Page 11416
1 Le mardi 16 février 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
5 [Le témoin vient à la barre]
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Concernant la déclaration
7 solennelle que vous avez prononcée en vertu de laquelle vous allez dire la
8 vérité est toujours valable. Je vous prie de bien vouloir vous asseoir,
9 Monsieur.
10 Me Popovic va poursuivre son interrogatoire principal.
11 M. POPOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 LE TÉMOIN : MILOS DOSAN [Reprise]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 Interrogatoire principal par M. Popovic : [Suite]
15 Q. [interprétation] Bonjour.
16 R. Bonjour.
17 Q. Avant que nous ne reprenions l'interrogatoire principal, j'aimerais
18 vous rappeler qu'il faudrait que vous ménagiez un temps d'arrêt entre mes
19 questions et vos réponses. Attendez la fin, regardez le compte rendu
20 d'audience et attendez la fin de ma question au compte rendu d'audience.
21 Ainsi, je pense que nous pourrons aider les interprètes.
22 Et nous allons reprendre là où nous étions interrompus hier. Nous allons
23 revenir sur la déclaration de Nike Peraj, qui correspond à votre
24 intercalaire 25 dans votre classeur.
25 Nous en étions au paragraphe 53.
26 Donc, au paragraphe 53 où il est écrit que :
27 "Le MUP avait besoin de l'appui de la VJ pour de larges opérations,
28 et la VJ indiquait au MUP comment se déployer et que faire lors de larges
Page 11417
1 opérations."
2 Et je pense que nous pouvons passer directement au paragraphe 54,
3 parce qu'il y a un lien avec le paragraphe précédent. Et à la dernière
4 phrase du paragraphe 54, il est indiqué que :
5 "En règle générale, lorsque le MUP informait la VJ des opérations que
6 le MUP avait prévues, la VJ n'était pas en mesure d'empêcher l'opération du
7 MUP de se dérouler."
8 Qu'en est-il de cela ?
9 R. Cela n'est pas vrai. L'armée avait sa propre chaîne de
10 commandement, et le MUP avait également sa chaîne de commandement. Et il
11 n'y avait jamais de lien entre ces deux chaînes de commandement, ce qui
12 fait que l'armée ne pouvait absolument pas exercer d'influence sur le MUP,
13 et vice-versa. Et d'ailleurs, l'armée n'a jamais eu besoin d'empêcher une
14 opération du MUP. C'est tout à fait inexact ce qui est écrit. Nous avions,
15 nous disposions chacun de notre propre chaîne de commandement, et nous
16 avons respecté ces chaînes de commandement pendant toute l'agression de
17 l'OTAN, sans jamais nous en écarter.
18 Q. Bien. Nous allons maintenant passer au paragraphe 55. Ici, le témoin
19 Peraj, au paragraphe 65, fait référence à un incident à Meja. Alors, il est
20 indiqué que le général Lazarevic et le lieutenant colonel Goran Jeftovic
21 avaient coordonné cette opération, cette opération donc à Meja.
22 Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet ?
23 R. Cela n'est pas vrai. Ce jour-là, le général Lazarevic était avec moi,
24 ou plutôt j'étais avec lui au commandement du corps de Pristina, et à
25 Pristina. Donc, physiquement il ne pouvait pas être ailleurs. Pour ce qui
26 est de l'encadrement de cette action, comme je vous l'ai déjà dit hier,
27 c'est le colonel Milan Kotur qui a dirigé cette action. C'était un officier
28 du Corps de Pristina, mais ce n'était pas un commandant. Donc, il ne
Page 11418
1 pouvait se trouver là que sur ordre du commandement ou que sur ordre du
2 chef d'état-major. Lui, en fait, il commandait à partir du poste de
3 commandement avancé de Djakovica.
4 Q. Merci. Lorsque vous dites que le général Lazarevic se trouvait avec
5 vous à Pristina, est-ce que vous pourriez nous dire pourquoi il se trouvait
6 avec vous, pourriez-vous préciser cette idée ?
7 R. Oui. En fait, c'était un jour férié national de l'état qui était à
8 l'époque la Serbie-et-Monténégro, c'était le 27 avril. Et pour cette
9 raison, un groupe d'officiers, notamment le général Lazarevic et moi-même,
10 ainsi que d'autres, nous avons été décorés. Donc, il y a eu une cérémonie,
11 une cérémonie de remise des décorations au commandement du Corps de
12 Pristina. Ensuite, il y a une petite réception qui a été organisée, et nous
13 sommes revenus dans nos unités respectives. Ce qui fait que le général
14 Lazarevic ne se trouvait pas ce jour-là à Djakovica.
15 Q. Merci, Général.
16 M. POPOVIC : [interprétation] J'ai quelques problèmes pour ce qui est du
17 compte rendu d'audience. En fait, je ne le vois pas sur mon écran. Merci.
18 Est-ce que nous pourrions maintenant analyser le paragraphe 80.
19 Q. Il est indiqué au paragraphe 80 que :
20 "Près d'une maison serbe à Meja, j'ai vu trois jeeps où se trouvaient
21 des membres de l'unité paramilitaire d'Arkan. Je savais qu'ils faisaient
22 partie de son unité, parce que je les avais vus devant notre caserne à
23 Djakovica. Et je me souviens que mon commandant m'avait donné l'ordre de ne
24 pas autoriser l'accès à ces soldats, ces paramilitaires, dans notre
25 caserne."
26 Alors, qu'avez-vous à nous dire à ce sujet ?
27 R. C'est un tissu de mensonges, comme je vous l'ai déjà dit auparavant. Il
28 n'y avait pas de formations paramilitaires à Djakovica. Alors, pour ce qui
Page 11419
1 est de ce qui est indiqué, à savoir je lui aurais donné l'ordre de ne pas
2 leur autoriser l'accès dans la caserne, ce n'est pas vrai, parce qu'il n'y
3 avait, de toute façon, personne dans notre caserne parce qu'elle faisait
4 l'objet d'attaques constantes. Donc, je n'étais pas en mesure d'indiquer à
5 quelqu'un d'aller à la caserne parce que la caserne, justement, elle
6 faisait l'objet d'une attaque ou d'attaques toutes les nuits. Donc, c'est
7 tout à fait faux, ce qui est indiqué ici. Ça n'a absolument rien à voir
8 avec la réalité.
9 Q. Bien. Qu'en est-il du paragraphe 83. Vous voyez, il est indiqué, en
10 fait, que :
11 "Le commandant Zdravko Vinter qui travaillait au bureau du personnel
12 a préparé un rapport pour le Corps de Pristina. Dans le rapport, la VJ a
13 indiqué que 74 terroristes avaient été tués à Korenica, et 68 à Meja. A
14 cette occasion, j'ai pu lire par-dessus l'épaule du commandant Vinter une
15 partie du rapport suivant l'opération dans lequel il était indiqué que des
16 terroristes avaient été tués, et Vinter utilisait des gros caractères
17 lorsqu'il tapait cela à la machine."
18 Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet ?
19 R. Ecoutez, je vais vous dire une chose. Cela n'a absolument pas pu se
20 passer parce que vous avez la chaîne de commandement qui précise exactement
21 qui donne un ordre à qui et comment. Et un commandant de brigade ne peut
22 pas présenter de rapport à un commandant de l'armée, et certainement pas
23 par le biais de son officier subordonné qui, dans les grades, est moins
24 élevé que celui du commandant de brigade.
25 Et je sais également où se trouvait le commandant Vinter à ce moment-là. Il
26 se trouvait, en fait, dans la cave de la maison de la culture. De toute
27 façon, c'était la pénombre complète, et ce n'est pas possible que quelqu'un
28 voit ce qu'il écrivait, certainement pas en regardant par-dessus son
Page 11420
1 épaule. Et de toute façon, le commandant Vinter n'avait absolument pas reçu
2 d'ordres lui intimant de dactylographier les rapports, et spécialement pas
3 au commandement de la 3e Armée. Donc, je réfute absolument cette allégation
4 comme étant tout à fait fausse et irréaliste.
5 Q. Paragraphe 93 maintenant, je vous prie.
6 "Milos Dosan, commandant de l'ARBR, était théoriquement la personne qui
7 aurait dû commander les opérations militaires dans la zone de Djakovica,
8 mais l'opération que j'ai vue se dérouler dans la vallée de Carragojs a été
9 commandé par le général Lazarevic, le colonel Kotur, ainsi que d'autres
10 officiers de l'état-major du Corps de Pristina. Dosan, qui était de Bosnie
11 et qui avait environ 48 ans, était un homme très sensible, qui avait de la
12 compassion pour ceux qui souffraient. Ce n'était pas un homme agressif. Il
13 aurait dû devenir général, mais après la guerre, c'est son adjoint qui a
14 été promu et qui a obtenu un grade supérieur au sien."
15 Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet ?
16 R. Il y a quelques faits qui sont vrais, par exemple, que je suis
17 originaire de Bosnie, que j'ai 48 ans, et que je suis un homme sensible,
18 cela est vrai. D'ailleurs, je ne vois vraiment pas comment on pourrait
19 utiliser cela contre moi. Et cela n'a absolument aucune incidence pour ce
20 qui est de mes capacités en tant qu'officier. Alors, je dois vous dire que
21 moi, j'ai été promu au grade de général, mais mon adjoint n'a pas été promu
22 au grade de général. Il s'agissait du colonel Novica Stankovic. Donc,
23 voilà, le reste est inexact, hormis ce qui concerne ma région d'origine.
24 Q. Merci. Au début de ce paragraphe, il est indiqué que vous étiez la
25 personne qui devait donner des ordres en matière d'opérations militaires
26 dans la zone de Djakovica. Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet ?
27 R. Oui. En tant que commandant de la brigade, j'avais des ordres, des
28 tâches, et des devoirs, qui consistaient à commander mon unité
Page 11421
1 antiaérienne. Je n'aurais absolument pas pu commander une action terrestre.
2 Je ne suis absolument pas expert en la matière. J'ai été formé en tant
3 qu'ingénieur. Donc, cela dépassait de loin mes compétences, et je n'aurais
4 absolument pas pu commander des actions ou opérations terrestres. Et comme
5 je vous l'ai déjà dit, c'est le colonel Kotur qui a commandé cette action.
6 Le général Lazarevic n'a pas commandé cette action. Et je n'étais
7 d'ailleurs pas censé le faire, et je n'ai pas non plus commandé cette
8 action. Voilà la vérité.
9 Q. Je vous remercie, Général. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, vous
10 pencher sur le paragraphe 95, où il est dit :
11 "Dosan n'était pas d'accord avec cette opération à Korenica et à Meja, et
12 il a d'ailleurs fait arrêter Micunovic pour y avoir participé. Toutefois,
13 Micunovic n'est resté en prison que trois jours."
14 Que pouvez-vous nous dire à propos de ce paragraphe ?
15 R. Ecoutez, ce n'est pas moi qui planifiait, qui approuvait ou qui
16 désapprouvait les actions. C'était mon commandement supérieur qui le
17 faisait. Donc, je n'ai pas approuvé d'actions, et je n'en ai pas planifié
18 non plus. Pour ce qui est de Micunovic, je ne l'ai pas fait arrêté. Je ne
19 l'ai pas arrêté. D'ailleurs, je n'avais aucune raison de le faire arrêter,
20 je n'avais aucun prétexte pour le faire arrêter. Et d'ailleurs, ce n'est
21 pas vrai non plus qu'il a passé trois jours en prison. Et autre chose qui
22 est absolument faux, le fait qu'il aurait été libéré parce que Vojislav
23 Seselj et Zelko Rozantovic, à savoir Arkan, l'aurait demandé. De toute
24 façon, cela n'aurait pas pu se passer ainsi. Toute personne avait été
25 immédiatement conduite au tribunal militaire, et cela je l'aurais su, donc,
26 tout cela est faux.
27 Q. Bien. Paragraphe 96 maintenant. Le témoin Peraj dit dans ce paragraphe
28 :
Page 11422
1 "J'ai obtenu l'autorisation d'aller à Ramoc de Lazarevic et de
2 Jeftovic au QG de Djakovica. Ils ont transmis cette autorisation à Kotur,
3 qui se trouve au poste de commandement au nord-ouest d'Osek. Dans le bureau
4 de Lazarevic, il y avait une carte qui se trouvait sur le mur et qui était
5 recouverte de talc, et sur cette carte Jeftovic était en train d'indiquer
6 les repères de façon détaillée, le repère de l'opération qui se déroulait
7 dans la vallée de Carragojs. Les détails que j'ai vus sur cette carte ont
8 été confirmés par ce que j'ai pu constater lorsque je me suis rendu sur le
9 terrain."
10 Donc, qu'avez-vous à nous dire à ce sujet et à propos du fait que Nike
11 Peraj ait pu voir tout cela ?
12 R. A Djakovica, il y avait le poste de commandement avancé du Corps de
13 Pristina, et il dit en fait que cela s'est passé dans ce bureau, alors bien
14 que ce ne fût pas le bureau du général Lazarevic. Il n'aurait pas pu entrer
15 dans ce poste de commandement. Seuls les commandants avaient accès aux
16 postes de commandement, et ils y avaient accès en plus seulement lorsqu'ils
17 étaient autorisés à le faire par l'officier habilité pour donner
18 l'autorisation. Donc, il n'aurait pas eu la possibilité de voir cette
19 carte. Et même s'il avait pu voir une carte, il faut quand même au moins,
20 au bas mot, une demi-heure pour noter les détails d'une attaque
21 d'infanterie sur la carte pour pouvoir établir la comparaison après entre
22 la théorie de la carte et ce qui se passe sur le terrain. Alors, Nike Peraj
23 était enseignant de formation. Il n'avait pas terminé l'académie militaire.
24 C'était un agent de la circulation. Même s'il avait vu une carte, il
25 n'avait absolument pas pu établir des comparaisons, il n'aurait absolument
26 pas pu dégager ce type de conclusions.
27 Q. Bien. Bien, Général. Est-ce que vous pourriez maintenant vous
28 intéresser au paragraphe 97, je vous prie. Voilà ce qui est dit au
Page 11423
1 paragraphe 97 :
2 "A l'issue des discussions avec Stojanovic et Perovic en 1998 et au
3 début de l'année 1999, à la suite de séances d'information militaires
4 opérationnelles auxquelles j'ai assisté pendant la même période à Djakovica
5 et à Pristina, et après avoir consulté les cartes opérationnelles qui
6 étaient présentées lors de ces séances d'information, j'ai été informé du
7 plan militaire général pour la zone de Djakovica. La zone territoriale de
8 Djakovica, la municipalité de Djakovica près de la frontière albanaise
9 avait été divisée en trois zones géographiques ou en trois ceintures
10 géographiques, qui devaient être dégagées de tout civil albanais du Kosovo,
11 les uns après les autres. Les villages de Meja et de Korenica se trouvaient
12 dans la deuxième zone ou dans la deuxième ceinture géographique."
13 Qu'avez-vous à nous dire à ce sujet ?
14 R. Ces allégations sont toutes les mêmes et relèvent du même état d'esprit
15 que précédent. Il s'agit en fait de tissus de mensonges qui ne peuvent
16 absolument pas être corroborés ou prouvés et qui, de toute façon, sont
17 irréalistes, parce que ce type de plan n'existait tout simplement pas. Si
18 moi en tant que commandant de brigade, je n'avais pas été informé de ces
19 plans, je ne vois vraiment pas comment des officiers subordonnés, qui
20 m'étaient subordonnés, des officiers dont le grade était inférieur au mien,
21 qui faisaient partie de mon commandement et de ma brigade, auraient su.
22 Donc, cela est absolument inexact.
23 D'ailleurs, ce qui est particulièrement faux, c'est qu'il y avait des
24 secteurs d'où l'on devait expulser les Albanais. Nous avons toujours lutté
25 pour que les civils soient protégés, et je dois vous dire que nous étions
26 particulièrement mécontents de voir des colonnes de réfugiés. Je n'ai
27 jamais vu que quiconque parmi nous n'était pas mal à l'aise en voyant ces
28 colonnes de réfugiés, parce qu'il y avait également des Serbes qui
Page 11424
1 partaient au Monténégro. Vous savez, lorsque les gens laissent leur pays,
2 c'est très, très triste. Momo, mon père, a quitté son foyer, des membres de
3 ma famille ont dû quitter leurs foyers. Je sais ce que cela représente. Je
4 sais comment l'on peut sentir dans ces circonstances. Donc, il n'y avait
5 certainement pas ce type de plans.
6 Q. Je vous remercie, Général. Je vous ai montré plusieurs paragraphes
7 d'une déclaration de Nike Peraj. Donc, il a fait plusieurs déclarations. Je
8 vous ai cité 20 paragraphes, et vous m'avez dit que tous ces paragraphes
9 étaient autant de mensonges. Donc, est-ce que vous pourriez peut-être nous
10 indiquer pourquoi est-ce que M. Peraj a fait ce type de déclarations ici au
11 Tribunal ?
12 R. Ecoutez, j'ai réfléchi au cas de Nike Peraj depuis très longtemps,
13 parce qu'en fait, moi, je l'ai reçu lorsqu'il était à la brigade, je le
14 voyais très souvent. Je lui parlais souvent. Lorsque j'ai dit ceci, ce que
15 j'entends, c'était que nous nous trouvions dans un petit secteur, donc nous
16 nous sommes vus plutôt fréquemment. Alors, voilà quelles sont les
17 observations que je peux faire : Il s'acquittait des tâches qui lui étaient
18 confiées en bonne et due forme, ces rapports étaient bons également. Mais
19 je pense que Nike Peraj s'est retrouvé dans une situation bien
20 particulière. Il a dû en fait choisir entre la vérité et la vie, et non
21 seulement sa vie à lui, mais la vie de ses proches. Donc, il a procédé à un
22 choix qui était tout à fait logique, ce que feraient d'ailleurs la plupart
23 des gens dans sa situation. Moi, je ne vois pas comment expliquer son
24 comportement autrement, à savoir que cet officier, que l'officier ait fait
25 ce type de déclarations. Personnellement, je suis convaincu que tout
26 simplement il a été contraint d'agir de la sorte et qu'il n'a pas eu le
27 choix, soit il devait dire ce qu'il a dit soit il risquait de perdre ses
28 proches ou de perdre sa propre vie. C'est ce que je peux vous indiquer
Page 11425
1 maintenant. C'est comme cela que je réfléchis lorsque je pense à lui en
2 tant que témoin.
3 Q. Merci. Savez-vous pourquoi on voudrait le tuer ou le faire tuer, et
4 dans l'affirmative, savez-vous qui pourrait faire peser de telle menace sur
5 lui ?
6 R. Bien entendu, ce serait des membres de l'armée terroriste, parce qu'il
7 faisait partie de l'armée --
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Sommes-nous supposés considérer cet
9 élément comme étant quelque chose qui représente des connaissances qu'a le
10 témoin, ou est-ce que le témoin essaie de formuler une explication
11 plausible, mais qui reste éventuelle ? Ce n'est pas tout à fait clair vu la
12 façon dont vous avez posé la question.
13 M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin connaît
14 personnellement Nike Peraj, et il se fait qu'il a eu l'occasion de passer
15 pas mal de temps avec lui. Il était son supérieur hiérarchique. Il
16 connaissait l'homme, il connaissait la situation telle qu'elle se
17 présentait à l'époque au Kosovo-Metohija en 1998, mais surtout aussi en
18 1999, je pense que -- en fait, je suppose que --
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que vous répondez longuement
20 d'ailleurs, alors que vous devriez dire, pour faire bref, que cela, c'est
21 ce qu'imagine le témoin. Il essaie de trouver une explication. Si tel est
22 le cas, je vais vous demander de passer à autre chose.
23 M. POPOVIC : [interprétation] Oui.
24 Peut-on afficher D006-4389.
25 Q. Je pense que pour vous, ce sera l'onglet 26. C'est bien cela. Général,
26 vous voyez la date du document, 3 mai 1999. Ce document s'intitule "Rapport
27 sur une tentative de viol." Est-ce que vous connaissez ce document et, dans
28 l'affirmative, pourriez-vous nous le résumer en quelques mots ?
Page 11426
1 R. Oui. C'est moi qui ai signé ce document que nous envoyons au chef du
2 corps d'armée. Nous envoyons un rapport portant sur ce qui s'était passé
3 sur cette tentative de viol, qui fut le fait de deux soldats dans la zone
4 d'Osek Hilja. Nous disons au commandement du corps ce que nous avons fait.
5 Bien entendu, les soldats ont été arrêtés et placés sous la garde des
6 organes de sécurité, puis après au système judiciaire.
7 Q. Merci.
8 M. POPOVIC : [interprétation] Je demande le versement du document.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00706.
11 M. POPOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Voyons maintenant le
12 document D008-0027.
13 Q. Je pense que ce sera l'onglet 27 pour vous dans votre classeur.
14 Général, c'est un document que vous avez rédigé qui porte la date du 4 mai
15 1999, vous l'envoyez au Corps de Pristina. Vous dites où est déployée la
16 population civile. Ce qui m'intéresse, c'est le troisième paragraphe du
17 document, qui dit ceci :
18 "La ville de Djakovica compte quelque 35 000 à 40 000 habitants. Il y a
19 également une population s'élevant à 20 000 ou 25 000 habitants dans les
20 villages."
21 Sur quoi vous basez-vous pour établir ces éléments et les transmettre ?
22 R. Nous avons transmis ces éléments d'information partant des
23 renseignements que nous avions reçus des autorités municipales, de
24 l'exécutif municipal qui, bien entendu, savaient quels étaient les chiffres
25 concernant la population locale. Mais le MUP, qui a aussi des archives et
26 sait combien il y a d'habitants, nous l'a dit également. C'est là-dessus
27 que s'appuie ce document.
28 Nous n'avons pas fait de recensement nous-mêmes. Nous nous sommes
Page 11427
1 inspirés de ces informations reçues pour établir ce document.
2 Q. Merci. Djakovica comptait combien d'habitants avant le début des
3 bombardements de l'OTAN; le savez-vous ?
4 R. Avant le début de l'agression, il y avait entre 50 000 et 55 000
5 habitants à Djakovica, en tout.
6 Q. Est-ce que vous avez des données indiquant le nombre de Serbes vivant à
7 Djakovica avant le début de l'agression de l'OTAN ?
8 R. A peu près 3 500 avant le début de l'agression de l'OTAN.
9 Q. Après le début, comme pendant l'agression de l'OTAN, savez-vous combien
10 de Serbes ont quitté la région de Djakovica ?
11 R. Je dirais 50 % des Serbes qui sont partis de la région de Djakovica.
12 Q. Merci.
13 M. POPOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le versement
14 du document.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé au dossier.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00707.
17 M. POPOVIC : [interprétation]
18 Q. Général, nous parlons des personnes qui ont quitté le territoire du
19 Kosovo-Metohija. Savez-vous quelle fut la raison de leur départ ? Nous
20 pensons surtout ici aux personnes qui habitaient dans la municipalité où
21 vous-même vous étiez ?
22 R. Mais il est certain, c'est évident que je connais la raison ou les
23 raisons, plus exactement, car il y en a plusieurs, puisque j'ai été tout le
24 temps là. La première, la plus fondamentale, c'est la peur. Les gens
25 avaient peur des bombardements de l'OTAN aveugles et continus. Ça, c'est la
26 raison principale. Les gens avaient peur aussi des bombes à l'uranium
27 appauvri. Puis une autre raison, c'était de se trouver en butte à des tirs
28 croisés, parce que pendant qu'il y avait l'agression de l'OTAN, les
Page 11428
1 terroristes aussi étaient très actifs, et il y avait sur le terrain des
2 combats contre ces terroristes.
3 Autre raison, c'était la propagande persistante, la peur de représailles au
4 cas où ces personnes décidaient de rester, malgré tout, et de ne pas
5 partir. Honnêtement, vu la situation qu'il y avait sur le terrain à ce
6 moment-là, c'était insupportable pour quelqu'un de normal. J'étais officier
7 de la défense aérienne, et même moi j'avais peur. Il y avait des officiers
8 qui avaient peur et qui ont pris la fuite. Il y avait des soldats qui
9 n'osaient pas quitter leur abri. La peur, c'est un phénomène tout à fait
10 normal, et encore plus normal pour ceux qui ne savent pas et qui sont dans
11 l'impossibilité de se trouver un refuge, un abri, dans l'impossibilité de
12 prendre d'autres mesures leur permettant de se protéger, de se prémunir
13 face à des frappes aériennes.
14 Il est difficile aussi d'être le premier à partir, et difficile aussi
15 d'être le dernier à rester. Si tout le monde partait, est-il difficile de
16 dire : Bien, moi je reste. Les gens avaient peur. C'est quelque chose de
17 parfaitement humain. A mon avis, c'est ça qui a expliqué les mouvements de
18 populations. C'est vrai où qu'on soit dans le monde. C'était vrai pour les
19 Serbes, pour les Siptar. Je pense que les Siptar avaient encore plus peur,
20 parce qu'ils étaient aussi en butte à la propagande et recevaient des coups
21 de fil. Les Serbes essayaient de sauver leur peau, et les Albanais aussi,
22 ils voulaient échapper aux bombes. Mais les Albanais avaient leurs guides,
23 et il y avait des localités où ils étaient censés se présenter à un moment
24 donné. Des itinéraires avaient été arrêtés pour eux.
25 Hier, je vous ai dit ce qui s'est passé à Meja, et ma conclusion était que
26 l'homme qui était devant eux, à leur tête, c'était leur guide, ni plus ni
27 moins. L'explication est facile. Je peux vous expliquer sur quoi je fonde
28 cette hypothèse, cette affirmation.
Page 11429
1 Q. Merci, Général.
2 M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on afficher la pièce D006-4401.
3 Q. Ce sera pour vous l'onglet 29. Nous avons ici un ordre que vous avez
4 donné le 11 mai 1999. Prenons le point 1 :
5 "Utiliser toutes les mesures qui vous sont disponibles dans votre domaine
6 de compétence pour empêcher toute tentative de crime ou de récurrence de
7 crimes dans les secteurs où sont disposées des unités de combat. Engagez
8 des poursuites rigoureuses et décidées et prendre toutes les mesures
9 nécessaires vis-à-vis des auteurs."
10 Donc, ici, nous sommes le 4 mai et --
11 R. C'est tout à fait dans le profil des autres ordres que j'ai donnés.
12 Nous avons procédé à un suivi systématique de cette tendance persistante de
13 respecter le droit humanitaire international et l'équité du droit des
14 conflits, toujours difficile de mener la guerre contre des terroristes.
15 Mais nous avons toujours fait l'impossible pour essayer de prendre les
16 mesures nécessaires, et toutes les mesures nécessaires pour éviter que ne
17 se présentent des situations où un manquement de soldats dans leur
18 comportement fournirait une excuse supplémentaire à la population pour
19 qu'elle quitte ses foyers et son lieu de résidence.
20 Q. Merci.
21 M. POPOVIC : [interprétation] Je demande le versement du document, Monsieur
22 le Président.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il est versé au dossier.
24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00708.
25 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Il me reste deux ou trois documents à
26 soumettre au témoin. Je vais procéder à l'examen rapide. Je vous demande
27 ceci : Ce sont des cartes, ces documents, établies par le présent témoin,
28 et en tel cas ne se trouvaient pas dans la liste visée par l'article 65
Page 11430
1 ter, et nous avons, malgré tout, les présenter dans la liste des documents.
2 Ce sont des documents qui n'ont pas été fournis à l'Accusation, mais s'il
3 n'y a pas d'objection de la part de l'Accusation, je voudrais les
4 présenter.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois qu'une fois de plus, votre
6 consoeur fait preuve d'un esprit de collaboration. Vous pouvez les montrer.
7 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. D010-2340.
8 Q. Général, regardez l'écran, s'il vous plaît. Je pense que vous pourrez
9 voir les choses bien plus clairement à l'écran que dans le classeur, là où
10 vous avez une copie sur ce support papier.
11 M. POPOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce D011-2340.
12 Q. Vous voyez l'intitulé "Déploiement des unités du 2e ARBR pendant
13 l'agression de l'OTAN." Est-ce que vous connaissez cette carte ? Dans
14 l'affirmative, pourriez-vous nous dire qui l'a établie et ce qu'elle
15 contient en matière d'information ?
16 R. Oui, je la connais, cette carte, puisque c'est moi qui l'ai faite à
17 partir de plusieurs documents et de journaux de guerre de mes unités
18 subordonnées, des unités subordonnées, mais aussi d'unités qui ont coopéré
19 avec nous. C'est clair, la carte montre les positions occupées par les
20 unités de la 52e Brigade de défense aérienne.
21 Q. Nous voyons la légende en bas à gauche. On lit : Déploiement de la 52e
22 Brigade de défense antiaérienne avant le 9 avril, puis après le 9 avril.
23 Pourquoi ? Dites-le-nous, s'il vous plaît.
24 M. POPOVIC : [interprétation] Oui, maintenant je pense que l'image apparaît
25 bien plus clairement à l'écran. Peut-on faire un plan rapproché, ce qui
26 nous permettra de voir les différents coloris, et le témoin va nous
27 expliquer ce que signifie chacun d'entre eux. Pourriez-vous utiliser le
28 stylet électronique, si les Juges le permettent.
Page 11431
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a deux périodes qui sont en cause ici. La
2 première est antérieure à la tentative du déclenchement de la phase
3 terrestre de l'agression avant l'attaque de Kosare et après. Avant
4 l'attaque de Kosare, les unités de la brigade se concentraient surtout
5 autour de la ville de Djakovica, dans des secteurs et lieux spécifiques à
6 partir desquels ces unités pouvaient engager des cibles de l'espace aérien
7 conformément à la tactique prévue pour l'engagement de ces unités.
8 M. POPOVIC : [interprétation]
9 Q. Et c'est quel coloris ?
10 R. Ecoutez, je ne vois pas très bien les teintes ici. Ce n'est pas très
11 clair.
12 M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce qu'il est possible de faire un plan
13 plus rapproché. Je pense que c'est en jaune.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ce que je pense. Oui, c'est
15 ça. C'est surtout autour de Djakovica.
16 M. POPOVIC : [interprétation] Voilà, la carte est bien plus lisible
17 maintenant.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien le coloris que l'on voit
19 maintenant à l'écran. Après le 9 avril, après la phase terrestre, donc, le
20 début de la phase terrestre de l'agression, vu l'objectif recherché par les
21 unités, elles ont été déployées sur tout le territoire du Kosovo-Metohija
22 dans le but de défendre certains éléments du déploiement du commandement du
23 corps. A Djakovica, il ne restait plus que le commandement et le bataillon
24 chargé de la logistique. Dans la région de Djakovica, il y avait le 3e
25 Bataillon d'artillerie. Vous le voyez ici. Voici le 3e Bataillon, et le
26 1er, lui, il a été dépêché dans la zone de Kijevo. Le 2e Bataillon, il a
27 été déployé sur la région de Pristina. Est-ce que c'est moi qui bouge
28 l'écran ou c'est quelqu'un d'autre ?
Page 11432
1 M. POPOVIC : [interprétation]
2 Q. Non, ce n'est pas vous.
3 R. Le 3e Bataillon était à Djakovica et Pec, le 4e à Pristina, et le 2e
4 était dans la zone de Bjeljine [phon]. Ces bataillons avaient pour mission
5 de défendre l'espace aérien qui se trouvait dans nos zones respectives, et
6 d'assurer la défense de certaines installations qui risquaient d'être
7 attaquées pendant la phase terrestre de l'agression à laquelle on
8 s'attendait. Kosare fut un indice très clair du fait qu'une telle agression
9 était possible.
10 Q. Merci. Général, nous voyons certaines cases dans lesquelles se trouve
11 un certain texte. Que dit ce libellé ?
12 R. De façon symbolique, j'ai essayé d'indiquer les endroits où certains
13 membres de mon unité ont été tués par des terroristes ou par des avions de
14 l'OTAN, puis j'ai essayé aussi d'indiquer où les avions de l'OTAN avaient
15 pris pour cible des civils. Là, il s'agissait de cas différents des
16 premiers. Mais je ne reconnais rien sur cette carte. Ce n'est pas lisible.
17 Q. Inutile d'aller dans le détail. Tout ceci a déjà été versé à
18 l'huissier. Je demande le versement du document, Monsieur le Président,
19 Messieurs les Juges.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est versé au dossier.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D00709.
22 M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on maintenant afficher la pièce D011-
23 2349. Comme je le disais, c'est une autre carte.
24 Q. Veuillez regarder l'écran, ce sera sans doute plus facile. L'intitulé
25 se lit comme suit "Lieu pris pour cible par l'aviation de l'OTAN au Kosovo-
26 Metohija." Est-ce que vous connaissez ce document ?
27 R. Oui, c'est moi qui l'aie établi partant des journaux de guerre de mes
28 unités et les unités coopérant avec les miennes. Nous avons procédé à
Page 11433
1 plusieurs analyses après la fin de cette agression de l'OTAN. C'est ce que
2 nous essayons d'indiquer ici.
3 M. POPOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut faire un plan rapproché sur
4 la partie inférieure du document. Merci.
5 Q. Est-ce que vous voyez la légende ? On voit les pertes civiles découlant
6 des frappes de l'OTAN au Kosovo-Metohija.
7 R. Oui, je vois.
8 Q. Que dit cette légende ?
9 R. Lieu où se sont faites des attaques, attaques sur une colonne,
10 utilisation du uranium appauvri, et attaques par unités et zones du Kosovo,
11 mois par mois. Si on avait été plus détaillé, le document serait redevenu
12 illisible, mais ici on voit bien quels sont les lieux qui ont été frappés
13 pendant le premier, le second et le troisième mois de l'agression. Et pour
14 chaque mois, c'est un coloris différent.
15 Regardez en rouge par exemple. Là, c'est à partir du 24 mars jusqu'au 25
16 avril. En bleu, ce sont les lieux frappés entre le 25 avril et le 24 mai.
17 En jaune, entre le 25 mai et le 11 juin. Nous avons aussi d'indications
18 d'attaques qui se sont conduites pendant le Noël orthodoxe. Ceci illustre
19 très bien la tactique employée par l'OTAN, qui ne nous laissait jamais un
20 moment de répit, même le jour de notre Noël. Ça a eu des effets
21 dévastateurs sur le moral des combattants mais aussi sur celui des civils,
22 parce qu'on entendait dire que nos soldats, nos civils, se faisaient tuer
23 le jour de Noël.
24 Q. Vous avez parlé de la période allant du 25 avril et le 24 mai. C'était
25 en rouge. Mais moi, moi je vois, c'est que c'est en orange.
26 R. Oui, vous avez raison. J'ai du mal à voir à l'écran.
27 Q. Merci. Restons avec l'image de la légende à l'écran. Mais nous voyons
28 aussi des cases dans lesquelles on a quelque chose qui est écrit. Qu'est-ce
Page 11434
1 que c'est exactement ?
2 R. Le texte contenu dans ces cases précise les lieux où des civils ont été
3 tués. Par exemple, le 3 mai, un avion de l'OTAN a attaqué un bus, un
4 autobus civil, ce qui a provoqué la mort de 17 personnes, et 44 personnes
5 ont été blessées. Le 14 avril, il y avait une colonne de réfugiés à Meja,
6 nous en avons parlé. Et puis le 1er mai, on voit attaque d'un bus, c'est un
7 autobus civil à Lucani sur un passage aérien, et là aussi 40 civils ont été
8 tués. Il y avait parmi ces civils des gens qui allaient rendre visite à
9 leurs fils au Kosovo-Metohija. Le 13 mai une colonne de réfugiés est
10 attaquée à Korisa. Le 22 avril, un centre d'accueil de réfugiés a été
11 attaqué à Bistrazin, centre où étaient logés les réfugiés de la Krajina de
12 la Republika Srpska, ils se trouvaient dans une ferme d'exploitation de
13 bovins. Donc, tout ceci, c'est pour vous donner une idée symbolique de ce
14 qui se passait, nous voulions aussi indiquer les lieux où avait été utilisé
15 l'uranium appauvri.
16 M. POPOVIC : [interprétation] Peut-on voir le coin inférieur droit. Car on
17 y voit un tableau.
18 Q. Nous y voyons les pertes civiles provoquées par les attaques de l'OTAN
19 au Kosovo-Metohija. Pourriez-vous le commenter, ce tableau ?
20 R. Oui. Nous avons subi des pertes civiles, elles sont reprises ici, mais
21 elles sont mentionnées uniquement lorsqu'il y a eu des faits collectifs. Il
22 y a eu aussi plusieurs civils qui ont perdu la vie dans des cas isolés, et
23 on n'indique pas non plus ici les bâtiments individuels qui ont été pris
24 pour cibles et là où on a enregistré des morts de civils. On n'indique pas
25 non plus ici si un véhicule isolé était attaqué. Nous le savons parfois, on
26 a même pris pour cible des voitures particulières qui se déplaçaient, qui
27 roulaient. Ici, vous n'avez repris dans ce tableau que les événements les
28 plus saillants, qui ont attiré l'attention des médias et qui ont fait
Page 11435
1 l'objet d'articles. Enfin l'explication, ça a toujours été que c'étaient
2 les damages collatéraux. Par exemple, Aleksinac, Surdulica notamment, il y
3 a eu des attaques aussi, mais ça, c'était en Serbie. Ici, vous avez
4 uniquement les chiffres pour le Kosovo. Alors quand je parlais de ces
5 actions individuelles de l'aviation de l'OTAN, elles ont provoqué en tout
6 la mort de 320 civils.
7 M. POPOVIC : [interprétation] Prenons le milieu du document.
8 Q. Mon Général, je vois aussi sur cette carte quelques triangles qui sont
9 inscrits. Qu'est-ce qu'ils ont comme signification ? Quelles étaient
10 d'habitude les cibles de l'OTAN ?
11 R. Chacun de ces triangles indique une attaque aérienne qui pouvait être
12 sous forme d'une seule bombe, d'un seul missile ou de 20 missiles, 20
13 bombes, ou 300 munitions à l'uranium appauvri. Donc, c'est une attaque,
14 mais ça n'indique pas le type de munition utilisé, ni si ceci a fait
15 mouche, parce que ça aurait été trop difficile à recenser tout ceci. C'est
16 fait depuis très haut, depuis très haute altitude, à une grande vitesse. On
17 indique uniquement le nombre d'attaques individuelles, et on voit que ces
18 attaques se concentraient surtout sur des lieux où il y avait une forte
19 densité de population, comme à Pristina, en numéro 1, et puis il y a
20 Prizren et Djakovica. Il y a eu aussi Gnijlane et Urosevac dans une
21 certaine mesure. Mais si vous regardez l'axe qui va de Srbica, qui passe
22 par Pristina jusqu'à Kacanik, et l'autre axe entre Istok, Klina, Djakovica,
23 et Prizren jusqu'en Albanie, c'étaient les deux axes principaux de
24 l'attaque de l'OTAN. L'OTAN, en fait, poussait les gens soit vers l'Albanie
25 ou la Macédoine.
26 Q. Merci, Mon Général.
27 M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que ce
28 document soit versé au dossier.
Page 11436
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Fort bien.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
3 pièce D00710.
4 M. POPOVIC : [interprétation] Je vous remercie. J'ai maintenant un dernier
5 document à vous présenter. Je demanderais que le document D006-4412 soit
6 affiché à l'écran, s'il vous plaît.
7 Q. Mon Général, cela correspond dans votre classeur à l'onglet 34. Je ne
8 vais pas m'attarder trop longuement sur ce document, mais il s'agit des
9 attaques de l'OTAN, des frappes aériennes de l'OTAN et de la brigade
10 motorisée de la zone 2 de la 549e Brigade motorisée dans la zone 2. Alors,
11 pourriez-vous nous dire de quoi il s'agirait ?
12 R. C'est un document qui porte sur le nombre de projectiles qui sont
13 tombés sur Djakovica à la suite des frappes aériennes de l'OTAN et sur les
14 environs. Etant donné que le 2e Bataillon motorisée avait sa propre zone de
15 défense dans cette région-là, sur ce territoire, ceci est un document qui a
16 été établi à la suite du journal de guerre du commandant du 2e Bataillon
17 motorisé. Vous pouvez voir ici quels étaient les moyens employés, les
18 munitions employées pour décrire quelle était la quantité de munitions qui
19 sont tombées dans sa zone. Alors, nous pouvons voir ici qu'on parle de
20 roquettes, qu'on parle de bombes, on parle de bombes à fragmentation, de
21 bombes lumineuses ou fluorescentes qui avaient été lancées de façon
22 intensive sur Kosare. Ensuite, des munitions contenant de l'uranium
23 appauvri. Et nous pouvons également voir les frappes aériennes qui ont lieu
24 sur la colonne de Meja, la colonne de réfugiés de Meja, puisque ceci
25 faisait partie de sa zone de responsabilité, étant que les unités
26 d'infanterie disposent de leurs propres zones de responsabilités,
27 contrairement aux unités de protection aériennes.
28 Q. Je vous remercie.
Page 11437
1 M. POPOVIC : [interprétation] J'aimerais que ce document soit versé au
2 dossier, s'il vous plaît.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
5 Juges, il s'agira de la pièce D00711.
6 M. POPOVIC : [interprétation]
7 Q. Mon Général, est-ce qu'il vous saviez au cours des années 1998, 1999
8 qu'il existait un plan dans le cadre de l'armée Yougoslave selon lequel il
9 fallait chasser la population albanaise du territoire du Kosovo-Metohija ?
10 R. Non, absolument pas, et je l'affirme avec beaucoup de fermeté. Je
11 n'avais jamais entendu parler d'un tel plan.
12 Q. Avez-vous jamais entendu parler, au cours des années 1998 et 1999, vu
13 ou entendu qu'il existait un quelconque plan ou un accord dans le cadre de
14 l'armée yougoslave selon lequel on voulait changer la structure ethnique au
15 Kosovo en chassant la population albanaise de ce territoire ?
16 R. Absolument pas, non. Voilà, je l'affirme fermement, tout comme je l'ai
17 dit tout à l'heure, je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque
18 personne, je n'ai jamais vu de tels plans par écrit, et je n'ai moi-même
19 pas eu de tels plans à mettre en œuvre. Je n'ai pas entendu d'ordres non
20 plus selon lesquels un tel plan pouvait exister. Donc, je rejette de façon
21 très ferme quelque possibilité que ce soit qu'un tel plan ait jamais pu
22 exister selon lequel on aurait souhaité changer la structure ethnique au
23 Kosovo-Metohija.
24 Q. Très bien. Merci. Mon Général, vous avez assisté à certaines réunions
25 en tant que commandant de la garnison, vous étiez présent lorsque des
26 représentants civils et du MUP étaient convoqués à ces réunions, est-ce que
27 vous les avez entendu parler d'un plan selon lequel on aurait souhaité
28 chasser les Albanais du Kosovo et ainsi changer la structure ethnique du
Page 11438
1 Kosovo ?
2 R. Absolument, jamais. Et au cours d'aucune réunion, lors d'aucune réunion
3 je n'ai entendu parler de telle chose. Je vous ai dit de quoi on traitait
4 lors de ces réunions, on parlait surtout de problèmes urgents, et c'est la
5 seule raison pour laquelle nous nous réunissions. Nous nous réunissions
6 seulement lorsque l'on pouvait se réunir, étant donné que nous avions
7 l'ennemi qui était dans l'air, qui effectuait des frappes aériennes, et
8 nous avions des forces terroristes siptar sur le terrain.
9 M. POPOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'en
10 ai terminé avec mon interrogatoire principal.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Popovic.Madame Kravetz.
12 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Contre-interrogatoire par Mme Kravetz :
14 Q. [interprétation] Bonjour, Mon Général.
15 R. Bonjour.
16 Q. A partir de la mi-1998 jusqu'à la fin de l'année 1999, vous étiez le
17 commandant de la 52e Brigade de roquettes et d'artillerie, et vous étiez
18 basé à Djakovica; est-ce exact ?
19 R. La ville de Djakovica, c'est exact.
20 Q. Vous nous avez également dit qu'en tant que commandant de cette
21 brigade, vous effectuiez des inspections régulières dans les unités, vous
22 vous rendiez dans les unités de cette brigade; est-ce exact ?
23 R. C'est tout à fait exact.
24 Q. Et vous vous rencontriez de façon fréquente, régulière avec les
25 représentants supérieurs de votre brigade, n'est-ce pas, il s'agissait de
26 commandants de bataillons et de commandants de brigades, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, non pas avec tous les supérieurs, mais avec les commandants et les
28 organes de commandement, les organes de commandement de façon quotidienne,
Page 11439
1 alors qu'avec les autres, dépendamment de la nécessité. Etant donné que
2 certaines divisions, et de par là, leurs commandants étaient assez
3 éloignés, par exemple, à Gnjilane à Pristina, à Kijevo, où se trouvaient
4 les divisions, c'est là que le commandement se trouvait également. C'est
5 donc la raison pour laquelle je me réunissais de façon régulière avec les
6 organes du commandement et, de temps en temps, et lorsque j'inspectais les
7 unités, je m'entretenais, bien sûr, avec les commandants de ces unités, je
8 m'entretenais également avec leurs supérieurs.
9 Q. Et où est-ce que ces réunions que vous aviez avec les officiers,
10 commandants, avaient-elles lieu ?
11 R. Jusqu'au début des frappes aériennes de l'OTAN, nous tenions ces
12 réunions au bureau du commandant, c'est-à-dire dans la caserne de Metohija
13 ou bien dans la caserne de Devet Jugovica, parce que notre unité était
14 déployée dans deux casernes dans la ville de Djakovica. Les réunions se
15 tenaient le plus souvent là où se trouvait mon bureau, c'est-à-dire dans la
16 caserne de Djakovica. Mais après les frappes aériennes, nous avons changé
17 d'endroit, nous changions d'endroit constamment.
18 Q. Donc, après les frappes aériennes de l'OTAN, votre poste de
19 commandement a changé et vous vous déplaciez, vous n'étiez pas toujours au
20 même endroit; est-ce exact ?
21 R. Oui, c'est exact.
22 Q. Monsieur, vous nous avez également dit que votre supérieur immédiat,
23 pendant que vous teniez ce poste de commandant de brigade, était le général
24 Lazarevic du commandement du Corps de Pristina; est-ce exact ?
25 R. Oui. Au début, c'était le général Patkovic. Mais à partir de la
26 nouvelle année, je crois, donc à partir de la fin de 1998, c'était le
27 général Vladimir Lazarevic.
28 Q. Merci. S'agissant du commandement principal du Corps de Pristina, le
Page 11440
1 poste de commandement principal du Corps de Pristina, il était bien situé à
2 Pristina, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, tout comme pour la brigade. Jusqu'au début de l'agression de
4 l'OTAN, c'était dans le bâtiment du Corps de Pristina, et après le début de
5 l'agression, il changeait également d'endroit, soit dans la ville ou à
6 l'extérieur de la ville.
7 Q. En tant que commandant de la brigade, est-ce que vous aviez pour
8 obligation d'envoyer des rapports réguliers au commandant du Corps de
9 Pristina, à savoir le général Pavkovic en 1998, ou au général Lazarevic en
10 1999 ? Est-ce que cela faisait partie de vos tâches et responsabilités ?
11 R. Oui. Nous informions ces derniers de façon quotidienne, nous envoyions
12 des rapports quotidiens, mais je dois dire que nous avions un avantage, car
13 à Djakovica pendant toutes ces périodes, le poste de commandement avancé du
14 Corps de Pristina se trouvait là, et nous pouvions apporter des télégrammes
15 en main propre. Donc, ceci est considéré comme étant une façon de rendre
16 compte des événements. Nous le faisions de cette façon-là.
17 Q. Et dans ces rapports, vous parliez des activités dans lesquelles des
18 unités étaient impliquées, s'il y avait des pertes ou autres, vous
19 décriviez les activités de votre unité, n'est-ce pas ?
20 R. Lorsqu'il s'agit des rapports de combat que nous envoyions de façon
21 quotidienne, il y avait une procédure à suivre. Je vous donne un exemple.
22 Au point 1, on décrivait les activités de l'ennemi. Au point 2, on
23 décrivait les activités de nos effectifs. Au point 3, on décrivait les
24 événements dont vous avez parlé tout à l'heure. Le dernier point portait
25 sur les munitions employées, sur le carburant employé, et au point 5, je
26 crois que c'était le dernier point où on parlait sur les axes de
27 communication, si on pouvait passer facilement sur la route, et ainsi de
28 suite. Donc, tout ce qui permettait à une unité de fonctionner de façon
Page 11441
1 normale.
2 Q. J'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur l'année 1999 lorsque
3 le général Lazarevic était le commandant du Corps de Pristina, outre
4 d'envoyer ces rapports de combat quotidiens, est-ce que vous avez également
5 assisté à des soumissions de briefings avec d'autres commandants de
6 brigade, ainsi qu'avec le général Lazarevic ?
7 R. C'était une ou deux fois, si je me souviens bien, au commandement à
8 Pristina. Donc, une fois ou deux fois, c'est arrivé que pendant toute cette
9 période de l'agression de l'OTAN, et je parle de l'année 1999, donc pendant
10 cette période, c'est arrivé deux fois que les commandants se trouvaient à
11 deux endroits différents, qu'il était très difficile d'arriver à Pristina,
12 et qu'il était dangereux de faire la route jusqu'à Pristina, et que les
13 commandants étaient principalement les responsables des actions diverses,
14 et que ces derniers effectuaient leurs tâches principales. Mais comme je
15 l'ai dit tout à l'heure, il était très risqué de prendre la route et de se
16 diriger en direction du Kosovo-Metohija, surtout après le début des frappes
17 aériennes de l'OTAN, mais avant également.
18 Q. Très bien. Merci, Monsieur. J'aimerais savoir si le général Lazarevic
19 effectuait également des inspections de ses unités qui étaient déployées
20 sur le terrain ? Est-ce qu'il allait également auprès de différentes
21 brigades ? Je parle, bien sûr, maintenant de la période de 1999.
22 R. Oui, bien sûr. On effectue d'abord un plan d'inspection des unités, et
23 lui aussi peut prendre la décision de faire inspection de ses propres
24 unités. Tout comme moi, je le faisais, lui aussi, il le faisait, et il le
25 faisait très souvent.
26 Q. Sur la base de vos contacts avec le général Lazarevic à l'époque,
27 puisque vous aviez travaillé ensemble, vous étiez le commandant de brigade
28 à l'époque, pourriez-vous nous dire qu'il était le commandant qui se tenait
Page 11442
1 informé des activités sur le terrain, des activités de ses unités ? Est-ce
2 que c'est une évaluation juste du comportement du général Lazarevic ?
3 R. Le général Lazarevic était le commandant que chacun des officiers
4 aurait aimé avoir comme commandant, dans tous les sens du terme.
5 Effectivement, il tenait énormément à la situation dans les unités. Il
6 voulait savoir ce qui se passait. Il tenait à recevoir des rapports. Il
7 voulait nous aider, donc il était doté de toutes les qualités qui se
8 trouvent chez une bonne personne et une personne honorable. C'était un
9 excellent officier et commandant.
10 Q. Serait-il juste de dire, sur la base de votre réponse, que le général
11 Lazarevic saurait s'il y avait eu une opération de grande envergure qui ait
12 eu lieu impliquant les unités du Corps de Pristina ?
13 R. J'appellerais ceci une action. Vous savez, lorsque vous parlez
14 d'"opération" il s'agit d'un terme très vaste. D'un point de vue militaire,
15 le terme "opération" entend un espace très élargi, beaucoup d'effectifs,
16 une action qui dure de 5 à 10 jours. S'agissant du Kosovo-Metohija, ce sont
17 des actions qui avaient eu lieu, et il n'y avait qu'une seule opération de
18 défense, et c'était l'opération de défense contre les frappes aériennes de
19 l'OTAN.
20 Q. Merci de m'avoir donner cette précision. Vous savez, je ne suis pas une
21 personne connaissant l'armée nécessairement. Alors, merci de ces
22 précisions.
23 J'aimerais maintenant savoir, s'agissant du général Lazarevic en tant que
24 commandant, serait-il juste de dire qu'il y avait des actions de grande
25 envergure qui impliquaient des unités du Corps de Pristina, et est-il juste
26 de dire que le général Lazarevic aurait su et aurait été au courant des
27 détails d'une telle action ?
28 R. Oui, il aurait été informé de cela, des conditions permettant de l'en
Page 11443
1 informer. Lorsque je dis ceci, j'entends par là le fait qu'il y avait des
2 journées qui, à cause des frappes aériennes de l'OTAN, ne permettaient pas
3 une telle communication puisque les moyens de communication étaient
4 détruits, ainsi que les estafettes ne pouvaient pas non plus se déplacer à
5 cause de ce bruit de communication. Chaque fois qu'il était possible de
6 l'en informer, il insistait pour être informé de tout ce qui se passait.
7 Mais il y avait des moments, il y avait des situations, même dans mon unité
8 à moi, qui ne me permettaient pas d'avoir des nouvelles de ma division qui
9 se trouvait soit à Kijevo ou à Gnjilane, par exemple.
10 Q. Merci. Vous avez parlé du poste de commandement avancé du Corps de
11 Pristina, et vous avez dit qu'il était cantonné dans Djakovica. J'aimerais
12 savoir si lorsque vous dites ceci, vous faites référence aux deux années, à
13 1998 et à 1999 ?
14 R. Oui, vous avez tout à fait raison, je pense à ces deux années-là. Je
15 parle de 1998 et de 1999.
16 Q. Très bien. Maintenant, en 1998, le général Lazarevic était le chef de
17 l'état-major principal du Corps de Pristina, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, c'est exact.
19 Q. Monsieur, est-il exact de dire qu'il était cantonné presque de façon
20 régulière et permanente au poste de commandement avancé du Corps de
21 Pristina à Djakovica au cours de cette période, et maintenant je parle de
22 l'année 1998 ?
23 R. Oui, c'est exact.
24 Q. Vous souvenez-vous qui était le chef de l'état-major principal du Corps
25 de Pristina ou qui est devenu chef de l'état-major principal du Corps de
26 Pristina en 1999 lorsque le général Lazarevic avait été promu commandant du
27 Corps de Pristina ?
28 R. Oui, il était promu au grade de général, mais il a occupé le poste de
Page 11444
1 commandant. C'est le poste qu'il occupait. Maintenant, le chef de l'état-
2 major était le colonel Veroljub Zivkovic. A partir de ce moment-là, il
3 s'est trouvé à Djakovica.
4 Q. Merci. Donc, lorsque le général Zivkovic est devenu chef de l'état-
5 major, il était cantonné au poste de commandement avancé du Corps de
6 Pristina à Djakovica; est-ce exact ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Et le but de ce poste de commandement avancé, était-il de suivre la
9 situation sur le terrain de très près et d'effectuer également un contrôle
10 sur les zones frontalières, par exemple ?
11 R. Vous avez tout à fait raison. Selon les lois militaires, on peut voir,
12 s'agissant des axes les plus en péril, qu'il fallait poser des postes de
13 commandement avancés où l'on peut placer comme commandant, soit un
14 commandant, ou un commandant adjoint ou un officier pour lequel on estime
15 que c'est un professionnel ayant suffisamment d'expérience et qui soit
16 habilité à prendre des décisions.
17 Q. Lorsque vous dites que le commandant se trouvait normalement au poste
18 de commandement avancé, à qui faites-vous référence ? S'agissait-il du
19 colonel Zivkovic ou est-ce que vous entendez par là quelqu'un d'autre ?
20 R. Je vous ai donné une réponse théorique. S'agissant du poste de
21 commandement avancé, si le commandant se présente au poste de commandement
22 avancé, le poste de commandement avancé devient automatiquement un poste de
23 commandement. Le poste de commandement avancé est toujours placé là où il y
24 a eu plus de problèmes, et normalement c'est le chef de l'état-major qui
25 s'y trouve. Tout comme le général Lazarevic s'est trouvé jusqu'au jour où
26 il ne devienne commandant du corps d'armée. C'est ainsi que le colonel
27 Zivkovic, qui plus tard est devenu général, il s'est trouvé pendant toute
28 cette période à Djakovica.
Page 11445
1 Q. Merci. Vous nous avez également dit que le général Lazarevic inspectait
2 de façon régulière les unités sur le terrain. J'imagine également,
3 Monsieur, que si le besoin s'était présenté, il serait également venu au
4 poste de commandement avancé à Djakovica ?
5 R. Chaque fois que le général Lazarevic se présentait pour inspecter les
6 unités à Djakovica, il se présentait régulièrement au poste de commandement
7 avancé, et c'est à ce moment-là que nous, les commandants, nous venions là
8 également, nous les commandants qui étions les plus proches de Djakovica.
9 Alors il s'agissait de moi, du commandant du bataillon frontalier, donc les
10 personnes qui se trouvent tout près de cet endroit-là.
11 Le général Lazarevic ne s'est jamais présenté au poste de commandement
12 avancé ni à Djakovica, sans que j'en aie connaissance. Les lois militaires
13 exigent qu'un commandant de brigade doit avoir connaissance du fait qu'un
14 commandant du corps d'armée vient dans sa région, même si ce dernier peut
15 se présenter quand il veut, et ce, à l'improviste.
16 Q. Très bien. Merci. Après que les frappes aériennes de l'OTAN aient
17 commencé en 1999, est-ce que le poste de commandement avancé à Djakovica
18 s'est déplacé de la même façon que le commandant du Corps d'armée de
19 Pristina s'est déplacé, comme vous nous l'avez expliqué tout à l'heure ?
20 R. Oui. Oui, oui, ils sont partis de la caserne Devet Jugovica où ils se
21 trouvaient avant l'agression de l'OTAN, et le poste de commandement avancé
22 a également changé de place, tout comme moi, je changeais de place pour mon
23 commandement avancé. Ils s'étaient également déplacés. Donc, c'est le même
24 principe de chaque unité de changer d'endroits de façon régulière.
25 Q. Très bien. D'après votre réponse, je crois comprendre qu'il n'y avait
26 pas un endroit fixe, le poste de commandement avancé n'était pas situé à un
27 endroit fixe après le début des frappes aériennes de l'OTAN, et je parle
28 maintenant, bien sûr, du poste de commandement avancé de Djakovica ?
Page 11446
1 R. Voyez-vous, ce poste de commandement avancé changeait d'endroits, mais
2 moins souvent que mon poste de commandement avancé à moi, mais eux non
3 plus, ils ne se sont pas trouvés toujours au même endroit. Ils ont changé
4 d'endroits.
5 Q. Très bien. Merci. Hier, au cours de votre témoignage, on vous a montré
6 le journal de guerre de votre brigade. Je ne vais pas maintenant demander
7 l'affichage de cette pièce à l'écran, mais j'aimerais vous demander si vous
8 vous souvenez d'en avoir parlé avec mon éminent confrère, vous souvenez-
9 vous d'avoir vu ce journal de guerre de votre brigade ?
10 R. Oui. Oui, bien sûr, je m'en souviens.
11 Q. Si j'ai bien compris votre déposition hier, je crois que vous avez dit
12 que tous les événements importants concernant votre brigade étaient
13 consignés dans ce journal de guerre, n'est-ce pas ?
14 R. Pour la plupart, oui. Mais ils pouvaient arriver d'omettre un événement
15 aussi, mais pour la plupart je peux dire que oui.
16 Q. Donc, ceci pouvait également comprendre des pertes essuyées par votre
17 brigade ou des activités dans lesquelles votre brigade était déployée, des
18 attaques ou des incidents qui concernaient les unités de votre brigade,
19 n'est-ce pas ? C'est le genre d'information que vous entriez dans ce
20 journal de guerre, n'est-ce pas ?
21 R. Pour la plupart, oui.
22 Q. Il y a quelques instants nous avons parlé des comptes rendus que vous
23 envoyiez au Corps de commandement de Pristina. Dans ces rapports envoyés à
24 vos supérieurs, est-ce que ces informations correspondaient aux
25 informations qui se trouvaient dans le journal de guerre de votre brigade ?
26 R. Non, pas complètement, et ce n'est pas nécessaire non plus. Ce n'est
27 pas nécessaire que ce soit fait en totalité, puisque le formulaire, la
28 façon de procéder lorsqu'on envoie un rapport de guerre, est strict,
Page 11447
1 strictement établi. Il faut tenir compte de la procédure, alors qu'un
2 journal de guerre, il n'est pas de façon précise. On peut tout dire.
3 Q. Excusez-moi, je vais reformuler ma question. Je vous interromps ici.
4 Les rapports que vous envoyiez à vos supérieurs, est-ce que ces
5 rapports correspondaient de façon générale à l'information qui est comprise
6 dans le journal de guerre ? Je parle maintenant des activités, par exemple
7 les pertes essuyées par la brigade, les événements, les activités, et
8 cetera, et cetera. Je comprends que la façon de rédiger les deux est
9 différente, mais est-ce que les informations correspondaient ?
10 R. Oui. Pour la plupart, oui. On pouvait des fois omettre quelque chose,
11 c'est possible également, mais pour la plupart, oui. Je dois également
12 ajouter que, par exemple dans le journal de guerre, on ne parlait pas de la
13 quantité de munitions employée, de la quantité de carburant employée, quel
14 était l'état de l'axe, des routes, et cetera. Cela faisait partie,
15 toutefois, du rapport de combat régulier, alors que les événements-clés de
16 la brigade étaient certainement écrits dans ce journal de guerre.
17 Mais le problème est le suivant. C'est qu'un rapport de combat devait être
18 envoyé de façon régulière, et ce, avant 16 heures. A 16 heures, nous
19 devions absolument remettre un rapport de combat. Et si un événement
20 s'était déroulé après 16 heures ce jour-là, alors à ce moment-là cet
21 événement ne faisait pas partie du rapport de combat pour cette journée-là.
22 Et pour ce qui est du journal de guerre, les choses sont bien différentes.
23 Un journal de guerre n'était pas envoyé nulle part. Il était tout le temps
24 présent au commandement, de façon à ce que les événements pouvaient être
25 décrits dans le journal de guerre sans que, pour autant, il fasse partie du
26 rapport de combat régulier.
27 Q. Juste une dernière question avant la pause, pour en terminer avec ce
28 sujet. Vous nous dites que si quelque chose se passait après 16 heures,
Page 11448
1 cela n'est pas consigné dans le rapport quotidien, mais cela serait quand
2 même consigné dans le journal de guerre. Mais je crois comprendre, donc, vu
3 la façon dont vous établissiez les rapports, cela faisait l'objet du
4 rapport du lendemain, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, oui. Si c'était un événement qui avait une importance.
6 Q. Je vous remercie.
7 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je pense que nous pouvons maintenant faire
8 la première pause.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons faire la
10 pause, et nous reprendrons à 16 heures 15.
11 [Le témoin quitte la barre]
12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 19.
14 [Le témoin vient à la barre]
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
16 Madame Kravetz.
17 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Q. Alors, hier vous nous avez dit lors de votre déposition que, outre le
19 fait que vous étiez commandant de la brigade, vous étiez également
20 commandant de la garnison de Djakovica, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, c'est cela.
22 Q. Et vous nous avez dit qu'en 1998 et 1999, de temps à autre, pour
23 résoudre certaines questions précises, vous aviez des réunions avec le
24 président de la municipalité et le chef du SUP
25 R. Oui, c'est ce que j'ai dit, effectivement.
26 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom du chef du SUP
27 1998, vous vous souvenez de qui il s'agissait ?
28 R. Son nom de famille était Adamovic. Ça, c'était l'année 1998. Je me
Page 11449
1 souviens pas de son prénom, mais je sais que son nom de famille était
2 Adamovic.
3 Q. Est-ce que la personne à laquelle vous faites référence serait, par
4 hasard, M. Dusko Adamovic; c'est à lui que vous faites référence ?
5 R. Oui, peut-être Dusko. Je suis sûr que son nom de famille était
6 Adamovic, et je sais qu'il a quitté ce poste à la fin de l'année.
7 Q. Et lorsqu'il est parti à la fin de l'année 1998, est-ce que vous vous
8 souvenez du nom de la personne qui l'a remplacé ?
9 R. Oui, je me souviens. Il a été remplacé par son adjoint, le colonel
10 Milovan Kovacevic.
11 Q. Et est-ce que le colonel Kovacevic est resté chef du SUP
12 pendant toute la période de la campagne de bombardement de l'OTAN ?
13 R. Oui.
14 Q. Hier, et cela figure à la page 11 318 du compte rendu d'audience, vous
15 nous avez dit qu'en 1999 vous aviez eu des réunions avec ces personnes,
16 donc le chef du SUP de Djakovica, ainsi que le président de la
17 municipalité, et vous avez dit que vous les rencontriez de temps à autre
18 pour régler certaines questions spécifiques. Vous vous souvenez avoir dit
19 cela ?
20 R. Oui, je m'en souviens.
21 Q. Et puis à la page suivante, donc 11 382, la première page étant 11 381,
22 vous avez dit qu'il s'agissait de réunions très, très, très brèves, très
23 succinctes; parfois vous ne vous asseyiez même pas, vous restiez debout. Et
24 en fait, les réunions ne portaient pas sur les activités ou les tâches
25 d'autrui. Vous vous souvenez avoir dit cela ?
26 R. Oui, oui, c'est ce que j'ai dit.
27 Q. Donc, je crois comprendre d'après votre déposition d'hier que vous
28 rencontriez le président de la municipalité ainsi que M. Kovacevic,
Page 11450
1 puisqu'il s'agit de l'année 1999, et que chaque fois que le besoin s'en
2 faisait sentir, vous les rencontriez, vous aviez ce type de réunions, mais
3 cela ne se faisait pas régulièrement, c'était seulement lorsque le besoin
4 s'en faisait sentir, n'est-ce pas ?
5 R. Oui, c'est exact.
6 Q. Il n'y avait pas d'échange d'information lors de ces réunions à propos
7 des activités que vous effectuiez ou que le MUP effectuait, vous ne
8 procédiez pas à un échange d'information portant sur les tâches effectuées
9 par les uns et les autres ?
10 R. Non, non, c'était, comme je vous l'ai dit, des réunions très brèves. En
11 fait, nous nous réunissions seulement pour traiter le problème du moment.
12 Et de toute façon, nous n'étions pas tous toujours présents. Parfois, il
13 n'y avait que le président de la municipalité et moi-même. D'autres fois,
14 c'était le président de la municipalité et M. Kovacevic. Donc, nous nous
15 réunissions afin de régler un problème bien particulier, et nous nous
16 attelions pas à d'autres tâches. De toute façon, nous n'avions pas le temps
17 de le faire et nous ne nous intéressions pas aux autres activités.
18 Q. Est-ce que vous vous souvenez du nom du président de la municipalité en
19 1999 ? Qui était-il ?
20 R. Je pense que son prénom était Milan ou peut-être Momcilo, mais
21 son nom de famille était Stanojevic. Je pense, en fait, qu'il s'agit de M.
22 Momcilo Stanojevic.
23 Q. Hier, lorsque vous avez fait référence à ces réunions, vous avez
24 indiqué que vous parliez de questions telles que l'adduction d'eau,
25 l'approvisionnement en électricité, ce genre de choses, n'est-ce pas ?
26 R. Oui, essentiellement.
27 Q. Vous nous avez dit que vous aviez témoigné dans l'affaire Milosevic, et
28 je voulais vous donner lecture d'un extrait de cette déposition, c'est M.
Page 11451
1 Milosevic qui vous pose des questions à propos de ces réunions, donc. Vous
2 souvenez-vous avoir répondu à cette question qui vous avait été posée
3 concernant les réunions que vous aviez avec le chef de la municipalité ?
4 R. Je ne me souviens pas de cette question précise, mais si cela était
5 consigné au compte rendu d'audience, je suis sûr que cela n'a pas été
6 inventé.
7 Q. Bien. Le passage en question commence à la page 45 405, et M. Milosevic
8 vous pose des questions à propos d'événements dans la municipalité de
9 Djakovica. Il vous pose des questions à propos d'un massacre qui avait eu
10 lieu le 26 mars 1999, un massacre qui s'était déroulé dans une rue :
11 "Et vous étiez commandant de la garnison de Djakovica à l'époque ?"
12 C'est la question qui vous est posée.
13 Et vous répondez : "Oui. Oui, j'étais commandant de la garnison, et
14 j'ai eu à ce sujet des réunions, une réunion avec le président de la
15 municipalité, ainsi qu'avec le chef du ministère de l'Intérieur."
16 Puis par la suite, on vous pose une autre question, et on vous dit :
17 "Lorsque vous dites que vous aviez une réunion, est-ce qu'il
18 s'agissait de réunions régulières, en tant que commandant de la garnison ?"
19 Vous répondez par l'affirmative.
20 Et ensuite, on vous demande si vous aviez des réunions régulièrement
21 avec les chefs de la police civile et d'autres chefs au niveau de la
22 municipalité de Djakovica.
23 Vous répondez par l'affirmative. Vous dites :
24 "Nous avons eu des réunions de temps à autre. Lorsque le besoin s'en
25 fait sentir."
26 "Quelle était la fréquence de ces réunions ?"
27 Et vous dites : "Dépendant de la situation, environ deux ou trois
28 fois par semaine." Et vous indiquez : "Nous échangions des informations et
Page 11452
1 je n'ai jamais reçu d'information à ce sujet m'indiquant que ce type
2 d'événement avait eu lieu dans cette ville."
3 Vous vous souvenez avoir dit cela, Monsieur, lors de votre déposition ?
4 R. Je pense que c'est effectivement ce que j'ai dit. Si cela a été
5 consigné, oui, je pense que c'est exactement ce que j'ai dit. Toutefois,
6 j'aimerais ajouter quelque chose. Lorsque je parle de "réunions", j'avais
7 un officier au sein de mon unité qui s'occupait des affaires de la
8 garnison. Il s'agissait du commandant Zdravko Vinter. Lui se rendait
9 beaucoup plus fréquemment à ces réunions lorsque cela était nécessaire, si
10 la réunion portait sur des questions relatives à la ville. Voilà ce que
11 j'entendais, en fait. Mais ce que j'ai dit est vrai.
12 Q. A la page suivante de ce compte rendu d'audience, page 45 406, on vous
13 pose des questions à propos du même événement auquel j'ai fait référence,
14 et M. Milosevic vous pose la question suivante :
15 "Est-ce que quelque chose de ce style aurait pu se passer sans que
16 vous soyez informé ?"
17 Vous répondez :
18 "Non, cela n'aurait pas pu se passer sans que j'en sois informé. J'en
19 aurais été informé soit par le chef de la municipalité soit par le chef de
20 la police à Djakovica."
21 Vous souvenez-vous avoir dit cela, Monsieur ?
22 R. En ce qui concerne le président de la municipalité et le chef du SUP,
23 je ne pensais pas à eux personnellement. Moi, en tant que commandant de mon
24 unité, j'avais toujours quelqu'un qui pouvait me remplacer. Donc, je
25 n'attendais pas que le président de la municipalité devait m'appeler
26 personnellement, ou que Milan Kovacevic devait m'appeler, moi,
27 personnellement. Ce que je voulais dire, c'était que l'un de mes officiers
28 aurait appris par la municipalité ou par le MUP que ce type d'événement
Page 11453
1 s'était déroulé. Ce n'est pas que je les rencontrais tous les jours ou que
2 j'avais l'occasion, d'ailleurs, de les rencontrer tous les jours.
3 Q. Mais vous avez toutefois dit que ce type d'événement n'aurait pas pu se
4 produire sans que vous, vous en auriez été informé par le président de la
5 municipalité ou le chef de la police à Djakovica. Vous indiquiez qu'il
6 s'agissait de renseignements que vous, vous auriez obtenus d'eux ?
7 R. C'est ce que je continue à penser. Si quelque chose de ce style s'était
8 produit, je l'aurais appris, j'en aurais été informé. Je vous ai déjà dit
9 qu'il y avait plusieurs de mes officiers qui habitaient à Djakovica, et ils
10 auraient entendu cette information, par exemple, et j'aurais été mis au
11 courant. Après en avoir été informé, j'en aurais notifié mes supérieurs.
12 Toutefois, je n'ai reçu aucune information à propos de ces événements
13 allégués. Je n'ai absolument pas été informé de ce type d'information.
14 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que les microphones soient
15 éteints, à l'exception du microphone du témoin.
16 Mme KRAVETZ : [interprétation]
17 Q. La déposition que vous avez faite à propos de ces réunions que vous
18 aviez avec le président de la municipalité, le chef de Djakovica, est assez
19 différente de la déposition d'hier. Vous avez dit que les réunions étaient
20 régulières, que vous procédiez à un échange d'information. Vous avez même
21 suggéré que les informations relatives aux crimes étaient échangées lors de
22 ces réunions.
23 R. Lorsque je parle d'échange d'information relative aux crimes, ce que je
24 voulais dire c'est que s'il y avait eu des informations à propos de crimes,
25 je l'aurais appris. Soit les organes municipaux m'en auraient informé soit
26 mes officiers qui étaient en ville m'auraient tenu informé.
27 Je n'ai absolument aucune connaissance de ces crimes, et je ne pense
28 pas avoir dit que j'avais été informé de ces crimes à l'époque.
Page 11454
1 Q. Oui, mais Monsieur, moi, je vous parle de la déposition que vous avez
2 faite à propos de ces réunions. Au vu de votre déposition précédente,
3 conviendriez-vous que ces réunions n'étaient pas occasionnelles, mais
4 qu'elles étaient régulières et qu'elles se produisaient parfois à une
5 fréquence de deux à trois fois par semaine ?
6 R. Non, non. Moi, avec le chef du MUP et le président de la municipalité,
7 non, je n'avais pas de réunions deux à trois fois par semaine.
8 Q. Oui, mais lors de votre déposition précédente, vous n'avez absolument
9 pas fait cette différence. Lorsqu'on vous a demandé, est-ce que vous les
10 rencontriez, vous avez dit : "Oui, nous avons eu des réunions, et nous
11 échangions des renseignements." C'est ce que vous avez dit, et vous parliez
12 de vous, de vous-même. Vous parliez de vous qui participiez à ces réunions.
13 R. A l'époque, j'ai dit que ces réunions avaient lieu de temps à autre, ou
14 alors je n'ai pas bien compris l'interprétation. Peut-être qu'il y a eu un
15 manque d'attention.
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vois que mon estimé confrère souhaite
17 intervenir.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Popovic.
19 M. POPOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Mais à propos de cette
20 question justement, et bien que nous ayons déjà obtenu une réponse, je
21 pense quand même à l'extrait qui nous a été lu par Mme Kravetz, la réponse
22 a été que deux ou trois réunions étaient tenues, mais le témoin n'a jamais
23 dit que lui avait participé personnellement à ces réunions. C'est la raison
24 pour laquelle je soulève une objection quant à la formulation de la
25 question.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est quelque chose sur lequel vous
27 pourrez revenir lors des questions supplémentaires. Je vous remercie.
28 Je vous en prie, Madame Kravetz, poursuivez.
Page 11455
1 Mme KRAVETZ : [interprétation]
2 Q. Pour en terminer avec ces réunions, vous nous avez dit hier qu'il n'y
3 avait pas d'échange d'information à propos des tâches des autres personnes
4 présentes à la réunion, mais vous avez quand même dit auparavant que le but
5 de ces réunions était de procéder à un échange d'information quand même,
6 n'est-ce pas ?
7 R. Mais non, le but n'était pas seulement d'échanger des informations. Par
8 exemple, je recevais des informations du chef du MUP, des informations à
9 propos de certains de mes soldats qui avaient fait des tentatives de viol à
10 Crmljan, par exemple. J'étais informé de cette information parce qu'il y
11 avait à Crmljan, justement, une unité de la police, puis un peu plus loin
12 il y avait une de mes unités. Donc, ces unités étaient séparées. Elles
13 avaient des fonctions et des tâches tout à fait différentes. Mais les
14 habitants se sont plaints auprès du commandant de la police qui se trouvait
15 là. Le chef du MUP m'a appelé et m'a informé de la situation. Alors, le
16 premier élément d'information que j'ai obtenu à propos de cette tentative
17 de viol émanait de lui. Voilà ce que j'entendais lorsque je vous ai parlé
18 d'échange d'information.
19 Q. Donc, ces réunions ne traitaient pas seulement du réapprovisionnement
20 ou des systèmes d'adduction d'eau, par exemple, mais ils portaient
21 également sur les crimes qui avaient pu être commis en ville, n'est-ce pas,
22 cela était discuté lors de ces réunions ?
23 R. Non, non. Non, non. Il m'a appelé sur-le-champ par téléphone lorsqu'il
24 a eu cette information. Il n'a pas attendu la réunion qui devait avoir lieu
25 le lendemain. Il m'a appelé de suite pour me dire que mes soldats avaient
26 essayé de violer deux femmes albanaises à Crmljan. Donc, il ne s'agissait
27 pas de collecter des informations pour pouvoir les présenter lors d'une
28 réunion. Dès qu'il a appris cette information, il m'a appelé. C'est lui qui
Page 11456
1 m'a immédiatement transmis cette information au vu des circonstances et de
2 l'importance de cet événement qui était loin d'être un événement ordinaire.
3 Q. J'aimerais vous poser une dernière question à ce sujet. Lorsque vous
4 avez répondu à M. Milosevic, vous avez dit, en réponse à sa question, que
5 si des événements graves s'étaient produits, vous l'auriez appris de la
6 part du chef du SUP ou du président de la municipalité, parce que cela
7 s'inscrivait dans le cadre de l'échange d'information entre vous trois.
8 R. Je continue à croire que si un événement de ce style s'était déroulé et
9 que si d'aucuns en avaient été informés, je continue à croire qu'il
10 m'aurait informé. Parce qu'il faut informer les autres de crimes. Lorsque
11 j'étais mis au courant de crimes, j'ai toujours pris des mesures, j'ai
12 informé mes supérieurs. Je ne souhaite pas m'écarter de cette règle, car je
13 continue à croire que s'il y a crime, il faut qu'il y ait information.
14 Q. Vous nous dites que si vous étiez informé de crimes qui ont été commis
15 par des officiers du MUP, vous en aurez informé le chef du SUP
16 pas ?
17 R. Oui, bien sûr que je l'aurais fait.
18 Q. Je vais m'écarter de ce sujet, Monsieur, et j'aimerais vous présenter
19 une pièce qui vous a déjà été montrée hier.
20 Mme KRAVETZ : [interprétation] Il s'agit de la pièce D687. Est-ce que cette
21 pièce pourrait être affichée à l'écran.
22 Q. Il s'agit d'une déclaration que vous avez faite à l'attention de la
23 Commission chargée de la coopération avec le TPIY. Vous souvenez-vous avoir
24 examiné cette déclaration hier et avoir répondu aux questions qui vous ont
25 été posées par mon éminent confrère ?
26 R. Oui.
27 Q. J'aimerais juste obtenir une précision de votre part à propos de cette
28 déclaration. Je ne sais pas si cette précision était apportée hier. Il
Page 11457
1 s'agit de la date, car vous voyez que dans la version serbe la date est la
2 date du 28 décembre 2002, alors que dans la version anglaise la date est la
3 date du 28 novembre 2002. Quelle est, des deux, la date exacte ? Est-ce que
4 vous vous souvenez si cela s'est passé en décembre ? Est-ce que c'est en
5 décembre, tel que cela est consigné dans la version serbe, que vous avez
6 fait cette déclaration à la commission ?
7 R. Je pense que c'était en décembre, bien que je n'en sois pas absolument
8 sûr. Je ne vois pas pourquoi j'aurais dit les choses de façon différente.
9 Q. Quand on vous a demandé comment il se faisait que vous avez fait cette
10 déclaration, vous avez dit que vous aviez été convoqué à un entretien par
11 la Commission chargée de la coopération avec le TPIY ?
12 R. Oui.
13 Q. Et vous avez dit qu'on vous avait montré un livre qui avait été publié
14 par le Centre pour le droit humanitaire ?
15 R. Oui, oui, c'est exact.
16 Q. Et ce centre pour le droit humanitaire est une institution qui se
17 trouve à Belgrade, qui est dirigée par Natasha Kandic ?
18 R. Je ne sais pas où se trouve le siège du Centre du droit humanitaire.
19 Natasha Kandic, et cela je l'ai vu dans la presse, est la directrice de ce
20 centre. Je ne savais pas grand-chose à propos de ce centre du droit
21 humanitaire avant que cet ouvrage ne soit publié.
22 Q. Dans votre déclaration, il est indiqué que ce rapport auquel vous avez
23 fait référence comme étant un livre était appelé : "Kosovo, dit comme vu",
24 "As Seen, As Told" en anglais.
25 R. Oui, je pense que c'est effectivement le titre de l'ouvrage.
26 Q. Je crois comprendre qu'on vous a montré des extraits de ce livre qui
27 portaient justement sur les événements que vous décrivez dans votre
28 déclaration ?
Page 11458
1 R. Oui, oui, oui. On a montré d'autres commandants en vue d'autres choses.
2 On leur a présenté d'autres choses. Ils nous ont indiqué certains passages
3 du livre.
4 Q. Pour bien comprendre comment cette déclaration a été faite, on vous a
5 montré des extraits de ce livre, qu'est-ce qu'on vous a demandé de faire
6 après ?
7 R. Ils m'ont demandé de lire certains paragraphes et décrire ce dont je me
8 souvenais à propos de certains événements.
9 Q. Et dans l'affaire Milosevic, lorsque vous avez témoigné à ce sujet,
10 page 45 627, vous avez également indiqué que vous aviez eu ce livre chez
11 vous pendant deux jours, que vous l'avez parcouru et que vous avez parcouru
12 surtout les pages qui portaient sur Djakovica, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, c'est exact.
14 Q. Est-ce que vous savez, Monsieur, que cet ouvrage publié par le Centre
15 du droit humanitaire était une traduction serbe d'un rapport qui avait été
16 publié quelques années auparavant sous le même titre et qui avait été
17 publié par l'OSCE ?
18 R. Oui, oui, je le suppose. Oui. Oui, oui. Je suppose, effectivement,
19 qu'il s'agissait d'une traduction.
20 Q. Et vous avez vu la couverture qui dit : Service chargé des droits de
21 l'homme à l'OSCE ?
22 R. Je n'ai pas fait attention, mais je vous crois sur parole, pourquoi
23 pas.
24 Q. Et je suppose que lorsque vous avez lu le passage consacré à Djakovica
25 dans ce rapport, vous vous êtes rendu compte qu'il y avait des indications
26 dans ce rapport qui s'appuyaient sur des déclarations faites par des
27 réfugiés qui s'étaient enfuis du Kosovo pendant les événements survenus en
28 1999 ?
Page 11459
1 R. Je pense qu'il y avait certaines initiales dans les notes de bas de
2 page. Et effectivement, il était indiqué que c'étaient des déclarations
3 faites par des réfugiés qui étaient venus du Kosovo-Metohija.
4 Q. Et est-ce que c'étaient des déclarations faites par des Kosovars,
5 faites par des Albanais du Kosovo, qu'on trouvait dans ce rapport, c'est
6 bien cela, qui étaient ces personnes citées dans le chapitre consacré à
7 Djakovica dans ce rapport ?
8 R. Je ne me souviens pas de l'identité de ces personnes. Mais,
9 effectivement, il était dit qu'il s'agissait d'Albanais de souche du
10 Kosovo-Metohija.
11 Q. Regardons cette déclaration, vous l'avez parcourue avec mon estimé
12 confrère, si je me souviens bien, hier. Je pense plus précisément à la
13 partie où on dit : La nuit, lorsque l'agression de l'OTAN a commencée…", et
14 ainsi de suite. Vous aviez confirmé que c'est là que vous étiez au moment
15 où a commencé la campagne de bombardement de l'OTAN, n'est-ce pas ?
16 R. C'est exact.
17 Q. Et nous parlons de la nuit du 24 mars 1999 ?
18 R. Oui, c'est ce jour-là qu'a débuté l'agression.
19 Q. Restons toujours à examiner cette déclaration. Vous avez dit hier qu'à
20 partir du mont Cabrat, vous avez vu des bâtiments en proie aux flammes dans
21 la vieille ville de Djakovica, dans la rue Katolicka; vous vous en souvenez
22 ?
23 R. Oui. Et je vous ai dit ce que j'avais vu. Effectivement, vous venez de
24 le dire.
25 Q. Et vous avez conclu, avez-vous dit que l'incendie était le fait des
26 bombardements, était causée par les bombardements de l'OTAN ?
27 R. Oui, c'est bien ce que j'ai déclaré.
28 Q. Prenons la page 2 de votre déclaration, premier paragraphe en anglais,
Page 11460
1 vous dites ceci, comme vous avez vu les tirs depuis la hauteur, il vous
2 était impossible de tirer des conclusions sur l'origine des incendies qui
3 se produisaient dans la rue Katolicka ?
4 R. Il ne m'était pas possible de le voir, mais j'ai pu tirer mes propres
5 conclusions, parce qu'avant cela, j'avais entendu l'explosion.
6 Q. Et vous étiez, en fait, dans un abri que vous occupiez sur le mont
7 Cabrat cette nuit-là, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, mais c'était un abri souterrain. On pouvait entendre ce qui se
9 passait à l'extérieur, mais on ne pouvait rien voir, il fallait sortir pour
10 jeter un coup d'œil pour ce faire.
11 Q. Mais vous avez dit, je lis "mais je suppose que ça a été une
12 conséquence des tirs de l'aviation de l'OTAN."
13 Je suppose que ce n'était pas une connaissance immédiate personnelle que
14 vous mentionnez là, vous n'avez pas vu les incendies, vous n'avez pas vu
15 que ces incendies de la rue Katolicka avaient été provoqués par les bombes
16 de l'OTAN ?
17 R. Mais je vous ai dit que j'avais entendu une explosion et qu'après j'ai
18 vu la rue en proie aux flammes. Et je suppose que l'incendie s'est déclaré
19 à cause de frappes aériennes de l'OTAN.
20 Q. Mais sommes-nous d'accord pour dire que c'est là uniquement,
21 simplement, une supposition que vous faisiez, que ces incendies avaient été
22 provoqués par les bombes de l'OTAN ?
23 R. J'en ai discuté avec mes officiers subordonnés qui, eux, avaient vu
24 cela se passer. Moi, qui étais dans le refuge, je n'ai pas vu le moment où
25 la bombe est tombée dans la rue Katolicka, même si je l'ai entendu tomber,
26 et j'ai bien vu la rue Katolicka en proie aux flammes. Mais tout près de
27 moi, il y avait un officier qui a fait une déclaration et je lui ai
28 demandé, lui, ce qu'il avait vu, et il m'a répondu qu'il avait vu des
Page 11461
1 avions de l'OTAN bombarder. Et vu le temps ou l'heure qu'il avait indiquée
2 et partant de mes propres observations, j'ai supposé que c'étaient les
3 frappes aériennes de l'OTAN qui avaient provoqué les incendies de la rue
4 Katolicka.
5 Q. Vous, vous avez vu personnellement les incendies ?
6 R. Oui. J'ai vu de mes propres yeux ces incendies.
7 Q. Mais vous n'avez pas de connaissance personnelle directe de ce qui
8 s'est passé dans cette rue ?
9 R. Mais je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire quand vous dites
10 "une connaissance directe ou personnelle". Qu'est-ce que vous voulez dire ?
11 Q. Mais je parle de ce que vous auriez vu de vos propres yeux, et c'est
12 une question qui entraîne une réponse simple, par oui ou par non.
13 R. Personnellement, je n'ai pas vu la bombe tomber, toucher terre, mais je
14 l'ai entendue, après quoi j'ai vu la rue Katolicka en proie aux flammes.
15 Q. Mais vous avez dit que vous aviez entendu une explosion; c'est bien
16 cela, n'est-ce pas ?
17 R. Exactement, précisément.
18 Q. Et quand vous étiez sur la colline, vous avez vu les incendies ?
19 R. Bien sûr.
20 Q. Et c'est tout ce que vous savez personnellement ?
21 R. Mais j'ai connaissance, personnellement, de ce qu'ont dit mes officiers
22 subordonnés.
23 Q. Je vous demande ce que vous, vous saviez personnellement, pas ce que
24 savais vos subordonnés.
25 R. Fort bien. C'est comme vous dites.
26 Q. Cette déclaration, elle a été recueillie en décembre 2002. A ce moment-
27 là, le procès intenté à Slobodan Milosevic se déroulait toujours à La Haye,
28 n'est-ce pas ?
Page 11462
1 R. Je ne me souviens pas. Mais je me souviens que j'ai comparu en tant que
2 témoin en 2005. Mais je ne me souviens vraiment pas de la date de début de
3 son procès.
4 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la date de l'arrestation de M.
5 Milosevic ? Je suppose que ça a fait la une des journaux dans votre pays ?
6 Ça a bénéficié d'une large couverture médiatique, n'est-ce pas ?
7 R. Bien sûr. Tout le monde en parlait. Ça a fait la une de tous les
8 médias.
9 Q. Et vous vous souvenez de cette date, de son arrestation ?
10 R. Je pense que ça s'est passé en mars ou en avril, fin mars, début avril
11 peut-être de 2000 ou 2001. Non, non, pas de l'an 2000. C'est s'est passé
12 sans doute en 2001.
13 Q. Parlons de l'acte d'accusation dressé contre M. Milosevic. Savez-vous
14 qu'il comprenait des allégations concernant la destruction de la vieille
15 ville de Djakovica ?
16 R. Il y a toutes sortes d'allégations depuis le péché originel dans l'acte
17 d'accusation dressé contre Milosevic, notamment à propos de Djakovica.
18 Q. Je suppose que vous avez répondu de façon affirmative à ma question.
19 Est-ce que vous savez que ce qu'on a appelé la Commission chargée de la
20 coopération avec le TPIY, que cette commission a été établie par le général
21 Pavkovic ?
22 R. Je ne sais pas qui l'a constituée. En tout état de cause, moi j'ai
23 suivi les ordres.
24 Q. Et est-ce que vous vous souvenez, ne serait-ce que de façon
25 approximative, de la date de création de cette commission ?
26 R. Je suppose que ça s'est passé avant ma citation à comparaître, mais je
27 ne pourrais pas vous dire la date exacte de la constitution de cette
28 commission.
Page 11463
1 Q. Fort bien. A la fin de la déclaration, vous dites que :
2 "Je n'avais rien à voir avec la destruction, ni moi ni mon unité, par
3 rapport à cette destruction supposée de cette partie-là de la ville de
4 Djakovica, ni du lieu de culte."
5 R. Oui. Oui, je le vois encore ici comme si c'était à ce moment-là. Je
6 maintiens ce que j'ai dit.
7 Q. Et lorsque vous êtes venu comme témoin à décharge de M. Milosevic, vous
8 avez amené cette déclaration, n'est-ce pas ?
9 R. Je ne sais pas si je l'avais apportée ou si je l'ai remise à un avocat
10 à Belgrade.
11 Q. C'était la déclaration, vous avez discuté au cours de votre témoignage
12 dans le procès Milosevic de cette déclaration que vous aviez faite devant
13 la commission ?
14 R. C'est exact.
15 Mme KRAVETZ : [interprétation] Examinons une autre de ces déclarations. Il
16 s'agit de la pièce D689.
17 Q. Nous voyons la date, 27 septembre 2002. Ce sont les activités survenues
18 le 1er avril 1999, les activités de l'unité. Vous souvenez-vous en avoir
19 discuté avec Me Popovic ?
20 R. Oui, je m'en souviens.
21 Q. Est-ce que je suis en droit de présumer que les modalités du recueil de
22 ces déclarations sont identiques à la précédente ?
23 R. Oui.
24 Q. Ce qui veut dire que des membres de la commission vous ont demandé à
25 comparaître, et ces personnes vous ont montré des parties du rapport "Dit
26 comme vu" qui concernaient les événements de Djakovica ?
27 R. Oui.
28 Q. Et c'est en fonction de ce que vous avez lu que vous avez préparé ce
Page 11464
1 rapport que nous avons ici ?
2 R. Oui. Oui, ça s'est fondé sur les souvenirs que j'avais et ce que je
3 savais, ce que j'avais lu.
4 Q. Question à propos de cette déclaration.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Peut-on montrer la page 2 à l'écran. C'est
6 la même page en B/C/S qu'en anglais.
7 Q. C'est pratiquement le dernier paragraphe. Vous dites :
8 "J'ai appris que ce crime supposé avait été commis dans le quartier de
9 Cerim par ce livre "Kosovo : Dit, comme vu."
10 "J'affirme qu'aucune personne, aucun membre de mon unité n'a été mêlé
11 à ces événements survenus dans le quartier Cerim."
12 Je m'interroge, à quel crime supposé avoir été commis dans le quartier de
13 Cerim pensez-vous ici ?
14 R. Ici, il est dit le "soi-disant" ou "supposé". Je pense qu'en serbe,
15 c'était autre chose. En serbe on disait "susmentionné". Ce n'est pas la
16 même chose, parce que quand on dit "allegedly" ou "supposément", c'est une
17 affirmation qu'on peut faire, alors que ça peut être parfaitement
18 hypothétique, incertain. C'est ça ce que ça veut dire, "supposément" ou
19 "prétendument" dans notre langue.
20 Q. Oui, mais vous parlez de quel crime qui se serait produit dans le
21 quartier de Cerim dont vous dites que ceci n'a aucun rapport avec des
22 membres de votre unité ?
23 R. Ce crime supposé ou présumé qui est mentionné dans le livre publié par
24 le Centre du droit humanitaire. Et ici dans cette déclaration, je réponds à
25 certains passages, certains paragraphes de ce livre qui mentionnent ce
26 crime présumé s'être commis à Cerim, dans ce quartier.
27 Q. Et de quel crime s'agit-il ?
28 R. Il y est question de certains civils.
Page 11465
1 Q. Et qu'est-ce que ce passage disait précisément de ces civils dans ce
2 livre ? J'essaie simplement de comprendre sur quoi portait votre
3 déclaration parce qu'elle ne le dit pas expressément.
4 R. Une photo était montrée. Je pense une maison qui avait été incendiée,
5 et il était question d'une rue. Je ne sais pas où se trouve cette rue, mais
6 un crime était présumé s'être commis là, et moi c'est sur cette base-là que
7 j'ai écrit quelque chose.
8 Q. Et qu'est-ce qui était supposé s'être passé dans cette maison, d'après
9 ce que disais le rapport ?
10 R. Je ne me souviens pas exactement. Je ne m'en souviens plus aujourd'hui,
11 mais je pense qu'il était question d'un crime supposé avoir été commis sur
12 des civils. C'est tout ce dont je me souviens. Vous savez, c'est il y a
13 longtemps que ça s'est passé, mais je pense que c'est là-dessus que ça
14 portait. Et ça concernait aussi l'incendie volontaire de certaines maisons.
15 Q. Et ces crimes présumés avoir été commis sur des civils, est-ce que
16 c'était en fait un massacre commis dans le quartier de Cerim ?
17 R. Quand je dis "crime présumé", je pourrais dire aussi bien "massacre
18 présumé". Bon, maintenant vous me dites "crime présumé", et après vous me
19 donnez une forme de crime précise. Alors, je ne sais pas comment le dire
20 maintenant, mais ce que je disais ici, que s'agissant de ce crimes présumé
21 décrit dans le livre, là je n'avais aucune connaissance. Je ne savais rien
22 de cela, mais j'ai dit qu'une chose était certaine, c'est que ce n'était
23 sûrement pas des membres de mon unité qui auraient commis ce crime présumé.
24 Q. Donc vous niez toute participation à un crime présumé, mais vous ne
25 savez pas de quel crime il s'agit ?
26 R. Oui, d'accord.
27 Q. Nous sommes toujours à la même page, nous avons une déclaration faite
28 par le commandant Dusko Vukasinovic, commandant du 3e Bataillon. Vous voyez
Page 11466
1 ce qui est dit :
2 "D'après une déclaration," du commandant du 3e Bataillon, le
3 commandant Dusko Vukasinovic, "une des sections se trouvait dans
4 l'installation Vinarski Podrum," et cetera. Vous avez vu cela ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que vous avez examiné ceci lorsque vous avez préparé votre
7 déclaration personnelle à propos de ce crime présumé commis dans ce lieu ?
8 R. Oui. Quand j'ai été appelé par la commission, lorsqu'elle m'a chargé de
9 décrire cet événement, j'ai appelé celui qui était commandant de l'unité se
10 trouvant à proximité, et c'était une cave à vins, un Vinarski Podrum, et je
11 lui ai demandé s'il savait quelque chose à propos de ce crime présumé. Je
12 l'ai chargé de coucher sur papier ce qu'il m'avait dit alors. Lorsque j'ai
13 lu sa déclaration, j'ai fait la mienne, personnelle.
14 Q. Cette cave à vins dont vous parlez, ce Vinarski Podrum, est-ce que
15 c'était un lieu où étaient cantonnés des membres de votre brigade ?
16 R. Oui. Il y avait une partie d'une unité; ce n'était pas une unité bien
17 grande, c'était peut-être une section. Au maximum 20 hommes, voire moins.
18 Q. Et est-ce que ça se trouvait dans le quartier de Cerim ?
19 R. Non.
20 Q. Est-ce que vous savez dans quel quartier de Djakovica se trouve cet
21 endroit ?
22 R. C'est à ma droite sur la route. A 4 ou 500 mètres du quartier de Cerim.
23 Q. Vous dites dans votre déclaration que dans la nuit du 1er avril, vous
24 étiez parti au poste du commandement du "bridge" à Djakovica, et que vous
25 avez, en parcourant cet itinéraire, constaté qu'il n'y avait pas
26 d'activités dans le quartier de Cerim ?
27 R. C'est comme ça que ça s'est passé.
28 Q. Mais il se trouve que par hasard vous avez parcouru le quartier de
Page 11467
1 Cerim cette nuit-là ?
2 R. Non, ça s'est passé par hasard. Il se fait que cette nuit-là, le 30
3 avril, nous avions une unité dans un lieu qui n'était pas éloigné de Cerim,
4 à Ljug Bunar. Un radar avait été touché, deux de mes soldats ont été tués.
5 On a essayé de les extraire, de les faire soigner, et quand tout ça s'est
6 terminé, je suis parti et je suis rentré, bien sûr, au poste du
7 commandement.
8 Q. Merci.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz -- je vois que Me
10 Popovic souhaite intervenir.
11 M. POPOVIC : [interprétation] Merci. Une précision au compte rendu
12 d'audience. Je pense que la date que l'on voit ici dans la réponse
13 précédente n'est peut-être pas la bonne. Mme Kravetz va peut-être vouloir
14 vérifier et apporter une correction.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous laisse le soin de le faire,
16 Madame Kravetz.
17 Mme KRAVETZ : [interprétation]
18 Q. Je parlais de la nuit du 1er avril, et dans votre réponse, vous dites
19 ce soir-là, cette nuit-là, le 30 avril. Est-ce que vous vouliez parler du
20 30 avril ?
21 R. Est-ce que je peux voir ma déclaration ? Parce que c'est peut-être ce
22 que ma déclaration dit. Non, attendez. Notre radar, il a été touché le 31,
23 dans la nuit du 31 au 1er. Vers 23 heures, le 31 mars. Lorsqu'on essayait
24 d'éteindre le feu et de sauver les soldats, on a passé minuit. Donc, à ce
25 moment-là, effectivement, c'était déjà le 1er avril, et je suis rentré le
26 1er avril.
27 Q. Donc, vous parlez de la nuit du 31 mars au 1er avril ?
28 R. Tout à fait.
Page 11468
1 Q. Et dans votre déclaration, vous dites ne rien savoir à propos d'un
2 crime présumé dans ce quartier de Cerim ?
3 R. Mais c'est exact.
4 Q. Est-ce que vous savez que dans l'acte d'accusation dressé contre M.
5 Milosevic, il y a des allégations précises portant sur le quartier de Cerim
6 ? Quand je dis des allégations précises, je parle du fait qu'il ait fait
7 état d'un massacre de civils.
8 R. Mais je ne sais pas ce que je dois vous répondre. Est-ce que je sais
9 que ça se trouve dans l'acte d'accusation lancé contre M. Milosevic, je
10 vous l'ai déjà dit. Mais tout y est décrit dans cet acte d'accusation
11 contre M. Milosevic. Maintenant, si votre question porte sur une question
12 précise, je le maintiens, je dis que je n'en sais rien.
13 Q. Mais je vous demande de façon précise si vous saviez que M. Milosevic
14 était notamment accusé d'un massacre de civils commis dans le quartier de
15 Cerim, et plus précisément dans la rue Milos Gilic ?
16 R. Je sais que cette question a été posée quand j'étais témoin ici.
17 Q. Donc, vous saviez que c'était une allégation portée contre M. Milosevic
18 à l'époque, vous le saviez lorsque cette déclaration-ci était préparée ?
19 R. Quand je suis venu, que j'ai comparu comme témoin, je savais que cette
20 question était posée parce que lui aussi m'a posé la question. Lorsque j'ai
21 écrit cette déclaration-ci, je ne savais pas que ça se trouvait dans l'acte
22 d'accusation dressé contre lui.
23 Q. Mais vous aviez lu ce rapport, "Dit comme vu", "As Seen, As Told", et
24 vous y aviez trouvé des allégations précises portant sur cet endroit,
25 n'est-ce pas, avant que vous ne rédigiez cette déclaration ?
26 R. Bien entendu. Sur la base de ce qui avait été écrit dans ce livre
27 publié par le Centre des droits humanitaires, j'étais chargé de rédiger ma
28 déclaration; sinon, je n'aurais rien su, je n'aurais rien su de cet
Page 11469
1 événement. Et jamais je n'aurais pensé à ce genre de chose. Je veux dire,
2 lorsque j'ai reçu ce livre, j'ai lu ce qu'il disait à propos de Cerim.
3 Q. Monsieur, nous avons entendu des témoignages d'anciens résidents du
4 district de Cerim concernant un massacre qui s'est déroulé à l'adresse 157
5 rue Milos Gilic. Il s'agit d'un massacre qui impliquait le meurtre de 27
6 [comme interprété] civils dans une maison qui, par la suite, avait été
7 incendiée. Est-ce que vous aviez entendu parler de cet incident, Monsieur ?
8 R. Oui, voilà, c'est quelque chose que j'ai lu dans ce livre; sinon,
9 comment est-ce que j'aurais pu entendre parler de cet incident autrement.
10 Je n'avais aucune connaissance de cet événement.
11 Q. Donc, vous vous souvenez des allégations précises du crime présumé
12 figurant dans le rapport, sur quoi portait ce crime présumé ? Vous vous en
13 souvenez ?
14 R. Oui. On parlait d'un certain nombre de civils s'étant trouvés dans une
15 des maisons. Je ne me souviens plus, toutefois, du nom de la rue.
16 Q. Monsieur, sur la base du témoignage reçu par les civils qui étaient à
17 l'endroit, qui se trouvaient dans la rue dans ce quartier lorsque
18 l'incident s'est déroulé, il y avait des civils qui avaient été tués par
19 des membres du MUP, et par la suite, la maison avait été incendiée. Est-ce
20 que vous en aviez entendu parler ?
21 R. Non.
22 Q. Si un massacre d'une telle envergure avait eu lieu dans le district de
23 Cerim, est-ce que vous en auriez reçu un rapport, en auriez-vous été
24 informé par les membres de votre unité sur le terrain ?
25 R. Si ces derniers avaient eu de telle information, oui, j'en aurais été
26 informé aussi.
27 Q. Si un massacre d'une telle nature avait eu lieu, est-ce qu'à ce moment-
28 là le chef du SUP en aurait eu également connaissance, le chef du SUP
Page 11470
1 Djakovica ?
2 R. Si j'avais su qu'un tel incident s'était déroulé, c'est moi qui l'en
3 aurais informé.
4 Q. En fait, si un massacre d'une telle envergure ait eu lieu dans le
5 district de Cerim, il aurait été bien difficile de le dissimuler, n'est-ce
6 pas ? Une telle information aurait certainement été diffusée, on en aurait
7 entendu parler, et vous, ainsi que le chef du SUP
8 connaissance, n'est-ce pas ?
9 R. Je ne le sais pas. Je n'ai pas eu de connaissance de cet événement. Je
10 ne peux pas supposer quoi que ce soit. Je n'en avais aucune connaissance.
11 Q. Très bien. Merci, Monsieur. Je voudrais maintenant laisser de côté
12 cette déclaration, et je souhaiterais vous poser un certain nombre de
13 questions concernant la déposition que vous avez faite hier. Je voudrais
14 parler du déplacement de grande envergure de personnes, de citoyens du
15 Kosovo, de la population civile du Kosovo. Vous souvenez-vous d'avoir parlé
16 de cela hier, Monsieur ?
17 R. Bien sûr. S'agissant de mouvements de civils, effectivement, il y en a
18 eu. Maintenant, il faut se demander ce que l'on entend par "mouvements de
19 grande envergure". J'ai vu des groupes, effectivement, se déplacer. Le
20 groupe le plus grand, si vous voulez, était composé de 200 à 300 personnes.
21 Effectivement, il y a eu mouvement, mais il s'agit de s'entendre sur le
22 terme de grande envergure, mouvements importants. Il faut savoir de quoi on
23 parle. Mais effectivement, il y a eu un certain déplacement.
24 Q. Vous avez dit hier, Monsieur, également, que lorsque les frappes
25 aériennes ont commencées, les frappes aériennes par l'OTAN en début de mars
26 1999, que ce déplacement se faisait de façon quotidienne, et je crois que
27 vous avez parlé du déplacement de 200 à 300 personnes ? Est-ce que vous
28 vous souvenez d'avoir dit cela ?
Page 11471
1 R. Je ne sais pas si ce nombre de personnes se déplaçait tous les jours.
2 Peut-être tous les deux jours. Etant donné que je n'étais pas à Djakovica
3 tous les jours, je ne peux pas vous parler d'un déplacement quotidien, d'un
4 tel nombre de personnes. Mais chaque fois que j'étais à Djakovica,
5 effectivement, je remarquais que les mouvements avaient eu lieu assez
6 souvent.
7 Q. Monsieur, vous avez également déclaré que cinq à six jours après le
8 début des frappes aériennes de l'OTAN, plus particulièrement lorsqu'on a
9 commencé à parler des munitions à uranium appauvri, que les gens ont
10 commencé à quitter l'endroit et à prendre la direction des forêts.
11 L'INTERPRÈTE : Qu'ils ont commencé à partir.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas les munitions qui venaient en
13 vagues, mais c'est les réfugiés qui venaient en vagues. Il y avait des
14 vagues de réfugiés.
15 Mme KRAVETZ : [interprétation]
16 Q. Vous avez dit qu'il n'y avait pas de familles individuelles, mais que
17 c'étaient des groupes de personnes, composés de plusieurs personnes qui se
18 déplaçaient en tracteurs et autres moyens de transport.
19 R. Oui, il y avait des lieux de rassemblement, et ces personnes
20 attendaient que les gens se rassemblent, et par la suite ils continuaient
21 leur chemin ensemble.
22 Q. Lorsque vous dites qu'ils poursuivaient ce voyage ensemble, si je
23 comprends bien ce que vous avez dit hier, ces personnes quittaient, en
24 fait, Djakovica ? Ils faisaient ce périple pour quitter Djakovica ?
25 R. Oui, oui. Pour la plupart, oui.
26 Q. Vous avez dit que "ces personnes arrivaient en vagues". Il y avait des
27 vagues de personnes qui arrivaient, et j'imagine que c'était cinq à six
28 jours après le commencement des frappes aériennes de l'OTAN. Vous nous avez
Page 11472
1 dit que c'est à ce moment-là que les groupes de réfugiés quittaient la
2 ville en plus grande partie ? Toujours, bien sûr, en parlant de cette vague
3 de réfugiés.
4 R. Oui, pour la plupart, fin mars, début avril, oui.
5 Q. Donc, c'est à ce moment-là que vous avez remarqué que les groupes de
6 réfugiés les plus nombreux quittaient la ville ? Fin mars, début avril ?
7 R. Oui.
8 Q. Hier et aujourd'hui, vous avez dit que ces personnes quittaient la
9 ville de peur d'être exposées aux munitions contenant de l'uranium
10 appauvri. En fait, hier vous avez dit que ces vagues de réfugiés, vous les
11 voyiez partir après que des rumeurs d'uranium appauvri s'étaient fait
12 entendre ?
13 R. J'ai dit que c'était une des raisons. Parce que vous savez, il y a eu
14 des frappes aériennes, donc s'agissant de n'importe quelle frappe aérienne,
15 ça provoque un tel désir, mais plus particulièrement lorsqu'on emploie des
16 munitions contenant de l'uranium appauvri.
17 Q. Oui, je sais que vous avez également parlé d'autres causes. La cause
18 n'était pas seulement l'uranium appauvri, bien sûr. Vous nous l'avez dit
19 aujourd'hui. Ces personnes, vous nous avez dit, avaient peur d'autres
20 choses également, mais aussi, parce que les personnes qui quittaient la
21 ville avaient peur des munitions contenant de l'uranium appauvri.
22 R. Oui, entre autres. Vous avez raison, effectivement.
23 Q. Comment avez-vous eu connaissance de ces munitions contenant de
24 l'uranium appauvri ?
25 R. Je le sais puisque certaines personnes s'étaient entretenues avec les
26 réfugiés, et dans la ville il y avait des rumeurs qui circulaient selon
27 lesquelles des munitions contenant de l'uranium appauvri étaient larguées,
28 et, qu'entre autres, ces munitions causaient la stérilité chez les hommes,
Page 11473
1 et que c'était une des raisons qui les poussait particulièrement à partir.
2 Je sais que c'était une préoccupation très importante, car ces hommes
3 voulaient avoir des enfants. C'est ce que j'ai entendu parler, de certains
4 dires, de certains soldats et d'officiers. Je ne parle pas albanais. Je ne
5 comprends absolument pas un seul mot traître de l'albanais, mais je sais
6 que j'en ai entendu parler de mes propres officiers.
7 Q. Alors, c'était votre connaissance personnelle ? Vous vous étiez
8 entretenu avec des personnes qui vous avaient dit cela, les réfugiés en
9 parlaient ?
10 R. Non, personnellement, non. Je n'ai pas parlé avec des réfugiés.
11 Q. Monsieur, il y a quelques semaines, nous avons entendu ici même la
12 déposition du général Petkovic, qui était le chef de l'administration des
13 forces terrestres. Est-ce que vous savez de qui je parle ? Le connaissez-
14 vous ?
15 R. Oui, tout à fait.
16 Q. Le général Petkovic nous a dit qu'il avait mené une sorte d'étude sur
17 l'emploi de l'uranium appauvri par l'OTAN, et il nous a dit que les
18 premiers symptômes physiques de ce type de munition ayant une incidence sur
19 des personnes n'avaient pas été trouvés jusqu'à la fin du mois d'avril
20 1999, vers le 20 avril 1999. C'est à ce moment-là qu'on a constaté pour la
21 première fois la présence d'uranium appauvri.
22 Mme KRAVETZ : [interprétation] Si vous voulez, je peux vous donner la
23 référence dans la déclaration D512, page 2.
24 Q. Donc, Monsieur, la vague de réfugiés que vous aviez vue partir est
25 arrivée avant cette date du 18 avril, n'est-ce pas ?
26 R. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui, car moi, j'étais à
27 Djakovica. J'ai vu un avion de type A-10 qui larguait des bombes et qui
28 employait les munitions à uranium appauvri. C'est le seul type d'avion,
Page 11474
1 outre des roquettes ou des missiles pouvant également contenir de l'uranium
2 appauvri. Mais je sais ce que vous êtes en train de me faire dire, vous
3 pensez que c'est la seule raison du déplacement de la population. L'uranium
4 appauvri n'était pas la seule raison. Je dis que c'était l'une des raisons.
5 Q. Monsieur, ce n'est pas ce que j'essaie de dire. Je n'essaie pas de
6 mettre les mots dans votre bouche, mais je fais peut-être simplement
7 référence à votre déclaration d'hier selon laquelle vous avez dit que les
8 réfugiés ont commencé à partir lorsque la rumeur s'était propagée dans la
9 ville, à savoir que des munitions à l'uranium appauvri étaient présentes
10 dans la ville, étaient larguées. Donc je ne dis pas que c'est la seule
11 raison, je n'essaie pas de dire cela, mais que c'est l'une des raisons, et
12 qu'en réalité, ce que j'essaie de vous demander, c'est que vous ne saviez
13 pas en réalité si les réfugiés partaient en si grand nombre à la fin du
14 mois de mars, en début du mois d'avril, que c'était la raison principale
15 pour laquelle ces personnes partaient ?
16 R. J'ai dit que c'était l'une des raisons pour lesquelles ces personnes
17 quittaient la ville.
18 Q. Mais non, je n'essaie pas de contester ce fait. Je sais que vous avez
19 dit qu'il y avait d'autres raisons aussi. Mais ce que je vous demande
20 précisément, c'est de savoir si vous, vous aviez vraiment une connaissance
21 personnelle, à savoir si c'était la raison pour laquelle il y avait un
22 déplacement de si grande envergure, si ces vagues de réfugiés et ces
23 colonnes de réfugiés quittant la ville de Djakovica à la fin du mois de
24 mars, début avril ? Vous n'avez aucune connaissance personnelle que c'était
25 l'une des raisons ?
26 R. Je ne suis pas d'accord avec vous.
27 Q. En fait, vous vous livrez aux conjectures ici, puisqu'en fait, vous ne
28 savez pas exactement pourquoi ces personnes sont-elles parties ?
Page 11475
1 R. Mais bien sûr que je ne me livre pas à des conjectures. Je ne parle pas
2 albanais. Je ne m'étais pas entretenu avec qui que ce soit s'agissant de
3 ces réfugiés, ces personnes ne me l'ont pas dit. Mais ce que j'ai su, ce
4 que j'ai appris de mes propres soldats, de mes propres commandants qui
5 comprenaient l'albanais, ces personnes, ces derniers, m'ont informé de ce
6 fait. C'est eux qui me l'ont dit. Moi, personnellement, je n'ai parlé avec
7 aucun réfugié albanais.
8 Q. Mais, Monsieur, je voulais simplement savoir si vous aviez une
9 connaissance personnelle, Monsieur. Bien.
10 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est
11 l'heure de la pause, puisque vous nous avez dit hier que nous allions
12 prendre la pause à 17 heures 30.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Prenons maintenant notre
14 deuxième pause, et nous reprendrons nos travaux à 18 heures.
15 [Le témoin quitte la barre]
16 --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.
17 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.
18 [Le témoin vient à la barre]
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Madame Kravetz.
20 Mme KRAVETZ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 Q. Monsieur, j'aimerais attirer votre attention sur une opération dont
22 vous avez parlé au cours de votre témoignage, il s'agit d'une opération qui
23 portait un nom de code Reka. Vous souvenez-vous que mon éminent confrère
24 vous a posé cette question ?
25 R. Oui. C'était une action qui s'appelait Reka.
26 Q. Fort bien. Donc je vais l'appeler action Reka dorénavant. Si je
27 comprends bien de par votre déposition, il s'agissait d'une action qui
28 s'est déroulée au cours d'une période de deux jours, à savoir les 27 et 28
Page 11476
1 avril 1999 ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Et vous nous avez expliqué que le bataillon de logistique de votre
4 brigade placé sous le commandement d'Odak avait pris part à cette
5 opération. Je suis désolée si j'ai mal prononcé le nom de la personne.
6 R. Non. Le nom de la personne est bien prononcé, mais vous avez mal
7 prononcé le nom de l'unité. Il ne s'agissait pas d'un bataillon, il
8 s'agissait d'une compagnie. Je vais maintenant vous expliquer quelle est la
9 différence entre un bataillon et une compagnie. En fait, la différence est
10 énorme. Commandant Odak était le commandant du bataillon chargé des
11 arrières, du bataillon de la logistique.
12 Q. Oui. Je suis vraiment désolée. Donc, il s'agissait d'une
13 compagnie appartenant au bataillon de la logistique, qui était commandé par
14 le commandant Odak, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Et vous avez parlé également de cette action précise qui s'est déroulée
17 dans la vallée de Carragojs, n'est-ce pas ?
18 R. Moi, je vois Carragojs, c'est ainsi qu'on l'écrit et que je le lis.
19 Chez nous, cet endroit, ce Carragojs, nous l'appelons Reka, rivière.
20 Q. Donc cette région que vous appelez Reka, comprend-elle également la
21 vallée de Trava ?
22 R. Mais c'est la même chose.
23 Q. D'accord. Très bien. Alors, ce n'est pas grave si on n'arrive pas à
24 prononcer très bien les noms de lieu. Moi non plus je n'arrive pas non plus
25 à bien prononcer les noms de lieu. J'aimerais maintenant savoir si le
26 village de Meja est un village qui est situé juste à l'extérieur de la
27 ville de Djakovica ?
28 R. Je crois que c'est à 7 à 8 kilomètres de la ville. Je présume que oui.
Page 11477
1 Q. Est-il exact de dire que ce village, si vous quittez Djakovica et vous
2 allez vers l'ouest, que c'est, en fait, dans la région de la vallée de
3 Carragojs ?
4 R. Je crois que oui. Je présume que oui. En fait, je ne suis jamais allé à
5 Meja. Je ne sais pas exactement où ça se trouve exactement, mais je crois
6 qu'il se trouve dans cette région-là, effectivement, Meja même.
7 Q. D'accord. Vous nous avez également dit, Monsieur, dans le cadre de
8 votre déposition, que votre compagnie de votre brigade avait été déployée
9 sur la colline de Cabrat ? Et vous nous l'avez également indiqué sur une
10 carte, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. Vous avez également déclaré que le plus haut point de cette colline
13 avait une vue sur la ville de Djakovica ?
14 R. Oui, c'est possible.
15 Q. Donc l'endroit où votre compagnie était déployée était, en fait, un
16 point de mire ? Vous avez une bonne vue d'ensemble sur Djakovica et les
17 environs, n'est-ce pas ?
18 R. Non. Depuis cet endroit-là, il n'était pas possible de voir Djakovica.
19 On pouvait seulement observer les arrières de la compagnie où elle était
20 déployée. La compagnie était déployée sur une élévation. On pouvait voir
21 seulement cette partie-ci, alors que l'autre partie, il y avait un bois, et
22 c'est assez éloigné de Djakovica. Ce n'est pas le poste d'observation où je
23 me trouvais lorsque les frappes aériennes, l'agression de l'OTAN a
24 commencé. Ce n'est pas cet endroit-là quand j'étais à Cabrat.
25 Q. Je n'ai peut-être pas été très claire lorsque j'ai insinué qu'il
26 s'agissait d'un endroit où vous pouviez voir Djakovica et les environs.
27 Mais vous étiez élevé à une hauteur suffisamment élevée pour pouvoir
28 observer la ville en regardant vers l'ouest ?
Page 11478
1 R. En fait, l'endroit se trouve au sud-ouest. On ne peut pas faire grand-
2 chose depuis cet endroit-là. C'est à l'orée du bois que ça se trouve. Je
3 suis allé vers eux et j'ai vu où ils étaient cantonnés.
4 Q. Vous nous avez dit également que cette action Reka était dirigée par
5 Milan Kotur du Corps de Pristina, et il était le commandant du poste de
6 commandement avancé du Corps de Pristina, n'est-ce pas ?
7 R. Oui. A la suite d'une décision du poste de commandement avancé du Corps
8 de Pristina, ce dernier avait reçu pour ordre de mener cette action.
9 Q. Vous nous avez également dit que le but de cette action était de
10 neutraliser les terroristes ?
11 R. Oui, le but principal de cette action visait à faire en sorte que cette
12 région qui, d'un point de vue stratégique, est très importante soit
13 neutralisée, car il y avait un très grand nombre de terroristes. Ils
14 étaient en grand nombre à cet endroit-là. Mais c'est depuis cet endroit-là,
15 c'est de là qu'ils menaient des attaques sur notre colonne. Effectivement,
16 il y avait un but principal, et le but principal de cette action était de
17 neutraliser les terroristes se trouvant dans cette région.
18 Q. Vous avez également déclaré, Monsieur -- et moi, en fait, avant de
19 poser cette question, je vais vous demander autre chose. S'agissant des
20 quelques jours avant l'action Reka, il y a eu le meurtre de cinq policiers
21 de l'UCK dans cette zone de Meja, n'est-ce pas ?
22 R. J'en ai entendu parler, je crois que oui. Je crois qu'effectivement cet
23 événement a eu lieu. Je ne sais pas si cinq policiers, effectivement, ont
24 été tués ou s'il y a eu des blessés. Je ne suis pas tout à fait certain de
25 cela.
26 Q. Un policier du cru, qui s'appelait Milutin Prascevic, était parmi les
27 personnes tuées, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, je crois qu'il portait ce nom, soit Prascevic ou Prosevic, ou
Page 11479
1 quelque chose comme ça, effectivement.
2 Q. Est-ce que c'est quelqu'un que vous connaissiez personnellement ?
3 R. Non.
4 Q. Lorsque vous avez parlé de cette action dans l'affaire Milosevic, à la
5 page 45 436 du compte rendu d'audience, et c'est une question qui vous
6 avait été posée concernant cette action, vous avez dit que :
7 "Tout le monde savait bien que dans cette région de Reka, il y avait
8 très grand nombre de terroristes."
9 Et vous avez également dit que :
10 "C'était une zone dans laquelle les terroristes s'étaient adonnés à
11 des opérations d'envergure et, qu'effectivement, il est vrai que cinq
12 policiers avaient été tués, cinq policiers terroristes avaient été tués."
13 Ensuite, on vous a posé une question sur Prascevic, et vous avez
14 répondu que vous le connaissiez personnellement.
15 Est-ce que ce que vous avez dit dans l'affaire Milosevic était exact,
16 à savoir que vous connaissiez un policier qui s'appelait Prascevic et que
17 vous connaissez personnellement ?
18 R. J'ai entendu parler de lui. Je ne le connaissais pas personnellement.
19 Je ne pourrais pas le reconnaître si je le voyais.
20 Q. Et vous ne vous souvenez pas que vous avez dit lorsque vous avez
21 témoigné la dernière fois qu'en fait il s'agissait de quelqu'un que vous
22 connaissiez vous-même ?
23 R. Je ne me souviens pas de cela.
24 Q. Monsieur, toujours à propos de la même action, vous avez dit - et je
25 lis la même page du compte rendu d'audience dans l'affaire Milosevic - vous
26 dites que :
27 "En ce qui concerne Meja, il ne s'agissait que d'une opération
28 antiterroriste qui était absolument licite, légale, et dont l'objectif
Page 11480
1 était de trouver les assassins de ces policiers."
2 Vous vous en tenez à ce que vous aviez déclaré à ce moment-là, à savoir
3 qu'il s'agissait d'une action tout à fait licite, tout à fait légale, dont
4 le but était de trouver les assassins de ces cinq policiers ?
5 R. Ce n'était pas le seul but de cette action. Bien au contraire
6 d'ailleurs, parce que je pense que l'objectif fondamental de cette action
7 était de neutraliser les forces terroristes siptar qui se trouvaient dans
8 cette zone pour pouvoir justement --
9 Q. Non, non. Je vous rappelle ma question. Je vous ai donné lecture d'un
10 extrait, et je vous demande si vous vous en tenez à ce que vous avez dit
11 dans l'affaire Milosevic. Je peux tout à fait répéter, vous avez dit qu'il
12 s'agissait --
13 R. Oui, je vous en prie.
14 Q. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une opération tout à fait licite et
15 dont le but était de trouver les assassins de ces cinq policiers. C'est ce
16 que vous aviez dit. Et vous maintenez cela ? C'est une question à laquelle
17 vous pouvez tout simplement répondre par oui ou par non.
18 R. Que voulez-vous que je vous dise, vous voulez que je vous dise si c'est
19 bien ce que j'ai dit. Je ne suis pas très sûr à quoi je dois répondre, en
20 fait.
21 Q. Je vous ai indiqué ce que vous aviez dit lorsque vous avez témoigné
22 ici, vous aviez parlé de l'objectif de l'action, et je vous demande si vous
23 maintenez ce que vous avez dit lors de votre déposition dans l'affaire
24 Milosevic ?
25 R. A l'époque, je n'avais pas suffisamment expliqué les objectifs
26 fondamentaux de cette action lorsque j'ai dit cela. Je n'ai peut-être pas
27 utilisé les mots idoines qui auraient permis d'expliquer la raison d'être
28 de cette action.
Page 11481
1 Q. Je ne suis pas tout à fait sûre que vous répondiez à ma question,
2 Monsieur. Je comprends que vous me dites qu'il se peut qu'il y ait eu plus
3 qu'un objectif, mais je vous demande, en fait, si l'un des objectifs était
4 justement de trouver les assassins de ces cinq policiers, c'est ce que vous
5 avez dit lors de votre précédente déposition ?
6 R. Ecoutez, il faudrait que je sache quelle a été la question qui m'avait
7 été posée à ce moment-là. Est-ce que le but était d'énumérer tous les
8 objectifs de l'action ou peut-être que la question m'a été formulée de
9 telle façon que je n'ai parlé que d'un objectif dans ma réponse.
10 Q. La question qui vous a été posée -- on vous a présenté la déclaration
11 d'un autre témoin. Alors, il s'agit d'une déclaration que vous avez faite à
12 propos de cette action, et je vous demande si vous maintenez ce que vous
13 aviez avancé, et je crois que vous ne répondez pas à ma question à laquelle
14 vous pouvez répondre tout simplement par oui ou par non.
15 R. Ce que j'avance, c'est que l'objectif fondamental de l'action à Reka
16 était de neutraliser les forces terroristes siptar dans la vallée de
17 Carragojs. Pour ce qui est de savoir si cela était légal, bien sûr que
18 c'était une action légale, qui avait été planifiée en toute légalité. Et
19 d'ailleurs, entre autres, l'un des objectifs était d'appréhender les
20 assassins de ces policiers. Et je dois dire que c'est l'un parmi de
21 nombreux incidents qui se sont déroulés.
22 Q. C'est tout ce que je voulais savoir, Monsieur.
23 Nous allons maintenant passer à autre chose. Et à propos de cette
24 action Reka, il n'y avait pas seulement une compagnie de votre brigade qui
25 a participé; il y avait de nombreuses unités d'autres brigades également,
26 n'est-ce pas ?
27 R. Plusieurs unités y ont participé, certes, et notamment mon unité.
28 Q. Et parmi ces unités qui avaient participé, il y avait la 125e Brigade
Page 11482
1 motorisée, n'est-ce pas ?
2 R. Ecoutez, cela, je ne le sais pas. Il est possible qu'elle ait participé
3 à cette action.
4 Q. Mais vous ne vous souvenez pas en avoir entendu parler ? Je ne sais
5 pas, par exemple, le commandant Odak, il ne vous a pas dit quelles unités
6 avaient participé à cette action ?
7 R. Le commandant Odak a pu seulement voir les unités qui étaient
8 adjacentes à son unité. C'était le 2e Bataillon de la 549e Brigade. Il ne
9 pouvait pas savoir quelles étaient les autres unités qui avaient participé.
10 La 125e Brigade, elle se trouvait à Kosare, donc dans cette partie de la
11 zone.
12 Q. Bien. Vous avez fait référence au 2e Bataillon de la 549e Brigade. Est-
13 ce que vous savez qui commandait ce bataillon ?
14 R. Le commandant de ce bataillon était le colonel Vlatko Vukovic.
15 Q. Vous nous dites que vous ne savez pas si la 125e Brigade motorisée
16 avait participé à cette action, c'est bien cela, je vous ai bien compris ?
17 R. Je ne sais pas si cette brigade y a participé ou non. Il se peut
18 qu'elle ait participé, mais il se peut qu'elle n'y ait pas participé. En
19 fait, c'est la personne qui a planifié l'action qui prenait ce type de
20 décisions.
21 Q. J'aimerais vous montrer un document à propos de cette action.
22 Mme KRAVETZ : [interprétation] Le document P950, dont j'aimerais demander
23 l'affichage.
24 Q. C'est un document qui porte la date du 27 avril 1999, qui a été envoyé
25 par le commandant de la 125e Brigade motorisée au commandement du Corps de
26 Pristina ainsi qu'au poste de commandement avancé de Djakovica. Vous le
27 voyez, ce document, Monsieur ?
28 R. Oui, oui, je le vois. Oui, je vois qu'il s'agit effectivement d'un
Page 11483
1 document de la 125e Brigade motorisée, bien qu'il ne soit pas très lisible.
2 Mais quoi qu'il en soit, je vois, en effet, qu'il s'agit bien d'un de leurs
3 documents.
4 Q. Oui, oui. Merci.
5 Mme KRAVETZ : [interprétation] Est-ce que la deuxième page pourrait être
6 affichée, paragraphe 2 de la deuxième page.
7 Q. J'attends que ce paragraphe 2 soit affiché. Vous voyez que la deuxième
8 phrase est comme suit :
9 "Une partie des forces a été utilisée pour nettoyer le terrain dans la zone
10 générale de Reka, et ce, conformément à votre décision."
11 Vous voyez cela, Monsieur ?
12 R. De quel paragraphe s'agit-il ?
13 Q. Le numéro 2.
14 R. Donc :
15 "Les unités de la brigade se concentrent sur les renforts, le
16 placement d'obstacles." Je ne vois pas la phrase à laquelle vous avez fait
17 référence. Vous parlez de la première page ou de la deuxième page ?
18 Q. Non, de la deuxième phrase du deuxième paragraphe de la deuxième page.
19 R. Oui. "Une partie des forces est utilisée pour nettoyer le terrain à
20 partir de STS dans la zone générale de Reka, et ce, conformément à votre
21 décision." Oui, effectivement, c'est ce qui est écrit.
22 Q. Je sais que ce n'est pas un document qui émane de votre brigade, mais
23 au vu de notre discussion, est-ce que vous convenez que cette référence qui
24 est faite à la zone générale de Reka est une référence à l'action dont nous
25 sommes en train de parler, n'est-ce pas, vous êtes d'accord avec cela ?
26 R. Oui.
27 Q. Et dans la version serbe, en tout cas, nous voyons que c'est un
28 document qui a été envoyé par le commandant Dragan Zivanovic. Il s'agit
Page 11484
1 bien du commandant Dragan Zivanovic qui était le commandant de la 125e
2 Brigade, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Outre cette unité dont nous avons parlé, ce bataillon de la 549e
5 Brigade et de la 125e Brigade, et outre les éléments de votre brigade dont
6 vous avez déjà parlé, est-ce que vous savez s'il y avait également une
7 unité du MUP qui a participé à cette action ? Est-ce que vous disposez
8 d'information à ce sujet ?
9 R. Je dispose d'information à propos de mon unité seulement et à propos
10 des unités qui étaient adjacentes, qui étaient à côté de mon unité. Pour ce
11 qui est du reste des forces, y compris la 125e Brigade, par exemple, je ne
12 dispose d'aucune information à ce sujet. Il se peut qu'ils aient été là,
13 certes, mais il se peut également qu'ils n'y étaient pas. Donc, je n'ai
14 absolument aucun élément d'information me permettant d'avancer qu'ils ont
15 participé ou qu'ils n'ont pas participé à l'action.
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Bien. Je vais demander qu'on affiche un
17 autre document, puisque vous avez mentionné la 125e Brigade. Il s'agit du
18 document P920.
19 Q. Je vous avais demandé s'il y avait une unité du MUP qui avait participé
20 à cette action, et vous avez répondu que vous ne disposiez d'aucun élément
21 d'information à propos des autres forces, notamment à propos de la 125e
22 Brigade. Je pense que cela inclut également les unités du MUP. Vous n'avez
23 absolument aucun élément d'information pour déterminer si l'unité du MUP
24 avait participé à cette action, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est exact.
26 Q. Regardons le document qui est maintenant affiché sur votre écran,
27 Monsieur. Vous voyez qu'il s'agit à nouveau d'un document qui émane de la
28 125e Brigade motorisée, 28 avril 1999. Donc, un jour après le document que
Page 11485
1 nous venons juste d'étudier. Et nous voyons qu'il s'agit d'un rapport de
2 combat des plus classiques.
3 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je souhaiterais, il me semble que c'est à la
4 même page de la version B/C/S, mais je voudrais demander qu'on affiche la
5 page numéro 2 de la version anglaise.
6 Q. La deuxième phrase est comme suit :
7 "Certaines forces ont été utilisées pour nettoyer, dégager le terrain des
8 forces terroristes siptar dans le secteur général de Reka, tel que vous
9 l'avez indiqué dans votre décision."
10 Alors, au vu de notre discussion, est-ce que vous convenez que cette
11 référence, c'est une référence à l'action et au fait qu'ils ont participé
12 au nettoyage du terrain dans le secteur général de Reka, et c'est une
13 référence à la même action de Reka dont nous avons parlé, et dont nous
14 parlons toujours, d'ailleurs, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Je vous remercie. Alors, nous n'avons plus besoin de ce document. Mais
17 mon estimé confrère vous a posé des questions à propos de cette action et
18 vous a montré un document, une déclaration plutôt, que vous aviez faite à
19 l'intention de la Commission chargée de la coopération avec le TPIY. Il
20 s'agit du document D703.
21 Mme KRAVETZ : [interprétation] J'aimerais que ce document soit affiché à
22 l'écran.
23 Q. C'est la déclaration du 27 décembre 2002. Est-ce que vous vous souvenez
24 en avoir discuté avec l'avocat de la Défense pendant l'interrogatoire
25 principal d'hier ?
26 R. Oui.
27 Q. Si je vous ai bien compris, en tout cas, ce que vous avez dit hier,
28 vous avez rédigé ceci après avoir lu ce qui était allégué dans un livre
Page 11486
1 intitulé "As Seen, As Told", "Dit, comme vu ?"
2 R. C'est exact.
3 Q. Nous avons déjà examiné deux autres déclarations que vous avez faites à
4 la commission. Si j'ai bien compris votre déposition, celle-ci, celle du 27
5 décembre 2002, elle a été préparée selon les mêmes modalités que les
6 autres, c'est-à-dire que la commission vous a cité à comparaître, vous a
7 posé des questions, vous avez été chargé d'y répondre; est-ce exact ?
8 R. Oui.
9 Q. Prenons la page 2. Deuxième paragraphe, il commence par les mots
10 suivants :
11 "Les 27 et 28 avril, une partie de mon unité, la compagnie
12 d'intervention qui englobait des sections du bataillon de logistique et du
13 bataillon et commandement de bataillon, a participé à une opération visant
14 à fermer le territoire désigné dans le secteur de Cabrat, venant de la
15 hauteur 478, jusqu'à la hauteur 442."
16 Est-ce bien ce que vous avez dit hier, est-ce que ce sont ces mêmes
17 positions dont vous avez parlé hier, parlant du positionnement, du
18 déploiement de vos unités sur le mont Cabrat ?
19 R. Ecoutez, je n'ai pas tout à fait compris ce que me disait l'interprète.
20 Est-ce que vous auriez l'obligeance de répéter votre question.
21 Q. C'était sans doute ma faute, parce que je viens de donner lecture du
22 deuxième paragraphe de votre déclaration, et ma question était simple. Elle
23 demandait si on parlait d'une partie de votre unité déployée sur le mont
24 Cabrat. Hier, vous avez tracé une carte des zones de déploiement, et je
25 vous demandais de confirmer qu'il s'agissait ici de cette même zone que
26 vous mentionnez dans votre déclaration ?
27 R. Oui. Hier, j'ai tracé le déploiement de mes unités sur le mont Cabrat,
28 effectivement.
Page 11487
1 Q. En début d'audience aujourd'hui, je pense mon confrère vous a présenté
2 plusieurs passages d'une déclaration faite par un de vos subordonnés, Nike
3 Peraj. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir examiné ces passages en début
4 d'après-midi avec l'avocat de la Défense ?
5 R. Oui, je m'en souviens.
6 Q. Je pense qu'il faut parler du paragraphe 65 de la déclaration de Peraj
7 qui faisait état de cette opération Reka. Il disait qu'elle était commandée
8 par plusieurs officiers, dont le général Lazarevic qui se trouvait au poste
9 de commandement avancé. Vous souvenez-vous qu'il vous a posé cette question
10 ?
11 R. Oui, je me souviens que c'est ce qui était écrit dans la déclaration.
12 Q. Vous nous avez dit que ce n'était pas vrai. Je pense que vous avez dit,
13 je vous cite, que "physiquement, c'était impossible."
14 Page du compte rendu d'aujourd'hui, 2, ligne 14, lorsque vous dites, en
15 fait, Lazarevic, il était avec vous le 27 avril, et ceci, à Pristina. Vous
16 vous souvenez avoir dit cela ? Vous avez dit que c'était physiquement
17 impossible --
18 R. Le 27. Oui, effectivement, le 27. Il était avec moi le 27 avril, mais
19 pas le 28.
20 Q. Oui, j'ai bien dit le 27 avril. Et dans sa déclaration, M. Peraj parle
21 du 27, et vous avez affirmé, aujourd'hui, que ce n'était pas vrai. Vous
22 avez dit que ce jour-là, le général Lazarevic était avec vous. Apparemment
23 c'était, est-ce que c'était une cérémonie de distribution de médailles ou
24 de distinctions qui se faisait à Pristina ce jour-là, le 27 avril ?
25 R. Oui, on était ensemble. Nous avons assisté ensemble à cette cérémonie.
26 Q. Mais regardez le paragraphe 3 de cette même déclaration, qui est la
27 vôtre. Vous dites ceci :
28 "Entre 13 heures et 14 heures, le 27 avril 1999, moi, j'ai fait une
Page 11488
1 inspection des unités sur ces lignes pour m'assurer que les positions
2 prises étaient correctes."
3 "Et ce faisant, j'ai indiqué telle ou telle chose qui n'avait pas été
4 faite, par exemple, la fortification aux camouflages des positions, parce
5 qu'il y avait survol incessant des avions de l'OTAN."
6 Vous voyez ce paragraphe ?
7 R. Oui, je le vois.
8 Q. Alors, il est physiquement impossible, là, je reprends vos mots, que
9 vous soyez à une cérémonie avec Lazarevic à Pristina, où on distribue des
10 médailles et des distinctions, et que vous vous trouviez ce jour-là, le 27
11 avril, à inspecter le positionnement de votre unité sur le mont Cabrat ?
12 R. C'est exact. J'ai fait l'inspection de l'unité peut-être un peu plus
13 tard, parce qu'au moment où j'ai rédigé cette déclaration, je ne suis pas
14 parvenu à me souvenir du moindre détail. C'est en me basant sur des
15 souvenirs, sans l'aide d'aucun document, que j'ai rédigé ceci. J'ai dit ici
16 que c'était entre 13 et 14 heures, mais sans doute était-ce plus tard. Je
17 suis rentré, je suis revenu de Pristina en passant par Igarevo et Kijevo,
18 c'est la route la plus courte. Maintenant, j'essaie de me souvenir. Ça
19 s'est bien passé le même jour, mais c'était sans doute plus tard.
20 Q. Pensez-vous que le général Lazarevic a passé seulement une partie de la
21 journée, et non pas la totalité de la journée avec vous, parce que vous
22 avez passé une partie de la journée à inspecter vos unités qui se
23 trouvaient sur le mont Cabrat, n'est-ce pas ?
24 R. Il était là. Donc, moi, je suis parti de cette cérémonie avant lui. Je
25 ne sais pas combien de temps il est encore resté, lui, mais moi, en tout
26 cas, je suis allé directement faire l'inspection de l'unité après la
27 cérémonie. C'est un peu en passant que je l'ai fait. C'est ce qu'on fait,
28 en général, c'est comme ça que -- c'est par cette route qu'il faut -- c'est
Page 11489
1 cette route qu'il faut prendre pour aller à Djakovica, de toute façon.
2 Q. Et vous voulez dire que vous ne savez pas combien de temps le général
3 Lazarevic est resté à cette cérémonie ?
4 R. C'est exact, je n'en ai pas la moindre idée.
5 Q. Donc, vous ne savez pas du tout où se trouvait le général Lazarevic le
6 reste de la journée, puisqu'il n'était plus avec vous ?
7 R. Oui, et bien entendu, ce n'est pas moi qui vais demander au général
8 Lazarevic où il se trouvait, mais je suis parti effectivement, et lui, il
9 est resté.
10 Q. Lorsque vous avez déclaré que la déclaration de M. Peraj, qui disait
11 que Lazarevic commandait l'action depuis le poste de commandement avancé de
12 Djakovica, action menée par le Corps de Pristina, en fait, quand vous avez
13 dit que ce n'était pas vrai, ce que Peraj disait, ce n'est pas exact, ce
14 que vous, vous disiez, n'est-ce pas ? Il se peut bien que M. Peraj ait tout
15 à fait raison lorsqu'il dit cela, à savoir que le général Lazarevic
16 commandait cette action ?
17 R. Mais vous savez, aller faire l'inspection d'une unité et aller
18 commander une unité, ce n'est pas la même chose. L'action de Meja a
19 commencé le matin, le 27; moi, je suis resté avec le général Lazarevic ou
20 j'étais avec lui vers 11 heures, midi. Après la distribution, il y a eu une
21 réception, un cocktail, et on est restés jusqu'à 14 ou 15 heures. Alors,
22 pour qu'il ait une action de commandement, il doit d'abord aller au poste
23 de commandement, prendre connaissance de la situation, et puis, donner des
24 ordres. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé.
25 Q. Mais vous ne savez pas du tout si c'est ça qui s'est passé, parce que
26 vous venez de dire que vous ne savez pas où se trouvait le général
27 Lazarevic, une fois que vous, vous êtes parti de l'endroit ?
28 R. C'est exact.
Page 11490
1 Q. Vous nous avez aussi dit, en début d'audition aujourd'hui, lorsque vous
2 parliez du général Lazarevic, que c'était quelqu'un qui faisait
3 l'inspection d'unités de terrain et qui était toujours informé des actions
4 auxquelles participaient ces unités. Est-ce bien ce que vous avez dit à son
5 propos ?
6 R. Mais rien n'est contesté, je ne conteste rien. Il avait des unités dans
7 tout le Kosovo-Metohija. Ici, nous parlons de l'action Reka, mais lui, il
8 avait des actions dans tout le Kosovo-Metohija. Il aurait pu aller
9 inspecter n'importe quelle unité à n'importe quel moment. Je ne sais
10 vraiment pas où se trouvait le général Lazarevic quand moi je suis parti de
11 Pristina. Je ne le sais pas, et lui n'avait pas l'obligation de me dire.
12 C'est un général. Je n'avais pas l'habitude de lui demander ce qu'il allait
13 faire, ni où il allait.
14 Q. Il aurait pu se rendre au poste de commandement avancé de Djakovica,
15 poste de commandement avancé du Corps de Pristina ?
16 R. Je ne sais pas. Je dis que je ne l'ai pas vu. Moi, je n'étais pas là
17 non plus. Je n'étais pas au poste de commandement avancé. Je ne l'ai pas
18 vu, lui, et je sais qu'il est resté plus longtemps que moi à cette
19 cérémonie. C'est tout ce que je peux vous dire. Je ne peux pas maintenant
20 faire de devinettes pour savoir où il était, s'il est possible qu'il soit
21 arrivé au poste de commandement avancé, s'il y est allé ou pas, et cetera.
22 Q. Donc, pour le dire plus simplement, vous ne savez pas s'il était au
23 poste de commandement avancé ou pas ?
24 R. La vérité, c'est que je ne l'ai pas vu là, c'est que lui, il est resté
25 plus longtemps que moi à Pristina.
26 Q. Vous dites : "Je ne l'ai pas vu là," mais vous, est-ce que vous êtes
27 allé en personne au poste de commandement avancé du Corps de Pristina
28 pendant que se déroulait cette action ?
Page 11491
1 R. Non.
2 Q. C'est donc impossible de savoir s'il était présent ou pas à ce poste de
3 commandement, puisque vous n'étiez pas là ?
4 R. Moi, je n'ai pas été à cet endroit. Mon chef d'état-major, le colonel
5 Stankovic, lui, il était là. Et si le commandant était venu, il me l'aurait
6 dit. Si le commandant s'était trouvé à Djakovica, il aurait fallu que je le
7 sache, parce que moi, en tant que chef de brigade, chaque fois que le
8 commandant venait, je devais aller le rencontrer, le saluer, lui faire
9 rapport, et si le commandant du corps d'armée venait à Djakovica, il
10 fallait que j'en sois informé.
11 Q. Mais vu ce que vous nous avez dit à propos de l'homme qu'était le
12 général Lazarevic en tant que commandant, vous nous avez dit qu'il restait
13 toujours vraiment au courant de ce qui se passait dans ces unités et de ce
14 qu'elles faisaient. Est-ce que vous auriez été informé de l'unité qui
15 impliquait l'action de tellement d'unités du Corps de Pristina, du
16 commandement du Corps de Pristina ? Il aura été pleinement informé, n'est-
17 ce pas ?
18 R. Ecoutez, d'abord, il n'y a pas tant d'unités qui ont participé à cette
19 action, parce que s'il y en avait eu autant -- bon, c'était des parties
20 d'unités qui ont participé. Vous avez montré un document de la 125e, il y a
21 quelques instants. Moi, je crois le rapport du commandant. Il parle de
22 parties d'unité. Il y avait une partie de mon unité qui était là. Alors, si
23 on veut se livrer à une interprétation, on peut dire que ça fait deux
24 brigades. Mais il ne fallait pas nécessairement que ce soit même deux
25 compagnies. Ça aurait pu faire que deux compagnies qui ont participé à
26 cette action. Ça ne veut pas dire qu'il s'agit d'effectifs vraiment
27 considérables, et qui auraient représenté une activité essentielle pour le
28 commandant du corps qui s'occupe d'autres choses. Après tout, il n'est pas
Page 11492
1 coutumier que le chef d'état-major d'un corps d'armée se trouve à l'endroit
2 même où se trouve le commandant du corps. Le chef d'état-major du corps,
3 lui, il était là. Ça, c'est certain. Le colonel Milan Kotur, c'est celui
4 qui avait la responsabilité de l'action, ce qui veut dire que j'affirme que
5 le général Lazarevic n'était pas là, à ma connaissance.
6 Q. Du meilleur de votre connaissance, mais vous n'en êtes pas tout à fait
7 certain ? C'est cela ?
8 R. Je ne peux pas être tout à fait certain, parce qu'on n'était pas
9 enlacés tous les deux ensemble pendant tout le temps. Comment voulez-vous
10 que je sache ses allées et venues ? J'aurais été informé, moi, que ce
11 dernier était venu à Djakovica, le chef de mon état-major ne m'a pas
12 informé de cela.
13 Q. Monsieur, vous nous l'avez déjà dit lorsque les actions avaient été
14 menées par les unités du Corps de Pristina qui impliquaient l'usage de
15 plusieurs unités, est-ce que ces actions auraient été approuvées par le
16 commandant du Corps de Pristina avant qu'elles ne soient menées à bien ?
17 R. Le poste de commandement avancé avait le droit de prendre des
18 décisions. Donc je n'ai pas eu connaissance de rien d'autre. S'agissant des
19 tâches ou des missions que je recevais du poste de commandement avancé, il
20 s'agissait de tâches qui, pour moi, équivalaient aux tâches ou aux ordres
21 reçus par le commandant du corps d'armée. S'agissant d'autres choses, je ne
22 peux pas vous parler d'autres choses.
23 Q. Monsieur, une action impliquant des unités multiples du Corps de
24 Pristina, une vaste action, peut-elle être menée sans la connaissance du
25 général Lazarevic ?
26 R. Je ne sais pas.
27 Q. Vous ne savez pas. Vous ne savez pas s'il fallait qu'il approuve une
28 action impliquant plusieurs unités du Corps de
Page 11493
1 Pristina ?
2 R. Voyez-vous, le poste de commandement avancé se trouvait à Djakovica, et
3 le chef d'état-major se trouvait là également.
4 Q. Monsieur, je vous interromps, parce que je voudrais vous demander une
5 question sur le général Lazarevic. C'est lui qui m'intéresse; ce n'est pas
6 le poste de commandement avancé à Djakovica.
7 R. Je ne sais pas s'il devait savoir ou pas. Je ne peux pas répondre à
8 cette question.
9 Q. Vous ne savez pas s'il devait être informé d'actions impliquant des
10 unités multiples du Corps de Pristina ?
11 R. C'est une chose d'approuver et c'est une autre chose d'être informé. Je
12 suis certain qu'il pouvait en être informé.
13 Q. Vous, vous dites qu'une vaste opération qui impliquait plusieurs unités
14 ne nécessitait pas son aval ?
15 R. Non. D'abord --
16 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je vois mon éminent confrère voulant prendre
17 la parole.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur le Témoin ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, si des parties d'unités participent,
21 ce n'est pas des unités entières. C'est des effectifs, des parties
22 d'unités. Alors, à ce moment-là, on peut informer le commandant ou pas.
23 Mais le poste de commandement avancé à Djakovica avait le droit de
24 planifier et de nous donner des ordres à nous, aux commandants, nous
25 ordonnant d'effectuer des actions qu'ils avaient planifiées.
26 Moi, je ne peux pas m'immiscer entre la compétence et la
27 subordination entre le poste de commandement avancé et le corps d'armée. Je
28 ne peux pas répondre précisément à votre question.
Page 11494
1 Mme KRAVETZ : [interprétation]
2 Q. Non, mais ce n'est pas cela que je vous demande. Je ne vous demande pas
3 de me dire cela. En fait, ce que vous dites, c'est que dépendamment de
4 l'envergure, il aurait pu, mais ce n'était pas nécessaire qu'il en soit
5 informé. Donc s'il s'agissait effectivement d'une vaste opération
6 impliquant plusieurs unités, c'est quand même quelque chose dont il aurait
7 été informé, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, c'est exact.
9 Q. En fait, c'est quelque chose qu'il aurait dû approuver avant que
10 l'opération ou l'action ne soit lancée, bien sûr si on parle d'une vaste
11 opération impliquant plusieurs unités ?
12 R. Je ne le sais pas. Je sais seulement ce qui a trait à mon unité. Je
13 sais que je dois recevoir un ordre ou une tâche du poste de commandement
14 avancé. Vous me demandez de vous parler de rapports qui sont à l'extérieur
15 de mes compétences. Je sais quelles étaient mes obligations envers le
16 commandement du corps d'armée et je sais quelles sont leurs obligations
17 envers moi, à savoir quels sont les rapports existant entre le poste du
18 commandement avancé et le commandement du corps d'armée. Je ne connais pas
19 exactement leurs rapports, et de toute façon, ces liens, ces contacts
20 peuvent varier d'un cas à l'autre.
21 Q. Très bien. Merci. Laissons cela de côté.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Merci.
23 Monsieur Popovic, je vous écoute.
24 M. POPOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Puisqu'on a
25 répondu à la question, mon objection n'a plus aucun sens.
26 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
27 Mme KRAVETZ : [interprétation]
28 Q. Nous n'avons pas beaucoup de temps avant la fin de la session. Je
Page 11495
1 souhaiterais vous montrer une autre déclaration.
2 Mme KRAVETZ : [interprétation] Il s'agit de la pièce D730, et nous avons
3 remarqué que la traduction correspondante en B/C/S n'a pas été téléchargée,
4 donc nous avons téléchargé une pièce séparée dans le prétoire électronique
5 qui peut nous être utile pour cet exercice. Il s'agit de la pièce 65 ter --
6 la pièce 06050.
7 Q. Voilà, c'est une déclaration que vous avez établie pour cette
8 commission de coopération. Elle porte également la date du 27 décembre
9 2002, tout comme la déclaration que nous avons examinée il y a quelques
10 instants, et elle porte sur les activités de votre unité en date du 28
11 avril 1999.
12 R. Oui.
13 Q. Monsieur, lorsque cette déclaration a été établie ainsi que la
14 précédente que nous avons examinée, avez-vous consulté d'autres documents,
15 d'autres sources, outre le livre dont nous avons parlé, intitulé "Tel que
16 vu, tel que dit", "As Seen, As Told" ?
17 R. Non, nous n'avons pas eu d'autres documents à notre disposition.
18 C'était uniquement de mémoire qu'il fallait faire une déclaration.
19 Q. Vous nous avez dit, Monsieur, vous-même, que vous n'avez pas participé
20 à l'action Reka, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas été impliqué; c'était votre
21 subordonné, M. Zlatko Odak ?
22 R. Oui, je n'ai fait qu'inspecter l'unité, mais je n'ai pas pris part à
23 l'action. Non, je n'ai pas pris part à cette action.
24 Q. Et si j'ai bien compris votre déposition que vous avez faite
25 aujourd'hui et celle d'hier, vous nous avez dit que l'information que vous
26 avez concernant cette opération, vous la détenez des renseignements que
27 vous a fournis M. Odak, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
Page 11496
1 Q. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le paragraphe 2, et
2 nous voyons au bas du paragraphe un tampon de l'opération, et vous dites :
3 "Point trigonométrique gauche 42 [comme interprété] à la droite, 478
4 Baratki, visant à empêcher le retrait du SDS
5 et village de Skivljan, sur cet axe-là."
6 Voyez-vous cela ?
7 R. Oui.
8 Q. Et au bas de cette déclaration, vous dites :
9 "Ni moi ni quelconque personne n'ait commis ou pris part à des exactions
10 commises pendant cette période. Je n'ai aucune connaissance de tels crimes
11 commis par des membres de mon unité."
12 Voyez-vous cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Et vous affirmez encore aujourd'hui ce que vous avez déclaré ici dans
15 cette déclaration ?
16 R. Oui.
17 Mme KRAVETZ : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
18 je demanderais que cette pièce soit versée au dossier en tant que pièce 65
19 ter 0650.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P01539.
22 Mme KRAVETZ : [interprétation]
23 Q. Monsieur, est-ce que vous savez si votre subordonné, M. Odak, s'est
24 entretenu avec cette commission sur les incidents dont nous parlons
25 aujourd'hui ?
26 R. Je crois qu'il est venu déposer ici.
27 Q. Non, mais je vous demande s'il a fait une déclaration à la même
28 commission chargée de la coopération avec le TPIY ?
Page 11497
1 R. Oui, cette commission aussi, oui.
2 Q. Etiez-vous présent lorsqu'il a fait sa déclaration ?
3 R. Non.
4 Q. Est-ce que vous avez consulté sa déclaration avant de donner la vôtre ?
5 R. Je crois que oui.
6 Q. Donc vous avez lu sa déclaration avant que vous ne donniez votre
7 déclaration ?
8 R. Oui, effectivement. Oui, j'en ai pris connaissance.
9 Q. Je vous avais demandé un peu plus tôt, Monsieur, si vous aviez pris
10 connaissance ou consulté d'autres sources outre que le livre en question
11 intitulé "Tel que vu, tel qu'entendu", "As Seen, As Told", et vous nous
12 aviez répondu par la négative. Vous souvenez-vous d'avoir dit cela ?
13 R. Non, je n'ai pas consulté d'autres documents. Je ne pensais pas du tout
14 à la déclaration. Je pensais que vous me demandiez si j'avais consulté les
15 documents d'archives ou autres documents de ce genre. Alors, pour répondre
16 à votre question, je n'ai pas consulté d'autres documents de la brigade
17 s'agissant de cette date et de cette période, mais il est vrai que j'ai lu
18 la déclaration d'Odak. Voilà, donc je réajuste ma réponse. Si vous vouliez
19 savoir si j'avais consulté sa déclaration. Effectivement, oui, j'ai
20 consulté aussi sa déclaration.
21 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je demanderais qu'elle soit affichée à
22 l'écran, il s'agit de la pièce 06045, donc c'est un document 65 ter, n'est-
23 ce pas.
24 Q. Je vais simplement vous demander de regarder le bas de ce document, le
25 paragraphe qui commence par : "Le 26 avril, on m'a chargé de…" Regarder la
26 phrase du paragraphe qui dit ceci. Donc c'est la ligne suivante. Et puis,
27 on voit les coordonnées nécessaires pour l'opération et on dit "afin
28 d'empêcher le repli du SDS sur l'axe du village de Racaj et du village de
Page 11498
1 Skivljan."
2 Vous voyez ce passage dans votre déclaration ?
3 R. Oui, c'est une unité qui a participé à l'opération de combat; c'est ça
4 que vous voulez dire ?
5 Q. Voilà.
6 R. Y compris la procédure réservée à l'unité et aux personnes au cas où
7 elles rencontreraient des forces terroristes serbes --
8 Q. Je vous interromps, car je n'ai plus de temps. Mais je parlais du point
9 trigonométrique là, le point 442. C'est pratiquement mot pour mot ce que
10 vous avez dit dans la déclaration que vous avez préparée pour la
11 commission, n'est-ce pas ?
12 R. Mais je vous ai dit que j'avais utilisé la déclaration faite par Odak,
13 parce que je n'étais pas là. Mais j'ai rédigé ma déclaration en m'inspirant
14 de la sienne, tout comme la commission m'avait chargé de rédiger ma
15 déclaration. Moi, je l'ai appelé, Odak, et je lui ai dit : "Mais comment
16 est-ce que tout ça s'est passé, met-le sur papier," parce que lui, il a été
17 là tout le temps. Moi, je n'y ai passé que dix ou 15 minutes. Quand j'y
18 suis allé, je n'ai fait qu'une visite, j'ai fait quelques remarques, puis
19 je suis parti.
20 Ici, on me pose des questions sur ces événements. Tout ce que je sais à
21 leurs propos, c'est ce que je tiens de lui, le chef d'unité. Je vous ai
22 dit, je n'ai pas passé tout mon temps là. Je base ma déclaration sur celle
23 faite par le commandant Odak.
24 Q. Vous avez examiné cette déclaration qu'il a faite et vous avez veillé à
25 ce qu'on retrouve exactement les mêmes éléments d'information dans les deux
26 ?
27 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que le témoin a dit qu'il
28 avait demandé au commandant de coucher sur papier une description des
Page 11499
1 événements qu'il avait lue, et puis il avait, partant de la déclaration du
2 commandant, rédigé la sienne.
3 Mme KRAVETZ : [interprétation] Je retire ma question --
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois qu'il nous faut lever
5 l'audience.
6 Mme KRAVETZ : [interprétation] Oui, exactement. Je demande le versement du
7 document. Et je m'excuse d'avoir dépassé le temps qui était prévu
8 aujourd'hui.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le document est versé au dossier.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira, Monsieur le Président, de
11 la pièce P01540.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Popovic.
13 M. POPOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas ce
14 qu'il vous est possible de faire, mais la Défense demande que nous
15 poursuivions l'audience pendant dix minutes, car les questions
16 supplémentaires seront très peu nombreuses. Si Mme Kravetz n'a pas beaucoup
17 d'autres questions à poser, ça voudrait dire que nous pourrions terminer
18 nos questions supplémentaires en quelques instants, et nous vous serions
19 gré de bien vouloir prolonger l'audience.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous aimerions beaucoup vous faire
21 plaisir, Maître Popovic, mais lorsque vous faites ce genre de demandes, ça
22 entraîne beaucoup de problèmes de transport des accusés, le retour au
23 quartier pénitencier, le transport, et aussi difficultés pour les
24 interprètes et tout le personnel que vous ne voyez pas nécessairement à
25 l'intérieur du prétoire. L'expérience que j'ai acquise au fil du temps,
26 c'est que ça pose tellement de problèmes qu'il n'est pas justifié de vous
27 accorder ces quelques minutes supplémentaires.
28 J'en suis désolé, mais vu le temps consacré à l'interrogatoire
Page 11500
1 principal, je pense qu'il ne faut pas ici faire pression sur Mme Kravetz,
2 et il faut aussi tenir compte des besoins administratifs. On ne peut pas
3 comme ça décider tout d'un coup de prolonger l'audience. Ce n'est pas
4 faisable. Je vous remercie.
5 L'audience est levée.
6 [Le témoin quitte la barre]
7 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le mercredi 17 février
8 2010, à 9 heures 00.
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28