en avait le statut. C'était une unité qui avait ses propres

 25   membre du Parlement et son propre mandat, avec un président qui pouvait

 26   devenir le président de la Fédération de Yougoslavie.

 27   Q.  Le Kosovo était une province autonome à l'intérieur de cet Etat fédéral

 28   ? Est-ce que c'était à l'intérieur de la République fédérale socialiste de

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  1   Yougoslavie, ou de la République fédérale socialiste de Serbie comme on

  2   l'appelait à l'époque ?

  3   R.  Le Kosova appartenait à la Fédération yougoslave.

  4   Q.  C'est vraiment cela ?

  5   R.  Oui, le Kosova avait son statut particulier. Il faisait partie de la

  6   Fédération yougoslave.

  7   Q.  Est-ce que vous avez lu dans sa totalité la constitution de 1974 ?

  8   C'est une question que je dois vous poser.

  9   R.  Oui. C'est une constitution qui est signée par Ilaz Kurteshi, qui était

 10   à l'époque président de l'assemblée du Kosova. Oui, j'ai lu cette

 11   constitution.

 12   Q.  Est-ce qu'il est dit dans cette constitution que le Kosovo fait partie

 13   de la République socialiste de Serbie en tant que province autonome au sein

 14   de cette république ? Est-ce que cela est énoncé de façon claire dans la

 15   constitution ? Est-ce que vous l'avez lue ou non ?

 16   R.  C'est ce qui est mentionné dans la constitution, mais nous étions en

 17   train de parler d'entité fédérale. Le Kosova était une entité fédérale de

 18   par la constitution de 1974, et jouissait d'une égalité de droit avec

 19   toutes les autres républiques de la fédération.

 20   Après la crise politique en Yougoslavie et lorsque cette fédération a été

 21   dissoute, alors les choses ont changé. Si nous avions continué à avoir les

 22   mêmes droits que ceux que nous avions auparavant, jamais nous ne nous

 23   serions retrouvés dans une situation aussi difficile que celle que nous

 24   avons connue par la suite, rien ne se serait passé.

 25   Q.  Dans le cadre de votre travail de 1991 à 1999, lorsque vous travailliez

 26   avec le Conseil pour la défense des droits de l'homme et des libertés,

 27   pouvez-vous m'expliquer plus précisément quels étaient les objectifs de

 28   cette organisation dans laquelle vous militiez ? Pour quelle raison cette

Page 4880

  1   organisation avait-elle été créée au

  2   Kosovo ? Est-ce que cette organisation avait été créée parce que les droits

  3   civiques des citoyens d'appartenance albanaise au Kosovo étaient menacés ?

  4   R.  Le Conseil pour la protection des droits de l'homme et des libertés

  5   avait été créé en 1989, 1990 par un avocat de grand renom dans les Balkans,

  6   Bajram Kelmendi, et puis ensuite par Adem, un autre militant pour la

  7   défense des droits de l'homme, et un grand nombre d'intellectuels. Cette

  8   organisation avait ses représentations dans toutes les villes, les

  9   municipalités et les petits villages du Kosova. L'objectif était

 10   parfaitement clair, il s'agissait de défendre les droits de l'homme, et

 11   essentiellement les droits des citoyens qui se trouvaient soumis à des

 12   violences systématiques, telles que celles exercées par le régime serbe.

 13   Notre activité était essentiellement concentrée sur le fait de constamment

 14   surveiller ces cas d'actes de violence qui étaient en fait réalisés de

 15   façon quotidienne au Kosova. Notre travail était tel que parfois nous

 16   devions nous réunir au moins une fois par semaine, souvent le samedi. Nous

 17   arrivions à recueillir tous les renseignements de la part de personnes qui

 18   avaient été victimes de sévices dans les commissariats. Ces personnes nous

 19   contactaient, nous donner des détails, même s'ils étaient menacés par la

 20   police qui leur avait dit surtout de ne pas nous contacter. Ils le

 21   faisaient néanmoins. Nous recueillions toutes ces informations, nous

 22   constitutions des rapports. Nous soumettions ces rapports au siège de notre

 23   organisation à Prishtina, et le siège de Prishtina ensuite transmettait ces

 24   rapports au comité de Helsinki, de façon à ce que la communauté

 25   internationale soit totalement informée de ce qui se passait au Kosova à

 26   l'époque.

 27   Q.  Merci, Monsieur Hyseni. Vous m'avez ici avec tous vos détails et vos

 28   réponses très précises épargné un certain nombre de mes questions.

Page 4881

  1   Je vais maintenant vous poser la question suivante. Ce conseil, existe-t-il

  2   toujours pour la protection des droits de l'homme et des libertés à

  3   Prishtina et ailleurs ?

  4   R.  Oui. Le Conseil pour la protection des droits de l'homme existe

  5   toujours à Prishtina. Il est dirigé par le Dr Pajazit Nushi. Ce conseil

  6   existe également dans d'autres villes. Il s'agit de petites représentations

  7   qui sont moins nombreuses et qui sont en fait prises en charge par des

  8   coordonnateurs qui traitent de questions souvent portant sur des litiges à

  9   propos de biens et autres types de litiges.

 10   Q.  Vous avez dit qu'en 1999, vous avez arrêté de militer au sein de ce

 11   Conseil pour la défense des droits de l'homme et des libertés. Pour quelles

 12   raisons ?

 13   R.  A vrai dire, mon activité dans le domaine des droits de l'homme ne

 14   s'est jamais arrêtée. Je milite toujours pour les droits de l'homme.

 15   Maintenant, mon activité au sein de ce conseil et mon action de militant au

 16   sein de ce conseil, je l'ai arrêtée, pourquoi, parce que j'ai été expulsé.

 17   Je suis devenu réfugié, d'abord en Macédoine, puis je suis parti pour

 18   Manchester au Royaume-Uni. Et c'est la raison pour laquelle ne je pouvais

 19   plus militer de façon active au sein de ce conseil. Tout le travail que

 20   nous avons réalisé pendant la guerre était un travail purement bénévole de

 21   la part de chacun d'entre nous.

 22   Q.  Où habitez-vous aujourd'hui, Monsieur Hyseni ?

 23   R.  J'habite dans le village de Bibaj.

 24   Q.  Etant donné que d'après ce que vous m'avez dit, ce conseil traite plus

 25   de questions type litiges à propos de biens ou autres, est-ce que vous avez

 26   une idée sur les activités de ce conseil aujourd'hui, par exemple, pour

 27   défendre les droits de l'homme de Serbes qui ont quitté le Kosovo ? Et

 28   aussi, est-ce que ce conseil traite de la protection de leurs droits et de

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  1   leurs biens ?

  2   R.  D'après ce que je sais, il y a en Sterps [phon], une représentation de

  3   notre conseil à Ferizaj, à Sterps, qui traite de toutes ces questions. Avec

  4   une personne qui est venue de Prishtina et une autre sur place à Ferizaj,

  5   ce sont des juristes et des avocats de profession qui traitent de ces

  6   questions au sein des municipalités de Stimlje et de Sterps, et je crois

  7   que ces questions, ces litiges ont été d'ailleurs résolus l'an dernier.

  8   Q.  Le compte rendu d'audience de l'affaire Milutinovic, en page 3 093,

  9   lignes 11 à 13, en réponse à une question qui vous avait été posée et qui

 10   était la suivante, "Si les forces de police et les forces militaires de

 11   Serbie armaient ou non les civils serbes," vous aviez répondu à cette

 12   question, "Je n'ai pas vu ni les forces de la police ou les forces armées

 13   serbes armer les civils."

 14   Puis-je en conclure maintenant que vous n'aviez pas d'information directe

 15   sur ce que vous avez dit, concernant les civils serbes qui étaient armés

 16   non pas par l'armée et la police, et que c'est une hypothèse de votre part,

 17   ce sont des connaissances indirectes, ce qui veut dire que vous n'avez pas

 18   de connaissances directes de tout cela. Est-ce que vous pouvez ajouter

 19   quelque chose à ce que vous aviez dit dans le cadre de cette affaire ? Il

 20   s'agit de la pièce à conviction P810.

 21   R.  A dire vrai, tous les civils, notamment les civils serbes, tous les

 22   civils serbes, tous autant qu'ils étaient, étaient armés. Il n'y avait pas

 23   de Serbes dans mon village, mais dans les autres villages je peux vous dire

 24   qu'il y en avait, et ils étaient armés. Personnellement, je ne les ai pas

 25   vus armés, mais d'après les informations qui circulaient, ils étaient

 26   effectivement armés. C'est ce qui était dit.

 27   Je n'ai pas vu de mes propres yeux qui que ce soit leur remettre des

 28   armes, mais je sais que c'était vrai, je sais que c'était un fait reconnu,

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  1   je connaissais les Serbes qui habitaient dans la région où j'habitais.

  2   Peut-être pas tous par leurs noms, mais en tout cas je les connais tous de

  3   vue, et donc je peux dire que je les connais tous.

  4   Q.  Votre déclaration de 1999, en page 3, au paragraphe 6 de la version

  5   B/C/S, et paragraphe 2, page 3 de la version anglaise, -- et là je dois

  6   répéter ce qui a été dit au sujet des forces militaires, vous avez dit que

  7   tout était coordonné depuis le ministère de la Défense et depuis le

  8   ministère de l'Intérieur.

  9   Puis-je vous demander d'où vous tenez cette information, tout d'abord, le

 10   fait que toutes les activités étaient dirigées et coordonnées par le

 11   ministère de la Défense et le ministère de l'Intérieur, et après avoir

 12   obtenu votre réponse, je poursuivrai avec d'autres questions.

 13   R.  Je n'ai obtenu cette information de personne en particulier, mais de

 14   par les actions des forces paramilitaires et de la police de la République

 15   de Serbie, de par toutes ces actions qui ont été réalisées dans la région

 16   de Trstenik. Je crois que c'était toute une opération qui avait d'ailleurs

 17   pris le nom de Fer à cheval, et sur la base de cette opération, j'en suis

 18   arrivé à la conclusion que c'était une opération totalement orchestrée,

 19   coordonnée des deux forces, police et armée. C'était donc le ministère de

 20   la Défense pour l'armée et le ministère de l'Intérieur pour la police, qui

 21   ensemble avaient organisé et coordonné cette opération avec des forces

 22   subordonnées qui agissaient sous les ordres d'un seul commandement

 23   réunissant ces deux ministères.

 24   Q.  Mais où avez-vous obtenu cette information, M. Hyseni, concernant cette

 25   opération Fer à cheval ou opération Potkovica ?

 26   R.  Je n'ai pas d'information directe à ce sujet, mais il est vrai que ce

 27   plan de la police militaire et des autres forces de Serbie avait pris le

 28   nom d'opération Fer à cheval ou d'opération Terre brûlée. Il est possible

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  1   que ce soit des termes et des choses que j'aie lus dans les journaux.

  2   Q.  Monsieur Hyseni, il y a un autre terme ici qui est utilisé, qui est

  3   celui l'opération Terre brûlée. Est-ce que vous pouvez nous dire, que

  4   l'opération se soit appelée opération Fer à cheval ou opération Terre

  5   brûlée, ce que je veux savoir c'est est-ce qu'il s'agissait d'une opération

  6   militaire ou d'une opération de police, ou d'une opération d'une autre

  7   nature ? Je crois que vous connaissez tous les détails, détails que peut-

  8   être je ne connais pas, donc ce serait étrange que vous ne connaissiez pas

  9   la réponse à cette question.

 10   R.  Il s'agissait d'une opération conjointe, commune coordonnée, de toutes

 11   les forces de Serbie. Moi je l'ai vue de mes propres yeux cette opération.

 12   J'ai vu comment les gens ont été expulsés, comment toute la région a fait

 13   l'objet d'un nettoyage ethnique, comment les maisons étaient pillées. Toute

 14   cette opération a été menée le 6 avril.

 15   Q.  C'était au moment des frappes des forces de l'OTAN; c'est bien cela ?

 16   R.  Oui. Les frappes des forces de l'OTAN avaient commencé, mais pas à

 17   Sojeve. Là où j'étais, il n'y avait pas eu de bombardement, aucune frappe

 18   sur cette région où se trouvait la population. L'OTAN avait des cibles bien

 19   définies, et les civils ne faisaient pas partie des cibles de l'OTAN.

 20   Q.  Vous nous avez déjà parlé de cela et tel n'était pas ma question.

 21   Maintenant, j'ai une autre question à vous poser. Vous avez dit que votre

 22   village était un village qui renfermait une population d'appartenance

 23   ethnique exclusivement albanaise, mais vous nous avez dit aussi que dans

 24   les villages avoisinants, il y avait des familles serbes. Est-ce que ces

 25   familles serbes ont également quitté leurs maisons ?

 26   R.  Nous parlons ici de Staro Selo ou de Fshati i Vjeter. Il y avait des

 27   familles monténégrines qui habitaient là, il y avait peut-être à peu près

 28   12 ou 13 familles. A ce moment-là, elles n'ont pas quitté le village, ces

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  1   familles, mais elles ont abrité un groupe paramilitaire extrêmement

  2   dangereux. D'ailleurs, j'ai des renseignements sur ce groupe, ce groupe de

  3   Seselj, mais je ne les ai pas vus de mes yeux.

  4   A l'entrée de ce village, la police était positionnée et elle a

  5   incendié huit maisons, huit maisons qui appartenaient à des familles de

  6   soldats, qui étaient d'ailleurs de ma famille. Il y a eu beaucoup de

  7   personnes tuées dans le village. J'ai donné au bureau du Procureur tous les

  8   détails concernant ces assassinats, et je peux vous en donner d'autres, si

  9   vous le souhaitez. Je parle ici de Staro Selo.

 10   Neuf personnes ont été tuées dans le village de Staro Selo au cours

 11   de cette opération. Ils ont été tués par l'organisation la Main noire. En

 12   fait, je me limite à votre question. Donc non, les Serbes n'ont pas quitté

 13   leurs maisons. Ils n'ont quitté leurs maisons qu'après que l'accord de

 14   Kumanovo soit intervenu. A ce moment-là, ils ont incendié toutes les

 15   maisons au moment de leur départ.

 16   Q.  Vous voulez dire que les Serbes ont incendié leurs maisons avant

 17   de quitter le Kosovo ? C'est bien cela que vous voulez dire ?

 18   R.  Non, ils n'ont pas incendié leurs propres maisons en partant. Ils ont

 19   incendié les maisons des Albanais. Ils ont vendu leurs maisons. Leurs

 20   maisons sont sur le marché. Le gouvernement du Kosova a reconstruit leurs

 21   maisons dans certains des villages et leur a proposé de revenir, mais le

 22   simple fait qu'ils refusent de revenir chez eux dans leurs maisons montre

 23   bien qu'ils étaient à l'origine de tous les sévices et de tous les actes de

 24   violence qui ont eu lieu pendant la guerre.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que c'est un bon moment,

 26   Monsieur Djordjevic, pour faire une petite pause ?

 27   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Non, je ne pense pas, mais je suis

 28   d'accord, si vous souhaitez faire la pause maintenant. Mais j'aurais quand

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  1   même besoin de sept à huit minutes supplémentaires pour terminer sur ce

  2   sujet, et je vais me mettre une petite note pour me rappeler exactement où

  3   j'en étais.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons donc lever

  5   l'audience pour une petite pause d'une demi-heure, et nous reprendrons à 13

  6   heures.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

  8   --- L'audience est reprise à 13 heures 02.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y, Monsieur Djordjevic.

 10   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Ai-je raison, Monsieur, de dire que quand vous dites que tout a été

 12   coordonné et organisé par le ministère de la Défense et par le MUP, que

 13   ceci relève de conjectures, car vous n'avez pas de connaissances directes à

 14   ce sujet ?

 15   R.  Non, ce ne sont pas des conjectures. On parle des événements, de ce qui

 16   s'est vraiment produit dans le village de Sojeve. Cette action démontre

 17   qu'il devait y avoir un commandement. Cette armée dépendait de l'état-major

 18   principal, elle était placée sous l'autorité du ministère de la Défense.

 19   La police, en revanche, a été placée sous la jurisprudence ou sous la

 20   compétence du ministère de l'Intérieur. En ce qui concerne les forces

 21   paramilitaires ou les réservistes, quel que soit leur nombre, ils étaient

 22   intégrés à ces forces-là et il existait un certain degré de coordination.

 23   Si la Serbie avait agi de façon démocratique au Kosova, tout ceci ne

 24   se serait pas produit car l'armée qui a mené à bien cette opération Bibe,

 25   Strasel [phon], Sllatine, c'était une armée qui venait de Nis. Il ne s'agit

 26   pas là de suppositions et de conjectures. Je peux vous montrer des

 27   documents, des documents que j'ai donnés au bureau du Procureur signés par

 28   un des capitaines de cette armée que nous avons trouvé dans une de nos

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  1   maisons. C'est pour cela que je vous dis qu'il ne s'agit pas là de

  2   suppositions. Il s'agit là de faits.

  3   Q.  Puisque vous évoquez des documents, je vais vous poser une question :

  4   est-ce que vous n'avez jamais vu un document qui sert à coordonner les

  5   activités du ministère de la Défense et des activités du ministère du MUP,

  6   donc de la police ? On peut y inclure les forces paramilitaires. Est-ce que

  7   vous n'avez jamais vu un document ou un ordre portant sur les activités

  8   communes de ces trois entités, les soldats, la police, les réservistes ou

  9   les paramilitaires, si vous voulez ?

 10   R. Un document contenant un tel ordre, je ne pouvais pas le voir, ce

 11   n'était pas possible à l'époque parce qu'il s'agit là de documents secrets.

 12   Mais je vous parle des actions, des opérations de l'époque qui étaient

 13   telles qu'il était évident que ces ordres étaient conformes aux ordres

 14   donnés par les forces de l'Etat serbe, des différentes forces serbes au

 15   Kosova. C'était des groupes de criminels qui se comportaient comme des

 16   criminels en infligeant des mauvais traitements aux civils albanais, aux

 17   vieillards, aux innocents.

 18   Q.  Mais vous vous basez sur quoi pour dire que ce sont les réservistes ou

 19   les paramilitaires, comme vous dites, qui ont participé à ces opérations ?

 20   Vous vous basez sur quelles informations exactement ?

 21   R.  Je le fais parce que l'armée régulière, les paramilitaires, ou les

 22   réservistes si vous voulez, on pouvait les différencier de par leur tenue

 23   vestimentaire, leur comportement. Dans l'armée régulière les soldats n'ont

 24   pas le droit d'avoir une barbe. J'ai été soldat moi-même. Leurs uniformes

 25   sont plus propres, en meilleur état. Il s'agit d'uniformes réguliers, ils

 26   sont tous vêtus de la même façon. Les paramilitaires ont des uniformes

 27   hétéroclites, sont souvent mal rasés, avec des cheveux plus longs.

 28   Q.  Est-ce qu'il y avait une différence entre les armes de l'armée et les

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  1   armes de la police ?

  2   R.  Cela dépend des unités militaires. Les armes venaient souvent de

  3   l'usine de Kragujevac. La police avait souvent des fusils automatiques

  4   fabriqués à Kragujevac, et je n'ai vu qu'une seule fois un soldat avec une

  5   mitrailleuse. Cette mitrailleuse venait du même endroit, de la même usine.

  6   Peut-être de Zagreb. Si vous posez la question portant sur les armes des

  7   soldats, le peloton d'infanterie à l'époque où j'ai été soldat moi-même, je

  8   pense que c'était à l'époque pendant la guerre, tout le monde n'est pas

  9   armé de la même façon. Il y en a qui ont des fusils semi-automatiques,

 10   d'autres qui ont des fusils automatiques. En ce qui concerne les policiers,

 11   ils avaient toujours les mêmes armes, les armes qui venaient de l'usine

 12   Zastava à Kragujevac.

 13   Q.  Tout à l'heure, vous avez parlé de l'organisation Main noire, et vous

 14   avez parlé d'un village où se trouvaient les familles serbes et

 15   monténégrines. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire au sujet de cette

 16   organisation, comment vous avez entendu parler de cette organisation, qui

 17   étaient les gens qui en faisaient partie, comment étaient-ils habillés,

 18   quelles étaient les armes dont ils disposaient, les véhicules, et cetera ?

 19   R.  Oui. Je dispose des informations indiquant que la Main noire

 20   existait. Le Kosova tout entier était au courant de cela. Après 6 heures du

 21   soir, personne ne devait sortir. Si jamais quelqu'un était trouvé dans la

 22   rue, il était tué sur-le-champ. Dans Srpski Babush, par exemple, on a

 23   trouvé des victimes qui avaient une inscription sur le corps. C'était la

 24   Main noire. C'était les auteurs.

 25   Ils circulaient dans des véhicules qui n'avaient pas de plaques

 26   d'immatriculation. Ils agissaient de concert avec le poste de police, par

 27   exemple. Il y avait un certain Pucrran. C'était un personnage terrible. Il

 28   avait une BMW, et après 6 heures du soir, on utilisait sa voiture pour

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  1   circuler dans la ville. Il y avait deux civils aussi de ce village qui

  2   répondaient au nom de Pesic. Ils étaient parmi les auteurs. Ils faisaient

  3   partie de l'organisation de la Main noire, mais il y en avait d'autres

  4   aussi. Donc ces meurtres commis par ce groupe malfamé étaient commis pour

  5   propager la terreur et pour forcer la population à fuir. Il y avait aussi

  6   des meurtres qui ont eu lieu avant les frappes de l'OTAN. Je parle de la

  7   zone de Urosevac. C'est là que la Main noire a tué deux jeunes hommes,

  8   Sadik Leskovci et puis un autre qui venait d'une autre famille, Elhami

  9   Muharremi de la famille Magashi. Ils étaient victimes de cette même

 10   formation, ce même groupe.

 11   Q.  Ai-je raison de dire que vous n'avez pas d'informations directes, vous

 12   n'avez que des informations indirectes venues des personnes qui vous ont

 13   parlé de cette organisation ?

 14   R.  De toute façon l'information que je possède est exacte, puisque ce qui

 15   nous intéressait c'était de prendre les faits. Nous avons aidé à enterrer

 16   ces deux jeunes hommes. J'ai parlé avec les membres de leurs familles.

 17   Qu'est-ce que vous voulez de plus direct que cela ? Evidemment que l'on

 18   n'est pas allé voir les policiers dans le poste de police, parce que là on

 19   ne serait pas sortis vivants.

 20   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire qui était le fondateur de cette

 21   formation armée appelée la Main noire ? Qu'est-ce que vous avez entendu

 22   dire ?

 23   R.  Le fondateur au niveau de la Serbie, ou uniquement pour le Kosova ?

 24   Q.  Je ne sais pas si cette organisation existait en Serbie, c'est pour

 25   cela que je vous demande. Vous avez mentionné l'organisation la Main noire.

 26   Dites-nous qui était le chef politique de cette organisation. Pouvez-vous

 27   nous fournir des informations que vous auriez pour ce qui est de cette

 28   organisation ?

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  1   R.  Cette organisation à propos de laquelle vous posez des questions, en

  2   disant que vous ne savez pas si cette organisation existait, cela n'est pas

  3   vrai, parce que cette organisation existait. Les membres de cette

  4   organisation exécutaient des gens.

  5   Pour ce qui est du fondateur de cette organisation, je crois que

  6   c'est le pouvoir serbe qui devrait le savoir.

  7   Pour ce qui est de Ferizaj, je vous ai dit que certains des membres

  8   de cette organisation étaient bien connus. L'un d'entre eux travaille

  9   aujourd'hui à Leskovc, au poste de police, avec son épouse. Pour ce qui est

 10   de l'autre membre, je ne sais pas où il est. Le service de Sûreté d'Etat y

 11   était impliqué.

 12   Q.  Est-ce que vous savez si un parti politique se serait trouvé derrière

 13   cette organisation, la Main Noire ?

 14   R.  Non, je n'ai jamais parlé de parti politique qui aurait été derrière

 15   l'organisation la Main Noire. Cette organisation a été appuyée de façon

 16   directe par le pouvoir serbe, en particulier par la police.

 17   Q.  Avez-vous jamais vu les membres de l'organisation la Main Noire sur le

 18   terrain chez vous ?

 19   R.  A l'époque où cette organisation opérait, et j'ai dit que les membres

 20   de cette organisation opéraient après 18 heures du soir, il m'était

 21   impossible de les voir, parce que si je les avais vus, j'aurais été exécuté

 22   sur-le-champ. Ma maison se trouve près de la route Gnjilan-Ferizaj, et à

 23   une occasion j'ai vu une Golf noire sans plaque d'immatriculation qui

 24   appartenait à l'organisation Main Noire, mais je n'ai pas pu voir les

 25   personnes qui se trouvaient dans le véhicule. Je n'ai pas pu voir comment

 26   ils étaient habillés, parce que j'étais dans ma maison. Je ne pouvais pas

 27   les voir. J'ai tout simplement vu le véhicule garé là-bas.

 28   Q.  Comment savez-vous que ce véhicule appartenait à l'organisation la Main

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  1   Noire ? Vous venez de dire que vous n'avez pas pu voir les gens se trouvant

  2   dans le véhicule. Vous avez dit que vous avez vu le véhicule de couleur

  3   noire être garé au carrefour. Vous avez dit que le véhicule n'avait pas de

  4   plaque d'immatriculation. Comment pouvez-vous dire que ce véhicule

  5   appartenait à l'organisation la Main Noire ?

  6   R.  Je dis cela parce que personne n'osait circuler ces jours-là. Même si

  7   une personne était malade, personne n'osait l'amener à l'hôpital. C'était

  8   comme le couvre-feu.

  9   Q.  Est-ce que c'est votre conclusion qu'il s'agissait des membres de

 10   l'organisation la Main Noire qui se trouvaient à bord de ce véhicule, même

 11   si vous n'avez pas de preuve pour dire cela ?

 12   R.  Je vous dis aujourd'hui aussi que le véhicule appartenait à

 13   l'organisation la Main Noire, qui opérait activement à l'époque. J'aurais

 14   voulu pouvoir identifier les personnes se trouvant à bord du véhicule,

 15   parce que beaucoup de personnes ont été tuées à Shati i Vjeter, à proximité

 16   de cet endroit.

 17   Q.  Pouvez-vous me dire sur la base de quels éléments vous avez conclu que

 18   le véhicule appartenait à l'organisation la Main Noire, parce que vous

 19   n'avez pas vu le chauffeur ni personne d'autre à bord de ce véhicule.

 20   Encore une fois, je vous pose la même question. Qu'est-ce qui vous amenait

 21   à la conclusion qu'il s'agissait du véhicule appartenant à cette

 22   organisation, si c'était votre conclusion, je vous demande de nous fournir

 23   ces informations sur la base desquelles vous avez pu arriver à cette

 24   conclusion. Sinon, il ne s'agirait que de vos suppositions.

 25   R.  J'ai tiré cette conclusion du fait que cette même Golf ainsi que

 26   d'autres véhicules ont été observés par d'autres personnes qui habitaient

 27   là-bas.

 28   Une nuit, ou peut-être deux nuits avant cet événement, dans un autre

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  1   quartier tout près de la route menant à Gnjilan, une autre personne a été

  2   tuée de la municipalité de Viti, mais je n'ai pas vu cela de mes propres

  3   yeux et je n'ai pas témoigné là-dessus. Donc il y avait encore deux autres

  4   victimes qui ont été vues là-bas.

  5   Q.  Est-ce que le Golf de couleur noire a été vu au moment où ces deux

  6   personnes ont été tuées ?

  7   R.  Je n'ai pas vu cela en personne, mais cette Golf noire a été vue ce

  8   jour-là à plusieurs endroits et cette Golf a été vue par plusieurs

  9   personnes.

 10   Q.  Je n'en doute pas. Pour ce qui est du chauffeur de la Golf et des

 11   personnes qui se trouvent à bord du Golf, j'ai des doutes par rapport à

 12   cela.

 13   Pouvez-vous nous dire comment était l'aspect physique des membres de

 14   l'UCK, si les membres de l'UCK que vous auriez vus avant de quitter le pays

 15   pour aller en Macédoine portaient des uniformes ou pas, des armes et quelle

 16   sorte d'armes ?

 17   R.  Je n'ai jamais vu des soldats de l'UCK pendant cette période de temps à

 18   propos de laquelle vous posez des questions. Je les ai seulement vus à la

 19   télévision. J'ai lu à propos des membres de l'UCK dans des articles de

 20   journaux.

 21   Q.  Merci. Quand est-ce que vous les avez vus à la télévision et quand est-

 22   ce que vous avez lu à propos des membres de l'UCK dans la presse ?

 23   R.  Avant mon départ pour la Macédoine, nous avions un journal qui

 24   s'appelait Bukoje [phon] et grâce à mon antenne parabole, nous avons pu

 25   suivre les programmes de la télévision albanaise.

 26   Q.  Est-ce que vous avez vu les membres de l'UCK à la télévision albanaise

 27   ?

 28   R.  Oui, mais je les ai également vus dans les programmes de la CNN.

Page 4893

  1   Q.  Est-ce que les membres de l'UCK étaient dans la ville d'Urosevac et

  2   dans ses environs, à savoir votre village de Biba, durant l'année 1998 et

  3   1999 ?

  4   R.  Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît ?

  5   Q.  Savez-vous qu'en 1998 et 1999, les membres de l'UCK étaient présents à

  6   Urosevac ou dans les villages, dans votre village, autour du village de

  7   Biba ou pas ?

  8   R.  En 1998, pour ce qui est de cette année, je sais qu'il y avait des

  9   membres de l'UCK là-bas, mais ils se trouvaient dans la zone opérationnelle

 10   de Nerodimlje, qui se trouve hors Ferizaj. La région dans laquelle je

 11   vivais, la région de Bibaj, Komogllave, Sojeve, il n'y avait pas de membres

 12   de l'UCK. Dans ces villages, il n'y avait pas de membres de l'UCK. L'UCK

 13   n'opérait pas dans cette région. Les membres d'UCK avaient leurs propres

 14   positions.

 15   Si l'UCK avait opéré dans cette région, peut-être que ces crimes

 16   n'auraient pas été perpétrés dans les villages que j'ai mentionnés.

 17   Q.  Savez-vous que les membres de l'UCK tuaient les gens, enlevaient les

 18   gens, violaient les citoyens d'appartenance ethnique serbe et albanaise ?

 19   R.  Si vous parlez de la zone opérationnelle de Nerodimlje, je peux vous

 20   dire que je n'en sais rien. En fait, je n'en sais rien non plus pour ce qui

 21   est d'autres zones opérationnelles de l'UCK. Je pense que les soldats de

 22   l'UCK qui ont prêté serment pour défendre leur patrie et leur peuple, je

 23   pense que les soldats de l'UCK n'auraient pas fait cela. C'est pour cela

 24   que je pense que ces choses ne sont pas arrivées.

 25   Q.  Monsieur Hyseni, répondez-moi à cette question : ai-je raison pour dire

 26   que pendant toute votre vie, vous restiez à votre village de Biba, près de

 27   Urosevac ?

 28   R.  Oui, en effet. Je restais dans mon village natal de Bibaj pendant toute

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  1   ma vie.

  2   Q.  En quelle mesure vous connaissez vos voisins, les villageois du village

  3   de Biba ?

  4   R.  Je les connais très bien.

  5   Q.  C'est possible que dans votre village, il y ait des gens qui y vivent

  6   plus de 20 ans et qu'ils ne vous connaissaient pas ?

  7   R.  Comment plus de 20 ans, qu'est-ce que vous entendez par

  8   là ? Vous faites référence aux 20 ans qui viennent de s'écouler ? Je ne

  9   vous ai pas très bien compris.

 10   Q.  Je vous ai posé la question concernant les gens qui sont vos voisins,

 11   que vous ne connaissez pas, les gens qui vivent dans votre village, parce

 12   que je vais poser des questions concernant ce fait et cette période des

 13   dernières 20 années.

 14   R.  Je pense que je suis certain de connaître toutes les personnes qui

 15   vivent dans mon village, à l'exception faite de quelques familles qui

 16   étaient arrivées dans mon village après la guerre, parce que les choses ont

 17   changé. Par exemple, il y a une partie du village de Bibaj ne faisait pas

 18   partie du village, maintenant cela fait partie du village de Bibaj. Donc je

 19   dirais que je connais la plupart des villageois de mon village.

 20   Q.  Ma question portait sur la période jusqu'en 1999. Merci de cette

 21   réponse.

 22   Dites-moi pour ce qui est du village de Trpeza. Savez-vous où se

 23   trouve ce village ?

 24   R.  Oui, je le connais. Il s'agit d'un village qui est dans la municipalité

 25   de Viti, non pas dans la municipalité de Ferizaj.

 26   Q.  C'est exact, oui. Pouvez-vous nous dire si vous connaissez Sadat

 27   Seljimi de la municipalité de Trpeza ?

 28   R.  Monsieur, je vous ai déjà dit que le village de Trpeza est dans une

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  1   autre municipalité. Je sais où se trouve ce village, mais je ne connais pas

  2   les habitants de ce village. Je connaissais le chef de la police pour la

  3   région de Gnjilan et Ferizaj, mais je ne connais pas la personne que vous

  4   venez de mentionner qui porte le nom de Sadat Seljimi. C'est la raison pour

  5   laquelle je ne sais pas comment répondre à votre question. Enfin, pour y

  6   répondre brièvement, je ne connais pas cette personne.

  7   Q.  Bien, c'est une réponse qui me satisfait, mais je dois vous poser une

  8   autre question. Connaissiez-vous une personne de votre village du nom de

  9   Faruk Murselji ?

 10   R.  Faruk comment ?

 11   Q.  Faruk Murselji.

 12   R.  Personne ne s'appelle Faruk Murselji dans mon village de Bibaj.

 13   Q.  Avez-vous connaissance du fait que les membres de l'UCK ont mené une

 14   attaque à l'arme automatique le 9 janvier 1999, à précisément 21 heures,

 15   dans votre village et qu'au cours de cette opération, cette personne que

 16   vous prétendez ne pas connaître à Bibaj, Faruk Murselji, a été tué dans le

 17   cadre de cet incident, et aussi une personne du nom de Sadat Seljimi qui

 18   aurait été légèrement blessé. Est-ce que vous savez quelque chose de cet

 19   incident ou pas ?

 20   R.  Je n'ai jamais entendu parler de cet incident et je doute fort qu'il ne

 21   soit réellement survenu dans mon village. Sadat, je ne sais pas de qui il

 22   s'agissait, mais cette personne du nom de Sadat ne vient pas de mon

 23   village. Cette autre personne que vous avez mentionnée n'habite pas non

 24   plus dans mon village. Mon village était habité exclusivement d'Albanais.

 25   C'est la raison pour laquelle je pense que vos informations sont

 26   incorrectes. Je ne sais pas d'où vous tenez ces informations, mais je peux

 27   vous dire que ce sont des informations qui ne portent pas sur mon village

 28   de Bibaj.

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  1   Q.  Vous voulez donc dire que Faruk Murselji, d'après son nom, n'est pas

  2   albanais ?

  3   R.  Il s'agit d'un nom albanais, mais c'est une personne qui n'est pas du

  4   village de Bibaj. Nous n'avons aucune famille du nom de Murselji dans notre

  5   village de Bibaj.

  6   Q.  C'est la raison pour laquelle je vous posais ces questions tout à

  7   l'heure. Savez-vous que des membres de l'UCK, le 13 mars 1999, à environ 1

  8   heure de l'après-midi, ont placé des engins explosifs puissants devant

  9   l'entrée de la Jugobanka, la banque Jugo, rue Catsuro Urasa [phon], à

 10   Urosevac ou Ferizaj et qu'un certain nombre de personnes ont été gravement

 11   blessées. Sefket Sulejmani, Agron Mustafu, Sejdiju, Sali Mehmeti, et cinq

 12   autres personnes dont je ne connais pas les noms. Est-ce que vous avez

 13   entendu parler de cet incident du 13 mars à Urosevac ?

 14   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler de cet incident du 13 mars. Mais

 15   pouvez-vous répéter s'il s'agit du 13 mars ou du 13 mai, parce que

 16   vraiment, je ne crois pas que ce soit quelque chose qui soit survenu à

 17   Ferizaj, ou en tout cas, moi je n'en ai aucune connaissance.

 18   Q.  Pourquoi mentionnez-vous le 13 mai ?

 19   R.  Parce que s'il s'agissait du 13 mai 1999, alors ce jour-là,

 20   effectivement, le 13 mai 1999, moi j'étais déjà à Manchester, j'étais

 21   réfugié là-bas. Enfin, peu importe, quelle que soit la date, 13 mars ou 13

 22   mai, je pense que cet incident n'est jamais survenu à Ferizaj, et s'il a

 23   réellement eu lieu, je pense qu'il aurait été enregistré, ou en tout cas

 24   noté dans les registres du bureau de la défense des droits de l'homme et

 25   des libertés à Ferizaj. Donc je ne sais pas d'où vous tenez cette

 26   information.

 27   Q.  Je vous parlais du 13 mars, et cette information, je la tiens d'un

 28   rapport qui a été publié dans les médias ainsi que des rapports du MUP qui

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  1   ont été déposés dans les bureaux de l'Etat de la République de Serbie, qui

  2   à l'époque était un Etat souverain. Savez-vous donc, il y avait eu des

  3   attentats contre des officiers de police, à la fois serbes et albanais, sur

  4   le territoire de toute la municipalité d'Urosevac. Est-ce que vous savez

  5   quelque chose à ce sujet ?

  6   R.  De quels attentats, de quelles attaques parlez-vous ? Est-ce que vous

  7   pouvez me mentionner des incidents concrets avec des dates précises, s'il

  8   vous plaît ?

  9   Q.  Ce que je veux mentionner, ce dont je veux vous faire parler, ce sont

 10   des choses que je sais déjà. Donc ce que je cherche à savoir ici, ce sont

 11   des choses dont je ne suis pas au courant. Il s'agit ici d'attentats qui

 12   auraient été menés par l'UCK sur des citoyens d'appartenance ethnique

 13   serbe, et même albanaise, au cours des années 1998 et 1999 sur le

 14   territoire de votre municipalité d'Urosevac. Est-ce que vous avez des

 15   informations à ce sujet ?

 16   R.  Non, je n'ai aucune information concernant de tels incidents dans la

 17   municipalité de Ferizaj. Je peux vous dire que l'UCK n'a perpétré aucune

 18   attaque, aucun attentat contre des civils. Il faut que vous sachiez que

 19   l'objectif de l'UCK était d'abord et avant tout de défendre la population

 20   et de défendre notre mère patrie. L'UCK n'attaquait que ceux qui étaient à

 21   l'origine d'actes de violence, à savoir des membres de la police et de

 22   l'armée. Les civils que vous mentionnez maintenant, je peux vous dire que

 23   les membres de l'UCK ne les ont jamais attaqués, ou en tout cas je n'ai

 24   aucune connaissance de telles attaques dans la municipalité de Ferizaj.

 25   Q.  Seriez-vous alors d'accord avec moi pour dire que des membres de l'UCK

 26   ont attaqué des membres de la police et de l'armée dans votre région, à la

 27   lumière de ce que je viens de dire ? Dans le compte rendu d'audience ici,

 28   il est dit, "a dit", mais il devrait en fait être mentionné plutôt que "a

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  1   dit," plutôt "a entendu dire".

  2   R.  J'ai dit qu'il n'y avait aucune attaque contre des civils, mais des

  3   attaques contre les forces de police, en tout cas, c'est possible.

  4   Q.  Dans votre déclaration, en page 4, paragraphe 3 de la version B/C/S et

  5   en page 4, paragraphe 5 de la version anglaise, et page 5, paragraphe 3 de

  6   la version albanaise, il est dit que dans ce village, jusqu'au début des

  7   frappes des forces de l'OTAN, il n'y avait aucun membre de l'UCK, mais

  8   simplement un soutien manifesté pour l'UCK. A cet égard, je vous pose la

  9   question suivante : quelle sorte de soutien était apporté à qui et de la

 10   part de qui ?

 11   R.  Tout le monde apportait son soutien à l'UCK. C'était un soutien qui

 12   venait de la population. Il s'agissait aussi d'un soutien financier.

 13   C'était une organisation, une formation du nom d'Armée de libération du

 14   Kosova, qui avait pour objectif de défendre la population. Tout le monde

 15   apportait son soutien à l'UCK. Mais, bien sûr, tout le monde ne pouvait pas

 16   devenir membre de l'UCK. Tout le monde ne pouvait pas devenir membre de

 17   cette armée. Lorsqu'une armée est créée pour défendre la liberté d'une

 18   population, pour défendre l'honneur d'une population, il est bien normal

 19   que toute la population concernée apporte son soutien à cette armée. Et je

 20   suis très fier de dire que la population de mon pays a pu placer au sein de

 21   cette armée ces hommes jeunes absolument formidables qui ont su combattre

 22   les actes de violence. Cette armée n'aurait jamais été créée s'il n'y avait

 23   pas eu au départ des actes de violence perpétrés. C'est les actes de

 24   violence qui ont été perpétrés au Kosova dans tous les domaines, et surtout

 25   par la police, qui ont été à l'origine de la constitution de cette armée.

 26   Q.  En ce qui concerne le soutien au sujet duquel je vous posais ma

 27   question précédente, vous avez dit qu'il y avait un soutien financier. Mais

 28   ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est aussi un soutien sous forme

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  1   de nourriture, médicaments, approvisionnements, le fait de leur fournir un

  2   toit, de les abriter éventuellement aussi, de leur fournir des armements.

  3   Est-ce que quand vous dites soutien, cela recouvre tout cela ?

  4   R.  Non, non. Le fait de les recevoir chez nous et de leur fournir des

  5   armes, non, ça c'est impossible. Maintenant, en ce qui concerne le soutien

  6   financier, chaque personne payait un pourcentage de 3 % lorsque le

  7   gouvernement parallèle a été constitué. Ce soutien financier permettait de

  8   couvrir tout cela. Maintenant, pour ce qui concerne la fourniture d'armes,

  9   il était impossible de faire circuler des armes. Il aurait été impossible

 10   de fournir des armes à l'ensemble de l'armée dans toute la région. Si nous

 11   avions eu un tel arsenal d'armes, à ce moment-là, les 15 000 civils qui ont

 12   été tués au Kosova ne l'auraient jamais étés.

 13   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Merci. Monsieur le Président, je pense que

 14   c'est un bon moment pour interrompre mon contre-interrogatoire et

 15   j'aimerais poursuivre demain.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Djordjevic.

 17   Monsieur Behar, puis-je vous demander, après ce témoin, le témoin suivant

 18   qui sera appelé sera M. Sterenberg ?

 19   M. BEHAR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois que M.

 20   Sterenberg est notre prochain témoin, et il est prêt à témoigner.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit toujours de l'affaire qui

 22   doit être terminée demain ?

 23   M. BEHAR : [interprétation] Oui. Je vous demanderais un instant. On me dit

 24   que non, ce n'est pas cette affaire-là.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Alors malgré cela, notre emploi

 26   du temps nous encourage à terminer avec l'audition de M. Sterenberg demain.

 27   Si vous pouvez réfléchir à ça ce soir, Monsieur Djordjevic, lorsque vous

 28   étudierez vos futures questions pour ce témoin et pour M. Sterenberg

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  1   également.

  2   Nous pouvons maintenant lever la séance, Monsieur Hyseni. Le personnel du

  3   Tribunal va vous aider à quitter ce prétoire et à prendre les dispositions

  4   nécessaires pour que vous soyez de retour parmi nous demain matin à 9

  5   heures, de façon à ce que nous puissions terminer l'audition de vos

  6   éléments de preuve, pas trop tard dans la matinée. Je vous remercie.

  7   La séance est levée jusqu'à demain matin, 9 heures.

  8   --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le vendredi 22 mai

  9   2009, à 9 heures 00.

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