Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                            Affaire IT-95-13a-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

  3   Vendredi 6 février 1998

  4   L'audience est ouverte à 9 heures 15.

  5   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Le Greffier peut-il

  6   introduire l'affaire, s'il vous plaît ?

  7   M. le Greffier. (interprétation). - Affaire IT-95-13a-T, le Procureur

  8   contre Slavko Dokmanovic.

  9   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 10   Les parties peuvent-elles se présenter ?

 11   M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président, je

 12   m'appelle Grant Niemann. Je comparais avec mes collègues, Me Williamson et

 13   M. Vos au nom de l'accusation.

 14   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 15   Du côté de la défense ?

 16   M. Fila (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je m'appelle

 17   Toma Fila et je comparais avec mes collègues Me Lopicic et Me Petkovic au

 18   nom de l'accusé, M. Dokmanovic.

 19   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 20   Monsieur Dokmanovic, m'entendez-vous ? Oui ? Je vous remercie.

 21   Je crois que l'accusation a déjà fait introduire le témoin suivant.

 22   M. Williamson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. J'aimerais

 23   au

 24   préalable soulever une question. Nous avons dressé la liste préliminaire

 25   des témoins que nous pensions appeler à comparaître la semaine prochaine


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  1   et nous avons attaché à cette liste la déclaration d'un des témoins, Dzuka

  2   Radici. Je crois que c'est la seule déclaration préalable que vous n'aviez

  3   pas reçue auparavant, pour ce qui est des témoins qui doivent comparaître

  4   la semaine prochaine.

  5   J'ai fourni bien sûr un exemplaire de ces deux documents aux conseils de

  6   la défense et, dans le courant de la matinée, je fournirai une traduction

  7   en croate de cette déclaration aux conseils de la défense. Pour l'instant,

  8   je pense que je peux confier ces documents à l’huissier qui vous les

  9   remettra, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.

 10   M. le Président (interprétation). - Je vois que vous avez prévu de

 11   n'appeler que sept témoins à comparaître.

 12   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, apparemment ce

 13   sont les seuls témoins qui sont prêts à venir témoigner, qui sont

 14   disponibles pour venir le faire. Nous sommes encore en train de nous

 15   pencher sur la question. Peut-être y aura-t-il un ou deux témoins

 16   supplémentaires, outre ceux qui sont cités. Mais pour le moment, ce sont

 17   les seuls dont nous sommes sûrs qu'ils vont venir témoigner. Lorsque nous

 18   reprendrons nos audiences en mars, nous pourrons fournir un certain nombre

 19   d'éléments d'enquête concernant les exhumations. Nous allons citer à

 20   comparaître quelques témoins de plus et ce sera la fin de la présentation

 21   des témoins de la défense.

 22   M. le Président (interprétation). - Vous pensez donc qu'en mars nous en

 23   aurons terminé de la présentation des témoins de l'accusation ?

 24   M. Williamson (interprétation). - Absolument.

 25   M. le Président (interprétation). - Comme vous le savez, en mars nous


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  1   n'aurons que cinq jours d'audience.

  2   M. Williamson (interprétation). - Oui, cinq jours, c'est cela. C'est assez

  3   court, mais

  4   je sais que certains des témoins qui vont comparaître auront des

  5   témoignages relativement longs à vous présenter, parce qu'ils aborderont

  6   certaines questions techniques, les résultats de l'exhumation notamment.

  7   Je pense que nous pourrions avoir terminé notre présentation des témoins

  8   en mars.

  9   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Ensuite, vous pensez

 10   être capable de vous entretenir avec les 45 témoins de la défense à

 11   Belgrade ? Vous avez décidé qu'il était possible pour vous de le faire ?

 12   M. Williamson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Nous avons

 13   l'intention de faire cela au cours de l'interruption des audiences qui

 14   aura lieu entre février et mars. Nous pensons donc qu'en mars, nous serons

 15   à même de communiquer au Tribunal et à la défense les témoins avec

 16   lesquels nous sommes parvenus à un accord.

 17   M. le Président (interprétation). - C'est parfait. En théorie, en avril,

 18   nous pourrons donc commencer avec la présentation des témoins de la

 19   défense. Je vous remercie.

 20   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, si je peux vous être de

 21   quelque assistance, la défense n'aura pas à poser une quelconque question

 22   aux témoins que nous allons entendre aujourd'hui. Aucune question ne leur

 23   sera posée. Mais je souhaiterais qu'au nom de la défense, vous

 24   communiquiez à ces témoins toutes nos condoléances pour les pertes qu'ils

 25   ont subies au cours de cette guerre.


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  1   Pour ce qui est des questions relatives à Ovcara, nous ne nions en rien ce

  2   qui a été découvert sur place. Nous ne nions en rien le fait que des

  3   personnes ont été tuées à Ovcara. J’ai dit hier et en d'autres occasions

  4   que je ne contestais pas le fait qu'il y avait un conflit armé. Ce que je

  5   conteste, c'est qu'il y avait un conflit armé international. Je ne nie pas

  6   que 200 corps ont été trouvés. J'essaie seulement de déterminer quels

  7   étaient ces corps. Pour ce qui nous concerne, nous allons faire tout notre

  8   possible pour avancer aussi rapidement que nous le pouvons.

  9   J'aimerais aborder un dernier point. Je me suis mis d'accord avec le

 10   Bureau du

 11   Procureur à propos de la déclaration du témoignage de M. Cakalic hier. Il

 12   a été déclaré qu'on lui avait montré une photo de l'accusé Dokmanovic, en

 13   uniforme de camouflage. Grâce à la gentillesse de l'accusation, je pourrai

 14   moi aussi voir cette photographie.

 15   Je souhaite porter à l'attention de la Cour le fait qu'il faut que ces

 16   photographies nous soient communiquées, il faut que nous les voyions pour

 17   pouvoir déterminer s'il s'agit effectivement d'un uniforme ou bien du

 18   genre de vêtements que j'ai eu l'honneur de vous présenter lors de

 19   l'audience à huis clos que nous avons tenue, si vous vous en souvenez.

 20   Voilà ce que j'avais à dire. Aujourd'hui, je n'interviendrai plus jusqu'à

 21   la fin de l'audience.

 22   M. le Président (interprétation). - Maître Fila, loin de gêner la Cour par

 23   vos interruptions, vous l'aidez.

 24   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

 25   simplement souligner quelque chose quant à la liste de témoins que je vous


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  1   ai communiquée. Le dernier témoin qui apparaît sur cette liste,

  2   M. Peter Kiper, est un diplomate tchèque qui était membre de la Mission

  3   d'observation de l'Union européenne, qui était un observateur de cette

  4   Mission. Il viendra témoigner le mercredi 11 et il a demandé à témoigner

  5   en langue tchèque.

  6   Nous avons donc fait une demande afin que des interprètes puissent venir

  7   de l'extérieur. Il nous a donc fallu préciser exactement la date de son

  8   témoignage. Nous avons décidé qu'il aurait lieu le 11.

  9   Si nous en avons terminé avec les autres témoins avant cela, il nous

 10   serait quand même nécessaire de nous retrouver le 11 pour entendre ce

 11   témoin en particulier.

 12   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 13   M. Williamson (interprétation). - Si vous m'en donnez l'autorisation, je

 14   vais commencer l'interrogatoire principal du témoin.

 15   Bonjour, Monsieur, pourriez-vous décliner votre identité, s'il vous

 16   plaît ?

 17   Excusez-moi, Monsieur le Président, je crois que le témoin n'a pas prêté

 18   serment.

 19   M. le Président (interprétation). - Oui, absolument.

 20   Monsieur, je vous demande de prêter serment, s'il vous plaît.

 21   M. Veber (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez vous

 24   asseoir.

 25   M. Williamson (interprétation). - Monsieur, pourriez-vous décliner votre


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  1   identité, s'il vous plaît ?

  2   M. Veber (interprétation). - Je m'appelle Leopold Vladimir Veber.

  3   M. Williamson (interprétation). - Monsieur, d'où êtes-vous originaire ?

  4   M. Veber (interprétation). - Je suis né à Vukovar.

  5   M. Williamson (interprétation). - Depuis combien de temps votre famille

  6   réside-t-elle à Vukovar ?

  7   M. Veber (interprétation). - Ma famille, pour autant que je le sache,

  8   habite Vukovar depuis 1915, qui est la date de naissance de mon père. Je

  9   crois que, depuis lors, ma famille a toujours habité à Vukovar. D'après le

 10   registre des naissances, mon grand-père, Anton, est lui aussi né à

 11   Vukovar. C'est tout ce que je puis vous dire. Je ne sais pas exactement en

 12   quelle année mon grand-père est né, mais mon grand-père et mon père sont

 13   nés à Vukovar.

 14   M. Williamson (interprétation). - Jusqu'en 1991, vous avez passé toute

 15   votre vie à Vukovar ?

 16   M. Veber (interprétation). - En effet, j'ai passé toute ma vie à Vukovar.

 17   J'ai terminé ma formation professionnelle à Vukovar en 1958. Je suis

 18   coiffeur. J'y ai également fait toute mon éducation primaire et

 19   secondaire, ma formation de coiffeur. Par la suite, j'ai travaillé dans un

 20   salon de coiffure pendant quelques années. En 1964, je suis revenu à

 21   Vukovar parce que ce salon de coiffure ne s'y trouvait pas et j'ai ouvert

 22   un salon de coiffure pour dames dont je suis

 23   propriétaire. J'y ai travaillé jusqu'en 1985, jusqu'au 31 décembre 1985.

 24   Puis j'ai suivi une autre formation. J'ai fermé le magasin pour des

 25   raisons tout à fait justifiées. J'ai passé un certain nombre d'examens


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  1   nécessaires pour devenir responsable du chauffage central. Il faut savoir

  2   qu'à Vukovar, on a ouvert une maison de retraite pour les personnes âgées.

  3   Elle s'appelait autrefois la Maison des Vétérans et des Retraités. Ils

  4   avaient besoin d'un responsable du chauffage central de cette maison de

  5   retraite. J'ai obtenu ce poste et, en 1986, le 1er octobre exactement,

  6   j'ai pris ce poste. Jusqu'au début de la guerre, j'ai travaillé dans cette

  7   maison de retraite.

  8   M. Williamson (interprétation). - Combien d'enfants avez-vous eus,

  9   Monsieur ?

 10   M. Veber (interprétation). - J'ai eu deux enfants : une fille, qui est née

 11   en 1967, et un fils qui a été tué pendant la guerre. Il est né en 1969. Je

 12   n'ai eu que ces deux enfants.

 13   M. Williamson (interprétation). - Comment s'appelait votre fils ?

 14   M. Veber (interprétation). - Mon fils s'appelait Sinisa Veber. Il est né

 15   le 22 janvier 1969.

 16   M. Williamson (interprétation). - Votre fils a-t-il suivi les cours de

 17   l'école Schattend à Vukovar ?

 18   M. Veber (interprétation). - Oui. Il a suivi les cours de l'école

 19   élémentaire à Vukovar. Ensuite, il est entré à l'école secondaire. Il a

 20   mené à bien ses études secondaires. Il est devenu technicien agricole à

 21   Pik Vukovar. Il a terminé sa formation mais n'a pas obtenu d'emploi parce

 22   qu'il est rentré dans l'armée.

 23   Lorsqu'il est revenu, il n'a pas non plus trouvé de travail. Il est donc

 24   allé en Italie pour travailler pendant un certain temps avec quelqu’un de

 25   Borovo, un artiste peintre. Il était agent... En fait, il vendait des


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  1   tableaux. Il y a travaillé pendant deux mois environ.

  2   Puis il est revenu pour passer quelques vacances à la maison, juste avant

  3   le début de la guerre. Il a envoyé un de ses collègues en Italie pour y

  4   travailler. Il a dit qu'il y retournerait,

  5   lui aussi. Mais en fait, cela ne s'est pas fait, il est resté à Vukovar.

  6   M. Williamson (interprétation) - Au cours de son adolescence, votre fils

  7   a-t-il pris part à des activités sportives particulières ?

  8   M. Veber (interprétation) - Sinisa aimait les sports. Il faisait de

  9   l'aviron. Je ne peux pas vous dire exactement quand il a commencé à faire

 10   de l'aviron, mais il a commencé très jeune. Il faisait de l'aviron dans le

 11   club de Vukovar.

 12   Et puis l'équipe junior de Vukovar a obtenu de très bons résultats. Il a

 13   participé à des équipes d'aviron de quatre ou huit personnes. Ces jeunes

 14   gens avaient atteint un tel niveau d'excellence qu'ils étaient encore

 15   meilleurs que leurs aînés qui faisaient le même sport. Il y a eu un

 16   championnat à Vukovar et le Président du club a dit en cette occasion que

 17   jamais auparavant, on n'avait vu une équipe d'aussi jeunes rameurs gagner

 18   le prix, avant même le début du championnat. Ils dépassaient leurs aînés.

 19   Les anciens champions de Zadar ont essuyé un échec et c'est le club de

 20   Vukovar qui est devenu champion. Je me rappelle que le Président a dit que

 21   le diplôme était passé des mains de ceux de l'eau douce à celles de ceux

 22   de l'eau salée. Vous comprenez, ils vivaient sur les rives du Danube,

 23   tandis que les autres vivaient sur la côte de l’Adriatique, près de la

 24   mer. C'était donc un petit jeu de mots.

 25   Avant la guerre, il a rejoint l'armée en 1978.


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  1   M. Williamson (interprétation) - Excusez-moi, je vous interromps un

  2   instant. Vous voulez dire qu'il est entré dans l'armée en 1978 ? Vous êtes

  3   sûr de vouloir dire cela ?

  4   M. Veber (interprétation) - Attendez... Non ! 1988 ! Excusez-moi...

  5   Pardon, 1989 ! C'est cela, c'est 1989. Excusez-moi, je me suis laissé

  6   emporter par tout ce que j'ai raconté. C'était en février 1989. A cette

  7   époque-là, il est revenu de l'armée. Cela veut dire qu'il est allé

  8   rejoindre les rangs de l'armée en 1988. Toutes ces médailles dont j'ai

  9   parlé, il les a remportées avant la guerre et avant d'entrer dans les

 10   rangs de l'armée, donc six ans auparavant.

 11   Ils étaient les champions de ce qui était alors la Yougoslavie. Ils

 12   étaient les champions de tout le pays. C'était la seule équipe constituée

 13   de huit jeunes adolescents, la seule équipe à avoir gagné ce titre de

 14   cette façon. Ils appartenaient tous au même club. Ils étaient tous des

 15   champions. Trois fois de suite, ils ont remporté le championnat d’Europe

 16   et ont défendu par deux fois leur titre de champion d’Europe.

 17   M. Williamson (interprétation) - Je vous interromps un instant. J'aimerais

 18   vous faire passer une photographie et que vous nous disiez qui nous voyons

 19   sur cette photographie. Je crois qu'il s'agit de la pièce de

 20   l'accusation... Nous allons lui donner une cote.

 21   M. le Greffier (interprétation) - La pièce de l'accusation 59.

 22   M. Williamson (interprétation) - Donc pièce 59.

 23   (Le document est remis au témoin).

 24   Pouvez-vous dire aux Juges qui nous voyons sur cette photographie ?

 25   M. Veber (interprétation) - C'est mon fils.


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  1   M. Williamson (interprétation) - Je demande le versement au dossier de

  2   cette pièce, la pièce à conviction de l'accusation 59.

  3   M. Veber (interprétation) - Je ne vous comprend pas ?

  4   M. Williamson (interprétation) - Ne vous inquiétez pas, Monsieur, cette

  5   question ne vous était pas destinée.

  6   En 1991, votre fils vous a-t-il suggéré de quitter Vukovar ?

  7   M. Veber (interprétation) - Oui. Il a suggéré que moi-même, ma femme et ma

  8   fille nous quittions Vukovar, parce que je travaillais dans cette maison

  9   de retraite depuis le 1er mai. Puis, j'ai été mobilisé pour faire partie

 10   de la défense civile. Il fallait que je reste dans cette maison de

 11   retraite pendant la nuit, parce que les autres membres du personnel

 12   étaient des femmes. Elles avaient peur de rester seules. Je n'ai pas pu

 13   quitter la maison de retraite à cause de cela. Ils m'ont même dit que je

 14   pouvais y passer la nuit, que je recevrais une compensation.

 15   Une infirmière, qui était de garde pendant la nuit, avait peur de rester

 16   seule, elle ne se sentait pas en sécurité. Je suis donc resté.

 17   M. Williamson (interprétation) - Est-ce que Sinisa est resté, lui aussi, à

 18   Vukovar ?

 19   M. Veber (interprétation) - Oui, Sinisa est lui aussi resté à Vukovar.

 20   M. Williamson (interprétation) - A-t-il rejoint, lui aussi, la défense de

 21   la ville ?

 22   M. Veber (interprétation) - Oui, oui. Il est entré dans les rangs de la

 23   défense de la ville, dans ces espèces de communes locales... enfin, c'est

 24   ainsi que la ville était organisée à ce moment-là. Ils devaient tous faire

 25   des tours de garde. Il est donc resté dans notre commune locale qui


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  1   s'appelait Vladimir Nazor.

  2   M. Williamson (interprétation) - Avez-vous une idée de ses responsabilités

  3   au sein de la défense de la ville ?

  4   M. Veber (interprétation) - Je ne sais pas exactement ce qu'il faisait,

  5   quelles étaient ses responsabilités. Je sais qu'il avait des tours de

  6   garde la nuit. Comme moi, j'étais dans cet autre endroit, nous nous

  7   voyions de temps en temps. Cela a duré... Je ne sais pas... Jusqu'au mois

  8   d'août.

  9   M. Williamson (interprétation). - Quelles étaient les conditions qui

 10   prévalaient dans cette maison de retraite où vous travailliez pendant les

 11   combats ?

 12   M. Veber (interprétation). -  Les conditions étaient extrêmement

 13   difficiles. Il y avait un grand nombre de personnes qui ne pouvaient pas

 14   se déplacer, qui étaient handicapées. Il devait y avoir 120 personnes dans

 15   cette maison de retraite. La situation était telle que nous n'avions

 16   pratiquement pas de lumière, parce que Vukovar était pilonnée constamment.

 17   Il n'y avait presque pas d'eau non plus.

 18   Très souvent, la maison de retraite était ciblée et nous avons été parmi

 19   les premiers à dénombrer des victimes parmi toutes ces personnes âgées qui

 20   ne pouvaient même pas descendre les escaliers. Il n'y avait pas d'abri de

 21   toute façon où descendre.

 22   Je ne sais pas quelles armes ils ont utilisées pour nous tirer dessus.

 23   Etait-ce des mortiers, des canons ? Je ne sais pas.

 24   En tout cas, cette maison de retraite se trouvait dans un bâtiment neuf et

 25   tout explosait un peu partout. Il n'y avait plus de chauffage. Lorsque


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  1   cette première attaque a été lancée, nous avons eu trois morts et sept ou

  2   huit blessés. La radio de Vukovar a d'ailleurs diffusé ces chiffres et ces

  3   nouvelles. Il a été dit à la radio que la maison de retraite avait été

  4   pilonnée et qu'il y avait eu des morts et des blessés.

  5   M. Williamson (interprétation). - Cette maison de retraite avait-elle une

  6   fonction militaire quelconque ?

  7   M. Veber (interprétation). - Absolument pas. La maison de retraite

  8   n'abritait que des civils. Lorsqu'il n'y avait plus d'eau, d'autres

  9   personnes nous en apportaient parce qu'il n'y avait plus d'eau à boire. Il

 10   y avait la salle des chaudières en bas où je m'occupais du chauffage et là

 11   il y avait quelque 3 000 litres d'eau dans les chauffe-eau. J'ai donc

 12   ouvert les chauffe-eau pour que nous puissions utiliser l'eau pour nous

 13   laver et pour utiliser dans les toilettes.

 14   L'armée n'arrivait qu'après les pilonnages. Ils arrivaient très rapidement

 15   pour apporter leur aide aux blessés et pour les emmener à l'hôpital.

 16   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Veber, où se trouvait votre

 17   domicile à Vukovar ? Dans quel quartier de la ville ?

 18   M. Veber (interprétation). - J’habitais près du château d'eau, près de

 19   Minclavja. C'était un moulin électrique, le premier moulin électrique qui

 20   a été construit après la Seconde guerre mondiale. Cela se trouvait peut-

 21   être à cinq cents mètres du château d'eau, comme je l'ai dit, donc juste à

 22   côté de Mitnica.

 23   M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, alors que les combats

 24   tiraient à leur fin, est-ce que vous avez quitté votre domicile pour vous

 25   rendre ailleurs ?


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  1   M. Veber (interprétation). - Nous n'avons pas quitté notre domicile. Il y

  2   avait là

  3   haut ma mère, ma tante et puis d'autres voisins encore, des personnes

  4   âgées. Comme nous avions une bonne cave, tous ces gens restaient chez nous

  5   la plupart du temps.

  6   M. Williamson (interprétation). - Non, excusez-moi, je parle de ce qui

  7   s'est passé vers la fin des combats. Est-ce qu’il y a eu un moment où vous

  8   avez quitté votre appartement, votre domicile pour vous rendre en un autre

  9   endroit ?

 10   M. Veber (interprétation). - Oui, nous avons quitté la maison. Moi,

 11   j'étais là à Mitnica. Ma famille a été emmenée à l'abri, ma mère, ma

 12   sœur... L'abri se trouvait dans le centre ville, là où se trouvait la gare

 13   des bus. Il y avait un abri et elles y sont restées jusqu'à la chute de

 14   Vukovar.

 15   Moi, j'étais à Mitnica, avec un certain nombre de ces femmes, parce

 16   qu'avant le pilonnage nous avons réussi à évacuer la moitié des personnes

 17   qui avaient été gravement blessées et qui étaient handicapées, dont de

 18   toute façon il fallait s'occuper. Nous avons été chargés de mener à bien

 19   l'évacuation des 60 personnes qui restaient là-bas, mais cela n'a pas pu

 20   se faire. J'ai donc dû rester avec ces 60 personnes jusqu'au bout, dans la

 21   maison de retraite.

 22   M. Williamson (interprétation). - Et à la fin, où êtes-vous allé ?

 23   M. Veber (interprétation). - A la fin, Sinisa était à l'hôpital parce

 24   qu'il avait été blessé. Il n'avait pas été blessé auparavant, il était

 25   resté au centre-ville, il était venu me voir là-haut. Nous avions été


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  1   ensemble à Olajnica et nous y avions passé quelques jours. Nous y sommes

  2   restés juste quelques jours avant que Vukovar ne tombe. C’est là qu'il a

  3   été blessé. Puis il est allé à l'hôpital parce qu'il avait une commotion

  4   cérébrale.

  5   Il n'a pas reçu de balle à proprement parler, mais il a reçu des éclats de

  6   pierre qui avait éclaté lorsque la bombe était tombée. Il n'entendait plus

  7   très bien à cause de cela et lorsqu'il a entendu cette histoire

  8   d'évacuation, alors qu'il se trouvait à l'hôpital, il est venu me

  9   chercher. C'était un dimanche, la nuit entre le 17 et le 18. Il devait

 10   être minuit et demi. C'était donc déjà le 18 en fait, le lundi. Je sais

 11   qu'il pleuvait. Nous sommes allés à l'hôpital. C'est là que

 12   nous nous trouvions.

 13   M. Williamson (interprétation). - Où étiez-vous installés à l'hôpital ?

 14   M. Veber (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés à l'entrée même

 15   de l'hôpital, c'était en bas, il y avait une grande entrée, il y avait de

 16   nombreux civils. Nous étions dans un couloir et ensuite nous avons trouvé

 17   un endroit où nous nous sommes installés.

 18   Le lendemain, nous avons pu marcher un peu. C'était déjà le 19. Le 18,

 19   c'était un lundi.

 20   On était là, on ne sortait pas de cette partie autour de l'entrée de

 21   l'hôpital. Je ne parle pas de la cour; mais de l'entrée du bâtiment. En

 22   haut, c'était assez abîmé par les obus, mais en bas c'était relativement

 23   en bon état.

 24   M. Williamson (interprétation). - Est-ce que Sinisa est resté avec vous à

 25   l'hôpital ?


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  1   M. Veber (interprétation). - Sinisa était avec d'autres blessés. Il est

  2   venu plusieurs fois chez nous pour voir comment nous étions et étant donné

  3   que la période que nous avons passée là était courte. C'était lundi et

  4   puis mardi. J'étais avec lui aussi jusqu’à 12 heures 30. Je suis allé chez

  5   lui, on s'est embrassé. En fait, c'était mardi et les gens partaient déjà.

  6   Il m'a dit : "On se voit à Zagreb". J'ai dit : "Mais tu viens avec nous ?"

  7   Il a répondu : "Non, ça, ce sont mes camarades, jusqu'à maintenant j'étais

  8   avec eux et je vais rester avec eux".

  9   Mon épouse était encore avec nous. Un peu plus tard, on m'a dit : "J'ai vu

 10   Sinisa" et j'ai répondu : "Moi aussi, je l'ai vu à 12 heures 30". Ma femme

 11   l'a vu peut-être une heure et demie plus tard. Après, cette pièce s'est

 12   vidée.

 13   Les autobus qui amenaient les gens à Velepromet sont arrivés. J'ai été

 14   parmi les derniers à sortir, ainsi que ma femme. On nous a fait rentrer

 15   plusieurs fois. L'armée y était, les chars étaient autour. Ils disaient :

 16   "Vous venez", "Vous ne venez pas". Tous les autobus sont partis. Nous,

 17   nous étions toujours là. Je ne peux pas vous dire exactement combien nous

 18   étions, peut-être une vingtaine de civils. Puis à la fin, ils ont quand

 19   même dit : "Allez-y, vous partez".

 20   Finalement, il y a eu une sorte de camion militaire, ce n'était pas un

 21   grand camion, je ne sais pas comment vous le décrire exactement. Je ne me

 22   rappelle pas très bien, mais je sais que la couleur était vert olive

 23   militaire.

 24   Là, un soldat nous a attendus et nous a donné un peu de pain, une boîte de

 25   conserve. Alors, nous sommes entrés dans le véhicule et nous nous sommes


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  1   dirigés vers la caserne.

  2   Nous sommes arrivés à la caserne un peu avant le soir. Je n'ai pas regardé

  3   ma montre. Je sais que devant Velepromet, nous avons attendu un peu de

  4   temps. Le crépuscule tombait déjà ; ils ont allumé des lumières. Nous

  5   sommes entrés dans la cour de Velepromet. Nous y sommes sortis. Ils nous

  6   ont dit de nous mettre du côté droit et là nous avons attendu pendant

  7   assez longtemps. On attendait.

  8   M. Williamson (interprétation). - Cela s’est passé le 19, lorsqu'on vous a

  9   amené de l'hôpital à Velepromet. Est-ce exact ?

 10   M Veber (interprétation). - Oui.

 11   M. Williamson (interprétation). - Votre fils Sinisa est resté, à ce

 12   moment-là, à l'hôpital ?

 13   M Veber (interprétation). - Sinisa, oui, il est resté à l'hôpital.

 14   M. Williamson (interprétation). - Donc c'est la dernière fois que vous

 15   l'avez vu, à midi et demie, ce jour là ?

 16   M Veber (interprétation). - Oui, c'est la dernière fois que je l'ai vu.

 17   M. Williamson (interprétation). - Qu'avait-il sur lui à ce moment-là ?

 18   M Veber (interprétation). - Il avait un sac dans lequel il avait un

 19   passeport, ses médailles qu'il avait remportées en tant que rameur. Il y

 20   avait exactement 38 médailles. Elles lui étaient chères, donc il les a

 21   mises dans le sac. Il avait quelques sous-vêtements, puis quelques petites

 22   affaires. Son sac était assez léger.

 23   M. Williamson (interprétation). - On vous a retenu à Velepromet pendant

 24   combien de temps ?

 25   M Veber (interprétation). - Ce soir là, lorsque nous sommes arrivés à


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  1   Velepromet, nous y sommes restés pendant plusieurs heures, jusque tard

  2   dans la nuit je pense. C'était l'hiver et je ne regardais pas ma montre.

  3   Mais ce que je sais, c'est qu'on restait là, on était là debout. Ils nous

  4   ont dit de ne pas bouger. On était dans la cour.

  5   Deux transporteurs sont entrés. Leurs lumières étaient allumées.

  6   Lorsqu'ils sont sortis de Velepromet, on a pu voir leurs deux réflecteurs

  7   qui étaient allumés. Ils sont entrés dans Velepromet. J'ai pu voir ces

  8   personnes que je ne connaissais pas auparavant. Tout le monde, tout d'un

  9   coup, a disparu.

 10   Le capitaine m'avait dit, à moi, de rester sur place, donc j'ai pu voir

 11   l'autobus arriver devant ces transporteurs et s’arrêter. De l'autre côté,

 12   j'ai pu voir de jeunes gens passer. Ils étaient liés les uns aux autres.

 13   Ils passaient par deux. Ils sont entrés dans l'autobus qui les a amenés

 14   par la route principale. Ensuite, un deuxième autobus est arrivé. Je ne

 15   peux pas vous dire exactement, mais je suis sûr qu'il y avait au moins

 16   huit autobus, peut-être même plus.

 17   M. Williamson (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre.

 18   Qu'est-ce qui s'est passé à Velepromet le 20 ? Vous en souvenez-vous ?

 19   M Veber (interprétation). - Le 20, je me souviens très bien. C'était un

 20   mercredi. Ma femme et les autres personnes ont passé la nuit dans un

 21   atelier de menuisier. Il y en a un, je ne connaissais pas son grade

 22   -c'était un réserviste- qui m'a dit de sortir. Nous sommes donc sortis,

 23   nous sommes restés là.

 24   Ma femme est venue elle aussi. Ma soeur et sa petite étaient, elles, dans

 25   un autobus qui devait partir. Ma femme a voulu donner une adresse à sa


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  1   soeur. Lorsqu'elle est partie, je suis resté tout seul.

  2   A ce moment-là, une personne que je ne connaissais pas, que je n'avais

  3   jamais vue

  4   de ma vie, s'est approchée de moi. Il portait un uniforme militaire vert

  5   et disait : "Qui est Vlado Veber ?". J'ai dit : "C’est moi". Il m'a dit :

  6   "Viens".

  7   Moi-même, j'avais un petit sac avec quelques affaires personnelles. J'ai

  8   voulu donner le sac à quelqu’un d'autre. Il s’est impatienté, il m'a dit :

  9   "Viens", il m'a frappé un peu. Puis une bousculade a commencé. Il m'a

 10   alors entraîné dans cet atelier, dans cette grande salle. Ils étaient

 11   plusieurs autour.

 12   Il y en a un qui a dit : "Je veux avoir ce membre du MUP". Moi je n'ai

 13   jamais fait partie du MUP. Mais lorsque je suis entré, ils m’ont dit

 14   d’écarter les mains et les pieds. J’avais une veste d’hiver qu’on m’a

 15   violemment enlevée. Il l’a jetée pour chercher des armes et n’a rien

 16   trouvé. Il a ouvert la porte et m’a poussé à gauche. Etant donné qu’il y

 17   avait encore deux pièces, à gauche et à droite, on a d’abord été dans la

 18   partie centrale, c'est là que l'on m'a fait entrer. On m'a fait entrer du

 19   côté gauche.

 20   Là, je suis tombé. J'ai vu des visages de gens apeurés. J'ai reconnu

 21   plusieurs personnes. On est resté silencieux. On était là depuis le

 22   mardi 20. Non, c'était le mercredi 20. J'y suis resté jusqu'au jeudi soir,

 23   donc le 21, jusqu'à environ 9 heures et demie du soir.

 24   M. Williamson (interprétation) - Et le 21, avez-vous eu l'occasion de

 25   rencontrer plusieurs autres personnes qui vous ont dit qu'elles étaient


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  1   venues d'Ovcara ?

  2   M. Veber (interprétation) - Pas encore, pas à ce moment-là, mais à

  3   Mitrovica. Lorsque nous étions à Mitrovica, deux personnes, puis une

  4   troisième -c'était le pur hasard, ce sont elles qui avaient été aussi à

  5   Velepromet- m'ont dit que mon fils avait été à Ovcara, qu'elles l'avaient

  6   vu à Ovcara. Je leur ai demandé comment elles le savaient. Elles m'ont

  7   répondu qu'elles connaissaient mon fils et qu'elles l'avaient vu là-bas.

  8   M. Williamson (interprétation) - Vous avez dit que vous êtes allé à

  9   Mitrovica. Vous souvenez-vous de la date à laquelle vous êtes allé à

 10   Mitrovica ?

 11   M. Veber (interprétation) - Ce soir-là, le jeudi soir, une personne est

 12   entrée. Je la

 13   connaissais bien à l'époque. C'était un capitaine. Il est entré. Nous, on

 14   était encore plusieurs, on était un petit groupe à être restés à

 15   l'intérieur. Le bâtiment était une sorte d'entrepôt. Il est entré et a

 16   dit : "Venez vite, on va essayer de vous sauver. Dehors, il y a un

 17   autobus, on n'arrive pas à le faire démarrer".

 18   Moi, j'avais simplement un survêtement sur moi. Il m'a dit : "C'est tout

 19   ce que tu as?" J'ai répondu : "Oui". Il a dit : "Mais comment se fait-il

 20   que tu es venu ainsi ?" J'ai répondu : "On m'a enlevé ma veste l'autre

 21   jour et on l'a jetée quelque part". Lui, il a trouvé un pull et une veste.

 22   Il me les a donnés. J'ai mis ces vêtements sur moi par-dessus le

 23   survêtement étant donné qu'il faisait assez froid. Je tremblais de froid.

 24   On est sorti dans la cour. Il pleuvait. C'était le jeudi soir, le 21 ou

 25   bien le 22. Non, non, le 21. Oui, oui, le 21 au soir, le jeudi.


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  1   On a poussé l'autobus. Il a réussi à démarrer. On est vite entré dans

  2   l'autobus. Le chauffeur et le capitaine nous ont fait partir de

  3   Velepromet. Ils n'ont même pas allumé les phares. Ils nous ont amenés

  4   jusqu'à la caserne de Vukovar.  C'est là que nous sommes sortis. Après ces

  5   deux jours, on a eu de l'eau. Encore une fois, on avait soif, on avait

  6   faim. On a reçu une autre boîte de conserve et un peu de pain. On a mangé,

  7   on a bu de l'eau. On a reçu un paquet de cigarettes chacun. On a allumé

  8   des cigarettes. On a fumé.

  9   Ensuite, ils ont pris nos noms, ils ont fait une liste de nos noms pour

 10   savoir combien nous étions. Le vendredi, le 22, au matin, ils nous ont

 11   transportés à Mitrovica. Donc le vendredi 22, j'étais à Mitrovica.

 12   L'autobus était plein. On était une trentaine, je suppose. Je n'ai pas pu

 13   compter, mais je sais qu'il y a environ trente sièges dans un autobus.

 14   M. Williamson (interprétation) - Et où vous a-t-on amenés à Mitrovica ?

 15   M. Veber (interprétation) - Moi, je ne connaissais pas très bien Mitrovica

 16   à l'époque. Il s'agissait de la maison de correction de Mitrovica. Nous

 17   sommes restés à l'extérieur, je veux dire dans l'autobus, pendant environ

 18   une heure et demie. Nous n'osions pas sortir. Nous attendions

 19   l'interrogatoire. On nous avait dit qu'ils allaient nous interroger et

 20   qu'ils allaient nous

 21   relâcher après. Je sais que des personnes passaient à côté. Elles

 22   crachaient sur les vitres. Les gens leur disaient que c'étaient des

 23   Oustachis dans l'autobus. L'officier qui était avec nous nous a dit de ne

 24   pas nous énerver à cause de cela, de baisser simplement nos têtes.

 25   Ils nous ont fait entrer dans la cour. Nous sommes tous sortis de


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  1   l'autobus. La cour était grande, les murs étaient hauts. Ils nous ont

  2   placés devant un mur. Nous étions tournés vers le mur, les mains en l'air.

  3   J'ai entendu derrière nous quelqu'un qui disait : "Vise".

  4   Là, je me suis demandé pourquoi ils nous avaient emmenés à Mitrovica. Il y

  5   a deux transporteurs qui nous escortaient dans l'autobus. Je suppose que

  6   c'était pour nous protéger sur la route. Il y en avait un devant nous et

  7   un autre derrière pendant notre trajet jusqu'à Mitrovica. Donc nous, on

  8   était là, on attendait. L'ordre de viser était donné. On attendait que

  9   quelqu'un tire, mais personne ne tirait. L'un des nôtres s'est retourné.

 10   Il y en un qui a frappé ce jeune homme sur la tête en disant : "Mais

 11   pourquoi est-ce que tu tournes la tête ?" Il voulait voir si l'on tirait

 12   ou pas.

 13   Donc on a attendu. Puis, après, j'ai pu voir qu'ils étaient plusieurs. Ils

 14   ne portaient plus des vêtements militaires de couleur vert olive, mais

 15   bleus. Donc, il s'agissait de la police, de l'uniforme de la police.

 16   Ensuite, il y a une grande tragédie qui s'est produite. On passait d'un

 17   côté de la cour vers l'autre. On passait à côté d'eux et eux frappaient

 18   avec leur matraque sur la tête, sur le ventre. Il fallait courir le plus

 19   vite possible pour échapper aux coups. On est arrivé dans une salle, une

 20   salle de sports. Là, il a fallu que l'on enlève tous nos vêtements. On est

 21   resté nu.

 22   Ils nous ont fouillés. Ils cherchaient des armes et je ne sais pas quoi

 23   d'autre. Ensuite, nous nous sommes habillés. Nous sommes tous sortis. Il a

 24   fallu qu'on s'allonge par terre. On l'a fait pendant je ne sais combien de

 25   temps.


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  1   M. Williamson (interprétation) - Permettez-moi de vous interrompre. Où se

  2   trouve Srmska Mitrovica ?

  3   M. Veber (interprétation) - En partant de Vukovar, il fallait passer par

  4   Sid, puis prendre l'autoroute, ensuite, c'était à droite.

  5   M. Williamson (interprétation) - Cela se trouve en République de Serbie,

  6   n'est-ce pas ?

  7   M. Veber (interprétation) - Oui, tout à fait. C'est une ville en

  8   République de Serbie. Sid, c'est pareil. Je pense que les voitures de Sid

  9   étaient immatriculées Sremska Mitrovica.

 10   M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez rencontré

 11   plusieurs personnes qui avaient été à Ovcara. Cela s'est produit à

 12   Sremska Mitrovica ?

 13   M. Veber (interprétation). - Oui.

 14   M. Williamson (interprétation). - Approximativement, d'après vous, combien

 15   de personnes de Vukovar étaient dans cette prison de Sremska Mitrovica ?

 16   M. Veber (interprétation). - Ils étaient très nombreux. Pendant assez

 17   longtemps, nous ne savions pas quel était le nombre, avant le recensement

 18   qui a été fait par la Croix-Rouge internationale. Selon les listes que

 19   l'on a eues, on a pu constater qu'environ 1 000 à 1 200 personnes étaient

 20   à Mitrovica.

 21   M. Williamson (interprétation). - S'agissait-il de civils, de soldats, des

 22   deux ?

 23   M. Veber (interprétation). - Ecoutez, tout le monde portait des vêtements

 24   de civils, sauf un petit nombre qui portaient des vêtements de la couleur

 25   des uniformes de police. Cela, c'est ce qui concerne les personnes que je


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  1   connaissais.

  2   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic était-il, lui aussi,

  3   détenu dans cette prison ?

  4   M. Veber (interprétation). - Oui. Je ne peux pas vous le dire tout à fait

  5   exactement. Je suis arrivé le 21. Ce matin-là, quand ils m'ont amené, ils

  6   ont amené aussi plusieurs autres personnes. Là, j'ai vu qu'ils avaient

  7   amené Cakalic, Drago Berghofer. Cela, je le sais. C'était le même jour que

  8   celui où ils m'ont emmené, moi. C'était donc le 21, un mercredi.

  9   Je sais également que l'on a amené Ljubo Vagar.

 10   M. Williamson (interprétation). - Très bien, cela suffit.

 11   Est-ce qu'à un moment M. Cakalic vous a aidé ? Avez-vous eu l'impression

 12   qu'il vous a sauvé la vie pendant que vous étiez en prison ?

 13   M. Veber (interprétation). - Oui. Lui aussi, on l'a amené de Vukovar

 14   jusqu'à la caserne. Nous avons été amenés jusqu'à Sremska Mitrovica

 15   ensemble. Lui aussi, on l'a tabassé très fortement, comme moi, mais je

 16   suppose qu'il y en avait qui avaient plus de vêtements. Peut-être étaient-

 17   ils un peu moins blessés. Lui...

 18   D'ailleurs, je n'ai pas encore raconté tout ce que ces policiers nous ont

 19   fait.

 20   C'était le soir, nous étions épuisés, nous ne pouvions plus nous tenir

 21   debout. Ils nous ont dit de monter en haut, vers le troisième bâtiment à

 22   Mitrovica. Moi, j'étais parmi les premiers à m'y diriger. Emil Cakalic

 23   était derrière moi. On est montré au deuxième étage, je me le rappelle

 24   bien. On a pris un couloir et, là, j'ai eu l'impression que ma tête

 25   explosait.


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  1   Je ne me souviens plus ce qui m'est arrivé, mais quand j'ai repris

  2   conscience, j'étais allongé sur le dos. Je regardais vers le haut. J'ai vu

  3   des personnes qui disaient : "Voilà, il a repris connaissance". Je

  4   regardais, je ne les connaissais pas tous.

  5   Il y en a un que j'ai reconnu. Je pensais que son nom était Bozo, mais en

  6   fait, c'était Ante. Moi, je l'ai vu et j'ai pensé que peut-être il

  7   appartenait à leur armée. Je ne savais pas où j'étais, parce qu'ils

  8   étaient tous autour de moi et ils me regardaient. J'ai dit : "Bozo,

  9   qu'est-ce que j'ai fait à qui que ce soit pour que l'on me frappe ainsi ?"

 10   Lui, il a répondu : "Bien, bien. Calme-toi, maintenant".

 11   Quand ils se sont dispersés un peu, j'ai dit : "Mais où suis-je ?" Alors,

 12   il a dit : "Tu es ici, tu vois".

 13   Moi, j'étais un peu perdu et c'est là que j'ai réalisé que c'étaient des

 14   gens de Vukovar, parce que nous ne sommes pas tous arrivés ensemble. La

 15   moitié des personnes de

 16   l'autobus était dans cette pièce-là et les autres étaient dans une autre

 17   pièce. Alors, j'ai pu voir qu'Emil était là, puis Ljubo Vagar, dans cette

 18   cellule. Je suppose que c'était une cellule.

 19   Ils m'ont relevé. Moi, je ne pouvais pas me relever tout seul parce que

 20   j'avais reçu des coups dans le dos. J'avais aussi le nez cassé. Certaines

 21   personnes ne me reconnaissaient même pas. On m'a emmené pour me laver le

 22   visage. Puis, Drago Berghofer et certaines autres personnes, qui étaient

 23   là en train de m'aider, m'ont dit qu'ils avaient vu mon fils à Ovcara.

 24   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous parlé avec M. Berghofer et

 25   M. Cakalic de ce qui s'était passé à Ovcara ?


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  1   M. Veber (interprétation). - On a parlé... Je ne sais pas, ils ne

  2   voulaient pas tout me dire. Emil et Drago Berghofer y avaient été. J'ai pu

  3   voir tout de suite que quelque chose n'allait pas.

  4   Il y avait une autre personne aussi qui avait été, elle aussi, à Ovcara.

  5   Il était d'origine de Sotin. Il a dit qu'ils étaient tous répartis dans

  6   des groupes différents. On l'avait fait rejoindre un groupe. Il a pensé

  7   que c'était une erreur, alors il est allé dans un autre groupe et cela

  8   s'est reproduit trois fois. A chaque fois, il quittait son groupe et on le

  9   faisait rentrer dans ce groupe-là. Finalement, il s'est retrouvé dans un

 10   quatrième groupe et c'est ce qui lui a sauvé la vie. Il faisait partie,

 11   apparemment, d'un groupe de civils.

 12   M. Williamson (interprétation). - A un moment, vous avez été relâché de la

 13   prison de Sremska Mitrovica. Est-ce exact ?

 14   M. Veber (interprétation). - Oui.

 15   M. Williamson (interprétation). - Quand cela s'est-il passé ?

 16   M. Veber (interprétation). - C'était le 27 mars 1993. Pardon, 1992.

 17   M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous étiez à Sremska Mitrovica,

 18   vous a-t-on mis en accusation pour certains délits ? Vous a-t-on dit quels

 19   étaient les délits à cause desquels vous étiez là ?

 20   M. Veber (interprétation). - On m'a posé la question de savoir combien de

 21   personnes j'avais tuées. Mais il n'y avait aucune accusation formelle.

 22   M. Williamson (interprétation). - Et lorsque vous êtes parti finalement,

 23   au mois de mars, où êtes-vous allé ? En Croatie ?

 24   M. Veber (interprétation). - Oui, je suis allé en Croatie. Nous sommes

 25   allés à Zagreb. Mon état était assez mauvais, donc je suis allé dans


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  1   plusieurs hôpitaux pour faire des examens. J'avais reçu plusieurs

  2   blessures à la tête, à la colonne vertébrale, à l'épaule aussi. Certaines

  3   personnes m'ont aidé, m'ont conduit jusqu'aux médecins parce que moi, je

  4   n'aurais pas pu le faire tout seul.

  5   M. Williamson (interprétation). - En février 1997, est-ce que vous avez

  6   reçu des informations au sujet de Sinisa ?

  7   M. Veber (interprétation). - Oui. Depuis ma sortie de là-bas, on

  8   n'arrêtait pas de me poser des questions au sujet de ce qui s'était passé,

  9   de ce qui était arrivé à Sinisa, etc. Un jour, quelqu'un m'a dit l'avoir

 10   vu dans l'autobus. Mais cet homme m'a dit : "Mais je ne sais pas dans

 11   quelle direction on l'a emmené, est-ce qu'on l'a emmené à Aleksinac, à

 12   Nis, à Belgrade ou à Novi-Sad", mais en tout cas on m'a dit que quelqu'un

 13   l'avait vu, une personne qui m'a dit qu'elle s'intéressait à mon fils et

 14   qu'elle l'avait donc vu et qu'elle tenait beaucoup à me le faire savoir.

 15   C'est la première fois que j'ai eu des renseignements.

 16   Donc ma première réflexion a été : "Dieu merci, il s'est tiré d'Ovcara !"

 17   Parce que c'était la toute première fois qu'on me parlait de mon fils

 18   depuis qu'on m'avait dit l'avoir vu à Ovcara. Je ne savais pas ce qui lui

 19   était arrivé entre-temps. A Vinko Bek, cette personne s'est adressée à

 20   moi. Elle souhaitait sans doute m'apporter en peu de réconfort et m'a dit

 21   avoir vu mon fils à Sremska Mitrovica.

 22   Donc, jusqu'à l'année dernière, j'ai toujours conservé l'espoir qu'il

 23   était quelque part, peut-être arrêté, qu'il travaillait peut-être parce

 24   que j'ai entendu dire une fois que certains ont été

 25   emmenés à Aleksinac, que pas mal d'autobus sont allés à Aleksinac et que


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  1   quelques-uns seulement ont été orientés sur Nis, et qu'on choisissait les

  2   plus forts. Et comme lui était assez fort, il mesurait 1,92 mètre, vous

  3   voyez, c'était quelqu'un de bien bâti, je me suis dit que peut-être on

  4   l'avait emmené là-bas pour travailler à la mine, qu'il pouvait être plus

  5   utile, qu'il avait été arrêté et fait prisonnier pour servir à quelque

  6   chose là-bas. Parce qu'autrement, ailleurs, il ne servait à rien.

  7   Jusqu'à très tard dans l'année, j'ai gardé l'espoir qu'il était quelque

  8   part vivant. J'ai donné son nom et des renseignements à son sujet partout,

  9   aux organisations internationales, à la Croix-Rouge aussi. J'ai dit tout

 10   ce que je savais à son sujet. Je suis allé partout. J'ai contacté toutes

 11   sortes d'organisations. On m'a toujours dit : "Dès qu'on apprend quelque

 12   chose, on vous le fait savoir". Et l'année dernière, en février je crois,

 13   je ne me rappelle pas exactement la date, mais c'était à la mi-février,

 14   quand ils ont trouvé ces 200 cadavres à Ovcara, moi j'avais donné une

 15   description de Sinisa, et donc ils m'ont appelé à ce moment-là. Ils m'ont

 16   informé de ce qui allait se passer et ils m'ont dit d'aller à l'hôpital...

 17   -comment s'appelle cet hôpital ? Salata- à l'hôpital Salata, à telle et

 18   telle heures. Ma fille était Autriche, donc je l'ai informée tout de

 19   suite. Ma fille, son mari, ma femme étaient là-bas aussi parce que nous

 20   avions une petite-fille, donc elle était allée la garder.

 21   Nous sommes donc allés tous ensemble à l'identification. Quand nous sommes

 22   allés à l'hôpital de Salata, ils nous ont fait monter à l'étage. Là, il y

 23   avait des médecins, des spécialistes de ce genre de choses. Nous nous

 24   sommes présentés, et puis ils ont commencé. C'est à ce moment-là qu'ils

 25   nous ont donné des documents et qu'ils ont pris nos déclarations : est-ce


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  1   qu'on acceptait ou est-ce qu'on n'acceptait pas de faire ce qui nous était

  2   proposé.

  3   Et puis, ils nous ont montré des photographies. Après tout, cinq ans

  4   étaient passés. Il était difficile de reconnaître quoi que ce soit. Il n'y

  5   avait plus que des os sur ces photographies. Et puis, ils ont apporté un

  6   morceau de pull-over de couleur verdâtre. Enfin, un

  7   genre de vert. Ma femme l'a remarqué. La couleur était délavée, mais elle

  8   a reconnu le pull-over.

  9   Et puis il y avait autre chose, c'est que ma fille connaissait ses

 10   plombages, elle savait quelles dents manquaient et lesquelles étaient

 11   plombées. Et puis, le plus important dans l'identification, c'est que les

 12   médecins nous ont dit qu'il devait s'agir d'un athlète, de quelqu'un qui

 13   était en très très bonne forme parce que, selon la façon dont les muscles

 14   restent attachés aux os, on peut savoir si c'est quelqu'un qui a fait

 15   beaucoup de sport ou pas et ils nous ont dit : "C'est vraiment quelqu'un

 16   qui a dû faire beaucoup, beaucoup de sport".

 17   Ensuite, quoi d'autre ? Ah oui, ils nous ont demandé s'il avait jamais été

 18   blessé ou s'il avait des cicatrices et nous avons répondu qu'il avait eu

 19   de petites blessures. Pas des blessures où on recoud, ce genre de choses,

 20   mais de toutes petites traces. Ma fille s'est souvenue qu'il avait aussi

 21   eu une petite blessure à la jambe quand il était petit. Il avait un

 22   mobylette, il est tombé et c'était une blessure à la jambe qui avait

 23   laissé une trace jusqu'à l'os. Donc on a demandé à ma fille de quelle

 24   jambe il s'agissait. Elle l'a dit, elle a su le dire et ils ont accepté

 25   tous ces renseignements. Et le 7 mars de l'année dernière, il a été


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  1   enterré à Mirogoj, à Zagreb.

  2   M. Williamson (interprétation). - Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

  3   M. le Président (interprétation). - Pas de questions du côté de la

  4   défense ?

  5   Monsieur Veber, vous avez déjà entendu les propos de sympathie exprimés

  6   par le conseil de la défense, Me Fila, qui souhaite exprimer son sentiment

  7   de peine, de chagrin pour le sort qu'a connu votre fils en tant qu'être

  8   humain et vous transmettre ses condoléances.

  9   Monsieur Veber, le Tribunal est tout à fait conscient du sort abominable

 10   que vous avez vécu. Au nom de mes collègues et en mon nom propre, je tiens

 11   à vous faire savoir la compréhension que j'ai du drame que vous avez vécu

 12   et à quel point nous apprécions tous que vous ayez accepté de venir

 13   témoigner, ici, devant ce Tribunal international. Merci, merci beaucoup.

 14   Y a-t-il des objections à ce que le témoin soit libéré ?

 15   M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.

 16   M. le Président (interprétation). - Vous pouvez vous retirer, Monsieur.

 17   Merci beaucoup.

 18   (Le témoin quitte la salle d'audience.)

 19   M. Waespi (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Le témoin

 20   suivant est Ljubica Dosen qui n'a pas demandé de mesures de protection

 21   particulières.

 22   (Mme Ljubica Dosen, témoin, est introduite dans le prétoire.)

 23   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Est-ce que vous pouvez

 24   prononcer la déclaration solennelle, Madame ?

 25   Mme Dosen (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la


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  1   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  2   M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.

  3   M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons une

  4   version en anglais de la déclaration préalable de ce témoin. Je crois que

  5   vous ne l'avez pas encore reçue. Vous l’avez ? C'est parfait. Très bien.

  6   Bonjour, Madame Dosen.

  7   Mme Dosen (interprétation). - Bonjour.

  8   M. Waespi (interprétation). - Vous vous sentez bien ?

  9   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 10   M. Waespi (interprétation). - Avez-vous été interrogée par un enquêteur de

 11   ce Tribunal le 22 août 1995 et avez-vous signé un document qui était la

 12   traduction en anglais de cet entretien ?

 13   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 14   M. Waespi (interprétation). - Je vais maintenant vous montrer un document

 15   et vous demander s'il s'agit bien du document que vous avez signé.

 16   (L’huissier s’exécute.)

 17   Mme Dosen (interprétation). - Oui, c'est bien ce document.

 18   M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup. Voyez-vous votre signature

 19   au bas de ce document ?

 20   Mme Dosen (interprétation). - Oui, je la vois.

 21   M. Waespi (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, je demande le

 22   versement au dossier de ce document en tant que pièce à conviction

 23   suivante de l'accusation.

 24   M. le Greffier (interprétation). - C'est le numéro 60.

 25   M. Waespi (interprétation). - Merci.


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  1   Excusez-moi, Monsieur le Président, nous n'avons pas de version croate de

  2   ce document et il devait être versé sous scellés.

  3   M. le Président (interprétation). - Pas d'objection ?

  4   M. Fila (interprétation). - Non, mais il y a un malentendu. Nous avons

  5   reçu de l’accusation une traduction en croate, donc il existe une

  6   traduction croate, la voici.

  7   M. Waespi (interprétation). - Parfait, merci beaucoup. Je vais me

  8   renseigner et dans ce cas nous verserons cette traduction au dossier en

  9   tant que pièce à conviction 60/A.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila.

 11   M. Waespi (interprétation). - Madame Dosen, avez-vous été une nouvelle

 12   fois interrogée par un enquêteur de ce Tribunal le 17 mars 1996 et avez-

 13   vous signé un document qui était la version anglaise de ce deuxième

 14   entretien ?

 15   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 16   M. Waespi (interprétation). - Je voudrais également vous montrer ce

 17   document.

 18   (L’huissier s’exécute.)

 19   M. Waespi (interprétation). - Je vous demanderai une deuxième fois si vous

 20   voyez votre signature au bas de ce deuxième document également.

 21   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 22   M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup.

 23   Je demande le versement au dossier de ce document en tant que pièce à

 24   conviction suivante de l'accusation.

 25   M. le Greffier. (interprétation). - Numéro 61. Sous scellés ?


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  1   M. Waespi (interprétation). - Oui. J'attends également la traduction

  2   croate.

  3   M. le Président (interprétation). - Monsieur Waespi, nous n'avons pas reçu

  4   ce deuxième document, la deuxième déclaration, celle du 17 mars 1996.

  5   M. Waespi (interprétation). - Très bien. Merci. Peut-être est-elle annexée

  6   à la version anglaise ou à la première déclaration. La première fait huit

  7   pages. Ensuite, il y en a une deuxième qui fait trois pages. Mais si vous

  8   le souhaitez, Monsieur le Président, j'en aurai trois exemplaires pour les

  9   juges.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci.

 11   M. Fila (interprétation). - La défense n'a pas reçu ce deuxième document

 12   non plus.

 13   M. Waespi (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,

 14   Monsieur le Président, pour ces désagréments. Je présente également mes

 15   excuses à la défense.

 16   M. le Président (interprétation). - Est-ce que nous accordons quelques

 17   minutes à la défense pour parcourir ce texte ?

 18   M. Fila (interprétation). - Non, non, ce n'est pas la peine.

 19   M. le Président (interprétation). - Très bien. Vous pouvez poursuivre,

 20   Maître.

 21   M. Waespi (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 22   Pouvez-vous décliner votre nom complet à l'intention des juges ?

 23   Mme Dosen (interprétation). - Ljubica Dosen.

 24   M. Waespi (interprétation). - Quelle est votre date de naissance et où

 25   êtes-vous née ?


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  1   Mme Dosen (interprétation). - A Luzani Slavonski Brod, le 9 mars 1949.

  2   M. Waespi (interprétation). - Quelle est votre profession ?

  3   Mme Dosen (interprétation). - Je suis ouvrière qualifiée dans la

  4   production de chaussures en caoutchouc.

  5   M. Waespi (interprétation). - Avez-vous toujours vécu à Vukovar ?

  6   Mme Dosen (interprétation). - Je suis arrivée à Vukovar lorsque j'avais

  7   deux mois. J'étais encore bébé.

  8   M. Waespi (interprétation). - Vous avez vécu la majeure partie de votre

  9   vie à Vukovar, c'est bien cela ?

 10   Mme Dosen (interprétation). - Toute ma vie. Je vis encore à Vukovar.

 11   M. Waespi (interprétation). - Où habitiez-vous à l'été 1991 ?

 12   Mme Dosen (interprétation). - A Vukovar, dans la rue Mose Pijade.

 13   M. Waespi (interprétation). - Avec qui viviez-vous ?

 14   Mme Dosen (interprétation). - Avec mon mari, Martin Dosen, et ma fille,

 15   Tanja Dosen.

 16   M. Waespi (interprétation). - Quelle était la profession de votre mari ?

 17   Mme Dosen (interprétation). - Mon mari est pêcheur privé de profession.

 18   M. Waespi (interprétation). - Faisait-il de la politique ? Etait-il membre

 19   d'un parti ?

 20   Mme Dosen (interprétation). - Mon mari ne s'est jamais occupé de

 21   politique, mais il était membre du HDZ.

 22   M. Waespi (interprétation). - Est-ce que votre mari a également participé

 23   à la défense de la ville ?

 24   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 25   M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire pour quelle raison il


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  1   s'est impliqué dans la défense de la ville ?

  2   Mme Dosen (interprétation). - Il l'a fait parce que les bombardements

  3   avaient déjà commencé. Il voulait donc tout simplement défendre sa

  4   famille.

  5   M. Waespi (interprétation). - Votre maison a-t-elle été détruite par les

  6   pilonnages ?

  7   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

  8   M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous la date ?

  9   Mme Dosen (interprétation). - C'est arrivé au début, mais à ce moment-là

 10   il n'y avait pas encore eu de dommages importants. Simplement, elle avait

 11   reçu des obus parce que nous étions près du champ de foire, qui a été très

 12   rapidement pilonné et détruit.

 13   M. Waespi (interprétation). - Est-ce qu'au cours de l'été 1991 votre mari

 14   a été blessé ?

 15   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 16   M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous d'écrire les événements qui ont

 17   provoqué ces blessures ?

 18   Mme Dosen (interprétation). - Mon mari se rendait à la Défense

 19   territoriale de l'époque pour voir ce qui allait se passer, comment les

 20   choses allaient s'organiser. Comme ceux qui nous avaient déjà attaqués

 21   étaient de l'autre côté du Danube et qu'ils savaient où était le siège de

 22   la Défense territoriale, ils l'ont bombardé. En arrivant devant le siège

 23   de la Défense territoriale, un obus est tombé devant lui et les éclats de

 24   cet obus l'ont blessé à la jambe.

 25   M. Waespi (interprétation). - A-t-il été traité à l'hôpital en raison de


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  1   ses blessures ?

  2   Mme Dosen (interprétation). - Oui. Il a été hospitalisé, après quoi il a

  3   été renvoyé à la maison parce qu'il n'était pas nécessaire de le garder à

  4   l'hôpital. Il avait une blessure qui n'avait attaqué que la chair.

  5   M. Waespi (interprétation). - A-t-il ensuite été sérieusement, gravement

  6   blessé, en novembre 1991, quand il est tombé du balcon d'un troisième

  7   étage ?

  8   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

  9   M. Waespi (interprétation). - A-t-il été hospitalisé à ce moment-là ?

 10   Mme Dosen (interprétation). - Oui, il a été hospitalisé à ce moment-là et

 11   il est resté à l'hôpital, il n'est pas revenu à la maison.

 12   M. Waespi (interprétation). - Excusez-moi un instant, je vous prie.

 13   Vous-même et votre fille avez-vous reçu l'autorisation de vous rendre à

 14   l'hôpital pour rejoindre votre mari ?

 15   Mme Dosen (interprétation). - Oui. Mon mari ne pouvait pas se déplacer. Il

 16   avait exprimé le désir de nous avoir à ses côtés pour que je puisse

 17   l'aider, parce que le personnel était trop occupé avec les autres blessés.

 18   M. Waespi (interprétation). - Quand avez-vous rejoint votre mari ? Quand

 19   avez-vous déménagé dans l'hôpital ?

 20   Mme Dosen (interprétation). - Mon mari est parti le 16 novembre pour

 21   l'hôpital et nous sommes arrivés dans la nuit du 17 au 18, moi et ma

 22   fille.

 23   M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous combien de nuits vous

 24   avez passé à l'hôpital à côté de votre mari ?

 25   Mme Dosen (interprétation). - Deux nuits et un jour avant l'évacuation.


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  1   M. Waespi (interprétation). - Il est donc possible que vous ayez quitté

  2   l'hôpital le 19 ou le 20. C'est bien cela ?

  3   Mme Dosen (interprétation). - La nuit du 19, ils sont arrivés à l'hôpital

  4   et nous avons été évacués le 20 dans la matinée.

  5   M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire brièvement et de

  6   façon générale la situation qui régnait dans l'hôpital au cours de ces

  7   trois ou quatre jours que vous y avez passé ?

  8   Mme Dosen (interprétation). - Moi, j'ai eu l'impression que les choses

  9   étaient tout à fait terribles. Il n'y avait pas d'eau, il n'y avait pas de

 10   médicaments. Il y avait de très nombreux blessés. Les pilonnages

 11   continuaient. Les civils arrivaient parce qu'ils ne savaient plus où aller

 12   à cause de ces horribles pilonnages. On sentait l'odeur du sang. Le

 13   médecin, Mme Bosanac, avait peur qu'une épidémie ne se déclenche. Les gens

 14   mouraient. Il était impossible de les enterrer, puisque l'on ne pouvait

 15   pas sortir à cause des obus.

 16   Les gens étaient tellement à bout... Ils n'avaient pas de cigarettes, ils

 17   étaient affamés, ils recevaient des espèces de boîtes déjeuners et des

 18   biscuits, mais ils avaient faim. Ils n'en pouvaient plus. Ils avaient mal.

 19   C'était horrible.

 20   M. Waespi (interprétation). - Ces civils ont-ils été évacués vers

 21   Velepromet à un certain moment ?

 22   Mme Dosen (interprétation). - Oui, parce qu'un très grand nombre de civils

 23   arrivaient des abris, des caves, des maisons dans lesquels ils étaient

 24   jusqu'à ce moment-là, parce qu'ils avaient appris qu'un convoi allait

 25   arriver et ils voulaient tous sortir de cet enfer.


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  1   Le Dr Bosanac a donc demandé s'il était possible qu'on les emmène à

  2   Velepromet, parce que le convoi allait passer par Velepromet également et

  3   qu'à l'hôpital il y avait trop de blessés. Cet ainsi que des femmes, des

  4   enfants surtout sont partis vers Velepromet.

  5   M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous vous rappelez quand a eu lieu

  6   cette évacuation des civils, ou plutôt ce transport des civils vers

  7   Velepromet ?

  8   Mme Dosen (interprétation) - Eh bien, l'ensemble de l'opération a duré

  9   depuis le matin jusque tard dans l'après-midi et même dans la nuit du

 10   18 au 19. Eux ont été transférés à Velepromet un jour avant l'arrivée du

 11   convoi.

 12   M Waespi (interprétation) - Où étiez-vous la dernière nuit que vous avez

 13   passée dans l'hôpital avant votre évacuation ?

 14   Mme Dosen (interprétation) - La dernière nuit, je l'ai passée aux côtés de

 15   mon mari parce qu'il avait demandé que je sois à côté de lui étant donné

 16   qu'il ne pouvait pas bouger. Lors de l'évacuation, il avait demandé que je

 17   sois à ses côtés, pour lui donner de l'eau lorsqu'il en avait besoin, par

 18   exemple. J'ai dormi au pied de son lit, sur son lit.

 19   M Waespi (interprétation) - Dans quel état physique était votre mari cette

 20   nuit-là ?

 21   Mme Dosen (interprétation) - Il était terriblement effrayé. Il faisait du

 22   sport. Il était très actif. Il n'arrivait pas à admettre sa paralysie et

 23   le fait qu'il allait dépendre de quelqu'un

 24   désormais. Donc il pleurait beaucoup et il demandait sans arrêt que je

 25   sois à ses côtés pour lui apporter quelque chose (un peu d'eau, un jus de


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  1   fruit), que je l'aide, que je reste à côté de lui pour parler avec lui

  2   parce qu'il avait très peur de ce qui allait se passer par la suite.

  3   Comment pourrait-il vivre paralysé... C'était une très grande inquiétude

  4   pour lui et c'est pour cela que j'ai passé ce dernier jour, pratiquement

  5   tout le temps, à côté de lui.

  6   M Waespi (interprétation) - Avait-il un dossier médical à ce moment-là ?

  7   Mme Dosen (interprétation) - Le matin qui a précédé notre évacuation,

  8   l'infirmière, Mme Biba, a placé à côté de chaque patient un dossier qui

  9   comportait les éléments relatifs à ce patient au cas où le patient serait

 10   évacué. Nous, nous pensions que nous allions à Zagreb. Nous pensions

 11   surtout que les blessés qui ne pouvaient pas voyager seraient envoyés à

 12   Zagreb. Mais en tout cas, chacun d'entre eux avait à côté de lui son

 13   dossier qui permettrait de continuer de le traiter éventuellement dans un

 14   autre hôpital où nous supposions que les blessés allaient être évacués.

 15   Puisque mon mari était dans l'état où il était, qu'il ne pouvait pas

 16   prendre avec lui ce document, j'ai emporté le petit sac avec le document

 17   et je l'ai toujours avec moi aujourd'hui.

 18   M Waespi (interprétation) - Avez-vous ce dossier avec vous aujourd'hui,

 19   ici même ?

 20   Mme Dosen (interprétation) - Oui, je l'ai là avec moi.

 21   M Waespi (interprétation) - Je vous remercie.

 22   En 1992, avez-vous demandé à deux médecins qui s'étaient occupés de votre

 23   mari à Vukovar de confirmer les données de ce dossier médical et ce dans

 24   deux lettres différentes ?

 25   Mme Dosen (interprétation) - Oui, en effet, c'est ce que j'ai fait. L'un


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  1   des médecins était le Dr Njavro et l'autre le Dr Aleksijevic qui

  2   travaillait à l'hôpital où mon mari a été soigné.

  3   M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais maintenant

  4   soumettre au témoin une copie de ce dossier médical qu'elle nous a montré

  5   au préalable.

  6   J’aimerais qu'elle nous dise s'il s'agit bien d'une copie conforme au

  7   dossier médical de son mari.

  8   Les conseils de la défense disposent déjà de ce document, de la version en

  9   croate et de la traduction en anglais. J'ai moi-même des exemplaires de

 10   ces documents, à la fois en croate et en en anglais, à l'intention des

 11   Juges.

 12   M. le Président (interprétation). - Maître Waespi, vous demandez le

 13   versement au dossier de ces documents ?

 14   M. Waespi (interprétation). - Je vais le faire dans un instant.

 15   (L’huissier s’exécute.)

 16   M. Waespi (interprétation). - Madame Dosen, s’agit-il bien d'une copie des

 17   originaux que vous avez avec vous aujourd'hui ?

 18   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 19   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie.

 20   Pourriez-vous très rapidement nous faire parcourir ce document en nous

 21   signalant très brièvement ce que vous remarquez, ce qui est écrit dans ce

 22   document, etc.

 23   Mme Dosen (interprétation). - Il s'agit du dossier médical de mon mari qui

 24   fait état de ses différentes pathologies. On voit d'abord son nom et son

 25   prénom : Martin Dosen, né en 1952, résident de Vukovar à Mose Pijade, de


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  1   sexe masculin. Le 16 novembre 1991, il a été admis au centre médical de

  2   Vukovar.

  3   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Pouvons-nous passer à la

  4   deuxième page du document ? Je ne vous demande pas de nous lire tout ce

  5   qui s'y trouve mais de nous dire rapidement ce qu’on peut y lire.

  6   Mme Dosen (interprétation). - Sur la deuxième page, il est fait état d’une

  7   anamnèse et du pronostic prononcé sur les blessures de mon mari, l'état

  8   général de mon mari. C'est écrit en latin, c’est la raison pour laquelle

  9   j'ai demandé au Dr Aleksijevic de m'expliquer de quoi il s'agissait, de me

 10   dire ce qui était écrit.

 11   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Que trouve-t-on sur la

 12   troisième page ?

 13   Mme Dosen (interprétation). - Sur la troisième page, on trouve la feuille

 14   des températures de mon mari ; on la lui prenait tous les jours. Pour moi,

 15   c'est un document extrêmement précieux car il montre que le 16, le 17 et

 16   le 18 novembre, on a pris sa température. Il y est indiqué que le 19 et

 17   le 20, sa température n'a pas été prise parce qu'on le préparait pour

 18   l'évacuation. C'est un document très important parce qu'il révèle que mon

 19   mari se trouvait à l'hôpital de Vukovar. Or, depuis, on ne l'a jamais

 20   revu.

 21   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Pourriez-vous laisser de

 22   côté les pages suivantes, nous n'allons pas nous pencher dessus. Nous

 23   allons directement en venir aux deux lettres des médecins que vous avez

 24   contactés, lettres qui nous intéressent. Par qui a été rédigée la première

 25   lettre ?


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  1   Mme Dosen (interprétation). - La première lettre est en fait un certificat

  2   délivré par le Dr Njavro qui était chirurgien à l'hôpital et qui s’est

  3   occupé de la jambe de mon mari lorsqu'il a été blessé. Il est également

  4   écrit que Martin Dosen a été blessé en août, par une grenade, à la jambe

  5   droite. C'était un externe qui venait régulièrement à l’hôpital faire des

  6   examens. Ce certificat est délivré à la demande de sa femme.

  7   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez ne pas

  8   consulter la dernière lettre parce qu'elle ne fait que confirmer ce que

  9   vous venez de nous dire, si vous êtes d'accord, Madame Dosen.

 10   Mme Dosen (interprétation). - Oui, bien sûr.

 11   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Je demande le versement au

 12   dossier de ce document qui sera la pièce à conviction suivante de

 13   l'accusation.

 14   M. le Greffier (interprétation) - Il s'agit de la pièce à conviction

 15   n° 62, et la traduction en anglais est la pièce à conviction n° 62/A.

 16   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Madame Dosen, au matin du

 17   20 novembre, vous a-t-on dit que vous alliez être évacués ?

 18   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 19   M. Waespi (interprétation). - Qui vous a dit cela ?

 20   Mme Dosen (interprétation). - Ce jour là, dans la matinée, un soldat est

 21   arrivé. Il avait l'air un peu différent des autres. Nous ne savions pas

 22   exactement de qui il s'agissait. Ce jour-là, il s'est comporté de façon

 23   tout à fait correcte, il a dit : "Voilà, je suis le Major Sljivancanin. A

 24   présent, c'est moi qui commande la situation. Nous allons maintenant citer

 25   un certain nombre de noms. Au fur et à mesure que vous entendez votre nom,


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  1   veuillez sortir de l'hôpital".

  2   M. Waespi (interprétation). - Très brièvement, pourriez-vous nous décrire

  3   à quoi ressemblait cette personne dont vous avez dit qu'il s'agissait de

  4   M. Sljivancanin ?

  5   Mme Dosen (interprétation). - Moi, je crois que je ne l'oublierai jamais,

  6   cet homme. Surtout parce qu'il avait cet aspect très particulier. On voit

  7   rarement de telles personnes dans notre région. C'était un homme

  8   extrêmement grand. Il avait une grande moustache noire. On s'en souvient

  9   très facilement. En plus, il avait un accent monténégrin.

 10   M. Waespi (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ? Est-ce qu'on

 11   vous a emmenés hors de l'hôpital ?

 12   Mme Dosen (interprétation). - A côté de lui, il y avait deux soldats que

 13   je ne connaissais pas. Ils avaient une liste entre les mains et ils

 14   lisaient des noms sur cette liste. Il se trouve que mon mari,

 15   Martin Dosen, a été le premier cité sur cette liste. Et puis, il y avait

 16   plein d'autres personnes citées. Et on a dit à ces personnes de sortir au

 17   fur et à mesure qu'elles entendaient leur nom.

 18   Mon mari ne pouvait pas bouger, il était immobilisé, donc j'ai attendu

 19   qu'on le transporte de son lit sur une civière. Mais pour ce qui est des

 20   blessés qui pouvaient se déplacer,

 21   ils passaient à mes côtés alors qu'ils sortaient. Moi, je ne comprends

 22   toujours pas vraiment ce qui se passait à l'extérieur. Et puis deux

 23   infirmières sont arrivées. Elles devaient transporter mon mari, mais mon

 24   mari pesait 120 kilos et ça n'a pas été très simple à faire. Elles ont eu

 25   du mal à le transporter. Le Major Sljivancanin a donc donné l'ordre à deux


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  1   soldats de le porter sur une civière.

  2   Lorsqu'ils l'ont emmené, ma fille et moi-même nous avons suivi ces soldats

  3   et c'est à ce moment-là seulement que je suis sortie et que je suis

  4   arrivée devant l'hôpital. Sur ma gauche, il y avait d'autres civils, des

  5   femmes, des enfants, qui se tenaient là. Non, pardon excusez-moi, sur le

  6   côté droit. Les civils étaient à droite. Sur le côté gauche, nous devions

  7   passer entre deux files de soldats qui se tenaient sur la droite et sur la

  8   gauche.

  9   Je me suis aperçu que nous ne nous dirigions pas vers l'entrée principale.

 10   J'ai vu qu'en fait, nous allions vers l'arrière de l'hôpital.

 11   M. Waespi (interprétation). - Excusez-moi, Madame Dosen, mais j'ai un

 12   problème avec mon casque et je n'entends pas très bien l'interprétation.

 13   Un instant, s'il vous plaît. Permettez-moi, Monsieur le Président de

 14   changer de casque, s'il vous plaît.

 15   Vous m'entendez ?

 16   Mme Dosen (interprétation). - Oui.

 17   M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Tout fonctionne à présent.

 18   A présent, vous êtes à l'extérieur de l'hôpital, vous êtes dans la cour de

 19   l'hôpital. Est-ce que, à ce moment-là, on vous a emmenés en un endroit

 20   quelconque après que vous avez vu ces files de soldats ?

 21   Mme Dosen (interprétation). - Oui, nous avons dû passer entre cette haie

 22   de soldats et nous avons atteint une rue qui passe derrière l'hôpital de

 23   Vukovar. Quatre autobus y étaient garés : deux bus civils et un bus

 24   militaire. Et puis, derrière ce bus militaire, il y avait encore un bus

 25   civil. Et j'ai vu que l'on transportait mon mari vers ce bus militaire


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  1   justement.

  2   Cela m'a semblé très bizarre puisqu'il s'agissait d'un convoi ici et que

  3   nous étions supposés être évacués. Alors, pourquoi l'emmenaient-ils dans

  4   le bus militaire ? Il y avait des soldats armés juste à côté de ce bus. Il

  5   y en avait quatre à l'extérieur et deux à l'intérieur même du bus. Cela

  6   m'a frappée, cela me semblait bizarre. Il n'y avait pas une seule femme ou

  7   un seul enfant qui se trouvait là. Seule moi-même et ma fille Tanja nous

  8   trouvions à cet endroit.

  9   Ils ont donc transporté mon mari jusqu'au bus. Ils l'ont posé à côté parce

 10   qu'ils ne pouvaient pas le faire monter dans le bus puisqu'il était

 11   incapable de s'asseoir. Ils n'ont pas pu non plus faire passer la civière

 12   dans le bus. Je me suis tenu devant le bus. J'ai regardé à l'intérieur. Je

 13   me suis aperçu que, dans ce bus, les personnes n'étaient pas assises à

 14   côté deux par deux, mais qu'elles étaient une par siège.

 15   A ce moment-là, Ivan et Tadija, les deux frères aînés de mon mari, et puis

 16   le jeune Sinisa Glavasevic et d'autres personnes, parce que je les

 17   connaissais tous, nous avons grandi ensemble... J'ai vu ces personnes et

 18   j'ai dit à mon mari : "Mais je ne comprends pas, qu'est-ce qui se passe ?"

 19   et il m'a dit : "Je ne comprends pas non plus, il se passe quelque chose

 20   de bizarre".

 21   M. Waespi (interprétation). - Vous dites que vous vous teniez juste devant

 22   le bus militaire, c'est bien cela ? Mais quelle était la position

 23   qu'occupait ce bus dans ce convoi que vous nous avez décrit ?

 24   Mme Dosen (interprétation). - D'abord, il y avait deux bus côte à côte,

 25   des bus civils, tout ce qu'il y a de plus classique. Des bus que nous


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  1   prenions pour aller au travail ou pour nous déplacer d'une façon générale,

  2   mais j'ai tout de suite remarqué, et je n'oublierai jamais cela, qu'il y

  3   avait ce bus militaire et je me demandais pourquoi il y avait un bus

  4   militaire sur place. Je me suis tourné vers un soldat et je lui ai dit :

  5   "Mais, dites-moi, jeune homme, où vont ces bus ?" Je m'apercevais bien que

  6   ce n'était pas un convoi. Il n'y avait personne autour de ces bus.

  7   Un peu plus loin, il y avait le Major Sljivancanin qui se tenait à côté du

  8   premier bus

  9   et qui donnait des ordres quant à qui devait aller dans quel bus. Je me

 10   suis tout de suite aperçu que quelque chose était bizarre et lui m'a

 11   répondu : "Je suis désolé, mais je ne sais vraiment pas quoi vous dire,

 12   demandez à quelqu'un d'autre".

 13   A ce moment-là, un soldat en uniforme, un réserviste, qui était à côté du

 14   bus, a fait sortir mon beau-frère, le frère cadet de mon mari, et ils

 15   l'ont poussé si fort, si violemment vers la clôture de l'hôpital, ils lui

 16   ont dit qu'il fallait qu'il vide ses poches, et ils lui ont dit : "Espèce

 17   d'Oustachi, tu vas voir maintenant". Il y avait cet homme qui se trouvait

 18   là avec son fusil automatique. Il visait mon beau-frère avec ce fusil. Ma

 19   fille a commencé à pleurer, mon mari a commencé à pleurer. Moi je ne

 20   savais pas quoi faire. Et il a dit : "Mais fais quelque chose, emmène mon

 21   enfant de là" et je lui ai dit : "Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse,

 22   j'ai une kalashnikov dans le dos, comment veux-tu que je l'emmène ?" Mon

 23   mari a dit : "Je ne sais pas ce que tu vas faire, mais tu vas faire

 24   quelque chose. Il faut faire quelque chose. Prends ma chaîne, prends ma

 25   bague, prends mon alliance, prends ma montre". Et j'ai promis de donner


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  1   mon alliance à mon fils. Je n'oublierai jamais cela et mes enfants non

  2   plus n'oublieront jamais.

  3   J'ai pensé que tout était fini. J'ai pensé qu'ils allaient tuer ce jeune

  4   frère de mon mari sous nos yeux. De l'autre côté, ils amenaient sa nièce,

  5   Ruzica Markobasic, de l'hôpital. Elle était enceinte de cinq mois. Il la

  6   tirait par son manteau, par son sac à main. Il lui jetait des choses au

  7   visage. Il l'a traitée de "putain d'Oustachi. Où sont vos photos ? Où sont

  8   les photos de votre mari qui est en train de couper les doigts des enfants

  9   et qui est en train de faire des colliers avec ces doigts ?"

 10   Il disait des choses atroces. Nous n'avons jamais tué qui que ce soit et

 11   encore moins des enfants et mon mari leur a donné de la nourriture, les a

 12   aidés. Nous leur avons donné du sucre. Moi, j'avais un restaurant et je

 13   leur donnais du lait, de la nourriture, de l'huile, du sucre. S'ils

 14   avaient eu une once d'honnêteté en eux, ils auraient dit qu'il n'y avait

 15   pas eu un seul enfant maltraité par des Croates, encore moins par nous,

 16   les femmes croates. Bien au contraire, dans

 17   mon immeuble, mes voisins immédiats ont obtenu du pain, de la farine. Je

 18   leur ai donné de tout. Ma fille faisait des gâteaux et les donnait aux

 19   enfants. Nous ne nous enfermions pas égoïstement dans nos chambres sans

 20   rien leur donner. C'était quelque chose d'atroce parce que nous n'avons

 21   jamais fait ce genre de choses.

 22   M. Waespi (interprétation). - Madame Dosen, pouvez-vous me dire ce qui est

 23   arrivé à cette jeune femme que vous venez de décrire ? A-t-on fait monter

 24   dans un bus Ruzica Markobasic ?

 25   Mme Dosen (interprétation). - Oui. Un jeune homme -qui ne venait pas de


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  1   Vukovar, mais enfin je le reconnaîtrais si je le voyais- l'a fait monter

  2   et, alors qu'ils étaient en train de monter dans le bus, il m'a pris la

  3   main, il m'a serré la main. Je me demandais ce qu'il voulait dire. Est-ce

  4   qu'il essayait de me faire passer un message ? Il l'a donc fait monter

  5   dans le bus et, automatiquement, j'ai ouvert ma main et j'ai vu qu'il y

  6   avait 2000 dinars yougoslaves. J'ai dit : "Mais dites-moi, jeune homme,

  7   pourquoi me donnez-vous cela ?" Il m'a répondu : "Madame, vous pourriez

  8   bien en avoir besoin mais elle, en tout cas, elle n'en aura certainement

  9   pas besoin".

 10   M. Waespi (interprétation). - Merci, Madame Dosen.

 11   Peut-être pourrions-nous faire une pause, Monsieur le Président.

 12   M. le Président (interprétation). - Absolument. Nous prenons une pause de

 13   vingt minutes.

 14   L'audience, suspendue à 11 h 05, reprend à 11 h 25.

 15   M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais soumettre

 16   au témoin la pièce de l'accusation 43, s'il vous plaît. Il s'agit d'un

 17   arrêt sur image qui a été pris dans la vidéo nous montrant les patients de

 18   l'hôpital, que nous avons diffusée l'autre jour.

 19   Peut-on placer cette photographie sur le rétroprojecteur, s'il vous

 20   plaît ? Je vous remercie.

 21   Pouvons-nous ne pas baisser les lumières ? Nous n'allons regarder qu'une

 22   seule photographie.

 23   Madame Dosen, reconnaissez-vous une personne sur cette photographie ?

 24   Mme Dosen (interprétation). - Oui. Je le reconnais. C'est le neveu de mon

 25   mari, Martin Jakubovski Dosen.


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  1   M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous le décrire, s'il vous

  2   plaît ? Que porte-t-il ? A quoi ressemble-t-il ? Pouvez-vous nous le

  3   décrire, s'il vous plaît ?

  4   Mme Dosen (interprétation). - Il porte un pyjama d'hôpital. Mais, étant

  5   donné qu'il était blessé et qu'il avait énormément de fièvre, qu'il avait

  6   toujours froid, je lui ai donné ce pull qu'il porte sur la photographie.

  7   Il était blessé au bras. Il avait une blessure grave. On devait lui

  8   amputer la main, mais le Dr Aleksijevic a tout fait pour essayer de sauver

  9   sa main. Il a utilisé des moyens chirurgicaux très importants pour réussir

 10   à sauver sa main. Et puis, il avait une blessure au coccyx.

 11   M. Waespi (interprétation). - Quel est ce pull-over dont vous parliez ?

 12   Mme Dosen (interprétation). - C'est ce pull-over de couleur rose que l'on

 13   peut voir. On voit bien, d'ailleurs, que c'est un pull-over de femme.

 14   C'était le mien, je le lui ai donné.

 15   M. Waespi (interprétation). - Il s'agit donc de la personne qui se trouve

 16   du côté droit de la photographie. C'est à elle que vous faites référence ?

 17   Mme Dosen (interprétation). - Oui, c'est ce jeune homme qui a le bras en

 18   écharpe.

 19   M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous l'indiquer sur le

 20   rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

 21   Mme Dosen (interprétation). - C'est lui, ici.

 22   M. Waespi (interprétation). - Je vois. Merci beaucoup.

 23   Madame Dosen, avez-vous vu cette personne, M. Jakubovski, ce matin-là, le

 24   20 novembre ?

 25   Mme Dosen (interprétation). - Oui. Exactement sur ce même banc où nous le


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  1   voyons là. Nous nous sommes assis ensemble. Je lui ai donné une cigarette.

  2   Lui aussi fumait. Lorsque qu'ils ont commencé à citer des noms, étant

  3   donné qu'il pouvait se déplacer, il est sorti avant nous. Mais lorsque je

  4   suis arrivée au bus, il ne s'y trouvait toujours pas. On devait le retenir

  5   quelque part.

  6   Pendant ce temps-là, tandis que je me tenais à côté du bus, un autre

  7   soldat l'a amené. Il s'est placé devant le bus. Il a fait demi-tour pour

  8   me faire face et pour faire face à Tanja, ma fille. Il m'a dit : "Au

  9   revoir, ma tante, et toi ma cousine, prends bien soin de toi". Et puis il

 10   est monté dans le bus.

 11   M Waespi (interprétation). - Avez-vous jamais revu cette personne ?

 12   Mme Dosen (interprétation). - Non, il a été exhumé à Ovcara et enterré à

 13   Vinkovci. Il avait 21 ans.

 14   M Waespi (interprétation). - Connaissez-vous une personne du nom de

 15   Darko Vuk ?

 16   Mme Dosen (interprétation). - Oui, je le connais bien. Il était un peu

 17   plus âgé que Martin. Mais il était vraiment désagréable, je ne sais pas ce

 18   qu'on a pu lui faire pour qu'il devienne un Serbe aussi extrémiste. Je

 19   pensais que c'était un ami. Je lui ai demandé : "Darko, est-ce que tu ne

 20   vas pas sauver mes proches ?" Il m'a jeté un coup d'oeil ironique et il

 21   m'a dit : "Vous, les Dosen, vous avez fait beaucoup de mal, alors restez

 22   tranquilles".

 23   M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous le décrire ? Ce jour-là, que

 24   portait-il ? Comment était-il ?

 25   Mme Dosen (interprétation). - Il portait un uniforme de camouflage. Il


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  1   avait l'air arrogant. Il se prenait pour le grand libérateur. Je ne sais

  2   pas de qui il nous libérait ou de qui il

  3   me libérait en tout cas. C'était un habitant de Vukovar et je ne vois pas

  4   pourquoi il aurait pu se sentir menacé. Aucun d'entre nous ne le menaçait,

  5   il n'avait pas besoin d'agir en tant que libérateur. Mais j'ai pensé que

  6   la situation était telle qu'il n'était pas bon que nous, les Croates, nous

  7   manifestions trop d'agressivité ou trop de colère. Les gens autour de nous

  8   étaient très arrogants, ils fêtaient cet événement.

  9   L'un d'eux portait une insigne Chetnik. Il portait une longue barbe. L'un

 10   était si arrogant et si brutal qu'il a commencer à lécher un couteau. Il

 11   menaçait de massacrer tous les Croates. C'était affreux. C'est quelque

 12   chose que je n'aurais jamais pu imaginer. En tout cas, je ne m'attendais à

 13   ce que les gens avec qui j'avais grandi, avec qui j'avais été à l'école,

 14   avec qui j'étais sortie, avec qui j'étais allée à des mariages puissent se

 15   comporter ainsi. Les voir se comporter ainsi était quelque chose de

 16   terrible.

 17   Sans doute que je n'oublierai jamais le fait que ce même Darko se tenait

 18   assis dans mon restaurant, à côté de mon mari. C'était un ami de mon mari.

 19   Jamais je n'aurais imaginé que cela puisse se terminer ainsi. Je ne sais

 20   pas, je pensais qu'il agirait en homme, je pensais qu'il nous viendrait en

 21   aide. Il se comportait comme s'il était le grand libérateur et n'arrêtait

 22   pas de célébrer cet événement.

 23   M Waespi (interprétation). - Pouvons-nous revenir à ce qui est arrivé à

 24   votre mari ? Vous avez dit qu'il était allongé sur une civière, devant le

 25   bus. Avez-vous eu, à ce moment-là, une conversation avec M. Sljivancanin,


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  1   conversation qui portait sur votre mari ?

  2   Mme Dosen (interprétation). - Oui, étant donné que mon mari avait très

  3   peur de ce qui allait arriver à notre fille qui avait 14 ans... Nous

  4   étions toutes les deux là, toutes seules, et il ne pouvait pas nous aider.

  5   Il m'a alors demandé d'essayer de faire quelque chose. J'ai compris que

  6   les gens de Vukovar ne pouvaient pas nous aider. J'ai alors dit à mon

  7   mari : "Je vais aller voir le major et je vais lui demander ce que nous

  8   faisons là, moi et ma fille". C'est ce que nous avons fait. Nous sommes

  9   allées le voir. Il se tenait près de l'autre bus et je lui ai dit :

 10   "Excusez

 11   moi, permettez-vous que je vous pose une question ?" Il m'a dit : "Je vous

 12   en prie." Je lui ai dit : "Je ne comprends pas ce que nous faisons ici, ma

 13   fille et moi. Il n'y aucune autre femme, aucun autre enfant ici". Il m'a

 14   dit : "Vous avez été arrêtés ?" J'ai répondu : "Non, je croyais que

 15   c'était un convoi qui allait nous emmener hors de Vukovar". Il a dit :

 16   "Mais que faites-vous ici alors ?" J'ai répondu : "Je suis là parce que

 17   mon mari est là". Il m'a dit : "Où est votre mari ?" Je lui indiqué mon

 18   mari, qui était à côté du bus. Il m'a dit : "Qui est-ce ?" J'ai dit :

 19   "C'est Martin Dosen". Il a répondu : "Ah ! Dosen ! Alors pourquoi n'est-il

 20   pas dans le bus ?" J'ai dit : "Mais il ne peut pas monter dans le bus, il

 21   est immobilisé, il est sur cette civière".

 22   Il m'a regardé, s'est étonné et a dit à deux soldats d'aller s'occuper de

 23   mon mari et de le remmener vers l'hôpital. Il nous a dit qu'il fallait que

 24   nous le suivions. Tandis que nous marchions, je lui ai dit : "Excusez-moi,

 25   mais que faire des affaires de mon mari ?" Comme il était à l'hôpital,


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  1   qu'il avait des appareils médicaux, je ne savais pas ce qu'il pouvait

  2   porter, à part ce pullover, et je pensais qu'il allait avoir froid. Je

  3   pensais que si nous arrivions à Zagreb ou à un autre endroit, je pourrais

  4   lui donner des vêtements, qu'il puisse se changer. Il avait un sac avec

  5   des affaires à l'intérieur.

  6   Le major m'a regardé et il m'a dit : "De quoi a-t-il besoin, pourquoi

  7   aurait-il besoin de cela ?" Cela m'a surpris. Je me suis demandé pourquoi

  8   il demandait ça et j'ai dit : "Excusez-moi ?" Il a sans doute compris que,

  9   par sa question, il m'avait fait comprendre que mon mari n'aurait plus

 10   jamais besoin de ce genre d'affaires. Il s'est donc repris et m'a dit :

 11   "Mais qui va porter ces affaires ?" J'ai dit : "Si personne ne va les

 12   porter, moi je vais les porter". J'ai poussé ma fille devant moi et je lui

 13   ai dit de continuer car je voulais qu'elle rejoigne le groupe des femmes

 14   et des enfants.

 15   Mon mari n'arrêtait pas de nous dire qu'il fallait se trouver là où tous

 16   les autres se trouvaient, qu'il fallait être toujours rassemblés. Il avait

 17   très peur que nous soyons tués si nous nous distinguions. Il avait

 18   particulièrement peur pour Tanja.

 19   Je l'ai donc poussée vers ce groupe de femmes et d'enfants, vers la

 20   gauche. Ceci dit, ils n'ont pas ramené Martin à l'hôpital. Ils l'ont

 21   laissé là, juste à l'entrée de l'hôpital. Parce que les patients qui

 22   étaient immobilisé, qui étaient sur des civières ou qui étaient si

 23   gravement blessés qu'ils ne pouvaient plus marcher, des camions militaires

 24   venaient pour les emporter, pour autant que j'ai pu voir ce qui passait,

 25   parce que j'ai dû, à un moment, me pencher pour recouvrir mon mari d'une


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  1   couverture. Je lui ai passé la main sur le visage et je lui ai dit :

  2   "Prends bien soin de toi". Nous, nous sommes partis. C'est à ce moment-là

  3   que les camions militaires les ont emmenés.

  4   M. Waespi (interprétation). - Vous avez dit que vous avez quitté votre

  5   mari. Juste avant de le quitter, avez-vous demandé à Slijivancanin où ce

  6   bus, notamment ce bus militaire dont vous nous avez parlé précédemment, se

  7   rendait ?

  8   Mme Dosen (interprétation). - Oui, tandis que nous parlions de tout cela,

  9   j'ai moi-même compris qu'on était en train de préparer une espèce

 10   d'exécution. Surtout parce que j'avais vu ce bus militaire. J'ai entendu

 11   des gens dire que c'était un bus qui emmenait des gens pour les liquider.

 12   J'ai demandé au Major : "Excusez-moi, mais pouvez-vous me dire où vont ces

 13   bus ?". Il m'a répondu : "Quel bus ? Quel est le bus qui vous intéresse ?"

 14   J'ai répondu : "Toute ma famille se trouve dans le bus militaire, c'est

 15   donc celui-là qui m'intéresse. Parce que j'ai vu qu'il y avait des soldats

 16   qui se tenaient autour du bus, qui le surveillaient en fait". Le major m'a

 17   répondu : "Ah, ce bus ! Il ne va pas très loin. Parce que les gens qui se

 18   trouvent dans ce bus-ci disparaîtront dans l'obscurité, et ce en plein

 19   jour".

 20   M. Waespi (interprétation). - Avez-vous revu l'une quelconque de ces

 21   personnes que vous avez vu monter dans ce bus ?

 22   Mme Dosen (interprétation). - Je n'ai jamais revu l'une de ces personnes

 23   et ce malgré notre espoir qu'elles se trouvent en détention quelque part.

 24   Dans ce convoi, il y avait 74 blessés qu'ils voulaient emmener à

 25   Mitrovica. Mais nous, les femmes et les enfants, nous


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  1   nous sommes mobilisés contre cela.

  2   Donc il nous ont d'abord emmenés dans une infirmerie où nous avons passé

  3   la nuit et ils nous ont emmenés le lendemain matin. Là encore, nous

  4   refusions de nous déplacer si les blessés n'étaient pas avec nous. Ils

  5   nous ont dit que nous ne pouvions pas aller en Croatie, qu'elle ne voulait

  6   pas de nous. Ils nous ont dit qu'il fallait passer par Orasije et que le

  7   pont d'Orasije avait été détruit et que les bus ne pouvaient plus passer.

  8   Nous les femmes, nous avons dit : "Eh bien, tant pis ! Nous, nous allons

  9   transporter ces blessés, nous ne les laisserons pas là, à l'infirmerie"

 10   Nous avons attendu encore une heure ou deux, et les blessés ont été

 11   emmenés dans le convoi. Ce sont les seules personnes que nous ayons pu

 12   emmener de l'hôpital de Vukovar.

 13   M. Waespi (interprétation). - Je n'ai plus que quelques questions à vous

 14   poser, Madame. Vous venez de dire que vous étiez partis avec ces blessés

 15   dans un convoi. Savez-vous à quelle heure ce convoi a quitté l'hôpital de

 16   Vukovar ?

 17   Mme Dosen (interprétation). - Nous pensions qu'au matin vers 8 heures,

 18   nous allions partir comme ils l'avaient dit. Mais par la suite, nous avons

 19   compris qu'ils disposaient de leur propre liste et c'est sur la base de

 20   celle-ci qu'ils emmenaient toutes les personnes, tous les hommes, tous les

 21   blessés de l'hôpital. Parce que les représentants de la Communauté

 22   européenne n'étaient toujours pas arrivés à l'hôpital Ces blessés ne

 23   figuraient sur aucun registre. Les observateurs de la Communauté

 24   européenne ne sont arrivés que vers 11 heures.

 25   C'est à ce moment qu'ils ont commencé à prendre le nom des autres blessés


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  1   qui se trouvaient dans l'hôpital et qui ont été évacués avec nous. Nous

  2   avons dû partir un peu après 11 heures. Nous sommes passés par le centre-

  3   ville parce qu'ils nous ont dit qu'il fallait que nous allions à

  4   Velepromet. A partir de Velepromet, nous sommes partis vers Bogdanovci,

  5   ensuite vers Vinkovci. Cela, c'était l'accord passé entre le Dr Bosanac,

  6   la Mission de la Communauté européenne et les libérateurs.

  7   Mais lorsque que nous sommes arrivés à Velepromet, ils nous ont dit que

  8   nous ne pouvions plus passer par Bogdanovci, que des mines y avaient été

  9   apparemment placées et qu'ils ne pouvaient pas être responsables de ce qui

 10   nous arrivait.

 11   Ils nous ont dit que la Croatie ne voulait pas de nous mais qu'ils

 12   allaient nous faire passer par Negoslavci, nous faire passer par Mitrovica

 13   et nous faire arriver en Serbie. Nous leur avons dit que nous n'avions

 14   rien à faire en Serbie, que nous voulions aller en Croatie, à Zagreb ou en

 15   un quelconque autre endroit, mais pas en Serbie. Mais eux, bien sûr, ils

 16   avaient leur propre projet.

 17   Nous avons compris qu'ils voulaient aussi ces 74 blessés. C'est pour cela

 18   qu'ils nous ont amenés à Mitrovica. Parce que la plupart des nôtres ont

 19   fini par arriver à Mitrovica et dans tout le secteur, mais pour ce qui est

 20   de ces quatre bus, nous n'avons jamais revu l'une quelconque de ces

 21   personnes qui s'y trouvaient. Ce n'est qu'à Ovcara qu'on a pu les

 22   retrouver et c'est là que ce massacre atroce a eu lieu. C'est une honte.

 23   Peut-être pourrais-je leur pardonner, si mon mari avait été armé et si ce

 24   Serbe avait eu une arme entre les mains et s'ils avaient tiré les uns sur

 25   les autres. Mais tuer des blessés qui sont sans défense, qui ne sont pas


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  1   armés, c'est atroce, c'est un crime qu'il faut punir et, au nom de mon

  2   mari, au nom de ma mère, au nom de mes enfants, je vous supplie, il faut

  3   punir ces hommes.

  4   M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup, Madame Dosen. Pour conclure

  5   mon interrogatoire, je souhaiterais vous montrer une photo de l'hôpital et

  6   des alentours de l'hôpital, et aussi je vais vous demander de montrer des

  7   sites très brièvement sur ces photos -il s'agira de la pièce à conviction

  8   de l'accusation n° 8-, c'est une série de photographies de l'hôpital de

  9   Vukovar. Avec l'aide de l'huissier, s'il vous plaît.

 10   Veuillez montrer au témoin la photographie n° 5. Le n° 5, puis-je

 11   regarder ? Oui, c'est la bonne. Merci. Pourriez-vous nous montrer où se

 12   trouve l'entrée ou la sortie de l'hôpital

 13   où on vous a emmenés vous et votre mari sur une civière ?

 14   Mme Dosen (interprétation). - Le matin du 20 novembre...

 15   M. Waespi (interprétation). - Oui, veuillez montrer avec le pointeur.

 16   Mme Dosen (interprétation). - La sortie se trouve ici, sous cette partie,

 17   c'est par là qu'on sort de l'hôpital. On prend ce chemin, à gauche, la

 18   sortie principale est par ici. Ici se trouvaient des femmes, des enfants

 19   et des civils. Ici, c'est le passage par lequel nous sommes passés. Et à

 20   gauche, à droite se trouvaient des soldats, nous passions sous cette haie,

 21   jusqu'à la rue qui se trouve derrière l'hôpital. Ici, derrière l'hôpital,

 22   dans la rue, ils avaient placé les autobus. Ici, il y avait les deux

 23   autobus civils, un autobus militaire, encore un bus civil et ici, derrière

 24   ces maisons-là, se trouvaient des camions.

 25   M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup, Madame Dosen. Ceci est la


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  1   fin de mon interrogatoire, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

  2   Juges.

  3   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, si je vais quand même

  4   être amené à poser quelques questions, c'est que je viens d'avoir une

  5   déclaration faite par un enfant, ici, à La Haye.

  6   Je suis tout à fait désolé de tout ce qui vous est arrivé. Je ne voulais

  7   pas vous poser de questions, mais simplement vous présenter mes

  8   condoléances. Je voudrais savoir : avez-vous vu Mme Zera Katica alors que

  9   vous attendiez avant d'être emmenée en autobus ?

 10   Mme Dosen (interprétation). - Je ne connais pas personnellement

 11   Mme Katica Zera, je n'avais pas de contacts avec elle auparavant.

 12   Maintenant, je la connais, mais à l'époque il y avait tellement de

 13   personnes à l'hôpital que peut-être nous nous croisions parfois mais, tout

 14   simplement, je ne connaissais pas son prénom ni son nom.

 15   M. Fila (interprétation). - Expliquez-moi quelque chose concernant le

 16   temps. Quant vous êtes sortie de l'hôpital, combien de temps avez-vous

 17   passé avant de monter dans l'autobus avec les autres femmes et enfants ?

 18   Mme Dosen (interprétation). - Je suis sortie de l'hôpital vers 8 heures du

 19   matin et tout ce qui s'est passé s'est passé en l'espace d'environ une

 20   heure et demie à deux heures derrière l'hôpital de Vukovar. Ensuite, je

 21   suis rentrée dans le groupe des femmes, des enfants et des civils qui

 22   étaient à l'hôpital. Nous sommes tous sortis par la sortie principale. Il

 23   y avait le convoi organisé par les observateurs européens. Nous sommes

 24   partis avec eux. Il était environ 11 heures.

 25   M. Fila (interprétation). - Merci. C’est tout, Monsieur le Président.


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  1   M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur Fila. D’autres

  2   questions ? Non.

  3   Madame Dosen, merci beaucoup d’être venue. Vous pouvez vous retirer

  4   définitivement maintenant.

  5   Mme Dosen (interprétation). - Merci à vous aussi.

  6   (Le témoin quitte la salle d’audience.)

  7   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, j’appelle

  8   Tanja Dosen à la barre. 

  9   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 10   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Veuillez prononcer la

 11   déclaration solennelle, s’il vous plaît.

 12   Mlle Dosen (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

 13   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez vous asseoir.

 15   M. Niemann (interprétation). - Votre nom est-il Tanja Dosen ?

 16   Mlle Dosen (interprétation). - Oui.

 17   M. Niemann (interprétation). - Quand êtes-vous née ?

 18   Mlle Dosen (interprétation). - Le 19 janvier 1977.

 19   M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous que, le

 20   6 septembre 1995, M. Milner, du Bureau du Procureur, est venu vous voir et

 21   a pris votre déclaration concernant les événements qui se sont passés à

 22   Vukovar en 1991 ?

 23   Mlle Dosen (interprétation). - Oui, je m’en souviens.

 24   M. Niemann (interprétation). - Vous rappelez-vous que la déclaration a été

 25   faite en anglais et qu’ensuite elle vous a été retraduite en croate ?


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  1   Mlle Dosen (interprétation). - Oui.

  2   M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous qu’à l’époque, on vous a

  3   demandé d’apposer votre signature en bas de chaque page ?

  4   Mlle Dosen (interprétation). - Oui.

  5   M. Niemann (interprétation). - Veuillez examiner le document que je vous

  6   montre maintenant.

  7   (Le témoin s’exécute.)

  8   On pourrait peut-être lui attribuer la cote de la pièce suivante. Il n’y a

  9   pas de traduction en croate.

 10   M. le Greffier (interprétation). - C’est le numéro 63.

 11   M. Niemann (interprétation). - Voyez-vous votre signature en bas de chaque

 12   page ?

 13   Mlle Dosen (interprétation). - Oui.

 14   M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement au dossier de ce

 15   document, s’il vous plaît.

 16   M. le Président (interprétation). - Monsieur Fila, y a-t-il des

 17   objections ?

 18   M. Fila (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

 19   M. le Président (interprétation). - Merci.

 20   M. Niemann (interprétation). - Mademoiselle Dosen, où avez-vous grandi et

 21   vécu avant 1991 ?

 22   Mlle Dosen (interprétation). - A Vukovar. 

 23   M. Niemann (interprétation). - Y avez-vous vécu avec vos parents ? 

 24   Mlle Dosen (interprétation) - Oui.

 25   M. Niemann (interprétation). - Comment s'appelaient vos parents ?


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  1   Mlle Dosen (interprétation) - Martin Dosen et Ljubica Dosen.

  2   M. Niemann (interprétation). - En 1991, je suppose que vous aviez environ

  3   14 ans et demi ?

  4   Mlle Dosen (interprétation) - Oui. En janvier 1995, j'ai eu 15 ans.

  5   M. Niemann (interprétation). - Effectivement, vous étiez très jeune. Vous

  6   souvenez-vous quand même bien ce qui s'est passé à Vukovar vers la fin de

  7   l'année 1991 ?

  8   Mlle Dosen (interprétation) - Oui, je m'en souviens très bien.

  9   M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous à Vukovar pendant le siège ?

 10   Mlle Dosen (interprétation) - Oui.

 11   M. Niemann (interprétation). - Y étiez-vous avec votre mère et votre père

 12   à l'époque ?

 13   Mlle Dosen (interprétation) - Oui.

 14   M. Niemann (interprétation). - Dans la deuxième partie de novembre 1991,

 15   est-ce que votre père vous a laissées derrière, vous et votre mère ?

 16   Mlle Dosen (interprétation) - Oui, parce qu'il a été blessé. Il a été

 17   amené à l'hôpital de Vukovar.

 18   M. Niemann (interprétation). - On vient de me dire -je ne sais pas si cela

 19   vient de vous ou bien des interprètes qui ont fait une erreur- que vous

 20   aviez 15 ans en 1995, je suppose que vous parliez de 1992.

 21   Mlle Dosen (interprétation) - Excusez-moi. Effectivement c'était en 1992.

 22   M. Niemann (interprétation). - Merci. Pouvez-vous nous dire comment s'est

 23   produit cette séparation entre votre famille et votre père, vers la fin

 24   novembre 1991 ?

 25   Mlle Dosen (interprétation) - Après avoir été blessé la première fois, il


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  1   a été hospitalisé pendant très peu de temps. Il est revenu à la maison,

  2   étant donné qu'il n'y avait pas suffisamment de place à l'hôpital, que

  3   celui-ci avait été incendié. Il ne pouvait pas marcher, il se servait

  4   surtout de sa main gauche. Il a essayé de descendre en utilisant une

  5   corde. Il est tombé et s'est blessé à la colonne vertébrale. Il a donc été

  6   remmené à l'hôpital.

  7   M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous de la date approximative

  8   à laquelle il est allé à l'hôpital ?

  9   Mlle Dosen (interprétation) - C'était environ le 14 ou le 15 novembre

 10   1991, cinq ou six jours avant la chute de Vukovar.

 11   M. Niemann (interprétation). - Etes-vous allé à l'hôpital avec votre père

 12   et votre mère ?

 13   Mlle Dosen (interprétation) - Non, ma mère et moi-même nous sommes restés

 14   sur place. Mon père a été amené par quelques personnes qui étaient devant

 15   le bâtiment.

 16   M. Niemann (interprétation). - Je vois. Et après, vous êtes allée à

 17   l'hôpital. Quand cela s'est-il passé ?

 18   Mlle Dosen (interprétation) - Nous y sommes allées plus tard, quand le

 19   pilonnage s'est calmé. Ma mère et moi-même sommes allées à l'hôpital, mais

 20   on ne voulait pas me laisser entrer. On ne voulait pas me dire qu'il ne

 21   pouvait pas se déplacer. J'ai donc dû rentrer à la maison tandis que ma

 22   mère est restée.

 23   M. Niemann (interprétation). - Merci. Par la suite, êtes-vous allée vous-

 24   même à l'hôpital ?

 25   Mlle Dosen (interprétation) - Le père a dit à la mère qu'on préparait


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  1   l'évacuation de l'hôpital de Vukovar et qu'elle devait revenir à la maison

  2   pour qu'on aille à l'hôpital toutes les deux. Effectivement, le 19, nous

  3   sommes allées à l'hôpital.

  4   M. Niemann (interprétation). - Où êtes-vous restées lorsque vous êtes

  5   arrivées à l'hôpital ?

  6   Mlle Dosen (interprétation) - Tout d'abord, nous étions près de mon père,

  7   mais étant donné qu'il n'y avait pas de place où dormir là-bas, ils nous

  8   ont envoyées à l'étage, au-dessus de la cave. Mon père ne voulait pas que

  9   la mère le quitte. J'y suis donc allée avec ma grand-mère.

 10   M. Niemann (interprétation). - Où êtes-vous restée avec votre grand-mère ?

 11   Mlle Dosen (interprétation) - Au rez-de-chaussée, au-dessus de la cave, du

 12   sous-sol.

 13   M. Niemann (interprétation). - Vous êtes restée combien de temps avec

 14   votre grand-mère ?

 15   Mlle Dosen (interprétation) - J'ai passé la nuit là-bas. Ensuite, le

 16   Dr Bosanac est

 17   venue dire que nous ne pouvions plus rester là, qu'il y aurait une

 18   évacuation et que ceux qui le souhaitaient pouvaient aller à Velepromet,

 19   qu'un convoi devait aller en Croatie. Mais ensuite, ma mère est arrivée en

 20   disant que je ne devais pas partir parce que le père ne le souhaitait pas.

 21   M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait alors ?

 22   Mlle Dosen (interprétation) - Je suis allée chez mon père. Nous attendions

 23   de voir ce qui allait nous arriver. Mon père était immobilisé. Il voulait

 24   que ma mère et moi nous occupions de lui étant donné qu'il n'y avait pas

 25   suffisamment de personnel médical.


Page 975

  1   M. Niemann (interprétation). - Est-ce ce que vous avez fait ?

  2   Mlle Dosen (interprétation) - Oui.

  3   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

  4   Mlle Dosen (interprétation) - Le jour suivant, l'Armée yougoslave est

  5   entrée à l'hôpital, ainsi que leurs réservistes. Je veux parler des Serbes

  6   qui vivaient à Vukovar.

  7   M. Niemann (interprétation). - Comment faisiez-vous la distinction entre

  8   l'Armée yougoslave et les réservistes ?

  9   Mlle Dosen (interprétation) - L'Armée yougoslave était surtout constituée

 10   de jeunes. Ils portaient une étoile rouge sur leur couvre-chef, alors que

 11   les réservistes étaient mal rasés, ils étaient barbus, ils avaient l'air

 12   négligé et portaient des insignes avec les quatre "C" et des cocardes.

 13   M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous quelle était la date,

 14   lorsque les soldats de la JNA et les réservistes sont venus ?

 15   Mlle Dosen (interprétation) - Le 19 novembre 1991.

 16   M. Niemann (interprétation). - Qu'ont-ils fait lorsqu'ils sont venus à

 17   l'hôpital ?

 18   Mlle Dosen (interprétation) - Ils sont entrés dans l'hôpital, ils ont

 19   d'abord regardé pour voir qui se trouvait là. Ensuite, ils se sont

 20   promenés dans l'hôpital. Ils donnaient des cigarettes à certaines

 21   personnes, quelquefois ils provoquaient des gens. Surtout les réservistes,

 22   non pas tellement les soldats de la JNA.

 23   Ensuite, deux soldats se sont mis à l'entrée et n'ont plus laissé personne

 24   entrer à l'intérieur. En ce qui concerne ce qui se passait à l'hôpital,

 25   j'étais dans la pièce, mais on ne voyait plus de soldats. Il y avait des


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  1   soldats devant la porte, mais la porte était fermée. Nous ne pouvions rien

  2   voir.

  3   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

  4   Mlle Dosen (interprétation) - Le 20 novembre au matin, un soldat est entré

  5   dans l'hôpital. Il avait une liste, il faisait l'appel des noms des

  6   personnes blessées qui étaient à l'hôpital. Il fallait que ces personnes

  7   sortent à l'extérieur. Etant donné que mon père était immobilisé, il était

  8   le premier sur la liste, mais il ne pouvait pas sortir. Il fallait

  9   attendre la civière pour qu'il puisse être transporté dehors.

 10   M. Niemann (interprétation). - Est-ce qu'à ce moment, vous étiez ensemble

 11   avec votre père ?

 12   Mlle Dosen (interprétation) - Oui.

 13   M. Niemann (interprétation). - Et votre mère y était, elle aussi ?

 14   Mlle Dosen (interprétation) - Oui, elle aussi était là avec nous.

 15   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

 16   Mlle Dosen (interprétation) - Deux infirmières sont arrivées. Elles

 17   devaient transporter mon père. Mais il était assez lourd et elles n'y

 18   arrivaient pas. Deux soldats sont donc arrivés et l'ont porté jusqu'à la

 19   sortie, près de la route. Ils l'ont mis par terre, près du troisième

 20   autobus. C'était un bus militaire. Ils l'ont laissé là. Nous étions là,

 21   nous voulions voir ce qui allait se passer.

 22   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

 23   Mlle Dosen (interprétation) - J'ai vu que des autobus conduisaient les

 24   personnes. On faisait monter le maximum de personnes à l'intérieur. Quant

 25   au troisième autobus, c'était un


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  1   autobus militaire. On n'y mettait que des personnes arrêtées.

  2   M. Niemann (interprétation). - En ce qui concerne ces personnes qui

  3   étaient amenées dans les bus, les connaissiez-vous ? Connaissiez-vous

  4   leurs noms ?

  5   Mlle Dosen (interprétation) - Oui, il y avait plusieurs membres de ma

  6   famille, deux frères de mon père, deux cousins, ma tante.

  7   M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous me dire les noms de ces

  8   personnes ?

  9   Mlle Dosen (interprétation) - Ivan Dosen, Tadija Dosen, Zvonko Vulic,

 10   Josip Kozul, Sisina Glavasevic, Martin Jakubovski Dosen,

 11   Ruzica Markobasic.

 12   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

 13   Mlle Dosen (interprétation) - Pendant que nous étions là, ma mère a posé

 14   la question à un soldat et a demandé où partaient ces autobus. Lui a

 15   répondu qu'il ne savait pas. Etant donné que mon père était pratiquement

 16   nu, ma mère lui a demandé pourquoi on ne l'amenait pas ailleurs, parce

 17   qu'il avait froid. Un soldat a dit que la civière ne pouvait pas entrer

 18   dans l'autobus. Ils ont dit qu'ils allaient faire venir un camion. Le

 19   Major Sljivancanin a donné l'ordre d'y amener un camion.

 20   M. Niemann (interprétation). - Vous avez mentionné le Major Sljivancanin.

 21   Comment savez-vous que c'était lui ?

 22   Mlle Dosen (interprétation). - Quand l'Armée yougoslave est entrée dans

 23   l'hôpital de Vukovar, le Major Sljivancanin est venu jusqu'à la porte de

 24   la salle où nous étions. Il s'est présenté.

 25   M. Niemann (interprétation). - Merci.


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  1   Vous étiez sur place quand il l'a fait ?

  2   Mlle Dosen (interprétation). - Oui, étant donné que le lit de mon père

  3   était juste à côté la porte.

  4   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

  5   Mlle Dosen (interprétation). - Ils ont d'abord fait venir ma tante qui

  6   était enceinte. Ils l'ont faite venir jusqu'au troisième autobus. Ils ont

  7   commencé à la fouiller. Ils ont sorti ses affaires de son sac. Un soldat

  8   l'a faite entrer dans l'autobus. Il m'a mis quelque chose dans la main. Il

  9   a mis quelque chose dans la main de ma mère. Elle a regardé et a vu que

 10   c'était de l'argent. Elle a dit : "Mais pourquoi me donnez-vous cet

 11   argent-là ?" Le soldat a répondu : "Peut-être en aurez-vous besoin, alors

 12   qu'elle n'aura plus jamais besoin de cela".

 13   M. Niemann (interprétation). - Quel était le nom de votre tante ?

 14   Mlle Dosen (interprétation). - Ruzica Markobasic.

 15   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

 16   Mlle Dosen (interprétation). - Deux soldats ont emmené Martin Jakubovski

 17   devant le troisième bus. Il leur disait quelque chose. Je n'ai pas bien

 18   entendu de quoi il s'agissait. J'ai simplement posé la question de savoir

 19   ce qui se passait. Il m'a répondu tout simplement qu'il fallait que je me

 20   calme, que tout allait bien. Lui aussi, on l'a fait monter dans le

 21   troisième autobus.

 22   M. Niemann (interprétation). - Veuillez examiner la photo que je vais vous

 23   montrer et veuillez la placer sur le rétroprojecteur à côté.

 24   Pourriez-vous examiner cette photo ? Reconnaissez-vous cette photo ?

 25   Mlle Dosen (interprétation). - Oui. C'est le fils de ma tante,


Page 979

  1   Martin Jakubovski. Lui aussi, on l'a emmené dans le troisième bus. Il a

  2   été identifié à Ovcara.

  3   M. Niemann (interprétation). - C'est celui qui vous a parlé lorsque que

  4   vous étiez devant l'hôpital ? C'est lui que vous venez de mentionner ?

  5   Mlle Dosen (interprétation). - Oui.

  6   M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement au dossier.

  7   M. le Greffier. (interprétation). - Il s'agira de la pièce à

  8   conviction 64.

  9   M. Niemann (interprétation). - Après que Martin Jakubovski vous a parlé,

 10   que

 11   s'est-il passé ?

 12   Mlle Dosen (interprétation). - Ma mère est allée jusqu'au

 13   Major Sljivancanin et lui a posé la question de savoir pourquoi on ne

 14   conduisait pas mon père ailleurs. Il a donné l'ordre aux soldats de

 15   prendre une civière et de le transporter jusqu'au camion, puisque la

 16   civière ne pouvait pas entrer dans l'autobus. Ma mère a dit : "Allez-vous

 17   prendre ses affaires ?" Il a répondu : "Mais il n'aura pas besoin de ses

 18   affaires". Ensuite, je suppose qu'il a compris ce qu'il a dit. Il s'est

 19   tourné vers ma mère en lui disant : "Qui va s'occuper de ses affaires ?"

 20   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

 21   Mlle Dosen (interprétation). - Ils l'ont mis par terre. Il n'y avait pas

 22   encore de camion. Le Major Sljivancanin m'a dit et a dit à ma mère d'aller

 23   rejoindre le groupe des femmes et des enfants. Nous ne l'avons plus jamais

 24   revu.

 25   M. Niemann (interprétation). - Votre père a-t-il dit quelque chose pendant


Page 980

  1   que cela se passait ?

  2   Mlle Dosen (interprétation). - Pendant que nous étions devant le bus, mon

  3   père a dit à ma mère d'aller voir ce qui se passait. Ensuite, il a retiré

  4   sa montre et l'a donnée à ma mère, alors qu'il m'avait déjà donné sa

  5   chaîne le 18 novembre, à l'hôpital de Vukovar.

  6   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

  7   Mlle Dosen (interprétation). - Ensuite, lorsque nous avons rejoint le

  8   groupe des femmes et des enfants, nous sommes restés pendant un certain

  9   temps devant l'entrée principale de l'hôpital. Puis il nous a dit de

 10   monter à bord des autobus car l'évacuation allait commencer.

 11   M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes montées dans les autobus,

 12   où êtes-vous allées ?

 13   Mlle Dosen (interprétation). - Nous sommes passés par le centre-ville.

 14   Nous sommes arrivés jusqu'à Velepromet. Nous y sommes restés environ

 15   15 minutes. On nous a emmenés ensuite à Negoslavci où nous avons passé peu

 16   de temps. Ensuite, finalement, ils nous

 17   ont emmenés à Sremska Mitrovica où nous avons passé quelques jours.

 18   M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé après les quelques jours

 19   que vous avez passés à Mitrovica ?

 20   Mlle Dosen (interprétation). - Nous sommes allés en Croatie. Nous sommes

 21   allés à Djakovo où nous avons passé quelques heures. Ensuite, nous sommes

 22   allés à Djurdjevac où nous avons passé la nuit. Puis, ma mère et moi

 23   sommes arrivées à Zagreb.

 24   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous revu votre père depuis ?

 25   Mlle Dosen (interprétation). - Je ne l'ai plus jamais revu et je n'ai plus


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  1   jamais entendu parler de lui non plus.

  2   M. Niemann (interprétation). - Et votre cousin Martin Jakubovski Dosen,

  3   avez-vous entendu quelque chose à son sujet ?

  4   Mlle Dosen (interprétation). - Seulement au moment où il a été enterré,

  5   après son identification à Ovcara.

  6   M. Niemann (interprétation). - Qu'en est-il de votre tante ?

  7   Mlle Dosen (interprétation) - Elle n'a pas encore été retrouvée ni

  8   identifiée.

  9   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions; Monsieur le

 10   Président.

 11   M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?

 12   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais d'abord

 13   présenter mes condoléances pour cette tragédie et j'aimerais demander

 14   uniquement au témoin de répondre à quelques questions au sujet de l'heure.

 15   Quand vous êtes sortie devant l'hôpital, y avait-il d'autres personnes,

 16   des femmes, des enfants ? Quelle heure était-il ?

 17   Mlle Dosen (interprétation) - Nous sommes sortis tôt le matin, je ne

 18   pourrais pas vous dire exactement à quelle heure, mais je crois qu'il

 19   était environ 7 heures; parce que la communauté européenne n'est arrivée

 20   qu'aux alentours de 11 heures. Je le sais avec précision

 21   puisque j'avais une montre au poignet. Quand je suis montée dans

 22   l'autobus, j'ai regardé quelle heure il était.

 23   M. Fila (interprétation). - Et il était 11 heures ?

 24   Mlle Dosen (interprétation) - Oui.

 25   M. Fila (interprétation). - Dernière question : à quelle heure avez-vous


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  1   vu pour la dernière fois le Major Sljivancanin ?

  2   Mlle Dosen (interprétation) - Je ne sais pas exactement quelle heure il

  3   était, je sais seulement que c'était le 19 novembre, au début de la

  4   soirée.

  5   M. Fila (interprétation). - Je vous pose la question au sujet du 20. Quand

  6   l'avez-vous vu pour la première fois ? Vous êtes sortie à 7 heures ?

  7   Mlle Dosen (interprétation) - Oui, nous sommes sortis aux environs de

  8   7 heures.

  9   M. Fila (interprétation). - Quand l'avez-vous vu ?

 10   Mlle Dosen (interprétation) - Combien de temps a-t-il fallu pour aller de

 11   la cave jusqu'à la rue ? Peut-être 10 ou 15 minutes. Nous sommes restés

 12   dehors pendant 10 ou 15 minutes. A ce moment-là, ma mère lui a parlé.

 13   M. Fila (interprétation). - C'était donc à peu près une demi-heure ?

 14   Mlle Dosen (interprétation) - Oui, à peu près, cela devait donc être aux

 15   alentours de 7 heures 30.

 16   M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Je vous prie encore de

 17   m'excuser pour les questions que je vous ai posées.

 18   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Y a-t-il des

 19   objections à ce que le témoin soit libéré ?

 20   M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection.

 21   M. le Président (interprétation). - Mademoiselle, merci d'être venue pour

 22   témoigner ici. Vous pouvez maintenant vous retirer, Mademoiselle Dose

 23   (Le témoin quitte la salle d'audience.)

 24   M. le Président (interprétation). - Je me demande si le Procureur estime

 25   que nous pouvons entendre un autre témoin avant le déjeuner.


Page 983

  1   M. Niemann (interprétation). - Je ne suis pas sûr, Monsieur le Président,

  2   qu'un témoin soit disponible. Mais je peux bien entendu appeler le

  3   prochain témoin. S’il est disponible nous pouvons commencer son

  4   interrogatoire. Cela étant, il est possible que le témoin ne soit pas ici,

  5   Monsieur le Président.

  6   M. le Président (interprétation). - Pendant que nous attendons l'arrivée

  7   du témoin, j'aimerais poser la question suivante aux deux parties. Vous

  8   serait-il possible de fournir aux juges, quand vous le pourrez, un

  9   exemplaire, si possible en anglais, de quelque accord international conclu

 10   par la République de Croatie entre le mois de juin et de décembre 1991 ?

 11   Si l'une ou l’autre des parties connaît l’existence d'un accord de ce

 12   genre, ce serait très utile pour les juges.

 13   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous nous

 14   renseignerons et nous ferons ce que vous avez demandé.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

 16   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, quand vous parlez

 17   d’accord, entendez-vous également par là un accord éventuel avec la

 18   Yougoslavie ou bien d’autres Etats ?

 19   M. le Président (interprétation). - Toute forme d’accord international,

 20   pas seulement avec la Yougoslavie. On nous a déjà donné le texte d’un

 21   accord.

 22   M. Fila (interprétation). - Oui, le texte de l’accord avec la Yougoslavie,

 23   je vous l’ai déjà donné.

 24   M. le Président. - Oui.

 25   Madame Katica Zera, témoin, est introduite dans le prétoire.)


Page 984

  1   M. le Président. - J’aimerais demander au témoin de prononcer la

  2   déclaration

  3  

  4   Mme Zera (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

  5   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  6   M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.

  7   Mme Zera (interprétation). - Merci.

  8   M. Niemann (interprétation). - Je vous prierai, Madame, de décliner votre

  9   identité complète.

 10   Mme Zera (interprétation). - Katica Zera.

 11   M. Niemann (interprétation). - Madame Zera, si à quelque moment que ce

 12   soit vous voulez boire un peu d’eau, vous avez un verre devant vous.

 13   Mme Zera (interprétation). - Merci.

 14   M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous nous dire votre date de

 15   naissance ?

 16   Mme Zera (interprétation). - Le 20 novembre 1960.

 17   M. Niemann (interprétation). - Madame Zera, pourriez-vous parler plus près

 18   du micro ? Je sais que c’est un peu difficile, mais ce serait mieux.

 19   Mme Zera (interprétation). - Dois-je répéter ?

 20   M. Niemann (interprétation). - Oui, je vous en prie.

 21   Mme Zera (interprétation). - Le 20 novembre 1960.

 22   M. Niemann (interprétation). - Où êtes-vous née ?

 23   Mme Zera (interprétation). - A Bodjani, en Vojvodine.

 24   M. Niemann (interprétation). - Où avez-vous passé la majeure partie de

 25   votre vie adulte ?


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  1   Mme Zera (interprétation). - A Vukovar.

  2   M. Niemann (interprétation). - Pendant votre séjour à Vukovar, avant 1991

  3   étiez

  4   vous mariée ?

  5   Mme Zera (interprétation). - Oui.

  6   M. Niemann (interprétation). - Comment s’appelait votre mari ?

  7   Mme Zera (interprétation). - Mihailo Zera.

  8   M. Niemann (interprétation). - Quel était son métier ?

  9   Mme Zera (interprétation). - Chauffeur professionnel.

 10   M. Niemann (interprétation). - Pour qui était-il chauffeur ?

 11   Mme Zera (interprétation). - Pour l’entreprise Cazmatrams. Pendant la

 12   guerre, comme il était impossible de sortir de Vukovar, il est resté dans

 13   la ville. L’hôpital avait besoin de chauffeurs. Il s’est donc présenté et

 14   a obtenu ce poste.

 15   M. Niemann (interprétation). - Quels genres de véhicules conduisait-il

 16   pour l’hôpital ? Vous rappelez-vous ?

 17   Mme Zera (interprétation). - Au début, c’était une ambulance ou une

 18   camionnette, cela dépendait un peu des besoins. Ensuite, quand les

 19   véhicules ont été détruits, il a conduit ceux qui restaient, y compris des

 20   véhicules civils, n'importe quel véhicule.

 21   M. Niemann (interprétation). - Vous-même et votre mari, avez-vous des

 22   enfants ?

 23   Mme Zera (interprétation). - Oui, deux enfants.

 24   M. Niemann (interprétation). - De quel sexe sont vos enfants ?

 25   Mme Zera (interprétation). - Un garçon et une fille.


Page 986

  1   M. Niemann (interprétation). - Quelle est l’année de naissance de votre

  2   fille ?

  3   Mme Zera (interprétation). - 1981.

  4   M. Niemann (interprétation). - Quelle est l’année de naissance de votre

  5   fils ?

  6   Mme Zera (interprétation). - 1978.

  7   M. Niemann (interprétation). - Vous rappelez-vous la date de naissance de

  8   votre mari ?

  9   Mme Zera (interprétation). - Oui, le 7 août 1955.

 10   M. Niemann (interprétation). - J’aimerais maintenant vous poser quelques

 11   questions qui porteront sur le siège de Vukovar à partir de septembre 1991

 12   et jusqu'au mois de novembre 1991. Pendant cette période où vous trouviez-

 13   vous pendant le siège ?

 14   Mme Zera (interprétation) - Au mois de septembre, nous sommes arrivés à

 15   l'hôpital parce que je suis diabétique, je dois prendre de l'insuline. Mon

 16   mari travaillait toute la nuit et la journée à l'hôpital. Il ne pouvait

 17   pas s'occuper de nous. C'est pourquoi il nous a fait venir à l'hôpital.

 18   Quant à la ville, elle est tombée, n'est-ce pas, à cause de la JNA.

 19   Nous ne pouvions plus habiter dans notre maison, c'est pourquoi nous

 20   sommes restés jusqu'au bout dans l'hôpital. A partir du mois de septembre

 21   jusqu'à la chute de Vukovar.

 22   M. Niemann (interprétation) - Dans quelle partie de l'hôpital habitiez-

 23   vous ?

 24   Mme Zera (interprétation) - Dans le vieux bâtiment, dans la cave.

 25   M. Niemann (interprétation) - Pendant le séjour que vous avez fait à


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  1   l'hôpital, est-ce que vous avez appris un jour qu'il y aurait une

  2   évacuation des gens qui se trouvaient dans l'hôpital ?

  3   Mme Zera (interprétation) - Oui. Vukovar est tombée le 17. A ce moment-là,

  4   nous avons entendu qu'il y aurait une évacuation le lendemain. Elle n'a

  5   pas eu lieu le lendemain mais a été reportée tous les jours jusqu'au 20.

  6   M. Niemann (interprétation) - Qui vous a dit qu'il y aurait une

  7   évacuation ?

  8   Mme Zera (interprétation) - Mon mari.

  9   M. Niemann (interprétation) - Si vous le voulez bien, nous allons remonter

 10   au 18 novembre 1991. Etiez-vous encore à l'hôpital à ce moment-là ?

 11   Mme Zera (interprétation) - Oui.

 12   M. Niemann (interprétation) - Que s'est-il passé ? Quelque chose s'est-il

 13   passé le 18 novembre ?

 14   Mme Zera (interprétation) - L'armée régulière est arrivée. Et, derrière

 15   elle, les autres sont arrivés aussi.

 16   M. Niemann (interprétation) - Quand vous dites "l'armée régulière",

 17   parlez-vous de l'armée populaire yougoslave ?

 18   Mme Zera (interprétation) - Oui, oui.

 19   M. Niemann (interprétation) - Comment avez-vous déterminé qu'il s'agissait

 20   de l'armée populaire yougoslave quand elle est arrivée ?

 21   Mme Zera (interprétation) - Les soldats étaient jeunes, soignés. Ils

 22   portaient l'étoile à cinq branches sur leur calot.

 23   M. Niemann (interprétation) - Je vois. Lorsqu'ils sont arrivés dans

 24   l'hôpital le 18 novembre, qu'ont-ils fait ?

 25   Mme Zera (interprétation) - Eh bien, ils se sont déployés un peu partout.


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  1   Ils se sont mis en position debout dans les hôpitaux, je ne sais pas très

  2   bien comment vous le dire. Il y en avait aussi à l'extérieur.

  3   M. Niemann (interprétation) - Est-ce que quoi que ce soit de notable s'est

  4   produit, outre ce fait, le 18 novembre dont vous vous souvenez ?

  5   Mme Zera (interprétation) - Je me souviens que les autres, comme je l'ai

  6   dit, sont arrivés aussi. Je crois qu'il s'agissait de troupes

  7   paramilitaires et d'habitants de Vukovar.

  8   M. Niemann (interprétation) - Qu'est-ce qui vous a fait penser que ces

  9   hommes étaient des paramilitaires par opposition à des soldats de la JNA ?

 10   Mme Zera (interprétation) - Ils avaient les 4 C cyrilliques sur leur

 11   calot. Ils étaient débraillés, portaient la barbe, avaient les cheveux

 12   longs. Certains avaient même la cocarde et étaient plus âgés.

 13   M. Niemann (interprétation) - Ont-ils fait quoi que ce soit que vous ayez

 14   pu voir et dont vous vous souvenez aujourd'hui ?

 15   Mme Zera (interprétation) - J'ai vu qu'ils déambulaient dans les couloirs,

 16   qu'ils passaient entre les rangs des patients, qu'ils les examinaient. Je

 17   me rappelle même qu'ils les reconnaissaient parfois. Ils cherchaient à

 18   reconnaître les gens.

 19   M. Niemann (interprétation) - Bien. Que s'est-il passé ensuite après

 20   l'arrivée des soldats ?

 21   Mme Zera (interprétation) - Il y en avait qui entraient, d'autres qui

 22   sortaient. Il y avait toujours quelqu'un.

 23   M. Niemann (interprétation) - Passons, si vous le voulez bien, à la

 24   matinée du 20 novembre 1991. Est-ce que, ce matin-là, vous avez vu votre

 25   mari ?


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  1   Mme Zera (interprétation) - Oui, je l'ai vu le matin.

  2   M. Niemann (interprétation) - Que vous a-t-il dit ?

  3   Mme Zera (interprétation) - Il a dit qu'il viendrait nous chercher parce

  4   que nous étions dans une petite pièce dans la cave, moi, les enfants, une

  5   autre femme et ses enfants. C'était une femme dont le mari était également

  6   un collègue de mon mari. Ils nous ont dit de ne pas bouger, d'attendre

  7   qu'ils viennent nous chercher.

  8   M. Niemann (interprétation) - Comment s'appelait le collègue de votre mari

  9   également chauffeur ?

 10   Mme Zera (interprétation) - Iilja Sadjanin*.

 11   M. Niemann (interprétation) - Et quelle heure était-il le matin lorsque

 12   votre mari vous a dit cela ?

 13   Mme Zera (interprétation) - Je n'avais pas de montre, je ne sais pas.

 14   M. Niemann (interprétation) - Très bien. Est-ce que votre mari est revenu

 15   comme prévu ?

 16   Mme Zera (interprétation) - Oui. Il est revenu avec Ilija. Ils sont venus

 17   nous chercher et nous sommes sortis ensemble. Nous sommes allés jusqu'à la

 18   porte de sortie

 19   ensemble.

 20   M. Niemann (interprétation) - Lorsque vous êtes arrivée à la porte de

 21   sortie, que s'est-il passé ?

 22   Mme Zera (interprétation) - Le Major Sljivancanin était debout à côté de

 23   la porte. Il y avait de nombreux soldats. Il nous a dit de nous séparer

 24   des hommes. Les femmes devaient se mettre d'un côté avec les enfants et

 25   les hommes de l'autre côté.


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  1   M. Niemann (interprétation) - Comment savez-vous que c'est le

  2   Major Sljivancanin qui a dit cela ?

  3   Mme Zera (interprétation) - Il s'est présenté. Il a prononcé une

  4   allocution au cours de laquelle il s'est présenté.

  5   M. Niemann (interprétation) - Avez-vous eu une conversation avec votre

  6   mari à ce moment-là ?

  7   Mme Zera (interprétation) - Oui. Quand il nous a dit de nous séparer, mon

  8   mari s'est arrêté. Je lui ai demandé s'il avait besoin d'argent. Il n'en a

  9   pas voulu. Mais il a tenu à me souhaiter bon anniversaire ce jour-là,

 10   parce que c'était mon anniversaire.

 11   Nous sommes restés sur place un petit moment. Le Major Sljivancanin est

 12   arrivé et a dit : "Circulez, vous ne pouvez pas rester immobile. Séparez-

 13   vous".

 14   M. Niemann (interprétation) - Que s'est-il passé ensuite ?

 15   Mme Zera (interprétation) - Mon mari et son collègue sont allés rejoindre

 16   le groupe déjà constitué. Moi, je suis encore restée quelques instants sur

 17   place, je les ai regardés. Ensuite, je me suis dirigée du côté où se

 18   trouvaient les femmes et les enfants. J'ai rejoint ce groupe.

 19   M. Niemann (interprétation) - Avez-vous revu votre mari après cela ?

 20   Mme Zera (interprétation) - Non. Plus jamais.

 21   M. Niemann (interprétation) - Qu'est-il arrivé aux femmes et aux enfants ?

 22   Mme Zera (interprétation) - Nous avons attendu les autobus pas mal de

 23   temps, je ne peux pas dire exactement combien de temps aujourd'hui, mais

 24   assez longtemps. Les autobus sont ensuite arrivés et nous avons été

 25   évacués.


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  1   M. Niemann (interprétation) - Le dernier jour où vous avez vu votre mari,

  2   vous rappelez-vous quels vêtements il portait ?

  3   Mme Zera (interprétation) - Oui.

  4   M. Niemann (interprétation) - Pouvez-vous nous dire comment il était

  5   habillé ?

  6   Mme Zera (interprétation) - Oui. Il portait un pantalon de jogging, un

  7   pull-over blanc, une blouse blanche et des baskets aux pieds.

  8   M. Niemann (interprétation) - Est-ce que vous vous rappelez s'il avait des

  9   tatouages sur le corps ?

 10   Mme Zera (interprétation) - Oui, oui.

 11   M. Niemann (interprétation) - Vous pouvez décrire les tatouages qu'il

 12   avait sur le corps ?

 13   Mme Zera (interprétation) - Il avait la date de son entrée à l'armée, de

 14   son arrivée au service militaire. Il y avait un cœur transpercé par une

 15   flèche.

 16   M. Niemann (interprétation) - Vous souvenez-vous s'il s'était jamais cassé

 17   la jambe ?

 18   Mme Zera (interprétation) - Oui.

 19   M. Niemann (interprétation) - A quel moment s'est-il cassé la jambe ?

 20   Mme Zera (interprétation) - Quand il était enfant.

 21   M. Niemann (interprétation) - Savez-vous si c'était la jambe gauche ou

 22   droite ? Peut-être ne vous rappelez-vous pas ce détail ?

 23   Mme Zera (interprétation) - Je ne me le rappelle pas personnellement, mais

 24   quand j'ai fait ma déclaration, c'est sa mère qui m'a dit quelle jambe il

 25   s'était cassé.


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  1   M. Niemann (interprétation) - Je vais maintenant vous montrer une

  2   photographie, Madame. Je demande que celle-ci soit placée sur le

  3   rétroprojecteur. J'en ai un exemplaire pour Maître Fila. J'aimerais qu'on

  4   lui affecte la cote suivante dans l'ordre des pièces à conviction.

  5   M. le Greffier (interprétation) - N° 65.

  6   M. Niemann (interprétation) - Peut-on la placer sur le rétroprojecteur ?

  7   Mme Zera (interprétation) - C'est mon mari.

  8   M. Niemann (interprétation) - Je demande le versement de cette

  9   photographie au dossier, Monsieur le Président.

 10   M. Niemann (interprétation). - Une fois que vous vous êtes trouvée séparée

 11   de votre mari, les femmes et les enfants sont partis dans une direction.

 12   Vous n'avez plus revu votre mari, mais où êtes-vous allée ?

 13   Mme Zera (interprétation). - Nous avons été évacués en convoi. Nous avons

 14   passé une nuit à Mitrovica dans une salle de sport. Après cela, nous

 15   sommes allés en Croatie.

 16   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous cherché à obtenir des

 17   renseignements quant à ce qui était arrivé à votre mari, une fois que vous

 18   êtes arrivée à Zagreb ?

 19   Mme Zera (interprétation). - Oui, même en chemin, à Mitrovica, il y avait

 20   des gens qui étaient allés jusqu'à la caserne et qui ensuite avaient été

 21   ramenés dans notre convoi. Je parle de M. Jakub Simunovic. Je m'étais déjà

 22   renseignée auprès de lui.

 23   M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous découvert au sujet de votre

 24   mari, quand vous vous êtes renseignée ?

 25   Mme Zera (interprétation). - Pas grand-chose, seulement qu'on les avait


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  1   emmenés en convoi jusqu'à la caserne, dans la cour de la caserne et que,

  2   de là, on les avait fait revenir à l'hôpital. Tous ceux qui sont restés

  3   sont restés.

  4   M. Niemann (interprétation). - C'est tout ce que vous avez découvert au

  5   sujet de votre mari ? Rien d'autre jusqu'à aujourd'hui ?

  6   Mme Zera (interprétation). - Effectivement, je n'ai plus rien appris

  7   d'autre. A Zagreb, M. Simunovic m'a dit qu'à la caserne, il y avait eu un

  8   passage à tabac.

  9   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous entendu quoi que ce soit

 10   d'autre ? Avez-vous cherché à vous renseigner encore ?

 11   Mme Zera (interprétation). - Oui, j'ai cherché à me renseigner, mais je

 12   n'ai plus rien entendu d'autre.

 13   M. Niemann (interprétation). - Très bien. Je n'ai pas d'autres questions,

 14   Monsieur le Président.

 15   M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?

 16   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, comme précédemment, je

 17   tiens à exprimer mes regrets par rapport à ce qui est arrivé. J'aurai

 18   uniquement quelques brèves questions à poser.

 19   Qui vous a parlé de cette affaire, parmi les enquêteurs du Tribunal ?

 20   Mme Zera (interprétation). - Madame Mira Draskovic, mais que voulez-vous

 21   dire quand vous me demandez qui et quand ?

 22   M. Fila (interprétation). - Pour le Tribunal, le Bureau du Procureur, vous

 23   avez dit que vous aviez demandé à votre mère quelle était la jambe que

 24   votre mari s'était cassé. Qui vous a interrogé et quand ?

 25   Mme Zera (interprétation). - Non, ce n'est pas cela. C'était une enquête


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  1   formelle en 1992. On nous a demandé de décrire le corps, s'il y avait des

  2   fractures, des blessures.

  3   M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, nous ne nous sommes pas bien

  4   compris. Je voulais savoir si un représentant du Bureau du Procureur est

  5   venu chez vous pour se renseigner au sujet de votre mari et à quel moment

  6   cela a eu lieu.

  7   Mme Zera (interprétation). - Ah oui ! Quelqu'un est venu à la maison pour

  8   me demander si je voulais témoigner.

  9   M. Fila (interprétation). - Mais qui est venu et à quel moment ?

 10   Mme Zera (interprétation). - Je ne peux pas tout à fait me rappeler la

 11   date. Je sais que Mme Mira Draskovic est venue et qu'il y avait quelqu'un

 12   d'autre, mais je ne connais pas le nom ou le prénom de cette personne.

 13   M. Fila (interprétation). - Quand cela a-t-il eu lieu ? L'année dernière

 14   ou cette année ?

 15   Mme Zera (interprétation). - L'année dernière.

 16   M. Fila (interprétation). - En 1997 ?

 17   Mme Zera (interprétation). - Oui, après l'identification de mon mari.

 18   M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'une déclaration a été prise à

 19   l'issue de cet entretien ?

 20   Mme Zera (interprétation). - A ce moment-là, non.

 21   M. Fila (interprétation). - Quand une déclaration a-t-elle été faite ?

 22   Mme Zera (interprétation). - Excusez-moi, excusez-moi, il y a eu une

 23   déclaration. J'étais à la maison avec mon fils et nous avons tous les deux

 24   signé une déclaration.

 25   M. Fila (interprétation). - C'était l'année dernière ?


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  1   Mme Zera (interprétation). - Oui, oui.

  2   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, nous n'avons pas ces

  3   déclarations. Nous n'avons surtout pas celle du fils.

  4   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann ?

  5   M. Niemann (interprétation). - Pour ce qui me concerne, nous n'avons pas

  6   non plus ces déclarations.

  7   M. Fila (interprétation). - Eh bien tant pis ! Poursuivons.

  8   Je vous prie de m'excuser, Madame, mais je suis contraint de vous ramener

  9   au jour le plus pénible de votre vie. Le 20, le matin, comment êtes-vous

 10   sortie de l'hôpital ? Tous les

 11   quatre ensemble ?

 12   Mme Zera (interprétation). - Tous les huit.

 13   M. Fila (interprétation). - Je parle de votre mari et de vos enfants.

 14   Mme Zera (interprétation). - Oui, tous les quatre.

 15   M. Fila (interprétation). - Quand vous vous êtes trouvée séparée de votre

 16   mari, étiez-vous encore ensemble ?

 17   Mme Zera (interprétation). - Quand nous avons été séparés, lui est parti

 18   dans une direction et moi et mes enfants dans l'autre.

 19   M. Fila (interprétation). - Je vous pose la question parce que dans votre

 20   déclaration précédente vous aviez parlé de vous, vous disiez "je".

 21   Mme Zera (interprétation). - Moi et les enfants. Excusez-moi, c'est parce

 22   que je me suis retenue un instant sur place. J'ai regardé mon mari qui

 23   rejoignait le groupe des hommes. J'ai été seule un instant.

 24   M. Fila (interprétation). - Et les enfants ?

 25   Mme Zera (interprétation). - Les enfants étaient partis une minute ou deux


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  1   avant moi.

  2   M. Fila (interprétation). - Maintenant, j'aimerais vous demander combien

  3   de temps s'est passé jusqu'à ce que vous voyiez le Major Sljivancanin et

  4   qu'il se présente à vous.

  5   Mme Zera (interprétation). - J'ai déjà dit que je n'avais pas de montre.

  6   C'était le matin. Je dirais que c'était peut-être aux alentours de

  7   8 heures, mais je ne peux pas vous dire exactement. C'était peut-être un

  8   peu avant ou quelques minutes après.

  9   M. Fila (interprétation). - Non, je ne m'attendais pas à ce que vous me

 10   disiez l'heure à la seconde près.

 11   Mme Zera (interprétation). - C'était le matin.

 12   M. Fila (interprétation). - A peu près à 8 heures ?

 13   Mme Zera (interprétation). - Oui.

 14   M. Fila (interprétation). - Avez-vous vu le Major Sljivancanin ?

 15   Mme Zera (interprétation). - Oui, je l'ai vu, il était debout.

 16   M. Fila (interprétation). - Donc dès que vous êtes sortie, vous avez vu

 17   Sljivancanin ?

 18   Mme Zera (interprétation). - Oui.

 19   M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Quand vous avez parlé avec

 20   Sljivancanin, votre fils était-il présent ?

 21   Mme Zera (interprétation). - Ce n'est pas moi qui ai parlé avec lui.

 22   M. Fila (interprétation). - Quand il a prononcé son allocution ?

 23   Mme Zera (interprétation). - Ils étaient un peu plus loin, à un ou deux

 24   pas de moi. Mon mari s'est approché de moi, m'a embrassée, m'a souhaité

 25   bon anniversaire. A ce moment-là, le Major Sljivancanin est arrivé et a


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  1   dit : "Vous ne pouvez pas rester sur place, séparez-vous, chacun doit

  2   aller dans une direction différente".

  3   M. Fila (interprétation). - A ce moment-là, vos enfants se trouvaient à un

  4   mètre ou deux de vous ?

  5   Mme Zera (interprétation). - Oui.

  6   M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup et excusez-moi de vous avoir

  7   posé ces questions.

  8   M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila. Maître Niemann ?

  9   M. Niemann (interprétation). - Pas d'autres questions, Monsieur le

 10   Président.

 11   M. le Président (interprétation). - Merci d'être venue ici témoigner. Je

 12   vois qu'il n'y a pas d'objections à ce que vous soyez libérée de façon

 13   définitive. Vous pouvez donc vous retirer.

 14   (Le témoin quitte la salle d'audience.)

 15   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, pouvons-nous appeler

 16   le témoin suivant ?

 17   M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président, nous ne sommes

 18   pas en mesure de le citer immédiatement. Nous devons d'ailleurs discuter

 19   avec Me Fila au sujet d'un point particulier. J'indique que nous

 20   demanderons une audience à huis clos après la fin de la déposition du

 21   témoin suivant. Je vous l'annonce à l'avance pour que le Greffe soit au

 22   courant. Nous regrettons, Monsieur le Président, de ne pas pouvoir appeler

 23   le témoin suivant immédiatement.

 24   M. le Président (interprétation). - Maître Fila, tout va bien ?

 25   M. Fila (interprétation). - Bien.


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  1   M. le Président (interprétation). - Alors nous suspendons l’audience

  2   jusqu’à 14 heures 15, est-ce que cela vous convient ? Oui, donc nous

  3   suspendons jusqu’à 14 heures 15.

  4   L'audience est suspendue à 12 h 45..

  5   L’audience est reprise à 14 heures 15.

  6   M. le Président (interprétation). - Bonjour.

  7   (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

  8   Veuillez prêter serment, s’il vous plaît.

  9   M. Zera (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous pouvez vous

 12   asseoir. Je vous en prie, Monsieur Waespi.

 13   M. Waespi (interprétation). - Pourriez-vous décliner votre identité, s'il

 14   vous plaît ?

 15   M. Zera (interprétation). - Je m'appelle Dragan Zera.

 16   M. Waespi (interprétation). - Quel âge avez-vous aujourd’hui ?

 17   M. Zera (interprétation). - 20 ans.

 18   M. Waespi (interprétation). - En 1991, vous aviez donc tout juste 13 ans ?

 19   M. Zera (interprétation). - Oui.

 20   M. Waespi (interprétation). - Où avez-vous suivi votre scolarité ?

 21   M. Zera (interprétation). - J'ai fait toute ma scolarité à Vukovar et à

 22   Zagreb.

 23   M. Waespi (interprétation). - Quel est actuellement votre emploi ?

 24   M. Zera (interprétation). - Je suis vendeur, représentant de commerce.

 25   M. Waespi (interprétation). - Où viviez-vous en 1991 ?


Page 999

  1   M. Zera (interprétation). - A Vukovar.

  2   M. Waespi (interprétation). - Quelle était la profession de votre père ?

  3   M. Zera (interprétation). - Il était chauffeur professionnel.

  4   M. Waespi (interprétation). - Qui était son employeur ?

  5   M. Zera (interprétation). - Il travaillait à Cazmatrans. En 1991, il a

  6   obtenu un poste

  7   à l'hôpital de Vukovar.

  8   M. Waespi (interprétation). - Avez-vous quitté votre domicile à un certain

  9   moment pour aller vivre à l’hôpital en 1991 ?

 10   M. Zera (interprétation). - Oui.

 11   M. Waespi (interprétation). - Pourriez-vous indiquer à quel moment vous

 12   avez quitté votre domicile pour vous rendre à l'hôpital, si vous vous en

 13   souvenez ?

 14   M. Zera (interprétation). - Je suis parti le 17 septembre 1991.

 15   M. Waespi (interprétation). - Un autre membre de votre famille est-il venu

 16   avec vous à l'hôpital ou s'y trouvait-il déjà à ce moment-là ?

 17   M. Zera (interprétation). - Oui, ma mère et ma soeur m'ont accompagné.

 18   Etant donné que mon père y travaillait, il se trouvait déjà sur place.

 19   M. Waespi (interprétation). - Combien de nuits avez-vous passé à l'hôpital

 20   de Vukovar ?

 21   M. Zera (interprétation). - J'y ai passé la nuit du 17 septembre et

 22   jusqu'au 20 novembre.

 23   M. Waespi (interprétation). - J'aimerais à présent vous montrer une

 24   photographie. Il s'agira de la pièce de l'accusation numéro 8. Peut-on

 25   montrer au témoin la cinquième photographie de cette série, s'il vous


Page 1000

  1   plaît.

  2   (L’huissier s’exécute.)

  3   Je vous remercie.

  4   Dragan, reconnaissez-vous ce bâtiment ?

  5   M. Zera (interprétation). - Oui.

  6   M. Waespi (interprétation). - Pourriez-vous nous expliquer ce que vous

  7   avez vu au matin du 20 novembre 1991 alors qu'on vous a emmené hors de

  8   l'hôpital ? Et pouvez-vous nous indiquer ce à quoi vous vous référez sur

  9   la photographie. Veuillez nous faire ces indications sur

 10   la photographie qui se trouve sur le rétroprojecteur. Ainsi tout le monde

 11   pourra vous suivre.

 12   M. Zera (interprétation). - Le 20 novembre au matin, nous sommes sortis

 13   par ici. C'est là qu'ils nous ont séparés de mon père. Ils ont dit que les

 14   hommes devaient aller sur la gauche, que les femmes et les enfants

 15   devaient aller sur la droite. Nous sommes restés pendant près de deux

 16   heures à côté des bus. Le Major Sljivancanin nous adressait la parole.

 17   D'abord, il s'est présenté et ensuite il a fait une petite allocution.

 18   Nous sommes restés là pendant un certain temps. Enfin, nous nous sommes

 19   dirigés vers les bus qui attendaient. Nous sommes restés assis dans les

 20   bus pendant quelque temps.

 21   M Waespi (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre pendant un

 22   instant. Vous avez déclaré qu'on vous a emmenés hors de l'hôpital et vous

 23   nous avez montré la sortie que vous avez empruntée. Pourriez-vous nous

 24   dire qui vous a donné l'ordre de sortir du bâtiment ?

 25   M. Zera (interprétation). - Les soldats de la JNA. Ce sont eux qui nous


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  1   ont dit de sortir du bâtiment.

  2   M Waespi (interprétation). - Vous avez parlé du Major Sljivancanin. Le

  3   connaissiez-vous à ce moment-là ?

  4   M. Zera (interprétation). - Non, je ne le connaissais pas jusqu'à ce qu'il

  5   nous adresse la parole et qu'il se présente.

  6   M Waespi (interprétation). - Vous avez également précisé que vous étiez

  7   juste à côté de votre père. Vous avez été séparé de votre père à la sortie

  8   de l'hôpital, n'est-ce pas ?

  9   M. Zera (interprétation). - Oui, juste à la sortie de l'hôpital.

 10   M Waespi (interprétation). - En effet. Je vous remercie. Pourriez-vous

 11   nous donner le nom de votre père et celui de votre mère ?

 12   M. Zera (interprétation). - Mihajlo Zera et Katica Zera.

 13   M Waespi (interprétation). - J'aimerais à présent vous soumettre une autre

 14   photographie. Il s'agit de la pièce de l'accusation que nous venons de

 15   verser au dossier. Je crois qu'il s'agit de la pièce de l'accusation

 16   n° 65. Pouvez-vous nous dire qui est la personne qui apparaît sur cette

 17   photographie ?

 18   M. Zera (interprétation). - C'est mon père.

 19   M Waespi (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quand cette photo a

 20   été prise ?

 21   M. Zera (interprétation). - Cette photo a été prise en 1991, devant le

 22   vieux bâtiment de l'hôpital de Vukovar.

 23   M Waespi (interprétation). - Je vous remercie.

 24   M. Zera (interprétation). - Je vous remercie.

 25   M Waespi (interprétation). - Dernière question. Une fois monté dans les


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  1   autobus, savez-vous quel chemin ont emprunté ces autobus ?

  2   M. Zera (interprétation). - Nous nous sommes dirigés vers le champ de

  3   foire, juste à côté de Velepromet. Puis nous sommes allés jusqu'à

  4   Negoslavci. Après quoi nous sommes allés vers Mitrovica. Nous y avons

  5   passé la nuit et ensuite nous sommes partis pour la Croatie.

  6   M Waespi (interprétation). - Je vous remercie.

  7   Monsieur le Président, j'en ai terminé de mon interrogatoire principal.

  8   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Fila, voulez-vous poser

  9   des questions ?

 10   M. Fila (interprétation). - Non, Monsieur le Président, je vous remercie.

 11   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je suppose qu'il n'y

 12   a aucune objection à ce que le témoin se retire de façon définitive.

 13   Monsieur Zera, merci d’être venu témoigner ici. Vous pouvez partir.

 14   M. Zera (interprétation). - Je vous remercie.

 15   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 16   M. le Président (interprétation). - Le Procureur souhaite-t-il ajouter

 17   quoi que ce soit ?

 18   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons appelé à

 19   comparaître tous les témoins qui souhaitaient déposer au cours de cette

 20   semaine. Maintenant, nous souhaiterons présenter des arguments en audience

 21   à huis clos.

 22   C'est mon collègue, M. Williamson, qui vous présentera les arguments du

 23   bureau du Procureur.

 24   M. le Président (interprétation). - Maître Fila, avez-vous une objection à

 25   élever ?


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  1   M. Fila (interprétation). - Non, je vous remercie.

  2   M. le Président (interprétation). - Avant de passer en audience à huis

  3   clos, je vais saisir l'occasion qui m'est offerte pour souligner que nous

  4   avons tous accompli une bonne et longue semaine de travail. Au nom de mes

  5   collègues et en mon nom propre, je souhaite exprimer aux deux parties,

  6   tant à l'accusation qu'à la défense, nos félicitations les plus sincères

  7   pour leur attitude sincère et de coopération.

  8   Je crois qu'il est bon que nous nous soyons aperçus que nous avons tous la

  9   même priorité, à savoir que nous souhaitons que l'accusé bénéficie d'un

 10   procès aussi équitable, efficace et rapide que possible. Je vous en

 11   remercie beaucoup. J'espère que nous continuerons à travailler de la même

 12   façon au cours des semaines qui  suivent. Je demande à présent que nous

 13   passions en audience à huis clos.

 14   M. le Président (interprétation). -  Nous sommes maintenant en audience à

 15   huis clos. Monsieur Williamson, vous avez la parole.

 16   (expurgée)

 17   (expurgée)

 18   (expurgée)

 19   (expurgée)

 20   (expurgée)

 21   (expurgée)

 22   (expurgée)

 23   (expurgée)

 24   (expurgée)

 25   (expurgée)


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 13   pages 1004-1009 expurgées – audience à huis clos

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 23   L'audience est levée 14 heures 40.

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