Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 25 août 2009

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Nos excuses pour ce léger

  6   retard.

  7   Madame Gopalan, vous avez une question à poser ?

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, j'ai une demande de procédure à

  9   formuler, Messieurs les Juges, avant de faire comparaître le prochain

 10   témoin. C'est en fait une demande orale pour ajouter une pièce à notre

 11   liste de pièces.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Et quelle est la pièce ?

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] Il s'agit, sur la liste 65 ter, de la pièce

 14   05339. Cette pièce est composée de cinq photographies couleur qui seront

 15   fournies par le témoin suivant, Mme Shyhrete Dula. Elle nous a fourni ces

 16   photos durant la séance de récolement avec le bureau du Procureur.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, un moment, Madame Gopalan.

 18   M. DJORDJEVIC : [interprétation] Mon client vient de me dire qu'il n'a pas

 19   d'interprétation qui lui arrive.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons régler ce problème.

 21   Veuillez poursuivre, Madame Gopalan.

 22   Mme GOPALAN : [interprétation] Il s'agit donc de photos qui ont été

 23   fournies par Mme Dula durant la séance de récolement en juillet, et ces

 24   cinq photos font partie d'un total de 11 photos qu'elle nous a fournies.

 25   Ces 11 photos ont été communiquées à l'équipe de la Défense. Il s'agit de

 26   pièces de la liste 65 ter. Elles ont été communiquées le lendemain du jour

 27   que nous les avons reçues, à savoir le 9 juillet, et l'équipe de la Défense

 28   a également reçu les informations sur ces photos dans les informations

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  1   complémentaires qui ont été transmises à l'équipe de la Défense.

  2   L'équipe de Procureur a sélectionné cinq photos qui sont les plus utiles

  3   sur les 11 qui ont été fournies. Il s'agit de ces cinq photos qui figurent

  4   dans la pièce que nous aimerions rajouter à la liste des pièces de la liste

  5   65 ter.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que le thème de ces photos est

  7   directement lié au thème abordé dans l'acte d'accusation ?

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, les thèmes de

  9   ces photos sont directement liés aux thèmes abordés dans la déposition du

 10   témoin et dans l'acte d'accusation. Je pense que les parties ainsi que

 11   cette Chambre pourraient juger utiles ces photos couleur suite à sa

 12   déposition.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 14   Maître Djordjevic.

 15   Ou plutôt, Madame O'Leary.

 16   Mme O'LEARY : [interprétation] Oui, nous avons reçu ces pièces le 8 ou le 9

 17   juillet 2009, elles étaient incluses dans les notes de récolement, et nous

 18   pensons qu'elles sont pertinentes pour la déposition. Cependant, nous

 19   aimerions émettre une objection, à savoir que nous aurions aimé recevoir

 20   ces photos plus tôt, puisque dans les notes de récolement, elle mentionne

 21   qu'elle avait transmis ces photos en 2001 et elles n'avaient pas été prises

 22   en compte. De plus, nous aimerions faire une demande en plus de la liste 65

 23   ter, qui aurait dû être faite au préalable plutôt que de le faire

 24   maintenant, notamment lorsqu'elles ont été utilisées dans cette liste

 25   d'information complémentaire.

 26   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 27   [La Chambre de première instance se concerte]

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elles seront rajoutées dans la liste

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  1   65 ter, Madame Gopalan, mais je pense que vous avez pris note des doléances

  2   de Me O'Leary.

  3   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, nous avons pris note.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.

  5   Mme GOPALAN : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  7   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Voulez-vous lire la déclaration que

 11   l'on va vous présenter.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 13   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   LE TÉMOIN : SHYHRETE DULA [Assermenté]

 15   [Le témoin répond par l'interprète]

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.

 17   Madame Gopalan a quelques questions à vous poser.

 18   Interrogatoire principal par Mme Gopalan :

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Dula.

 20   R.  Bonjour.

 21   Q.  Pouvez-vous décliner votre identité pour le compte rendu d'audience.

 22   R.  Je m'appelle Shyhrete Dula.

 23   Q.  Votre date de naissance, s'il vous plaît.

 24   R.  Je suis née le 21 mars.

 25   Q.  De quelle année ?

 26   R.  1958.

 27   Q.  Madame Dula, où habitez-vous à l'heure actuelle ?

 28   R.  J'habite à Gjakove.

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  1   Q.  Merci. Madame, avez-vous fourni une déclaration au bureau du Procureur

  2   de ce Tribunal en septembre 2001 ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et avez-vous eu récemment la possibilité de réexaminer cette

  5   déposition.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Après avoir examiné cette déposition écrite, je crois savoir que vous

  8   voulez apporter un certain nombre de corrections.

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Je vais lire ces modifications afin que vous puissiez confirmer tout

 11   cela.

 12   Mme GOPALAN : [interprétation] La déposition est la pièce 05162 de la liste

 13   65 ter.

 14   Q.  Et la première correction porte sur la page 2 de la version anglaise,

 15   deuxième paragraphe. Il s'agit de la même référence pour la version B/C/S.

 16   Ceci porte sur les maisons de votre propriété familiale. À l'heure

 17   actuelle, le paragraphe commence de la manière suivante :

 18   "La deuxième maison qui est légèrement plus petite que la mienne était la

 19   maison de ma sœur, de mon beau-frère ainsi que de leurs deux enfants. La

 20   troisième maison plus petite était la maison de ma belle-mère."

 21   Je vais maintenant lire les corrections que vous voulez apporter à cette

 22   déposition :

 23   "La deuxième maison qui est légèrement plus petite que la mienne était la

 24   maison de ma belle-mère, de mon beau-frère et de la ma belle-sœur avec ses

 25   deux enfants. La troisième maison, qui est la maison la plus petite de la

 26   propriété familiale, appartenait à ma belle-mère et était une maison

 27   utilisée seulement l'été."

 28   Est-ce que c'est les corrections que vous voulez apporter à cette

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  1   déposition ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Merci.

  4   Je vais passer à la deuxième correction que vous voulez apporter.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant de le faire, est-ce que vous

  6   voulez dire que la deuxième maison plus petite était la maison où

  7   habitaient votre belle-mère, votre belle-sœur et votre beau-frère ?

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Peut-être que je pourrais reformuler cette

  9   correction.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que le témoin pourrait nous

 11   le dire.

 12   Mme GOPALAN :

 13   Q.  Madame, pouvez-vous nous dire qui habitait dans la deuxième maison, la

 14   maison qui était légèrement plus petite que la vôtre ?

 15   R. Dans la deuxième maison, mon beau-frère, sa femme et ma belle-mère.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. C'est clair. Merci.

 17   Mme GOPALAN : [interprétation]

 18   Q.  Merci. Je voudrais maintenant que nous passions à la page 2, à la

 19   dernière phrase de la version anglaise; et à la page 2 de la version B/C/S,

 20   l'avant-dernier paragraphe, dernière phrase. À l'heure actuelle, le

 21   paragraphe commence comme suit :

 22   "J'ai entendu des flammes qui brûlaient, et vers 1h30 le 25 mars, le

 23   portail s'est ouvert brusquement et nous avons reconnu une jeep de la

 24   police."

 25   Madame, durant la séance de récolement, vous avez précisé que vous n'avez

 26   pas vu le portail qui s'est ouvert brusquement, mais que c'est votre belle-

 27   mère qui l'a vu et qui vous a relaté ces faits, à savoir que la jeep de la

 28   police était entrée dans la propriété familiale. Est-ce que c'est la

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  1   correction que vous voulez effectuer dans ce paragraphe ?

  2   R.  Oui, tout à fait.

  3   Q.  Merci. Et nous passons aux dernières corrections que vous souhaitez

  4   apporter à votre déposition. Pour la version anglaise, il s'agit de la page

  5   3, le quatrième paragraphe, la dernière phrase; et pour la version B/C/S,

  6   il s'agit du troisième paragraphe, la dernière phrase, dans la page 3. La

  7   dernière phrase commence comme suit :

  8   "Je ne pouvais pas vraiment comprendre ce qui se disait, mais j'ai entendu

  9   beaucoup de jurons."

 10   C'est lorsque vous avez trouvé refuge dans l'habitation d'un étranger à

 11   Rruga, Gjakove. Ai-je raison de dire que vous voulez apporter des

 12   modifications à ce paragraphe et que cette phrase, en fait, devrait être

 13   biffée du paragraphe ?

 14   R.  Oui, j'ai dit que j'ai entendu des jurons prononcés lorsque j'étais

 15   dans ma propre maison, lorsqu'ils sont entrés dans la cour.

 16   Q.  Merci. Donc vous avez entendu des gens qui juraient un peu plus tôt

 17   dans série d'événements qui se sont produits.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Merci. Ceci m'amène à la correction suivante que vous voulez apporter à

 20   votre déposition, c'est quand vous étiez encore dans votre propre maison.

 21   Pour la version anglaise, c'est la page 3, à l'avant-dernière phrase; et

 22   pour la version B/C/S, c'est le dernier paragraphe, deuxième phrase, je

 23   cite :

 24   "Je crois que des accents signifiaient qu'il s'agissait de Serbes de

 25   Gjakove …"

 26   Après cette phrase, vous voulez rajouter la phrase que nous venons de

 27   biffer, à savoir :

 28   "Je ne pouvais pas vraiment comprendre ce qui se disait, mais j'ai entendu

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  1   beaucoup de jurons prononcés".

  2   Est-ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Merci. Enfin, passons à la page 4 de la version anglaise, le paragraphe

  5   précédant l'avant-dernier paragraphe, deuxième phrase; et pour la version

  6   B/C/S, le deuxième paragraphe. Cette correction porte sur les personnes qui

  7   ont été escortées hors de Gjakove. La phrase est la suivante :

  8   "Ils ont été escortés par des soldats de la VJ et des membres de la police

  9   serbe, et nous pensons qu'ils ont été escortés hors de Gjakove."

 10   Madame le Témoin, quelles sont les corrections que vous voulez apporter à

 11   cette phrase concernant les personnes qui ont été escortées par les soldats

 12   de la VJ et les membres de la police

 13   serbe ?

 14   R.  En fait, ma correction porte sur les éléments suivants. Nous avons

 15   quitté nos maisons et nous avons été acheminés vers l'Albanie. Nous avons

 16   été escortés par des officiers de police jusqu'à la frontière. Nous avons

 17   tout d'abord été escortés par la police, ensuite par les soldats.

 18   Q.  Merci. Après avoir effectué ces modifications à votre déposition,

 19   j'aimerais savoir si vous pouvez confirmer qu'à votre connaissance, le

 20   contenu de cette déposition, telle que modifiée, reflète toute la vérité et

 21   est tout à fait exact.

 22   R.  Tout ce que j'ai déclaré est vrai. J'ai vécu tout cela durant la

 23   première nuit de l'offensive de l'OTAN.

 24   Q.  Merci, Madame.

 25   Mme GOPALAN : [interprétation] Messieurs les Juges, j'aimerais verser cette

 26   déclaration. Il s'agit de la pièce 05160 de la liste 65 ter.

 27   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous pouvons recevoir cette pièce.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P01268.

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  1   Mme GOPALAN : [interprétation] Je voudrais maintenant lire la synthèse qui

  2   a été publiée sur le prétoire électronique.

  3   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y.

  4   Mme GOPALAN : [interprétation] Le témoin est originaire de la ville de

  5   Djakovica ou de Gjakove dans la municipalité de Djakovica. Elle témoignera

  6   que durant la nuit des 24 et 25 mars 1999, les forces de la RFY et de

  7   Serbie ont expulsé des résidants albanais du Kosovo de leurs habitations.

  8   La maison du témoin était située dans le centre du quartier de Mahala e

  9   Hadumit de la ville de Djakovica, un quartier historique comprenant un

 10   vieux bazar et une mosquée. Elle confirmera que durant la nuit du 24 mars

 11   1999 et durant les premières heures du 25 mars 1999, elle a entendu des

 12   voix serbes dans la rue. Plus tard dans la nuit, la police est entrée dans

 13   la cour de la propriété familiale et a commencé à ouvrir le feu.

 14   Le témoin et sa famille sont arrivés à s'échapper et ont trouvé refuge dans

 15   une maison limitrophe. Elle a pu voir sa maison et les bâtiments

 16   environnants incendiés. Elle a décrit la destruction de son quartier, des

 17   magasins du bazar et des bâtiments en feu, ainsi que la vieille mosquée et

 18   le minaret qui étaient endommagés. Elle confirmera que sa maison et la

 19   maison de sa belle-mère ont été incendiées et qu'elle a trouvé son beau-

 20   frère mort dans sa maison.

 21   Elle décrira également comment le 25 au matin, elle-même et sa famille ont

 22   trouvé refuge avec d'autres personnes dans un temple où ils ont résidé

 23   pendant huit jours. Le huitième jour, le témoin et sa famille ont rejoint

 24   un convoi de personnes qui quittaient Gjakove. Ils ont été escortés par des

 25   membres de la VJ et de la police vers Qafa e Prushit, c'est-à-dire le

 26   poste-frontière.

 27   Le témoin et sa famille ont traversé la frontière et sont entrés en

 28   Albanie. Ils sont ensuite allés en Autriche où ils ont demandé le statut de

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  1   réfugiés et ils y ont résidé pendant six mois. Le témoin déclare qu'elle a

  2   quitté le Kosovo en raison des actions de la police serbe.

  3   Il s'agit de la fin de la synthèse du prétoire électronique.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  5   Mme GOPALAN : [interprétation]

  6   Q.  Madame Dula, comme vous le voyez, les Juges ont cette déposition devant

  7   eux et, par conséquent, j'ai des demandes de précisions à vous faire

  8   concernant cette déposition.

  9   Je voudrais commencer par le quartier où vous résidiez. Dans votre

 10   déclaration - pour la version anglaise et B/C/S, il s'agit de la page 2,

 11   paragraphe 1 - vous dites que votre maison était située dans le quartier de

 12   Mahala e Hadumit de Gjakove et qu'il s'agissait d'un bazar qui était

 13   construit en style turc et qu'il y avait également une mosquée, une très

 14   vieille mosquée, dans cette zone. Madame, est-ce que vous pourriez nous

 15   décrire le type de magasins qui étaient installés dans cette zone du bazar,

 16   en d'autres termes, quels étaient les types de marchandises que l'on

 17   pouvait trouver dans ces magasins ?

 18   R.  Ces magasins étaient des magasins privés qui vendaient différentes

 19   marchandises. Il y avait également des magasins d'artisans qui vendaient

 20   des produits d'artisanat.

 21   Q.  Depuis combien de temps ces magasins d'artisanat existaient-ils ?

 22   R.  Vous voulez dire avant la guerre ?

 23   Q.  Oui, tout à fait.

 24   R.  En fait, ils sont restés ouverts jusqu'à la veille de la déclaration de

 25   la guerre, mais ils fermaient très tôt dans la journée.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire quel était le type de produit

 27   artisanal qui était fabriqué et qui était vendu dans ces magasins ?

 28   R.  Il y avait des chapeliers qui fabriquaient des chapeaux composant le

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  1   costume albanais traditionnel et il y avait d'autres boutiques également.

  2   Q.  Merci. Pour ces magasins de chapeliers et les costumes albanais

  3   traditionnels, est-ce que vous pourriez nous dire depuis combien de temps

  4   ils fabriquaient ces chapeaux dans le bazar ? Depuis quand est-ce que ces

  5   magasins existaient, si vous le savez ?

  6   R.  Je dois avouer que je ne sais pas exactement, mais c'était une

  7   tradition ancestrale.

  8   Q.  Merci. Pour revenir aux événements du 24 mars 1999 que vous avez

  9   mentionnés dans votre élément de preuve, vous avez dit qu'aux environs de

 10   minuit le 24 mars, vous avez entendu un fracas dans la rue à l'extérieur de

 11   votre propriété familiale.

 12   Dans la version anglaise, il s'agit de la page 2, paragraphe 4; et dans la

 13   version B/C/S, il s'agit de la page 2, dernier paragraphe.

 14   Pour préciser tout cela, vous avez entendu un fracas dans la rue à

 15   l'extérieur de la propriété familiale, est-ce qu'il s'agit de la rue où il

 16   y avait les magasins du bazar dont nous venons de

 17   parler ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Vous dites que vous avez également entendu des voix qui parlaient serbe

 20   dans la rue. Madame, est-ce que vous comprenez ou est-ce que vous parlez

 21   serbe ?

 22   R.  Je comprends très bien le serbe, mais je ne peux pas vraiment le parler

 23   correctement.

 24   Q.  Merci. Ce jour-là, aux environs de minuit le 24 mars, qui était présent

 25   avec vous dans votre maison ?

 26   R.  Comme à l'habitude, il y avait toute ma famille : moi-même, mon mari et

 27   mes trois enfants.

 28   Q.  Merci. Qu'en est-il des autres membres de votre famille dans la

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  1   propriété familiale, qui d'autre était présent dans la propriété familiale

  2   ce jour-là ?

  3   R.  Dans le domaine familial qui incluait ma propre maison; c'est cela que

  4   vous voulez dire ?

  5   Q.  C'est exact.

  6   R.  Dans la maison de ma belle-mère, il y avait ma belle-mère, son fils,

  7   mon beau-frère, sa femme et leurs enfants, leurs deux enfants.

  8   Q.  Merci. Nous passons à la page 2 en anglais, le paragraphe 4. Pour la

  9   version B/C/S, il s'agit de la page 2, l'avant-dernier paragraphe, vous

 10   dites :

 11   "A ce stade, nous sommes restés dans nos maisons. J'ai réveillé les enfants

 12   et nous avons attendu en espérant que les voix se disperseraient.

 13   Cependant, j'ai entendu le bruit de bois qui crépitait. J'ai entendu le

 14   crépitement des flammes…"

 15   Quand vous avez entendu le crépitement de flammes comme si c'était du bois

 16   qui brûlait, est-ce que vous avez ensuite pu déterminer ce qui brûlait ou

 17   est-ce que vous avez simplement entendu le bruit d'un incendie ?

 18   R.  A proximité de ma maison, vous avez tous les magasins qui sont dans le

 19   bazar, ils étaient tous en feu au moment où j'ai entendu les crépitements

 20   des flammes.

 21   Q.  Merci. Vous dites qu'à ce moment-là une trentaine de personnes sont

 22   entrées dans votre cour. Ils ont ouvert le feu avec des armes automatiques

 23   au fur et à mesure qu'ils avançaient.

 24   En anglais, c'est la page 3, paragraphe 2; et pour la version B/C/S, il

 25   s'agit de la page 2, le dernier paragraphe.

 26   Au moment où cette trentaine de personnes sont entrées dans votre cour,

 27   Madame, est-ce qu'ils ont dit quoi que ce soit ?

 28   R.  Dès qu'ils sont entrés dans la cour, ils ont commencé à jurer et à

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  1   crier.

  2   Q.  Pourriez-vous nous dire ce qu'ils disaient en criant

  3   ainsi ?

  4   R.  Ce sont des choses que je préfère ne pas réitérer, des jurons.

  5   Q.  Et est-ce qu'ils vous ont demandé à vous et à votre famille de faire

  6   quoi que ce soit ?

  7   R.  Nous n'avons pas eu de contact avec eux, parce que nous avons pris la

  8   fuite en escaladant le mur.

  9   Q.  Merci. Pourriez-vous nous décrire leurs vêtements ?

 10   R.  Ils portaient des uniformes de police, uniformes de camouflage bleus.

 11   Q.  Merci. Vous avez dit que vous avez escaladé le mur. Pouvez-vous nous

 12   dire dans quelle partie de la maison vous vous trouviez ?

 13   R.  Nous avons pris la fuite alors que nous nous trouvions à l'arrière de

 14   la maison.

 15   Q.  Et qui vous a accompagné dans cette fuite ?

 16   R.  Mes enfants, moi-même et mon mari.

 17   Q.  Alors que vous preniez la fuite, aviez-vous particulièrement peur pour

 18   la sécurité de l'un ou l'autre membre de votre famille ?

 19   R.  Oui, c'est vrai. Je savais que ma belle-mère ainsi que mon beau-frère

 20   et toute sa famille se trouvaient encore dans leur maison.

 21   Q.  Qu'en est-il des membres les plus proches de votre famille avec qui

 22   vous preniez la fuite ? Est-ce que vous craigniez pour la sécurité de l'un

 23   ou l'autre de ces proches en particulier ?

 24   R.  Oui. Tant que je me trouvais dans la maison, j'ai eu très peur, parce

 25   que j'avais entendu dire qu'ils avaient commis des crimes graves, violé des

 26   jeunes filles et des femmes et aussi tué des gens.

 27   Q.  Comment aviez-vous appris cela, Madame Dula ?

 28   R.  Le bruit courait. Lorsque nous discutions avec d'autres gens, nous en

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  1   avons entendu parler.

  2   Q.  Merci. Vous avez dit que vous avez pris la fuite en escaladant le mur

  3   qui se trouvait à l'arrière de la maison. Pourriez-vous nous dire si vous

  4   avez été blessée en prenant la fuite ?

  5   R.  Oui, j'ai été gravement blessée. J'avais mal partout, au visage et sur

  6   tout le corps.

  7   Q.  Est-ce que d'autres membres de votre famille ont été blessés ?

  8   R.  Oui, mon mari également. Il s'est blessé à la jambe.

  9   Q.  Merci. J'aimerais maintenant passer au point suivant lorsque vous vous

 10   êtes réfugiée dans la maison d'un étranger à Rruga e Mullirit, toujours aux

 11   alentours de Gjakove.

 12   A la page 3 en anglais, au quatrième paragraphe; et page 3 en B/C/S, au

 13   troisième paragraphe.

 14   Madame, lorsque vous vous trouviez dans la maison de cet étranger, pouvez-

 15   vous nous dire ce que vous avez pu voir ?

 16   R.  Alors que je me trouvais dans la maison de l'étranger, je pouvais voir

 17   ma maison, j'ai pu voir qu'elle avait été complètement détruite par le feu.

 18   Q.  Outre votre maison qui avait été incendiée, est-ce que vous avez pu

 19   voir autre chose aux alentours ?

 20   R.  Oui, les magasins aussi étaient en feu.

 21   Q.  Vous dites que le 25 mars 1999 au matin, vous êtes retournée dans votre

 22   maison - on voit cela au dernier paragraphe de la page 3; en B/C/S, à la

 23   page 3, à l'avant-dernier paragraphe - et vous dites qu'en rentrant chez

 24   vous, vous avez été choquée par l'étendue de la destruction dans votre

 25   quartier.

 26   Madame, pouvez-vous nous décrire l'état dans lequel se trouvait votre

 27   quartier ?

 28   R.  Le quartier tout entier avait été détruit. Tous les bâtiments avaient

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  1   été incendiés.

  2   Q.  Plus tôt, vous avez mentionné le fait qu'il y avait une mosquée dans

  3   votre quartier. Pourriez-vous tout d'abord nous dire quel était le nom de

  4   cette mosquée ?

  5   R.  On l'appelait la mosquée Hadum.

  6   Q.  Et avez-vous remarqué quoi que ce soit par rapport à cette mosquée

  7   Hadum ?

  8   R.  Alors que je passais devant la mosquée, j'ai remarqué que le minaret

  9   avait été endommagé également, il avait été détruit, plus précisément.

 10   Q.  Merci. Outre ce minaret, avez-vous remarqué quoi que ce soit d'autre

 11   concernant l'état de la mosquée ?

 12   R.  J'ai vu le minaret. J'ai aussi vu certains dégâts de l'autre côté de la

 13   mosquée, mais je n'ai pas osé m'arrêter pour regarder de plus près.

 14   Q.  Avez-vous pu constater quelle avait été la cause de ces dégâts que vous

 15   avez observés de l'autre côté de la mosquée ?

 16   R.  J'ai pu voir que les murs externes de la mosquée avaient été

 17   endommagés, puis j'ai poursuivi mon chemin.

 18   Q.  Merci.

 19   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche le

 20   document 65 ter 05351.

 21   Q.  Il s'agit d'une photo qui apparaîtra à l'écran, Madame. Je regrette

 22   qu'elle ne soit pas plus claire, mais pouvez-vous reconnaître ce que l'on

 23   voit sur cette photo ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Que voyez-vous sur cette photo ?

 26   R.  Cette photographie nous montre la rue dans laquelle j'habitais.

 27   Q.  Remarquez-vous quoi que ce soit de particulier sur cette photo ?

 28   R.  La rue où se trouve ma maison se trouve ici et on voit aussi les

Page 8338

  1   magasins du vieux bazar.

  2   Q.  Et où se trouve votre maison vis-à-vis de ces magasins ?

  3   R.  A cet endroit ici.

  4   Q.  Est-ce que vous voulez bien nous indiquer par une flèche la direction

  5   dans laquelle se trouve votre maison ?

  6   R.  [Le témoin s'exécute] Ici.

  7   Q.  Ai-je raison de dire que votre maison se trouve à l'endroit où vous

  8   venez d'apposer une marque sur la photo ?

  9   R.  Oui, dans cette partie de la rue.

 10   Q.  C'est là où se trouve votre maison ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Merci.

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] Messieurs les Juges, j'aimerais demander le

 14   versement au dossier de cette photo.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Savons-nous quand cette photo a été

 16   prise ?

 17   Mme GOPALAN : [interprétation]

 18   Q.  Pourriez-vous nous dire, Madame, quand cette photo a été prise ?

 19   R.  Cette photo a sans doute été prise au début de la guerre, immédiatement

 20   après l'offensive, après que ces magasins aient été incendiés.

 21   Q.  Pourquoi dites-vous cela, Madame ?

 22   R.  On peut encore voir sur la photo la fumée, du moins il me semble voir

 23   cette fumée sur la photo.

 24   Q.  Où voyez-vous la fumée sur cette photo, Madame ?

 25   R.  Ici, je crois que là on voit de la fumée.

 26   Q.  Pourriez-vous apposer la lettre A à côté de la fumée.

 27   R.  [Le témoin s'exécute] Ici et là aussi.

 28   Q.  Oui, s'il vous plaît.

Page 8339

  1   R.  [Le témoin s'exécute]

  2   Q.  Merci, Madame.

  3   Mme GOPALAN : [interprétation] Messieurs les Juges, cette pièce qui vient

  4   d'être annotée a déjà été versée au dossier et nous avons des informations

  5   quant au moment où la photo a été prise.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous souhaitez que la photo devienne

  7   une pièce ?

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Que cela soit fait.

 10   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La photo deviendra la pièce P01269.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous connaissez la cote de

 13   la pièce qui existe déjà ?

 14   Mme GOPALAN : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges, il s'agit de la

 15   pièce P1105. Cette photo-ci est un agrandissement de l'une des deux photos

 16   contenues dans cette pièce.

 17   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 18   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche une

 19   autre pièce, P1104. Pourrions-nous voir la deuxième page de cette pièce

 20   pour commencer.

 21   Q.  Reconnaissez-vous cette photo, Madame ?

 22   R.  Oui, on y voit aussi la partie de la rue dans laquelle se trouve ma

 23   maison.

 24   Q.  Merci. Quand la rue était-elle dans cet état, comme on la voit ici ?

 25   R.  Après la guerre. Elle a été reconstruite.

 26   Q.  Donc il s'agit de la rue après sa reconstruction, la rue dans laquelle

 27   vous habitiez ?

 28   R.  Oui.

Page 8340

  1   Q.  Merci.

  2   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais maintenant en venir à la première

  3   page de cette pièce.

  4   Q.  Reconnaissez-vous cette photo, Madame ?

  5   R.  Oui, il s'agit de l'arrière de la mosquée.

  6   Q.  Savez-vous quels sont ces bâtiments devant la mosquée ?

  7   R.  Il s'agissait de magasins.

  8   Q.  Quand avez-vous vu ou avez-vous vu ces magasins et cette mosquée dans

  9   cet état ?

 10   R.  Lorsque nous avons été expulsés et dirigés vers l'Albanie.

 11   Q.  Ai-je raison de dire que vous êtes passée devant ces bâtiments alors

 12   que vous quittiez la ville pour vous rendre en Albanie ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Pouvez-vous nous dire à peu près à quelle date ?

 15   R.  Je ne me souviens pas exactement à quelle heure de la journée, mais

 16   autant que je m'en souvienne, le jour était le 2 avril.

 17   Q.  Merci, Madame. Je vous prierais de regarder de plus près la mosquée.

 18   Vous y voyez une structure assez haute sur la droite de la mosquée. Pouvez-

 19   vous nous dire de quoi il s'agit et ce qu'est devenue cette structure ?

 20   R.  Il s'agit du minaret de la mosquée, et la partie supérieure du minaret

 21   a été endommagée, s'est effondrée.

 22   Q.  Quand avez-vous vu le minaret dans cet état, c'est-à-dire la partie

 23   supérieure effondrée ?

 24   R.  Le lendemain lorsque je suis retournée sur place pour chercher ma

 25   belle-mère, également le jour où nous sommes partis en direction de

 26   l'Albanie.

 27   Q.  Merci, Madame.

 28   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche une

Page 8341

  1   autre pièce, P1107.

  2   Q.  Reconnaissez-vous cette photo, Madame ?

  3   R.  Oui, il s'agit de la partie avant de la mosquée.

  4   Q.  Quand avez-vous vu la mosquée dans cet état ?

  5   R.  Le jour où nous sommes partis pour l'Albanie.

  6   Q.  Merci, Madame. J'aimerais maintenant vous poser quelques questions

  7   concernant l'état dans lequel vous avez trouvé votre propre maison lorsque

  8   vous êtes retournée dans votre enceinte familiale dans la matinée du 25

  9   mars.

 10   L'on trouve cela à la page 4 en anglais, au deuxième paragraphe; et à la

 11   page 3 en B/C/S, à l'avant-dernier paragraphe.

 12   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche en attendant le

 13   document 65 ter 05339.

 14   Q.  Madame, lorsque vous êtes rentrée chez vous le 25 mars 1999, dans quel

 15   état se trouvait votre maison ce jour-là ?

 16   R.  Lorsque je suis rentrée chez moi le lendemain, je n'ai trouvé que des

 17   ruines. Je n'ai même pas pu entrer dans la maison, il n'y avait plus que

 18   des débris.

 19   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle était la cause de ces dégâts ?

 20   R.  Seuls les policiers avaient pu causer ces dégâts cette nuit-là.

 21   Q.  Avez-vous pu observer vous-même des indices de ce qui avait provoqué

 22   ces dégâts à votre maison ?

 23   R.  Non, je n'ai pas pu observer de tels indices. Je suis simplement

 24   retournée pour retrouver ma belle-mère.

 25   Q.  Pouvez-vous nous dire dans quel état se trouvait la maison de votre

 26   belle-mère ?

 27   R.  La vieille maison dans laquelle elle habitait auparavant se trouvait

 28   plus ou moins en bon état, alors que le bâtiment annexe avait été incendié

Page 8342

  1   comme ma maison, donc il n'en restait plus rien.

  2   Q.  Madame, est-ce que vous reconnaissez la photo affichée à l'écran devant

  3   vous ?

  4   R.  Oui. Voilà l'entrée. La police a enfoncé ce portail pour pénétrer dans

  5   notre cour. Il s'agit de l'entrée de la cour dans laquelle se trouve ma

  6   maison.

  7   Q.  Pourriez-vous nous dire qui a pris cette photo ?

  8   R.  Après la guerre, avant que nous ne puissions tout nettoyer, nous avons

  9   pris une photo du portail.

 10   Q.  Quand avez-vous vu votre maison dans cet état pour la première fois ?

 11   R.  Le lendemain, dans la matinée.

 12   Q.  Merci, Madame.

 13   Mme GOPALAN : [interprétation] Pourrions-nous voir la deuxième page de

 14   cette pièce, s'il vous plaît.

 15   Q.  Reconnaissez-vous cette photo, Madame ?

 16   R.  Oui, c'est la maison dans laquelle j'habitais.

 17   Q.  De quel angle cette photo a-t-elle été prise ?

 18   R.  Cette photo a été prise depuis l'entrée de la cour.

 19   Q.  Quand est-ce que vous avez vu votre maison dans cet état ?

 20   R.  Le lendemain, dans la matinée.

 21   Q.  Et à quoi ressemblait votre maison avant les événements du 24 mars ?

 22   R.  C'était une maison tout à fait ordinaire qui ressemblait à toutes les

 23   autres.

 24   Q.  Nous voyons sur cette photo que cette maison ne semblait plus avoir de

 25   toit. Savez-vous ce qui s'est passé à l'étage de la maison ? Avez-vous pu

 26   voir quelles avaient été les causes de ces dégâts ?

 27   R.  La partie supérieure de la maison était en feu, le premier étage et le

 28   deuxième étage également.

Page 8343

  1   Mme GOPALAN : [interprétation] Pourrions-nous voir la photo suivante, s'il

  2   vous plaît.

  3   Q.  Que voyons-nous sur cette photo, Madame, si vous la reconnaissez ?

  4   R.  Il s'agit d'une photo des différentes pièces. Vous voyez là une partie

  5   de la cuisine. On voit les dégâts provoqués à l'intérieur de la maison.

  6   Q.  Sur la droite de la photo, on voit des couleurs très sombres. Pouvez-

  7   vous nous dire ce que représentent ces taches foncées sur les murs ?

  8   R.  Tout cela est dû au feu et aux flammes.

  9   Mme GOPALAN : [interprétation] Pourrions-nous voir la photo suivante, s'il

 10   vous plaît.

 11   Q.  Qu'en est-il de cette photo, Madame, que pouvons-nous y voir ?

 12   R.  Cette photo montre le premier étage de la maison où je me trouvais

 13   cette nuit-là. Nous avons dû traverser cette partie pour aller à la cuisine

 14   et pouvoir entrer dans la cour en passant par la fenêtre.

 15   Q.  Quand avez-vous vu cette pièce dans cet état ?

 16   R.  Le lendemain.

 17   Q.  Merci. Ces trois photos que nous venons de voir, qui les a prises -- ou

 18   plutôt, les quatre dernières photos que nous venons de voir, qui a pris ces

 19   photos ?

 20   R.  Mes enfants ont pris ces photos après que nous soyons rentrés chez

 21   nous.

 22   Q.  Merci, Madame.

 23   Mme GOPALAN : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

 24   des quatre premières pages de cette pièce, Messieurs les Juges.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Elles seront versées au dossier.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P01270,

 27   Messieurs les Juges.

 28   Mme GOPALAN : [interprétation]

Page 8344

  1   Q.  Pour en venir à une autre question, Madame, lorsque vous avez été

  2   expulsée de votre maison la veille, vous êtes rentrée chez vous pour voir

  3   dans quel état se trouvait votre maison le lendemain. Est-ce que votre

  4   beau-frère est parti en même temps que votre

  5   famille ?

  6   R.  Non, il n'est pas parti en même temps que nous. Il se trouvait dans sa

  7   propre maison et nous nous trouvions dans notre maison, les deux maisons se

  8   trouvant dans la même cour.

  9   Q.  Est-il parti cette nuit-là ?

 10   R.  Non, il n'est pas parti.

 11   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qu'il est devenu ?

 12   R.  Le lendemain, dans la matinée, lorsque je suis retournée sur place, je

 13   l'ai vu mort. C'était vraiment quelque chose d'affreux pour moi.

 14   Q.  Avez-vous appris ce qui lui était arrivé, comment il avait été tué ?

 15   R.  Je l'ai simplement vu de mes propres yeux, son cadavre qui avait été

 16   complètement mutilé.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire pour quelle raison votre beau-frère n'a pas

 18   quitté sa maison cette nuit-là, autant que vous le sachiez ?

 19   R.  Ma maison se trouvait dans un quartier différent, plus commode, et si

 20   sa maison avait été située dans ce quartier plus commode, il aurait survécu

 21   aussi.

 22   Q.  Pouvez-vous nous donner son nom, s'il vous plaît ?

 23   R.  Kujtim.

 24   Q.  Pouvons-nous avoir son nom et son prénom, s'il vous plaît ?

 25   R.  Kujtim Dula.

 26   Q.  Quel âge avait-il à l'époque ?

 27   R.  42 ans.

 28   Mme GOPALAN : [interprétation] Je souhaite voir le numéro 65 ter 05339 et

Page 8345

  1   voir la dernière page de cette pièce, s'il vous plaît, page 5.

  2   Q.  En attendant l'affichage de ce document, Madame Dula, connaissez-vous

  3   d'autres membres de votre famille qui ont été tués à ce moment-là à

  4   Djakovica ?

  5   R.  Il y a deux personnes de ma famille.

  6   Q. [aucune interprétation]  

  7   R.  Astrit Rexha.

  8   Q.  Quand Astrit Rexha a-t-il été tué, si vous le savez ?

  9   R.  Astrit a été tué lorsqu'on l'a contraint à rejoindre le convoi pour

 10   aller en Albanie.

 11   Q.  Quand ceci s'est-il passé, Madame Dula ?

 12   R.  Je ne suis pas tout à fait sûre de la date, mais j'ai appris sa mort de

 13   la bouche de sa mère.

 14   Q.  Avez-vous aussi appris qui était à l'origine de sa mort ?

 15   R.  Les policiers qui les ont chassés de leur maison.

 16   Q.  Est-ce que d'autres membres de votre famille ont été tués à ce moment-

 17   là ?

 18   R.  Le fils de la sœur de ma belle-mère a également été tué.

 19   Q.  Comment s'appelait-il ?

 20   R.  Agim Haxhi Avdyli.

 21   Q.  Pouvez-vous nous dire où il a été tué et quand, si vous le savez ?

 22   R.  Je ne sais pas. Je ne connais pas la date, mais j'ai appris de sa mère

 23   qu'il avait été tué.

 24   Q.  Et comment a-t-il été tué ?

 25   R.  Je ne le sais pas. Je ne connais pas les détails de tout ceci à propos

 26   de cette personne. J'ai simplement appris qu'il avait été tué.

 27   Q.  Merci, Madame. La photographie qui se trouve devant vous, pouvez-vous

 28   nous dire ce que montre cette photo, si vous le savez.

Page 8346

  1   R.  Le crime qui a été commis. Il s'agit de mon feu beau-frère.

  2   Q.  Et qui a pris cette photo, Madame ?

  3   R.  Mon fils.

  4   Q.  Quand cette photographie a-t-elle été prise ?

  5   R.  Le lendemain. Il a trouvé un petit appareil photo qui appartenait à la

  6   famille et il a pris cette photographie.

  7   Q.  Merci, Madame.

  8   Mme GOPALAN : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

  9   de cette photographie, s'il vous plaît, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document est admis.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P01271.

 12   Mme GOPALAN : [interprétation]

 13   Q.  Maintenant, je souhaite passer au moment où vous avez quitté Gjakove -

 14   ceci à la page 4 en anglais; paragraphe 3; en B/C/S, page 4, deuxième

 15   paragraphe. Il s'agit du huitième jour où vous êtes allée au temple et vous

 16   dites avoir vu une foule de personnes qui passaient devant le temple en

 17   direction de Gjakove. Votre famille a décidé de se joindre à cette foule

 18   pour quitter Gjakove. Pouvez-vous nous dire qui vous a escortés en dehors

 19   de Gjakove ?

 20   R.  En chemin, il y avait deux postes de contrôle tenus par des policiers.

 21   Q.  Où se trouvaient ces postes de contrôle ?

 22   R.  Le premier poste de contrôle se trouvait au niveau du pont.

 23   Q.  Connaissez-vous le nom de ce pont, Madame ?

 24   R.  D'après ce que je sais, cela s'appelle le pont de Mete Efendi.

 25   Q.  Merci. Vous nous dites que ces postes de contrôle étaient tenus par les

 26   policiers. Comment saviez-vous qu'il s'agissait de policiers ?

 27   R.  Parce qu'ils portaient l'uniforme de la police.

 28   Q.  D'après vous, à quoi ressemble l'uniforme de la police ?

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  1   R.  C'étaient des uniformes bleus de camouflage, d'après ce que je sais. Il

  2   s'agit là des couleurs de la police.

  3   Q.  Merci. Vous avez cité deux postes de contrôle. Où se trouvait le

  4   deuxième poste de contrôle ? Vous avez déjà indiqué que le pont était

  5   l'endroit où se trouvait le premier.

  6   R.  Le deuxième poste de contrôle se trouvait près de la caserne.

  7   Q.  Merci. Avant d'arriver au poste de contrôle, lorsque vous étiez

  8   toujours dans la ville de Gjakove, pourriez-vous nous dire qui vous a

  9   escortée lorsque vous avez quitté la ville à ce moment-là ?

 10   R.  Les policiers.

 11   Q.  Et tandis qu'ils vous escortaient en quittant la ville, est-ce que vous

 12   les avez vus faire quelque chose ?

 13   R.  Jusqu'au premier poste de contrôle, nous avons vu des policiers

 14   endommager les bâtiments.

 15   Q.  Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par "endommager les

 16   bâtiments" ? Quels types de bâtiment, par exemple ? Que faisaient-ils au

 17   niveau de ces bâtiments ?

 18   R.  Les magasins, les épiceries qui se trouvaient le long de la rue.

 19   Q.  Et que faisaient-ils au niveau de ces épiceries ?

 20   R.  Ils brisaient les vitres.

 21   Q.  Et après avoir brisé les vitres, ont-ils fait autre chose ?

 22   R.  Ils sont entrés à l'intérieur, mais nous avons poursuivi notre chemin,

 23   donc je n'ai pas vu ce qu'ils ont fait après cela.

 24   Q.  Je vous remercie, Madame. Une question maintenant qui porte sur votre

 25   carte d'identité. Vous nous dites que lorsque vous avez rejoint le convoi à

 26   Gjakove, on vous a demandé, vous ainsi que votre famille, de remettre vos

 27   papiers d'identité. Pourriez-vous nous dire à combien de reprises, lors de

 28   votre sortie de Gjakove, on vous a demandé de présenter ou de remettre

Page 8348

  1   votre carte d'identité ?

  2   R.  On nous a demandé de montrer notre carte d'identité au premier poste de

  3   contrôle ainsi qu'au deuxième poste de contrôle.

  4   Q.  Qui souhaitait voir vos cartes d'identité à ces deux postes de contrôle

  5   ?

  6   R.  Les policiers qui tenaient ces postes.

  7   Q.  Et qu'est-il arrivé après vous avoir demandé de montrer vos cartes

  8   d'identité ? Qu'est-ce qu'ils ont fait, pour autant qu'ils aient fait

  9   quelque chose ?

 10   R.  Je n'avais rien à leur remettre étant donné que tout avait été brûlé.

 11   Tout ce que possédait ma famille avait été brûlé.

 12   Q.  Vous avez indiqué que vous faisiez partie d'un convoi. Est-ce que les

 13   autres membres du convoi devaient également remettre leurs cartes

 14   d'identité à ces postes de contrôle ?

 15   R.  Oui, on leur a enlevé leurs papiers d'identité et ces cartes d'identité

 16   ont été placées à l'intérieur de grosses boîtes.

 17   Q.  Si vous le savez, combien de personnes se trouvaient avec vous dans le

 18   convoi ?

 19   R.  Je ne peux pas vous donner de chiffre exact, cependant c'était un

 20   convoi sans fin. C'est tout ce que je puis vous dire.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire à quel endroit vous avez traversé la frontière

 22   pour entrer en Albanie ?

 23   R.  A Qafa e Prushit, dans les montagnes.

 24   Q.  A ce moment-là, qui vous escortait ?

 25   R.  L'armée.

 26   Q.  Merci, Madame. Pour finir, pourriez-vous nous dire pourquoi vous et

 27   votre famille avez quitté le Kosovo à ce moment-là ?

 28   R.  La raison pour laquelle nous avons quitté le Kosovo est celle-ci : nous

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  1   souhaitions survivre. Nous ne pouvions pas vivre autrement.

  2   Q.  Vous fuyiez qui ?

  3   R.  Les policiers. C'est eux qui nous ont chassés.

  4   Q.  Merci beaucoup, Madame.

  5   Mme GOPALAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas d'autres

  6   questions à poser à ce témoin et je vous remercie de m'avoir permis de

  7   dépasser le temps qui m'avait été alloué.

  8   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  9   Maître O'Leary.

 10   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Contre-interrogatoire par Mme O'Leary : 

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame. Je m'appelle Marie O'Leary. Je

 13   représente M. Vlastimir Djordjevic dans cette procédure. Je suis

 14   accompagnée du conseil principal, M. Dragoljub Djordjevic. Nous avons votre

 15   déclaration qui a été versée. Je souhaite simplement m'assurer de quelques

 16   points, je souhaite savoir si ceci a été fait. Cette déposition a été

 17   recueillie en albanais ? Je souhaite simplement que les choses soient

 18   claires au niveau du compte rendu d'audience.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Ensuite ce document a été traduit en anglais et on vous a demandé de

 21   relire la déclaration pour que vous la signiez; c'est exact ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Vous ne parlez pas l'anglais du tout; c'est exact ?

 24   R.  Non, effectivement.

 25   Q.  Vous avez dit aujourd'hui que vous comprenez le serbe un petit peu;

 26   c'est exact ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Je vous remercie. Je souhaite simplement que nous nous tournions vers

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  1   certains points de votre déclaration qui évoquent l'endroit où les

  2   événements se sont produits.

  3   Mme O'LEARY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir la carte P823,

  4   page 29, s'il vous plaît.

  5   Q.  Vous avez vécu à Gjakove toute votre vie; c'est exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Donc vous êtes allée à l'école à Gjakove ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Quelle a été votre dernière année scolaire ?

 10   R.  Je suis allée pendant huit ans à l'école. Je me suis mariée très jeune.

 11   Mme O'LEARY : [interprétation] Nous n'avons malheureusement pas la bonne

 12   carte à l'écran. Cela se trouve à la page 29.

 13   Merci. Parfait.

 14   Q.  Madame, il s'agit d'une carte assez grossière de Gjakove. Je souhaite

 15   simplement savoir un petit peu où se trouvent ces quartiers que vous avez

 16   évoqués. Certains sont cités sur cette carte, les caractères ne sont pas

 17   très lisibles.

 18   Mais est-ce que vous voyez le quartier de Mahala e Hadumit sur cette

 19   carte ?

 20   R.  Je n'arrive pas à lire les lettres. Je vois Mahala e Haxhiymerit, mais

 21   je ne vois pas Mahala e Hadumit.

 22   Q.  Sans lire la carte, en fonction de l'orientation des rues, puisque vous

 23   avez vécu toute votre vie dans cette ville, pourriez-vous nous dire où se

 24   trouve ce quartier sur la carte ?

 25   R.  Ce quartier-ci, c'est le centre-ville; c'est exact ?

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez entourer ceci d'un cercle, s'il vous plaît, le

 27   centre-ville.

 28   R.  [Le témoin s'exécute] Ici.

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  1   Q.  Merci. Donc si le centre-ville se trouve là, pourriez-vous nous dire où

  2   se trouve le quartier Mahala e Hadumit.

  3   R.  Mahala e Hadumit devrait se trouver ici, dans cette direction-là.

  4   Q.  Pourriez-vous l'annoter sur la carte et y apposer le chiffre 1, s'il

  5   vous plaît.

  6   R.  Si on se dirige vers le sud à partir des lampadaires, Mahala e Hadumit

  7   devrait se trouver ici.

  8   Q.  Très bien. Je vois ce que vous avez indiqué en rouge. Est-ce que vous

  9   pouvez l'agrandir un petit peu, s'il vous plaît, cette inscription.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Merci. Pourriez-vous me dire après cela où se trouve Rruga e Mullirit

 12   sur la carte, s'il vous plaît, Madame.

 13   R.  C'est Rruga e Qabrat, mais une partie d'appelle Rruga e Mullirit. Cela

 14   se trouve à côté de Mahala e Hadumit.

 15   Q.  Juste à côté de quel côté, vers le haut ou vers le bas, vers la droite

 16   ou vers la gauche ?

 17   R.  Vers la droite, en allant en direction de ma maison. Il y a un petit

 18   chemin qui part de ma maison, ensuite on arrive à cette rue-là.

 19   Q.  Où se trouve votre maison de façon approximative sur cette carte,

 20   Madame, si vous êtes en mesure de nous le dire ?

 21   R.  Il m'est difficile de m'orienter sur cette carte, cependant je vais

 22   essayer. A partir du centre, il faut aller dans cette direction-là pour

 23   arriver jusqu'à ma maison.

 24   Q.  Madame, je ne vois pas très bien ce que vous avez annoté sur cette

 25   carte. Est-ce que vous pourriez appuyer sur le trait que vous dessinez et

 26   nous indiquer environ à quel endroit se trouvait votre maison.

 27   R.  Comme je vous l'ai dit, en partant du centre, on emprunte la route et

 28   cela devrait se trouver ici.

Page 8353

  1   Q.  Donc un peu plus loin, un petit peu en dessous de ce que vous avez déjà

  2   annoté; c'est exact ?

  3   R.  Oui, c'est dans cette direction-là.

  4   Q.  La maison dans laquelle vous vous êtes trouvée dans la soirée du 24 au

  5   25, est-ce que cette maison se trouvait dans le même quartier ?

  6   R.  Oui, sur la route de Qabrati, c'est là.

  7   Q.  Plus tard vous avez évoqué le temple dans lequel vous vous êtes

  8   abritée. Est-ce que ce grand temple se trouve dans ce quartier-là ou est-ce

  9   qu'il est plus loin ?

 10   R.  Cela se trouve dans une partie de la ville qui est de l'autre côté par

 11   rapport à l'endroit où j'habitais. Il faut traverser une allée, ensuite on

 12   parvient à ce quartier-là.

 13   Q.  D'accord.

 14   Mme O'LEARY : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite demander

 15   le versement au dossier de cette carte, s'il vous plaît.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document sera admis.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 18   D00352.

 19   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Madame.

 20   Q.  Vous avez déclaré que votre maison à l'époque se trouvait dans une

 21   enceinte familiale entourée d'un mur très haut. Pourriez-vous nous dire à

 22   peu près quelle taille faisait ce mur ?

 23   R.  Ce mur devait être un mur de 2 mètres environ.

 24   Q.  Quelle était l'épaisseur de ce mur ?

 25   R.  Bien, l'épaisseur habituelle de tous les murs d'enceinte.

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez me donner cette épaisseur en centimètres ?

 27   R.  Vingt centimètres, l'épaisseur d'une brique, je dirais.

 28   Q.  Merci. Et ce mur d'enceinte entourait ce domaine familial de bout en

Page 8354

  1   bout ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Bien. Madame, je souhaite maintenant afficher à l'écran une feuille de

  4   papier vierge qui est la pièce D004-3445, s'il vous plaît. Mme O'LEARY :

  5   [interprétation] C'est un document qui n'a pas été saisi dans le système

  6   électronique du prétoire encore. Je souhaite simplement l'afficher à

  7   l'écran.

  8   Q.  Madame, je vous demande de bien vouloir dessiner un petit schéma sur

  9   cette feuille, ce qui nous permettrait de comprendre comment se situaient

 10   les différents bâtiments les uns par rapport aux autres dans cette enceinte

 11   familiale. Vous pouvez simplement dessiner un grand carré qui

 12   représenterait le mur de l'enceinte. Vous pouvez dessiner directement sur

 13   l'écran.

 14   R.  [aucune interprétation]

 15   Q.  En réalité, je pensais à quelque chose d'un peu plus grand.

 16   Mme O'LEARY : [interprétation] Donc on pourrait peut-être effacer ce qui a

 17   été fait.

 18   Q.  Dessinez tout simplement un très grand carré, Madame.

 19   R.  [Le témoin s'exécute] 

 20   Q.  Merci. Pourriez-vous placer un G à l'endroit où se trouvait le portail.

 21   R.  Voici le mur d'enceinte. Vous m'avez demandé quelle lettre, un G ?

 22   Q.  Oui, l'endroit où se trouve le portail.

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Merci, Madame. Y a-t-il d'autres entrées ou sorties ou y a-t-il

 25   simplement ce portail-là ?

 26   R.  C'est le seul.

 27   Q.  Quelle était la largeur de ce portail environ ?

 28   R.  Le portail devait faire 2 mètres environ. Je parle en termes

Page 8355

  1   approximatifs. Je ne peux pas vous donner la hauteur ou la largeur exacte.

  2   Q.  Merci, Madame. Veuillez, à l'intérieur de ce carré, dessiner trois

  3   carrés plus petits qui signaleraient votre maison, la maison de votre

  4   belle-mère, ainsi que la maison d'été, je crois que c'est comme cela que

  5   vous l'avez appelée. 

  6   R.  La maison de mon beau-frère se trouvait ici, ma maison se trouvait ici

  7   et la maison d'été se trouvait là.

  8   Q.  Pouvez-vous apposer le chiffre 1 à l'endroit où se trouvait votre

  9   maison.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Et apposer le chiffre 2 à l'endroit où se trouvait la maison de votre

 12   beau-frère.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Et le chiffre 3 à l'endroit où se trouvait la maison d'été.

 15   R.  [Le témoin s'exécute]

 16   Q.  Donc d'après ce schéma, votre maison est celle qui se trouvait le plus

 17   près du portail; c'est exact ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Quelle distance y a-t-il environ entre votre maison -- le bord de votre

 20   maison et le portail ?

 21   R.  Dix mètres environ, peut-être moins.

 22   Q.  Et la rue principale se trouve à la sortie du portail; c'est exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et savez-vous environ quelle est la superficie totale de cette

 25   enceinte, je veux parler de la superficie qui se trouve à l'intérieur des

 26   murs ?

 27   R.  Ça doit correspondre à 5 acres [comme interprété], environ.

 28   Q.  Merci, Madame. Y a-t-il d'autres bâtiments à l'intérieur de cette

Page 8356

  1   enceinte ?

  2   R.  Non. La vieille maison était un monument historique. C'est un bâtiment

  3   qui était vieux de 200 ans.

  4   Q.  De quelle maison s'agit-il, Madame ?

  5   R.  La maison où habitaient mon beau-frère et ma belle-mère.

  6   Q.  La maison où vous avez indiqué le chiffre 2; c'est exact ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Je vous remercie. Ceci m'a beaucoup aidé.

  9   Mme O'LEARY : [interprétation] Je demande le versement de cette pièce, s'il

 10   vous plaît.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est admis.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00353.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce un moment opportun pour faire

 14   la pause ?

 15   Mme O'LEARY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous devons avoir une pause

 17   maintenant. Nous reprendrons à 11 heures et le représentant du greffe va

 18   vous assister pendant la pause.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

 22   Oui, Maître O'Leary, allez-y.

 23   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 24   Q.  Madame Dula, avant la pause nous parlions du domaine familial et de la

 25   disposition des différents bâtiments. Le portail avait pour objectif de

 26   vous protéger des regards de l'extérieur. Vous ne pouviez pas voir la route

 27   depuis votre domaine, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

Page 8357

  1   Q.  Durant la soirée et la nuit du 24 mars et du 25 mars, vous avez dit que

  2   vous avez entendu un fracas dans les rues environnantes aux environs de

  3   minuit et ceci a attiré votre attention ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Vous avez dit qu'il s'agissait de voix et ceci a attiré votre

  6   attention, parce que c'était inhabituel pour des gens de se rassembler tard

  7   dans la nuit dans la rue; est-ce exact ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   Q.  Est-ce que l'on pourrait donc dire que c'était totalement calme jusqu'à

 10   environ minuit ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous étiez chez vous avec votre famille à ce moment-là ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Quel âge avaient vos enfants à l'époque ?

 15   R.  Ma fille avait 18 ans; et mon fils était plus jeune, 16 ans et demi; et

 16   le plus jeune des trois avait environ 12 ans.

 17   Q.  Merci. A l'époque, votre sœur vivait avec votre beau-frère, votre

 18   belle-mère et leurs enfants dans la maison portant la cote numéro 2, n'est-

 19   ce pas ?

 20   R.  Oui, ma belle-mère, ma belle-sœur, mon beau-frère et leurs deux

 21   enfants.

 22   Q.  Madame, je voudrais avoir une précision, est-ce qu'il s'agit de votre

 23   sœur ou de votre belle-soeur ?

 24   R.  C'est ma belle-sœur, et non ma sœur.

 25   Q.  Est-ce qu'il s'agit de parents de votre mari, alors ?

 26   R.  Il s'agit du frère de mon mari.

 27   Q.  Donc quand vous parlez de votre belle-mère, vous faites référence à la

 28   mère de votre mari, n'est-ce pas ?

Page 8358

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Quel âge avaient leurs deux enfants à l'époque ?

  3   R.  Il y en avait un qui avait 3 ans; et l'autre, 2 ans.

  4   Q.  Vous avez entendu ces voix à l'extérieur de l'enceinte de la propriété

  5   familiale et vous avez dit qu'ils parlaient serbe. Etant donné qu'il y

  6   avait cette offensive de l'OTAN, vous avez été très rapidement inquiète.

  7   Est-ce que vous pouviez entendre ce que ces personnes disaient, Madame ?

  8   R.  Quand ils étaient encore dans la rue, je ne pouvais pas vraiment

  9   comprendre ce qui se disait, mais lorsqu'ils sont rentrés dans notre cour,

 10   j'ai pu les entendre jurer.

 11   Q.  Merci. Quand vous avez entendu ces voix, vous étiez à l'intérieur de

 12   votre maison et ils étaient dans la rue, donc il y avait environ 10 mètres

 13   qui vous séparaient de ces voix, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Mais vous pouviez déjà déterminer qu'ils parlaient serbe ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Donc ils parlaient assez fort ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce qu'on pourrait dire qu'ils criaient ?

 21   R.  Ils parlaient entre eux.

 22   Q.  A un moment donné, votre mari était inquiet et a décidé de barricader

 23   la porte d'entrée; est-ce exact ?

 24   R.  Le portait était fermé à clé et mon mari n'a pas pu sortir. Peut-être

 25   que c'est une erreur dans ma déposition que je souhaiterais corriger.

 26   Q.  Peut-être, Madame. A la page 2 de votre déposition en anglais - il

 27   s'agit du document qui porte la cote P1268, je ne sais pas où cela se

 28   trouve dans la version en albanais, probablement en page 2 ou en page 3 -

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  1   vous dites : 

  2   "Etant donné qu'il y avait cette offensive de l'OTAN, j'ai été

  3   préoccupée. Mon mari est sorti dans la cour et a barricadé le portail avec

  4   des morceaux de bois."

  5   Est-ce que vous dites que cela ne s'est pas passé ?

  6   R.  Je ne modifie pas ma déposition. J'ai déjà mentionné que lorsque les

  7   attaques de l'OTAN ont commencé, le portail donnant sur la cour était fermé

  8   à clé. Mon mari est sorti de la pièce où il se trouvait, est allé dans le

  9   vestibule et il a entendu le tumulte et il a vu que la cour était remplie

 10   d'agents de police.

 11   Q.  Madame, à quelle heure a commencé l'attaque de l'OTAN durant cette

 12   soirée ?

 13   R.  Si je me souviens bien, c'était aux environs de 8 heures, après 8

 14   heures, 20 heures donc. Je ne sais pas si c'est l'heure exacte.

 15   Q.  Vous parlez de la soirée du 24 mars, 8 heures du soir ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Lorsque vous dites que les offensives de l'OTAN ont commencé, vous

 18   voulez dire qu'il y a eu des frappes aériennes contre Djakovica à ce

 19   moment-là ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Donc lorsque vous dites que c'était calme jusqu'à minuit, vous n'avez

 22   pas fait référence aux frappes aériennes de l'OTAN. Vous vouliez simplement

 23   dire qu'il n'y avait pas de bruit dans la rue, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Parce qu'à compter de 8 heures du soir, il y avait du bruit venant des

 26   frappes aériennes et probablement également des explosions, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, il y avait du bruit venant du ciel et nous sommes rentrés à

 28   l'intérieur de la maison, puisqu'il n'y avait aucune raison de rester à

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  1   l'extérieur.

  2   Q.  Cela signifie qu'à compter de 8 heures du soir, vous étiez tous à

  3   l'intérieur et que personne n'est ressorti ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Donc personne n'est ressorti pour construire une barricade de fortune

  6   pour la porte, n'est-ce pas ?

  7   R.  Non, personne n'est sorti. Comme je l'ai dit, le portail était fermé à

  8   clé, car c'est ce que nous faisons de manière habituelle pendant la nuit.

  9   Q.  Très bien. La raison pour laquelle je vous pose cette question, vous

 10   dites qu'il avait fabriqué cette barricade et c'est après cela que vous

 11   avez entendu les voix, après minuit, dans votre déposition. Donc vous dites

 12   qu'il a en fait constitué cette barricade un peu plus tôt dans la soirée et

 13   qu'il avait fermé le portail un peu plus tôt dans la soirée; est-ce exact ?

 14   R.  J'ai déclaré ce que je vous ai déjà dit à plusieurs reprises. J'ai

 15   apporté une modification à cette partie de ma déposition. Il y avait peut-

 16   être un problème de traduction ou d'interprétation à l'époque.

 17   Q.  Très bien. Merci.

 18   Est-ce que vous avez parlé avec la famille de votre beau-frère durant

 19   cette soirée ?

 20   R.  Non, ils étaient dans leur propre maison et nous étions dans la nôtre.

 21   Q.  Merci. Et à un moment donné dans la nuit, vous dites que vous avez

 22   entendu le crépitement du bois qui brûlait à l'extérieur dans la zone du

 23   bazar. Vous avez entendu le crépitement des flammes; est-ce exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Et dans votre déposition, vous dites que cela s'est passé après minuit,

 26   aux environs d'une heure 30 du matin; est-ce exact ?

 27   R.  Oui, c'était aux environs d'une heure 30 du matin. Je ne me souviens

 28   pas exactement de l'heure exacte. C'étaient des moments difficiles.

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  1   Q.  Merci. Dans votre déposition, vous ne dites pas que vous avez vu cet

  2   incendie ou que vous avez senti de la fumée. Est-ce que vous avez pu voir

  3   ou sentir des flammes ?

  4   R.  Quand j'étais dans ma propre maison, je ne pouvais ni voir ni sentir

  5   quoi que ce soit, parce qu'on ne peut rien voir à partir de la maison. Mais

  6   lorsque nous avons quitté notre maison pour prendre refuge dans cette autre

  7   maison, c'est là que j'ai pu voir les flammes.

  8   Q.  Merci. Je passe à la troisième page de votre déposition où vous dites :

  9   "Aux environs d'une heure 30, le portail du domaine familial s'est ouvert

 10   brusquement, et vous avez ensuite reconnu une jeep de la police."

 11   Mais vous avez corrigé ceci aujourd'hui et vous dites que vous n'avez en

 12   fait pas vu cela ?

 13   R.  Je n'ai pas vu ceci personnellement. Je ne les ai pas vus entrer dans

 14   la cour, mais ma belle-mère, dont la maison est en face du portail, les a

 15   vus entrer. Elle a 90 ans à présent.

 16   Q.  Donc à l'époque, elle avait environ 80 ans; est-ce exact ?

 17   R.  Oui, elle avait 81 ans.

 18   Q.  Et elle était dans la maison de votre beau-frère lorsqu'elle a vu cela

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Etant donné que votre maison est celle qui est le plus loin du portail,

 22   on pourrait dire que votre belle-mère était à environ 10 mètres du portail,

 23   n'est-ce pas ? Est-ce que vous avez une idée de la distance qui séparait le

 24   portail de la maison de votre beau-frère ?

 25   R.  Il y a 10 mètres entre ma maison et le portail, et sa maison est plus

 26   loin, je dirais environ 15 mètres.

 27   Q.  Merci. Et quand vous a-t-elle dit qu'elle a vu cela ?

 28   R.  Le lendemain, lorsque nous nous sommes retrouvés.

Page 8362

  1   Q.  Que vous a-t-elle dit avoir vu exactement ?

  2   R.  Elle m'a dit qu'on les avait fait sortir de sa maison, qu'ils avaient

  3   arrêté son fils. Elle voulait rester avec son fils, mais on lui a demandé

  4   de sortir avec sa belle-fille et les deux enfants.

  5   Q.  Madame, je n'ai rien de ceci dans votre déposition, donc nous y

  6   reviendrons un peu plus tard. Mais je voulais simplement parler de cette

  7   voiture de police, cette jeep, qu'elle vous a dit avoir vue apparaître.

  8   Est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce qu'elle a déclaré avoir vu

  9   lorsque la jeep est entrée par le portail de votre domaine ?

 10   R.  Ils sont entrés comme des fous, elle a dit. Ils ont ouvert le feu dans

 11   toutes les directions lorsqu'ils sont arrivés dans la cour.

 12   Q.  Comment votre belle-mère a-t-elle pu déterminer qu'il s'agissait d'une

 13   jeep de la police ? Est-ce qu'elle vous l'a dit ou est-ce qu'elle a

 14   simplement dit que c'était la "police" ?

 15   R.  Je suppose qu'elle savait qu'il s'agissait d'une voiture de police,

 16   parce qu'on voyait des voitures de police tous les jours.

 17   Q.  Donc lorsqu'elle vous a dit qu'elle a vu le portail s'ouvrir

 18   brusquement, elle a utilisé les mots "une jeep de la police," n'est-ce pas

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Elle n'a pas décrit le véhicule, en fait ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Ensuite, vous décrivez les 30 personnes qui ont fait irruption dans

 24   votre cour et qui ont ouvert le feu avec des armes automatiques, sans avoir

 25   de direction précise, au fur et à mesure qu'ils avançaient dans la cour.

 26   Est-ce que vous avez été témoin oculaire de cela, Madame ?

 27   R.  Non, c'est ma belle-mère qui m'a relaté ces faits. Elle m'a dit qu'ils

 28   étaient environ 30 et qu'ils ont fait irruption dans la cour.

Page 8363

  1   Q.  Est-ce que vous avez vu quoi que ce soit dans votre cour ce soir-là,

  2   Madame ?

  3   R.  Oui, j'ai vu cette lumière rouge dans la cour.

  4   Q.  Vous avez vu une lumière rouge dans la cour, mais vous n'avez pas vu

  5   les personnes mentionnées, n'est-ce pas ?

  6   R.  J'ai vu des personnes qui ont rampé sur le balcon qui est à proximité

  7   de l'entrée de la maison.

  8   Q.  Donc il y a une seconde, vous avez dit que vous n'avez pas vu les 30

  9   personnes qui ont fait irruption dans la cour en ouvrant le feu avec des

 10   armes automatiques. La première fois que vous les avez aperçues, c'est

 11   lorsqu'elles sont arrivées sur le balcon de votre maison ou sur les

 12   escaliers proximité de l'entrée; est-ce exact ?

 13   R.  Oui. La porte d'entrée du corridor est en verre et je pouvais donc les

 14   voir. Je m'apprêtais à partir quand je les ai vues.

 15   Q.  Donc si j'ai bien compris, vous avez vu les hommes qui arrivaient sur

 16   le pas de votre porte, au niveau des escaliers, et c'est à ce moment-là que

 17   vous vous êtes échappée par la fenêtre de derrière; est-ce exact ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Le verre de votre porte d'entrée, est-il transparent ou est-il opaque ?

 20   R.  Oui, c'est transparent. Je pouvais les voir, mais ils ne pouvaient pas

 21   me voir.

 22   Q.  Est-ce qu'il y avait des rideaux à cette porte ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que les rideaux étaient tirés à ce moment-là ?

 25   R.  Oui, les rideaux étaient fermés.

 26   Q.  Y avait-il un rideau contre cette porte transparente ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Vous avez parlé de cette lumière rouge et vous avez dit que vous ne

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  1   saviez pas d'où venait cette lumière rouge; est-ce exact ?

  2   R.  La lumière venait du portail, c'est-à-dire de l'entrée de la cour.

  3   Q.  Et il faisait nuit dehors, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Donc la seule lumière était cette lumière rouge; n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Vous avez donc vu ces hommes arriver sur le pas de votre porte, est-ce

  8   exact, et vous les avez aperçus très brièvement ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Mais vous avez pu voir qu'ils portaient - vous l'avez dit dans votre

 11   déposition - "des uniformes de camouflage bleus de la police serbe," et

 12   vous êtes catégorique là-dessus ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Qu'est-ce qui vous rend si catégorique à ce sujet ?

 15   R.  Comme je l'ai dit, par la vitre de la porte d'entrée, j'ai vu l'un

 16   d'entre eux qui portait cet uniforme.

 17   Q.  Donc parmi toutes les personnes que vous avez vues par la porte, vous

 18   avez vu une personne qui portait un uniforme de camouflage bleu; est-ce

 19   exact ?

 20   R.  Oui, j'ai simplement vu celui qui était le plus proche de la porte

 21   alors que moi j'essayais de m'enfuir.

 22   Q.  Et vous dites qu'il ne s'agissait pas du tout d'uniforme des soldats

 23   dans votre déposition, pourquoi pas ?

 24   R.  Je n'ai vu aucun uniforme militaire à ce moment-là.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire ce que vous entendez par un

 26   uniforme militaire, le type d'uniforme que vous pourriez vous attendre à

 27   observer ?

 28   R.  Un uniforme militaire est de couleur grise.

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  1   Q.  Est-ce que c'est un uniforme uni ?

  2   R.  Oui, pour les uniformes militaires.

  3   Q.  Est-ce que, lors de ce moment rapide où vous avez vu cette personne,

  4   est-ce que vous avez vu si elle portait un insigne ou un brassard ?

  5   R.  Non, c'était impossible de voir s'ils avaient des insignes, parce que,

  6   comme j'ai dit, je l'ai vu par le biais de la porte vitrée au moment où

  7   j'essayais de m'échapper de la maison.

  8   Q.  Cela signifie que le seul éclairage que vous aviez pour voir cette

  9   personne qui arrivait au pas de votre porte était cette lumière rouge;

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que lorsqu'il y a un

 13   éclairage rouge, cela peut changer la couleur de ce que l'on voit ?

 14   R.  Est-ce que vous pouvez répéter votre question, s'il vous plaît.

 15   Q.  Bien sûr. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que lorsque que

 16   vous avez une lumière rouge qui se reflète sur un objet, cela peut changer

 17   la couleur réelle de l'objet; n'est-ce pas ?

 18   R.  Je ne pense pas que cela puisse changer la couleur, parce que par le

 19   biais de cet éclairage vous pouvez voir l'objet.

 20   Q.  Donc vous ne pensez pas que l'éclairage rouge a modifié la possibilité

 21   d'identifier la couleur que vous avez identifiée ?

 22   R.  Quelle que soit la couleur de l'éclairage, on peut reconnaître la

 23   couleur bleue.

 24   Q.  Donc vous n'êtes pas d'accord avec moi pour dire que le bleu avec un

 25   éclairage rouge peut en fait apparaître comme étant du noir ?

 26   R.  Non, ça ne peut pas apparaître comme noir. On peut toujours déterminer

 27   qu'il s'agit bien d'une couleur bleue.

 28   Q.  Et à ce moment-là, est-ce que vous avez entendu des voix parlant

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  1   l'Albanais ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Est-ce que vous avez entendu d'autres langues parlées à ce moment-là,

  4   autres que le Serbe ?

  5   R.  Je n'ai entendu que parler Serbe. J'ai pu les entendre jurer dans la

  6   cour de ma propriété.

  7   Q.  Donc à ce moment-là, vous et votre famille avez quitté votre maison par

  8   la fenêtre de derrière, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Il y a, selon vous, 30 officiers de police qui sont entrés dans la cour

 11   selon les dires de votre belle-mère, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Vous avez dit dans votre déposition que les officiers de police ne vous

 14   ont pas pourchassé; est-ce exact ?

 15   R.  Non, c'est exact.

 16   Q.  Et vous n'avez pas parlé à ces personnes qui ont été décrites par votre

 17   belle-mère comme étant des officiers de police.

 18   R.  Non.

 19   Q.  Est-ce qu'il est possible que les personnes que vous avez vues portant

 20   des uniformes de camouflage procédaient à l'évacuation liée aux frappes

 21   aériennes et/ou aux missiles ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Est-il possible de penser qu'il ne s'agissait pas d'officiers de

 24   police, mais plutôt de paramilitaires ?

 25   R.  Je ne pourrais pas vous dire.

 26   Q.  Est-il possible qu'ils étaient membres de la VJ ?

 27   R.  Non, ce n'étaient pas des soldats.

 28   Q.  En raison des uniformes qu'ils portaient ?

Page 8368

  1   R.  Oui, en raison des uniformes.

  2   Q.  Est-il possible qu'ils étaient membres de l'UCK ?

  3   R.  C'est impossible.

  4   Q.  Pourquoi, Madame ?

  5   R.  Ça ne s'était jamais produit. Nous n'avons jamais entendu d'affaires de

  6   ce genre.

  7   Q.  Mais vous avez dit que vous n'avez eu aucun contact avec eux,

  8   donc vous ne pouvez pas être certaine de leur identité; n'est-ce pas ?

  9   R.  Vous pouviez savoir d'où ils venaient en raison de leur accent.

 10   Lorsqu'ils prennent la parole, on peut savoir d'où ils viennent.

 11   Q.  Mais vous ne savez pas ce qu'ils voulaient; n'est-ce pas ?

 12   R.  Tout ceci s'est passé très rapidement. On ne pensait pas que cela

 13   allait se produire. En fait, mes enfants étaient endormis.

 14   Q.  Vous dites que vos enfants étaient endormis lorsque vous êtes partie

 15   par la fenêtre de derrière ?

 16   R.  Non, je les ai réveillés juste avant que l'on entende le fracas.

 17   Q.  Mais les différents événements ne semblent pas avoir le même ordre dans

 18   votre déposition - nous sommes à la page 2 en anglais et à la page 2 en

 19   Albanais - vous parlez donc du fracas dans la rue et vous avez dit que

 20   c'était inhabituel d'avoir ceci aux environs de minuit. Vous avez dit :

 21   "En écoutant plus attentivement, j'ai pu voir qu'ils parlaient serbe et

 22   c'est la raison pour laquelle nous sommes restés dans notre maison."

 23   "Il a placé du bois contre le portail pour faire une barricade de

 24   fortune. Nous sommes restés dans la maison, j'ai réveillé mes enfants…nous

 25   espérions que les bruits allaient disparaître." 

 26   Est-ce que vous avez réveillé vos enfants avant d'entendre les bruits ou

 27   après ?

 28   R.  Dès que j'ai entendu le fracas dans la rue et les voix, j'ai réveillé

Page 8369

  1   mes enfants. J'ai également parlé aux personnes qui m'ont aidé à faire le

  2   récolement que ceci devait être corrigé. Je n'ai pas dit que mon mari a

  3   posé du bois contre le portail comme ceci figure dans la déposition. Je

  4   l'ai corrigé.

  5   Q.  Vous nous dites que vous avez apporté des modifications à votre

  6   déclaration lors du récolement qui ne sont pas reflétées dans la

  7   déclaration ?

  8   R.  Oui, il y a eu certaines erreurs, des choses que je n'avais pas dites

  9   comme elles figurent dans la déclaration.

 10   Q.  Mais dans le cadre de l'interrogatoire principal nous avons passé en

 11   revue certaines de ces erreurs. Sont-elles toutes

 12   corrigées ?

 13   R.  Oui, le Procureur a énuméré toutes les erreurs qui sont dès lors

 14   corrigées.

 15   Q.  Sauf que dans ce paragraphe vous venez d'apporter quelques

 16   modifications concernant la barricade et aussi le moment où vous avez

 17   éveillé vos enfants.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Merci. Et lorsque vous êtes sortie de la maison par la fenêtre arrière

 20   et vous vous êtes réfugiée dans la maison d'un étranger à Rruga e Mullirit,

 21   combien de temps est-ce qu'il vous a fallu pour vous rendre dans cette

 22   maison ?

 23   R.  Nous avons dû franchir trois ou quatre autres murs avant d'y arriver.

 24   Q.  Donc vous nous dites qu'il y a trois ou quatre demeures qui vous

 25   séparaient de cette autre maison ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Pourquoi avez-vous décidé d'y rester, Madame ?

 28   R.  Ce n'était pas une décision à proprement parler. Nous y sommes restés

Page 8370

  1   tout simplement. Nous n'avions pas la force d'aller plus loin.

  2   Q.  Mais vous ne nous donnez pas l'impression que cette maison se trouvait

  3   très loin de la vôtre. Est-ce que vous vous sentiez en sécurité dans la

  4   maison de cet étranger ?

  5   R.  Je m'y sentais plus en sécurité étant donné que le quartier dans lequel

  6   j'habitais était complètement en flammes.

  7   Q.  Pourquoi est-ce que les flammes ne s'étendaient pas à cette partie de

  8   la ville également ?

  9   R.  Parce que les flammes étaient dans une rue autre que celle où se

 10   trouvait cette maison.

 11   Q.  Savez-vous qui était le propriétaire de cette maison ?

 12   R.  Oui, je connais leur nom de famille, Ymeraga. Mais je ne sais pas

 13   exactement qui était propriétaire de la maison.

 14   Q.  Est-ce que vous saviez à l'époque qui vivait dans cette maison ?

 15   R.  Nous y avons trouvé une vieille dame. Il n'y avait personne d'autre.

 16   Mais nous ne sommes pas entrés dans la maison. Nous sommes restés dans la

 17   cour.

 18   Q.  Donc vous avez passé cette soirée dans la cour; vous y êtes restés,

 19   est-ce exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et la vieille dame se trouvait-elle dans la maison ?

 22   R.  Dans un premier temps, elle est restée dans la maison et ensuite elle

 23   nous a rejoints dans la cour.

 24   Q.  A peu près quel âge avait-elle ?

 25   R.  Elle avait 70 ans, voire 80.

 26   Q.  Et vous avez passé toute la soirée dans la cour avec votre mari, vos

 27   trois enfants et parfois en compagnie de cette vieille dame également; est-

 28   ce exact ?

Page 8371

  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  A la troisième page de votre déclaration, au milieu de la page, vous

  3   dites que :

  4   "Depuis l'étage supérieur de cette maison, je pouvais voir ma maison qui,

  5   comme les maisons environnantes, était en feu. Pendant que nous attendions

  6   dans la maison de l'étranger, j'ai pu entendre des voix qui parlaient et

  7   criaient en serbe."

  8   Madame, si vous n'êtes pas entrée dans la maison, comment avez-vous pu vous

  9   trouver à l'étage ?

 10   R.  Je n'ai pas de modifications à apporter à la déclaration. Nous avons pu

 11   voir ce qui se passait dans l'autre quartier depuis l'étage supérieur de la

 12   maison. Nous n'y avons passé que quelques secondes avant de retourner dans

 13   la cour.

 14   Q.  Donc à un moment donné vous êtes entrée dans la maison ?

 15   R.  Oui, juste pour voir ce qui se passait aux alentours, brièvement.

 16   Q.  Oui, mais vous venez de dire à deux reprises que vous avez passé toute

 17   la soirée dans la cour et que vous n'étiez pas entrée dans la maison.

 18   Pourquoi avoir dit que vous n'étiez pas entrée dans la maison ?

 19   R.  Cela ne diffère en rien de ce que j'ai dit précédemment. J'avais déjà

 20   dit que j'avais observé ce qui se passait aux alentours.

 21   Q.  Plus tôt aujourd'hui, lignes 22 et 23 du compte rendu, page 47, vous

 22   avez dit :

 23   "Nous y avons trouvé une vieille dame. Il n'y avait personne d'autre. Nous

 24   ne sommes pas entrés dans la maison. Nous sommes restés dans la cour."

 25   Et maintenant vous nous dites que vous êtes entrée dans la maison ?

 26   R.  Nous sommes restés dans la cour pendant tout ce temps, oui. Peu après

 27   que nous soyons arrivés sur place, j'ai été à l'étage pour voir ce qui se

 28   passait aux alentours et puis je suis retournée dans la cour.

Page 8372

  1   Q.  Combien de temps avez-vous passé dans la maison, Madame ?

  2   R.  Quelques secondes seulement, simplement pour tenter de voir ce qui se

  3   passait à l'extérieur et je suis tout de suite retournée dans la cour.

  4   Q.  Est-ce que d'autres membres de votre famille sont entrés dans la maison

  5   ?

  6   R.  Non, je suis la seule.

  7   Q.  Et savez-vous à quelle heure de la soirée vous êtes entrée dans la

  8   maison ?

  9   R.  C'était aux aurores, ou même avant l'aube je dirais.

 10   Q.  Et l'aube, à ce moment-là, aurait été vers 6 heures ou 7 heures du

 11   matin ?

 12   R.  Non, plus tôt, vers 4 heures. Avant l'aube.

 13   Q.  C'est au mois de mars que cela se déroule; n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous êtes entrée dans la maison pendant quelques secondes, vous êtes

 16   montée à l'étage. Je suppose que vous avez regardé par la fenêtre. Qu'avez-

 17   vous vu ?

 18   R.  J'ai vu ma maison en flammes.

 19   Q.  Avez-vous autre chose ?

 20   R.  Les toits des magasins et le toit de ma maison brûlaient tous.

 21   Q.  Depuis l'étage pendant une seconde, vous avez simplement vu tous les

 22   toits qui brûlaient; est-ce exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Vous êtes retournée dans la cour, je présume que cette cour est

 25   également entourée de murs puisque vous avez dit que vous avez dû franchir

 26   trois ou quatre murs pour y arriver. Par conséquent, j'imagine qu'i y avait

 27   également des murs qui entouraient cette enceinte ?

 28   R.  Oui.

Page 8373

  1   Q.  Et ces murs étaient-ils hauts de 2 mètres, comme les vôtres ?

  2   R.  Tous les murs sont de la même taille.

  3   Q.  Merci. Vous avez dit qu'avant l'aube vers 4 heures et demie du matin,

  4   vous le dites dans votre déclaration, donc nous partons du principe que 4

  5   heures et demie c'était avant l'aube, et vous dites :   J'ai entendu ce qui

  6   me paraissait être des tirs d'obus, des déflagrations qui venaient du

  7   quartier où se trouvait ma maison et je me suis dit que tout le quartier

  8   allait être complètement détruit.

  9   Vous vous trouviez dans la cour lorsque vous avez entendu ces bruits,

 10   Madame ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et vous dites aussi que vous avez entendu également des voix qui

 13   criaient en serbe lorsque vous vous trouviez dans la maison de l'étranger;

 14   est-ce exact ?

 15   R.  C'est bien le cas, mais c'est lorsque je me trouvais dans ma propre

 16   cour que j'ai pu entendre distinctement les jurons qu'ils proféraient.

 17   Q.  Est-il exact de dire que lorsque vous vous trouviez dans la maison de

 18   l'étranger vous avez simplement entendu des voix, mais de manière moins

 19   distincte que lorsque vous vous trouviez encore chez vous ?

 20   R.  Oui, c'est exact.

 21   Q.  Mais ils parlaient assez fort pour que vous puissiez entendre qu'ils

 22   parlaient serbe; est-ce exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous étiez convaincue que les voix que vous entendiez

 25   venaient de votre maison ou venaient-elles d'une autre direction ?

 26   R.  Ces voix venaient de la direction où se trouvait ma maison.

 27   Q.  Madame, à 4 heures et demie, lorsque vous avez entendu ces explosions,

 28   est-il possible qu'il s'agissait des frappes aériennes de l'OTAN ?

Page 8374

  1   R.  Non.

  2   Q.  Pourquoi ?

  3   R.  Parce que j'entendais des explosions qui venaient de l'endroit où se

  4   trouvaient les magasins et les maisons.

  5   Q.  D'après vous, quelle était l'origine de ces explosions ?

  6   R.  Je pense qu'elles étaient le fait du groupe de policiers qui était

  7   entré dans notre cour. Ce sont eux qui ont détruit cette partie de la

  8   ville.

  9   Q.  Mais vous n'avez pas vu de vos propres yeux qui que ce soit déclencher

 10   ces explosions ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Est-il possible que ces explosions aient eu une origine électrique ou

 13   aient été dues aux incendies qui étaient en cours ?

 14   R.  Ces maisons ont été incendiées depuis l'intérieur. Par conséquent, les

 15   explosions venaient de l'intérieur.

 16   Q.  Comment le savez-vous ?

 17   R.  Nous pouvions voir les flammes qui émanaient des fenêtres de ma maison.

 18   Q.  Pour être tout à fait clair, tout ce que vous avez vu, en fait,

 19   c'étaient des toits qui brûlaient; n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Pour revenir aux frappes aériennes de l'OTAN, à la page 2 de votre

 22   déclaration vous dites :

 23   "Je savais que l'OTAN avait lancé une offensive aérienne en Serbie et au

 24   Kosova pendant la nuit du 24 mars 1999. Ma famille avait l'intention de

 25   rester à la maison à Gjakove en dépit de cette campagne aérienne de l'OTAN

 26   puisque nous étions convaincus que cette campagne ne présentait aucun

 27   danger pour nous."

 28   Est-ce exact, Madame ?

Page 8375

  1   R.  Oui, c'est exact. Nous n'avions pas peur des offensives de l'OTAN.

  2   Q.  Quand avez-vous eu connaissance pour la première fois des frappes

  3   aériennes de l'OTAN ou de la possibilité que de telles frappes aériennes se

  4   produisent ?

  5   R.  J'en ai entendu parler pour la première fois à la télévision et aux

  6   actualités.

  7   Q.  S'agissait-il de chaînes serbes ou albanaises, Madame ?

  8   R.  Pour être tout à fait sincère, la plupart étaient serbes.

  9   Q.  J'ai remarqué sur la photo où l'on voit votre maison qu'il y avait un

 10   satellite. Vous receviez encore des chaînes de télévision albanaises par

 11   satellite ?

 12   R.  Mes enfants avaient l'habitude de regarder leurs émissions. Je n'avais

 13   pas le temps moi-même de regarder la télévision. Mes enfants avaient

 14   l'habitude de regarder les films et ainsi de suite.

 15   Q.  Mais vous receviez des chaînes albanaises à l'époque, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, oui.

 17   Q.  Dans votre déclaration, vous avez dit ce que pensait votre famille au

 18   sujet de l'opportunité de partir ou non. Est-ce que vous avez discuté en

 19   famille de cette question, à savoir si vous devriez partir en raison des

 20   frappes aériennes de l'OTAN ?

 21   R.  Non, car nous ne pensions pas qu'il se justifiait de partir si l'OTAN

 22   allait lancer des frappes aériennes.

 23   Q.  Vous dites dans votre déclaration que personne n'a quitté l'endroit en

 24   raison de l'OTAN. Comment savez-vous que personne n'est parti ?

 25   R.  Les gens qui habitaient à côté, mes voisins avec qui j'avais des

 26   contacts, personne n'a dit qu'ils allaient partir en raison des frappes

 27   aériennes.

 28   Q.  Et vous entendez par là que personne n'est parti avant le 24 mars en

Page 8376

  1   raison des bombardements de l'OTAN; est-ce exact ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  C'est la conclusion à laquelle vous êtes parvenue suite aux discussions

  4   que vous avez eues avec vos voisins ?

  5   R.  Oui, bien entendu. Ils ont tous dit qu'il n'était pas nécessaire de

  6   partir pour cette raison.

  7   Q.  Encore une fois, lorsque vous dites personne, est-ce que vous entendez

  8   par là uniquement les Albanais ou est-ce que vous faites également allusion

  9   à d'autres groupes ethniques; les Serbes, les Bosniaques, les Rom ?

 10   R.  Je n'avais pas de contact avec d'autres groupes ethniques. Les

 11   personnes qui vivaient dans mon quartier ont tous dit qu'il n'y avait

 12   aucune raison de partir en raison des frappes aériennes.

 13   Q.  Donc vous nous dites par là que tout votre quartier était albanais ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Avez-vous connaissance de bombardements par l'OTAN qui ont frappé

 16   Gjakove ?

 17   R.  Pas dans le quartier où j'habitais.

 18   Q.  Où avez-vous entendu dire que ces bombes ont frappé ?

 19   R.  A l'époque, nous n'avions pas le temps de poser ce genre de questions.

 20   Nous étions tous pressés.

 21   Q.  Mais par la suite, qu'avez-vous appris ?

 22   R.  Par la suite, j'ai appris qu'ils avaient frappé leurs cibles.

 23   Q.  Quelles étaient ces cibles ?

 24   R.  Je n'en sais rien. Je ne sais pas ce qu'ils avaient pris pour cible.

 25   J'étais une simple ménagère. Je m'occupais du quotidien de ma famille, de

 26   la nourrir. Je ne participais pas à ce genre de discussions.

 27   Q.  Je comprends bien, mais vous avez dit qu'ils avaient touché leurs

 28   cibles, alors je me demandais simplement ce que vous entendiez par là.

Page 8377

  1   Croyez-vous qu'il y ait eu des dégâts annexes, quoi que ce soit en

  2   conséquence de ces bombardements ?

  3   R.  Non. Je n'ai pas eu l'occasion d'entendre parler de tels dégâts. Nous

  4   étions stressés à l'époque.

  5   Q.  Oui, bien sûr, je comprends bien, à l'époque, mais je me demandais ce

  6   que vous aviez pu apprendre dans les neuf ou dix ans qui se sont écoulés

  7   depuis. Avez-vous entendu dire que des civils ont été tués par accident en

  8   raison de ces bombardements ?

  9   R.  Je n'ai rien entendu à ce sujet.

 10   Q.  Maintenant, je veux en venir au lendemain, la matinée du 25. Vous nous

 11   avez dit que vous étiez très préoccupée par le sort de votre belle-mère et

 12   que vous êtes donc rentrée pour aller la chercher; est-ce exact ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce que vous étiez seule ou accompagnée de votre famille ?

 15   R.  Dans un premier temps, j'y suis allée seule parce que j'avais peur

 16   d'emmener toute ma famille.

 17   Q.  Et c'était vers quelle heure dans la matinée ?

 18   R.  C'était après l'aube, mais je ne saurais vous dire exactement à quelle

 19   heure.

 20   Q.  Très bien. Pour rentrer chez vous, est-ce que vous avez emprunté le

 21   même chemin que pour vous rendre à la maison de l'étranger, c'est-à-dire

 22   est-ce que vous avez escaladé ces mêmes trois ou quatre murs ?

 23   R.  Non, j'ai emprunté un autre chemin, un chemin plus court qui mène

 24   directement à ma maison.

 25   Q.  Donc vous étiez dans la rue; est-ce exact ?

 26   R.  Il y a des chemins entre les différents murs qui entourent les

 27   enceintes et vous pouvez utiliser ces chemins pour atteindre la maison.

 28   Q.  Est-ce que vous êtes rendue directement dans votre enceinte ?

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  1   R.  Non, non, je ne m'y suis pas rendue directement. J'essayais de voir si

  2   j'étais en danger, s'il y avait des gens à proximité, puis je suis rentrée

  3   chez moi.

  4   Q.  Avez-vous eu l'occasion de voir la destruction dans le bazar ? Etait-ce

  5   au moment où vous rentriez chez vous ou plus tard dans la journée ?

  6   R.  Oui, sur le chemin de retour alors que je rentrais chez moi.

  7   Q.  Puisque vous étiez préoccupée par le sort de votre belle-mère,

  8   j'imagine que vous n'avez pas passé beaucoup de temps à évaluer l'étendue

  9   des dégâts, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, je pouvais voir tout ce qui avait été détruit sur le chemin qui me

 11   ramenait à la maison.

 12   Q.  Mais vous ne vous êtes pas arrêtée pour examiner quoi que ce soit de

 13   plus près; vous êtes rentrée directement pour voir comment était votre

 14   belle-mère, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, oui, tout en marchant, je regardais autour de moi.

 16   Q.  A ce moment-là, est-ce que certains bâtiments étaient encore en flammes

 17   ?

 18   R.  Oui, cette partie-là du quartier était encore en feu.

 19   Q.  Est-ce qu'on faisait quoi que ce soit pour éteindre l'incendie ?

 20   R.  Non.

 21   Mme O'LEARY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la pièce

 22   P1105 à l'écran.

 23   Q.  Madame, vous déclarez avoir été choquée lorsque vous avez vu l'étendue

 24   de la destruction dans votre quartier, et nous avons regardé plusieurs

 25   photographies pendant l'interrogatoire principal. Je vais maintenant

 26   afficher à l'écran une de ces photographies. Est-ce que nous pouvons

 27   agrandir ce document, s'il vous plaît, le bas du document.

 28   Madame, il s'agit ici de la photographie que vous avez vue aujourd'hui,

Page 8380

  1   n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que ceci ressemblait à ce que vous avez vu lorsque vous êtes

  4   rentrée chez vous ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Madame, vous ne connaissez pas la date de cette photographie, n'est-ce

  7   pas ?

  8   R.  Non, je ne connais pas la date à laquelle cette photographie a été

  9   prise, mais je sais que cette partie-là de la ville était en proie aux

 10   flammes.

 11   Q.  Vous ne savez pas qui a pris cette photographie ?

 12   R.  Non, je ne le sais pas.

 13   Q.  Merci.

 14   Mme O'LEARY : [interprétation] Regardons maintenant la pièce P1270.

 15   Q.  Il s'agit de quelques photographies qui représentent votre maison.

 16   Madame, lorsque vous avez parlé de ceci pendant votre interrogatoire

 17   principal, je me posais la question de quoi s'agit-il exactement ? Est-ce

 18   que ceci se trouve près du portail ?

 19   R.  Oui. Lorsqu'ils sont entrés, lorsqu'ils ont fait irruption dans la

 20   cour, c'est ainsi que le bâtiment a été endommagé.

 21   Q.  Donc les murs que nous avons devant nous illustrent la hauteur de ce

 22   mur d'enceinte; c'est cela ?

 23   R.  Oui. Ici nous avons la rue et ici le portail qui se trouve à l'entrée

 24   de la cour.

 25   Q.  Etant donné que vous avez le stylet sous les yeux, est-ce que vous

 26   pourriez indiquer à quel endroit devrait être ce portail, Madame.

 27   R.  Ici.

 28   Q.  Donc cette photo a été prise depuis -- j'essaie de comprendre quels

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  1   sont ces murs extérieurs. Le portail se trouvait être le portail qui

  2   prolongeait les murs ?

  3   R.  Il s'agit des murs ici, des magasins de ce côté-là. Cette partie-là de

  4   la porte faisait partie du mur du magasin et cette porte que nous voyons

  5   ici est la porte de la maison.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez entourer d'un cercle les murs qui jouxtent les

  7   magasins, s'il vous plaît.

  8   R.  Celui-ci était contigu au portail, de là à là.

  9   Q.  Les magasins qui se trouvent à droite et à gauche ou simplement à

 10   droite ?

 11   R.  Les deux côtés.

 12   Q.  Bien.

 13   Mme O'LEARY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser au dossier

 14   cette photographie, s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

 16   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, ça sera la pièce

 18   D00354.

 19   Mme O'LEARY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 2,

 20   s'il vous plaît, de cette série de photographies.

 21   Q.  Ces photographies ont été prises lorsque vous êtes rentrée d'Albanie;

 22   c'est exact, Madame ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Lorsque vous êtes rentrée d'Autriche; c'est exact ?

 25   R.  D'Autriche, oui, oui.

 26   Q.  Donc ceci s'est passé environ six mois plus tard; c'est exact ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Donc ces photographies ont dû être prises dans le courant du mois de

Page 8382

  1   septembre 1999 ?

  2   R.  Ces photographies ont été prises tout de suite après la guerre, dès

  3   notre retour.

  4   Q.  Il s'agit là d'une photographie de votre maison; c'est exact, Madame ?

  5   R.  Oui.

  6   Mme O'LEARY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la page 3,

  7   s'il vous plaît.

  8   Q.  Sur cette photographie, on vous a demandé quelle était l'ampleur des

  9   dégâts ici et vous avez dit que ceci était dû à l'incendie; c'est exact ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Et vous avez simplement supposé cela parce que vous aviez vu votre toit

 12   en flammes ?

 13   R.  Il n'y avait pas que le toit, mais toute la maison était en flammes.

 14   Q.  Je vous pose simplement la question : vous n'êtes pas qualifiée d'une

 15   manière ou d'une autre pour affirmer qu'il s'agit là de dégâts provoqués

 16   par un feu ?

 17   R.  Non, je ne suis pas qualifiée d'une manière ou d'une autre, et je ne

 18   peux pas affirmer cela; cependant, lorsqu'on voit des flammes sortir des

 19   fenêtres, on peut en conclure à juste titre que ces dégâts ont été

 20   provoqués par l'incendie.

 21   Q.  Merci.

 22   R.  C'est une question de bon sens.

 23   Q.  Merci. Et si nous regardons à travers la fenêtre, nous voyons une

 24   maison qui est intacte. C'est la maison de qui ?

 25   R.  C'est la maison de mon voisin.

 26   Q.  Ceci se trouvait-il à l'intérieur de votre enceinte ?

 27   R.  Non, non. Cette maison se trouve dans un endroit différent.

 28   Q.  Madame, vous avez indiqué que le mur encerclait cette enceinte, donc je

Page 8383

  1   me demande pourquoi nous arrivons à voir cette maison. Est-ce que le mur

  2   n'existait plus à ce moment-là ?

  3   R.  Non. Cette photographie a été prise depuis le deuxième étage.

  4   Q.  Merci.

  5   Mme O'LEARY : [interprétation] Si nous pouvons passer à la photo suivante,

  6   s'il vous plaît.

  7   Q.  Madame, ceci se trouve dans votre maison ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Ceci se situe à quel étage, s'il vous plaît ?

 10   R.  Le rez-de-chaussée.

 11   Q.  Qui a pris ces photographies, Madame ?

 12   R.  Mon fils.

 13   Q.  Merci. Je souhaite maintenant parler de la destruction que vous avez

 14   constatée à l'extérieur. Vous avez dit dans votre déclaration que le haut

 15   du minaret avait été touché, que ceci jonchait le sol. Vous dites

 16   aujourd'hui que ceci a été détruit, en réalité. Le sommet de ce minaret

 17   était donc au sol, et quelle partie du minaret ? Etait-ce une partie

 18   importante ?

 19   R.  Lorsque je suis passée à côté, je n'étais pas en mesure de voir quelle

 20   partie du minaret était tombée au sol. Tout ce que je pouvais voir c'est

 21   que le minaret était tombé au sol. Et je voyais également les dégâts tout

 22   autour.

 23   Q.  Je me demande simplement quelle partie du minaret. Est-ce que ceci a

 24   été touché à un tiers, aux deux tiers, aux trois quart, et s'il y avait une

 25   partie importante du minaret qui avait été touchée à ce moment-là, le 25

 26   mars ?

 27   R.  Il m'est difficile de vous le dire avec précision. Tout ce que je sais

 28   c'est que c'est le haut du minaret que cela concerne.

Page 8384

  1   Mme O'LEARY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la pièce P1104,

  2   s'il vous plaît.

  3   Q.  Madame, vous avez indiqué aujourd'hui que cette photographie représente

  4   fidèlement les dégâts provoqués le jour où vous êtes partie, le 2 avril;

  5   c'est exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Cela ressemblait bien à ceci le 25 mars, n'étiez-vous pas en mesure de

  8   voir cela ce jour-là ?

  9   R.  Je n'étais pas en mesure de tout voir. J'essayais d'y arriver le plus

 10   tôt possible. Tout ce que j'ai remarqué c'était le haut du minaret.

 11   Q.  Merci, Madame. Nous allons revenir en arrière, vous êtes entrée dans

 12   l'enceinte familiale et vous cherchiez votre mère [comme interprété]. Est-

 13   ce que vous cherchiez également votre belle-sœur ainsi que ses enfants ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Qui avez-vous trouvé en premier ?

 16   R.  Je les ai trouvés ensemble chez un voisin où ils s'étaient mis à

 17   l'abri.

 18   Q.  A quel moment se sont-ils mis à l'abri ?

 19   R.  Ce soir-là lorsqu'on les a contraints à quitter la maison et lorsqu'ils

 20   ont détenu mon beau-frère à l'intérieur de la maison.

 21   Q.  Votre beau-frère, comme nous avons pu le voir sur les photographies

 22   aujourd'hui, a été blessé au ventre; est-ce exact ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  De quel type de blessure s'agissait-il ?

 25   R.  A vrai dire, j'ai vu cette blessure au ventre. C'était une blessure

 26   épouvantable. Je ne pouvais plus la regarder. C'était une blessure très

 27   importante, je suis simplement partie tout de suite.

 28   Q.  Je ne vous demande pas de décrire cette blessure. Pardonnez-moi si je

Page 8385

  1   n'ai pas été très clair, mais est-ce que vous connaissez les raisons de son

  2   décès ? Les causes de son décès ?

  3   R.  Cette partie-là du corps avait été grièvement touchée.

  4   Q.  Savez-vous si ceci provenait d'une balle ou d'une arme blanche ou

  5   d'autre chose ?

  6   R.  Cela je ne le sais pas.

  7   Q.  Donc vous ne savez pas quelle est la cause du décès ?

  8   R.  Non, je ne sais pas. A ce moment-là j'étais incapable de dire quelle

  9   était la cause du décès. J'étais horrifiée.

 10   Q.  Je comprends bien, mais est-ce que par la suite vous avez appris la

 11   cause de son décès ?

 12   R.  Non. Tout ce que je sais c'est que nous avons trouvé des douilles de

 13   balles ainsi que des trous sur les murs.

 14   Q.  Vous n'avez pas été le témoin de sa mort, n'est-ce pas ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Vous avez cité aujourd'hui d'autres personnes qui avaient été tuées,

 17   Astrit Rexha ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Vous n'avez pas été le témoin de sa mort non plus ?

 20   R.  Non, effectivement.

 21   Q.  Quel âge avait-il environ ?

 22   R.  Il avait la trentaine, 35, 36. Je ne sais pas exactement.

 23   Q.  Est-ce que vous savez à quel moment il a été tué ?

 24   R.  Non, je ne sais absolument pas à quel moment il a été tué. Lorsque nous

 25   sommes revenus à la maison après la guerre, on nous a dit qu'il était porté

 26   disparu, qu'on ne pourrait pas le retrouver en vie. Il était mort.

 27   Q.  On suppose qu'il a été tué parce qu'il est porté disparu; c'est exact ?

 28   R.  Il a été séparé du convoi. Sa mère nous a expliqué comment il avait été

Page 8386

  1   séparé du convoi.

  2   Q.  Où ceci s'est-il passé, Madame ?

  3   R.  A Gjakove.

  4   Q.  Dans la ville de Gjakove ou dans la municipalité de Gjakove ?

  5   R.  A la ville de Gjakove.

  6   Q.  Et vous avez cité un autre nom, Agim Haxhi Avdylu, avez-vous été le

  7   témoin de sa mort ?

  8   R.  Non, je ne l'ai pas vu. C'est sa mère qui m'en a parlé. Sa mère est en

  9   réalité la sœur de ma belle-mère.

 10   Q.  Quel âge avait cet homme environ ?

 11   R.  Environ le même âge que l'autre.

 12   Q.  Est-ce qu'on sait s'il a été tué ou est-ce qu'il est également porté

 13   disparu ?

 14   R.  Je ne sais pas. Elle a dit qu'ils avaient tué son fils.

 15   Q.  Mais vous ne connaissez pas les détails de tout ceci ?

 16   R.  Non, je ne connais pas de détails là-dessus.

 17   Q.  Et dans cette enceinte, il y avait ces trois maisons et vous dites que

 18   ceci aurait été en proie aux flammes. Je crois également que la maison

 19   d'été a subi des dégradations ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Mais la maison de votre beau-frère n'a pas été touchée par les flammes

 22   ?

 23   R.  Non, effectivement.

 24   Q.  Comme nous avons pu le voir sur cette photographie, la maison de votre

 25   voisin n'a pas été touchée non plus par les flammes ?

 26   R.  Non, effectivement.

 27   Q.  Vous n'avez pas en réalité vu exactement comment l'incendie a démarré ?

 28   R.  Non. J'ai simplement vu les flammes qui sortaient des fenêtres et j'ai

Page 8387

  1   vu les flammes qui sortaient du toit.

  2   Q.  Merci. Et avant d'aller chercher votre belle-mère, vous avez déclaré à

  3   un moment donné, lorsque vous étiez encore dans la cour de l'étranger :

  4   "…de temps en temps on voyait des hommes que nous avons supposé être des

  5   Albanais du Kosova qui enjambaient les murs d'enceinte et qui passaient

  6   d'une cour à l'autre. Il était clair que ces hommes fuyaient quelqu'un ou

  7   quelque chose…"

  8   Ceci se trouve à la page 4 de votre déposition. Ceci est-il exact ?

  9   R.  Oui. Ils fuyaient sans doute la police. Je n'ai pas reconnu leurs

 10   visages parce que ceci est arrivé dans les premières heures du matin.

 11   Q.  Vous parlez de "jeunes hommes." A votre avis, ils avaient quel âge

 12   environ ?

 13   R.  Ils avaient 20 ans, 25 ans, la trentaine, pas plus.

 14   Q.  Comment ces jeunes hommes étaient-ils habillés ?

 15   R.  En habits normaux, les vêtements que l'on portait tous les jours. Très

 16   souvent, c'était des survêtements de sport.

 17   Q.  Donc ils portaient des habits civils ?

 18   R.  Oui, oui, tout à fait, des survêtements comme le portent les jeunes.

 19   Q.  Est-ce qu'il pouvait s'agir, d'après vous, de membres de l'UCK ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Comment savez-vous cela ?

 22   R.  Rien ne laissait entendre qu'il s'agissait de membres de l'UCK.

 23   Q.  Quels signes auriez-vous pu constater s'il s'agissait de membres de

 24   l'UCK ?

 25   R.  Sans doute des gestes d'autodéfense, ils essayaient de se sauver et

 26   d'avoir la vie sauve.

 27   Q.  Vous vous seriez attendue à les voir en uniformes ?

 28   R.  Non.

Page 8388

  1   Q.  Avez-vous jamais vu des membres de l'UCK à Gjakove ?

  2   R.  Pas dans le quartier où j'habitais. Nous n'avions aucun contact avec

  3   eux.

  4   Q.  Est-ce que votre beau-frère était un membre de l'UCK ? Je vois que vous

  5   hochez la tête, donc je suis obligée de le deviner. Votre beau-frère était-

  6   il membre de l'UCK ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Votre mari était-il membre de l'UCK ?

  9   R.  Non.

 10   Q.  Est-ce qu'un quelconque membre de votre famille était membre de l'UCK ?

 11   R.  Personne de ma famille n'était membre de l'UCK. Nous étions des civils,

 12   des civils ordinaires.

 13   Q.  Saviez-vous que Gjakove était une région majoritairement sous le

 14   contrôle de l'UCK à l'époque même ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Vous ne saviez pas du tout qu'ils étaient là ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Vous n'avez jamais vu d'uniformes de l'UCK dans la ville de Gjakove ?

 19   R.  Non, ces choses-là ne m'intéressaient pas.

 20   Q.  Est-ce parce que les membres de l'UCK portaient parfois des vêtements

 21   civils ?

 22   R.  Je ne sais pas.

 23   Mme O'LEARY : [interprétation] Messieurs les Juges, le moment est peut-être

 24   opportun pour marquer la pause. J'ai encore une ou deux questions.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis un peu surpris, je pensais

 26   qu'il y en aurait davantage.

 27   Mme O'LEARY : [interprétation] La question suivante est assez longue, c'est

 28   la raison pour laquelle -- je peux continuer --

Page 8389

  1   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ceci me surprend encore davantage,

  2   mais nous pouvons faire la pause maintenant et nous allons reprendre à 12

  3   heures 55.

  4   Mme O'LEARY : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une autre pause et

  6   reprendre à 12 heures 55.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 25.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 58.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame O'Leary.

 10   Mme O'LEARY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Madame Dula, je n'ai plus que quelques questions pour vous se

 12   rapportant à votre départ de Gjakove. Vous avez dit qu'après vous vous être

 13   sentie en danger dans votre maison, vous avez cherché refuge dans le grand

 14   temple; est-ce exact ?

 15   R.  Auriez-vous l'obligeance de répéter la question ?

 16   Q.  Bien sûr. Vous avez dit que vous ne vous sentiez plus en sécurité dans

 17   votre maison et vous avez donc cherché à vous abriter dans le grand temple;

 18   est-ce exact ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Il y avait une centaine de personnes à peu près sur place; est-ce exact

 21   ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et la police vous a rendu visite à trois reprises dans le courant des

 24   huit jours que vous y avez passés; est-ce bien cela ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Vous dites dans votre déclaration que vous êtes sûre qu'il s'agissait

 27   des policiers parce que, et je vous cite :

 28   "…ils arboraient le même uniforme de camouflage bleu que cette nuit-là…"

Page 8390

  1   Est-ce exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Combien de ces personnes que vous qualifiez de policiers sont venues en

  4   groupe au grand temple ?

  5   R.  Je ne pouvais pas voir combien ils étaient, mais la femme qui nous

  6   avait abrités dans sa maison nous a dit que des policiers étaient venus et

  7   nous demandaient des choses.

  8   Q.  Vous faites allusion à la femme que vous avez mentionnée dans le

  9   contexte du 24 au soir et du 25 ?

 10   R.  Oui, la femme de la maison.

 11   Q.  Mais, en fait, je me réfère au passage de votre déclaration où vous

 12   dites que vous vous étiez réfugiée dans le grand temple. Vous avez dit que

 13   des groupes de police vous rendaient visite dans ce temple, et vous dites :

 14   "Ils n'ont fait de mal à personne, mais ils exigeaient des choses.

 15   Ils demandaient des choses telles que des clés de voiture, de l'argent et

 16   des objets de valeur…"

 17   Donc je vous demande de combien de policiers s'agissait-il dans ce groupe ?

 18   R.  Comme je l'ai déjà dit, je ne sais pas quel était leur nombre, mais

 19   cette femme nous a dit qu'ils demandaient des clés et des objets de valeur.

 20   Q.  En fait, vous-même, vous n'avez jamais vu ces policiers dans le grand

 21   temple; est-ce exact ?

 22   R.  Non, nous nous trouvions à l'intérieur.

 23   Q.  Donc vous avez simplement discuté avec cette dame que vous aviez vue le

 24   25 et c'est elle qui vous a rapporté que cela s'était produit; est-ce exact

 25   ?

 26   R.  La dame qui habitait dans la maison.

 27   Q.  Ensuite, au paragraphe suivant.

 28   Vous dites que le huitième jour vous avez vu une foule de nombreuses

Page 8391

  1   personnes qui marchaient devant le temple venant depuis Qerim et se

  2   dirigeant vers Gjakove, escortées par un groupe de soldats de la VJ et des

  3   membres de la police serbe. Vous dites que vous avez décidé de rejoindre le

  4   groupe et que l'on vous a demandé de remettre vos papiers à ceux qui vous

  5   escortaient.

  6   Est-ce exact ? Outre le fait que vous avez apporté une correction,

  7   vous avez dit qu'il s'agissait uniquement de la police et non pas de la VJ;

  8   est-ce exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  En fait, je veux surtout vous demander si vous êtes d'accord pour dire

 11   que vous avez décidé, vous-même et votre famille, de rejoindre la foule

 12   vous-mêmes ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Donc personne ne vous a obligés à rejoindre cette foule ?

 15   R.  Nous avons nous-mêmes décidé de rejoindre la foule. Nous les avions vus

 16   passer et nous avons décidé de nous rendre là où se rendait cette foule.

 17   Q.  Lorsque vous dites "nous", est-ce que vous faites allusion à vous-même,

 18   votre mari et vos enfants, ou des membres de votre famille élargie ?

 19   R.  Je parle aussi de ma belle-mère, de la femme de mon beau-frère et de

 20   ses enfants également.

 21   Q.  Merci. Lorsque vous avez rejoint ce groupe, est-ce que vous vous êtes

 22   approchés des officiers qui vous ont demandé vos papiers pour leur dire que

 23   vous souhaitiez vous joindre au groupe, ou est-ce que ce sont eux qui se

 24   sont approchés de vous ?

 25   R.  Non, nous ne nous sommes pas approchés d'eux et ils ne se sont pas

 26   approchés de nous. Nous n'avons rien dit. Nous avons simplement rejoint la

 27   foule.

 28   Q.  Merci. Puis vous dites que l'on vous a demandé de remettre vos papiers

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  1   à ceux qui vous escortaient.

  2   Qui vous escortait au juste ? A qui vous a-t-on demandé de remettre

  3   vos papiers ?

  4   R.  Les policiers.

  5   Q.  Qui vous a dit de remettre vos papiers aux policiers ?

  6   R.  Ce sont eux-mêmes. Ils ont demandé nos papiers au premier point de

  7   contrôle. Nous avons dû leur remettre tout ce que nous avions sur nous.

  8   Q.  Donc on ne vous a pas demandé vos papiers avant que vous n'arriviez au

  9   premier point de contrôle; est-ce exact ?

 10   R.  Oui, au premier point de contrôle et au deuxième point de contrôle

 11   également.

 12   Q.  Est-ce que vous connaissez des endroits qui se trouvent à l'extérieur

 13   de Gjakove, Madame ? Est-ce qu'à cette époque vous aviez beaucoup voyagé ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Est-ce que vous sauriez nous décrire l'itinéraire que vous avez

 16   emprunté pour arriver à Qafa e Prushit ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Mais en route, vous avez dit qu'il y avait des forces en présence. Est-

 19   ce que vous pouvez nous décrire ces forces ?

 20   R.  Il s'agissait de la police au départ, puis par la suite nous avons pu

 21   voir aussi des membres de l'armée.

 22   Q.  Lorsqu'on vous a demandé vos papiers à deux reprises, à quelle distance

 23   vous trouviez-vous de Gjakove, au premier point de contrôle ?

 24   R.  Le premier point de contrôle se trouve à la lisière de Gjakove, là où

 25   se trouve la limite de la ville.

 26   Q.  C'est là où vous avez dit aux policiers qui vous demandaient vos

 27   papiers qu'ils avaient brûlé dans votre maison ?

 28   R.  Oui.

Page 8394

  1   Q.  Est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous avait encore des papiers sur

  2   lui ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Donc vous aviez laissé vos papiers dans votre maison lorsque vous avez

  5   pris la fuite et ils ont brûlé; c'est exact ?

  6   R.  Oui. C'était impossible pour nous de prendre quoi que ce soit avec

  7   nous. Nous pensions seulement à fuir et à survivre.

  8   Q.  Où se trouvaient les papiers de votre belle-mère, de votre belle-sœur

  9   et des enfants ?

 10   R.  Je n'en sais rien, mais ils n'avaient pas non plus leurs papiers sur

 11   eux.

 12   Q.  Je vous remercie. Vous avez dit que :

 13   "La police avait répondu en disant que c'est l'OTAN qui les avait

 14   brûlés…"

 15   Est-ce que vous pensez qu'il est possible qu'ils entendaient par là

 16   que c'était les frappes aériennes de l'OTAN qui avaient mis le feu aux

 17   maisons ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  A quelle distance de Gjakove se trouve le deuxième point de contrôle ?

 20   R.  Le deuxième point de contrôle s'est situé avant la frontière.

 21   Q.  Vous avez dit aujourd'hui que ce deuxième point de contrôle se trouvait

 22   à proximité d'une caserne. De quelle caserne s'agissait-il ?

 23   R.  C'était une installation isolée, une structure isolée avec un toit.

 24   Q.  Mais comment saviez-vous qu'il s'agissait d'une caserne, Madame ?

 25   R.  J'ai entendu des gens dire que nous sommes ici où il y a un poste de

 26   gardiens, de sentinelles. Les personnes qui nous accompagnaient disaient

 27   cela.

 28   Q.  C'était donc juste avant que vous n'arriviez en Albanie; est-ce exact ?

Page 8395

  1   R.  Est-ce que vous voudriez bien répéter la question ?

  2   Q.  Cette caserne à ce deuxième point de contrôle, c'était situé juste

  3   avant la frontière avec l'Albanie; est-ce exact ?

  4   R.  Oui, mais nous avions encore un long chemin à faire avant de parvenir

  5   en Albanie.

  6   Q.  Et vous avez dit qu'à ce moment-là vous avez vu des fenêtres

  7   endommagées; est-ce exact ?

  8   R.  Est-ce que vous vous référez aux magasins ?

  9   Q.  Oui, Madame.

 10   R.  Oui, oui.

 11   Q.  Mais vous ne savez pas de quelle ville ou de quel village il

 12   s'agissait, n'est-ce pas ?

 13   R.  C'était sur le chemin qui partait depuis la maison où nous avions

 14   trouvé refuge.

 15   Q.  Quand au juste avez-vous vu ces fenêtres endommagées ? A quelle date ou

 16   aux alentours de quelle date ?

 17   R.  Le même jour que le jour où nous sommes partis en rejoignant la foule.

 18   Q.  Les personnes que vous avez vues qui faisaient cela, que portaient-ils

 19   ?

 20   R.  Ils portaient des uniformes de police, en tout cas ceux que j'ai vus.

 21   Q.  Encore une fois, des uniformes de camouflage bleus; est-ce exact ?

 22   R.  Oui, oui. Je n'ai pas osé trop regarder autour de moi. J'ai simplement

 23   jeté un regard furtif très brièvement, puis c'est tout. Je n'ai pas

 24   beaucoup regardé ce qui se passait aux alentours.

 25   Q.  Et combien de personnes avez-vous vues qui se comportaient ainsi ?

 26   R.  Ils étaient en groupes. Je ne sais pas combien ils étaient.

 27   Q.  Et ils portaient tous des vêtements de camouflage de la même couleur

 28   que celle que vous avez vue ce soir-là dans votre cour ?

Page 8396

  1   R.  Oui, oui.

  2   Q.  Et à deux reprises on vous a demandé de présenter des papiers

  3   d'identité. Encore une fois, il s'agissait de personnes qui portaient des

  4   uniformes de camouflage bleus; est-ce exact ?

  5   R.  Oui, c'était la police.

  6   Q.  Est-ce qu'ils portaient d'autres signes distinctifs permettant de

  7   savoir qu'il s'agissait de la police, des insignes ?

  8   R.  Je ne me souviens pas s'ils portaient des insignes. Je ne me souviens

  9   que des uniformes.

 10   Q.  Savez-vous d'où venaient ces officiers de police ?

 11   R.  Je ne vois comment j'aurais pu le savoir.

 12   Q.  Est-ce qu'ils vous ont expliqué pourquoi ils voulaient voir vos papiers

 13   d'identité ?

 14   R.  Non, ils ont simplement ramassé ces différents papiers d'identité et

 15   ils les ont mis dans une boîte.

 16   Q.  Est-ce que vous avez fait une déposition auprès d'une autre instance,

 17   mis à part le TPIY ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Merci.

 20   Mme O'LEARY : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai pas

 21   d'autres questions.

 22   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître O'Leary.

 23   Madame Gopalan, nous devrons, bien sûr, conclure avant 13 heures 45.

 24   Mme GOPALAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 25   Nouvel interrogatoire par Mme Gopalan : 

 26   Q.  [interprétation] Madame Dula, j'ai quelques questions supplémentaires à

 27   vous poser suite au contre-interrogatoire par le conseil de la Défense.

 28   Durant le contre-interrogatoire, on vous a posé des questions sur les

Page 8397

  1   personnes qui sont venues chez vous et qui vous ont expulsés avec votre

  2   famille durant la nuit du 24 au 25 mars. C'est à la page 45, ligne numéro

  3   7. On vous a demandé de qui il s'agissait et vous avez dit que vous pouviez

  4   déterminer de qui il s'agissait en raison de leur accent. Lorsqu'ils ont

  5   parlé, vous avez pu déterminer leur origine d'après les accents que vous

  6   avez entendus lorsqu'ils parlaient.

  7   Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la conclusion que vous

  8   en avez tirée quant à leur identité ?

  9   R.  Selon moi, c'étaient des officiers de police venant de Gjakove, compte

 10   tenu de l'accent qu'ils avaient.

 11   Q.  Qu'est-ce que vous avez entendu dans leur accent qui vous a laissé

 12   penser qu'ils venaient de Gjakove ?

 13   R.  A Gjakove, les Serbes qui y habitaient avaient un accent différent des

 14   autres Serbes.

 15   Q.  Merci. Et pour être bien précis, quelle est la langue que vous avez

 16   entendue parler par les Serbes ?

 17   R.  Le serbe.

 18   Q.  Merci. Maintenant, je voudrais passer à la matinée du 25 mars, lorsque

 19   vous êtes rentrée chez vous. On vous a demandé si vous êtes rentrée

 20   directement au domaine familial et vous avez répondu en disant :

 21   "Non, je ne suis pas revenue directement," parce que nous avons voulu

 22   tout d'abord voir s'il y avait encore des personnes autour et nous avons

 23   voulu nous assurer qu'il n'y avait pas de danger. Il s'agit de la page 55,

 24   ligne 9.

 25   Pourriez-vous nous dire quel type de danger vous redoutiez ce matin-

 26   là ?

 27   R.  J'avais peur d'être tuée par quelqu'un.

 28   Q.  Aviez-vous une idée -- saviez-vous qui aurait pu atteindre à votre vie

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  1   ce jour-là ?

  2   R.  Je pensais que les personnes qui avaient fait irruption dans notre cour

  3   seraient encore présentes et qu'elles me tueraient.

  4   Q.  On vous a également posé des questions sur votre beau-frère et sur sa

  5   famille - c'est à la page 61, ligne 1 - et vous avez déclaré que lorsque

  6   vous êtes revenue durant la matinée du 25. Vous avez vu la famille de votre

  7   beau-frère avec un voisin, puisque c'est chez ce voisin qu'ils avaient

  8   trouvé refuge, et vous avez ainsi appris que la famille avait dû quitter la

  9   maison la veille au soir et qu'ils avaient détenus votre beau-frère à

 10   l'intérieur de la maison. Pourriez-vous préciser de qui vous parlez lorsque

 11   vous dites "ils ont gardé mon beau-frère prisonnier dans la maison."

 12   R.  La police, lorsqu'ils sont entrés dans le domaine.

 13   Q.  Comment l'avez-vous su ?

 14   R.  Les officiers de police qui nous ont attaqués durant cette nuit-là

 15   étaient les mêmes que ceux qui ont pénétré dans la maison de mon beau-

 16   frère.

 17   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi votre beau-frère a été tenu prisonnier ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Merci. Je voudrais passer à des questions que l'on vous a posées

 20   concernant Astrit Rexha. Vous nous avez expliqué que sa mère vous avait dit

 21   qu'il avait été séparé d'un convoi - c'est la page 62, ligne 24 - est-ce

 22   que vous avez également appris de la bouche de sa mère qui l'avait séparé

 23   du convoi ?

 24   R.  La police.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire approximativement quand cet incident

 26   s'est produit, si vous le savez ?

 27   R.  Je ne sais pas.

 28   Q.  Est-ce que sa mère vous a dit quand il a été séparé du convoi ?

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  1   R.  Non, elle n'a pas mentionné de date.

  2   Q.  Est-ce qu'elle vous a donné une période approximative, même si elle n'a

  3   pas précisé de date ?

  4   R.  Ça s'est passé durant le même mois que celui durant lequel nous avons

  5   été expulsés.

  6   Q.  Merci, Madame Dula. On vous a également posé quelques questions

  7   concernant les frappes de l'OTAN sur Djakovica - c'est à la page 37, ligne

  8   1 - et vous dites que les frappes de l'OTAN ont commencé vers 8 heures du

  9   soir le 24 mars. Vous avez convenu avec le conseil de la Défense que cette

 10   nuit-là, vers 8 heures, vous-même et votre famille vous êtes réfugiées dans

 11   votre maison et personne n'est parti. Pour préciser, est-ce qu'il est

 12   correct qu'en réponse aux frappes de l'OTAN qui ont eu lieu aux environs de

 13   8 heures du soir le 24 mars, votre famille est rentrée chez elle et vous

 14   êtes rentrée à l'intérieur de chez vous et vous êtes restée à l'intérieur ?

 15   R.  Non, à l'époque, nous n'avions pas peur de l'OTAN.

 16   Q.  Merci. Vous dites que vous n'aviez pas peur de l'OTAN. Par conséquent,

 17   que s'est-il passé aux environs de 8 heures lorsque les frappes de l'OTAN

 18   ont commencé ? Quelle a été la réaction de vous et de votre famille ?

 19   R.  Nous sommes restés à l'intérieur.

 20   Q.  Merci. Et quand avez-vous quitté votre maison à ce moment-là ? Quel a

 21   été l'élément déclencheur qui a motivé votre départ ?

 22   R.  L'attaque de la police, l'attaque terrestre. La police a fait irruption

 23   dans notre cour.

 24   Q.  Merci, Madame Dula. On vous a également posé des questions sur les

 25   vitres que vous avez vues être endommagées. Vous avez dit que ceci a été

 26   perpétré par des hommes qui portaient des uniformes de police et que vous

 27   n'avez pas vraiment osé trop vous attarder - c'est à la page 71, ligne 16 -

 28   j'aimerais savoir où exactement vous avez vu ces hommes qui endommageaient

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  1   les vitres, dans quelle ville ?

  2   R.  À Gjakove, lorsque nous avons rejoint le convoi et que nous avons

  3   procédé au sein de ce convoi.

  4   Q.  Merci, Madame Dula. On vous a également posé des questions, questions

  5   qui ont été posées par le conseil de la Défense, concernant les bâtiments

  6   qui constituaient le domaine familial. On vous posé des questions sur la

  7   maison de votre beau-frère. Vous nous avez dit, je cite :

  8   "R.  La vieille maison était un bâtiment historique, c'était une maison qui

  9   avait plus de 200 ans.

 10   "Q.  De quelle maison s'agissait-il, Madame ?

 11   "R.  Je parle de la maison de mon beau-frère" --

 12   R.  Je parle de la maison de mon beau-frère, la maison où nous habitions,

 13   cette maison qui avait 200 ans.

 14   Q.  Merci, Madame Dula. J'aimerais savoir s'il y avait d'autres bâtiments

 15   dans le domaine familial qui étaient considérés comme des bâtiments

 16   historiques à votre connaissance.

 17   R.  Non.

 18   Q.  Et pourriez-vous nous dire quel était l'état de cette maison de plus de

 19   200 ans lorsque vous êtes retournée au domaine familial le lendemain ?

 20   R.  Je n'ai vraiment pas pu en croire mes yeux lorsque j'ai vu les dégâts à

 21   l'intérieur. Il y avait des impacts de balles sur tous les murs.

 22   Q.  Merci, Madame Dula.

 23   Mme GOPALAN : Messieurs les Juges, je n'ai pas d'autres questions à poser à

 24   ce témoin.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup.

 26   Madame Dula, vous serez ravie d'apprendre que ceci conclut les questions

 27   que l'on voulait vous poser. La Chambre d'audience vous est reconnaissante

 28   d'avoir pu vous rendre à La Haye et de nous avoir aidés. Et votre

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  1   déposition pourra donc être étudiée au moment voulu. Nous vous remercions.

  2   Vous pouvez vaquer à vos occupations habituelles. L'huissier d'audience va

  3   vous escorter hors de ce prétoire

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  5   [Le témoin se retire]

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Gopalan.

  7   Mme GOPALAN : [interprétation] Messieurs les Juges, le témoin suivant,

  8   comme nous l'avons mentionné par e-mail, est le témoin K20 qui devrait être

  9   disponible demain à condition que son état de santé soit stable. En

 10   attendant, pour le reste de cette séance, Madame Kravetz a une demande à

 11   faire.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est une excellente transition.

 13   Madame Kravetz, allez-y.

 14   Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci. C'est une question procédurale qui

 15   porte sur la déposition de Monsieur Byrnes de vendredi dernier. Nous

 16   aimerions faire une demande orale pour modifier le statut d'une partie de

 17   sa déposition de vendredi dernier. Nous voulons passer de l'état

 18   confidentiel à l'état public pour la portion allant des pages 8 228 à 8

 19   229.

 20   Comme vous le savez, Messieurs les Juges, nous avons entendu une partie de

 21   sa déposition en séance à huis clos partiel afin de protéger le témoin

 22   conformément à l'article 70. L'article 70 prévoit qu'une fois que l'on a

 23   examiné la totalité du compte rendu d'audience, on peut avoir une portion

 24   du compte rendu d'audience qui est rendue publique.

 25   Donc à ce stade, nous aimerions obtenir une ordonnance de cette

 26   Chambre pour modifier le statut de séance à huis clos pour passer à une

 27   séance publique. C'est tout, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 28   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce la totalité des pages 8 228 et

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  1   8 229 ?

  2   Mme KRAVETZ : [interprétation] Je pense que la séance à huis clos partiel

  3   commence en haut de la page 8 228 --

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que c'est tout pour cette

  5   section ?

  6   Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Il semble qu'il n'y ait pas

  8   de raison pour aller contre cette requête.

  9   Nous pouvons lever la séance et nous reprendrons demain matin à 9 heures.

 10   --- L'audience est levée à 13 heures 32 et reprendra le mercredi 26 août

 11   2009, à 9 heures 00.

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