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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-13a-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Vendredi 6 février 1998
4 L'audience est ouverte à 9 heures 15.
5 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Le Greffier peut-il
6 introduire l'affaire, s'il vous plaît ?
7 M. le Greffier. (interprétation). - Affaire IT-95-13a-T, le Procureur
8 contre Slavko Dokmanovic.
9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
10 Les parties peuvent-elles se présenter ?
11 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président, je
12 m'appelle Grant Niemann. Je comparais avec mes collègues, Me Williamson et
13 M. Vos au nom de l'accusation.
14 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
15 Du côté de la défense ?
16 M. Fila (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle
17 Toma Fila et je comparais avec mes collègues Me Lopicic et Me Petkovic au
18 nom de l'accusé, M. Dokmanovic.
19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
20 Monsieur Dokmanovic, m'entendez-vous ? Oui ? Je vous remercie.
21 Je crois que l'accusation a déjà fait introduire le témoin suivant.
22 M. Williamson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. J'aimerais
23 au
24 préalable soulever une question. Nous avons dressé la liste préliminaire
25 des témoins que nous pensions appeler à comparaître la semaine prochaine
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1 et nous avons attaché à cette liste la déclaration d'un des témoins, Dzuka
2 Radici. Je crois que c'est la seule déclaration préalable que vous n'aviez
3 pas reçue auparavant, pour ce qui est des témoins qui doivent comparaître
4 la semaine prochaine.
5 J'ai fourni bien sûr un exemplaire de ces deux documents aux conseils de
6 la défense et, dans le courant de la matinée, je fournirai une traduction
7 en croate de cette déclaration aux conseils de la défense. Pour l'instant,
8 je pense que je peux confier ces documents à l’huissier qui vous les
9 remettra, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.
10 M. le Président (interprétation). - Je vois que vous avez prévu de
11 n'appeler que sept témoins à comparaître.
12 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, apparemment ce
13 sont les seuls témoins qui sont prêts à venir témoigner, qui sont
14 disponibles pour venir le faire. Nous sommes encore en train de nous
15 pencher sur la question. Peut-être y aura-t-il un ou deux témoins
16 supplémentaires, outre ceux qui sont cités. Mais pour le moment, ce sont
17 les seuls dont nous sommes sûrs qu'ils vont venir témoigner. Lorsque nous
18 reprendrons nos audiences en mars, nous pourrons fournir un certain nombre
19 d'éléments d'enquête concernant les exhumations. Nous allons citer à
20 comparaître quelques témoins de plus et ce sera la fin de la présentation
21 des témoins de la défense.
22 M. le Président (interprétation). - Vous pensez donc qu'en mars nous en
23 aurons terminé de la présentation des témoins de l'accusation ?
24 M. Williamson (interprétation). - Absolument.
25 M. le Président (interprétation). - Comme vous le savez, en mars nous
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1 n'aurons que cinq jours d'audience.
2 M. Williamson (interprétation). - Oui, cinq jours, c'est cela. C'est assez
3 court, mais
4 je sais que certains des témoins qui vont comparaître auront des
5 témoignages relativement longs à vous présenter, parce qu'ils aborderont
6 certaines questions techniques, les résultats de l'exhumation notamment.
7 Je pense que nous pourrions avoir terminé notre présentation des témoins
8 en mars.
9 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Ensuite, vous pensez
10 être capable de vous entretenir avec les 45 témoins de la défense à
11 Belgrade ? Vous avez décidé qu'il était possible pour vous de le faire ?
12 M. Williamson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous avons
13 l'intention de faire cela au cours de l'interruption des audiences qui
14 aura lieu entre février et mars. Nous pensons donc qu'en mars, nous serons
15 à même de communiquer au Tribunal et à la défense les témoins avec
16 lesquels nous sommes parvenus à un accord.
17 M. le Président (interprétation). - C'est parfait. En théorie, en avril,
18 nous pourrons donc commencer avec la présentation des témoins de la
19 défense. Je vous remercie.
20 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, si je peux vous être de
21 quelque assistance, la défense n'aura pas à poser une quelconque question
22 aux témoins que nous allons entendre aujourd'hui. Aucune question ne leur
23 sera posée. Mais je souhaiterais qu'au nom de la défense, vous
24 communiquiez à ces témoins toutes nos condoléances pour les pertes qu'ils
25 ont subies au cours de cette guerre.
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1 Pour ce qui est des questions relatives à Ovcara, nous ne nions en rien ce
2 qui a été découvert sur place. Nous ne nions en rien le fait que des
3 personnes ont été tuées à Ovcara. J’ai dit hier et en d'autres occasions
4 que je ne contestais pas le fait qu'il y avait un conflit armé. Ce que je
5 conteste, c'est qu'il y avait un conflit armé international. Je ne nie pas
6 que 200 corps ont été trouvés. J'essaie seulement de déterminer quels
7 étaient ces corps. Pour ce qui nous concerne, nous allons faire tout notre
8 possible pour avancer aussi rapidement que nous le pouvons.
9 J'aimerais aborder un dernier point. Je me suis mis d'accord avec le
10 Bureau du
11 Procureur à propos de la déclaration du témoignage de M. Cakalic hier. Il
12 a été déclaré qu'on lui avait montré une photo de l'accusé Dokmanovic, en
13 uniforme de camouflage. Grâce à la gentillesse de l'accusation, je pourrai
14 moi aussi voir cette photographie.
15 Je souhaite porter à l'attention de la Cour le fait qu'il faut que ces
16 photographies nous soient communiquées, il faut que nous les voyions pour
17 pouvoir déterminer s'il s'agit effectivement d'un uniforme ou bien du
18 genre de vêtements que j'ai eu l'honneur de vous présenter lors de
19 l'audience à huis clos que nous avons tenue, si vous vous en souvenez.
20 Voilà ce que j'avais à dire. Aujourd'hui, je n'interviendrai plus jusqu'à
21 la fin de l'audience.
22 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, loin de gêner la Cour par
23 vos interruptions, vous l'aidez.
24 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
25 simplement souligner quelque chose quant à la liste de témoins que je vous
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1 ai communiquée. Le dernier témoin qui apparaît sur cette liste,
2 M. Peter Kiper, est un diplomate tchèque qui était membre de la Mission
3 d'observation de l'Union européenne, qui était un observateur de cette
4 Mission. Il viendra témoigner le mercredi 11 et il a demandé à témoigner
5 en langue tchèque.
6 Nous avons donc fait une demande afin que des interprètes puissent venir
7 de l'extérieur. Il nous a donc fallu préciser exactement la date de son
8 témoignage. Nous avons décidé qu'il aurait lieu le 11.
9 Si nous en avons terminé avec les autres témoins avant cela, il nous
10 serait quand même nécessaire de nous retrouver le 11 pour entendre ce
11 témoin en particulier.
12 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
13 M. Williamson (interprétation). - Si vous m'en donnez l'autorisation, je
14 vais commencer l'interrogatoire principal du témoin.
15 Bonjour, Monsieur, pourriez-vous décliner votre identité, s'il vous
16 plaît ?
17 Excusez-moi, Monsieur le Président, je crois que le témoin n'a pas prêté
18 serment.
19 M. le Président (interprétation). - Oui, absolument.
20 Monsieur, je vous demande de prêter serment, s'il vous plaît.
21 M. Veber (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez vous
24 asseoir.
25 M. Williamson (interprétation). - Monsieur, pourriez-vous décliner votre
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1 identité, s'il vous plaît ?
2 M. Veber (interprétation). - Je m'appelle Leopold Vladimir Veber.
3 M. Williamson (interprétation). - Monsieur, d'où êtes-vous originaire ?
4 M. Veber (interprétation). - Je suis né à Vukovar.
5 M. Williamson (interprétation). - Depuis combien de temps votre famille
6 réside-t-elle à Vukovar ?
7 M. Veber (interprétation). - Ma famille, pour autant que je le sache,
8 habite Vukovar depuis 1915, qui est la date de naissance de mon père. Je
9 crois que, depuis lors, ma famille a toujours habité à Vukovar. D'après le
10 registre des naissances, mon grand-père, Anton, est lui aussi né à
11 Vukovar. C'est tout ce que je puis vous dire. Je ne sais pas exactement en
12 quelle année mon grand-père est né, mais mon grand-père et mon père sont
13 nés à Vukovar.
14 M. Williamson (interprétation). - Jusqu'en 1991, vous avez passé toute
15 votre vie à Vukovar ?
16 M. Veber (interprétation). - En effet, j'ai passé toute ma vie à Vukovar.
17 J'ai terminé ma formation professionnelle à Vukovar en 1958. Je suis
18 coiffeur. J'y ai également fait toute mon éducation primaire et
19 secondaire, ma formation de coiffeur. Par la suite, j'ai travaillé dans un
20 salon de coiffure pendant quelques années. En 1964, je suis revenu à
21 Vukovar parce que ce salon de coiffure ne s'y trouvait pas et j'ai ouvert
22 un salon de coiffure pour dames dont je suis
23 propriétaire. J'y ai travaillé jusqu'en 1985, jusqu'au 31 décembre 1985.
24 Puis j'ai suivi une autre formation. J'ai fermé le magasin pour des
25 raisons tout à fait justifiées. J'ai passé un certain nombre d'examens
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1 nécessaires pour devenir responsable du chauffage central. Il faut savoir
2 qu'à Vukovar, on a ouvert une maison de retraite pour les personnes âgées.
3 Elle s'appelait autrefois la Maison des Vétérans et des Retraités. Ils
4 avaient besoin d'un responsable du chauffage central de cette maison de
5 retraite. J'ai obtenu ce poste et, en 1986, le 1er octobre exactement,
6 j'ai pris ce poste. Jusqu'au début de la guerre, j'ai travaillé dans cette
7 maison de retraite.
8 M. Williamson (interprétation). - Combien d'enfants avez-vous eus,
9 Monsieur ?
10 M. Veber (interprétation). - J'ai eu deux enfants : une fille, qui est née
11 en 1967, et un fils qui a été tué pendant la guerre. Il est né en 1969. Je
12 n'ai eu que ces deux enfants.
13 M. Williamson (interprétation). - Comment s'appelait votre fils ?
14 M. Veber (interprétation). - Mon fils s'appelait Sinisa Veber. Il est né
15 le 22 janvier 1969.
16 M. Williamson (interprétation). - Votre fils a-t-il suivi les cours de
17 l'école Schattend à Vukovar ?
18 M. Veber (interprétation). - Oui. Il a suivi les cours de l'école
19 élémentaire à Vukovar. Ensuite, il est entré à l'école secondaire. Il a
20 mené à bien ses études secondaires. Il est devenu technicien agricole à
21 Pik Vukovar. Il a terminé sa formation mais n'a pas obtenu d'emploi parce
22 qu'il est rentré dans l'armée.
23 Lorsqu'il est revenu, il n'a pas non plus trouvé de travail. Il est donc
24 allé en Italie pour travailler pendant un certain temps avec quelqu’un de
25 Borovo, un artiste peintre. Il était agent... En fait, il vendait des
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1 tableaux. Il y a travaillé pendant deux mois environ.
2 Puis il est revenu pour passer quelques vacances à la maison, juste avant
3 le début de la guerre. Il a envoyé un de ses collègues en Italie pour y
4 travailler. Il a dit qu'il y retournerait,
5 lui aussi. Mais en fait, cela ne s'est pas fait, il est resté à Vukovar.
6 M. Williamson (interprétation) - Au cours de son adolescence, votre fils
7 a-t-il pris part à des activités sportives particulières ?
8 M. Veber (interprétation) - Sinisa aimait les sports. Il faisait de
9 l'aviron. Je ne peux pas vous dire exactement quand il a commencé à faire
10 de l'aviron, mais il a commencé très jeune. Il faisait de l'aviron dans le
11 club de Vukovar.
12 Et puis l'équipe junior de Vukovar a obtenu de très bons résultats. Il a
13 participé à des équipes d'aviron de quatre ou huit personnes. Ces jeunes
14 gens avaient atteint un tel niveau d'excellence qu'ils étaient encore
15 meilleurs que leurs aînés qui faisaient le même sport. Il y a eu un
16 championnat à Vukovar et le Président du club a dit en cette occasion que
17 jamais auparavant, on n'avait vu une équipe d'aussi jeunes rameurs gagner
18 le prix, avant même le début du championnat. Ils dépassaient leurs aînés.
19 Les anciens champions de Zadar ont essuyé un échec et c'est le club de
20 Vukovar qui est devenu champion. Je me rappelle que le Président a dit que
21 le diplôme était passé des mains de ceux de l'eau douce à celles de ceux
22 de l'eau salée. Vous comprenez, ils vivaient sur les rives du Danube,
23 tandis que les autres vivaient sur la côte de l’Adriatique, près de la
24 mer. C'était donc un petit jeu de mots.
25 Avant la guerre, il a rejoint l'armée en 1978.
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1 M. Williamson (interprétation) - Excusez-moi, je vous interromps un
2 instant. Vous voulez dire qu'il est entré dans l'armée en 1978 ? Vous êtes
3 sûr de vouloir dire cela ?
4 M. Veber (interprétation) - Attendez... Non ! 1988 ! Excusez-moi...
5 Pardon, 1989 ! C'est cela, c'est 1989. Excusez-moi, je me suis laissé
6 emporter par tout ce que j'ai raconté. C'était en février 1989. A cette
7 époque-là, il est revenu de l'armée. Cela veut dire qu'il est allé
8 rejoindre les rangs de l'armée en 1988. Toutes ces médailles dont j'ai
9 parlé, il les a remportées avant la guerre et avant d'entrer dans les
10 rangs de l'armée, donc six ans auparavant.
11 Ils étaient les champions de ce qui était alors la Yougoslavie. Ils
12 étaient les champions de tout le pays. C'était la seule équipe constituée
13 de huit jeunes adolescents, la seule équipe à avoir gagné ce titre de
14 cette façon. Ils appartenaient tous au même club. Ils étaient tous des
15 champions. Trois fois de suite, ils ont remporté le championnat d’Europe
16 et ont défendu par deux fois leur titre de champion d’Europe.
17 M. Williamson (interprétation) - Je vous interromps un instant. J'aimerais
18 vous faire passer une photographie et que vous nous disiez qui nous voyons
19 sur cette photographie. Je crois qu'il s'agit de la pièce de
20 l'accusation... Nous allons lui donner une cote.
21 M. le Greffier (interprétation) - La pièce de l'accusation 59.
22 M. Williamson (interprétation) - Donc pièce 59.
23 (Le document est remis au témoin).
24 Pouvez-vous dire aux Juges qui nous voyons sur cette photographie ?
25 M. Veber (interprétation) - C'est mon fils.
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1 M. Williamson (interprétation) - Je demande le versement au dossier de
2 cette pièce, la pièce à conviction de l'accusation 59.
3 M. Veber (interprétation) - Je ne vous comprend pas ?
4 M. Williamson (interprétation) - Ne vous inquiétez pas, Monsieur, cette
5 question ne vous était pas destinée.
6 En 1991, votre fils vous a-t-il suggéré de quitter Vukovar ?
7 M. Veber (interprétation) - Oui. Il a suggéré que moi-même, ma femme et ma
8 fille nous quittions Vukovar, parce que je travaillais dans cette maison
9 de retraite depuis le 1er mai. Puis, j'ai été mobilisé pour faire partie
10 de la défense civile. Il fallait que je reste dans cette maison de
11 retraite pendant la nuit, parce que les autres membres du personnel
12 étaient des femmes. Elles avaient peur de rester seules. Je n'ai pas pu
13 quitter la maison de retraite à cause de cela. Ils m'ont même dit que je
14 pouvais y passer la nuit, que je recevrais une compensation.
15 Une infirmière, qui était de garde pendant la nuit, avait peur de rester
16 seule, elle ne se sentait pas en sécurité. Je suis donc resté.
17 M. Williamson (interprétation) - Est-ce que Sinisa est resté, lui aussi, à
18 Vukovar ?
19 M. Veber (interprétation) - Oui, Sinisa est lui aussi resté à Vukovar.
20 M. Williamson (interprétation) - A-t-il rejoint, lui aussi, la défense de
21 la ville ?
22 M. Veber (interprétation) - Oui, oui. Il est entré dans les rangs de la
23 défense de la ville, dans ces espèces de communes locales... enfin, c'est
24 ainsi que la ville était organisée à ce moment-là. Ils devaient tous faire
25 des tours de garde. Il est donc resté dans notre commune locale qui
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1 s'appelait Vladimir Nazor.
2 M. Williamson (interprétation) - Avez-vous une idée de ses responsabilités
3 au sein de la défense de la ville ?
4 M. Veber (interprétation) - Je ne sais pas exactement ce qu'il faisait,
5 quelles étaient ses responsabilités. Je sais qu'il avait des tours de
6 garde la nuit. Comme moi, j'étais dans cet autre endroit, nous nous
7 voyions de temps en temps. Cela a duré... Je ne sais pas... Jusqu'au mois
8 d'août.
9 M. Williamson (interprétation). - Quelles étaient les conditions qui
10 prévalaient dans cette maison de retraite où vous travailliez pendant les
11 combats ?
12 M. Veber (interprétation). - Les conditions étaient extrêmement
13 difficiles. Il y avait un grand nombre de personnes qui ne pouvaient pas
14 se déplacer, qui étaient handicapées. Il devait y avoir 120 personnes dans
15 cette maison de retraite. La situation était telle que nous n'avions
16 pratiquement pas de lumière, parce que Vukovar était pilonnée constamment.
17 Il n'y avait presque pas d'eau non plus.
18 Très souvent, la maison de retraite était ciblée et nous avons été parmi
19 les premiers à dénombrer des victimes parmi toutes ces personnes âgées qui
20 ne pouvaient même pas descendre les escaliers. Il n'y avait pas d'abri de
21 toute façon où descendre.
22 Je ne sais pas quelles armes ils ont utilisées pour nous tirer dessus.
23 Etait-ce des mortiers, des canons ? Je ne sais pas.
24 En tout cas, cette maison de retraite se trouvait dans un bâtiment neuf et
25 tout explosait un peu partout. Il n'y avait plus de chauffage. Lorsque
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1 cette première attaque a été lancée, nous avons eu trois morts et sept ou
2 huit blessés. La radio de Vukovar a d'ailleurs diffusé ces chiffres et ces
3 nouvelles. Il a été dit à la radio que la maison de retraite avait été
4 pilonnée et qu'il y avait eu des morts et des blessés.
5 M. Williamson (interprétation). - Cette maison de retraite avait-elle une
6 fonction militaire quelconque ?
7 M. Veber (interprétation). - Absolument pas. La maison de retraite
8 n'abritait que des civils. Lorsqu'il n'y avait plus d'eau, d'autres
9 personnes nous en apportaient parce qu'il n'y avait plus d'eau à boire. Il
10 y avait la salle des chaudières en bas où je m'occupais du chauffage et là
11 il y avait quelque 3 000 litres d'eau dans les chauffe-eau. J'ai donc
12 ouvert les chauffe-eau pour que nous puissions utiliser l'eau pour nous
13 laver et pour utiliser dans les toilettes.
14 L'armée n'arrivait qu'après les pilonnages. Ils arrivaient très rapidement
15 pour apporter leur aide aux blessés et pour les emmener à l'hôpital.
16 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Veber, où se trouvait votre
17 domicile à Vukovar ? Dans quel quartier de la ville ?
18 M. Veber (interprétation). - J’habitais près du château d'eau, près de
19 Minclavja. C'était un moulin électrique, le premier moulin électrique qui
20 a été construit après la Seconde guerre mondiale. Cela se trouvait peut-
21 être à cinq cents mètres du château d'eau, comme je l'ai dit, donc juste à
22 côté de Mitnica.
23 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, alors que les combats
24 tiraient à leur fin, est-ce que vous avez quitté votre domicile pour vous
25 rendre ailleurs ?
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1 M. Veber (interprétation). - Nous n'avons pas quitté notre domicile. Il y
2 avait là
3 haut ma mère, ma tante et puis d'autres voisins encore, des personnes
4 âgées. Comme nous avions une bonne cave, tous ces gens restaient chez nous
5 la plupart du temps.
6 M. Williamson (interprétation). - Non, excusez-moi, je parle de ce qui
7 s'est passé vers la fin des combats. Est-ce qu’il y a eu un moment où vous
8 avez quitté votre appartement, votre domicile pour vous rendre en un autre
9 endroit ?
10 M. Veber (interprétation). - Oui, nous avons quitté la maison. Moi,
11 j'étais là à Mitnica. Ma famille a été emmenée à l'abri, ma mère, ma
12 sœur... L'abri se trouvait dans le centre ville, là où se trouvait la gare
13 des bus. Il y avait un abri et elles y sont restées jusqu'à la chute de
14 Vukovar.
15 Moi, j'étais à Mitnica, avec un certain nombre de ces femmes, parce
16 qu'avant le pilonnage nous avons réussi à évacuer la moitié des personnes
17 qui avaient été gravement blessées et qui étaient handicapées, dont de
18 toute façon il fallait s'occuper. Nous avons été chargés de mener à bien
19 l'évacuation des 60 personnes qui restaient là-bas, mais cela n'a pas pu
20 se faire. J'ai donc dû rester avec ces 60 personnes jusqu'au bout, dans la
21 maison de retraite.
22 M. Williamson (interprétation). - Et à la fin, où êtes-vous allé ?
23 M. Veber (interprétation). - A la fin, Sinisa était à l'hôpital parce
24 qu'il avait été blessé. Il n'avait pas été blessé auparavant, il était
25 resté au centre-ville, il était venu me voir là-haut. Nous avions été
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1 ensemble à Olajnica et nous y avions passé quelques jours. Nous y sommes
2 restés juste quelques jours avant que Vukovar ne tombe. C’est là qu'il a
3 été blessé. Puis il est allé à l'hôpital parce qu'il avait une commotion
4 cérébrale.
5 Il n'a pas reçu de balle à proprement parler, mais il a reçu des éclats de
6 pierre qui avait éclaté lorsque la bombe était tombée. Il n'entendait plus
7 très bien à cause de cela et lorsqu'il a entendu cette histoire
8 d'évacuation, alors qu'il se trouvait à l'hôpital, il est venu me
9 chercher. C'était un dimanche, la nuit entre le 17 et le 18. Il devait
10 être minuit et demi. C'était donc déjà le 18 en fait, le lundi. Je sais
11 qu'il pleuvait. Nous sommes allés à l'hôpital. C'est là que
12 nous nous trouvions.
13 M. Williamson (interprétation). - Où étiez-vous installés à l'hôpital ?
14 M. Veber (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés à l'entrée même
15 de l'hôpital, c'était en bas, il y avait une grande entrée, il y avait de
16 nombreux civils. Nous étions dans un couloir et ensuite nous avons trouvé
17 un endroit où nous nous sommes installés.
18 Le lendemain, nous avons pu marcher un peu. C'était déjà le 19. Le 18,
19 c'était un lundi.
20 On était là, on ne sortait pas de cette partie autour de l'entrée de
21 l'hôpital. Je ne parle pas de la cour; mais de l'entrée du bâtiment. En
22 haut, c'était assez abîmé par les obus, mais en bas c'était relativement
23 en bon état.
24 M. Williamson (interprétation). - Est-ce que Sinisa est resté avec vous à
25 l'hôpital ?
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1 M. Veber (interprétation). - Sinisa était avec d'autres blessés. Il est
2 venu plusieurs fois chez nous pour voir comment nous étions et étant donné
3 que la période que nous avons passée là était courte. C'était lundi et
4 puis mardi. J'étais avec lui aussi jusqu’à 12 heures 30. Je suis allé chez
5 lui, on s'est embrassé. En fait, c'était mardi et les gens partaient déjà.
6 Il m'a dit : "On se voit à Zagreb". J'ai dit : "Mais tu viens avec nous ?"
7 Il a répondu : "Non, ça, ce sont mes camarades, jusqu'à maintenant j'étais
8 avec eux et je vais rester avec eux".
9 Mon épouse était encore avec nous. Un peu plus tard, on m'a dit : "J'ai vu
10 Sinisa" et j'ai répondu : "Moi aussi, je l'ai vu à 12 heures 30". Ma femme
11 l'a vu peut-être une heure et demie plus tard. Après, cette pièce s'est
12 vidée.
13 Les autobus qui amenaient les gens à Velepromet sont arrivés. J'ai été
14 parmi les derniers à sortir, ainsi que ma femme. On nous a fait rentrer
15 plusieurs fois. L'armée y était, les chars étaient autour. Ils disaient :
16 "Vous venez", "Vous ne venez pas". Tous les autobus sont partis. Nous,
17 nous étions toujours là. Je ne peux pas vous dire exactement combien nous
18 étions, peut-être une vingtaine de civils. Puis à la fin, ils ont quand
19 même dit : "Allez-y, vous partez".
20 Finalement, il y a eu une sorte de camion militaire, ce n'était pas un
21 grand camion, je ne sais pas comment vous le décrire exactement. Je ne me
22 rappelle pas très bien, mais je sais que la couleur était vert olive
23 militaire.
24 Là, un soldat nous a attendus et nous a donné un peu de pain, une boîte de
25 conserve. Alors, nous sommes entrés dans le véhicule et nous nous sommes
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1 dirigés vers la caserne.
2 Nous sommes arrivés à la caserne un peu avant le soir. Je n'ai pas regardé
3 ma montre. Je sais que devant Velepromet, nous avons attendu un peu de
4 temps. Le crépuscule tombait déjà ; ils ont allumé des lumières. Nous
5 sommes entrés dans la cour de Velepromet. Nous y sommes sortis. Ils nous
6 ont dit de nous mettre du côté droit et là nous avons attendu pendant
7 assez longtemps. On attendait.
8 M. Williamson (interprétation). - Cela s’est passé le 19, lorsqu'on vous a
9 amené de l'hôpital à Velepromet. Est-ce exact ?
10 M Veber (interprétation). - Oui.
11 M. Williamson (interprétation). - Votre fils Sinisa est resté, à ce
12 moment-là, à l'hôpital ?
13 M Veber (interprétation). - Sinisa, oui, il est resté à l'hôpital.
14 M. Williamson (interprétation). - Donc c'est la dernière fois que vous
15 l'avez vu, à midi et demie, ce jour là ?
16 M Veber (interprétation). - Oui, c'est la dernière fois que je l'ai vu.
17 M. Williamson (interprétation). - Qu'avait-il sur lui à ce moment-là ?
18 M Veber (interprétation). - Il avait un sac dans lequel il avait un
19 passeport, ses médailles qu'il avait remportées en tant que rameur. Il y
20 avait exactement 38 médailles. Elles lui étaient chères, donc il les a
21 mises dans le sac. Il avait quelques sous-vêtements, puis quelques petites
22 affaires. Son sac était assez léger.
23 M. Williamson (interprétation). - On vous a retenu à Velepromet pendant
24 combien de temps ?
25 M Veber (interprétation). - Ce soir là, lorsque nous sommes arrivés à
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1 Velepromet, nous y sommes restés pendant plusieurs heures, jusque tard
2 dans la nuit je pense. C'était l'hiver et je ne regardais pas ma montre.
3 Mais ce que je sais, c'est qu'on restait là, on était là debout. Ils nous
4 ont dit de ne pas bouger. On était dans la cour.
5 Deux transporteurs sont entrés. Leurs lumières étaient allumées.
6 Lorsqu'ils sont sortis de Velepromet, on a pu voir leurs deux réflecteurs
7 qui étaient allumés. Ils sont entrés dans Velepromet. J'ai pu voir ces
8 personnes que je ne connaissais pas auparavant. Tout le monde, tout d'un
9 coup, a disparu.
10 Le capitaine m'avait dit, à moi, de rester sur place, donc j'ai pu voir
11 l'autobus arriver devant ces transporteurs et s’arrêter. De l'autre côté,
12 j'ai pu voir de jeunes gens passer. Ils étaient liés les uns aux autres.
13 Ils passaient par deux. Ils sont entrés dans l'autobus qui les a amenés
14 par la route principale. Ensuite, un deuxième autobus est arrivé. Je ne
15 peux pas vous dire exactement, mais je suis sûr qu'il y avait au moins
16 huit autobus, peut-être même plus.
17 M. Williamson (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre.
18 Qu'est-ce qui s'est passé à Velepromet le 20 ? Vous en souvenez-vous ?
19 M Veber (interprétation). - Le 20, je me souviens très bien. C'était un
20 mercredi. Ma femme et les autres personnes ont passé la nuit dans un
21 atelier de menuisier. Il y en a un, je ne connaissais pas son grade
22 -c'était un réserviste- qui m'a dit de sortir. Nous sommes donc sortis,
23 nous sommes restés là.
24 Ma femme est venue elle aussi. Ma soeur et sa petite étaient, elles, dans
25 un autobus qui devait partir. Ma femme a voulu donner une adresse à sa
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1 soeur. Lorsqu'elle est partie, je suis resté tout seul.
2 A ce moment-là, une personne que je ne connaissais pas, que je n'avais
3 jamais vue
4 de ma vie, s'est approchée de moi. Il portait un uniforme militaire vert
5 et disait : "Qui est Vlado Veber ?". J'ai dit : "C’est moi". Il m'a dit :
6 "Viens".
7 Moi-même, j'avais un petit sac avec quelques affaires personnelles. J'ai
8 voulu donner le sac à quelqu’un d'autre. Il s’est impatienté, il m'a dit :
9 "Viens", il m'a frappé un peu. Puis une bousculade a commencé. Il m'a
10 alors entraîné dans cet atelier, dans cette grande salle. Ils étaient
11 plusieurs autour.
12 Il y en a un qui a dit : "Je veux avoir ce membre du MUP". Moi je n'ai
13 jamais fait partie du MUP. Mais lorsque je suis entré, ils m’ont dit
14 d’écarter les mains et les pieds. J’avais une veste d’hiver qu’on m’a
15 violemment enlevée. Il l’a jetée pour chercher des armes et n’a rien
16 trouvé. Il a ouvert la porte et m’a poussé à gauche. Etant donné qu’il y
17 avait encore deux pièces, à gauche et à droite, on a d’abord été dans la
18 partie centrale, c'est là que l'on m'a fait entrer. On m'a fait entrer du
19 côté gauche.
20 Là, je suis tombé. J'ai vu des visages de gens apeurés. J'ai reconnu
21 plusieurs personnes. On est resté silencieux. On était là depuis le
22 mardi 20. Non, c'était le mercredi 20. J'y suis resté jusqu'au jeudi soir,
23 donc le 21, jusqu'à environ 9 heures et demie du soir.
24 M. Williamson (interprétation) - Et le 21, avez-vous eu l'occasion de
25 rencontrer plusieurs autres personnes qui vous ont dit qu'elles étaient
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1 venues d'Ovcara ?
2 M. Veber (interprétation) - Pas encore, pas à ce moment-là, mais à
3 Mitrovica. Lorsque nous étions à Mitrovica, deux personnes, puis une
4 troisième -c'était le pur hasard, ce sont elles qui avaient été aussi à
5 Velepromet- m'ont dit que mon fils avait été à Ovcara, qu'elles l'avaient
6 vu à Ovcara. Je leur ai demandé comment elles le savaient. Elles m'ont
7 répondu qu'elles connaissaient mon fils et qu'elles l'avaient vu là-bas.
8 M. Williamson (interprétation) - Vous avez dit que vous êtes allé à
9 Mitrovica. Vous souvenez-vous de la date à laquelle vous êtes allé à
10 Mitrovica ?
11 M. Veber (interprétation) - Ce soir-là, le jeudi soir, une personne est
12 entrée. Je la
13 connaissais bien à l'époque. C'était un capitaine. Il est entré. Nous, on
14 était encore plusieurs, on était un petit groupe à être restés à
15 l'intérieur. Le bâtiment était une sorte d'entrepôt. Il est entré et a
16 dit : "Venez vite, on va essayer de vous sauver. Dehors, il y a un
17 autobus, on n'arrive pas à le faire démarrer".
18 Moi, j'avais simplement un survêtement sur moi. Il m'a dit : "C'est tout
19 ce que tu as?" J'ai répondu : "Oui". Il a dit : "Mais comment se fait-il
20 que tu es venu ainsi ?" J'ai répondu : "On m'a enlevé ma veste l'autre
21 jour et on l'a jetée quelque part". Lui, il a trouvé un pull et une veste.
22 Il me les a donnés. J'ai mis ces vêtements sur moi par-dessus le
23 survêtement étant donné qu'il faisait assez froid. Je tremblais de froid.
24 On est sorti dans la cour. Il pleuvait. C'était le jeudi soir, le 21 ou
25 bien le 22. Non, non, le 21. Oui, oui, le 21 au soir, le jeudi.
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1 On a poussé l'autobus. Il a réussi à démarrer. On est vite entré dans
2 l'autobus. Le chauffeur et le capitaine nous ont fait partir de
3 Velepromet. Ils n'ont même pas allumé les phares. Ils nous ont amenés
4 jusqu'à la caserne de Vukovar. C'est là que nous sommes sortis. Après ces
5 deux jours, on a eu de l'eau. Encore une fois, on avait soif, on avait
6 faim. On a reçu une autre boîte de conserve et un peu de pain. On a mangé,
7 on a bu de l'eau. On a reçu un paquet de cigarettes chacun. On a allumé
8 des cigarettes. On a fumé.
9 Ensuite, ils ont pris nos noms, ils ont fait une liste de nos noms pour
10 savoir combien nous étions. Le vendredi, le 22, au matin, ils nous ont
11 transportés à Mitrovica. Donc le vendredi 22, j'étais à Mitrovica.
12 L'autobus était plein. On était une trentaine, je suppose. Je n'ai pas pu
13 compter, mais je sais qu'il y a environ trente sièges dans un autobus.
14 M. Williamson (interprétation) - Et où vous a-t-on amenés à Mitrovica ?
15 M. Veber (interprétation) - Moi, je ne connaissais pas très bien Mitrovica
16 à l'époque. Il s'agissait de la maison de correction de Mitrovica. Nous
17 sommes restés à l'extérieur, je veux dire dans l'autobus, pendant environ
18 une heure et demie. Nous n'osions pas sortir. Nous attendions
19 l'interrogatoire. On nous avait dit qu'ils allaient nous interroger et
20 qu'ils allaient nous
21 relâcher après. Je sais que des personnes passaient à côté. Elles
22 crachaient sur les vitres. Les gens leur disaient que c'étaient des
23 Oustachis dans l'autobus. L'officier qui était avec nous nous a dit de ne
24 pas nous énerver à cause de cela, de baisser simplement nos têtes.
25 Ils nous ont fait entrer dans la cour. Nous sommes tous sortis de
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1 l'autobus. La cour était grande, les murs étaient hauts. Ils nous ont
2 placés devant un mur. Nous étions tournés vers le mur, les mains en l'air.
3 J'ai entendu derrière nous quelqu'un qui disait : "Vise".
4 Là, je me suis demandé pourquoi ils nous avaient emmenés à Mitrovica. Il y
5 a deux transporteurs qui nous escortaient dans l'autobus. Je suppose que
6 c'était pour nous protéger sur la route. Il y en avait un devant nous et
7 un autre derrière pendant notre trajet jusqu'à Mitrovica. Donc nous, on
8 était là, on attendait. L'ordre de viser était donné. On attendait que
9 quelqu'un tire, mais personne ne tirait. L'un des nôtres s'est retourné.
10 Il y en un qui a frappé ce jeune homme sur la tête en disant : "Mais
11 pourquoi est-ce que tu tournes la tête ?" Il voulait voir si l'on tirait
12 ou pas.
13 Donc on a attendu. Puis, après, j'ai pu voir qu'ils étaient plusieurs. Ils
14 ne portaient plus des vêtements militaires de couleur vert olive, mais
15 bleus. Donc, il s'agissait de la police, de l'uniforme de la police.
16 Ensuite, il y a une grande tragédie qui s'est produite. On passait d'un
17 côté de la cour vers l'autre. On passait à côté d'eux et eux frappaient
18 avec leur matraque sur la tête, sur le ventre. Il fallait courir le plus
19 vite possible pour échapper aux coups. On est arrivé dans une salle, une
20 salle de sports. Là, il a fallu que l'on enlève tous nos vêtements. On est
21 resté nu.
22 Ils nous ont fouillés. Ils cherchaient des armes et je ne sais pas quoi
23 d'autre. Ensuite, nous nous sommes habillés. Nous sommes tous sortis. Il a
24 fallu qu'on s'allonge par terre. On l'a fait pendant je ne sais combien de
25 temps.
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1 M. Williamson (interprétation) - Permettez-moi de vous interrompre. Où se
2 trouve Srmska Mitrovica ?
3 M. Veber (interprétation) - En partant de Vukovar, il fallait passer par
4 Sid, puis prendre l'autoroute, ensuite, c'était à droite.
5 M. Williamson (interprétation) - Cela se trouve en République de Serbie,
6 n'est-ce pas ?
7 M. Veber (interprétation) - Oui, tout à fait. C'est une ville en
8 République de Serbie. Sid, c'est pareil. Je pense que les voitures de Sid
9 étaient immatriculées Sremska Mitrovica.
10 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez rencontré
11 plusieurs personnes qui avaient été à Ovcara. Cela s'est produit à
12 Sremska Mitrovica ?
13 M. Veber (interprétation). - Oui.
14 M. Williamson (interprétation). - Approximativement, d'après vous, combien
15 de personnes de Vukovar étaient dans cette prison de Sremska Mitrovica ?
16 M. Veber (interprétation). - Ils étaient très nombreux. Pendant assez
17 longtemps, nous ne savions pas quel était le nombre, avant le recensement
18 qui a été fait par la Croix-Rouge internationale. Selon les listes que
19 l'on a eues, on a pu constater qu'environ 1 000 à 1 200 personnes étaient
20 à Mitrovica.
21 M. Williamson (interprétation). - S'agissait-il de civils, de soldats, des
22 deux ?
23 M. Veber (interprétation). - Ecoutez, tout le monde portait des vêtements
24 de civils, sauf un petit nombre qui portaient des vêtements de la couleur
25 des uniformes de police. Cela, c'est ce qui concerne les personnes que je
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1 connaissais.
2 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic était-il, lui aussi,
3 détenu dans cette prison ?
4 M. Veber (interprétation). - Oui. Je ne peux pas vous le dire tout à fait
5 exactement. Je suis arrivé le 21. Ce matin-là, quand ils m'ont amené, ils
6 ont amené aussi plusieurs autres personnes. Là, j'ai vu qu'ils avaient
7 amené Cakalic, Drago Berghofer. Cela, je le sais. C'était le même jour que
8 celui où ils m'ont emmené, moi. C'était donc le 21, un mercredi.
9 Je sais également que l'on a amené Ljubo Vagar.
10 M. Williamson (interprétation). - Très bien, cela suffit.
11 Est-ce qu'à un moment M. Cakalic vous a aidé ? Avez-vous eu l'impression
12 qu'il vous a sauvé la vie pendant que vous étiez en prison ?
13 M. Veber (interprétation). - Oui. Lui aussi, on l'a amené de Vukovar
14 jusqu'à la caserne. Nous avons été amenés jusqu'à Sremska Mitrovica
15 ensemble. Lui aussi, on l'a tabassé très fortement, comme moi, mais je
16 suppose qu'il y en avait qui avaient plus de vêtements. Peut-être étaient-
17 ils un peu moins blessés. Lui...
18 D'ailleurs, je n'ai pas encore raconté tout ce que ces policiers nous ont
19 fait.
20 C'était le soir, nous étions épuisés, nous ne pouvions plus nous tenir
21 debout. Ils nous ont dit de monter en haut, vers le troisième bâtiment à
22 Mitrovica. Moi, j'étais parmi les premiers à m'y diriger. Emil Cakalic
23 était derrière moi. On est montré au deuxième étage, je me le rappelle
24 bien. On a pris un couloir et, là, j'ai eu l'impression que ma tête
25 explosait.
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1 Je ne me souviens plus ce qui m'est arrivé, mais quand j'ai repris
2 conscience, j'étais allongé sur le dos. Je regardais vers le haut. J'ai vu
3 des personnes qui disaient : "Voilà, il a repris connaissance". Je
4 regardais, je ne les connaissais pas tous.
5 Il y en a un que j'ai reconnu. Je pensais que son nom était Bozo, mais en
6 fait, c'était Ante. Moi, je l'ai vu et j'ai pensé que peut-être il
7 appartenait à leur armée. Je ne savais pas où j'étais, parce qu'ils
8 étaient tous autour de moi et ils me regardaient. J'ai dit : "Bozo,
9 qu'est-ce que j'ai fait à qui que ce soit pour que l'on me frappe ainsi ?"
10 Lui, il a répondu : "Bien, bien. Calme-toi, maintenant".
11 Quand ils se sont dispersés un peu, j'ai dit : "Mais où suis-je ?" Alors,
12 il a dit : "Tu es ici, tu vois".
13 Moi, j'étais un peu perdu et c'est là que j'ai réalisé que c'étaient des
14 gens de Vukovar, parce que nous ne sommes pas tous arrivés ensemble. La
15 moitié des personnes de
16 l'autobus était dans cette pièce-là et les autres étaient dans une autre
17 pièce. Alors, j'ai pu voir qu'Emil était là, puis Ljubo Vagar, dans cette
18 cellule. Je suppose que c'était une cellule.
19 Ils m'ont relevé. Moi, je ne pouvais pas me relever tout seul parce que
20 j'avais reçu des coups dans le dos. J'avais aussi le nez cassé. Certaines
21 personnes ne me reconnaissaient même pas. On m'a emmené pour me laver le
22 visage. Puis, Drago Berghofer et certaines autres personnes, qui étaient
23 là en train de m'aider, m'ont dit qu'ils avaient vu mon fils à Ovcara.
24 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous parlé avec M. Berghofer et
25 M. Cakalic de ce qui s'était passé à Ovcara ?
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1 M. Veber (interprétation). - On a parlé... Je ne sais pas, ils ne
2 voulaient pas tout me dire. Emil et Drago Berghofer y avaient été. J'ai pu
3 voir tout de suite que quelque chose n'allait pas.
4 Il y avait une autre personne aussi qui avait été, elle aussi, à Ovcara.
5 Il était d'origine de Sotin. Il a dit qu'ils étaient tous répartis dans
6 des groupes différents. On l'avait fait rejoindre un groupe. Il a pensé
7 que c'était une erreur, alors il est allé dans un autre groupe et cela
8 s'est reproduit trois fois. A chaque fois, il quittait son groupe et on le
9 faisait rentrer dans ce groupe-là. Finalement, il s'est retrouvé dans un
10 quatrième groupe et c'est ce qui lui a sauvé la vie. Il faisait partie,
11 apparemment, d'un groupe de civils.
12 M. Williamson (interprétation). - A un moment, vous avez été relâché de la
13 prison de Sremska Mitrovica. Est-ce exact ?
14 M. Veber (interprétation). - Oui.
15 M. Williamson (interprétation). - Quand cela s'est-il passé ?
16 M. Veber (interprétation). - C'était le 27 mars 1993. Pardon, 1992.
17 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous étiez à Sremska Mitrovica,
18 vous a-t-on mis en accusation pour certains délits ? Vous a-t-on dit quels
19 étaient les délits à cause desquels vous étiez là ?
20 M. Veber (interprétation). - On m'a posé la question de savoir combien de
21 personnes j'avais tuées. Mais il n'y avait aucune accusation formelle.
22 M. Williamson (interprétation). - Et lorsque vous êtes parti finalement,
23 au mois de mars, où êtes-vous allé ? En Croatie ?
24 M. Veber (interprétation). - Oui, je suis allé en Croatie. Nous sommes
25 allés à Zagreb. Mon état était assez mauvais, donc je suis allé dans
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1 plusieurs hôpitaux pour faire des examens. J'avais reçu plusieurs
2 blessures à la tête, à la colonne vertébrale, à l'épaule aussi. Certaines
3 personnes m'ont aidé, m'ont conduit jusqu'aux médecins parce que moi, je
4 n'aurais pas pu le faire tout seul.
5 M. Williamson (interprétation). - En février 1997, est-ce que vous avez
6 reçu des informations au sujet de Sinisa ?
7 M. Veber (interprétation). - Oui. Depuis ma sortie de là-bas, on
8 n'arrêtait pas de me poser des questions au sujet de ce qui s'était passé,
9 de ce qui était arrivé à Sinisa, etc. Un jour, quelqu'un m'a dit l'avoir
10 vu dans l'autobus. Mais cet homme m'a dit : "Mais je ne sais pas dans
11 quelle direction on l'a emmené, est-ce qu'on l'a emmené à Aleksinac, à
12 Nis, à Belgrade ou à Novi-Sad", mais en tout cas on m'a dit que quelqu'un
13 l'avait vu, une personne qui m'a dit qu'elle s'intéressait à mon fils et
14 qu'elle l'avait donc vu et qu'elle tenait beaucoup à me le faire savoir.
15 C'est la première fois que j'ai eu des renseignements.
16 Donc ma première réflexion a été : "Dieu merci, il s'est tiré d'Ovcara !"
17 Parce que c'était la toute première fois qu'on me parlait de mon fils
18 depuis qu'on m'avait dit l'avoir vu à Ovcara. Je ne savais pas ce qui lui
19 était arrivé entre-temps. A Vinko Bek, cette personne s'est adressée à
20 moi. Elle souhaitait sans doute m'apporter en peu de réconfort et m'a dit
21 avoir vu mon fils à Sremska Mitrovica.
22 Donc, jusqu'à l'année dernière, j'ai toujours conservé l'espoir qu'il
23 était quelque part, peut-être arrêté, qu'il travaillait peut-être parce
24 que j'ai entendu dire une fois que certains ont été
25 emmenés à Aleksinac, que pas mal d'autobus sont allés à Aleksinac et que
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1 quelques-uns seulement ont été orientés sur Nis, et qu'on choisissait les
2 plus forts. Et comme lui était assez fort, il mesurait 1,92 mètre, vous
3 voyez, c'était quelqu'un de bien bâti, je me suis dit que peut-être on
4 l'avait emmené là-bas pour travailler à la mine, qu'il pouvait être plus
5 utile, qu'il avait été arrêté et fait prisonnier pour servir à quelque
6 chose là-bas. Parce qu'autrement, ailleurs, il ne servait à rien.
7 Jusqu'à très tard dans l'année, j'ai gardé l'espoir qu'il était quelque
8 part vivant. J'ai donné son nom et des renseignements à son sujet partout,
9 aux organisations internationales, à la Croix-Rouge aussi. J'ai dit tout
10 ce que je savais à son sujet. Je suis allé partout. J'ai contacté toutes
11 sortes d'organisations. On m'a toujours dit : "Dès qu'on apprend quelque
12 chose, on vous le fait savoir". Et l'année dernière, en février je crois,
13 je ne me rappelle pas exactement la date, mais c'était à la mi-février,
14 quand ils ont trouvé ces 200 cadavres à Ovcara, moi j'avais donné une
15 description de Sinisa, et donc ils m'ont appelé à ce moment-là. Ils m'ont
16 informé de ce qui allait se passer et ils m'ont dit d'aller à l'hôpital...
17 -comment s'appelle cet hôpital ? Salata- à l'hôpital Salata, à telle et
18 telle heures. Ma fille était Autriche, donc je l'ai informée tout de
19 suite. Ma fille, son mari, ma femme étaient là-bas aussi parce que nous
20 avions une petite-fille, donc elle était allée la garder.
21 Nous sommes donc allés tous ensemble à l'identification. Quand nous sommes
22 allés à l'hôpital de Salata, ils nous ont fait monter à l'étage. Là, il y
23 avait des médecins, des spécialistes de ce genre de choses. Nous nous
24 sommes présentés, et puis ils ont commencé. C'est à ce moment-là qu'ils
25 nous ont donné des documents et qu'ils ont pris nos déclarations : est-ce
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1 qu'on acceptait ou est-ce qu'on n'acceptait pas de faire ce qui nous était
2 proposé.
3 Et puis, ils nous ont montré des photographies. Après tout, cinq ans
4 étaient passés. Il était difficile de reconnaître quoi que ce soit. Il n'y
5 avait plus que des os sur ces photographies. Et puis, ils ont apporté un
6 morceau de pull-over de couleur verdâtre. Enfin, un
7 genre de vert. Ma femme l'a remarqué. La couleur était délavée, mais elle
8 a reconnu le pull-over.
9 Et puis il y avait autre chose, c'est que ma fille connaissait ses
10 plombages, elle savait quelles dents manquaient et lesquelles étaient
11 plombées. Et puis, le plus important dans l'identification, c'est que les
12 médecins nous ont dit qu'il devait s'agir d'un athlète, de quelqu'un qui
13 était en très très bonne forme parce que, selon la façon dont les muscles
14 restent attachés aux os, on peut savoir si c'est quelqu'un qui a fait
15 beaucoup de sport ou pas et ils nous ont dit : "C'est vraiment quelqu'un
16 qui a dû faire beaucoup, beaucoup de sport".
17 Ensuite, quoi d'autre ? Ah oui, ils nous ont demandé s'il avait jamais été
18 blessé ou s'il avait des cicatrices et nous avons répondu qu'il avait eu
19 de petites blessures. Pas des blessures où on recoud, ce genre de choses,
20 mais de toutes petites traces. Ma fille s'est souvenue qu'il avait aussi
21 eu une petite blessure à la jambe quand il était petit. Il avait un
22 mobylette, il est tombé et c'était une blessure à la jambe qui avait
23 laissé une trace jusqu'à l'os. Donc on a demandé à ma fille de quelle
24 jambe il s'agissait. Elle l'a dit, elle a su le dire et ils ont accepté
25 tous ces renseignements. Et le 7 mars de l'année dernière, il a été
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1 enterré à Mirogoj, à Zagreb.
2 M. Williamson (interprétation). - Merci. Je n'ai pas d'autres questions.
3 M. le Président (interprétation). - Pas de questions du côté de la
4 défense ?
5 Monsieur Veber, vous avez déjà entendu les propos de sympathie exprimés
6 par le conseil de la défense, Me Fila, qui souhaite exprimer son sentiment
7 de peine, de chagrin pour le sort qu'a connu votre fils en tant qu'être
8 humain et vous transmettre ses condoléances.
9 Monsieur Veber, le Tribunal est tout à fait conscient du sort abominable
10 que vous avez vécu. Au nom de mes collègues et en mon nom propre, je tiens
11 à vous faire savoir la compréhension que j'ai du drame que vous avez vécu
12 et à quel point nous apprécions tous que vous ayez accepté de venir
13 témoigner, ici, devant ce Tribunal international. Merci, merci beaucoup.
14 Y a-t-il des objections à ce que le témoin soit libéré ?
15 M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.
16 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez vous retirer, Monsieur.
17 Merci beaucoup.
18 (Le témoin quitte la salle d'audience.)
19 M. Waespi (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Le témoin
20 suivant est Ljubica Dosen qui n'a pas demandé de mesures de protection
21 particulières.
22 (Mme Ljubica Dosen, témoin, est introduite dans le prétoire.)
23 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Est-ce que vous pouvez
24 prononcer la déclaration solennelle, Madame ?
25 Mme Dosen (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
2 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.
3 M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons une
4 version en anglais de la déclaration préalable de ce témoin. Je crois que
5 vous ne l'avez pas encore reçue. Vous l’avez ? C'est parfait. Très bien.
6 Bonjour, Madame Dosen.
7 Mme Dosen (interprétation). - Bonjour.
8 M. Waespi (interprétation). - Vous vous sentez bien ?
9 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
10 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous été interrogée par un enquêteur de
11 ce Tribunal le 22 août 1995 et avez-vous signé un document qui était la
12 traduction en anglais de cet entretien ?
13 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
14 M. Waespi (interprétation). - Je vais maintenant vous montrer un document
15 et vous demander s'il s'agit bien du document que vous avez signé.
16 (L’huissier s’exécute.)
17 Mme Dosen (interprétation). - Oui, c'est bien ce document.
18 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup. Voyez-vous votre signature
19 au bas de ce document ?
20 Mme Dosen (interprétation). - Oui, je la vois.
21 M. Waespi (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, je demande le
22 versement au dossier de ce document en tant que pièce à conviction
23 suivante de l'accusation.
24 M. le Greffier (interprétation). - C'est le numéro 60.
25 M. Waespi (interprétation). - Merci.
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1 Excusez-moi, Monsieur le Président, nous n'avons pas de version croate de
2 ce document et il devait être versé sous scellés.
3 M. le Président (interprétation). - Pas d'objection ?
4 M. Fila (interprétation). - Non, mais il y a un malentendu. Nous avons
5 reçu de l’accusation une traduction en croate, donc il existe une
6 traduction croate, la voici.
7 M. Waespi (interprétation). - Parfait, merci beaucoup. Je vais me
8 renseigner et dans ce cas nous verserons cette traduction au dossier en
9 tant que pièce à conviction 60/A.
10 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila.
11 M. Waespi (interprétation). - Madame Dosen, avez-vous été une nouvelle
12 fois interrogée par un enquêteur de ce Tribunal le 17 mars 1996 et avez-
13 vous signé un document qui était la version anglaise de ce deuxième
14 entretien ?
15 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
16 M. Waespi (interprétation). - Je voudrais également vous montrer ce
17 document.
18 (L’huissier s’exécute.)
19 M. Waespi (interprétation). - Je vous demanderai une deuxième fois si vous
20 voyez votre signature au bas de ce deuxième document également.
21 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
22 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup.
23 Je demande le versement au dossier de ce document en tant que pièce à
24 conviction suivante de l'accusation.
25 M. le Greffier. (interprétation). - Numéro 61. Sous scellés ?
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1 M. Waespi (interprétation). - Oui. J'attends également la traduction
2 croate.
3 M. le Président (interprétation). - Monsieur Waespi, nous n'avons pas reçu
4 ce deuxième document, la deuxième déclaration, celle du 17 mars 1996.
5 M. Waespi (interprétation). - Très bien. Merci. Peut-être est-elle annexée
6 à la version anglaise ou à la première déclaration. La première fait huit
7 pages. Ensuite, il y en a une deuxième qui fait trois pages. Mais si vous
8 le souhaitez, Monsieur le Président, j'en aurai trois exemplaires pour les
9 juges.
10 M. le Président (interprétation). - Merci.
11 M. Fila (interprétation). - La défense n'a pas reçu ce deuxième document
12 non plus.
13 M. Waespi (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,
14 Monsieur le Président, pour ces désagréments. Je présente également mes
15 excuses à la défense.
16 M. le Président (interprétation). - Est-ce que nous accordons quelques
17 minutes à la défense pour parcourir ce texte ?
18 M. Fila (interprétation). - Non, non, ce n'est pas la peine.
19 M. le Président (interprétation). - Très bien. Vous pouvez poursuivre,
20 Maître.
21 M. Waespi (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
22 Pouvez-vous décliner votre nom complet à l'intention des juges ?
23 Mme Dosen (interprétation). - Ljubica Dosen.
24 M. Waespi (interprétation). - Quelle est votre date de naissance et où
25 êtes-vous née ?
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1 Mme Dosen (interprétation). - A Luzani Slavonski Brod, le 9 mars 1949.
2 M. Waespi (interprétation). - Quelle est votre profession ?
3 Mme Dosen (interprétation). - Je suis ouvrière qualifiée dans la
4 production de chaussures en caoutchouc.
5 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous toujours vécu à Vukovar ?
6 Mme Dosen (interprétation). - Je suis arrivée à Vukovar lorsque j'avais
7 deux mois. J'étais encore bébé.
8 M. Waespi (interprétation). - Vous avez vécu la majeure partie de votre
9 vie à Vukovar, c'est bien cela ?
10 Mme Dosen (interprétation). - Toute ma vie. Je vis encore à Vukovar.
11 M. Waespi (interprétation). - Où habitiez-vous à l'été 1991 ?
12 Mme Dosen (interprétation). - A Vukovar, dans la rue Mose Pijade.
13 M. Waespi (interprétation). - Avec qui viviez-vous ?
14 Mme Dosen (interprétation). - Avec mon mari, Martin Dosen, et ma fille,
15 Tanja Dosen.
16 M. Waespi (interprétation). - Quelle était la profession de votre mari ?
17 Mme Dosen (interprétation). - Mon mari est pêcheur privé de profession.
18 M. Waespi (interprétation). - Faisait-il de la politique ? Etait-il membre
19 d'un parti ?
20 Mme Dosen (interprétation). - Mon mari ne s'est jamais occupé de
21 politique, mais il était membre du HDZ.
22 M. Waespi (interprétation). - Est-ce que votre mari a également participé
23 à la défense de la ville ?
24 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
25 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire pour quelle raison il
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1 s'est impliqué dans la défense de la ville ?
2 Mme Dosen (interprétation). - Il l'a fait parce que les bombardements
3 avaient déjà commencé. Il voulait donc tout simplement défendre sa
4 famille.
5 M. Waespi (interprétation). - Votre maison a-t-elle été détruite par les
6 pilonnages ?
7 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
8 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous la date ?
9 Mme Dosen (interprétation). - C'est arrivé au début, mais à ce moment-là
10 il n'y avait pas encore eu de dommages importants. Simplement, elle avait
11 reçu des obus parce que nous étions près du champ de foire, qui a été très
12 rapidement pilonné et détruit.
13 M. Waespi (interprétation). - Est-ce qu'au cours de l'été 1991 votre mari
14 a été blessé ?
15 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
16 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous d'écrire les événements qui ont
17 provoqué ces blessures ?
18 Mme Dosen (interprétation). - Mon mari se rendait à la Défense
19 territoriale de l'époque pour voir ce qui allait se passer, comment les
20 choses allaient s'organiser. Comme ceux qui nous avaient déjà attaqués
21 étaient de l'autre côté du Danube et qu'ils savaient où était le siège de
22 la Défense territoriale, ils l'ont bombardé. En arrivant devant le siège
23 de la Défense territoriale, un obus est tombé devant lui et les éclats de
24 cet obus l'ont blessé à la jambe.
25 M. Waespi (interprétation). - A-t-il été traité à l'hôpital en raison de
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1 ses blessures ?
2 Mme Dosen (interprétation). - Oui. Il a été hospitalisé, après quoi il a
3 été renvoyé à la maison parce qu'il n'était pas nécessaire de le garder à
4 l'hôpital. Il avait une blessure qui n'avait attaqué que la chair.
5 M. Waespi (interprétation). - A-t-il ensuite été sérieusement, gravement
6 blessé, en novembre 1991, quand il est tombé du balcon d'un troisième
7 étage ?
8 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
9 M. Waespi (interprétation). - A-t-il été hospitalisé à ce moment-là ?
10 Mme Dosen (interprétation). - Oui, il a été hospitalisé à ce moment-là et
11 il est resté à l'hôpital, il n'est pas revenu à la maison.
12 M. Waespi (interprétation). - Excusez-moi un instant, je vous prie.
13 Vous-même et votre fille avez-vous reçu l'autorisation de vous rendre à
14 l'hôpital pour rejoindre votre mari ?
15 Mme Dosen (interprétation). - Oui. Mon mari ne pouvait pas se déplacer. Il
16 avait exprimé le désir de nous avoir à ses côtés pour que je puisse
17 l'aider, parce que le personnel était trop occupé avec les autres blessés.
18 M. Waespi (interprétation). - Quand avez-vous rejoint votre mari ? Quand
19 avez-vous déménagé dans l'hôpital ?
20 Mme Dosen (interprétation). - Mon mari est parti le 16 novembre pour
21 l'hôpital et nous sommes arrivés dans la nuit du 17 au 18, moi et ma
22 fille.
23 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous combien de nuits vous
24 avez passé à l'hôpital à côté de votre mari ?
25 Mme Dosen (interprétation). - Deux nuits et un jour avant l'évacuation.
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1 M. Waespi (interprétation). - Il est donc possible que vous ayez quitté
2 l'hôpital le 19 ou le 20. C'est bien cela ?
3 Mme Dosen (interprétation). - La nuit du 19, ils sont arrivés à l'hôpital
4 et nous avons été évacués le 20 dans la matinée.
5 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire brièvement et de
6 façon générale la situation qui régnait dans l'hôpital au cours de ces
7 trois ou quatre jours que vous y avez passé ?
8 Mme Dosen (interprétation). - Moi, j'ai eu l'impression que les choses
9 étaient tout à fait terribles. Il n'y avait pas d'eau, il n'y avait pas de
10 médicaments. Il y avait de très nombreux blessés. Les pilonnages
11 continuaient. Les civils arrivaient parce qu'ils ne savaient plus où aller
12 à cause de ces horribles pilonnages. On sentait l'odeur du sang. Le
13 médecin, Mme Bosanac, avait peur qu'une épidémie ne se déclenche. Les gens
14 mouraient. Il était impossible de les enterrer, puisque l'on ne pouvait
15 pas sortir à cause des obus.
16 Les gens étaient tellement à bout... Ils n'avaient pas de cigarettes, ils
17 étaient affamés, ils recevaient des espèces de boîtes déjeuners et des
18 biscuits, mais ils avaient faim. Ils n'en pouvaient plus. Ils avaient mal.
19 C'était horrible.
20 M. Waespi (interprétation). - Ces civils ont-ils été évacués vers
21 Velepromet à un certain moment ?
22 Mme Dosen (interprétation). - Oui, parce qu'un très grand nombre de civils
23 arrivaient des abris, des caves, des maisons dans lesquels ils étaient
24 jusqu'à ce moment-là, parce qu'ils avaient appris qu'un convoi allait
25 arriver et ils voulaient tous sortir de cet enfer.
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1 Le Dr Bosanac a donc demandé s'il était possible qu'on les emmène à
2 Velepromet, parce que le convoi allait passer par Velepromet également et
3 qu'à l'hôpital il y avait trop de blessés. Cet ainsi que des femmes, des
4 enfants surtout sont partis vers Velepromet.
5 M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous vous rappelez quand a eu lieu
6 cette évacuation des civils, ou plutôt ce transport des civils vers
7 Velepromet ?
8 Mme Dosen (interprétation) - Eh bien, l'ensemble de l'opération a duré
9 depuis le matin jusque tard dans l'après-midi et même dans la nuit du
10 18 au 19. Eux ont été transférés à Velepromet un jour avant l'arrivée du
11 convoi.
12 M Waespi (interprétation) - Où étiez-vous la dernière nuit que vous avez
13 passée dans l'hôpital avant votre évacuation ?
14 Mme Dosen (interprétation) - La dernière nuit, je l'ai passée aux côtés de
15 mon mari parce qu'il avait demandé que je sois à côté de lui étant donné
16 qu'il ne pouvait pas bouger. Lors de l'évacuation, il avait demandé que je
17 sois à ses côtés, pour lui donner de l'eau lorsqu'il en avait besoin, par
18 exemple. J'ai dormi au pied de son lit, sur son lit.
19 M Waespi (interprétation) - Dans quel état physique était votre mari cette
20 nuit-là ?
21 Mme Dosen (interprétation) - Il était terriblement effrayé. Il faisait du
22 sport. Il était très actif. Il n'arrivait pas à admettre sa paralysie et
23 le fait qu'il allait dépendre de quelqu'un
24 désormais. Donc il pleurait beaucoup et il demandait sans arrêt que je
25 sois à ses côtés pour lui apporter quelque chose (un peu d'eau, un jus de
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1 fruit), que je l'aide, que je reste à côté de lui pour parler avec lui
2 parce qu'il avait très peur de ce qui allait se passer par la suite.
3 Comment pourrait-il vivre paralysé... C'était une très grande inquiétude
4 pour lui et c'est pour cela que j'ai passé ce dernier jour, pratiquement
5 tout le temps, à côté de lui.
6 M Waespi (interprétation) - Avait-il un dossier médical à ce moment-là ?
7 Mme Dosen (interprétation) - Le matin qui a précédé notre évacuation,
8 l'infirmière, Mme Biba, a placé à côté de chaque patient un dossier qui
9 comportait les éléments relatifs à ce patient au cas où le patient serait
10 évacué. Nous, nous pensions que nous allions à Zagreb. Nous pensions
11 surtout que les blessés qui ne pouvaient pas voyager seraient envoyés à
12 Zagreb. Mais en tout cas, chacun d'entre eux avait à côté de lui son
13 dossier qui permettrait de continuer de le traiter éventuellement dans un
14 autre hôpital où nous supposions que les blessés allaient être évacués.
15 Puisque mon mari était dans l'état où il était, qu'il ne pouvait pas
16 prendre avec lui ce document, j'ai emporté le petit sac avec le document
17 et je l'ai toujours avec moi aujourd'hui.
18 M Waespi (interprétation) - Avez-vous ce dossier avec vous aujourd'hui,
19 ici même ?
20 Mme Dosen (interprétation) - Oui, je l'ai là avec moi.
21 M Waespi (interprétation) - Je vous remercie.
22 En 1992, avez-vous demandé à deux médecins qui s'étaient occupés de votre
23 mari à Vukovar de confirmer les données de ce dossier médical et ce dans
24 deux lettres différentes ?
25 Mme Dosen (interprétation) - Oui, en effet, c'est ce que j'ai fait. L'un
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1 des médecins était le Dr Njavro et l'autre le Dr Aleksijevic qui
2 travaillait à l'hôpital où mon mari a été soigné.
3 M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais maintenant
4 soumettre au témoin une copie de ce dossier médical qu'elle nous a montré
5 au préalable.
6 J’aimerais qu'elle nous dise s'il s'agit bien d'une copie conforme au
7 dossier médical de son mari.
8 Les conseils de la défense disposent déjà de ce document, de la version en
9 croate et de la traduction en anglais. J'ai moi-même des exemplaires de
10 ces documents, à la fois en croate et en en anglais, à l'intention des
11 Juges.
12 M. le Président (interprétation). - Maître Waespi, vous demandez le
13 versement au dossier de ces documents ?
14 M. Waespi (interprétation). - Je vais le faire dans un instant.
15 (L’huissier s’exécute.)
16 M. Waespi (interprétation). - Madame Dosen, s’agit-il bien d'une copie des
17 originaux que vous avez avec vous aujourd'hui ?
18 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
19 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie.
20 Pourriez-vous très rapidement nous faire parcourir ce document en nous
21 signalant très brièvement ce que vous remarquez, ce qui est écrit dans ce
22 document, etc.
23 Mme Dosen (interprétation). - Il s'agit du dossier médical de mon mari qui
24 fait état de ses différentes pathologies. On voit d'abord son nom et son
25 prénom : Martin Dosen, né en 1952, résident de Vukovar à Mose Pijade, de
Page 952
1 sexe masculin. Le 16 novembre 1991, il a été admis au centre médical de
2 Vukovar.
3 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Pouvons-nous passer à la
4 deuxième page du document ? Je ne vous demande pas de nous lire tout ce
5 qui s'y trouve mais de nous dire rapidement ce qu’on peut y lire.
6 Mme Dosen (interprétation). - Sur la deuxième page, il est fait état d’une
7 anamnèse et du pronostic prononcé sur les blessures de mon mari, l'état
8 général de mon mari. C'est écrit en latin, c’est la raison pour laquelle
9 j'ai demandé au Dr Aleksijevic de m'expliquer de quoi il s'agissait, de me
10 dire ce qui était écrit.
11 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Que trouve-t-on sur la
12 troisième page ?
13 Mme Dosen (interprétation). - Sur la troisième page, on trouve la feuille
14 des températures de mon mari ; on la lui prenait tous les jours. Pour moi,
15 c'est un document extrêmement précieux car il montre que le 16, le 17 et
16 le 18 novembre, on a pris sa température. Il y est indiqué que le 19 et
17 le 20, sa température n'a pas été prise parce qu'on le préparait pour
18 l'évacuation. C'est un document très important parce qu'il révèle que mon
19 mari se trouvait à l'hôpital de Vukovar. Or, depuis, on ne l'a jamais
20 revu.
21 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Pourriez-vous laisser de
22 côté les pages suivantes, nous n'allons pas nous pencher dessus. Nous
23 allons directement en venir aux deux lettres des médecins que vous avez
24 contactés, lettres qui nous intéressent. Par qui a été rédigée la première
25 lettre ?
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1 Mme Dosen (interprétation). - La première lettre est en fait un certificat
2 délivré par le Dr Njavro qui était chirurgien à l'hôpital et qui s’est
3 occupé de la jambe de mon mari lorsqu'il a été blessé. Il est également
4 écrit que Martin Dosen a été blessé en août, par une grenade, à la jambe
5 droite. C'était un externe qui venait régulièrement à l’hôpital faire des
6 examens. Ce certificat est délivré à la demande de sa femme.
7 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez ne pas
8 consulter la dernière lettre parce qu'elle ne fait que confirmer ce que
9 vous venez de nous dire, si vous êtes d'accord, Madame Dosen.
10 Mme Dosen (interprétation). - Oui, bien sûr.
11 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Je demande le versement au
12 dossier de ce document qui sera la pièce à conviction suivante de
13 l'accusation.
14 M. le Greffier (interprétation) - Il s'agit de la pièce à conviction
15 n° 62, et la traduction en anglais est la pièce à conviction n° 62/A.
16 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Madame Dosen, au matin du
17 20 novembre, vous a-t-on dit que vous alliez être évacués ?
18 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
19 M. Waespi (interprétation). - Qui vous a dit cela ?
20 Mme Dosen (interprétation). - Ce jour là, dans la matinée, un soldat est
21 arrivé. Il avait l'air un peu différent des autres. Nous ne savions pas
22 exactement de qui il s'agissait. Ce jour-là, il s'est comporté de façon
23 tout à fait correcte, il a dit : "Voilà, je suis le Major Sljivancanin. A
24 présent, c'est moi qui commande la situation. Nous allons maintenant citer
25 un certain nombre de noms. Au fur et à mesure que vous entendez votre nom,
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1 veuillez sortir de l'hôpital".
2 M. Waespi (interprétation). - Très brièvement, pourriez-vous nous décrire
3 à quoi ressemblait cette personne dont vous avez dit qu'il s'agissait de
4 M. Sljivancanin ?
5 Mme Dosen (interprétation). - Moi, je crois que je ne l'oublierai jamais,
6 cet homme. Surtout parce qu'il avait cet aspect très particulier. On voit
7 rarement de telles personnes dans notre région. C'était un homme
8 extrêmement grand. Il avait une grande moustache noire. On s'en souvient
9 très facilement. En plus, il avait un accent monténégrin.
10 M. Waespi (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ? Est-ce qu'on
11 vous a emmenés hors de l'hôpital ?
12 Mme Dosen (interprétation). - A côté de lui, il y avait deux soldats que
13 je ne connaissais pas. Ils avaient une liste entre les mains et ils
14 lisaient des noms sur cette liste. Il se trouve que mon mari,
15 Martin Dosen, a été le premier cité sur cette liste. Et puis, il y avait
16 plein d'autres personnes citées. Et on a dit à ces personnes de sortir au
17 fur et à mesure qu'elles entendaient leur nom.
18 Mon mari ne pouvait pas bouger, il était immobilisé, donc j'ai attendu
19 qu'on le transporte de son lit sur une civière. Mais pour ce qui est des
20 blessés qui pouvaient se déplacer,
21 ils passaient à mes côtés alors qu'ils sortaient. Moi, je ne comprends
22 toujours pas vraiment ce qui se passait à l'extérieur. Et puis deux
23 infirmières sont arrivées. Elles devaient transporter mon mari, mais mon
24 mari pesait 120 kilos et ça n'a pas été très simple à faire. Elles ont eu
25 du mal à le transporter. Le Major Sljivancanin a donc donné l'ordre à deux
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1 soldats de le porter sur une civière.
2 Lorsqu'ils l'ont emmené, ma fille et moi-même nous avons suivi ces soldats
3 et c'est à ce moment-là seulement que je suis sortie et que je suis
4 arrivée devant l'hôpital. Sur ma gauche, il y avait d'autres civils, des
5 femmes, des enfants, qui se tenaient là. Non, pardon excusez-moi, sur le
6 côté droit. Les civils étaient à droite. Sur le côté gauche, nous devions
7 passer entre deux files de soldats qui se tenaient sur la droite et sur la
8 gauche.
9 Je me suis aperçu que nous ne nous dirigions pas vers l'entrée principale.
10 J'ai vu qu'en fait, nous allions vers l'arrière de l'hôpital.
11 M. Waespi (interprétation). - Excusez-moi, Madame Dosen, mais j'ai un
12 problème avec mon casque et je n'entends pas très bien l'interprétation.
13 Un instant, s'il vous plaît. Permettez-moi, Monsieur le Président de
14 changer de casque, s'il vous plaît.
15 Vous m'entendez ?
16 Mme Dosen (interprétation). - Oui.
17 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Tout fonctionne à présent.
18 A présent, vous êtes à l'extérieur de l'hôpital, vous êtes dans la cour de
19 l'hôpital. Est-ce que, à ce moment-là, on vous a emmenés en un endroit
20 quelconque après que vous avez vu ces files de soldats ?
21 Mme Dosen (interprétation). - Oui, nous avons dû passer entre cette haie
22 de soldats et nous avons atteint une rue qui passe derrière l'hôpital de
23 Vukovar. Quatre autobus y étaient garés : deux bus civils et un bus
24 militaire. Et puis, derrière ce bus militaire, il y avait encore un bus
25 civil. Et j'ai vu que l'on transportait mon mari vers ce bus militaire
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1 justement.
2 Cela m'a semblé très bizarre puisqu'il s'agissait d'un convoi ici et que
3 nous étions supposés être évacués. Alors, pourquoi l'emmenaient-ils dans
4 le bus militaire ? Il y avait des soldats armés juste à côté de ce bus. Il
5 y en avait quatre à l'extérieur et deux à l'intérieur même du bus. Cela
6 m'a frappée, cela me semblait bizarre. Il n'y avait pas une seule femme ou
7 un seul enfant qui se trouvait là. Seule moi-même et ma fille Tanja nous
8 trouvions à cet endroit.
9 Ils ont donc transporté mon mari jusqu'au bus. Ils l'ont posé à côté parce
10 qu'ils ne pouvaient pas le faire monter dans le bus puisqu'il était
11 incapable de s'asseoir. Ils n'ont pas pu non plus faire passer la civière
12 dans le bus. Je me suis tenu devant le bus. J'ai regardé à l'intérieur. Je
13 me suis aperçu que, dans ce bus, les personnes n'étaient pas assises à
14 côté deux par deux, mais qu'elles étaient une par siège.
15 A ce moment-là, Ivan et Tadija, les deux frères aînés de mon mari, et puis
16 le jeune Sinisa Glavasevic et d'autres personnes, parce que je les
17 connaissais tous, nous avons grandi ensemble... J'ai vu ces personnes et
18 j'ai dit à mon mari : "Mais je ne comprends pas, qu'est-ce qui se passe ?"
19 et il m'a dit : "Je ne comprends pas non plus, il se passe quelque chose
20 de bizarre".
21 M. Waespi (interprétation). - Vous dites que vous vous teniez juste devant
22 le bus militaire, c'est bien cela ? Mais quelle était la position
23 qu'occupait ce bus dans ce convoi que vous nous avez décrit ?
24 Mme Dosen (interprétation). - D'abord, il y avait deux bus côte à côte,
25 des bus civils, tout ce qu'il y a de plus classique. Des bus que nous
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1 prenions pour aller au travail ou pour nous déplacer d'une façon générale,
2 mais j'ai tout de suite remarqué, et je n'oublierai jamais cela, qu'il y
3 avait ce bus militaire et je me demandais pourquoi il y avait un bus
4 militaire sur place. Je me suis tourné vers un soldat et je lui ai dit :
5 "Mais, dites-moi, jeune homme, où vont ces bus ?" Je m'apercevais bien que
6 ce n'était pas un convoi. Il n'y avait personne autour de ces bus.
7 Un peu plus loin, il y avait le Major Sljivancanin qui se tenait à côté du
8 premier bus
9 et qui donnait des ordres quant à qui devait aller dans quel bus. Je me
10 suis tout de suite aperçu que quelque chose était bizarre et lui m'a
11 répondu : "Je suis désolé, mais je ne sais vraiment pas quoi vous dire,
12 demandez à quelqu'un d'autre".
13 A ce moment-là, un soldat en uniforme, un réserviste, qui était à côté du
14 bus, a fait sortir mon beau-frère, le frère cadet de mon mari, et ils
15 l'ont poussé si fort, si violemment vers la clôture de l'hôpital, ils lui
16 ont dit qu'il fallait qu'il vide ses poches, et ils lui ont dit : "Espèce
17 d'Oustachi, tu vas voir maintenant". Il y avait cet homme qui se trouvait
18 là avec son fusil automatique. Il visait mon beau-frère avec ce fusil. Ma
19 fille a commencé à pleurer, mon mari a commencé à pleurer. Moi je ne
20 savais pas quoi faire. Et il a dit : "Mais fais quelque chose, emmène mon
21 enfant de là" et je lui ai dit : "Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse,
22 j'ai une kalashnikov dans le dos, comment veux-tu que je l'emmène ?" Mon
23 mari a dit : "Je ne sais pas ce que tu vas faire, mais tu vas faire
24 quelque chose. Il faut faire quelque chose. Prends ma chaîne, prends ma
25 bague, prends mon alliance, prends ma montre". Et j'ai promis de donner
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1 mon alliance à mon fils. Je n'oublierai jamais cela et mes enfants non
2 plus n'oublieront jamais.
3 J'ai pensé que tout était fini. J'ai pensé qu'ils allaient tuer ce jeune
4 frère de mon mari sous nos yeux. De l'autre côté, ils amenaient sa nièce,
5 Ruzica Markobasic, de l'hôpital. Elle était enceinte de cinq mois. Il la
6 tirait par son manteau, par son sac à main. Il lui jetait des choses au
7 visage. Il l'a traitée de "putain d'Oustachi. Où sont vos photos ? Où sont
8 les photos de votre mari qui est en train de couper les doigts des enfants
9 et qui est en train de faire des colliers avec ces doigts ?"
10 Il disait des choses atroces. Nous n'avons jamais tué qui que ce soit et
11 encore moins des enfants et mon mari leur a donné de la nourriture, les a
12 aidés. Nous leur avons donné du sucre. Moi, j'avais un restaurant et je
13 leur donnais du lait, de la nourriture, de l'huile, du sucre. S'ils
14 avaient eu une once d'honnêteté en eux, ils auraient dit qu'il n'y avait
15 pas eu un seul enfant maltraité par des Croates, encore moins par nous,
16 les femmes croates. Bien au contraire, dans
17 mon immeuble, mes voisins immédiats ont obtenu du pain, de la farine. Je
18 leur ai donné de tout. Ma fille faisait des gâteaux et les donnait aux
19 enfants. Nous ne nous enfermions pas égoïstement dans nos chambres sans
20 rien leur donner. C'était quelque chose d'atroce parce que nous n'avons
21 jamais fait ce genre de choses.
22 M. Waespi (interprétation). - Madame Dosen, pouvez-vous me dire ce qui est
23 arrivé à cette jeune femme que vous venez de décrire ? A-t-on fait monter
24 dans un bus Ruzica Markobasic ?
25 Mme Dosen (interprétation). - Oui. Un jeune homme -qui ne venait pas de
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1 Vukovar, mais enfin je le reconnaîtrais si je le voyais- l'a fait monter
2 et, alors qu'ils étaient en train de monter dans le bus, il m'a pris la
3 main, il m'a serré la main. Je me demandais ce qu'il voulait dire. Est-ce
4 qu'il essayait de me faire passer un message ? Il l'a donc fait monter
5 dans le bus et, automatiquement, j'ai ouvert ma main et j'ai vu qu'il y
6 avait 2000 dinars yougoslaves. J'ai dit : "Mais dites-moi, jeune homme,
7 pourquoi me donnez-vous cela ?" Il m'a répondu : "Madame, vous pourriez
8 bien en avoir besoin mais elle, en tout cas, elle n'en aura certainement
9 pas besoin".
10 M. Waespi (interprétation). - Merci, Madame Dosen.
11 Peut-être pourrions-nous faire une pause, Monsieur le Président.
12 M. le Président (interprétation). - Absolument. Nous prenons une pause de
13 vingt minutes.
14 L'audience, suspendue à 11 h 05, reprend à 11 h 25.
15 M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais soumettre
16 au témoin la pièce de l'accusation 43, s'il vous plaît. Il s'agit d'un
17 arrêt sur image qui a été pris dans la vidéo nous montrant les patients de
18 l'hôpital, que nous avons diffusée l'autre jour.
19 Peut-on placer cette photographie sur le rétroprojecteur, s'il vous
20 plaît ? Je vous remercie.
21 Pouvons-nous ne pas baisser les lumières ? Nous n'allons regarder qu'une
22 seule photographie.
23 Madame Dosen, reconnaissez-vous une personne sur cette photographie ?
24 Mme Dosen (interprétation). - Oui. Je le reconnais. C'est le neveu de mon
25 mari, Martin Jakubovski Dosen.
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1 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous le décrire, s'il vous
2 plaît ? Que porte-t-il ? A quoi ressemble-t-il ? Pouvez-vous nous le
3 décrire, s'il vous plaît ?
4 Mme Dosen (interprétation). - Il porte un pyjama d'hôpital. Mais, étant
5 donné qu'il était blessé et qu'il avait énormément de fièvre, qu'il avait
6 toujours froid, je lui ai donné ce pull qu'il porte sur la photographie.
7 Il était blessé au bras. Il avait une blessure grave. On devait lui
8 amputer la main, mais le Dr Aleksijevic a tout fait pour essayer de sauver
9 sa main. Il a utilisé des moyens chirurgicaux très importants pour réussir
10 à sauver sa main. Et puis, il avait une blessure au coccyx.
11 M. Waespi (interprétation). - Quel est ce pull-over dont vous parliez ?
12 Mme Dosen (interprétation). - C'est ce pull-over de couleur rose que l'on
13 peut voir. On voit bien, d'ailleurs, que c'est un pull-over de femme.
14 C'était le mien, je le lui ai donné.
15 M. Waespi (interprétation). - Il s'agit donc de la personne qui se trouve
16 du côté droit de la photographie. C'est à elle que vous faites référence ?
17 Mme Dosen (interprétation). - Oui, c'est ce jeune homme qui a le bras en
18 écharpe.
19 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous l'indiquer sur le
20 rétroprojecteur, s'il vous plaît ?
21 Mme Dosen (interprétation). - C'est lui, ici.
22 M. Waespi (interprétation). - Je vois. Merci beaucoup.
23 Madame Dosen, avez-vous vu cette personne, M. Jakubovski, ce matin-là, le
24 20 novembre ?
25 Mme Dosen (interprétation). - Oui. Exactement sur ce même banc où nous le
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1 voyons là. Nous nous sommes assis ensemble. Je lui ai donné une cigarette.
2 Lui aussi fumait. Lorsque qu'ils ont commencé à citer des noms, étant
3 donné qu'il pouvait se déplacer, il est sorti avant nous. Mais lorsque je
4 suis arrivée au bus, il ne s'y trouvait toujours pas. On devait le retenir
5 quelque part.
6 Pendant ce temps-là, tandis que je me tenais à côté du bus, un autre
7 soldat l'a amené. Il s'est placé devant le bus. Il a fait demi-tour pour
8 me faire face et pour faire face à Tanja, ma fille. Il m'a dit : "Au
9 revoir, ma tante, et toi ma cousine, prends bien soin de toi". Et puis il
10 est monté dans le bus.
11 M Waespi (interprétation). - Avez-vous jamais revu cette personne ?
12 Mme Dosen (interprétation). - Non, il a été exhumé à Ovcara et enterré à
13 Vinkovci. Il avait 21 ans.
14 M Waespi (interprétation). - Connaissez-vous une personne du nom de
15 Darko Vuk ?
16 Mme Dosen (interprétation). - Oui, je le connais bien. Il était un peu
17 plus âgé que Martin. Mais il était vraiment désagréable, je ne sais pas ce
18 qu'on a pu lui faire pour qu'il devienne un Serbe aussi extrémiste. Je
19 pensais que c'était un ami. Je lui ai demandé : "Darko, est-ce que tu ne
20 vas pas sauver mes proches ?" Il m'a jeté un coup d'oeil ironique et il
21 m'a dit : "Vous, les Dosen, vous avez fait beaucoup de mal, alors restez
22 tranquilles".
23 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous le décrire ? Ce jour-là, que
24 portait-il ? Comment était-il ?
25 Mme Dosen (interprétation). - Il portait un uniforme de camouflage. Il
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1 avait l'air arrogant. Il se prenait pour le grand libérateur. Je ne sais
2 pas de qui il nous libérait ou de qui il
3 me libérait en tout cas. C'était un habitant de Vukovar et je ne vois pas
4 pourquoi il aurait pu se sentir menacé. Aucun d'entre nous ne le menaçait,
5 il n'avait pas besoin d'agir en tant que libérateur. Mais j'ai pensé que
6 la situation était telle qu'il n'était pas bon que nous, les Croates, nous
7 manifestions trop d'agressivité ou trop de colère. Les gens autour de nous
8 étaient très arrogants, ils fêtaient cet événement.
9 L'un d'eux portait une insigne Chetnik. Il portait une longue barbe. L'un
10 était si arrogant et si brutal qu'il a commencer à lécher un couteau. Il
11 menaçait de massacrer tous les Croates. C'était affreux. C'est quelque
12 chose que je n'aurais jamais pu imaginer. En tout cas, je ne m'attendais à
13 ce que les gens avec qui j'avais grandi, avec qui j'avais été à l'école,
14 avec qui j'étais sortie, avec qui j'étais allée à des mariages puissent se
15 comporter ainsi. Les voir se comporter ainsi était quelque chose de
16 terrible.
17 Sans doute que je n'oublierai jamais le fait que ce même Darko se tenait
18 assis dans mon restaurant, à côté de mon mari. C'était un ami de mon mari.
19 Jamais je n'aurais imaginé que cela puisse se terminer ainsi. Je ne sais
20 pas, je pensais qu'il agirait en homme, je pensais qu'il nous viendrait en
21 aide. Il se comportait comme s'il était le grand libérateur et n'arrêtait
22 pas de célébrer cet événement.
23 M Waespi (interprétation). - Pouvons-nous revenir à ce qui est arrivé à
24 votre mari ? Vous avez dit qu'il était allongé sur une civière, devant le
25 bus. Avez-vous eu, à ce moment-là, une conversation avec M. Sljivancanin,
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1 conversation qui portait sur votre mari ?
2 Mme Dosen (interprétation). - Oui, étant donné que mon mari avait très
3 peur de ce qui allait arriver à notre fille qui avait 14 ans... Nous
4 étions toutes les deux là, toutes seules, et il ne pouvait pas nous aider.
5 Il m'a alors demandé d'essayer de faire quelque chose. J'ai compris que
6 les gens de Vukovar ne pouvaient pas nous aider. J'ai alors dit à mon
7 mari : "Je vais aller voir le major et je vais lui demander ce que nous
8 faisons là, moi et ma fille". C'est ce que nous avons fait. Nous sommes
9 allées le voir. Il se tenait près de l'autre bus et je lui ai dit :
10 "Excusez
11 moi, permettez-vous que je vous pose une question ?" Il m'a dit : "Je vous
12 en prie." Je lui ai dit : "Je ne comprends pas ce que nous faisons ici, ma
13 fille et moi. Il n'y aucune autre femme, aucun autre enfant ici". Il m'a
14 dit : "Vous avez été arrêtés ?" J'ai répondu : "Non, je croyais que
15 c'était un convoi qui allait nous emmener hors de Vukovar". Il a dit :
16 "Mais que faites-vous ici alors ?" J'ai répondu : "Je suis là parce que
17 mon mari est là". Il m'a dit : "Où est votre mari ?" Je lui indiqué mon
18 mari, qui était à côté du bus. Il m'a dit : "Qui est-ce ?" J'ai dit :
19 "C'est Martin Dosen". Il a répondu : "Ah ! Dosen ! Alors pourquoi n'est-il
20 pas dans le bus ?" J'ai dit : "Mais il ne peut pas monter dans le bus, il
21 est immobilisé, il est sur cette civière".
22 Il m'a regardé, s'est étonné et a dit à deux soldats d'aller s'occuper de
23 mon mari et de le remmener vers l'hôpital. Il nous a dit qu'il fallait que
24 nous le suivions. Tandis que nous marchions, je lui ai dit : "Excusez-moi,
25 mais que faire des affaires de mon mari ?" Comme il était à l'hôpital,
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1 qu'il avait des appareils médicaux, je ne savais pas ce qu'il pouvait
2 porter, à part ce pullover, et je pensais qu'il allait avoir froid. Je
3 pensais que si nous arrivions à Zagreb ou à un autre endroit, je pourrais
4 lui donner des vêtements, qu'il puisse se changer. Il avait un sac avec
5 des affaires à l'intérieur.
6 Le major m'a regardé et il m'a dit : "De quoi a-t-il besoin, pourquoi
7 aurait-il besoin de cela ?" Cela m'a surpris. Je me suis demandé pourquoi
8 il demandait ça et j'ai dit : "Excusez-moi ?" Il a sans doute compris que,
9 par sa question, il m'avait fait comprendre que mon mari n'aurait plus
10 jamais besoin de ce genre d'affaires. Il s'est donc repris et m'a dit :
11 "Mais qui va porter ces affaires ?" J'ai dit : "Si personne ne va les
12 porter, moi je vais les porter". J'ai poussé ma fille devant moi et je lui
13 ai dit de continuer car je voulais qu'elle rejoigne le groupe des femmes
14 et des enfants.
15 Mon mari n'arrêtait pas de nous dire qu'il fallait se trouver là où tous
16 les autres se trouvaient, qu'il fallait être toujours rassemblés. Il avait
17 très peur que nous soyons tués si nous nous distinguions. Il avait
18 particulièrement peur pour Tanja.
19 Je l'ai donc poussée vers ce groupe de femmes et d'enfants, vers la
20 gauche. Ceci dit, ils n'ont pas ramené Martin à l'hôpital. Ils l'ont
21 laissé là, juste à l'entrée de l'hôpital. Parce que les patients qui
22 étaient immobilisé, qui étaient sur des civières ou qui étaient si
23 gravement blessés qu'ils ne pouvaient plus marcher, des camions militaires
24 venaient pour les emporter, pour autant que j'ai pu voir ce qui passait,
25 parce que j'ai dû, à un moment, me pencher pour recouvrir mon mari d'une
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1 couverture. Je lui ai passé la main sur le visage et je lui ai dit :
2 "Prends bien soin de toi". Nous, nous sommes partis. C'est à ce moment-là
3 que les camions militaires les ont emmenés.
4 M. Waespi (interprétation). - Vous avez dit que vous avez quitté votre
5 mari. Juste avant de le quitter, avez-vous demandé à Slijivancanin où ce
6 bus, notamment ce bus militaire dont vous nous avez parlé précédemment, se
7 rendait ?
8 Mme Dosen (interprétation). - Oui, tandis que nous parlions de tout cela,
9 j'ai moi-même compris qu'on était en train de préparer une espèce
10 d'exécution. Surtout parce que j'avais vu ce bus militaire. J'ai entendu
11 des gens dire que c'était un bus qui emmenait des gens pour les liquider.
12 J'ai demandé au Major : "Excusez-moi, mais pouvez-vous me dire où vont ces
13 bus ?". Il m'a répondu : "Quel bus ? Quel est le bus qui vous intéresse ?"
14 J'ai répondu : "Toute ma famille se trouve dans le bus militaire, c'est
15 donc celui-là qui m'intéresse. Parce que j'ai vu qu'il y avait des soldats
16 qui se tenaient autour du bus, qui le surveillaient en fait". Le major m'a
17 répondu : "Ah, ce bus ! Il ne va pas très loin. Parce que les gens qui se
18 trouvent dans ce bus-ci disparaîtront dans l'obscurité, et ce en plein
19 jour".
20 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous revu l'une quelconque de ces
21 personnes que vous avez vu monter dans ce bus ?
22 Mme Dosen (interprétation). - Je n'ai jamais revu l'une de ces personnes
23 et ce malgré notre espoir qu'elles se trouvent en détention quelque part.
24 Dans ce convoi, il y avait 74 blessés qu'ils voulaient emmener à
25 Mitrovica. Mais nous, les femmes et les enfants, nous
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1 nous sommes mobilisés contre cela.
2 Donc il nous ont d'abord emmenés dans une infirmerie où nous avons passé
3 la nuit et ils nous ont emmenés le lendemain matin. Là encore, nous
4 refusions de nous déplacer si les blessés n'étaient pas avec nous. Ils
5 nous ont dit que nous ne pouvions pas aller en Croatie, qu'elle ne voulait
6 pas de nous. Ils nous ont dit qu'il fallait passer par Orasije et que le
7 pont d'Orasije avait été détruit et que les bus ne pouvaient plus passer.
8 Nous les femmes, nous avons dit : "Eh bien, tant pis ! Nous, nous allons
9 transporter ces blessés, nous ne les laisserons pas là, à l'infirmerie"
10 Nous avons attendu encore une heure ou deux, et les blessés ont été
11 emmenés dans le convoi. Ce sont les seules personnes que nous ayons pu
12 emmener de l'hôpital de Vukovar.
13 M. Waespi (interprétation). - Je n'ai plus que quelques questions à vous
14 poser, Madame. Vous venez de dire que vous étiez partis avec ces blessés
15 dans un convoi. Savez-vous à quelle heure ce convoi a quitté l'hôpital de
16 Vukovar ?
17 Mme Dosen (interprétation). - Nous pensions qu'au matin vers 8 heures,
18 nous allions partir comme ils l'avaient dit. Mais par la suite, nous avons
19 compris qu'ils disposaient de leur propre liste et c'est sur la base de
20 celle-ci qu'ils emmenaient toutes les personnes, tous les hommes, tous les
21 blessés de l'hôpital. Parce que les représentants de la Communauté
22 européenne n'étaient toujours pas arrivés à l'hôpital Ces blessés ne
23 figuraient sur aucun registre. Les observateurs de la Communauté
24 européenne ne sont arrivés que vers 11 heures.
25 C'est à ce moment qu'ils ont commencé à prendre le nom des autres blessés
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1 qui se trouvaient dans l'hôpital et qui ont été évacués avec nous. Nous
2 avons dû partir un peu après 11 heures. Nous sommes passés par le centre-
3 ville parce qu'ils nous ont dit qu'il fallait que nous allions à
4 Velepromet. A partir de Velepromet, nous sommes partis vers Bogdanovci,
5 ensuite vers Vinkovci. Cela, c'était l'accord passé entre le Dr Bosanac,
6 la Mission de la Communauté européenne et les libérateurs.
7 Mais lorsque que nous sommes arrivés à Velepromet, ils nous ont dit que
8 nous ne pouvions plus passer par Bogdanovci, que des mines y avaient été
9 apparemment placées et qu'ils ne pouvaient pas être responsables de ce qui
10 nous arrivait.
11 Ils nous ont dit que la Croatie ne voulait pas de nous mais qu'ils
12 allaient nous faire passer par Negoslavci, nous faire passer par Mitrovica
13 et nous faire arriver en Serbie. Nous leur avons dit que nous n'avions
14 rien à faire en Serbie, que nous voulions aller en Croatie, à Zagreb ou en
15 un quelconque autre endroit, mais pas en Serbie. Mais eux, bien sûr, ils
16 avaient leur propre projet.
17 Nous avons compris qu'ils voulaient aussi ces 74 blessés. C'est pour cela
18 qu'ils nous ont amenés à Mitrovica. Parce que la plupart des nôtres ont
19 fini par arriver à Mitrovica et dans tout le secteur, mais pour ce qui est
20 de ces quatre bus, nous n'avons jamais revu l'une quelconque de ces
21 personnes qui s'y trouvaient. Ce n'est qu'à Ovcara qu'on a pu les
22 retrouver et c'est là que ce massacre atroce a eu lieu. C'est une honte.
23 Peut-être pourrais-je leur pardonner, si mon mari avait été armé et si ce
24 Serbe avait eu une arme entre les mains et s'ils avaient tiré les uns sur
25 les autres. Mais tuer des blessés qui sont sans défense, qui ne sont pas
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1 armés, c'est atroce, c'est un crime qu'il faut punir et, au nom de mon
2 mari, au nom de ma mère, au nom de mes enfants, je vous supplie, il faut
3 punir ces hommes.
4 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup, Madame Dosen. Pour conclure
5 mon interrogatoire, je souhaiterais vous montrer une photo de l'hôpital et
6 des alentours de l'hôpital, et aussi je vais vous demander de montrer des
7 sites très brièvement sur ces photos -il s'agira de la pièce à conviction
8 de l'accusation n° 8-, c'est une série de photographies de l'hôpital de
9 Vukovar. Avec l'aide de l'huissier, s'il vous plaît.
10 Veuillez montrer au témoin la photographie n° 5. Le n° 5, puis-je
11 regarder ? Oui, c'est la bonne. Merci. Pourriez-vous nous montrer où se
12 trouve l'entrée ou la sortie de l'hôpital
13 où on vous a emmenés vous et votre mari sur une civière ?
14 Mme Dosen (interprétation). - Le matin du 20 novembre...
15 M. Waespi (interprétation). - Oui, veuillez montrer avec le pointeur.
16 Mme Dosen (interprétation). - La sortie se trouve ici, sous cette partie,
17 c'est par là qu'on sort de l'hôpital. On prend ce chemin, à gauche, la
18 sortie principale est par ici. Ici se trouvaient des femmes, des enfants
19 et des civils. Ici, c'est le passage par lequel nous sommes passés. Et à
20 gauche, à droite se trouvaient des soldats, nous passions sous cette haie,
21 jusqu'à la rue qui se trouve derrière l'hôpital. Ici, derrière l'hôpital,
22 dans la rue, ils avaient placé les autobus. Ici, il y avait les deux
23 autobus civils, un autobus militaire, encore un bus civil et ici, derrière
24 ces maisons-là, se trouvaient des camions.
25 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup, Madame Dosen. Ceci est la
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1 fin de mon interrogatoire, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
2 Juges.
3 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, si je vais quand même
4 être amené à poser quelques questions, c'est que je viens d'avoir une
5 déclaration faite par un enfant, ici, à La Haye.
6 Je suis tout à fait désolé de tout ce qui vous est arrivé. Je ne voulais
7 pas vous poser de questions, mais simplement vous présenter mes
8 condoléances. Je voudrais savoir : avez-vous vu Mme Zera Katica alors que
9 vous attendiez avant d'être emmenée en autobus ?
10 Mme Dosen (interprétation). - Je ne connais pas personnellement
11 Mme Katica Zera, je n'avais pas de contacts avec elle auparavant.
12 Maintenant, je la connais, mais à l'époque il y avait tellement de
13 personnes à l'hôpital que peut-être nous nous croisions parfois mais, tout
14 simplement, je ne connaissais pas son prénom ni son nom.
15 M. Fila (interprétation). - Expliquez-moi quelque chose concernant le
16 temps. Quant vous êtes sortie de l'hôpital, combien de temps avez-vous
17 passé avant de monter dans l'autobus avec les autres femmes et enfants ?
18 Mme Dosen (interprétation). - Je suis sortie de l'hôpital vers 8 heures du
19 matin et tout ce qui s'est passé s'est passé en l'espace d'environ une
20 heure et demie à deux heures derrière l'hôpital de Vukovar. Ensuite, je
21 suis rentrée dans le groupe des femmes, des enfants et des civils qui
22 étaient à l'hôpital. Nous sommes tous sortis par la sortie principale. Il
23 y avait le convoi organisé par les observateurs européens. Nous sommes
24 partis avec eux. Il était environ 11 heures.
25 M. Fila (interprétation). - Merci. C’est tout, Monsieur le Président.
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1 M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur Fila. D’autres
2 questions ? Non.
3 Madame Dosen, merci beaucoup d’être venue. Vous pouvez vous retirer
4 définitivement maintenant.
5 Mme Dosen (interprétation). - Merci à vous aussi.
6 (Le témoin quitte la salle d’audience.)
7 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, j’appelle
8 Tanja Dosen à la barre.
9 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
10 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Veuillez prononcer la
11 déclaration solennelle, s’il vous plaît.
12 Mlle Dosen (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez vous asseoir.
15 M. Niemann (interprétation). - Votre nom est-il Tanja Dosen ?
16 Mlle Dosen (interprétation). - Oui.
17 M. Niemann (interprétation). - Quand êtes-vous née ?
18 Mlle Dosen (interprétation). - Le 19 janvier 1977.
19 M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous que, le
20 6 septembre 1995, M. Milner, du Bureau du Procureur, est venu vous voir et
21 a pris votre déclaration concernant les événements qui se sont passés à
22 Vukovar en 1991 ?
23 Mlle Dosen (interprétation). - Oui, je m’en souviens.
24 M. Niemann (interprétation). - Vous rappelez-vous que la déclaration a été
25 faite en anglais et qu’ensuite elle vous a été retraduite en croate ?
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1 Mlle Dosen (interprétation). - Oui.
2 M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous qu’à l’époque, on vous a
3 demandé d’apposer votre signature en bas de chaque page ?
4 Mlle Dosen (interprétation). - Oui.
5 M. Niemann (interprétation). - Veuillez examiner le document que je vous
6 montre maintenant.
7 (Le témoin s’exécute.)
8 On pourrait peut-être lui attribuer la cote de la pièce suivante. Il n’y a
9 pas de traduction en croate.
10 M. le Greffier (interprétation). - C’est le numéro 63.
11 M. Niemann (interprétation). - Voyez-vous votre signature en bas de chaque
12 page ?
13 Mlle Dosen (interprétation). - Oui.
14 M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement au dossier de ce
15 document, s’il vous plaît.
16 M. le Président (interprétation). - Monsieur Fila, y a-t-il des
17 objections ?
18 M. Fila (interprétation). - Non, Monsieur le Président.
19 M. le Président (interprétation). - Merci.
20 M. Niemann (interprétation). - Mademoiselle Dosen, où avez-vous grandi et
21 vécu avant 1991 ?
22 Mlle Dosen (interprétation). - A Vukovar.
23 M. Niemann (interprétation). - Y avez-vous vécu avec vos parents ?
24 Mlle Dosen (interprétation) - Oui.
25 M. Niemann (interprétation). - Comment s'appelaient vos parents ?
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1 Mlle Dosen (interprétation) - Martin Dosen et Ljubica Dosen.
2 M. Niemann (interprétation). - En 1991, je suppose que vous aviez environ
3 14 ans et demi ?
4 Mlle Dosen (interprétation) - Oui. En janvier 1995, j'ai eu 15 ans.
5 M. Niemann (interprétation). - Effectivement, vous étiez très jeune. Vous
6 souvenez-vous quand même bien ce qui s'est passé à Vukovar vers la fin de
7 l'année 1991 ?
8 Mlle Dosen (interprétation) - Oui, je m'en souviens très bien.
9 M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous à Vukovar pendant le siège ?
10 Mlle Dosen (interprétation) - Oui.
11 M. Niemann (interprétation). - Y étiez-vous avec votre mère et votre père
12 à l'époque ?
13 Mlle Dosen (interprétation) - Oui.
14 M. Niemann (interprétation). - Dans la deuxième partie de novembre 1991,
15 est-ce que votre père vous a laissées derrière, vous et votre mère ?
16 Mlle Dosen (interprétation) - Oui, parce qu'il a été blessé. Il a été
17 amené à l'hôpital de Vukovar.
18 M. Niemann (interprétation). - On vient de me dire -je ne sais pas si cela
19 vient de vous ou bien des interprètes qui ont fait une erreur- que vous
20 aviez 15 ans en 1995, je suppose que vous parliez de 1992.
21 Mlle Dosen (interprétation) - Excusez-moi. Effectivement c'était en 1992.
22 M. Niemann (interprétation). - Merci. Pouvez-vous nous dire comment s'est
23 produit cette séparation entre votre famille et votre père, vers la fin
24 novembre 1991 ?
25 Mlle Dosen (interprétation) - Après avoir été blessé la première fois, il
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1 a été hospitalisé pendant très peu de temps. Il est revenu à la maison,
2 étant donné qu'il n'y avait pas suffisamment de place à l'hôpital, que
3 celui-ci avait été incendié. Il ne pouvait pas marcher, il se servait
4 surtout de sa main gauche. Il a essayé de descendre en utilisant une
5 corde. Il est tombé et s'est blessé à la colonne vertébrale. Il a donc été
6 remmené à l'hôpital.
7 M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous de la date approximative
8 à laquelle il est allé à l'hôpital ?
9 Mlle Dosen (interprétation) - C'était environ le 14 ou le 15 novembre
10 1991, cinq ou six jours avant la chute de Vukovar.
11 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous allé à l'hôpital avec votre père
12 et votre mère ?
13 Mlle Dosen (interprétation) - Non, ma mère et moi-même nous sommes restés
14 sur place. Mon père a été amené par quelques personnes qui étaient devant
15 le bâtiment.
16 M. Niemann (interprétation). - Je vois. Et après, vous êtes allée à
17 l'hôpital. Quand cela s'est-il passé ?
18 Mlle Dosen (interprétation) - Nous y sommes allées plus tard, quand le
19 pilonnage s'est calmé. Ma mère et moi-même sommes allées à l'hôpital, mais
20 on ne voulait pas me laisser entrer. On ne voulait pas me dire qu'il ne
21 pouvait pas se déplacer. J'ai donc dû rentrer à la maison tandis que ma
22 mère est restée.
23 M. Niemann (interprétation). - Merci. Par la suite, êtes-vous allée vous-
24 même à l'hôpital ?
25 Mlle Dosen (interprétation) - Le père a dit à la mère qu'on préparait
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1 l'évacuation de l'hôpital de Vukovar et qu'elle devait revenir à la maison
2 pour qu'on aille à l'hôpital toutes les deux. Effectivement, le 19, nous
3 sommes allées à l'hôpital.
4 M. Niemann (interprétation). - Où êtes-vous restées lorsque vous êtes
5 arrivées à l'hôpital ?
6 Mlle Dosen (interprétation) - Tout d'abord, nous étions près de mon père,
7 mais étant donné qu'il n'y avait pas de place où dormir là-bas, ils nous
8 ont envoyées à l'étage, au-dessus de la cave. Mon père ne voulait pas que
9 la mère le quitte. J'y suis donc allée avec ma grand-mère.
10 M. Niemann (interprétation). - Où êtes-vous restée avec votre grand-mère ?
11 Mlle Dosen (interprétation) - Au rez-de-chaussée, au-dessus de la cave, du
12 sous-sol.
13 M. Niemann (interprétation). - Vous êtes restée combien de temps avec
14 votre grand-mère ?
15 Mlle Dosen (interprétation) - J'ai passé la nuit là-bas. Ensuite, le
16 Dr Bosanac est
17 venue dire que nous ne pouvions plus rester là, qu'il y aurait une
18 évacuation et que ceux qui le souhaitaient pouvaient aller à Velepromet,
19 qu'un convoi devait aller en Croatie. Mais ensuite, ma mère est arrivée en
20 disant que je ne devais pas partir parce que le père ne le souhaitait pas.
21 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait alors ?
22 Mlle Dosen (interprétation) - Je suis allée chez mon père. Nous attendions
23 de voir ce qui allait nous arriver. Mon père était immobilisé. Il voulait
24 que ma mère et moi nous occupions de lui étant donné qu'il n'y avait pas
25 suffisamment de personnel médical.
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1 M. Niemann (interprétation). - Est-ce ce que vous avez fait ?
2 Mlle Dosen (interprétation) - Oui.
3 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
4 Mlle Dosen (interprétation) - Le jour suivant, l'Armée yougoslave est
5 entrée à l'hôpital, ainsi que leurs réservistes. Je veux parler des Serbes
6 qui vivaient à Vukovar.
7 M. Niemann (interprétation). - Comment faisiez-vous la distinction entre
8 l'Armée yougoslave et les réservistes ?
9 Mlle Dosen (interprétation) - L'Armée yougoslave était surtout constituée
10 de jeunes. Ils portaient une étoile rouge sur leur couvre-chef, alors que
11 les réservistes étaient mal rasés, ils étaient barbus, ils avaient l'air
12 négligé et portaient des insignes avec les quatre "C" et des cocardes.
13 M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous quelle était la date,
14 lorsque les soldats de la JNA et les réservistes sont venus ?
15 Mlle Dosen (interprétation) - Le 19 novembre 1991.
16 M. Niemann (interprétation). - Qu'ont-ils fait lorsqu'ils sont venus à
17 l'hôpital ?
18 Mlle Dosen (interprétation) - Ils sont entrés dans l'hôpital, ils ont
19 d'abord regardé pour voir qui se trouvait là. Ensuite, ils se sont
20 promenés dans l'hôpital. Ils donnaient des cigarettes à certaines
21 personnes, quelquefois ils provoquaient des gens. Surtout les réservistes,
22 non pas tellement les soldats de la JNA.
23 Ensuite, deux soldats se sont mis à l'entrée et n'ont plus laissé personne
24 entrer à l'intérieur. En ce qui concerne ce qui se passait à l'hôpital,
25 j'étais dans la pièce, mais on ne voyait plus de soldats. Il y avait des
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1 soldats devant la porte, mais la porte était fermée. Nous ne pouvions rien
2 voir.
3 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
4 Mlle Dosen (interprétation) - Le 20 novembre au matin, un soldat est entré
5 dans l'hôpital. Il avait une liste, il faisait l'appel des noms des
6 personnes blessées qui étaient à l'hôpital. Il fallait que ces personnes
7 sortent à l'extérieur. Etant donné que mon père était immobilisé, il était
8 le premier sur la liste, mais il ne pouvait pas sortir. Il fallait
9 attendre la civière pour qu'il puisse être transporté dehors.
10 M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment, vous étiez ensemble
11 avec votre père ?
12 Mlle Dosen (interprétation) - Oui.
13 M. Niemann (interprétation). - Et votre mère y était, elle aussi ?
14 Mlle Dosen (interprétation) - Oui, elle aussi était là avec nous.
15 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
16 Mlle Dosen (interprétation) - Deux infirmières sont arrivées. Elles
17 devaient transporter mon père. Mais il était assez lourd et elles n'y
18 arrivaient pas. Deux soldats sont donc arrivés et l'ont porté jusqu'à la
19 sortie, près de la route. Ils l'ont mis par terre, près du troisième
20 autobus. C'était un bus militaire. Ils l'ont laissé là. Nous étions là,
21 nous voulions voir ce qui allait se passer.
22 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
23 Mlle Dosen (interprétation) - J'ai vu que des autobus conduisaient les
24 personnes. On faisait monter le maximum de personnes à l'intérieur. Quant
25 au troisième autobus, c'était un
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1 autobus militaire. On n'y mettait que des personnes arrêtées.
2 M. Niemann (interprétation). - En ce qui concerne ces personnes qui
3 étaient amenées dans les bus, les connaissiez-vous ? Connaissiez-vous
4 leurs noms ?
5 Mlle Dosen (interprétation) - Oui, il y avait plusieurs membres de ma
6 famille, deux frères de mon père, deux cousins, ma tante.
7 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous me dire les noms de ces
8 personnes ?
9 Mlle Dosen (interprétation) - Ivan Dosen, Tadija Dosen, Zvonko Vulic,
10 Josip Kozul, Sisina Glavasevic, Martin Jakubovski Dosen,
11 Ruzica Markobasic.
12 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
13 Mlle Dosen (interprétation) - Pendant que nous étions là, ma mère a posé
14 la question à un soldat et a demandé où partaient ces autobus. Lui a
15 répondu qu'il ne savait pas. Etant donné que mon père était pratiquement
16 nu, ma mère lui a demandé pourquoi on ne l'amenait pas ailleurs, parce
17 qu'il avait froid. Un soldat a dit que la civière ne pouvait pas entrer
18 dans l'autobus. Ils ont dit qu'ils allaient faire venir un camion. Le
19 Major Sljivancanin a donné l'ordre d'y amener un camion.
20 M. Niemann (interprétation). - Vous avez mentionné le Major Sljivancanin.
21 Comment savez-vous que c'était lui ?
22 Mlle Dosen (interprétation). - Quand l'Armée yougoslave est entrée dans
23 l'hôpital de Vukovar, le Major Sljivancanin est venu jusqu'à la porte de
24 la salle où nous étions. Il s'est présenté.
25 M. Niemann (interprétation). - Merci.
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1 Vous étiez sur place quand il l'a fait ?
2 Mlle Dosen (interprétation). - Oui, étant donné que le lit de mon père
3 était juste à côté la porte.
4 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
5 Mlle Dosen (interprétation). - Ils ont d'abord fait venir ma tante qui
6 était enceinte. Ils l'ont faite venir jusqu'au troisième autobus. Ils ont
7 commencé à la fouiller. Ils ont sorti ses affaires de son sac. Un soldat
8 l'a faite entrer dans l'autobus. Il m'a mis quelque chose dans la main. Il
9 a mis quelque chose dans la main de ma mère. Elle a regardé et a vu que
10 c'était de l'argent. Elle a dit : "Mais pourquoi me donnez-vous cet
11 argent-là ?" Le soldat a répondu : "Peut-être en aurez-vous besoin, alors
12 qu'elle n'aura plus jamais besoin de cela".
13 M. Niemann (interprétation). - Quel était le nom de votre tante ?
14 Mlle Dosen (interprétation). - Ruzica Markobasic.
15 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
16 Mlle Dosen (interprétation). - Deux soldats ont emmené Martin Jakubovski
17 devant le troisième bus. Il leur disait quelque chose. Je n'ai pas bien
18 entendu de quoi il s'agissait. J'ai simplement posé la question de savoir
19 ce qui se passait. Il m'a répondu tout simplement qu'il fallait que je me
20 calme, que tout allait bien. Lui aussi, on l'a fait monter dans le
21 troisième autobus.
22 M. Niemann (interprétation). - Veuillez examiner la photo que je vais vous
23 montrer et veuillez la placer sur le rétroprojecteur à côté.
24 Pourriez-vous examiner cette photo ? Reconnaissez-vous cette photo ?
25 Mlle Dosen (interprétation). - Oui. C'est le fils de ma tante,
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1 Martin Jakubovski. Lui aussi, on l'a emmené dans le troisième bus. Il a
2 été identifié à Ovcara.
3 M. Niemann (interprétation). - C'est celui qui vous a parlé lorsque que
4 vous étiez devant l'hôpital ? C'est lui que vous venez de mentionner ?
5 Mlle Dosen (interprétation). - Oui.
6 M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement au dossier.
7 M. le Greffier. (interprétation). - Il s'agira de la pièce à
8 conviction 64.
9 M. Niemann (interprétation). - Après que Martin Jakubovski vous a parlé,
10 que
11 s'est-il passé ?
12 Mlle Dosen (interprétation). - Ma mère est allée jusqu'au
13 Major Sljivancanin et lui a posé la question de savoir pourquoi on ne
14 conduisait pas mon père ailleurs. Il a donné l'ordre aux soldats de
15 prendre une civière et de le transporter jusqu'au camion, puisque la
16 civière ne pouvait pas entrer dans l'autobus. Ma mère a dit : "Allez-vous
17 prendre ses affaires ?" Il a répondu : "Mais il n'aura pas besoin de ses
18 affaires". Ensuite, je suppose qu'il a compris ce qu'il a dit. Il s'est
19 tourné vers ma mère en lui disant : "Qui va s'occuper de ses affaires ?"
20 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
21 Mlle Dosen (interprétation). - Ils l'ont mis par terre. Il n'y avait pas
22 encore de camion. Le Major Sljivancanin m'a dit et a dit à ma mère d'aller
23 rejoindre le groupe des femmes et des enfants. Nous ne l'avons plus jamais
24 revu.
25 M. Niemann (interprétation). - Votre père a-t-il dit quelque chose pendant
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1 que cela se passait ?
2 Mlle Dosen (interprétation). - Pendant que nous étions devant le bus, mon
3 père a dit à ma mère d'aller voir ce qui se passait. Ensuite, il a retiré
4 sa montre et l'a donnée à ma mère, alors qu'il m'avait déjà donné sa
5 chaîne le 18 novembre, à l'hôpital de Vukovar.
6 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
7 Mlle Dosen (interprétation). - Ensuite, lorsque nous avons rejoint le
8 groupe des femmes et des enfants, nous sommes restés pendant un certain
9 temps devant l'entrée principale de l'hôpital. Puis il nous a dit de
10 monter à bord des autobus car l'évacuation allait commencer.
11 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes montées dans les autobus,
12 où êtes-vous allées ?
13 Mlle Dosen (interprétation). - Nous sommes passés par le centre-ville.
14 Nous sommes arrivés jusqu'à Velepromet. Nous y sommes restés environ
15 15 minutes. On nous a emmenés ensuite à Negoslavci où nous avons passé peu
16 de temps. Ensuite, finalement, ils nous
17 ont emmenés à Sremska Mitrovica où nous avons passé quelques jours.
18 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé après les quelques jours
19 que vous avez passés à Mitrovica ?
20 Mlle Dosen (interprétation). - Nous sommes allés en Croatie. Nous sommes
21 allés à Djakovo où nous avons passé quelques heures. Ensuite, nous sommes
22 allés à Djurdjevac où nous avons passé la nuit. Puis, ma mère et moi
23 sommes arrivées à Zagreb.
24 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous revu votre père depuis ?
25 Mlle Dosen (interprétation). - Je ne l'ai plus jamais revu et je n'ai plus
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1 jamais entendu parler de lui non plus.
2 M. Niemann (interprétation). - Et votre cousin Martin Jakubovski Dosen,
3 avez-vous entendu quelque chose à son sujet ?
4 Mlle Dosen (interprétation). - Seulement au moment où il a été enterré,
5 après son identification à Ovcara.
6 M. Niemann (interprétation). - Qu'en est-il de votre tante ?
7 Mlle Dosen (interprétation) - Elle n'a pas encore été retrouvée ni
8 identifiée.
9 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions; Monsieur le
10 Président.
11 M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?
12 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais d'abord
13 présenter mes condoléances pour cette tragédie et j'aimerais demander
14 uniquement au témoin de répondre à quelques questions au sujet de l'heure.
15 Quand vous êtes sortie devant l'hôpital, y avait-il d'autres personnes,
16 des femmes, des enfants ? Quelle heure était-il ?
17 Mlle Dosen (interprétation) - Nous sommes sortis tôt le matin, je ne
18 pourrais pas vous dire exactement à quelle heure, mais je crois qu'il
19 était environ 7 heures; parce que la communauté européenne n'est arrivée
20 qu'aux alentours de 11 heures. Je le sais avec précision
21 puisque j'avais une montre au poignet. Quand je suis montée dans
22 l'autobus, j'ai regardé quelle heure il était.
23 M. Fila (interprétation). - Et il était 11 heures ?
24 Mlle Dosen (interprétation) - Oui.
25 M. Fila (interprétation). - Dernière question : à quelle heure avez-vous
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1 vu pour la dernière fois le Major Sljivancanin ?
2 Mlle Dosen (interprétation) - Je ne sais pas exactement quelle heure il
3 était, je sais seulement que c'était le 19 novembre, au début de la
4 soirée.
5 M. Fila (interprétation). - Je vous pose la question au sujet du 20. Quand
6 l'avez-vous vu pour la première fois ? Vous êtes sortie à 7 heures ?
7 Mlle Dosen (interprétation) - Oui, nous sommes sortis aux environs de
8 7 heures.
9 M. Fila (interprétation). - Quand l'avez-vous vu ?
10 Mlle Dosen (interprétation) - Combien de temps a-t-il fallu pour aller de
11 la cave jusqu'à la rue ? Peut-être 10 ou 15 minutes. Nous sommes restés
12 dehors pendant 10 ou 15 minutes. A ce moment-là, ma mère lui a parlé.
13 M. Fila (interprétation). - C'était donc à peu près une demi-heure ?
14 Mlle Dosen (interprétation) - Oui, à peu près, cela devait donc être aux
15 alentours de 7 heures 30.
16 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Je vous prie encore de
17 m'excuser pour les questions que je vous ai posées.
18 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Y a-t-il des
19 objections à ce que le témoin soit libéré ?
20 M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection.
21 M. le Président (interprétation). - Mademoiselle, merci d'être venue pour
22 témoigner ici. Vous pouvez maintenant vous retirer, Mademoiselle Dose
23 (Le témoin quitte la salle d'audience.)
24 M. le Président (interprétation). - Je me demande si le Procureur estime
25 que nous pouvons entendre un autre témoin avant le déjeuner.
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1 M. Niemann (interprétation). - Je ne suis pas sûr, Monsieur le Président,
2 qu'un témoin soit disponible. Mais je peux bien entendu appeler le
3 prochain témoin. S’il est disponible nous pouvons commencer son
4 interrogatoire. Cela étant, il est possible que le témoin ne soit pas ici,
5 Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation). - Pendant que nous attendons l'arrivée
7 du témoin, j'aimerais poser la question suivante aux deux parties. Vous
8 serait-il possible de fournir aux juges, quand vous le pourrez, un
9 exemplaire, si possible en anglais, de quelque accord international conclu
10 par la République de Croatie entre le mois de juin et de décembre 1991 ?
11 Si l'une ou l’autre des parties connaît l’existence d'un accord de ce
12 genre, ce serait très utile pour les juges.
13 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous nous
14 renseignerons et nous ferons ce que vous avez demandé.
15 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.
16 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, quand vous parlez
17 d’accord, entendez-vous également par là un accord éventuel avec la
18 Yougoslavie ou bien d’autres Etats ?
19 M. le Président (interprétation). - Toute forme d’accord international,
20 pas seulement avec la Yougoslavie. On nous a déjà donné le texte d’un
21 accord.
22 M. Fila (interprétation). - Oui, le texte de l’accord avec la Yougoslavie,
23 je vous l’ai déjà donné.
24 M. le Président. - Oui.
25 Madame Katica Zera, témoin, est introduite dans le prétoire.)
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1 M. le Président. - J’aimerais demander au témoin de prononcer la
2 déclaration
3
4 Mme Zera (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.
7 Mme Zera (interprétation). - Merci.
8 M. Niemann (interprétation). - Je vous prierai, Madame, de décliner votre
9 identité complète.
10 Mme Zera (interprétation). - Katica Zera.
11 M. Niemann (interprétation). - Madame Zera, si à quelque moment que ce
12 soit vous voulez boire un peu d’eau, vous avez un verre devant vous.
13 Mme Zera (interprétation). - Merci.
14 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous nous dire votre date de
15 naissance ?
16 Mme Zera (interprétation). - Le 20 novembre 1960.
17 M. Niemann (interprétation). - Madame Zera, pourriez-vous parler plus près
18 du micro ? Je sais que c’est un peu difficile, mais ce serait mieux.
19 Mme Zera (interprétation). - Dois-je répéter ?
20 M. Niemann (interprétation). - Oui, je vous en prie.
21 Mme Zera (interprétation). - Le 20 novembre 1960.
22 M. Niemann (interprétation). - Où êtes-vous née ?
23 Mme Zera (interprétation). - A Bodjani, en Vojvodine.
24 M. Niemann (interprétation). - Où avez-vous passé la majeure partie de
25 votre vie adulte ?
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1 Mme Zera (interprétation). - A Vukovar.
2 M. Niemann (interprétation). - Pendant votre séjour à Vukovar, avant 1991
3 étiez
4 vous mariée ?
5 Mme Zera (interprétation). - Oui.
6 M. Niemann (interprétation). - Comment s’appelait votre mari ?
7 Mme Zera (interprétation). - Mihailo Zera.
8 M. Niemann (interprétation). - Quel était son métier ?
9 Mme Zera (interprétation). - Chauffeur professionnel.
10 M. Niemann (interprétation). - Pour qui était-il chauffeur ?
11 Mme Zera (interprétation). - Pour l’entreprise Cazmatrams. Pendant la
12 guerre, comme il était impossible de sortir de Vukovar, il est resté dans
13 la ville. L’hôpital avait besoin de chauffeurs. Il s’est donc présenté et
14 a obtenu ce poste.
15 M. Niemann (interprétation). - Quels genres de véhicules conduisait-il
16 pour l’hôpital ? Vous rappelez-vous ?
17 Mme Zera (interprétation). - Au début, c’était une ambulance ou une
18 camionnette, cela dépendait un peu des besoins. Ensuite, quand les
19 véhicules ont été détruits, il a conduit ceux qui restaient, y compris des
20 véhicules civils, n'importe quel véhicule.
21 M. Niemann (interprétation). - Vous-même et votre mari, avez-vous des
22 enfants ?
23 Mme Zera (interprétation). - Oui, deux enfants.
24 M. Niemann (interprétation). - De quel sexe sont vos enfants ?
25 Mme Zera (interprétation). - Un garçon et une fille.
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1 M. Niemann (interprétation). - Quelle est l’année de naissance de votre
2 fille ?
3 Mme Zera (interprétation). - 1981.
4 M. Niemann (interprétation). - Quelle est l’année de naissance de votre
5 fils ?
6 Mme Zera (interprétation). - 1978.
7 M. Niemann (interprétation). - Vous rappelez-vous la date de naissance de
8 votre mari ?
9 Mme Zera (interprétation). - Oui, le 7 août 1955.
10 M. Niemann (interprétation). - J’aimerais maintenant vous poser quelques
11 questions qui porteront sur le siège de Vukovar à partir de septembre 1991
12 et jusqu'au mois de novembre 1991. Pendant cette période où vous trouviez-
13 vous pendant le siège ?
14 Mme Zera (interprétation) - Au mois de septembre, nous sommes arrivés à
15 l'hôpital parce que je suis diabétique, je dois prendre de l'insuline. Mon
16 mari travaillait toute la nuit et la journée à l'hôpital. Il ne pouvait
17 pas s'occuper de nous. C'est pourquoi il nous a fait venir à l'hôpital.
18 Quant à la ville, elle est tombée, n'est-ce pas, à cause de la JNA.
19 Nous ne pouvions plus habiter dans notre maison, c'est pourquoi nous
20 sommes restés jusqu'au bout dans l'hôpital. A partir du mois de septembre
21 jusqu'à la chute de Vukovar.
22 M. Niemann (interprétation) - Dans quelle partie de l'hôpital habitiez-
23 vous ?
24 Mme Zera (interprétation) - Dans le vieux bâtiment, dans la cave.
25 M. Niemann (interprétation) - Pendant le séjour que vous avez fait à
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1 l'hôpital, est-ce que vous avez appris un jour qu'il y aurait une
2 évacuation des gens qui se trouvaient dans l'hôpital ?
3 Mme Zera (interprétation) - Oui. Vukovar est tombée le 17. A ce moment-là,
4 nous avons entendu qu'il y aurait une évacuation le lendemain. Elle n'a
5 pas eu lieu le lendemain mais a été reportée tous les jours jusqu'au 20.
6 M. Niemann (interprétation) - Qui vous a dit qu'il y aurait une
7 évacuation ?
8 Mme Zera (interprétation) - Mon mari.
9 M. Niemann (interprétation) - Si vous le voulez bien, nous allons remonter
10 au 18 novembre 1991. Etiez-vous encore à l'hôpital à ce moment-là ?
11 Mme Zera (interprétation) - Oui.
12 M. Niemann (interprétation) - Que s'est-il passé ? Quelque chose s'est-il
13 passé le 18 novembre ?
14 Mme Zera (interprétation) - L'armée régulière est arrivée. Et, derrière
15 elle, les autres sont arrivés aussi.
16 M. Niemann (interprétation) - Quand vous dites "l'armée régulière",
17 parlez-vous de l'armée populaire yougoslave ?
18 Mme Zera (interprétation) - Oui, oui.
19 M. Niemann (interprétation) - Comment avez-vous déterminé qu'il s'agissait
20 de l'armée populaire yougoslave quand elle est arrivée ?
21 Mme Zera (interprétation) - Les soldats étaient jeunes, soignés. Ils
22 portaient l'étoile à cinq branches sur leur calot.
23 M. Niemann (interprétation) - Je vois. Lorsqu'ils sont arrivés dans
24 l'hôpital le 18 novembre, qu'ont-ils fait ?
25 Mme Zera (interprétation) - Eh bien, ils se sont déployés un peu partout.
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1 Ils se sont mis en position debout dans les hôpitaux, je ne sais pas très
2 bien comment vous le dire. Il y en avait aussi à l'extérieur.
3 M. Niemann (interprétation) - Est-ce que quoi que ce soit de notable s'est
4 produit, outre ce fait, le 18 novembre dont vous vous souvenez ?
5 Mme Zera (interprétation) - Je me souviens que les autres, comme je l'ai
6 dit, sont arrivés aussi. Je crois qu'il s'agissait de troupes
7 paramilitaires et d'habitants de Vukovar.
8 M. Niemann (interprétation) - Qu'est-ce qui vous a fait penser que ces
9 hommes étaient des paramilitaires par opposition à des soldats de la JNA ?
10 Mme Zera (interprétation) - Ils avaient les 4 C cyrilliques sur leur
11 calot. Ils étaient débraillés, portaient la barbe, avaient les cheveux
12 longs. Certains avaient même la cocarde et étaient plus âgés.
13 M. Niemann (interprétation) - Ont-ils fait quoi que ce soit que vous ayez
14 pu voir et dont vous vous souvenez aujourd'hui ?
15 Mme Zera (interprétation) - J'ai vu qu'ils déambulaient dans les couloirs,
16 qu'ils passaient entre les rangs des patients, qu'ils les examinaient. Je
17 me rappelle même qu'ils les reconnaissaient parfois. Ils cherchaient à
18 reconnaître les gens.
19 M. Niemann (interprétation) - Bien. Que s'est-il passé ensuite après
20 l'arrivée des soldats ?
21 Mme Zera (interprétation) - Il y en avait qui entraient, d'autres qui
22 sortaient. Il y avait toujours quelqu'un.
23 M. Niemann (interprétation) - Passons, si vous le voulez bien, à la
24 matinée du 20 novembre 1991. Est-ce que, ce matin-là, vous avez vu votre
25 mari ?
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1 Mme Zera (interprétation) - Oui, je l'ai vu le matin.
2 M. Niemann (interprétation) - Que vous a-t-il dit ?
3 Mme Zera (interprétation) - Il a dit qu'il viendrait nous chercher parce
4 que nous étions dans une petite pièce dans la cave, moi, les enfants, une
5 autre femme et ses enfants. C'était une femme dont le mari était également
6 un collègue de mon mari. Ils nous ont dit de ne pas bouger, d'attendre
7 qu'ils viennent nous chercher.
8 M. Niemann (interprétation) - Comment s'appelait le collègue de votre mari
9 également chauffeur ?
10 Mme Zera (interprétation) - Iilja Sadjanin*.
11 M. Niemann (interprétation) - Et quelle heure était-il le matin lorsque
12 votre mari vous a dit cela ?
13 Mme Zera (interprétation) - Je n'avais pas de montre, je ne sais pas.
14 M. Niemann (interprétation) - Très bien. Est-ce que votre mari est revenu
15 comme prévu ?
16 Mme Zera (interprétation) - Oui. Il est revenu avec Ilija. Ils sont venus
17 nous chercher et nous sommes sortis ensemble. Nous sommes allés jusqu'à la
18 porte de sortie
19 ensemble.
20 M. Niemann (interprétation) - Lorsque vous êtes arrivée à la porte de
21 sortie, que s'est-il passé ?
22 Mme Zera (interprétation) - Le Major Sljivancanin était debout à côté de
23 la porte. Il y avait de nombreux soldats. Il nous a dit de nous séparer
24 des hommes. Les femmes devaient se mettre d'un côté avec les enfants et
25 les hommes de l'autre côté.
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1 M. Niemann (interprétation) - Comment savez-vous que c'est le
2 Major Sljivancanin qui a dit cela ?
3 Mme Zera (interprétation) - Il s'est présenté. Il a prononcé une
4 allocution au cours de laquelle il s'est présenté.
5 M. Niemann (interprétation) - Avez-vous eu une conversation avec votre
6 mari à ce moment-là ?
7 Mme Zera (interprétation) - Oui. Quand il nous a dit de nous séparer, mon
8 mari s'est arrêté. Je lui ai demandé s'il avait besoin d'argent. Il n'en a
9 pas voulu. Mais il a tenu à me souhaiter bon anniversaire ce jour-là,
10 parce que c'était mon anniversaire.
11 Nous sommes restés sur place un petit moment. Le Major Sljivancanin est
12 arrivé et a dit : "Circulez, vous ne pouvez pas rester immobile. Séparez-
13 vous".
14 M. Niemann (interprétation) - Que s'est-il passé ensuite ?
15 Mme Zera (interprétation) - Mon mari et son collègue sont allés rejoindre
16 le groupe déjà constitué. Moi, je suis encore restée quelques instants sur
17 place, je les ai regardés. Ensuite, je me suis dirigée du côté où se
18 trouvaient les femmes et les enfants. J'ai rejoint ce groupe.
19 M. Niemann (interprétation) - Avez-vous revu votre mari après cela ?
20 Mme Zera (interprétation) - Non. Plus jamais.
21 M. Niemann (interprétation) - Qu'est-il arrivé aux femmes et aux enfants ?
22 Mme Zera (interprétation) - Nous avons attendu les autobus pas mal de
23 temps, je ne peux pas dire exactement combien de temps aujourd'hui, mais
24 assez longtemps. Les autobus sont ensuite arrivés et nous avons été
25 évacués.
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1 M. Niemann (interprétation) - Le dernier jour où vous avez vu votre mari,
2 vous rappelez-vous quels vêtements il portait ?
3 Mme Zera (interprétation) - Oui.
4 M. Niemann (interprétation) - Pouvez-vous nous dire comment il était
5 habillé ?
6 Mme Zera (interprétation) - Oui. Il portait un pantalon de jogging, un
7 pull-over blanc, une blouse blanche et des baskets aux pieds.
8 M. Niemann (interprétation) - Est-ce que vous vous rappelez s'il avait des
9 tatouages sur le corps ?
10 Mme Zera (interprétation) - Oui, oui.
11 M. Niemann (interprétation) - Vous pouvez décrire les tatouages qu'il
12 avait sur le corps ?
13 Mme Zera (interprétation) - Il avait la date de son entrée à l'armée, de
14 son arrivée au service militaire. Il y avait un cœur transpercé par une
15 flèche.
16 M. Niemann (interprétation) - Vous souvenez-vous s'il s'était jamais cassé
17 la jambe ?
18 Mme Zera (interprétation) - Oui.
19 M. Niemann (interprétation) - A quel moment s'est-il cassé la jambe ?
20 Mme Zera (interprétation) - Quand il était enfant.
21 M. Niemann (interprétation) - Savez-vous si c'était la jambe gauche ou
22 droite ? Peut-être ne vous rappelez-vous pas ce détail ?
23 Mme Zera (interprétation) - Je ne me le rappelle pas personnellement, mais
24 quand j'ai fait ma déclaration, c'est sa mère qui m'a dit quelle jambe il
25 s'était cassé.
Page 992
1 M. Niemann (interprétation) - Je vais maintenant vous montrer une
2 photographie, Madame. Je demande que celle-ci soit placée sur le
3 rétroprojecteur. J'en ai un exemplaire pour Maître Fila. J'aimerais qu'on
4 lui affecte la cote suivante dans l'ordre des pièces à conviction.
5 M. le Greffier (interprétation) - N° 65.
6 M. Niemann (interprétation) - Peut-on la placer sur le rétroprojecteur ?
7 Mme Zera (interprétation) - C'est mon mari.
8 M. Niemann (interprétation) - Je demande le versement de cette
9 photographie au dossier, Monsieur le Président.
10 M. Niemann (interprétation). - Une fois que vous vous êtes trouvée séparée
11 de votre mari, les femmes et les enfants sont partis dans une direction.
12 Vous n'avez plus revu votre mari, mais où êtes-vous allée ?
13 Mme Zera (interprétation). - Nous avons été évacués en convoi. Nous avons
14 passé une nuit à Mitrovica dans une salle de sport. Après cela, nous
15 sommes allés en Croatie.
16 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous cherché à obtenir des
17 renseignements quant à ce qui était arrivé à votre mari, une fois que vous
18 êtes arrivée à Zagreb ?
19 Mme Zera (interprétation). - Oui, même en chemin, à Mitrovica, il y avait
20 des gens qui étaient allés jusqu'à la caserne et qui ensuite avaient été
21 ramenés dans notre convoi. Je parle de M. Jakub Simunovic. Je m'étais déjà
22 renseignée auprès de lui.
23 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous découvert au sujet de votre
24 mari, quand vous vous êtes renseignée ?
25 Mme Zera (interprétation). - Pas grand-chose, seulement qu'on les avait
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1 emmenés en convoi jusqu'à la caserne, dans la cour de la caserne et que,
2 de là, on les avait fait revenir à l'hôpital. Tous ceux qui sont restés
3 sont restés.
4 M. Niemann (interprétation). - C'est tout ce que vous avez découvert au
5 sujet de votre mari ? Rien d'autre jusqu'à aujourd'hui ?
6 Mme Zera (interprétation). - Effectivement, je n'ai plus rien appris
7 d'autre. A Zagreb, M. Simunovic m'a dit qu'à la caserne, il y avait eu un
8 passage à tabac.
9 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous entendu quoi que ce soit
10 d'autre ? Avez-vous cherché à vous renseigner encore ?
11 Mme Zera (interprétation). - Oui, j'ai cherché à me renseigner, mais je
12 n'ai plus rien entendu d'autre.
13 M. Niemann (interprétation). - Très bien. Je n'ai pas d'autres questions,
14 Monsieur le Président.
15 M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?
16 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, comme précédemment, je
17 tiens à exprimer mes regrets par rapport à ce qui est arrivé. J'aurai
18 uniquement quelques brèves questions à poser.
19 Qui vous a parlé de cette affaire, parmi les enquêteurs du Tribunal ?
20 Mme Zera (interprétation). - Madame Mira Draskovic, mais que voulez-vous
21 dire quand vous me demandez qui et quand ?
22 M. Fila (interprétation). - Pour le Tribunal, le Bureau du Procureur, vous
23 avez dit que vous aviez demandé à votre mère quelle était la jambe que
24 votre mari s'était cassé. Qui vous a interrogé et quand ?
25 Mme Zera (interprétation). - Non, ce n'est pas cela. C'était une enquête
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1 formelle en 1992. On nous a demandé de décrire le corps, s'il y avait des
2 fractures, des blessures.
3 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, nous ne nous sommes pas bien
4 compris. Je voulais savoir si un représentant du Bureau du Procureur est
5 venu chez vous pour se renseigner au sujet de votre mari et à quel moment
6 cela a eu lieu.
7 Mme Zera (interprétation). - Ah oui ! Quelqu'un est venu à la maison pour
8 me demander si je voulais témoigner.
9 M. Fila (interprétation). - Mais qui est venu et à quel moment ?
10 Mme Zera (interprétation). - Je ne peux pas tout à fait me rappeler la
11 date. Je sais que Mme Mira Draskovic est venue et qu'il y avait quelqu'un
12 d'autre, mais je ne connais pas le nom ou le prénom de cette personne.
13 M. Fila (interprétation). - Quand cela a-t-il eu lieu ? L'année dernière
14 ou cette année ?
15 Mme Zera (interprétation). - L'année dernière.
16 M. Fila (interprétation). - En 1997 ?
17 Mme Zera (interprétation). - Oui, après l'identification de mon mari.
18 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'une déclaration a été prise à
19 l'issue de cet entretien ?
20 Mme Zera (interprétation). - A ce moment-là, non.
21 M. Fila (interprétation). - Quand une déclaration a-t-elle été faite ?
22 Mme Zera (interprétation). - Excusez-moi, excusez-moi, il y a eu une
23 déclaration. J'étais à la maison avec mon fils et nous avons tous les deux
24 signé une déclaration.
25 M. Fila (interprétation). - C'était l'année dernière ?
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1 Mme Zera (interprétation). - Oui, oui.
2 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, nous n'avons pas ces
3 déclarations. Nous n'avons surtout pas celle du fils.
4 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann ?
5 M. Niemann (interprétation). - Pour ce qui me concerne, nous n'avons pas
6 non plus ces déclarations.
7 M. Fila (interprétation). - Eh bien tant pis ! Poursuivons.
8 Je vous prie de m'excuser, Madame, mais je suis contraint de vous ramener
9 au jour le plus pénible de votre vie. Le 20, le matin, comment êtes-vous
10 sortie de l'hôpital ? Tous les
11 quatre ensemble ?
12 Mme Zera (interprétation). - Tous les huit.
13 M. Fila (interprétation). - Je parle de votre mari et de vos enfants.
14 Mme Zera (interprétation). - Oui, tous les quatre.
15 M. Fila (interprétation). - Quand vous vous êtes trouvée séparée de votre
16 mari, étiez-vous encore ensemble ?
17 Mme Zera (interprétation). - Quand nous avons été séparés, lui est parti
18 dans une direction et moi et mes enfants dans l'autre.
19 M. Fila (interprétation). - Je vous pose la question parce que dans votre
20 déclaration précédente vous aviez parlé de vous, vous disiez "je".
21 Mme Zera (interprétation). - Moi et les enfants. Excusez-moi, c'est parce
22 que je me suis retenue un instant sur place. J'ai regardé mon mari qui
23 rejoignait le groupe des hommes. J'ai été seule un instant.
24 M. Fila (interprétation). - Et les enfants ?
25 Mme Zera (interprétation). - Les enfants étaient partis une minute ou deux
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1 avant moi.
2 M. Fila (interprétation). - Maintenant, j'aimerais vous demander combien
3 de temps s'est passé jusqu'à ce que vous voyiez le Major Sljivancanin et
4 qu'il se présente à vous.
5 Mme Zera (interprétation). - J'ai déjà dit que je n'avais pas de montre.
6 C'était le matin. Je dirais que c'était peut-être aux alentours de
7 8 heures, mais je ne peux pas vous dire exactement. C'était peut-être un
8 peu avant ou quelques minutes après.
9 M. Fila (interprétation). - Non, je ne m'attendais pas à ce que vous me
10 disiez l'heure à la seconde près.
11 Mme Zera (interprétation). - C'était le matin.
12 M. Fila (interprétation). - A peu près à 8 heures ?
13 Mme Zera (interprétation). - Oui.
14 M. Fila (interprétation). - Avez-vous vu le Major Sljivancanin ?
15 Mme Zera (interprétation). - Oui, je l'ai vu, il était debout.
16 M. Fila (interprétation). - Donc dès que vous êtes sortie, vous avez vu
17 Sljivancanin ?
18 Mme Zera (interprétation). - Oui.
19 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Quand vous avez parlé avec
20 Sljivancanin, votre fils était-il présent ?
21 Mme Zera (interprétation). - Ce n'est pas moi qui ai parlé avec lui.
22 M. Fila (interprétation). - Quand il a prononcé son allocution ?
23 Mme Zera (interprétation). - Ils étaient un peu plus loin, à un ou deux
24 pas de moi. Mon mari s'est approché de moi, m'a embrassée, m'a souhaité
25 bon anniversaire. A ce moment-là, le Major Sljivancanin est arrivé et a
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1 dit : "Vous ne pouvez pas rester sur place, séparez-vous, chacun doit
2 aller dans une direction différente".
3 M. Fila (interprétation). - A ce moment-là, vos enfants se trouvaient à un
4 mètre ou deux de vous ?
5 Mme Zera (interprétation). - Oui.
6 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup et excusez-moi de vous avoir
7 posé ces questions.
8 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila. Maître Niemann ?
9 M. Niemann (interprétation). - Pas d'autres questions, Monsieur le
10 Président.
11 M. le Président (interprétation). - Merci d'être venue ici témoigner. Je
12 vois qu'il n'y a pas d'objections à ce que vous soyez libérée de façon
13 définitive. Vous pouvez donc vous retirer.
14 (Le témoin quitte la salle d'audience.)
15 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, pouvons-nous appeler
16 le témoin suivant ?
17 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président, nous ne sommes
18 pas en mesure de le citer immédiatement. Nous devons d'ailleurs discuter
19 avec Me Fila au sujet d'un point particulier. J'indique que nous
20 demanderons une audience à huis clos après la fin de la déposition du
21 témoin suivant. Je vous l'annonce à l'avance pour que le Greffe soit au
22 courant. Nous regrettons, Monsieur le Président, de ne pas pouvoir appeler
23 le témoin suivant immédiatement.
24 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, tout va bien ?
25 M. Fila (interprétation). - Bien.
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1 M. le Président (interprétation). - Alors nous suspendons l’audience
2 jusqu’à 14 heures 15, est-ce que cela vous convient ? Oui, donc nous
3 suspendons jusqu’à 14 heures 15.
4 L'audience est suspendue à 12 h 45..
5 L’audience est reprise à 14 heures 15.
6 M. le Président (interprétation). - Bonjour.
7 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)
8 Veuillez prêter serment, s’il vous plaît.
9 M. Zera (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous pouvez vous
12 asseoir. Je vous en prie, Monsieur Waespi.
13 M. Waespi (interprétation). - Pourriez-vous décliner votre identité, s'il
14 vous plaît ?
15 M. Zera (interprétation). - Je m'appelle Dragan Zera.
16 M. Waespi (interprétation). - Quel âge avez-vous aujourd’hui ?
17 M. Zera (interprétation). - 20 ans.
18 M. Waespi (interprétation). - En 1991, vous aviez donc tout juste 13 ans ?
19 M. Zera (interprétation). - Oui.
20 M. Waespi (interprétation). - Où avez-vous suivi votre scolarité ?
21 M. Zera (interprétation). - J'ai fait toute ma scolarité à Vukovar et à
22 Zagreb.
23 M. Waespi (interprétation). - Quel est actuellement votre emploi ?
24 M. Zera (interprétation). - Je suis vendeur, représentant de commerce.
25 M. Waespi (interprétation). - Où viviez-vous en 1991 ?
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1 M. Zera (interprétation). - A Vukovar.
2 M. Waespi (interprétation). - Quelle était la profession de votre père ?
3 M. Zera (interprétation). - Il était chauffeur professionnel.
4 M. Waespi (interprétation). - Qui était son employeur ?
5 M. Zera (interprétation). - Il travaillait à Cazmatrans. En 1991, il a
6 obtenu un poste
7 à l'hôpital de Vukovar.
8 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous quitté votre domicile à un certain
9 moment pour aller vivre à l’hôpital en 1991 ?
10 M. Zera (interprétation). - Oui.
11 M. Waespi (interprétation). - Pourriez-vous indiquer à quel moment vous
12 avez quitté votre domicile pour vous rendre à l'hôpital, si vous vous en
13 souvenez ?
14 M. Zera (interprétation). - Je suis parti le 17 septembre 1991.
15 M. Waespi (interprétation). - Un autre membre de votre famille est-il venu
16 avec vous à l'hôpital ou s'y trouvait-il déjà à ce moment-là ?
17 M. Zera (interprétation). - Oui, ma mère et ma soeur m'ont accompagné.
18 Etant donné que mon père y travaillait, il se trouvait déjà sur place.
19 M. Waespi (interprétation). - Combien de nuits avez-vous passé à l'hôpital
20 de Vukovar ?
21 M. Zera (interprétation). - J'y ai passé la nuit du 17 septembre et
22 jusqu'au 20 novembre.
23 M. Waespi (interprétation). - J'aimerais à présent vous montrer une
24 photographie. Il s'agira de la pièce de l'accusation numéro 8. Peut-on
25 montrer au témoin la cinquième photographie de cette série, s'il vous
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1 plaît.
2 (L’huissier s’exécute.)
3 Je vous remercie.
4 Dragan, reconnaissez-vous ce bâtiment ?
5 M. Zera (interprétation). - Oui.
6 M. Waespi (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer ce que vous
7 avez vu au matin du 20 novembre 1991 alors qu'on vous a emmené hors de
8 l'hôpital ? Et pouvez-vous nous indiquer ce à quoi vous vous référez sur
9 la photographie. Veuillez nous faire ces indications sur
10 la photographie qui se trouve sur le rétroprojecteur. Ainsi tout le monde
11 pourra vous suivre.
12 M. Zera (interprétation). - Le 20 novembre au matin, nous sommes sortis
13 par ici. C'est là qu'ils nous ont séparés de mon père. Ils ont dit que les
14 hommes devaient aller sur la gauche, que les femmes et les enfants
15 devaient aller sur la droite. Nous sommes restés pendant près de deux
16 heures à côté des bus. Le Major Sljivancanin nous adressait la parole.
17 D'abord, il s'est présenté et ensuite il a fait une petite allocution.
18 Nous sommes restés là pendant un certain temps. Enfin, nous nous sommes
19 dirigés vers les bus qui attendaient. Nous sommes restés assis dans les
20 bus pendant quelque temps.
21 M Waespi (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre pendant un
22 instant. Vous avez déclaré qu'on vous a emmenés hors de l'hôpital et vous
23 nous avez montré la sortie que vous avez empruntée. Pourriez-vous nous
24 dire qui vous a donné l'ordre de sortir du bâtiment ?
25 M. Zera (interprétation). - Les soldats de la JNA. Ce sont eux qui nous
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1 ont dit de sortir du bâtiment.
2 M Waespi (interprétation). - Vous avez parlé du Major Sljivancanin. Le
3 connaissiez-vous à ce moment-là ?
4 M. Zera (interprétation). - Non, je ne le connaissais pas jusqu'à ce qu'il
5 nous adresse la parole et qu'il se présente.
6 M Waespi (interprétation). - Vous avez également précisé que vous étiez
7 juste à côté de votre père. Vous avez été séparé de votre père à la sortie
8 de l'hôpital, n'est-ce pas ?
9 M. Zera (interprétation). - Oui, juste à la sortie de l'hôpital.
10 M Waespi (interprétation). - En effet. Je vous remercie. Pourriez-vous
11 nous donner le nom de votre père et celui de votre mère ?
12 M. Zera (interprétation). - Mihajlo Zera et Katica Zera.
13 M Waespi (interprétation). - J'aimerais à présent vous soumettre une autre
14 photographie. Il s'agit de la pièce de l'accusation que nous venons de
15 verser au dossier. Je crois qu'il s'agit de la pièce de l'accusation
16 n° 65. Pouvez-vous nous dire qui est la personne qui apparaît sur cette
17 photographie ?
18 M. Zera (interprétation). - C'est mon père.
19 M Waespi (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quand cette photo a
20 été prise ?
21 M. Zera (interprétation). - Cette photo a été prise en 1991, devant le
22 vieux bâtiment de l'hôpital de Vukovar.
23 M Waespi (interprétation). - Je vous remercie.
24 M. Zera (interprétation). - Je vous remercie.
25 M Waespi (interprétation). - Dernière question. Une fois monté dans les
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1 autobus, savez-vous quel chemin ont emprunté ces autobus ?
2 M. Zera (interprétation). - Nous nous sommes dirigés vers le champ de
3 foire, juste à côté de Velepromet. Puis nous sommes allés jusqu'à
4 Negoslavci. Après quoi nous sommes allés vers Mitrovica. Nous y avons
5 passé la nuit et ensuite nous sommes partis pour la Croatie.
6 M Waespi (interprétation). - Je vous remercie.
7 Monsieur le Président, j'en ai terminé de mon interrogatoire principal.
8 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Fila, voulez-vous poser
9 des questions ?
10 M. Fila (interprétation). - Non, Monsieur le Président, je vous remercie.
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je suppose qu'il n'y
12 a aucune objection à ce que le témoin se retire de façon définitive.
13 Monsieur Zera, merci d’être venu témoigner ici. Vous pouvez partir.
14 M. Zera (interprétation). - Je vous remercie.
15 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
16 M. le Président (interprétation). - Le Procureur souhaite-t-il ajouter
17 quoi que ce soit ?
18 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons appelé à
19 comparaître tous les témoins qui souhaitaient déposer au cours de cette
20 semaine. Maintenant, nous souhaiterons présenter des arguments en audience
21 à huis clos.
22 C'est mon collègue, M. Williamson, qui vous présentera les arguments du
23 bureau du Procureur.
24 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, avez-vous une objection à
25 élever ?
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1 M. Fila (interprétation). - Non, je vous remercie.
2 M. le Président (interprétation). - Avant de passer en audience à huis
3 clos, je vais saisir l'occasion qui m'est offerte pour souligner que nous
4 avons tous accompli une bonne et longue semaine de travail. Au nom de mes
5 collègues et en mon nom propre, je souhaite exprimer aux deux parties,
6 tant à l'accusation qu'à la défense, nos félicitations les plus sincères
7 pour leur attitude sincère et de coopération.
8 Je crois qu'il est bon que nous nous soyons aperçus que nous avons tous la
9 même priorité, à savoir que nous souhaitons que l'accusé bénéficie d'un
10 procès aussi équitable, efficace et rapide que possible. Je vous en
11 remercie beaucoup. J'espère que nous continuerons à travailler de la même
12 façon au cours des semaines qui suivent. Je demande à présent que nous
13 passions en audience à huis clos.
14 M. le Président (interprétation). - Nous sommes maintenant en audience à
15 huis clos. Monsieur Williamson, vous avez la parole.
16 (expurgée)
17 (expurgée)
18 (expurgée)
19 (expurgée)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgée)
24 (expurgée)
25 (expurgée)
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23 L'audience est levée 14 heures 40.
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