Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 13 juillet 2010

  2   [Réquisitoires]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. L'audience d'aujourd'hui est

  7   consacrée à la présentation du réquisitoire de l'Accusation.

  8   Monsieur Stamp, je vous en prie.

  9   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, et

 10   bonjour à vous. Je souhaiterais dire, aux fins du compte rendu d'audience,

 11   que je suis Chester Stamp. Je suis accompagné de Mme Daniela Kravetz et de

 12   Mme Priya Gopalan pour l'Accusation et Mme Line Pedersen étant notre commis

 13   aux audiences pour aujourd'hui.

 14   Je suppose, Monsieur le Président, que ce sera la dernière fois que je

 15   m'adresserai à vous officiellement dans le cadre de ce procès. Si tout se

 16   passe comme prévu, ce sera la dernière fois que j'interviendrai, et je

 17   pense que je souhaiterais, comme je l'ai fait au début, exprimer notre

 18   reconnaissance aux personnes qui ont fait en sorte que ce procès puisse

 19   être couronné de succès et qui représente pour moi en tout cas

 20   personnellement un événement important dans ma carrière.

 21   Cela fait 18 mois que cette affaire a commencé, et je pense que nous avons

 22   su présenter, nous avons en fait œuvré de façon efficace, de façon rapide

 23   également. Il y a de nombreuses personnes, dont certaines ne se trouvent

 24   d'ailleurs pas dans le prétoire, qui nous ont aidé. J'aimerais remercier

 25   mes collègues de l'Accusation, les avocats qui sont intervenus dans le

 26   prétoire devant la Chambre de première instance, ainsi que les nombreux

 27   juristes et avocats qui ne sont pas intervenus pendant le prétoire, mais

 28   qui, en coulisse, ont préparé les requêtes, mené à bien les recherches, et

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  1   ont fait tout ce qui était absolument nécessaire pour que nous puissions

  2   vous présenter notre thèse.

  3   Nous aimerions également exprimer une dette de reconnaissance à

  4   l'égard des membres du bureau du Procureur, qui nous ont apporté leur

  5   appui, tel que, par exemple, le bureau de l'aide juridictionnel, les

  6   assistants linguistiques, les enquêteurs, les analystes, ainsi que nos

  7   stagiaires. Nous venons de terminer la tâche importante qui consiste à

  8   mettre au point le -- nous avons plutôt terminé le mémoire de clôture dans

  9   lequel nous avons présenté de nombreux éléments de preuve en l'espèce, des

 10   milliers de pièces à conviction, et il faut savoir que nombreux ont

 11   travaillé fort tard dans la nuit ainsi qu'au petit matin pour faire en

 12   sorte que tout soit présenté à la Chambre de première instance en temps

 13   voulu.

 14   Nous ne pourrions absolument pas poursuivre sans remercier, le

 15   travail de ceux qui travaillent pour nous, dans les cabines

 16   d'interprétation. Ils ont dû supporter parfois des avocats qui parlaient

 17   beaucoup trop vite. Il semblerait d'ailleurs que très souvent j'ai été l'un

 18   des grands coupables, ou en tout cas, celui qui a reçu le plus de plaintes.

 19   Ils ont dû également travailler alors que certains témoins, certaines

 20   victimes étaient parfois terrassées par l'émotion. Je remercie également

 21   les sténotypistes qui ont fait leur travail de façon diligente pour le

 22   compte rendu d'audience. Je remercie également la régie qui doit être

 23   remercier parce qu'ils nous ont aidés d'une façon extrêmement compétente et

 24   ont pu mettre à notre disposition un arsenal assez impressionnant

 25   d'appareils techniques que nous avons à notre disposition. J'aimerais

 26   également remercier les membres de l'Unité des Victimes et des Témoins qui

 27   se sont acquittés de leur tâche d'une façon extrêmement compétente et qui

 28   ont fait en sorte que les témoins ont pu venir jusqu'à La Haye pour que

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  1   tout se passe sans problème, et qui, bien entendu, se sont occupés de ces

  2   témoins, ont fait en sorte qui puissent se sentir à l'aise pendant qu'ils

  3   se trouvaient à La Haye.

  4   J'aimerais également remercier les conseils et la Défense qui a

  5   toujours fait preuve d'un extrême professionnalisme dans la façon dont nous

  6   avons travaillé de concert.

  7   Puis en dernier lieu, j'aimerais remercier la Chambre de première instance

  8   pour la façon dont elle a su gérer ce procès, et j'aimerais la remercier de

  9   son extrême amabilité à notre égard.

 10   Alors, bien entendu, je ne sais pas si après un procès si long un conseil

 11   doit parler trop longtemps, car si nous n'avions pas présenté nos éléments

 12   de preuve pendant plus de 18 mois de façon claire, si nous n'avons pas été

 13   à même de le faire, je pense qu'il est maintenant trop tard pour rectifier

 14   le tir. Toutefois, Monsieur le Président, je vais m'évertuer de présenter

 15   deux grands thèmes qui ont pour moi beaucoup d'importance et qui sont au

 16   cœur même de ces éléments de preuve, qui devront être évalués par la

 17   Chambre de première instance. Je ne vais pas revenir sur ces éléments de

 18   preuve de façon détaillée, car je pense qu'ils sont présentés de façon

 19   exhaustive dans le mémoire de clôture finale de l'Accusation - et je n'ai

 20   pas l'intention de le faire - et j'espère ne pas réitérer ce qui a déjà été

 21   avancé. Je présenterai toutefois certains éléments sur lesquels je

 22   reviendrai, qui font partie, qui ont été soulevés en fait dans le mémoire

 23   de la Défense et qui, je pense, doivent être pris en considération par

 24   l'Accusation avant la fin de la présentation des moyens à charge et à

 25   décharge.

 26   Alors, Monsieur le Président, je vous dirais qu'après l'échec essuyé à la

 27   suite des tentatives pour essayer de trouver une solution au séparatisme

 28   non violent et violent des Albanais du Kosovo, et étant donné que les

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  1   conditions qui devaient prévaloir pour qu'un régime serbe puisse continuer,

  2   étant donné que ces conditions se détérioraient au Kosovo, les dirigeants

  3   de la RFY et de la Serbie, notamment des politiciens, des personnalités

  4   militaires, ainsi que les dirigeants de la police se sont lancés dans un

  5   plan dont le but était de modifier l'équilibre ethnique au Kosovo, et ce,

  6   afin de garantir un contrôle serbe continu dans toute la province. Cet

  7   objectif n'aurait absolument pas pu être réalisé sans avoir recours à des

  8   moyens criminels, à savoir l'expulsion par la force d'une grande partie de

  9   la population des Albanais du Kosovo. Ces moyens criminels se sont

 10   présentés sous forme d'une campagne généralisée systématique, une campagne

 11   de terreur et de violence qui visait la population albanaise du Kosovo.

 12   Différentes personnes, différents structures de commandement et différentes

 13   entités ont joué des rôles certes différents mais oh combien

 14   complémentaires, afin de permettre d'exécuter le plan, et le RJB, donc le

 15   secteur de la Sécurité publique du ministère de l'Intérieur de la Serbie,

 16   que l'accusé commandait, a joué un rôle absolument essentiel en cela.

 17   Donc cette affaire ne porte absolument pas sur les crimes commis pas l'UCK.

 18   Il ne s'agit pas non plus d'aborder des questions politiques beaucoup plus

 19   génériques relatives aux avantages et inconvénients de l'indépendance ou du

 20   séparatisme au Kosovo. Il s'agit en fait de questions pertinentes mais qui

 21   ne nous occupent pas car, en l'espèce, nous nous sommes intéressés à l'une

 22   des responsabilités de l'une des personnes principales responsable de cette

 23   campagne planifiée dans laquelle s'inscrivaient des crimes bien précis.

 24   Pendant la présentation des moyens à charge, nous avons entendu et vu

 25   des témoins ainsi que des documents qui ont révélé la position, la fonction

 26   de M. Djordjevic, son contrôle et son autorité, puisqu'il se trouvait à la

 27   tête du secteur de sécurité publique du MUP, ainsi que ses actes et

 28   comportements étayant le plan. La Défense affirme - et je dois dire que ce

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  1   fut l'un des problèmes essentiels en l'espèce, et cela fait l'objet du

  2   paragraphe 311 de leur mémoire de clôture - la Défense affirme, disais-je,

  3   qu'il n'y avait pas de plan commun étant donné que les éléments de preuve

  4   ne permettent pas de dégager une campagne organisée, mais plutôt des

  5   incidents isolés commis par des individus isolés qui agissaient de façon

  6   aléatoire. C'est ce qu'ils affirment dans leur mémoire, Messieurs les

  7   Juges, cela évidemment afin d'essayer de minimiser les crimes, de les

  8   considérer comme des crimes locaux, et c'est ce que la Chambre devra

  9   considérer. Alors, le plan qui consistait à expulser les Albanais du Kosovo

 10   ainsi qui consistait à empêcher leur retour peut être compris lorsqu'on

 11   prend en considération la portée des crimes ainsi qu'une certaine structure

 12   dans ces crimes, tel que cela est indiqué dans le mémoire final de

 13   l'Accusation au paragraphe 458, car il faut savoir qu'environ 800 000

 14   Albanais du Kosovo ont été expulsés, des milliers ont été assassinés en

 15   moins de trois mois dans une zone géographique qui est relativement

 16   restreinte.

 17   Donc d'aucun peut facilement comprendre la structure organisée si on

 18   prend en considération les éléments de preuve relatifs aux faits

 19   incriminés, à savoir les éléments de preuve présentés par les victimes qui

 20   ont survécu, et présentés par les observateurs qui se trouvaient sur le

 21   terrain. Il faut savoir qu'il y a eu, et c'est assez classique, des

 22   attaques conjointes de la part de la VJ et du MUP, attaques qui visaient

 23   les villages ou les centres de population ainsi que la population albanaise

 24   du Kosovo, qui a été expulsée de façon violente avec force et menaces de

 25   violence et autres actes de persécution. Très souvent, leurs papiers

 26   d'identité personnelle ont été confisqués et détruits, leurs foyers ont été

 27   détruits pour empêcher leur retour. Parfois des groupes d'hommes,

 28   essentiellement des hommes en fait, ont été séparés de la population qui

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  1   fuyait et ont été tués. La population albanaise du Kosovo a été

  2   littéralement terrorisée, et cela s'est soldé par un exode massif. Il faut

  3   savoir que l'on retrouve quasiment les mêmes modes d'expulsion dans des

  4   lieux différents ici et là sur tout le territoire du Kosovo-Metohija. Donc,

  5   si l'on prend en considération la globalité des faits incriminés, cela

  6   suffit pour prouver qu'il y a eu effectivement une campagne générale et

  7   systématique.

  8   De surcroît, le fait d'indiquer qu'il y a une campagne généralisée et

  9   systématique menée contre les Albanais du Kosovo est confirmé par les

 10   preuves apportées relatives au transport clandestin des corps de plus de

 11   800 Albanais du Kosovo dont les corps ont donc été transportés vers la

 12   Serbie et qui, ensuite, ont été dissimulés dans des charniers. Ces corps

 13   qui ont été transportés vers la Serbie et qui ont été enterrés en Serbie

 14   afin de dissimuler ces crimes représentent un élément de preuve qui n'est

 15   absolument pas contesté et la Chambre de première instance pourra tout à

 16   fait dégager certaines conclusions sur la base de ces éléments de preuve

 17   qui ne sont pas contestés. Alors certains de ces éléments de preuve sont

 18   absolument manifestes tel que, par exemple, premièrement, les restes

 19   mortels de ces victimes, de ces personnes, étaient les restes de personnes

 20   qui avaient été victimes de meurtre ou d'assassinat. Les parties qui ont

 21   organisé ce transfert et cette dissimulation de corps savaient pertinemment

 22   qu'il s'agissait de victimes de meurtre et qu'il ne s'agissait pas de

 23   combattants ou de personnes qui étaient mortes de façon accidentelle mais

 24   qu'il s'agissait bien de victimes de meurtre. Les parties qui ont organisé

 25   ce transfert des corps ainsi que leur dissimulation savaient en fait qu'ils

 26   étaient coupables, de cette façon, qu'ils participaient au meurtre. Il ne

 27   s'agissait pas de crimes ordinaires ou de crimes commis par l'UCK; sinon,

 28   l'effort gigantesque qui a été fait pour dissimuler ces corps et pour les

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  1   transporter a été tel que l'on peut en déduire que ces personnes essayaient

  2   de dissimuler la responsabilité des personnes qui avaient tué. Il est

  3   évident en fait que cela nous permet de comprendre qu'il s'agissait d'une

  4   organisation extrêmement bien planifiée à un haut niveau. Il est absolument

  5   manifeste qu'une opération dont le but était de transporter autant de corps

  6   avait dû être planifiée de façon extrêmement circonspecte et à un très haut

  7   niveau.

  8   Donc, bien entendu, nous avons énuméré ces éléments dans notre

  9   mémoire de clôture, mais je pense qu'il y a des déductions très claires qui

 10   pourront être dégagées. La Chambre de première instance ayant tout à fait

 11   le droit de comprendre que le simple fait que ces corps ont été transportés

 12   de cette façon correspond à des éléments de preuve qui n'ont absolument pas

 13   fait l'objet de contestation.

 14   Puis il y a une autre déduction qui peut être dégagée, à savoir ces

 15   meurtres et assassinats étaient la conséquence d'une campagne extrêmement

 16   bien planifiée. Car quand on pense au nombre de victimes, quand on pense à

 17   la portée de l'opération, cela est la preuve s'il en fut, qu'il s'agissait

 18   véritablement d'une campagne organisée et planifiée. C'est un élément parmi

 19   tant d'autres que l'on peut dégager, lorsque l'on pense au transport des

 20   corps. Nous avons analysé plutôt de façon extrêmement méticuleuse les

 21   éléments de preuve scientifiques et médico-légaux qui ont été considérés

 22   dans leur globalité, à savoir se présenter par Sterenberg, l'archéologue

 23   médico-légal, les éléments de preuve relatifs à l'ADN de la commission

 24   internationale chargée des personnes portés disparues et du Dr Alonso,

 25   ainsi que les éléments de preuve présentés par le Dr Baraybar,

 26   l'anthropologiste médico-légal, sans oublier les listes des personnes

 27   portées disparues de l'office pour les personnes portées disparues et

 28   l'institut médico-légal. Tout cela permet d'établir que les restes humains

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  1   des Albanais du Kosovar qui ont été trouvés dans ces charnières en Serbie,

  2   provenaient de différents crimes commis dans différents lieux à des moments

  3   différents. Ces corps venaient d'une multitude de lieux où les crimes

  4   avaient été commis dans tout le Kosovo. Il s'agit d'éléments de preuve

  5   impérieux qui nous permettent de comprendre qu'il s'agissait d'une campagne

  6   systématique et généralisée, et qu'il ne s'agissait pas de meurtre

  7   aléatoire. En fait, ce que je vous dis, Monsieur le Président, c'est que

  8   les corps qui ont été trouvés en Serbie ne sont pas des corps qui ont été

  9   trouvés à la suite de un, deux ou trois incidents. Ils ont été collectés

 10   ces corps, ils ont ensuite été dissimulés mais ils correspondent à de

 11   nombreux incidents qui se sont déroulés sur tout le Kosovo, pendant toute

 12   la période comprise par l'acte d'accusation, et cela prouve, en fait, le

 13   fait que ces corps ont été rassemblés, transportés et dissimulés en Serbie,

 14   prouve en fait qu'il y avait non seulement planification mais qu'il y avait

 15   une certaine connaissance de ces différents meurtres et assassinats.

 16   La pièce P815, est la pièce qui reprend les rapports d'exhumation de M.

 17   Sterenberg, au nom de la Commission internationale chargée des Personnes

 18   disparues, l'ICMP. C'est une pièce qui nous présente l'analyse des

 19   exhumations exécutées sur trois sites, Batajnica, Petrovo Selo et Bajina

 20   Basta dans la région du lac de Perucac, en Serbie où les restes de plus de

 21   800 Albanais du Kosovo ont été trouvés. En fait, il y a eu 705 corps ou

 22   restes mortels qui ont été trouvés à Batajnica, 75 à Petrovo Solo et 48 à

 23   Bajina Basta.

 24   La suite des analyses d'ADN qui ont été menés à bien par la commission

 25   internationale chargée des personnes portées disparues et par le Dr Alonso

 26   à Madrid, la grande majorité de ces restes mortels ont pu ainsi être

 27   identifiés. L'ICMP donc nous a fourni la liste des personnes qui ont été

 28   identifiées, qui font l'objet de la pièce P818, qui je pense va maintenant

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  1   être affichée à l'écran. Vous verrez qu'il s'agit d'une liste de centaines

  2   de personnes dont les corps ont été identifiés, corps qui se trouvaient

  3   donc dans ces fosses communes en Serbie. Je voudrais juste que nous nous

  4   intéressions à une page peut-être, vous verrez qu'il y a plus de 600, 650

  5   personnes qui sont des Albanais du Kosovo. Nous avons entendu les éléments

  6   de preuve à propos du massacre de Suva Reka, c'était Shyhrete, Hysni

  7   Berisha ainsi que Hebib Berisha. Alors il s'agit de plusieurs personnes qui

  8   ont été trouvées par la suite, il y avait notamment des bébés.

  9   Donc à la fin des procédures d'identification, les corps ont été

 10   rendus aux familles par la mission des Nations Unies au Kosovo. Les

 11   affaires ont été considérées comme closes lorsque cela pouvait être fait.

 12   La pièce P477 est une liste harmonisée de personnes portées disparues au

 13   Kosovo. La liste de ces personnes donc a été présentée par le comité

 14   international de la Croix-Rouge, et d'autres organisations internationales

 15   ont œuvré, ce qui nous a donné donc cette liste harmonisée. Je dirais que

 16   le bureau chargé, le bureau médico-légal chargé des personnes disparues a

 17   également préparé cette liste. Il y a autre chose qui est important, il

 18   faut savoir en fait que lorsque le CICR et les autres organes ont compilé

 19   les informations relatives à la disposition de ces personnes au Kosovo, ils

 20   ont également consigné les dates où cela avait été indiqué, donc les dates

 21   qui correspondent à la disparition de ces personnes, ainsi que les lieux de

 22   l'événement d'où ces personnes avaient disparu. Je vais juste afficher à

 23   l'écran ce document qui a été versé au dossier, vous verrez en fait que

 24   dans la quatrième ou la cinquième colonne à partir de la droite, nous

 25   voyons la date de l'événement en question ainsi que le lieu de l'événement.

 26   Les noms qui apparaissent sur cette liste, la liste donc du CICR et de

 27   l'OMPF, correspondent à de nombreuses personnes en fait, qui n'avaient pas

 28   été prises en considération par les analyses. Nombreuses parmi ces

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  1   personnes ont pu être identifiées maintenant dans des fosses communes en

  2   Serbie. Cela montre en fait qu'il ne s'agissait pas de meurtres qui ont été

  3   commis de façon aléatoire, isolée, mais que cela a été le résultat de

  4   l'exécution d'un plan. Cela permettra à la Chambre de comprendre un peu

  5   mieux quelle était la nature généralisée, systématique de ce plan.

  6   Lorsque je parle de plan, je parle des crimes, je parle de la

  7   dissimulation des crimes. En fait, j'ai fusionné deux pièces à conviction,

  8   à savoir j'ai fusionné la liste de la Commission chargée des Personnes

  9   portées disparues, liste des personnes identifiées qui ont été trouvées

 10   dans les trois fosses communes en Serbie avec les renseignements émanant du

 11   CICR et l'OMPF, qui nous montrent le lieu où cela s'est passé ainsi que les

 12   dates des disparitions.

 13   Vous avez maintenant sur vos écrans cet organigramme harmonisé. En

 14   fait, d'ailleurs le CICR, enfin les listes du CICR et de l'OMPF, ont été

 15   présentées sur des formats qui permettront à la Chambre de comprendre ce

 16   que je me propose de faire.

 17   Nous voyons donc que sur cet organigramme, nous avons un inclus

 18   seulement les cas qui correspondent aux restes mortels récupérés dans les

 19   fosses communes en Serbie, qui ont été identifiés. Nous avons également

 20   fusionné les lieux et les endroits où ces personnes ont été tuées et les

 21   lieux où les personnes ont été indiquées comme portant disparues. En fait,

 22   ce que j'ai fait c'est que j'ai organisé cela en fonction du lieu de

 23   l'événement, de la disparition des victimes. Donc il s'agit de personnes

 24   dont les restes ont été trouvés à Batajnica. Nous voyons en fait qu'il y a

 25   toute une série de lieux, Cabrat, Pec, Djakovica, Dardania, Izbica,

 26   Batajnica, Pec, Kacanik, Kosovo Polje, Skenderaj, Ljubanic, Landovica,

 27   Meja. Alors, bien entendu, il y en a beaucoup qui ont été trouvés à Meja

 28   parce qu'il y a eu un incident qui s'est déroulé à Meja le 27 avril 1999.

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  1   Dans le cadre de cet incident, il faut savoir qu'au moins 300 hommes ont

  2   été tués et ont disparu, et leurs corps ont été retrouvés à Batajnica.

  3   Le village de Ramoc, Djakovica, des personnes venues de là, nous avons

  4   entendu beaucoup d'éléments de preuve là-dessus, de Slovinje, des éléments

  5   de preuve sur des personnes qui ont été tuées à ces endroits.

  6   Pour parler de ce que nous voyons ici, ici, si on reportait cela sur une

  7   carte, c'est l'annexe C, nous ne pourrions pas représenter chacun des

  8   meurtres mais nous pourrions montrer les endroits où de nombreux meurtres

  9   ont été commis, et sur la base des corps qui ont été trouvés en Serbie nous

 10   verrons bien que ces corps proviennent des incidents qui se sont produits

 11   au Kosovo. Un grand cercle au sud de la carte devrait représenter le

 12   massacre de Suva Reka, l'incident qui s'est produit le 25 mars, mais pour

 13   une raison que nous ne connaissons pas, ce massacre n'a pas été porté à la

 14   connaissance du CICR donc il ne figure pas sur leur liste. Donc il ne

 15   figure pas ici. La liste du CICR, Monsieur le Président, Messieurs les

 16   Juges, n'est pas une liste exhaustive. Elle nous donne juste des

 17   indications sur des meurtres et nous permet d'avoir une idée de la

 18   répartition géographique de ces meurtres.

 19   Un autre point important concernant la liste du CICR, à savoir quelque

 20   chose qui fait défaut sur la liste du CICR. Si nous répartissons ce tableau

 21   d'après la date des meurtres ou la date des disparition de personnes, nous

 22   voyons que les corps de ces personnes qui ont été trouvés en Serbie, et

 23   qu'ils ont été tués sur une période prolongée la période visée à l'acte

 24   d'accusation, à savoir, à une période qui court depuis le mois de mars, et

 25   puis qui s'étend en passant par le mois d'avril. Nous avons différentes

 26   dates au mois d'avril, différentes dates au mois de mars, au mois de mai,

 27   vous voyez juin, juillet, le 8 juin, et puis à la fin le 7 juillet.

 28   J'attire l'attention de la Chambre sur le fait que ces dates-là figurent

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  1   dans les registres du CICR, mais vous comprendrez qu'il s'agit de données

  2   qui parfois comportent des erreurs, et que cela n'a pas d'incidence sur

  3   l'essentiel des données conservées et qui concernent les meurtres. Je pense

  4   qu'il y a eu une erreur qui a été faite dans l'enregistrement, une erreur

  5   au regard des milliers de personnes concernées.

  6   Donc il ne s'agit pas seulement de ce que la Défense affirme dans son

  7   mémoire. Il s'agit d'une entreprise criminelle de très grande portée, il

  8   s'agit aussi d'une entreprise criminelle d'une très grande complexité. On a

  9   évacué, on a transféré les corps de victimes de nombreux assassinats ou

 10   meurtres commis à de nombreuses occasions, donc j'affirme que cela n'a pu

 11   être possible que grâce à une planification et à une gestion à un échelon

 12   très élevé.

 13   Ceux qui ont organisé la collecte et le transfert et la dissimulation de

 14   ces corps en Serbie connaissaient nécessaire la réalité de ces meurtres au

 15   fur et à mesure qu'ils étaient commis. On a collecté les restes des

 16   victimes à de nombreuses reprises à des endroits qui sont si éloignés les

 17   uns des autres, que la planification et l'organisation étaient absolument

 18   nécessaires, autrement cela n'aurait pas pu être exécuté comme cela l'a été

 19   fait.

 20   L'Accusation affirme, par conséquent, que les éléments médico-légaux pris

 21   dans leur ensemble autorise la Cour à tirer la conclusion, que non

 22   seulement il s'agissait d'une campagne généralisée et systématique mais

 23   d'une campagne planifiée.

 24   Au paragraphe 308 de son mémoire, la Défense affirme que c'est totalement

 25   absurde de penser qu'il s'agissait d'un plan, mais les éléments médico-

 26   légaux à notre sens démontrent qu'effectivement aucune autre conclusion

 27   logique n'est possible, aucune autre conclusion logique et raisonnable que

 28   celle qu'il s'est bien agi d'un plan.

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  1   Donc une question supplémentaire que la Chambre pourrait se poser est celle

  2   de savoir s'i s'est agi tout simplement d'une campagne de meurtres ou de

  3   persécutions ou si ces meurtres organisés, systématiques, se sont déroulés

  4   également en relation avec les expulsions qui d'après l'avis de

  5   l'Accusation constituent l'objectif et le mobil premier de tous ces crimes

  6   commis contre les Albanais kosovar de souche. L'Accusation affirme que la

  7   réponse à cette question ne peut être qu'affirmative et qu'il est tout à

  8   fait raisonnable de tirer cette conclusion, si ces meurtres font partie

  9   d'un plan organisé alors les expulsions qui sont liées à eux sont également

 10   organisées et planifiées.

 11   De nombreuses victimes dont il s'agit, les nombreuses victimes qui figurent

 12   sur les registres de l'ICMP y compris les restes qui ont été trouvés dans

 13   les fosses communes, à différents endroits montrent qu'il s'agissait de

 14   victimes d'expulsions de masse d'Albanais kosovar de souche.

 15   Nous verrons que de grands groupes parfois ont été victimes de meurtres.

 16   Nous verrons que de nombreux meurtres se sont produits là où des expulsions

 17   massives d'Albanais kosovar ont eu lieu. Vous verrez, par exemple, les

 18   meurtres d'Izbica. Puis un exemple qui saute aux yeux c'est celui de Meja

 19   parce qu'un si grand nombre de personnes ont été tuées à Meja, mais nous

 20   avons également Pnishi, Dedaj, et Nike Peraj en particulier qui nous ont

 21   fait état d'expulsions en masse liées à ces meurtres qui se sont produits à

 22   ces endroits.

 23   Je reparlerai brièvement de l'incident de Meja lorsque j'en viendrai

 24   aux faits incriminés. Mais pour le moment, je souhaite attirer l'attention

 25   de la Cour sur les victimes de Meja, à savoir le fait qu'elles ont été

 26   trouvées à Batajnica.

 27   Nous sommes en train de parler de morts et de preuves de meurtres commis.

 28   Nous pourrions brièvement nous pencher sur l'annexe C sur le tableau qui

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  1   prouve les morts, le nombre de morts. Il est annexé au mémoire préalable au

  2   procès de l'Accusation. Nous avons des victimes, les noms des victimes

  3   d'incidents de meurtre qui font l'objet des chefs d'accusation en l'espèce,

  4   et puis d'autres listes que j'ai juste mentionnées qui reprennent toutes

  5   les victimes identifiées des fosses communes en Serbie, et puis une autre

  6   liste de l'ICRC avec tous les rapports qu'ils ont reçu au sujet des

  7   personnes portées disparues. Donc nous avons ici une liste qui est plus

  8   restrictive, plus précise, qui ne reprend que les noms de ceux dont les

  9   noms figurent dans l'acte d'accusation. On regarde des chefs d'accusation

 10   de l'acte d'accusation. Nous avons aussi des fosses communes de Serbie, de

 11   Suva Reka dans l'annexe D de l'acte d'accusation des corps retrouvés à

 12   Batajnica, Izbica; puis à l'annexe F, les corps retrouvés à Batajnica puis

 13   à Petrovo Selo; et puis la plupart des victimes de Meja, Batajnica et Meja

 14   à l'annexe H.

 15   Donc nous estimons pouvoir affirmer que les éléments médicolégaux reportés

 16   et repris ici pour chacune des personnes décédées constitue une preuve des

 17   chefs des allégations de meurtre, tels qu'ils figurent à l'acte

 18   d'accusation. Nous avons ici des éléments de preuve médicolégaux par

 19   rapport -- donc issus de l'examen de chacun de ces restes humains, les

 20   éléments portant sur l'identification des personnes, les éléments de preuve

 21   que constitue l'ADN. Nous n'avons pas cela à l'écran. Je pense qu'il s'agit

 22   du tableau du CICR. Mais lorsque vous examinez cela, vous verrez que pour

 23   nombre de victimes ou pour la plupart des victimes, il s'agit d'hommes, et

 24   cela correspond au témoignage viva voce que la Chambre a entendu, à savoir

 25   les hommes étaient séparés des groupes et abattus pendant que le reste de

 26   la population était expulsé.

 27   Comme le Dr Baraybar a témoigné, les éléments de preuve permettent de

 28   voir que la grande majorité des victimes dont les restes ont été retrouvés

Page 14376

  1   dans un état qui a permis de les examiner, que la grosse majorité de ces

  2   personnes sont décédées dû à des blessures par balle et que ces personnes

  3   n'avaient pas pris part au combat. Ces victimes ont été assassinées ou

  4   tuées. Baraybar et son équipe se sont servis de méthodes les plus avancées

  5   afin d'arriver à ces conclusions, dans la mesure où l'état de putréfaction

  6   des corps et de décomposition des corps leur a permis de travailler.

  7   On a contesté dans une certaine mesure pendant ce procès le travail

  8   du Dr Baraybar et de son équipe, à savoir est-ce qu'ils ont pu tirer des

  9   conclusions sur la cause du décès par rapport à l'état dans lequel se

 10   trouvaient ces restes, mais le Dr Baraybar est venu témoigner devant la

 11   Chambre et il a dit à la Chambre quelles sont les techniques de pointe dont

 12   on peut se servir aujourd'hui afin d'examiner les restes humains, en

 13   particulier les os, pour arriver à des conclusions médicolégales. J'invite

 14   les Juges de la Chambre à réexaminer ces éléments relatifs à la liste des

 15   personnes décédées. Et là où nous avons des témoignages viva voce et où

 16   nous avons en même temps les éléments médicolégaux par rapport à la cause

 17   du décès, il sera tout à fait évident que ces deux listes se répondent et

 18   qu'elles correspondent aux conclusions de l'équipe du Dr Baraybar, ainsi

 19   qu'aux éléments qui ont été présentés par le Dr Baccard.

 20   Je voudrais maintenant parler de la responsabilité pénale

 21   individuelle de l'Accusé par rapport à sa participation au plan.

 22   L'Accusation affirme qu'en juger d'après les éléments de preuve, il a été

 23   démontré l'existence d'une campagne généralisée et systématique qui a été

 24   planifiée et qu'une entreprise criminelle commune a existée. Cette

 25   entreprise criminelle commune n'aurait pas pu être menée à bien sans la

 26   participation de la police. M. Djordjevic avait des informations sur les

 27   événements, et à en juger d'après son comportement à des moments

 28   pertinents, comme cela a été démontré par les éléments de preuve, eh bien,

Page 14377

  1   sa responsabilité pénale est engagée en tant que celle d'un participant à

  2   ce plan, et aussi pour avoir aidé et encouragé les exécutants des crimes

  3   allégués.

  4   Les éléments de preuve qui font l'objet du mémoire final de l'Accusation

  5   font état du fait que l'Accusé a contribué à l'entreprise criminelle

  6   commune de manière volontaire et délibérément, qu'il a assisté à la

  7   commission des crimes, entre autres choses, qu'il a pris part à l'armement

  8   des civils non Albanais et au désarmement des villages albanais, qu'il a

  9   pris part à la coordination des opérations conjointes de la VJ et du MUP à

 10   travers le commandement conjoint et de la structure du commandement de la

 11   police. Dans ces opérations, des crimes ont été commis. Il a autorisé, avec

 12   le ministre Stojiljkovic que l'on ait recours aux groupes paramilitaires et

 13   aux volontaires et, en particulier, qu'on se serve des Skorpions, qui ont

 14   commis de nombreux crimes allégués en l'espèce. Qui plus est, il a joué un

 15   rôle de tout premier plan dans la dissimulation du crime de meurtres par la

 16   dissimulation des corps dans les fosses communes en Serbie.

 17   Il a agit de concert avec d'autres personnes dont les noms figurent à

 18   l'acte d'accusation mais, avant tout, il a agit de concert avec le ministre

 19   de l'Intérieur, avec M. Stojiljkovic. Monsieur le Président, Messieurs les

 20   Juges, même si la Défense, et en particulier l'accusé, pendant son

 21   témoignage, cherchait à démontrer à la Chambre que des tensions et des

 22   désaccords ont existés entre l'accusé et son ministre à des moments visés à

 23   l'acte d'accusation, et que l'accusé n'était pas d'accord et qu'il n'a pas

 24   participé de son plein gré aux comportements et aux actes qui ont entraîné

 25   la participation de la police à ces crimes. L'Accusation estime qu'à

 26   l'examen plein et entier, des éléments de preuve. L'on s'aperçoit du fait

 27   qu'ils ont travaillé conjointement et qu'il n'y a eu aucun différend entre

 28   eux.

Page 14378

  1   Nous n'allons pas revoir l'ensemble des éléments de preuve qui nous

  2   permettent de le voir. Je voudrais juste signaler une série de dépêches

  3   envoyée par l'un ou l'autre de ces hommes, qui nous montre à quel point ils

  4   travaillaient ensemble main sous la main.

  5   Alors prenons la pièce P85 qui est une pièce à conviction très

  6   importante. Il s'agit du procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue le 17

  7   février, où des plans, plans d'opération, ont été évoqués, des opérations,

  8   de nombreux crimes de l'espèce ont été commis. Donc lors de cette réunion,

  9   l'on voit qui est présent, l'accusé, M. Djordjevic, et dont le nom figure

 10   juste avant celui du ministre. Nous pourrions examiner la page 3, s'il vous

 11   plaît. Nous verrons à la fin de sa prise de parole, le ministre émet ou

 12   confie des missions pour la période à venir, et puis nous verrons au milieu

 13   de ces points :

 14   "Approcher et engager les volontaires avec toutes les précautions. Mettre

 15   en parallèle leur engagement à travers la police de réserve lorsqu'on

 16   estime que cela est nécessaire."

 17     Le lendemain, le 18 février 1999, M. Djordjevic émet la dépêche P356, la

 18   pièce qui est devenue la pièce à conviction P356. Nous avons la page de

 19   garde, pourrions-nous tourner la page. Voyons le point 7, où il dit :

 20   "A travers l'activité du renseignement intense et d'autres mesures et

 21   actions, mener à bien les vérifications nécessaires, dressez des listes,

 22   établir le contrôle total sur les unités de volontaires et de

 23   paramilitaires, ainsi que leurs membres."

 24   Nous pouvons reprendre la page de garde de cette dépêche. C'est la dépêche

 25   qui porte le numéro 312, en date du 18 février 1999. Les plans ont été

 26   élaborés, à peu près à ce moment-là, et nous allons passer à la date du 24

 27   mars 1999, le moment où on traduira dans les faits ces plans. Nous allons

 28   examiner la pièce P702, une dépêche qui a été envoyée par le ministre. Au

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  1   premier paragraphe, le ministre affirme :

  2   "Qu'il est nécessaire d'intensifier la mise en œuvre des mesures qui

  3   ont été ordonnées par la dépêche 312, du 18 février 1999."

  4   De toute évidence, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  5   s'agissant de l'engagement des paramilitaires et des volontaires, quelque

  6   chose qui a donné lieu à la commission de crimes de très grande envergure,

  7   M. Djordjevic et M. Stojiljkovic ont travaillé de concert puisque la

  8   dépêche 132 est leur dépêche. Cette dépêche a été signée par Djordjevic, il

  9   n'en reste pas moins que leur dépêche. Le ministre affirme dans ces

 10   dépêches :

 11   "Vous devez en particulier exécuter ou prendre des mesures comme suit

 12   :"

 13   "Vous allez enregistrer toutes les unités de volontaires et de

 14   paramilitaires ainsi que leurs membres, et vous allez exercer un contrôle

 15   plein et entier sur eux, au cas où vous seriez appelés à les engager."

 16   Donc la Défense semble avoir rencontré quelques problèmes sur ces

 17   points au moment de la rédaction de son mémoire préalable au procès. Parce

 18   que je vois que dans leur mémoire final, aux paragraphes 102 à 104, ils

 19   essaient d'expliciter ces termes. Certains témoins de la Défense, des

 20   initiés, des subordonnés de M. Djordjevic sont venus déposer ici, et ils

 21   nous ont dit que les termes utilisés par le ministre ne signifiaient pas

 22   qu'ils étaient en train de planifier leur engagement des paramilitaires et

 23   des volontaires. Enfin c'est bien ce à quoi on s'attendrait de la bouche de

 24   ces témoins.

 25   Mais la Défense affirme dans son mémoire préalable au procès que

 26   c'était quelque chose faisait le ministre et que M. Djordjevic faisait

 27   autre chose, en fait. Au paragraphe 102, ils disent que l'ordre de

 28   Djordjevic, l'ordre signé par lui avait pour objectif d'empêcher le

Page 14380

  1   rassemblement des unités de paramilitaires et de volontaires, avait pour

  2   but d'empêcher qu'ils n'agissent. Le ministre donnait des instructions aux

  3   unités de volontaires, disait au contraire que si elles répondaient aux

  4   critères précisés, elles pouvaient être acceptées. On nous dit que c'est ce

  5   que Djordjevic cherchait à empêcher cela, tandis que le ministre voulait

  6   que cela ait lieu.

  7   Je ne pense pas que cette affirmation soit acceptable. Nous avons la

  8   dépêche du ministre. Nous voyons que M. Djordjevic est en haut de la liste

  9   des destinataires. Il est question de "notre" dépêche, elle cherche à

 10   mettre en œuvre "nos" instructions. Donc il ne s'agit pas de l'existence

 11   d'un différend entre les deux. Ils font partie de la même équipe, ils

 12   participent à la même entreprise criminelle commune.

 13   M. Djordjevic a pris part à des actions qui ont promu l'entreprise

 14   criminelle commune. J'affirme que cela ne fait aucun doute. Il a pris part

 15   à l'engagement des Skorpions, c'est quelque chose qui a été reconnu. Nous

 16   avons vu les documents qui viennent de lui sur l'engagement des

 17   paramilitaires. Il a pris part, il a admis qu'il a pris part à la

 18   dissimulation de plusieurs chargements. Je pense six chargements de corps,

 19   donc au-delà, il s'agit de plus de 800 corps donc transportés en Serbie.

 20   Donc ce sont des corps, des restes des victimes de crimes visées à l'acte

 21   d'accusation, donc sa participation, sa conduite font partie de

 22   l'entreprise criminelle commune et nous estimons qu'il a été démontré hors

 23   de tout doute que cela est le cas.

 24   Ce qui est intéressant aussi c'est son état d'esprit, ce qu'il savait

 25   à l'époque. La Défense de M. Djordjevic déclare qu'il n'avait aucune

 26   responsabilité de commandement pour la police du Kosovo, mais, là, nous en

 27   avons parlé dans l'une des -- enfin, dans le mémoire préalable au procès,

 28   et nous avons argumenté qu'il avait en effet la responsabilité de

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  1   commandement pour -- il déclare qu'il n'avait rien -- il n'a pas contribué

  2   à l'entreprise criminelle commune, mais ce n'est absolument pas vrai. C'est

  3   évident. Il déclare que, si tant est que les crimes aient été commis, en

  4   tant que chef de la police, il n'a rien fait, parce que, mis à part

  5   l'incident de Podujevo, il n'a pas été mis au courant de ce crime, en

  6   aucune façon. Voilà, en fait, l'essentiel de l'argument de la Défense.

  7   Lorsque j'ai agi de la façon dont j'ai agi, je ne savais absolument rien

  8   sur ces crimes, je ne savais rien sur ces crimes précis, et je ne savais

  9   absolument pas que ces crimes étaient en train d'être commis.

 10   La Chambre de première instance doit répondre à la question suivante : Si

 11   vous considérez qu'il y a bel et bien une campagne systématique et de

 12   grande envergure de violence, comprenant, entre autres, des assassinats

 13   d'Albanais du Kosovo et des expulsions de personnes par milliers, est-ce

 14   que, d'après vous, M. Djordjevic en tant que chef de la police de ce pays,

 15   n'était-il pas en droit et obligé d'ailleurs de protéger la sécurité de

 16   cette population en danger. Or a-t-il agi et bel et bien réalisé cette

 17   mission, ou au contraire, a-t-il fait tout ce qu'il a pu pour aider et

 18   étayer la campagne de violence ? L'Accusation déclare que non seulement il

 19   n'a absolument pas protégé la population ce qui était pourtant sa mission,

 20   mais il a participé en fait à sa mise en péril. Et l'un des éléments

 21   essentiels lorsqu'on tient à répondre à cette question, comme je l'ai dit,

 22   ce qui était nécessaire ici, c'est de savoir exactement quel était son état

 23   d'esprit à l'époque. S'il savait que des crimes étaient en train d'être

 24   commis ou allaient être commis lorsqu'il agit de la façon dont il a agi, en

 25   dissimulant les corps, par exemple, il est responsable d'avoir contribué à

 26   l'entreprise criminelle commune et avoir aidé et encourager la commission

 27   des crimes.

 28   L'accusé a décidé aussi de témoigner; il y a droit. Sans doute parce qu'il

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  1   était chef de la police régulière et il considérait qu'il pouvait ainsi

  2   expliquer certains de ces agissements. L'Accusation ne dit pas qu'il est

  3   obligé de prouver ou d'affirmer ou de confirmer quoi que ce soit, mais il a

  4   quand même une thèse de la défense et la Chambre de première instance doit

  5   évaluer son témoignage pour en tirer les conclusions nécessaires. Sa

  6   défense est simple c'est qu'il ne savait rien.

  7   Lorsque vous évaluerez son témoignage, Messieurs les Juges, souvenez-vous

  8   que l'accusé quand même est un avocat expérimenté qui a passé 30 ans de sa

  9   carrière dans la police, et dans les trois dernières années en tant que

 10   vice-ministre et chef des services de la Sécurité publique. Lorsqu'il a

 11   témoigné, il a dit qu'à partir de l'acte d'accusation, il savait de façon

 12   plus ou moins générale que des crimes auraient éventuellement pu être

 13   commis quelque part, puisque comme il le disait, toute guerre ne peut pas

 14   se faire sans crime. Mais mis à part Podujevo, il déclare n'avoir jamais

 15   été au courant, mis au courant des allégations portées contre lui au cours

 16   -- dans l'acte d'accusation -- dans l'accusation. Il dit aussi, pendant que

 17   tout le reste de l'année 1999 il n'a jamais eu connaissance d'allégations

 18   quelconques. Il a dit d'ailleurs plus tard qu'il n'a jamais eu vent de la

 19   moindre allégation portée contre les forces de police du Kosovo au cours de

 20   l'année 2000, et lors de son témoignage, Messieurs les Juges, il vous a bel

 21   et bien dit qu'en 2001 même, il n'avait toujours pas été mis au courant

 22   d'allégations portées contre les forces de police au Kosovo. Il a dit

 23   précisément qu'il n'était pas du tout au courant du massacre de Suva Reka,

 24   crime dont a été rendu responsable finalement un chef du SUP, donc il

 25   disait qu'il n'avait pas appris l'existence de ce crime uniquement des

 26   années après lorsque les personnes ont été accusées à Belgrade. Pour ce qui

 27   est du massacre de Mala Krusa, là encore, qui a été quand même au cours

 28   duquel un grand nombre de personnes ont été massacrées et un massacre qui a

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  1   été publié dans la presse internationale à l'époque, et qui a fait l'objet

  2   d'un acte d'accusation rendu public en mai 1999 contre son propre chef, M.

  3   Stojiljkovic. Il déclare qu'il n'a eu vent qu'en 2003 lorsqu'il a lu l'acte

  4   d'accusation dressé contre lui. C'est ce qu'il vous a dit. A vous de savoir

  5   si vous voulez le croire, c'est digne de foi d'après vous, je ne pense pas

  6   qu'on puisse le dire autrement. Est-ce que cela suscite un doute

  7   raisonnable en votre esprit ? C'est à vous de voir.

  8   Stojiljkovic a été mis en accusation pour ces crimes en 1999, je répète,

  9   1999, au mois de mai. Il enterrait des corps avec Stojiljkovic en mai 1999

 10   et ensuite il vient vous dire qu'il ne savait absolument rien des crimes

 11   pour lesquels Stojiljkovic a été mis en accusation, et il vous dit qu'il en

 12   a appris l'existence qu'en 2003.

 13   Je vous rappelle que les corps trouvés à Batajnica étaient des corps de

 14   personnes qui avaient été tuées jusqu'à la fin du mois de mai 1999. Le

 15   président même du pays, Milosevic, a été extradé vers La Haye et a été

 16   accusé de certains de ces crimes, de crimes pour que M. Djordjevic a dit,

 17   qu'il n'a pas eu vent en 2003. Donc, sachez, que tout le monde, dans le

 18   monde entier, tout le monde qui s'intéresse un peu à la Yougoslavie,

 19   connaissait l'existence de ces crimes, et il est évident au-delà de tout

 20   doute raisonnable que l'ex-chef de la police de ce pays était au courant de

 21   ces crimes. On ne peut pas penser le contraire, on ne peut pas penser qu'il

 22   a agi en ne sachant absolument rien de ce qui se passait.

 23   Vraiment je parle peut-être un peu librement. Mais vous répète à nouveau

 24   que vous ne pouvez absolument pas accorder le moindre crédit à ces propos.

 25   Il n'aurait pas pu participer comme il l'a fait et n'aurait pas pu être

 26   aussi impliqué s'il avait su ce qu'il faisait, s'il avait été au courant de

 27   ce qui se passait. De toute façon, il faut voir aussi quel est le type

 28   d'homme qu'il était, toutes les personnes, qui le connaissaient ou les

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  1   personnes des médias internationales qui l'ont rencontré, ont toujours dit

  2   qu'il avait une forte personnalité, qu'il était -- que c'est quelqu'un de

  3   décidé, donc comment aurait-il pu être -- comment aurait-il pu être

  4   impliqué dans ces crimes qui comportaient une dissimulation de corps sans

  5   savoir ce qui se passait.

  6   Lorsqu'il a témoigné, en fait, il a témoigné pour expliquer les éléments de

  7   preuve montrant ce qu'il avait fait. On lui a posé des questions, on lui a

  8   demandé de s'expliquer -- d'expliquer certains de ses agissements, et dans

  9   le cadre de son témoignage, essayer de trouver une bonne réponse. Il n'a

 10   jamais pu trouver de bonnes réponses. Il n'a jamais pu trouver de bonnes

 11   réponses lorsqu'on lui posait des questions sur ce qu'il savait. Sa défense

 12   a été toujours la même, il a essayé de s'expliquer en disant qu'il avait

 13   agi parce qu'il était sous pression, on exerçait des pressions sur lui,

 14   qu'il s'est retrouvé dans une situation où il était, en fait parce qu'il

 15   était devenu difficile d'expliquer ce qu'il avait fait sans avoir su ce qui

 16   était sous-jacent. C'est pour cela qu'il a finalement décidé, mais j'ai

 17   fait ce que j'ai fait parce que j'avais peur, peur pour ma propre sécurité.

 18   Il dit qu'il a agi, qu'il a agi ainsi parce qu'il se sentait menacé de

 19   façon très sérieuse par son ministre.

 20   Or, d'après lui, le ministre n'est pas un homme dangereux, mais il sait en

 21   revanche que la Serbie est un pays dangereux. C'est le chef de la police

 22   qui témoigne devant vous quand même. Il dit donc qu'à l'époque, en Serbie,

 23   des choses dangereuses arrivaient aux gens et qu'il avait peur parce qu'il

 24   considérait que le ministre était en train de le menacer. Il a donc essayé

 25   d'expliquer sa conduite, il a essayé d'expliquer son état d'esprit pendant

 26   une semaine dans le cadre de son interrogatoire principal, lorsqu'il était

 27   interrogé par la Défense. On lui a longuement demandé quels étaient ses

 28   motivations pour ses agissements, et il n'a jamais dit qu'il avait agi de

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  1   la sorte parce qu'il avait peur.

  2   En juin 2004, il a écrit une lettre au "Nedeljni Telegraf" - il s'agit de

  3   la pièce P1474 - pour expliquer ses motivations. Or, alors que cette lettre

  4   faisait plusieurs pages, il n'a jamais dit qu'il avait agi parce qu'il

  5   avait peur pour sa vie. Lors des propos liminaires devant cette Chambre de

  6   première instance en janvier 2009, il a parlé des raisons qui l'avaient

  7   poussé à agir de la sorte, à avoir enterré les meurtres, les victimes de

  8   meurtres et avoir dissimulé les crimes, mais il n'a jamais expliqué que la

  9   motivation principale c'est qu'il avait peur pour sa vie, à cette époque-

 10   là. Donc il n'a recours à cette explication qu'au cours du contre-

 11   interrogatoire, parce qu'on s'acharnait sur lui. On lui posait des

 12   questions difficiles et il se retrouvait acculé, il ne savait plus quoi

 13   dire. Il ne savait plus expliquer ni son état d'esprit, ni la raison de ses

 14   agissements.

 15   De plus, on voit aussi, dans les éléments de preuve présentés dans le

 16   mémoire en clôture, qu'il y avait des événements qui ont eu lieu en 2000,

 17   et là, il déclare qu'il était menacé non seulement par le ministre mais

 18   aussi les deux adjoints du ministre qui ont essayé de l'obliger à

 19   démissionner. Mais il a refusé d'obéir aux ordres du ministre, de

 20   démissionner. C'est essentiel pour deux raisons, ceci signifie quand même

 21   qu'il avait le droit de refuser, un moment il aurait pu refuser, il pouvait

 22   dire non, s'opposer au ministre et dire qu'il refusait de commettre tous

 23   ces crimes. Mais ça montre aussi que le ministre en tant que chef politique

 24   du ministre de l'Intérieur ne pouvait avoir recours à la police sans la

 25   participation de M. Djordjevic. C'est pour cela qu'il fallait qu'il

 26   démissionne, lorsqu'il ne voulait plus faire ce que le ministre voulait lui

 27   faire faire. Il devait démissionner pour mettre quelqu'un de plus obéissant

 28   à sa place. Ceci montre bien le pouvoir qu'il avait en tant que chef du

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  1   service de sécurité publique. Le ministre ne pouvait pas recours à la

  2   police sans son accord.

  3   On voit aussi d'ailleurs que, dans le mémoire de la Défense, paragraphes

  4   582 et 583, même la Défense déclare que, lorsque Djordjevic ne pouvait plus

  5   supporter ces transports de corps, il a juste dit au ministre qu'il fallait

  6   mettre un terme à tout cela. En effet, les transports se sont arrêtés, et

  7   la Défense seule a concédé. Donc la Défense, si on peut l'appeler la

  8   Défense, lorsqu'elle évoque ces soi-disant pressions exercées est

  9   parfaitement ridicule. En effet, il agissait en toute connaissance de

 10   cause, et son but était de poursuivre l'entreprise criminelle commune.

 11   Au paragraphe 427 de son mémoire, la Défense allègue que Djordjevic a quand

 12   même essayé d'enquêter sur ce problème des corps même après la guerre, une

 13   fois la guerre terminée, mais que c'est le ministre qui l'a empêché de

 14   procéder à ces enquêtes, empêché, comme si un ministre pouvait l'obliger à

 15   quoique ce soit. Ce type d'argumentation n'a aucune base, est tout

 16   simplement rejetée par les faits puisque M. Djordjevic est resté au poste

 17   de nombreux mois après que le ministre ait été révoqué de son propre poste.

 18   Or, pendant ces mois, où le ministre n'était plus là, M. Djordjevic n'a

 19   absolument rien fait de ce qu'il aurait dû faire de son propre aveu

 20   d'ailleurs.

 21   Donc avec tout le respect que je vous dois, je tiens à vous dire, Messieurs

 22   les Juges, que les éléments de preuve montrent bien qu'il a agi -- qu'il a

 23   joué un rôle délibéré dans la commission de ces crimes. Il a agi en toute

 24   connaissance de cause et sans aucune pression ne soit exercée contre lui.

 25   La Chambre de première instance donc doit considérer qu'il a volontairement

 26   participé à la dissimulation des corps. Un juge des faits peut conclure que

 27   l'accusé a une connaissance et une intention lorsqu'elle considère que la

 28   conduite de cet accusé a été délibérée. La Chambre de première instance,

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  1   donc du fait de la conduite même de Djordjevic, de sa participation à la

  2   dissimulation des corps, ne peut pas conclure autre chose qu'il était au

  3   courant, à l'époque, de ce qui s'est passé et de l'intention de poursuivre

  4   les crimes. Les corps, participaient de la campagne de meurtres qui a lieu

  5   pendant toute la période d'accusation, et il dissimulait ces corps alors

  6   même que les meurtres étaient encore en cours. Donc il était parfaitement

  7   au courant de ce qu'il faisait, il ne pouvait pas en être autrement.

  8   Pour dire les choses autrement, vous pouvez conclure qu'il avait la

  9   connaissance suffisante des faits. Il possédait aussi l'intention,

 10   puisqu'il s'est engagé dans cette campagne de dissimulation. Il n'a pas

 11   fait l'effet de demande. Il n'a pas posé de question à propos de ce qui se

 12   passait, sa conduite était délibérée et la seule explication c'est qu'il

 13   savait parfaitement ce qui se passait, était parfaitement au courant du

 14   plan et de son rôle dans ce plan. Un homme de son envergure, qui a été

 15   décrit de la sorte par un grand nombre de personnes, par des membres de la

 16   commission internationale et aussi par ses subordonnés, ne pouvait pas être

 17   aussi impliqué dans les faits sans en avoir connaissance. La Chambre de

 18   première instance ne peut prendre en compte ces arguments, qui sont qu'il

 19   n'était au courant de rien, et que de ce fait, il n'est pas responsable de

 20   sa participation dans l'entreprise criminelle commune et ne pouvait pas

 21   être tenu responsable d'avoir aidé, encouragé les auteurs de crimes.

 22   En ce qui concerne, regardez les tableaux que je vous ai montrés, il a

 23   toujours agi comme il a eu la bonne conduite à tenir dès qu'il a eu

 24   connaissance des meurtres. Donc s'il avait agi correctement, en revanche,

 25   lors des premiers meurtres, les autres meurtres n'auraient pas eu lieu.

 26   S'il avait fait ce qu'il était censé faire en tant que chef de police dont

 27   la mission était de protéger la population en danger, des milliers de

 28   personnes seraient encore en vie à l'heure actuelle.

Page 14388

  1   Je vais passer à autre chose. Nous considérons aussi -- dans d'autres

  2   passages de son témoignage, vous pourrez trouver des éléments qui font

  3   peser un sérieux doute sur sa sincérité et sur la sincérité des propos lors

  4   de sa déposition. M. Djordjevic a donné différentes versions de ce qui

  5   s'était passé une fois les corps découverts. Je vois que l'heure tourne,

  6   donc je vais lire le plus rapidement possible.

  7   Dans sa lettre du mois de juin 2004 au Nedeljni Telegraf, pièce

  8   P1474, il dit :

  9   "J'ai immédiatement proposé qu'une procédure pénale complète soit lancée.

 10   Après la conversation, j'ai informé le ministre de tout ce qui s'était

 11   passé et, une heure et demi plus tard, il a demandé ordre que les corps

 12   soient transportés à Belgrade pour être autopsiés et pour que l'on lance

 13   une procédure pénale."

 14   Dans sa déclaration, en revanche, liminaire, il a dit :

 15   "Je pensais que les enquêtes de la police criminelle devaient se faire

 16   selon la loi, et d'ailleurs, c'est là-dessus que j'ai insisté lors de ma

 17   conversation avec le chef du SUP à Bor, mais après reçu des informations

 18   supplémentaires et aux vues du fait que le SUP local ne pouvait pas agir

 19   selon cette procédure, j'en ai informé le ministre, et c'est lui qui a pris

 20   les décisions qui ont suivi tout cela."

 21   Donc il a informé le ministre. Mais la première fois il dit qu'il n'a rien

 22   fait, la deuxième fois il dit qu'il a informé le ministre, ensuite, une

 23   troisième fois il dit ce qu'il a fait après avoir entendu parler de ces

 24   corps. Il dit que sur ordre du ministre, après les procédures de routine,

 25   les corps doivent être enterrés dans les environs de l'endroit où ils ont

 26   été trouvés.

 27   Donc on voit qu'il s'explique, mais il donne trois versions

 28   différentes, ce qui signifie que les versions qu'il donne sont plus ou

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  1   moins lacunaires ou, en tout cas, pas très précises. Mais il considère

  2   qu'il faut le croire parce qu'il -- sur parole.

  3   M. Djordjevic, au cours de son procès, a témoigné dans le cadre d'un autre

  4   crime de guerre, d'un procès pour crime de guerre, et ce, par lien vidéo.

  5   Il s'agit de la pièce P1508. Donc lors de son témoignage devant le tribunal

  6   régional de Belgrade, il a dit en ce qui concerne l'emplacement où il se

  7   trouvait au Kosovo, il a dit aux juges à propos donc de l'endroit où il se

  8   trouvait au Kosovo en 1999, il a dit qu'il ne s'est trouvé au Kosovo qu'une

  9   seule fois en 1999. Il ne s'y est rendu qu'une seule fois avec le ministre.

 10   Or, il a induit la Chambre en erreur, puisque nous avons appris dans le

 11   cadre du procès en l'espèce qu'il s'est rendu à plusieurs reprises au

 12   Kosovo en 1999. Lorsque je lui ai affirmé qu'il venait d'induire en erreur

 13   une autre Chambre de première instance à Belgrade lors de sa déposition par

 14   vidéoconférence, il a tout simplement dit qu'il s'était sans doute trompé

 15   dans ce qu'il leur avait dit. Vous trouverez ça au compte rendu page 9970

 16   du 10 décembre 2009. Donc c'est une erreur. A Belgrade, il a fait une

 17   erreur. Devant la Cour de Belgrade il a fait une erreur, mais devant vous

 18   il n'a fait aucune erreur. Il n'a dit que la vérité. C'est à vous de voir.

 19   C'est à vous de voir et de tirer des conclusions de ce type d'erreur qu'il

 20   aurait pu faire à un moment ou à un autre.

 21   Donc nous avons maintenant aussi des éléments de preuve à propos de la

 22   façon dont sa carrière s'est terminée, sa carrière en tant que membre de la

 23   police. Il a dit qu'il avait quitté, qu'il s'était enfuit de Serbie

 24   lorsqu'il s'est rendu compte qu'une plainte au pénal avait été lancée

 25   contre lui pour abus de pouvoir, et non pas à cause de la participation

 26   qu'il aurait eut dans le transport et la dissimulation des corps. En fait,

 27   pourquoi s'est-il véritablement enfuit en 2001 ? Pourquoi a-t-il mis un

 28   terme si précipité à sa carrière au sein de la police ? Il a mis un terme

Page 14390

  1   rapide à sa carrière, et ensuite s'est enfuit de son pays. Alors parfois,

  2   la fuite c'est la preuve que l'on se sent coupable, et c'est au Tribunal de

  3   voir s'il y a une autre explication à sa fuite. Y a-t-il une autre raison

  4   qui l'aurait poussé à fuir, mis à part le fait qu'il savait qu'il était

  5   coupable ? C'est quand même étonnant que ce soit lorsque l'on a -- lorsque

  6   les médias ont eu connaissance des charniers de Batajnica en Serbie, c'est

  7   juste à ce moment-là qu'il ait disparu. Vous pensez que c'est une

  8   coïncidence ? Ou peut-être plutôt parce qu'il y avait une enquête contre

  9   lui pour abus de pouvoir.

 10   K84, (expurgé)

 11   (expurgé) au début de son enquête, il s'est entretenu

 12   avec M. Djordjevic, puisque M. Djordjevic était encore en Serbie à l'époque

 13   au début de 2001. M. Djordjevic lui a répondu :

 14   "Ce qui est fait est fait."

 15   Fin de la conversation.

 16   Il s'agissait de deux policiers expérimentés qui se connaissaient

 17   depuis le début de leur carrière. Ce n'est quand même pas quelque chose

 18   souvent. Ce type d'événement n'arrive pas souvent, ni en Serbie, ni en

 19   police de Serbie, ni ailleurs d'ailleurs, le fait qu'on trouve des

 20   centaines de corps dans des charniers juste dans des banlieues de la

 21   capitale. Or, la réponse de Djordjevic a été simple. C'était tout

 22   simplement "Ce qui est fait est fait." Il n'a donné aucun autre détail à

 23   K84, pas un mot d'explication.

 24   Donc lorsque le groupe de travail cherchait à l'interviewer à

 25   nouveau, ils n'ont plus pu mettre la main sur lui, et M. Djordjevic a

 26   ensuite été déclaré recherché par la police car il était recherché pour

 27   être interrogé.

 28   Donc souvenez-vous des faits et des éléments de preuve, Messieurs les

Page 14391

  1   Juges. Des médias publiaient tout ce qu'ils savaient sur ces charniers qui

  2   venaient d'être trouvés, et M. Djordjevic donc a parlé de sa retraite. Il a

  3   rencontré M. Lukic et K83. K83 était l'un des chauffeurs des camions qui

  4   transportaient les corps depuis le Kosovo pour être enterrés en Serbie et

  5   dissimulés en Serbie. Il a rencontré Lukic et K83 à l'époque. Non, il ne

  6   s'agit pas de K83, mais de K93. Ils ont décidé que K93 allait être muté en

  7   dehors de Belgrade pour travailler très loin dans une autre partie du pays,

  8   loin de la une des journaux.

  9   Djordjevic a quand même réussi à trouver le temps de rencontrer M.

 10   Lukic dans ce but même, mais il n'a jamais trouvé le temps en revanche de

 11   s'entretenir avec l'enquêteur, K84, qui cherchait à savoir ce qui s'était

 12   passé au niveau des corps, c'est ce qu'il nous a dit. Il n'a pas eu le

 13   temps même de lui écrire une lettre pour dire : Je peux vous aider dans

 14   votre enquête voici certains détails. Mais pourtant il a trouvé du temps

 15   pour poursuivre cette opération de l'affaire.

 16   Alors, permettez-moi d'ajouter que Djordjevic a présenté une suggestion,

 17   pour expliquer cette réunion avec Lukic et le Témoin K93, il a dit qu'il se

 18   trouvait, qui était revenu dans le bâtiment en tant que retraité et qu'il

 19   était juste venu en visite dans le bureau de Lukic à un moment où cette

 20   réunion a eu lieu, et je pense que cela est particulièrement étrange

 21   d'autant plus qu'il nous a également dit que c'est justement Lukic qui

 22   l'avait convoqué et qui lui avait remis cette lettre de démission ou cette

 23   lettre de retraite qu'il a dû signer contre son propre gré. Donc

 24   l'explication qu'il donne pour expliquer pourquoi il est venu dans le

 25   bureau de Lukic est, pour dire le moins, assez saugrenu, mais le fait est

 26   en fait qu'il était dans ce bureau à ce moment-là et il avait été décidé de

 27   le muter hors de Belgrade, loin de Belgrade, loin des feux de la rampe.

 28   Après cela, Djordjevic s'est enfui de Belgrade et il est resté d'ailleurs

Page 14392

  1   un fugitif jusqu'à l'année 2007.

  2   Donc ensuite Djordjevic a véritablement -- mais, je pense que le moment est

  3   venu, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur Stamp. Nous

  5   allons prendre la pause et nous reprendrons à 11 heures, si vous n'y voyez

  6   pas d'inconvénient.

  7   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

  8   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Stamp, je vous en prie.

 10   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Donc lorsqu'il nous a expliqué comment il se trouve qu'il a terminé sa

 12   carrière au sein des forces de la police, M. Djordjevic a dit lors de son

 13   interrogatoire principal, il a dit qu'il avait été en fait démis de ses

 14   fonctions le 3 mai 2001. Par la suite, lorsqu'il a présenté une demande de

 15   retraite, il a modifié sa déposition, il a dit qu'il avait été mis à la

 16   retraite et non plus démis de ses fonctions, mais qu'il avait été mis à la

 17   retraite parce qu'il l'avait demandé alors qu'il avait dit qu'il avait été

 18   mis à la retraite sans le savoir. Qu'il avait été convoqué dans le bureau

 19   de M. Lukic le 4 mai, et il a indiqué qu'une demande de départ à la

 20   retraite -- à retraite -- de mise à la retraite -- de départ à la retraite

 21   anticipée avait été rédigée, lui a été présentée et qu'il s'est contenté

 22   tout simplement de la signer.

 23   Donc lors du contre-interrogatoire, on lui a demandé pourquoi il

 24   avait signé. Il a dit qu'il ne voulait surtout pas poser de problèmes si

 25   l'Etat avait décidé de le mettre à la retraite et qu'il était tout à fait

 26   disposer à accepter cela. D'après ses dires, il aurait eu -- il aurait

 27   obtenu l'accord -- cet accord pour faire en sorte que sa carrière au sein

 28   des forces de la police qui avait durée plus de 30 ans soit terminée. Donc

Page 14393

  1   il a dit en fait que, lorsqu'il a signé cette requête, il savait

  2   pertinemment qu'il n'aurait pas le droit de toucher sa pension complète.

  3   Avant de signer ce document, il n'en a parlé avec personne, il n'en a pas

  4   parlé avec le ministre, il n'en a pas parlé à Lukic; d'ailleurs personne ne

  5   lui avait dit qu'il allait être mis à la retraite et qu'il aurait droit à

  6   une pension inférieure à laquelle, à celle qu'il aurait dû avoir droit.

  7   Donc il n'a ni protesté, il n'a pas non plus posé de question parce qu'en

  8   ce qui concernait, la décision avait déjà été prise. Ça, c'est

  9   l'explication qu'il nous fourni pour expliquer pourquoi il a quitté les

 10   forces de police si rapidement, et je dirais qu'il vous appartient de

 11   considérer si vous souhaitez le croire ou non.

 12   Lorsqu'il lui a été indiqué qu'il aurait eu tout à fait le droit

 13   d'interjeter un appel contre cette décision s'il n'avait pas signé ladite

 14   décision, dans un premier temps, il a indiqué qu'il ne savait pas qu'il

 15   pouvait le faire, il ne savait pas qu'il avait le droit à faire appel à

 16   cette décision et puis lorsqu'il, lui, a été dit que, dans de nombreux

 17   documents, il avait fait muter des officiers de police ou qu'il les avait

 18   envoyé ailleurs et il s'agissait, par exemple, de chefs du SUP, et qu'il y

 19   avait un paragraphe à la fin de ces documents indiquant justement qu'ils

 20   avaient le droit de faire appel en un certain laps de temps, il a signé

 21   tous ces documents. Donc finalement, il a fini par accepter l'idée qu'il

 22   aurait eu le droit de faire appel, mais il a essayé en fait de nous

 23   expliquer comment s'est terminé sa carrière et comment il s'est enfui.

 24   Monsieur le Président, nous indiquons en fait que vous devriez examiner

 25   cela avec beaucoup de circonspection parce que les éléments de preuve

 26   avancés indiquent, de façon très très clair, qu'il n'a pas été sincère avec

 27   la Chambre sur la façon dont sa carrière a pris fin.

 28   Il a indiqué qu'il avait quitté sa patrie, la Serbie, qu'il s'était

Page 14394

  1   enfuit de Serbie parce qu'il craignait d'être arrêté.

  2   Cela n'est absolument pas fondé, même lui indique que cette accusation qui

  3   était portée contre lui à savoir qu'il avait commis un abus de pouvoir

  4   était un argument fallacieux, était une charge spécieuse.

  5   Mais en fait cela ne correspond pas à ce qu'il avait dit auparavant à

  6   savoir un homme ayant fait ce type de carrière se serait enfuit parce qu'il

  7   aurait entendu qu'une allégation assez spécieuse aurait été portée contre

  8   lui pour une accusation qui était quand même relativement secondaire.

  9   Donc il vous appartient de considérer, Messieurs les Juges, si cette

 10   fuite qui est la sienne au moment où les corps ont été découverts et au

 11   moment où l'enquête commençait, il vous appartient de considérer si cette

 12   fuite n'a pas été plutôt provoquée parce qu'il savait qu'il était coupable

 13   de participation. Et d'ailleurs, je dirais en fait qu'il a indiqué -- il

 14   parlait de l'enquête qui avait commencé ici au tribunal.

 15   Donc nous allons maintenant parler d'une autre facette de cette

 16   affaire, à savoir ce qui s'est passé à Racak, et je vous parlerai des

 17   moyens de preuve avancés par un ancien officier de police. Le Témoin K86,

 18   qui a témoigné que, dès le début -- au début de cette opération, le 15

 19   janvier 1999, M. Djordjevic était présent auprès du chef du SUP ainsi

 20   qu'auprès du chef de police d'Orahovac et au poste de police de Stimlje. Le

 21   Témoin K86 a été un témoin à charge extrêmement important, car sa

 22   déposition ou ses moyens de preuve montre que M. Djordjevic a continué à

 23   exercer le contrôle et qu'il avait des responsabilités de commandement pour

 24   la police et par rapport aux activités de cette police en 1999 au Kosovo.

 25   Je pense qu'à la suite de cela, la Défense d'ailleurs a lancé une attaque

 26   relative à la crédibilité du Témoin K86. Vous voyez d'ailleurs qu'ils

 27   indiquent au paragraphe 86 qu'il n'était pas informé de la présence de

 28   Marinkovic le 15 et que s'il avait été présent sur les lieux le 15, il

Page 14395

  1   aurait bien fallu qu'il sache que l'enquête relative à Racak avait commencé

  2   ce jour-là et que Marinkovic était présent. La Défense avance ou plutôt

  3   affirme que cela ne s'est pas passé à savoir que le Témoin K86 n'était pas

  4   présent sur ces lieux le 15. Mais ils avancent cet argument, Messieurs les

  5   Juges, mais ils ne citent aucun passage du dossier en espèce relatif à ce

  6   qu'ils avancent pour présenter leur argument, argument qui est présenté au

  7   paragraphe 86.

  8   Au paragraphe 87, la Défense essaie de contredire la déposition du

  9   Témoin K86 en indiquant que le commandant Mitrovic n'était pas présent et

 10   qu'il était en congé de maladie, ils citent pour étayer leur affirmation

 11   les propos du Témoin D138. J'invite la Chambre de première instance à

 12   prendre en considération la déposition du nom du Témoin D138, qui n'était

 13   absolument pas l'affirmation de la Défense à propos du congé de maladie du

 14   commandant adjoint Mitrovic ce jour-là.

 15   Au paragraphe 90, ils essaient également de saper ou de battre en brèche sa

 16   crédibilité parce qu'il aurait récemment subi des soins à cause d'un

 17   syndrome de stress post-traumatique. Moi, j'avance que cela n'a rien à voir

 18   avec sa crédibilité pour ce qui est des éléments qui ont été traités ici,

 19   et d'ailleurs, la Défense n'a pas été en mesure d'identifier des

 20   contradictions ou des décalages dans sa déposition, la Défense n'a pas non

 21   plus indiqué à la Chambre de première instance pourquoi il n'aurait pas dit

 22   la vérité à cette Chambre.

 23   Donc, Messieurs les Juges, la Défense avance que M. Djordjevic est arrivé

 24   sur ce lieu le 18 juste pour s'assurer qu'il y avait bien une enquête. Le

 25   Témoin K86 dit l'avoir vu le 15 et le Témoin K86 ne peut pas commettre

 26   d'erreur parce qu'il ne s'agit pas en fait de savoir ou d'ergoter sur la

 27   date, le 18 ou le 15, ce qui est important ce sont les circonstances. Le

 28   Témoin K86 a avancé qu'il l'avait vu le jour de l'opération. Il nous a

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  1   relaté la chronologie des événements et il nous a relatés dans quelles

  2   circonstances il l'avait vu sur ce lieu. Donc le témoin ne peut pas avoir

  3   commis d'erreur, parce que le jour où les opérations ont commencé, il a vu

  4   M. Djordjevic à cet endroit.

  5   Monsieur le Président, alors j'avancerais que non seulement la déposition

  6   du Témoin K86 est particulièrement logique et n'a présenté aucune faille,

  7   mais dans une certaine mesure, elle a été en quelque sorte corroborée par

  8   la pièce P1555, qui correspond ou qui est la transcription du témoignage du

  9   chef du SUP Janicevic, qui a témoigné dans l'affaire Milosevic ici devant

 10   le Tribunal et il a été en fait contre-interrogé. Il a indiqué que, lui-

 11   même, ainsi que le chef du SUP, chargé des opérations étaient présents, le

 12   15 et que M. Djordjevic était également présent également le 15, donc

 13   Monsieur le Président, l'Accusation sait pertinemment qu'il s'agit

 14   d'éléments de preuve présentés par ouï-dire. Car M. Janicevic n'est pas

 15   venu devant cette Chambre de première instance, ce qui fait que la Défense

 16   n'a pas eu la possibilité de lui poser des questions lors d'un contre-

 17   interrogatoire, et ainsi, par conséquent, cela peut minimiser la valeur de

 18   la pièce P1555. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une déclaration

 19   portant sur les agissements et le comportement de l'accusé, ce qui fait que

 20   cela aura un poids beaucoup moins important. Toutefois, nous avançons qu'il

 21   appartient que la Chambre en fait a toute latitude pour attribuer à cette

 22   déclaration le poids qui lui semblera opportun au moment où la Chambre de

 23   première instance fera l'analyse de tous les éléments de preuve présentés,

 24   et la Chambre le fera compte tenu des éléments de preuve apportés notamment

 25   par les personnes qui ont témoigné à propos de cet événement. Tout en

 26   acceptant, et c'est une concession que nous accordons, mais tout en

 27   acceptant qu'il y a des paramètres qui effectivement minimisent la valeur

 28   de la pièce P155 [comme interprété], l'Accusation avance que les éléments

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  1   de preuve apportés par Janicevic, le chef du SUP responsable de cette

  2   opération, tout en représentant des éléments de preuve présentés par ouï-

  3   dire, ont une certaine fiabilité et étaie et corrobore les éléments de

  4   preuve du Témoin K86 à propos de la présence de Djordjevic au poste de

  5   police de Stimlje ce matin-là.

  6   Alors, pour poursuivre, je vous dirais, que M. Djordjevic était l'homme

  7   responsable de la police en Serbie. Tout le monde le savait, tout le monde

  8   le traitait en cette capacité. Et lorsque je dis "tout le monde," je pense

  9   aux généraux les plus hauts gradés du MUP, je pense à tous les officiers de

 10   police supérieurs, je pense aux grandes personnalités politiques, c'est la

 11   raison pour laquelle il fut le policier qui a participé à toutes les

 12   négociations avec les représentants de la communauté internationale eu

 13   égard au Kosovo et qu'il a signé de nombreux accords, notamment les accords

 14   d'octobre en 1998. L'objectif fondamental des accords du mois d'octobre

 15   visait le maintien d'un cessez-le-feu au Kosovo, et nous aimerions vous

 16   présenter la pièce P836, il s'agit de l'accord signé par M. Byrnes et M.

 17   Djordjevic, accord conclu donc entre la KDOM et le ministère de

 18   l'Intérieur. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer quelque chose, car

 19   j'aimerais vous donner lecture de la déposition de M. Djordjevic à la page

 20   10 118 du compte rendu d'audience. Voilà ce qu'il indique, et je cite :

 21   "Shaun ne me voyait que lors des négociations. Ce n'était moi qui décidais

 22   de participer -- qui participais aux négociations, absolument pas. C'était

 23   le président de la Serbie et le ministre de l'intérieur qui ont pris cette

 24   décision. Moi, j'avais passé des années au Kosovo et ce que Byrnes disait

 25   était tout à fait normal. J'en connaissais le moindre village et le moindre

 26   hameau, le moindre chemin, la moindre route, et je connaissais également le

 27   contexte. Mais je n'étais absolument pas la personne qui prenait les

 28   décisions suprêmes."

Page 14398

  1   Alors, bien entendu l'Accusation ne suggère absolument pas que Djordjevic

  2   était le chef de cette entreprise criminelle commune. Les allégations que

  3   nous avançons sont, tout comme Lukic, tout comme les autres policiers - non

  4   pas tous les policiers d'ailleurs mais certains policiers, tout comme les

  5   policiers ou les officiers supérieurs - il y a participé. Le fait, que M.

  6   Milosevic ou M. Sainovic ou M. Stojiljkovic étaient ses supérieurs et

  7   qu'ils étaient peut-être les personnalités les plus importantes, et que les

  8   ordres et les plans originaux étaient mis sur pied et donnés par eux,

  9   n'indique pas que M. Djordjevic n'est pas coupable; bien au contraire, il

 10   est coupable d'avoir participé en sachant pertinemment ce qu'il savait.

 11   Mais cette citation des propos de M. Djordjevic indique, comme le dit M.

 12   Byrnes d'ailleurs à juste titre, qu'il savait ce qui se passait au Kosovo,

 13   qu'il connaissait parfaitement le Kosovo et que c'est lui en fait qui

 14   assurait le commandement.Il a été nommé par le président du pays et par le

 15   ministre. Si nous prenons en considération la pièce P837, il s'agit du

 16   procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue à Belgrade le même jour, à

 17   savoir le 25 octobre 1998. Il s'agit d'un accord à nouveau, qui est signé à

 18   nouveau par M. Djordjevic ainsi que par d'autres personnalités et

 19   représentants de haut calibre, donc un accord fut conclu afin de diminuer

 20   les opérations de police et des Unités de la VJ au Kosovo. Djordjevic a

 21   signé ces deux accords et était donc informé de leur teneur et des critères

 22   qui s'y trouvaient. Si nous prenons en considération la page 2 vous verrez

 23   que conscient de ces objectifs les autorités de l'Etat, les autorités de la

 24   RFY ont annoncé les mesures suivantes, et si vous passez à la page

 25   suivante, vous verrez que certaines mesures ayant fait l'objet d'accord

 26   sont mentionnées.

 27   Regardez le paragraphe 3 :

 28   "La police et la police spéciale reprendront leurs activités normales

Page 14399

  1   en temps de paix. Les armes lourdes et le matériel qui restent sous le

  2   contrôle du MUP au Kosovo seront retournés au poste de police, seront

  3   rendus plutôt au poste de police."

  4   Donc vous voyez que M. Djordjevic était informé des différentes clauses de

  5   ces accords et qu'il a enfreint ces accords en participant à l'action de

  6   Racak. Par cette action, la VJ et le MUP ont véritablement battu en brèche,

  7   étouffé en quelque sorte l'objectif même de ces accords, en attaquant

  8   l'UCK, sans en informer les observateurs et en détruisant ainsi ce cessez-

  9   le-feu qui était si ténu et si fragile, ce qui d'ailleurs a provoqué

 10   l'effondrement de ce cessez-le-feu. D'après M. Philipps, après cela, les

 11   réunions, qui étaient organisées régulièrement entre la MVK -- ou plutôt,

 12   la MVK et le groupe de liaison, se sont interrompues, se sont arrêtées, et

 13   comme l'a indiqué M. Byrnes, Racak a finalement été détruit ou Racak a

 14   finalement détruit les accords d'octobre.

 15   Puis j'aimerais insister sur un élément avant de passer en fait aux

 16   différents accords. Je ne souhaiterais surtout pas trop réitérer ce qui

 17   d'ailleurs a déjà été indiqué à propos de l'UCK qui, et cela a été accepté

 18   a commis également des crimes. Mais la Défense dit au paragraphe 66 de son

 19   mémoire de clôture, et je cite :

 20   "Tel que mentionné ci-dessus, l'objectif des accords d'octobre consiste à

 21   vérifier le maintien du cessez-le-feu par tous les éléments. Toutefois

 22   l'UCK n'a pas été signataire de ces accords, et les éléments de preuve

 23   montrent, indiquant qu'il aurait été suggéré qu'ils avaient été signataires

 24   a été rejeté d'ailleurs par l'état-major principal de l'UCK. Le refus

 25   d'accepter un cessez-le-feu et leur action visant le contraire, sont des

 26   facteurs importants qu'il faut prendre considération pendant cette

 27   période."

 28   Alors les moyens de preuve indiquant que l'UCK avait été absent des

Page 14400

  1   négociations du mois d'octobre, ont été expliqués en fait seulement à cause

  2   des exigences des autorités serbes et de la RFY. Si vous regardez la pièce

  3   P87, qui correspond au procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue le 2

  4   novembre 1998, il s'agit donc du compte rendu ou du procès-verbal d'une

  5   réunion qui a eu lieu, une réunion à laquelle se trouvaient plusieurs

  6   représentants de la l'état-major chargé des opérations visant à la

  7   suppression du terrorisme au Kosovo-Metohija, réunion qui s'est tenue à

  8   Beli Dvor, ou dans le palais plutôt de Beli Dvor à Belgrade, le 29 octobre.

  9   Cette réunion fut présidée par le président Milosevic, et participaient à

 10   la réunion, le président Milutinovic, M. Sainovic, M. Stojiljkovic, M. M.

 11   Andjelkovic, M. Perisic, M. Pavkovic, M. Djordjevic, M. Stevanovic et M.

 12   Lukic.

 13   A la page 2, le général Pavkovic s'exprime, et parle au nom du commandement

 14   conjoint pour le Kosovo-Metohija, et indique que des jours après la

 15   signature des accords d'octobre ou que juste quelques jours après, la

 16   signature des accords d'octobre, et je vais vous en donner lecture en fait.

 17   Le général Pavkovic dit à la page numéro 2 :

 18   "Des efforts ont été déployés par des pays étrangers pour faire en sorte

 19   que ce mouvement appelé l'UCK soit considéré comme légitime et comme la

 20   force armée du mouvement sécessionniste Siptar et que cela doit être

 21   reconnu pour que soit trouvée une solution au problème du Kosovo, et que

 22   cela est particulièrement fâcheux pour nous."

 23   A la page 13 de la même réunion, il s'agit toujours du même document, le

 24   président de la RFY, M. Slobodan Milosevic, rappelle aux participants, en

 25   fait, un fait, à savoir qu'il y a certains représentants importants de la

 26   communauté internationale, notamment les Allemands et les Américains, qui

 27   souhaiteraient faire en sorte que le soi-disant UCK puisse être considéré

 28   comme un négociateur avec les organes juridiques de notre gouvernement,

Page 14401

  1   mais que cette tentative a été écrasée."

  2   Donc dans son paragraphe 66, de son mémoire de clôture, ce qu'avance la

  3   Défense ne correspond absolument pas au dossier retenu en l'espèce. Le

  4   général Vasiljevic, Monsieur le Président, qui a été un autre témoin

  5   important en l'espèce, un témoin à charge, un témoin de l'Accusation,

  6   c'était un membre, un officier haut gradé de la VJ. Il a témoigné à propos

  7   des Skorpions, des paramilitaires, des crimes commis au Kosovo, des crimes

  8   qui ont été commis de leur intégration au sein du MUP, du fait qu'il était

  9   de notoriété publique ou qu'il aurait pu être facilement découvert que le

 10   MUP intégrait dans son sein des éléments criminels. Je ne vais pas réitérer

 11   cela, cela a déjà été particulièrement avancé et expliqué dans le mémoire

 12   de clôture de l'Accusation.

 13   Mais il a également indiqué à propos de la réunion du 1er juin, qui a été

 14   une autre réunion très importante, cette réunion qui a eu lieu à Pristina,

 15   qu'il s'agissait d'une réunion du commandement conjoint à laquelle a

 16   participé M. Djordjevic. La Défense avance que M. Vasiljevic a soit commis

 17   une erreur ou ne dit pas la vérité, lorsqu'il a dit que M. Djordjevic avait

 18   participé à cette réunion. Aucun motif n'est présenté pour expliquer

 19   pourquoi M. Vasiljevic aurait concocté tout cela. Lors du contre-

 20   interrogatoire, des questions très détaillées lui ont été posées à propos

 21   de la présence de M. Djordjevic à cette réunion; il a répondu de façon tout

 22   à fait compétente, de façon tout à fait rationnelle et de façon

 23   convaincante. Il a dit qu'il se souvenait de la présence de M. Djordjevic

 24   lors de cette réunion, parce que M. Djordjevic était très connu en Serbie,

 25   et qu'il était le chef de la police, et que c'était la première fois qu'ils

 26   s'étaient rencontrés. Ce qui fait qu'il s'est souvenu donc l'avoir

 27   rencontré. Il se souvenait de lui, mais il le connaissait mais c'est la

 28   première fois qu'il le rencontrait. Ensuite ils se sont rencontrés plus

Page 14402

  1   tard, en juillet 1997. Mais cette fois-là, c'était la première fois qu'ils

  2   se rencontraient, et c'est pour cela qu'il se souvient de cet événement. En

  3   fait, il se rappelle d'une observation très précise faite par M.

  4   Djordjevic, et je pense que nous allons passer à huis clos partiel, juste

  5   pour un moment, Monsieur le Président, si vous n'y voyez pas

  6   d'inconvénient.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Huis clos partiel.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes

  9   maintenant à huis clos partiel.

 10   [Audience à huis clos partiel]

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20   [Audience publique]

 21   M. STAMP : [interprétation] Donc voyez-vous, Monsieur le Président, que

 22   faisait ce général sur le terrain, en tout cas, ce qu'il faisait c'était

 23   quelque chose qui était connu du général Djordjevic. Cela est tout à fait

 24   conforme à au fait que le général Djordjevic a justement fait cette

 25   observation à propos de l'absence du général. M. Djordjevic venait du siège

 26   du MUP à Belgrade, ce qui était également le cas du général dont il

 27   parlait. Il venait donc du même endroit, et il savait pertinemment où se

 28   trouvait le général.

Page 14403

  1   La Défense a ensuite convoqué le général Stojanovic, qui lors de la période

  2   pertinente était, me semble-t-il, lieutenant-colonel et chef des services

  3   de Sécurité au commandement du Corps de Pristina. Il l'a convoqué pour

  4   l'entendre dire que M. Djordjevic n'était pas présent lors de la réunion du

  5   1er juillet. Donc, Messieurs les Juges, je vous demande d'étudier, de façon

  6   très, très précise, les éléments de preuve apportés par M. Stojanovic, qui,

  7   en règle générale, a été un témoin assez extraordinaire, qui a indiqué --

  8   qui, en fait, a moulé ces éléments de preuve pour réfuter le témoignage de

  9   son subordonné, Nik Peraj, qui a témoigné à propos de nombreux crimes qui

 10   avaient été commis à Meja. En fait, il a forgé ou moulé sa déposition

 11   notamment pour réfuter le témoignage de son supérieur, le général

 12   Vasiljevic, mais c'est tout à fait -- ce qui est tout à fait incroyable.

 13   C'est son déni absurde de toute violation des règles de la part de l'armée

 14   de Yougoslavie et, en particulier, il a nié qu'il était au courant des

 15   expulsions et des meurtres qui se sont produits pendant l'opération

 16   conjointe de la police et de la VJ à Meja. C'est lui qui a collecté les

 17   éléments du renseignement. Il est le chef de la Section chargée de la

 18   Sécurité et du commandement de Pristina, et il souhaite vous faire croire

 19   qu'il n'était pas au courant de ce type d'information.

 20   L'Accusation affirme que, lorsque l'on prend en compte tous les éléments de

 21   preuve, le témoignage du général Vasiljevic est tout à fait acceptable,

 22   recevable et fiable, et la Chambre peut s'y fonder.

 23   Alors j'arrive rapidement maintenant à l'article 7(3), donc la

 24   responsabilité pénale individuelle au titre de l'article 7(3), notre cause

 25   se fonde avant tout sur les éléments de preuve qui nous montrent la

 26   participation de l'accusé ou sa contribution à l'entreprise criminelle

 27   commune, ainsi qu'au fait qu'il ait aidé et encouragé et planifié les

 28   crimes visés à l'article 7(1). Mais ces mêmes éléments de preuve étayent

Page 14404

  1   une déclaration de culpabilité au titre des dispositions de l'article 7(3),

  2   vous penserez peut-être que c'est la partie la moins difficile de l'affaire

  3   de l'espèce puisque la plupart des éléments de preuve démontrant

  4   l'existence de sa responsabilité pénale individuelle au titre de l'article

  5   7(3), ce sont des éléments tout à fait clairs. La plupart d'entre eux ne

  6   sont pas contestés et l'Accusé a concédé le reste. Donc, je ne vais pas

  7   parcourir de manière détaillée ces éléments. Cela figure dans notre mémoire

  8   préalable au procès mais, très rapidement, nous allons dire le suivant :

  9   les éléments de preuve démontrent que la responsabilité de M. Djordjevic

 10   est engagée au titre de l'article 7(3) pour l'ensemble des crimes allégués

 11   à l'acte d'accusation, qui ont été commis par les membres du Secteur de la

 12   Sécurité publique, puisque les éléments requis pour que sa responsabilité

 13   soit engagée au titre de l'article 7(3) sont réunis et, en particulier,

 14   nous avons démontré que la relation de supérieur hiérarchique vis-à-vis de

 15   ses subordonnés a existée. Donc j'ai parlé plusieurs fois du mémoire

 16   préalable au procès mais, en fait, je voulais dire par là le mémoire final.

 17   Donc, c'était un lapsus à chaque fois et qu'on vient de remplacer le terme

 18   "mémoire préalable" par "mémoire final".

 19   Alors le premier élément au titre de l'article 7(3) est que cette relation

 20   de supérieur hiérarchique vis-à-vis de ses subordonnés a existée entre

 21   Djordjevic et les personnes qui ont commis les crimes visés à l'acte

 22   d'accusation au titre des dispositions de l'article 7(3) et que Djordjevic

 23   avait la possibilité d'empêcher et de sanctionner les membres du service de

 24   la sécurité publique.

 25   Deuxièmement, il savait ou avait raison de savoir que les crimes visés à

 26   l'acte d'accusation allaient être commis, étaient en train d'être commis ou

 27   avaient été commis, et il n'a pas pris les mesures nécessaires ou

 28   raisonnables afin d'empêcher ses subordonnés de commettre ces crimes ou de

Page 14405

  1   les sanctionner suite à la commission des crimes. Donc nous affirmons que

  2   l'incident de Podujevo constitue un exemple tout à fait clair de la

  3   responsabilité pénale individuelle de Djordjevic engagée pour meurtres au

  4   titre de l'article 7(3). Ceux qui ont commis les meurtres, membres de

  5   l'Unité des Skorpions, ont été incorporés au sein des rangs du service de

  6   la Sécurité publique en tant que policiers de réserve. Ils étaient ses

  7   subordonnés, au sens où il avait la capacité de les punir, et au moins, il

  8   devait amorcer des enquêtes ou une enquête permettant d'appréhender les

  9   auteurs. Donc, il aurait dû amorcer les enquêtes suite aux allégations que

 10   ces hommes avaient commis des crimes. A son niveau, c'est un minimum auquel

 11   on se serait attendu de sa part, puisque légalement il était investi du

 12   pouvoir de le faire.

 13   Alors il y a eu des contestations pendant le procès sur la question

 14   qui est de savoir si les Skorpions ont été versés dans les rangs de la SAJ

 15   ou non, et je pense qu'il a été démontré au-delà de tout doute qu'ils

 16   étaient incorporés dans la police en tant que réservistes du MUP, mais M.

 17   Stalovic et M. Simovic et même l'accusé semblent affirmer qu'à l'époque du

 18   massacre de Podujevo, ils n'étaient pas placés sous le commandement de la

 19   SAJ, l'Unité antiterroriste. Mais la Défense, dans son mémoire final,

 20   affirme et semble accepter maintenant après l'examen de l'ensemble des

 21   éléments de preuve que ces réservistes étaient attachés à la SAJ, montrant

 22   que donc les Skorpions étaient passés sous le commandement de la SAJ. Nous

 23   trouvons cela aux paragraphes 479, 480, 481, 483, 484, 488, 496, 509 et 511

 24   du mémoire final de la Défense.

 25   Peut-être que l'importance n'en est pas aussi grande de savoir s'ils

 26   étaient les réservistes de la police, donc l'importance de savoir s'ils

 27   étaient attachés à la SAJ au moment du massacre, puisqu'ils étaient

 28   toujours placés sous son autorité et il était de ses attributions de lancer

Page 14406

  1   des enquêtes et de sanctionner.

  2   Donc ces réservistes, ces Skorpions ont commis le crime, et le deuxième

  3   élément pertinent est celui de notification. En l'espèce, M. Simovic l'a

  4   notifié du fait que ces hommes avaient tué des civils, y compris des femmes

  5   et des enfants, et c'est ce qu'il reconnaît. Donc le deuxième élément,

  6   l'élément de la notification, n'est pas contesté.

  7   Puis en troisième lieu, il n'a pas pris de mesures. Il n'a pris aucune

  8   mesure, rien de ce qui lui était possible de faire afin de s'assurer que

  9   ses subordonnés, en particulier Simovic, prennent des mesures pour enquêter

 10   suite à l'incident et qu'ils identifient les auteurs de celui-ci. A

 11   l'opposé, il a accepté que Simovic renvoie les auteurs du lieu de crime

 12   sans qu'il n'y ait d'enquête, et ce qui est encore pire, par la suite, il a

 13   donné l'ordre à Trajkovic de démanteler ce groupe sans faire en sorte que

 14   les enquêtes soient menées et que les auteurs soient appréhendés. Donc il

 15   reconnaît cela. Il reconnaît qu'il a fait tout cela, qu'il n'a pris aucune

 16   mesure eu égard à l'enquête et qu'il a accepté qu'il soit renvoyé des lieux

 17   sans qu'il y ait d'enquête, et que le groupe soit démantelé sans

 18   investigation. Donc, il dit que cela est dû au fait qu'il était convaincu

 19   dans la soirée du 28 lorsqu'il a parlé à M. Simovic, que l'OUP de Podujevo

 20   avait été informé de cela et que c'était l'OUP de Podujevo qui allait se

 21   charger de l'enquête, et c'est la raison pour laquelle lui-même n'a pas

 22   agit.

 23   Mais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le fait qu'il n'ait pas

 24   agi devient ici encore plus grave, aux vues des rapports qu'il a reçus le

 25   lendemain. Prenons la pièce D296. Donc il s'agit là d'un rapport journalier

 26   de l'état-major du MUP pour le Kosovo qui couvre la journée du 28 mars 1999

 27   et vous voyez qu'il concerne la période allant de 6 heures du 28 mars 1999,

 28   jusqu'au 29 mars, moment du massacre. Prenons le paragraphe 5, il s'agit de

Page 14407

  1   crimes graves qui ont été commis et si vous le parcourez, vous verrez que

  2   sous les crimes graves, sous l'intitulé crimes graves, rien n'est

  3   renseigné.

  4   Donc, Monsieur le Président, je vous demande de vous interroger si l'accusé

  5   en tant que policier raisonnable, en tant qu'homme qui possède toutes les

  6   attributions que nous lui connaissons, donc de prendre en considération le

  7   fait que M. Djordjevic était le chef de la police. Alors on lui dit que ses

  8   subordonnés ont aligné une vingtaine de femmes et d'enfants et qu'ils les

  9   ont abattus, je pense qu'ils en ont tué 16. Certains ont survécu et sont

 10   venus témoigner. Donc lui ne fait rien, n'entreprend rien, parce qu'il se

 11   dit qu'une enquête est en cours. Mais dès le lendemain, cela arrive sur son

 12   bureau, donc il reçoit un rapport de la part des personnes que normalement,

 13   au sujet desquels il devait lancer une enquête, ils disent qu'aucun crime

 14   grave n'a été commis. Mais que ferait normalement un chef de la police

 15   raisonnable ? Quelles sont ses obligations au titre de l'article 7(3) ?

 16   Bien, lorsqu'il dit qu'il n'a rien fait, il le justifie en disant qu'il

 17   pensait que quelque chose était fait le 28. Mais il sait maintenant --

 18   maintenant, il a reçu des éléments lui permettant de savoir que rien n'est

 19   en cours, qu'on entreprend rien. Vous devriez reprendre cette partie de son

 20   témoignage où on l'interroge là-dessus et où il ne peut pas expliquer

 21   pourquoi il n'a rien fait, après avoir appris qu'on ne faisait rien. Il

 22   s'est contenté de répéter qu'on lui avait dit, qu'on lui avait dit

 23   précédemment que ce serait l'OUP qui s'en chargerait.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il convient de remarquer

 25   qu'aucune enquête n'était en cours à ce moment-là, aucune enquête sur ce

 26   crime atroce, et même si des preuves montrent qu'un juge d'instruction est

 27   venu sur les lieux, il est venu sur les lieux trois jours plus tard à en

 28   juger d'après M. Vaslijevic, c'est trois jours plus tard qu'ils sont

Page 14408

  1   arrivés sur les lieux et donc c'est trois jours plus tard qu'un constat est

  2   dressé, un constat je pense qui comporte deux pages, un constat relatif à

  3   ce crime.

  4   Alors quant aux mesures disciplinaires, quant aux enquêtes aux fins de

  5   sanction disciplinaire au sein de la police n'auraient pas suffit

  6   normalement lorsqu'il s'agit d'un crime de masse, Djordjevic avait

  7   également l'obligation de lancer une enquête interne sur le plan

  8   disciplinaire, sinon, pour identifier les auteurs et pour mettre fin à leur

  9   carrière dans les rangs de la police, au moins, pour les empêcher d'avoir

 10   le droit de porter une arme jusqu'à ce qu'une enquête au pénal n'aboutisse.

 11   L'Accusation affirme que M. Djordjevic avait deux responsabilités : il

 12   devait faire en sorte que ses subordonnés sur place prenaient toutes les

 13   mesures nécessaires afin de recueillir les éléments de preuve, d'enquêter

 14   auprès des gens, interroger les gens, et d'amorcer une enquête au pénal, et

 15   c'est ce qu'il n'a pas fait. Qui plus est, sa deuxième responsabilité était

 16   de prendre des mesures disciplinaires internes afin d'identifier les

 17   auteurs et au moins de faire en sorte qu'ils soient relevés de leurs

 18   fonctions jusqu'à ce des poursuites au pénal ne soient engagées. Comme il

 19   n'a rien fait, de nombreux de ces auteurs de meurtre qui ont tué ces femmes

 20   et ces enfants et bien sont retournés au Kosovo en avril lorsque M.

 21   Djordjevic a accepté que les Scorpions se reconstituent, se regroupent et

 22   soient renvoyés au Kosovo. Donc ils sont revenus dans les rangs de la

 23   police à cause du fait que lui-même n'a rien fait.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ces éléments au titre de

 25   l'article 7(3) donc de sa responsabilité pénale engagée pour Podujevo, tous

 26   ces éléments ont été versés.

 27   Je souhaite faire valoir à ce stade que le mémoire de la Défense au

 28   paragraphe 693 et à d'autres endroits, comporte des éléments disant que M.

Page 14409

  1   Djordjevic n'aurait pas été au courant de la commission des crimes commis

  2   au Kosovo puisque les rapports journaliers qui arrivaient des états-majors

  3   du MUP et des différents SUP ne faisait pas état de ces crimes. Nous avons

  4   un document très intéressant ici, le document D296, qui nous montre très

  5   clairement que M. Djordjevic a nécessairement su qu'il était le

  6   comportement de ces policiers haut gradés au Kosovo où une politique de

  7   dissimulation des crimes, de dissimulation de massacre commis contre les

  8   civils. Il savait le 28 qu'il y a eu des femmes et des enfants qui ont été

  9   alignés et abattus par ses subordonnés et le lendemain son subordonné au

 10   Kosovo ne fait aucun rapport sur ce crime et lui demandé : Mais qu'a-t-il

 11   fait, qu'a-t-il fait suite à cela ? Rien. Est-ce qu'il a appelé le chef du

 12   SUP, le chef de l'état-major du MUP, est-ce qu'il a demandé qu'est-ce que

 13   c'est que ce crime -- qu'est-ce que c'est qu'un crime grave d'après vous ?

 14   Non. Il ne l'a pas fait. Pourquoi ? Il nous dit : Nous avons entendu dire

 15   qu'une enquête était en cours.

 16   Donc ce n'est pas de cela qu'il s'agit, Monsieur le Président. Il

 17   s'agit de savoir que fait-il lorsqu'il se rend compte que ses subordonnés

 18   ne lui rendent pas compte de la commission de crimes graves ? Il ne fait

 19   rien. La Chambre arrivera à la conclusion que cette politique de

 20   dissimulation de crise grave était quelque chose dont il était au courant

 21   et qui n'a rien fait parce qu'il était d'accord avec cela. En tant que chef

 22   du service, il a fait en sorte que cela se poursuive. Nous pouvons nous

 23   pencher sur la pièce D855, il s'agit de la loi sur la procédure pénale, la

 24   loi de l'ex-RSFY, mais qui était en vigueur en Serbie au moment pertinent

 25   jugée d'après la Juge Marinkovic. Nous allons rapidement nous pencher sur

 26   l'article 151, 1-5-1 :

 27   "Si on est en droit de supposer qu'un crime a été commis qui et qui est

 28   automatiquement -- au sujet duquel des poursuites sont automatiquement

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  1   engagées, les forces de l'ordre doivent prendre des mesures nécessaires

  2   afin de retrouver l'auteur du crime, empêcher l'auteur ou son complice de

  3   se cacher ou de prendre la fuite, de retrouver et de préserver tous les

  4   indices et tous les objets qui auraient pu servir comme éléments de preuve

  5   --"

  6   Je ne vais pas en donner lecture dans sa totalité, mais cela nous montre

  7   quelles sont les responsabilités habituelles des policier sur le terrain,

  8   même si un juge d'instruction doit se charger des enquêtes, les policiers

  9   sur le terrain sont tenus d'enquêter, d'appréhender, de rassembler les

 10   éléments de preuve en attendant l'arrivée du juge d'instruction. Nous

 11   pouvons également examiner l'article 152, en son alinéa (1), et je

 12   demanderais aux Juges de la Chambre de se pencher plus en détail sur ces

 13   articles le moment voulu. L'article 152 :

 14   "Les officiers habilités des services de maintien de l'ordre sont en droit

 15   d'adresser les personnes repérées sur les lieux du crime au magistrat

 16   responsable ou de les détenir jusqu'à son arrivée si ces personnes sont

 17   susceptibles de fournir des éléments d'information importants au vu de la

 18   procédure au pénal," et cetera.

 19   L'article 154, en son alinéa 2 :

 20   "Si le magistrat compétent n'est pas en mesure de se déplacer sur les lieux

 21   du crime immédiatement, les services de l'ordre peuvent se charger eux-

 22   mêmes des mesures et ainsi peuvent ordonner que les experts procèdent à des

 23   évaluations nécessaires, à l'exception de l'autopsie et à l'exhumation du

 24   corps," et cetera.

 25   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Simovic a appris que

 26   les Skorpions ont commis un crime, il a renvoyé les hommes, il ne les a pas

 27   placés en détention, il n'a pas entendu que le juge d'instruction arrive,

 28   il n'a pas rassemblé les éléments de preuve. La juge d'instruction n'est

Page 14411

  1   arrivée que trois jours plus tard au moment où certains corps étaient

  2   encore sur place, il a fallut trois jours. Pendant cette période la

  3   responsabilité de la police était engagée. Mais la police n'a rien fait, et

  4   les mesures, qui ont été prises par le MUP après l'accident, de toute

  5   façon, n'étaient pas adéquates et M. Djordjevic devait savoir que ces

  6   mesures de toute évidence inappropriée.

  7   Si nous nous penchons sur la pièce P1591, page 4, c'est le procès-verbal de

  8   l'entretien de M. Simovic à Prokuplje, pendant le procès de Prokulpje en

  9   2001 ou 2002. Il dit :

 10   "Pour la troisième ou quatrième fois, la Chambre insiste que je fournisse

 11   mon opinion définitive au sujet de qui, a tiré sur les civils."

 12   Il est clair, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que ces Juges ont

 13   été choqués par le manquement de M. Simovic à agir, à remplir son devoir.

 14   M. Simovic a rendu compte de cela à M. Djordjevic, et M. Djordjevic ne

 15   s'est pas montré indiqué et il n'a pas fait son devoir pour faire en sorte

 16   que ses commandants déployés sur le terrain enquêtent sur le crime.

 17   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, examinez, étudiez ces

 18   questions qui ont été posées par la Chambre à M. Simovic lorsqu'il est venu

 19   témoigner ici et nous avons ici des pages pertinentes du compte rendu

 20   d'audience qui sont 13 623 jusqu'à 13 627. Il est évident, cela saute aux

 21   yeux, que M. Simovic, avait la responsabilité de ces hommes, et malgré

 22   cela, il est parti le même jour et il les a envoyés à Belgrade sans savoir

 23   si un OUP s'était rendu sur place, et s'il y avait un juge d'instruction

 24   qui allait se rendre sur les lieux. Il les a renvoyés, et c'est ce qu'il a

 25   dit à M. Djordjevic; et suite à cela, M. Djordjevic n'a rien fait.

 26   Donc je ne vais pas m'attarder ici sur toutes les questions et les réponses

 27   relatives à cela pendant le témoignage de M. Simovic en l'espèce, mais de

 28   toute évidence il a été indigné par ce manque de réact4ion. Et il

Page 14412

  1   semblerait que la seule personne qui ça n'a pas gêné, et bien, c'était le

  2   commandant, M. Djordjevic, lui il n'a pas été gêné par le fait que la

  3   police n'enquête pas.

  4   Alors s'agissant de l'article 7(3), s'agissant du fait que l'accusé admet

  5   tout cela, la Chambre arrivera à la conclusion que tous les éléments des

  6   dispositions de l'article 7(3) ont été réunis au sujet de ce meurtre.

  7   L'Accusation, qui plus est, affirme qu'à la lumière du témoignage de M.

  8   Djordjevic lui-même lorsqu'il se défend d'avoir participé à la

  9   dissimulation des corps, que sa responsabilité est également engagée au

 10   titre de l'article 7(3) pour chacun et pour l'ensemble de ces incidents de

 11   meurtre qui sont énumérés au paragraphe 75 de l'acte d'accusation. Les

 12   éléments de preuve ont été fournis qui permettent une déclaration de

 13   culpabilité au titre de l'article 7(3) et ils ont été démontrés au-delà de

 14   tout doute raisonnable, d'ailleurs ils ont été généralement reconnus par

 15   l'accusé.

 16   S'agissant des sites où des crimes ont été commis plus particulièrement

 17   s'agissant de Suva Reka, Podujevo, Bela Crkva, Mala Krusa, la rue Milos

 18   Gilic, Pusto Selo, et Suceska, les auteurs de ces massacres comprenaient

 19   des policiers qui étaient placés sous les ordres de Djordjevic au titre de

 20   l'article 7(3). Lorsque je dis qu'ils étaient ses subordonnés au titre de

 21   l'article 7(3), j'opère là une distinction entre le fait qui est de savoir

 22   si, lui ou non, lui-même était au Kosovo parce qu'il dit qu'il n'était pas

 23   au Kosovo et qu'il ne les commandait pas pendant ces opérations, mais au

 24   titre de l'artillerie 7(3) ils sont ses subordonnés s'il avait la capacité

 25   de les punir et il devait faire en sorte que des mesures disciplinaires et

 26   pénales soient engagées contre eux et il avait cette attribution. Cela

 27   n'est pas contesté.

 28   Donc deuxième élément. Il a dit que, lorsqu'il a participé à la

Page 14413

  1   dissimulation des corps, il savait qu'il s'agissait de corps de personnes

  2   qui avaient été victimes de crimes et il a déclaré dans sa déposition qu'il

  3   savait qu'il acceptait le fait que les auteurs étaient peut-être des

  4   officiers de police. Vous trouverez cela à la page 10 011 du compte rendu.

  5   Donc lorsque l'on prend en compte la jurisprudence et l'article 7(3), on

  6   voit bien qu'il y a une notification suffisante. La différence à Podujevo,

  7   qu'il avait été informé spécifiquement du crime, alors qu'il avait été

  8   averti précisément. Ici, il a été averti qu'une enquête était nécessaire et

  9   qu'il fallait qu'il sanctionne et l'accepte. Donc un supérieur est censé

 10   être en connaissance lorsqu'il possède des informations suffisamment

 11   inquiétantes pour qu'il décide de déclencher une enquête.

 12   A mon avis, le fait que 800 corps aient été dissimulés est

 13   suffisamment alarmant pour justifier une enquête. L'information peut être

 14   très générale, n'a pas besoin d'être précise à propos des actes illégaux

 15   qui auraient été commis, et cela, il l'a concédé.

 16   Il a aussi concédé le troisième élément concernant ces meurtres. Il

 17   savait qu'il était de son devoir de lancer une enquête en bonne et due

 18   forme et qu'il aurait dû le faire. Il a aussi concédé qu'il n'avait pas

 19   lancé cette enquête et qu'il aurait dû le faire. Il a dit dans le cadre

 20   d'un contre-interrogatoire à ce propos, et je vais le citer :

 21   "J'ai fait ce que j'ai fait à ce moment-là. J'ai accepté ses ordres ou les

 22   ordres du ministre sans m'opposer à lui, et je comprends bien qu'il s'agit

 23   d'une erreur, mais ce qui est fait est fait. On ne peut pas revenir dessus.

 24   Je suis -- j'ai honte de ce que j'ai fait et je pense que la décision de la

 25   Chambre sera la décision correcte et que je serai tenu responsable pour ce

 26   qui doit m'être imputé."

 27   Vous trouvez ça au compte rendu à la page 10 006. Donc il a admis tous ces

 28   éléments, tous les éléments formels qui sont nécessaires au titre de

Page 14414

  1   l'article 7(3) pour qu'il soit condamné, au titre de l'article 7(3), en ce

  2   qui concerne les meurtres repris dans les tableaux qui sont consignés à

  3   l'acte d'accusation.

  4   Donc l'Accusation considère aussi qu'en ce qui concerne les autres

  5   incidents, tous les autres meurtres commis impliquant des personnes

  6   travaillant pour le service de la Sécurité publique, l'Accusation donc fait

  7   valoir que M. Djordjevic était au courant ou avait été au courant des

  8   meurtres de ces Albanais du Kosovo commis pas ses subordonnés au Kosovo et,

  9   comme il a dit :

 10   "Qu'il fallait que la situation soit vérifiée," et comme il l'a dit :

 11   "Que les faits soient établis," et que :

 12   "Il aurait fallu mettre sur pied une commission ou un groupe de

 13   travail pour l'enquête."

 14   Vous trouverez ceci à la page 9723 et 9724, et aussi à la page 10 002 du

 15   compte rendu.

 16   Donc, à nouveau, la Chambre de première instance doit prendre sa décision

 17   aux vues de l'admission que l'accusé a faite de ses actes.

 18   Maintenant, passons à autre chose. Passons à quelques points divers

 19   soulevés par la Défense dans son mémoire, et je tenais à dire que, de notre

 20   avis, la Défense a déformé un grand nombre de faits ou d'éléments de

 21   preuve. Tout d'abord, j'aimerais commencer par une petite correction. Donc

 22   je tiens à faire une correction au mémoire en clôture de l'Accusation. A la

 23   page 304, paragraphe 1232, note de bas de page 3336, il conviendrait de

 24   supprimer la référence à K84 et la citation correcte devrait être, et je

 25   cite :

 26   "Djordjevic, compte rendu 9973-9975, pièce P1508, pièce P815, pages

 27   31 à 35."

 28   Autre correction à apporter. Au paragraphe P567 du mémoire en clôture de

Page 14415

  1   l'Accusation, première phrase :

  2   "35 à 37 corps ont été exhumés par la suite et identifiés comme venant du

  3   Kosovo."

  4   Donc il s'agit en fait d'une citation qui porte sur le charnier du lac

  5   Perucac à Bajina Basta, et pour ce qui est de la note de pied, de bas de

  6   page qui je vous ai dit qui aurait été attribuée à M. Baraybar, en fait,

  7   cette citation n'est pas correcte. La référence correcte en fait, c'est

  8   K84, pages du compte rendu 2043 à 2046 et 2075 à huis clos total, et ainsi

  9   qu'à la pièce P394. Je vais vous expliquer. Donc K84 enquêtait sur ces

 10   charniers en Serbie. Il a donné cette estimation de 37 corps qui auraient

 11   été retrouvés à Bajina Basta près du lac. Mais vous savez que les

 12   anthropologues médico-légaux qui se sont livrés aux exhumations ont compté

 13   en fait au moins 48 corps. On me corrige. Maintenant, pour vous donner la

 14   citation exacte, pour que vous ayez cette citation qui est celle par

 15   rapport à ces 48 corps. Il s'agit du rapport d'excavation, donc le

 16   Sterenberg P815, rapport page 37, paragraphe 1.

 17   La Défense déclare -- je vais passer rapidement maintenant sur ces points.

 18   Mais la Défense, au paragraphe 586, déclare que :

 19   "Il n'y a pas le moindre élément de preuve qui a été présenté au

 20   cours du procès qui permettrait d'associer d'une façon ou d'une autre M.

 21   Djordjevic à cet événement, événement de Petrovo Selo, le massacre qui a eu

 22   lieu à Petrovo Selo."

 23   Or, ce n'est pas le cas, de toute évidence. Il existe des éléments de

 24   preuve qui permettraient à la Chambre de conclure qu'il faisait bel et bien

 25   partie de ces opérations visant à dissimuler les corps à Petrovo Selo. Vous

 26   trouverez cela dans le mémoire en clôture de l'Accusation, paragraphes 303

 27   à 305. Il y a plusieurs éléments qui s'y trouvent et qui montrent bien que

 28   Petrovo Selo faisait partie de la même opération que Batajnica. Il y a un

Page 14416

  1   autre point supplémentaire qui n'a pas été soulevé dans le mémoire. Le

  2   camion réfrigéré qu'on a retrouvé en train de flotter dans le Danube près

  3   de Tekija a été détruit sur ordre de M. Djordjevic. Donc, le camion qui

  4   était de Batajnica a été transféré jusqu'à l'installation du MUP à Petrovo

  5   Selo et détruit là. Donc on voit bien, il y a des éléments de preuve qui

  6   montrent que l'opération d'enfouissement des corps à Petrovo Selo fait

  7   partie de la même opération de Batajnica, qui est une opération qu'a

  8   concédé l'Accusé. 

  9   La Défense a déclaré aussi qu'il y a, au paragraphe 559, qu'il n'y a

 10   pas d'élément de preuve qui montre qu'un ordre a été donné de détruire ce

 11   camion dans lequel les corps ont été trouvés. Je vais vous donner lecture

 12   de ce que dit la Défense :

 13   "Il n'y a aucun élément de preuve qui montre que l'ordre de détruire

 14   le camion dans lequel les corps avaient été trouvés est une conséquence de

 15   l'ordre qui aurait été donné directement par Vlastimir Djordjevic."

 16   Vous trouvez cela aux paragraphes 559 et 560 de leur mémoire. Mais

 17   enfin, là, on coupe les cheveux en quatre. Voir en plus, M. Djordjevic a

 18   admis, au compte rendu page 9 726, ligne 16, que sur ordre du ministre, il

 19   a dit à Golubovic qu'il fallait détruire le camion. Je ne vois pas où veut

 20   en venir la Défense, il n'a pas donné un ordre direct, en fait, il a relayé

 21   les ordres du ministre, ce n'est pas un ordre direct. Il fallait en couper

 22   les cheveux en quatre, Djordjevic a donné ordre que ce camion réfrigéré

 23   soit détruit, il l'a admis.

 24   Dans sa déposition, M. Golubovic, aux pages 1 715 et autres, dit

 25   aussi que c'est Djordjevic qui lui a dit qu'il fallait détruire le camion

 26   réfrigéré, et du fait, le camion a bel et bien été détruit.

 27   Passons à autre chose. La Défense pendant plusieurs paragraphes,

 28   paragraphes 549 à 554 de leur mémoire, dit que les opérations de

Page 14417

  1   dissimulation de ces corps n'ont pas été dissimulées de façon

  2   intentionnelle. Ils semblent se concentrer sur la question de savoir si

  3   Djordjevic a vraiment classifié ce document comme étant secret d'état ou

  4   pas. Mais M. Djordjevic lui-même, au compte rendu, à la page 9721 a dit

  5   qu'il a dit à Golubovic :

  6   "Qu'il fallait que toute action supplémentaire portant sur ce point

  7   soit confidentiel, afin que le public n'en sache rien."

  8   La Défense aussi a répété à plusieurs reprises que Djordjevic avait

  9   l'intention à un moment ou à un autre que ces corps soient autopsiés. Ils

 10   vont même jusqu'à dire que Djordjevic voulait que ces corps soient

 11   autopsiés à Tekija, et qu'il voulait aussi que les corps de Batajnica

 12   soient autopsiés, à un moment ou à un autre. Or ceci est contraire aux

 13   éléments de preuve qui montrent qu'il n'a jamais eu aucune intention de

 14   procéder à une autopsie ou de traiter correctement ces corps. Je demande au

 15   Juges de la Chambre de se pencher sur les questions qu'ils ont eux-mêmes

 16   posées à M. Golubovic à ce propos, à la page 1 746, du compte rendu. Le

 17   compte rendu indique, reprend la question du Président de la Chambre, le

 18   Juge Parker :

 19   "Je ne comprends pas très bien pourquoi si vous n'aviez pas de

 20   pathologiste, suffisamment de juge, ni de procureur pourquoi vous avez

 21   pensé qu'il fallait enfouir ces corps cette nuit-la."

 22   La réponse de l'accusé est la suivante :

 23   "Et bien, il fallait que l'on déclare, c'est le camion réfrigéré qui

 24   était sur la route. Parce que les gens qui se trouvaient près de ce camion

 25   réfrigéré, disaient que l'odeur était épouvantable. Donc les choses ne

 26   pouvaient pas rester en état, il fallait faire quelque chose. C'est pour

 27   cela que nous avons essayé de résoudre le problème le plus vite possible."

 28   Fait, et là, il évite de répondre à la question posée par le Juge

Page 14418

  1   Parker. Ceci se poursuite d'ailleurs et vous pouvez le lire au compte rendu

  2   d'ailleurs puisque cette attitude d'évitement des réponses continue,

  3   lorsqu'on lui demande s'il avait bel et bien l'intention de procéder à une

  4   autopsie de ces corps.

  5   Il déclare -- le fait que la Défense déclare que Djordjevic voulait

  6   procéder à un examen médico-légal n'a aucun fondement, il n'avait jamais eu

  7   l'intention de le faire, et ne l'a jamais fait d'ailleurs. Il n'a jamais

  8   informé quiconque d'ailleurs jusqu'en 2007, et même au-delà de

  9   l'emplacement même des corps. Au contraire, il a fait tout ce qu'il a pu

 10   pour que l'affaire soit étouffée, jusqu'à ce qu'à un moment les corps

 11   soient trouvés, mais bien plus tard, et par d'autres. Je tiens à faire

 12   remarquer à la Chambre qu'après le conflit en juin 1997, M. Trajkovic, il

 13   l'a dit d'ailleurs dans sa déposition a estimé son inquiétude à propos des

 14   corps qui se trouvaient chez lui, si je puis dire, sur  sa base. M.

 15   Trajkovic était le chef du SAJ et le subordonné immédiat de Djordjevic.

 16   Donc lorsqu'il s'est entretenu avec Trajkovic, ils ont abordé la

 17   possibilité de déplacer les corps loin de Batajnica, pour que la

 18   dissimulation se poursuive.

 19   La Défense a fait des allégations en ce qui concerne l'ethnicité, au

 20   paragraphe 604 du mémoire de la Défense, cette partie déclare que M.

 21   Djordjevic n'avait aucune idée de l'appartenance ethnique des victimes.

 22   Ceci ne correspond absolument pas avec le témoignage de Golubovic ni avec

 23   celui de Djordjevic. M. Golubovic a dit dans sa déposition que les victimes

 24   étaient habillées comme des Albanais du Kosovo. Ils étaient habillés de la

 25   même manière qu'eux, et que le camion avait des inscriptions qui venaient

 26   de Prizren. M. Djordjevic dans sa déposition à la page 9730 du compte rendu

 27   a dit, et je donne lecture :

 28   "Lui, le ministre a dit que j'étais au courant de cette affaire, et

Page 14419

  1   que je savais par mes contacts précédents qu'il s'agissait de corps qui

  2   venaient du Kosovo-Metohija, donc qu'il s'agissait de corps d'Albanais,

  3   qu'il fallait les enfouir…"

  4   Donc on voit bien que la déposition même de M. Djordjevic contredit

  5   les allégations de la Défense. Ailleurs d'ailleurs, la Défense fait une

  6   concession dans son mémoire, un peu plus loin, déclare que M. Djordjevic

  7   savait d'où venaient les corps, parce que le ministre lui avait dit. Donc

  8   dans leur mémoire en clôture, au paragraphe 557, il déclare et je cite :

  9   "Ayant réalisé que le général Djordjevic voulait qu'il y ait enquête,

 10   le ministre lui a dit que c'était lui qui était derrière toute cette

 11   histoire, lui-même, qu'il y avait eu des incidents au Kosovo-Metohija et

 12   qu'il fallait faire quelque chose pour dissimuler les corps."

 13   Donc ça c'est la concession que fait la Défense dans son mémoire, qui

 14   indique bien que M. Djordjevic savait quelle était l'appa0rtenance ethnique

 15   des victimes, c'étaient des gens qui venaient du Kosovo.

 16   La Défense fait appel ici à la déposition de Djordjevic, pages 9 723

 17   et 9 724. Voilà ce qu'il a dit ligne 24, de la page 9 723 :

 18   "Ce n'est qu'après  qu'il ait réalisé, le ministre, donc il réalisait

 19   que je voulais absolument prendre des mesures pour aller au bout des

 20   choses, au fond des choses. Il m'a dit qu'il était -- il m'a fait savoir

 21   qu'il était impliqué dans l'affaire, qu'il y avait des incidents là-bas, et

 22   qu'il fallait faire quelque chose pour éviter que ces corps soient

 23   trouvés," et cetera.

 24   Donc lorsqu'il a parlé des corps qui venaient de là-bas, là-bas, on

 25   sait que M. Djordjevic ici faisait référence au Kosovo, là-bas, c'est le

 26   Kosovo. Avec tout le respect que je vous dois, Messieurs les Juges, il est

 27   évident que M. Djordjevic savait que les corps des victimes étaient des

 28   corps d'Albanais du Kosovo.

Page 14420

  1   Maintenant, dans son mémoire de clôture, la Défense, en ce qui

  2   concerne les Skorpions, déclare que des contrôles d'antécédents ont bel et

  3   bien été faits, des vérifications des antécédents des membres des Skorpions

  4   ont bel et bien été faites. Vous trouverez cela au paragraphe 480. Ils

  5   disent que les services du MUP ont bel et bien contrôlé les antécédents des

  6   hommes en se basant sur les dossiers du SUP. Or la Défense déclare cela

  7   mais n'étaye pas ces propos. L'Accusation fait valoir qu'en fait aucun

  8   antécédent n'a été contrôlé ou vérifié. Dans les rangs des Skorpions il y

  9   avait des hommes qui avaient des casiers judiciaires. Leur réputation était

 10   qu'il s'agissait -- qu'il y avait des criminels dans leurs rangs, des gens

 11   à problèmes. Et ici je fais référence à la déposition du général

 12   Vasiljevic, page 5 662 :

 13   "La réputation des Skorpions était qu'il y avait des criminels parmi

 14   eux, des gens à problèmes, des gens avec des casiers judiciaires."

 15   Les Skorpions n'ont jamais été instruits à quoi ce soit. Stoparic

 16   déposé pour dire qu'il avait dû leur apprendre, leur donner un cours

 17   accéléré le maniement des armes et d'utilisation des armes, et le Témoin

 18   K92 qui a participé au rassemblement des Skorpions nous a dit que M.

 19   Djordjevic n'a posé aucune question à propos de ces personnes pour savoir

 20   s'ils avaient été formés ou non. Il a juste accepté ces personnes au sein

 21   de cette unité.

 22   Donc lorsque l'Accusation -- la Défense fait valoir soi-disant qu'il y a eu

 23   des vérifications d'antécédents c'est absolument faux, évidemment, et là,

 24   les preuves du contraire abondent. Personne n'est impliqué dans le

 25   recrutement et le commandant de cette unité a pu dire qu'on avait vérifié

 26   les antécédents de ces hommes. Ils ont juste dit : Oui, on était censé

 27   faire ceci, l'administration de la police est censé faire cela, et cetera,

 28   mais personne n'a apporté le moindre fait qu'il étayerait les dires de la

Page 14421

  1   Défense. Maintenant, pour ce qui est de -- non, avant de -- je tiens

  2   maintenant à faire référence à ce qu'a dit M. Vasiljevic à propos de ce

  3   qu'il savait sur les Skorpions et sur les membres des -- les personnes qui

  4   appartenaient aux Skorpions. Je vais vous donner la citation exacte donc au

  5   compte rendu page 5 667.

  6   Dans son mémoire en clôture la Défense déclare, au paragraphe 485, que les

  7   auteurs du massacre de Podujevo n'ont pas pu être identifiés sur la scène

  8   du crime. Mais les références données pour argumenter cela n'étayent

  9   absolument pas ce point. En fait, les éléments de preuve montrent que rien

 10   n'a été fait, rien n'a été fait, donc on ne peut dire qu'on a essayé quoi

 11   que ce soit pour essayer d'identifier les auteurs de crimes à Podujevo.

 12   Mais, rappelez-vous ce qu'a dit M. Stoparic, il a dit que certains des

 13   Skorpions ont essayé de contrecarrer le crime, eux-mêmes ils ont essayé

 14   d'enquêter pour savoir qui avait commis ces actes épouvantables, mais

 15   l'enquête s'est arrêtée là, ça n'a pas été plus loin. Donc lorsque la

 16   Défense déclare que des auteurs ne pouvaient pas être identifiées, cela n'a

 17   aucun fondement, puisque évidemment ils ne pouvaient pas être identifiés vu

 18   aucun effort n'a été fait pour les identifier alors que la loi exigeait

 19   qu'une enquête soit lancée.

 20   En ce qui concerne les Skorpions un grand nombre d'arguments sont avancés

 21   selon lesquels ce serait Trajkovic qui aurait été en charge de ces

 22   réservistes, était responsable de ces réservistes. Mais vous pourrez vous

 23   pencher sur les arguments de la Défense, et l'Accusation ne nie pas, que la

 24   Défense se trompe dans ces références malheureusement. Parce que Trajkovic

 25   était bien le commandant des réservistes et était responsable de leurs

 26   agissements. Nous acceptons cela, mais Trajkovic était quand même le

 27   subordonné direct de Djordjevic.

 28   Pour ce qui est maintenant des éléments de preuve apportés par Vasiljevic à

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  1   propos des paramilitaires et des Skorpions sont essentiels en l'espèce,

  2   surtout lorsque la Chambre de première instance devra se pencher sur la

  3   question de savoir pourquoi des hommes d'une telle espèce doivent être

  4   versés dans les rangs de la police. Bien sûr, la Défense a essayé de saper

  5   ses éléments de preuve, au paragraphe 506, par exemple, ils disent que les

  6   éléments de preuve apportés par Vasiljevic à propos des informations qu'il

  7   avait obtenues sur les paramilitaires opérant au Kosovo étaient

  8   préliminaires et n'étaient pas confirmées. Ils disent -- ils ont essayé

  9   d'attaquer la crédibilité de cette personne lorsqu'il a nié les faits

 10   contenus dans la pièce D210, qui est un rapport de l'administration de la

 11   sûreté au commandement Suprême. Certes, il n'a pas accepté ce qui était

 12   contenu dans ce document, ce qui ne fait pas de lui un témoin non crédible.

 13   Au contraire, cela montre que c'est le rapport qui n'est pas crédible ce

 14   n'est pas le témoin. Et lorsqu'on regarde le compte rendu à la page 5 913,

 15   on voit bien après l'intervention du Président de la Chambre que les doutes

 16   à propos de l'authenticité de ce document ont été soulevés, et ce, par le

 17   témoin d'une façon parfaitement juste. L'Accusation fait valoir que la

 18   crédibilité du général Vasiljevic ne doit pas être remise en cause.

 19   Autres assertions de la Défense à propos de M. Vasiljevic, la dernière, que

 20   j'aborderais, est donc une assertion de la Défense selon lequel tout --

 21   elles disent que tout les éléments de preuve fournis par Vasiljevic, à

 22   propos des crimes et à propos des unités paramilitaires, étaient des

 23   éléments de preuve préliminaires et non étayés, non confirmés. Or, ici, au

 24   compte rendu 5 897, cette référence faite au transcript à la page 5 897

 25   n'étaye pas ce point, ne peut pas étayer cette allégation faite par la

 26   Défense selon laquelle Vasiljevic n'avait que des informations qui

 27   n'étaient pas confirmées.

 28   Vasiljevic en fait a rejeté l'affirmation de la Défense selon laquelle il

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  1   ne s'agissait que de rapports préliminaires et rien d'autre puisqu'il a dit

  2   que les rapports et les informations qu'il avait reçus n'étaient pas des

  3   informations préliminaires ou initiales et qu'il avait reçu en revanche des

  4   rapports extrêmement détaillés à propos des opérations et des agissements

  5   de ces unités paramilitaires, ce qui est naturel d'ailleurs. Puisqu'il

  6   était le chef ou l'adjoint du chef de l'administration de la Sûreté au

  7   niveau de la VJ. Ils sont en opérations sur le terrain. Donc il doit savoir

  8   c'est normal qu'il sache quels sont les mouvements et les opérations et les

  9   agissements des autres unités paramilitaires dans cette région où opérait

 10   la VJ. Donc c'est logique, non seulement il y a des preuves, mais en plus

 11   c'est parfaitement logique, les éléments de preuve apportés par le général

 12   Vasiljevic sont dignes de foi.

 13   Aux paragraphes 512 à 514, la Défense semble avancer qu'il n'y avait pas

 14   d'unité paramilitaire présente au dos pendant la guerre. Ce qui est très

 15   probablement un malentendu parce que cela va tout à fait à l'encontre des

 16   moyens de preuve présentés. Donc je ne vais pas en dire davantage sur la

 17   question.

 18   La Défense indique, dans ces paragraphes 605 à 608 dans son mémoire de

 19   clôture, que les civils avaient été armés de façon tout à fait non

 20   discriminatoire, et ce, conformément à la législation relative à la

 21   défense. L'Accusation avance, par conséquent, que cela n'est absolument pas

 22   vrai, que l'armement des civils a été fait en fonction de l'appartenance

 23   ethnique des gens, qu'en 1998 et 1999 ils ont armé des civils non Albanais,

 24   et ils font référence d'ailleurs à un certain nombre de documents dans

 25   lesquels il est question justement de la population non Siptar, pour parler

 26   de ces non Albanais. J'aimerais en fait vous donner le numéro en question.

 27   Il ne s'agit pas de 600 000, mais de 60 000 personnes. Donc 60 000 hommes

 28   civils, j'entends, ont été armés. Il s'agissait de personnes d'appartenance

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  1   ethnique serbe. Donc cela représente une forte proportion de la population

  2   serbe présente au Kosovo.

  3   M. Cvetic, qui était un chef du SUP, à la page 6 719, et le général

  4   Djakovic, à la page 8 139, ont justement confirmé que les Albanais de

  5   souche n'ont pas reçu d'armes et ont été exclus de ces groupes de défense

  6   locale.

  7   Alors une fois de plus, au paragraphe 609 du mémoire de clôture, la Défense

  8   avance qu'il n'y a absolument aucune preuve qui a été avancée montrant que

  9   Djordjevic savait ou qu'il avait reçu des informations à propos de

 10   l'armement de la population non Albanaise en 1999. Ils ont avancé qu'il n'y

 11   avait absolument aucune preuve qui avait été présentée permettant de

 12   comprendre qu'il savait que ces personnes avaient été armées. Ce que

 13   j'avance moi, par contre, Monsieur le Président, c'est qu'il était

 14   parfaitement informé de la politique retenue en 1999 et des plans qui

 15   avaient été prévus également. Donc, j'aimerais demander à la Chambre de

 16   bien vouloir consulter brièvement le document P85, document que j'ai déjà

 17   montré précédemment. C'est un des documents les plus essentiels dans cette

 18   affaire, car il s'agit de la réunion du 17 février, 17 février 1999,

 19   réunion qui a eu lieu au moment où ces opérations allaient justement

 20   aboutir à tous ces meurtres et à toutes ces expulsions, et c'est lors de

 21   cette réunion qu'ils parlent de tout cela.

 22   M. Lukic a indiqué en présence de M. Djordjevic que les groupes de défense

 23   locale étaient présents dans quasiment tous les villages habités par les

 24   Serbes, et je cite :

 25   "Les groupes de défense locale présents dans quasiment tous les villages

 26   habités par les Serbes sont très actifs. Des réunions ont eu lieu avec ces

 27   groupes de défense locale, et le général Momcilo Stojanovic et ainsi que le

 28   lieutenant-colonel Blagoje Pesic ont assisté à ces réunions. Leur travail

Page 14425

  1   et leur engagement ont été évalués comme étant bons."

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez que le moment

  3   serait peut-être venu de faire la pause, Monsieur Stamp ?

  4   M. STAMP : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever l'audience et

  6   reprendre à 13 heures 05.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.

  8   --- L'audience est reprise à 13 heures 04.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Stamp.

 10   M. STAMP : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Alors je souhaiterais maintenant ou revenir sur ce qu'avançait la Défense à

 12   propos du commandement conjoint aux paragraphes 298 et 299, ainsi que dans

 13   d'autres paragraphes d'ailleurs du mémoire de clôture. Ils avancent que le

 14   commandement conjoint n'avait pas reçu ou plutôt qu'aucun ordre n'aurait pu

 15   être donné lors des réunions du commandement conjoint et que le

 16   commandement conjoint n'a pu existé après le moi d'octobre 1998. Mais ce

 17   qu'avance la Défense ne correspond absolument pas aux nombreux éléments de

 18   preuve qui ont donné des explications sur l'existence du commandement

 19   conjoint et sur ses actions et agissements en 1998 et en 1999, et dans son

 20   mémoire de clôture l'Accusation, aux paragraphes 267 à 311, revient

 21   justement là-dessus. Il suggère également que le fait qu'il y avait

 22   différent participant à chaque des réunions c'est que c'est un facteur en

 23   fait qui indique que ces personnes se contentaient tout simplement

 24   d'échanger des renseignements à propos de la situation qui prévalaient sur

 25   le terrain, paragraphe 299 du mémoire. De ce fait, il laisse complètement

 26   de côté le fait qu'il y avait certains membres qui revenaient à chaque de

 27   ces réunions. D'ailleurs, lorsqu'une de ces personnes n'étaient pas

 28   présentes, son absence était consignée au compte rendu d'audience. Donc le

Page 14426

  1   fait que d'autres personnes participaient ne réfute pas le fait qu'il

  2   s'agissait d'une structure de commandement.

  3   La Défense avance également - et cela fait l'objet du paragraphe 22 de son

  4   mémoire - que le commandement conjoint était en fait le seul organe qui

  5   avait agit dans le cadre de cette entreprise criminelle conjointe. Il

  6   indique, au paragraphe 297, et je cite : En abandonnant la théorie suivant

  7   laquelle le conseil suprême de la Défense commandait toutes les forces pour

  8   exécuter le plan allégué, ils ont modifié en fait le plan et cette

  9   modification signifie que ce qu'on appelle le commandement conjoint doit

 10   être considéré comme l'organe responsable à multiples égards d'une

 11   entreprise criminelle commune alléguée ce qui n'est pas exact car j'invite

 12   la Chambre de première instance à se pencher sur les paragraphes 20 et 25

 13   de l'acte d'accusation, notamment sur le paragraphe 20 qui énumère les noms

 14   des membres les plus importants de l'entreprise criminelle commune. Le

 15   conseil de la Défense suprême et le commandement conjoint sont justement

 16   deux des organisations, deux des instruments, ou deux des structures de

 17   commandement qui ont été utilisé pour mettre en vigueur l'entreprise

 18   criminelle commune, mais la pluralité si on peut l'appeler de cette façon

 19   ou le fait que l'on appartenait à l'entreprise criminelle commune est

 20   indiquée au paragraphe 20 de l'acte d'accusation. Les membres du

 21   commandement conjoint ont utilisé plusieurs organes de commandement en tant

 22   qu'instrument pour effectuer cette entreprise criminelle commune.

 23   Alors il y a certains des organes de commandement qui ont une

 24   pertinence par rapport à la responsabilité de l'accusé. Le Conseil suprême

 25   de la Défense, pour lequel nous n'avons pas entendu beaucoup d'élément de

 26   preuve à propos de la responsabilité de l'accusé et le chef de la VJ, mais

 27   il faut savoir que l'Accusation n'abandonne absolument pas la théorie

 28   qu'elle présente eu égard au Conseil suprême de la Défense.

Page 14427

  1   Pour ce qui est des éléments de preuve relatifs aux faits incriminés,

  2   aux faits incriminés la Défense au paragraphe 686, semblent contester les

  3   éléments de preuve présentés par le Haut-commissariat des Réfugiés des

  4   Nations Unies visant le nombre des réfugiés et le fait que, dans leur

  5   grande majorité, ces réfugiés étaient albanais. Il indique que ce sont des

  6   chiffres qui portent à confusion parce que dans son mémoire de clôture

  7   final, ou dans son résumé plutôt qui fait l'objet de la pièce P734, il est

  8   fait référence au chiffre de quelques 800 000 réfugiés qui ne correspond

  9   pas à l'estimation de 780 000 réfugiés du 10 juin 1999.

 10   Bon, l'Accusation ne réfute pas le fait qu'il y a une différente

 11   effectivement, mais on ne peut pas -- il y a aucun litige, aucun

 12   contentieux lorsque l'on avance qu'environ 800 000 Albanais sont partis du

 13   Kosovo entre le 24 mars et le 10 juin 1999. Outre le chiffre avancé par le

 14   HCR, nous avons également des chiffres avancés par le MUP qui sont assez

 15   semblables et qui montrent que les réfugiés étaient albanais. Le 1er mai

 16   1999, soit environ un mois avant la fin de l'intervention de l'OTAN, il est

 17   indiqué, dans la pièce P694, qui est un rapport du MUP que quelques 750 695

 18   qui appartenaient à la minorité Siptar et avait quitté le territoire du

 19   Kosovo-Metohija et c'est un chiffre qui a été donné pour la fin du mois

 20   d'avril 1999.

 21   Donc ce sont des chiffres qui se tiennent en quelque sorte si l'on

 22   fait référence au chiffre du HCR, au chiffre contenu dans le document de la

 23   Défense.

 24   La Défense en règle générale, et je pense toujours aux faits

 25   incriminés, on avançait dans plusieurs paragraphes de leur mémoire, mais

 26   notamment au paragraphe 669 et au paragraphe suivant que les témoins, qui

 27   ont parlé des faits incriminés, n'ont pas été en mesure d'identifier les

 28   auteurs des crimes contre eux. Nous avons eu quelques problèmes de

Page 14428

  1   traduction et d'interprétation lorsque des questions avaient été posées au

  2   témoin à propos de couleurs. Des témoins, qui avaient dit qu'ils avaient vu

  3   le terme "milicija" écrit sur les uniformes, alors que le terme "milicija"

  4   ne figurait plus sur les uniformes. De nombreux témoins ont également

  5   décrit les forces portant une couleur verte; bon, toutefois, cela n'est pas

  6   suffisamment comme éléments de preuve parce que certaines Unités de l'UCK

  7   étaient également habillées en vert. Nombreux furent les témoins qui ont

  8   décrit le MUP comme portant des rubans, mais il faut savoir que cela

  9   changeait tous les jours, et la description de certains témoins ne

 10   correspondait pas justement au barème qui avait été établi pour ces jours-

 11   là.

 12   Donc il est évident, en fait, que -- enfin, on ne peut pas revenir sur le

 13   fait que les témoins qui ont témoigné à propos des faits incriminés

 14   connaissaient les forces serbes, notamment la VJ, les policiers du MUP, les

 15   paramilitaires, les civils armés, et ils savaient que ces crimes avaient

 16   été commis contre eux-mêmes. Donc c'est quand même une différence assez

 17   importante. L'on peut dire qu'un témoin n'est pas en mesure d'identifier

 18   une personne à cause des circonstances dans lesquelles s'est déroulé un

 19   événement, mais il ne s'agit pas en fait d'identifier une personne. Il

 20   s'agit d'identifier un groupe de personnes et dire que les Albanais du

 21   Kosovo n'étaient pas en mesure de faire la différence entre la police et

 22   les soldats et la différence entre plutôt la police et les civils armés,

 23   les civils serbes armés ne repoussent sur aucun fondement. Ces crimes, en

 24   fait, ont été commis au vu et au su de tout le monde, la plupart du temps,

 25   les témoins civils -- en présence des témoins civils, donc nous -- ils ont

 26   avancé que les Albanais du Kosovo auraient pu voir des policiers dans leurs

 27   municipalités et auraient pu de ce fait savoir quelle était la tenue

 28   vestimentaire d'un policier, donc pouvaient savoir ce qu'ils portaient.

Page 14429

  1   Mais, nous, nous avons indiqué dans notre mémoire de clôture, moult détails

  2   pour chacun des lieux de crime, il y a des éléments de preuve qui ont été

  3   présentés, donc beaucoup d'ailleurs émanent de la VJ, qui corroborent le

  4   fait que les forces de la VJ et du MUP étaient présentes sur ces lieux et

  5   effectuaient des opérations pendant la période pertinente. Une fois de

  6   plus, il est avancé, ou que j'avance en fait c'est qu'il s'agit -- que

  7   c'est un argument peu digne de ce nom de suggérer que les civils albanais

  8   du Kosovo qui étaient expulsés de leurs foyers ne seraient pas en mesure de

  9   faire la différence entre l'UCK et un soldat ou un policier serbe.

 10   Au paragraphe 708 -- ou plutôt, 720, la Défense présente un argument assez

 11   général indiquant que la population a quitté -- est parti à cause -- parce

 12   qu'elle avait peur des bombardements de l'OTAN. Alors les gens sont partis

 13   parce qu'il y avait des combats qui opposaient les forces de la police et

 14   l'UCK, mais qui n'étaient donc pas partis à cause des agissements des

 15   forces serbes. Alors sans pour autant revenir sur les éléments de preuve

 16   présentés, je dirais en fait que les témoins ont fait constamment référence

 17   à eux-mêmes et ont fait référence aux villageois, à leurs villages, au fait

 18   que tout le monde partait, et ils ont tous indiqué qu'ils partaient parce

 19   qu'on les avait expulsés par la contrainte, qu'ils avaient été expulsés, et

 20   que de ce fait, ils craignaient de ne pas survivre parce qu'ils savaient

 21   que des personnes avaient été assassinées, tuées ou avaient subi des

 22   sévices. Ce sont des personnes qui viennent de différentes régions du

 23   Kosovo, qui ont différents antécédents, mais dans la plupart des cas, ils

 24   ne se connaissaient pas. Le dénominateur commun, par contre, pour toutes

 25   ces personnes, c'est qu'elles ont toutes fait l'objet d'expulsion, que

 26   leurs véhicules -- ou plutôt leurs papiers d'identité ont été confisqués,

 27   et il y a d'autres indices également qui ont été retenus et sur lesquels

 28   nous revenons dans le mémoire de clôture et dans le chapitre relatif au

Page 14430

  1   mode des crimes.

  2   Dans leur mémoire en clôture, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  3   la Défense revient sur la question de chacun des sites de crime, et

  4   l'Accusation a relevé que, dans certains cas, la Défense a représenté de

  5   manière erronée les personnes fournis par les témoins et souvent des

  6   affirmations sont faites et qui ne sont étayées par aucune preuve.

  7   Je ne peux reprendre à ce stade tous cas de figure, tous ces exemples.

  8   J'aimerais simplement demander aux Juges de la Chambre de faire preuve de

  9   la plus grande précaution lorsqu'ils examineront cette partie-là des

 10   éléments.

 11   J'ai quelques exemples que je souhaiterais signaler mais qui ne sont pas

 12   exhaustifs. Prenons, par exemple, le cas de Pristina, où la Défense affirme

 13   au paragraphe 817 de son mémoire en clôture que le Témoin K14 est parti de

 14   Kolevice après y avoir été forcé par des individus non identifiés, à savoir

 15   à partir du moment où son frère a parlé à des hommes non identifiés au

 16   seuil de la porte de leur maison ou de l'endroit où ils vivaient. Ils ont

 17   estimé qu'il était dangereux pour eux de rester, et cela n'est pas une

 18   manière correcte de représenter ce témoignage, parce que Mme le Témoin a

 19   dit que des policiers et des soldats en uniforme sont venus à leur porte et

 20   qu'ils leur ont dit de partir, et qu'ils s'y sont conformés. Je vous réfère

 21   au compte rendu d'audience page 8 993 correspond à son témoignage, et je

 22   vous renvoie à la pièce P1325, à savoir sa déclaration. S'agissant de

 23   Pristina et du Témoin Bala, la Défense fait valoir, au paragraphe 813, que

 24   l'identification de Bala et des membres de sa famille -- que les pièces

 25   d'identité n'ont été prises en à aucun moment. Mais, en réalité, Bala a vu

 26   les forces serbes prendre et détruire les pièces d'identité appartenant aux

 27   Albanais.

 28   C'était également dans la déposition dans le témoignage de Bala, pièce P421

Page 14431

  1   [comme interprété], et la page 2 344 du compte rendu d'audience

  2   correspondant à son témoignage, où elle dit qu'on leur a demandé de

  3   présenter leurs pièces d'identité, qu'ils n'avaient pas et qu'ils ont

  4   répondu disant cela aux forces serbes. Il y avait des centaines et des

  5   milliers de personnes, d'après ce témoignage, les Serbes forces n'ont pas

  6   continué, ne les ont pas tous forcés à remettre leurs pièces d'identité.

  7   C'est parce que justement, il y avait autant de personnes, que les forces

  8   serbes n'ont pas continué à leur demander remettre leurs pièces d'identité.

  9   Pour ce qui est de Suva Reka maintenant, et je dois dire que le nombre de

 10   représentations erronées des pièces ou des témoignages est très important

 11   et que je suis loin de vous donner une idée fidèle de ce que cela

 12   représente du côté de la Défense, donc je vais passer rapidement à Suva

 13   Reka, où le massacre de la famille Berisha s'est produit.

 14   Au paragraphe 770, la Défense affirme -- excusez-moi, je n'arrive pas à

 15   retrouver la référence exacte, mais je pense qu'au sujet de Suva Reka, la

 16   Défense, oui, c'est la deuxième phrase du paragraphe 770, c'est là que la

 17   Défense affirme :

 18   "Toute la ville était entre les mains de l'UCK."

 19   Mais ils ne disent pas, ils ne précisent pas où le Témoin 62 aurait déclaré

 20   cela. Il n'y a aucune référence précise, et c'est contraire à la déposition

 21   des gens qui vivaient dans la ville à l'époque, K82 était un policier, qui

 22   a témoigné au sujet du meurtre de Suva Reka. Donc c'est une déclaration non

 23   étayée sur les événements de Suva Reka. L'UCK n'agissait pas là-bas, il y

 24   avait à deux ou trois kilomètres de Suva Reka des éléments de l'UCK sur le

 25   terrain, du côté droit, sur la droite de la route qui mène vers Prizren, au

 26   village de Dobrodeljane et Semetiste, et sur la route vers Restane, à deux

 27   kilomètres de distance, à peu près de la ville.

 28   Donc cette déclaration n'est pas exacte, et de toute manière l'on voit mal

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  1   comment il pourrait expliquer le massacre par là.

  2   Au paragraphe 773, la Défense affirme que l'incident de Suva Reka était en

  3   fait un incident où on prit part des individus pour des raisons qui les

  4   regarde, des raisons personnelles. C'est un argument qui de l'avis de

  5   l'Accusation est contraire à la logique puisque ce meurtre ne pouvait pas

  6   être commis d'après nous, pour des raisons simplement personnelles. Vu le

  7   nombre de policiers qui étaient présents et qui ont pris part à

  8   l'événement, au centre-ville, ce jour-là il est clair que le meurtre des

  9   membres de la famille Berisha était planifié d'avance. Nous savons que le

 10   policier K83 est arrivé au poste de police et que sur-le-champ, il a été

 11   renvoyé pour joindre les autres qui étaient en train de commettre les

 12   meurtres.

 13   Peu après le massacre, le maire de la ville, Boban Vuksanevic [phon]

 14   est arrivé avec un camion pour enlever les corps. Cela montre qu'il savait

 15   ou qu'il aurait dû savoir par avance que le massacre allait se produire.

 16   Nous avons aussi le policier Velickovic, qui est venu témoigner et qui,

 17   d'après son témoignage, aurait reçu -- qui affirme qu'un ordre est arrivé

 18   de Belgrade, demandant qu'on expulse les Albanais kosovars.

 19   La Défense affirme au sujet de l'incident Milos Gilic, quelque chose

 20   qui est complètement contraire à la logique. Ils affirment, au paragraphe

 21   841, que Dren Caka n'a pas été en mesure d'identifier les forces qu'il

 22   avait en face, et que la Chambre ne devrait accepter son témoignage au

 23   sujet de l'identité de ceux qui ont perpétré le massacre. Si vous vous

 24   penchez en revanche sur son témoignage, et c'est ce que je vous demande de

 25   bien vouloir faire, vous verrez qu'il était en mesure de décrire les

 26   uniformes des policiers qui sont venus à la maison de Vesa, cette nuit du

 27   1er avril. Il a identifié les uniformes sur la pièce à conviction 1301, qui

 28   représentaient les uniformes de la police ainsi que d'autres types

Page 14433

  1   d'uniformes. Il a identifié les photos 913 et 914, ainsi que d'autres

  2   photographies comme représentant les uniformes de la police.

  3   Lorsque la Défense lui a montré différents types d'uniformes, pièce

  4   D360, il a pu bien identifier les uniformes bleus portés par la police. Il

  5   a été logique et cohérent dans sa déposition. Il était jeune à l'époque,

  6   certes, mais c'est une situation où il était entouré des membres de sa

  7   famille, et il est hors de question de douter de sa capacité d'identifier

  8   les auteurs. Dans cette ville où il vivait, il y avait des policiers, il

  9   savait qui ils étaient, et même s'il ne pouvait pas voir ou identifier un

 10   individu ou tel ou tel individu, il savait qui étaient les policiers.

 11   Il a été très cohérent dans son témoignage et également dans la vidéo

 12   qui a été enregistrée lorsqu'il était à l'hôpital de fortune, en avril

 13   1999, en Albanie, juste quelques jours après le massacre. Je vous renvoie à

 14   la pièce P302, qui a été montrée pendant sa déposition.

 15   S'agissant de Djakovica, au paragraphe 813, la Défense affirme que

 16   Lizane Malaj n'a pas dit la vérité, lorsqu'il a dit que ceux qui étaient en

 17   uniforme mélangé les ont enjoints à partir en Albanie, et puis le

 18   lendemain, des civils seraient revenus à leur village. Cela montre qu'il

 19   n'y avait pas de plan afin de transférer par la force, affirme la Défense

 20   des individus et certainement il n'y aurait pas eu de plan auquel aurait

 21   participé le MUP. Mais cette représentation du témoignage est inexacte. Si

 22   on se re-penche sur la transcription, pages 809 à 818, 830 à 832, et 865,

 23   l'on verra bien que la police aurait expulsé le témoin, le 4 avril, le

 24   témoin, sa famille et d'autres familles de Korenica, et ils sont tous

 25   partis. Ils ont constitué un convoi, et le témoin a admis que, plus tard,

 26   on leur a donné l'ordre de retourner à Korenica. Mais la Défense ne tient

 27   pas compte de son témoignage, disons que le 27 avril, 35 hommes environ,

 28   dont certains étaient en uniforme de camouflage vert avec des cagoules ont

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  1   ordonné aux gens de sortir, ont séparé les hommes et qu'elle s'est vue

  2   donner l'ordre de partir pour l'Albanie avec d'autres membres de sa

  3   famille. Certaines de ces personnes ont été abattues, retrouvées à

  4   Batajnica, plus tard. Donc il y a eu dissimulation de la part de la police

  5   et cela montre que ce sont des policiers qui ont abattu ces hommes.

  6   Donc on n'a pas bien représenté son témoignage, et l'Accusation

  7   n'affirme même pas que tous les policiers ou tous les soldats déployés au

  8   Kosovo y ont pris part. Il y a eu peut-être des gens qui ont aidé ces

  9   réfugiés, par exemple, Nike Peraj, l'un des témoins de l'Accusation, un

 10   soldat, a dit qu'il y avait autant de meurtres en train d'être commis qu'il

 11   a pu en arrêter certains avec d'autres policiers. Donc nous ne disons pas

 12   qu'il est exclus qu'à certain moment certains policiers et certains membres

 13   de l'armée aient été indignés par ce qui se produisait et qu'ils aient

 14   essayé d'y mettre fin. Le fait qu'on les a renvoyés chez eux à un moment ou

 15   à un autre, ne signifie pas nécessairement que les éléments de preuve dont

 16   nous disposons qui étayent un plan ne devraient pas être pris en compte.

 17   Ensuite la Défense déclare au paragraphe 753, en ce qui concerne

 18   Prizren et Latifi, que Latifi, dans sa déposition, montre bien qu'il est

 19   parti pour l'Albanie de façon volontaire et qu'il n'a absolument pas été --

 20   ou transférés par la force, mais on ne lui a jamais pris ses -- de plus, on

 21   n'avait pas pris ses pièces d'identité. Mais Latifi a clairement déclaré

 22   que c'est le chef de police de Prizren qui a ordonné à tous les résidents

 23   de partir en Albanie. Il a déclaré donc que les gens ont été chassés. Vous

 24   le trouverez dans sa déclaration P38 et aussi sur la pièce P77. Il dit

 25   aussi que, lorsqu'il a traversé la frontière, ses documents ont été

 26   confisqués. Il dit qu'il a réussi à le conserver en cachant son permis de

 27   conduire, mais tous ses autres documents ont été confisqués. Donc, les

 28   éléments de preuve qu'il fourni sont en contradiction totale avec

Page 14435

  1   l'affirmation de la Défense, selon laquelle il serait parti de lui-même et

  2   de son propre chef. Ensuite en ce qui concerne le témoin Krasniqi et du

  3   même site à Prizren, allègue que les documents de cette personne n'ont pas

  4   du tout été confisqués. Vous trouverez ça au paragraphe 755 du mémoire de

  5   la Défense. Il est vrai qu'il a dit qu'il n'a pas délibérément donné ses

  6   documents, mais il a dit qu'au point de contrôle vers l'Albanie, la police

  7   confisquait les documents d'un grand nombre de personnes. Donc il faut

  8   quand même prendre cela en compte lorsqu'on examine le témoignage de cette

  9   personne.

 10   J'en suis arrivé à la fin de mes arguments, Messieurs les Juges. Comme je

 11   l'ai dit, bien sûr nous pourrions continuer à aborder d'autres points, mais

 12   l'Accusation considère que la Chambre de première instance est parfaitement

 13   informée de tous les détails de cette affaire et peut parfaitement en tirer

 14   les conclusions qui s'imposent. L'Accusation fait valoir qu'en ce qui

 15   concerne tous les éléments de preuve présentés, vous avez maintenant en

 16   main toutes les preuves nécessaires pour déclarer que l'Accusé est

 17   coupable, à la fois au titre de l'article 7(1) et de l'article 7(3) du

 18   statut, sur tous les chefs d'accusation qui lui sont reprochés -- tous les

 19   chefs qui lui sont reprochés dans l'acte d'accusation.

 20   Je vous remercie de votre patience, Messieurs les Juges.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Stamp.

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons maintenant lever la séance

 24   et nous reprendrons demain à 9 heures du matin et nous entendrons les

 25   plaidoiries de la Défense, ou la plaidoirie de la Défense. Je ne vous vois,

 26   Monsieur Djordjevic, car vous êtes toujours caché derrière les écrans, mais

 27   je tiens à vous dire que nous allons donc lever la séance et nous

 28   reprendrons demain à 9 heures.

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  1   --- L'audience est levée à 13 heures 34 et reprendra le mercredi 14 juillet

  2   2010, à 9 heures.

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