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1 Le mercredi 15 juillet 2009
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour à tous ceux qui sont à
6 Pristina.
7 M. LE GREFFIER [par vidéoconférence] : [interprétation] Bonjour Monsieur le
8 Président. Nous --
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et je vois que le nouveau témoin est
10 prêt. Je vous salue, Monsieur.
11 Pourriez-vous maintenant donner lecture de la déclaration solennelle qui
12 vous a été remise.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 LE TÉMOIN : TÉMOIN K74 [Assermenté]
16 [Le témoin dépose par vidéoconférence]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous
19 asseoir.
20 Bien. Il y a un certain nombre de questions qui vous seront posées et c'est
21 M. Behar qui va vous poser les premières questions. Merci.
22 M. BEHAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Interrogatoire principal par M. Behar :
24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Je vous remercie d'être venu nous
25 voir aujourd'hui. Je vais commencer, si vous le voulez bien, en vous
26 demandant de jeter un coup d'œil sur un document, le 65 ter 02513,
27 reprenant vos coordonnées personnelles et c'est également dans
28 l'intercalaire 25, si du moins il vous a été remis. Pourriez-vous lire cela
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1 en silence et vérifier que les documents qui figurent ici, date de
2 naissance, et cetera, sont bien corrects ?
3 R. Oui.
4 Q. Merci.
5 M. BEHAR : [interprétation] Je voudrais que ce document de pseudonyme soit
6 versé au dossier sous pli scellé.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Très bien. Il s'agira de la pièce
9 P1093.
10 M. BEHAR : [interprétation]
11 Q. Monsieur, je vous appellerai sous l'appellation K74 afin de protéger
12 votre identité.
13 Je crois savoir que le 23 avril 1999, vous avez fait une déclaration auprès
14 du bureau du Procureur concernant les événements que vous avez vécus au
15 Kosovo; est-ce bien vrai ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de lire cette déclaration avant de
18 venir aujourd'hui ?
19 R. Oui.
20 Q. Il me semble qu'il y a un certain nombre de choses que vous voudriez
21 préciser concernant cette déclaration. Je vais traiter avec vous de ces
22 précisions chacune à leur tour. Je pense qu'une des choses que j'essaye de
23 faire afin d'aider la Chambre aujourd'hui, c'est de nous intéresser à la
24 distinction entre les choses que vous avez vues de vos yeux et les éléments
25 que vous connaissez par ouï-dire. Il s'agit ici de 65 ter 2517.
26 M. BEHAR : [interprétation] Je crois qu'il serait utile que le témoin
27 puisse recevoir le document qui se trouve également dans le dossier.
28 Q. Nous commençons par la page 3, paragraphe 4 de l'anglais. Il y a une
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1 ligne qui indique -- je vais vous la lire, vous recevrez la traduction. On
2 dit :
3 "Dans cette maison, la fille, Shpresa Cana, âgée de 43 ans, a ouvert la
4 porte et a été tuée par balle immédiatement…"
5 Ma première question, Monsieur, est de savoir si cet événement en
6 particulier est quelque chose que vous avez vu personnellement ou est-ce
7 quelque chose dont vous avez entendu parler ?
8 R. Non, je n'ai pas vu ça moi-même. Ce sont d'autres personnes qui me
9 l'ont dit.
10 Q. Aujourd'hui, est-ce que vous pouvez dire avec certitude que Shpresa
11 Cana a véritablement "ouvert la porte et elle a été abattue par balle
12 immédiatement…" ?
13 R. Je ne peux pas le certifier parce que, encore une fois, je n'ai pas vu
14 de mes yeux.
15 Q. Je vous remercie, Monsieur. Ensuite, je vais vous reporter à la page 3
16 dans le dernier paragraphe de la version anglaise. Je pense que c'est
17 pareil en B/C/S. A la quatrième ligne, je lis :
18 "Ils ont tiré à la mitrailleuse dans toutes les pièces de ma maison et ont
19 veillé à ce qu'elles soient totalement calcinées…"
20 Ma première question est de savoir si c'est quelque chose que vous avez vu
21 vous-même ou est-ce que c'est quelque chose dont vous avez entendu parler ?
22 R. Non, je n'ai pas vu ça moi-même. Après la fin de cette offensive,
23 lorsque nous nous sommes dirigés vers l'Albanie, nous avons pu voir les
24 impacts de balles et c'est tout. Nous n'avons pas pu voir autre chose.
25 Q. Très bien. Je vois. C'est une conclusion que vous avez tirée en
26 fonction de ce que vous avez vu à votre retour ?
27 R. Oui.
28 Q. Merci. Ensuite, à la page 4, au quatrième paragraphe de votre
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1 déclaration --
2 R. J'ai également des photos que nous avons prises.
3 Q. Des photos des conséquences de cette attaque ? C'est ça, Monsieur ?
4 R. Oui, oui. Oui, des photos des conséquences, lorsque nous sommes
5 revenus.
6 Q. Merci. Ma question suivante renvoie à ce que vous dites. On dit donc :
7 "Les assaillants serbes sont ensuite passés de l'autre côté de la route,
8 vers la propriété de Luli Vejsa…"
9 Je pense qu'il y avait quelque chose que vous vouliez nous indiquer
10 concernant le moment où ça s'est produit. Est-ce que vous souhaitez
11 préciser ?
12 R. Oui.
13 Q. On dit là justement dans l'endroit de cette déclaration que :
14 "Les assaillants serbes sont allés à ce moment-là de l'autre côté de la
15 route…"
16 Est-ce que vous êtes sûr de l'ordre chronologique dans lequel la maison de
17 Luli Vejsa a été incendiée ? Est-ce que vous êtes sûr de la chronologie des
18 événements ?
19 R. Je suis sûr du moment et je peux vous dire que tout ce que je dis s'est
20 produit.
21 Q. Oui, je comprends bien. Simplement, vous dites que vous êtes sûr du
22 fait que cette maison a été incendiée. Par contre, dans la chronologie des
23 maisons qui ont été incendiées, est-ce que c'est vraiment dans cet ordre-là
24 que ça s'est produit ?
25 R. Oui, c'est bien vrai.
26 Q. Merci. Dans ce même paragraphe, il y a une autre phrase qui dit :
27 "La maison de Luli n'était pas rattachée à d'autres maisons. Dès lors, elle
28 constituait un objectif pour les Serbes."
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1 Est-ce que vous avez quelque chose à préciser à propos de cette ligne de
2 votre déclaration ?
3 R. Non, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit à préciser car il
4 avait un voisin qui était Serbe.
5 Q. Est-ce que la maison de Luli était rattachée à une maison serbe ou
6 était-elle totalement détachée et indépendante ?
7 R. Elle était totalement indépendante. Elle était à 1 ou 2 mètres de
8 distance. Elle était séparée par une petite venelle.
9 Q. Oui, je comprends mieux maintenant ce que vous voulez dire. Je vous
10 remercie. Mais est-ce que cette maison constituait toujours un objectif,
11 comme vous le disiez dans votre déclaration ?
12 R. Je ne dis pas que c'était un objectif parce que ces gens étaient des
13 méchants et que les Serbes auraient voulu les tuer.
14 Q. Bon. Très bien. Je pense que nous avons saisi votre position à ce
15 sujet. Bien.
16 Maintenant, je vais vous reporter à la page 5, deuxième paragraphe. Il y a
17 une ligne qui précise :
18 "J'ai vu la maison de Luli partir en flammes."
19 Est-ce que vraiment vous avez vu cette maison partir en flammes, le feu
20 éclater dans cette maison ?
21 R. Non.
22 Q. Est-ce que c'est quelque chose dont vous avez été au courant par
23 d'autres moyens, cet incendie de la maison de Luli ?
24 R. Au moment où nous l'avons vue, après être partis, tout ce quartier
25 était en flammes.
26 Q. Si je vous comprends bien, vous avez vu les maisons en flammes, mais
27 vous n'avez pas vu quand les premières flammes ont eu lieu, quand le feu a
28 éclaté au départ; c'est bien cela ?
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1 R. Oui, tout à fait, nous ne l'avons pas vu à ce moment-là.
2 Q. Merci d'avoir donné cette précision.
3 A la page 6, au deuxième paragraphe, le paragraphe 1 en B/C/S, il y a une
4 phrase qui dit :
5 "Lorsque je me suis rapproché de ma maison, j'ai vu un homme qui était
6 devant le portail d'entrée avec un fusil, et je n'ai donc pas risqué ma vie
7 pour la voiture."
8 Alors, de ce que je comprends, Monsieur, pourriez-vous préciser où vous
9 avez vu cet homme, de manière plus précise.
10 R. Cet homme se trouvait dans une partie qui appartenait aux Serbes, sur
11 la rue, juste en face de ma maison.
12 Q. Donc il n'était pas vraiment devant votre portail, mais il était en
13 face de votre maison ?
14 R. Il se trouvait à quelque 100 mètres.
15 Q. Je vous remercie, Monsieur. Alors, suite à ces précisions et les
16 changements qui ont été apportés, je voudrais vous dire, hormis les
17 changements que vous aviez faits au moment de votre déposition dans
18 Milutinovic, est-ce que vous pensez que les informations qui sont reprises
19 dans votre déclaration sont véridiques, pour autant que vous le sachiez ?
20 R. Oui.
21 Q. Merci, Monsieur.
22 M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais verser au
23 dossier cette déclaration du témoin. La version non expurgée porte le
24 numéro 2517.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elle est versée.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce 01094, sous pli
27 scellé.
28 M. BEHAR : [interprétation] Il y a une déclaration expurgée qui est la même
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1 déclaration qui sera versée en tant que pièce publique. Il s'agit du numéro
2 65 ter 02532. Je souhaite verser cette pièce au dossier.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P01095.
5 M. BEHAR : [interprétation] Merci.
6 Q. Vous souvenez-vous avoir déposé dans l'affaire Milan Milutinovic le 29
7 novembre 2006 ?
8 R. Oui, en effet.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Djurdjic.
10 M. DJURDJIC : [interprétation] Nous sommes à nouveau en train de nous
11 livrer à des corrections du compte rendu. Je pense que ce n'est pas comme
12 ça qu'il faut faire. Il faut demander au témoin, et en fonction de ses
13 réponses, nous corrigeons le compte rendu d'audience.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons eu l'occasion de reparler
15 de ça hier, Monsieur Djurdjic, et cette procédure nous convient.
16 Poursuivez, je vous prie, Monsieur Behar.
17 M. BEHAR : [interprétation]
18 Q. Je crois comprendre qu'il y a une question, Monsieur, que vous
19 souhaitiez préciser, qui figure au compte rendu d'audience. Je vais vous
20 donner lecture de cette partie, ainsi que pour mes amis de la Chambre. Il
21 s'agit de la page 7 513 du compte rendu d'audience, ligne 15. A ce moment-
22 là, Monsieur, il y avait des échanges ici, et on vous a dit :
23 "Question : Hormis les corrections que vous avez faites, vous avez
24 examiné votre déclaration, y a-t-il d'autres corrections que vous
25 souhaitiez apporter ?"
26 Et la réponse est :
27 "Réponse : Oui, lorsque vous dites Mentor Deda était pendu, je n'ai pas dit
28 ça. J'ai dit qu'il avait été tué dans la cour."
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1 Est-ce qu'il y avait quelque chose que vous souhaitiez préciser à ce propos
2 ?
3 R. Mentor Deda est toujours en vie. Oui, Mentor Deda est toujours en vie.
4 Q. Alors de qui vouliez-vous parler à ce moment-là, dans ce passage qui a
5 été corrigé ?
6 R. Je voulais parler de son neveu.
7 Q. S'agit-il d'Argjend Demjaha ?
8 R. Oui.
9 Q. Je vous remercie. Alors, encore une fois, à la ligne 22, la question
10 était :
11 "Question : L'avez-vous vu au moment où il a été tué ou avez-vous entendu
12 parler de cet événement par d'autres personnes ?"
13 Votre réponse était :
14 "Réponse : Non, Mentor Deda -- non, j'ai entendu que Mentor Deda était
15 mort."
16 Encore une fois, je vous demande s'il y a des précisions que vous voulez
17 apporter à cela ?
18 R. Je voulais parler d'Argjend.
19 Q. Merci. Alors ceci étant dit --
20 R. Non, c'est Mentor qui m'a dit ça.
21 Q. Très bien. En d'autres termes, lorsque vous avez entendu le fait
22 qu'Argjend était mort, c'est Mentor qui vous l'avait dit. C'est ça que vous
23 nous dites ?
24 R. Oui, oui. Oui, c'est Mentor qui est la personne qui a sauté par-dessus
25 le mur.
26 Q. Monsieur, maintenant que ces choses-là sont claires, et suite à ces
27 commentaires, est-ce que le compte rendu reflète bien vos propos, et est-ce
28 que vous diriez la même chose aujourd'hui ?
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1 R. Oui.
2 Q. Merci.
3 M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais également
4 faire verser au dossier ce compte rendu d'audience, 05063.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P01096.
7 M. BEHAR : [interprétation] Je vais maintenant donner un très bref résumé
8 de la déposition de ce témoin.
9 K74 habitait à Djakovica. Il décrit le fait que les paramilitaires et
10 police serbe ont mis à feu des maisons albanaises, ont tué des civils
11 albanais dans cette ville en avril 1999. Il parle également des maisons qui
12 ont été incendiée et des personnes qui habitaient dans ces maisons. Il a
13 également déposé concernant le meurtre de civils.
14 K74 a également décrit comment lui-même et quelque 500 autres personnes se
15 sont cachées dans un quartier plus élevé de la ville, et puis ensuite sont
16 partis en convoi vers la frontière albanaise. Il décrit le fait que la
17 police leur a donné des directions en route, et il a reconnu l'un des
18 officiers. A la frontière, la police a pris et confisqué tous leurs
19 documents d'identité.
20 Voilà la fin de ma synthèse.
21 Q. Monsieur, j'aurais encore quelques questions dans le temps limité qui
22 nous est imparti. Comme je vous l'ai indiqué, l'une des choses que j'espère
23 pouvoir faire ici, c'est faire la distinction entre les événements que vous
24 avez vus vous-mêmes et les événements dont vous avez entendu parler via
25 d'autres personnes. Ma première question, il s'agit de la page 2 de votre
26 déclaration, deuxième paragraphe, vous décrivez que les paramilitaires
27 serbes ont organisé leurs opérations à partir du bâtiment de matériaux de
28 construction Stella, je suppose que c'est un bâtiment, et qu'il y avait des
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1 tireurs isolés qui faisaient régner la peur.
2 Ma question est de savoir : est-ce que vous avez vu ces tireurs isolés
3 vous-mêmes ?
4 R. Nous les avons vus entrer et partir de cet endroit. Ils rentraient et
5 puis ils sortaient assez fréquemment.
6 Q. Est-ce que vous-même, vous avez vu quelque chose qui vous permettait
7 d'en déduire qu'il y avait des tireurs embusqués là-bas et pouvez-vous nous
8 décrire de quoi il s'agissait ?
9 R. Je les voyais rentrer et sortir. Si on ne va pas là dans un but précis,
10 on ne va pas cet endroit-là. Ils vont là pour voir ce qui se passe autour
11 de cet endroit.
12 Q. Est-ce que vous avez vu leurs armes ou des fusils qui vous permettaient
13 de penser qu'il s'agissait de tireurs isolés ?
14 R. Non, je n'ai pas vu d'armes, de fusils, mais c'était ce que l'on
15 pensait, justement que ces gens-là étaient là dans ce but.
16 Q. Je vous remercie. Très bien, Monsieur. Avant de poursuivre, est-ce que
17 vous pourriez nous expliquer à quel moment vous avez pu faire ces
18 observations ?
19 R. Avant que les frappes de l'OTAN ne commencent.
20 Q. Je crois que vous avez évoqué un mois. Je ne suis pas sûr. Il me semble
21 avoir entendu cela. Est-ce que vous pourriez nous donner combien de temps
22 avant le début des frappes de l'OTAN ?
23 R. Je dirais deux à trois semaines avant les frappes aériennes de l'OTAN.
24 Je ne peux pas vous préciser exactement quand.
25 Q. Je vous remercie. Monsieur, il y a également un paragraphe dans votre
26 déclaration qui contient diverses idées et qui a créé un peu de confusion
27 dans votre déposition précédente. J'aimerais voir si on pourrait faire un
28 peu le tri et que vous pourriez nous dire ce que vous avez vu et ce que
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1 vous n'avez pas vu. Il s'agit de la page 4, paragraphe 6.
2 Je vais vous lire les parties qui m'intéressent, Monsieur. Au début
3 de ce paragraphe, on dit :
4 "Depuis la toute première nuit des bombements de l'OTAN, ils
5 organisaient des patrouilles en rue en tenant des torches à la main et en
6 s'envoyant mutuellement des signaux."
7 Est-ce que c'est bien quelque chose que vous avez vu vous-même ?
8 R. Ça, c'était avant les frappes.
9 Q. Pouvez-vous me dire quand c'était, quelles étaient plus ou moins les
10 dates ou la période à laquelle vous avez assisté à cela ?
11 R. Vous savez, beaucoup de temps s'était écoulé depuis, mais je dirais une
12 dizaine ou une quinzaine de jours avant les bombardements.
13 Q. Pour être tout à fait au clair, est-ce que c'est quelque chose que vous
14 avez vu vous-même ? Vous avez vu ces personnes patrouiller les rues et
15 s'envoyant des signaux lumineux ?
16 R. Je l'ai déjà dit. C'était pendant les deux ou trois semaines avant.
17 Q. Moi, ce que j'essaie de bien comprendre, Monsieur, pour être tout à
18 fait au clair, j'essaie de vérifier si c'est quelque chose que vous avez vu
19 plutôt que quelque chose dont vous avez entendu parler par le biais de
20 quelqu'un d'autre. Pourriez-vous préciser pour la Chambre, est-ce que c'est
21 quelque chose que vous avez vu de vos yeux vu ?
22 R. Oui, je l'ai vu moi-même. Ils utilisaient des torches qu'ils tenaient à
23 la main et ces personnes provenaient de deux maisons serbes.
24 Q. Pouvez-vous nous dire ce que portaient ces personnes, si vous vous en
25 souvenez ?
26 R. Je n'ai pas vu les personnes. J'ai juste vu les signaux lumineux, les
27 torches qu'ils tenaient pendant la nuit. Il faisait noir à ce moment-là.
28 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez vu, de sorte que la Chambre
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1 comprenne bien ce que vous avez vu ?
2 R. J'ai vu ces torches qu'ils tenaient à la main à une distance de 50
3 mètres.
4 Q. Vous décrivez qu'ils envoyaient des signaux. Est-ce que vous pouvez
5 nous expliquer comment ils envoyaient ces signaux ? Ça vous paraît peut-
6 être une question tout à fait simple, mais pouvez-vous décrire cela de
7 manière plus précise ?
8 R. Je vais essayer de vous l'expliquer. Ils envoyaient des signaux
9 lumineux brefs à l'aide de torches.
10 Q. J'ai l'impression que vous êtes en train de faire un geste. Aux fins du
11 compte rendu, vous semblez bouger votre pouce. Est-ce que je l'ai bien
12 saisi ? Ils allumaient les torches puis les éteignaient ? C'est ce que vous
13 essayez de nous expliquer ?
14 R. Oui. Il s'agissait de torches dont ils se servaient.
15 Q. Merci, Monsieur. A la ligne suivante de votre déclaration écrite, il
16 est question d'incendies, je cite :
17 "Un certain nombre d'hommes qui mettaient le feu avaient des visages
18 peints, noircis…"
19 "Les hommes que j'ai vus mettre le feu et abattre les gens
20 comprennent un certain nombre de personnes que je connais, que je peux
21 reconnaître."
22 Et puis vous citez une liste où sont répertorié tous les hommes que
23 vous avez identifiés : Pitulic, Scepanovic, et cetera. Je tiens simplement
24 à ce que tout soit parfaitement clair. Dans l'affaire Milutinovic, vous
25 avez affirmé ne pas avoir vu ces hommes mettre le feu.
26 R. Non, je ne les ai pas vus personnellement.
27 Q. Mais vous affirmez toujours que ces hommes étaient responsables des
28 incendies. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous faites cette
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1 affirmation, comment vous avez dégagé ces conclusions ?
2 R. Ce jour-là, lorsque nous sommes partis vers l'Albanie, ils se sont
3 rassemblés dans le quartier. Ils ont procédé à une sorte d'analyse et à
4 partir de ce moment-là nous ne les avons plus revus.
5 Q. Ai-je raison d'affirmer, Monsieur, que vous avez dégagé cette
6 conclusion à partir de toutes les observations que vous avez pu faire avant
7 que les incendies soient survenus ?
8 R. Oui. Je m'en suis rendu compte après coup.
9 Q. Excusez-moi, mais après quoi vous en êtes-vous rendu compte ? Que
10 s'est-il produit ?
11 R. Je m'en suis rendu compte après les incendies et les assassinats. Tous
12 les habitants du quartier se sont rassemblés avant de se diriger vers
13 l'Albanie. Nous avons procédé à une analyse de la situation actuelle et
14 nous avons déduit qu'ils étaient les seuls responsables possibles puisque
15 les maisons serbes étaient restées intactes.
16 Q. Merci, Monsieur. Je crois que c'est clair à présent. C'est une
17 conclusion que vous avez dégagée par la suite, après avoir eu des
18 entretiens avec d'autres villageois, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Merci. Dans votre déclaration écrite, vous faites état également des
21 choses que vous avez observées après les incendies. En bas de la page 4,
22 vous déclarez :
23 "Plus tard, vers 6 heures 30 du matin, j'ai vu quelques autres hommes venir
24 dans le quartier pour examiner tout ce qui a été détruit et j'ai vu que
25 toutes nos maisons et tous nos biens avaient été détruits et rasés
26 complètement."
27 Pouvez-vous décrire aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu exactement
28 ? A quoi ressemblaient ces maisons lorsque vous êtes sorti et lorsque vous
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1 avez fait le tour de votre quartier ?
2 R. Les maisons avaient été complètement détruites ainsi que les murales
3 qui entouraient les maisons. Tout a été rasé.
4 Q. Et pouvez-vous nous indiquer de quelle envergure était cette
5 destruction généralisée ? Quel était le nombre de maisons endommagées ou
6 détruites dans ce quartier-là ?
7 R. Dans le quartier, il y avait une série de maisons, dont la mienne, donc
8 au total il y avait dix à 12 maisons, c'est à peu près le nombre total de
9 maisons dans cette rue-là, 12 à 13 maisons.
10 Q. Merci, Monsieur. J'aimerais passer à présent à un autre sujet. A la
11 page 6, paragraphe 3 de votre déclaration écrite, vous expliquez que vous
12 vous êtes réuni avec votre famille et avec environ 500 personnes dans une
13 partie du village qui se trouvait sur une élévation. Vous expliquez que
14 vous avez traversé la ville pour vous diriger vers la frontière. Et puis,
15 vous dites que la police a procédé à des séparations des personnes qui
16 étaient rassemblées là. Il y avait des personnes qui étaient à bord de
17 véhicules. Ils séparaient de ceux qui marchaient à pieds. Est-ce quelque
18 chose que vous avez vu vous-même ?
19 R. Il y avait un très grand nombre de personnes, environ 1 000 personnes
20 au total dont 500 provenant de mon village. Nous avons reçu la consigne de
21 marcher à pieds. Et puis, les personnes qui se trouvaient à bord de
22 véhicules ont reçu l'instruction de se diriger ailleurs. Je n'étais pas la
23 seule personne à l'avoir vu, tout le monde l'avait vu.
24 Q. Je comprends. Mais juste pour que tout soit parfaitement clair, ce que
25 vous venez de nous décrire, ce sont les choses que vous avez vues vous-même
26 de vos propres yeux ?
27 R. Oui.
28 Q. Puis, vous décrivez comment les membres de la police ont donné des
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1 directions aux personnes rassemblées pour que celles-ci se rendent à
2 Prizren et qu'elles se dirigent vers la frontière à Morina. Ils donnaient
3 également des instructions à ceux qui marchaient à pied, y compris vous-
4 même et votre famille. Et une chose que vous expliquez dans votre
5 déclaration écrite, c'est que la police donnait des instructions aux civils
6 parmi lesquels un certain Zika. Comment le connaissiez-vous ?
7 R. Je le connaissais parce qu'il habitait dans le même quartier que moi, à
8 environ 500 mètres de distance. Il y avait un grand nombre de Serbes qui
9 habitaient dans le même quartier que moi.
10 Q. Et comment saviez-vous qu'il était policier, ce Zika ?
11 R. Eh bien, Gjakova est une petite ville.
12 Q. Donc, est-ce quelque chose que vous saviez parce que vous l'avez vu
13 vous-même ou est-ce quelque chose que vous avez entendu dire par d'autres
14 personnes ? Pouvez-vous nous préciser ?
15 R. C'est quelque chose que je savais personnellement. Je l'avais vu porter
16 un uniforme de policier, et comme je l'ai déjà indiqué, il habitait dans le
17 même quartier que moi à une distance d'environ 500 mètres.
18 Q. Merci, Monsieur. Vous expliquez comment vous vous êtes dirigé vers la
19 frontière. Pouvez-vous nous dire par quel moyen de transport vous vous êtes
20 rendu à la frontière ? Est-ce que vous êtes allés à pied ?
21 R. Nous avons suivi l'itinéraire suivant : Brkoc-Vokov-Zup. Nous marchions
22 à pied. Nous étions accompagnés de plusieurs personnes handicapées qui
23 provenaient de notre quartier. Et nous leur fournissions notre assistance
24 pour qu'ils puissent se déplacer avec nous. Donc nous marchions tous
25 ensemble.
26 Q. Et savez-vous combien de temps vous avez mis pour arriver à la
27 frontière ? Donc combien de temps s'est écoulé depuis le moment où vous
28 êtes parti jusqu'au moment où vous êtes arrivés à la frontière ?
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1 R. Je ne saurais citer un chiffre précis, mais je dirais qu'il nous a
2 fallu environ cinq ou six heures, sept heures, tout au plus.
3 Q. Et pouvez-vous nous dire quelles étaient les conditions qui prévalaient
4 pendant que vous vous dirigiez vers la frontière à pied ?
5 R. Nous étions tous obligés de marcher. Parmi nous, il y avait des
6 enfants, des personnes handicapées, des personnes âgées, donc vous pouvez
7 facilement vous imaginer quelles étaient les circonstances dans lesquelles
8 nous voyagions. C'était épouvantable.
9 Q. Et pouvez-vous nous dire approximativement combien de personnes
10 faisaient partie de ce convoi ?
11 R. Lorsque nous sommes arrivés dans le centre-ville, il y avait environ
12 1 000 ou 2 000 personnes au total, à ce moment-là. Et lorsque nous avons
13 poursuivi notre route vers la frontière, et au moment-là où nous sommes
14 allés vers la frontière, le nombre de personnes réunies était supérieur. Je
15 pense qu'au total, il y avait 7 000 ou 8 000 personnes.
16 Q. Monsieur, vous avez déclaré qu'à la frontière, la police a demandé à
17 toutes les personnes de montrer leurs pièces d'identité. Ceci figure à la
18 page 6, paragraphe 3 de votre déclaration écrite. Et vous dites que vous
19 leur avez remis votre carte d'identité, mais que vous avez dissimulé votre
20 passeport. Avez-vous pu voir ce qu'ils ont fait de votre carte d'identité
21 une fois que vous l'avez remise ?
22 R. Non. Nous jetions la carte d'identité dans une boîte qui était placée
23 là, puis nous traversions la frontière. A ce moment-là, il n'y avait aucune
24 difficulté à le faire.
25 Q. Vous dites que vous jetiez vos cartes d'identité dans des boîtes. Avez-
26 vous reçu des consignes à cet effet de leur part ? Etait-ce eux qui
27 jetaient ces documents dans la boîte ? Etait-ce vous ? Pouvez-vous nous
28 préciser la situation ?
Page 7440
1 R. Il y avait deux hommes en uniforme qui se trouvaient sur place. Je ne
2 les connaissais pas, donc je n'ai pas pu les reconnaître. Ils nous ont
3 donné la consigne de jeter nos pièces d'identité dans une boite, et c'est
4 bien ce que vous avez fait.
5 Q. Pouviez-vous voir combien de cartes d'identités ont été entassées dans
6 cette boîte ? S'agissait-il d'un grand nombre de documents ou d'un petit
7 nombre de documents ? Pouvez-vous nous donner une idée approximative ?
8 R. Au moment où j'ai traversé la frontière avec l'Albanie, le nombre de
9 cartes d'identité amassées n'était pas très grand parce que j'étais parmi
10 les premiers à avoir traversé la frontière.
11 Q. Et est-ce une consigne qu'ils ont donnée à tout le monde, Monsieur ?
12 Ont-ils demandé à toutes les personnes présentes de déposer leurs cartes
13 d'identité dans cette boîte-là ?
14 R. Beaucoup de personnes étaient rassemblées au moment où nous avons reçu
15 l'ordre de déposer nos cartes d'identité dans la boîte. Ils ne nous ont pas
16 fouillés. Ils nous ont simplement dit de déposer nos cartes d'identité dans
17 cette boîte, et c'est ce que nous avons fait.
18 Q. Merci, Monsieur. Merci de votre patience. Mon interrogatoire touche à
19 sa fin, et c'est mon estimé confrère qui va procéder à son contre-
20 interrogatoire.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Behar.
22 Le moment est venu pour M. Djurdjic d'entamer son contre-interrogatoire.
23 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
24 Contre-interrogatoire par M. Djurdjic :
25 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Je m'appelle Veljko
26 Djurdjic. Je fais partie de l'équipe de la Défense. Je suis chargé de
27 défendre l'accusé Vlastimir Djordjevic, et je suis accompagné de notre
28 assistante Mme O'Leary. Je souhaite vous poser quelques questions pour
Page 7441
1 préciser un certain nombre de points. Mes questions porteront sur les
2 déclarations écrites et les dépositions que vous avez faites préalablement.
3 J'espère que je ne serai pas répétitif dans les questions que je vous
4 poserai. Je souhaite plutôt approfondir un certain nombre de points et
5 apporter un certain nombre de précisions.
6 Monsieur le Témoin, au mois de mars 1999, avec qui habitiez-vous ?
7 R. J'habitais avec ma famille. Pardon ?
8 Q. Pouvez-vous m'entendre ?
9 R. Oui. Veuillez répéter votre question, s'il vous plaît.
10 Q. Pouvez-vous énumérer les membres de votre famille avec qui vous
11 habitiez au mois de mars 1999, et plus généralement, au moment où sont
12 survenus les événements sur lesquels porte votre témoignage.
13 R. Je vivais avec ma famille la plus proche.
14 Q. Et pouvez-vous nous préciser qui composait votre famille la plus proche
15 ? Qui étaient les personnes qui habitaient avec vous à ce moment-là ?
16 R. Mon épouse, mes enfants, ma mère, ma sœur, mon beau-frère.
17 Q. Merci. Est-ce qu'il y avait des personnes qui faisaient partie de votre
18 famille qui est la plus proche et qui normalement habitaient avec vous mais
19 qui étaient absentes à ce moment-là, au mois de mars 1999 ?
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 M. BEHAR : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense qu'il sera
28 indispensable de faire une expurgation dans le compte rendu d'audience.
Page 7442
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
2 Vous pouvez poursuivre, Maître Djurdjic.
3 M. DJURDJIC : [interprétation]
4 (expurgé)
5 M. DJURDJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, faut-il passer à la
6 séance à huis clos partiel, ou allez-vous plutôt procéder à une expurgation
7 du compte rendu d'audience ? Je ne sais pas quelle méthode il faut adopter.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous sommes en train de procéder à des
9 expurgations. Nous pensions que vous avez fait erreur une fois, et que vous
10 n'alliez pas refaire la même erreur. Mais si vous souhaitez approfondir ce
11 sujet, il faudrait passer à une séance à huis clos partiel.
12 Par ailleurs, Maître Djurdjic, il faut garder à l'esprit le fait
13 qu'un bon moment doit passer avant que le témoin ne reçoive
14 l'interprétation de vos propos à Pristina. Donc, pensez bien à cet
15 intervalle qui est indispensable et attendez les réponses du témoin avec
16 patience.
17 Monsieur le Témoin, la Défense vous a posé la question de savoir à
18 quel numéro vous habitiez en 1999 au mois de mars. Vous souvenez-vous de
19 cette question ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens plus.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce une question très
22 importante pour vous ?
23 M. DJURDJIC : [interprétation] Si le témoin n'en a pas gardé le
24 souvenir, nous allons aller de l'avant.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, il ne se souvenait plus de
26 la question que vous lui aviez posée.
27 M. DJURDJIC : [interprétation]
28 Q. Monsieur le Témoin, au moment où vous avez fait votre déclaration
Page 7443
1 écrite le 23 avril à Tirana, avez-vous bien cité le numéro de la maison
2 dans laquelle vous habitiez ?
3 R. Oui, j'ai indiqué quel était le numéro de la maison où j'habitais.
4 Q. Merci. Peut-on afficher à l'écran la pièce P823, page 35, s'il vous
5 plaît.
6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes vers l'albanais précisent que le témoin a
7 déclaré que le numéro de sa maison avait changé depuis, mais puisque les
8 orateurs se chevauchaient, cette information n'a pas été consignée dans le
9 compte rendu de l'audience.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci.
12 Q. Monsieur le Témoin, la question que je vais vous poser renvoie à
13 l'année 1999. Je sais que depuis, le nom de votre rue a été changé ainsi
14 que le numéro de la maison où vous habitiez à l'époque.
15 Monsieur le Témoin, ceci est une carte de Djakovica préparée par le bureau
16 du Procureur.
17 M. LE GREFFIER [par vidéoconférence] : [interprétation] Je suis désolé de
18 vous interrompre. L'avocat de la Défense, peut-il nous donner la cote ERN
19 de cette carte ?
20 M. DJURDJIC : [interprétation] Oui, K036-6676. Et ceci devrait être la cote
21 d'une carte représentant la ville de Djakovica.
22 Ce que nous avons affiché à l'écran à présent, c'est une carte de
23 Leposavic. Donnez-moi une seconde, s'il vous plaît. Je vais vous préciser
24 exactement la page dans le système du prétoire électronique.
25 M. LE GREFFIER [par vidéoconférence] : [interprétation] Messieurs les
26 Juges, je pense que nous avons pu repérer une copie papier de cette carte,
27 grâce à la cote ERN qui a été citée par la Défense. C'est la page 24 en
28 version papier.
Page 7444
1 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier, vous avez
2 parfaitement raison. C'est bien la carte que je souhaitais afficher.
3 Mais je me demande s'il est possible de l'agrandir un petit peu. Je
4 me demande si le témoin peut se retrouver dans cette carte.
5 Q. Bien. En tout cas, Monsieur le Témoin --
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin peut examiner la copie
7 papier.
8 M. DJURDJIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur le Témoin, veuillez indiquer sur cette carte le quartier dans
10 lequel se trouvait votre rue.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Peut-être devrions-nous dézoomer pour que le
12 témoin puisse indiquer la rue, le quartier dans lequel se trouve sa rue.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin peut-il indiquer par un
14 cercle le quartier dans lequel il habitait, dans lequel se trouvait sa rue
15 ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Je ne trouve pas, parce qu'ici il y a
17 sur ce plan tous les autres quartiers, mais il n'y a pas mon quartier,
18 celui où j'habitais.
19 M. DJURDJIC : [interprétation]
20 Q. Mais, Monsieur le Témoin, alors pouvons-nous aborder cette question
21 d'une autre façon. Ça serait peut-être plus facile. Pouvez-vous nous
22 indiquer où se trouvait le centre, la vieille ville de Djakovica ?
23 R. Le centre ancien de la ville se trouve au centre de la ville, à savoir
24 sur la route qui mène à Brkoc.
25 Q. Je vais essayer de vous aider parce que je ne connais pas très bien
26 moi-même Djakovica, mais si vous regardez bien le petit chiffre numéro 32,
27 vous voyez que là il s'agit d'un arrêt d'autobus ou de la gare des cars, si
28 vous voulez. Là vous voyez le numéro 32.
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1 R. Là il s'agit du quartier de Qyli. Je ne vois pas écrit la gare des cars
2 ou la gare des bus.
3 Q. Sur la carte, sur ce point, vous voyez tout à fait à droite, vous voyez
4 la légende avec les chiffres, et puis ce à quoi ils correspondent. Donc
5 vous voyez le chiffre 32 et vous voyez qu'il est indiqué qu'il s'agit du
6 terminus des bus. Donc ça devrait pouvoir vous aider. Ici, vous voyez
7 Lagjja e Qylit. Est-ce que vous voyez la mosquée ? Vous voyez, sous la
8 mosquée il y a ce chiffre 32. Ou alors, peut-être pour rendre les choses un
9 petit peu plus faciles, il y a le chiffre 1 qui indique qu'il s'agit du
10 bâtiment occupé par la MINUK. Je crois que c'était après juin 1999. C'est,
11 sur la légende, ce qui correspond au numéro 1.
12 M. DJURDJIC : [interprétation] Peut-on descendre un petit peu sur l'écran
13 pour vraiment bien voir ce chiffre numéro 1. Voilà.
14 Q. Si vous voyez la mosquée, c'est la mosquée Sefes. Vous voyez où se
15 trouve la mosquée, là, vous voyez le chiffre 1 qui correspond au bâtiment
16 de la MINUK. Est-ce que vous reconnaissez ce quartier de Djakovica
17 maintenant ?
18 R. Je sais très bien où se trouve la mosquée dans le quartier Sefes.
19 Q. Alors voyez-vous maintenant le chiffre III
20 ensuite, à gauche de ce chiffre 3, il y a le chiffre 1, et ensuite on voit
21 cette route en rouge, qui est la route principale qui traverse Djakovica,
22 et c'est la route principale qui nous mène de Prizren à de l'autre côté,
23 Decani et Pec. Vous voyez cette route en rouge ? C'est la route principale
24 qui traverse Djakovica.
25 R. Oui.
26 Q. Maintenant, pouvez-vous voir où se trouve l'hôtel Pastrik, l'hôtel
27 Pastrik ou n'importe quel autre emplacement particulier qui peut vous aider
28 à vous orienter; qu'il s'agisse de l'hôtel Pastrik, qu'il s'agisse d'autres
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1 mosquées, qu'il s'agisse de la caserne de Djakovica, pouvez-vous me dire si
2 ce village ou cet emplacement est surélevé, est en surplomb par rapport au
3 reste ? Pouvez-vous m'indiquer des emplacements importants ?
4 R. Oui, je sais très bien où se trouve l'hôtel Pastrik. Il est situé dans
5 le centre de la ville.
6 Q. Pouvez-vous alors, s'il vous plaît, nous indiquer d'un cercle le centre
7 de la ville de Djakovica. Comme ça, nous saurons exactement où se trouve le
8 centre. Vous devriez être en mesure d'identifier le centre de la ville. Si
9 vous pouvez le marquer d'un cercle, après, nous pourrons essayer de trouver
10 les autres quartiers. Je vais vous aider. Vous voyez à droite, à droite il
11 est indiqué qu'Orahovac est à 17 kilomètres --
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le témoin est déjà en train de faire
13 un cercle. Il est déjà en train de dessiner où se trouve le centre de la
14 ville, donc vous n'avez pas besoin de continuer à l'aider.
15 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne savons pas ce
16 qu'est en train de dessiner le témoin.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le greffier d'audience sur place --
18 M. LE GREFFIER [par vidéoconférence] : [interprétation] Monsieur le
19 Président, le problème ici c'est que nous avons un exemplaire de ce
20 document, mais en noir et blanc, donc bien sûr nous ne pouvons pas voir les
21 couleurs. Puis aussi, le témoin n'a pas encore fait d'annotation sur ce
22 plan.
23 M. DJURDJIC : [interprétation] Je tiens à remercier le greffier d'audience
24 sur place. Moi non plus, je n'ai pas de version couleur, je n'ai qu'une
25 version en noir et blanc. C'est vrai que la route est indiquée par un trait
26 épais noir. Mais, comme vous le voyez sur la droite, on nous dit
27 qu'Orahovac est à 17 kilomètres. Et puis tout à fait en haut à gauche, on
28 nous dit que Decani est à 17,5 kilomètres. Donc cela devrait être un moyen
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1 de bien identifier cette route principale, si vous la voyez. Vous voyez,
2 sur la droite, on nous montre la direction vers "Orahovac" et sur la
3 gauche, tout à fait en haut à gauche, on nous montre la direction vers
4 "Decani."
5 Q. Vous y retrouvez-vous ?
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que la réponse --
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Que voulez-vous que je vous indique exactement
8 ?
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous avez dit tout à l'heure que vous
10 saviez où se trouvait l'hôtel Pastrik. Pouvez-vous montrer, sur le plan en
11 particulier, l'emplacement de cet hôtel Pastrik ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'ai dit que je savais où se trouvait
13 l'hôtel Pastrik, je ne voulais pas dire que je savais où il se trouve sur
14 le plan, parce que, pour vous dire la vérité, je ne m'y retrouve pas du
15 tout sur ce plan. Je ne comprends pas ce plan.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
17 Monsieur Djurdjic, c'est bien l'impression que nous avions, le témoin a du
18 mal à lire une carte. Vous savez qu'il y a de nombreuses personnes dans ce
19 cas. Donc il va falloir que vous procédiez à votre contre-interrogatoire
20 par un autre biais.
21 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais
22 essayer de poser des questions sans utiliser ce plan.
23 Q. Monsieur le Témoin, ai-je raison de dire que cette route qui mène
24 d'Orahovac vers Decani est la route principale qui traverse le village de
25 Djakovica ?
26 R. De Rahovec jusqu'à Decan, vous voulez dire ? Quand vous arrivez de
27 Rahovec, effectivement, vous entrez dans Gjakove, et ensuite vous allez
28 jusqu'à Decan.
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1 Q. Bien, merci. Maintenant, pouvez-vous me dire la chose suivante : où se
2 trouvait votre quartier par rapport à cette grande route qui traverse la
3 ville ?
4 R. Là où j'habitais était dans la direction opposée.
5 Q. Merci. Pouvez-vous nous expliquer plus précisément, opposée à quoi ?
6 Dans quelle direction, plus précisément ?
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être puis-je aider à ce stade.
8 Lorsque vous arrivez de Rahovec et que vous vous dirigez vers Decani, sur
9 cette route, lorsque vous êtes sur cette grande route en direction de
10 Decani, là où vous habitiez, c'était sur la droite de cette route ou sur la
11 gauche de cette route ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me demandez là où j'habitais?
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] En venant de Rahovec, là où j'habitais se
15 trouvait sur la droite de cette grande route principale.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Et est-ce que vous traversiez
17 le centre de la ville avant de tourner à droite pour vous rendre chez vous
18 ou est-ce que votre maison se trouvait sur la droite de cette route avant
19 d'arriver au centre de la ville ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la même chose en fait. En venant de
21 cette route, là où j'habitais se trouvait avant et après le centre.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvez-vous nous dire à quelle
23 distance de cette grande route principale se trouvait votre maison, 1
24 kilomètre, 2 kilomètres ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] 1,5 kilomètres ou 2, je dirais. Ce n'est pas
26 très précis, mais je pense que c'est à peu près cette distance.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
28 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Q. Et comme nous voyons sur ce plan, il y a également une troisième route,
2 la route qui mène à Klina. Pour aller chez vous, est-ce que vous passiez
3 par ce carrefour entre la route principale et la route qui mène à Klina
4 avant de vous diriger vers chez vous ou pas; ou est-ce que votre maison
5 était située avant ce carrefour ?
6 R. Non, c'est juste à l'endroit du carrefour, à l'endroit où les deux
7 routes se croisent.
8 Q. Monsieur le Témoin, dans le centre de la ville, il y a un carrefour où
9 vous avez la grande route qui continue, et puis une route à droite qui mène
10 à Klina. Donc il y a ce carrefour, cette fourche, si vous voulez, au centre
11 de la ville. La question que je vous pose est la suivante : est-ce que le
12 quartier où vous habitiez était avant d'arriver à ce carrefour ou après ?
13 R. Après avoir passé ce carrefour se trouvait là où j'habitais.
14 Q. Pouvez-vous me dire quels sont les bâtiments importants qui sont situés
15 à ce carrefour, entre la route principale et la route en direction de
16 Klina, vers la droite; quels sont les bâtiments qui se trouvent à ce
17 carrefour ? Je vois que c'est là le centre même de la ville de Djakovica.
18 R. Il y avait l'hôtel Pastrik à ce carrefour, sur la droite, ainsi que le
19 palais de la culture. Ensuite, vous continuez tout droit sur la route qui
20 mène à Kline.
21 Q. Merci. Pouvez-vous m'expliquer maintenant, ce carrefour où se trouvait
22 l'hôtel Pastrik et le palais de la culture, est-ce que ce carrefour se
23 trouve au centre de la ville de Djakovica ?
24 R. Oui, c'est le seul centre que nous avons dans cette ville. Vous pouvez
25 l'appeler le centre nouveau ou le centre ancien, mais c'est le seul.
26 Q. Merci. Vous nous avez dit que le quartier dans lequel vous habitiez se
27 trouvait à environ 1 kilomètre, 1,5 kilomètres sur la droite de cette
28 route, donc combien de temps entre l'hôtel Pastrik et le moment où vous
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1 devez tourner à droite pour aller vers chez vous ?
2 R. Depuis l'hôtel Pastrik ? Vous voulez dire la route qui mène à Decan ?
3 Q. Oui.
4 R. Pour tourner à droite -- en fait, c'est juste la première rue à droite
5 lorsque vous vous trouvez sur la route en question.
6 Q. Merci. Ma question était la suivante : à quelle distance du centre de
7 la ville faut-il tourner à droite ? Est-ce que c'est juste après ce
8 carrefour qui est le centre de la ville ou est-ce que c'est à 1 kilomètre,
9 1,5 kilomètres, ou plus loin qu'il faut prendre à droite ?
10 R. A partir de l'hôtel Pastrik, vous avancez -- mais là, vous me parlez de
11 deux routes différentes. Parce que vous avez la route qui va vers Decan et
12 puis vous avez une autre route qui va vers Kline. Alors je ne sais pas
13 exactement ce que vous voulez dire.
14 Q. Monsieur le Témoin, le carrefour c'est notre point de repère, disons.
15 C'est la route qui va de Klina à Decani. Vous nous avez dit qu'il fallait
16 tourner à droite lorsqu'on va d'Orahovac à Decani pour se rendre dans le
17 quartier dans lequel vous habitiez. Maintenant vous nous avez dit aussi que
18 c'est après ce carrefour qu'il faut tourner à droite, sur la route qui mène
19 à Klina. Mais maintenant ce que je veux savoir, c'est à partir de ce
20 carrefour, si vous avancez sur la route qui mène à Decani, à quelle
21 distance du carrefour faut-il tourner à droite pour se rendre dans le
22 quartier où vous habitez ?
23 R. Si vous êtes sur la route tout droite à partir de l'hôtel Pastrik,
24 bien, il y a les feux, les feux de circulation. Et sur cette route, si vous
25 allez tout droit, vous allez jusqu'à Decan. Alors vous tournez à droite, et
26 je dirais que c'est à peu près à 1 000 mètres, 1 kilomètre.
27 Q. Merci. Pouvez-vous me dire maintenant si la gare des bus ou des cars
28 est près de votre quartier ?
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1 R. Oui.
2 Q. A quelle distance de cette gare de cars ou de bus se trouvait votre
3 maison ?
4 R. A environ 300 mètres.
5 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire aussi ce qu'il en est du marché vert, il
6 est près de là où vous habitez, le marché de légumes, le marché de produits
7 frais.
8 R. Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît ?
9 Q. Ma question est la suivante : le marché aux fruits et légumes, à quelle
10 distance est-il de votre maison ? Il est situé dans le même quartier, c'est
11 assez proche de chez vous ?
12 R. A environ 250 mètres, mais je ne sais pas, c'est approximatif, ce n'est
13 pas un chiffre exact, précis.
14 Q. Merci. Oui, mais nous parlons en termes approximatifs. Maintenant, en
15 ce qui concerne la vieille caserne, par rapport à ce point de repère que
16 nous avons indiqué tout à l'heure, où se trouve cette ancienne caserne ?
17 R. La vieille caserne se trouvait à environ 1 kilomètre, 1,5 kilomètres de
18 là où j'habitais, de ma maison.
19 Q. Mais pouvez-vous nous dire dans quelle direction ?
20 R. En direction du centre de la ville, c'est-à-dire là où se trouve
21 aujourd'hui la route qui mène à Prishtina.
22 Q. Merci. Pouvez-vous maintenant nous dire où se trouve par rapport à
23 votre maison la mosquée Hadumit et la bibliothèque de la mosquée ?
24 R. La mosquée Hadum est très loin de là où j'habite.
25 Q. Merci. Maintenant, pouvez-vous nous dire, ce quartier qui est un petit
26 peu en surplomb, qui est un petit peu en hauteur et que vous avez indiqué
27 dans votre déclaration écrite, où se trouvait-il exactement, ce quartier en
28 hauteur ?
Page 7453
1 R. Pouvez-vous répéter la question parce que je n'ai pas très bien
2 compris.
3 Q. Dans votre déclaration, à deux reprises vous mentionnez un quartier qui
4 était en cours de construction et dans lequel vous avez passé cette soirée,
5 ou en tout cas, le petit matin du 2 avril, et vous nous disiez que c'est un
6 quartier qui est en hauteur. Est-ce que vous pouvez nous dire exactement où
7 se trouvait ce quartier par rapport à votre maison, par rapport à la gare
8 des cars et des bus ? Pouvez-vous nous dire où se trouve ce quartier ?
9 R. Je ne comprends pas très bien cette question. Je ne crois pas avoir
10 mentionné de tel quartier.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Je pense que c'est un bon moment pour faire
12 notre pause.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien, Maître Djurdjic.
14 Nous allons donc maintenant faire une petite pause pour permettre au
15 témoin de se reposer quelques instants et nous reprendrons donc à 11 heures
16 précises. Et Me Djurdjic poursuivra alors son contre-interrogatoire.
17 La séance est donc levée.
18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.
19 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] M. Djurdjic poursuivra
23 l'interrogatoire.
24 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous reprendre votre déclaration du mois
26 d'avril 1999 et prendre la page 5, si vous le voulez bien, la page 5
27 également dans la version anglaise. Au point 18 de ce paragraphe, on lit :
28 "Les incendies dans le quartier ont duré jusqu'à 4 heures du matin. Nous
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1 pouvions le voir d'un point surélevé de la ville dans un quartier en
2 chantier."
3 Vous pouvez retrouver vous-même ce passage dans votre déclaration, Monsieur
4 le Témoin ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous disiez que vous observiez tout ça depuis un point surélevé dans un
7 quartier en chantier. A la page 6, donc veuillez tourner la page, au
8 paragraphe qui commence par "Ma famille…" là à nouveau, vous dites "ce
9 quartier surélevé où nous nous étions cachés la nuit précédente."
10 Alors ma question est la suivante : où se trouvait ce quartier surélevé par
11 rapport à la station de bus ou par rapport à votre quartier, le quartier où
12 se trouvait votre maison ?
13 R. Par rapport à mon quartier, ça fait une distance de 50 à 60 mètres à
14 partir de la gare des autobus, par contre ça fait quelque 300 à 350 mètres
15 de distance.
16 Q. Je vous remercie. Il s'agissait d'une colline qui surplombait votre
17 quartier ?
18 R. Non. Il s'agit d'une plaine à 50 à 60 mètres de ma maison.
19 Q. Merci. Est-ce que cet endroit se trouvait alors derrière votre maison
20 ou votre cour ?
21 R. Oui.
22 Q. Merci. Permettez-moi de vous demander, à partir du mur d'enceinte de
23 votre cour vous arriviez au mur de votre cour par la prairie, quelle était
24 la distance à partir de ce point-là par rapport à la route, quelle est la
25 distance de la rue par rapport à ce point ?
26 R. Mais de quelle rue parlez-vous ?
27 Q. Je parle de la route principale, donc à partir du mur d'enceinte de
28 votre cour, quelle est la distance de ce mur jusqu'au trottoir de la route
Page 7455
1 principale ?
2 R. Il y a deux routes principales, une qui est devant la maison et l'autre
3 qui est derrière.
4 Q. Merci. Si de ce point-là vers votre maison, d'abord on arrive à la
5 route à l'arrière de votre maison, n'est-ce pas; c'est bien cela ?
6 R. Oui.
7 Q. A partir du point où vous vous trouviez dans ce quartier surélevé par
8 rapport à votre terrain, cela fait une distance donc de 50 mètres, comme
9 vous l'avez indiqué; c'est bien cela ?
10 R. A partir de ma maison jusqu'à la maison où nous nous étions abrités et
11 dans laquelle nous avons passé cette nuit-là, cela fait une cinquantaine ou
12 soixantaine de mètres de distance.
13 Q. Merci. Quelle est la distance entre votre maison et la route principale
14 ?
15 R. Vous parlez de la route principale ou de la maison où nous nous
16 cachions ?
17 Q. Je parle de la route principale. Je ne veux pas en donner le nom. Votre
18 maison se trouvait dans la rue X au numéro Y. Alors je vous demande la
19 distance entre votre domicile et la route qui constituait votre adresse.
20 R. Quinze mètres je dirais, oui, 15 à 20 mètres.
21 Q. Merci. Pouvez-vous m'indiquer ceci, il y avait donc une cour autour de
22 votre maison, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, chaque maison a une petite cour dans cette région.
24 Q. Est-ce que vous pourriez m'indiquer s'il y avait un mur qui entourait
25 cette cour ?
26 R. Oui, dans ce quartier-là chaque maison dispose d'une petite cour
27 emmurée.
28 Q. Merci. Voulez-vous m'indiquer quelle était la distance entre le mur de
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1 votre cour et le mur de la cour de votre voisin à droite quand on regarde
2 vers la rue ?
3 R. Le mur sépare les deux cours. En ce qui concerne les maisons elles-
4 mêmes, celles-ci --
5 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nombre de mètres de
6 distance.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] -- séparant les maisons.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voulez-vous répéter quelle était la
9 distance séparant les deux maisons.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous dire de manière précise la
11 distance, mais les maisons sont à quelque 2 mètres du mur séparant les deux
12 cours. Donc au total ça doit faire 5 à 6 mètres au maximum.
13 M. DJURDJIC : [interprétation]
14 Q. Je vous remercie. On peut dire la même chose pour votre voisin de
15 gauche ainsi que toutes les autres maisons du quartier situé le long de
16 cette route ?
17 R. Oui. Tout ce quartier qui a été incendié était composé de maisons qui
18 avaient un mur contigu avec la maison suivante -- c'est-à-dire la cour de
19 la maison suivante, plus précisément.
20 Q. Merci. Quelle était la hauteur de ces murs d'enceinte ?
21 R. Vous me demandez la hauteur ? Je dirais 180 centimètres à 2 mètres.
22 Q. Merci. Monsieur le Témoin, lorsque vous avez déposé dans l'affaire
23 Milutinovic et consorts, vous aviez dit que vous étiez à 150 à 200 mètres
24 de distance, maintenant vous parlez de 70 mètres au maximum.
25 R. Je n'ai pas mesuré la véritable distance. J'ai donné une distance
26 approximative.
27 Q. Merci. Alors à partir de l'endroit où vous vous trouviez, vous ne
28 pouviez pas voir ce qui se passait dans la rue principale du fait des
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1 différents murs entourant les maisons ?
2 R. Non, en effet, on ne pouvait pas voir.
3 Q. Merci. Monsieur le Témoin, savez-vous où se trouvait la rue Vuk
4 Karadzic telle qu'elle a été utilisée en mars 1999 à Djakovica ?
5 R. Je ne m'en souviens pas.
6 Q. Merci. Pourriez-vous me dire quel était votre métier en 1999 ?
7 R. J'ai été commerçant toute ma vie.
8 Q. Merci. J'ai lu quelque part que vous étiez mécanicien de voiture ?
9 R. Oui.
10 Q. Merci. Est-ce que vous vendiez des pièces détachées de voiture ou à
11 quel type de commerce vous vous livriez en 1999 ?
12 R. J'avais une épicerie, et nous vendions également des pneus.
13 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire où se trouvait votre magasin
14 ?
15 R. J'avais un magasin dans mon quartier, puis j'avais aussi un autre
16 magasin près du commissariat de police.
17 Q. Merci. Est-ce que ces magasins étaient ouverts avant votre départ pour
18 Djakovica ?
19 R. Non. Mes magasins étaient fermés. Nous sommes restés chez nous.
20 Q. Merci. Quand avez-vous fermé vos magasins ? Quand avez-vous arrêté vos
21 activités professionnelles ?
22 R. Environ deux ou trois semaines avant le début des frappes aériennes de
23 l'OTAN.
24 Q. Merci. Pourriez-vous me dire, avant votre départ de Djakovica est-ce
25 qu'il y avait eu des frappes aériennes ou des bombardements sur Djakovica ?
26 R. Oui, en effet.
27 Q. Pourriez-vous nous indiquer quels quartiers de Djakovica ont subi ces
28 bombardements si vous le savez ou si vous avez pu vous rendre sur place
Page 7458
1 pour vous faire une idée.
2 R. Je ne me suis pas rendu dans ces différents quartiers pour me faire une
3 idée de la situation, mais les frappes ont touché la caserne et le mont
4 Cabrat.
5 Q. Merci. Veuillez me dire si vous connaissiez Qamil Zherka.
6 R. Qamil qui ? Pouvez-vous répéter son nom de famille, je vous prie.
7 Q. Zherka.
8 R. Non.
9 Q. Et Sadik Nexhmedin Zherka ?
10 R. Non.
11 Q. Merci. Connaissiez-vous Izet Hina [phon] peut-être ?
12 R. Il était médecin. Mais je n'ai jamais eu de contact avec lui.
13 Q. Merci. Est-ce que vous savez que le 24 mars, à partir de 20 heures 30,
14 jusqu'à 3 heures du matin le 25 mars, le vieux quartier de Djakovica a subi
15 des bombardements et que ces personnes ont été tuées et qu'il y a eu
16 beaucoup de dégâts aux logements et aux locaux commerciaux de la vieille
17 ville de Djakovica. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?
18 R. Oui, j'en ai entendu parler.
19 Q. Merci. Ce que vous avez entendu concernant la vieille caserne et le
20 mont Cabrat, c'était le 25 mars à 8 heures du soir ou 20 heures; c'est bien
21 cela ?
22 R. Je ne me souviens pas de la date précise car beaucoup de temps s'est
23 écoulé depuis. Je ne me souviens pas de la date.
24 Q. Merci. Avez-vous entendu que le 25 mars à 19 heures 55 devant l'hôtel
25 Pastrik, un policier, Danilovic, Nedad, a été attaqué et gravement blessé ?
26 R. Non, je n'ai pas entendu parler de cela car nous restions à l'intérieur
27 tout le temps.
28 Q. Veuillez me dire, s'il vous plaît, si vous avez entendu que le pont de
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1 Tabak et la mosquée Hadum avaient également subi un bombardement ?
2 R. Non. Je n'ai pas entendu parler de cela. La seule chose que je sais,
3 c'est que les gens disaient que Cabrat et les casernes militaires avaient
4 été bombardées.
5 Q. Merci. Monsieur le Témoin, est-ce que vous connaissiez Bajram Nimonaj ?
6 R. Non.
7 Q. Merci. Connaissiez-vous Shaban Brahimaj ?
8 R. Mais d'où viennent ces gens ?
9 Q. De Djakovica. C'est pour cela que je vous pose les questions.
10 R. Non, je ne le connais pas.
11 Q. Merci. Depuis le début 1999 jusqu'à votre départ de Djakovica, est-ce
12 que vous étiez au courant des activités de l'UCK à Djakovica ? Est-ce que
13 vous en avez entendu parler ?
14 R. Oui, il y avait des rumeurs qui circulaient à ce sujet, mais
15 personnellement, je ne les ai pas vues.
16 Q. Mais qu'avez-vous entendu ?
17 R. J'ai entendu parler de ce que vous m'avez dit, mais personnellement, je
18 n'ai jamais vu ces activités.
19 Q. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont ces activités dont vous avez
20 entendu parler mais que vous n'avez pas vues vous-même ?
21 R. J'ai entendu que l'UCK se cachait dans les montagnes. C'est la seule
22 chose que je savais.
23 Q. Merci. Monsieur le Témoin, veuillez me dire si vous avez fait votre
24 service militaire obligatoire ?
25 R. Oui.
26 Q. Merci. Quand et où avez-vous quitté l'armée ?
27 R. J'ai terminé mon service militaire en 1983-1984.
28 Q. Merci. Dans quelle ville avez-vous fait votre service militaire et
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1 quelle était votre spécialité au sein de l'armée ?
2 R. J'ai été chauffeur au sein de l'armée et j'ai fait mon service à
3 Capljina et à Bijeljina.
4 Q. Merci. Lorsque vous êtes rentré chez vous, faisiez-vous partie des
5 unités de réserve ?
6 R. Non. En fait, pendant une certaine période, si, mais cela n'a pas duré
7 longtemps.
8 Q. Merci. Et pouvez-vous nous dire quel type d'uniforme vous portiez
9 pendant que vous faisiez partie des unités de réserve ?
10 R. Un uniforme de couleur verte, un uniforme militaire.
11 Q. Merci. Et tous les membres de réserve portaient-ils des uniformes verts
12 militaires ?
13 R. Ceux qui faisaient partie des unités de réserve au même titre que moi
14 avaient effectivement les mêmes uniformes.
15 Q. Merci. Il semblerait donc que vous êtes capable de distinguer un
16 uniforme militaire d'un uniforme policier. Ai-je raison de l'affirmer ?
17 R. Oui.
18 Q. Merci. Dans votre déclaration écrite -- mais avant de passer à la
19 déclaration, permettez-moi de vous poser la question suivante. Depuis le
20 début de la guerre, voyiez-vous des gens en uniformes circuler dans la
21 ville de Djakovica ?
22 R. Oui, oui, il y en avait. Il y avait des membres de la police qui
23 portaient un uniforme, puis on voyait des gens portant d'autres uniformes
24 aussi. Et tous les habitants de la ville de Djakovica ont pu le constater,
25 je n'étais pas le seul à l'avoir fait.
26 Q. Merci. Etes-vous capable de faire une distinction entre les policiers
27 et les militaires d'active, et les policiers et les militaires de réserve ?
28 R. Oui, oui.
Page 7461
1 Q. Revenons à présent à votre déclaration écrite, ce qui m'intéresse c'est
2 la page 4, cinquième paragraphe qui commence par les mots suivants :
3 "Dès la première nuit où ont commencé les bombardements de l'OTAN…"
4 Et ce qui m'intéresse tout particulièrement c'est la troisième phrase qui
5 figure dans ce paragraphe :
6 "Ils portaient des gilets pare-balles et des uniformes verts de
7 camouflage…"
8 Cette partie de votre déclaration écrite que vous avez faite en avril 1999,
9 est-elle exacte ?
10 R. Je ne m'en souviens plus. Je ne me souviens pas de ce que j'ai pu
11 déclaré à l'époque.
12 Q. Monsieur le Témoin, pour ne pas perdre de temps, je viens de vous
13 donner lecture du paragraphe pertinent. Donc la phrase qui figure dans
14 votre déclaration écrite est la suivante :
15 "Ils portaient des gilets pare-balles et des uniformes de camouflage
16 verts…"
17 Alors cette déclaration écrite, elle est censée refléter avec précision vos
18 souvenirs.
19 R. Mais quel est le document que vous citez ? D'où tirez-vous cette phrase
20 ?
21 Q. Bien, M. le Greffier vous a remis un exemplaire de votre déclaration
22 écrite. Et je tiens à préciser qu'il s'agissait de la page 4, paragraphe 5.
23 C'est le paragraphe qui commence par les mots :
24 "Dès la première nuit où ont commencé les bombardements de l'OTAN…"
25 Mais ce n'est pas cette première phrase qui m'intéresse, ce qui m'intéresse
26 c'est plutôt la troisième phrase qui figure dans ce paragraphe.
27 R. Je ne m'en souviens plus. Je ne pense pas avoir déclaré une chose
28 pareille.
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1 Q. Merci. Dites-moi, ces gens qui portaient un uniforme et que vous
2 pouviez voir circuler en ville, où travaillaient-ils, pour qui
3 travaillaient-ils ?
4 R. Je parle de la période qui précède le début de la guerre. Ils se
5 trouvaient dans notre quartier. Ils habitaient le quartier et cela depuis
6 40 ou 50 ans.
7 Q. Merci. Mais la question que je vous ai posée tout à l'heure était la
8 suivante : où travaillaient-ils, où exerçaient-ils leurs activités
9 professionnelles ?
10 R. Ils travaillaient dans un garage où on répare des voitures.
11 Q. Merci. Pouvez-vous à présent examiner la page 6 de votre déclaration
12 écrite. En fait, en version albanaise, il s'agit de la page 5, qui
13 correspond à la page 6 en version anglaise. Ce qui m'intéresse c'est le
14 paragraphe qui commence par les mots suivants :
15 "J'ai constaté que ma voiture n'avait pas été brûlée…"
16 Pouvez-vous retrouver ce paragraphe, s'il vous plaît. C'est l'avant-dernier
17 paragraphe, à la page 5 de la version albanaise, dernière phrase. Je cite :
18 "Lui aussi il portait une sorte d'uniforme de camouflage vert qui avait été
19 porté par les Serbes que j'ai évoqués précédemment."
20 Monsieur le Témoin, l'information que je viens de vous lire et qui figure
21 dans votre déclaration écrite est-elle exacte ?
22 R. Oui.
23 Q. Merci. Monsieur le Témoin, je pense qu'il y a une erreur dans le compte
24 rendu d'audience. Les noms des différentes villes n'ont pas été consignés
25 comme il convient de le faire. Donc vous avez dit que vous êtes parti de
26 Djakovica et que vous vous êtes dirigé vers les postes frontaliers à Cafa
27 Prusit à pied. Ai-je raison de l'affirmer ?
28 R. Oui, Brekoc-Vogove-Zhub, c'est l'itinéraire que nous avons suivi.
Page 7463
1 Q. Parlez posément, s'il vous plaît, lorsque vous donnez des noms propres.
2 Donc le premier village que vous avez traversé est celui de Brekovo, n'est-
3 ce pas ?
4 R. Oui. C'est la route qui passe par un pont et relie Djakovica avec
5 Brekoc.
6 Q. Merci. Puis, vous avez traversé le village de Vogovo pour arriver à Zub
7 ?
8 R. Oui, oui.
9 Q. Merci. Par le passé, aviez-vous déjà traversé cette route de Djakovica
10 au poste frontalier Cafa Prusit en voiture ?
11 R. Non. Jamais. Jamais de la vie. Je n'avais jamais fréquenté cette route,
12 mais de temps en temps, je me rendais à Brekoc.
13 Q. Merci. Et savez-vous quelle est la distance qui sépare la ville de
14 Djakovica du poste frontalier Cafa Prusit ?
15 R. Non. Je ne le sais pas. Comme je vous l'ai déjà expliqué, c'était la
16 première fois que j'avais emprunté cette route en direction de Cafa Prusit.
17 Q. Merci. Monsieur le Témoin, parmi vos voisins, qui s'est dirigé de
18 Djakovica vers le poste frontalier dans le même groupe que vous ? Vous en
19 souvenez-vous ?
20 R. Tous nos voisins faisaient partie de mon groupe. Tous les habitants de
21 mon quartier se déplaçaient ensemble. Toutes les familles de mon quartier
22 étaient représentées dans le convoi.
23 Q. Pouvez-vous citer quelques noms concrets ? Je me réfère à vos voisins
24 qui faisaient partie du même groupe que vous.
25 R. Ils étaient très nombreux. Dois-je citer les noms de toutes les
26 personnes présentes ?
27 Q. Vous pouvez citer les noms de vos voisins les plus proches, si vous
28 vous en souvenez.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je vous citerai leurs noms.
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes à huis
4 clos partiel.
5 [Audience à huis clos partiel]
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6 [Audience publique]
7 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci.
8 Q. Monsieur le Témoin, comment se fait-il que vous êtes allé à Tirana pour
9 donner une déclaration écrite aux enquêteurs du bureau du Procureur du TPIY
10 en avril 1999 ?
11 R. Je ne m'en souviens plus. Après avoir traversé la frontière, nous avons
12 vu un grand nombre de caméramans provenant de différents pays, et ils nous
13 ont conduit dans des camps.
14 Q. Merci. Et souvenez-vous des locaux dans lesquels vous avez fait votre
15 déclaration en avril 1999 ?
16 R. Ces locaux se trouvaient à Tirana, mais je ne peux pas préciser
17 l'endroit. C'était la première et la dernière fois que je me suis rendu à
18 Tirana, si bien que je ne me souviens pas avec précision de l'endroit où
19 j'ai fait ma déposition.
20 Q. Merci. Et pouvez-vous nous dire comment vous vous êtes rendu sur place
21 ? Est-ce que quelqu'un vous a servi de guide ? Mais ne citez pas de noms
22 propres, s'il vous plaît, surtout s'il s'agit d'un habitant de votre
23 quartier.
24 R. Je ne m'en souviens plus. Vraiment, trop de temps s'est écoulé. Mes
25 souvenirs sont flous. Comme vous pouvez facilement l'imaginer, nous
26 n'étions pas en très bon état. Nous étions extrêmement traumatisés.
27 Q. Merci. Pendant que vous avez été interrogé par des enquêteurs du TPIY,
28 pouvez-vous me dire qui étaient les personnes présentes ?
Page 7467
1 R. Qui étaient les personnes présentes ? Mais où, ça ? Il s'agissait des
2 Occidentaux. Oui, des Occidentaux, mais je ne sais pas qui ils étaient.
3 Q. Très bien. Pouvez-vous me dire combien de personnes étaient présentes
4 au moment où vous avez été interrogé, au moment où vous avez fait votre
5 déposition ?
6 R. Je ne m'en souviens plus.
7 Q. Merci. De quel sexe était cette personne ou ces personnes, puisque vous
8 ne vous souvenez plus de leur nombre ?
9 R. Il y avait plusieurs femmes et plusieurs hommes. Un grand nombre de
10 personnes était réuni dans les locaux, mais je ne peux pas vous décliner
11 avec précision leurs noms propres. Comme je viens de vous l'indiquer,
12 c'était la première fois que j'étais venu à Tirana. Donc je n'ai pas de
13 souvenir très précis.
14 Q. Oui, c'est quelque chose que nous avons déjà compris. Vous ne vous
15 souvenez plus comment vous vous êtes rendu dans les locaux où votre
16 déclaration a été consignée. Vous ne vous souvenez pas qui vous a servi de
17 guide. Mais la question que je viens de vous poser à l'instant était de
18 savoir combien de personnes étaient présentes pendant que votre déclaration
19 écrite était consignée. Maintenant, vous faites état d'un grand nombre de
20 personnes. Donc je ne suis pas sûr d'avoir très bien saisi. Y avait-il
21 plusieurs personnes présentes au moment où vous avez été interrogé ?
22 R. En fait, l'endroit où j'ai fait cette déclaration ressemblait à une
23 ambassade. Il y avait beaucoup d'employés qui entraient et qui sortaient de
24 ce bâtiment.
25 Q. Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous vous concentriez bien et que
26 vous écoutiez bien attentivement mes questions pour y apporter des réponses
27 très précises, de façon à tirer le meilleur parti possible du temps qui
28 nous est imparti.
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1 Alors je ne vous parle pas du nombre de personnes qui se trouvaient dans
2 l'immeuble où vous êtes allé déposer, mais plutôt je vous parle de la salle
3 dans laquelle vous avez fait cette déclaration écrite. Y avait-il d'autres
4 personnes qui faisaient également des déclarations ou est-ce qu'il n'y
5 avait que vous ?
6 R. Trois ou quatre autres personnes, probablement. Je ne me rappelle plus
7 exactement.
8 Q. Merci. Alors ces trois personnes qui faisaient des déclarations aussi,
9 était-ce des personnes qui venaient de votre quartier également ?
10 R. Non. L'un d'eux parlait anglais. L'autre parlait italien, et le
11 troisième, je ne me souviens pas de quelle langue il parlait. Mais en tout
12 cas, ce n'était pas des personnes qui venaient ni de ma ville, ni de mon
13 quartier.
14 Q. Merci. Si je résume bien, vous avez mentionné ces personnes qui sont
15 des personnes qui se sont adressées à vous.
16 R. Oui.
17 Q. Merci. Alors quelles sont les langues que vous parlez ?
18 R. Vous voulez dire moi ?
19 Q. Oui.
20 R. Je parle ma langue maternelle.
21 Q. Merci. Comment avez-vous communiqué avec ces autres personnes qui
22 étaient dans la même pièce que vous ?
23 R. Il y avait un interprète aussi, un interprète qui parlait albanais.
24 Q. Merci. Alors dites-moi maintenant, est-ce que l'on vous a montré des
25 déclarations faites par d'autres personnes ou est-ce que l'on vous a montré
26 des documents pendant que vous étiez avec ces autres personnes dans cette
27 pièce ?
28 R. De qui parlez-vous exactement ?
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1 Q. Je veux dire les personnes qui ont parlé avec vous. Ces personnes, est-
2 ce qu'elles vous ont lu des déclarations qui avaient été faites par
3 d'autres personnes ou est-ce que ces personnes vous ont montré des
4 documents quels qu'ils soient ou est-ce qu'elles vous ont rafraîchi la
5 mémoire en vous rappelant un certain nombre de souvenirs ? C'est la
6 question que je vous pose.
7 R. Non, ceux qui avaient fait des déclarations avant moi, ils avaient fait
8 ça individuellement dans des pièces séparées.
9 Q. Monsieur le Témoin, vous avez fait votre déclaration le 23 avril 1999.
10 Mais avant de commencer à faire cette déclaration écrite, vous êtes-vous
11 entretenu avec qui que ce soit ?
12 R. Je ne me souviens pas. Vraiment, je ne me souviens pas, parce que tant
13 de temps s'est écoulé depuis lors. J'ai rencontré des gens de mon quartier
14 lorsque j'étais à Tirana. Nous avons parlé entre nous de ce qui nous était
15 arrivé à tous. Mais tout cela s'est passé il y a tellement longtemps que je
16 ne me souviens pas.
17 Q. Merci. Vous souvenez-vous de combien de jours avez-vous eu besoin pour
18 faire cette déclaration écrite ?
19 R. Je ne me souviens pas, mais c'était très court. Ça n'a pas duré
20 longtemps.
21 Q. Merci. Est-ce que cette déclaration s'est faite dans le cadre d'une
22 conversation ?
23 R. Oui, c'était une conversation orale.
24 Q. Merci. Est-ce qu'une déclaration écrite a été rédigée au fur et à
25 mesure que vous faisiez votre déclaration ?
26 R. Je ne me souviens pas. Honnêtement, je ne me souviens pas.
27 Q. Avez-vous signé un document écrit ?
28 R. Je ne saurais vous dire. Vraiment, je ne me souviens pas. Vous savez,
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1 nous étions vraiment très traumatisés. Il y a eu des périodes avec des
2 hauts et des bas. Vraiment là je ne peux pas vous dire. Je ne me souviens
3 pas.
4 Q. Merci.
5 M. DJURDJIC : [interprétation] Puis-je demander à l'huissier d'audience de
6 montrer la version B/C/S de la déclaration écrite du témoin, s'il vous
7 plaît -- veuillez m'excuser. Je voulais dire non pas la version B/C/S, mais
8 la version anglaise.
9 Q. Monsieur le Témoin, vous avez vu cette déclaration écrite qui est la
10 vôtre et qui vous a été présentée par le greffier d'audience. Est-ce qu'il
11 y a sur ce document quelque part votre signature ?
12 R. Oui.
13 Q. Cela vous rafraîchit-il la mémoire ?
14 R. Oui, oui, c'est bien ma signature.
15 Q. Vous souvenez-vous du moment où vous avez signé ce document et ce que
16 vous avez signé exactement ?
17 R. Je ne me souviens pas. Il est vrai que c'est ma signature ici, mais je
18 ne me souviens pas du moment où j'ai signé ce document. Il y a trop
19 longtemps que cela s'est passé.
20 Q. Merci. Mais vous souvenez-vous de là où vous vous trouviez lorsque vous
21 avez apposé votre signature sur ce document ?
22 R. Comme je vous l'ai dit, j'étais à Tirana.
23 Q. Oui, nous savons que vous étiez à Tirana. Mais dans Tirana exactement,
24 où vous trouviez-vous au moment où ce document a été rédigé et vous l'avez
25 signé ?
26 R. Comme je vous l'ai dit, c'était la première fois de ma vie que je me
27 rendais à Tirana et je ne connais pas bien cette ville.
28 Q. Merci. Est-ce que lorsque vous avez signé le document, vous vous
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1 trouviez dans le même immeuble que celui où vous avez fait votre
2 déclaration ou est-ce que c'était ailleurs ?
3 R. Je pense que c'était dans le même bâtiment, celui où nous avons eu
4 cette conversation, mais je ne me rappelle pas.
5 Q. Merci. Pouvez-vous nous dire si vous comprenez bien ce document que
6 vous avez signé ? Vous pouvez le lire ? Est-ce que vous le comprenez ?
7 R. Oui, je le comprends.
8 Q. Monsieur le Témoin, veuillez passer à la page 2 de ce document sur
9 lequel se trouve votre signature. Ma question est la suivante : vous êtes
10 en mesure de lire ce document. Est-ce que vous comprenez bien le contenu de
11 cette déclaration de témoin, cette déclaration sur laquelle vous avez
12 apposé votre signature et qui est devant vous ? Avez-vous bien compris ma
13 question ? Est-ce que vous êtes en mesure de lire et de comprendre ce qui
14 est écrit en page 2 de ce document et que vous avez vous-même signé ?
15 R. Ma déclaration qui est signée ici devant moi est en anglais et je ne
16 comprends pas l'anglais. Je comprends le début de la première phrase où il
17 est question du 1er avril 1999. Ça, je comprends. La date, je comprends en
18 anglais.
19 Q. Et le reste du texte, est-ce que vous comprenez les autres parties de
20 cette déclaration où il est fait allusion à un certain nombre de dates,
21 d'heures de la journée, de nombres, et cetera ?
22 R. Où exactement ?
23 Q. Monsieur le Témoin, je vous demanderais de bien vouloir continuer à
24 lire cette déclaration de témoin au-delà des quelques premiers mots. Je
25 vous demande simplement de savoir si vous comprenez le contenu de ces
26 paragraphes en anglais.
27 R. Mais c'est en anglais. Je ne lis pas l'anglais. Si vous voulez que je
28 vous donne des éclaircissements sur quelque point que ce soit, posez-moi la
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1 question et je vous répondrai.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Behar.
3 M. BEHAR : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas où cela
4 va nous mener, car de toute évidence, le témoin a sous les yeux une version
5 en anglais de sa déclaration. De toute évidence, il nous a dit qu'il ne
6 comprenait pas l'anglais. De toute façon, vous avez, et je tiens à le
7 signaler à mon éminent confrère, qu'en dernière page de cette déclaration,
8 il y a la déclaration de l'interprète qui a participé à la rédaction de
9 cette déclaration. Donc je ne pense pas que nous ayons besoin de continuer
10 ces questions, puisque cela met le témoin en difficulté. Il ne comprend pas
11 très bien.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne crois pas que le témoin soit en
13 difficulté. Il ne comprend probablement pas pourquoi on lui pose ces
14 questions-là, mais le témoin a très bien expliqué qu'il ne peut pas lire
15 l'anglais. Il reconnaît juste quelques mots, c'est tout. Donc autre chose
16 que vous souhaiteriez dire ?
17 M. DJURDJIC : [interprétation] Mon éminent collègue vient d'intervenir et
18 d'expliquer au témoin la situation. Nous en avons conclu que notre témoin
19 ne parle pas l'anglais. Il aurait pu le dire il y a dix minutes, mais je
20 vais reposer cette même question --
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis désolé, Maître Djurdjic. Nous
22 avons écouté très attentivement pendant que vous avez posé ces questions et
23 le témoin a exprimé très clairement sa position et vous comprenez sa
24 position. Il est Albanais; il parle albanais. Et comme pour pratiquement
25 toutes les déclarations que nous avons eues dans le cadre de ce procès, ce
26 sont des déclarations qui sont préparées en anglais, l'une des langues
27 officielles du Tribunal. Donc toute cette déclaration est le résultat d'un
28 entretien qui s'est mené en anglais avec l'aide d'un interprète. Maintenant
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1 est-ce qu'il y a autre chose sur cette déclaration que vous souhaitez
2 savoir, sinon pourquoi continuer à perdre du temps, Maître Djurdjic ?
3 M. DJURDJIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est exactement
4 cela. Je ne veux pas apporter de commentaires. Ce n'est pas le moment.
5 Q. Monsieur le témoin, si vous ne comprenez pas l'anglais, est-ce que vous
6 aviez connaissance de ce que vous étiez en train de signer au moment où
7 vous avez signé ce document ?
8 R. En fait, la lecture m'a été donnée de ce document en albanais. Le
9 document a été traduit à partir de l'anglais vers l'albanais et on m'en a
10 donné lecture.
11 Q. Merci. Maintenant je vous demanderais de bien vouloir me donner
12 quelques précisions. Dans cette déclaration de témoin que nous vous avons
13 montrée à plusieurs reprises, vous nous dites que vous comprenez le contenu
14 de cette déclaration et que vous n'avez jamais rien ajouté ?
15 R. Je ne fais que dire la vérité. Je ne vous dis aucun mensonge.
16 Q. Monsieur le Témoin, je suis convaincu de votre sincérité. Maintenant je
17 vous pose une question concernant cette déclaration que vous avez déposée
18 et la façon dont cette déclaration a été recueillie, parce que dans 90 %
19 des questions que je vous ai posées, vous avez démenti ce que vous avez
20 signé ici. Et c'est la raison pour laquelle je vous pose la question sur la
21 façon dont cette déclaration a été faite de votre part. Est-ce que vous
22 pouvez nous expliquer un petit peu plus.
23 M. BEHAR : [interprétation] Je suis désolé d'interrompre, Monsieur le
24 Président. C'est peut-être tout à fait évident, mais je ne crois pas que ce
25 soit une qualification qui soit juste, le fait de dire que le témoin a
26 démenti 90 % de ce qu'il a signé ici sur ce document. Je ne sais pas si mon
27 confrère souhaite être plus spécifique. Je comprends là où il veut en
28 venir, donc je n'ai pas d'objection quant à la teneur générale de ses
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1 questions.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
3 M. DJURDJIC : [interprétation] Je retire ce pourcentage de 90 %.
4 Q. Juste ces parties qui ne correspondent pas à ce que vous savez, pouvez-
5 vous, s'il vous plaît, nous expliquer comment cela vous est-il apparu ?
6 Comment vous vous êtes rendu compte de cela qu'il y avait des choses qui ne
7 correspondaient pas à ce que vous saviez ?
8 R. Je vous ai dit toute la vérité. J'ai mentionné des événements qui se
9 sont réellement passés et je n'ai rien mentionné qui ne se soit pas passé.
10 Q. Merci.
11 M. DJURDJIC : [interprétation] Il nous reste encore quelques minutes avant
12 la pause. Je voudrais vous demander, Monsieur le Président, de procéder à
13 notre pause un petit peu plus tôt de façon à pouvoir terminer mon contre-
14 interrogatoire après la pause et laisser encore du temps à mon éminent
15 collègue du bureau du Procureur pour procéder à son interrogatoire
16 supplémentaire.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
18 Maître Behar, pouvez-vous nous indiquer approximativement le temps
19 dont vous aurez besoin ?
20 M. BEHAR : [interprétation] Je ne pense pas avoir besoin de beaucoup de
21 temps, bien sûr, sous réserve que quelque chose survienne juste après la
22 pause. Mais telle que se présente la situation actuellement je ne pense pas
23 avoir besoin de beaucoup de temps.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.
25 Nous allons procéder maintenant à notre deuxième pause. Nous reprendrons à
26 12 heures 55. Je vous demanderais de bien vouloir avoir terminé pour 13
27 heures 30. Merci.
28 --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.
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1 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Rebonjour. Nous allons poursuivre afin
3 de terminer le contre-interrogatoire de Me Djurdjic.
4 Monsieur Djurdjic.
5 M. DJURDJIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
6 Q. Monsieur le Témoin, vous m'entendez ?
7 R. Oui.
8 Q. Veuillez me dire si on vous a demandé -- est-ce que quelqu'un a essayé
9 de vous contacter à partir du début du bombardement jusqu'au moment où vous
10 êtes parti de Djakovica ?
11 R. Mais où voulez-vous dire ?
12 Q. Je parle du moment où vous vous trouviez à Djakovica. Est-ce que
13 quelqu'un est venu chez vous ? Est-ce que quelqu'un est venu se renseigner
14 à votre propos parmi les membres de votre famille, et cetera ?
15 R. Non, nous restions sur place avec nos voisins à cet endroit où nous
16 nous trouvions et nous ne sortions pas. Il n'y a que les femmes qui
17 sortaient quelquefois pour faire quelques achats.
18 Q. Merci. Dites-moi, au moment où il y avait des coupures d'électricité,
19 cela concernait la totalité du quartier, n'est-ce
20 pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Est-ce qu'il y avait des pannes d'électricité dans l'ensemble de la
23 ville de Djakovica ?
24 R. Je vous parle de mon quartier, là où nous étions et là où nous pouvions
25 voir ce qui se passait. Parce qu'encore une fois, je vous le disais, nous
26 ne sortions pas de cette cachette.
27 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez me dire si l'électricité était coupée
28 pendant la nuit au moment où les aéronefs de l'OTAN attaquaient ?
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1 R. Je me souviens qu'il n'y avait pas d'électricité même si, encore une
2 fois, je le répète, beaucoup de temps s'est écoulé depuis lors.
3 Q. Merci. Pourriez-vous m'indiquer si vous vous souvenez d'artillerie
4 antiair qui utilisait des faisceaux lumineux pour illuminer le ciel ?
5 R. Nous entendions le bruit, mais je ne peux pas vous dire de quel type
6 d'artillerie il s'agissait.
7 Q. Merci. Veuillez me dire, étant donné qu'il faisait noir, est-ce que
8 vous aviez des torches ou des lampes de poche avec vous pour pouvoir vous
9 éclairer ?
10 R. Nous avions deux bougies.
11 Q. Merci. Mais que faisiez-vous au début des bombardements ?
12 R. Quand les bombardements commençaient, nous allions tous nous réfugier
13 dans la cave de la maison des voisins. Nous étions tous dans la cave.
14 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
15 M. DJURDJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
16 Messieurs les Juges. J'ai terminé mon contre-interrogatoire.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Djurdjic.
18 Monsieur Behar.
19 M. BEHAR : [interprétation] Je n'ai rien à poser en supplément suite au
20 contre-interrogatoire.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 Questions de la Cour :
23 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'ai deux
24 questions à vous poser. Ce matin, vous nous aviez dit qu'au cours de la
25 nuit, au moment où il y avait les bombardements des avions de l'OTAN, que
26 vous aviez vu des personnes munies de torches dans les rues, et vous aviez
27 dit que ces personnes provenaient des deux maisons serbes. Comment le
28 saviez-vous ?
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1 R. Je n'ai pas parlé d'une nuit particulière. J'avais parlé d'un événement
2 auparavant. Lorsque je revenais en voiture tard le soir chez moi, je
3 pouvais voir ces lumières dans ces deux maisons.
4 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Et si ces personnes provenaient de
5 ces maisons serbes, ce point-là, vous le saviez ou vous ne le saviez pas ?
6 R. Ces deux maisons étaient éclairées.
7 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Donc vous supposez que ces personnes-
8 là provenaient de ces maisons-là ?
9 R. Oui. Je n'ai pas vu les personnes mêmes.
10 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Bien. J'ai une autre question qui
11 porte sur la situation régnant à la frontière avec l'Albanie. Vous avez dit
12 ce matin qu'il y avait des personnes en uniforme. Ensuite, vous avez dit :
13 "Deux étaient en uniforme; je ne les ai pas reconnus. Je ne les
14 connaissais pas."
15 Ces personnes qui vous avaient demandé de remettre vos documents
16 d'identité dans une boîte, quel type d'uniforme portaient-elles, ces
17 personnes ?
18 R. Ces personnes portaient des uniformes, je pense, sans en être sûr à
19 100 %, que ces uniformes étaient des uniformes bleus.
20 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] S'agissait-il d'un bleu uni, un
21 motif, bleu clair, bleu foncé ? Est-ce que vous vous en souvenez ?
22 R. Je pense qu'il s'agissait d'un bleu clair, mais je n'en suis pas
23 totalement sûr. Car il y avait d'autres types d'uniformes présents
24 également. Donc je ne peux pas le dire de manière certaine, mais je pense
25 que la couleur était bleue.
26 M. LE JUGE FLUEGGE : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur, je suis heureux de pouvoir
28 vous dire que ceci met un terme à votre interrogatoire. La Chambre souhaite
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1 vous remercier d'avoir pris le temps de nous répondre à Pristina ainsi que
2 du témoignage vous nous avez fourni. Nous avons également votre première
3 déclaration ainsi que la déposition que vous aviez faite dans l'autre
4 procès, ainsi que les éléments dont vous nous avez fait part aujourd'hui.
5 Nous vous remercions, et bien entendu, vous pouvez maintenant reprendre le
6 fil normal de vos activités. L'huissier vous donnera les dernières
7 directives. Alors je vous remercie de votre aide.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie tous.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Parfait.
10 Nous avons donc terminé la liaison vidéo. Nous remercions les
11 personnes présentes à Pristina de leur aide.
12 [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]
13 [Le témoin se retire]
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je voudrais vous faire état de deux
15 questions que nous pourrions régler tout de suite. Il y avait certains
16 documents qui avaient été déposés par le conseil de la Défense au cours de
17 la déposition du Témoin K086 au mois de mai. Ils avaient été marqués aux
18 fins d'identification en attendant que la traduction anglaise soit
19 terminée. Ces traductions sont disponibles, et la Chambre demande que ces
20 documents soient rattachés à cette pièce qui avait été marquée aux fins
21 d'identification et que dans chacun des cas, ce document ne constitue
22 qu'une seule pièce à conviction.
23 Monsieur Behar, au début de la liaison vidéo de lundi, vous aviez souhaité
24 poser une question que nous avons dû remettre à plus tard, après la liaison
25 vidéo, étant donné la connexion qui était disponible, et nous ne voulions
26 pas de perdre de temps. Mais à ce moment-là, je n'avais pas tout à fait
27 bien saisi ce que vous nous aviez présenté. Je vois, en fait, maintenant
28 que ce que vous souhaitiez, il s'agissait d'une requête de l'Accusation
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1 concernant l'amendement à la liste conforme à l'article 65 ter. La décision
2 de la Chambre datée du 2 juillet, au moment où nous avions signalé qu'il
3 n'existait pas de traduction anglaise d'un certain nombre de ces documents
4 que vous vous proposiez d'ajouter à la liste 65 ter, nous n'avons donc, dès
5 lors, pas pris de décision concernant ces documents à ce moment-là. Vous
6 nous indiquez maintenant que la traduction anglaise est terminée et que
7 cette traduction figure dans le prétoire électronique.
8 Et si je comprends bien votre position, la Chambre va pouvoir prendre
9 sa décision très prochainement en ce qui concerne cette requête, dans la
10 mesure où il y a encore des choses en suspens en ce qui concerne ces
11 documents.
12 Je voudrais également vous dire que demain, nous siégerons le matin. Au
13 cours de la deuxième pause qui dure à peu près une demi-heure et qui
14 commence vers 12 heures 30, étant donné que je vais devoir m'adresser à
15 certains autres Juges et avocats qui viennent nous rendre visite, il va
16 falloir que la pause intervienne un tout petit peu plus tôt, c'est-à-dire à
17 12 heures 10, et ensuite, cette pause va devoir se prolonger quelque peu.
18 Nous reprendrons à 13 heures moins 10, donc une pause de 40 minutes, qui
19 commencera à 12 heures 10 jusqu'à 2 heures moins 10, pour la deuxième pause
20 de la matinée.
21 Je poursuis en vous redisant, au cas où on l'on aurait oublié, que
22 nous avons indiqué que cette Chambre ne siégerait pas jeudi et vendredi de
23 la semaine prochaine. Ceci étant dit, nous reprendrons lundi qui suit la
24 fin du congé judiciaire. Je pense que ce sont les seules annonces que
25 j'avais à vous faire à ce stade.
26 Est-ce qu'il y a d'autres questions à aborder ? Sans cela, nous allons
27 lever la séance et nous reprendrons demain. Peut-être qu'il y a une
28 question quand même.
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1 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz, on vient de nous
3 indiquer que vous auriez peut-être un témoin qui est prêt et qui attend ?
4 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, le témoin suivant est présent, mais je
5 m'en remets à vous, si vous préférez commencer demain.
6 Il y avait également une petite question de procédure que je voulais
7 régler, une demande orale de rajouter une pièce à la liste des pièces. Et
8 moi aussi, je suis tout à fait prête à en traiter demain matin, au début de
9 l'audience comme vous le souhaitez.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Toutes mes excuses à vous-même et au
11 témoin. J'avais cru comprendre que le témoin ne serait pas présent avant
12 demain.
13 Nous allons entendre ce témoin. Par contre, en ce qui concerne votre
14 requête --
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, oui, je voudrais vous demander
16 verbalement de rajouter une pièce à la liste 65 ter. C'est le 65 ter 05341.
17 Il s'agit de quatre photographies de la mosquée de Cirez, qui nous ont été
18 fournies par M. Riedlmayer lundi, lorsqu'il est venu pour la séance de
19 récolement. Il nous a expliqué lors de cette séance qu'il venait seulement
20 de recevoir ces photos trois jours avant d'entamer son voyage à La Haye.
21 Nous estimons que ces photos sont pertinentes et qu'elles permettront de
22 vous aider, Messieurs les Juges, à trancher une question concernant la
23 déposition de M. Riedlmayer, car la mosquée de Cirez, c'est un des sites
24 qui figurent à l'article 77(d) de l'acte d'accusation concernant la
25 destruction des biens culturels sous le titre persécution. Voilà ma
26 demande. Cette pièce a été communiquée à la Défense dès que nous l'avons
27 reçue. Nous avons également donné à la Défense des informations
28 supplémentaires concernant la provenance de ces photographies qui nous ont
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1 été remises hier par M. Riedlmayer.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
3 Maître Djurdjic, soulevez-vous une objection à cet égard ?
4 M. DJURDJIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je ne sais quoi vous
5 dire. Nous avons réparti nos tâches parmi les différents membres de
6 l'équipe de la Défense, et c'est M. Djordjevic qui devait se charger de
7 contre-interroger M. Riedlmayer. Et comme il n'est pas présent aujourd'hui
8 dans la salle d'audience, je me demande si nous pouvons remettre l'audition
9 de ce témoin à demain. Pour ce qui est des documents évoqués par
10 l'Accusation, je sais qu'un certain nombre de documents nous a été
11 communiqué, mais la question qui se pose est la suivante. La déposition de
12 ce témoin, de cet expert, a été prévue il y a huit mois, or, nous avons
13 reçu ces documents il y a quelques jours seulement. Mais vous le voulez
14 bien, la réponse définitive au nom de la Défense vous sera présentée par Me
15 Djordjevic.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'aimerais vous poser à vous la
17 question suivante. Pouvez-vous nous aider, Maître Djurdjic, en nous disant
18 combien de temps vous exigez pour contre-interroger ce témoin ?
19 M. DJURDJIC : [interprétation] Je ne saurais rien affirmer. Je m'étais
20 consacré à d'autres tâches, et je ne dispose que d'informations d'ordre
21 très général concernant la situation avec ce témoin.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
23 Et vous, Madame Kravetz, pouvez-vous indiquer combien de temps vous
24 anticipez pour l'interrogatoire principal de ce témoin ?
25 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vois que Me Djordjevic vient d'arriver.
26 Selon nos estimations, il nous faudra deux heures pour l'interrogatoire
27 principal de ce témoin. Il faut souligner cependant que nous souhaitons
28 verser au dossier un grand nombre de documents, mais il se peut que nous ne
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1 perdions pas trop de temps à le faire.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et pour ce qui est de ces
3 photographies de la mosquée ajoutées à votre liste, souhaitez-vous les
4 présenter au témoin tout au début de votre interrogatoire, ou un peu plus
5 tard ?
6 Mme KRAVETZ : [interprétation] Un peu plus tard.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
8 Veuillez faire entrer le témoin dans la salle d'audience.
9 Maître Djordjevic, nous sommes très contents de vous voir et d'apprendre
10 que vous êtes disponible aujourd'hui. L'Accusation a présenté une requête
11 concernant l'ajout d'une série de photographies représentant une mosquée
12 sur leur liste de documents, mais vous pouvez vous prononcer demain sur ce
13 document.
14 M. DJORDJEVIC : [interprétation] Je préfère me prononcer demain, Messieurs
15 les Juges. Je l'ai déjà appris, que ces photographies représentent la
16 moquée de Cirez, mais si vous le voulez bien, je préfère vous présenter ma
17 réponse demain.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons commencer à
19 entendre le témoin aujourd'hui alors. Je ne crois pas que nous pourrons
20 entendre la majeure partie de sa déposition aujourd'hui, étant donné
21 l'heure qu'il est.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis désolé de vous avoir fait
26 attendre si longtemps. Nous avons entendu un autre témoin par le biais
27 d'une conférence vidéo.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez lire la déclaration
2 solennelle.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.
5 LE TÉMOIN : ANDRAS JANOS RIEDLMAYER [Assermenté]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
8 Madame Kravetz souhaite vous poser un grand nombre de questions.
9 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.
10 Interrogatoire principal par Mme Kravetz :
11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez décliner votre nom et
12 votre prénom aux fins du compte rendu de l'audience.
13 R. Je m'appelle Andras Janos Riedlmayer.
14 Q. Monsieur Riedlmayer, quelle est votre profession ?
15 R. Je suis expert pour des questions de documentation dans le domaine de
16 l'art.
17 Q. Et où travaillez-vous en ce moment ?
18 R. Je travaille dans un centre de documentation pour l'art et
19 l'architecture islamique à l'Université de Harvard, programme Aga Khan.
20 Q. Merci.
21 Nous avons également votre CV. Vous avez remis sa version mise à jour hier.
22 Nous n'allons pas étudier par le menu votre éducation et votre expérience
23 personnelle, mais je vous prierais de présenter succinctement aux Juges de
24 la Chambre votre expérience professionnelle, notamment dans les Balkans.
25 R. J'ai commencé à m'intéresser aux Balkans il y a plus de 40 ans. J'ai
26 fait mes études à l'Université de Chicago et ma thèse de maîtrise portait
27 sur l'histoire de Bosnie-Herzégovine pendant la crise au XIXe siècle. Puis
28 j'ai poursuivi mes études à Boston, je me suis spécialisé en histoire
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1 ottomane, et la région qui m'a intéressé était celle des Balkans. Puis à la
2 fin des années '70 du siècle présent, je me suis rendu en ex-Yougoslavie où
3 j'étais étudiant à l'époque. Depuis lors, j'ai obtenu un diplôme en
4 informatique et en science bibliothécaire. Et depuis 1985, je suis à la
5 tête du centre de documentation chargé de l'art et de l'architecture
6 islamique à l'Université de Harvard.
7 Lorsque la guerre du Golfe a éclaté au début des années 1990, je me
8 suis intéressé de plus près au carrefour culturel et la protection du
9 patrimoine culturel basée sur la loi internationale. J'ai reçu plusieurs
10 demandes d'étudier ce domaine de la part d'enquêteurs. Et j'ai compilé une
11 sorte de base de données concernant le Proche-Orient, au moment où les
12 guerres dans les Balkans ont éclaté. Donc je me suis mis à réunir des
13 données, et au cours des années 1990, j'ai épaulé les efforts
14 d'institutions culturelles et de mes confrères dans l'ex-Yougoslavie,
15 notamment au cours de la reconstruction dans la Bosnie d'après la guerre.
16 Lorsque la guerre au Kosovo a éclaté en 1998-1999, j'ai suivi tous
17 les événements survenus avec une attention toute particulière et j'ai
18 appris qu'il était question de la destruction du patrimoine culturel.
19 Lorsque l'ONU a pris le contrôle au Kosovo, je me suis dit que ce serait
20 l'UNESCO qui va étudier toute la question de la question de la protection
21 du patrimoine culturel. Et comme j'avais eu toute une série de contacts
22 avec le personnel de l'UNESCO pendant que je travaillais en Bosnie, je les
23 ai contactés, j'ai contacté les personnes de ma connaissance au sein de
24 l'UNESCO, pour leur poser la question de savoir s'il était possible de
25 dresser un inventaire de tout le patrimoine culturel et de la situation
26 dans laquelle ils se trouvaient depuis la guerre. J'ai appris qu'ils
27 n'avaient pas de ressources suffisantes pour ce faire et qu'ils allaient se
28 concentrer sur la question de l'éducation.
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1 Puis, j'ai lancé un projet de recherche portant sur le patrimoine
2 culturel du Kosovo dans la période après-guerre. J'ai demandé à un jeune
3 confrère de l'Université de Harvard d'apporter son concours à ce projet et
4 j'ai entamé ma recherche au mois d'octobre 1999.
5 Q. Je suis désolée de vous interrompre. Nous allons parler de cette
6 coopération dans quelques instants.
7 Mme KRAVETZ : [interprétation] Mais avant de poursuivre, je souhaite
8 demander le versement au dossier du CV de ce témoin qui porte la cote 01790
9 sur la liste 65 ter. Il faut expliquer qu'il existe deux versions
10 différentes de ce CV. Hier, lors du récolement, le témoin a apporté une
11 version mise à jour de son CV. Nous l'avons communiquée à la Défense et
12 nous l'avons téléchargée dans le système du prétoire électronique. Seule la
13 version en B/C/S de ce document existe pour le moment. La traduction n'a
14 pas encore été préparée et je propose qu'il soit enregistré aux fins
15 d'identification, tant que nous n'aurons pas reçu sa traduction.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
18 P01097 enregistrée aux fins d'identification.
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci.
20 Q. Monsieur Riedlmayer, les interprètes viennent de nous rappeler qu'il
21 convient de ménager une pause entre les questions et les réponses pour
22 qu'ils puissent mener leur travail à bien.
23 Vous venez de nous expliquer que vous avez participé à une recherche visant
24 à dresser un inventaire du patrimoine culturel au Kosovo dans la période
25 d'après-guerre. Ce document est en fait un rapport que vous avez rédigé. Il
26 porte la cote 01789 sur la liste 65 ter. Il concerne le patrimoine
27 culturel. Vous avez déjà expliqué comment vous avez commencé à travailler
28 sur ce projet, mais je vous ai interrompu au moment où vous alliez aborder
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1 la question de son financement. Veuillez revenir et compléter votre
2 réponse.
3 R. M. Herscher et moi nous sommes adressés à l'institut Packard. Il s'agit
4 d'un établissement de bienfaisance qui avait déjà été impliqué dans des
5 projets semblables dans les Balkans ainsi que dans d'autres régions du
6 monde. Nous nous sommes donc adressés à cet institut pour assurer les fonds
7 nécessaires à notre recherche. Il nous a fallu à peu près un mois avant
8 d'entamer la première phase de notre projet. Puis nous sommes revenus plus
9 tard au Kosovo, à deux reprises, en 2000 et 2001.
10 Q. Pendant combien de temps étiez-vous engagé au total à élaborer ce
11 projet ?
12 R. Trois ans au total. Au cours de ces trois années, nous nous sommes
13 rendu trois fois au Kosovo pour une période de trois semaines à chaque
14 fois. Et pendant les périodes qui séparaient ces visites, nous nous sommes
15 appliqués à faire des recherches et à rassembler des informations
16 pertinentes.
17 Q. Dans la partie 1.2 de votre rapport à la page 4, vous définissez les
18 objectifs de ce projet et vous indiquez que votre objectif consistait à
19 établir dans quelle situation se trouvaient tous les monuments culturels et
20 les sites religieux qui figurent sur la liste préalablement établie ou non.
21 Pouvez-vous nous expliquer quelle méthode vous avez appliqué dans votre
22 travail ?
23 R. Notre objectif initial consistait à examiner les sites qui étaient
24 importants sur le plan culturel au Kosovo. Donc dans une première étape,
25 qui allait du mois de juin jusqu'au mois d'octobre 1999, nous avons
26 poursuivi des recherches basées sur des éléments d'information qui avaient
27 déjà été préalablement publiés sur le patrimoine culturel au Kosovo. Et dès
28 ce début de notre recherche, les différentes parties au conflit ont
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1 présenté des allégations concernant la destruction du patrimoine culturel.
2 Parmi les personnes qui faisaient état de ces allégations figuraient le
3 gouvernement yougoslave, les organisations des droits de l'homme, des
4 communautés religieuses, par exemple, l'Eglise orthodoxe serbe, la
5 communauté islamique au Kosovo, et ils ont donné un certain nombre de
6 détails concernant les sites qui auraient fait objet de destruction ou de
7 dégradation.
8 Dans notre rapport, nous nous sommes concentrés sur les sites dont la
9 destruction n'était pas controversée. Donc nous sommes allés sur place pour
10 vérifier ces allégations. Toutes les allégations qui avaient été
11 présentées, nous les avons prises très au sérieux et nous avons pu procéder
12 à des enquêtes sur les lieux chaque fois que cela a été possible.
13 Q. Si j'ai bien compris, votre recherche portait sur les monuments
14 culturels et religieux qui faisaient partie du patrimoine de différentes
15 communautés existant ou coexistant au Kosovo ?
16 R. Oui.
17 Q. Vous avez expliqué comment vous vous êtes servi de données que vous
18 aviez rassemblées. Dans votre rapport, vous fournissez également une liste
19 de sources dont vous vous êtes servis. Pouvez-vous nous expliquer par le
20 menu quelles étaient les sources utilisées ?
21 Ce sont les informations qui figurent dans l'annexe 2 de votre
22 rapport.
23 R. Oui. L'annexe 2 comprend les différentes sources d'information dont
24 nous nous sommes servis, et parmi les sources directes figurent les visites
25 que nous avons effectuées. Je crois que nous avons fait le tour de 144
26 sites différents pendant nos déplacements au Kosovo. Et chaque fois que
27 nous étions en déplacement, nous avons essayé de rassembler les
28 photographies et toutes sortes de données qui nous paraissaient fiables.
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1 Nous nous sommes donc renseignés auprès des autorités compétentes pour le
2 patrimoine culturel, auprès de communautés religieuses et nous nous sommes
3 adressés également à d'autres sources, par exemple, à un certain nombre
4 d'individus. Toutes ces choses sont répertoriées dans notre rapport ainsi
5 que notre évaluation sur leurs côtés positifs et négatifs.
6 Q. Une fois que vous avez rassemblé toutes les informations pertinentes,
7 comment avez-vous procédé à leur analyse et à la présentation des éléments
8 d'information pertinents ?
9 R. Pour chaque site que nous avons visité, qu'il s'agisse d'un site isolé
10 ou d'un ensemble, nous avons essayé de rassembler toutes les informations
11 disponibles. Puis nous avons essayé d'évaluer quel était le niveau de
12 dégradation, et cette évaluation, nous l'avons faite ensemble, M. Herscher
13 et moi. Il était indispensable que nous nous mettions d'accord sur le
14 niveau de dégradation subi par ces sites différents.
15 Chaque fois que cela a été possible, nous étayions notre propos par des
16 photographies qui dataient d'avant la guerre et de la période d'après-
17 guerre. Chaque fois que nous ne disposions pas de photographies, nous avons
18 essayé de confirmer nos propos en nous référant à plusieurs sources
19 différentes. Par ailleurs, nous nous sommes servis d'autres éléments de
20 preuve. Par exemple, nous nous sommes servis des rapports publiés par les
21 médias. Evidemment, nous n'avons jamais cru implicitement à tout ce qui a
22 été publié dans les médias, mais nous les avons trouvé utiles pour un
23 certain nombre d'informations, par exemple, pour déterminer la période
24 pendant laquelle un site avait été dégradé. Par exemple, si un journaliste
25 passait près d'un site et constatait qu'un site avait été détruit, il nous
26 avait été possible, d'après ce rapport, d'établir à quel moment ce site
27 avait subi des dégâts, puisque nous n'étions pas sur place au moment où la
28 destruction est survenue.
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1 Q. A la page 10 de votre rapport, paragraphe 3, vous décrivez la manière
2 dont vous vous êtes servi de différentes bases de données. Pouvez-vous nous
3 expliquer comment vous avez procédé à l'élaboration de cette base de
4 données et quel type de données elle comprend ?
5 R. Messieurs les Juges, la base de données fait partie intégrante de notre
6 rapport et elle répertorie des informations pertinentes pour tous les sites
7 étudiés. Je ne sais pas si on peut montrer un exemple plus concret --
8 Q. Nous allons le faire un peu plus tard. Nous n'avons qu'un temps limité
9 à notre disposition.
10 R. Bon, alors je vais m'exprimer en termes généraux. Dans la base de
11 données figurent les informations concernant les différents sites ou
12 monuments, les différents noms, l'endroit où ce site se trouve, quels sont
13 ses coordonnées sur une carte, la description des dommages subis, les
14 observations sur les dégâts subis par des bâtiments dans les alentours,
15 photographies, toutes les déclarations de témoins oculaires et ainsi que
16 leurs contacts, leurs adresses, leurs coordonnées, au cas où la Chambre
17 souhaite entrer en contact avec ces témoins oculaires. Et puis, ce qui
18 figure également dans cette base de données, ce sont des éléments
19 d'information supplémentaires, à savoir la bibliographie, tout ce qui a
20 déjà été publié concernant ces bâtiments, tout ce qui a été publié par les
21 médias les concernant. Donc il y a une série d'entrées de ce type qui
22 figure dans la base de données.
23 Q. Merci. Nous allons maintenant utiliser quelques exemples d'entrées --
24 non, plutôt, nous allons le faire demain.
25 Mais pendant que vous rédigiez votre rapport, étiez-vous en contact
26 avec les représentants du TPIY ?
27 R. La première fois que nous avons demandé des fonds pour procéder à cette
28 recherche, et pendant que nous attendions pour savoir quel sera le résultat
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1 de notre demande, nous sommes entrés en contact avec le bureau du Procureur
2 du TPIY pour savoir si l'Accusation serait intéressée à apprendre le
3 résultat de notre recherche, et nous avons appris que plusieurs parties
4 pourraient être intéressées aux résultats de nos travaux, l'Accusation
5 parmi d'autres.
6 Ils nous ont expliqué qu'il était impossible pour eux de financer notre
7 recherche, mais nous avons reçu l'invitation de passer à La Haye avant de
8 nous rendre au Kosovo pour que nous puissions apprendre quel était le type
9 de documents utile pour les Juges de la Chambre. Si bien que nous nous
10 sommes déplacés, nous sommes venus à La Haye. Nous avons passé un après-
11 midi avec les représentants du bureau du Procureur. C'était une réunion qui
12 a pris une heure ou deux.
13 L'Accusation nous a fourni des informations d'ordre général, avant
14 tout, ils ont insisté sur le fait que nous étions des chercheurs
15 indépendants, que nous n'agissions pas au nom du TPIY, et pour que notre
16 rapport soit fiable, il était indispensable qu'il soit impartial et qu'il
17 étudie en profondeur les allégations avancées par toutes les parties au
18 conflit. Nous n'avons pas été autorisés à recueillir des dépositions, mais
19 si jamais nous avions l'occasion d'interroger un certain nombre
20 d'individus, nous devions répertorier leurs coordonnées, qui pouvaient être
21 utiles par la suite. Ceci concernait notamment les sites détruits et toutes
22 les informations qui concernaient les sites dans la période qui précédait
23 la guerre, pour pouvoir établir avec certitude si un site a été dégradé
24 pendant la guerre ou avant.
25 L'Accusation nous a déjà expliqué que le bureau du TPIY à Pristina ne
26 pouvait pas épauler nos efforts, mais qu'il pouvait nous informer
27 concernant la situation sécuritaire. Donc tous les jours, nous nous
28 rendions dans les locaux du TPIY à Pristina. Par exemple, au moment où nous
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1 avons souhaité nous rendre à Mitrovica, il y a eu des troubles sur le pont
2 et nous avons décidé de ne pas y aller. Nous nous sommes rendus à Mitrovica
3 un peu plus tard.
4 Voilà, mon contact avec le bureau du Procureur se réduisait à ceci à
5 l'époque. Ils n'ont rien suggéré quant aux conclusions que nous devions
6 dégager ou à la méthode qu'il nous fallait appliquer. Ils ont simplement
7 indiqué ce qui devait être utile pour les Juges de la Chambre.
8 Q. Une fois que vous avez terminé votre étude et rédigé votre rapport,
9 est-ce que le bureau du Procureur vous a parlé du contenu du rapport ou du
10 contenu de la base de données ?
11 R. Non. En fait, nous n'avons pas eu de contacts. Tout ce que nous avons
12 préparé dans notre rapport, à ce moment-là, notre contact essentiel c'était
13 la MINUK, qui était intéressée par notre rapport pour établir un certain
14 nombre de priorités en termes de reconstruction sur place. Et ce n'est
15 qu'en 2001 que le bureau du Procureur nous a contactés et nous a demandé si
16 nous pouvions préparer la version de notre rapport destinée
17 particulièrement au Tribunal. Donc en 2001, nous avons présenté ce rapport,
18 et nous n'avions aucune suggestion quant à la façon dont le contenu devait
19 être présenté, ni à la façon dont les conclusions devaient être tirées.
20 Nous n'avons fait que présenter notre rapport et nous avons eu une certaine
21 correspondance avec le Tribunal, et c'est tout ce que nous avons eu.
22 Q. Merci pour cela.
23 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je crois qu'à stade, Monsieur le Président,
24 je pense que nous reviendrons à ce rapport demain. Mais je voudrais verser
25 cette pièce au dossier.
26 M. LE JUGE PARKER : [aucune interprétation]
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Oui, pièce 01098.
28 Mme KRAVETZ : [interprétation]
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1 Q. Monsieur, est-ce que vous avez précédemment témoigné devant ce Tribunal
2 dans l'affaire Milutinovic et consorts, et est-ce que vous avez abordé ce
3 rapport que vous aviez préparé ?
4 R. Oui.
5 Q. Avant de venir ici aujourd'hui, avez-vous eu l'opportunité de revoir
6 votre témoignage précédent ?
7 R. Oui.
8 Q. Et une fois que vous avez relu et revu votre témoignage, si l'on vous
9 posait les mêmes questions aujourd'hui que celles qui vous avaient été
10 posées la dernière fois que vous étiez ici, est-ce que vous fourniriez les
11 mêmes réponses ?
12 R. Oui.
13 Q. Merci.
14 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
15 versement du compte rendu d'audience du procès Milutinovic au dossier, le
16 65 ter 05017.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P01099.
19 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que nous
20 avons très peu de temps qui nous reste, et donc je voudrais maintenant
21 passer à un autre sujet. C'est peut-être un bon moment de faire la
22 [inaudible].
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Madame Kravetz.
24 Oui, je crois que nous devons lever l'audience très, très rapidement
25 puisque cette salle va être utilisée pour une autre affaire. Donc nous nous
26 retrouverons ici demain matin à 9 heures et nous poursuivrons ce
27 témoignage.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
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1 --- L'audience est levée à 13 heures 42 et reprendra le jeudi 16 juillet
2 2009, à 9 heures 00.
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