Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 13 juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 24.

  5   M. BEHAR : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Une petite

  6   question administrative avant d'entendre le témoin suivant, qui sera

  7   interrogé par une de mes collègues. Je voulais mentionner une décision

  8   rendue par la Chambre le 2 juillet de l'année courante. Cette décision

  9   concerne les documents qui ont été ajoutés à la liste 65 ter de

 10   l'Accusation dans les deux demandes d'aide judiciaire 1755 et 1756; la

 11   Chambre a demandé à l'Accusation d'informer les Juges de la Chambre une

 12   fois la traduction terminée et le document téléchargé dans le système du

 13   prétoire électronique. Je souhaitais simplement vous informer que cela a

 14   été fait.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Si c'est le cas, il n'y a

 16   aucune raison pour ne pas le verser au dossier en tant que pièce à

 17   conviction.

 18   M. BEHAR : [interprétation] Excusez-moi, ces documents seront-ils

 19   enregistrés ?

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons y penser un peu plus tard.

 21   M. BEHAR : [interprétation] Oui, oui.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin est en train d'attendre.

 23   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes à Pristina.

 25   Nous sommes prêts à entendre la déposition du témoin que nous allons

 26   designer par le pseudonyme K58. Le témoin reçoit-elle l'interprétation de

 27   mes propos ? Je vois qu'elle hoche la tête de manière affirmative. Le

 28   témoin peut-elle lire la déclaration solennelle.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  2   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  3   LE TÉMOIN : TÉMOIN K58 [Assermentée]

  4   [Le témoin répond par l'interprète]

  5   [Le témoin dépose par vidéoconférence]

  6   L'INTERPRÈTE : L'interprète demande au témoin de s'approcher du micro.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'en ai entendu suffisamment pour

  8   pouvoir dire qu'elle a fait sa déclaration solennelle. Je demande à Mme le

  9   Témoin de s'approcher du micro.

 10   Aujourd'hui, un certain nombre de questions vous seront posées, Madame. Je

 11   vais demander à Mme D'Ascoli de commencer son interrogatoire.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 13   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Interrogatoire principal par Mme D'Ascoli : 

 15   Q.  [interprétation] Madame le Témoin, pouvez-vous m'entendre ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Bonjour.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Je vais commencer en vous présentant un document qui concerne un

 20   certain nombre de données personnelles qui vous concernent. Il s'agit du

 21   document 02477 sur la liste 65 ter.

 22   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je demande de ne pas afficher ce document à

 23   l'écran puisqu'il s'agit d'un document confidentiel.

 24   Q.  Et ne le lisez pas à haute voix, lisez-le pour vous-même, et dites nous

 25   si les données personnelles qui y figurent sont exactes ?

 26   R.  Oui, ces données sont exactes.

 27   Q.  Merci.

 28   M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]

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  1   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Il s'agit du

  2   document qui porte le pseudonyme du témoin.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis au dossier sous

  4   pli scellé.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

  6   P01078, sous pli scellé.

  7   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  8   Q.  Madame, je vous désignerai par le pseudonyme K58 pour protéger votre

  9   identité. Dites-moi, avez-vous fait une déclaration écrite au bureau du

 10   Procureur au mois de février 2000 ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Avant de déposer aujourd'hui devant le Tribunal, avez-vous eu

 13   l'occasion de revoir votre déclaration écrite ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous êtes-vous assurée que tous les éléments d'information qui figurent

 16   dans cette déclaration écrite sont véridiques et exacts ?

 17   R.  Oui, tout ce qui figure dans cette déclaration écrite est vrai. J'ai

 18   expliqué ce que j'ai vu personnellement et les choses qui me sont arrivées.

 19   Q.  Merci.

 20   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le

 21   versement au dossier de cette pièce, il s'agit du document 02473 sur la

 22   liste 65 ter, il s'agit de la version non expurgée qui doit être admise au

 23   dossier sous pli scellé.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 26   P01079.

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Messieurs les Juges, je dois souligner que

 28   la date de naissance qui figure sur la page de garde de la déclaration est

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  1   erronée. La vraie date de sa naissance figure dans la confirmation signée

  2   par le témoin au début de la version anglaise de cette déclaration écrite,

  3   et nous avons aussi la date exacte de sa naissance sur le document portant

  4   son pseudonyme.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

  6   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Il existe aussi une version expurgée de la

  7   déclaration écrite faite par le témoin, et nous pouvons demander son

  8   versement au dossier en tant que document public qui porte la cote 02550

  9   sur la liste 65 ter.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Le document est admis au

 11   dossier.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P01080.

 13   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Merci.

 14   Q.  Madame K58, dites-moi avez-vous déposé devant ce Tribunal dans

 15   l'affaire Milutinovic et consorts en novembre 2006 ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Avez-vous eu récemment l'occasion de revoir le compte rendu de

 18   l'audience et votre déposition dans cette affaire ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Après avoir examiné le compte rendu de l'audience, répondez-moi à la

 21   question suivante, si on vous posait les mêmes questions aujourd'hui, vos

 22   réponses seraient-elles les mêmes ?

 23   R.  Oui. Onze ans se sont écoulés depuis les événements en question. Il se

 24   peut que j'aie oublié un certain nombre de choses, mais je ferai de mon

 25   mieux pour me rappeler tout.

 26   Q.  Merci.

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je demande le versement au dossier du

 28   document 05091 sur la liste 65 ter.

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document doit-il être admis sous

  2   pli scellé ?

  3   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Non, Messieurs les Juges.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P01081.

  6   Mme D'ASCOLI : [interprétation] A présent, je vais lire un résumé bref de

  7   la déposition de ce témoin.

  8   Madame le Témoin est originaire de la municipalité de Decani et  décrit

  9   l'attaque lancée par les forces serbes contre le village de Beleg dans la

 10   municipalité de Decani, le 28 mars 1999, ou à peu près vers ces dates. Elle

 11   parle de l'attaque de ces forces et des pilonnages et des tirs effectués

 12   dans le village.

 13   Le témoin a été forcée avec environ 100 personnes de quitter la maison où

 14   elle était à Beleg. Elle a été forcée à le faire par les membres de la

 15   police et les paramilitaires. Elle a déclaré qu'on a abattu les hommes qui

 16   ont été rués de coups. Les hommes ont été séparés des femmes dans la cour

 17   de la maison. Des groupes de quatre ou cinq personnes ont été formés pour

 18   être amenés dans la cave de la maison, tout le monde a été fouillé pour

 19   trouver de l'argent et d'autres biens personnels.

 20   Toutes les femmes ont alors été placées dans deux pièces qui se trouvaient

 21   dans la maison pour y passer la nuit. Pendant la nuit, le témoin a vu les

 22   forces serbes prendre plusieurs jeunes femmes et les faire sortir de cette

 23   pièce, elle a entendu une fille dire à sa mère qu'elle avait été violée. Le

 24   jour suivant, tous les villageois reçurent l'ordre de se rendre en Albanie.

 25   Le témoin a fait le trajet à bord de camion. Ils ont traversé un grand

 26   nombre de villages avant d'arriver à Kukes, à la frontière albanaise. Au

 27   cours de leur chemin, ils auraient été arrêtés à plusieurs reprises par les

 28   forces serbes qui ont demandé leurs pièces d'identité et leurs passeports.

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  1   De nombreux hommes ont été portés disparus, ils ne sont jamais revenus,

  2   parmi lesquels se trouvait le mari du témoin.

  3   C'est la fin du résumé concernant ce témoin.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  5   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

  6   Q.  Madame K58, la Chambre a déjà vu votre déposition dans l'affaire

  7   précédente, ainsi que votre déclaration écrite. Je n'aurais donc que

  8   quelques questions à vous poser aujourd'hui pour préciser un certain nombre

  9   de points. A la page 3 de votre déclaration écrite, en version anglaise, et

 10   aussi en version B/C/S --

 11   Mme D'ASCOLI : [interprétation] -- et je signale qu'en citant les pages de

 12   la version anglaise, je ne me réfère pas à la pagination dans le système du

 13   prétoire électronique, mais à la version imprimée.

 14   Q.  Vous dites donc à la page 3 de votre déclaration écrite, dernier

 15   paragraphe, qu'il y avait environ 100 personnes qui ont trouvé refuge dans

 16   la maison de Nezir Vishaj dans le village de Beleg. Pouvez-vous nous dire

 17   qui étaient ces personnes, ce groupe d'environ 100 personnes ?

 18   R.  Il s'agissait de civils, des enfants, des personnes âgées, des hommes,

 19   des femmes; ils étaient tous des civils. Nous nous trouvions là-bas puisque

 20   le pilonnage se poursuivait pendant toute la journée, et nous avons tous

 21   trouvé refuge dans la maison de Nezir Vishaj.

 22   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle était l'origine ethnique des personnes qui

 23   se trouvaient avec vous dans cette maison ?

 24   R.  Nous étions tous des Albanais de souche.

 25   Q.  Et pouvez-vous décrire brièvement --

 26   R.  Il y avait des enfants, des personnes âgées, des femmes. Nous étions

 27   tous des civils.

 28   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire quelles conditions avez-vous eues dans

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  1   cette maison où vous avez séjourné avec toutes ces personnes pendant

  2   plusieurs jours ?

  3   R.  Nous étions tous ensemble dans une seule pièce. Le pilonnage avait duré

  4   pendant toute la journée. Nous n'osions pas sortir, même pour nous rendre

  5   dans le jardin. Nous sommes tous restés dans une même pièce dans la maison

  6   de Nezir et puis, le lendemain, les policiers sont arrivés à 9 heures.

  7   Q.  Merci. Vous venez de dire que tous ces personnes, on les a forcées à

  8   quitter la maison de Vishaj, et vous avez dit que vous avez vu un membre de

  9   la police emmener Naim dans une cabane.

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  L'avez-vous revu depuis ?

 12   R.  Oui, ils sont arrivés dans la cour. Je pense aux membres de la police

 13   serbe. Ils ont forcé Naim à quitter la maison et la même chose allait pour

 14   nous tous. Ils ont effectué un tir qui a atterri à une distance d'environ

 15   deux mètres par rapport à moi; et quant à Nezir, il a été touché à sa joue.

 16   Et puis après, c'est Daut Alickaj qui a été abattu. Je l'ai vu tomber. Et

 17   puis la police a emmené Naim Vishaj dans la cabane, ou plutôt dans une

 18   étable.

 19   Q.  Et l'avez-vous revu depuis ? Est-il toujours en vie ? Je pense à Naim

 20   Vishaj.

 21   R.  Non, je ne l'ai jamais revu depuis, mais j'ai entendu sa femme dire

 22   qu'elle avait entendu des tirs et qu'on l'avait abattu. Mais je n'ai pas

 23   été témoin oculaire de son assassinat. C'est sa femme qui m'a dit qu'on

 24   l'avait abattu, puisque c'était elle qui avait entendu les tirs. J'avais

 25   mes enfants avec moi, et je ne voulais pas me mêler des affaires d'autrui.

 26   J'étais préoccupée par mes enfants.

 27   Q.  Madame, à la page 4 de votre déclaration écrite, vous précisez que vous

 28   avez été emmenée à la cave d'une maison où une vingtaine de personnes se

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  1   trouvaient déjà. Pouvez-vous me préciser qui vous a emmené dans cette cave

  2   ?

  3   R.  Oui, c'est cela. Les membres de la police sont arrivés, ils nous ont

  4   forcés de quitter la maison de Naim et ils nous ont emmenés dans une autre

  5   maison, ou plutôt nous avons dû descendre à la cave. Des personnes âgées

  6   s'y trouvaient, des personnes handicapées, incapables de marcher. L'un des

  7   hommes a été roué de coups avec l'aide d'un bâton, et puis j'ai entendu un

  8   policier dire : "Ne le frappez pas, il ne peut pas marcher. Il est

  9   paralysé." Puis on lui a tiré dessus. Ensuite, on nous a fait descendre

 10   dans la cave où était réunie une vingtaine de personnes du village de

 11   Beleg.

 12   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle était l'origine ethnique de ces personnes

 13   ?

 14   R.  Elles étaient des Albanais, les Albanais de souche. Les policiers les

 15   avaient rassemblés, en les ramenant d'autres maisons. Ils étaient tous des

 16   civils, des personnes âgées.

 17   Q.  Madame, vous avez dit que c'étaient les membres de la police qui vous

 18   ont fait venir à cette cave. Avez-vous vu d'autres forces dans les environs

 19   ?

 20   R.  Oui, il s'agissait des forces mixtes. Certains étaient des policiers,

 21   d'autres étaient des paramilitaires. Ils portaient deux types d'uniformes

 22   différents, des uniformes paramilitaires. Enfin, je ne sais pas trop

 23   comment les décrire, beaucoup de temps s'est écoulé depuis. Donc, je ne me

 24   souviens pas de tout.

 25   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que les paramilitaires faisaient à ce moment-

 26   là ?

 27   R.  Ils nous ont fait descendre à la cave. Une fois qu'il y avait trop de

 28   personnes dans la cave, ils nous ont forcés à sortir dehors. Nous avons été

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  1   placés dans un pré et nous sommes restés là-bas jusqu'à la tombée de la

  2   nuit.

  3   Q.  Je vous pose cette question, puisque vous avez expliqué que les

  4   policiers vous avaient fait quitter la maison de Naim pour vous ramener

  5   dans une autre maison et vous faire descendre dans la cave. Donc, savez-

  6   vous ce que ces autres forces faisaient au même moment, puisque vous avez

  7   dit qu'ils accompagnaient les membres de la police ?

  8   R.  Ils nous ont fait quitter la maison de Naim et ils nous ont fait

  9   descendre dans la cave. Nous avons tous été rassemblés dans la cave. Puis

 10   ils nous ont forcés à sortir de la cave et ils nous ont alignés dans un

 11   pré. Nous étions tous réunis dans ce pré, les hommes, les femmes et les

 12   enfants. Puis ils ont commencé à séparer les hommes des femmes.

 13   Q.  Les paramilitaires que vous avez évoqués, coopéraient-ils avec la

 14   police ? C'est ainsi que j'ai compris la réponse. L'ai-je bien interprété ?

 15   R.  Oui, oui, oui. Ils travaillaient ensemble, ils coopéraient tout le

 16   temps.

 17   Q.  Madame, à la page 5 de votre déclaration écrite, vous indiquiez qu'ils

 18   ont procédé à des fouilles et que vous avez été fouillée avec trois autres

 19   femmes. Vous en avez déjà parlé dans l'affaire Milutinovic et consorts.

 20   Cela figure aux pages 7 488 à 7 490 du compte rendu de l'audience. Alors,

 21   j'aimerais vous demander ce que vous avez vu sur ce bout de tissu blanc que

 22   vous mentionnez dans votre déposition dans l'affaire Milutinovic, pages du

 23   compte rendu pertinente 7 491 à 7 492.

 24   Quels sont les objets que vous avez vus sur ce bout de tissu ?

 25   R.  Ils ont d'abord fouillé les hommes.

 26   Q.  Avez-vous compris ma question ?

 27   R.  Et puis, ils ont commencé à nous fouiller, nous les femmes. Ils avaient

 28   d'abord formé des groupes de quatre ou cinq personnes.

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  1   Q.  Excusez-moi, avez-vous compris la question que je vous ai posée ? Je

  2   vous ai posé une question très concrète, qui concernait un bout de tissu

  3   que vous avez mentionné dans votre déposition précédente. Pouvez-vous me

  4   dire quels objets se trouvaient sur ce bout de tissu, sur cette nappe que

  5   vous avez mentionnée lors de votre déposition précédente ?

  6   R.  Vous parlez de policiers ? C'est eux qui portaient des sortes

  7   d'ensembles. Ils étaient marqués "police."

  8   Q.  Je crois que nous avons des problèmes sur le plan de l'interprétation.

  9   Je parle du moment où on vous a fait descendre dans la cave avec trois

 10   autres femmes, et on s'apprêtait à vous -- s'il vous plaît, écoutez-moi.

 11   Ecoutez la question attentivement puis donnez votre réponse. Merci. Lorsque

 12   vous avez déposé précédemment dans l'affaire Milutinovic et consorts, vous

 13   avez déclaré qu'on vous a fait descendre dans la cave pour vous fouiller et

 14   vous avez vu une sorte de tissu sur lequel étaient entassés plusieurs

 15   objets différents. Alors pouvez-vous nous préciser quels types d'objets

 16   vous avez vus sur ce tissu qui était jeté par terre ?

 17   R.  Je vous ai compris maintenant.

 18   Q.  Bien.

 19   R.  Lorsque nous sommes entrés dans la cave, nous avons vu un bout de tissu

 20   blanc où se trouvaient des effets personnels et une certaine quantité

 21   d'argent. Quand je suis entrée dans la cave, j'ai donné tout ce que j'avais

 22   sur moi de mon propre gré, parce que je ne souhaitais pas me faire fouiller

 23   par les policiers.

 24   Q.  Merci --

 25   R.  Quand je suis arrivée, tous ces objets se trouvaient déjà sur cette

 26   nappe, donc je les ai sortis et je les ai posés là. Puis trois autres

 27   femmes sont entrées dans la cave pour se faire fouiller par les policiers.

 28   Q.  Vous avez parlé des pièces d'identité, Madame. Pouvez-vous nous dire

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  1   quel était le nombre de pièces d'identité qui étaient amassées sur cette

  2   nappe ?

  3   R.  Evidemment je n'ai pas fait le décompte, mais je dirais qu'il y avait

  4   une vingtaine de pièces d'identité.

  5   Q.  Votre carte d'identité a-t-elle été confisquée, ou plutôt, l'avez-vous

  6   donnée aux membres de la police ?

  7   R.  Je n'avais pas de carte d'identité sur moi puisqu'elle avait brûlée

  8   lorsque ma maison avait été incendiée. C'est la raison pour laquelle je ne

  9   l'avais pas sur moi. Les personnes qui avaient leur carte d'identité se

 10   sont vues confisquer cette pièce d'identité.

 11   Q.  Avez-vous vu d'autres personnes remettre leurs pièces d'identité ?

 12   R.  Oui, j'ai vu un certain nombre de cartes d'identité amassées sur cette

 13   nappe que j'ai évoquée tout à l'heure et ces documents avaient été mis là

 14   par des personnes qui m'avaient précédées dans la cave. C'est pourquoi sur

 15   cette nappe on pouvait voir des pièces d'identité, une certaine quantité

 16   d'argent, des bijoux.

 17   Q.  A la page 6 de votre déclaration écrite, vous parlez du fils de Mushk

 18   Jakupi. Vous dites que c'est lui qui vous venait chercher les jeunes filles

 19   dans la pièce où vous avez passé la nuit. Pouvez-vous nous dire comment

 20   vous avez pu le reconnaître et combien de fois vous l'avez vu au cours de

 21   cette nuit ?

 22   R.  J'ai pu reconnaître le fils de Mushk Jakupi lorsque les forces de la

 23   police ont débarqué et lorsqu'ils nous ont amenés dans le pré que j'ai

 24   évoqué tout à l'heure. C'est mon mari qui l'a reconnu tout d'abord. Il m'a

 25   dit : Voilà le fils de Mushk Jakupi, alors je ne suis mise à le dévisager

 26   et je me suis rendu compte que c'était bien lui.

 27   Q.  Oui --

 28   R.  Il pilotait le char et il le dirigeait vers notre groupe, mais il ne

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  1   souhaitait pas que nous voyions son visage.

  2   Q.  Madame, pendant la nuit que vous avez passée dans une seule pièce, vous

  3   avez vu des personnes venir chercher les filles pour qu'elles puissent

  4   nettoyer la maison et, dans votre déclaration écrite, vous précisez qu'à ce

  5   moment-là, vous avez revu le fils de Mushk Jakupi. Pouvez-vous m'expliquer

  6   où vous l'avez vu au cours de cette nuit et combien de fois ? Je sais que

  7   vous l'avez reconnu, puisque votre mari vous avait dit qu'il s'agissait de

  8   lui ?

  9   R.  Oui, c'est au cours de la nuit, donc il n'y avait pas de lumière, mais

 10   ils avaient plusieurs torches sur eux. Ils sont entrés dans la pièce à

 11   plusieurs reprises. A un moment donné, la lumière qui provenait de la

 12   torche m'a permis de voir son visage et c'est ainsi que j'ai pu le

 13   reconnaître.

 14   Q.  Donc vous dites qu'au cours de cette nuit vous ne l'avez vu qu'une

 15   seule fois ?

 16   R.  Une seule fois, oui.

 17   Q.  Merci de cette précision.

 18   R.  Je ne l'ai vu qu'une seule fois. Je ne saurai vous dire combien de fois

 19   il était venu avant puisque je ne l'avais vu qu'une seule fois. J'ai pu

 20   voir son visage à cause de cette lumière projetée par la torche.

 21   Q.  Très bien. Passons au moment où les forces serbes vous ont donné

 22   l'ordre d'aller en Albanie et le moment où vous êtes acheminée vers la

 23   frontière albanaise.

 24   Ceci se trouve à la page 7 de votre déclaration écrite.

 25   Pouvez-vous décrire le convoi que vous avez formé et qui se dirigeait

 26   vers l'Albanie. Combien de personnes figuraient dans ce convoi et quelle

 27   était leur origine ethnique ?

 28   R.  Le lendemain vers 9 heures, ils sont arrivés et ils nous ont donné

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  1   l'ordre de partir vers l'Albanie. Nous avions demandé l'aide de l'OTAN,

  2   disaient-ils. Nous étions tous des Albanais. Parmi nous ils y avaient des

  3   femmes, des personnes handicapées --

  4   Q.  Et --

  5   R.  -- des personnes âgées. Nous étions tous des civils. Ils nous ont

  6   forcés de nous diriger vers l'Albanie. Ils sont arrivés et ils nous ont dit

  7   de nous en aller.

  8   Q.  Pouvez-vous nous préciser de qui il s'agissait. Qui sont ces personnes

  9   qui sont venues vous dire de vous en aller ?

 10   R.  C'était les policiers, les membres de la police et de l'armée. Les

 11   unités étaient mixtes. Ils sont arrivés au cours de la matinée et nous ont

 12   dit de nous en aller en Albanie.

 13   Q.  Bien --

 14   R.  Nous n'arrivions même pas à les regarder. Nous avions trop peur pour

 15   les regarder.

 16   Q.  Pourriez-vous nous donner une indication du nombre de villageois, de

 17   femmes, d'enfants, de personnes handicapées. Donc combien étiez-vous à vous

 18   diriger vers l'Albanie ?

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous couvrez la réponse du témoin,

 20   Madame le Procureur.

 21   Mme D'ASCOLI : [aucune interprétation]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions très nombreux. Nous étions quelque

 23   200 ou 300 personnes. Je n'ai pas pu compter, mais nous étions très

 24   nombreux.

 25   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 26   Q.  Je vous remercie. Très bien. Madame K58, ce sera ma dernière question.

 27   A la page 7 de votre déclaration, il y a une liste de personnes portées

 28   disparues, personnes que vous aviez connues. Je voudrais vous demander si

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  1   ces personnes sont toujours portées disparues et d'où venaient ces

  2   personnes ?

  3   R.  Soixante-six hommes ont disparus à Beleg. Je les connaissais tous,

  4   surtout ceux que je cite dans ma déclaration, Arif Mazrekaj, son fils

  5   Jetmir Mazrekaj, Sahit Mazrekaj, Hasan Mazrekak, Hajdar Mazrekaj, Neke

  6   Binakaj, Mehmet Tolaj; tous ces gens-là, je les connaissais. Il y avait 66

  7   hommes de ce village qui sont toujours portés disparus et nous ne savons

  8   pas où se trouvent leurs sépultures ni même s'ils ont été enterrés. Nous

  9   n'avons pas pu récupérer leurs corps pour les enterrer correctement.

 10   Q.  Et votre époux, est-ce qu'il a connu le même destin ?

 11   R.  Mon mari figure sur cette liste. Il est toujours porté disparu. Il est

 12   la 66e personne sur cette liste.

 13   Q.  Madame, étant donné que dans votre déclaration votre liste est plus

 14   courte, qui ne reprend pas donc les 66 hommes portés disparus, est-ce que

 15   je comprends bien que vous nous dites que ces personnes qui figurent sur la

 16   liste de votre déclaration sont toujours portées disparues aujourd'hui et

 17   venaient toutes de Beleg ?

 18   R.  Les personnes qui sont toujours portées disparues viennent de Drenoc et

 19   je les ai mentionnées dans ma liste, mais les autres viennent de Sllup,

 20   Beleg, Carrabreg. Je ne les connaissais pas toutes, ces personnes.

 21   Q.  D'accord.

 22   R.  Alors ces personnes que je connaissais bien sont dans la liste qui

 23   figure dans ma déclaration.

 24   Q.  Très bien. Je vous remercie, Madame. Je n'ai pas d'autres questions à

 25   vous poser. Je vous remercie d'avoir bien voulu répondre à mes questions.

 26   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je n'ai donc plus de questions à poser au

 27   témoin, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

Page 7301

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y aura encore d'autres questions

  3   qui vous seront posées, Madame. Ces questions seront posées par Me

  4   Djordjevic.

  5   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais vous

  6   demander -- je vais demander plutôt à Mme O'Leary de s'occuper du contre-

  7   interrogatoire, si cela vous convient, avec votre permission.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Les questions seront posées par une

  9   dame, Mme O'Leary.

 10   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Contre-interrogatoire par Mme O'Leary : 

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame K-58. Est-ce que vous m'entendez ?

 13   R.  Oui. Bonjour. Je vous entends.

 14   Q.  Très bien. Merci. Je n'ai pas un grand nombre de questions, mais je

 15   voulais tout de même préciser un certain nombre de choses, surtout en ce

 16   qui concerne la déclaration que vous aviez faite en février 2000. Lorsque

 17   vous avez fait cette déclaration en février 2000, est-ce que d'autres

 18   personnes étaient présentes à l'exception des représentants du bureau du

 19   Procureur ?

 20   R.  Je suis désolée, je ne m'en souviens plus.

 21   Q.  Très bien. Cette déclaration a été faite en février 2000, donc c'était

 22   à peu près un an après les événements que vous décrivez dans la

 23   déclaration, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, je pense bien, en effet. Mais je suis désolée, j'ai un peu oublié

 25   les dates. Vous savez, c'est à cause du traumatisme dont nous avons

 26   souffert au cours de la guerre.

 27   Q.  Très bien. Vous rappelez-vous qu'après la fin de votre déposition,

 28   cette déclaration vous a été relue en albanais et qu'ensuite vous l'avez

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  1   signée comme une représentation correcte et fidèle de vos propos ?

  2   R.  Oui, en effet.

  3   Q.  Ensuite le bureau du Procureur est venu vous revoir le 9 septembre

  4   2004, n'est-ce pas ?

  5   R.  Mes excuses à nouveau, je ne me souviens pas des dates. Beaucoup de

  6   personnes sont venues nous voir et j'ai oublié d'ailleurs combien. Même si

  7   vous me demandiez la date de naissance de mes enfants aujourd'hui, je ne

  8   serais peut-être même plus en mesure de vous dire toutes ces dates. Il y a

  9   eu tellement de gens qui sont venus, qui nous ont posé des tas de

 10   questions, qui ont pris des déclarations que je ne peux plus vraiment vous

 11   dire.

 12   Q.  Très bien. Alors des dates précises sont plus ou moins importantes,

 13   certes, je me demandais si vous avez eu l'occasion de revoir votre

 14   déclaration de 2004 en vous préparant à votre déposition en tant que témoin

 15   ?

 16   R.  Vous voulez dire là maintenant ?

 17   Q.  Non, en septembre 2004. J'imagine qu'on vous a montré une version en

 18   albanais de votre déposition.

 19   R.  Alors je ne sais pas. Je vous présente mes excuses à nouveau, mais je

 20   ne sais plus.

 21   Q.  Très bien.

 22   Mme O'LEARY : [interprétation] Alors est-ce qu'on pourrait prendre la pièce

 23   P1079.

 24   Q.  Est-ce qu'on pourrait revoir cette pièce. Je crois que dans la version

 25   anglaise ou albanaise, la première page, c'est une déclaration signée. Est-

 26   ce que vous pourriez y jeter un coup d'œil rapide tout au début de votre

 27   déclaration.

 28   R.  Oui, j'ai effectivement signé cette déclaration.

Page 7303

  1   Q.  A l'époque, vous aviez corrigé la date de votre naissance, n'est-ce pas

  2   ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous rappelez-vous qu'après ce moment-là, au moment où vous l'avez

  5   relue quelques années plus tard, au moment où vous avez déposé dans

  6   l'affaire Milutinovic, le bureau du Procureur vous a demandé par liaison

  7   vidéo de revoir à nouveau cette déclaration. Vous en souvenez-vous ?

  8   R.  Je vous présente mes excuses, je ne me souviens plus. La seule chose

  9   dont je me souvienne, c'est que ma date de naissance était erronée et c'est

 10   tout. Je peux vous parler de ce qui m'est arrivé pendant la guerre, je peux

 11   vous raconter tout ça, mais vous préciser des dates, non.

 12   Q.  Bien. Voyons combien de fois vous avez été interrogée par liaison

 13   vidéo. Deux fois, vous avez déjà témoigné en liaison vidéo dans l'affaire

 14   Milutinovic et consorts, n'est-ce pas ?

 15   R.  C'est la deuxième fois.

 16   Q.  Avant chaque déposition de ce type, vous avez rencontré le Procureur

 17   par liaison vidéo, n'est-ce pas ?

 18   R.  Vous voulez dire cette fois-ci ?

 19   Q.  Oui, je voulais dire deux fois, en effet. Mais cette fois-ci, c'était

 20   la semaine dernière, n'est-ce pas, le 8 ?

 21   R.  Oui, je pense, en tout cas. Je n'en suis pas sûre à 100 % mais oui, je

 22   pense.

 23   Q.  A ces deux occasions, vous aviez quelques légères modifications à

 24   apporter à votre déclaration ?

 25   R.  Vous savez, ça fait 11 ans maintenant. Je suis vraiment désolée, mais

 26   je ne me souviens pas.

 27   Q.  Oui, je comprends bien cela, mais je vous pose des questions sur la

 28   semaine dernière. Vous avez apporté une dizaine de changements à votre

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  1   déclaration la semaine dernière.

  2   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je suis désolée, mais je ne pense pas qu'il

  3   y ait eu des changements. Et aujourd'hui je n'ai pas réexaminé les

  4   changements apportés à l'exception de la date de naissance. Ce qui figure

  5   sur la feuille supplémentaire concerne des informations sur des questions

  6   dont nous avons discuté, mais il ne s'agissait pas de modifications.

  7   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Simplement je

  8   dis que la Défense estime que ce qu'elle a dit dans cette feuille

  9   supplémentaire constitue des modifications à sa déclaration.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Poursuivez, Madame O'Leary.

 11   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas.

 13   Mme O'LEARY : [interprétation]

 14   Q.  On va les examiner l'une après l'autre et on verra s'il s'agit

 15   simplement de précisions ou de modifications à votre déclaration, pour y

 16   voir plus clair. Alors la première question qui fut abordée dans votre

 17   document supplémentaire, si vous voulez le revoir, nous l'avons à votre

 18   disposition. Ça n'existe qu'en anglais, mais je peux vous le lire, en tout

 19   cas, les parties qui nous intéressent. La pièce D004-2832.

 20   En ce qui concerne ces notes supplémentaires, vous avez indiqué qu'en

 21   parlant de "forces serbes," vous vouliez en fait parler de policiers. Ceci

 22   concerne votre déclaration à la page 2, paragraphe 6 de la version

 23   anglaise.  

 24   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je suis désolée, Monsieur le Président,

 25   mais ça ne va pas être facile pour le témoin de comprendre vraiment les

 26   références que vous faites à des pages ou à des paragraphes. Alors, pour

 27   que vos questions soient complètes, est-ce que mon éminente collègue

 28   pourrait préciser quels sont les éléments de preuve qu'elle veut couvrir

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  1   avec le témoin ?

  2   Mme O'LEARY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de policiers.

  4   Mme O'LEARY : [interprétation]

  5   Q.  Si vous regardez la page 2, page 2 en albanais également de votre

  6   déclaration, la pièce P1079, et elle n'est pas montrée puisque c'est la

  7   version non expurgée --

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous propose de lire le passage en

  9   question --

 10   Mme O'LEARY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- et puis indiquer quels seraient les

 12   éléments supplémentaires qui ont été apportés --

 13   Mme O'LEARY : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- et vérifier ensuite avec le témoin

 15   si elle peut confirmer s'il y a une différence à apporter ou une correction

 16   à apporter, ou non.

 17   Mme O'LEARY : [interprétation]

 18   Q.  Je lis la page 2 en anglais :

 19   "J'ai quitté mon village parce que les forces serbes étaient

 20   positionnées dans notre village."

 21   Alors, nous avons reçu ensuite une feuille d'information complémentaire qui

 22   indique que les forces serbes dont elle parle dans ce paragraphe étaient en

 23   fait des policiers.

 24   R.  Il s'agissait de policiers serbes.

 25   Q.  Mais vous aviez parlé uniquement de "forces" serbes. Maintenant, vous

 26   faites la distinction et vous dites qu'il s'agit de policiers.

 27   R.  Les forces de police serbe et les forces militaires serbes sont celles

 28   qui nous ont obligés à quitter notre village.

Page 7306

  1   Q.  Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par policiers ? Quand vous

  2   parlez de policiers, qu'est-ce que vous voulez dire ?

  3   R.  Ils portaient des uniformes de la police régulière. Il était écrit

  4   également "police" sur leurs bras. Vous savez, nous étions extrêmement

  5   effrayés à l'époque. Nous n'avons pas vraiment pu les regarder de très

  6   près.

  7   Q.  De quelle couleur étaient les uniformes que vous identifiez comme étant

  8   ceux de la police, Madame ?

  9   R.  Voilà, la couleur habituelle des uniformes de police, c'est-à-dire des

 10   uniformes camouflage de couleur bleue. Je ne sais pas très bien comment

 11   vous le décrire autrement. C'est vraiment l'uniforme officiel de la police.

 12   Q.  Vous souvenez-vous que dans l'affaire Milutinovic et consorts, vous

 13   avez décrit ces uniformes comme étant d'une couleur unique, couleur grise,

 14   qui était pour vous l'uniforme habituel de la police et que sur leurs

 15   manches, il était également écrit "police" en alphabet cyrillique serbe ?

 16   R.  C'était des couleurs unies, et les lettres étaient en alphabet

 17   cyrillique. Oui, en effet. Il s'agissait bien d'uniformes de la police.

 18   J'ai bien vu les lettres en alphabet cyrillique écrites sur leurs manches.

 19   Nous, nous ne pouvions pas voir ces uniformes en détail dans la situation

 20   dans laquelle nous nous trouvions.

 21   Q.  Vous avez commencé par dire, avant de vous corriger, que vous ne

 22   pouviez pas vous procurer ce genre d'uniforme, que vous ne pouviez pas les

 23   acheter. Est-ce bien ce que vous avez voulu dire ?

 24   R.  Non, je veux dire, nous ne pouvions pas les regarder de près ou en

 25   détail. Nous ne pouvions pas vraiment scruter le type d'uniforme dont il

 26   s'agissait, parce que nous n'osions pas les regarder les yeux dans les

 27   yeux. Nous n'osions pas lever les yeux vers eux.

 28   Q.  Est-ce que vous pourriez dire alors, Madame, que les uniformes de la

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  1   police étaient des uniformes de camouflage, ou bien d'une couleur unie dans

  2   des tons gris ?

  3   R.  Les policiers portaient des uniformes de couleur unie. Les autres

  4   portaient des uniformes à motif de style camouflage. Certains étaient de

  5   couleur dans les verts, avec des motifs. Les policiers avaient des

  6   uniformes unis, mais encore une fois comme je vous le disais, j'étais

  7   tellement préoccupée du sort de mes enfants que je ne pouvais pas vraiment

  8   regarder en détail le type d'uniforme que ces hommes portaient.

  9   Q.  Il y a quelques instants, vous avez dit "les autres portaient des

 10   uniformes de camouflage avec des motifs." De qui s'agissait-il, ces autres

 11   ?

 12   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je suis désolée, Monsieur le Président. Je

 13   voudrais demander à mon éminente collègue de bien vouloir préciser ses

 14   questions, parce que vous commencez en parlant d'un paragraphe qui, dans la

 15   déclaration, renvoie à six mois avant les événements; et puis là

 16   maintenant, nous passons à l'année 1999. Je n'en suis même pas très sûre et

 17   c'est vrai que ça pourrait peut-être créer un peu la confusion pour le

 18   témoin quand vous lui demandez ensuite quand elle a vu tel ou tel type

 19   d'uniforme.

 20   Mme O'LEARY : [interprétation] Oui, merci. J'allais justement lui poser des

 21   questions sur le moment où elle avait vu tel ou tel type d'uniforme.

 22   Q.  Vous avez décrit également un insigne que vous avez vu sur la manche

 23   des policiers, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui. En effet, ils portaient des insignes ou un insigne. Je ne sais pas

 25   précisément ce que disaient les lettres. C'était écrit en cyrillique. Je ne

 26   peux que le supposer.

 27   Mme O'LEARY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait peut-être reprendre la

 28   pièce P327.

Page 7309

  1   Q.  Alors Madame, sur cette première page --

  2   R.  Ça ressemble approximativement à ça. Oui. Environ.

  3   Q.  Quand vous dites "approximativement," vous êtes en train de regarder la

  4   première page de la pièce P327, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, je vois ici des illustrations et je dirais que ça ressemblait au

  6   numéro 5 ou 7.

  7   Q.  Vous avez vu le numéro 5 et le numéro 7. Mais quand avez-vous vu le

  8   numéro 5 et le numéro 7 ?

  9   R.  Je me souviens un petit peu de ces insignes. Ils étaient à l'épaule. Je

 10   ne me souviens pas précisément qu'il y avait des lettres en cyrillique.

 11   Quant aux mots complets qui étaient écrits dessus, je ne m'en souviens pas.

 12   Q.  Quand avez-vous vu l'insigne numéro 5, Madame ?

 13   R.  En 1999, quand les forces de police sont rentrées dans la maison de

 14   Naim et nous ont emmenés.

 15   Q.  Quand avez-vous vu l'insigne numéro 7, Madame ?

 16   R.  Je pense que c'était le même jour. Je ne peux pas en être tout à fait

 17   certaine. Je crois plus ou moins, mais je pense qu'effectivement c'était le

 18   même jour.

 19   Q.  Peut-on prendre la page 2 et je vais vous demander si vous avez vu

 20   certains des insignes figurant à la page 2.

 21   R.  Je ne me souviens pas de ces insignes. Je me souviens uniquement des

 22   lettres qui figuraient sur cet insigne porté sur la manche.

 23   Q.  Vous aviez déposé dans l'affaire Milutinovic au T7477 et 7478 que vous

 24   connaissiez certains mots en cyrillique, est-ce vrai ?

 25   R.  Non pas des mots, mais les lettres. Oui, je peux les distinguer et dire

 26   qu'il s'agit de l'alphabet cyrillique. Je sais qu'il s'agit de lettres en

 27   cyrillique. Ce que je vois là maintenant, je peux vous dire que c'est écrit

 28   en cyrillique, mais par contre je ne sais pas ce que ça veut dire.

Page 7310

  1   Q.  Madame, dans l'affaire Milutinovic et consorts, on vous avait demandé

  2   des questions sur ces insignes, et vous avez dit que vous aviez été à

  3   l'école pendant huit ans, que vous connaissiez la langue serbe, que vous

  4   connaissiez certains mots en cyrillique, que vous pouviez les reconnaître

  5   et que vous ne pouvez pas les comprendre, ni parler.

  6   R.  Oui, bien sûr. Je voudrais vraiment vous dire ceci. Moi, je suis allée

  7   à l'école pendant huit ans. Je ne parle pas le serbe. Je sais reconnaître

  8   certaines lettres en cyrillique. Nous avons appris un petit peu à l'école

  9   en quatrième année. Je me souviens de certains mots de base comme bonjour,

 10   bonsoir, et cetera, mais pas beaucoup plus que cela.

 11   Q.  Donc en ce qui concerne le numéro 7 à cette page de la pièce P327,

 12   reconnaissez-vous uniquement les lettres ou reconnaissez-vous les mots ?

 13   R.  Non, je ne reconnais que les lettres en cyrillique, c'est la seule

 14   chose que je sais, je ne sais pas les lire et je ne comprends pas non plus

 15   ce que ça veut dire.

 16   Q.  Le numéro 6 ressemble fort n'est-ce pas, je ne connais pas beaucoup de

 17   cyrillique moi-même. Mais est-ce que ça n'aurait pas pu être ces lettres-là

 18   plutôt que celles du numéro 7 ?

 19   R.  Tout à fait franchement, je ne sais pas, je ne sais plus. Imaginez-vous

 20   tout de même dans quelle situation je me trouvais. Je ne pouvais pas lever

 21   la tête et les regarder de près. Tout ce que je sais c'est qu'il y avait

 22   quelque chose d'écrit sur ce badge sur l'épaule et que c'était quelque

 23   chose écrit en cyrillique. Vous savez, j'avais sept enfants dont je devais

 24   m'occuper âgés de 6 mois à 12 ans qui étaient tout autour de moi et c'était

 25   la seule chose qui me préoccupait à ce moment-là.

 26   Q.  Madame, vous nous dites donc aujourd'hui que ces hommes portaient un

 27   insigne écrit en cyrillique, mais vous ne saviez pas ce que cet insigne

 28   disait ?

Page 7311

  1   R.  Je répète, je ne sais pas ce que veut dire le mot, la seule chose que

  2   je sais c'est que c'était écrit en cyrillique.

  3   Q.  Je vous remercie, Madame. Est-ce que vous avez vu ces uniformes à

  4   Drenovac également ou uniquement à Beleg ?

  5   R.  Uniquement à Beleg. A Drenoc, nous n'avions pas de contact avec la

  6   police. Je parle des femmes. Seuls les hommes avaient des contacts.

  7   Q.  Lorsque vous avez quitté Drenoc, comme vous le disiez dans votre

  8   déposition, c'est parce que la police avait demandé aux hommes de quitter

  9   et tout le village était parti. Comment le saviez-vous ?

 10   R.  Les hommes sont partis dans la rue et nous ont dit que la police leur

 11   avait donné l'ordre de quitter Drenoc. Et c'est pour ça que nous sommes

 12   tous partis avec les tracteurs et tout ce que nous pouvions amener, nous

 13   avons quitté le village.

 14   Q.  Quels sont les hommes qui vous ont dit cela ?

 15   R.  Les hommes du village, les hommes du village de Drenoc, ces hommes qui

 16   étaient là.

 17   Q.  Les avez-vous vu parler avec la police ?

 18   R.  Non, je n'ai pas vu ces hommes parler avec la police, mais ensuite ils

 19   sont venus nous voir en tout cas, vers nous, ils sont venus nous voir nous

 20   les femmes et les enfants nous disant qu'il fallait quitter le village. Et

 21   c'est pour cela que nous l'avons fait.

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27   Mme O'LEARY : [interprétation]

 28   Q.  Et nous ferons attention de protéger votre identité pour ne pas

Page 7312

  1   mentionner les liens de parenté. Si vous voulez, nous pouvons passer en

  2   séance à huis clos partiel.

  3   Mais est-ce que Mehmet Mazrekaj était quelqu'un donc qui vous avait dit

  4   qu'il y avait eu cette conversation avec la police ?

  5   R.  Oui. Il y avait beaucoup d'hommes du village et Mehmet faisait partie

  6   de ce groupe d'hommes.

  7   Q.  Est-ce que la police avait dit à ces hommes qu'il fallait partir en

  8   raison des frappes aériennes de l'OTAN ?

  9   R.  Je ne sais pas. Ça, je ne sais pas. Tout ce que je sais c'est que les

 10   hommes nous ont dit qu'il fallait partir, qu'il fallait quitter le village

 11   parce que c'est ce que la police leur avait dit; et ça, ce sont les hommes

 12   qui sont venus nous voir, qui nous ont dit cela, et donc nous, nous tous,

 13   nous avons quitté le village.

 14   Q.  Mais personne ne vous a dit pour quelles raisons il fallait quitter le

 15   village ? Personne ne vous a jamais dit pour quelles raisons il fallait

 16   quitter le village ?

 17   R.  Non, je ne sais pas, je ne sais pas ce que les policiers ont dit à ce

 18   groupe d'hommes, mais en tout cas, ce que je sais, c'est que nous avons

 19   quitté le village pour nous rendre à Beleg. Lorsque nous sommes arrivés à

 20   Beleg, le village de Drenoc avait été brûlé. Nous pouvions voir d'ailleurs

 21   les flammes qui sortaient des maisons du village de Drenoc.

 22   Q.  Est-ce que vous saviez que Mehmet Mazrekaj était témoin dans cette

 23   affaire ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Avez-vous suivi sa déposition, en avez-vous entendu parler ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  S'il avait dans sa réponse dit que :

 28   "La police était arrivée ce jour-là vers 8 heures du matin et ils avaient

Page 7313

  1   expulsé certains villageois et ils nous avaient donné l'ordre de quitter le

  2   village le plus rapidement possible en raison des frappes aériennes de

  3   l'OTAN."

  4   Est-ce que vous croiriez cette déclaration ?

  5   R.  Je ne sais pas ce qu'il a dit. Moi, je vous ai dit ce que j'ai vu et ce

  6   que j'ai entendu. Maintenant, je ne sais pas ce que d'autres personnes

  7   peuvent avoir dit. Mais Mehmet ne m'a jamais dit cela. Je ne l'ai jamais

  8   entendu prononcer ces mots-là.

  9   Q.  D'accord, Madame. Donc à partir du moment où vous avez quitté le

 10   village de Drenoc et vous vous êtes rendus à Beleg, ensuite, comment se

 11   fait-il que vous ayez séjourné dans la maison de Naim Vishaj ?

 12   R.  La population du village de Beleg est sortie et ils nous ont tous fait

 13   entrer dans leurs maisons. Donc nous, tous les habitants de mon village,

 14   nous sommes répartis dans les différentes maisons de ce village de Beleg.

 15   Quand mon tour est arrivé, je suis allée avec mes enfants dans la maison de

 16   Naim.

 17   Q. Est-ce que vous savez comment la maison de Naim avait été choisie comme

 18   étant l'endroit où il fallait aller ?

 19   R.  Mais c'est comme cela que ça s'est passé, si vous voulez. Ça a été mon

 20   tour d'aller avec mes enfants dans cette maison.

 21   Q.  Mais qu'est-ce que vous voulez dire par votre tour ?

 22   R.  Nous sommes restés dans la maison de Naim. Il n'y avait aucun autre

 23   endroit où nous pouvions aller. En fait, c'était quelqu'un que je

 24   reconnaissais. Je l'avais déjà vu. C'était une de nos connaissances. Comme

 25   je l'ai dit, tous les villageois se sont répartis dans différentes maisons

 26   de ce village de Beleg, mais il n'y avait pas que ma famille à moi qui est

 27   allée dans la maison de Naim. Beaucoup d'autres familles aussi sont venues.

 28   Q.  Et vous avez dit qu'il y avait environ une centaine de personnes dans

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  1   la maison de Naim; c'est bien cela ?

  2   R.  Oui, oui. Il n'y avait pas que moi et mes enfants. Il y avait beaucoup

  3   d'autres familles, des familles de Drenoc, de Beleg. Puis il y avait

  4   plusieurs autres familles. Je dirais qu'environ, oui, nous étions à peu

  5   près 100 personnes dans cette maison.

  6   Q.  Vous-même et votre mari et vos enfants, vous êtes, en fait, du village

  7   de Glodjane ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Y avait-il d'autres --

 10   R.  Oui, nous sommes du village de Gllogjan.

 11   Q.  Y avait-il d'autres familles de ce même village de Glodjane chez Naim ?

 12   R.  Non, il n'y avait que mes enfants et moi.

 13   Q.  Madame, vous avez dit tout à l'heure, ainsi que dans d'autres

 14   témoignages, que lorsque vous étiez dans cette maison, il y avait des

 15   pilonnages en permanence. Est-ce que vous pouvez nous dire à peu près de

 16   quel jour il s'agissait, le 27 mars ?

 17   R.  Je crois, oui, le 27 mars, 27 ou 28 mars. Je ne suis pas 100 %

 18   certaine, 27 ou 28. Mais je sais, en tout cas, que les pilonnages ont été

 19   permanents toute la journée.

 20   Q.  Et ces pilonnages, est-ce que vous saviez de quoi il s'agissait

 21   exactement ? Est-ce que c'étaient des combats entre les forces de l'UCK et

 22   les forces serbes ?

 23   R.  Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est qu'il y avait beaucoup de

 24   pilonnages, à tel point que nous n'osions même pas sortir dans la cour. Il

 25   y avait des bombardements qui venaient de partout.

 26   Q.  Merci, Madame. Vous avez dit que le lendemain la police est venue dans

 27   cette maison; c'est bien exact ?

 28   R.  Oui, tout à fait. A environ 9 heures du matin, la police est arrivée

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  1   dans la maison et est entrée dans la maison.

  2   Q.  Lorsque vous dites "entrée," vous voulez dire entrer dans la cour ?

  3   R.  Oui, la police est entrée dans la cour.

  4   Q.  Vous dites que la première question que la police vous a posée, c'était

  5   de savoir quel était le nombre de familles déplacées qui se trouvaient dans

  6   cette maison et d'où ces familles venaient ?

  7   R.  Oui, ils ont en fait appelé le propriétaire des lieux, donc Naim en

  8   l'occurrence, et lui ont demandé : Qui se trouve dans ta maison ? Il a

  9   expliqué qu'il avait des personnes de Beleg et de Drenoc. Et la police lui

 10   a demandé : Est-ce que c'est vrai que ces personnes sont ici en provenance

 11   de ces villages ? Il a dit : Oui.

 12   Q.  Mais vous avez dit, Madame, que vous ne compreniez pas le serbe, alors

 13   est-ce que l'officier de police parlait albanais ?

 14   R.  Non, C'est Naim qui a parlé avec eux. Lorsqu'il est revenu vers nous,

 15   je l'ai entendu, à ce moment-là, nous dire que c'est vrai, ces personnes

 16   sont des villages de Beleg et Drenoc. Maintenant je ne me souviens pas

 17   exactement si c'est Naim qui a dit cela ou si je l'ai entendu. En tout cas,

 18   ils ont fait sortir les hommes et ils les ont alignés. Ils les ont fait

 19   sortir de la pièce dans laquelle ils étaient, ils les ont obligés à sortir

 20   dans la cour et là ils les ont alignés.

 21   Q.  Je voudrais revenir un petit peu en arrière. Tout à l'heure, vous avez

 22   dit qu'ils avaient "obligé Naim à nous donner l'ordre de quitter la

 23   maison." Donc est-ce que Naim vous a dit cela ?

 24   R.  La police avait dit à Naim de sortir tous les hommes dans la cour. Donc

 25   Naim est entré dans la maison et a dit à tous les hommes de sortir dans la

 26   cour. La police a regardé ces hommes, ensuite les a laissés partir. Donc

 27   les hommes sont revenus dans la maison. Le lendemain, la police est revenue

 28   et ils sont entrés et nous ont obligés tous à sortir de la maison pour

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  1   aller dehors.

  2   Q.  Oui, d'accord, Madame. Nous passerons au lendemain tout à l'heure. Mais

  3   je voudrais déjà terminer la conversation sur ce sujet de ce matin-là. Donc

  4   vous dites dans votre déclaration que vous aviez peur, parce que vous

  5   veniez du village de Gllogjan et que justement c'est le village où se

  6   trouvait le siège de l'UCK. Vous aviez dit à votre mari de ne pas dire

  7   qu'il était du village de Gllogjan; c'est bien cela ?

  8    R.  Oui, exactement. J'avais dit à mon mari que la police avait dit à Naim

  9   un certain nombre de choses et que Naim avait dit à la police que les gens

 10   dans la maison étaient des villages de Drenoc et de Beleg. Donc le fait de

 11   venir de Gllogjan, c'était quelque chose qui me faisait peur pour mon mari.

 12   Donc je lui ai dit, lorsqu'il est sorti, de ne pas dire qu'il venait du

 13   village de Gllogjan, parce que j'avais peur que quelque chose de mal lui

 14   arrive.

 15   Q.  Dans votre témoignage, vous avez dit quelque chose de similaire,

 16   document T7472. Vous avez dit, je cite :

 17   "J'ai dit à mon mari de dire à Naim qu'il était de Drenoc pour que Naim

 18   n'ait pas de problèmes avec la police…"

 19   C'est bien cela ?

 20   R.  J'ai dit à mon mari : Dis que tu viens de Drenoc et pas de Gllogjan.

 21   Maintenant je ne me souviens pas si je l'ai dit à Naim ou à mon mari, mais

 22   en tout cas, je me souviens très bien que je lui ai dit de ne pas dire

 23   qu'il était de Gllogjan, de ne pas mentionner le nom de Gllogjan, mais de

 24   dire qu'il était du village de Drenoc.

 25   Q.  Madame, pourquoi lui avez-vous dit de ne pas dire qu'il venait du

 26   village de Gllogjan ?

 27   R.  Je lui ai dit cela, parce que j'avais peur que la police fasse du mal à

 28   Naim, parce que Naim n'avait pas mentionné le nom du village de Gllogjan et

Page 7317

  1   je ne voulais pas qu'il arrive du mal à Naim. C'est pourquoi j'avais peur

  2   qu'ils fassent du mal à Naim s'ils découvraient que nous venions du village

  3   de Gllogjan.

  4   Q.  Madame, mais pourquoi cela aurait-il été un problème que vous soyez du

  5   village de Gllogjan ?

  6   R.  Parce que dans le village de Gllogjan, il y avait l'UCK. J'avais peur

  7   que s'ils découvraient que nous venions du village de Gllogjan, à ce

  8   moment-là, la police fasse du mal à Naim. C'était le siège de l'UCK à

  9   Gllogjan, donc je ne voulais pas qu'ils fassent du mal à Naim. Comme je

 10   vous l'ai dit, nous étions tous des civils. Nous n'avions rien à voir avec

 11   l'UCK, mais -- nous avions -- j'avais peur, en tout cas.

 12   Q.  Donc vous pensiez au départ que la police était là pour rechercher des

 13   membres de l'UCK; c'est bien cela ?

 14   R.  Non, non, non. Il n'y avait aucune raison qu'ils le fassent. Il n'y

 15   avait pas de membres de l'UCK. L'UCK était à Gllogjan. En fait, ce qui me

 16   faisait peur uniquement, c'était de dire que nous étions de Gllogjan, parce

 17   que comme Naim nous recevait et nous abritait dans sa maison. Je ne voulais

 18   pas que quelque chose ne lui arrive. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure,

 19   nous étions tous des civils, des hommes, des femmes, des enfants, des

 20   personnes âgées.

 21   Q.  Madame, je ne suis pas en train de dire que votre mari ou quiconque

 22   faisait partie de l'UCK, en fait, ce que je veux dire, c'est que vous avez

 23   dit à votre mari de dire qu'il n'était pas du village de Glodjane, parce

 24   que vous aviez peur que la police recherche des membres de l'UCK ?

 25   R.  Non, j'ai dit à mon mari : Ne dis pas que tu viens de Gllogjan, parce

 26   que Naim a dit au policier que tous ceux qu'ils ont ici dans la maison

 27   viennent des villages de Beleg et de Drenoc. Comme mon mari était de

 28   Gllogjan et étant donné que Naim n'avait pas mentionné le nom de ce

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  1   village, j'ai dit à mon mari : Ne mentionne pas ce village de Gllogjan.

  2   Comment est-ce que je peux vous l'expliquer autrement ? Je vous l'ai déjà

  3   dit et je vous le redis, je ne voulais pas que Naim subisse le moindre

  4   problème.

  5   Q.  Madame, combien d'hommes y avait-il dans la maison au moment où la

  6   police est arrivée ce matin-là ?

  7   R.  Je ne me souviens pas exactement du nombre précis, mais je dirais qu'il

  8   y avait à peu près une vingtaine d'hommes, une vingtaine.

  9   Q.  Vous avez dit que la police est revenue le lendemain ?

 10   R.  La police est revenue le lendemain et est entrée dans la maison de Naim

 11   à environ 9 heures du matin. Là les policiers nous ont tous obligés à

 12   sortir de la maison pour aller dans la cour et là ils ont commencé à tirer

 13   et à nous tuer. La première personne qui a été abattue, c'était Naim --

 14   Nezir Vishaj, ils l'ont tué et je crois qu'ils l'ont touché à la joue.

 15   Ensuite le deuxième, c'était Daut Alickaj. Lui aussi a été abattu. Il est

 16   tombé par terre tout de suite. Ça je l'ai vu de mes propres yeux. On est

 17   tous sortis dans la cour comme on était. On n'était même pas complètement

 18   habillés. Il y en a qui n'avaient pas de chaussures. Nous sommes sortis

 19   comme nous étions habillés dans la maison.

 20   Q.  Madame, est-ce que c'est Naim ou Nezir qui a été touché à la joue ?

 21   R.  C'est Nezir qui a été touché à la joue par la police lorsqu'il sortait.

 22   Q.  Mais vous avez dit tout à l'heure que vous aviez entendu dire par la

 23   femme de Naim qu'elle avait entendu des coups de feu dans la petite cabane

 24   après que Naim ait été emmené dans cette direction; c'est bien cela ?

 25   R.  Mais c'est après qu'ils ont emmené Naim dans la direction de cette

 26   cabane. Il faut que vous attendiez un petit peu, je vous expliquerai après.

 27   Là on est tous sortis dans la cour. D'abord ils ont abattu Nezir Vishaj,

 28   ils ont tiré dessus et ils l'ont tué. Ensuite le deuxième a été Daut

Page 7319

  1   Alickaj. Lui aussi il a été tué dans la cour tout de suite à la sortie de

  2   la maison. Ensuite ils ont pris Naim, je l'ai vu de mes propres yeux. Ils

  3   ont emmené Naim dans la direction de la cabane. Ils l'ont tué, mais ça je

  4   ne l'ai pas vu de mes propres yeux. J'ai juste entendu sa femme dire que

  5   Naim avait été tué et qu'elle avait entendu les coups de feu, mais je n'ai

  6   pas vu le moment exact où il a été tué.

  7   Q.  Est-ce que sa femme a vu le moment exact où il a été tué ?

  8   R.  Non, non. Elle a juste entendu les coups de feu. Elle a entendu les

  9   armes à feu qui tiraient, ensuite elle en a conclu qu'il était mort.

 10   Q.  A ce moment-là, le reste d'entre vous aviez tous été emmenés dans une

 11   autre maison; c'est bien cela ?

 12   R.  Ils nous ont emmenés dans une autre maison, dans une autre cave.

 13   Q.  Vous avez mentionné aujourd'hui un certain nombre de personnes qui

 14   étaient paralysées. Au départ, j'avais compris qu'il n'y avait qu'une femme

 15   paralysée.

 16   R.  Oui, c'est exact. Il y avait une femme paralysée qui était dans la

 17   maison de Naim et qui ne pouvait pas marcher. Lorsque nous avons tous été

 18   obligés à aller dans la cave de l'autre maison, ils l'ont rouée de coups.

 19   La fille de cette dame leur a dit : Elle est paralysée, elle ne peut pas

 20   bouger, donc elle ne peut pas marcher. Cette femme, je sais qu'elle était

 21   paralysée. Je ne sais pas s'il y en avait beaucoup d'autres, mais en tout

 22   cas, je sais que cette femme-là était paralysée.

 23   Q.  Et c'était la femme de Nezir Vishaj; c'est bien cela ?

 24   R.  Oui, c'était la femme de Nesir Vishaj, cette femme paralysée. Celle qui

 25   ne pouvait pas marcher, oui, c'était sa femme.

 26   Q.  Il y a des éléments contradictoires entre votre déclaration préalable

 27   et votre témoignage. En ce qui concerne ce tissu blanc qui était sorti, et

 28   savoir si vous étiez la première personne à voir cette grande nappe. Mais

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  1   je crois que vous avez plus ou moins résolu cette contradiction lorsque

  2   vous avez corrigé votre déclaration, puisque vous avez dit et je cite :

  3   "Lorsqu'elle a été emmenée dans la cave, le témoin a vu que sur cette nappe

  4   blanche se trouvait un certain nombre d'effets personnels des différentes

  5   personnes qui avaient été fouillées avant elle…"

  6   C'est bien cela ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Maintenant vous avez ajouté qu'il y avait aussi des pièces d'identité

  9   sur ce grand drap blanc; est-ce exact ?

 10   R.  Mais je n'ai absolument rien changé. Simplement, je me suis rappelée

 11   d'un détail supplémentaire, donc j'ai ajouté ce détail. Mais je n'ai

 12   strictement rien modifié. Je me suis souvenue de cela en plus.

 13   Effectivement, je me suis souvenue du fait qu'il y avait des pièces

 14   d'identité en plus de l'argent et des effets personnels, mais je n'ai rien

 15   modifié. J'ai juste ajouté cela. Il se peut très bien,  vous savez, que

 16   l'on oublie certains détails lorsqu'on est amené à raconter des histoires

 17   aussi épouvantables.

 18   Q.  Oui, mais justement, c'est ce dont je voulais m'assurer. Vous ne vous

 19   souveniez pas de la présence de pièces d'identité en 2000, 2004 et 2006;

 20   c'est bien cela ?

 21   R.  Je ne me souvenais pas, parce que j'étais en état de choc. Même encore

 22   aujourd'hui, je ne me sens pas complètement remise. Je suis en traitement

 23   et je suis une thérapie. J'ai encore des problèmes.

 24   Q.  Je comprends parfaitement, Madame, et j'apprécie que vous fassiez les

 25   efforts nécessaires pour essayer de vous rappeler du mieux possible, mais

 26   je vous demande juste pourquoi, tout d'un coup, les pièces d'identité vous

 27   sont revenues en mémoire.

 28   R.  Parce que tout d'un coup je me suis rappelée que lorsque je suis entrée

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  1   dans le cave, effectivement, j'ai vu des pièces d'identité. J'ai entendu

  2   certaines personnes dire : Ils nous ont confisqué nos pièces d'identité.

  3   Effectivement, sur ce grand drap blanc, j'ai vu ces pièces d'identité qui

  4   étaient amassées là.

  5   Q.  Diriez-vous que vos souvenirs sont --

  6   R.  Lorsque nous nous sommes rendus en Albanie --

  7   Q.  Madame, pouvez-vous dire que vos souvenirs sont plus précis aujourd'hui

  8   que lorsque vous avez fait votre déclaration préalable ?

  9   R.  Je me souviens parfaitement bien qu'il y avait des cartes d'identité et

 10   je sais très bien que lorsque nous nous rendions vers l'Albanie, la police

 11   nous arrêtait en nous demandant de leur remettre nos cartes d'identité.

 12   Mais nous ne cessions de leur dire que déjà la police nous avait confisqué

 13   nos cartes d'identité dans la cave de cette maison.

 14   Q.  Madame, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez remis vos bijoux et

 15   votre argent de votre propre initiative avant même que les policiers ne

 16   vous le demandent; c'est exact ? Vous avez donc déposé vous-même, de votre

 17   propre initiative, sur ce drap sans que la police ne vous le demande ?

 18   R.  Oui, lorsque je suis entrée, je vous ai dit tout à l'heure que nous

 19   étions quatre femmes. J'étais la première des quatre à entrer. Quand je

 20   suis entrée, j'ai vu sur ce drap un certain nombre d'effets personnels dont

 21   je vous ai parlé. Donc de ma propre initiative j'ai remis les miens,

 22   ensuite ils m'ont dit : Tu peux partir. Alors je suis partie et j'ai laissé

 23   les trois autres femmes derrière. J'avais peur qu'ils me fouillent et je ne

 24   voulais pas être fouillée. C'est pour cela que j'ai remis tout ce que

 25   j'avais sur moi sur ce drap.

 26   Q.  Mais personne --

 27   R.  En fait, ils ont fouillé même mes enfants.

 28   Q.  Madame, personne n'a dit : Donnez-nous ce que vous avez, argent,

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  1   bijoux, et cetera.

  2   R.  Non, personne ne nous l'a demandé, mais étant donné qu'ils nous avaient

  3   demandé de descendre dans la cave, je me doutais bien qu'il y avait une

  4   raison. Lorsque j'ai vu tous ces effets personnels sur ce drap, tout de

  5   suite je me suis dit que je préférerais ne pas être fouillée et remettre de

  6   moi-même mes effets personnels.

  7   Q.  Merci, Madame. Je me demande alors pourquoi lorsqu'on vous a demandé

  8   sous serment : Est-ce que vous avez fait ça de votre propre initiative,

  9   vous avez répondu :

 10   "Non, non, non. Donnez-nous ce que vous avez d'argent et de bijoux,"

 11   c'est eux qui vous l'avaient dit.

 12   En tout cas, c'est ce que vous avez dit dans le témoignage dans le

 13   cadre de l'affaire Milutinovic et consorts. Pourquoi aviez-vous dit cela à

 14   ce moment-là ?

 15   R.  Non, laissez-moi vous expliquer. Ne me reposez pas toujours les mêmes

 16   questions, s'il vous plaît. Je voudrais vous expliquer les choses. Je suis

 17   entrée dans cette cave avec un groupe de quatre ou cinq. On m'a obligé à

 18   donner ce que j'avais, parce que je savais que c'était pour cela qu'ils

 19   nous avaient demandé d'aller dans la cave. Je ne voulais pas attendre

 20   qu'ils me fouillent parce que j'étais terrorisée. Donc je leur ai donné

 21   tout ce que j'avais et je ne voulais pas qu'ils me fouillent. Je voulais

 22   que ça aille le plus vite possible, que je dépose mes affaires et que je

 23   remonte m'occuper de mes enfants. Alors, s'il vous plaît, je vous

 24   demanderais d'arrêter de me poser constamment cette même question. J'avais

 25   vraiment peur. J'étais terrorisée. Même lorsque je me rappelle de cette

 26   scène, je ne suis pas vraiment dans le meilleur de mon état. Alors je vous

 27   demanderais d'arrêter de me poser cette question, car effectivement je ne

 28   me sens plus très bien et je crois que je vais perdre le contrôle de mes

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  1   émotions.

  2   Q.  Bien, Madame. Donc je pense que nous allons maintenant avoir une petite

  3   pause. Ce serait peut-être un bon moment, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, nous allons interrompre

  5   l'interrogatoire et cela donnera l'occasion à tous d'aller boire quelque

  6   chose et de nous reposer un petit peu. Nous reprendrons dans une demi-

  7   heure.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. S'il vous plait, je voudrais vous

  9   demander, Monsieur le Président, de faire usage de votre pouvoir pour dire

 10   à l'avocate d'arrêter de me poser constamment la même question.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais vous savez, l'avocat essaie

 12   de comprendre clairement ce que vous décrivez. Donc parfois vos réponses ne

 13   sont pas tout à fait claires et c'est pourquoi elle vous repose la question

 14   une deuxième fois. Si vous pouvez essayer de nous aider en donnant des

 15   réponses plus précises, à ce moment-là, elle n'aura pas à vous reposer la

 16   question. Maintenant nous allons interrompre la séance.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 18   --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

 19   --- L'audience est reprise à 16 heures 21

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous espérons que vous vous sentez un

 21   peu mieux à présent.

 22   Merci.

 23   Mme O'Leary va poursuivre son contre-interrogatoire.

 24   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 25   Q.  Merci à vous, Madame le Témoin. Je vais essayer d'être succincte dans

 26   mes questions et nous allons terminer sous peu. Si j'ai bien compris, rien

 27   ne vous a été dit aujourd'hui. Lorsque vous avez déposé dans l'affaire

 28   Milutinovic, à un moment donné, vous avez déclaré qu'un certain nombre de

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  1   personnes ont eu un entretien avec vous en serbe. C'est la raison pour

  2   laquelle j'aimerais savoir si personne ne vous a jamais interrogé en serbe

  3   ?

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   L'INTERPRÈTE : Les interprètes en albanais n'ont pas pu entendre la réponse

  6   du témoin.

  7   Pouvez-vous demander à Mme le Témoin de reprendre sa réponse, puisque

  8   nous n'avons pas pu l'entendre.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, Madame, mais la liaison

 10   avec le bureau vient d'être rétablie, si bien que nous n'avons pu pas

 11   entendre le début de votre réponse. Pouvez-vous la répéter, s'il vous

 12   plaît.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Votre question se rapporte-t-elle au moment où

 14   on allait procéder à notre fouille ?

 15   Mme O'LEARY : [interprétation]

 16   Q.  Oui, au moment où vous avez mis vos effets personnels sur ce drap

 17   blanc, est-ce que quelqu'un vous a adressé la parole en

 18   serbe ?

 19   R.  Avant d'arriver sur les lieux pour être fouillée, j'ai posé une

 20   question aux femmes qui sont allées avant moi et elles m'ont expliqué

 21   qu'elles avaient été fouillées et qu'on leur avait confisqué tous leurs

 22   effets personnels. Quand c'était mon tour de m'y rendre en compagnie

 23   d'autres femmes, je n'ai pas attendu qu'ils me disent de remettre les

 24   affaires, je n'ai pas entendu qu'ils me fouillent, j'ai tout simplement

 25   donné tout ce que j'avais sur moi.

 26   Q.  Merci. C'est bien ce que j'ai compris. Lorsque vous avez déposé vos

 27   effets personnels sur ce drap, vous n'avez pas été fouillée par la suite ?

 28   R.  Non, ils ne m'ont pas fouillée, puisque j'avais déjà remis tout ce que

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  1   j'avais sur moi, comme je viens de l'indiquer. Mes amies, les autres femmes

  2   qui étaient là, m'avaient expliqué qu'elles avaient été fouillées. Donc

  3   quand c'était mon tour de m'y rendre, j'étais la première à entrer dans la

  4   pièce et je leur ai remis tout ce que j'avais sur moi, puisque je voulais

  5   en finir dès que possible pour revenir auprès de mes enfants. Et quand je

  6   suis revenue auprès de mes enfants, ils sont venus les fouiller eux aussi.

  7   Q.  Madame, les objets qui ont été remis, qui ont été posés sur ce drap, la

  8   police vous les a remis le lendemain. Ai-je raison de l'affirmer ?

  9   R.  Les objets en or nous ont été retournés. Ils ont donné un certain

 10   nombre d'objets en or et ils ont posé la question de savoir à qui ces

 11   objets appartenaient, puis toutes les femmes sont allées chercher ce qui

 12   était à elles.

 13   Q.  Et c'était l'un des policiers qui a posé cette question ?

 14   R.  Oui, c'était un policier.

 15   Q.  Et ce soir-là, vous l'avez dit, on a commencé à sortir les jeunes

 16   femmes de la pièce où vous vous trouviez. Cette pièce, se trouvait-elle au

 17   rez-de-chaussée ou à l'étage ?

 18   R.  Elle se trouvait au rez-de-chaussée. Elle faisait penser à un couloir

 19   ou un salon dans cette maison de famille.

 20   Q.  Mais cela s'est produit dans la soirée, il faisait nuit déjà, n'est-ce

 21   pas ?

 22   R.  Oui, oui. Il faisait nuit.

 23   Q.  Madame, ne citez pas de noms propres dans vos réponses --

 24   R.  Nous avons été séparées. Deux groupes ont été formés, puis emmenés dans

 25   deux pièces différentes. Un certain nombre parmi nous a été emmené dans la

 26   pièce que j'ai évoquée tout à l'heure et un autre groupe a été emmené dans

 27   une cabane.

 28   Q.  Madame, sans citer des noms de personne -- nous allons passer désormais

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  1   à une séance à huis clos partiel et vous allez nous dire, si vous le

  2   pouvez, comment s'appelaient les jeunes filles qu'on faisait sortir de la

  3   pièce ?

  4   R.  Je ne les connaissais pas. Je n'en connaissais pas une seule. Je ne les

  5   avais jamais rencontrées auparavant.

  6   Q.  Merci. Et vous l'avez dit, les hommes qui entraient dans cette pièce

  7   portaient des torches et s'en servaient pour projeter de la lumière sur

  8   tout ceux qui les entourait. Ai-je raison de le dire ?

  9   R.  Il n'y avait pas d'électricité et c'est la raison pour laquelle ils

 10   entraient dans la pièce en portant des torches. Ils ont demandé aux jeunes

 11   filles de quitter cette pièce parce qu'elles devaient nettoyer la maison.

 12   Q.  Oui, et c'est bien ce que vous avez déclaré à la page 7 de votre

 13   déclaration écrite. Vous avez évoqué deux paramilitaires. Et dans votre

 14   déposition précédente, page du compte rendu d'audience T7476, vous avez dit

 15   que l'un de ces deux hommes se tenait près de la porte et l'autre est venu

 16   chercher les filles ?

 17   R.  Oui, c'est ça. L'un d'entre eux se tenait près de la porte et l'autre

 18   est entré dans la pièce.

 19   Q.  Et dans votre déclaration écrite, vous identifiez l'un de ces hommes

 20   comme le fil de Mushk Jakupi; est-ce vrai ?

 21   R.  Oui, c'est exact. J'ai reconnu le fil de Mushk Jakupi. La troisième

 22   fois qu'ils sont venus, la lumière est tombée sur son visage, ce qui m'a

 23   permis de le reconnaître.

 24   Q.  Quelle est l'origine ethnique du fils de Mushk Jakupi ?

 25   R.  Je ne le sais pas, je ne le connais pas. J'ai entendu dire qu'il était

 26   Albanais de souche, mais ce n'est pas quelqu'un que je connaissais

 27   personnellement. Je l'ai appris de la part des autres personnes.

 28   Q.  Et de qui l'avez-vous appris, Madame ?

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  1   R.  Je l'ai appris par le biais des hommes. Ils avaient mentionné le nom

  2   d'une certaine personne en disant qu'il avait commis des actes criminels.

  3   Les hommes disaient que le fils de Mushk Jakupi avait commis des crimes,

  4   mais je ne le connaissais pas personnellement. Il s'agissait d'actes

  5   criminels commis à Gjakova.

  6   Q.  Je pense que vous l'avez mentionné le 10 octobre 2006, nous avons une

  7   note rédigée lors de votre interrogatoire avec le bureau du Procureur et

  8   aux pages 5 et 6, le nom du fils de Mushk Jakupi est mentionné. Il est

  9   indiqué qu'il avait mauvaise réputation, c'était un policier. Et son fils

 10   était un paramilitaire.

 11   Alors, qu'est-ce que vous vouliez dire au juste, est-ce Mushk Jakupi qui

 12   avait mauvaise réputation ou s'agissait-il plutôt de son fils ?

 13   R.  Tous les deux. Mais toutes ces choses-là, je les ai apprises par le

 14   biais d'autres personnes qui disaient que le fils de Mushk Jakupi avait

 15   fait toutes ces choses.

 16   Q.  Et qu'est-ce qu'il portait au moment où vous l'avez vu, au moment où la

 17   lumière est tombée sur son visage ou sur sa personne ?

 18   R.  Il portait un uniforme de camouflage vert. C'était le même type de

 19   vêtement qu'il portait qu'au moment où il pilotait le char.

 20   Q.  Et pensiez-vous que les personnes habillées de la sorte faisaient

 21   partie de l'armée ou de la police ?

 22   R.  Pour vous répondre en toute sincérité, je l'ai vu porter cet uniforme

 23   et je vous ai fait savoir ce que j'ai appris de mon mari. Je ne sais rien

 24   de plus.

 25   Q.  Je vous pose cette question pour la raison suivante. Vous avez indiqué

 26   à deux reprises qu'il s'agissait d'un paramilitaire. Vous l'avez indiqué

 27   pour la première fois dans votre déclaration préalable, puis ceci est

 28   indiqué ici dans le procès-verbal de votre interrogatoire par le bureau du

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  1   Procureur.

  2   R.  Il portait un uniforme de camouflage vert. Les policiers portaient des

  3   uniformes bleus, donc j'imaginais que les gens qui portaient un autre type

  4   d'uniforme étaient des paramilitaires. Mais il ne s'agit qu'une supposition

  5   de ma part.

  6   Q.  Mis à part les sévices sexuels infligés à des femmes dont vous avez

  7   fait état dans votre déclaration écrite, vous avez dit que le lendemain la

  8   police se trouvait toujours dans le village.

  9   R.  Oui. C'est exact. J'ai entendu ces jeunes filles là personnellement.

 10   Mais pouvez-vous reposer la question ? Je n'ai pas très bien entendu votre

 11   question.

 12   Mme O'LEARY : [interprétation]

 13   Q.  J'ai cité le procès-verbal de votre interrogatoire effectué par le

 14   bureau du Procureur. Dans ce procès-verbal, il est indiqué

 15   que :

 16   "Les paramilitaires emmenaient les jeunes filles alors que le

 17   lendemain la police se trouvait toujours dans le village."

 18   Donc cela signifie qu'au cours de la nuit, les paramilitaires

 19   emmenaient les jeunes filles. Est-ce bien ce que vous avez voulu

 20   dire ?

 21   R.  Pour répondre en toute sincérité, j'ai reconnu le fils de Mushk Jakupi,

 22   mais je ne l'ai vu qu'une seule fois. Pour ce qui est des autres, je ne

 23   saurais préciser s'il s'agissait de policiers ou de paramilitaires puisque

 24   je n'ai pas pu voir leurs uniformes.

 25   Q.  Il me semble que c'est quelque chose que vous avez indiqué dans la note

 26   de la semaine dernière qui nous a été communiquée. Vous avez dit qu'il

 27   faisait noir et que vous n'avez pu voir le fils de Mushk Jakupi qu'une

 28   seule fois, au moment où la lumière de la torche a été projetée sur son

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  1   visage; sinon, chaque fois qu'il venait il faisait trop noir pour que vous

  2   puissiez identifier les personnes différentes.

  3   R.  Oui. Cela arrivait. Il faisait noir, mais à un moment donné quand il

  4   est venu chercher les filles, un jet de lumière s'est projeté sur son

  5   visage, si bien que j'ai pu le reconnaître. Mais je ne sais pas s'il était

  6   parmi les hommes qui sont venus chercher les jeunes filles à d'autres

  7   reprises.

  8   Q.  Dans votre déposition précédente, page du compte rendu d'audience 7

  9   477, vous dites :

 10   "Nous n'osions pas lever nos yeux vers eux pour voir qui ils étaient.

 11   Nous avions très peur. Mais je sais qu'ils entraient dans la pièce et

 12   emmenaient les jeunes filles."

 13   Donc vous n'avez pas vu les filles au moment où elles ont été

 14   emmenées.

 15   R.  Si, j'ai vu les jeunes filles au moment où on les faisait sortir de la

 16   pièce, mais je n'ai pas pu voir les personnes qui les ont conduites. On les

 17   faisait sortir de cette pièce de force. On leur disait : "Venez, il faut

 18   que vous nettoyiez quelque chose."

 19   Q.  Mais vous n'avez pas pu identifier les personnes qui sortaient ces

 20   jeunes filles de la pièce, n'est-ce pas ?

 21   R.  Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ? Je n'ai pas très

 22   bien entendu.

 23   Q.  Je souhaitais simplement que vous confirmiez que vous étiez incapable

 24   d'identifier les personnes qui emmenaient les jeunes filles, hormis le

 25   jeune homme que vous avez déjà évoqué tout à l'heure.

 26   R.  J'étais incapable d'identifier ces personnes. Je ne saurais vous dire

 27   même s'ils étaient membres de la police ou des paramilitaires. Il faisait

 28   trop sombre.

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  1   Q.  Merci. Le lendemain, c'est quelque chose vous indiquez dans votre

  2   déclaration écrite, deux paramilitaires sont arrivés et vous ont ordonné de

  3   partir. Ceci figure à la page 7 de votre déclaration écrite. Ai-je raison

  4   de l'affirmer ?

  5   R.  Le lendemain, deux individus se sont présentés et ils nous ont ordonné

  6   de partir, de nous diriger vers l'Albanie.

  7   Q.  Mais dans votre déclaration écrite, le terme que vous utilisez est

  8   celui de "paramilitaires."

  9   R.  Il s'agissait effectivement de paramilitaires. Ils portaient des

 10   uniformes de camouflage verts, et c'est la raison pour laquelle je me suis

 11   dit qu'il s'agissait de paramilitaires. Je ne vois pas ce qu'ils pouvaient

 12   être d'autre.

 13   Q.  Merci, Madame. Quand vous êtes partis, vous souvenez-vous de la

 14   trajectoire que vous avez suivie jusqu'à la ville de Kukes ?

 15   R.  Oui, je me souviens. Nous sommes partis de Beleg. Nous avons traversé

 16   Carrabreg, Rastovice, Hereq, Gjakove, Zhur, jusqu'à l'Albanie. Nous avons

 17   été arrêtés pendant le chemin à plusieurs reprises.

 18   Q.  Et vous avez pris ce chemin parce que vous étiez sous escorte policière

 19   ?

 20   R.  Je ne les ai pas vus. Je voyageais à bord des camions. Par conséquent,

 21   je ne pouvais rien voir. Par ailleurs, nous étions très nombreux à bord de

 22   ce camion, mais j'ai entendu les hommes dire que la police nous escortait,

 23   mais je n'ai pas pu les voir personnellement, puisqu'il y avait trop de

 24   personnes à bord de ce camion; et par ailleurs, le camion était recouvert.

 25   Donc je ne pouvais rien voir. Mais j'ai entendu les hommes dire que nous

 26   étions sous escorte.

 27   Q.  Vous avez entendu dire que vous vous trouviez sous escorte policière,

 28   mais avez-vous pu voir les unités paramilitaires qui vous arrêtaient en

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  1   chemin ?

  2   R.  Le long de la route ? Non. Je ne pouvais pas les voir depuis le camion.

  3   Comme je l'ai déjà indiqué, le camion était recouvert et, par conséquent,

  4   on ne pouvait rien voir. Le chauffeur seul a pu s'entretenir avec eux.

  5   Q.  Très bien, Madame. Mais vous venez de l'indiquer, pendant que vous vous

  6   déplaciez, les soldats ou les paramilitaires vous arrêtaient pour vérifier

  7   vos pièces d'identité.

  8   R.  Je ne sais pas. Je ne les ai pas vus. On me le disait, et je l'ai

  9   entendu dire. Le convoi, la colonne, a été arrêté à plusieurs reprises.

 10   Mais je ne sais pas qui nous a arrêtés, s'il s'agissait de paramilitaires

 11   ou de policiers. Les chauffeurs étaient les seuls à s'entretenir avec eux.

 12   Mme O'LEARY : [interprétation] Il faudrait peut-être faire une petite pause

 13   afin d'apporter des modifications au compte rendu d'audience.

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une petite pause au

 15   cas où vous avez des problèmes avec le compte rendu de l'audience.

 16   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il nous sera possible de reprendre

 19   l'audience dans quelques instants. Je suis désolé de ce retard.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de problème, Monsieur le

 21   Président. Je peux attendre.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Un technicien est en train de réparer

 23   le problème qui touche apparemment l'ensemble du bâtiment. Nous allons

 24   devoir patienter encore un tout petit peu, désolé.

 25   Je pense que nous pouvons recommencer, Madame O'Leary.

 26   Mme O'LEARY : [interprétation]

 27   Q.  Madame, nous étions en train de discuter de l'itinéraire que vous avez

 28   suivi pour aller à Kukes et ce qui s'est produit en route. Vous disiez que

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  1   vous n'avez pas vu la police vous-même mais que vous aviez entendu que la

  2   police vous escortait; c'est bien

  3   cela ?

  4   R.  Oui, c'est ce que j'ai entendu.

  5   Q.  O.K.

  6   R.  J'ai entendu des gens dire que la police nous escortait, mais je ne

  7   peux pas vous dire jusqu'où ils nous ont escortés.

  8   Q.  Très bien. Merci, Madame. Je voulais être sûre d'avoir bien compris

  9   avant la pause que nous avons faite, car vous aviez dit que vous aviez

 10   entendu également que des paramilitaires vous arrêtaient, mais qu'en fait

 11   vous-même n'avez jamais vu les paramilitaires le long de la route.

 12   R.  Je ne les ai pas vus de mes propres yeux, parce que comme je vous l'ai

 13   indiqué, nous étions embarqués dans un camion qui était couvert d'une

 14   bâche. Donc seul le chauffeur leur avait parlé. Nous étions tellement

 15   nombreux sous cette bâche que seul le chauffeur ou les personnes qui

 16   étaient sur la banquette ont pu parler aux paramilitaires.

 17   Q.  Je voulais juste préciser, parce que ça a également été discuté dans

 18   cette note du 8 juillet 2009 quand on vous a posé des questions à ce sujet,

 19   qu'on vous demandait ce qu'on vous avait demandé, vous avez dit que vous

 20   n'avez pas donné votre pièce d'identité parce que vous n'en possédiez pas.

 21   Celle-ci avait été brûlée lors de l'incendie de votre maison dans votre

 22   village des mois plus tôt.

 23   Donc ce que je me demande, c'est : est-ce que quelqu'un vous a

 24   demandé vos documents d'identification le long du chemin ?

 25   R.  Oui, ils demandaient des pièces d'identité le long de la route, mais le

 26   chauffeur a expliqué que les documents d'identification de ces personnes

 27   avaient été confisqués à Beleg.

 28   Q.  Très bien. Quand vous disiez : Nous leur avions déjà remis les

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  1   documents à Beleg - c'est à la page 78 - c'était le chauffeur qui tenait

  2   ces propos ?

  3   R.  Oui, en effet, c'était le chauffeur qui parlait avec eux. C'est le

  4   chauffeur qui leur a donné ces précisions.

  5   Q.  Vous-même, vous n'aviez pas de documents d'identité depuis octobre 1998

  6   ou même septembre 1998 ?

  7   R.  Oui, en effet.

  8   Q.  Pour essayer de préciser la date, vous souvenez-vous quand votre maison

  9   a brûlé en 1998 à Glodjane?

 10   R.  Lorsque nous avons quitté la maison, elle était déjà brûlée. Je ne peux

 11   plus vous dire exactement quand.

 12   Q.  Ce que vous avez entendu de la bouche du chauffeur, c'est que ces

 13   paramilitaires arrêtaient le convoi escorté par la police; c'est bien cela

 14   ?

 15   R.  C'est ce que j'ai dit, parce que j'ai entendu le chauffeur tenir ces

 16   propos, parce que ce camion était arrêté fréquemment. Je ne peux pas voir

 17   moi-même, puisque c'était impossible de voir de là où je me trouvais.

 18   Q.  Oui, je comprends bien. Je voulais juste vous demander si vous aviez vu

 19   qui que ce soit vous-même. Cet itinéraire que vous avez emprunté, est-ce

 20   que vous connaissiez la région ? Est-ce que vous étiez déjà passé par cette

 21   route auparavant ?

 22   R.  Non, j'avais déjà été jusqu'à Djakove, mais pas plus loin.

 23   Q.  Quels sont les villages que vous avez déjà visités hormis Glodjane

 24   avant 1998 ou même avant la guerre ?

 25   R.  Drenoc et Beleg.

 26   Q.  Donc vous connaissiez ces villages-là avant de vous y rendre en 1998 et

 27   1999 ?

 28   R.  Oui.

Page 7335

  1   Q.  Madame, je sais que vous avez dit que votre mari n'appartenait pas à

  2   l'UCK - c'est ce que vous avez dit dans votre déclaration précédente - mais

  3   sans donner quelque nom que ce soit, est-ce que vous avez des membres de

  4   votre famille qui appartiennent à l'UCK ?

  5   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit et c'est vrai.

  6   Q.  Si nous étions en session à huis clos partiel, Madame, est-ce que vous

  7   pourriez nous donner des noms ?

  8   R.  Vous n'avez pas besoin de passer à huis clos partiel parce que je ne

  9   connais rien de tout ça. Je suis une femme qui reste à la maison, je

 10   m'occupe de mon foyer. Les femmes, dans notre tradition, ne s'occupent pas

 11   du tout de ça, mon mari non plus d'ailleurs. Nous avions sept enfants et il

 12   devait s'occuper aussi des enfants. Je ne connais pas ce que faisaient les

 13   cousins. Ce n'est pas la tradition chez nous que les femmes posent ce genre

 14   de questions.

 15   Q.  Dans l'affaire Milutinovic, vous aviez dit à la page 7 480 que ce

 16   n'était pas l'habitude parce qu'une femme ne quittait pas son foyer.

 17   R.  Effectivement, ce n'est pas l'habitude ni la coutume chez nous. C'est

 18   vrai, si nous sommes des femmes qui restent à la maison, cela veut dire que

 19   nous restons à la maison.

 20   Q.  Mais vous êtes sortie tout de même plusieurs fois. Vous avez pris le

 21   bus. Vous avez vu des gens, quelqu'un qui s'appelait Zoran qui vérifiait

 22   les pièces d'identité entre octobre 1998 et mars 1999, n'est-ce pas ?

 23   R.  C'est vrai, je me suis rendue de Drenoc à Peje, parce que je voulais

 24   acheter certaines choses pour les enfants. C'est à ce moment-là qu'il nous

 25   a demandé nos pièces d'identité. Il est même rentré dans le bus et a fait à

 26   peu près la moitié du trajet à l'intérieur de l'autobus. C'est à ce moment-

 27   là que je l'ai vu.

 28   Q.  Est-ce que Zoran a vérifié votre identité lorsque vous l'avez vu dans

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  1   l'autobus ?

  2   R.  Non, j'ai eu de la chance, parce qu'encore une fois, comme je vous le

  3   disais, il a vérifié la moitié du bus. Lorsqu'il est arrivé là où je me

  4   trouvais, il est reparti. Il n'a pas poursuivi la vérification des

  5   identités.

  6   Q.  Est-ce que votre pièce d'identité avait déjà été brûlée à l'époque ?

  7   R.  Oui, effectivement, mes documents avaient déjà été brûlés.

  8   Q.  Lorsque vous avez vu cette personne qui s'est présentée sous le nom de

  9   Zoran, vous n'avez pas vu de membres de l'UCK dans ces villages que vous

 10   traversiez en route ?

 11   R.  Non, c'était impossible de voir des membres de l'UCK le long de la

 12   route.

 13   Q.  Pourquoi était-ce impossible, Madame ?

 14   R.  C'était impossible, parce que les policiers étaient partout à Decan, à

 15   Peje. Il y avait la police, donc c'était impossible d'y trouver des membres

 16   de l'UCK.

 17   Q.  Madame, à Glodjane, est-ce que vous avez vu des membres de l'UCK ?

 18   R.  Non, je restais chez moi, donc vous savez -- qu'est-ce que j'avais à

 19   offrir moi à l'UCK ? J'avais sept enfants dont je devais m'occuper.

 20   Q.  Vous nous dites que vous ne connaissiez personne au sein de l'UCK à

 21   part quelques parents assez lointains ?

 22   R.  Il y avait quelques parents assez lointains qui étaient dans l'UCK,

 23   mais je n'avais aucun contact avec eux. Je n'en ai jamais eu.

 24   Q.  Alors comment saviez-vous qu'ils étaient membres de l'UCK, Madame ?

 25   R.  Je ne sais même pas s'ils étaient membres de l'UCK. Simplement, je dis

 26   que je n'ai vu personne, alors peut-être que certains auraient pu être

 27   membres de l'UCK, mais je n'ai pas eu l'occasion de les voir, parce que

 28   comme je vous le disais, j'étais une femme qui restait au foyer. Etant

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  1   donné que c'était ma situation, je restais chez moi.

  2   Q.  Alors étant donné que vous restiez essentiellement chez vous, comment

  3   saviez-vous que leur QG se trouvait dans la ville de Glodjane comme vous

  4   l'avez indiqué à la page 3 de votre déclaration?

  5   R.  Comment je le sais ? Parce que j'ai entendu des gens qui disaient qu'il

  6   y avait des membres de l'UCK, mais je ne les ai pas vus de mes propres

  7   yeux.

  8   Q.  Madame, vous disiez - et c'est au moment où vous avez dit d'ailleurs à

  9   votre mari de ne pas dire qu'il venait de Glodjane -

 10   que : 

 11   "Le QG de l'UCK se trouvait dans ce village de Glodjane…"

 12   Comment le saviez-vous alors ?

 13   R.  J'ai entendu des gens le dire, mais personnellement, je ne les ai pas

 14   vus. J'entendais l'un ou l'autre dire cela, mais ça ne m'intéressait pas

 15   vraiment. Je ne faisais pas attention à tous cela, parce que ce n'est pas

 16   quelque chose que je connaissais directement. Ce sont des rumeurs qui

 17   circulaient.

 18   Q.  Vous avez également entendu que Ramush Haradinaj était le président de

 19   l'UCK à Glodjane, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, j'ai entendu effectivement que Ramush Haradinaj était commandant,

 21   mais je ne l'ai jamais vu et je ne le connaissais pas.

 22   Q.  Mais ce n'était pas habituel pour vous que de vous adresser à d'autres

 23   hommes dans le village, n'est-ce pas ?

 24   R.  Non, on n'adressait pas la parole à des hommes qu'on ne connaissait

 25   pas, mais bien sûr, on peut parler à des hommes que l'on connaît ou des

 26   gens qui sont de notre famille.

 27   Q.  Donc vous aviez entendu ces propos de la bouche de parents à  vous en

 28   ce qui concerne la présence du QG de l'UCK et de Ramush Haradinaj ?

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  1   R.  J'ai entendu cela une fois ou deux fois, puis c'est tout. J'ai entendu

  2   qu'il y avait un membre de l'UCK, je ne peux même plus vous dire qui

  3   c'était. Est-ce que c'était un enfant qui a dit cela ou des adultes, je

  4   n'en sais rien, mais je n'ai pas fait attention. Ça ne m'intéressait pas.

  5   Q.  Merci, Madame. Merci d'avoir pris le temps de répondre à ma question.

  6   Mme O'LEARY : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame O'Leary.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame D'Ascoli, est-ce que vous

 10   voulez poser d'autres questions ?

 11   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Oui, j'ai encore d'autres questions.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mme D'Ascoli a encore quelques

 13   questions à vous poser, Madame.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 15   Nouvel interrogatoire par Mme D'Ascoli : 

 16   Q.  [interprétation] Madame, je vous renvoie à la page 21 lignes 13 à 15 du

 17   compte rendu d'audience aujourd'hui. Madame, en réponse à une question du

 18   conseil de la Défense, vous avez dit que ces forces qui portaient des

 19   uniformes de police officiels que vous avez vues à Beleg avaient le mot

 20   "police" écrit sur leurs manches. Alors ma question est la suivante :

 21   comment savez-vous ce qui était écrit sur leur manche, que c'était bien le

 22   terme "police," comment le saviez-vous ?

 23   R.  Je ne savais pas que le sens du mot était police. J'ai simplement vu

 24   que les lettres étaient en alphabet cyrillique. Mais à la vérité, je dois

 25   vous dire que je ne sais pas lire ces lettres en cyrillique. Je les

 26   reconnais comme appartement à l'alphabet cyrillique.

 27   Q.  Mais n'avez-vous pas dit que vous saviez que cet insigne signifiait

 28   "police" ? N'avez-vous pas tenu ces propos aujourd'hui ?

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  1   R.  J'ai dit qu'il y avait un insigne qui était écrit en lettres

  2   cyrilliques. D'habitude, c'était la police qui portait ce type d'insigne.

  3   Alors, quant au sens du mot qui était écrit, je n'en sais rien.

  4   Q.  Mais comment savez-vous cela ? Est-ce que les personnes qui étaient

  5   avec vous vous ont dit ce qui était écrit sur ce badge sur la manche de ces

  6   uniformes ? Est-ce qu'on vous a dit ce qui était écrit ?

  7   R.  J'ai entendu une fois de la bouche de mon mari qui a dit que la police

  8   a cela écrit sur son épaule. Je l'ai entendu tenir ces propos. Mais moi, je

  9   n'ai pas pu déchiffrer que ça signifiait police.

 10   Q.  Mais vous avez entendu donc que ce qui était écrit sur la manche, votre

 11   mari vous l'a dit, était le thème "police". C'est ça ?

 12   R.  Il y a pas mal de temps avant cet incident que j'ai entendu cela. Le

 13   jour où j'ai vu l'insigne, je ne peux simplement vous dire que ce mot était

 14   écrit en cyrillique. Que le mot soit "policija" ou autre chose, ça, je n'en

 15   sais rien.

 16   Q.  Et lorsque vous dites "quelque temps auparavant," est-ce que vous

 17   voulez dire par là que votre mari vous avait dit ce qui était écrit sur

 18   l'insigne, et que ça signifiait "police" ?

 19   R.  Je vous ai dit que c'est mon mari qui me l'a dit, parce que moi-même je

 20   ne peux pas lire. Je me souviens simplement que ces lettres étaient écrites

 21   en lettres cyrilliques.

 22   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Monsieur le Président, pourrions-nous

 23   passer très rapidement à huis clos partiel ?

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

 25   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

 26   Q.  Madame, aujourd'hui on vous a --

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes

 28   maintenant à huis clos partiel.

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  1   [Audience à huis clos partiel]

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 27   [Audience publique]

 28   Mme D'ASCOLI : [interprétation]

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  1   Q.  On vous a également interrogé au moment où vous avez dû quitter le

  2   village de Drenoc pour vous rendre à Beleg et vous disiez qu'en partant,

  3   vous aviez vu des flammes sortir des maisons à Drenoc. Est-ce que vous

  4   pouvez nous préciser ce que vous avez vu en quittant le village de Drenoc ?

  5   R.  Lorsque nous sommes partis de Drenoc pour nous rendre à Beleg, nous

  6   pouvions effectivement voir de la fumée et des flammes qui sortaient des

  7   maisons de Drenoc. J'entendais les hommes dire : "Ils ont mis le feu à

  8   Drenoc." Lorsque nous sommes arrivés à Beleg au cours du moment où nous

  9   faisions cette route, ils avaient mis le feu au village.

 10   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir qui avait mis le feu à ces

 11   maisons, au village ?

 12   R.  Non. Non, c'était impossible de le voir, car nous nous rendions à Beleg

 13   entre-temps, mais c'est la police serbe. Qui d'autre ?

 14   Q.  Aujourd'hui, nous avons évoqué les bombardements de l'OTAN à la page 27

 15   du compte rendu d'audience. Je voulais vous demander si vous aviez vu vous-

 16   même des bombardements de l'OTAN au moment où vous étiez à Drenoc, et puis

 17   quand vous êtes rendue à Beleg, fin mars 1999 ?

 18   R.  Oui. Oui, nous avons entendu ce bombardement.

 19   Q.  Mais qu'avez-vous entendu ?

 20   R.  Nous avons entendu les explosions.

 21   Q.  Est-ce que vous saviez de quel type d'explosion il s'agissait, ou d'où

 22   cela provenait ? Ou vous avez simplement entendu le bruit d'explosion ?

 23   R.  Des explosions qui étaient causées par les forces serbes, parce

 24   qu'elles bombardaient le village de tous les côtés. Ce n'était pas l'OTAN.

 25   Q.  Très bien. Alors, pendant que vous étiez à Beleg à la fin de mars 1999,

 26   pendant que vous y trouviez refuge, est-ce que vous avez vu des combats de

 27   l'UCK dans le village ?

 28   R.  Non, nous n'avons pas vu des combats, car nous étions enfermés à la

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  1   maison, mais nous entendions effectivement des échanges de tirs qui

  2   venaient de partout, avec des tirs de toutes sortes d'armes, des

  3   mitrailleuses, mais nous ne voyions rien.

  4   Q.  Mais est-ce que vous avez entendu que des combats de l'UCK se

  5   produisaient dans le village au cours de cette période ?

  6   R.  Non. Nous étions enfermés à l'intérieur. Qui aurait pu nous en parler ?

  7   Nous étions là dans le bruit et les cris et les pleurs des enfants. Nous

  8   voulions nous protéger, protéger les enfants, les familles.

  9   Q.  Madame, mon éminente consœur de la Défense vous a également posé des

 10   questions concernant les pièces d'identité que vous avez vues sur ce drap

 11   blanc pendant qu'on vous fouillait dans cette cave. J'ai une question à

 12   vous poser. Au cours de votre déposition précédente, dans l'affaire

 13   Milutinovic et consorts, mais également au cours de votre déclaration, donc

 14   auparavant, est-ce qu'on vous a jamais demandé si vous aviez vu des cartes

 15   d'identité au moment où on vous a fouillé ?

 16   R.  Je ne m'en souviens pas.

 17   Q.  En réponse à certaines autres questions posées par ma consœur, vous

 18   avez dit qu'après qu'on ait vérifié votre identité, vous êtes revenue

 19   auprès de vos enfants, et puis qu'ils sont venus dans cette pièce et qu'ils

 20   ont fouillé vos enfants. Pourriez-vous nous dire qui est venu fouiller vos

 21   enfants ?

 22   R.  Ces policiers, ces paramilitaires qui étaient là, c'est ces deux types

 23   de forces qui coopéraient ensemble.

 24   Q.  C'est eux qui sont venus et qui ont fouillé vos enfants ?

 25   R.  Oui, en effet. Oui, ils sont venus, ils ont fouillé les enfants.

 26   Certains étaient dans la cour, d'autres dans la cave et il y en avait

 27   beaucoup, il n'y en avait pas que deux, trois.

 28   Q.  Pouvez-vous nous expliquer comment ils ont fouillé les enfants quand

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  1   vous dites qu'ils ont fouillé les enfants. Pouvez-vous préciser d'avantage

  2   ce qu'ils faisaient ?

  3   R.  Ils les ont fouillés corporellement. Ils voulaient savoir si on avait

  4   éventuellement caché quelque chose sur les enfants; et donc, ils les ont

  5   palpés.

  6   Q.  Bien. On vous a posé des questions sur ces militaires qui venaient dans

  7   la pièce pendant la nuit qui emmenaient les jeunes filles. Et en réponse,

  8   vous avez dit que les jeunes filles étaient emmenées de force. Est-ce que

  9   vous pourriez nous préciser ce que vous entendez par "emmenées de force" ?

 10   R.  Elles étaient emmenées de force parce qu'ils sont entrés et ils

 11   voulaient que ces jeunes filles aillent faire du nettoyage; alors elles ne

 12   voulaient pas partir, et les hommes les ont vraiment emmenées de force et

 13   les ont tirées vers l'extérieur.

 14   Q.  Pourriez-vous encore préciser ce que vous voulez dire, c'est-à-dire

 15   est-ce qu'il y a eu des actes de résistance, est-ce qu'elles ont été

 16   forcées physiquement à quitter cette pièce, ce que vous venez de dire,

 17   emmenées de force ? Qu'est-ce que vous voulez exactement dire par là ?

 18   R.  Oui, les jeunes filles ne se levaient pas pour partir. Ils les ont

 19   prises de force, ils les ont parfois même tirées par les cheveux pour les

 20   faire sortir de la pièce.

 21   Q.  Merci. Madame, c'est ma dernière question. Vous disiez que pendant que

 22   vous étiez dans le camion, dans ce convoi qui allait en Albanie, le

 23   chauffeur était la personne qui s'adressait aux forces qui escortaient le

 24   convoi. Ma question est celle-ci : Est-ce que le chauffeur vous a dit

 25   quelles étaient les forces qui escortaient le camion ? Est-ce qu'il a

 26   précisé de quelles forces il s'agissait ?

 27   R.  Le chauffeur en a parlé lorsque nous sommes arrivés en Albanie. Il a

 28   dit que dans certains endroits, il y avait des policiers, mais qu'à

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  1   d'autres endroits, il s'agissait de paramilitaires. Alors, je ne sais pas

  2   où ils se trouvaient précisément, moi-même j'ai entendu le chauffeur tenir

  3   ces propos-là.

  4   Q.  Je comprends bien. Alors, outre ces forces qui escortaient le convoi,

  5   est-ce que vous avez entendu le chauffeur préciser quelles étaient les

  6   forces qui arrêtaient le convoi et qui demandaient les pièces d'identité ?

  7   Ma question est de savoir est-ce que le chauffeur a indiqué quelles étaient

  8   les forces qui arrêtaient le convoi pour demander les pièces d'identité ?

  9   R.  Je ne sais pas. Je ne l'ai pas entendu parler de cela à ce moment-là.

 10   En fait, ce camion était vraiment bourré, il y avait des enfants qui

 11   avaient faim, qui pleuraient. Donc je ne pouvais pas entendre ce que le

 12   chauffeur disait.

 13   Q.  Bien. Alors, vous ne savez pas donc quelles étaient ces forces ?

 14   R.  Non. Non, je ne sais pas. Je ne me souviens pas. Même si je l'ai déjà

 15   dit -- vous savez, nous n'avions pas de couches ou quoique ce soit pour les

 16   enfants; ils criaient. Je ne sais pas ce que les gens disaient.

 17   Q.  Bien. Mais est-ce que vous vous souvenez vous-même que le convoi était

 18   arrêté à certains moments ? Lorsque vous étiez en route, vous vous souvenez

 19   que ce camion a été arrêté à certains moments ou vous ne vous en souvenez

 20   pas ?

 21   R.  Le camion était arrêté, mais nous ne pouvions rien voir. Nous ne

 22   pouvions pas voir l'extérieur. Nous ne savions pas où nous étions, car ce

 23   camion était couvert d'une bâche et nous nous trouvions à l'intérieur. Au

 24   fond du camion, les enfants pleuraient, hurlaient. Nous sentions simplement

 25   que le camion s'arrêtait.

 26   Q.  Madame, je vous remercie d'avoir répondu à toutes mes questions.

 27   Mme D'ASCOLI : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 28   Président.

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  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame D'Ascoli.

  2   Bien, vous serez heureux tous de savoir que cela met donc un terme, Madame,

  3   à votre interrogatoire. La Chambre tient à vous remercier pour les réponses

  4   que vous avez données aujourd'hui ainsi que pour votre déclaration

  5   préalable. Nous tenons encore une fois à vous remercier pour l'aide que

  6   vous nous avez apportée. Vous pouvez donc maintenant retourner à vos

  7   activités quotidiennes et habituelles avec votre famille. Merci beaucoup.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges. Cela fait 11 ans,

  9   mais nous avons tellement souffert tous et il y a encore tellement de corps

 10   qui n'ont toujours pas été retrouvés.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 12   [Le témoin se retire]

 13   [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maintenant, je crois que Monsieur

 15   Behar, nous allons pouvoir passer au témoin suivant.

 16   M. BEHAR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, le témoin suivant

 17   est Sabri Popaj. Pendant que nous l'attendons, je voudrais vous demander

 18   l'autorisation de poser mes questions à partir de cet endroit-ci plutôt que

 19   de devoir me déplacer à plusieurs reprises.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, bien entendu. Pas de problème.

 21   M. BEHAR : [interprétation] Je vous remercie.

 22   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Behar, nous venons

 24   d'apprendre par téléphone de Pristina que le témoin suivant n'arrivera que

 25   demain matin.

 26   M. BEHAR : [interprétation] Cela est une surprise aussi pour nous, en tout

 27   cas pour moi. Je vais étudier la question, mais je ne sais quoi dire

 28   d'autre parce qu'effectivement, si tel est le cas, je ne sais pas, il

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  1   faudrait que nous comprenions ce qui s'est passé.

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est comme cela que les instructions

  3   ont été comprises.

  4   M. BEHAR : [interprétation] Je vous demanderais juste un petit instant pour

  5   voir ce que je peux faire à cet égard. Merci.

  6   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  7   M. BEHAR : [interprétation] Pendant que nous étudions la question, Monsieur

  8   le Président. Je propose que peut-être nous puissions profiter de ces

  9   instants pour faire une petite pause. Cela nous permettra d'attendre et de

 10   trouver une explication.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, le greffier est actuellement au

 12   téléphone. Peut-être pouvons-nous nous adresser à lui directement par

 13   téléphone. Il semble qu'il ne soit pas possible de faire venir le témoin

 14   avant demain matin. Peut-être peut-il nous aider à cet égard.

 15   M. LE GREFFIER [via vidéoconférence] : [interprétation] Monsieur le

 16   Président, c'est exact. D'après ce que je comprends de l'officier ici sur

 17   place, le témoin n'était pas prévu avant demain matin. Je comprends que

 18   c'est également l'information qui a été remise à la Section des Victimes et

 19   Témoins par le bureau du Procureur.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci de cette information.

 21   Il semble, Monsieur Behar, qu'il y ait peu d'intérêt à essayer de

 22   faire venir le témoin à cette heure-ci de la journée. Pouvons-nous

 23   simplement nous assurer que les deux témoins qui restent à entendre par

 24   liaison vidéo sont bien disponibles demain. Comme cela nous pourrons faire

 25   de notre mieux pour profiter du temps que nous avons avec eux au maximum ?

 26   M. BEHAR : [interprétation] Oui, bien entendu. Nous allons tout faire

 27   pour cela.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

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  1   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous allons devoir lever

  3   l'audience maintenant. Nous reprendrons demain matin à 9 heures. Nous

  4   allons prendre toutes les mesures nécessaires pour nous assurer que les

  5   deux témoins seront bien disponibles demain matin pour la liaison vidéo.

  6   L'audience est levée.

  7   --- L'audience est levée à 17 heures 27 et reprendra le mardi 14 juillet

  8   2009, à 9 heures 00.

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