Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 3 juin 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Madame Nilsen.

  6   Mme NILSEN : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Nous allons

  7   maintenant entendre M. Rexhep Krasniqi.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  9   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 11   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il vous plaît, lisez le texte de la

 13   déclaration solennelle, lisez-la à voix haute.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   LE TÉMOIN : REXHEP KRASNIQI [Assermenté]

 17   [Le témoin répond par l'interprète]

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

 19   asseoir.

 20   Je pense que Mme Nilsen a des questions à vous poser.

 21   Mme NILSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Interrogatoire principal par Mme Nilsen : 

 23   Q.  [aucune interprétation]

 24   R.  [aucune interprétation]

 25   Q.  Pouvez-vous décliner votre date de naissance et votre identité.

 26   R.  Je m'appelle Rexhep Krasniqi et je suis né le 5 mai 1945 au village de

 27   Pagarushe.

 28   Q.  D'où venez-vous ?

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  1   R.  Je viens de Prizren.

  2   Q.  Pouvez-vous être plus précis ? De quel quartier de Prizren venez-vous ?

  3   R.  De Dushanove.

  4   Q.  Vous vivez toujours dans ce village Dusanovo ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Avez-vous fait une déclaration au bureau du Procureur en 1999 ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Sur la page de couverture de la déclaration, on voit la date du 12 mars

  9   1999. Pour autant que je sache, cette date n'est pas correcte. Savez-vous

 10   quand cette déclaration a été faite ?

 11   R.  C'était le 12 avril et non pas le 12 mars.

 12   Q.  Merci.

 13   Mme NILSEN : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher le document 65

 14   ter; c'est le numéro 02378 ? Il s'agit de la déclaration faite le 12 mars

 15   en albanais et en anglais. Est-ce qu'on peut afficher la première page de

 16   cette -- je m'excuse, à la deuxième page, le premier paragraphe. Il s'agit

 17   de la déclaration de 2004, et c'est la version en albanais. Il s'agit donc

 18   de la version en albanais de la déclaration qui a été faite en 2004, il ne

 19   s'agit pas de la déclaration correcte; nous avons besoin de la déclaration

 20   de 1999 et nous avons besoin d'afficher la version en albanais à gauche.

 21   C'est la correction correcte. Est-ce qu'on peut afficher le premier

 22   paragraphe à la page 2, s'il vous plaît, pour que le témoin puisse lire le

 23   premier paragraphe ? La page est la même dans la version en anglais.

 24   J'aimerais bien qu'on affiche la deuxième page, le premier paragraphe. Tout

 25   à l'heure, la page en anglais qui a été affichée -- qu'il faut afficher est

 26   la page numéro 30. Je m'excuse.

 27   Q.  Monsieur Krasniqi, êtes-vous en mesure de lire la phrase du premier

 28   paragraphe où il est dit :

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  1   "Alors nos collègues serbes nous ont dit…"

  2   C'est au milieu.

  3   R.   Non, non, je ne peux pas la lire. Pouvez-vous parler un peu plus fort,

  4   s'il vous plaît ?

  5   Mme NILSEN : [interprétation] Il ne s'agit pas de la correcte page en

  6   anglais --

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semble que parfois on affiche la

  8   traduction différente d'un document qui fait partie d'un recueil de

  9   documents ou de pièces à conviction, il n'est pas possible d'afficher une

 10   traduction avant que ces documents ne soient séparés. Madame Nilsen, il

 11   vaut mieux que vous sépariez ces documents, ces pièces, pour que ces pièces

 12   soient affichées correctement dans le prétoire électronique.

 13   Mme NILSEN : [interprétation] Je vais tenir compte de cela, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Donc tout cela fait partie de notre

 16   expérience dans la vie.

 17   Mme NILSEN : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut afficher la page 2

 18   dans la version en anglais à droite ?

 19   Q.  Monsieur Krasniqi, vous n'êtes toujours pas en mesure de lire la phrase

 20   qui dit quelque chose concernant vos collègues serbes.

 21   Cela devrait figurer sur cette page.

 22   R.  Je n'ai pas dit -- ceux qui nous ont dit cela n'étaient pas nos amis.

 23   Q.  Mais je vous demande si vous êtes en mesure de lire cette phrase ?

 24   R.  Non, non, non. Non, je ne peux pas la lire.

 25   Q.  Mais il est vrai que vous avez dit en 1999 et je vais vous lire la

 26   version en anglais, je cite :

 27   "Alors nos collègues serbes nous ont dit qu'ils allaient nous tuer si

 28   l'OTAN donc commençait les bombardements."

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  1   Je comprends que vous avez des corrections à apporter à cette phrase,

  2   Monsieur Krasniqi, à savoir que ce n'était pas vos collègues serbes qui

  3   vous ont dit cela mais plutôt l'armée ?

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Très bien. Merci. 

  6   R.  Oui, c'était l'armée et non pas nos collègues.

  7   Q.  Merci. Merci. Mis à part cette erreur dans la phrase que je viens de

  8   lire et par rapport à la date figurant sur la déclaration à savoir 1999,

  9   êtes-vous d'accord pour dire que les informations contenues dans cette

 10   déclaration reflètent ce que vous avez dit ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous avez également fait une déclaration en septembre 2004 où vous avez

 13   fourni des informations supplémentaires ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Avez-vous lu toutes les deux de ces déclarations ? Etes-vous satisfait

 16   de ce qui est dit dans ces deux déclarations ?

 17   R.  Oui, je les ai lues.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme NILSEN : [interprétation] J'aimerais que ces deux déclarations soient

 20   versées au dossier. Il s'agit du même recueil de documents 92 bis et 65 ter

 21   02378.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ces documents seront versés au dossier

 23   en tant que pièces à conviction, séparés.

 24   Mme NILSEN : [interprétation] Merci.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] La déclaration de 1999 deviendra la pièce

 26   ayant la cote P00848, et 2004 deviendra P00849.

 27   Mme NILSEN : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Krasniqi, vous avez également témoigné le 16 octobre 2006 dans

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  1   l'affaire Milutinovic et consorts ?

  2   R.  Oui, c'était trois ans, il y a trois ans quand j'étais ici pour la

  3   première fois.

  4   Q.  Avez-vous eu l'occasion de parcourir le compte rendu de ce témoignage

  5   avant de venir ici aujourd'hui ?

  6   R.  Je n'ai rencontré personne.

  7   Q.  Avez-vous vu l'assistant linguistique avant d'être venu ici dans le

  8   prétoire la semaine dernière, avez-vous pu lire cela ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Merci.

 11   R.  Oui, je l'ai lue, la déclaration que j'ai faite, je l'ai lue.

 12   Q.  Si je vous posais les mêmes questions aujourd'hui, les questions qu'on

 13   vous a posées en 2006, répondriez-vous de la même façon, Monsieur Krasniqi

 14   ?

 15   R.  Oui, pour autant que je me souvienne de tout cela.

 16   Mme NILSEN : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser au dossier cette

 17   pièce, qui porte le numéro 05032 65 ter.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote P00850.

 20   Mme NILSEN : [interprétation] Maintenant je vais lire le résumé pour ce qui

 21   est du témoin.

 22   Le témoin vit au village de Dusanovo, au nord-ouest de Prizren avec son

 23   épouse et quatre enfants. Il a décrit les événements du 28 mars 1999, à

 24   savoir il a dit qu'il y avait le rassemblement de l'armée serbe dans son

 25   quartier. Le témoin a décrit également les uniformes portés par les forces

 26   serbes et les véhicules également utilisés par les forces.

 27   Le témoin et -- dans la maison du témoin il y avait son frère et 60

 28   personnes déplacées des villages environnants qui étaient dans sa maison.

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  1   La police est venue dans la maison du témoin et entrée par la force dans la

  2   maison le 28 mars.

  3   Après les avoir insultés et menacés, tous ceux qui étaient dans la maison

  4   étaient partis en Albanie. On leur a dit de partir en Albanie. Ceux qui

  5   sont restés dans la maison et qui sont sortis dans la cour où se trouvait

  6   le témoin et d'autres membres de sa famille ont été battus et pillés.

  7   Le témoin a témoigné qu'il a vu les maisons qui ont été incendiées par les

  8   forces serbes. Finalement ils étaient partis à pied vers la frontière avec

  9   l'Albanie.

 10   Le témoin a dit qu'il avait vu quelques jeunes hommes au bord d'un

 11   tracteur en route vers l'Albanie. Lorsque ces jeunes hommes ont vu les

 12   polices serbes ils ont fui, ils ont quitté le tracteur, la police a tiré

 13   sur eux des armes automatiques, et ces jeunes hommes avaient été tués sur

 14   le champ.

 15   A la frontière, la police serbe a confisqué les papiers d'identité

 16   des civils.

 17   C'est la fin du résumé du témoignage de ce témoin.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 19   Mme NILSEN : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Krasniqi, vous avez expliqué, dans votre déclaration de 1999,

 21   que pendant ce trajet de six heures vers la frontière avec l'Albanie, il y

 22   avait plusieurs points de contrôle. J'aimerais vous poser cette question,

 23   qui se trouvait à ces points de contrôle. Qui était en charge de ces points

 24   de contrôle ?

 25   R.  La police.

 26   Q.  Vous avez pensé à la police serbe en ayant dit cela ?

 27   R.  Oui, bien sûr, il s'agissait de la police serbe. Il n'y avait pas

 28   d'autre personne à ces points de contrôle.

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  1   Q.  Qu'est-ce que vous avez dû faire à ces points de contrôle ? Qu'est-ce

  2   qu'on vous a demandé de faire à ces points de contrôle ?

  3   R.  Nous n'osions nous retourner ni à droite ni à gauche parce qu'ils

  4   auraient nous tués si nous avions fait cela.

  5   Q.  Est-ce qu'on vous a posé des questions ? Est-ce qu'on vous a demandé

  6   quelque chose à ces points de contrôle ?

  7   R.  Tout ce que nous avions sur nous, ils nous ont pris. D'abord ils ont

  8   pris tout ce que nous avions dans nos cours de nos maisons donc rien ne

  9   restait dans ces cours. Tout simplement nous étions dans le convoi avec

 10   d'autres gens et avec des camions.

 11   Q.  Deviez-vous vous arrêter à chacun de ces points de contrôle ?

 12   R.  Oui, nous avons été arrêtés à chacun de ces points de contrôle.

 13   Q.  Dans votre déclaration vous avez également dit ce qui s'était passé au

 14   dernier point de contrôle, avant la frontière avec l'Albanie. Est-ce que

 15   vos papiers d'identité ont été confisqués une fois passés ce point de

 16   contrôle ?

 17   R.  Oui, ils ont pris les documents des autres et pas les nôtres, parce

 18   qu'ils n'avaient pas assez de temps pour le faire, ils nous ont conduit de

 19   cet endroit par la force.

 20   Q.  Est-ce qu'on vous a confisqué des documents à vous à ce point de

 21   contrôle ? Le document des papiers d'identité ?

 22   R.  Non.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] Le témoin a répondu à deux fois à la même

 25   question, donc il n'y a plus de raison pour que je soulève une objection

 26   pour ce qui est de cette question.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 28   Mme NILSEN : [interprétation]

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  1   Q.  Avez-vous vu ces papiers d'identité confisqués aux autres ?

  2   R.  Cartes d'identité, plaques d'immatriculation, tout. Ils ont confisqué

  3   cela à ces gens. Egalement les véhicules, s'il y avait des véhicules

  4   appartenant à ces gens.

  5   Q.  Vous avez dit dans votre déclaration en 1999, au dernier paragraphe,

  6   qu'alors vous vous seriez rendu chez vous si la situation était plus sûre.

  7   Quand finalement vous êtes rentré au Kosovo ?

  8   R.  Je suis retourné au Kosovo le 20 juin 1999. Après que les unités de

  9   l'OTAN étaient entrées au Kosovo.

 10   Mme NILSEN : [interprétation] Merci, Monsieur Krasniqi, je n'ai plus de

 11   questions pour ce témoin.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Nilsen.

 13   Maître Djurdjic, avez-vous le contre-interrogatoire pour ce témoin ?

 14   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Contre-interrogatoire par M. Djurdjic : 

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Krasniqi. Je m'appelle Veljko

 17   Djurdjic; je suis membre de l'équipe de la Défense de l'accusé, Vlastimir

 18   Djordjevic. Avec moi se trouve aujourd'hui Mlle Marie O'Leary, membre de

 19   notre équipe de la Défense.

 20   Monsieur Krasniqi, vous avez dit que vous êtes né à Pagarusa; pourriez-vous

 21   nous dire dans quelle municipalité se trouve Pagarusa ?

 22   R.  Oui, je vais vous dire. Pagarushe se trouve dans le cadre de la

 23   municipalité de Malishev.

 24   Q.  Merci. Dites-moi : quel est le nombre de frères et de sœurs que vous

 25   aviez ?

 26   R.  Trois frères et deux sœurs, et un frère est mort entre-temps, donc j'ai

 27   deux frères et deux sœurs aujourd'hui.

 28   Q.  Merci. Vos parents vivaient à Pagarusa en 1999 ?

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  1   R.  Non.

  2   Q.  Merci. Dites-moi, si vous avez une propriété à Pagarusa, ou si vous

  3   aviez une propriété à Pagarusa ?

  4   R.  Non, nous n'avions pas de propriété à Pagarushe.

  5   Q.  Est-ce que votre frère est parti de Pagarusa ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Quelle est sa profession, la profession de votre père ?

  8   R.  Il était agriculteur.

  9    Q.  Merci. Qu'est-ce qui s'est passé avec pour ce qui est de faire --

 10   R.  Nous l'avons vendu et nous avons acheté une nouvelle propriété

 11   terrienne près de Prizren -- un terrain, plutôt. 

 12   Q.  Quand c'était, quand vous avez acheté ce terrain à Dusanovo, près de

 13   Prizren ?

 14   R.  C'était le 11 mars 1968.

 15   Q.  [aucune interprétation]

 16   M. DJURDJIC : [interprétation] Le témoin dit en 1969 et dans le compte

 17   rendu, on voit l'année 1968.

 18   Q.  Monsieur Krasniqi à qui avez-vous acheté le terrain à Dusanovo ?

 19   R.  C'est Nesahit Recani à qui nous avons acheté ce terrain.

 20   Q.  En 1999, il était toujours en vie, ce frère qui est mort ?

 21   R.  Oui, il était en vie.

 22   Q.  L'un de vos autres frères, travaillait-il à Prizren Trans ?

 23   R.  Non, non.

 24   Q.  Merci. Vous avez mentionné l'un de vos frères qui vivait avec vous;

 25   est-ce que vous vivez ensemble ?

 26   R.  Non, nous vivions séparément mais, bien sûr, nous vivions sur la même

 27   propriété terrienne.

 28   Q.  Comment s'appelait-il ce frère qui vivait avec vous ?

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  1   R.  Il s'appelait Mehmed Krasniqi, l'autre s'appelait Shefqet Krasniqi, et

  2   vous connaissez mon nom, je m'appelle Rexhep Krasniqi.

  3   Q.  Quelle était la profession de Mehmed ?

  4   R.  De différents bouleaux, il faisait du bricolage, tout ce qu'il pouvait

  5   trouver comme travail.

  6   Q.  Mais dites-moi : ici on voit que le deuxième frère s'appelait Rexhep

  7   Krasniqi. Il faut qu'on corrige cela, l'un de vos frères s'appelait Mehmed,

  8   et l'autre, comment s'appelait-il ?

  9   R.  Shefqet Krasniqi.

 10   Q.  Merci. Quelle était la profession de Shefqet ? Qu'est-ce qu'il faisait

 11   ?

 12   R.  Shefqet, il travaillait dans le domaine de construction, du bâtiment.

 13   Q.  Est-ce que vous viviez dans des maisons séparées mais dans le cadre de

 14   la même résidence familiale, ferme familiale ?

 15   R.  Oui, c'est vrai.

 16   Q.  Merci. Dites-moi, Monsieur Krasniqi : quelle école avez-vous fini ?

 17   R.  J'ai été scolarisé pendant huit ans.

 18   Q.  J'ai pu voir que vous travaillez à Printex pendant un certain nombre

 19   d'années. Qu'est-ce que vous faisiez ?

 20   R.  J'ai travaillé dans l'industrie du textile où on produisait des fils.

 21   Q.  Mais dans quel secteur avez-vous travaillé quel type de travail était

 22   le vôtre ?

 23   R.  Il s'agissait du processus de production du coton, des tissus en coton,

 24   dans le cadre de tissage, tissage du coton.

 25   Q.  Savez-vous qui était le directeur de Printex, en 1999 ?

 26   R.  Mile. Dans notre atelier, le directeur de notre atelier était Mile.

 27   Q.  Merci. Pour ce qui est de l'usine entière, quel était le directeur

 28   général de l'usine ?

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  1   R.  Faruk Mermeri.

  2   Q.  En 1999, c'était ?

  3   R.  Il était directeur général. Mile était directeur de notre atelier.

  4   Q.  Merci. Qui était le directeur général avant Faruk Mermeri ?

  5   R.  Il y avait une rotation de directeurs, il y en avait beaucoup. J'y ai

  6   travaillé pendant 34 ans, donc nous avons eu plusieurs directeurs généraux.

  7   Luftin Demiri, par exemple.

  8   Q.  Je suis étonné de savoir qu'en 1999, vous ne saviez pas que c'était

  9   Vojkan Zecovic, qui était directeur général.

 10   R.  Ça se peut, on ne le voyait pas. Si c'est quelqu'un qui a été détaché

 11   depuis une autre usine, une autre filature, ça se pourrait très bien être

 12   lui, mais enfin je ne peux pas vous le dire.

 13   Q.  Non, il a travaillé à la filature dès que Printex a été fait, il y

 14   était même quand c'était Demiri, le chef de l'entreprise, le chef bien

 15   connu de l'entreprise.

 16   R.  Oui, en effet. Faruk Mermeri aussi était là. Enfin, il y en avait

 17   beaucoup.

 18   Q.  Mais parlez-moi maintenant de votre résidence familiale; est-ce qu'il y

 19   avait un mur d'enceinte qui entourait cette résidence ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Mais dites-moi de quoi était fait ce mur d'enceinte ou cette barrière

 22   et surtout quelle était sa hauteur ?

 23   R.  C'était un mur en béton, en partant.

 24   Q.  Je vous remercie. Quelle était la hauteur de ce mur de -- ?

 25   R.  Un mètre 80.

 26   Q.  Merci. Donc pouvez-vous maintenant me dire à quel moment vous aviez

 27   fait votre service national et où vous l'avez-vous fait ?

 28   R.  J'ai fait mon service national à Niksiq. De là, nous avons été

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  1   transférés à Bosnie pour voir le film : "La bataille de la Neretva, et

  2   ensuite je suis revenu de là où j'étais parti et j'ai terminé mon service

  3   militaire en 1969.

  4   Q.  Très bien. Je vous remercie. Quel était le nom de votre rue à Dusanovo

  5   en 1999 ?

  6   R.  Boulevard i Rinise, 154. Mais les noms ont entièrement été changés

  7   depuis, cela dit vous avez mon adresse dans la déclaration.

  8   Q.  Très bien. Quelle est la distance entre votre rue et la grand-rue qui

  9   mène à Djakovica ?

 10   R.  Bien, c'est un 200 mètres pas plus. Enfin je n'ai pas mesuré mais c'est

 11   à peu près ça, 200 mètres.

 12   Q.  Merci. Cette grand-route est parallèle à votre rue, n'est-ce pas ?

 13   Enfin les deux voies sont parallèles ?

 14   R.  Oui. On appelle ça la route de contournement, donc c'est la route qui

 15   va vers la grand-route et vers Gjakove et la ville. C'est à cette partie-là

 16   que je faisais référence lorsque j'ai dit quelle était à 200 mètres.

 17   Q.  Oui, oui, bien sûr.

 18   R.  [aucune interprétation]

 19   Q.  Mais ce que je disais c'est que votre rue est parallèle à la route,

 20   dont on parlait précédemment ?

 21   R.  [aucune interprétation]

 22   Q.  Pour arriver à la grand-route, il faut faire tourner à gauche.

 23   R.  Oui, en effet, il faut tourner à gauche.

 24   Q.  Très bien. Est-ce que de votre maison on voit la grand-route, la route

 25   Djakovica-Prizren ?

 26   R.  Oui, on la voit. Mais il y a une maison juste avant la nôtre qui bloque

 27   la vue, qui bouche la vue.

 28   Q.  Très bien. Mais bon dans ces 200 mètres qui vous séparent de la route,

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  1   de la grand-route, est-ce qu'il y a d'autres maisons que celles qui --

  2   bloquent la vue ?

  3   R.  Oui, il y en a d'autres. Entre la route, sur la route qui sépare ma

  4   maison de la grand-route, il y a toute une rangée de maisons et puis

  5   ensuite on arrive à ma maison et il y a encore d'autres maisons adjacentes.

  6   Q.  Très bien. Connaissez-vous Uni Hakic [phon] ?

  7   R.  Non, non, non, pas dans mon quartier. Sans doute quelqu'un qui a ce

  8   nom-là mais il y a beaucoup de gens qui y habitaient, je ne les connais pas

  9   tous, je ne connais pas le nom de tous mes voisins.

 10   Q.  Dusanovo fait partie de Prizren, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, c'est un quartier de Prizren.

 12   Q.  Merci. Dusanovo se situe dans une plaine ?

 13   R.  C'est juste adjacent à Prizren. C'est un quartier même de Prizren

 14   d'ailleurs. Ce n'est pas distinct de Prizren.

 15   Q.  Oui, oui, je vous comprends bien. Mais tout ce que je voulais vous

 16   demander c'est si cette partie de Prizren était plutôt plate. Votre

 17   quartier de Dusanovo se trouve dans Prizren et dans la partie plate de

 18   Prizren ?

 19   R.  Oui, en effet, cette une plaine.

 20   Q.  Merci. De Dusanovo, peut-on voir Bazdarana ?

 21   R.  Oui, enfin on pouvait mais maintenant on ne peut plus parce qu'il y a

 22   une cité qui a été construite avec des immeubles un peu trop, un peu élevé

 23   qui bouche la rue.

 24   Q.  Mais vous voulez dire, vous parlez d'Ortokol ? Mais quand est-ce que

 25   l'on pouvait voir encore Bazdarana depuis Dusanovo, jusqu'à quelle année ?

 26   R.  Maintenant on ne peut plus rien voir mais à l'époque on pouvait bien

 27   voir, Bazdarana. Mais maintenant c'est très construit donc on ne voit plus

 28   rien.

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  1   Q.  Mais je vous demande à quel moment est-ce qu'on pouvait voir Bazdarana

  2   de Dusanovo ?

  3   R.  Il y a 30 ans parce que les immeubles n'avaient pas encore été

  4   construits, la cité n'avait pas encore été construite.

  5   Q.  Merci, c'est tout ce que je demandais. Donc on peut bel et bien dire

  6   que de Dusanovo, on ne voit pas les casernes qui se trouvent le long de la

  7   route de Suva Reka à Prizren ?

  8   R.  Oui, c'est vrai. Maintenant on ne peut pas les voir.

  9   Q.  Mais il y a 30 ans on pouvait les voir ?

 10   R.  Oui, oui, on les voyait très bien. On voyait très bien les casernes.

 11   Q.  Très bien. Quand est-ce que vous avez arrêté de travailler à Printex ?

 12   R.  En 2004, l'usine a fermé et nous sommes on avait été mis au chômage.

 13   Q.  Non, mais moi je parle de l'année 1999, vous avez continué à travailler

 14   là-bas jusqu'à votre départ de Dusanovo ?

 15   R.  J'y ai travaillé jusqu'au début des bombardements et lorsque je suis

 16   revenu au Kosovo d'Albanie en juin j'ai repris mon travail là-bas.

 17   Q.  Merci. Maintenant j'aimerais savoir si vous avez remarqué que des gens

 18   quittaient Prizren avant le 26 mars, les gens s'enfuyaient ?

 19   R.  Avant le 24, pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît.

 20   Q.  Oui. Avez-vous remarqué que les gens quittaient Prizren avant le 24

 21   mars 1999 ?

 22   R.  Non, ça je n'ai pas remarqué qu'ils partaient.

 23   Q.  Merci. Avez-vous remarqué si les personnes avaient quitté Dusanovo

 24   avant le 24 mars ?

 25   R.  Non.

 26   Q.  Bien. Maintenant, en ce qui concerne la composition ethnique, pourriez-

 27   vous nous parler de la composition ethnique de Prizren qu'on sache un peu

 28   quelle langue ces gens parlent ?

Page 5408

  1   R.  Ce sont des Serbes.

  2   Q.  Il y avait des Turcs ?

  3   R.  Non, il n'y avait pas de Turcs. Il y avait des Gorans, des Albanais,

  4   des Serbes, et tout le monde vivait ensemble.

  5   Q.  Est-ce que vous vous êtes rendu dans le bâtiment de l'assemblée

  6   municipale de Prizren à un moment ou à un autre ?

  7   R.  Vous parlez du vieux bâtiment ou de celui qui est tout nouveau qui

  8   vient d'être construit ?

  9   Q.  Je suis désolé, mais lorsque je parle, je parle toujours de 1999, de ce

 10   qui se serait passé en 1998, 1999, puisque c'est la période qui nous

 11   intéresse. Toutes les questions que je vous demande portent sur ce que vous

 12   avez fait jusqu'en 1999. Est-ce que vous y étiez rendu dans le bâtiment de

 13   l'assemblée municipale, bâtiment du SUP peut-être, au bâtiment du cadastre,

 14   enfin vous êtes allé dans un bâtiment administratif quelconque à un moment

 15   ou à un autre à Prizren ?

 16   R.  Oui, je suis allé à la maire au bureau municipal chaque fois qu'on

 17   avait besoin d'un document il fallait qu'on se rende à la mairie justement.

 18   Q.  Très bien. Vous n'avez jamais vu le moindre panneau sur l'assemblée

 19   municipale écrit en langue turque ?

 20   R.  Lorsqu'on allait au bâtiment de la mairie, au bâtiment municipal, on

 21   pouvait utiliser les trois langues, soit de serbe, soit l'albanais, soit le

 22   turque. On pouvait employer l'une de ces trois langues.

 23   Q.  Merci, c'était pour ça que je vous avais posé la question, parce que le

 24   turque pouvait donc être employé, c'est ce que je voulais savoir. Vous nous

 25   avez dit il y a peu de temps qu'il y avait beaucoup de Turcs à Prizren.

 26   R.  Oui, en effet, ils sont encore là d'ailleurs.

 27   Q.  Merci. L'une des langues de la ville c'est le turque. Maintenant

 28   parlons du village de Mamusa, puisque vous en parlez dans votre

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  1   déclaration. Quelle est la composition ethnique de ce village, et quelle

  2   est la population qui se trouve en majorité à Mamusa ?

  3   R.  Là aussi, on parle turque à Mamusha. Moi, j'ai parlé de Mamusha parce

  4   que je voulais parler des gens qui ont été chassés de Mamusha et qui ont dû

  5   se rendre chez nous.

  6   Q.  Merci. La majorité de la population de Mamusa est turque; c'est bien ça

  7   ?

  8   R.  C'est une population très mélangée, il y avait des Albanais, des Turcs.

  9   Il y a une nouvelle municipalité qui a été créée d'ailleurs, mais les gens

 10   habitent encore, ils cohabitent encore.

 11   Q.  Très bien.

 12   R.  [aucune interprétation]

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Nilsen.

 14   Mme NILSEN : [interprétation] Je suis désolée de vous interrompre,

 15   j'aimerais que le témoin nous donne quelques informations supplémentaires

 16   ces fameux Turcs qui habiteraient à Prizren. Il a d'abord déclaré à mon

 17   éminent confrère qu'il n'y avait pas de Turc qui habitait à Prizren,

 18   ensuite il a dit qu'il y en avait un grand nombre. Je ne sais pas s'il

 19   parle de Mamusa ou quoi. Je ne trouve pas ça très clair.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic, il est vrai que

 21   nous avons vu deux réponses tout à fait contradictoires de la part du

 22   témoin à propos de ces fameux Turcs qui habiteraient à Prizren. Alors

 23   pourriez-vous savoir quelle est la bonne réponse ? Est-ce qu'il y a des

 24   Turcs à Prizren; est-ce qu'il n'y en a pas ? Est-ce qu'il y en a beaucoup,

 25   est-ce qu'il y en a peu ?

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Je pense que tout ce qui est au compte rendu

 27   résulte du contre-interrogatoire. Il a commencé par dire qu'il n'y avait

 28   pas de Turc et ensuite il en est arrivé à dire qu'il y avait des Turcs

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  1   qu'il y en avait beaucoup. Je pense que c'est à Mme Nilsen de s'en occuper

  2   dans le cadre de ses questions supplémentaires, si ça la préoccupe. Pour

  3   moi, tout est très clair. Lorsque je lui ai posé les questions à propos des

  4   panneaux, il m'a très bien répondu, il m'a dit exactement ce qui se passait

  5   à Mamusa. Enfin si vous voulez que j'éclaircisse la situation, je peux y

  6   aller, je peux m'y employer.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, Maître Djurdjic, vous

  8   considérez qu'il n'y a rien de préoccupant dans le compte rendu, si vous

  9   trouvez qu'il n'y a pas de problème, poursuivez, c'est vous qui menez le

 10   jeu.

 11   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Témoin, ai-je raison de dire qu'un très grand nombre de personnes

 13   d'appartenance ethnique turque habitaient à Prizren en 1999 ?

 14   R.  Je ne vous entends pas bien.

 15   Q.  Vous m'entendez maintenant ?

 16   R.  Oui, je vous entends mieux.

 17   Q.  Monsieur le Témoin, n'est-il pas vrai qu'à Prizren il y avait un très

 18   grand nombre de Turcs ? Personne d'appartenance ethnique turque ?

 19   R.  -- à vous répondre, les personnes qui parlent le turc sont des Turcs

 20   pour mois. Je ne connais pas leur nombre exact, je ne peux pas vous dire

 21   exactement combien de Turcs se trouvent à Prizren. Mais tout ce que je sais

 22   c'est que les personnes qui parlent le Turc sont des Turcs.

 23   Q.  Très bien. Merci. Dans tous les bâtiments publics de Prizren il y avait

 24   des panneaux en trois langues; en serbe, en albanais, et en turc ?

 25   R.  Oui, c'était comme ça.

 26   Q.  Merci. Maintenant en ce qui concerne Mamusa, je vous ai dit qu'en 1999

 27   la majorité de la population était turque, n'est-ce pas, c'est bien vrai ?

 28   R.  Oui, c'était le cas. Il y a plus de Turcs là-bas.

Page 5411

  1   Q.  Merci. Donc le 26 ou 27 mars, il y a les gens qui sont arrivés à

  2   Prizren. Est-ce que ces personnes vous auraient raconté qu'il y avait eu

  3   des combats ?

  4   R.  Lorsqu'ils sont arrivés de Mamusha, le 27 au soir, je n'en ai pas du

  5   tout entendu parler. Mais vous savez sans doute que Mamusha n'est pas très

  6   loin de Dushanove, c'est à 17 kilomètres pas plus.

  7   Q.  Certes. Mais quelle est la distance entre Prizren et Pirane ou entre

  8   Pirane et Dusanovo ?

  9   R.  Il y a à peu près dix kilomètres.

 10   Q.  Qu'en est-il de Mali Krushe ?

 11   R.  En ce qui concerne Krusa e Madhe, c'est à peu près 15 kilomètres, un

 12   peu plus loin sur la route qui va jusqu'à Gjakove.

 13   Q.  Qu'en est-il de Landovica ?

 14   R.  Trois kilomètres seulement, trois kilomètres de notre village Xerxe.

 15   Q.  Quelle est la distance de Celine, entre Dusanovo et Celine ?

 16   R.  Celina est plus près que Xerxe.

 17   Q.  Mais jusqu'au 28 mars, vous n'avez absolument rien entendu dire à

 18   propos de combat qui aurait eu lieu dans ces villages ou non, les environs

 19   de ces villages ?

 20   R.  Non, il n'y avait pas de combat dans notre quartier. Mais c'est vrai

 21   que d'ailleurs on entendait le bruit des véhicules militaires. On entendait

 22   des tirs, et ça, quotidiennement, des pilonnages, on entendait le bruit des

 23   chars, enfin on entendait le bruit de toutes sortes d'armes.

 24   Q.  Mais comment savez-vous à qui appartenaient ces armes ?

 25   R.  On savait parce que les forces ciblaient les villages qui étaient un

 26   peu plus loin, ils utilisaient des canons-105. Alors que pour les villages

 27   qui étaient plus proches de notre quartier, ils utilisaient des armes de

 28   calibre inférieur.

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  1   Q.  Mais comment le savez-vous ?

  2   R.  Je le sais, parce que les canons-105, sont employés pour atteindre des

  3   cibles lointaines. Je le sais parce que je l'ai appris au cours de mon

  4   service militaire. Puis on peut entendre la différence aussi entre les

  5   différents calibres.

  6   Q.  Quelle était votre spécialité lorsque vous étiez dans l'armée ?

  7   R.  C'était dans l'infanterie.

  8   Q.  Où avez-vous vu un canon alors ?

  9   R.  Ecoutez, je ne peux pas vous dire exactement à quel moment j'ai vu un

 10   canon pour la première fois. J'étais à Belgrade depuis 1963, j'ai vu toutes

 11   sortes d'armes. Enfin je peux vous dire que je sais faire la différence

 12   entre les différentes armes, je sais.

 13   Q.  Bien. Comment est-ce qu'on fait la différence ? Je suis d'accord avec

 14   vous j'accepte le fait que vous arrivez à faire la différence, arriver à

 15   identifier une arme en écoutant le bruit qu'elle fait. Mais comment est-ce

 16   que vous savez à qui appartient cette arme, c'est ça qui m'intéresse ?

 17   R.  Je sais que les forces armées ont toujours attaqué les gens et c'est

 18   comme ceci que je savais qu'ils tiraient depuis l'endroit où ils étaient

 19   positionnés. Ce n'était que l'armée et la police qui disposaient de ce type

 20   d'arme.

 21   Q.  Merci. Si vous voulez combattre, est-ce que vous auriez pu le faire, si

 22   vous vouliez par exemple faire partie des combattants ?

 23   R.  On ne peut pas combattre contre soi-même. Moi, j'ai servi dans l'armée

 24   mais je n'ai jamais pointé une arme en direction d'un civil. Ce n'est que

 25   ceux qui se sont servis ou qui ont pointé les armes en direction des

 26   civils, savent pourquoi ils l'ont fait.

 27   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît : est-ce que vous savez ce que veut dire

 28   l'UCK ?

Page 5413

  1   R.  J'ai vu des membres de l'UCK après mon arrivée en Albanie, et ce, à la

  2   télé; sinon, je ne les ai pas vus -- autrement, je ne les ai jamais vus en

  3   personne.

  4   Q.  Lorsque vous les aviez vus cette fois-là, à la télévision, que

  5   faisaient-ils ?

  6   R.  Je les ai vus à la télévision, ils défendaient leurs propres hommes,

  7   leurs propres maisons, leur propre patrie.

  8   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Souhaiteriez-vous avoir une pause,

 10   Monsieur Krasniqi ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je suis prêt à poursuivre, Monsieur le

 12   Président.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'espère que vous nous ferez savoir si

 14   vous ne vous sentez pas bien.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, certainement.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous écoute, Maître Djurdjic.

 17   Poursuivez, je vous prie.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation]

 19   Q.  Pourriez-vous nous expliquer, je vous prie, de quelle façon

 20   défendaient-ils leurs propres maisons et leur propre patrie ?

 21   R.  Je suis venu ici pour parler de ma déclaration. Je peux vous dire tout

 22   ce qui a trait à ma déclaration, et je peux répondre à votre question

 23   aussi. Mais je ne crois pas que les questions que vous me posez sont

 24   pertinentes.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous vous saurions gré, si vous

 26   pouviez nous répondre, répondre aux questions qui vous sont posées, car il

 27   nous faut prendre des décisions à la lumière d'un très grand nombre

 28   d'éléments qui sont présentés dans cette affaire. C'est nous qui devons

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  1   décider ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Il se peut que ce qui

  2   ne vous semble pas pertinent puisse être particulièrement pertinent pour

  3   nous. Nous vous saurions gré si vous pouviez répondre aux questions que

  4   vous pose M. Djurdjic. Il pose peut-être des questions qui dépassent votre

  5   déclaration, certes, mais ces questions nous sont bien importantes. Ceci

  6   nous aidera à prendre une décision lorsque le moment sera venu.

  7   Je vous écoute, Maître Djurdjic.

  8   M. DJURDJIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur le Témoin, je vous ai posé une question découlant de votre

 10   déclaration vous avez répondu à cette question dans votre déclaration. Je

 11   vous demanderais donc de bien vouloir répondre à ma question. De quelle

 12   façon défendaient-ils leur patrie et leurs maisons ? Comment s'y prenaient-

 13   ils ?

 14   R.  Je vais essayer de répondre à votre question. Si, par exemple, vous

 15   faites l'objet d'une agression dans votre propre maison, vous devez vous

 16   défendre. Nos maisons, indépendamment de l'endroit où elles se trouvaient

 17   dans les collines, sur les collines, dans les prés, faisaient l'objet

 18   d'attaque, et l'UCK était là pour protéger ces maisons, pour protéger cette

 19   terre. Je ne sais pas comment répondre autrement à votre question.

 20   Q.  Etiez-vous présent --

 21   R.  Non.

 22   Q.  Alors d'où détenez-vous ces informations ?

 23   R.  Tout est bien clair. Toutes les choses ont été faites à la lumière du

 24   jour.

 25   Q.  Merci. Pourriez-vous me dire, je vous prie, qui était membre de l'UCK à

 26   Dusanovo ?

 27   R.  Non, je ne peux pas vous le dire car je ne le sais pas.

 28   Q.  Comment se fait-il alors que vous savez que ces derniers n'étaient pas

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  1   actifs ?

  2   R.  Monsieur, je vous dis, que si ce qui est arrivé aux autres, plutôt si

  3   ce qui était arrivé à moi était arrivé aux autres, moi, je m'attendrais à

  4   ce que ces derniers prennent les armes et défendre leur propre maison.

  5   Q.  Où est-ce que vous regardez la télé en Albanie ?

  6   R.  Nous avions un téléviseur, et nous pouvions suivre ce qui se passait

  7   dans notre pays, le Kosova.

  8   Q.  Où, étiez-vous dans quelle ville, et quand regardiez-vous la télévision

  9   ?

 10   R.  J'étais à Kruja.

 11   Q.  Où étiez-vous cantonné ?

 12   R.  Dans les maisons privées, dans de maisons de particuliers. Nous étions

 13   tous cantonnés dans diverses maisons.

 14   Q.  Quand êtes-vous arrivé à Kruje ?

 15   R.  Nous sommes arrivés à Kruja le 28 après avoir quitté Dushanove à 5

 16   heures, et le 29 nous sommes arrivés à Kruja.

 17   Q.  Merci. Quelle heure était-il lorsque vous avez quitté Dusanovo ?

 18   R.  4 heures ou 5 heures, à 4 heures ou à 5 heures. C'est à ce moment-là

 19   que nous sommes partis en fait nous avons été contraints de partir et de

 20   nous diriger vers la frontière.

 21   Q.  Merci. A quelle heure êtes-vous arrivé à la frontière ?

 22   R.  [imperceptible] à 11 heures.

 23   Q.  Fort bien. Merci. Dites-moi : quelle est la distance en kilomètres

 24   entre Dusanovo et [imperceptible] ?

 25   R.  Ils disent 18, mais je crois qu'il s'agit de 16 kilomètres, c'est peut-

 26   être plutôt 18 kilomètres en réalité.

 27   Q.  Merci. A Dusanovo, y avait-il des familles serbes ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Quelles sont les familles dont vous avez connaissance et qui étaient

  2   serbes ?

  3   R.  Je connais leurs noms. Il y avait environ 40 maisons, 40 familles qui

  4   habitaient.

  5   Q.  Est-ce que vous savez leurs noms de famille, des noms de famille ?

  6   R.  Boge, Nebojsa, Nidjivki, il y en avait plusieurs.

  7   Q.  Rexhep, Shefqet, il y avait plusieurs Rexheps, Shefqets, mais

  8   j'aimerais bien savoir leurs noms de famille.

  9   R.  Monsieur, je ne connais pas leurs noms de familles car nous ne les

 10   appelions pas par leurs noms de familles. Nous les appelions par leurs

 11   prénoms. Nous passions beaucoup de temps avec eux en réalité, mais nous les

 12   appelions par leurs prénoms. Nous nous adressions à eux en utilisant leurs

 13   prénoms.

 14   Q.  Merci. Dites-moi, maintenant : entre le 24 mars 1999, et le moment où

 15   vous êtes parti, y avait-il des bombardements --

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce que Prizren avait été touchée ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire, je vous prie, où ces bombes ont-elles atterri

 20   ?

 21   R.  Les bombes ont atterri à Spilje [phon], à Kasama [phon], les casernes.

 22   Q.  Excusez-moi, est-ce que j'ai bien compris, avez-vous bien parlé de

 23   Svilen [phon] ?

 24   R.  Oui. Nous parlons du même bombardement. Certaines personnes appellent

 25   cet endroit Spilje, d'autres l'épellent et l'appellent différemment, mais

 26   c'est bel et bien le même endroit.

 27   Q.  Merci.

 28   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine albanaise : précisant

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  1   Svilen.

  2   M. DJURDJIC : [interprétation]

  3   Q.  Très bien. Je voulais simplement m'assurer de cela. Vous avez dit que

  4   les casernes ont fait l'objet de bombardement ont été ciblées par les

  5   bombes, c'était des casernes dans la ville ?

  6   R.  C'était dans les environs de Prizren sur la route menant vers Suhareke.

  7   C'est du côté droit de la route.

  8   Q.  Voila, vous avez compris ma question. Dites-moi : qui était le chef de

  9   la police à Prizren en parlant du poste de police ?

 10   R.  Je l'ignore.

 11   Q.  Merci. Où se trouve l'usine Printex ?

 12   R.  L'usine Printex est située près du chemin de fer.

 13   Q.  Dans la partie industrielle ?

 14   R.  Oui, c'est exact.

 15   Q.  Quand avez-vous vu les chars dans l'enceinte de l'usine Printex ?

 16   R.  Je les ai vus le 23 mars lorsque nous sommes allés travailler.

 17   Q.  A quoi ressemblait ces chars ?

 18   R.  Les chars c'était des chars de l'armée; ils étaient de couleur verte,

 19   c'était des chars de l'armée.

 20   Q.  Combien de chars avez-vous ?

 21   R.  Je ne les ai pas comptés. Je ne peux donc pas vous donner de chiffres

 22   précis mais je dirais qu'il y en avait environ 15, une quinzaine.

 23   Q.  Merci. Avant la guerre en 1999, quelques d'uniformes portaient les

 24   membres de la police à Prizren ?

 25   R.  La police portait un uniforme bleu foncé. Je parle de la période avant

 26   la guerre et après la guerre ils portaient ces uniformes bleu foncé aussi

 27   mais de plus ils avaient des couleurs de camouflage, ils portaient des

 28   couleurs de camouflage.

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  1   Q.  Après quelle guerre ?

  2   R.  Pendant la guerre. C'est ce que je dis ils portaient ces uniformes de

  3   camouflage.

  4   Q.  Décrivez-moi, je vous prie, ces couleurs et ces uniformes.

  5   R.  Comment voulez-vous que je vous les décrive ? Je ne sais pas comment

  6   vous les décrire. Je ne sais vraiment pas comment. Si vous me montrez

  7   quelque chose, je peux vous en parler, je peux vous le confirmer.

  8   Q.  Très bien. Alors essayons d'aborder la question de cette façon-ci.

  9   Quand vous parlez d'une forme de camouflage, qu'entendez-vous par là

 10   exactement ?

 11   R.  Par là, je veux dire que ce n'est pas une couleur unie, c'est des

 12   couleurs avec de différentes couleurs. Je ne sais pas comment vous

 13   l'expliquer. C'est différent de l'uniforme de l'armée. Ces uniformes-là ne

 14   sont pas les mêmes que les uniformes de l'armée car elles représentent un

 15   mélange de couleur.

 16   Q.  Alors vous dites qu'il y avait différentes couleurs, pourriez-vous me

 17   dire quelles étaient les couleurs ?

 18   R.  Mais je ne sais pas comment vous l'expliquez ? Certaines couleurs

 19   étaient plus claires, d'autres couleurs étaient plus foncées. Donc il y

 20   avait des couleurs plus foncées comme des badges qui étaient plus foncés

 21   que les couleurs de l'armée. Je ne sais pas comment vous l'expliquez. Je ne

 22   sais vraiment pas comment vous les décrire.

 23   Q.  Quel type de taches ? Alors vous parlez de taches; quelles sont ces

 24   taches de l'armée ?

 25   R.  Vertes, et les taches étaient plus grosses.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous avez vu d'autres uniformes outre les deux que

 27   vous nous avez décrits ?

 28   R.  Vous me demandez de faire une distinction entre les couleurs alors que

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  1   nous étions contraints de partir de nos maisons. Moi, j'ai vu des couleurs

  2   foncés -- j'ai vu la couleur noire, des visages masqués. J'ai vu toute

  3   sorte de couleurs et le jour où ils nous ont attaqués, ils nous ont

  4   contraints de quitter nos maisons et j'ai vu des personnes portées des

  5   couleurs foncés et des masques.

  6   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes en train de nous essayer de nous dire

  7   qu'outre ces deux types d'uniformes, il y avait également un troisième qui

  8   d'uniforme -- troisième uniforme ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Dites-moi : alors ces personnes qui portaient des uniformes foncés ou

 11   noirs, quel type d'insignes arboraient-ils ?

 12   R.  Non, il n'y avait pas d'insignes, ils n'arboraient aucuns insignes.

 13   Q.  Les uniformes noirs appartenaient à quelles troupes, est-ce que vous le

 14   savez ? A quelle organisation ?

 15   R.  A la police bien sûr.

 16   Q.  Vous avez conclu ceci sur la base de quoi ?

 17   R.  Même si je peux répondre à la question que vous me posez, je voudrais

 18   dire que normalement ils étaient avec la police mais je crois qu'ils

 19   étaient beaucoup plus dangereux puisqu'ils faisaient partie d'une Unité

 20   spéciale d'Intervention. C'est ce que les gens disaient de toute façon.

 21   Q.  Donc vous ne le savez pas. C'est quelqu'un qui vous en avait informé ?

 22   R.  Non, personne ne m'a informé de cela, personne. Mais nous avons vécu

 23   tout ceci. Qu'il s'agisse de la police, de l'armée, des forces d'Arkan,

 24   nous avons souffert. Ils nous ont battu, ils nous ont donné des coups, ils

 25   nous ont tué, alors je ne suis pas intéressé par l'unité et par les

 26   groupes, je sais seulement ce que nous avons vécu.

 27   Q.  Vous avez parlé des membres d'Arkan. Qu'est-ce que vous voulez dire par

 28   là, qui étaient-ils ?

Page 5421

  1   R.  Nous ne les avions pas vus. Mais chaque fois que nous avions vu que la

  2   force était employée, nous pensions que la force ou que ces forces

  3   déployées, ces unités qui étaient déployées devaient sans doute appartenir

  4   à Arkan. Moi, je ne pouvais pas dire que ces troupes m'appartenaient à moi,

  5   puisque moi, je n'avais pas de telles troupes.

  6   Q.  Merci. Est-ce qu'il ne vous est jamais arrivé de voir ou d'entendre que

  7   la police militaire de l'UCK portait des uniformes noirs ?

  8   R.  J'ai vu les uniformes de l'UCK seulement à la télévision.

  9   Q.  Dites-moi, s'il vous plaît, en date du 27 mars dans la matinée du 27

 10   mars, que faisiez-vous ?

 11   R.  Le 27 mars, je suis allé vers la rue principale, et j'ai entendu des

 12   bruits de pilonnage, rien de plus, rien de spécial.

 13   Q.  Quand est-ce que le pilonnage a commencé lorsque vous êtes sorti dans

 14   la rue ?

 15   R.  Nous sommes sortis plusieurs fois, à chaque fois que nous avons entendu

 16   du bruit, nous voulions savoir ce qui se passait et où, est-ce que la

 17   population allait.

 18   Q.  Merci. Mais dites-moi s'il vous plaît, ce matin-là, que faisiez-vous

 19   avant de sortir dans la rue ?

 20   R.  Je me suis levé le matin après avoir dormi. Je suis sorti et j'ai fait

 21   la même chose que tout le monde lorsqu'on sorte de la maison. Je voulais

 22   rencontrer des gens que je connaissais.

 23   Q.  Merci. Quelle heure était-il lorsque vous vous êtes levé ?

 24   R.  Monsieur, s'il vous plaît, je ne me souviens même pas à quelle heure je

 25   me suis levé ce matin, comment voulez-vous que je vous dise à quelle je

 26   m'étais réveillé il y a dix ans.

 27   Q.  Merci. Qui étiez-vous censé rencontrer, ce jour-là ?

 28   R.  Non, je n'avais pas de rendez-vous précis. Il n'y avait personne que je

Page 5422

  1   voulais rencontrer en particulier. Je suis simplement sorti pour voir ce

  2   qui se passait à l'extérieur.

  3   Q.  Vous m'avez dit : "J'ai essayé de rencontrer quelqu'un".

  4   R.  Oui, mais je veux dire, vous rencontrez des amis, des voisins, d'un

  5   autre voisinage, de votre propre voisinage; vous lui demandez comment il

  6   va, il vous répond, et ainsi de suite.

  7   Q.  Merci. Est-ce qu'il faisait déjà jour ?

  8   R.  Je n'ai pas très bien saisi votre question. Vous me demandez, vous me

  9   posez ces questions pour le matin ou pour la soirée ?

 10   Q.  Je vous demande de me dire : ce matin-là, lorsque vous êtes sorti dans

 11   la rue, est-ce que le jour s'était déjà levé ?

 12   R.  Non. Il faisait jour, nous ne nous réveillons pas normalement au beau

 13   milieu de la nuit.

 14   Q.  Merci. A quelle distance vous êtes-vous déplacé de votre maison ?

 15   R.  De ma rue jusqu'à la rue principale, c'est ce que j'ai déjà expliqué,

 16   il y a seulement 200 mètres de distance.

 17   Q.  Pouvez-vous me répondre brièvement ? Après avoir être sorti de votre

 18   maison, dans quelle direction vous vous êtes dirigé ? Dites-moi cela.

 19   R.  Une fois quitté ma maison, comme d'habitude, même aujourd'hui, je fais

 20   habituellement la chose suivante, je me promène. Je marche sur une distance

 21   de 200 mètres pour aller à la rue principale, la route principale qui relie

 22   Prizren à Gjakove.

 23   Q.  Merci.

 24   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il est le

 25   moment propice pour faire la pause.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Krasniqi, nous devons faire

 27   la pause, maintenant. Vous pouvez vous reposer un peu, pendant la pause et

 28   nous allons continuer à travailler dans une demi-heure. M. l'Huissier va

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  1   vous aider pendant la pause. Donc nous reviendrons dans le prétoire à 11

  2   heures.

  3    [Le témoin quitte la barre] 

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

  5   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

  6   [Le témoin revient à la barre]

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez vous asseoir, s'il vous

  8   plaît.

  9   Oui, Maître Djurdjic, vous avez la parole.

 10   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Monsieur le Témoin, nous nous sommes arrêtés au moment où vous avez

 12   quitté votre maison pour se diriger vers la route principale; pouvez-vous

 13   nous dire avec qui vous avez parlé, si vous avez parlé avec quelqu'un ?

 14   R.  Oui, j'ai parlé avec mes voisins.

 15   Q.  Où vous êtes-vous retrouvé pour parler ?

 16   R.  Bien. Nous nous sommes salués, nous avons discuté ce que nous avons vu

 17   à la télé. Nous avons parlé des journaux télévisé, et cetera.

 18   Q.  Qu'est-ce que vous avez fait par la suite ?

 19   R.  Après cela je suis retourné chez moi, eux aussi, ou plutôt certains

 20   sont retournés à leur domicile et certains d'autres à leur boulot.

 21   Q.  Merci. Qu'est-ce que vous avez fait après être retourné dans votre

 22   maison ?

 23   R.  C'est ce que je fais habituellement chez moi, j'ai fait la même chose.

 24   Q.  Est-ce que la situation était normale à l'époque ?

 25   R.  Non. Non, la situation n'était pas tout à fait normale à l'époque.

 26   Q.  Dites-moi ce qui se passait à l'époque.

 27   R.  Bien sûr, la situation n'était pas normale. Nous avons pu entendre des

 28   sons provenant de tous les côtés, les gens disaient ce qui se passait. Il y

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  1   avait des combats. Ce n'était pas normal.

  2   Q.  Merci. Vous avez dit que vous êtes retourné chez vous, vous avez parlé

  3   à des gens, et après quoi, vous êtes retourné chez vous.

  4   R.  Oui, je suis retourné chez moi à ma maison.

  5   Q.  Merci. Dites-nous : est-ce qu'il est arrivé par la suite ?

  6   R.  J'ai fait ce que je faisais habituellement autour de ma maison, et dans

  7   la soirée du 27, nous sommes sortis pour aller à l'endroit où nous nous

  8   retrouvions ensemble à la route principale. Le convoi des gens venait dans

  9   notre direction, les gens qui avaient été expulsés de Mamusha. Nous

 10   connaissions des gens faisant partie de ce convoi nous les avons invités à

 11   rester dans notre village parce que, dans notre village, il n'y avait pas

 12   de telle chose, et ils sont restés dans notre village cette nuit, et le

 13   lendemain matin, les forces importantes étaient arrivées, ils avaient pris

 14   des positions au carrefour principal. Je pense que j'ai donc répondu à

 15   votre question.

 16   Q.  Non, vous n'avez pas répondu à ma question. Je ne veux pas savoir -- je

 17   ne peux pas attendre votre histoire. Vous avez dit que vous étiez retourné

 18   chez vous après avoir parlé aux gens au carrefour, et après être retourné

 19   chez vous, vous commencez à parler ce que vous aviez fait. Ne perdons pas

 20   de temps, répondez à ma question, s'il vous plaît, brièvement, le plus

 21   brièvement possible.

 22   R.  Je pense que j'ai répondu à votre question. Je suis retourné chez moi

 23   et j'ai fait mon travail habituel autour de la maison. Ils pilonnaient, il

 24   y avait des tirs, des pilonnages, on pouvait les entendre. Donc on ne

 25   pouvait pas mener de discussions à l'époque.

 26   Q.  Quels étaient les travaux que vous avez fait et à quelle heure de la

 27   journée vous avez fait ces travaux ?

 28   R.  Je vous ai dit, que c'était dans la matinée. Je suis retourné chez moi,

Page 5425

  1   et j'ai fait des travaux dans mon jardin. J'ai pu entendre des tirs, et

  2   c'est tout.

  3   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé par la suite après cela ?

  4   R.  Nous sommes restés dans la maison jusqu'à dans la soirée, nous sommes

  5   sortis pour nous diriger au même endroit, au carrefour principal, et alors

  6   nous avons vu les gens faisant partie du convoi qui arrivait de la

  7   direction de Mamusha.

  8   Q.  Monsieur le Témoin, je ne vous demande pas de me raconter ce qui s'est

  9   passé dans la soirée du 27. Je vous demande pour ce qui est de la matinée

 10   du 28. Je ne m'intéresse pas aux événements de la soirée du 27. Mais plutôt

 11   lorsque vous êtes rentré à la maison le 28, dans la matinée du 28 mars.

 12   Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé après que vous êtes retourné chez

 13   dans la matinée du 28 mars ?

 14   R.  Monsieur, je pense que vous avez confondu deux questions. J'ai pensé

 15   que vous m'aviez posé la question pour ce qui est du 27 où nous avions

 16   invité ces gens à rester dans notre maison. Et le 28, nous sommes sortis

 17   ensemble avec les réfugiés de Mamusha. Mais dites-moi, si vous êtes

 18   intéressé à savoir ce qui s'est passé le 28, dans la soirée du 27, ou dans

 19   la matinée du 28.

 20   Q.  La matinée du 28 cela ne m'intéresse pas. Ma question ne portait pas

 21   dans la matinée du 27 c'est plutôt la matinée du 28 qui m'intéresse.

 22   R.  Monsieur, je vais répondre à votre question pour ce qui est de la date

 23   du 28. Le 28 nous nous sommes réveillés, nous nous sommes levés plus tôt

 24   que d'habitude parce qu'il y avait des réfugiés dans notre maison. Nous

 25   devions préparer de la nourriture pour eux, et il était normal de nous

 26   lever plus tôt que d'habitude pour préparer des plats.

 27   Q.  Bien. Est-ce que vous avez fait par la suite ?

 28   R.  Nous avons parlé. Nous avons parlé de la façon à laquelle ils avaient

Page 5426

  1   été expulsés de leur village. Parce que dans notre village, il n'y avait

  2   pas de membre de police jusqu'à la date du 28; c'est pour cela que nous

  3   avons parlé de la situation dans leur village, des choses qui les ont fait

  4   partir, qu'est-ce qui s'est passé, nous leur avons demandé s'il y avait des

  5   gens qui avaient été tués, et cetera.

  6   Q.  Qu'est-ce qui s'est passé après ?

  7   R.  Dans la soirée, est-ce que vous voulez que je vous dise tout ce qui

  8   s'est passé, ou plutôt dont on a discuté pendant cette soirée-là ?

  9   Q.  La traduction de ma question est excellente et vous comprenez très bien

 10   l'interprétation. Nous parlons de la matinée du 28 mars. C'est à quoi porte

 11   ma question et uniquement à cela, et continuez à répondre à ma question. En

 12   racontant ce que vous aviez fait dans la matinée du 28, vous avez commencé

 13   à répondre à ma question. Je vous ai posé donc une autre question pour

 14   savoir ce que vous avez fait par la suite.

 15   R.  Le 28, nous nous sommes levés tôt dans la matinée. Nous avons parlé

 16   avec nos invités qui étaient restés dans notre maison, nous avons discuté

 17   de la situation dans leur village. C'est tout.

 18   Q.  Oui. Vous m'avez déjà raconté tout cela. Je vous ai posé la question

 19   suivante pour savoir ce qui s'est passé par la suite, après cela.

 20   R.  Monsieur, cela s'est passé il y a dix ans, et non pas il y a dix jours.

 21   Q.  Oui, mais je vous pose la question concernant ce que vous avez dit dans

 22   votre déclaration pour savoir ce qui s'est passé par la suite.

 23   R.  Je ne sais vraiment pas comment répondre à votre question. Vous avez le

 24   droit de me poser des questions, et j'ai le droit de répondre à votre

 25   question. Si vous me demandez maintenant ce qui s'était passé dans la

 26   soirée du 28, je vais vous répondre. Je pense que j'ai tout dit pour ce qui

 27   est de la matinée du 28.

 28   Q.  Je ne veux pas savoir ce qui s'est passé dans la matinée, dans la

Page 5427

  1   soirée du 27 ou du 28, je ne sais pas maintenant de quelle date vous

  2   parlez. Je parle de la matinée du 28, et vous m'avez dit que vous aviez

  3   parlé à des gens, après quoi je vous ai posé la question pour savoir ce qui

  4   s'est passé après cette conversation. Qu'est-ce que vous avez fait après

  5   cette conversation avec les gens, avec vos voisins ?

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin vous a dit, Monsieur

  7   Djurdjic, qu'il ne se souvenait pas de choses concrètes qui se sont passées

  8   dans la matinée du 28 à l'exception faite de ce qu'il a fait dans la

  9   matinée ou tôt dans la matinée, à savoir qu'il a aidé les gens qui étaient

 10   restés dans sa maison la nuit précédente. Il a parlé avec eux des choses

 11   qui se sont passées dans leur village et ils se souviennent de ce qui s'est

 12   passé dans la matinée du 28 et il peut se souvenir des choses qui se sont

 13   passées dans la soirée du 28. Si vous voulez lui poser des questions là-

 14   dessus --

 15   M. DJURDJIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, je pose

 16   des questions conformément à la déclaration que j'ai sous les yeux, et je

 17   ne m'intéresse pas à savoir ce qui s'est passé des dates différentes. Je

 18   m'intéresse à savoir ce qui s'est passé dans la matinée, le lendemain

 19   matin, donc dans la matinée de cette date-là, parce que c'est là où

 20   commence ces événements; et le témoin ne cesse de revenir à la nuit

 21   précédente.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a peut-être une confusion parce

 23   que vous insistez à une date particulière. Maître Djurdjic, voudriez-vous

 24   que j'essaie de m'occuper de cela ?

 25   M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, je serais ravi pour que cela se passe

 26   comme cela.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Krasniqi, vous nous avez dit

 28   que la police était arrivée dans votre village. Aujourd'hui êtes-vous en

Page 5428

  1   mesure de vous souvenir de la date à laquelle la police est arrivée --

  2   était arrivée dans votre village ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Elle est arrivée le 28. Le 27, nous avons

  4   accueilli les gens qui étaient arrivés dans notre village. Le 28, la police

  5   était entrée par la force dans notre village dans l'après-midi vers 4 ou 5

  6   heures de l'après-midi. Je ne peux vous parler de cette partie de la

  7   journée maintenant parce que, pour ce qui est de la discussion avec les

  8   réfugiés que j'ai eue avec les réfugiés dans la matinée, je ne peux pas me

  9   souvenir de tous les mots prononcés lors de cette discussion. Je ne peux

 10   pas dire cela au conseil de la Défense, tout ce qui s'est passé pour ce qui

 11   est de ces discussions menées dans la matinée.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Je pense que nous avons tous

 13   compris cela, Monsieur Krasniqi. Peut-être que vous pourriez nous dire :

 14   quand la première fois vous avez appris que la police était dans votre

 15   village ? Dites-nous ce que vous avez vu ou entendu ce jour-là, cet après-

 16   midi-là.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 28, puisque le conseil de la Défense veut

 18   savoir ce qui s'était passé. Comme je l'ai déjà dit, le 27 les réfugiés

 19   étaient arrivés dans notre village, étaient restés dans notre village et le

 20   28 nous nous sommes réveillés, nous avons discuté de la situation qui

 21   prévalait dans notre village; nous avons mangé et nous étions inquiets tous

 22   parce que nous ne savions pas ce qui allait se passer.

 23   Vers 4 ou 5 heures de l'après-midi, ils sont entrés dans la cour par

 24   la force. Ils ne nous ont rien demandé. Tout simplement ils ont demandé de

 25   lever nos bras dans l'air. Ils ont commencé à nous battre. Ils ont battu

 26   mon épouse, ma fille, mon frère, moi-même, des réfugiés aussi, certains des

 27   réfugiés. Ils ont pris une petite fille par le cou, il l'a presque tuée. Si

 28   le conseil s'intéresse à ce qui s'est passé là, je peux lui raconter tout

Page 5429

  1   cela parce que mai je ne peux pas me souvenir de tout ce qui s'était passé.

  2   Je me souviens de certaines choses.  

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Krasniqi, nous allons parler

  4   de l'après-midi de ce jour-là, à 4 heures ou 5 heures de l'après-midi. Vous

  5   nous avez dit qu'il y avait du bruit à la porte d'entrée de votre -- ou

  6   portail plutôt de votre cour, de votre résidence, c'était la police qui

  7   étaient entrée dans la cour par la force -- de force.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est vrai.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si j'ai bien compris Me Djurdjic, il

 10   voudrait que vous disiez ce qui s'était passé après ce moment-là ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque la police est entrée dans le village,

 12   ils ont pris position au carrefour du quartier et il y avait un char. Ils

 13   sont entrés de force dans ma cour. Ils ne nous ont rien demandé et ils ont

 14   fait -- ordonné de lever nos bras dans l'air. Ils nous ont forcé d'être

 15   rangés contre le mur. Ils ont pris notre argent. Ils nous ont battu. Ils

 16   nous ont dit qu'il n'y avait pas de place pour nous dans ce village et que

 17   nous devions aller en Albanie.

 18   M. DJURDJIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Krasniqi, je ne veux pas que vous répétiez votre déclaration.

 20   Répondez à mes questions, s'il vous plaît. Vers 4 ou 5 heures, vous étiez

 21   dans votre maison, est-ce vrai ? Donc vers 4 ou 5 heures de l'après-midi,

 22   vous étiez dans votre maison ?

 23   L'INTERPRÈTE : Note : deux interprètes parlent entre elles. Ce n'est pas

 24   déposition ou prendre position -- 

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est vrai. J'étais dans ma maison.

 26   M. DJURDJIC : [interprétation]

 27   Q.  A partir du moment où vous avez parlé à des gens jusqu'à 16 heures,

 28   étiez-vous dans votre maison pendant tout ce temps-là ?

Page 5430

  1   R.  Oui. Oui, j'étais à la maison. Monsieur, il y avait des réfugiés dans

  2   notre maison, comme je l'ai déjà dit, nous restions avec eux dans la maison

  3   jusqu'à ce que la police ne soit arrivée.

  4   Q.  Merci. Comment savez-vous ce qui s'était passé pour ce qui est des

  5   familles serbes ?

  6   R.  Je ne sais pas si quoi que ce soit arrivé aux familles serbes. Lorsque

  7   les raids de l'OTAN ont commencé, le lendemain matin, nous avons vu que

  8   leurs maisons étaient vides. Je ne sais pas où ils étaient partis.

  9   Q.  Merci. Comment savez-vous que le village avait été encerclé parce que

 10   vous êtes resté à la maison pendant tout ce temps-là ?

 11   R.  Je le sais parce que le 27 au moment où ils avaient expulsé les gens de

 12   Mamusha, il y avait des mouvements continus de la police et des forces de

 13   l'armée, donc nous savions qu'ils étaient tous de notre côté.

 14   Q.  Mais avez-vous des connaissances personnelles pour ce qui est des

 15   mouvements de l'armée de la police ?

 16   R.  Je ne sais pas comment décrire cela. Vous continuez à me poser la même

 17   question. Je vous ai déjà dit à plusieurs reprises que habituellement je me

 18   rendais dans la direction de la route principale. Ce n'était pas pendant

 19   toute la guerre, mais tous les jours, donc nous étions en mesure de voir

 20   ces mouvements constants. Je peux vous dire que nous étions en danger.

 21   Maintenant vous me demandez pourquoi je suis allé à la rue principale.

 22   Q.  Ce n'était pas ma question. Je vous demande : comment vous saviez qu'il

 23   y a des mouvements continus puisque vous êtes resté dans votre maison

 24   pendant tout ce temps-là, jusqu'à 4 ou 5 heures de l'après-midi ?

 25   R.  Mais 4 ou 5 heures du matin, Monsieur.

 26   Q.  A quoi avez-vous pensé lorsque vous avez dit à 4 ou 5 heures du matin ?

 27   R.  Je n'ai pas mentionné 4 ou 5 heures du matin. Il s'agissait de 4 ou 5

 28   heures de l'après-midi, le 28, lorsque les forces étaient entrées dans le

Page 5431

  1   village. Je n'ai jamais mentionné 4 heures du matin, le 27 ou le 28.

  2   Q.  Je ne peux pas vous expliquer tout cela parce que tout est consigné au

  3   compte rendu. Essayez de vous concentrer, essayez de vous concentrer à ma

  4   question. Vous avez dit que lorsque vous vous êtes rendu à la route

  5   principale, à 4 heures du matin jusqu'à 16 heures ou 17 heures de l'après-

  6   midi, vous restez à la maison ou dans la maison.

  7   R.  C'est vrai. Je continue à vous dire la même chose.

  8   Q.  A savoir que vous n'avez pas quitté votre maison pendant cette période

  9   de temps ?

 10   R.  Non, je n'ai pas quitté ma maison. Je suis allé jusqu'au portail, et

 11   depuis le portail j'ai été en mesure de voir les mouvements de la police et

 12   des forces sur la route. Ils sont entrés dans le village vers 4 ou 5 heures

 13   de l'après-midi.

 14   Q.  Depuis votre portail, à quel endroit avez-vous vu la police entrer dans

 15   le village ?

 16   R.  Comme je l'ai dit, la route principale se trouve à proximité du portail

 17   de ma résidence familiale. Il n'y a pas plus de 50 mètres qui sépare le

 18   portail de ma cour et l'endroit où je les ai vus.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit qu'il y a plusieurs bâtiments en

 20   rangée parallèle qui séparent votre maison et la route principale. Vous

 21   avez dit que, depuis votre portail, on ne peut pas voir la route

 22   principale. Si vous êtes donc debout à votre portail, dans votre rue.

 23   R.  Non, je ne peux pas voir la route.

 24   Q.  Comment avez-vous pu voir que votre village a été encerclé par les

 25   forces ?

 26   R.  Monsieur, comme je l'ai dit avant, la route principale se trouve à 200

 27   mètres par rapport à ma maison. La première route qui tourne à droite, est

 28   tout près de ma maison. Il y a un carrefour depuis lequel on peut -- où ils

Page 5432

  1   ont pris position avec des chars et tout. Ce carrefour se trouve à 50

  2   mètres par rapport à ma maison. Alors que la route principale qui va à

  3   Prizren se trouve à 200 mètres par rapport à ma maison.

  4   Q.  Je comprends cela. Mais comment avez-vous pu voir que votre village a

  5   été encerclé par les forces ? Je comprends ce que vous m'avez dit, mais

  6   comment avez-vous pu voir que le village a été encerclé par des forces

  7   armées quelconque ? Vous l'avez dit quand même.

  8   R.  Oui, sur les deux côtés de la rue, il y a des trottoirs quand même qui

  9   sont très larges. On voit très bien ce qui se passe. On peut même voir une

 10   personne isolée alors. C'est encore plus simple de voir un déplacement de

 11   troupes important.

 12   Q.  Dans votre rue ?

 13   R.  Dans ma rue.

 14   Q.  Mais de votre portail, qu'est-ce que vous avez pu voir ?

 15   R.  J'ai vu des déplacements de forces de police, des mouvements de force

 16   de police, et du coup, je suis rentré dans ma cour. Je suis rentré dans ma

 17   cour. J'ai parlé avec des membres de ma famille. Je leur ai dit qu'il y

 18   avait un grand nombre de forces de police et que certainement quelque chose

 19   allait arriver. Avant que j'en aie terminé de parler avec ma famille, la

 20   police -- les forces de police sont entrées dans ma cour, ils ont entré,

 21   ils ont défoncé la porte et ils sont rentrés dans la cour. Il y avait à peu

 22   près 20 policiers.

 23   Ils n'ont rien demandé, ils ont juste dit de lever les maisons en

 24   l'air. Ils ont commencé à nous battre. Ils nous ont tous chassés à

 25   l'extérieur de la maison avec les réfugiés qui s'étaient abrités chez nous

 26   la veille, le 27, dont j'ai parlé. Ils nous ont maltraités dans la cour.

 27   Vous m'avez demandé précédemment comment j'avais appris tout cela, c'était

 28   comme ça. Vous, vous n'avez pas vécu ce que j'ai vécu, donc vous n'avez pas

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  1   le droit de me poser des questions à propos de ce que j'ai enduré.

  2   Q.  Très bien. Vous dites que vous vous trouviez dans votre cour, et que 20

  3   policiers sont rentrés de force. Alors qui se trouvait dans la cour avec

  4   vous ?

  5   R.  Les membres de ma famille et les réfugiés que j'avais abrités, la

  6   veille.

  7   Q.  De quel membre de votre famille s'agissait-il ?

  8   R.  Moi-même, ma femme, mes deux filles, mes deux fils, ma belle-fille et

  9   leur petite-fille.

 10   Q.  En ce qui concerne les réfugiés de Mamusa, combien étaient-ils ?

 11   L'INTERPRÈTE : Le témoin répond en serbe.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait 28 personnes, donc ils étaient avec

 13   les membres de la famille en tout, on était 28. On était tous assis.

 14   M. DJURDJIC : [interprétation]

 15   Q.  Se trouvaient-ils dans la cour, lorsque la police est entrée ?

 16   R.  Oui, ils étaient dans la cour.

 17   Q.  Donc je peux -- ai-je raison de dire que la police vous a intimé

 18   l'ordre et de se retirer immédiatement dans la rue, donc de quitter la cour

 19   ?

 20   R.  Oui, enfin, ils nous ont fait enduré pas mal de sévices, mais enfin,

 21   bon, je ne vais pas en parler. En tout cas, ils nous ont tous battus mais,

 22   bon, je ne peux pas vous dire exactement tout ce qu'ils nous ont fait. Je

 23   ne suis pas à même de le faire.

 24   Q.  Monsieur le Témoin, je pense que personne ne vous a battu, vous n'avez

 25   pas été passé à tabac, c'est pour cela que vous ne pouvez pas nous dire ce

 26   qui s'est vraiment passé. Je vous dis uniquement que vous êtes parti vers

 27   Kukes parce que vous aviez peur des bombardements ? Vous aviez peur de la

 28   guerre.

Page 5434

  1   R.  Je ne peux pas répondre à votre question. Votre question m'apparaît

  2   être provocante plutôt qu'autre chose. Je ne suis absolument pas partie à

  3   cause des frappes aériennes de l'OTAN, je suis parti à cause de ce que les

  4   forces serbes ont fait endurer à ma famille ainsi qu'à moi-même. Ce n'était

  5   pas les bombardements de l'OTAN qui m'ont fait partir. C'est uniquement à

  6   cause de ces forces serbes et à cause de tout ce qu'ils nous ont fait

  7   endurer dans cette cour.

  8   Q.  Répondez à ma question : ces 20 policiers combien de temps sont-ils

  9   restés dans votre cour avant de repartir ?

 10   R.  Si je vous ai bien compris, donc les policiers sont entrés de force

 11   dans ma cour et ils ne nous ont absolument pas donné de temps pour nous

 12   préparer. Ils nous ont dit qu'on devait partir dans les dix minutes, donc

 13   ils nous ont intimé l'ordre de quitter la maison de force.

 14   Q.  Mais faisait-il jour lorsqu'on vous a chassé de votre cour ?

 15   R.  Ecoutez, il était 16 ou 17 heures donc il faisait encore jour.

 16   Lorsqu'ils sont rentrés de force dans la cour, mais je vous rappelle, je

 17   répète, ils ne nous ont pas demandé notre avis. Ils ont même pris la petite

 18   de huit mois par le cou et ils nous ont obligé à partir, ils nous ont

 19   intimé l'ordre de partir et de nous rendre en Albanie. Ils ont employé la

 20   force contre nous. Ils ont dit il n'y a pas de place pour vous au Kosovo,

 21   partez.

 22   Q.  Vous y êtes allé à pied, n'est-ce pas ?

 23   R.  On nous a chassé. Nous avons oublié tous nos -- forcés. Ils ne nous ont

 24   pas autorisé à rentrer dans la maison pour prendre nos cartes d'identité,

 25   nos documents, quoi que ce soit, donc on a rejoint le convoi et on est

 26   parti vers l'Albanie.

 27   Q.  Quelle route avez-vous emprunté pour partir ?

 28   R.  La grand-route, la route qui se trouvait à 200 mètres de la maison. On

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  1   a rejoint la colonne et on a commencé à marcher vers l'Albanie. On a suivi

  2   la grand-route.

  3   Q.  Avez-vous à un moment ou à un autre quitté la grand-route ?

  4   R.  Oui. On a pris à gauche vers Prizren et une fois sur la route, tout

  5   droit vers l'Albanie.

  6   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demande : quelle route vous avez pris pour

  7   traverser, pour aller de Prizren vers Vrmnica ? Où est-ce que vous avez

  8   récupéré la grand-route, à quel endroit ?

  9   R.  Je vous ai déjà dit que, de ma rue jusqu'à la grand-route, il n'y a que

 10   200 mètres. Là, on a rencontré nos voisins et ensemble on s'est retrouvé à

 11   emprunter la route qui va vers la grand-route qui amène à Prizren, la route

 12   qu va vers Morine, dans la frontière albanaise.

 13   Q.  Vous savez très bien ce que je vous demande. Vous avez suivi la grand-

 14   route mais j'aimerais savoir exactement quelle route vous avez empruntée

 15   dans Prizren pour aller vers Vermnica ?

 16   R.  Pourquoi ne me demandez-vous pas plutôt où nous sommes allés ? Nous

 17   sommes allés à Prizren, là, on a emprunté la route qui va vers la zone

 18   industrielle, la route qui passe par Dragash, Vrbnice Vermice. Vous savez

 19   très bien de quoi je parle. Pourquoi est-ce que vous me posez toutes ces

 20   questions ?

 21   Q.  Je ne vous pose pas des questions pour vous provoquez ou quoi que ce

 22   soit. Mais il y a deux routes possibles au travers de -- par Prizren pour

 23   aller vers Vrmnica donc je voudrais juste savoir laquelle vous avez

 24   empruntée pour poser ensuite ma deuxième question. Sachez que j'ai un but.

 25   R.  Quand on est arrivé sur la grand-route, la route qui vous de Prizren à

 26   Gjakove, là on rentre dans la ville. Là, on a pris la première à droite --

 27   enfin, on a pris la route à droite pour ne pas rentrer dans la ville, parce

 28   qu'on ne pouvait pas rentrer dans la ville. La police ne nous a pas laissé

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  1   passer par la ville, donc on a pris cette route qui va à Vermice. Je ne

  2   sais pas comment vous expliquer hein à moins de vous emmener là-bas sur

  3   place et vous montrez exactement quel chemin on a emprunté.

  4   Q.  Non, vous n'avez pas besoin de faire cela. En effet je connais bien

  5   cette route. Etes-vous passé par la zone industrielle qui se trouve à côté

  6   de l'usine où vous travaillez, la filature pour en arriver à la compagnie

  7   de nettoyage qui se trouve sur la route de Vrmnica ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous auriez pu le dire tout de suite.

 10   R.  Mais je vous avais déjà tout dit, mais vous -- je ne comprends plus

 11   rien avec vos questions.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, nous comprenons très bien le

 13   témoin lorsqu'il dit ça, car vos questions, Monsieur Djurdjic, ne sont pas

 14   toujours très claires. Nous, non plus nous ne comprenons pas grand-chose et

 15   parfois le témoin ne répond pas correctement à votre question, uniquement

 16   parce qu'elle est mal posée. Nous, non plus nous ne trouvons pas que votre

 17   question est bien posée. Donc votre dernier commentaire n'était pas

 18   justifié du tout. Donc poursuivez.

 19   M. DJURDJIC : [interprétation] Ecoutez, j'essaie d'être clair. Je n'ai

 20   aucun -- je n'ai aucune idée dans la tête. Il n'y a que deux routes

 21   possibles, une qui passe par le centre-ville et l'autre, c'est l'autre dont

 22   le témoin a parlée.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Djurdjic, on est passé par

 24   là, on a compris maintenant; passez à votre deuxième question.

 25   M. DJURDJIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous nous avez parlé d'un tracteur dans votre déclaration, pourriez-

 27   vous nous dire où vous avez vu ce tracteur lors de l'itinéraire que vous

 28   avez emprunté ?

Page 5438

  1   R.  J'ai vu un tracteur, c'est quand on est arrivé près de l'école où il y

  2   a donc le chemin de fer qui se trouve, qui est parallèle à la route

  3   goudronnée. On était à peu près à 150 mètres de là avant d'arriver au

  4   tracteur. J'ai vu deux ou trois jeunes gars qui ont essayé de s'enfuir

  5   quand la police est arrivée, et la police leur a tiré dessus, en a tué deux

  6   d'ailleurs, et vous pouvez -- je peux vous le prouver. Quand on est arrivé

  7   près du tracteur, on les a vus qui tombaient à terre juste entre le chemin

  8   de fer et la route. Comprenez-moi on les a juste vus, on n'a pas essayé de

  9   faire quoi que ce soit parce qu'ils nous auraient réservés exactement le

 10   même sort.

 11   Q.  Quelle est la distance entre votre maison et l'endroit où il y a eu cet

 12   incident ?

 13   R.  A peu près un kilomètre deux.

 14   Q.  Combien de temps avez-vous mis pour faire ce kilomètre deux ?

 15   R.  A pied seul, ça prend à peu près un quart d'heure; mais dans une

 16   colonne ou un convoi, c'est plus long, c'était sans doute plus long.

 17   Q.  Où se trouvaient les forces de police qui selon vous auraient tiré sur

 18   ces jeunes gars ?

 19   R.  Les policiers se trouvaient à cet endroit-là qui se trouve juste en

 20   dessous de l'école. Je suis sûr que vous avez exactement de quoi je parle

 21   mieux que moi. Je vous parle, et je vous n'avez pas l'impression -- j'ai

 22   l'impression que vous ne me croyez pas, vous n'avez qu'à y aller vérifier

 23   vous-même.

 24   Q.  L'école se trouve sur le côté gauche de la route lorsque l'on se

 25   déplace dans la direction dans laquelle vous vous déplacez ?

 26   R.  Oui, elle se trouve à gauche de la route qui va à Prizren c'est l'école

 27   de nos enfants.

 28   Q.  Merci. Cette colonne, ce convoi, est-ce qu'elle occupait toute la route

Page 5439

  1   et est-ce qu'il y avait des gens absolument partout ?

  2   R.  Oui, la colonne prenait toute la route.

  3   Q.  Merci. Ces jeunes hommes auxquels vous avez fait allusion, pourquoi ce

  4   sont-ils enfuis ?

  5   R.  Je ne me suis pas entretenu avec eux. J'étais un peu loin. Je ne les ai

  6   pas rencontrés, mais d'habitude les hommes jeunes s'enfuyaient toujours

  7   quand il y avait de la police parce qu'ils les emmenaient à la caserne, et

  8   on ne les revoyait jamais. Ils les utilisaient pour des corvées ou enfin ou

  9   les tuer, je ne sais pas, je n'en sais rien.

 10   Q.  Ces hommes qui étaient sur le tracteur faisaient partie de la colonne,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Ils ont sauté du tracteur et quand ils se sont enfuis en passant

 13   par cet endroit qui se trouve entre la route et le chemin de fer; c'est là

 14   que la police leur a tirés dessus et les a tués.

 15   Q.  Le chemin de fer est à la droite de la route enfin quand on emprunte la

 16   direction que vous aviez empruntée, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, en effet.

 18   Q.  Est-ce qu'ils ont traversé les voies, est-ce que vous les avez vus

 19   traverser les voies ?

 20   R.  Non, non, ils ne sont même pas arrivés jusqu'aux voies il y a à peu

 21   près 20 à 30 mètres de terrain en friche entre la route et le chemin de

 22   fer; et c'est là qu'on leur a tirés dessus qu'on les a tués. Ils n'ont même

 23   pas réussi à atteindre la voie.

 24   Q.  Très bien. Les policiers, eux, se trouvaient près de l'école ?

 25   R.  Oui, ils étaient près de l'école, et dans l'école, dans la grand-route

 26   quand, moi, j'ai tourné vers Prizren. Comme je vous ai dit, tout le

 27   quartier était encerclé par la police.

 28   Q.  C'est arrivé quand ?

Page 5440

  1   R.  Je vous l'ai déjà dit, vers 16 ou 17 heures.

  2   Q.  Merci. Nous n'avons pas parlé des points de contrôle. Quel est le

  3   premier point de contrôle que vous avez rencontré ?

  4   R.  Le premier point de contrôle se trouvait dans notre rue.

  5   Q.  Que faisait-il là-bas, les gens qui tenaient le point de contrôle ?

  6   R.  Il s'agissait de forces de police, ils se déplaçaient. Il y en avait

  7   partout des forces de police, des forces de l'armée qui se déplaçaient

  8   partout il y avait des chars à tous les carrefours avec des canons de 105.

  9   Eux, ils se trouvaient sur la tourelle des chars sur les chars.

 10   Q.  Très bien. Quel a été le point de contrôle suivant que vous avez

 11   rencontré ?

 12   R.  Le deuxième point de contrôle se trouvait à l'école. Comme je l'ai dit,

 13   à chaque carrefour dans notre quartier il y avait des forces, même devant

 14   les maisons parfois.

 15   Q.  Merci. Donc le deuxième point de contrôle avait été installé dans

 16   l'école même ?

 17   R.  Oui, dans l'école. Le troisième point de contrôle se trouvait dans

 18   l'école.

 19   Q.  Merci. Le point de contrôle suivant ?

 20   R.  Tous les 50 mètres, tous les 20 mètres il y avait un point de contrôle.

 21   Q.  Que se passait-il à ces points de contrôle ?

 22   R.  Le pire, le pire c'est ce qu'on ne peut pas dire autre chose. Ils

 23   faisaient sortir des gens du convoi parfois en groupes, on ne savait pas

 24   qui était ces policiers, je ne sais pas ce qui s'est passé, ce qui est

 25   arrivé à ces gens. On ne sait absolument rien à propos du sort qui était

 26   réservé à ces gens.

 27   Q.  Est-ce qu'on vous a arrêté à un point de contrôle ?

 28   R.  Nous faisons partie du convoi de la colonne. On ne l'a jamais quitté;

Page 5441

  1   sinon, on risquait de se faire tirer dessus.

  2   Q.  Merci. Donc mis à part le tracteur, lorsque vous marchiez sur la grand-

  3   route, avez-vous remarqué d'autre incident mis à part ce qui s'est passé

  4   avec le tracteur ?

  5   R.  Oui. On a vu des gens qui étaient sortis de la colonne et ne sont

  6   jamais revenus. On a vu des villages incendiés, des maisons incendiées, des

  7   maisons en flammes, enfin toute sorte de choses.

  8   Q.  Merci. Donc à la frontière, vous avez rencontré un policier que vous

  9   connaissiez à Dusanovo ?

 10   R.  Oui, Nebojsa.

 11   Q.  Où se trouvait sa maison à Dusanovo ?

 12   R.  A l'école, près de l'école, enfin quelque chose avec l'école.

 13   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le début de la phrase.

 14   M. DJURDJIC : [interprétation]

 15   Q.  Savez-vous s'il a toujours habité à Dusanovo pendant toute cette

 16   période ?

 17   R.  Nebojsa, oui, oui, il a habité là toute sa vie. Il se trouvait là.

 18   Q.  On parle de Nebojsa Ogjanovic [phon], n'est-ce pas ?

 19   R.  Je ne m'en souviens pas. Tout ce que je sais c'est qu'il travaillait

 20   aux douanes, il était policier des douanes.

 21   Q.  Oui, c'est son frère qui était douanier à la frontière.

 22   R.  Non, Nebojsa lui-même travaillait pour les douanes.

 23   Q.  Très bien. Donc, Témoin, quand avez-vous fait -- où avez-vous fait

 24   votre première déclaration ?

 25   R.  A Kruja, en avril. Je ne me souviens pas de la date à laquelle j'ai

 26   fait cette déclaration, cette première déclaration. Mais vous avez dit que

 27   c'était le 12 mars, je m'en souviens que ce n'était pas le 12 mars, c'était

 28   le 12 avril.

Page 5442

  1   Q.  Ce n'est pas moi de le dire c'était plutôt mon éminente consoeur. Mais

  2   j'aimerais savoir qui était présent lorsque vous avez fait votre

  3   déclaration ?

  4   R.  Là-bas, là où on était réfugié, il y avait deux personnes, un homme et

  5   une femme et une interprète, une femme. On m'a demandé, on m'a posé des

  6   questions, je ne savais pas qu'elle était en train de m'interviewer. Je

  7   crois qu'elle me demandait des nouvelles à propos de quelqu'un, mais elle

  8   m'a dit, non, cette personne ici voudrait savoir pourquoi vous êtes ici, ce

  9   qui vous est arrivé, et cetera. C'est comme ça que j'ai fait ma

 10   déclaration. Donc elle me posait les questions, comme vous venez de me les

 11   poser, en fait, et je ne lui ai pas dit plus à l'époque que ce que je vous

 12   ai dit maintenant et je vous dis la même chose.

 13   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire quand vous avez signé cette déclaration ?

 14   R.  Je l'ai signée le 13 décembre, 10 ou 13 décembre 1999.

 15   Q.  Mais où étiez-vous lorsque vous l'avez signée ?

 16   R.  Chez moi.

 17   Q.  A Dusanovo ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Mais qui était présent ?

 20   R.  A dire vrai, je ne m'en souviens pas.

 21   Q.  C'est là où vous avez fait votre première déclaration, n'est-ce pas,

 22   vous avez vu cette déclaration, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, c'était la première fois.

 24   Q.  Merci. Pouvez-vous me dire si la même personne qui était présente la

 25   première fois, était présente la deuxième fois aussi ?

 26   R.  Non, il ne s'agissait pas de la même personne.

 27   Q.  Qui était avec vous la deuxième fois, quand vous avez signé cette

 28   déclaration dans votre maison ?

Page 5443

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Madame Nilsen.

  2   Mme NILSEN : [interprétation] Le témoin a déjà répondu à cette question,

  3   Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Il a répondu à cette question,

  5   Monsieur Djurdjic, il ne se souvient pas de cela.

  6   M. DJURDJIC : [interprétation] D'accord.

  7   Q.  Mais savez-vous quel était le nombre de personnes qui étaient arrivées

  8   dans votre maison à cette occasion-là, à l'occasion où la déclaration vous

  9   a été montrée ?

 10   R.  La première fois, il y en avait deux. La troisième fois, il y en avait

 11   trois, c'était en 2004 où les corrections avaient été apportées à ma

 12   déclaration. C'était le 19 septembre 2004.

 13   Q.  Merci. Pouvez-vous me dire quand vous êtes né ?

 14   R.  [aucune interprétation] --

 15   Q.  Je vous demande quand vous êtes né ?

 16   R.  Quand est-ce que je suis né ?

 17   Q.  Oui.

 18   R.  Je suis né le 5 mai 1945.

 19   Q.  Il me semble que votre numéro d'immatriculation unique dit que vous

 20   êtes né le 10 mai 1945.

 21   R.  Monsieur, les documents qui m'avaient été délivrés portent la date que

 22   je vous ai dite, c'est-à-dire le 5 mai 1945. Tous les documents qui

 23   m'avaient été délivrés portent cette date.

 24   Q.  Jamais vous n'avez dit à personne que la date de votre naissance, à

 25   savoir le 10 mai était la date erronée. Vous n'avez jamais apporté la

 26   correction à cette date-là.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, est-ce qu'il y a de

 28   point à contester pour ce qui est de l'identité de ce témoin ?

Page 5444

  1   M. DJURDJIC : [interprétation] Vu la déclaration signée par le témoin et

  2   les problèmes liés à l'année de la naissance du témoin, je ne suis pas

  3   certain que cela aurait été fait en appliquant la procédure valable. C'est

  4   pour cela que je pose cette question.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cela n'aidera pas la Chambre, à savoir

  6   si le témoin est né le 5 ou le 9 mai 1945, Maître Djurdjic. Il y a des

  7   questions dans le témoignage du témoin qui sont essentielles pour savoir ce

  8   qui s'était passé dans le village et également pour ce qui est de la

  9   question de la culpabilité ou de l'innocence de votre client. Je vous

 10   suggère de vous concentrer sur de telles questions et non pas sur le fait

 11   de savoir s'il y avait une erreur pour ce qui est de la date de naissance

 12   de ce témoin.

 13   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, à la fin de mon

 14   contre-interrogatoire -- je suis presque arrivé à la fin de mon contre-

 15   interrogatoire. Mais je ne suis pas certain si ce témoin ait fait une

 16   déclaration et l'a signée. Mais pour ce qui est de son témoignage ici, j'en

 17   suis certain parce que la déclaration du 12 avril, comme il l'a dit,

 18   n'avait pas été signée à l'époque mais plutôt avait été signée au moment où

 19   ils étaient arrivés chez lui la deuxième fois.

 20   Dans la première déclaration, il n'y a pas d'interprète; dans la

 21   deuxième, où les signatures dans les déclarations de 1999 et d'avril et de

 22   décembre ne sont pas les mêmes, me semble-t-il, et c'est pour cela que j'ai

 23   posé la question au témoin qu'il m'explique cela. J'ai obtenu ces réponses,

 24   et je n'ai plus de questions pour ce témoin. Je vous remercie.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourquoi avez-vous parlé aussi

 26   longtemps, Maître Djurdjic, pour nous dire cela ? Le témoin a vu sa

 27   déclaration et a dit qu'il s'agissait de sa déclaration. Si vous pensez

 28   qu'il ne s'agit pas de sa signature, la signature du témoin, si vous avez

Page 5445

  1   des bases pour poser cette question, posez-là au témoin et ne contourner

  2   pas la question pour arriver, en fin de compte, à l'erreur pour ce qui est

  3   de la date de naissance de ce témoin. Si vous contestez la signature dans

  4   la déclaration du témoin, posez-lui cette question.

  5   M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, maintenant je ne sais

  6   pas comment procéder. La déclaration, qui est la déclaration qui a été

  7   recueillie le 12 mars 1999, n'a pas été signée à cette date-là mais plus

  8   tard, comme le témoin a dit. Mais nous avons la déclaration de décembre

  9   1999 que le témoin a signée. J'ai obtenu les réponses à mes questions.

 10   C'est pour cela que j'ai utilisé cette méthode -- ce chemin plus long pour

 11   arriver à des réponses que j'ai obtenues. Je vous remercie, Monsieur le

 12   Président, je n'ai plus de questions pour ce témoin.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Djurdjic.

 14   Madame Nilsen, avez-vous des questions supplémentaires pour ce témoin ?

 15   Mme NILSEN : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais poser des

 16   questions au témoin concernant la déclaration qu'il avait faite en 1999.

 17   Nouvel interrogatoire par Mme Nilsen : 

 18   Q.  [interprétation] Monsieur Krasniqi, vous avez déjà expliqué que la

 19   déclaration que vous avez faite en 1999 a été faite en avril, n'est-ce pas

 20   ?

 21   R.  C'était plutôt un entretien. Cela n'a pas été lu à voix haute à moi.

 22   Pourtant en décembre 1999, ils m'ont montré la déclaration, ils l'ont lu à

 23   moi à voix haute et après quoi je l'ai signée.

 24   Q.  Exactement. Vers le haut de la deuxième page de la déclaration d'avril

 25   1999, il est écrit qu'il s'agit de votre déclaration officieuse. Avez-vous

 26   eu la même impression puisque vous avez dit que vous ne l'avez pas lue ?

 27   R.  Oui, c'est vrai. Il s'agissait d'une sorte d'entretien, d'interview

 28   qu'ils ont menés avec moi. Je n'ai rien signé à l'époque. Une fois

Page 5446

  1   retournée chez moi après la guerre, c'était vers la fin de l'année 1999, en

  2   décembre, ils étaient arrivés et ils m'ont montré la déclaration, ils

  3   m'avaient lue à moi, après quoi je l'avais signée.

  4   Q.  Merci, Monsieur Krasniqi.

  5   Mme NILSEN : [interprétation] Je n'ai plus de questions.  

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  7   Monsieur Krasniqi, on est arrivé à la fin de votre témoignage. On vous a

  8   posé des questions. La Chambre aimerait vous remercier pour être venu ici

  9   pour aider la Chambre, pour être arrivé encore une fois ou pour être venu

 10   encore une fois à La Haye. Nous allons nous pencher sur votre témoignage le

 11   moment venu. Vous pouvez maintenant retourner à vos activités habituelles.

 12   L'huissier va vous aider pour quitter le prétoire.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 14   [Le témoin se retire]

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.

 16   Mme KRAVETZ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 17   les Juges. Le témoin suivant est le général Maisonneuve. Je ne sais pas si

 18   vous préféreriez qu'on commence maintenant on qu'on fasse la pause parce

 19   qu'il y a encore 20 minutes avant la deuxième pause.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous devrions utiliser

 21   ces 20 minutes qui nous restent avant la deuxième pause.

 22   Mme KRAVETZ : [interprétation] D'accord.

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Général.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur le Témoin, je vous prie de

 27   lire le texte de la déclaration solennelle.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

Page 5447

  1   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  2   LE TÉMOIN : JOSEPH MAISONNEUVE [Assermenté]

  3   [Le témoin répond par l'interprète]

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous

  5   asseoir. Mme Kravetz vous posera des questions.

  6   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Interrogatoire principal par Mme Kravetz : 

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Pouvez-vous décliner

  9   votre identité, s'il vous plaît ?

 10   R.  Je m'appelle Joseph Omer Michel Maisonneuve.

 11   Q.  Merci. Si j'ai bien compris, vous êtes à la retraite. Vous êtes général

 12   du corps d'armée, des forces armées du Canada ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pendant combien de temps étiez-vous en service des forces armées du

 15   Canada ?

 16   R.  Exactement 34 ans et dix mois.

 17   Q.  Pendant que vous étiez actif, étiez-vous au Kosovo pendant une certaine

 18   période de temps ?

 19   R.  Oui, à peu près trois mois au total au Kosovo sur le terrain.

 20   Q.  Où ?

 21   R.  Je suis arrivé à la mi-décembre 1998 et je suis parti à la mi-mars

 22   1999.

 23   Q.  Quelles étaient vos fonctions et vos missions au Kosovo pendant que

 24   vous y étiez ?

 25   R.  J'ai été chef du centre régional basé à Prizren dans la partie au sud

 26   du Kosovo.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  C'était à l'OSCE --

Page 5448

  1   Q.  Avez-vous fait une déclaration au bureau du Procureur de ce Tribunal

  2   par rapport à votre travail dans le cadre de l'OSCE au Kosovo pendant cette

  3   période de temps ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Avez-vous eu l'occasion récemment de parcourir cette déclaration ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Après l'avoir parcouru cette déclaration, êtes-vous certain qu'il

  8   s'agit des informations véridiques et exactes pour autant que vous le

  9   sachiez, que vous souveniez ?

 10   R.  Oui.

 11   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes, je vais

 12   essayer de ralentir et de ménager une pause entre mes questions et les

 13   réponses du témoin.

 14   Monsieur le Président, la déclaration porte le numéro 02772 65 ter. C'est

 15   la déclaration du témoin et je demande le versement au dossier de cette

 16   déclaration. Il y a plusieurs annexes à cette déclaration que j'aimerais

 17   également proposer le versement au dossier. L'annexe numéro 1 a été déjà

 18   versée au dossier. Il s'agit de la pièce P836 pour ce qui est de ce

 19   document, nous n'allons pas demander le versement au dossier. Nous avons

 20   encore trois autres annexes que nous ne voulons pas qu'ils soient versés au

 21   dossier. Il s'agit des annexes 4, 11 et 12, pour ce qui est de la

 22   déclaration de ce témoin. Nous avons informé la Défense là-dessus et si

 23   j'ai bien compris, je vois mon éminent collègue debout, donc je suppose

 24   qu'il a une objection à soulever par rapport à cela.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, vous avez la parole.

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai pas

 27   d'objection.

 28   Je proposerais la chose suivante : comme si tel est pour le Témoin

Page 5449

  1   Ciaglinski, que les pièces à conviction qui avaient été déjà versées, et

  2   dans l'affaire Milutinovic et consorts par le biais de ce témoin présent

  3   ici, soient versées au dossier avec l'accord Michel, avec l'accord du -- de

  4   façon directe comme cela a été fait avec l'autre témoin. Je n'ai pas

  5   d'objection à soulever pour ce qui est des propos de Mme Kravetz. Il faut

  6   procéder comme dans l'autre cas pour procéder plus vite et de façon plus

  7   expéditive. Si j'ai bien compris, dans le compte rendu du témoignage de ce

  8   témoin dans l'affaire Milutinovic et consorts sera versé au dossier en tant

  9   que pièce à conviction.

 10   Si j'ai bien compris, Madame Kravetz.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 12   Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, je vais simplement aborder les

 13   témoignages préalables de ce témoin. Je vais faire référence à la

 14   déclaration qui figurait dans l'annexe.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. D'abord nous allons

 16   procéder au versement au dossier de la déclaration.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Déclaration versée au dossier qui porte

 18   le numéro 65 ter 02772 recevra la cote P00851.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Y a-t-il une liste de pièces, ou bien

 20   est-ce que vous allez demander le versement au dossier de chaque pièce

 21   séparément ?

 22   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je préférerais que toutes les pièces soient

 23   versées au dossier comme une pièce dans un dossier, elles ont toutes été

 24   téléchargées. Avec votre aide, nous pourrons certainement, si vous voulez,

 25   Monsieur le Président -- si cela pouvait vous aider, nous pourrions

 26   demander le versement au dossier de façon séparée mais, sinon, nous avions

 27   envisagé de les verser dans leur ensemble en tant -- en liasse.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est plus pratique en fait de les

Page 5450

  1   verser au dossier de façon individuelle.

  2   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je regarde la liste qui se trouve à

  4   l'écran; il semblerait qu'il y ait un très grand nombre de pièces. Je ne

  5   sais pas si vous pourriez régler ce problème pendant la pause?

  6   Mme KRAVETZ : [interprétation] Justement j'allais vous proposer cela,

  7   Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Alors les premières pièces

  9   qui ont été versées, qui ont été présentées dans ce procès seront reçues,

 10   et l'officier chargé de la liaison les identifiera et vous les montrera

 11   pendant la pause. Je vous en remercie. Il leur attribuera des cotes. Donc

 12   je vous remercie.

 13   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez déjà témoigné dans cette affaire dans

 15   l'affaire Milosevic, par exemple ?

 16   R.  Oui, en 2002.

 17   Q.  Avez-vous eu l'occasion avant de venir déposer aujourd'hui de revoir le

 18   transcript, de relire le transcript de votre témoignage dans l'affaire

 19   Milosevic ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Avez-vous également déposé dans l'affaire Milutinovic et consorts, en

 22   2007 ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion également de relire les notes ou le

 25   compte rendu d'audience avant aujourd'hui ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Monsieur, dites-moi, si on vous posait les mêmes questions aujourd'hui,

 28   les mêmes questions que l'on vous a posées dans l'affaire Milosevic et

Page 5451

  1   Milutinovic, est-ce que vous donneriez les mêmes réponses aujourd'hui ?

  2   R.  Oui.

  3   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais le

  4   versement au dossier du compte rendu d'audience, des deux comptes rendus

  5   d'audience, l'un dans l'affaire Milosevic portant le numéro 65 ter 02815,

  6   et l'autre --

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour le premier, oui, il est versé au

  8   dossier.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote P00852.

 10   Mme KRAVETZ : [interprétation] Le transcript Milutinovic 65 ter 05199, je

 11   demande également que ce dernier soit versé au dossier.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, il sera versé au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce recevra la cote P00853.

 14   Mme KRAVETZ : [interprétation] Très bien. Je vais maintenant lire le résumé

 15   de ce témoin.

 16   Le témoin est général de corps d'armée à la retraite des forces armées

 17   canadiennes. En novembre 1998, il a été déployé à Vienne pour procéder à

 18   aider à la formation ou la création de l'OSCE, la Mission de l'OSCE au

 19   Kosovo, appelé le MVK. Plus tard il a été déployé au Kosovo et au centre

 20   régional du MVK à Prizren. Le témoin dit que, pendant qu'il servait au sein

 21   de la MVK au Kosovo, les forces serbes menaient des actes fréquents

 22   d'intimidation, de meurtres, et de pilonnage occasionnelle dans les

 23   villages avec des chars T-55, mortiers et des obusiers.

 24   Il décrit la coordination entre le MUP et les forces de la VJ sur le

 25   terrain dans le cadre des opérations conjointes. Le témoin a rencontré un

 26   grand nombre de représentants serbes, des représentants du gouvernement

 27   serbes pendant son service au Kosovo, et il nous décrit également ces

 28   réunions.

Page 5452

  1   Le témoin nous parle également de l'incident de Racak survenu le 15 janvier

  2   1999. Il décrit également ses réunions avec la VJ et le MUP pour ce qui est

  3   de ces incidents. Le témoin et d'autres personnels de la MVK étaient

  4   arrivés à Racak et après l'incident qui est survenu, il nous décrit ce

  5   qu'il a observé dans les villages, et nous dit avoir vu des corps dans ces

  6   villages.

  7   Après les bombardements ou les frappes aériennes de l'OTAN, le témoin est

  8   devenu le chef de la MVK pour ce qui est des réfugiés de la cellule des

  9   réfugiants [comme interprété] en Albanie. Il a coordonné également, il a

 10   procédé à la coordination avec le gouvernement albanais et d'autres

 11   organisations afin d'obtenir des témoignages de réfugiés qui venaient en

 12   Albanie. Le témoin nous décrit également certaines observations obtenues

 13   par son équipe au cours des entretiens avec les réfugiés. Ce sont des

 14   rapports portant sur les expulsions systématiques, les meurtres, et la

 15   destruction ou la confiscation de cartes d'identité, et les maisons qui

 16   étaient brûlées et pillées appartenant aux Albanais du Kosovo.

 17   Alors il y a quelques instants avant la pause --

 18   J'ai terminé avec la lecture du résumé.

 19   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

 20   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur, vous avez dit un peu plus tôt qu'au cours de votre service au

 22   Kosovo, vous étiez chargé de la MVK de la Mission de l'OSCE dans le bureau

 23   régional de Prizren. Pourriez-vous nous expliquez brièvement quel était le

 24   mandat de votre bureau pendant que vous étiez sur place ?

 25   R.  Mon mandat était de suivre la région de Prizren donc j'étais à

 26   l'intérieur des frontières de la région du Kosovo. Le mandat en fait

 27   portait sur la vérification des accords qui avaient eu lieu entre le

 28   président Milosevic et M. Holbrooke; il y avait quelques accords ou sous

Page 5453

  1   accords, si vous voulez, pour ce qui est du respect des accords au Kosovo

  2   et la promotion de la stabilité dans la région.

  3   L'idée derrière notre mission est de nous assurer qu'il existe un climat de

  4   normalité le plus possible afin de permettre à une solution politique de

  5   s'imposer de mettre fin à cette crise.

  6   Q.  Vous avez fait référence à quelques sous rapports Milosevic-Holbrooke.

  7   L'un de ces sous rapports est attaché à votre déclaration elle se trouve

  8   dans la liasse que vous avez identifiée par les lettres MM1. Je voudrais

  9   maintenant vous demander de vous référer à cela.

 10   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la pièce

 11   P836.

 12   Q.  J'aimerais maintenant commencer avec le paragraphe 1 de cet accord.

 13   Dites-nous d'abord : est-ce que vous connaissez ce document, Monsieur ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous avez eu l'occasion de l'examiner ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Monsieur, encore une fois on nous demande de ménager des pauses entre

 18   les questions et les réponses. Alors comme nous parlons la même langue, il

 19   nous faudrait ménager des pauses. Je vais essayer de me rappeler de ne pas

 20   oublier de faire cela.

 21   Alors d'abord au point 1 de cet accord, il s'agissait d'un accord entre le

 22   KDOM et le MUP. Le ministre de l'Intérieur de la République de Serbie nous

 23   montre que tous les points de contrôle allaient être démantelés et que les

 24   autorités de la RFY allaient établir 27 points d'observation et que le

 25   tiers de ces postes d'observation serait tenu au début. Alors pourriez-vous

 26   expliquer, je vous prie, aux Juges de la Chambre quelle a été votre

 27   expérience quant à la mise en œuvre du premier paragraphe de cet accord ?

 28   R.  Essentiellement, ma mission -- ou ma partie de la mission -- ma mission

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  1   à moi était d'établir la liberté de mouvement dans la région que nous

  2   couvrions et de nous assurer également qu'effectivement il n'y avait pas de

  3   point de contrôle. Mais nous les avons néanmoins, et s'agissant de ces

  4   points de contrôle, nous voulions nous assurer que les autorités traitaient

  5   les personnes qui se faisaient arrêter ou qui étaient arrêtées de façon

  6   raisonnable, c'est-à-dire de leur assurer un traitement raisonnable.

  7   Il s'agissait d'une question qui était très importante pendant mon

  8   service au Kosovo.

  9   Q.  Dites-nous maintenant pour ce qui est de ces points de contrôle que

 10   vous nous avez dit, vous nous avez dit que vous avez rencontré fréquemment

 11   les points de contrôle. Qui tenait ces points de contrôle ?

 12   R.  C'était la police du MUP qui les tenait normalement.

 13   Q.  Le paragraphe auquel je fais référence dans cet accord, fait référence

 14   aux points d'observation, et on dit qu'un tiers de ces points d'observation

 15   devaient être tenus initialement. Pouvez-vous nous expliquer, je vous prie

 16   si vous n'avez jamais pris part à des vérifications pour ce qui est de ces

 17   sites que vous avez vérifiés; est-ce que vous avez procédé à la

 18   vérification de ces postes de contrôle pour vérifier si cet accord a été

 19   respecté ?

 20   R.  Il y a une ligne très fine placée entre point d'observation et un point

 21   de contrôle. Un point d'observation, normalement est censé être poste ou un

 22   endroit où les personnes qui tiennent les postes d'observation ne font

 23   qu'observer, alors une mission d'observation. Alors que les personnes qui

 24   se trouvent sur un point de contrôle doivent arrêter le personnel des

 25   véhicules, et procèdent à la vérification des documents, ainsi de suite.

 26   Donc comme je l'ai déjà dit, il y a une ligne très fine à observer entre

 27   les deux, les postes de contrôle, nous les avons rencontrés assez

 28   fréquemment. Pour ce qui est des postes de contrôle, alors en fait si vous

Page 5455

  1   pensez à un véhicule qui se faisait arrêter avec quelques policiers qui

  2   étaient à l'extérieur, ceci représente en fait un poste d'observation, où

  3   des personnes observaient, procédaient à une observation. Donc ceci se

  4   passait assez souvent, et effectivement on m'a demandé de vérifier ceci et

  5   j'ai rencontré, j'ai pu m'en rendre compte.

  6   Pour ce qui est maintenant de ces 27 postes de contrôle, dans notre zone à

  7   nous, nous n'avons pas particulièrement -- nous n'avons pas réellement

  8   compté, nous n'avons pas porté une attention toute particulière au libellé

  9   de ce paragraphe.

 10   Q.  Alors lorsque vous nous parlez, lorsque ici dans ce paragraphe on parle

 11   du tiers des 27 postes d'observation, de toute façon est-ce que ces postes

 12   étaient tenus ?

 13   R.  Ces postes n'étaient pas tenus en réalité puisque en fait, puisque la

 14   mission n'existait que depuis quelques mois. Nous n'avions jamais eu

 15   réellement la possibilité de développer des normes de vérification qui

 16   pouvaient être attribuées à notre centre régional et qui pouvaient être

 17   envoyées ensuite à notre personnel afin que nous puissions nous assurer que

 18   les chiffres qui étaient spécifiés étaient effectivement les chiffres réels

 19   sur le terrain. Nous n'avons jamais réellement fait ceci.

 20   Q.  Très bien. Alors lorsque vous observiez ou lorsque vous voyez des

 21   points de contrôle avec l'information que vous aviez, est-ce que cette

 22   information était envoyée au QG de la MVK à Pristina ?

 23   R.  Oui.

 24   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 25   je remarque l'heure, et je me demande si vous pensez que c'est une bonne

 26   heure pour prendre la pause. En fait, il nous reste encore une minute avant

 27   la pause habituelle.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Alors si on examine ceci de

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  1   façon différente dépendamment des différentes personnes, certaines

  2   personnes pouvaient même estimer qu'il restait trois minutes avant la

  3   pause. Alors prenons maintenant notre pause matinale et nous reprendrons

  4   nos travaux à 13 heures 5.

  5   --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

  6   --- L'audience est reprise à 13 heures 00.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant de faire venir le témoin,

  8   on m'a informé que l'histoire des pièces prendra un peu plus de temps,

  9   c'est-à-dire cette question de pièces, qui devaient être versées en liasse,

 10   elles ne le seront pas -- elles prendront un peu plus de temps, donc nous

 11   traiterons de cette affaire un peu plus tard.

 12   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déjà dit,

 13   pendant que je demandais le versement au dossier de la déclaration, qu'il y

 14   avait trois annexes dont je ne demandais pas le versement. Si j'ai bien

 15   compris, Monsieur le Président, d'après vos instructions, ces trois pièces

 16   ne sont pas versées au dossier, n'est-ce pas ? 

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, en fait, moi, je croyais

 18   comprendre que vous aviez accepté la suggestion de Me Djurdjic, à savoir

 19   que toutes les pièces devraient être versées au dossier.

 20   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je devais voir vérifier mais je crois que

 21   ces annexes n'avaient pas été utilisées dans l'affaire Milutinovic.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vérifiez-le, s'il vous plaît, si ces

 23   pièces avaient été présentées dans l'affaire Milutinovic; à ce moment-là,

 24   elles seront versées au dossier.

 25   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci.

 26   M. DJURDJIC : [interprétation] La Défense est tout à fait d'accord avec

 27   votre décision. Si vous acceptez notre proposition, nous serons bien

 28   heureux; sinon, nous serons satisfaits de toutes propositions que vous

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  1   aurez à nous faire.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois que vous êtes dans un esprit

  3   de coopération. Merci beaucoup, Maître Djurdjic, d'être très positif.

  4   Oui, Madame Kravetz.

  5   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci. Monsieur le Président.

  6   Q.  Avant la pause, nous avions parlé de l'annexe 1 qui était annexé à

  7   votre déclaration à savoir l'accord entre le KDOM et le MUP serbe,

  8   également connu sous le nom de l'accord Byrnes-Djordjevic. Maintenant,

  9   avant de procéder, j'aimerais simplement préciser quelque chose. Vous aviez

 10   dit que le mandat était votre mission consistait à vérifier -- à vous

 11   assurer que l'accord était mis en œuvre, l'accord Milosevic-Holbrooke.

 12   De quelle façon vous y preniez-vous ?

 13   R.  Nous patrouillons dans la région -- partout dans la région et nous

 14   voulions nous assurer d'avoir de bons contacts et des contacts réguliers

 15   avec les autorités et avec toutes les parties présentes sur le terrain

 16   également les représentants locaux et les locaux, les gens du cru, et nous

 17   voulions nous assurer de créer un climat de confiance, comme je l'ai dit un

 18   peu plus tard, un climat de normalité. Nous voulions également nous assurer

 19   que les droits de l'homme soient bien respectés, et de simplement de par

 20   notre présence. Nous voulions nous assurer que tout ceci se passe comme il

 21   faut.

 22   Q.  Très bien. Maintenant je voudrais revenir au document que vous avez

 23   sous les yeux. Je souhaiterais maintenant attirer votre attention sur le

 24   point 2 de ce document, qui fait référence aux incidents qui se sont

 25   déroulés, à savoir les incidents de tensions accrues. La police avait le

 26   droit de notifier le KDOM et l'OSCE pour effectuer des patrouilles avec le

 27   port d'armes, et ceci devait être fait seulement dans le cadre d'une

 28   autodéfense légitime -- en cas de légitime défense.

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  1   Alors j'aimerais que vous nous disiez de façon plus précise de quelle façon

  2   est-ce que cette clause ou cet accord avait été notifié ?

  3   R.  Je dois vous dire que très rarement nous étions informés s'il y avait

  4   des patrouilles dans des véhicules blindés à l'extérieur de la zone de

  5   patrouille. Il y avait certaines patrouilles que nous faisions -- pour --

  6   nous savions que le MUP allait également faire donc il n'y avait absolument

  7   aucun problème, et tout ceci se passait de façon très régulière, se passait

  8   bien. D'autres, certaines de ces personnes étaient dans des véhicules

  9   blindés et s'ils patrouillaient des régions qui n'étaient pas la région

 10   habituelle, à ce moment-là, nous n'étions pas -- nous avons rarement

 11   vérifié, notifié. Nous recevions assez rarement la notification de ceci.

 12   Q.  Je voulais simplement revenir à quelque chose que vous avez dit un peu

 13   plus tôt quant votre mission qui consistait à établir des contacts avec les

 14   autorités et les parties. Que faisiez-vous lorsque les autorités du MUP ne

 15   se pliaient pas ou ne respectaient pas les accords ?

 16   R.  Chaque fois qu'il y avait des questions, des problèmes avec les

 17   autorités, nous attirions leur attention sur ce fait. Je ne me souviens pas

 18   de question précise de problématique précise qui ait survenu. Maintenant

 19   dix ans plus tard, bien sûr, il m'est difficile de me rappeler de tous les

 20   détails.

 21   Q.  Très bien. Prenons maintenant le paragraphe 3 de cet accord, le

 22   paragraphe 3 porte sur le retrait de la police de certains endroits telles

 23   les localités qui sont énumérées ici. Lorsque vous êtes arrivé au Kosovo,

 24   est-ce que l'on vous a donné des lignes directrices, ou est-ce que l'on

 25   vous a donné une espèce de -- le chiffre -- est-ce qu'on vous a donné des

 26   informations, à savoir quel était le nombre de -- combien de policiers, ou

 27   quel était le nombre de troupes appartenant à la police qui avaient la

 28   possibilités d'être sur place ?

Page 5460

  1   R.  Non.

  2   Q.  De quelle façon est-ce que vous pouviez vérifier tous les aspects ?

  3   R.  Encore une fois nous ne recevions pas les normes ou les détails, à

  4   savoir quel est le nombre d'effectif déployé dans la région pour ce qui est

  5   du MUP.

  6   Q.  Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous n'étiez pas en

  7   mesure de vérifier si effectivement on respectait les accords, le

  8   paragraphe 3 de cet accord, on ne vous donnait pas l'information, le MUP ne

  9   vous informait pas de tout ceci ? Est-ce que c'est ce que vous voulez dire

 10   ?

 11   R.  Oui, c'est exact. A cause de cela, nous avions -- nous sommes partis du

 12   points que les forces qui étaient sur le terrain nous voulions nous assurer

 13   qu'il n'y avait pas de renfort pendant que nous étions déployés.

 14   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au conseil de ralentir.

 15   Mme Kravetz s'en excuse.

 16   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 17   Q.  De quelle façon est-ce que vous pouviez vous assurer qu'il n'y avait

 18   pas de renforcement des Unités du MUP sur le terrain ?

 19   R.  Nous effectuons nos patrouilles de façon régulière et nous voulions

 20   nous assurer d'avoir un bon contact avec les autorités. Nous étions

 21   également en contact avec les gens du cru, et ces derniers nous disaient

 22   s'ils avaient vu une présence accrue dans une zone particulière afin que

 23   l'on puisse suivre. Donc par le biais de ce programme de patrouilles et des

 24   contacts établis, enfin de contacts avec les autorités et les gens du cru,

 25   et nous avions une assez bonne idée, à savoir si les forces, un grand

 26   nombre d'effectifs étaient entrés dans la province.

 27   Q.  Lorsque vous parlez de forces ou de grand nombre de forces d'effectifs

 28   entrés dans le territoire, est-ce que vous parlez de quels effectifs

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  1   parlez-vous des forces du MUP ou d'autres types d'unités ?

  2   R.  Je parle des unités, les unités régulières, les unités spéciales aussi.

  3   Q.  Vous est-il arrivé de remarquer de façon fréquente la présence des

  4   Unités de la Police spéciale sur le terrain alors que vous meniez vos

  5   observations -- vos patrouilles ?

  6   R.  Oui, il nous est arrivé à quelques reprises de remarquer les Unités

  7   spéciales, et nous savions qu'il s'agissait d'Unités spéciales puisque ces

  8   derniers portaient normalement des vêtements différents. Ils avaient des

  9   uniformes différents, leurs uniformes différaient des uniformes réguliers

 10   du MUP qui étaient bleu foncé.

 11   Q.  Lorsque vous aviez vu ces unités, est-ce que quelque chose d'autre

 12   était différent quant à ces derniers, outre leur uniforme par rapport aux

 13   membres de la police régulière ?

 14   R.  Je dirais que leur comportement était plus arrogant, disons, leur

 15   comportement était plus arrogant la plupart des fois, et ces Unités

 16   spéciales étaient assez épeurant pour les gens du cru. Les gens du cru

 17   avaient peur, craignaient la présence de ces unités pensant que c'était

 18   peut-être des membres des Unités spéciales qui avaient été emmenées pour

 19   effecteur des tâches spéciales. Donc simplement de par leur comportement et

 20   par le seul fait de se trouver dans une zone précise, ces derniers avaient

 21   un effet de terrifier --  quelque chose de terrifiant.

 22   Q.  D'après les communications que vous aviez, pourriez-vous nous donner un

 23   exemple dans lequel ces unités semaient la terreur ?

 24   R.  Je pense à l'incident de Rogovo, et ils étaient en train d'examiner le

 25   poste d'antenne de ce qui s'était passé. Je ne sais pas quelle était leur

 26   implication pour ce qui est de l'incident. Mais lorsque je suis arrivé sur

 27   la scène ils étaient là, ils étaient en train d'examiner ou de regarder ce

 28   qui s'était passé. C'était après l'incident. C'était au lendemain de

Page 5462

  1   l'incident, bien sûr.

  2   Q.  Je voudrais maintenant vous poser une question puisque nous parlons

  3   maintenant des unités du MUP. J'aimerais vous demander une question qui

  4   figure dans votre déclaration, et ce, au paragraphe 18 de la page 6 de la

  5   déclaration en anglais, je crois que c'est à la page 7 en B/C/S. Vous

  6   faites référence à la VJ et au MUP, et vous dites que :

  7   "Il y a eu des pilonnages de villages et d'intimidation fréquente de

  8   pilonnage avec des chars T-55, mortiers, et obusiers."

  9   Vous dites que :

 10   "Le MUP était le premier à mener une action et ensuite la VJ arrivait

 11   et il donnait un appui d'artillerie à plusieurs reprises."

 12   Pourriez-vous nous expliquer de quelle façon que vous êtes arrivé à cette

 13   conclusion que le MUP était le premier à faire l'assaut dans une action et

 14   que la VJ donnait l'appui en artillerie ?

 15   R.  Dans les deux cas où j'ai personnellement pu voir les événements, ces

 16   événements qui nous avaient été rapportés par nos vérificateurs, qui pour

 17   moi étaient des rapports précis et véridiques, il nous a semblé de voir --

 18   enfin la tendance que nous avions remarquée était de voir une présence

 19   accrue du MUP qui était déployé depuis leur caserne et qui se trouvait sur

 20   le terrain à ce moment-là. Normalement, la VJ était un peu plus loin pour

 21   fournir, et encore une fois, c'est le sentiment, c'est une évaluation que

 22   j'ai eue quant à la façon dont les opérations étaient menées. C'est que la

 23   VJ semblait fournir ou établir un périmètre, leur donner un périmètre

 24   d'activités ou assurer un périmètre d'activités.

 25   C'est cela que je veux dire lorsque je parle du fait que le MUP était

 26   les précurseurs. C'est eux qui arrivaient d'abord sur la scène. Par la

 27   suite, plus tard, la VJ était déployée dans une sorte -- était déployée sur

 28   le périmètre établi sans un périmètre. C'est l'impression que j'ai eue

Page 5463

  1   concernant l'incident de Racak.

  2   Q.  Nous allons parler de l'incident de Racak dans quelques instants, mais

  3   avant ceci, je voudrais simplement préciser quelque chose que vous avez dit

  4   dans votre réponse, à savoir que le MUP était toujours déployé depuis leur

  5   caserne. Est-ce que vous -- lorsque vous avez vu cette présence du MUP

  6   accrue, est-ce que c'était autorisé ? Est-ce que vous pensez que ces

  7   déploiements étaient autorisés d'après ce que vous aviez cru comprendre et

  8   conformément à l'accord que nous avons vu et d'autres accords qui avaient

  9   été signés et qui ont fait en sorte que votre mandat de vérification soit

 10   fait ?

 11   R.  Non, la plupart du temps c'était des situations de provocation. Ces

 12   derniers étaient provoqués pour établir ces déploiements et je voudrais

 13   citer, par exemple, un incident près de Randubrava, une petite ville, une

 14   petite localité tout près de Prizren, et c'est arrivé peu de temps avant

 15   que j'arrive au Kosovo, c'était un incident dans lequel une entière

 16   compagnie du MUP avait été déployée pour réagir à l'activité qui se passait

 17   sur le terrain; et après quelques discussions et après des négociations,

 18   ils ont regagné leurs casernes. C'est donc le genre de chose qui se passait

 19   assez souvent puisqu'ils étaient provoqués à faire ceci.

 20   Q.  Quant à la situation que nous avons vue sur la base de l'accord que

 21   nous avons vu et de la situation que vous avez énumérée, et s'agissant de

 22   l'accord au paragraphe 2, est-ce que c'est à ce moment-là que, par exemple,

 23   il aurait fallu que vous notifiez préalablement avant de mener à bien ce

 24   type de déploiement ?

 25   R.  Je dirais que c'est un cas dans lequel ils auraient nécessairement dû

 26   nous envoyer une notification ou un avis préalable. Mais il est certain

 27   que, si l'on les provoquait, il est tout à fait normal, bien sûr, si mes

 28   vérificateurs étaient sur le terrain, et très souvent j'étais sur le

Page 5464

  1   terrain, il était compréhensible que le déploiement se passe et que nous

  2   établissions un contact sur les forces du MUP.

  3   Q.  Donc pour ce qui est des provocations dont vous parlez, provocations du

  4   MUP, en page 18, paragraphe 18, vous dites que :

  5   "Généralement lorsqu'ils étaient provoqués, ils avaient l'impression

  6   d'être provoqués. La réaction de la VJ et du MUP était parfaitement

  7   disproportionnée par rapport à la provocation ou à l'attaque qui avait été

  8   soi-disant menée par l'UCK."

  9   Donc pouvez-vous nous dire exactement ce que vous voulez dire par

 10   cela ?

 11   R.  Oui. En fait c'était une réaction des forces de l'autorité tout à fait

 12   habituelle. Donc, souvent, il y avait un incident mineur qui aurait eu

 13   lieu, donc il est difficile de faire la différence entre un événement

 14   mineur et un incident majeur. Mais la réaction habituelle de la part de la

 15   VJ était la suivante, VJ et MUP : ils avaient tendance à réagir de façon

 16   disproportionnée, employer la force de façon disproportionnée par rapport à

 17   la provocation qu'ils venaient de subir ou l'attaque qu'ils venaient de

 18   subir de la part de l'autre camp. C'était vraiment la réaction de base

 19   visiblement.

 20   Q.  Pourriez-vous nous donner un exemple de ce que vous voulez dire lorsque

 21   vous dites que la force était employée de façon disproportionnée ?

 22   R.  Pour en revenir à cet incident de Randubrava, c'est un incident qui a

 23   eu lieu dans un petit bourg. Il y avait visiblement deux ou trois

 24   combattants qui tiraient un peu au hasard. A partir de cela, on a déployé

 25   une compagnie entière du MUP; à la fois on l'a déployée en blindé. Une

 26   compagnie, ça fait 100, 120 soldats, ça c'est une réaction un peu

 27   disproportionnée, quand même.

 28   Q.  Très bien. Pouvez-vous nous dire à quel moment s'est passé cet incident

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  1   dont vous venez de parler ?

  2   R.  Je pense que c'était fin février, si je me souviens bien.

  3   Q.  Mais 1999 ?

  4   R.  1999, oui.

  5   Q.  Donc Monsieur le Témoin, veuillez, s'il vous plaît, regarder l'écran et

  6   attendre que le curseur se soit arrêté pour répondre car, sinon, nos deux

  7   voix se chevauchent, et l'interprétation est impossible.

  8   Donc je reprends ma question. Cet incident a eu lieu à quel moment ?

  9   R.  Je dirais fin février 1999, voire éventuellement en mars 1999.

 10   Q.  Merci. Donc vous parlez d'une compagnie entière du MUP qui était

 11   déployée sur le terrain, mais vous parlez donc d'officiers de police

 12   régulière ou est-ce que vous parlez là de forces d'Unité spéciale ?

 13   R.  Non, c'étaient des forces régulières de la police, en tout cas, dans ce

 14   cas-là.

 15   Q.  Merci. Vous avez aussi fait référence à l'incident de Racak. Je sais

 16   que vous en parlez aussi dans votre déclaration et dans vos témoignages.

 17   Donc j'ai quelques questions à vous poser pour avoir des éclaircissements à

 18   propos de ce que vous déposé par écrit.

 19   Tout d'abord, paragraphe 34 de votre déclaration. Vous dites :

 20   "Lorsque l'incident à Racak a eu lieu, j'étais à Pec et je suis

 21   rentré l'après-midi, plus tard après avoir reçu des rapports de la part de

 22   mes équipes."

 23   Est-ce que vous vous souvenez exactement de ce qu'on vous a dit à

 24   propos de Racak ? Quand ceci était passé, est-ce que vous savez à quel

 25   moment aussi cela s'est passé ?

 26   R.  Oui, le 15 janvier 1999, nous étions rendus à une réunion, réunion à

 27   laquelle participaient tout le MVK, donc c'était une réunion de tous les

 28   commandants opérationnels, tous les représentants de tous les centres

Page 5466

  1   régionaux. Nous devions nous réunir à Pec. Nous parlions de plusieurs

  2   points en vue de coordonner nos travaux. Le 15 dans la journée, nous avons

  3   reçu des informations selon lesquelles il s'est passé des choses à Racak.

  4   Donc Racak, à ce moment-là, n'était pas dans mon centre régional, le Centre

  5   régional 1. Racak se trouvait dans le Centre régional 5. Malheureusement,

  6   il n'y avait pas de commandant à la tête de cette zone à l'époque, il y

  7   avait juste un adjoint mais il n'y avait pas encore de commandant déployé

  8   sur la zone numéro 5. Donc le général DZ, comme je l'appelle, le général

  9   Drewienkiewicz, que je vais appeler ensuite général DZ, donc m'a dit de

 10   déployer au Centre régional 5. Alors, bien sûr, l'adjoint du commandant

 11   était aussi à Pec, donc il savait parfaitement ce qui se passait, et on m'a

 12   demandé si je ne pouvais pas prendre quelques patrouilles depuis ma zone

 13   pour les envoyer sur Racak; et c'est ce que j'ai fait d'ailleurs à la fin

 14   de la journée, le 15.

 15   Q.  Revenons en arrière. Vous nous dites qu'au cours de la journée du 15,

 16   vous avez reçu des rapports sur lesquels il s'est passé des choses à Racak;

 17   donc qui vous a envoyé le rapport ?

 18   R.  C'étaient les vérificateurs du Centre régional numéro 5, ceux qui se

 19   trouvaient sur le terrain.

 20   Q.  Donc à l'époque à ce moment-là, pendant que ces incidents se

 21   déroulaient, il y avait des vérificateurs sur le terrain ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Qu'est-ce qu'ils vous ont dit à propos de ce fameux incident de Racak ?

 24   R.  Ils étaient en train de dire qu'il y avait des tirs en cours, que

 25   visiblement il y avait une attaque dans le village. Je ne me souviens pas

 26   exactement quelle était la teneur même de leurs propos, mais enfin ils nous

 27   ont dit qu'il se passait quelque chose à Racak, qu'il y avait une action en

 28   cours à Racak, dans le village de Racak.

Page 5467

  1   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vois que mon éminent confrère est debout.

  2   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation] 

  3   M. DJURDJIC : [interprétation] J'essaie de trouver le passage dont vous

  4   parlez avec le témoin; je ne l'ai pas trouvé, à propos de vérificateurs de

  5   la Région numéro 5 qui se trouveraient à Racak. Je pourrai avoir le numéro

  6   de paragraphe ou note de référence, enfin dans le paragraphe 34, en tout

  7   cas, je ne vois absolument rien.

  8   Mme KRAVETZ : [interprétation] Non, c'étaient des informations

  9   supplémentaires qui nous ont été données par le témoin. Je lui demande de

 10   nous donner des informations supplémentaires à propos de ce qu'il a écrit

 11   au paragraphe 34 de sa déclaration, rien de plus, à la page 8 donc de sa

 12   déclaration.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Djurdjic, il s'agit juste

 14   d'informations supplémentaires demandées à propos du paragraphe 34.

 15   M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, je vous remercie. Mais dans ce cas-

 16   là, si je ne m'abuse, là, on tombe dans l'interrogatoire qui s'applique à

 17   un témoin viva voce, question quand même extrêmement directrice. Je ne

 18   pense pas qu'elle soit adaptée dans le cadre d'un 92 ter.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, vous êtes avertie maintenant,

 20   Madame Kravetz.

 21   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, enfin je lui demande juste de nous

 22   donner des détails supplémentaires sur ce qui s'est passé, sur un incident

 23   qui a été relaté dans la déclaration. Je ne vois vraiment pas pourquoi ma

 24   question serait directrice, enfin je suis entre vos mains.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Continuez.

 26   Mme KRAVETZ : [interprétation]

 27   Q.  Donc vous êtes allé à Racak, ce jour-là. Vous avez -- si tant est vous

 28   avez vu quelque chose dans le village lorsque vous êtes arrivé, pouvez-vous

Page 5468

  1   nous dire ce que vous avez vu ?

  2   R.  Je suis arrivé au crépuscule, donc la nuit tombait. J'ai donc décidé de

  3   me rendre directement à l'hôpital pour rencontrer les vérificateurs sur le

  4   terrain de la Région 5. Donc les victimes commençaient à arriver

  5   d'ailleurs, c'étaient des gens du cru qui s'étaient faits tirer dessus, qui

  6   étaient blessés, c'est ceci que j'ai observé donc le soir du 15 janvier.

  7   Q.  Mais ces vérificateurs, ces observateurs qui étaient sur le terrain et

  8   qui avaient été déployés sur la Région numéro 5, est-ce qu'ils ont pu vous

  9   dire ce qu'ils avaient observé dans la journée ?

 10   R.  Oui, oui. C'est à ce moment-là, en fait, qu'ils m'ont raconté ce qui

 11   s'était passé dans Racak, l'action qui avait eu lieu dans Racak. Certaines

 12   de ces personnes de la Région numéro 5, du versant 5, s'étaient postées

 13   dans les collines, avaient vu les chars arriver, tiraient dans la ville.

 14   Ils avaient vu ensuite les effectifs du MUP envahir la ville avant -- bon,

 15   c'est à ce moment-là qu'ils m'ont relaté ce qui s'était passé enfin bien

 16   sûr dans les grandes lignes ce qui s'était passé à Racak. 

 17   Q.  Vous dites qu'il s'agissait d'observateurs de la RC-5 qui s'étaient

 18   postés dans les collines pour voir ce qui se passait. Donc avez-vous reçu

 19   des rapports venant d'eux à propos de ripostes éventuels, donc de Racak

 20   tirant sur les chars entrant dans la ville ?

 21   R.  Non, non, c'est pour ça qu'on ne comprenait pas très bien ce qui se

 22   passait parce que, d'après nous, Racak n'était absolument pas un patient de

 23   l'UCK. D'après nous, Racak, donc là, l'action semblait être menée soit

 24   qu'il y ait provocation préalable et elle comprenait vraiment pas pourquoi

 25   il y avait une action d'une telle envergure sur Racak. Elle ne comprenait

 26   pas pourquoi c'était arrivé.

 27   Q.  Vous dites être arrivé dans le village, avoir vu qu'il y avait des

 28   victimes qui avaient été amenées à l'hôpital. Pourriez-vous nous donner un

Page 5469

  1   ordre d'idées à propos du nombre de victimes que vous avez vues à

  2   l'hôpital, leur rage, description sommaire, femmes, hommes, enfants.

  3   R.  Enfin je ne me souviens pas très, très bien, mais je me souviens très

  4   bien être à l'hôpital et voir une femme et une petite fille qui sont

  5   arrivées exactement au même moment que moi. On les a amenées à l'hôpital

  6   juste quand moi je suis arrivé.

  7   Q.  Etes-vous revenu à Racak ensuite dans les jours qui ont suivi ?

  8   R.  Oui. Après avoir donné des ordres à mes vérificateurs et aux gens de la

  9   Région 5 pour qu'ils maintiennent une présence pendant la nuit, dans la

 10   mesure du possible je suis rentré au QG puis je suis revenu le matin. Mes

 11   vérificateurs sont venus eux vers 7 heures, moi je suis arrivé vers 9

 12   heures et nous sommes rentrés dans le village.

 13   Q.  Vous étiez accompagné de qui lors de cette deuxième visite à Racak ?

 14   R.  Comme d'habitude j'avais mon chauffeur avec moi et la jeune femme qui

 15   me servait d'interprète pour le serbe parce que j'avais l'intention d'aller

 16   voir le commandant de brigade qui dont la brigade s'occupait de cette zone

 17   pour essayer de tirer les choses au clair.

 18   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à 9 heures dans le village, qu'avez-vous vu ?

 19   R.  Lorsque je suis arrivé, bon, je me suis rendu dans le village, j'ai vu

 20   quelques corps, deux corps à peu près, je voulais aller voir, je voulais

 21   aller en ville pour voir s'il y avait des corps, pour voir les corps moi-

 22   même et je voulais voir un peu ce qui s'était passé, et puis j'ai parlé

 23   avec les vérificateurs aussi. Je me suis rendu ensuite à ma réunion.

 24   Q.  Vous avez finalement rencontré le commandement de la brigade s'occupant

 25   de cette zone ce jour-là ?

 26   R.  Non, je n'ai pas pu le rencontrer. Lorsque je suis arrivé à la réunion,

 27   j'ai été accueilli par l'officier de liaison de la brigade, je me suis

 28   entretenu avec lui. Il m'a dit - et je crois que c'est dans ma déclaration

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  1   - il m'a dit que son commandant de brigade n'était pas disponible.

  2   Q.  Les comptes rendus de cette réunion sont joints à votre déclaration. Il

  3   s'agit de la pièce jointe numéro 8.

  4   Mme KRAVETZ : [interprétation] Donc il s'agit de la page 83 en anglais,

  5   page 99 de la version en B/C/S.

  6   Q.  Vous l'avez trouvée ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Donc on voit qu'on a un lieutenant-colonel Petrovic, donc c'est lui

  9   l'officier de liaison ?

 10   R.  Oui, c'est lui.

 11   Q.  Quel était le but de cette réunion que vous avez eue avec cette

 12   personne, ce colonel Petrovic ?

 13   R.  Le but de la réunion c'est de savoir le pourquoi du comment, pourquoi

 14   il y avait eu cette attaque, pourquoi -- donc il y avait eu tous ces tirs

 15   dans ce village qui pour nous était un village vide, un village où il n'y

 16   avait que des civils. J'avais l'impression qu'on piétinait totalement

 17   l'accord, l'accord selon lequel les troupes devraient être cantonnées dans

 18   leurs casernes mais ne devrait être là pour que la situation reste

 19   normalisée.

 20   Q.  Donc à la fin, vous dites - mais il y a "M;" je pense que c'est vous,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  [aucune interprétation]

 23   Q.  Vous dites, et je cite :

 24   "Vos tanks, vos mortiers d'artillerie lourde, vos AV ont été sortis des

 25   casernes il y a une semaine; ceci est en violation complète de l'accord et

 26   sont toujours en dehors et la VJ visiblement ne coopère pas avec le MVK."

 27   Donc vous faites référence ici à des chars et des mortiers d'artillerie

 28   lourde qui ont été déployés dans la zone de Racak une semaine avant; c'est

Page 5471

  1   bien cela ?

  2   R.  Non, pas tout à fait. Souvenez-vous que cette brigade ne se trouvait

  3   pas sous mon mandat puisque je n'étais pas responsable de ce centre-là.

  4   Mais j'ai parlé avec Gil Gilbertson, qui était l'adjoint du commandant de

  5   la Région 5. Leurs observateurs et leurs vérificateurs s'étaient rendus

  6   compte qu'il y avait eu ces sorties, toutes ces armements qui avaient été

  7   déployés en dehors des casernes par la VJ pas par le MUP mais par la VJ.

  8   Donc j'avais reçu des informations de M. Gilbertson. Il était avec moi à la

  9   réunion donc il y avait eu visiblement déploiement de pièces d'artillerie

 10   sur la route près de Racak. Le MVK avait protesté cela et je pense que

 11   j'avais d'ailleurs émis une protestation officielle ou du moins par le

 12   biais du Centre régional numéro 5 mais avant l'incident de Racak.

 13   Q.  Donc l'accord n'autorisait pas ce type de déploiement, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non, enfin pas d'après ce que j'avais compris de l'accord en tout cas. 

 15   Q.  Mais la VJ avait-elle des positions d'artillerie dans la zone de

 16   Stimlje autorisée dans le cadre des accords, bon je sais que ce n'était pas

 17   votre zone de responsabilité mais bon vous connaissez quand même la zone ?

 18   R.  Je ne me rappelle pas de cela.

 19   Q.  Très bien.

 20   Maintenant si on va un peu plus loin dans plus bas dans les notes on voit

 21   que le général Petrovic déclare -- le colonel Petrovic donc déclare que :

 22   "Stimlje c'était le MUP qui s'en est occupé avec des AV Praga et un seul

 23   char." Donc vous avez pu observer la façon dont le MUP opérait, d'habitude

 24   ils avaient des chars ou pas ?

 25   R.  Ecoutez, comme je vous ai déjà dit, ils demandaient souvent l'appui de

 26   chars. On savait très bien que le MUP n'avait pas de chars à disposition

 27   dans leurs propres inventaires donc nous nous disions que c'était des chars

 28   qui étaient fournies par la VJ. Mais j'avais l'impression que la VJ et le

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  1   MUP travaillaient en coopération et en coordination très étroite. C'était

  2   routinier visiblement.

  3   Bon, j'ai déjà dit, bien sûr, qu'ils avaient chacun leur propre

  4   chaîne de commandement. C'était deux chaînes de commandement parfaitement

  5   parallèles, une pour le MUP, une pour la VJ, mais pendant les actions il y

  6   avait coordination qui se passait de façon très régulière. Bon, en tant que

  7   militaire, c'est normal; quand on a deux forces amies qui travaillent dans

  8   le même camp et qui opèrent sur la même zone, il faut s'assurer qu'il y ait

  9   une bonne coordination. Ça paraît parfaitement normal pour s'assurer tout

 10   simplement qu'on ne risque pas de voir ces forces tombées sous les coups,

 11   de feu ami.

 12   Q.  Très bien. Donc vous nous avez dit que vos observateurs avaient

 13   remarqué qu'il y avait un tank, un char qui tirait sur le village. Lorsque

 14   vous êtes rendu là-bas le 15 ou le 16, avez-vous eu des preuves qu'il y

 15   avait eu un char dans le coin ?

 16   R.  Il y a un incident dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises et c'est

 17   repris d'ailleurs dans ma déclaration, un incident où l'un des

 18   vérificateurs m'avait dit bien précisément qu'il était à côté d'un char qui

 19   avait tiré dans une maison, maison qui était occupée par des civils, et

 20   lorsque le char n'a pu arrêter de tirer dans la maison, ils sont rentrés

 21   dans la maison et ont aidé les gens à sortir. Donc le 16, vous savez, je me

 22   suis rendu sur la colline où on avait dit que se trouvait le char et j'ai

 23   vu les traces de chenille --

 24   Q.  Très bien. Vous nous parlez ici, dans le PV, on voit que vous avez

 25   demandé : "Qui avait coordonné les tirs des chars sur les maisons civiles

 26   alors qu'il n'y avait pas de riposte ?" C'est le même incident-là celui

 27   dont vous venez de nous parler ?

 28   R.  Oui.

Page 5473

  1   Q.  Maintenant vous avez abordé ce point avec le colonel Petrovic lors de

  2   la réunion vous avez dit que ce qui s'était passé n'était pas autorisé dans

  3   le cadre de l'accord, on voit que la réponse du colonel Petrovic c'est :

  4   "C'est l'état-major qui nous a autorisé, mon commandant verra tout cela

  5   avec vous ce soir." D'après vous, il y avait bel et bien une implication de

  6   la VJ dans cette action ?

  7   R.  Oui, enfin j'avais l'impression que pour Petrovic, la situation était

  8   parfaitement normale, et normalement je devais voir le commandant le

  9   dimanche soir. Bon, je ne sais pas quel jour on était à ce moment-là, mais

 10   j'avais vraiment l'impression que d'après lui, il s'agissait d'une activité

 11   parfaitement normale tout à fait autorisée, alors que nous, de notre côté,

 12   on considérait que c'était une violation de l'accord.

 13   Q.  Très bien. Passons à la page suivante --

 14   Mme KRAVETZ : [interprétation] Page 84 du prétoire électronique, page 100

 15   du B/C/S.

 16   Q.  Troisième ligne à partir du haut, pourriez-vous nous expliquer ce qui

 17   est écrit ? Il est écrit : "Si provoqué avec SA, RTN SA…" Qu'est-ce que

 18   cela veut dire exactement ?

 19   R.  Oui. Bien, là, j'ai essayé de dire la chose suivante : je voulais dire

 20   qu'il fallait employer la force, de façon proportionnelle, lorsqu'on

 21   ripostait à un incident, donc si on est provoqué par armes légères, il faut

 22   riposter avec des armes légères. C'est ça que je voulais dire. SA, ça veut

 23   dire armes légères, "small arms" en anglais; et l'artillerie -- l'emploi de

 24   l'artillerie n'est pas proportionné -- parfaitement disproportionné; c'est

 25   ça que je voulais faire comprendre.

 26   Q.  Ensuite il est écrit comme Racak et Petrovo. Pouvez-vous nous rappeler

 27   ce qui s'était passé à Petrovo ? On a parlé de Racak; qu'en est-il de

 28   Petrovo ?

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  1   R.  Je ne me souviens malheureusement pas ce qui s'est passé à Petrovo.

  2   Q.  Très bien. J'ai cru comprendre que le jour où vous avez rencontré le

  3   représentant -- ce même jour, vous avez rencontré les représentants du MUP

  4   local, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Nous avons des PV de cette réunion, il s'agit de la pièce jointe 13.

  7   Il y a trois exemplaires des -- il y a trois exemplaires de vos notes, que

  8   vous avez prises à cette réunion, qui sont jointes à votre déclaration. Le

  9   plus efficace, si j'ai bien compris c'est la signée, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui. D'habitude, mon sténo prenait les notes, préparait ensuite le PV,

 11   c'était un projet du moins et je corrigeais certains points, et ensuite je

 12   lui renvoyais, je l'ai signé. Donc, lui, il a dû m'envoyer deux projets

 13   avant que je sois d'accord avec sa version des faits.

 14   Q.  Très bien. Cette réunion a eu lieu le 16 janvier, au QG du MUP à

 15   Urosevac. On a les personnes représentées sont, entre autres, le colonel

 16   Bugolo [phon] Janicevic, chef du secrétariat du MUP. C'est donc à Urosevac,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  On voit qu'il y a aussi donc M. Gilbertson et une interprète; c'est

 20   bien cela ? Quel était le but de cette réunion ?

 21   R.  C'est exactement la même chose que lors de la réunion avec la VJ. On

 22   voulait savoir ce qui s'était passé, quelle était la provocation qui avait

 23   résultée dans cette action à Racak. Nous voulions savoir qui était chargé

 24   de l'opération et s'il y avait eu coopération entre le MUP et la VJ.

 25   Q.  Dans ce PV, on voit que M. Janicevic dit - vers le milieu de la page -

 26   il dit : "Action commencée à 3 heures 30, terminée à 15 heures 30."

 27   Ensuite, Gilbertson demande qui a donné l'ordre, et il y a plusieurs

 28   réponses qui sont marquées comme étant extrêmement évasives dans ce PV.

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  1   Donc quelles étaient vos impressions à propos de la réponse donnée à cette

  2   question ? D'après vous, qui est-ce qui avait donné l'ordre de l'opération

  3   ?

  4   R.  J'avais l'impression qu'il essayait d'éviter la question et d'éviter de

  5   répondre. Il ne voulait nous donner de nom en fait. On lui a posé la

  6   question à plusieurs reprises. On a essayé de savoir quel était le

  7   responsable. On voulait obtenir le plus d'informations possibles. Je me

  8   rendais bien compte que c'était lui en fait qui était responsable de ces

  9   officiers de police.

 10   Mme KRAVETZ : [interprétation] Très bien. Passons à la page suivante

 11   maintenant, c'est-à-dire la page 104 dans la version en anglais, c'est la

 12   page 117 en B/C/S.

 13   Q.  M. Gilbertson lui demande de combien d'officiers de police ont été

 14   impliqués, et il dit une centaine d'hommes. Puis un peu plus bas, il dit :

 15   vous étiez responsable de 100 policiers, et il répond : si c'est ce qui

 16   vous préoccupe, oui. Ensuite, M. Gilbertson demande : "Nous venons juste de

 17   quitter la VJ," ils disent que : "Tout est de votre responsabilité, est-ce

 18   que vous étiez avec eux, ou pas ?" Réponse de J : "Nous n'étions pas avec

 19   la VJ."

 20   Vos impressions concordent-elles avec ce que vous a dit le colonel

 21   Janicevic à l'époque, c'est-à-dire que le MUP était impliqué mais qu'il n'y

 22   avait pas de participation autre que celle du MUP ?

 23   R.  J'avais l'impression que ce Janicevic était une personne tout à fait

 24   éduquée, bien, il était très -- il savait très bien, il tournait autour du

 25   pot, si je puis dire. Donc c'est pour ça que je lui ai demandé s'il était

 26   responsable de 100 policiers, on a enfin réussi à obtenir une réponse de sa

 27   part, il a dit, oui.

 28   Mais pour ce qui est de la réponse à propos de la VJ, je pense que je l'ai

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  1   écrite, j'ai écrit sa réponse, mais sa réponse était, Nous n'étions pas

  2   avec la VJ lorsque nous avons conduit l'assaut.Ce qui pourrait bien

  3   signifier, qu'en fait, la VJ était quand même là derrière pour assurer les

  4   arrières.

  5   Donc j'avais un petit -- je voyais bien qu'il y avait une certaine marge de

  6   manœuvre, je pouvais interpréter sa réponse.

  7   Q.  Qu'est-ce que vous voulez dire par cela que tout était laissé à

  8   l'interprétation ?

  9   R.  Bien, la VJ aurait pu être là, en fait, peut-être, enfin moi, mon

 10   évaluation de la situation c'est que la VJ était très certainement dans le

 11   périmètre autour de Racak, ce qui ne signifie pas que la VJ est dans la

 12   ville côte à côte avec le MUP, si vous voyez ce que je veux dire.

 13   Q.  Ce que M. Janicevic vous a dit, lors de la réunion, concorde-t-il avec

 14   ce que vous ont relaté vos observateurs du MVK sur le terrain ?

 15   R.  Non, absolument pas. D'ailleurs je l'ai dit, j'ai insisté, j'avais

 16   l'impression que la VJ était bel et bien impliquée, elle était impliquée

 17   puisqu'elle était dans le périmètre et qu'elle assurait l'appui en fait, et

 18   elle tirait dans la ville, et il y avait -- ils étaient donc impliqués dans

 19   cette opération.

 20   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vous vois que nous arrivons à l'heure

 21   prévue pour la fin de cette journée. J'ai encore quelques questions,

 22   malheureusement, mais nous reprendrons que demain.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis désolé, Général, étant donné

 24   qu'il y a une autre affaire qui siège dans ce prétoire cet après-midi, nous

 25   devons levers la séance et nous reprendrons demain matin dès 9 heures. Mais

 26   si nous continuons à cette vitesse, je pense que vous en aurez terminé très

 27   certainement demain.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

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  1   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, je tiens d'ailleurs à vous rappeler,

  2   Monsieur le Président, que notre témoin avait dit qu'il fallait absolument

  3   qu'il soit libéré vendredi matin. Donc je voulais juste vous faire savoir

  4   qu'il doit en avoir terminé vendredi matin au plus tard.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Djurdjic, qu'avez-vous à dire ?

  6   M. DJURDJIC : [interprétation] Je voulais juste vous saluer, rien de plus,

  7   puisque nous levons la séance, c'est pour cela que je me suis levé.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ecoutez, cela montre à quel point vous

  9   êtes bien élevé.

 10   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons vous surveiller de près,

 12   demain matin, Madame Kravetz, parce que vous savez que Me Djurdjic a besoin

 13   de temps pour son contre-interrogatoire, donc vous devrez être rapide,

 14   faites très attention au temps que vous mettez pour poser vos questions.

 15   Le Greffier va donner maintenant les numéros de toutes les pièces qui ont

 16   été versées précédemment, y compris celles que vous n'avez pas l'intention

 17   de verser mais qui sont quand même versées; cela dit par consentement

 18   mutuel visiblement.

 19   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation] 

 21   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le jeudi 4 juin 2009,

 22   à 9 heures 00.

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