Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 7 juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4    --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Veuillez vous asseoir,

  7   Monsieur Haxhibeqiri. 

  8   La déclaration que vous avez prononcée en vertu de laquelle vous entendez

  9   dire toute la vérité continue de s'appliquer.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître O'Leary.

 11   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   LE TÉMOIN : FUAT HAXHIBEQIRI [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Contre-interrogatoire par Mme O'Leary : [Suite] 

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Haxhibeqiri.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Lorsque nous avons conclu hier, nous parlions des formulaires et nous

 18   parlions des crimes, du bureau des crimes; est-ce que vous avez eu

 19   l'occasion d'examiner, de rafraîchir votre mémoire ?

 20   R.  [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semblerait, Madame O'Leary, que

 22   nous n'ayons pas de traduction à l'heure actuelle. L'interprétation semble

 23   faire défaut.

 24   Est-ce que vous entendez la traduction, l'interprétation, Monsieur

 25   Haxhibeqiri ?

 26   L'INTERPRÈTE : Le témoin répond : absence de traduction vers l'anglais.

 27   LE TÉMOIN : [aucune interprétation] 

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons essayer à

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  1   nouveau ? Est-ce que c'est trouble que vous entendez la traduction

  2   simultanée ?

  3   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  4   L'INTERPRÈTE : Le témoin répond : toujours pas de traduction simultanée

  5   vers l'anglais. Le témoin continue de parler et il n'y a toujours pas de

  6   traduction simultanée vers l'anglais des propos du témoin. Le témoin

  7   continue de parler.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il va falloir que vous attendiez. Il

  9   semblerait qu'il y ait un problème. On peut aller chercher quelqu'un -- de

 10   problème de connexion.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il va falloir que nous attendions un

 12   petit peu; un technicien est en train de procéder aux vérifications

 13   d'usage. Je vais d'essayer à nouveau de vous demander si vous entendez

 14   cette fois la traduction simultanée ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a toujours pas de traduction depuis

 16   l'albanais vers l'anglais. Toujours pas de traduction de l'albanais vers

 17   l'anglais.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai entendu la réponse du témoin mais

 19   il n'y a toujours pas de traduction vers l'anglais, et manifestement, ce

 20   problème de connexion continue de se poser.

 21   Je vais essayer une fois de plus; est-ce que cette fois vous pouvez nous

 22   dire si vous entendez la traduction ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en anglais, mais il n'y a toujours pas de

 24   traduction vers l'anglais.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Manifestement, les choses semblent

 26   fonctionner à présent.

 27   Manifestement, ce que vous dites, Monsieur le Témoin, est entendu par la

 28   cabine de traduction simultanée en revanche la traduction simultanée depuis

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  1   la cabine vers nos écouteurs ne fonctionnent pas. Je vous inviterais à

  2   faire preuve d'un tout petit peu de patience.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai toujours pas de traduction vers

  4   l'anglais, les propos du témoin.

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] L'INTERPRÈTE

  6   : Note des interprètes : il se peut que le témoin soit branché sur le canal

  7   anglais et qu'il utilise le canal anglais, signalent les interprètes de

  8   cabine anglaise.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les interprètes pourraient-ils peut-

 10   être me dire quelques mots depuis la cabine albanais, anglais ? Je

 11   n'entends rien. Par conséquent, nous n'avons toujours pas de connexion

 12   depuis la cabine albanaise.

 13   On nous signale qu'il faudra peut-être jusqu'à dix minutes pour régler le

 14   petit problème technique. Par conséquent, je propose que nous levions

 15   l'audience. Voilà qui vous amènera Mme O'Leary à rester sur le qui-vive.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le Greffier demande à la cabine albanaise

 17   de bien vouloir parler dans le micro afin de procéder au test.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever l'audience pendant

 19   une durée de dix minutes.

 20   -- La pause est prise à 14 heures 31.

 21   -- La pause est terminée à 14 heures 42.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On nous signale que le problème

 23   technique a été réglé. M'entendez-vous, Monsieur Haxhibeqiri ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous entendons la traduction de

 26   vos réponses.

 27   Maître O'Leary, je vous invite à présent de poursuivre votre contre-

 28   interrogatoire.

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  1   M. O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Monsieur Haxhibeqiri, souhaitez-vous que je répète la question que je

  3   vous avais posée, ou l'aviez-vous entendu au moment où je l'ai posée avant

  4   la pause ?

  5   R.  Oui, je vais commencer à lire. "Etes-vous prêt à déposer devant le

  6   Tribunal de La Haye ?" C'était la première question.

  7   Q.  Je vous interromps. Vous lisez là un des passages, un texte que vous

  8   aviez eu l'occasion d'examiner.

  9   R.  Oui, il s'agit du formulaire, du questionnaire sur la base duquel

 10   l'entretien a été mené.

 11   Q.  Est-ce que ce formulaire dont vous faites la lecture reprend les

 12   éléments de l'entretien ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Mais cela représente le formulaire qui a été utilisé par tout le monde,

 15   n'est-ce pas, c'est un formulaire d'usage ?

 16   R.  Oui, c'est exact.

 17   Q.  Ce qui vous intéresse le plus, je vous inviterais à concentrer votre

 18   attention sur votre dernière déposition, où l'on vous demande de décrire

 19   les auteurs du crime, c'est, en tout cas, ce qui vous est dit, par exemple,

 20   la VJ, la police, les paramilitaires ou les civils. Est-ce que c'est ce qui

 21   figure sur le formulaire lorsque l'on demande que l'on dresse un inventaire

 22   et une liste des auteurs du crime ?

 23   R.  Oui, je peux effectivement faire la lecture à voix haute, toutes mes

 24   excuses.

 25   "Avez-vous été victime ou témoin d'un crime tel que meurtre, torture, abus

 26   sexuel, sévice sexuel, enlèvement, destruction de propriété, pillage ou

 27   persécution, déplacement ? Veuillez décrire sur la page blanche si vous

 28   avez besoin davantage de places, vous pouvez utiliser une autre page

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  1   blanche."

  2   Il y a cinq pages où l'on peut expliquer ce qui est passé, ce qui est

  3   arrivé à la personne qui remplit le formulaire.

  4   Puis ensuite l'on poursuit et sur la base de chacun des crimes à tire

  5   individuel.

  6   Q.  Merci, Monsieur Haxhibeqiri. Très spécifiquement, il y a juste une

  7   partie qui m'intéresse, c'est-à-dire la partie qui a trait aux éventuels

  8   auteurs des crimes. Quelles étaient les options qui figuraient sur le

  9   formulaire ? Pourriez-vous peut-être faire lecture, s'il vous plaît, pour

 10   nous de ces différentes options ?

 11   R.  "Veuillez décrire les auteurs du crime, la VJ, la police, les

 12   paramilitaires, des civils."

 13   Q.  Ce sont les seules options qui figurent sur cette liste; est-ce exact ?

 14   R.  Non, il y en a d'autres :

 15   "Quelle était leur tenue vestimentaire ? Quels uniformes portaient-ils ?

 16   Quelles armes avaient-ils ? Quels étaient les véhicules qu'ils utilisaient

 17   et quel autre type d'équipement utilisaient-ils ?"

 18   Q.  Merci, Monsieur Haxhibeqiri. Sur cette liste ne figure pas l'UCK ou

 19   l'OTAN, comme étant des auteurs potentiels de crime, supposer, n'est-ce pas

 20   ?

 21   R.  Si c'était l'OTAN, alors le témoin disait c'était à cause des

 22   bombardements de l'OTAN. C'était le témoin qui le disait spécifiquement

 23   dans la description de ce qui lui était arrivé, lorsqu'il décrivait ce

 24   qu'il leur arrivait il le disait spécifiquement et en détail.

 25   Q.  Donc dans le récit, ils indiquaient que l'UCK était auteur de crimes ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Mais alors il fallait qu'il le précise dans leur propre langue, donc

 28   dans leur propre récit pas forcément en côchant telle ou telle case, n'est-

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  1   ce pas ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Merci. Je propose que nous passions à votre déclaration préalable.

  4   Mme O'LEARY : [interprétation] Je souhaiterais que l'on fasse afficher à

  5   l'écran la pièce à conviction portant la cote P 1068.

  6   Q.  Je souhaiterais que nous concentrions notre attention sur les

  7   statistiques qui figurent sur ce document, plus particulièrement sur la

  8   quatrième page de la version anglaise, page 2, page 5 sur le prétoire

  9   électronique version anglaise qui devrait apparaître à l'écran; page 2 de

 10   la version albanaise.

 11   Tout d'abord, vous nous dites que les véritables recensements avaient eu

 12   lieu en 1980. Qu'entendez-vous par "véritables recensements" ?

 13   R.  Parce que c'était là le seul recensement et le dernier en date et les

 14   statistiques qui sont citées aujourd'hui sont issues de ce dernier

 15   recensement.

 16   Q.  Il semblerait que nous ayons des petits problèmes techniques. Mais je

 17   vais simplement me contenter de vous poser des questions sans qu'apparaisse

 18   votre déclaration écrite à l'écran. Nous allons attendre que cela

 19   apparaisse à l'écran. Quels étaient les recensements qui étaient

 20   disponibles depuis 1981, à supposer qu'un tel recensement ait été effectué

 21   depuis cette date au Kosovo ?

 22   R.  Pour autant que je m'en souvienne, en 1991.

 23   Q.  Donc en 1991 un recensement a eu lieu ?

 24   R.  Oui, c'est exact. Mais les Albanais n'étaient pas inclus dans ce

 25   recensement-là.

 26   Q.  Pourquoi n'incluait-on pas dans ce recensement-là des populations

 27   albanaises ?

 28   R.  Vous savez, moi, je ne suis pas un spécialiste de la démographie, donc

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  1   je ne peux pas vous répondre. Je n'en sais rien.

  2   Q.  Mais sur base de certains des chiffres que vous nous avez fournis il

  3   apparaît que les Albanais constituaient la majorité de la population,

  4   notamment dans la municipalité de Gjakova, n'est-ce pas ?

  5   Que raison que ce soit qui pourrait expliquer ce que vous nous avez dit, à

  6   savoir qu'ils n'ont pas été inclus ces Albanais ?

  7   R.  Pourquoi un Etat tient à recours à des mesures répressives à des chars

  8   blindés contre notre parlement et qui ferme les universités, qui ferme les

  9   écoles, cet Etat perd la confiance de la population, et c'est ce qui s'est

 10   passé peu après l'annulation, l'autonomie du Kosova.

 11   Q.  Par conséquent, la population albanaise a boycotté ce recensement,

 12   c'est ce que vous nous dites ?

 13   R.  Je n'en sais rien.

 14   Q.  Ce que je sais c'est qu'ils n'ont pas participé au recensement. Ils

 15   n'ont pas été inclus dans le recensement.

 16   Q.  Vous, vous étiez présent sur place à l'époque à Gjakova, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, pendant toute la durée.

 18   Q.  Pourquoi n'avez-vous pas participé au recensement alors ?

 19   R.  Personne ne m'y a invité.

 20   Q.  Alors comment savez-vous qu'un recensement a eu lieu ?

 21   R.  Je l'ai lu dans les journaux.

 22   Q.  Je propose que nous passions à certaines des statistiques qui figurent

 23   dans votre déclaration liminaire. Vous estimez, parce que vous nous dites

 24   qu'il n'y avait pas eu en 1991 recensement précis, mais vous estimez que la

 25   population de la ville était, à peu près au premier tiers de la page, en

 26   1998-1999, j'estimerais la population de la ville à quelque 120 000 âmes au

 27   total, à savoir la population de la ville de Gjakova; c'est exact ?

 28   R.  Oui, c'est ce que permet de conclure le dernier recensement.

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  1   Q.  Vous concluez qu'il n'y avait pas eu de fluctuation considérable de la

  2   population entre le recensement de 1981 et la date de 1998 ?

  3   R.  Mais, bien entendu, il y a eu des changements.

  4   Q.  Donc vous êtes en train de nous dire qu'après 1998 il y avait quoi,

  5   plus que 120 000 personnes ou moins de 120 000 personnes dans la ville de

  6   Gjakova ?

  7   R.  Je vous dis qu'éventuellement il y en avait davantage, peut-être y en

  8   avait-il 150 000 approximativement.

  9   Q.  Quant à la municipalité de Gjakova, selon vous, combien de personnes

 10   comptait-elle ?

 11   R.  Vous parlez de 1998, là ?

 12   Q.  Oui, 1998.

 13   R.  150 000 à peu près.

 14   Q.  150 00 pour la ville de Gjakova, qu'en est-il de l'ensemble de la

 15   municipalité alors ?

 16   R.  Non, non. Moi, je vous parlais de la municipalité, et dans cette

 17   déclaration liminaire, il est dit -- on ne fait référence qu'à -- il est

 18   dit que ça ne fait référence qu'à la population de la ville, mais c'est une

 19   erreur en fait.

 20   Au troisième paragraphe, la population de la ville était de 120 000

 21   personnes, mais cela incluait la municipalité, donc la ville ainsi que ses

 22   environs.

 23   Q.  Au cours de votre déposition d'aujourd'hui, vous nous avez dit qu'il y

 24   avait entre 120 000 et 150 000 personnes vivant dans l'ensemble de la

 25   municipalité de Gjakova en 1998; c'est bien ce que vous venez de nous dire,

 26   n'est-ce pas ?

 27   R.  En 1991, il y avait 120 000 âmes au total. Alors qu'en 1998, la

 28   population de la municipalité était de 150 000 personnes.

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  1   Q.  Merci de ces précisions. Avez-vous quelque idée que ce soit du nombre

  2   de personnes vivant au Kosovo à cette époque-là ? Est-ce que vous pourriez

  3   en faire une évaluation ?

  4   R.  Deux millions à peu près.

  5   Q.  Peut-on à présent concentrer notre attention sur un passage qui suit un

  6   peu plus bas puisque vous nous avez dit que, depuis 1998, si bien la

  7   personne dont nous parlons 500 000 à 700 000 Albanais du Kosovo avaient été

  8   contraints à quitte le pays suite aux persécutions. Donc lorsque vous

  9   parlez du pays, à quoi faites-vous référence, au Kosovo ou à une zone

 10   géographique plus vaste ?

 11   R.  Je fais référence au Kosova.

 12   Q.  Donc au cours des dix années qui séparent 1988 à 1998, vous nous dites

 13   qu'environ un quart à une moitié de la population du Kosovo -- population

 14   albanaise du Kosovo avait quitté le Kosovo ?

 15   R.  500 000, ça ne fait pas la moitié, ça fait un quart essentiellement des

 16   jeunes. Ce sont des chiffres que j'ai recueillis à la lecture de la presse

 17   quotidienne.

 18   Q.  Vous avez -- exact; c'est vrai que je ne suis pas très bonne en

 19   arithmétique mais vous avez raison ça fait un quart pour

 20   500 000 mais vous êtes allé jusqu'à 700 000 dans votre fourchette

 21   d'estimation, donc cela va d'un quart à la moitié à peu près. Lorsque vous

 22   dites que ce sont essentiellement des jeunes qui sont partis, est-ce qu'il

 23   était possible qu'ils fussent partis pour trouver du travail ?

 24   R.  Non, ils étaient contraints de partir en raison des violences.

 25   Manifestement, ils n'avaient pas d'endroits où travailler mais ils étaient

 26   également victimes de persécution et on les obligeait à rejoindre les rangs

 27   de l'armée, mais ils n'avaient pas confiance en l'Etat et, par conséquent,

 28   ne souhaitaient pas le faire.

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  1   Q.  Est-ce que des jeunes Roms et Serbes quittaient le Kosovo à cette

  2   époque-là ?

  3   R.  Non, eux, ils n'avaient aucun problème ils pouvaient faire ce qu'ils

  4   voulaient.

  5   Q.  Vous indiquez ici que le nombre de non-Albanais dans la ville n'avait

  6   jamais dépassé 2 %. Juste en dessous du chiffre de

  7   120 000; voyez-vous si l'on opte pour le chiffre de 120 à 150 000, est-ce

  8   que ça ne représente pas 2 à 3 000 personnes qui auraient été non-Albanais

  9   ?

 10   R.  Avant de venir déposer à ce Tribunal, j'ai lu certains chiffres émanant

 11   du centre statistique de la Serbie, chiffres qui ont trait au Kosova. J'ai

 12   lu qu'en 1991, le nombre de Serbes vivant dans la municipalité de Gjakove

 13   était de 1 475. Ce sont là les statistiques officielles de l'office de

 14   Belgrade. Par conséquent, cela représente 1 475 ou 57 jeunes. Je ne suis

 15   pas tout à fait sûr à vrai dire. Cela je peux effectivement le confirmer.

 16   Il y avait d'autres groupes ethniques tels que les Roms, les Monténégrins,

 17   les Croates, Bosniaques, mais le chiffre global ne pouvait en aucun cas

 18   dépasser les 5 % -- 5 % des autres groupes. Cela pouvait aller jusqu'à 5 %

 19   mais les 95 % majoritaires étaient constitués de la population albanaise.

 20   Q.  Donc selon les chiffres que vous avez vérifiés, il s'agissait de 1 475

 21   -- ou 1 400 ou 57 Serbes dans l'ensemble de la municipalité de Gjakova en

 22   1991 ?

 23   R.  En 1991, oui.

 24   Q.  Nous allons avancer dans votre déclaration s'agissant de l'éducation. A

 25   la page 2, le paragraphe 3 à partir du bas, concernant les personnes qui

 26   sont parties. Lorsque vous dites que les écoles étaient interdites, fermées

 27   aux Albanais qu'entendez-vous par là ?

 28   R.  Oui. Les écoles secondaires pour les Albanais à partir de 1990 ont été

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  1   fermées dans un premier temps, la police était cautionnée devant l'école à

  2   bord de blindés.

  3   Q.  Cela s'est passé en 1990 ?

  4   R.  Oui. Cela s'est produit à partir de 1990 pendant les dix années qui ont

  5   suivi jusqu'au début des bombardements par l'OTAN. Cela a concerné toutes

  6   les écoles secondaires, établissements d'enseignement supérieur y compris

  7   les universités, et l'éducation pour les Albanais, cela se passait à la

  8   maison pendant dix ans. Pour les enfants serbes, la scolarité se déroulait

  9   -- il y avait des écoles. 

 10   Quant aux étudiants albanais, ils ont poursuivi leur scolarité dans la

 11   clandestinité, dans des domiciles privés. Ils s'exposaient à un réel danger

 12   s'ils étaient surpris en possession de livres et de manuels en albanais,

 13   les livres étaient déchirés, ils subissaient des tortures.

 14   Q.  Je vous interromps rapidement parce que nous avons cela dans votre

 15   déclaration. Quand vous êtes devant les blindés, vous n'y faites pas

 16   allusion dans votre déclaration. Vous avez dit qu'il y a eu des chars

 17   positionnés devant les écoles pendant dix ans.

 18   R.  Ce qui n'a pas été écrit dans cette déclaration fait l'objet de

 19   témoignages. Je l'ai moi-même constaté personnellement. C'est vrai que cela

 20   n'a pas été versé dans la déclaration mais la déclaration n'est pas

 21   complète. Il y a tellement de choses qui n'ont -- dont j'ai été le témoin,

 22   qui n'ont pas été incluses dans la déclaration.

 23   Q.  Mais je crois que vous avez eu la possibilité lors du dernier procès

 24   d'expliquer d'autres choses dont vous auriez été témoin. Les Juges vous ont

 25   donné la possibilité d'évoquer ce qui n'était pas dans la déclaration.

 26   R.  Vous n'avez pas lu la transcription. Je l'ai dit très clairement. Les

 27   chars étaient déployés devant les écoles. Je suis un témoin direct de cela.

 28   Q.  C'est vrai que vous l'avez dit. A ce stade, ce que vous dites,

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  1   semblerait-il, c'est les chars étaient là, pendant dix ans, ou est-ce que

  2   c'était 1990, 1991, ou pendant combien de temps ?

  3   R.  Je n'ai pas dit que les chars étaient positionnés pendant les dix

  4   années. J'ai dit au début cela est très clair. Quand vous avez une présence

  5   policière et des blindés déployés devant les écoles, cela veut dire que

  6   l'école est fermée.

  7   Q.  Il s'agit peut-être des termes utilisés mais quand vous dites fermez,

  8   vous entendez par là que l'école était fermée pour tous en 1990 ?

  9   R.  Elle était fermée uniquement aux Albanais, oui.

 10   Q.  Mais un calmement, les chars ont été déplacés; cela est exact ?

 11   R.  Oui, je ne me souviens pas exactement à quel moment ils sont partis,

 12   mais ils ne sont pas restés là pendant longtemps. Mais cela suffit pour

 13   dissuader, pour éloigner les Albanais des bâtiments des écoles.

 14   Q.  En 1998, un enfant albanais avait-il la possibilité de s'inscrire à

 15   l'école ?

 16   R.  Non, cette situation s'est poursuivie dès 1990, les enfants albanais

 17   n'étaient plus, n'avaient plus la possibilité de poursuivre leur scolarité.

 18   Q.  En ce qui concerne les écoles élémentaires, les blindés étaient-ils

 19   déployés devant les écoles élémentaires en 1990 ?

 20   R.  Non, ces écoles étaient ouvertes.

 21   Q.  Les enfants albanais ont-ils continué à fréquenter les écoles

 22   élémentaires à Gjakova ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Cela est vrai pour 1998 et 1999 ?

 25   R.  Oui, cela est exact.

 26   Q.  Lorsque vous évoquez les écoles secondaires et l'université, vous avez

 27   dit que les cours se tenaient dans la clandestinité. Etait-il interdit

 28   selon la constitution de l'époque de les créer; je crois que cela est

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  1   désigné comme le système de scolarité parallèle; est-ce exact ?

  2   R.  A quelle constitution faites-vous allusion ? Celle qui a utilisé les

  3   chars ?

  4   Q.  Je parle des -- je fais allusion à la constitution en vigueur de

  5   l'état, en 1998.

  6   R.  De quel état parlez-vous ?

  7   Q.  Je demande si le gouvernement autorisait ces écoles parallèles; est-ce

  8   qu'il leur a permis d'exister ? Ont-ils d'une manière ou d'une autre

  9   interdit ces écoles ou ont-ils tenté de les fermer ?

 10   R.  Il l'a autorisé.

 11   Q.  Alors pourquoi avez-vous dit juste par avant que cela se déroulait dans

 12   la clandestinité ?

 13   R.  Je faisais allusion aux écoles secondaires et aux universités. Ils ont

 14   permis l'éducation élémentaire mais pas le système secondaire.

 15   Q.  Vous dites que certains élèves dans les écoles élémentaires ont choisi

 16   le système de scolarité parallèle au lieu des écoles existantes; est-ce

 17   exact ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Alors parlons du système secondaire. Le gouvernement a-t-il interdit

 20   d'une manière ou d'une autre ces systèmes d'école parallèle ou a-t-il

 21   essayé d'une manière ou d'une autre de les fermer ?

 22   R.  Il a essayé de les fermer. J'ai cité les chars déployés devant les

 23   bâtiments des écoles, et c'est pour cela que les Albanais se sont organisés

 24   afin d'étudier dans des maisons, des domiciles privés. Ils l'ont fait

 25   pendant longtemps, pendant dix ans.

 26   Q.  Mais les chars étaient déployés devant les écoles fréquentées par des

 27   Albanais, des Serbes et d'autres minorités; est-ce exact ?

 28   R.  Seule une école secondaire était fréquentée par les étudiants serbes.

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  1   Q.  Quel est le nom de l'école si vous vous en souvenez ?

  2   R.  Hydar Dushe [phon] -- l'école -- le lycée de Hydar Dushe.

  3   Q.  En 1990, il y avait un char devant l'école.

  4   R.  Oui, il y avait un char.

  5   Q.  Mais à ce moment-là, les étudiants dans les écoles secondaires

  6   albanaises, les Albanais ont cessé de la fréquenter et ont commencé à

  7   fréquenter le système parallèle; est-ce exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  L'école Hydar Dushe est restée ouverte et fréquentée par des Serbes et

 10   par d'autres minorités ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Quelles autres minorités fréquentaient l'école à Gjakova, l'école

 13   secondaire ?

 14   R.  Les Bosniaques, les Roms.

 15   Q.  L'école donc aurait fonctionné avec une population d'étudiants

 16   nettement moindre après 1990, dans la mesure où tous les étudiants albanais

 17   l'ont quitté ?

 18   R.  Oui. Ce que je sais, c'est que chaque année une seule classe

 19   fréquentait l'école allant de la première à la quatrième année de l'école

 20   secondaire.

 21   Q.  Nous allons passer au thème suivant. Dans votre déclaration  concernant

 22   la santé, vous y faites rapidement allusion. Il semblerait que votre

 23   préoccupation principale à Gjakova était qu'il y avait deux Serbes dans des

 24   positions élevées, hiérarchiques à l'époque. S'agissant de la deuxième

 25   ligne du paragraphe.

 26   R.  A l'époque, il y avait l'hôpital et le centre de Soins comme dans toute

 27   autre organisation et institution, les mesures violentes étaient en place,

 28   et c'est ce pour quoi ici les directeurs albanais étaient limogés et

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  1   remplacer par des Serbes.

  2   Q.  Il s'agit de deux postes dont vous parlez ici; est-ce exact ?

  3   R.  Oui. Les Albanais ont été renvoyés et remplacés par des Serbes, par des

  4   médecins serbes.

  5   Q.  Savez-vous quand cela s'est produit ?

  6   R.  Non, je ne m'en souviens pas. Mais cela s'est produit pendant la

  7   période, pendant cette même période.

  8   Q.  Mais il y avait d'autres médecins albanais et spécialistes qui

  9   travaillaient dans le centre de Soins à l'hôpital; est-ce exact ?

 10   R.  Oui, cela est exact.

 11   Q.  Diriez-vous que la majorité des médecins était albanaise ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Les Albanais et les Serbes, pour autant que je puisse comprendre,

 14   bénéficiaient de soins -- ont bénéficié de soins adéquats de manière

 15   similaire pendant les années 90 ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous évoquez ensuite la télévision et les médias. Quels médias albanais

 18   ont continué fonctionner en 1998 et 1999, et notamment quelle télévision --

 19   quelle chaîne de télévision était accessible ?

 20   R.  Nous avions une chaîne de télévision, quatre T.V. Il s'agissait de la

 21   radiotélévision de Pristina qui a été fermée en juillet 1990. La police a

 22   fait irruption de manière brutale, a évincé les collaborateurs de leurs

 23   bureaux. Ils y ont également déployé des blindés et à partir de ce jour,

 24   cette chaîne de télévision a été fermée et elle a été réouverte seulement

 25   après la guerre.

 26   Q.  Merci. Cela a été en partie consigné dans votre déclaration. Je pense

 27   que je ne fais que le lire, c'est pour référence. Vous dites que vous

 28   receviez la propagande serbe à un certain moment :

Page 6975

  1   "Nous recevions de la propagande serbe tout le temps qui était anti-

  2   Albanaise."

  3   Il s'agit de la page 3 en haut de la version anglaise. Quand cette

  4   propagande serbe a-t-elle été démarrée ?

  5   R.  Dès l'arrivée au pouvoir de Milosevic, cela a commencé de manière

  6   systématique et cela s'est intensifié dans les années qui ont précédé la

  7   guerre, trois ans pour être plus précis, trois ans avant le début de la

  8   guerre.

  9   Q.  Désolé. Je ne veux pas vous interrompre. Mais quand est-ce que ces

 10   émissions ont-elles finies ou se sont-elles poursuivies ?

 11   R.  Lorsque les bombardements de l'OTAN ont commencé, tout a cessé.

 12   Q.  Aviez-vous accès à la télévision par satellite avec des émissions en

 13   albanais ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  S'agissant de la presse écrite, vous dites que les Serbes autorisaient

 16   un seul journal; et désolé je vais écorcher le titre.

 17   R.  Oui -- excusez-moi, lorsque j'ai parlé d'une autre chaîne en albanais,

 18   je faisais allusion à TVSH, la télévision par satellite albanaise.

 19   Q.  Celle-ci a continué à fonctionner en 1998 et 1999 ?

 20   R.  Pendant toute cette période, c'était la seule source d'information dont

 21   nous disposions.

 22   Q.  Il n'y avait aucune propagande quelconque diffusée sur cette chaîne ?

 23   R.  Qu'entend -- de quel type de propagande parlez-vous ?

 24   Q.  Vous avez classifié ce qu'il y avait sur l'autre chaîne comme

 25   propagande serbe, je vous demande s'il y avait une propagande quelconque

 26   sur cette chaîne TVSH ?

 27   R.  Non, absolument pas. Il diffusait les informations des médias d'Albanie

 28   24 heures sur 24.

Page 6976

  1   Q.  S'agissait-il d'une chaîne qui soutenait le Kosovo indépendant selon

  2   vous ?

  3   R.  Je ne sais pas.

  4   Q.  Passant aux journaux, j'ai essayé de prononcer le nom de ce journal,

  5   les Serbes ont autorisé un seul journal "Bujku;" savez-vous qui ?

  6   R.  Le propriétaire de ce journal était Veton Surroi.

  7   Q.  Y avait-il d'autres journaux à l'époque qui fonctionnaient en 1998,

  8   1999 ?

  9   R.  Excusez-moi, "Rilindija," à cette période, a été obligé de changer son

 10   nom à "Bujku," alors que "Koha Ditore" est le journal dont le propriétaire

 11   était Veton Surroi.

 12   Q.  Je vous remercie de cette précision. Est-ce que cela fonctionnait en

 13   1998 et 1999 ?

 14   R.  Je ne me souviens pas. C'est un détail et, malheureusement, je ne me

 15   souviens pas. Je crois que oui, mais je n'en suis pas certain.

 16   Q.  La raison pour laquelle je vous pose cette question c'est que là vous

 17   dites que les Serbes autorisaient un seul journal, donc j'essayais

 18   d'établir s'il y avait plus d'un journal qui fonctionnait à l'époque.

 19   R.  Je ne peux pas donner de réponses avec certitude à cette question car

 20   je ne m'en souviens pas.

 21   Q.  Merci. A la page 4 de la version anglaise de votre déclaration, vous

 22   dites que vous avez entendu des choses et vous avez dit : jusqu'au moment

 23   où les journaux ont été fermés, nous diffusions -- nous faisions état de ce

 24   qui se produisait. C'est en bas de la version anglaise, la dernière ligne

 25   de l'anglais. Ce paragraphe commence en anglais avec la phrase :

 26   "Les Serbes avaient positionné des canons…"

 27   Donc c'est peut-être -- et jusqu'au moment -- en anglais :

 28   "Jusqu'au moment où les journaux ont été fermés."

Page 6977

  1   Donc à quel moment faites-vous allusion ? A quelle période faites-

  2   vous allusion ?  

  3   R.  Je fais allusion à la période entre mars et avril 1998 jusqu'au 23 mars

  4   où la police a fait irruption et fouiller les bureaux de notre conseil.

  5   Q.  Combien de journaux -- à combien de journaux faisiez-vous

  6   -- était-ce la situation jusqu'au 23 mars ?

  7   R.  Je me souviens de "Koha Ditore" et de Bujku; c'était les deux journaux

  8   concernés, "Koha Ditore" était publié avant la guerre, je m'en souviens.

  9   Q.  Je vous remercie. Donc combien de journaux ont été fermés en 1998 et en

 10   1999 ?

 11   R.  Je ne sais pas le nombre exact de journaux quotidiens diffusés à

 12   l'époque.

 13   Q.  Ok. A la page précédente, vous évoquez des tirs qui se poursuivaient.

 14   Je crois que c'est la page 2 au début, la première page de la déclaration

 15   où vous dites que les Serbes n'avaient pas de problèmes agissant des 1 400

 16   personnes qui vivaient dans la communauté -- dans la municipalité de

 17   Gjakova; est-ce exact ?

 18   R.  Il s'agit des ressortissants serbes résidant de la municipalité de

 19   Gjakove, il n'avait absolument aucun problème s'agissant de l'emploi.

 20   Q.  Comme nous l'avons évoqué précédemment il s'agissait d'environ 1 500

 21   personnes ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous dites également que peu d'Albanais pouvaient accepter les

 24   conditions imposées par les Serbes; quelles étaient ces conditions ?

 25   R.  S'agit-il de l'emploi ?

 26   Q.  C'est dans le même paragraphe et vous invoquez les personnes qui

 27   étaient licenciées et vous dites que :

 28   "La seule manière de conserver son emploi était d'accepter les

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  1   conditions imposées par la Serbie, peu d'Albanais pouvaient le faire et en

  2   souffraient les conséquences."

  3   Je demande : quelles étaient les conditions ?

  4   R.  Pouvez-vous me donner la référence exacte ?

  5   Q.  C'est la page 2 de l'anglais. C'est sur l'écran qui est devant vous, je

  6   crois, le paragraphe commence avec la phrase : "Pendant cette période à

  7   Gjakova, les gens," environ les deux tiers de ce paragraphe, peut-être le

  8   dernier paragraphe.

  9   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis vous

 10   aider, je crois qu'il s'agit du paragraphe 4, page 1 de la version

 11   albanaise, dont le formatage est différent à la version albanaise.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le paragraphe qui démarre par : "Depuis

 13   1988…"

 14   Mme O'LEARY : [interprétation]

 15   Q.  Non, les paragraphes sont organisés différemment. Le paragraphe auquel

 16   je fais référence démarre par : "La seule façon de conserver son emploi

 17   était de…"

 18   R.  Oui. Si l'on souhaitait conserver son emploi, il fallait signer une

 19   déclaration de loyauté, accepter les conditions serbes et son programme, et

 20   être prêt à travailler sous ordre serbe. La majorité des Albanais de souche

 21   n'acceptaient pas cet ordre.

 22   Q.  S'agissait-il de tous les postes pour lesquels on demandait la

 23   signature de cette déclaration de loyauté ?

 24   R.  Uniquement cette déclaration de loyauté était imposée uniquement aux

 25   Albanais et les Serbes continuaient à travailler dans des conditions

 26   normales. La seule façon de conserver son emploi était d'accepter ces

 27   conditions imposées.

 28   Q.  Ce que je vous demandais en fait c'était est-ce que cela s'appliquait à

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  1   tous les champs professionnels ou était-ce uniquement certains postes

  2   auxquels cela s'appliquait ?

  3   R.  Cela s'appliquait à toute catégorie professionnelle.

  4   Q.  Vous a-t-on demandé de signer cette déclaration à votre poste ?

  5   R.  Non. En fait, pas toute catégorie professionnelle, c'était

  6   essentiellement dans l'administration et dans au poste supérieur plus

  7   élevé.

  8   Q.  S'agissait-il uniquement de poste au sein de l'appareil d'Etat ?

  9   R.  Oui, c'est exact.

 10   Q.  Des Albanais ont-il signé cette déclaration de loyauté ?

 11   R.  Oui. Un groupe d'Albanais de policiers qui étaient loyaux à l'Etat

 12   serbe, des collaborateurs.

 13   Q.  Affirmez-vous qu'uniquement la police -- des officiers de police ont

 14   signé cette déclaration ?

 15   R.  Je me souviens de ce groupe de policiers albanais, comme étant une

 16   catégorie de citoyen loyal à l'Etat serbe. Ils provenaient, ils étaient

 17   tous originaires de villages.

 18   Q.  Quelles étaient les raisons pour -- pourquoi ces personnes ont-elles

 19   signé la déclaration ?

 20   R.  Qui était les personnes qui ont signé cet accord ? Aucun Albanais ne

 21   l'a signé.

 22   Q.  Pourtant vous venez de dire que des policiers albanais avaient signé

 23   cette déclaration de loyauté; est-ce exact ?

 24   R.  Oui, c'est exact. Mais de quelle conséquence parle-t-on ? Parle-t-on

 25   des conséquences ou de ce que ces policiers ont souffert ?

 26   Q.  Je pose la question en général. Mais si vous savez quelque chose à

 27   propos de ces policiers ?

 28   R.  La conséquence de leur signature c'est que la majorité des Albanais les

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  1   ignoraient. Il s'agissait d'une minorité. Ils ont du fait de leur loyauté à

  2   l'Etat serbe ils ont joui davantage de pouvoirs. La majorité des Albanais

  3   les méprisaient.

  4   Q.  Lorsque vous faites référence à ces personnes à la page 3 de votre

  5   déclaration préalable, vous dites que c'est au paragraphe 2 de la version

  6   anglaise.

  7   Alors, dans le paragraphe 3 de la version anglaise :

  8   "Ces personnes trouvées par les Serbes n'étaient pas des

  9   intellectuels. Ils ont utilisé les personnes que j'ai -- telles que je les

 10   ai décrites."

 11   Dites-vous ainsi qu'il ne s'agissait pas d'intellectuels albanais ?

 12   R.  Ils n'étaient pas à des postes-clés.

 13   Q.  Vous affirmez qu'environ 50 à 53 personnes de la population albanaise

 14   ont collaboré avec les Serbes ? Est-ce que vous pensez que c'est une

 15   estimation juste ?

 16   R.  Il s'agissait de rumeurs qui circulaient dans la ville à l'époque. Les

 17   personnes avaient connaissance d'un groupe d'une cinquantaine de personnes.

 18   Q.  Lorsque vous avez déposé dans le procès Milutinovic et consorts, on

 19   vous a demandé, on vous a posé des questions concernant des abus des droits

 20   de l'homme, et vous avez affirmé que vous n'avez pas eu connaissance de cas

 21   où des Albanais avaient tué d'autres Albanais; est-ce exact ?

 22   R.  Je faisais référence à des données que j'avais personnellement

 23   recueillies, des cas dont on avait fait état au bureau du Conseil de la

 24   défense des droits de l'homme et des libertés. Je n'ai eu personnellement

 25   pas connaissance de cas où un Albanais avait abattu un autre Albanais.

 26   Q.  Malgré les cas, vous avez parlé de 1 000 cas notifiés; est-ce exact ?

 27   R.  Personnes abattues ?

 28   Q.  Non, non, vous avez parlé de 1 000 cas notifiés ?

Page 6982

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Malgré ceci, avez-vous entendu parler d'Albanais qui avaient commis des

  3   crimes contre d'autres Albanais pendant le

  4   conflit ?

  5   R.  Comme je vous l'ai déjà dit, je n'enregistrais que des cas qui

  6   m'étaient rapportés par des victimes. Je ne peux pas parler d'autres cas.

  7   Q.  En fait, je faisais référence à vos connaissances personnelles, des

  8   rumeurs dont vous aviez entendu parler dans la ville, pas nécessairement

  9   des cas qui vous avez été notifiés ?

 10   R.  Les combats avaient eu lieu entre les Serbes et les Albanais, et non

 11   pas entre Albanais.

 12   Q.  Je comprends que votre réponse est non. Vous n'avez pas entendu de cas

 13   où des Albanais auraient tué d'autres Albanais ?

 14   R.  Personnellement, je n'ai pas connaissance de cas, de tel cas. Je

 15   connais un cas qui a eu lieu après la guerre.

 16   Q.  Je crois qu'on va tenter de se limiter à la période de 1998 et 1999,

 17   pour ce qui est des événements. Merci.

 18    Nous avons votre entretien que vous avez donné ici en 2001, au bureau du

 19   Procureur. Quels autres entretiens avez-vous accordés à d'autres organes

 20   judiciaires ?

 21   R.  Organes judiciaires, non.

 22   Q.  Avez-vous accordé des entretiens à qui que ce soit, une organisation

 23   non judiciaire, une instance non judiciaire ?

 24   R.  Je ne me souviens pas. J'ai accordé des entretiens à des quotidiens ou

 25   médias, mais je ne crois pas avoir communiqué avec des instances

 26   judiciaires outre que le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie.

 27   Mme O'LEARY : [interprétation] Concernant ces entretiens accordés aux

 28   médias. J'aimerais que nous affichions à l'écran la pièce D004-2194.

Page 6983

  1   Q.  J'aimerais faire référence à l'article du "Los Angeles Times" sur

  2   lequel on vous a posé des questions au cours de votre précédente

  3   déposition.

  4   Mme O'LEARY : [interprétation] Nous n'avons que la version anglaise,

  5   malheureusement, et j'aimerais que nous allions à la page 3 de la version

  6   du prétoire électronique.

  7   Q.  Vous souvenez-vous avoir accordé cet entretien ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  En bas de la page, vous verrez :

 10   "Je ne connais pas le destin des collaborateurs, nombreux ont fait

 11   objet de mesures disciplinaires, au moment où les forces serbes se sont

 12   retraitées. D'autres" - a dit Haxhibeqiri - "ont contrevenu aux règles de

 13   la convention de Genève."

 14   Je sais que, lors du procès Milutinovic, vous avez dit que cela n'était pas

 15   vos mots. Alors avez-vous dit cela ou non ?

 16   R.  Oui. J'ai également tenté de corriger le tir, le lendemain de

 17   l'apparition dans le quotidien. Je crois qu'il s'agissait soit d'une

 18   mauvaise traduction ou d'un malentendu.

 19   Q.  Qu'avez-vous tenté de dire ou quel était le malentendu ?

 20   L'INTERPRÈTE : L'interprète ajoute que le témoin a précisé que c'était dans

 21   le quotidien "Koha Ditore", qu'il avait corrigé ses propos mal interprétés.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous me relire, s'il vous plaît.

 23   Mme O'LEARY : [interprétation]

 24   Q.  "Le sort des collaborateurs m'est inconnu. De nombreux collaborateurs

 25   ont été pris dans un tir croisé et en violation flagrante des règles de la

 26   convention de Genève régissant l'état de guerre."

 27   R. Je n'ai pas dit qu'ils avaient été capturés par l'UCK et exécutés par

 28   l'UCK. Je n'aurais pas pu le dire, car je ne le savais pas.

Page 6984

  1   Q.  Ainsi vous dites que le journaliste a mis ces mots dans votre bouche ?

  2   R.  Je crois qu'il s'agit éventuellement d'un malentendu. Il ne m'a peut-

  3   être pas compris.

  4   Q.  Je sais que dans votre déposition précédente --

  5   R.  Ou peut-être qu'il y a eu une mauvaise traduction effectuée par le

  6   traducteur ou de l'interprète, car la conversation a eu lieu par le biais

  7   d'un interprète.

  8   Q.  Tout à fait compréhensible, c'est la raison pour laquelle je vous

  9   demandais ce que vous aviez dit qui avait pu être mal interprété ?

 10   R.  J'aurais pu être plus précis si j'avais eu la transcription en albanais

 11   devant moi.

 12   Q.  Pardonnez-moi.

 13   R.  Pourriez-vous me relire la citation dont vous m'avez donnée lecture

 14   plus tôt ?

 15   Q.  Si vous ne vous souvenez pas, poursuivons.

 16   R.  Je pourrai vous apporter un exemplaire de l'article dans le "Koha

 17   Ditore" de façon à corriger le tir. Je pourrai vous le fournir après la

 18   pause.

 19   Q.  Parfait. Car dans votre déposition vous nous avez dit que vous n'étiez

 20   pas sûr et que vous aviez publié un corrigé le lendemain, vous nous avez

 21   dit également que vous donneriez un exemplaire au bureau du Procureur.

 22   L'avez-vous fait à l'époque de votre déposition précédente ?

 23   R.  J'ai apporté un exemplaire avec moi, je l'avais promis. Ça a été publié

 24   dans la version mondiale du "Koha Ditore" qui est publié en Suisse. Cela a

 25   été publié le 20 janvier ou février. Je ne me souviens plus également.

 26   Q.  De l'année suivante, en janvier de l'année suivante, en l'an 2000 ?

 27   R.  Oui, en 2000.

 28   Q.  Quelle est la raison pour laquelle cela n'a pas été publié plus tôt ?

Page 6985

  1   Pourquoi cela a-t-il pris trois mois ?

  2   R.  J'ai écrit l'article le lendemain de la publication du premier article.

  3   J'ai lu l'article du "Los Angeles Times" et, le lendemain, j'ai corrigé le

  4   tir par le biais du "Koha Ditore."

  5   Q.  Dans votre déposition précédente, vous avez dit que vous alliez envoyer

  6   un exemplaire de cet article au bureau du Procureur. L'avez-vous fait ?

  7   R.  Non, car ma dernière déposition, je n'avais pas cet article avec moi,

  8   mais j'ai promis que je le rapporterais.

  9   Q.  C'était en août 2006; est-ce exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Mais vous n'avez pas apporté ou donné cet article cette semaine, alors

 12   que vous l'aviez dans vos effets ?

 13   R.  J'ai remis des clichés documentant des crimes, et ils m'ont dit que

 14   certains clichés ne pouvaient pas être versés comme pièce à conviction,

 15   mais qu'on pouvait les conserver dans les archives. L'exemplaire je l'ai

 16   conservé.

 17   Q.  Dans le compte rendu d'audience, à la page 1 193 du procès Milutinovic,

 18   on vous a demandé :

 19   "Pourriez-vous nous donner un exemplaire ?"

 20   Vous avez répondu :

 21   "Je n'ai pas d'exemplaire avec moi, mais je pourrais l'envoyer au

 22   Tribunal plus tard."

 23   Vous ne l'avez jamais envoyé au Tribunal; est-ce exact ?

 24   R.  Personne ne me l'a demandé.

 25   Q.  Mais au cours de ce procès on vous l'a demandé, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non, non, personne.

 27   Q.  Nous pourrions afficher le compte rendu d'audience à l'écran, si cela

 28   peut vous aider, il s'agit de la pièce 65 ter 5323, page 1 193. Il me

Page 6986

  1   semble que vous avez dit que vous alliez fournir un exemplaire.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître O'Leary, souhaitez-vous verser

  3   au dossier la pièce qui était à l'écran ?

  4   Mme O'LEARY : [interprétation] Je crois que c'est la déclaration du témoin,

  5   Monsieur le Président, et je crois que nous l'avons versée au dossier hier,

  6   c'est la pièce P1068. Pardonnez-moi, Monsieur le Président, vous avez

  7   parfaitement raison. Nous sommes passés à l'article du "Los Angeles Times."

  8   Pourrions-nous le verser au dossier, Monsieur le Président ?

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La pièce est admise.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D00306, Monsieur le

 11   Président.

 12   Mme O'LEARY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 13   Q.  Pour revenir à ma question : vous avez envisagé de "fournir un

 14   exemplaire," n'est-ce pas ? On vous a demandé :

 15   "Pourriez-vous nous fournir un exemplaire ?"

 16   R.  Qu'est-ce que j'ai répondu ?

 17   Q.  Vous avez répondu :

 18   "Je n'ai pas d'exemplaire avec moi mais je peux vous en envoyer un au

 19   Tribunal plus tard."

 20   R.  C'est très bien, puisque je suis ici à nouveau.

 21   Q.  Mais trois ans se sont écoulés. N'estimiez-vous pas que c'était

 22   important d'envoyer votre rétraction au Tribunal ?

 23   R.  Je pensais que quelqu'un devait me demander d'envoyer mon déni. Si ça

 24   avait été le cas, effectivement j'aurais envoyé ce déni.

 25   Q.  Vous avez estimé qu'il était suffisamment important, cette fois-ci

 26   cependant, de l'apporter avec vous ?

 27   R.  Je n'ai jamais affirmé que ce n'était pas important. J'ai dit que je

 28   pensais que le Tribunal allait me demander d'envoyer mon démenti.

Page 6987

  1   Q.  N'estimez-vous pas qu'étant donné que vous aviez dit : "Je vais envoyer

  2   un exemplaire au Tribunal plus tard," que c'était suffisant, vous estimiez

  3   qu'il fallait qu'on vous le demande également ?

  4   R.  A nouveau, je répète que personne ne m'a contacté pour me dire,

  5   envoyez-nous un exemplaire, s'il vous plaît. Je ne savais pas comment

  6   procéder.

  7   Q.  Merci, Monsieur Haxhibeqiri.

  8   R.  Je vous en prie.

  9   Q.  J'aimerais revenir aux personnes qui partaient et les expulsions.

 10   J'avais quelques questions très brèves. Vous avez dit hier qu'on avait

 11   ordonné à 20 000 ou 30 000 personnes de quitter les lieux ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Quand ceci a-t-il eu lieu exactement ?

 14   R.  Très exactement le 2 avril. Le 1er ou le 2, mais plus précisément le 2.

 15   Q.  Comment savez-vous qu'on a ordonné à ces personnes de partir ?

 16   R.  J'étais présent lorsque la police est arrivée et a commencé à expulser

 17   les gens de chez eux leur disant de partir. Si vous ne partez pas, nous

 18   allons pilonner vos maisons. Ainsi tous ont été contraints de quitter leurs

 19   domiciles et prendre la route vers l'Albanie.

 20   Q.  A l'époque, vous avez dit également que vous vous trouviez dans une

 21   canalisation d'égout au fond d'un jardin, donc vous n'avez pas vu les gens

 22   partir, n'est-ce pas ?

 23   R.  Lorsque j'ai vu les gens, je n'étais pas dans la canalisation d'égout,

 24   je regardais ce qui se passait de derrière les rideaux. Ils ont donné un

 25   ultimatum aux personnes, ils nous ont dit, vous avez cinq minutes pour

 26   quitter les lieux sinon. 

 27   Q.  Mais suite à cela, vous n'avez pas de visu constatait que les gens

 28   partaient ?

Page 6988

  1   R.  Oui. Ils étaient prêts avec leurs sacs et bagages, tout ce qu'ils

  2   avaient réussi à rassembler ils étaient prêts à partir. Ils étaient sous

  3   pression et sous une pression considérable, ils étaient extrêmement

  4   inquiets de savoir ce qu'ils allaient devenir.

  5   Q.  Je vous pose cette question parce que, dans votre précédente

  6   déposition, à la page 1 153 :

  7   "Le 2 avril lorsqu'ils avaient expulsé à peu près 30 000 personnes

  8   dans le voisinage, je suis resté dans la canalisation d'égouts car j'avais

  9   peur de sortir et de traverser la frontière étant donné que j'étais un

 10   militant et que j'avais peur que je sois sur une liste de personnes

 11   recherchées. C'est la raison pour laquelle je suis resté caché."

 12   R.  Oui, j'étais terrifié. J'avais très peur qu'ils m'attrapent.

 13   Q.  Mais si vous étiez caché dans la canalisation d'égouts, vous n'avez pas

 14   pu constater que les gens partaient; telle est ma question ?

 15   R.  J'ai déclaré qu'au moment où les forces de police sont arrivées, je me

 16   trouvais dans mon domicile et je regardais ce qui se passait de derrière

 17   les rideaux. Je les ai vues partir, je les ai saluées, au bout d'un moment,

 18   je suis allé me cacher dans la canalisation d'égouts.

 19   Q.  Merci, M. Haxhibeqiri. J'aimerais maintenant passer une série de

 20   questions concernant la période pendant laquelle vous étiez en

 21   clandestinité.

 22   Mme O'LEARY : [interprétation] C'est peut-être un bon moment pour

 23   s'arrêter, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   Oui, nous allons prendre notre première pause maintenant et nous reprenons

 26   à 16 heures 30.

 27   --- L'audience est suspendue à 16 heures 00.

 28   --- L'audience est reprise à 16 heures 34.

Page 6989

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] En attendant l'arrivé du témoin dans

  2   le prétoire, Maître O'Leary, je vous rappelle que vous avez procédé à un

  3   contre-interrogatoire sur la base du compte rendu de l'affaire Milutinovic.

  4   Vous savez qu'il ne s'agit pas d'une pièce à conviction. Vous en avez

  5   conscience.

  6   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Nous n'avons

  7   pas demandé le versement au dossier de l'ensemble du texte parce qu'il est

  8   assez long donc je n'ai fait que lire la section pertinente du texte -- le

  9   passage pertinent du texte.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout cela ne pose aucun problème tant

 11   que vous en avez conscience.

 12   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci.

 13   [Le témoin vient à la barre]

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie, Maître O'Leary.

 15   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Avant de commencer afin que les uns et les autres sachent de quoi il

 17   s'agit, nous avons un stagiaire juridique, M. Eric Durand qui est parmi

 18   nous aux fins de compte rendu.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, je souhaitais revenir sur l'époque où vous étiez

 20   caché, parce qu'au cours de cette période, à vrai dire, vous avez été caché

 21   à plusieurs reprises, à différents endroits. Nous en avons discuté hier

 22   dans une certaine mesure, et la première fois que vous êtes caché c'était

 23   le 23 mars; est-ce exact, Monsieur Haxhibeqiri ?

 24   R.  Le 23 mars, je suis parti de chez moi dans le quartier de Hadum, et je

 25   me suis rendu dans le quartier de Blloku i Ri, et je me suis caché le 2,

 26   date à laquelle les forces de police sont arrivées et/où l'on a expulsé la

 27   population de leurs foyers dans ce quartier-là.

 28  Q.  Oui, mais à partir du 23 et jusqu'au 31, 1er au 2, pendant cette semaine

Page 6990

  1   ou cette dizaine de jours, où vous trouviez-vous ?

  2   R.  Bien, j'étais dans le quartier Blloku i Ri.

  3   Q.  C'était chez un membre de votre famille, le médecin ou il y avait quoi

  4   une quinzaine, 16 personnes ?

  5   R.  Oui, c'est exact. Nous étions au nombre de huit personnes dans cette

  6   maison.

  7   Q.  Vous étiez huit. Du 23, et ce, jusqu'au 2, vous étiez là; c'est ce que

  8   vous nous dites ?

  9   R.  Oui, dans ce quartier-là. Je me souviens d'un ou deux jours au cours

 10   desquels j'ai logé chez un ami, chez lui, un de mes amis au cours de cette

 11   période. Le 23 et le 24, je logeais chez un ami à moi, pas très loin de la

 12   maison du médecin.

 13   Q.  Donc vous étiez dans le quartier de Blloku i Ri, du 23, 23- 24, chez

 14   votre ami, et ensuite du 25 jusqu'au 2, vous n'avez logé que --

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Vous n'avez jamais quitté cette maison entre le 25 et le 2?

 17   R.  Non, je suis resté là.

 18   Q.  Parce que je ne sais pas si vous en souvenez, mais vous avez dit dans

 19   l'affaire Milutinovic que vous y avez passé une semaine; c'est-à-dire à

 20   partir du 23 jusqu'au 2, donc c'est un peu plus d'une semaine finalement,

 21   ça fait une semaine et demie, non ?

 22   R.  Oui, mais vous savez j'ai toujours donné des indications assez

 23   approximatives en terme de chiffre.

 24   Q.  Oui, mais c'est de la maison du médecin que vous avez vu des maisons

 25   brûlées, le 26 mars, depuis le deuxième étage; c'est que vous avez dit hier

 26   ?

 27   R.  Le 27.

 28   Q.  Le 27.

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  1   R.  Mais j'ai aussi vu des choses se passer le 26, et puis la nuit du 25

  2   aussi, j'ai vu qu'on incendiait des maisons pratiquement toutes les nuits

  3   en fait.

  4   Q.  Lorsque vous dites toutes les nuits, pendant une période de combien de

  5   temps finalement ?

  6   R.  Je vous parle de ces dates-là, justement, le 25, le 26 et le 27,

  7   pendant toute la période au cours de laquelle j'étais logé chez le médecin.

  8   Q.  Ces maisons incendiées étaient à environ 60, 100 à 200 mètres de

  9   distance de l'endroit où vous vous trouviez; est-ce exact ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Certaines brûlaient un peu plus près de vous, vous étiez à 60 mètres et

 12   d'autres à 100, d'autres à 200 mètres; c'est exact ?

 13   R.  Oui, c'est exact. On les voyait en tout cas de l'endroit où je me

 14   trouvais.

 15   Q.  Ceci concerne six maisons que vous avez brûlées, le 26 ?

 16   R.  Oui. A un moment donné, il y avait aussi dix maisons qui brûlaient. Je

 17   ne me souviens pas exactement ce qui s'est passé, à quel moment, il y avait

 18   deux maisons à un moment donné, et puis dix maisons à un autre moment.

 19   Q.  Non, je comprends tout à fait. Ce chiffre de six, je le retire de votre

 20   déclaration écrite, page 6, vous avez dit, six maisons, le 26, donc je ne

 21   fais que vous demandiez de confirmer cette indication.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous interromps. A la page 32,

 23   ligne 6 de notre compte rendu, vous indiquez que, dans la question, on

 24   parlait de 600 mètres. Mais je pense qu'en fait, il faudrait corriger le

 25   compte rendu parce que vous avez parlé de 60 mètres et non pas de 600

 26   mètres.

 27   Mme O'LEARY : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

 28   Merci pour cette correction.

Page 6992

  1   Q.  Alors comment saviez-vous, Monsieur, que ces maisons, notamment les

  2   maisons qui étaient à 200 mètres de l'endroit où vous étiez, comment

  3   faisiez-vous pour savoir qu'il s'agissait de maisons occupées par les

  4   Albanais ?

  5   R.  Dans ce quartier-là, je n'ai pas connaissance de la présence de maisons

  6   occupées par des Serbes. Derrière la maison du médecin, il y a un grand

  7   bâtiment qui était habité par des Serbes, lui, et puis un peu plus loin, il

  8   y avait le QG du secrétariat des affaires intérieures du SUP. Puis, il y

  9   avait un autre bâtiment qui avait été construit par les Albanais, mais il

 10   avait été pris en charge par les Serbes.

 11   Q.  Mais 200 mètres, ça fait une assez grande distance, quand même pour

 12   savoir exactement quelle est celle des maisons qui est en flammes, n'est-ce

 13   pas ?

 14   R.  Mais lorsque les incendies ont été éteints, après quelques instants,

 15   j'ai pu identifier que toutes la maisons qui avaient été incendiées,

 16   d'ailleurs j'ai le nom des familles auxquelles appartenaient les maisons,

 17   donc j'ai le nom des propriétaires; on voyait les flammes, on voyait le

 18   feu, on voyait l'incendie, même à 200 mètres de distance, vous savez la

 19   nuit.

 20   Q.  Mais vous n'avez vu que les bâtiments en feu, vous n'avez pas vu le

 21   moment où on a allumé ces incendies ?

 22   R.  Non, je ne l'ai vu qu'une fois que les flammes faisaient rage. J'ai eu

 23   maintes fois l'occasion de voir des maisons être incendiées. J'ai eu

 24   l'occasion de voir le moment où ça  commençait.  On utilisait les Roms pour

 25   mettre le feu aux maisons des Albanais.

 26   Q.  Comment utilisait-on les Roms ?

 27   R.  Vous me demandez comment ils incendiaient les maisons ?

 28   Q.  Non, je fais référence à ce que vous veniez de nous dire. Je ne savais

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  1   pas très bien ce que vous vouliez dire. Vous dites :

  2   "Lorsqu'ils étaient incendiés, c'étaient les Roms qu'on utilisait pour

  3   mettre le feu aux maisons des Albanais."

  4   Je ne suis pas tout à fait sûr de bien comprendre comment on utilisait ces

  5   Roms, d'après vous ?

  6   R.  C'était la police serbe qui les utilisait. Ils étaient au service des

  7   polices de l'appareil d'état serbe.

  8   Q.  Lorsque vous dites, "ils les utilisaient," vous voulez dire que

  9   c'étaient les Roms qui incendiaient les maisons pour le compte de la polie

 10   serbe; c'est l'interprétation que je dois faire de vos propos ?

 11   R.  On a vu des Roms mettre le feu aux maisons. J'ai aussi vu des policiers

 12   qui mettaient le feu à des maisons.

 13   Q.  Non, vous avez vu personnellement des Roms et des policiers incendier

 14   et mettre le feu à des maisons ?

 15   R.  Non, moi, je n'ai vu que des policiers le faire. Mais il y a d'autres

 16   témoins oculaires dans la ville de Gjakove, témoins qui eux ont vu des Roms

 17   incendier des maisons et les piller.

 18   Q.  Dans votre déclaration préalable, vous dites :

 19   "Je ne les ai pas vus, je n'ai pas vu le moment où on y mettait le feu, je

 20   ne les ai vus qu'en flammes."

 21   Quand avez-vous vu le moment où on mettait le feu aux maisons ?

 22   R.  Lorsque je me suis rendu dans mon quartier, le quartier de Hadum, là,

 23   j'ai vu qu'ils allumaient les incendies dans des maisons et des magasins.

 24   Q.  Très bien, nous y reviendrons. Nous reviendrons à la période allant du

 25  23  au 2, au cours de laquelle vous étiez hébergé dans la maison du médecin.

 26   Le 2, nous dites-vous, vous étiez dans une maison où sont arrivés deux

 27   policiers. Il s'agit bien de la maison d'un médecin, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui. Qui était présent dans cette maison avec vous à ce moment-là ?

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  1   R.  Les huit personnes que j'ai mentionnées.

  2   Q.  Les personnes auxquelles vous faites référence en disant qu'ils étaient

  3   des policiers, à qui se sont-ils adressés ?

  4   R.  Ils se sont adressés au propriétaire de la maison, la dame qui était la

  5   propriétaire.

  6   Q.  Est-ce que tout le monde -- toutes les autres personnes présentes se

  7   cachaient, ou est-ce qu'ils se sont adressés à quelqu'un d'autre ?

  8   R.  Non, les autres ne se cachaient pas. Moi, j'étais le seul à me cacher,

  9   à ce moment-là.

 10   Q.  Vous vous cachiez en raison de vos activités de militant et parce que

 11   la police était à votre recherche; est-ce exact ?

 12   R.  Oui, c'est exact.

 13   Q.  Vous avez dit :

 14   "Je me cachais dans la maison mais je les ai vus et je les ai entendus."

 15   Mais où exactement dans la maison vous cachiez-vous ?

 16   R.  Parce que je les ai vus, je ne me cachais pas, pas à ce moment-là

 17   précis.

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  Vous -- c'est la cinquième fois que vous me posez la question, Madame.

 20   Q.  Toutes mes excuses, mais simplement je ne comprends pas très bien.

 21   R.  Je ne sais pas si vous avez du mal à me comprendre ou si ce sont des

 22   problèmes d'ordre linguistique. Qu'est-ce que vous voulez savoir finalement

 23   ?

 24   Q.  Ce que je veux savoir c'est ce qui s'est passé le 2 avril. Je veux

 25   savoir dans quel ordre les événements se sont produits, moment où la police

 26   est arrivée et à quel endroit vous trouviez-vous à ce moment-là ?

 27   R.  Je vais répondre à votre question. Le 2 avril, quelque 20 000 personnes

 28   ont été expulsées de ce quartier et se sont vus intimer l'ordre de se

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  1   rendre dans la direction de l'Albanie. Par conséquent, tous les habitants

  2   de cette zone ont quitté les lieux.

  3   Q.  Mais il y avait huit personnes dans cette maison y compris vous-même;

  4   c'est exact ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Lorsque la police est arrivée à la porte d'entrée et vous étiez tous

  7   là, huit personnes, vous y compris, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   Q.  Donc vous ne vous cachiez pas à ce moment-là au moment où la police est

 10   arrivée ?

 11   R.  Non, je ne me cachais pas.

 12   Q.  Donc vous pouvez voir sans aucun problème les personnes dont vous dites

 13   quels étaient des "policiers"; est-ce exact ?

 14   R.  Oui, je les voyais bien.

 15   Q.  Comment saviez-vous qu'il s'agissait de policier ?

 16   R.  Ils portaient des uniformes bleus.

 17   Q.  Vous avez dans votre déclaration préalable -- dans votre déposition

 18   d'hier qu'un autre portait un uniforme bleu clair alors que l'autre portait

 19   un uniforme bleu classique; est-ce exact ?

 20   R.  Un des deux portait un uniforme bleu quant à l'autre il portait un

 21   uniforme couleur olive. Les couleurs militaires. Un uniforme aux couleurs

 22   militaires. C'était un des ces policiers loyaux auquel j'ai fait référence

 23   tout à l'heure qui appartenait à cette petite minorité d'une cinquante de

 24   personnes.

 25   Q.  Celui qui portait l'uniforme couleur olive ou celui qui portait

 26   l'uniforme bleu clair; lequel des deux faisait partie de cette cinquante de

 27   personnes ?

 28   R.  Celui qui portait un uniforme couleur olive.

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  1   Q.  Il était Albanais; c'est exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Le fils de Mushk Jakupi, c'est ainsi que vous l'avez désigné; est-ce

  4   exact ?

  5   R.  Oui, il était membre de cette organisation avec à sa tête Mushk Jakupi

  6   ou Musa Ibraj, tel est son nom.

  7   Q.  S'il portait un uniforme couleur olive comment saviez-vous qu'il était

  8   policier, est-ce que c'est une couleur que vous associeriez de manière

  9   générale aux forces de police de Gjakova ?

 10   R.  C'était des gens qui avaient été recrutés par la police. A partir de

 11   1993, les policiers albanais avaient été expulsés des instances de

 12   l'appareil d'Etat. Afin de donner l'impression qu'il y avait encore des

 13   Albanais dans les rangs de la police, l'on avait recruté ces gens-là,

 14   c'était les autorités qui les avaient recrutés, et, comme je vous l'ai dit,

 15   on les désignait comme étant des créations artificielles, on les désignait

 16   comme étant des salopards, qui ne bénéficiaient pas de l'appui de la

 17   majorité de la population albanaise.

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  Qui servaient les intérêts du régime serbe de l'époque.

 20   Q.  Donc lorsque vous nous dites que ce groupe d'individus avait été

 21   recruté pour donner l'impression qu'il restait encore des Albanais dans les

 22   forces de police, ce que vous êtes en train de nous dire c'est qu'ils

 23   n'avaient strictement aucun pouvoir réel ?

 24   R.  Ils n'avaient pas beaucoup de pouvoir, je dirais; cependant, dans

 25   certaines situations, ils se sont révélés loyaux aux autorités et ils

 26   avaient le pouvoir de tuer, de rouer de coups, et de persécuter les gens.

 27   Q.  Donc l'homme portant un uniforme couleur olive était un Albanais que

 28   vous décrivez comme cette création artificielle, et l'autre personne que

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  1   portait-elle ?

  2   R.  Bleu.

  3   Q.  Bleu foncé ou bleu clair ?

  4   R.  Clair.

  5   Q.  C'était un uniforme que vous connaissiez déjà ?

  6   R.  Oui. J'avais vu des uniformes de ce type tous les jours, c'était un

  7   uniforme de police. Il portait ce type-là d'uniforme.

  8   Q.  Savez-vous quelle était son origine ethnique ?

  9   R.  C'était un Serbe.

 10   Q.  Comment savez-vous que c'était un Serbe ?

 11   R.  On me l'a dit plus tard. Ce sont des gens qui l'ont reconnu qui me

 12   l'ont dit.

 13   Q.  Lorsqu'on vous a dit cela est-ce que quelqu'un vous a dit quel était

 14   son nom ?

 15   R.  Oui, oui.

 16   Q.  Vous en souvenez-vous par hasard ?

 17   R.  Oui. Son nom est Domitca [phon] Avramovic. Il travaillait au

 18   secrétariat des affaires intérieures.

 19   Q.  Donc lorsqu'ils sont arrivés pour dire aux occupants de la maison qu'il

 20   fallait qu'ils partent et qu'ils se rendent en Albanie, en fait, c'était un

 21   Albanais et un Serbe qui procédaient à ces expulsions à ce moment-là ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  L'un d'entre eux au moins n'avait pas beaucoup de pouvoir puisqu'il

 24   était ce que vous décrivez comme une création artificielle ?

 25   R.  Oui, moins que l'autre. Il était un outil. Je crois qu'on lui avait

 26   confié cette tâche à cause de la langue.

 27   Q.  Suite à cela la police est partie, vous les savez salués vous nous avez

 28   dit ?

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  1   R.  La police a continué, elle allait de maison à maison.

  2   Q.  Mais juste avant la pause -- ils sont partis -- vous nous avez dit,

  3   juste avant la pause, que vous les aviez salués, et qu'ensuite ils étaient

  4   partis; est-ce exact ?

  5   R.  Oui. Puis je suis retourné à ma cachette.

  6   Q.  Vous n'aviez pas été dans cette canalisation précédemment; est-ce exact

  7   ?

  8   R.  Si je m'étais caché dans la canalisation avant. J'avais préparé une

  9   stratégie pour pouvoir me reposer un peu. Nous allions tous les huit dans

 10   cette canalisation qui faisait 1.2 mètre sur 1.24 mètre.

 11   Q.  A quel moment avant la date du 2 avril, vous êtes-vous trouvé dans

 12   cette canalisation ?

 13   R.  Le 26, lorsque ça me paraissait opportun d'utiliser cette canalisation

 14   comme cachette, et les sept autres personnes qui étaient avec moi avaient

 15   trouvé que c'était une bonne idée. Le 27, lorsqu'on incendiait les maisons

 16   et qu'on tuait dans la population, nous avons décidé de nous réfugier dans

 17   cette canalisation, nous tous.

 18   Q.  Donc c'était sporadique, donc à partir du 25, 24 et jusqu'après le 27

 19   et jusqu'au 2, vous alliez dans cette canalisation de temps à autres parce

 20   que vous aviez peur que --

 21   R.  Non, pas tout le temps, uniquement lorsque la police arrivait dans

 22   cette zone-là, parce que nous avions peur. Par conséquent, nous nous

 23   réfugions dans la canalisation pensant que c'était probablement la

 24   meilleure façon pour nous de survivre.

 25   Q.  Mais alors au moment où vous vous cachiez dans ce trou, et vous aviez

 26   peur de la police, pourquoi n'aviez-vous pas peur des deux policiers qui

 27   sont venus à la porte et qui ont parlé à vous tous, les huit, le 2 avril ?

 28   R.  Je ne leur ai pas parlé, à ce policier, comme je l'ai dit. C'était la

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  1   propriétaire qui leur a parlé. Moi, j'étais derrière la porte, derrière le

  2   rideau et c'est de là que j'ai pu entendre la conversation et ce qu'on lui

  3   disait -- ce que lui disait. Je ne suis pas sorti à l'extérieur dans la

  4   cour.

  5   Q.  Excusez-moi, j'avais mal compris où vous vous trouviez placer. Donc, en

  6   fait, vous n'avez pas véritablement vu les policiers, face à face, qui sont

  7   venus dans la cour ce jour-là. Vous dites des policiers, vous les avez vus

  8   par le rideau; c'est bien ça ?

  9   R.  Oui, c'est exact. Vous avez compris.

 10   Q.  Merci. De quelle distance -- à quelle distance vous trouviez-vous ?

 11   R.  15 mètres, à peu près 15 mètres, je dirais.

 12   Q.  Est-ce qu'il y avait quelqu'un qui se trouvait avec la propriétaire

 13   lorsqu'elle leur a parlé ?

 14   R.  Je dirais qu'ils étaient tous là.

 15   Q.  Tous, sauf vous-même, n'est-ce pas ?

 16   R.  Exact.

 17   Q.  Merci. Dans votre déclaration lorsque vous dites que vous êtes entrer

 18   dans la canalisation, dans la cour arrière, second, à ce moment-là, je

 19   suppose que c'était après que les policiers soient partis que vous avez

 20   décidé d'aller vers cette canalisation et de vous y cacher; c'est bien ça ?

 21   R.  Exact.

 22   Q.  Vous vous êtes trouvé là, donc caché pendant quatre jours dans ce trou,

 23   cette canalisation, jour et nuit; c'est exact ?

 24   R.  Exact.

 25   Q.  Donc on en est maintenant arrivé au 6 avril, n'est-ce pas, c'est bien

 26   cela ?

 27   R.  Le 5.

 28   Q.  Bien. Donc le 5, et après que vous soyez ressorti de la canalisation,

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  1   dans votre déclaration, on lit, après quatre jours, je suis revenu dans ma

  2   propre maison et j'y suis resté jusqu'à la fin de la guerre, jusqu'à ce que

  3   la guerre soit terminée; c'est bien cela ?

  4   R.  C'est exact.

  5   Q.  Comment se fait-il que, pour vous, rentrer dans votre maison après le

  6   5, ne posait pas de problème de sécurité, ou vous sentir en sûreté; est-ce

  7   que quelque chose avait changé qui vous a donné le sentiment que c'était le

  8   moment de retourner chez vous à ce moment-là ?

  9   R.  J'ai pris le risque.

 10   Q.  Dans votre déclaration, vous dites : "Je savais qu'ils me

 11   recherchaient," ceci à la page 7 du texte anglais. "Je savais qu'ils me

 12   recherchaient. J'ai parlé à des collègues de mon bureau qui avaient été

 13   relâchés, et ils m'ont dit que la police me cherchait.

 14   ;" c'est bien ça ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Pourquoi est-ce que la police n'est pas venue vous chercher dans votre

 17   maison ?

 18   R.  Il ne s'agissait pas que de moi. Il y avait également tous ceux qui

 19   étaient recherchés par la police, toutes les activités du conseil. Ils me

 20   recherchaient -- ils m'ont recherché, le premier et le deuxième jour.

 21   Q.  Ensuite, donc ils ont cessé de vous chercher, après ce premier, ce

 22   deuxième jour ?

 23   R.  Ils m'ont appelé au téléphone.

 24   Q.  C'est quel jour qu'ils vous ont appelé au téléphone ?

 25   R.  Deux jours après que le pilonnage ait commencé, le 25 ou le 26.

 26   Q.  Je suppose que vous n'aviez pas de téléphone mobile à l'époque ?

 27   R.  Non. Je n'en avais pas. C'était une ligne normale, par fil.

 28   Q.  Donc ils vous ont appelé à quel endroit, dans quelle maison ?

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  1   R.  Ils ne m'ont pas appelé directement. Mais un ami d'une de mes nièces a

  2   été contacté par téléphone, par eux.

  3   Q.  Que lui a-t-on dit ?

  4   R.  "Est-ce que ceci est la maison de Fuat," et elle a répondu : "Non."

  5   Elle a dit : "Pardon, je crois que nous avons appelé le mauvais numéro.

  6   Est-ce que vous connaissez le numéro de Fuat ?" Mais, à ce moment-là, il

  7   n'y avait personne chez moi parce que, dans la maison de mon oncle, qui se

  8   trouve face à la même cour que ma propre maison, avait été incendiée. Ils

  9   ont pensé qu'il s'agissait de ma maison, en l'occurrence.

 10   Q.  A ce moment-là, vous vous trouviez dans le voisinage, à proximité, je

 11   crois ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Qui téléphonait ? Est-ce qu'ils ont dit quelque chose qui permettait de

 14   les identifier d'une manière ou d'une autre ? Qui a appelé l'ami de votre

 15   nièce ?

 16   R.  Ils ont dit qu'ils étaient de la police.

 17   Q.  Est-ce que vous avez parlé directement à cet ami ou à la nièce qui

 18   avait entendu dire cela par cet ami ?

 19   R.  Ma nièce m'a raconté cela, et alors j'ai voulu parler à son ami

 20   personnellement, de ce qui s'était passé, et ma nièce m'a dit que je devais

 21   prendre la fuite parce que j'étais recherché par la police.

 22   Q.  Est-ce que vous savez que vous n'aviez pas mentionné ce coup de

 23   téléphone dans votre déclaration par le passé, ni dans vos dépositions

 24   précédentes ?

 25   R.  Bien des choses que j'ai oubliées de mentionner parce qu'on ne m'a pas

 26   posé de question sur tous ces points. J'ai beaucoup de choses à dire, et

 27   cette déclaration est trop limitée, trop exigu pour tout dire.

 28   Q.  Mais vous avez utilisé ça comme une base pour expliquer comment vous

Page 7003

  1   saviez que la police vous recherchait, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Donc c'est effectivement important par rapport à la raison pour

  4   laquelle vous vous cachiez, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, bien sûr, c'était un signe. Pas seulement le coup de téléphone

  6   mais le fait que ce personnel du conseil a été arrêté le 23, et le 24, et

  7   le fait que des membres du personnel m'ont dit que j'étais recherché.

  8   C'était un motif de plus.

  9   Q.  Mais vous n'avez aucune façon d'être sûr de qui en fait téléphonait à

 10   cet ami de votre nièce, n'est-ce pas ?

 11   R.  A l'époque, ce n'était pas important. Je ne l'ai mentionné que comme un

 12   détail.  

 13   Q.  Donc à partir du 5 avril vous étiez dans votre maison ?

 14   R.  Les gens en fait étaient en train de se faire tuer, les coups de

 15   téléphone ça n'avait vraiment aucune importance à l'époque.

 16   Q.  Le 5 avril, vous vous trouviez dans votre maison, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ça c'est pendant le reste du conflit ?

 19   R.  A l'exception de ces dix jours dans laquelle je suis allé dans la

 20   maison de mon oncle dans un autre quartier.

 21   Q.  Quels sont ces dix jours où vous êtes allé à la maison de votre oncle

 22   approximativement ?

 23   R.  Bien, c'était en avril, à la mi-avril.

 24   Mme O'LEARY : [interprétation] Pourrait-on présenter la pièce P1069 à

 25   l'écran, s'il vous plaît ?

 26   Q.  C'est la carte que vous avez marquée hier de façon à ce que nous

 27   puissions voir peut-être où vous vous trouviez pendant ces dix jours.

 28   Pendant la période où vous vous trouviez dans votre maison à partir du 5

Page 7004

  1   avril jusqu'à la mi-avril, avant que vous ne vous rendiez à la maison de

  2   votre oncle, est-ce que vous êtes sorti du tout, ou est-ce que vous êtes

  3   resté dans votre maison sans sortir ?

  4   R.  Je suis sorti de la maison.

  5   Q.  Est-ce que vous avez parlé à quelqu'un ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Vous avez rencontré des gens dans la rue ?

  8   R.  Oui, essentiellement, des femmes et des personnes âgées qui allaient

  9   d'un quartier à un autre, se déplaçaient d'un quartier à un autre, et qui

 10   portaient des aliments et qui allaient enterrer des membres de leur famille

 11   dans des cours de maison. Ils n'avaient pas enterré les membres de leur

 12   famille avec une cérémonie dans le cimetière de la ville et ceci en raison

 13   de la police. Plus de 30 corps ont été ensevelis dans des cours de maison.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   R.  Ceci également n'est pas dans ma déclaration.

 16   Q.  Oui, je comprends mais ça a été fait dans votre déclaration, donc est-

 17   ce qu'il y avait des jeunes gens à l'époque, ou vous dites que vous avez

 18   seulement vu -- excusez-moi, j'avais pas entendu votre réponse.

 19   R.  C'était important pour le tribunal, les jeunes faisaient très

 20   attention, ils essayaient d'éviter les rues à cause des enlèvements et des

 21   meurtres. Si on les avait trouvés sur les rues, ils auraient été tués ou

 22   enlevés ou arrêtés, ou torturés.

 23   Q.  Est-il possible que ces jeunes gens aient été mêlés ou participés à

 24   l'UCK et c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas vu dans les rues ?

 25   R.  Très peu. Il y en avait très peu de ces jeunes gens qui étaient dans

 26   l'UCK.

 27   Q.  Est-ce que vous avez eu l'impression que l'UCK avait une présence très

 28   forte à Gjakova à l'époque ?

Page 7005

  1   R.  Non.

  2   Q.  Est-ce que vous connaissiez personnellement quelqu'un qui participe à

  3   l'UCK ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Je voudrais maintenant passer aux dommages causés au patrimoine

  6   culturel dont vous parlez dans votre déclaration, et là, vous dites, à la

  7   page 3 du texte anglais, que :

  8   "Depuis 1990, les Albanais qui se trouvaient là ont été détruits par

  9   les Serbes."

 10   Je voudrais me centrer sur 1998 et 1999, et je voudrais savoir : qu'est-ce

 11   qui a été détruit pendant cette période ?

 12   R.  A Gjakove et dans ces faubourgs environ 6 000 bâtiments de ce genre ont

 13   été endommagés. Pourriez-vous, s'il vous plaît, me donner la référence ?

 14   Q.  Bien sûr, c'est la page 3 de l'anglais approximativement à mi-chemin

 15   dans la page.  Il s'agissait :

 16   "On m'a posé des questions concernant les dommages au patrimoine

 17   culturel."

 18   Je suppose que, pour l'Albanais, ça doit être vers la fin de la page

 19   3 et au début de la page 4.

 20   R.  Je n'arrive pas à voir le numéro de la page.

 21   Q.  Il semble que nous ayons un petit problème technique. Je voudrais vous

 22   demander ce que vous savez concernant les mosquées à Gjakova. Nous pourrons

 23   spécifiquement parler de cela sans avoir votre déclaration tout de suite.

 24   Combien de mosquées se trouvaient là à Gjakova ?

 25   R.  Onze, à ce que j'ai su.

 26   Q.  En 1998 et 1999, quelles sont celles qui ont subi des dommages dans le

 27   conflit ?

 28   R.  La mosquée principale qui est la plus grande du Kosova, celle qui a été

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  1   construite il y a 400 ans et dont l'anniversaire était en fait en 2004; pas

  2   seulement des mosquées mais aussi les maisons anciennes ayant de la valeur

  3   du point de vue architecturale, telle que la maison d'Ali Aga et obélisque.

  4   Q.  Je vous remercie, Monsieur Haxhibeqiri. Je voudrais maintenant que nous

  5   nous concentrions seulement sur les mosquées pour le moment et nous

  6   passerons aux dommages causés à autre chose plus tard.

  7   Mais avec la mosquée vous dites qu'il y en avait 11 en ville, vous dites

  8   qu'il y avait des dommages à la mosquée principale qui avait 400 ans. Est-

  9   ce qu'il y avait des dommages à d'autres mosquées en ville ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Maintenant, hier alors que nous parlions de cette principale mosquée

 12   vous avez dit que vous aviez observé, vous avez été témoin des dommages

 13   causés, et je pense que vous avez dit :

 14   "Oui, le 7 ou le 8, je ne suis pas sûr, je me trouvais dans la cour

 15   de ma maison, lorsque le minaret des mosquées, j'ai vu qu'il y avait

 16   apparemment ce que je crois avoir été une explosion intérieure et ça s'est

 17   effondré."

 18   C'est bien ça ?

 19   R.  Quant à savoir si c'était une explosion intérieure ou extérieure, ça je

 20   ne le sais pas de façon certaine. Mais je sais qu'il y a eu ce nuage de

 21   fumée lorsque le minaret s'est effondré. Je n'ai vu que le minaret au

 22   moment où il s'effondrait.

 23   Q.  Vous dites je crois avoir une déclaration de témoin précédente qu'on

 24   vous a demandé spécifiquement :

 25   "Est-ce que l'on pouvait conclure que vous n'avez pas vu ceci

 26   directement ?"

 27   Votre réponse a été :

 28   "Oui, les débris sont tombés sur mon livre. Oui, j'ai entendu une

Page 7007

  1   explosion et plus tard, j'ai vu le minaret qui avait été coupé en deux."

  2   C'est bien cela ?

  3   R.  Oui, c'est exact. Je l'ai vu directement. J'avais mon livre en main et

  4   j'ai simplement regardé vers le haut et j'ai vu le minaret s'effondré et

  5   les débris me sont tombés en partie sur ma tête alors que je me trouvais là

  6   avec mon livre dans les mains.

  7   Q.  Donc ce qui me pose certains problèmes -- enfin, des confusions c'est

  8   qu'en fait vous avez vu qu'il s'effondrait, ou est-ce que vous avez entendu

  9   l'explosion et regardé vers le haut et vu qu'il était divisé en deux ?

 10   Laquelle de ces deux possibilités ?

 11   R.  J'ai vu le minaret s'effondré. Après, les débris sont tombés.

 12   Q.  Donc il n'est pas exact de dire que les débris sont tombés sur mon

 13   livre, que vous avez entendu l'explosion et que plus tard vous avez su que

 14   le minaret ait été coupé en deux. Ce n'est pas exact. Vous l'avez vu en

 15   fait ?

 16   R.  J'ai vu le moment où il était en train de s'effondrer.

 17   Q.  Donc votre déclaration, dans le procès antérieur, n'était pas exacte en

 18   ce qui concerne ce point ?

 19   R.  Mais qu'est-ce que j'ai dit dans un autre procès ?

 20   Q.  Mais pour donner la chance des parties, c'est à T1201, lignes 3 à 9

 21   dans Milutinovic. Vous dites -- et la question vous a été posée :

 22   "Donc nous pouvons conclure que vous n'avez pas vu ceci directement,

 23   que vous avez seulement entendu l'explosion et que vous avez vu ensuite des

 24   fragments qui sont entrés dans votre chambre; c'est bien cela ?"

 25   Votre réponse a été :

 26   "Oui, des débris sont tombés sur mon livre et j'ai entendu

 27   l'explosion, et ensuite j'ai vu le minaret qui était coupé en deux."

 28   Q.  Lorsque la poussière et les débris, qui ont été causés par l'explosion,

Page 7008

  1   alors que vous pouviez voir clairement devant vous -- devant moi -- a dit

  2   le témoin --

  3   R.  A ce moment-là, j'ai vu que s'était effondré.

  4   Q.  Et alors --

  5   R.  J'ai vu, à ce moment-là, l'étendue du dommage.

  6   Q.  Bien. Donc une fois que le nuage est retombé, les débris, vous avez vu

  7   que c'était coupé en deux ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous, où vous trouviez-vous au moment où le nuage de fumée est passé et

 10   vous avez vu le minaret coupé en deux ?

 11   R.  Dans la cour de ma propre maison, et je faisais face à la mosquée.

 12   Q.  Je suis un petit peu dans le doute là parce qu'hier, lorsque vous avez

 13   dit :

 14   "Que vous étiez dans la cour de votre maison, vous avez ajouté qu'à

 15   ce moment-là, vous étiez monté au deuxième étage et à partir du toit, je

 16   suivais ce qui se passait. Dans les cinq minutes qui ont suivi, le minaret

 17   s'est effondré et je n'ai vu personne."

 18   Donc quand est-ce que vous êtes allé sur le toit de votre maison ?

 19   R.  C'est exact.

 20   Q.  Quand êtes-vous allé sur le toit de la maison ?

 21   R.  Mais immédiatement après l'explosion, je suis monté, j'ai couru pour

 22   aller à l'étage, pour observer la situation.

 23   Q.  Donc afin que je sois bien au clair sur ce point. Vous étiez dans la

 24   cour, vous lisiez un livre, vous avez entendu une explosion, il y avait des

 25   débris. Vous avez regardez en l'air. Vous avez vu que le minaret était

 26   coupé en deux. Ensuite vous vous êtes élancé vers le toit pour suivre la

 27   situation; c'est bien cela ?

 28   R.  Oui. Est-ce que c'est clair maintenant ?

Page 7009

  1   Q.  Ça l'est maintenant, oui. Je vous remercie.

  2   A ce moment-là, vous --

  3   R.  Enfin.

  4   Q.  Bien, écoutez, je vous remercie de votre patience. Mais vous avez dit,

  5   à ce moment-là :

  6   "Je n'ai vu personne-là."

  7   Est-ce exact ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Donc vous n'avez aucun renseignement pour savoir comment le dommage a

 10   été causé personnellement ?

 11   R.  Non. Ce que je sais c'est que l'OTAN ne l'a pas bombardé.

 12   Q.  Je n'étais pas en train de vous demander d'éliminer certaines

 13   possibilités. J'étais simplement en train de vous dire que vous n'aviez pas

 14   de connaissances directes de la façon dont cela s'est effondré; c'est exact

 15   ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Comme autre question que nous discutions et qui est liée à cela, vous

 18   étiez à l'extérieur dans votre cour, le 8 mai. Je pense que vous l'avez

 19   dit, dans votre déposition antérieure, qu'il était 13 heures 08 de l'après-

 20   midi; c'est exact ?

 21   R.  Oui, le 7. Le 7 c'est la date exacte.

 22   Q.  Approximativement 13 heures, n'est-ce pas ?

 23   R.  C'était -- il était exactement 1 heure 07.

 24   Q.  Est-ce que vous avez une cour enceinte d'un mur ?

 25   R.  La cour dans la direction de la mosquée était entourée de magasins qui

 26   ont tous été démolis et j'ai pu les voir de là.

 27   Q.  Je ne vous pose pas directement de questions sur ce que vous voyez, à

 28   ce moment-là, mais j'étais simplement, je me demandais est-ce que vous

Page 7010

  1   aviez des murs autour de votre cour ?

  2   R.  Dans la direction de la mosquée, la cour était juste au bord de

  3   magasins qui avaient été incendiés.

  4   Q.  Progressons.

  5   R.  C'est-à-dire que j'avais une vue très claire à partir de la cour.

  6   Q.  Mais vous avez déclaré dans votre déposition antérieure et dans votre

  7   déclaration, du 7 au 11 mai, que c'était le pire des combats entre l'UCK et

  8   [imperceptible] -- à Gjakova; est-ce exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Que c'est à ce moment-là que le minaret s'est effondré; c'est exact ?

 11   R.  Oui. Vous me parlez de quoi pour le moment ?

 12   Q.  Je vous parle du 7 mai.

 13   R.  Le 7, oui.

 14   Q.  Vous étiez donc à l'extérieur dans l'après-midi en train de lire un

 15   livre et la situation était suffisamment sûre pour pouvoir faire cela ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous n'avez pas été obligé de partir, comme les autres qui avaient reçu

 18   l'ordre de faire ?

 19   R.  Est-ce que vous pourriez répéter votre question, s'il vous plaît ?

 20   Q.  Je vous demandais au sujet du 7 mai, je disais que vous étiez encore là

 21   dans votre cour, et que vous n'avez pas été obligé de partir, comme vous

 22   dites de nombreuses autres personnes, de nombreux citoyens albanais avaient

 23   reçu l'ordre de le faire ?

 24   R.  Je n'ai pas communiqué avec eux. J'étais dans ma maison.

 25   Q.  Peut-être que je vais reformuler. Pourquoi êtes-vous resté à Gjakova ?

 26   R.  Pourquoi vous me posez cette question ?

 27   Q.  Parce que, si la majorité de la population avait été obligée de partir,

 28   forcée par la police et par les militaires, comme vous l'avez dit, et que

Page 7011

  1   la police vous recherchait, comme vous l'avez dit, je me demande : pourquoi

  2   vous n'avez pas été obligé de partir en tant que ressortissant albanais ?

  3   R.  J'ai dit que je n'avais pas été contraint de partir, mais j'ai

  4   également dit que j'avais peur d'être arrêté par la police, et pendant

  5   toute la période, j'ai fait extrêmement attention d'éviter d'être identifié

  6   dans mes mouvements.

  7   Q.  Est-ce que la police a arrêté ces recherches, à ce moment-là, le 7 mai

  8   ?

  9   R.  Je ne sais pas. La question semble peu pertinente. Je ne comprends pas

 10   le sens de votre question.

 11   Q.  A ce moment-là, vous vous sentiez suffisamment en sécurité pour rester

 12   dans votre cour et vous promenez dans la rue; est-ce exact ?

 13   R.  Je suivais les mouvements des forces armées, et je savais lorsqu'elles

 14   se déplaçaient. Il y avait des moments où je me sentais davantage en

 15   sécurité; lorsqu'il y avait des pauses dans les combats, c'était un peu

 16   plus calme. Pendant cette période, je me suis permis de lire, par exemple,

 17   et j'essayais probablement de me distraire des événements.

 18   Q.  Vous l'avez dit, à trois reprises, que les pires combats ont eu lieu

 19   entre l'UCK et la VJ, à Gjakova ont eu lieu entre le 7 et le 11 mai.

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  Est-ce que vous pensez qu'éventuellement la police avait arrêté ses

 22   recherches à votre encontre ?

 23   R.  C'est éventuellement possible.

 24   Q.  Je souhaiterais revenir aux maisons incendiées, car vous nous avez dit

 25   que de votre maison vous aviez vu deux ou trois incendies tous les jours.

 26   Vous nous avez dit plus tôt que vous aviez personnellement constaté des

 27   maisons mises à feu ?

 28   R.  Oui.

Page 7012

  1   Q.  Dans votre déposition, vous avez dit que :

  2   "J'ai vu des paramilitaires qui avaient mis feu à des maisons et pour

  3   ce faire utilisaient trois petits containers en plastic contenant de

  4   l'essence pour la mise à feu."

  5   Est-ce que vous avez vu cela de vos yeux ?

  6   R.  Oui, je l'ai vu personnellement et j'ai vu des magasins que l'on

  7   a mis à feu de cette façon, en utilisant ces containers, alors que les

  8   bureaux du Conseil de la défense des droits de l'homme et de liberté a été

  9   mis à feu en utilisant une allumette. Ils ont mis à feu les rideaux et

 10   ensuite, les locaux se sont embrasés. En deux, trois heures -- en trois,

 11   quatre heures, toutes les preuves recueillies pour ce Tribunal ont été

 12   brûlées.

 13   Q.  Quand cela a-t-il eu lieu ?

 14   R.  Pendant ces quatre jours, aux environs du 5 ou 6 mai, pardonnez-

 15   moi, le 8 ou le 9, pendant cette période.

 16   Q.  De quel mois ?

 17   R.  Le mois de mai.

 18   Q.  C'était entre le 7 et le 11 mai. Ça fait référence à cette période.

 19   Q.  Vous affirmez que vous avez vu quelqu'un allumer une allumette et

 20   mettre feu aux rideaux des bureaux, à ce moment-là.

 21   R.  Oui, je l'ai vu moi-même avec mon frère du toit de notre maison qui a

 22   été en partie brûlé et qui n'était pas revêtu de chaos. Une partie du toit

 23   n'avait pas de tuile.

 24   Q.  A quelle distance vous trouviez-vous, afin de pouvoir voir cela ?

 25   R.  Approximativement 100 mètres, peut-être plus près, 120.

 26   Q.  Donc vous n'avez pas pu discerner qui a allumé cette allumette. Mais à

 27   100 mètres, vous affirmez que vous avez pu distinguer quelqu'un, allumer

 28   une allumette, et mettre feu aux rideaux ?

Page 7013

  1   R.  Il y avait environ 50 officiers de police ou paramilitaires portant des

  2   brassards et des foulards à la tête, et ils rentraient dans tous les

  3   magasins, dans les locaux d'entreprises et les bureaux et j'ai vu un nombre

  4   important de magasins incendiés. Il y avait une rangée d'une vingtaine de

  5   magasins qui ont été incendiés par ces forces.

  6   Q.  S'il s'agissait de la période entre le 7 et le 11 mai, était-ce, à ce

  7   moment-là, qu'il y avait les combats, que les combats avaient lieu entre la

  8   VJ et l'UCK, ce que vous avez, à propos de quoi vous avez témoigné. A ce

  9   moment-là, l'UCK était présent; est-ce exact ?

 10   R.  Oui, sur la colline de Qabrati dans la banlieue de la ville.

 11   Q.  Hier, pardon, vous êtes en train de nous dire que vous arrivez à

 12   identifier une personne à 120 mètres, donc cette personne qui tenait

 13   l'allumette dans ses mains et qui a mis feu aux rideaux de votre maison,

 14   vous avez pu identifier à quel groupe armée il appartenait ?

 15   R.  Oui. D'après l'uniforme qu'il portait.

 16   Q.  Que portait-il ? Arriviez-vous à décerner à 120 mètres ?

 17   R.  Je dirais les forces paramilitaires --

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  Je souhaitais vous décrire ce qu'ils portaient. Ils portaient des

 20   treillis, on voyait des brassards qui n'indiquaient pas la police ou

 21   l'armée ordinaire. Il s'agissait de paramilitaires qui travaillaient de

 22   concert avec la police et l'armée.

 23   Q.  Nous allons y venir dans un instant. Mais vous me dites qu'à 120 mètres

 24   vous arriviez à discerner les brassards ?

 25   R.  Oui. J'arrivais à les identifier car je les avais vus de près

 26   également, à cinq mètres. Je les voyais tous les jours alors qu'ils

 27   passaient devant chez moi; je voyais des forces de police ou des

 28   paramilitaires.

Page 7014

  1   Q.  Faisait-il nuit ?

  2   R.  Non, c'était pendant la journée.

  3   Q.  Pouvez-vous décrire les brassards que vous avez vus ?

  4   R.  Pas uniquement la personne qui a mis le feu aux bureaux, j'ai remarqué

  5   des brassards portés par les forces paramilitaires dans des centaines de

  6   cas. Tout comme on peut constater que je porte des écouteurs, j'ai pu

  7   discerner ces brassards que portaient ces personnes.

  8   Q.  Moi, je vous affirme que 120 mètres c'est une distance relativement

  9   grande pour pouvoir discerner un brassard ou un insigne; êtes-vous d'accord

 10   ?

 11   R.  Alors peut-être que la distance était moindre. Mais je ne peux pas être

 12   très précis.

 13   Q.  Mais même si c'était plus proche --

 14   R.  Peut-être était-ce à 80 mètres, mais je les voyais qui portaient des

 15   serviettes car il faisait très chaud à cause des incendies dans les maisons

 16   et les magasins. En fait, ils étaient dans une des entreprises en train de

 17   faire un jeu de billard, et ensuite ils sont sortis et ils ont mis le feu

 18   aux entreprises et aux magasins. Au moins dix à 15 en rangée.

 19   Q.  Comment saviez-vous qu'ils jouaient au billard ?

 20   R.  Je les voyais de chez moi. En face de chez moi se trouvait une

 21   entreprise où on pouvait jouer au billard, et du haut de chez moi, on

 22   pouvait le voir.

 23   Q.  Donc vous dites que vous avez vu ces messieurs jouer au billard, vous

 24   avez les avez vus sortir, parcourir 100 mètres, allumer une allumette, et

 25   mettre le feu aux bâtiments y compris votre bureau; est-ce là ce que vous

 26   nous dites ?

 27   R.  Non, ils ne sont pas éloignés. Ils se trouvaient dans les magasins et

 28   ils y ont mis feu. Je me trouvais à peu près à 100 mètres et suivi ce qui

Page 7015

  1   se passait.

  2   Q.  Je sais que, dans votre déclaration préalable - et je crois que vous

  3   l'avez dit dans vos dépositions précédentes - vous avez dit qu'il y avait

  4   une entreprise Agimi, je crois - et pardonnez ma prononciation - et vous

  5   avez dit qu'elle avait été incendiée le 24 --

  6   R.  Il s'agit -- faites-vous référence à Agimi ?

  7   Q.  Vous l'avez mentionné auparavant, mais vous n'aviez pas dit que les

  8   bureaux de conseil avaient été incendiés.

  9   R.  Je l'ai mentionné dans ma déclaration, et vous le retrouverez dans le

 10   compte rendu d'audience également. Je me souviens très bien il y a trois

 11   ans l'avoir dit, tout comme je vous le dis aujourd'hui. C'est très clair

 12   dans ma mémoire, et j'ai pleuré lorsque j'ai vu les bureaux dans lequel je

 13   travaillais étaient en flammes. Je ne l'oublierai jamais.

 14   Q.  Le compte rendu d'audience est relativement long, et je serais obligée

 15   de le lire afin de retrouver ou afin d'infirmer ce que vous dites, mais

 16   c'est relativement simple.

 17   R.  Vous pouvez le lire dans le compte rendu d'audience.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître O'Leary, est-ce un bon moment ?

 19   Mme O'LEARY : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les Juges ont-ils raison de penser que

 21   vous aurez terminé aujourd'hui ?

 22   Mme O'LEARY : [interprétation] Oui. Je pense que j'aurai terminé

 23   relativement vite.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Malheureusement, je ne serais pas

 25   présent pour la dernière audience -- pour le dernier volet. Je dois me

 26   trouver ailleurs dans le bâtiment. Les deux autres Juges continueront

 27   conformément à la Règle 15 bis à présider l'audience.

 28   Nous allons maintenant nous arrêter et nous reprendrons à 18 heures 15.

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  1   --- L'audience est suspendue à 17 heures 45.

  2   --- L'audience est reprise à 18 heures 17.

  3   M. LE JUGE FLUGGE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître

  4   O'Leary.

  5   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Monsieur Haxhibeqiri, j'ai encore quelques questions. Pendant la pause,

  7   j'ai eu l'occasion de relire votre déposition et je n'ai pas vu que vous

  8   ayez mentionné le fait que vos bureaux aient été incendiés. J'ai, par

  9   contre, vu que l'entreprise de génie avait brûlée, mais je n'ai pas vu que

 10   les bureaux du conseil avaient brûlé dans votre déposition de 2001; est-ce

 11   exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Cette déclaration vous a été relue dans une langue que vous comprenez;

 14   est-ce exact ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Lorsque vous avez signé cette déclaration; est-ce exact ?

 17   R.  Oui, bien sûr.

 18   Q.  Vous l'avez signée, sans demander que l'on n'inclue le fait que les

 19   bureaux de votre conseil avaient été incendiés ?

 20   R.  D'autres éléments encore plus intéressants avaient été omis des

 21   éléments qui étaient d'une plus grande importance ? Comme je vous l'ai dit,

 22   cette déclaration n'est pas complète.

 23   Q.  Mais étant donné que vous étiez président, n'était-ce pas important ?

 24   R.  Cette déclaration n'est pas complète toutefois lors de ma déposition

 25   ici il y a trois ans, je suis certain de l'avoir mentionné le fait que les

 26   bureaux du conseil avaient été incendié quelque chose que j'ai vue de mes

 27   yeux.

 28   Q.  Dans votre déclaration, s'agit-il de la rue Asim Vokshi ?

Page 7018

  1   R.  Oui.

  2   Q.  A la page dans la version anglaise, vous parlez --

  3   R.  C'est la rue en dessous de cette rue.

  4   Q.  Avez-vous indiqué très clairement qu'il y avait eu incendie ?

  5   R.  Le nom de la rue est Asim Vokshi.

  6   Q.  Vous n'avez pas indiqué que les bureaux du conseil avaient été

  7   incendiés; n'était-ce pas un élément suffisamment important pour l'inclure

  8   dans votre déclaration préalable au Tribunal, étant donné que vous étiez

  9   président ?

 10   R.  Peut-être était-ce une omission de ma part. Estimez-vous que c'était

 11   une erreur de ne pas l'inclure dans ma déclaration ? Et si j'ai omis de le

 12   dire à ce moment-là, je le fais maintenant et les Juges peuvent l'entendre

 13   maintenant. Toutefois, je souligne le fait à nouveau que j'ai indiqué cet

 14   événement, le fait que les bureaux du conseil ont été incendiés, et cela,

 15   au moment de ma déposition il y a trois ans.

 16   Q.  Je ne remets pas en question le fait que vos bureaux ont été

 17   incendiées, ce que je remets en question c'est que vous avez vu à 120

 18   mètres que quelqu'un que vous avez décrit comme étant un paramilitaire à

 19   gratter une allumette et a mis feu au bâtiment, à l'intérieur du bâtiment.

 20   L'avez-vous vu de vos yeux ?

 21   R.  Oui. Je l'ai vu de mes yeux.

 22   Q.  Poursuivons. J'ai affiché à l'écran la carte que vous avez marquée hier

 23   et il me semble -- j'aimerais que vous indiquiez deux ou trois choses d'une

 24   couleur différente que route ainsi pour marquer la différence. Est-ce que

 25   vous pourriez -- savez-vous où se trouve l'église catholique appelée

 26   l'église Saint-Jacques ?

 27   R.  Il n'y a pas d'église Saint-Jacques à Gjakove.

 28   Q.  Y a-t-il des églises catholiques à Gjakova ?

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  1   R.  Oui, il y en a.

  2   Q.  Comment s'appellent-elles ?

  3   R.  Il y a l'église Saint-Paul, église catholique de Gjakove. Q.  Nous

  4   parlons de la ville, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Où se trouve l'église catholique de Saint-Jacques ? Se trouve-t-elle

  7   dans la municipalité -- ?

  8   R.  Je n'ai pas connaissance d'une église portant le nom de Saint-Jacques

  9   dans la municipalité de Gjakove. Il existe deux églises à Gjakove.

 10   Q.  Au cours de votre déposition précédente, on vous a demandé :

 11   "Pourquoi vous n'aviez pas mentionné les dégâts subis par l'église

 12   catholique de Saint-Jacques à Djakovica ?

 13   Vous avez répondu :

 14   "Que cette église n'était pas -- ne fonctionnait pas et qu'il y avait

 15   eu des dommages collatéraux du fait des frappes aériennes de l'OTAN, et

 16   qu'un professeur avait demandé la permission de reconstruire cette église

 17   après la guerre même si c'était une église qui n'était pas utilisée. Elle

 18   avait été endommagée et que vous n'aviez pas organisé l'exposition."

 19   Ici :

 20   "Que cette église avait été endommagée par les bombardements de

 21   l'OTAN ?"

 22   Donc je me demande : quelle est cette église Saint-Jacques ?

 23   R.  Il s'agit de la mosquée Saint-Dao [phon] qui est en face de la caserne

 24   de la VJ à l'époque. Du fait des bombardements de la caserne, la nouvelle

 25   église, qui était à côté de la caserne, n'a pas été sérieusement endommagée

 26   et il ne s'agissait que de dommages collatéraux. Les frappes aériennes de

 27   l'OTAN étaient extrêmement précises quant à la frappe des cibles aucune

 28   installation civile n'a été bombardée. Il ne bombardait que les

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  1   installations militaires et de police.

  2   Q.  Bon. Si j'ai bien compris, on vous demandait si on vous posait une

  3   question sur la mosquée et non pas sur l'église catholique; est-ce exact ?

  4   R.  Il s'agit d'une église et non pas d'une mosquée. La mosquée musulmane,

  5   c'est une installation musulmane alors que l'église est une installation --

  6   un bâtiment chrétien.

  7   Q.  Merci, Monsieur Haxhibeqiri. Pourriez-vous indiquer sur ce plan où se

  8   trouve le quartier Novi Blok ?

  9   R.  Cet endroit-là.

 10   [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Est-ce exact que de nombreuses maisons ont été détruites par une bombe

 12   ayant pris feu également ?

 13   R.  Non, ce n'est pas exact. Pas une seule bombe n'est tombée à Blloku i

 14   Ri, à l'exception d'une bombe qui a frappé le bâtiment du SUP, le 21 ou le

 15   22 mai, vers 15 heures.

 16   Q.  Cet emplacement se trouve-t-il sur la carte, à savoir l'endroit où est

 17   tombée la bombe ?

 18   R.  Je ne vois pas cette indication sur cette carte. Je ne peux que

 19   supposer, je peux indiquer l'orientation au sud-est.

 20   Mme O'LEARY : [interprétation] Monsieur le Président, pourrions-nous verser

 21   cette pièce au dossier ?

 22   M. LE JUGE FLUGGE : [interprétation] Le versement est accepté.

 23   M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

 24   Mme O'LEARY : [interprétation] Pardonnez-moi.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira, Monsieur le Président, de la

 26   pièce à conviction portant la cote D00307.

 27   Mme O'LEARY : [interprétation] Peut-on voir apparaître à l'écran la pièce à

 28   conviction portant la cote P696, s'il vous plaît.

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  1   Q.  Est-il vrai que l'OTAN a lourdement bombardé la ville et la

  2   municipalité de Gjakova au cours de la campagne aérienne -- de frappes

  3   aériennes ?

  4   R.  Dans la ville de Gjakove, seules les cibles militaires et policières

  5   ont fait l'objet des bombardements de l'OTAN, et seule une personne civile

  6   a été tuée. Le premier bâtiment qui a été bombardé était le bâtiment du SUP

  7   et le civil qui est décédé des suites de ce bombardement vivait jusqu'à

  8   côté du bâtiment du SUP. Il se trouve qu'il était à la salle de bain au

  9   moment où le bâtiment du SUP a été frappé et pilonné et il en est mort.

 10   Q.  Avez-vous entendu parler du bombardement d'une colonne de réfugiés dans

 11   la municipalité de Djakovica, au sud de la ville ?

 12   R.  Oui, oui.

 13   Q.  Comment pouvez-vous continuer de nous dire que les bombardements de

 14   l'OTAN n'avaient que des cibles précises ? Comment pouvez-vous expliquer

 15   cet incident à ce moment-là ?

 16   R.  Je vous parle de la ville de Gjakove. La colonne qui a été l'objet des

 17   frappes était à l'extérieur de la ville. Elle était dans un village.

 18   Q.  Donc les bombardements et la campagne de bombardement de l'OTAN

 19   n'étaient précis que dans les limites précises de la ville proprement dite

 20   de Gjakova ?

 21   R.  Des cibles militaires et des forces de la police ou des bases, à

 22   l'exception de sept seules victimes civiles. L'usine dans la partie nord de

 23   la ville avait été ciblée également, en dépit du fait qu'il s'agissait

 24   d'une installation civile, mais il y avait une forte concentration de

 25   forces de police et de forces militaires serbes dans la cour intérieure de

 26   cette usine.

 27   Q.  Donc quelle était la cible militaire ou policière s'agissant de ce

 28   convoi de réfugiés ?

Page 7022

  1   R.  Je crois que c'était à l'OTAN qu'il faudrait poser la question.

  2   Q.  Je vous invite à examiner le document qui apparaît à l'écran, page 2.

  3   Désolée, je n'ai pas la version albanaise, je peux faire lecture du passage

  4   qui nous intéresse. Nous l'avons en anglais ainsi qu'en serbe qui est

  5   l'original.

  6   Il est dit :

  7   "Le ministère de l'Intérieur fait état d'un rapport de synthèse des

  8   événements du 28 mars 1999."

  9   Je sais que vous êtes à même de lire l'anglais un peu, en tout cas -- ou en

 10   tout cas, le serbe, vous allez peut-être pouvoir nous suivre.

 11   Je propose qu'on fasse défiler le texte vers le bas. Le tout premier

 12   paragraphe décrit les attaques de l'OTAN à Djakovica.

 13   Il est dit :

 14   "Dans une attaque menée par les forces armées de l'OTAN sur les casernes de

 15   Devet et Jugovica à Djakovica, aux environs de 21 heures 10, le 26 mars

 16   1999, les équipements militaires et dépôts de munition ont fait l'objet de

 17   frappes d'explosion à provoquer un incendie qui a amené l'ensemble de

 18   l'installation à brûler. Des dommages matériels considérables ont été

 19   causés aux maisons voisines dont étaient propriétaires essentiellement des

 20   Serbes et des Monténégrins."

 21   Est-ce que c'est là l'événement dont vous parliez dans la partie nord de la

 22   ville ?

 23   R.  Vous faites peut-être erreur ici. Il n'y a pas de casernes Devet et

 24   Jugovica à Djakovica.

 25   Q.  Très bien. Si vous examinez le reste du paragraphe, vous verrez que :

 26   "L'OTAN a également bombardé le quartier de Novi Blok détruisant 40

 27   foyers qui ont pris feu. Mark Malota, Morina, Hajdar Vula" - puis on a une

 28   mention d'une date - "et Mahkmut Vula, tous de Djakovica, ont été tués. Il

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  1   est possible qu'il ait davantage de personnes qui aient été tuées dans le

  2   courant de ces attaques et qui sont enterrées sous les décombres."

  3   Est-ce que c'est la zone que vous venez d'indiquer au moyen d'un marqueur

  4   sur la carte ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous nous dites que ce document est inexact ?

  7   R.  Absolument, c'est parfaitement inexact. Il n'y a pas une once de vérité

  8   dans ce texte. J'ai -- je me suis entretenu avec les proches de ceux qui

  9   ont été tués de la famille Vula, Mark Malota, j'ai eu l'occasion de lui

 10   parler un ou deux jours avant les événements, ou plus précisément, j'étais

 11   avec lui le 23. Il a été arrêté par la police et il a été tué par la

 12   police.

 13   Le 26, un pont a -- il a été jeté depuis un pont. Il était dirigeant

 14   du Parti démocratique du Kosova, section de Gjakove. Pour ce qui est de

 15   l'autre victime, en fait, ils étaient dans le quartier de Blloku i Ri.

 16   J'étais -- je m'étais réfugié et j'ai pu voir que les forces de police, à 4

 17   heures du matin, escortées par une vingtaine de Jeeps et de Pinsgauers,

 18   avec tous phares allumés, mais uniquement le premier avec les phares

 19   allumés. Ceux, qui ont eu l'occasion de voir le film d'horreur de

 20   Hitchcock, pourront comprendre cette situation. Le film Hitchcock, c'est

 21   plutôt drôle à regarder contrairement aux horreurs qui étaient une réalité

 22   sur le terrain à l'époque.  Moi, je vous explique comment je me sentais à

 23   l'époque moi-même et d'autres Albanais étaient finalement les protagonistes

 24   de la liste de Schindler, si vous vous souvenez du film.

 25   Q.  Monsieur Haxhibeqiri, il ne nous reste plus beaucoup de temps. Je

 26   comprends que vous avez envie de parler de certaines choses, mais ce que je

 27   souhaite vous poser, c'est la question suivante : est-ce que vous pouvez

 28   accepter qu'il y ait eu des incidents qui ont été les conséquences d'un

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  1   effet collatéral des bombardements par les forces de l'OTAN de la

  2   municipalité de Djakovica, et plus spécifiquement de la ville de Djakovica

  3   ?

  4   R.  Aucun fait n'étaye cette thèse, selon laquelle des bombes sont tombées

  5   sur la ville, frappant des installations civiles, exception faite des

  6   endroits que j'ai cités.

  7   Q.  Très brièvement je souhaiterais à présent discuter de meurtre que vous

  8   avez évoqué. Vous dressez une liste des victimes dans votre déclaration

  9   écrite et vous indiquez que ce sont là des propos que vous avez entendus

 10   tenir par d'autres. Est-il vrai qu'au cours de cette période, vous n'avez

 11   été témoin d'aucun meurtre, vous n'en avez qu'entendu parler, ou bien vous

 12   avez vu une dépouille mortelle, un cadavre ?

 13   R.  Non, j'ai vu des gens tuer, moi-même.

 14   Q.  Est-ce que vous avez vu des gens tuer, au moment où on les tuait ou

 15   est-ce que vous n'en avez vu que leur corps, une fois qu'ils étaient morts

 16   ?

 17   R.  Non, je ne les ai vus que quand ils étaient déjà morts, dans la rue.

 18   Q.  Donc vous ne connaissez pas la cause précise de la mort des personnes

 19   dont vous avez vu les corps; est-ce exact ?

 20   R.  Il suffisait d'être Albanais, pour être tué par ces forces, qui

 21   n'avaient aucune responsabilité légale et qui n'avaient aucun sens de

 22   l'éthique. Il suffisait d'être Albanais. Il n'y avait aucune valeur

 23   humanitaire non plus. Il n'avait aucune pitié et n'estimait avoir aucune

 24   responsabilité à l'égard d'autres êtres humains.

 25   Q.  Si on examine la liste que vous dressez dans votre déclaration, vous

 26   décrivez cet incident, page 7, pour le premier, le 25 mars, le 26, le 27,

 27   le 31, puis l'on passe à la page suivante, le 1er, le 2, le 3 et le 4, et à

 28   tous ces moments vous étiez caché; est-ce exact ?

Page 7025

  1   R.  Non.

  2   Q.  Quand au cours de cette période n'étiez pas caché ?

  3   R.  Je me réfugiais, je ne suis pas tombé entre les mains de la police. Je

  4   ne sais pas ce que vous vouliez dire lorsque vous me dites que je me

  5   cachais. Se réfugier, ça veut éviter de tomber entre les mains des forces

  6   serbes.

  7   Q.  J'utilisais le terme "se cacher," parce que c'est le terme que vous

  8   utilisez dans votre déclaration. C'est vrai que, parfois dans votre

  9   déclaration, en page 2, vous parlez du fait que vous vous réfugiez mais,

 10   pour le 2, vous dites que vous vous cachiez dans une canalisation.

 11   R.  Oui, effectivement. Allez se mettre dans une canalisation c'est se

 12   cacher. Mais pour ce qui est du reste de l'histoire, à savoir la période au

 13   cours de laquelle j'essayais d'éviter d'être capturé par la police ou les

 14   paramilitaires ou l'armée, là, je fais simplement preuve de vigilance à

 15   l'époque. Vous savez, je ne dormais pratiquement pas. J'ai très peu dormi

 16   au cours de cette période de sept à huit jours d'horreur.

 17   Q. Monsieur Haxhibeqiri, il est dit ici également, en page 6, que vous vous

 18   cachiez le 26; est-ce que vous vous cachiez le 26 ?

 19   R.  Le 26 de quel mois ?

 20   Q.  Mars.

 21   R.  Comme je vous l'ai dit, nous sommes allés nous cacher dans la

 22   canalisation au moment où les forces sont entrées dans le quartier, et nous

 23   y sommes restés pendant un certain nombre d'heures, une ou deux, et ensuite

 24   nous en sommes ressortis. Lorsqu'on estimait que le danger immédiat n'était

 25   plus présent que l'on risquait moins d'être capturé.

 26   Q.  J'affirme ici que, s'agissant de ce victime individuelle, dont vous

 27   dites que des témoins vous ont dit qu'ils avaient été pris, c'est ce qu'on

 28   aperçoit des vos déclarations. Mais, vous-même, vous n'avez été témoin

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  1   oculaire d'aucun de ces événements. Vous dites : j'ai des témoins qui

  2   disent.

  3   R.  Précisez un petit peu les événements. Vous pouvez difficilement tout

  4   mettre dans une seule et même phrase; parlez-moi de date et, à ce moment-

  5   là, je vous répondrais.

  6   Q.  Page 6, dans la version anglaise. Dans votre déclaration, c'est

  7   probablement la page 6 ou 7, dans votre version. Je n'évoquerais pas l'une

  8   à la suite de l'autre parce qu'ils sont au nombre d'un, deux, trois,

  9   quatre, il y en a au moins une quinzaine, quinze événements différents.

 10   Donc vous dites que d'autres témoins vous en ont parlé.

 11   Donc la question que je vous pose est la suivante : est-ce que ce

 12   sont des informations que vous avez obtenues dans le cadre de vos activités

 13   au conseil que vous évoquez et que vous ne faites finalement que rappeler

 14   cela à votre mémoire ?

 15   R.  De quelle date parlez-vous ?

 16   R.  Je parle de votre déclaration. Vous dites :

 17   "Suite à mes enquêtes, j'ai des témoins qui disent…"

 18   Le premier est Mark Malota, et quelqu'un vous a raconté cette histoire que

 19   vous avez là ?

 20   R.  Ma femme -- non, excusez-moi, la femme de Malota m'a raconté cette

 21   histoire.

 22   Q.  Est-ce que vous avez vu le nom de Mark Malota dans le dernier document,

 23   comme ayant été tué par une bombe de l'OTAN; est-ce que nous ne l'avons pas

 24   vu ?

 25   R.  Oui. J'ai dit que Mark Malota était l'un des dirigeants du LDK à

 26   Gjakove. C'était le premier des participants activiste du parti en ville.

 27   Il a été arrêté à un moment où il y était en train de distribuer de l'aide

 28   à la population. Il a été arrêté dans la cour de l'association Mère Teresa.

Page 7027

  1   Q.  Vous ne savez pas ceci personnellement pourtant, n'est-ce pas, vous

  2   l'avez appris de ce témoin ?

  3   R.  Ceci a été raconté à notre bureau, enfin cet incident, ça a été fait

  4   par téléphone. Après la guerre, j'ai parlé à sa femme et aussi à la

  5   personne qui a vu l'événement de ses propres yeux. Il a reconnu Mark

  6   Malota.

  7   Q.  Monsieur Haxhibeqiri, lorsque vous parlez de ces incidents, vous avez

  8   dit qu'il y avait donc des éléments communs de la police et les

  9   paramilitaires, mais pour chacun des incidents que vous avez énumérés, vous

 10   ne savez pas qui étaient les auteurs qui se trouvaient là. Vous ne donnez

 11   aucune information ici et je voudrais savoir où vous avez -- d'où vous vous

 12   êtes rappelé ceci ? Est-ce de mémoire lorsque vous avez fait cette

 13   déclaration ?

 14   R.  Ecoutez, j'ai dit que j'ai parlé à sa femme ainsi qu'aux deux autres

 15   qui avaient été détenus au même endroit. L'un a été immédiatement remis en

 16   liberté après l'incident et un autre du nom de Gzim Puska [phon] a été

 17   gardé pendant la nuit. Il a été torturé et il a été relâché dans les

 18   premières heures de la matinée. Il a réussi donc à s'échapper vivant. Il

 19   m'a dit : "Comment Mark, qui était encore détenu et il était en train

 20   d'être torturé, comment il a été torturé le lendemain ?"

 21   Q.  Monsieur Haxhibeqiri, tout ceci vous vient de --

 22   R.  Laissez-moi finir, laissez-moi finir. Le jour suivant, le lendemain, le

 23   témoin a dit : "Je l'ai vu devant la barrière de ma maison. Il était mort

 24   et il avait du sang sur la tête, des taches de sang sur la tête, et quand

 25   j'ai parlé à sa femme, elle m'a dit que lorsqu'on l'avait enterré, il n'y

 26   avait pas de signes de projectiles qui auraient -- il n'y avait pas de

 27   signes de projectiles sur son corps."

 28   Q.  Mais vous vous rappelez tout ceci de mémoire, n'est-ce pas ?

Page 7028

  1   R.  Mais comment voulez-vous que je le fasse autrement ? Vous m'avez

  2   demandé : quelle était la source des renseignements, de ces informations ?

  3   Je vous dis que c'est sa femme qui m'a dit cela, qui m'a raconté. Que

  4   voulez-vous d'autre ? Invitez sa femme à venir ici et elle viendrait et

  5   elle vous parlera du corps de son mari. Ou est-ce que je dois apporter un

  6   dossier concernant son corps que nous avons parce que, la dernière fois que

  7   je suis venu ici, j'avais apporté ce dossier parce qu'une certaine

  8   confusion avait été créée par le fait qu'il y avait un autre dirigeant qui

  9   lui avait reçu une balle dans la tête et donc on avait confondu les

 10   personnes et je m'étais excusé de cette confusion.

 11   Q.  Je regrette mais nous n'avons pas le dossier ici. C'est la raison pour

 12   laquelle je vous demande ce que vous savez personnellement et je vous

 13   demande si ce que vous savez là correspond à des souvenirs ?

 14   R.  Vous avez ça sur la transcription des débats. Nous avons consacré une

 15   demie journée à expliquer et à éclaircir ces événements avec l'autre

 16   personne qui a été tuée et qui était également décédée à cause des tortures

 17   qu'il a subis, auxquels il a été soumis. Amidzic, Alija [phon] est mort le

 18   16 janvier en raison des tortures qu'il a subis à l'intérieur du bâtiment

 19   du secrétariat des Affaires intérieures. S'agissant de son cas, j'ai parlé

 20   à sa femme. Elle est venue à mon bureau, et je lui ai parlée, et le

 21   lendemain, je suis également allé chez eux et j'ai donné absolument tous

 22   les détails de ce qui s'est passé les concernant, et j'ai d'ailleurs

 23   assisté aux obsèques.

 24   Q.  Monsieur Haxhibeqiri, je pense que nous pouvons peut-être raccourcir un

 25   peu tout cela. Lorsque vous étiez ici précédemment et que vous avez apporté

 26   un dossier, est-ce que vous l'avez confié au bureau du Procureur ? Est-ce

 27   que vous l'avez laissé ici ?

 28   R.  Personne ne l'a demandé ?

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  1   R.  Serait-il juste de dire que la plus grande partie des renseignements

  2   que vous avez provient de la déclaration de témoin que vous avez lue ?

  3   Q.  La déclaration de 1 000 témoins --

  4   R.  Quant en ce qui concerne les autres affaires sur laquelle vous avez

  5   posé des questions, il s'agit de renseignements que j'ai eus

  6   personnellement, renseignements personnels, et le reste qui a trait à la

  7   déclaration antérieure, j'essaie de vous en donner tous les détails, tout

  8   ce que je me rappelle et j'essaie de répondre de façon responsable et

  9   véridique sur tout ce que je vous dis.

 10   Q.  Oui, je vous en remercie. Simplement nous n'avons pas le temps de

 11   passer en revue tous les détails que vous pouvez nous donner sur chacun de

 12   ces cas. C'est la raison pour laquelle je suis en train d'essayer d'estimer

 13   dans l'ensemble lorsque je dis, témoins, vous parlez de recueillir des

 14   déclarations; c'est cela ? 

 15   R.  Pourriez-vous reposer votre question, s'il vous plaît ?

 16   Q.  Lorsque vous --

 17   R.  Parce qu'elle n'est pas très claire.

 18   Q.  Bien sûr. Lorsque vous parlez de témoins qui ont dit les paroles que

 19   l'on trouve dans votre déclaration, est-ce que ceci veut dire que c'est

 20   quelque chose qui vous a été dit pendant qu'on recueillait, pendant que

 21   vous recueillez des déclarations ?

 22   R.  C'est exact, je cite les témoins à propos de ces événements au sujet de

 23   certains cas sur lesquels j'ai eu des renseignements. Je donne le nom, le

 24   nom de famille, et tous les éléments qu'ils ont évoqués, et à ce moment-là,

 25   j'indique que le témoin a dit ceci ou cela.

 26   Q.  Lorsque vous avez fait cette déclaration, et que vous avez énuméré ces

 27   différentes éléments, il s'agit d'éléments que vous étiez en train de vous

 28   rappelez de mémoire, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui, tous.

  2   Q.  Il est bien possible que, ces récits, vous les ayez gardés à l'esprit

  3   dans une certaine mesure à tel point que vous ne pouvez pas être très

  4   précis concernant certains détails ?

  5   R.  Ce que j'ai dit c'est possible parce que j'ai essayé de procéder à une

  6   sélection et de mettre les choses en ordre en vue d'un livre. Ces

  7   événements ne peuvent pas s'oublier comme cela. On ne peut pas les oublier.

  8   Q.  Dans une déposition antérieure, vous avez très ouvertement admis qu'à

  9   votre avis, les Serbes sont la partie adverse et qu'ils étaient les forces

 10   belligérantes, et dans votre état d'esprit, les Serbes sont l'ennemi; c'est

 11   bien cela ?

 12   R.  Oui, c'est exact. J'ai parlé des politiciens serbes et à aucun moment

 13   je n'ai dit le peuple serbe. Parce que ce n'était pas le peuple serbe,

 14   c'était le régime Milosevic.

 15   Mme O'LEARY : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi -- non,

 16   je n'ai pas d'autres questions. Je voudrais simplement dire au compte rendu

 17   qu'il revient sur ce qu'il a dit, il retrace ce qu'il a dit, et si on

 18   pouvait remettre à l'Accusation ces éléments, il y a des demandes

 19   spécifiques; la dernière fois, ça semblait insuffisant.

 20   M. LE JUGE FLUGGE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame

 21   O'Leary.

 22   Madame Kravetz, vous avez des questions supplémentaires ?

 23   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, j'ai des

 24   questions supplémentaires et je vais essayer d'en finir dans les cinq

 25   minutes qui viennent.

 26   Nouvel interrogatoire par Mme Kravetz : 

 27   Q.  [interprétation] Monsieur Haxhibeqiri, on vous a posé certaines

 28   questions aujourd'hui concernant des maisons incendiées. Il s'agit de la

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  1   page 84 du compte rendu. On vous a posé des questions sur le fait que des

  2   Roms auraient allumé des incendies et vous avez dit que vous aviez vu

  3   seulement des policiers faire que c'était dans votre voisinage, le

  4   voisinage de Hadum. J'ai voulu vous poser précisément des questions

  5   concernant cette période dont on parlait où vous êtes allé dans le quartier

  6   de Hadum, et ceci c'était au cours de la période dont vous avez parlé, au

  7   moment où vous êtes retourné après le 5 avril ? Ou bien était-ce une autre

  8   période dont vous parliez lorsque vous êtes allé dans ce quartier et avez

  9   vu des policiers qui allumaient des incendies dans ces maisons ?

 10   R.  Ceci concerne l'ensemble de la période qui a dû être 118 jours, à

 11   l'exception du moment -- des heures où je -- mais ou lorsque je me cachais,

 12   autrement je pourrais suivre et surveiller la situation et j'ai pu voir

 13   comment les forces de politique marchaient la main dans la main avec les

 14   forces paramilitaires, et l'armée en incendiant les maisons avant de les

 15   piller. J'ai vu des colonnes, des personnes qui partaient, qui étaient

 16   obligés, étaient forcés de partir, qui étaient menacés avec des armes et

 17   expulsés vers l'Albanie à qui on disait, d'aller en Albanie, à qui on

 18   disait, ceci est une terre serbe, votre pays c'est l'Albanie.

 19   Q.  Maintenant, on vous a posé également certaines questions concernant

 20   l'incendie des bureaux de votre organisation, quand ceci a eu lieu ?

 21   R.  Entre le 7 et le 11 mai, c'était un après-midi, et je ne peux pas me

 22   rappeler exactement, si c'était le 9 ou le 10; très probablement, le 9, qui

 23   était à peu près au milieu des combats.

 24   Q.  Vous avez également parlé dans une de vos réponses à ma consoeur du

 25   fait qu'on avait incendié les bureaux de l'organisation, vous avez dit

 26   qu'on avait vu un groupe d'environ 50 policiers paramilitaire, vous avez

 27   dit qu'ils étaient entrés dans chacune des boutiques et des sociétés et

 28   bureaux, que vous aviez vu un grand nombre de boutiques incendiées; quand

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  1   exactement est-ce que ceci a eu lieu ? Est-ce que vous avez vu là avec ce

  2   grand nombre de boutiques qui avaient été volées ?

  3   R.  Ce groupe, je ne les ai pas vus seulement le jour où mon bureau a été

  4   incendié. J'ai vu ce groupe tous les autres jours. Ils sont entrés donc

  5   dans les maisons des gens, les ont pillés, ont pris leurs automobiles, et

  6   tous les objets de valeur à l'intérieur de ces maisons. Ils ont pénétré

  7   avec infraction dans ces maisons en utilisant des marteaux et des haches,

  8   et ils ont menacé la population en leur mettant des canons de leurs armes

  9   sur la tempe - et l'avocat pourrait dire qu'ils ne sont pas inclus dans la

 10   déclaration - mais dans mon quartier, il y a eu des cas où immédiatement

 11   après que le crime ait été commis je suis allé sur le lieu où ça avait eu

 12   lieu, j'ai vu de mes propres yeux ce qui s'était passé, notamment pour

 13   celui qui avait été passé à tabac et torturé, et ceci, bon, avait lieu

 14   d'une maison à l'autre.

 15   Q.  Monsieur Haxhibeqiri, nous avons très peu de temps.

 16   R.  Très bien. Oui, je sais.

 17   Q.  Je voudrais vous parler de cet événement précis dont vous nous avez

 18   parlé vous-même, à savoir que vous avez vu des paramilitaires, des

 19   policiers entrer dans chaque boutique et dans différentes sociétés. Vous

 20   avez dit qu'il y avait un grand nombre de boutiques qui avaient été

 21   incendiées. Je vous demande quand ça a eu lieu ? Est-ce que ça eut lieu sur

 22   toute une période ? Ça c'est que j'essaie de comprendre. Quand est-ce que

 23   ça eut lieu ?

 24   R.  C'était, bon, pour cette fois-là, le 9 ou 10 mai.

 25   Q.  Où exactement avez-vous ce grand nombre de boutiques ou de magasins ?

 26   Je vous parle de ce quartier, n'est-ce pas ?

 27   R.  C'était le quartier de Hadum, qui se trouvait à une distance d'environ

 28   100 mètres en gros de ma maison.

Page 7033

  1   Q.  Maintenant en réponse à certaines questions de ma consoeur vous avez

  2   dit qu'au cours de cette période, je crois du 7 au 10 mai, il y avait des

  3   combats très intenses à Djakovica. Y avait-il la présence de l'UCK dans ces

  4   magasins ou boutiques que vous avez vus incendier dans ces sociétés ?

  5   R.  Non, c'était des boutiques ou des sociétés et des maisons d'Albanais.

  6   Tous étaient des civils. L'UCK était présente à Qabrati, dans la banlieue

  7   de la ville.

  8   Q. [imperceptible]

  9   R.  Ceci faisait partie de l'ancien quartier de la ville. C'est un quartier

 10   qui est protégé par l'Etat.

 11   Q.  Ma dernière question a trait à une réponse que vous avez faite à la

 12   page 39 du compte rendu d'aujourd'hui, on vous a posé des questions

 13   concernant la période allant du 27 mars au 2 avril, et c'était au moment où

 14   vous étiez en train de vous cacher dans cette période où vous vous trouviez

 15   donc dans cette conduite dans la cour de la maison de votre parent. Vous

 16   avez dit que vous n'étiez pas là tout le temps, c'était seulement quand une

 17   Unité de la Police venait dans le secteur. Maintenant, vous nous avez parlé

 18   du cas où la police est venue le 2 avril, y a-t-il eu d'autre cas entre le

 19   27 mars et le 2 avril où la police est venue dans le secteur où dans

 20   l'endroit où vous vous cachiez ?

 21   R.  Oui, le 27 et le 31 mars. C'est comme je l'ai décrit. Il y a eu un cas

 22   où des forces de police sont arrivées en début de matinée, ont incendié un

 23   certain nombre de maisons, ont tué huit personnes, et dans l'intervalle, le

 24   27, ils ont détenu encore 11 personnes d'une autre famille. C'était la

 25   famille Qerkezi [phon]. Six de ces membres étaient d'une seule et même

 26   famille, la famille Qerkezi, à savoir le père et ses quatre fils.

 27   Q.  Maintenant, vous nous avez donné deux dates, le 2 mars et le 31, vous

 28   nous avez dit ce qui s'était passé le 27 mars. Qu'est-ce qui s'était passé

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  1   le 31 ?

  2   R.  Le 31, c'est une autre de ces dates à laquelle où six personnes ont été

  3   arrêtées. Tout comme le 27, ces gens ont été arrêtés le 27 et qui ont été

  4   tués le 27. Le 31 et plus tard, les cadavres ont été enterrés en subissant

  5   aucune cérémonie, puis ils ont été exhumés une semaine plus tard, et on les

  6   a envoyés vers une destination inconnue. Après la guerre, on a identifié

  7   plus de 1 000 corps ou restes humains qui avaient été ensevelis dans le

  8   cimetière à Belgrade ou qui ont été trouvés dans le Danube et à Batajnica.

  9   A ce jour, il y a les gens qui sont encore portés disparus, des personnes

 10   qui ont été portées disparues au cours de ces journées et leur corps n'a

 11   jamais été retrouvé.

 12   Q.  Merci pour vos réponses.

 13   Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus d'autres

 14   questions, et pardonnez-moi d'avoir dépassé l'horaire.

 15   M. LE JUGE FLUGGE : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.

 16   Monsieur Haxhibeqiri, nous sommes arrivés à la fin de votre déposition. La

 17   Chambre aimerait vous remercier de votre aide, votre aide à nous aider à

 18   trouver la vérité, et nous vous souhaitons un bon voyage de retour. Merci

 19   beaucoup, et l'huissier va maintenant vous aider à sortir du prétoire.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de m'avoir donné l'occasion de

 21   témoigner.

 22    [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE FLUGGE : [interprétation] Maintenant nous levons la séance

 24   et nous reprenons demain matin à 9 heures dans le prétoire numéro I.

 25   --- L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le mercredi 8 juillet

 26   2009, à 9 heures 00.

 27  

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