Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                     AFFAIRE N° IT-95-13a-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Mercredi 17 juin 1998

  4   L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  5   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Je voudrais demander au

  6   greffier de nous donner le numéro de l'affaire.

  7   M. le Greffier (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président, il

  8   s'agit de l'affaire n° IT 95-13a-T, le Procureur contre

  9   Slavko Dokmanovic.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci. Les deux parties peuvent-elles

 11   se présenter ?

 12   M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président, je

 13   m'appelle M. Niemann et je comparais ce matin avec mes collègues

 14   Me Williamson et Me Waespi.

 15   M. Fila (interprétation). - Je m'appelle Thomas Fila et j'assure avec

 16   M. Petrovic la défense de l'accusé. M. Kostic habite loin et n'a pas pu

 17   être présent aujourd'hui.

 18   M. le Président (interprétation). - Merci. Monsieur Dokmanovic,

 19   m'entendez-vous ?

 20   M. Dokmanovic (interprétation) - Oui.

 21   M. le Président (interprétation). - Merci. J'aimerais commencer par

 22   remercier, au nom de la Chambre de première instance, les deux parties

 23   pour la célérité avec laquelle elles ont accepté notre proposition de

 24   progresser vers la fin de ce procès. Nous en sommes véritablement très

 25   reconnaissants et nous apprécions grandement la coopération apportée par


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  1   les deux parties. Comme vous le savez, cela nous permettra d'entamer un

  2   nouveau procès lundi prochain et nous reprendrons notre procès mardi,

  3   comme vous le savez.

  4   Pour commencer l'audience de ce matin, j'ai quelques éléments d'intendance

  5   à discuter. Je crois d'abord savoir que Me Fila a vu la demande

  6   d'assistance urgente adressée à la République de la Croatie.

  7   M. Fila (interprétation). - Je remercie la Chambre de première instance

  8   car cela a eu une influence positive pour mes enquêteurs qui ont pu

  9   pénétrer dans Vukovar hier. Je remercie la Chambre de première instance.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci. C'est une très bonne nouvelle

 11   que j'entends. J'étais prêt à m'adresser à l'ambassadeur de Croatie à

 12   La Haye, mais je constate que cela n'est plus nécessaire. C'est tout à

 13   fait excellent, cela prouve que les autorités croates coopèrent désormais

 14   de la meilleure façon qui soit.

 15   Je voudrais maintenant redemander aux deux parties les témoins qu'elles

 16   ont l'intention de citer. Je crois comprendre que Me Fila a l'intention de

 17   citer cinq témoins ce matin ou au cours de la journée, n'est-ce pas ?

 18   M. Fila (interprétation). - Ce matin, j'en citerai quatre et le cinquième

 19   est à l'hôtel. Donc, si nous terminons rapidement, le cinquième peut venir

 20   au Tribunal sans difficulté. Il n'y a aucun problème. En tout cas, j'en

 21   terminerai aujourd'hui. Est-ce que je terminerai avant ou pendant l'après-

 22   midi, c'est la seule question qui demeure en suspend.

 23   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois comprendre

 24   que vous allez citer également le témoin expert, le professeur Aleksic,

 25   n'est-ce pas ? Nous avons reçu la traduction anglaise de sa déposition.


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  1   Très bien.

  2   Maintenant, il me reste un doute au sujet de la liste des trois témoins au

  3   sujet desquels vous parlez dans le document que vous avez déposé

  4   récemment : Mirko Dragisic, M. Novakovic et M. Tomasevic. Nous avons, je

  5   crois, leur déclaration préalable et il me semble que nous les avons déjà

  6   entendus.

  7   M. Fila (interprétation). - Oui, mais il ne s'agit pas des mêmes

  8   déclarations. Voici de quoi il est question ; nous discutons ici entre

  9   nous, n'est-ce pas ?

 10   J'ai entendu Me Williamson les 28 et 29 avril et ensuite, j'ai lu le texte

 11   de M. Dzuro, un peu plus tard bien sûr. Et je leur ai demandé de fournir

 12   leur cassette, je parle de Dragisic et de Tomasevic, je crois. En 1992,

 13   ils ont reçu des vidéos et me les ont données. Je leur ai demandé sous

 14   serment de déclarer qu'ils ont bien reçu ces cassettes vidéo en 1991. Je

 15   vous remettrai ces cassettes dès que vous le souhaiterez. Ce sont des

 16   cassettes absolument identiques à la cassette originale que nous avons vue

 17   ici, mais ce sont des copies des cassettes que vous avez, à titre de pièce

 18   à conviction D-2, au dossier de ce procès.

 19   M. le Président (interprétation). - Mais nous n'allons pas citer à nouveau

 20   ces deux témoins.

 21   M. Fila (interprétation). - Non, non, ni l'un ni l'autre, aucun de ces

 22   témoins. C'est un malentendu. Le témoin Vlastic va témoigner au sujet de

 23   leurs déclarations en réplique aux propos du Procureur, mais il n'est pas

 24   nécessaire de citer à la barre ces témoins.

 25   M. le Président (interprétation). - Oui très bien, mais vous avez parlé de


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  1   la cassette originale. Parlez-vous de la copie originale de la cassette ?

  2   M. Fila (interprétation). - Non, la première copie de la cassette, c'est

  3   celle que vous avez entre les mains. L'expert de l'accusation l'a bien

  4   fait remarquer lui même, mais les deux cassettes dont je parle aujourd'hui

  5   sont des copies de cette copie que vous avez en votre possession. Elles

  6   ont simplement été remises aux personnes dont j'ai parlé en 1991 et c'est

  7   ce qui est important pour nous. Nous voulons affirmer qu'elles ont bien

  8   été filmées comme elles l'ont été, en l'état que nous voyons aujourd'hui,

  9   en 1991.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci. Je m'adresse maintenant au

 11   Procureur : je crois comprendre que vous avez l'intention de citer huit

 12   témoins dont certains sont des témoins experts, notamment le Dr Tabbush,

 13   M. Herold, le Pr. Wagenaar et le Dr Gudjonsson, est-ce bien cela ?

 14   M. Niemann (interprétation). - Oui, c'est cela, Monsieur le Président.

 15   M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel moment

 16   vous avez l'intention de citer ces témoins, cette semaine ou la semaine

 17   prochaine ?

 18   M. Niemann (interprétation). - Il est prévu, Monsieur le Président, que

 19   l'ordre de comparution des témoins sera le suivant : nous appellerons

 20   l'enquêteur Vladimir Dzuro aujourd'hui ou demain, puis demain M. Tabbush,

 21   qui est un témoin expert. Après cela, nous citerons le témoin R pour

 22   lequel nous avons demandé des mesures de protection, demain également.

 23   Après quoi, la semaine prochaine, il est prévu que nous citions M. Herold,

 24   le témoin S, M. Corwin et enfin le Dr Wagenear. Le dernier sera en fait le

 25   Dr Gudjonsson.


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  1   M. le Président (interprétation). - Merci. S'agissant des témoins experts,

  2   vous avez sans doute remarqué que les conseils de la défense ont évoqué un

  3   certain nombre de problèmes liés, en particulier, à leur curriculum vitae.

  4   Je suis d'accord avec Me Fila sur le fait que, si possible, les CV

  5   devraient être remis à la fois au conseil et aux Juges.

  6   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je ne sais pas si

  7   vous avez remarqué, mais nous avons déposé une réponse à ce texte hier et,

  8   dans cette réponse, nous fournissons les curriculum vitae.

  9   Maître Fila a également déclaré souhaiter les lettres envoyées aux

 10   experts. Nous ne sommes pas prêts à les fournir mais, ce que nous sommes

 11   prêts à fournir, c'est la liste des questions que nous allons poser aux

 12   experts. Nous l'avons fait dans la réponse que nous avons déposée et que

 13   Me Fila devrait avoir entre les mains ou, en tout cas, devrait recevoir

 14   sous peu.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci.

 16   M. Fila (interprétation). - J'ai reçu la réponse et je ne l'ai pas reçue

 17   bien sûr le 12 ni le 15, mais je l'ai reçue hier. J'aimerais attirer

 18   l'attention des Juges sur le fait que je respecte les délais que vous

 19   fixez dans vos ordonnances. Or ce texte, je l'ai, encore une fois, reçu

 20   trop tardivement puisque j'aurais dû le recevoir le 15 au plus tard.

 21   Mais j'ai demandé la lettre parce que la réponse est une réponse à cette

 22   lettre. J'aimerais donc savoir ce que contient cette lettre. C'est un

 23   document qui peut être communiqué, qui n'a rien à voir avec le système

 24   d'accusation du Procureur. Je voulais savoir ce qui avait été dit à

 25   M. Wagenaar en particulier, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas me


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  1   remettre cette question, car je ne sais pas quelles sont les questions

  2   posées. Or, j'ai les réponses entre les mains.

  3   M. Niemann (interprétation). - Maître Fila est exactement dans la même

  4   situation s'agissant de son témoin expert, M. Aleksic. Nous n'avons pas

  5   reçu la liste des questions ni les déclarations préalables et Me Fila va

  6   citer le Dr Aleksic aujourd'hui. Nous avons, Monsieur le Président,

  7   communiqué le rapport la semaine dernière en plein respect de l'ordonnance

  8   des Juges.

  9   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai tout remis dans

 10   les délais. Par une décision du greffe, il m'est interdit de traduire. Je

 11   ne sais pas combien de fois je devrai le répéter. Donc, dès que j'envoie

 12   un texte, je le communique. Combien de temps cela est retenu au niveau de

 13   la traduction ici, ce n'est pas mon problème. Je souhaitais effectuer les

 14   traductions moi-même, mais cela ne m'a pas été autorisé.

 15   M. Niemann (interprétation). - Nous avons reçu ce texte ce matin.

 16   M. le Président (interprétation). - Les curriculum vitae ?

 17   M. Niemann (interprétation). - Nous n'avons toujours pas les curriculum

 18   vitae, mais nous avons les rapports.

 19   M. le Président (interprétation). - Le curriculum vitae de M. Aleksic

 20   était dans les documents déposés le 15 juin.

 21   M. Niemann (interprétation). - Oui, nous avons reçu le rapport ce matin.

 22   M. le Président (interprétation). - Oui, le rapport, mais je suis d'accord

 23   avec Me Fila. Le délai est dû à la très lourde charge de travail qui

 24   incombe à l'unité de traduction. C'est un document qui était en serbo-

 25   croate et l'unité de traduction a remis un projet de traduction car elle


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  1   est surchargée de demandes de traduction.

  2   Je n'aimerais pas que nous entrions dans une polémique ici ce matin car

  3   les deux parties coopèrent relativement bien, en gros. Je me rends bien

  4   compte des problèmes que vous avez à surmonter dans certains cas, mais le

  5   seul point qu'il convient sans doute de discuter est le suivant : le

  6   Procureur doit-il fournir au conseil de la défense et aux Juges le texte

  7   des lettres qu'il a lui-même adressées aux professeurs Wagenear et

  8   Gudjonsson ?

  9   Nous ne pouvons pas prévoir quelle sera la réponse. Si nous recevons la

 10   liste des questions qui sont posées aux deux experts et si les conseils de

 11   la défense reçoivent également cette liste, je crois que cela devrait nous

 12   satisfaire, car nous devrions être en mesure, avec la liste des questions,

 13   de mieux comprendre l'ensemble du problème.

 14   M. Niemann (interprétation). - Les questions sont relativement simples,

 15   Monsieur le Président. Le problème dont nous traitons n'est complexe, il

 16   s'agit là d'éléments de preuve apportés en réplique. Donc, les

 17   informations recherchées ne sont pas absolument délicates.

 18   Je crois que, s'agissant de la responsabilité des parties en matière de

 19   communication, elles ont, me semble-t-il, la responsabilité de mener leurs

 20   enquêtes et d'obtenir des informations. Il est possible que ces

 21   informations soient inutiles. Il serait donc exagéré d'exiger de la

 22   défense qu'elle fournisse des documents liés à une correspondance avec des

 23   témoins qui n'aurait guère d'intérêt. Dans certains systèmes judiciaires,

 24   ces éléments sont couverts par le secret judiciaire ou professionnel.

 25   Donc, Monsieur le Président, il me semble que les deux parties pourraient


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  1   être utilement informées si elles connaissent les questions qui seront

  2   posées, mais cela ne doit pas se faire dans le vide.

  3   Maître Fila a tout à fait le droit de poser des questions difficiles, et

  4   si le médecin a des informations à fournir eu égard à ces questions, il

  5   pourra répondre ; le contre-interrogatoire permet d'aller plus loin le cas

  6   échéant. Il n'y a aucune nécessité de rentrer dans des éléments

  7   spéculatifs qui constitueraient ou seraient assimilables à des pressions,

  8   notamment lorsqu'il s'agit d'éléments de preuve présentés en réplique car,

  9   dans le système de la réplique, nous sommes confinés à un cadre très

 10   restreint.

 11   Donc, nous poserons des questions mais s'agissant du témoignage, de la

 12   déposition du témoin, nous souhaitons nous concentrer sur ce qui rentre

 13   bien dans le cadre de la réplique.

 14   M. le Président (interprétation). - Oui, je crois que nous sommes d'accord

 15   avec le Procureur et que nous nous satisferons de la liste des questions

 16   qui, si j'ai bien compris, a déjà été soumise à la Chambre de première

 17   instance et au conseil de la défense. Nous n'avons pas reçu ce document

 18   qui a sans doute été déposé hier, n'est-ce pas ?

 19   M. Niemann (interprétation). - Oui, en effet.

 20   M. le Président (interprétation). - Je suis satisfait et heureux de savoir

 21   que Me Fila l’a entre les mains.

 22   Nous pouvons commencer par l'audition du premier témoin s'il n'y a aucune

 23   autre question à évoquer.

 24   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, vous avez peut-être

 25   remarqué que j'ai évoqué un autre élément dans mon document, je défends un


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  1   certain système depuis trente-cinq ans. Cela fait longtemps, mais c'est

  2   comme cela. Dans le système que je défends depuis trente-cinq ans, il est

  3   important d'appliquer un certain comportement à l'accusé, jusqu'au moment

  4   du prononcé de la sentence.

  5   J'ai proposé que le Tribunal recueille des éléments de preuve au sujet du

  6   comportement de l'accusé entre le moment de son arrestation et le début de

  7   son procès. Je ne peux pas le faire, je parle des documents médicaux et

  8   éventuellement des comptes rendus d'interrogatoire par M. MacLeod. En tout

  9   cas, c'est quelque chose qui correspond au système en vigueur chez nous.

 10   Nous avons reçu un élément de preuve qui est un élément de deuxième main.

 11   Le témoin Vera Petrovic a dit avoir vu le document médical de

 12   Slavko Dokmanovic et l'avoir lu, mais vous, Messieurs les Juges, vous

 13   n'avez pas vu ce document. Si la Chambre de première instance estime, je

 14   dis bien si elle estime que ce document est important, je proposais et je

 15   crois que le Procureur n'a rien contre, que ce document médical soit remis

 16   aux Juges et que M. McFadden soit éventuellement entendu ou qu'il soumette

 17   un rapport quant au comportement de M. Dokmanovic. Telle était la teneur

 18   de ma proposition, tout simplement.

 19   M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila mais pourriez-vous

 20   aider le Tribunal en nous disant à quelles fins vous proposez que

 21   les Juges examinent le rapport médical de l'accusé ?

 22   M. Fila (interprétation). - Parce que chez nous, dans notre système

 23   judiciaire, au moment de déterminer la peine, il est important de savoir

 24   si l'accusé est malade, s'il souffre de quoi que ce soit, s'il a un bon

 25   comportement ou un mauvais comportement, s'il obéit aux ordres des gardes,


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  1   s'il se bat avec les autres coaccusés, s'il se comporte d'une façon

  2   civilisée ou pas. C'est à cette fin que je proposais l'examen de ces

  3   documents, si cela vous paraît important.

  4   M. le Président (interprétation). - C'est une question assez délicate

  5   parce que c'est un point de départ qui peut constituer une divulgation de

  6   données médicales couvertes par le secret.

  7   M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président, mais cela

  8   se ferait avec l'accord de la défense et l'accord de l'accusé. D'ailleurs,

  9   je vous dis que je suis d'accord et que l'accusé est d'accord pour que

 10   l'on examine ce document. Nous avons également donné cet accord au

 11   Dr Petrovic qui a vu le document. Dans le cas contraire, elle n'aurait pas

 12   pu examiner ce document. Mais je dis bien que tout cela je le propose au

 13   cas où cela paraîtrait important aux Juges de première instance.

 14   M. le Président (interprétation). - Puis-je demander au Procureur s'il a

 15   un point de vue particulier sur cette question ?

 16   M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président, hormis le fait

 17   qu'il serait plus utile pour la Chambre de première instance que M. Fila

 18   demande l'aide du Tribunal pour que ce document soit fourni à la Chambre

 19   de première instance si celle-ci estime que le document est pertinent et

 20   peut l'aider dans le cadre du procès.

 21   Si une autre procédure était appliquée, elle pourrait apparaître

 22   étonnante. Si le sujet devait être discuté avec les témoins que la défense

 23   a l'intention de citer, il me semble que ce ne serait pas approprié.

 24   Il serait préférable, me semble-t-il, que le point de départ se situe au

 25   niveau des Juges. Maître Fila devrait demander l'aide du Tribunal pour


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  1   obtenir la coopération de ces témoins. L'un de ces témoins est un

  2   représentant des Nations Unies qui ne peut venir à la barre qu'avec une

  3   autorisation spéciale des Nations Unies.

  4   M. le Président (interprétation). - De qui s'agit il ?

  5   M. Niemann (interprétation). - M. McFadden. Je comprends que la situation

  6   soit un petit peu délicate, je ne voudrais pas m'exprimer abusivement,

  7   mais je crois savoir qu'il y a quelques restrictions quant aux

  8   possibilités de témoignage de ce genre de personnel. Cela étant, le

  9   responsable des Nations Unies peut venir à la barre, mais dans des

 10   conditions particulières. Il faut, je crois, qu'il obtienne d'abord

 11   l'approbation de New York, ce qui demandera un certain temps, bien

 12   entendu.

 13   Mais il est étonnant que l'on demande aux Juges d'intervenir pour que les

 14   témoins de la défense puissent comparaître à la barre. Il serait

 15   préférable qu'une aide soit apportée par les Juges, mais que la

 16   responsabilité incombe toujours à Me Fila.

 17   M. le Président (interprétation). - Oui, en effet.

 18   (Les Juges se consultent sur le siège.)

 19   Les Juges de la Chambre de première instance estiment que la meilleure

 20   solution est la suivante : nous allons demander au responsable médical de

 21   la prison -je ne me rappelle pas de son nom- de produire un rapport

 22   médical.

 23   M. Fila (interprétation). - Le docteur Valke.

 24   M. le Président (interprétation). - Oui, le docteur Valke. Nous allons lui

 25   demander de soumettre un rapport médical détaillé, rédigé dans une langue


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  1   compréhensible par des personnes qui ne sont pas des experts médicaux, un

  2   rapport qui traitera de l'état médical de l'accusé. C'est bien la Chambre

  3   de première instance qui va formuler cette demande, et non Me Fila. C'est

  4   la Chambre de première instance qui va s'adresser au médecin de la prison

  5   pour lui demander ce rapport qui sera présenté au procès.

  6   Maître Fila, je crois avoir compris que vous souhaitiez également obtenir

  7   un rapport portant sur le comportement de l'accusé en prison. Nous

  8   pourrions demander à M. McFadden de soumettre un tel rapport qui traitera

  9   du comportement de l'accusé pendant sa détention. Nous disposerons donc de

 10   deux documents écrits provenant de ces deux responsables.

 11   Puisque nous sommes en train de discuter d'éléments de preuve qui ont une

 12   importance dans le prononcé de la peine, j'aimerais m'adresser au

 13   Procureur pour lui demander de nous dire si deux de ses témoins qui sont

 14   des fonctionnaires des Nations Unies, M. Corwin et le témoin S, je crois,

 15   deux témoins qui vont parler ou témoigner de l'attitude de l'accusé dans

 16   la période ultérieure à la date cruciale de 1991, qui traiteront donc de

 17   la période 1991-1993 ou 1993-1995, j'aimerais demander au Procureur si ces

 18   dépositions sont pertinentes du point de vue de l'accusation eu égard au

 19   prononcé de la peine car, dans le cas contraire, ces éléments de preuve

 20   n'auraient pas la même importance.

 21   M. Niemann (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le Président. Vous nous

 22   posez donc la question maintenant au sujet d'un témoin qui sera entendu

 23   par la suite ?

 24   M. le Président (interprétation). - Oui.

 25   M. Niemann (interprétation). - Je vois, très bien Monsieur le Président. A


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  1   notre avis, tout élément de preuve lié à l'attitude de l'accusé est

  2   pertinent. Notamment si c'est le point de vue d'une personne particulière.

  3   C'est un élément de preuve pertinent eu égard au prononcé de la peine et à

  4   l'évaluation de la personnalité de l'accusé.

  5   Il arrive que l'on tienne compte d'une conduite ultérieure à la période

  6   pertinente. Ce sont des éléments de preuve qui ne sont pas toujours

  7   recevables mais qui le sont dans certains cas et qui, en tout cas,

  8   apportent des informations sur la personnalité de l'accusé, notamment

  9   lorsque la preuve est fournie par une personne qui a des convictions

 10   politiques ou autres.

 11   Ces points de vue peuvent être anciens, peuvent couvrir toute une vie et

 12   ont une importance qui ont leur pertinence dans le procès. Ils ne sont pas

 13   fournis dans le vide car ils peuvent être corroborés par les points de vue

 14   d'un autre témoin qui présentera une position assez comparable pour une

 15   période antérieure. Il y aura donc une continuité sur deux périodes.

 16   M. le Président (interprétation). - La pertinence ne porte pas uniquement

 17   sur le prononcé de la peine mais sur l'attitude de l'accusé avant et

 18   après 1991.

 19   M. Niemann (interprétation). - Oui, c'est pourquoi je parlais de

 20   continuité.

 21   M. May (interprétation). - Je suppose que vous parviendrez à prouver, de

 22   votre point de vue en tout cas, la cohérence de l'attitude dont vous

 23   parlez.

 24   M. Niemann (interprétation). - Oui, en effet.

 25   M. le Président (interprétation). - Nous allons donc présenter ces


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  1   demandes aux deux responsables dont j'ai cité les noms précédemment et

  2   nous demandons maintenant à Me Fila de citer à la barre son premier

  3   témoin.

  4   M. Williamson (interprétation). - Veuillez m'excuser,

  5   Monsieur le Président. Vous avez parlé de demande, vous parliez de

  6   M. McFadden et du médecin. Je pensais que vous alliez parler de

  7   l'autorisation que ces témoins vont demander à New York pour s'exprimer

  8   ici ; cette autorisation a déjà été demandée par nous, excusez-moi,

  9   c'était un malentendu.

 10   M. le Président (interprétation). - Très bien, j'aimerais demander au

 11   greffe de s'assurer de la venue dans le prétoire de ce premier témoin.

 12  

 13   (Le témoin est introduit dans la salle)

 14   Bonjour. Veuillez prêter serment, s'il vous plaît.

 15   M. Knezevic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

 16   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   M. le Président (interprétation). - Merci, veuillez vous asseoir.

 18   M. Knezevic (interprétation). - Merci.

 19   M. Fila (interprétation). - Monsieur Knezevic, j'espère que vous vous

 20   sentez bien. C'est la deuxième fois que vous êtes ici.

 21   M. Knezevic (interprétation). - Effectivement, je suis pas un débutant

 22   ici.

 23   M. Fila (interprétation). - Avez-vous donné une des déclarations à

 24   M Vlastic le 10 juin 1998.

 25   M. Knezevic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Fila (interprétation). - Veuillez examiner la déclaration et nous dire

  2   s'il s'agit bien de la vôtre ?

  3   M. le Greffier (interprétation) - La côte du document est : D149 et la

  4   traduction en anglais : D149A.

  5   M. Fila (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection, je demande que ce

  6   document soit admis comme pièce à conviction de la défense D149. S'agit-il

  7   de votre signature ?

  8   M. Knezevic (interprétation). - Oui.

  9   M. Fila (interprétation). - Monsieur Knezevic...

 10   M. le Président (interprétation). - (hors micro).

 11   M. Fila (interprétation). - Avez-vous reconnu votre déclaration et votre

 12   signature ?

 13   M. Knezevic (interprétation). - J'ai reconnu ma signature et le texte qui

 14   a été rédigé à partir de la déclaration que j'ai donnée à M. Vlastic

 15   oralement.

 16   M. le Président (interprétation). - Vous proposez donc que cela soit versé

 17   au dossier. Vous n'avez pas d'objection ?

 18   M. Williamson (interprétation). - C’est la première fois que nous voyons

 19   ce texte. Pouvons-nous bénéficier d'un peu de temps pour l'examiner ?

 20   M. le Président (interprétation). - Oui.

 21   Pendant ce temps, vous pouvez continuer, Maître Fila.

 22   M. Fila (interprétation). - Monsieur Knezevic, vous connaissez

 23   Slavko Dokmanovic depuis quand ? Le connaissez-vous bien ?

 24   M. Knezevic (interprétation). - Je le connais depuis la moitié de

 25   l’année 1980. Je pense que je le connais bien, étant donné que notre


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  1   amitié s'est approfondie d'une année sur l'autre de manière correcte

  2   jusqu'à l'an dernier.

  3   M. Fila (interprétation). - Pendant une certaine période, en 1991, vous

  4   étiez tous les deux ministres du gouvernement du district serbe de la

  5   Slovonie orientale, extrême occidentale et Bamana.

  6   M. Knezevic (interprétation). - Effectivement, nous étions tous les deux

  7   ministres dans le district serbe. J'étais ministre de l'Education et

  8   M. Dokmanovic, ministre de l'Agriculture.

  9   M. Fila (interprétation). - Comment était-il dans ses fonctions ?

 10   M. Knezevic (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, en tant que ministre

 11   de l'Agriculture, travaillait dans des conditions très difficiles. Il

 12   n'avait pas une attitude de ministre. Nous comprenions que nous n'étions

 13   pas de vrais ministres, mais nous nous comportions comme des représentants

 14   du peuple. Nous étions chargés chacun de notre propre domaine, le mien

 15   était celui de l'éducation et le sien celui de l'agriculture.

 16   M. Fila (interprétation). - Comment a-t-il été élu ?

 17   M. Knezevic (interprétation). - Je n'ai pas bien compris la question.

 18   M. Fila (interprétation). - Veuillez faire une pause avant de répondre.

 19   Comment Slavko Dokmanovic a-t-il été élu au poste de ministre au sein de

 20   ce gouvernement ?

 21   M. Knezevic (interprétation). - Nous avons été élus ministres sur la base

 22   de propositions faites par les gens de nos communautés locales et de nos

 23   municipalités, donc d’organes supérieurs de pouvoir dans l'ancienne

 24   République de Croatie.

 25   M. Fila (interprétation). - Comment était Slavko Dokmanovic en tant que


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  1   personne, puisqu'il a été proposé pour le poste de ministre ?

  2   M. Knezevic (interprétation). - Il bénéficiait d'une très bonne réputation

  3   dans le village de Trpinja où il a vécu, dans sa région et dans toute la

  4   municipalité. Tout le monde le reconnaissait étant donné qu'il était

  5   quelqu'un de très actif dans le domaine des sports, notamment du football.

  6   Je le connaissais puisque j'étais, pendant un certain temps, un membre

  7   actif au sein des organisations de football.

  8   Il faisait très attention à ce que l’éthique soit respectée dans le sport,

  9   dans le football et je le voyais souvent à Trpinja. Il faisait beaucoup

 10   d'efforts afin de moderniser et d’urbaniser cette région. C'est pour cela

 11   qu'il a reçu la récompense, sous la forme de proposition, de devenir

 12   ministre.

 13   Lorsque je parle de Slavko Dokmanovic en tant qu’homme, je dois dire que

 14   je considère que c'est un homme honnête, libre et courageux qui, durant

 15   une période difficile lors du démembrement de notre Etat, s'est retrouvé

 16   dans une situation où il affirmait que la meilleure option était la

 17   "meilleure yougoslave", la continuité de la situation d’avant le conflit.

 18   M. Fila (interprétation). - Monsieur Knezevic, quel était le rôle de

 19   M. Dokmanovic dans la municipalité de Vukovar ?

 20   M. Knezevic (interprétation). - Il était le Président de l'assemblée

 21   municipale. On disait souvent que ce poste était celui de maire, dans la

 22   langue parlée.

 23   M. Fila (interprétation). - Le 19 novembre 1991, une séance de

 24   gouvernement à Erdut a-t-elle eu lieu ?

 25   M. Knezevic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Fila (interprétation). - Le lendemain, la décision a-t-elle été adoptée

  2   de vous retrouver à Vukovar ?

  3   M. Knezevic (interprétation). - Oui. M. Goran Hadzic, qui était au poste

  4   de Président du gouvernement du district serbe, a proposé que l'on se

  5   rencontre tous à Vukovar le lendemain.

  6   M. Fila (interprétation). - Y êtes-vous allé ?

  7   M. Knezevic (interprétation). - Non.

  8   M. Fila (interprétation). - Pourquoi ?

  9   M. Knezevic (interprétation). - Les temps étaient encore difficiles et le

 10   voyage présentait beaucoup de risques. Pour partir de Barana, en ex- RSFY,

 11   je devais passer par deux barrages routiers. J'acceptais de me rendre aux

 12   réunions uniquement si je les considérais urgentes. Or, ce n'était pas le

 13   cas concernant la réunion du 20 novembre, donc je n'y suis pas allé.

 14   M. Fila (interprétation). - Entre-temps, le gouvernement dans lequel vous

 15   exerciez vos fonctions de ministre a cessé d'exister et le gouvernement de

 16   Krajina a été créé ?

 17   M. Knezevic (interprétation). - Oui.

 18   M. Fila (interprétation). - Y avez-vous eu des fonctions ?

 19   M Knezevic (interprétation). - Oui.

 20   M. Fila (interprétation). - Monsieur Dokmanovic a eu un poste au sein du

 21   gouvernement de la Krajina serbe ?

 22   M Knezevic (interprétation). - Je dois dire que j'ai été moi-même surpris

 23   de l'apprendre mais, par la suite, j'ai appris que M. Dokmanovic, d'après

 24   ce que l'on m'a dit, ne respectait pas les critères fondamentaux qui

 25   étaient appliqués afin de faire partie de ce gouvernement. Ces critères


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  1   étaient le respect total d'options plutôt nationalistes alors que son

  2   attitude provoquait des critiques selon lesquelles il ne se comportait pas

  3   comme un vrai Serbe, qu'il défendait des intérêts d'autres options et

  4   c'est pour cela que l'on a omis de le mettre au gouvernement malgré

  5   l'efficacité avec laquelle il s'était acquitté de sa tâche auparavant.

  6   M. Fila (interprétation). - Cela veut-il dire qu'il n'a pas été pris au

  7   poste de ministre non pas parce qu'il était mauvais en tant qu'expert en

  8   agriculture, mais parce qu'il était mauvais en tant que Serbe ?

  9   M Knezevic (interprétation). - Je serais d'accord avec cette deuxième

 10   constatation, étant donné que beaucoup de personnes au sein de

 11   l'assemblée, il faut savoir qu'il y a en avait 282, la grande majorité des

 12   élus considérait que M. Dokmanovic n'était pas en un bon Serbe, qu'il

 13   n'était plus crédible et qu'il n'était pas conforme à l'intérêt général.

 14   M. Fila (interprétation). - Comment ce fait-il qu'il a été réélu au poste

 15   de Président de l'assemblée municipale en 1994 ? Les temps ont-ils

 16   changé ?

 17   M Knezevic (interprétation). - L'année 1994 a entraîné sur le terrain

 18   certains changements politiques étant donné... Je parle de l'année 1992,

 19   étant donné que la Forpronu est arrivée sur le terrain. Après celle-ci,

 20   c'est l'Untaes qui est arrivée sur le terrain.

 21   Entre-temps M. Dokmanovic a été rejeté et un peu oublié. Au moment où

 22   l'option politique a changé de nouveau, où l'option que M. Dokmanovic

 23   défendait, une option multi-ethnique, M. Dokmanovic, même s'il était

 24   politiquement mort et résigné, même s'il ne figurait pas au sein d'un

 25   quelconque parti politique, se retrouvait dans la situation dans laquelle


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  1   il s'est senti forcé de poser de nouveau sa candidature au poste de

  2   Président de l'assemblée municipale.

  3   M. Fila (interprétation). - A-t-il participé aux négociations de paix à

  4   Erdut ?

  5   M Knezevic (interprétation). - Effectivement. A mon avis, M. Dokmanovic

  6   était toujours un grand perdant et un grand malheureux. A chaque fois

  7   qu'il fallait souffrir, quand il fallait subir les conséquences négatives

  8   de certaines actions, il était là, et souvent, quand il fallait recevoir

  9   les récompenses, il était oublié.

 10   M. Fila (interprétation). - Pendant ces négociations, l'a-t-on considéré

 11   comme un Serbe dur et intransigeant ?

 12   M Knezevic (interprétation). - Non, on considérait que c'était quelqu'un

 13   qui était très modéré. Je le souligne parce que je le connaissais assez

 14   bien. Nous étions souvent en privé au téléphone, je l'appelais souvent

 15   chez lui.

 16   M. Fila (interprétation). - Pourquoi a-t-il été remplacé à son poste de

 17   Président de l'assemblée municipale ?

 18   M Knezevic (interprétation). - En 1991 ?

 19   M. Fila (interprétation). - En 1996.

 20   M Knezevic (interprétation). - En 1996, je pense que, de nouveau, les

 21   radicaux sont redevenus puissants et c'est pour cela qu'il a été éliminé.

 22   M. Fila (interprétation). - A-t-il été critiqué, dans la presse notamment,

 23   sur son rôle dans le processus de paix ?

 24   M Knezevic (interprétation). - Oui, il a été critiqué dans les médias et

 25   des personnes aussi le critiquaient.


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  1   M. Fila (interprétation). - Pourquoi ?

  2   M Knezevic (interprétation). - Etant donné qu'il n'était pas suffisamment

  3   dur en tant que Serbe, étant donné que le peuple serbe considérait qu'il

  4   le rendait à la Croatie, qu'il ne défendait pas suffisamment le peuple

  5   serbe.

  6   M. Fila (interprétation). - Vous avez déjà parlé de M. Dokmanovic ici

  7   mais, cette fois-ci, je voudrais savoir quelle est la raison pour laquelle

  8   il vous a demandé de l'accompagner lors de ce voyage ?

  9   M Knezevic (interprétation). - Vous savez, parfois, on se comprend tout

 10   simplement en se regardant dans les yeux. Nous étions dans une situation

 11   où nous voulions que la vérité soit établie, et la vérité était telle que

 12   M. Dokmanovic voulait croire ceux qui lui disaient qu'il fallait venir à

 13   Vukovar pour obtenir des négociations concernant l'échange des biens entre

 14   les Serbes et les Croates vivant dans cette région.

 15   Moi-même, j'ai été invité par lui pour l'accompagner dans ce voyage.

 16   Pourquoi ? Tout simplement on se comprend tellement bien qu'il nous suffit

 17   de nous regarder dans les yeux pour nous comprendre.

 18   M. Fila (interprétation). - Je voulais savoir si le but de M Dokmanovic,

 19   quand il vous a invité, était de l'accompagner pour parler de ses propres

 20   biens ou des biens de tous les Serbes et Croates ?

 21   M Knezevic (interprétation). - Non, de tous les biens des Serbes et des

 22   Croates.

 23   M. Fila (interprétation). - Pendant l'année 1991, pendant les réunions par

 24   exemple au sein du gouvernement à Erdut et plus tard, comment était-il

 25   vêtu ? Vous en souvenez-vous ?


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  1   M. Knezevic (interprétation). - Vous savez, Monsieur Dokmanovic, tout

  2   comme nous autres, portait une sorte d'uniforme de camouflage, d'uniforme

  3   de chasse. C'était une sorte d'uniforme disparate. Presque tout le monde

  4   était comme cela, on avait des gilets de camouflage surtout. Durant cette

  5   époque, de toute façon, peu de gens portaient des cravates et des

  6   costumes.

  7   M. Fila (interprétation). - S'agissait-il d'un uniforme d'officier de

  8   réserve ?

  9   M. Knezevic (interprétation). - Non, pas du tout. Monsieur Dokmanovic

 10   était une simple recrue mais il n'était certainement pas officier, ni

 11   pendant la paix, ni pendant la guerre.

 12   M. Fila (interprétation). - Je n'ai plus de question, je demande

 13   simplement que ce document soit versé au dossier, qu'il soit admis en tant

 14   que pièce de la défense.

 15   M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection.

 16   M. le Président (interprétation). - Merci.

 17   M. Niemann (interprétation). - Monsieur Knezevic, avez-vous déjà vu

 18   M. Dokmanovic dans un uniforme de soldat de réserve de la JNA ?

 19   M. Knezevic (interprétation). - Non.

 20   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous su qu'il voyageait avec des

 21   personnes en uniforme qui faisaient partie de son personnel de sécurité ou

 22   bien qui travaillaient pour lui ?

 23   M. Knezevic (interprétation). - Je ne le savais pas et je ne l'ai pas vu,

 24   étant donné que M. Dokmanovic voyageait toujours tout seul, sans garde du

 25   corps.


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  1   M. Niemann (interprétation). - Je parle plutôt de la période après la fin

  2   de la guerre à Vukovar, donc après novembre 1991. Nous ne l'avez pas vu

  3   dans de telles situations ?

  4   M. Knezevic (interprétation). - J'essaie d'être concentré, je n'ai pas

  5   bien compris votre question. Je voyais M. Dokmanovic mais il n'était pas

  6   en uniforme, il n'était ni armé ni entouré par des gens portant des

  7   uniformes.

  8   M. Niemann (interprétation). - C'est-à-dire que vous ne l'avez pas vu dans

  9   une telle situation ?

 10   M. Knezevic (interprétation). - Je le voyais mais il n'était pas entouré

 11   de personnes armées ni en uniforme. Sinon, on se voyait au moins plusieurs

 12   fois par mois.

 13   M. Niemann (interprétation). - De nouveau, pendant cette période suite à

 14   la chute de Vukovar, avez-vous su si M. Dokmanovic s'est rendu dans des

 15   prisons en Serbie, dans la République de Serbie ?

 16   M. Knezevic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas su. Nous n'avons

 17   jamais parlé de ce sujet.

 18   M. Niemann (interprétation). - Très bien. Vous avez dit qu'il n'avait

 19   certainement pas des opinions partagées par un Serbe dur et intransigeant.

 20   Que voulez-vous dire par un "Serbe dur et intransigeant". Pourriez-vous

 21   décrire une telle personne ?

 22   M. Knezevic (interprétation). - Si l'on effectue une analyse psychologique

 23   d'une telle personne, on peut constater plusieurs caractéristiques

 24   typiques. Je peux dire que j'en ai connues quelques-unes.

 25    Premièrement, je parlerai de la catégorie de personnes qui favorisaient


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  1   la persécution et le génocide des Croates du territoire du district serbe.

  2   Deuxièmement, je parlerai des personnes qui pillaient, qui volaient, qui

  3   brûlaient des maisons, etc.

  4   Troisièmement, je parlerai des personnes qui ne respectaient aucune

  5   éthique et qui ne respectaient aucune tentative d'introduire de l'ordre

  6   dans des territoires où l'anarchie régnait.

  7   Quatrièmement, je parlerai des personnes qui refusaient tous les efforts

  8   de la communauté internationale visant à aboutir à une situation de paix

  9   et d'ordre sur le terrain.

 10   Cinquièmement, je parlerai de toutes ces personnes au comportement

 11   violent, qui avaient d'énormes quantités d'alcool dans le sang, qui ont

 12   une apparence tout à fait négligée. Je parle de cela, il y a certainement

 13   d'autres critères, ce sont des personnes qui refusent toute négociation,

 14   toute discussion, tout compromis. Il ne s'agissait certainement pas des

 15   caractéristiques de M. Dokmanovic.

 16   M. Niemann (interprétation). - Voudriez-vous dire que cela signifie que

 17   M. Dokmanovic était une personne qui saluerait l'arrivée des Nations Unies

 18   dans cette région troublée du monde ?

 19   M. Knezevic (interprétation). - Nous étions tous en train de saluer une

 20   intervention des Nations Unies, mais je ne sais pas de quoi vous parlez.

 21   Si vous parlez d'une intervention militaire, nous ne la saluions pas mais

 22   s'il s'agissait d'une intervention politique, nous étions absolument pour.

 23   Monsieur Dokmanovic étaient l'une des personnes qui soutenaient le plus

 24   une telle approche.

 25   M. Niemann (interprétation). - Avait-il toujours eu une telle attitude ou


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  1   bien a-t-il changé son opinion à ce sujet entre-temps ?

  2   M. Knezevic (interprétation). - La sagesse populaire chez nous dit que

  3   seule une personne stupide ne change jamais d'opinion. Vous savez, durant

  4   cette période, lorsqu'il y a eu la montée d'un nationalisme, cela a

  5   provoqué la réponse d'un autre nationalisme, alors que l'on avait très

  6   bien vécu en Yougoslavie auparavant. Au début des années 1990, je me suis

  7   moi-même retrouvé sous la pression nationaliste, étant donné les choses

  8   qui nous arrivaient sur le terrain. Par exemple, un policier croate a tué

  9   mon chien, dans ma propre cour.

 10   M. Niemann (interprétation). - Je ne sais pas si j'ai bien compris ce

 11   commentaire, mais vous voulez dire que M. Dokmanovic était considéré comme

 12   un mauvais Serbe étant donné qu'il favorisait la vie commune avec le

 13   peuple croate, est-ce exact ?

 14   M. Knezevic (interprétation). - Effectivement, M. Dokmanovic n'avait rien

 15   contre le peuple croate. Dans sa propre maison, M. Dokmanovic abritait un

 16   Croate, un vétérinaire qui est mort d'une crise cardiaque. Il vivait chez

 17   M. Dokmanovic. On était tous des amis avec les Croates. On allait chez eux

 18   pour les mariages, pour toutes sortes de fêtes. M. Dokmanovic faisait

 19   partie de ces personnes qui étaient tristes de voir que le tout se

 20   démembrait. Des Croates réfléchissaient ainsi mais, malheureusement, nous

 21   constituions une minorité.

 22   M. Niemann (interprétation). - Favorisait-il cette approche selon laquelle

 23   les Croates et les Serbes devaient vivre ensemble avant la guerre de

 24   Vukovar, c'est-à-dire avant les mois d'août, septembre, octobre et

 25   novembre 1991 ?


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  1   M. Knezevic (interprétation). - Absolument. Il favorisait une telle

  2   approche et c'est pour cela qu'il était mal vu par les nationalistes

  3   croates qui le menaçaient physiquement. C'est la raison pour laquelle il a

  4   été discrédité et il était clair que M. Mercep et ses acolytes voulaient

  5   tout simplement le détruire physiquement. D'après mes informations, à

  6   partir du mois de mai, il n'osait même pas aller à Vukovar à cause de ces

  7   menaces et de ces dangers.

  8   M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous parlez de son image dans les

  9   médias, je suppose que vous parlez de la télévision et de la presse ?

 10   M. Knezevic (interprétation). - Oui.

 11   M. Niemann (interprétation). - Est-il apparu souvent à la télévision, à la

 12   radio, d'après vos souvenirs ? Pourriez-vous nous préciser, quand nous

 13   parlons de juillet 1991, s'il avait parlé à la radio ou à la télévision ?

 14   M. Knezevic (interprétation). - Oui. Je ne peux pas le dire de manière

 15   précise ici, du temps s'est écoulé depuis. C'était une situation

 16   extrêmement pénible. La radio et la télévision ne marchaient pas encore ;

 17   en juillet, la radio et la télévision ne fonctionnaient pratiquement pas.

 18   Ce n'était que le tout début. Seules les radios amateurs commençaient à

 19   marcher. Certains écoutaient et n'entendaient pas bien un certain nombre

 20   de stations. Ce n'est que par la suite, avec la Forpronu, que nous avons

 21   pu développer la radio et la télévision, tout ce qui est mass média.

 22   M. Niemann (interprétation). - Seriez-vous surpris si je vous disais qu'il

 23   existe une cassette de la radio de Belgrade que nous avons reçue par

 24   l'intermédiaire de l'agence Tanjug, sur laquelle il a justement été

 25   enregistré que M. Dokmanovic avait parlé de l'arrivée des casques bleus.


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  1   Vous êtes probablement d'accord avec moi sur la signification de la

  2   présence des casques bleus et des Nations Unies.

  3   Il aurait dit que ce serait inacceptable que les Casques bleus se rendent

  4   sur ce territoire.

  5   M. Knezevic (interprétation). - A cette époque, je n'ai jamais entendu

  6   parler des casques bleus ni de cette émission de radio.

  7   M. Fila (interprétation). - Je vous prie, Monsieur le Président, de bien

  8   vouloir nous présenter ce dont on parle car, jusqu'à maintenant, on n'a

  9   pas parlé de cet élément de preuve. Auriez-vous une copie ?

 10   M. Niemann (interprétation). - Oui, j'ai une copie pour vous et une pour

 11   M. Dokmanovic.

 12   M. Fila (interprétation). - Merci de me la passer et maintenant vous

 13   pouvez en parler.

 14   M. le Greffier (interprétation) - Le document est enregistré sous la

 15   cote 213.

 16   M. Niemann (interprétation). - Je ne sais pas si cela pourra vous être

 17   utile étant donné que c'est en anglais. Mais il s'agit en effet d'une

 18   émission de la radio en avril 1991. Je ne sais pas si M. le Témoin peut

 19   lire en anglais. Vous verrez si c'est en accord avec ce que vous nous avez

 20   dit.

 21   M. Fila (interprétation). - Objection. C'est un article et je sais pas qui

 22   l'a rédigé. Je vais demander à l'accusation de bien vouloir nous apporter

 23   la cassette enregistrée parce que cela n'est pas correct. Moi, j'ai un

 24   compte rendu et je ne sais pas qui l'a rédigé. Je n'ai pas la cassette qui

 25   avait été enregistrée, ce qui n'est pas correct.


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  1   M. Knezevic (interprétation). - Il ne s'agissait pas de la Forpronu, ce

  2   n'est qu'en janvier que l'on a parlé de la Forpronu.

  3   M. Fila (interprétation). - Ici, on dit que le maire de la ville de

  4   Belgrade est contre l'arrivée des casques bleus, alors que ce n'est pas

  5   M. Dokmanovic. Il n'était pas le maire de Belgrade, à l'époque.

  6   Je ne peux pas accepter un tel élément de preuve.

  7   M. le Président (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de nous

  8   apporter cet élément de preuve comme il a été demandé par la défense ?

  9   M. Niemann (interprétation). - J'ai tout simplement demandé au témoin ce

 10   qui avait été déjà dit au témoin, lors de son témoignage principal. Le

 11   témoin nous a dit qu'il était tolérant, qu'il n'était pas intransigeant,

 12   qu'il en avait également parlé à la radio, à la télévision. Lors du

 13   témoignage principal, il en a lui-même parlé.

 14   C'est pour cela que j'ai posé exactement la même question. Il s'agit d'un

 15   compte rendu. C'est un enregistrement de la radio de Belgrade et j'ai tout

 16   simplement présenté cet élément de preuve. Je lui ai donc posé la question

 17   de savoir si c'était en accord avec sa conception de ce que Dokmanovic

 18   était à l'époque... Je n'ai pas demandé que ce soit un élément de preuve,

 19   une pièce à conviction à verser au dossier.

 20   J'ai donné la copie, je ne lui demande pas de verser ces documents.

 21   M. Fila (interprétation). - Vous dites que le document a été rédigé. Je ne

 22   sais pas d'où il vient, vous parlez d'une émission dont je n'ai pas

 23   entendu l'enregistrement et je ne suis donc pas d'accord.

 24   M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que ce soit aussi non

 25   pertinent. Au contraire, je comprends l'accusation. Me Niemann a présenté


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  1   ce document. Il a voulu raconter cet article de l'agence Tanjug tout

  2   simplement pour que le témoin puisse nous dire si, effectivement, l'agence

  3   Tanjug de Belgrade avait émis une telle déclaration. Il ne faut pas trop

  4   accentuer l'importance de ce document.

  5   M. Fila (interprétation). - La question que l'accusation avait posée était

  6   la suivante : le témoin serait-il surpris d'entendre parler de cette

  7   manière-là de Dokmanovic ? Je demande que l'on nous apporte cette

  8   cassette.

  9   Nous voyons ici un texte écrit mais nous n'avons pas l'enregistrement.

 10   C'est la question qui était suggestive. Par cette question, on suggère que

 11   c'est M. Dokmanovic qui fait une telle déclaration alors que dans la

 12   rédaction du texte, on voit que c'est le maire de Belgrade qui avait fait

 13   une telle déclaration.

 14   M. Niemann (interprétation). - Je refuse que Me Fila cite de manière

 15   inexacte ce que j'avais dit. J'ai tout simplement demandé au témoin de

 16   faire un commentaire.

 17   M. le Président (interprétation). - Accordé.

 18   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas demandé de verser au dossier

 19   cet élément de preuve. Par ailleurs, j'insiste sur le fait que Me Fila n'a

 20   pas le droit de dire ce qui est à verser au dossier et ce qui n'est pas à

 21   verser.

 22   M. le Président (interprétation). - Accordé. Maître Niemann, vous pouvez

 23   continuer.

 24   M. Niemann (interprétation). - Monsieur Knezevic, avez-vous entendu

 25   l'émission de radio lors de laquelle M. Dokmanovic a été interviewé et où


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  1   il a dit que c'était effectivement leur propre décision de ne pas vivre en

  2   République de Croatie ensemble avec les Croates ? Avez-vous entendu une

  3   telle attitude exprimée par M. Dokmanovic ?

  4   M. Knezevic (interprétation). - Je n'ai jamais entendu parler de cette

  5   attitude ni lors d'une émission ni lors des réunions que nous avons eues à

  6   huis clos.

  7   Si vous permettez encore que j'ajoute quelque chose à propos de cette

  8   émission, en juillet 1991 sur le territoire de la région serbe

  9   Baranja Sapani Srem, on ne connaissait pas encore les termes de

 10   "Forpronu", de "casque bleu". Par conséquent, il est pratiquement

 11   impossible qu'il ait en parlé. C'est en janvier ou février 1992 que nous

 12   avons commencé à parler de la Forpronu, du plan Vance-Owen et que l'on a

 13   parlé des casques bleus. C'était trop tôt, les Nations Unies, à cette

 14   époque-là, étaient presque indifférentes à cette région.

 15   M. Niemann (interprétation). - Votre réponse est donc la suivante : vous

 16   n'avez pas entendu parler de cela. Cependant, vous n'êtes pas en mesure

 17   non plus de nier que M. Dokmanovic avait dit une telle chose ou qu'une

 18   émission de ce genre a été émise ?

 19   M. Knezevic (interprétation). - J'ai dit que je n'en ai pas entendu parler

 20   d'autant plus que c'est une période où les casques bleus n'ont pas été...

 21   On n'a pas parlé des forces de la Forpronu, comme je l'ai dit.

 22   Monsieur Dokmanovic, même à huis clos, n'a donc jamais parlé de cette

 23   manière-là, je ne l'ai jamais entendu parler ainsi. Il ne connaissait pas

 24   l'expression "casques bleus".

 25   M. Niemann (interprétation). - Vous n'avez jamais entendu parler, comme


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  1   vous l'avez dit, des observateurs européens et du fait que l'on attendait

  2   le déploiement de ces forces dans votre région ? Vous n'en aviez pas

  3   entendu parler au mois de juillet ?

  4   M. Knezevic (interprétation). - Plus tard, oui, mais pas à cette époque-

  5   là.

  6   M. Niemann (interprétation). - Voulez-vous dire que la Communauté

  7   européenne, que les observateurs n'ont jamais proposé que les forces de la

  8   Forpronu se rendent en juillet et qu'elles soient déployées en juillet

  9   dans votre région ?

 10   M. Knezevic (interprétation). - Je n'ai jamais entendu parler de cela.

 11   C'est probablement dû au fait que nous n'avions pas d'énergie électrique,

 12   nous étions pratiquement isolés, nous n'avons pas entendu beaucoup

 13   d'émissions, il y avait des coupures de transistors. Nous en avons entendu

 14   parler, mais je parle ici du mois de juillet. En juillet, à Baranja, on

 15   vivait encore normalement, il n'y avait pas encore eu la guerre et la RSFY

 16   existait encore à cette époque-là en tant qu'entité.

 17   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question.

 18   M. le Président (interprétation). - Juste à titre d'identification, c'est

 19   P-213, uniquement à titre d'identification.

 20   M. le Greffier (interprétation). - Tout à fait.

 21   M. le Président (interprétation). - En d'autres termes, c'est une pièce

 22   qui ne va pas être versée au dossier. Maître Fila, auriez-vous d'autres

 23   questions à poser ?

 24   M. Fila (interprétation). - Non. Merci.

 25   M. le Président (interprétation). - J'aimerais poser deux petites


Page 3305

  1   questions : j'aimerais tout d'abord savoir si vous pouvez expliquer

  2   quelque peu votre réponse. Selon le compte rendu anglais, la question

  3   posée était la suivante : M. Dokmanovic était-il réserviste et a-t-il

  4   porté l'uniforme de réserviste ? Vous avez répondu : "Il était une simple

  5   recrue, un soldat normal". Pourriez-vous me donner cette explication ?

  6   M. Knezevic (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, comme tous les

  7   membres de la RSFY à l'époque, a été appelé sous les drapeaux. Il a passé

  8   un an sous les drapeaux. Monsieur Dokmanovic n'a pas suivi l'école des

  9   officiers, des réservistes. Moi, par exemple, j'ai un grade, j'étais

 10   réserviste et j'avais un grade dans la JNA. Monsieur Dokmanovic était un

 11   simple soldat. Je ne peux pas savoir où il était, s'il était dans

 12   l'infanterie ou dans la marine, etc., je n'en ai jamais parlé avec lui.

 13   En ce concerne l'uniforme, je fais la différence entre l'uniforme des

 14   officiers et des soldats du point de vue du tissus, du grade, etc.

 15   Il y avait même une légère plaisanterie parce qu'il portait un uniforme de

 16   chasseur. Il était chasseur actif, il était même le président de l'union

 17   des chasseurs. On lui disait  : "Tu as l'uniforme, étant donné que tu es

 18   le président de l'union des chasseurs, alors que nous on n'en a pas".

 19   M. le Président (interprétation). - Je m'excuse, mais j'insiste sur ma

 20   question. Vous avez dit qu'il était simple soldat. Vous voulez dire qu'il

 21   était à la Défense territoriale ou bien était-il réserviste ? Vous étiez

 22   officier à la JNA, comme vous l'avez dit, vous étiez réserviste, tout au

 23   moins je le suppose et M. Dokmanovic par rapport à vous était un simple

 24   soldat, un officier, mais il était réserviste, n'est-ce pas, c'est ce que

 25   vous avez dit ?


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  1   M Knezevic (interprétation). - Nous avons tous appartenu à la JNA, mais en

  2   ce qui concerne la fonction du ministre de l'Education, de l'Agriculture,

  3   etc., il n'y avait pas d'option, on ne pouvait pas à la fois être officier

  4   et ministre. Monsieur Dokmanovic ne faisait donc pas partie d'une

  5   formation militaire alors que tout était sous le contrôle de la JNA, y

  6   compris l'organisation de la vie civile.

  7   M. le Président (interprétation). - Un certain nombre de témoins nous ont

  8   précisé que, en dehors de la JNA, il y avait la Défense territoriale,

  9   qu'il y avait des réservistes ?

 10   M Knezevic (interprétation). - Oui.

 11   M. le Président (interprétation). - Quelle est la formation à laquelle

 12   M. Dokmanovic appartenait ?

 13   M Knezevic (interprétation). - Nous avons appartenu tous à l'une des

 14   formations JNA, police et Défense territoriale. On avait la Défense

 15   territoriale de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine de la Macédoine, de

 16   la Serbie, etc. Selon la loi, nous étions tous des réservistes de la

 17   Défense territoriale selon l'enregistrement de la JNA.

 18   M. le Président (interprétation). - Vous avez été le ministre de

 19   l'Education en même temps que M. Dokmanovic quand il était ministre de

 20   l'Agriculture.

 21   Auriez-vous l'amabilité de me dire quels sont les vêtements que vous

 22   portiez entre septembre 1991 et janvier-février 1992 ? Portiez-vous des

 23   vêtements civils ou bien des uniformes militaires ?

 24   M Knezevic (interprétation). - Cela dépendait des objectifs et des tâches

 25   que nous avions à assumer tous les jours. Par exemple, pendant une journée


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  1   sur le territoire de Baranja, j'étais habillé de manière tout à fait

  2   simple et il ne fallait donc pas que je me distingue des autres personnes

  3   en civil : en chemise, sans cravate, etc. Mais si je devais me rendre à

  4   Vukovar ou jusqu'à Dalj ou Erdut, la première municipalité, pour me rendre

  5   aux séances de travail, je portais alors l'uniforme de camouflage.

  6   Je pense que nous sommes tous au courant lorsque l'on parle de l'uniforme

  7   de camouflage, on peut l'acheter dans n'importe quelle boutique, en vert

  8   olive ou bleu foncé, ce sont des combinaisons. On pouvait donc les mettre

  9   facilement, dormir également en route. Il était beaucoup plus facile de

 10   traverser les postes frontaliers, les postes de contrôle. Il était plus

 11   simple de nous identifier et de nous reconnaître à ce moment-là et

 12   d'arriver au but.

 13   M. le Président (interprétation). - Si je vous ai bien compris, c'est en

 14   fonction de la région où vous deviez vous rendre ou en fonction de la

 15   tâche que vous aviez à accomplir que vous portiez soit des vêtements

 16   civils sous l'uniforme militaire ; dans la région de Vukovar, d'Erdut,

 17   vous portiez l'uniforme militaire, est-ce exact ?

 18   M Knezevic (interprétation). - Oui.

 19   M. le Président (interprétation). - C’est très important de le préciser

 20   parce qu'il était plus facile de vous présenter au poste frontalier.

 21   M Knezevic (interprétation). - Oui. C'était plus facile pour nous de

 22   passer le poste frontalier. L'autre raison était que, sans eau et sans

 23   électricité, il était plus facile de porter ce genre d'uniforme. J'ai même

 24   dormi dans ma voiture.

 25   M. le Président (interprétation). - Merci. Je ne sais pas s'il y a


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  1   d'autres questions qui éventuellement seraient posées. Y a-t-il objection

  2   à laisser le témoin partir ? Merci, Monsieur le Témoin, de votre

  3   témoignage. Vous pouvez partir.

  4   M Knezevic (interprétation). - Merci à vous aussi, Monsieur le Président.

  5   M. Fila (interprétation). - Comme vous le savez, nous avons une pause vers

  6   11 heures, pensez-vous qu'il serait plus utile de lever la séance

  7   maintenant ? Comme cela nous n'allons pas interrompre le témoin.

  8   M. Fila (interprétation). - Je n'ai pas pris les dépositions des trois

  9   derniers témoins, étant donné qu'ils ont un lien familial.

 10   M. le Président (interprétation). - D'accord. Vous ne devez pas vous

 11   excuser, Maître Fila. Je pense que c'est parfaitement évident. Ils vont

 12   parler de son caractère et de la personnalité de M. Dokmanovic. Vous êtes

 13   d'accord pour que nous levions la séance maintenant. Nous nous

 14   retrouverons ici dans vingt minutes.

 15   (Suspendue à 10 h 40, la séance est reprise à 11 h 10.)

 16   (Le témoin est introduit dans la salle.)

 17   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Je vais vous demander s'il

 18   vous plaît, Madame le Témoin, de lire votre déclaration.

 19   Mme Dokmanovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai

 20   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   M. Fila (interprétation). - Madame Dokmanovic, M. Dokmanovic est votre

 22   mari, n'est-ce pas ?

 23   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

 24   M. Fila (interprétation). - Vous avez deux enfants ?

 25   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.


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  1   M. Fila (interprétation). - Vous avez deux petits enfants ?

  2   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  3   M. Fila (interprétation). - Le troisième petit enfant est en route ?

  4   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  5   M. Fila (interprétation). - Le fait de vous poser des questions est une

  6   situation peu confortable, mais c’est indispensable.

  7   Mme Dokmanovic (interprétation). - Je comprends.

  8   M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire dans quelles

  9   circonstances vous vous êtes connus ?

 10   Mme Dokmanovic (interprétation). - Nous nous connaissons depuis l'âge

 11   de 7 ans. Nous sommes nés dans le même village. Nous avons commencé

 12   l'enseignement élémentaire à 7 ans ensemble et nous avons suivi le même

 13   enseignement de la première à la huitième classe. Après huit ans

 14   d’enseignement obligatoire (école élémentaire), nous sommes allés ensemble

 15   à Vukovar. Il a continué le lycée et moi, l’école des sciences

 16   économiques. Après le baccalauréat, il est allé en faculté d’agronomie et

 17   moi en faculté des sciences économiques.

 18   Nous avons commencé à sortir ensemble dès l'âge de 16 ans et nous nous

 19   sommes mariés alors que nous étions étudiants, lorsque nous étions en

 20   première année de faculté.

 21   M. Fila (interprétation). - Que font vos enfants ?

 22   Mme Dokmanovic (interprétation). - Nous avons un fils et une fille, ils

 23   travaillent à la douane et ils ont des enfants.

 24   M. Fila (interprétation). - Habitez-vous ensemble ?

 25   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, dans une maison qui a été louée


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  1   depuis 1996.

  2   M. Fila (interprétation). - Vous-même et M. Dokmanovic êtes des réfugiés ?

  3   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  4   M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire comment il était comme

  5   mari ? Avez vous eu des problèmes lorsque vous étiez mariés ?

  6   Mme Dokmanovic (interprétation). - Nous sommes mariés depuis vingt-

  7   neuf ans, nous étions très jeunes. Nous n’avons pas eu de problème durant

  8   notre mariage, c’est un bon père de famille, très juste et honnête. La

  9   famille était véritablement pour lui ce qui était le plus important dans

 10   sa vie. Il a toujours tout fait pour passer le plus de temps avec nous,

 11   pour que nous soyons ensemble, avec la famille, des amis. Nous avons eu

 12   beaucoup d'amis, nous les recevions souvent chez nous, nous étions

 13   invités. C'est un homme de bon coeur qui aidait beaucoup les autres. Il le

 14   faisait volontiers chaque fois qu'il en avait la possibilité.

 15   Il est agronome. Vukovar est une région agricole. Par conséquent, les gens

 16   faisaient souvent appel à lui, ils lui demandaient de l’aide. Trpinja est

 17   un village dont l’activité principale est l'agriculture. Il a donc

 18   beaucoup aidé ceux qui exerçaient dans la même profession. Au début des

 19   récoltes, il les aidait en leur donnant des conseils sur les parasites qui

 20   s’attaquaient aux plantes, par exemple, il leur disait comment il fallait

 21   procéder.

 22   M. Fila (interprétation). - Dans votre entourage, y avait-il des Serbes ou

 23   d’autres personnes ?

 24   Mme Dokmanovic (interprétation). - Il y avait moins de Serbes.

 25   M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, étant donné que nous


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  1   avons évoqué ce nom, quelles relations vous aviez avec la famille Rodic ?

  2   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, volontiers, mais j'ai beaucoup de

  3   peine à en parler.

  4   M. Fila (interprétation). - Essayez de vous calmer et d'en parler.

  5   Mme Dokmanovic (interprétation). - Nous nous connaissons depuis 1970. J’ai

  6   connu Jova en 1972. C'était le deuxième anniversaire de ma fille. Elle

  7   s'est mariée avec Zlatko, elle est venue de Sarajevo à Trpinja, ils sont

  8   tous les deux vétérinaires. Zlatko est croate, Jovanka est serbe de

  9   Herzégovine. Zlatko a été boursier de la station vétérinaire à Vukovar et,

 10   lorsqu’il a terminé son service militaire, son premier poste était à

 11   Trpinja.

 12   M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que Zlatko était croate. Sa mère

 13   était allemande et son père était tchèque, n'est-ce pas ?

 14   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

 15   M. Fila (interprétation). - Se sentait-il croate ou s’est-il déclaré

 16   croate ? Il était de confession catholique.

 17   Mme Dokmanovic (interprétation). - Il était de confession catholique. Il

 18   se disait croate. Son premier poste était à Trpinja, il était vétérinaire,

 19   il s'occupait du bétail. Zlavko et lui se sont connus parce qu’ils aiment

 20   tous les deux le football. A cette époque-là, il était célibataire, il

 21   venait souvent chez nous pour le déjeuner ou le dîner, c'est ainsi que

 22   nous sommes devenus des amis. Il est venu la première fois chez nous

 23   en 1971. Nous sommes restés proches comme une seule famille. Les enfants

 24   étaient très proches, leur fils et le nôtre avaient le même âge, ils ont

 25   suivi l'enseignement élémentaire en même temps. Ensuite ils sont allés à


Page 3312

  1   Vukovar, nous sommes restés à Trpinja dans notre maison, nous nous voyions

  2   pratiquement tous les jours.

  3   M. Fila (interprétation). - Ensuite, les événements dont on parle

  4   actuellement sont survenus. Comment et d’où Zlatko Vopicka est-il venu en

  5   septembre et octobre ?

  6   Mme Dokmanovic (interprétation). - Il est arrivé en octobre un soir avec

  7   Slavko, il venait d’Ilok, il a cherché Slavko. Il est resté chez nous

  8   pendant environ trois semaines jusqu'au moment où Vukovar a été libéré.

  9   M. Fila (interprétation). - C'est à ce moment-là qu'il est parti ?

 10   Mme Dokmanovic (interprétation). - Il a travaillé à Trpinja jusqu'au début

 11   de la guerre, c'est-à-dire environ vingt ans. Il a entendu à la radio que

 12   Mithica a été libérée, que le peuple serait évacué, un certain nombre de

 13   personnes iraient vers Zagreb et d'autres ailleurs. Quand il a su que sa

 14   femme était restée à la maison, il est allé la chercher.

 15   M. Fila (interprétation). - Mithica fait partie de Vukovar ?

 16   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, à côté de la station de

 17   vétérinaire et du cimetière . Il est allé la chercher, ils sont venus chez

 18   nous et y sont restés trois ou quatre nuits ; ensuite, ils sont allés chez

 19   d’autres personnes, dans le voisinage car notre fille et notre petite

 20   fille de 2 ans étaient avec nous. Il y avait toujours quelqu'un qui venait

 21   nous voir, beaucoup de personnes passaient par chez nous. Ils sont allés

 22   chez les voisins où ils sont restés pendant un certain temps, le temps de

 23   faire les peintures, c’était l’hiver, on ne pouvait pas faire ce genre de

 24   travaux avant l'été.

 25   M. Fila (interprétation). - Vodicka est décédé le 15 septembre 1997 ?


Page 3313

  1   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  2   M. Fila (interprétation). - Après l'arrestation ?

  3   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  4   M. Fila (interprétation). - Auriez-vous d'autres amis également ?

  5   Mme Dokmanovic (interprétation). - Personne ne demandait d’où les gens

  6   venaient, c'était un milieu multinational, il y avait beaucoup de mariages

  7   mixtes. Personne ne se demandait de quelle nationalité on était, nous

  8   avions fait nos études ensemble.

  9   M. Fila (interprétation). - Votre mari pensait-il à cela ?

 10   Mme Dokmanovic (interprétation). - Non.

 11   M. Fila (interprétation). - Vous êtes mariés depuis vingt-neuf ans, de

 12   plus, vous avez fait vos études ensemble. Votre époux a-t-il été

 13   sanctionné ou est-ce quelqu’un qui discutait ?

 14   Mme Dokmanovic (interprétation). - Non.

 15   M. Fila (interprétation). - Etait-il tolérant ?

 16   Mme Dokmanovic (interprétation). - Non.

 17   M. Fila (interprétation). - Je vais reposer les questions, étant donné que

 18   les réponses n'ont pas été entendues. Je répète, pendant votre séjour à

 19   Trpinja, avait-il de l'électricité ou non ?

 20   Mme Dokmanovic (interprétation). - Non. Je ne peux pas vous dire

 21   exactement la date, mais d'août 1991 jusqu'au printemps 1992,

 22   l'électricité ne marchait pas, le réseau n'était pas en bon état. C'était

 23   l'hiver et le réseau d'électricité a été rétabli par étapes. Tout le monde

 24   n'a pas reçu l'électricité en même temps.

 25   M. Fila (interprétation). - Pendant ce temps-là, l'armée avait apporté un


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  1   agrégat et vous avez eu de temps à autre de l'électricité, donc il y avait

  2   un générateur ?

  3   Mme Dokmanovic (interprétation). - Le village avait son propre puits, il y

  4   avait un certain nombre de puits qui ont été creusés dans le village, il y

  5   avait également la pompe. Mais quand on n'avait pas d'électricité, on ne

  6   pouvait pas disposer d'eau. C'est effectivement l'armée qui avait apporté

  7   un générateur. Comme les personnes faisaient de l'agriculture, de

  8   l'élevage, etc., des familles, à cette époque-là, avaient une centaine de

  9   porcs, du bétail, etc. Il n'était pas possible d'apporter de l'eau de très

 10   loin. Dans les étables, ils ont été approvisionnés grâce à ce générateur.

 11   Le matin, nous pouvions récolter de l'eau, deux fois par jour ou toutes

 12   les demi-heures, toutes les deux heures. Cela dépendait également des

 13   besoins.

 14   M. Fila (interprétation). - Comment Slavko était-il habillé pendant cette

 15   période, en novembre ?

 16   Mme Dokmanovic (interprétation). - Slavko portait la plupart du temps un

 17   uniforme de chasseur pour une raison très simple : il était difficile

 18   d'entretenir des vêtements civils. Le plus difficile, c'était de les laver

 19   et de les repasser. Cet uniforme était facile à laver à la main, car nous

 20   ne pouvions pas utiliser la machine à laver, nous n'avions pas

 21   d'électricité. Le lavage se faisait donc à la main, on mettait l'uniforme

 22   à sécher et on se débrouillait comme cela.

 23   M. Fila (interprétation). - J'aimerais vous montrer la pièce à conviction

 24   de la défense D-48. Est-ce que ce sont bien les vêtements dont vous

 25   parlez, ceux que vous m'avez remis et que portait Slavko pendant cette


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  1   période ?

  2   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, c'est bien le gilet qu'il portait.

  3   Cela, c'est la chemise et le pantalon.

  4   M. Fila (interprétation). - Et ceci, qu'est-ce c'est ?

  5   Mme Dokmanovic (interprétation). - Comment pourrais-je l'appeler ? C'est

  6   une veste ou un anorak. C'est un élément qui faisait partie de ces

  7   vêtements de travail d'agronome dans l'entreprise Pik. On leur donnait des

  8   vêtements pour travailler parce que, la majeure partie de son temps, il ne

  9   le passait pas dans les bureaux mais il allait dans les champs au moment

 10   des moissons, de la récolte. Au moment de la récolte du maïs, quand il

 11   faisait froid, il portait cet anorak comme ceux qui conduisaient les

 12   tracteurs.

 13   M. Fila (interprétation). - Nous pouvons dire que ce sont les vêtements

 14   qu'il portait au moment de sa mise en accusation ?

 15   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, quand il faisait froid.

 16   M. Fila (interprétation). - Et ce sont les vêtements que vous m'avez

 17   remis ?

 18   Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

 19   M. Fila (interprétation). - Je vous remercie. J'en ai fini avec mes

 20   questions. Monsieur le Président, je n'ai plus de question à poser à ce

 21   témoin.

 22   M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila.

 23   M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas de question,

 24   Monsieur le Président.

 25   M. le Président (interprétation). - Merci. Je suppose qu'il n'y a pas


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  1   d'objection à ce que le témoin soit libéré. Madame Dokmanovic, merci

  2   beaucoup d'être venue ici déposer dans ce Tribunal. Vous pouvez maintenant

  3   vous retirer.

  4   (Le témoin est reconduit hors du prétoire)

  5   Maître Fila, pouvez-vous citer à la barre votre témoin suivant ?

  6   M. Fila (interprétation). - Oui. Je vais encore terminer l'audition de

  7   deux témoins. Nous travaillons jusqu'à 13 heures, n'est-ce pas,

  8   Monsieur le Président ?

  9   M. le Président (interprétation). - Jusqu'à midi trente et nous reprenons

 10   à quatorze heures.

 11  

 12   (Le nouveau témoin est introduit dans le prétoire)

 13   Bonjour Monsieur. Je vous demanderai de bien vouloir lire la déclaration

 14   solennelle qui vous est remise.

 15   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 16   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous pouvez vous

 18   asseoir.

 19   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Merci.

 20   M. Fila (interprétation). - M. Dokmanovic, qui est Slavko Dokmanovic par

 21   rapport à vous ?

 22   M. V. Dokmanovic (interprétation). - C'est mon père.

 23   M. Fila (interprétation). - En quelle année êtes-vous né ?

 24   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Je suis né le 7 décembre 1973.

 25   M. Fila (interprétation). - Quelles études avez-vous terminées ?


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  1   M. V. Dokmanovic (interprétation). - J'ai terminé des études

  2   d'agriculture.

  3   M. Fila (interprétation). - Je vous demanderai de ménager une pause avant

  4   de répondre. Quelle est votre éducation ?

  5   M. V. Dokmanovic (interprétation). - J'ai terminé des études d'agriculture

  6   à Vukovar.

  7   M. le Président (interprétation). - Dix secondes, entre la question et la

  8   réponse, pas dix minutes, je vous prie.

  9   M. Fila (interprétation). - Oui, dix secondes.

 10   M. V. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dix minutes ?

 11   M. Fila (interprétation). - Dix secondes. Je vous demanderai de ménager

 12   une pause de dix secondes.

 13   Pouvez-vous nous dire à présent à quel moment vous avez fait votre service

 14   militaire par rapport au moment où vous avez fait vos études ?

 15   M. V. Dokmanovic (interprétation). - J'ai terminé l'école secondaire

 16   en 1991. J'ai fait mes études à Vukovar et j'ai fait mon service militaire

 17   à Visoko. Je suis parti au service militaire le 18 décembre 1991.

 18   M. Fila (interprétation). - Qui se trouve sur le territoire de la

 19   Yougoslavie ?

 20   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

 21   M. Fila (interprétation). - Quand êtes-vous revenu du service militaire ?

 22   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Le 19 mai 1991.

 23   M. Fila (interprétation). - Vous voulez dire 1992 ?

 24   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui, en 1992, excusez-moi.

 25   M. Fila (interprétation). - Pourquoi ?


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  1   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Sur tout le territoire de l'ex-

  2   Yougoslavie, une décision a été prise qui concernait toutes les recrues

  3   qui devaient servir sous les drapeaux dans leur lieu de résidence.

  4   M. Fila (interprétation). - Et votre lieu de résidence était Trpinja ?

  5   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui, Trpinja.

  6   M. Fila (interprétation). - Etes-vous revenu à Vukovar ?

  7   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui, j'ai fait mon service militaire

  8   à Vukovar. Au mois de mars 1996, je me suis marié. J'ai un fils qui

  9   a 8 mois et que mon père n'a malheureusement pas vu. En ce moment, nous

 10   habitons à Sombor, dans une maison que nous louons.

 11   M. Fila (interprétation). - En 1996, lorsque vous étiez à Vukovar, où

 12   travailliez-vous ?

 13   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Je travaillais dans les services de

 14   la douane de l'Untaes.

 15   M. Fila (interprétation). - Votre père était-il opposé à ce que vous

 16   travaillez à l'Untaes ?

 17   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Non, pas du tout.

 18   M. Fila (interprétation). - En tant que Président de l'assemblée

 19   municipale de Vukovar pour la deuxième fois, avait-il des rapports avec

 20   les Nations Unies ?

 21   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Jamais.

 22   M. Fila (interprétation). - Savez-vous s'il a participé aux pourparlers

 23   qui ont eu lieu dans le cadre des rencontres d'Erdut ?

 24   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui, c'est un fait bien connu.

 25   M. Fila (interprétation). - Cela lui a-t-il posé des problèmes de la part


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  1   des Serbes extrémistes ?

  2   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  3   M. Fila (interprétation). - De quel ordre ?

  4   M. V. Dokmanovic (interprétation). - On le menaçait parce qu'on déclarait

  5   qu'il n'était pas suffisamment serbe. C'est à ce titre qu'il était

  6   attaqué.

  7   M. Fila (interprétation). - Qu'aurait-il dû faire pour être un bon Serbe ?

  8   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Mon père n'a jamais été un

  9   nationaliste, c'est la raison pour laquelle il a eu des problèmes. C'était

 10   un homme modéré.

 11   M. Fila (interprétation). - Parmi vos amis, parmi les amis de votre père

 12   et de votre famille y avait-il des gens d'une autre nationalité que vous ?

 13   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Absolument. Notre meilleur ami, le

 14   meilleur ami de la famille était un Croate qui est malheureusement mort,

 15   mais je crois que cela suffit à montrer quel était le caractère de mon

 16   père.

 17   M. Fila (interprétation). - Enfin, dites-nous, en tant que père, si

 18   c'était un bon père, vous frappait-il, buvait-il, volait-il ? Faisait-il

 19   des choses terribles ?

 20   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Mon père est un homme honnête et

 21   honorable, c'est un bon père. Il nous a toujours donné des conseils pour

 22   nous permettre de surmonter les problèmes que nous risquions de rencontrer

 23   dans la vie. Chaque fois que nous avions des problèmes, nous les

 24   résolvions par la discussion. Il ne nous a jamais frappés.

 25   M. Fila (interprétation). - Et aujourd'hui, vous vivez tous ensemble, à


Page 3320

  1   l'exception de votre père ?

  2   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  3   M. Fila (interprétation). - Avec votre soeur, votre beau-frère ?

  4   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui, avec ma femme, mon fils et ma

  5   mère.

  6   M. Fila (interprétation). - Votre soeur attend-elle un enfant en ce

  7   moment ?

  8   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui, il devrait naître à la mi-

  9   juillet.

 10   M. Fila (interprétation). - C'est la raison pour laquelle elle n'est pas

 11   venue ici déposer, n'est pas ?

 12   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

 13   M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Je n'ai plus de question.

 14   M. le Président (interprétation). - Merci Maître Fila, Maître Williamson ?

 15   M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas de question à poser à ce

 16   témoin.

 17   M. le Président (interprétation). - Merci. Je suppose qu'il n'y a pas

 18   d'objection à ce que le témoin soit libéré. Merci beaucoup,

 19   Monsieur Dokmanovic, d'être venu ici témoigner devant le Tribunal. Vous

 20   pouvez maintenant vous retirer.

 21   M. V. Dokmanovic (interprétation). - Merci à vous.

 22    (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 23   (Le nouveau témoin est introduit dans le prétoire.)

 24   M. le Président (interprétation). - Bonjour, Monsieur. Je vous prierai de

 25   lire la déclaration solennelle qui vous est remise, Monsieur.


Page 3321

  1   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

  2   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  3   M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.

  4   (Le témoin s'exécute)

  5   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Merci.

  6   M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?

  7   M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Monsieur Dokmanovic, quels

  8   rapports avez-vous avec Slavko Dokmanovic ?

  9   M. J. Dokmanovic (interprétation). - C'est mon frère.

 10   M. Fila (interprétation). - Où habitez-vous et que faites-vous ?

 11   M. J. Dokmanovic (interprétation). - J'habite dans le village de Trpinja,

 12   dans la municipalité de Vukovar, et je m'occupe d'agriculture. Je suis

 13   sans emploi.

 14   M. Fila (interprétation). - Avez-vous passé toute votre vie à Trpinja ?

 15   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui, je suis né à Trpinja, c'est là

 16   je suis allé à l'école, c'est là que je me suis marié. Je vis dans la

 17   maison de la famille.

 18   M. Fila (interprétation). - A quelle distance se trouve cette maison de

 19   celle dans laquelle vivait votre frère, Slavko Dokmanovic, jusqu'à son

 20   départ ?

 21   M. J. Dokmanovic (interprétation). - A cinq cents mètres environ.

 22   M. Fila (interprétation). - C'est à peu près la même propriété ?

 23   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Non, ce n'est pas la même propriété

 24   mais nous sommes dans la même rue, à cinq cents mètres de distance.

 25   M. Fila (interprétation). - Est-ce une propriété de Slavko Dokmanovic ?


Page 3322

  1   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Sa maison est sa propriété et la

  2   mienne est la mienne.

  3   M. Fila (interprétation). - Gardez-vous la maison de Slavko ?

  4   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Je vis dans ma maison mais je

  5   m'occupe de la maison de Slavko Dokmanovic dans laquelle je me rends de

  6   temps en temps.

  7   M. Fila (interprétation). - Combien vaut la maison de Slavko Dokmanovic ?

  8   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Aujourd'hui 100 000 marks allemands,

  9   sûrement.

 10   M. Fila (interprétation). - Si elle était vendue aujourd'hui, combien en

 11   obtiendrait-il ?

 12   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Pas plus de 50 000, selon les prix

 13   proposées par les agences immobilières en ce moment.

 14   M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire quel homme est votre

 15   frère ? Vous avez passé toute votre vie ensemble ?

 16   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Nous avons vécu très longtemps dans

 17   la même maison car nous avons perdu notre mère très tôt et notre père

 18   était malade. Il s'occupait de moi, il faisait la cuisine pour moi et mon

 19   linge était lavé chez eux, avec sa femme, jusqu'à mon départ de la maison,

 20   lorsque je me suis marié. Lorsque j'ai eu 25 ou 26 ans.

 21   M. Fila (interprétation). - Vous parlez de votre frère Slavko ?

 22   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui, c'est mon frère qui s'est occupé

 23   de moi, de mon éducation, etc.

 24   M. Fila (interprétation). - Quelle était sa réputation dans le village de

 25   Trpinja, était-il apprécié ?


Page 3323

  1   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Il était apprécié dans sa jeunesse

  2   parce qu'il était bon footballeur. Ensuite, il a été apprécié en tant

  3   qu'agronome efficace. Pas mal de personnes venaient demander des conseils

  4   au sujet d'agriculture principalement. Nous avions de nombreuses visites.

  5   Les gens l'aimaient beaucoup.

  6   M. Fila (interprétation). - Est-ce que seuls les Serbes l'aimaient ou des

  7   gens d'autres nationalités l'appréciaient-ils également ?

  8   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Il avait de nombreux amis et parmi

  9   ces meilleurs amis, il y avait des Croates. Son meilleur ami, en tout cas,

 10   était un Croate qui faisait partie de la famille. Il s'appelait Zlavko ?

 11   M. Fila (interprétation). - Vodicka ?

 12   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui, Vodicka. Il est mort.

 13   M. Fila (interprétation). - Comment a-t-il réagi à la nouvelle que Zlavko

 14   avait été arrêté et accusé d'un crime aussi grave que celui qui lui était

 15   reproché ?

 16   M. J. Dokmanovic (interprétation). - D'abord, cela a été une très grande

 17   surprise puis un sentiment de révolte, je dirais. Il n'y avait pas grand-

 18   chose à faire. Les gens étaient absolument ébahis. Ils se demandaient

 19   pourquoi, comment et pour quelles raisons c'était arrivé. Pour

 20   l'essentiel, ils étaient plongés dans la plus grande surprise.

 21   M. Fila (interprétation). - Je vous demanderai maintenant de regarder ce

 22   document et d'expliquer au Tribunal quelle est la nature de ce document

 23   que vous m'avez remis à votre arrivée ici.

 24   M. le Greffier (interprétation). - Le document est enregistré sous la

 25   cote D150.


Page 3324

  1   M. Fila (interprétation). - Vous avez ensuite la version en serbe. Pouvez-

  2   vous nous dire de quel document il s'agit ?

  3   M. J. Dokmanovic (interprétation). - C'est une pétition qui provient des

  4   habitants du village de Trpinja ainsi que d'habitants du village voisin,

  5   en signe de protestation, de solidarité vis-à-vis de leurs concitoyens.

  6   Ils déclarent ne pas être d'accord avec son arrestation, disent qu'il ne

  7   l'a mérité en rien. C'est une pétition qui vise à faire connaître le rôle

  8   qu'il jouait dans le village en tant que villageois de très bonne

  9   réputation, très efficace, très utile, qui a beaucoup aidé les autres

 10   villageois, en participant à de nombreuses activités culturelles sportives

 11   et autres. Cette pétition a pour but de prouver sa valeur et l'absence de

 12   lien avec sa mise en accusation.

 13   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, dans le système

 14   judiciaire d'où je viens, c'est un document qui peut être versé au dossier

 15   en tant que pièce à conviction. Si ce n'est pas le cas devant ce Tribunal,

 16   alors je demanderai qu'il soit simplement enregistré mais, si c'est

 17   possible, j'aimerais le verser au dossier en tant que pièce à conviction.

 18   C'est un document qui traite de façon générale de la personnalité de

 19   l'accusé, je demande donc que ce document soit versé en tant que pièce à

 20   conviction si c'est possible.

 21   M. Williamson (interprétation). - Un instant je vous prie,

 22   Monsieur le Président.

 23   (Le Bureau du Procureur se consulte.)

 24   Monsieur le Président, la seule objection que nous élèverions eu égard à

 25   ce document, c'est que sa fiabilité n'a pas été vérifiée. Un certain


Page 3325

  1   nombre de signatures sont apposées sur ce document mais il n'y a aucun

  2   moyen de vérifier l'authenticité de ces signatures ou du nom des personnes

  3   qui ont apposé ces signatures. Voilà la base de notre objection.

  4   M. le Président (interprétation). - Je vois ce que vous voulez dire, mais

  5   par ailleurs c'est un élément de preuve qui porte sur le caractère, la

  6   personnalité de M Dokmanovic. En outre, comme vous le savez, le Tribunal a

  7   pouvoir de déterminer la valeur probante d'un document. Même s'il est vrai

  8   que les signatures ne sont pas authentifiées, je ne vois pas pourquoi nous

  9   n'accepterions pas de verser ce document au dossier en tant que pièce à

 10   conviction.

 11   M. Williamson (interprétation). - Très bien, Monsieur le Président.

 12   M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, Maître Williamson.de vous avoir

 13   interrompu, j'ai entre les mains l'original qui comporte les signatures

 14   originales et je peux remettre ce document aux Juges.

 15   M. le Président (interprétation). - Oui, bien sûr. C'est l'original qui

 16   serait versé au dossier mais le problème ne vient pas du fait qu'on ne

 17   nous a pas remis l'original mais que les différentes signatures n'ont pas

 18   été authentifiées. Mais en dépit de cela, si le Procureur n'a pas

 19   d'objection majeure...

 20   M. Williamson (interprétation). - C'est notre seule objection

 21   Monsieur le Président. Si vous acceptez le document...

 22   M. le Président (interprétation). - Oui, le document est accepté et sera

 23   versé au dossier.

 24   M. Fila (interprétation). - Monsieur Bos, j'ai l'original, que je peux

 25   vous remettre.


Page 3326

  1   M. Bos (interprétation). -  Il s'agit du document D150.

  2   M. Fila (interprétation). - M. Dokmanovic j'ai encore quelques questions à

  3   vous poser. Puisque vous avez passé toute votre vie à Trpinja, pouvez-vous

  4   nous décrire les événements survenus pendant la guerre en 1991 ? Des obus

  5   sont-ils tombés sur Trpinja, des personnes extérieures sont-elles arrivées

  6   dans le village ?

  7   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Pendant la guerre qui a commencé

  8   en 1991 aux alentours du mois de juin-juillet, des coups de feu ont été

  9   échangés au niveau des barrages routiers, des insultes verbales. Le

 10   conflit a commencé, des obus sont tombés sur Trpinja et les villages

 11   avoisinants. Il y a eu des victimes à Trpinja qui ont été atteintes par

 12   les éclats d'obus et qui sont mortes. Il y en a eu neuf ou dix.

 13   M. Fila (interprétation). - Les obus provenaient d'où ?

 14   M. J. Dokmanovic (interprétation). - De Vukovar.

 15   M. Fila (interprétation). - La Défense territoriale existait-elle dans les

 16   environs du village de Trpinja ?

 17   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Il n'y en avait pas dans les environs

 18   de.Trpinja. Comme tous les hommes, après avoir fait mon service militaire

 19   dans l'ex-JNA, après quelques années, j'ai reçu un uniforme militaire,

 20   l'ancien uniforme militaire des réservistes de la Défense territoriale.

 21   Tous les hommes jusqu'à l'âge de 50 ou 60 ans et qui étaient en bon état

 22   de santé étaient versés dans la réserve de la Défense territoriale, selon

 23   la convention de la RSFY, donc dans le village nous avions tous cette

 24   obligation avant la guerre.

 25   Pendant la guerre, nous étions organisés rue par rue, mais pas au niveau


Page 3327

  1   du village tout entier. Nous avions des tours de garde à assurer dans les

  2   villages, des tours de garde pour protéger les rues de façon à empêcher

  3   que des forces pénètrent dans les villages qui seraient susceptibles de

  4   créer des problèmes. Nous patrouillions de jour et de nuit.

  5   M. Fila (interprétation). - Sortiez-vous du village pour vous battre où

  6   que ce soit ?

  7   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Non, nous ne sortions pas du village.

  8   Moi, très concrètement, j'avais des obligations dans ma rue au niveau du

  9   carrefour, au niveau de l'entrée dans le village à partir de Bolja* c'est

 10   là que nous assurions des patrouilles et nous y passions tout notre temps.

 11   M. Fila (interprétation). - Vous rappelez-vous s'il y avait de

 12   l'électricité, de l'eau, comment se passaient les achats de nourriture

 13   dans le village aux alentours de septembre-octobre ?

 14   M. J. Dokmanovic (interprétation). - L'électricité a disparu à la fin du

 15   mois de juillet, si je me souviens bien. Les problèmes liés à l'eau

 16   étaient plus important que ceux liés à l'électricité. L'eau était un

 17   problème plus difficile jusqu'au moment où est arrivé le générateur. Le

 18   village avait des puits, et une fois arrivé le générateur, nous avons pu

 19   le faire fonctionner une ou deux ou trois heures par jour et nous

 20   approvisionner en eau. Il y a pas mal de puits dans les maisons mais cela

 21   ne suffisait pas.

 22   M. Fila (interprétation). - Comment vous habilliez-vous pendant cette

 23   période, comment était habillé Zlavko ?

 24   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Comme la majorité des villageois,

 25   nous essayions de nous habiller avec des vêtements peu salissants, des


Page 3328

  1   vêtements pratiques que nous pouvions porter plusieurs jours d'affilée,

  2   jusqu'à dix jours d'affilée sans les laver. Des vêtements qui étaient

  3   faits dans un tissu solide.

  4   M. Fila (interprétation). - Votre frère a fait son service militaire ?

  5   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

  6   M. Fila (interprétation). - Etait-il officier, général, amiral ? Qu'était-

  7   il ?

  8   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Il a fait son service militaire à

  9   Krusevac. Il était simple soldat régulier dans le service ABH, c'était un

 10   simple soldat ; à la fin de son service militaire, il n'avait pas de grade

 11   particulier. Je crois savoir, et j'ai passé beaucoup de temps avec lui,

 12   qu'il n'a jamais eu le moindre grade.

 13   M. Fila (interprétation). - Portait-il un uniforme d'officier, de

 14   réserviste ?

 15   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Non, il n'a jamais porté d'uniforme,

 16   sauf au moment des opérations de guerre. Il lui arrivait et à nous aussi,

 17   les soldats, de revêtir les uniformes militaires que nous avions reçus au

 18   moment de notre service militaire, mais c'était rare.

 19   M. Fila (interprétation). - Cela se passait dans le village ?

 20   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui, seulement dans le village.

 21   C'était en général des uniformes d'occasion qui étaient vieux, donc nous

 22   ne les revêtions pas souvent.

 23   M. Fila (interprétation). - Si j'ai bien compris, vous le revêtiez

 24   également ?

 25   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui.


Page 3329

  1   M. Fila (interprétation). - Sur ordre ?

  2   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui, lorsqu'il y a eu mobilisation,

  3   nous recevions cet ordre de l'armée.

  4   M. Fila (interprétation). - Cela signifie-t-il que Zlavko lui aussi

  5   revêtait de temps en temps cet uniforme ?

  6   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Je crois que, dans le village, il lui

  7   arrivait de temps en temps de revêtir cet uniforme.

  8   M. Fila (interprétation). - Peut-être serait-il bon que vous décriviez cet

  9   uniforme ? Quelle était la couleur de cet uniforme ?

 10   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Nous appelions ces uniformes les

 11   uniformes SMB.

 12   M. Fila (interprétation). - De couleur vert olive ?

 13   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Oui, d'un tissu épais vert olive et

 14   nous le revêtions surtout quand il faisait froid parce que le tissu était

 15   épais. Nous avions des manteaux que nous appelions des capotes et que nous

 16   revêtions surtout parce qu'il faisait très froid pendant l'hiver.

 17   M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Monsieur le Président, je n'ai

 18   plus de question à poser à ce témoin.

 19   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Williamson ?

 20   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, vous avez indiqué

 21   que des obus sont tombés à Trpinja, qu'il y a eu des échanges de feu au

 22   niveau des barrages routiers en juin et juillet 1991. Mais il y a eu très

 23   peu de dommages à Trpinja, n'est-ce pas ?

 24   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai pas dit à quel moment les

 25   obus sont tombés sur Trpinja. Il y a eu des dommages à Trpinja mais, dès


Page 3330

  1   que les obus tombaient sur une maison, nous réparions cette maison, peut-

  2   être pas le jour même mais en tout cas dès le lendemain.

  3   M. Williamson (interprétation). - Mais en comparaison de ce qui est arrivé

  4   dans la partie croate de la municipalité de Vukovar, Trpinja s'en est

  5   assez bien sortie, n'est-ce pas ?

  6   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Si l'on considère les choses de ce

  7   point de vue, oui, en effet.

  8   M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question à poser au

  9   témoin.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci. Je suppose donc qu'il n'y a pas

 11   d'objection à ce que le témoin soit libéré. Merci, Monsieur, d'être venu

 12   ici déposer devant le Tribunal. Vous pouvez maintenant vous retirer,

 13   Monsieur Dokmanovic, merci.

 14   M. J. Dokmanovic (interprétation). - Merci à vous également.

 15   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 16   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, le prochain témoin est

 17   un témoin expert que nous avons l'intention de citer à 14 heures.

 18   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

 19   M. le Président (interprétation). - Très bien. Cet après-midi, nous

 20   commencerons donc par l'audition de votre témoin, Maître Fila. Le

 21   professeur Aleksic, après quoi, si j'ai bien compris, nous entendrons

 22   l'enquêteur, M. Dzuro qui est cité par le Procureur.

 23   M. Williamson (interprétation). - En effet, Monsieur le Président.

 24   M. le Président (interprétation). - Il n'y a donc que deux témoins cet

 25   après-midi ?


Page 3331

  1   M. Williamson (interprétation). - Oui et nous entendrons demain deux

  2   autres témoins.

  3   M. le Président (interprétation). - Donc, demain, deux témoins seulement ?

  4   M. Williamson (interprétation). - Oui.

  5   M. le Président (interprétation). - Nous en terminerons sans doute à

  6   l'heure du déjeuner.

  7   M. Fila (interprétation). - Pour ce qui me concerne, j'en aurai fini.

  8   M. Williamson (interprétation). - je crois qu'il est prévisible que nous

  9   pourrons terminer nos travaux demain, à l'heure du déjeuner.

 10   M. le Président (interprétation). - On vient de me rappeler à très juste

 11   titre que demain matin à 9 heures 30 se déroulera la comparution initiale

 12   d'un nouvel accusé qui vient d'être arrêté et amené à La Haye. Cette

 13   audience se déroulera à 9 heures 30.

 14   Je propose donc que nous reprenions nos travaux demain à 10 heures 15 et,

 15   si nous avons besoin de temps supplémentaire, nous travaillerons l'après-

 16   midi.

 17   M. Fila (interprétation). - On m'a demandé de remplacer quelqu'un demain

 18   matin, si c'est bien l'homme dont vous parlez, Monsieur le Président. Je

 19   vais le vérifier rapidement.

 20   M. le Président (interprétation). - Il s'agit simplement d'une comparution

 21   initiale, mais j'aurai grand plaisir à vous voir à votre place

 22   à 9 heures 30.

 23   M. Fila (interprétation). - Merci.

 24   M. le Président (interprétation). - Merci. Nous levons l'audience

 25   maintenant et nous reprendrons nos travaux à 14 heures précises.


Page 3332

  1   (Suspendue à 12 h, l'audience est reprise à 14h 00).

  2  

  3   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Je vais demander à notre

  4   témoin de bien vouloir lire la déclaration.

  5   M. Aleksic (interprétation). - Je déclare que je dirai toute la vérité et

  6   rien que la vérité.

  7   M. le Président (interprétation). - Merci. Je vous en prie, asseyez-vous.

  8   (Le témoin s'exécute)

  9   M. Fila (interprétation). - Je m'excuse auprès du Procureur. Il n'a que le

 10   projet, mais j'ai considéré que meilleure sera l'expertise, moins je

 11   poserai de questions.

 12   Monsieur Aleksic, êtes-vous né en 1931 à Belgrade ?

 13   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 14   M. Fila (interprétation). - Avez-vous terminé la faculté de droit à

 15   Belgrade ?

 16   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 17   M. Fila (interprétation). - Vous étiez assistant et ensuite professeur ?

 18   M. Aleksic (interprétation). - C'est exact.

 19   M. Fila (interprétation). - Avez-vous enseigné à l'étranger, aux Etat-

 20   Unis, au Japon, en Chine et en URSS ?

 21   M. Aleksic (interprétation). - J'étais visiting professor dans plusieurs

 22   pays.

 23   M. Fila (interprétation). - Vous avez publié beaucoup de livres ?

 24   M. Aleksic (interprétation). - Assez, mais j'ai un âge avancé.

 25   M. Fila (interprétation). - Vous avez plus de livres ou un âge avancé ?


Page 3333

  1   M. Aleksic (interprétation). - J'ai moins de livres et un âge plus avancé.

  2   Ce serait mieux si c'était l'inverse.

  3   M. Fila (interprétation). - Vous étiez également président de

  4   l'association des juristes et des avocats de Belgrade ?

  5   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

  6   M. Fila (interprétation). - Vous étiez également président de la revue

  7   intitulée La Vie juridique ?

  8   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

  9   M. Fila (interprétation). - Des archives des sciences judiciaires

 10   également ?

 11   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 12   M. Fila (interprétation). - Vous êtes également allé en Zambie, en

 13   Allemagne, en Suède, à Chypre ?

 14   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 15   M. Fila (interprétation). - Vous étiez collaborateur des Nations Unies sur

 16   la drogue ?

 17   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 18   M. Fila (interprétation). - Vous avez également été à la tête de la

 19   société des professeurs de droit ?

 20   M. Aleksic (interprétation). - J'étais le vice-président de cette

 21   association.

 22   M. Fila (interprétation). - Vous êtes actuellement membre de cette

 23   organisation ?

 24   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 25   M. Fila (interprétation). - Vous êtes également représentant de la


Page 3334

  1   Yougoslavie actuellement, de l'association des juristes ?

  2   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

  3   M. Fila (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de voir, Professeur,

  4   si c'est votre curriculum vitae, si vous êtes d'accord pour verser cette

  5   pièce à conviction au dossier ?

  6   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

  7   M. le Greffier (interprétation). - Le document va être enregistré sous la

  8   cote D151, traduction anglaise D151-A.

  9   M. Fila (interprétation). - Je vais maintenant vous demander d'examiner ce

 10   que je vais vous montrer et surtout de me dire si c'est votre expertise.

 11   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 12   M. le Greffier (interprétation). - Le document est enregistré sous la

 13   cote D152, version anglaise D152-A.

 14   M. Fila (interprétation). - C'est après que nous avons pu traduire le code

 15   pénal de la RSFY. C'est un texte législatif et nous n'avons pas eu le

 16   temps de le traduire tout de suite. Nous n'avons pu obtenir la traduction

 17   qu'ultérieurement. S'il n'y a pas d'objection, je vais demander le

 18   versement de ce document comme pièce à conviction au dossier.

 19   M. le Président (interprétation). - Nous sommes d'accord.

 20   M. le Greffier (interprétation). - Ce document est enregistré sous la

 21   cote D151-A-1.

 22   M. Fila (interprétation). - Monsieur Aleksic, normalement quand on entend

 23   un expert devant le Tribunal, c'est au moment où le prononcé a déjà été

 24   fait. C'était le cas du procès Tadic. Maintenant il y a un petit

 25   changement, vous allez porter votre témoignage avant le prononcé de la


Page 3335

  1   peine.

  2   M. Aleksic (interprétation). - Je comprends.

  3   M. Fila (interprétation). - Il est indispensable, par conséquent, de nous

  4   donner la raison pour laquelle vous avez fait cette expertise.

  5   M. Aleksic (interprétation). - J'ai pu disposer de l'acte d'accusation

  6   modifié qui a servi de base pour faire la comparaison avec la législation

  7   en vigueur à l'époque de la RSFY.

  8   M. Fila (interprétation). - Auriez-vous l'amabilité de nous dire quelle

  9   était la loi en vigueur le 28 septembre 1996 et de nous donner un peu plus

 10   de détails sur votre expertise ?

 11   M. Aleksic (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 12   je tiens à préciser que le code pénal de la RSFY a été adopté en 1976 mais

 13   il n'a été mis en vigueur qu'en juillet 1977. Il était en vigueur pour

 14   l'ensemble des territoires de l'ex-Yougoslavie et, dans le cadre de cadre

 15   de ce code, lors de sa validité, il y a eu un certain nombre de

 16   changements mais qui ne portaient pas sur le chapitre n° 16 qui fait

 17   l'objet des chefs d'accusation et des crimes dont nous parlons devant ce

 18   Tribunal. Les changements portaient sur d'autres articles. C'était valable

 19   jusqu'en 1990.

 20   En 1990, le Journal Officiel de la RSFY a publié, le 6 juillet 1990, les

 21   modifications de ce chapitre n° 16 et, dans les dispositions de ces

 22   amendements, nous constatons de nouveaux éléments, beaucoup d'autres

 23   éléments. Il avait également liquidé la peine de confiscation du

 24   patrimoine que l'on pouvait prononcer jusqu'à cette date-là. Il s'agit

 25   donc des changements qui ont été rédigés dans le Journal Officiel le


Page 3336

  1   6 juillet 1990 et ces amendements portent sur l'élargissement de ces chefs

  2   d'accusation. D'autres articles ont été également rédigés.

  3   Vous allez voir que dans le code pénal adopté ultérieurement, un certain

  4   nombre d'articles marqués A, B, etc., portent sur le rapatriement, sur un

  5   certain nombre d'autres sujets qui sortent de la pratique et de la vie

  6   courante. Vous devez le comprendre en quelque sorte. Bon nombre d'actes

  7   ont été sanctionnés de manière très sévère, immédiatement après la guerre

  8   entre 1944-1945 jusqu'aux années 1950. Au début et au lendemain de la

  9   libération, énormément de personnes ont été fusillées. Nous avons en

 10   quelque sorte copié l'Union soviétique à l'époque.

 11   Les sanctions étaient sévères. A partir de 1950 et plus tard, il s'est

 12   produit ce qui se produit normalement : les auteurs de certains crimes

 13   sont décédés, ceux qui n'ont pas été découverts disparaissaient de la

 14   scène. Par conséquent, ce sont des actes sporadiques qui n'étaient pas

 15   fréquents.

 16   Je voudrais attirer votre attention sur le fait que j'avais étudié les

 17   données datant de 1980 à 1990. J'ai été quelque peu surpris, pour ne pas

 18   dire très surpris, car cette période était assez pauvre sur bons nombres

 19   de cas, la situation était à peu près identique.

 20   A partir de 1977, il n’y avait pas beaucoup de cas. Durant cette période,

 21   il y a eu quelques peines de mort, ensuite des peines

 22   entre trois, cinq, dix et quinze ans qui témoignent du fait qu'une aide

 23   était fournie à des victimes. J'ai pu trouver une peine conditionnelle. Il

 24   est vrai qu'à partir de 1987 jusque en 1990, il n'y avait pratiquement pas

 25   de peines liées à ce chapitre n° 16. C'était en quelque sorte un silence


Page 3337

  1   avant ces malheurs qui sont survenus dans mon pays.

  2   M. Fila (interprétation). - Que s’est-il passé entre 1990 et 1993 ?

  3   M. Aleksic (interprétation). - Pn parle des modifications dans le Journal

  4   Officiel de la RSFY qui a été publié. Ensuite, la suppression de la peine

  5   de mort a été publiée le 16 juillet 1993. Cette loi stipule que cette

  6   peine pouvait être prononcée jusqu’à vingt ans.

  7   A partir de 1993, la peine n'a pas été supérieure à vingt ans.

  8   Jusqu’en 1993, la peine maximale allait jusqu'à quinze ans ou bien c’était

  9   la peine de mort. Si celle-ci a été remplacée, c'était par une peine de

 10   vingt ans.

 11   Par conséquent, la peine la plus importante était de quinze ans ; après

 12   venait la peine de mort qui a été remplacée par la peine de vingt ans. La

 13   peine de mort ayant été supprimée, il reste une seule peine à partir de

 14   1993 : la peine de vingt ans. La confiscation a également été abolie.

 15   M. Fila (interprétation). - Professeur, pourriez-vous nous parler de la

 16   complicité ?

 17   M. Aleksic (interprétation). - Je suis sûr que vous êtes tous des juristes

 18   chevronnés. C'est une question très complexe. Les étudiants échouent aux

 19   examens à cause de cette question.

 20   Je tiens à vous dire que le code pénal de la RSFY dont on parle a des

 21   formes différentes de complicité. La complicité la plus grave est

 22   accompagnée d'exécution. Je ne sais pas s'il faut abuser de votre temps

 23   pour vous expliquer ce qu'est la complicité accompagnée d'exécution.

 24   La Yougoslavie, en théorie et en pratique, avait accepté le principe de la

 25   répartition des rôles. Le coauteur est celui qui, avec les autres, agit au


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  1   niveau de la mise en exécution d'un crime, ce qui représente leur objectif

  2   commun. C'est une théorie que vous connaissez tous.

  3   Je me dois de vous dire que la Yougoslavie, notamment la Serbie, avait

  4   déjà un code pénal au XIVe siècle. Ultérieurement, avec la création de la

  5   Yougoslavie après la Première Guerre mondiale, nous avons subi l'influence

  6   de la loi romaine, de l'Italie et de la France, puis de l'Allemagne et de

  7   l'Autriche.

  8   Dans tous les cas, les auteurs sont responsables dans le cadre de

  9   l'objectif posé. L'auteur et le coauteur sont responsables, mais si l’un

 10   des deux, par exemple, avait changé de point de vue (avait tout simplement

 11   renoncé à voler ou piller), il n'y avait pas d'accord entre les deux, donc

 12   l'un est plus responsable que l'autre.

 13   L'encouragement et l'incitation sont soumis à une peine importante car on

 14   considère que celui qui est encouragé à commettre un acte criminel doit

 15   être sanctionné comme celui qui l'a prémédité. Cela fait partie de la

 16   législation pénale.

 17   L'encouragement consiste à inciter une personne à commettre un acte

 18   criminel alors qu'elle n'a pas eu cette idée. Vous l'encouragez à

 19   commettre cet acte criminel. On peut également encourager une personne qui

 20   a le projet de mettre en exécution cet acte, mais elle ne l'a pas

 21   prémédité. Si celui qui encourage tombe sur la personne qui avait déjà

 22   prémédité l'acte criminel, il ne s'agit pas de l'encouragement mais d'un

 23   encouragement qui n'a pas eu de succès, qui n'a pas abouti à son objectif.

 24   Par ailleurs, j'aimerais attirer votre attention sur un certain nombre

 25   d'autres points. Je me dois de vous dire que je ne connais pas l'institut


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  1   comme ceci a été rédigé dans le chef d'accusation, qu'il avait aidé ou

  2   participé d'une façon ou d'une autre dans l'acte commis. Nous ne

  3   connaissons pas ce terme. Aider oui, mais je pense qu'il est fort

  4   dangereux quand il s'agit du code pénal, de rédiger les dispositions qui

  5   ne sont pas très strictes et qui laissent aux Juges la possibilité de

  6   donner une interprétation ou une autre.

  7   Ce qui est sanctionné chez nous, c'est celui qui aide quelqu'un qui avait

  8   déjà prémédité un acte. C'est la loi qui le stipule, comme s'il l'avait

  9   commis lui-même. On peut atténuer éventuellement. Il existe tout un

 10   spectre de sanctions, des conseils des promesses, tout ce qui encourage

 11   -comme je l'ai dit tout à l'heure- les exécutants. En ce qui concerne

 12   l'aide, nous avons parlé de la préméditation et de l'encouragement qui a

 13   été commis par un auteur ou non. Quand nous disons "prémédité" cela veut

 14   dire qu'une décision a déjà été prise au préalable, qu'il est en bon état

 15   physique, mental...

 16   M. Fila (interprétation). - Cela ne peut pas être une coïncidence ?

 17   M. Aleksic (interprétation). - Non. C’est prémédité et cela peut être une

 18   garde devant la porte ou bien, vous escortez quelqu'un chez lui parce que

 19   vous savez qu'il y a entre-temps quelqu'un d'autre qui va piller sa

 20   maison. Si une personne a pris la décision de commettre un acte criminel,

 21   c'est en même temps une personne qui a aidé à la prise de décision. Dans

 22   le sens pénal, on ne peut pas aider de façon non intentionnelle. Par

 23   conséquent, "prémédité" veut dire la conscience, faire quelque chose

 24   sciemment et pas inconsciemment. Il y a la personne qui encourage, c'est

 25   une forme de complicité de façon plus atténuée ce qui, en quelque sorte,


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  1   permet à celui qui aide à changer d'avis...

  2   M. Fila (interprétation). - Quelles étaient les sanctions pour ce genre de

  3   personne en ex-Yougoslavie ?

  4   M. Aleksic (interprétation). - Ils ont été beaucoup moins sanctionnés.

  5   Vous avez vu que nous n'avons pas eu beaucoup de cas. Mais il y a une

  6   différence drastique entre le prononcé d'une peine grave quand il s'agit

  7   des personnes qui aident : à ce moment-là, cette peine ne dépasse pas cinq

  8   ans parce que les personnes qui aident peuvent être un conjoint, ou

  9   quelqu'un qui est du même point de vue politique que vous, une forme qui

 10   ne permet pas au Tribunal de mettre sur le même pied d'égalité les deux.

 11   La limite de la responsabilité est très claire et distincte. Dans

 12   l'article 25, cela a été bien stipulé. Je suis prêt à vous remettre le

 13   code pénal de cette époque là si les Juges le souhaitent, ainsi que le

 14   doctorat d'une dame juriste qui avait parlé de l'aide comme forme de

 15   complicité. Si vous jugez que ces deux livres vous sont utiles, je peux

 16   les mettre à votre disposition.

 17   Nous avons également une autre forme qui est très grave, la création des

 18   associations des criminels. Là, les peines sont très lourdes mais on

 19   cherche également les projets, les programmes de cette association de

 20   malfaiteurs mais, dans ce cas là, il faut disposer d'un plan précis et

 21   c'est sur la base de ce plan que sera décidée la sanction.

 22   J'ai constaté par ailleurs dans les chefs d'accusation que, en ex-

 23   Yougoslavie, on aurait réagi différemment. Je ne peux pas dire que c'est

 24   mieux ou moins bien, c'est à vous de juger, mais je pense qu'en suivant la

 25   législation en vigueur en Europe, nous avons également tenu compte de


Page 3341

  1   "l'acquisition" d'actes criminels. L'article 48 de cette loi

  2   de 1977.stipule :"Si l'auteur par un acte ou par plusieurs actes avait

  3   commis plusieurs actes criminels pour lesquels il est jugé, le Tribunal

  4   sanctionnera d'abord chaque acte et ensuite il fera le prononcé de la

  5   peine définitive". En d'autres termes, l'article 48....

  6   M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, Professeur. Je pense

  7   qu'il est indispensable, peut-être, de répéter une fois de plus ce dont

  8   vous avez parlé tout à l'heure. Je pense que vous avez formulé d'une façon

  9   différente... Je vous demande de répéter... Vous pensez à l'acquisition

 10   des actes ?

 11   M. Fila (interprétation). - La concurrence.

 12   M Aleksic (interprétation). - Oui, effectivement. Devant le Tribunal

 13   souvent, nous avons les auteurs qui agissent de manière différente. Il y a

 14   une forme qui est une acquisition, pour d'autres c'est un acte

 15   prolongé.... Dans la pratique pénale, la Yougoslavie et l'Europe également

 16   à mon avis n'admettent pas que par un acte vous puissiez commettre

 17   plusieurs crimes. Cela n'existe pas dans notre législation. Je ne pense

 18   pas que cela existe en Europe non plus.

 19   Si vous donnez un coup de couteau, par exemple, et que vous tuez

 20   quelqu'un, vous commettez un acte criminel, mais vous ne pouvez pas avoir

 21   trois ou quatre actes. Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons passé

 22   cinq siècles sous l'empire ottoman et Vasapela a été sanctionné pour

 23   101 ans. Il avait écrit un livre qui avait provoqué d'autres actes. Mais

 24   cela n'existe pas, c'est une parenthèse que j'ai faite.

 25   M. Fila (interprétation). - C'est le chapitre 16 qui est le plus


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  1   important. Auriez-vous l'amabilité de nous préciser ce chapitre 16,

  2   d'autant plus qu'il porte sur les actes criminels les plus graves.

  3   M. Aleksic (interprétation). - Effectivement, c'est le chapitre 16 avec

  4   les dispositions qui s'ensuivent. Le génocide est l'acte criminel le plus

  5   grave.

  6   Je me dois de vous dire que l'ex-Yougoslavie, la Yougoslavie actuelle

  7   comme la majorité des pays européens avaient signé les conventions qui

  8   sont contraignantes et qui obligent la Yougoslavie à mettre en oeuvre tout

  9   ce qui découle de ces conventions. Le chapitre 16 contient toutes les

 10   conventions. Il y a une application des conventions qui sont contenues

 11   dans ce chapitre et dans les 141 dispositions.

 12   Ce sont les conventions qui sont expliquées, mais quatre ou

 13   cinq conventions traitent d'un certain nombre de sujets comme c'était le

 14   cas chez nous à partir de 1990 : le rapatriement de prisonniers ; si

 15   quelqu'un a tué le prisonnier, il ne pouvait pas être responsable pour le

 16   fait qu'il avait tué parce qu'il avait empêché le rapatriement.

 17   M. Fila (interprétation). - Vous avez pris l'exemple du génocide. C'est un

 18   groupe ethnique qui est exposé au génocide. Selon la pratique de nos

 19   tribunaux, celui tenu comme responsable pour le génocide aurait-il été

 20   poursuivi en même temps pour d'autres chefs d'accusation ?

 21   M. Aleksic (interprétation). - Nous avons mis en application la méthode de

 22   "consommation" : nous sommes partis du fait que si une personne est

 23   l'auteur d'un acte criminel, il existe toute une série de démarches qu'il

 24   avait faites auparavant ; il a cambriolé un appartement, pillé, volé mais

 25   nous prenons l'acte criminel le plus grave. Dans ce cas, comme je l'ai


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  1   dit, il s'agit d'un acte grave et complet. A notre avis, la consommation

  2   aurait provoqué une peine complètement absurde que j'ai évoquée tout à

  3   l'heure, une peine de 101 ans, ce qui n'aurait eu aucun sens. En d'autres

  4   termes, si c'est au-delà de dix ans, il ne s'agit plus de sanction mais de

  5   vengeance.

  6   Au bout de quatre ou cinq jours, les personnes accusées incarcérées

  7   présentent souvent un syndrome de cancer. A un moment donné, de telles

  8   sanctions se sont présentées. Mais ces thèmes sont quelque peu éternels.

  9   Je pense qu'il est fort difficile d'en discuter dans les détails. Si on

 10   avait défini la prison, le système de la peine unique ne doit pas dépasser

 11   quinze ans.

 12   M. Fila (interprétation). - Je vous demande de bien vouloir parler plus

 13   lentement.

 14   M. Aleksic (interprétation). - Je pense que je suis clair. S'il y a une

 15   série d'actes criminels, il ne faut pas dépasser quinze ans. Lorsque des

 16   actes criminels cumulés représentent trente ans, nous les réduisons à

 17   quinze ans. Il y a même une instruction dans ce sens pour les actes

 18   criminels : c'est l'alinéa 4 de l'article 48. La peine de quatre ans y est

 19   stipulée et on ne peut pas prononcer une peine au-delà de quatre ans. Nous

 20   ne pouvons pas aller au-delà. C'est aussi le cas pour le nombre d'années

 21   que l'on passe en prison pour les amendes.

 22   Nous appelons ce genre d'actes et de peines qui sont prononcées comme une

 23   "acquisition idéale" mais il existe également une "acquisition idéale

 24   d'actes non commis" mais non un exemple idéal de législation. En d'autres

 25   termes, il y a donc le fait de violer, de porter violation à un standard,


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  1   à une norme. L'acquisition idéale est la mise en exécution d'un acte,

  2   d'une opération. C'est dans ce sens-là que nous avons stipulé notre loi

  3   pénale et, d'ailleurs, le projet de la nouvelle loi est identique.

  4   M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous ralentir un peu parce que c'est

  5   tout de même un sujet complexe pour les interprètes.

  6   M. Aleksic (interprétation). - Veuillez m'excuser, j'ai l'habitude que mes

  7   étudiants m'écoutent et je n'ai pas l'habitude de faire attention à mon

  8   débit. Voyez-vous, il existe encore une autre forme de "consécutivité" ou

  9   de "concurrence". Lorsque, par exemple, l'acte criminel correspond à

 10   plusieurs descriptions d'actes criminels dans le code pénal, mais qu'un

 11   seul de ces actes a été commis, on retombe dans ce cas dans la situation

 12   de la consécutivité idéale.

 13   Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Président, de vous décrire des

 14   choses que vous connaissez peut-être, mais je suis ici pour vous décrire

 15   les dispositions qui existaient par le passé dans notre code pénal.

 16   M. Fila (interprétation). - Dans ce cas, il n'y a qu'un seul acte

 17   criminel, n'est-ce pas ?

 18   M. Aleksic (interprétation). - J'aimerais ajouter encore une chose : nous

 19   voyons dans le droit pénal plusieurs exemples de consécutivité criminelle.

 20   Dans le premier groupe, cette consécutivité est due à des rapports entre

 21   plusieurs personnes qui ont toutes un degré de participation à l'acte

 22   criminel.

 23   Le deuxième groupe est représenté par des situations dans lesquelles un

 24   seul acte a été commis mais a des conséquences secondaires dans la réalité

 25   concrète.


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  1   Le troisième groupe est représenté par les situations dans lesquelles

  2   plusieurs actes criminels peuvent être réunis en un seul ou peuvent être

  3   assimilés à un seul.

  4   Si vous me le permettez, je vais passer maintenant à une analyse plus

  5   détaillée de l'acte criminel. En décembre 1965, déjà, une réunion du

  6   Conseil pénal suprême de Yougoslavie a eu lieu. C'est un organe

  7   consultatif qui n'a pas d'égal jusqu'à la période actuelle mais qui est

  8   toujours valable dans la pratique du droit pénal, dans notre pays. Pour

  9   évaluer la gravité d'un acte criminel, il faut qu'une seule et même

 10   personne ait accompli deux ou plusieurs actes de nature similaire et que

 11   chacun de ces actes relève de tous les éléments d'un acte criminel

 12   déterminé, notamment au niveau de sa qualification. Il faut qu'il y ait

 13   continuité temporelle également entre les différents éléments de cet acte

 14   criminel.

 15   Tous les actes incriminés du point de vue de leur évaluation, logique,

 16   raisonnable, dans la vie quotidienne, doivent permettre de conclure à

 17   l'existence d'une entité naturelle unique. En Europe, c'est une

 18   qualification souvent utilisée. C'est une évaluation à laquelle il est

 19   souvent procédé et qui ne va pas à l'encontre des différentes politiques

 20   appliquées.

 21   Pour qu'existent les conditions permettant de déterminer qu'un tel acte a

 22   été accompli, il importe peu que la personne incriminée soit considérée

 23   comme l'auteur de l'acte criminel, comme l'incitateur de cet acte criminel

 24   ou comme un complice. Les éléments secondaires qui prolongent l'acte

 25   criminel peuvent être dus à une commission ou à une non-commission, ou


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  1   peuvent être des actes criminels distincts.

  2   Ce qui est intéressant pour ce Tribunal, me semble-t-il, c'est que dans le

  3   cas où plusieurs actes sont combinés, la qualification de l'acte relève

  4   toujours de la qualification la plus lourde.

  5   M. Fila (interprétation). - Cela signifie que si quelqu'un est auteur,

  6   incitateur et complice, il sera toujours considéré comme auteur ?

  7   M. Aleksic (interprétation). - Oui, s'il y a eu des prolongements, des

  8   conséquences ultérieures de l'acte. On tient toutefois compte de la

  9   préméditation ou de l'absence de préméditation et de l'identité, bien sûr,

 10   de l'auteur ou du complice.

 11   M. Fila (interprétation). - Professeur, je vous demande simplement de me

 12   permettre de vous interrompre pour que tout soit très clair. Vous savez

 13   que, dans le cas du meurtre, nous avions le "meurtre normal" et le

 14   "meurtre qualifié", meurtre commis en raison d'une vengeance sanguinaire,

 15   etc., par exemple.

 16   Lorsque quelqu'un accomplit un acte de ce type, est-il jugé uniquement

 17   pour cet acte ou tous les autres actes associés lui sont-ils reprochés ?

 18   M. Aleksic (interprétation). - Non. Le meurtre est quelque chose d'assez

 19   inhabituel dans la vie d'un individu et même dans la vie d'une société.

 20   Mais il existe des meurtres différents : la mort de l'enfant au moment de

 21   la naissance, qui est le premier élément, et le meurtre accompagné de

 22   souffrances importantes infligées à la victime.

 23   M. Fila (interprétation). - Si quelqu'un commet un meurtre cruel, il y a

 24   le meurtre plus la cruauté. En Yougoslavie, jugeait-on la personne pour le

 25   meurtre ou pour le meurtre et la cruauté ?


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  1   M. Aleksic (interprétation). - Pour le meurtre seulement. Je peux vous

  2   dire, si je puis m'exprimer ainsi, que nous avions dans le code pénal de

  3   la RSFY une description de meurtre particulière, à savoir "blessure

  4   importante au corps humain qui a eu pour conséquence le meurtre".

  5   Autrement dit, c'est là qu'il est possible de faire intervenir la volonté

  6   de l'auteur. Si quelqu'un a voulu tuer volontairement, sciemment, alors il

  7   l'a fait avec préméditation. Mais si quelqu'un a frappé et que la personne

  8   est tombée et que malheureusement elle est morte à l'endroit où elle est

  9   tombée ou plus tard à l'hôpital, nous essayons d'aller au coeur du

 10   problème et nous adoptons comme qualification "blessures importantes

 11   commises au corps humain qui ont eu pour conséquence la mort".

 12   M. Fila (interprétation). - Dans ce cas, l'intention n'était pas de donner

 13   la mort ?

 14   M. Aleksic (interprétation). - Oui, dans ce cas l'intention n'était pas de

 15   donner la mort.

 16   M. Fila (interprétation). - Je vais essayer de raccourcir un peu cet

 17   interrogatoire. Vous nous avez donné des exemples de 1980 à 1990, alors

 18   résumons : le chapitre 16, ce sont les infractions qui relèvent des

 19   offenses criminelles contre l'humanité dans le domaine international,

 20   n'est-ce pas ?

 21   M. Aleksic (interprétation). - Oui, c'est le chapitre 16.

 22   M. Fila (interprétation). - Il est toujours valable. Il a été valable

 23   jusqu'en 1990 dans la RSFY ?

 24   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 25   M. Fila (interprétation). - En 1991, y a-t-il eu un amendement ?


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  1   M. Aleksic (interprétation). - Effectivement.

  2   M. Fila (interprétation). - En 1990, il y a donc eu un amendement, en fait

  3   c'était 1990. Dans le code pénal de la RSFY, quelle a été l'intention des

  4   nouvelles dispositions qui ont été introduites en matière de prononcé de

  5   peine ? Pouvez-vous nous dire quels sont les nouveaux éléments qui ont été

  6   introduits au titre des circonstances atténuantes ou des circonstances

  7   aggravantes ?

  8   M. Aleksic (interprétation). - Le code pénal de la RSFY prévoit un certain

  9   nombre de peines. Mais ces peines ne sont jamais décrites de façon unique

 10   ou catégorique. Il y a toujours un certain nombre de peines alternatives

 11   ainsi que des peines qui s'étendent sur un certain champ d'application.

 12   Les deux parce que, dans la vie lorsqu'on juge un être humain, il importe

 13   d'appliquer tous ce que les Juges du monde entier apprécient de faire, à

 14   savoir individualiser la peine, déterminer la peine la plus juste pour la

 15   personne particulière qui est jugée.

 16   Finalement, même la prise de médicaments ne peut être identique pour tous

 17   les êtres humains : même dans le cas de prise de médicaments, des doses

 18   correspondent à telle ou telle personne.

 19   M. Fila (interprétation). - Arrivons-en, si vous le voulez bien, aux

 20   dispositions des articles 42 et 43.

 21   M. Aleksic (interprétation). - Je crois que Me Fila est en train de se

 22   venger de moi parce qu'il a été mon étudiant par le passé et il tire

 23   profit de l'occasion qui lui est donnée aujourd'hui pour tenter de me

 24   faire accélérer.

 25   Un congrès s'est tenu en 1957, et un autre congrès à Paris en 1971. Toutes


Page 3349

  1   ces dispositions ont été discutées. Dans la loi du Groeland, par exemple,

  2   les sanctions imposées sont tout à fait inhabituelles mais, pour le reste,

  3   les sanctions sont assez similaires.

  4   Chez nous, la définition de la responsabilité est la base de la

  5   détermination de la peine. C'est un premier principe.

  6   Puis, deuxième principe, l'individualisation de la peine.

  7   Troisième principe, unicité entre les circonstances objectives et

  8   subjectives et que ni les unes ni les autres ne doivent avoir la priorité.

  9   C'est aux Juges qu'il appartient de déterminer cette priorité.

 10   Enfin, le code pénal appliqué chez nous part du principe que l'évaluation,

 11   la détermination de la peine est du ressort des Juges et que, bien

 12   entendu, ils vont recourir à tous les éléments scientifiques et techniques

 13   qui sont mis à leur disposition par la connaissance de tiers, qu'ils vont

 14   également utiliser les dispositions de la criminologie, de la psychologie

 15   et d'autres sciences, mais qu'ils s'en tiendront tout de même à ces

 16   principes. C'est de cette façon que la peine est déterminée et, dans

 17   l'article 48 du Code, sont décrites les mesures élémentaires alors que les

 18   articles 42 et 43 définissent les circonstances atténuantes.

 19   Les règles générales utilisées pour déterminer la peine sont les

 20   suivantes : d'abord, on détermine le degré de responsabilité pénale,

 21   ensuite l'intention, le motif qui a été à la base de l'exécution de l'acte

 22   criminel. Ensuite, la gravité de la menace ou de la blessure provoquée,

 23   les circonstances dans lesquelles le crime a été perpétré, les conditions

 24   de vie précédentes de l'auteur de l'acte criminel car il y a quelquefois

 25   des êtres humains qui, tout d'un coup, sortent des rails qu'ils se sont


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  1   eux-mêmes construits dans leur vie précédente.

  2   M. Fila (interprétation). - Vous parlez de leur vie passée ?

  3   M. Aleksic (interprétation). - Oui, en effet. Ensuite, on tient compte des

  4   conditions de vie personnelle. Et puis, il y a un autre élément auquel

  5   nous accordons la plus grande importance, à savoir le comportement

  6   ultérieur à la commission de l'acte criminel et tous les éléments qui

  7   apportent des informations quant à la personnalité de l'auteur de cet

  8   acte. Voilà quelles sont les diverses circonstances qui sont prises en

  9   compte et au sujet desquelles je peux vous apporter des détails

 10   complémentaires, si vous le souhaitez.

 11   Je vous remercie pour le moment de l'attention que vous m'avez accordée et

 12   j'aimerais essayer d'éviter de passer sous les fourches caudines de mon

 13   ex-étudiant.

 14   M. Fila (interprétation). - Le laps de temps écoulé entre la mise en

 15   accusation de l'auteur du crime et le jugement est-il pris en compte ?

 16   M. Aleksic (interprétation). - Oui, j'ai dit qu'après la commission de

 17   l'acte criminel, cette durée est prise en compte.

 18   M. Fila (interprétation). - Mais si la personne n'est pas arrêtée sur

 19   place, si un certain temps s'écoule, selon notre loi, le comportement de

 20   l'auteur de l'acte est-il pris en compte dans cette période, à savoir s'il

 21   a continué à se comporter comme il l'a fait au moment de la commission de

 22   cet acte ou s'il est revenu à un comportement plus conforme aux lois ?

 23   M. Aleksic (interprétation). - Notre code pénal de RSFY prévoit même

 24   l'expiration d'un délai déterminé à l'issue duquel il n'est plus possible

 25   de juger une personne. En tout état de cause, on prend en compte le


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  1   comportement de la personne pendant toute cette durée. Il y a

  2   malheureusement des circonstances dans lesquelles il y a insuffisance de

  3   preuves, situation, n'est-ce pas, assez regrettable.

  4   M. Fila (interprétation). - L'état de santé est-il également un élément

  5   pris en compte ?

  6   M. Aleksic (interprétation). - Bien entendu, avant et après la commission

  7   de l'acte, l'état de santé de la personne est pris en compte. Lorsqu'une

  8   peine est prononcée à l'encontre d'un accusé et que l'on apprend par la

  9   suite que l'accusé souffre de telle ou telle maladie, dans notre système,

 10   nous sommes en droit de réexaminer l'ensemble de l'affaire à la lumière de

 11   ces nouvelles circonstances.

 12   M. Fila (interprétation). - Tient-on également compte non seulement de la

 13   santé physique mais également de la santé mentale pour déterminer le degré

 14   de responsabilité pénale ?

 15   M. Aleksic (interprétation). - Il est tout à fait certain que les

 16   tribunaux en Yougoslavie avaient tendance à prendre en compte davantage

 17   les éléments de santé physique.

 18   Mais je suis, pour ma part, favorable à l'idée qu'un trouble psychique

 19   peut être un obstacle très important pour la vie d'un être humain, qu'il

 20   importe au plus haut point de ramener cet homme dans un état psychique

 21   aussi proche de la normale que possible, de façon à lui permettre de se

 22   rappeler éventuellement l'acte criminel commis par lui comme l'effet d'un

 23   cauchemar mais qui n'a plus d'incidence sur sa vie à venir. Parce que,

 24   véritablement, si un homme qui est jugé dans ces conditions devait être

 25   comparé à quelqu'un à qui l'on grave sur le front la lettre "V" pour


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  1   voleur à vie et que rien ne puisse racheter cet homme, ce serait tout de

  2   même terrible.

  3   M. Fila (interprétation). - Le but, autrement dit, de notre code pénal

  4   était un but d'amendement, plutôt que de sanction définitive ?

  5   M. Aleksic (interprétation). - Je crois que ce n'est pas seulement le cas

  6   de l'ex-Yougoslavie. Je pense que c'est la situation qui devrait prévaloir

  7   dans tous les pays civilisés. Maître Fila, vous êtes un homme jeune...

  8   M. Fila (interprétation). - Pas si jeune que cela.

  9   M. Aleksic (interprétation). - Si, si, vous êtes encore assez jeune. Et,

 10   pour ce qui me concerne, j'ai malheureusement vécu dans une époque où le

 11   droit yougoslave était largement sous l'influence de Visinski. A l'époque,

 12   on considérait que le Procureur devait être le bras droit du Tribunal et

 13   que le conseil de la défense devait être un collaborateur du Tribunal.

 14   Autrement dit, le Procureur et le conseil de la défense s'alliaient pour

 15   faire avouer l'accusé. Vous vous souvenez de cette époque où les

 16   exécutions étaient très nombreuses et très graves.

 17   C'est une situation qui a prévalu davantage en Russie que dans notre pays

 18   mais, malheureusement, elle a également prévalu quelques temps dans notre

 19   pays. Je dis aujourd'hui à mes étudiants que je les incite et les invite

 20   instamment, en tant que conseil de la défense lorsqu'ils sont conseils de

 21   la défense, à ne pas être entre les mains de l'accusation, du Procureur.

 22   Le Procureur doit être une partie, le conseil de la défense, une autre. Je

 23   pense, Monsieur le Président, que c'est de cette façon qu'il convient de

 24   juger.

 25   M. Fila (interprétation). - Bien entendu, il s'agit d'une situation


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  1   particulière de nos Tribunaux, Monsieur le Président, par laquelle notre

  2   pays est passé et c'est une période que vous avez eu la chance de ne pas

  3   vivre pour ce qui vous concerne. Mais nous l'avons vécue. Je vous

  4   remercie, Monsieur le Professeur et, Monsieur le Président, je n'ai plus

  5   de questions à poser au témoin.

  6   M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Fila.

  7   M. Niemann (interprétation). - Nous allons nous rencontrer une nouvelle

  8   fois, monsieur le Professeur.

  9   M. Aleksic (interprétation). - Oui, en effet. J'espère que ce sera un

 10   plaisir pour les deux.

 11   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Professeur, vous avez dit, au

 12   cours de votre déposition, ce que vous pensiez des charges cumulatives,

 13   comme nous les appelons, à savoir la situation dans laquelle une personne

 14   est accusée de plusieurs actes et non d'un acte unique. Vous avez décrit

 15   également le meurtre et le meurtre cruel.

 16   Que se passerait-il en ex-Yougoslavie si une personne était accusée de

 17   meurtre assorti de cruauté, qui est un délit grave, et que le Tribunal

 18   arrivait à la conclusion que l'accusé n'était pas coupable d'un crime,

 19   d'un meurtre avec cruauté, mais d'un meurtre simple ? L'accusé serait-il

 20   acquitté dans ces conditions ?

 21   M. Aleksic (interprétation). - Monsieur le Procureur, vous abordez un

 22   sujet très complexe, à savoir l'identité de l'accusation et du verdict.

 23   Chez nous, une telle situation se résolvait de la façon suivante : si le

 24   Procureur ne réagissait pas à temps, s’il ne modifiait pas la

 25   qualification de l’acte imputé à l’accusé, il risquait d'aller au-delà du


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  1   délai imparti et de se voir confronté au concept de non bis in idem.

  2   Dans une situation de ce genre, pendant le procès, le Procureur était

  3   habilité à modifier la qualification. Je crois que dans ce cas chacun

  4   considérait un tel acte comme un succès pour le Procureur.

  5   M. Niemann (interprétation). - Que se passerait-il, d'après vous, dans une

  6   situation où le Tribunal n'aurait pas la possibilité de modifier la

  7   qualification, si l'on fait passer la qualification de l'infraction de

  8   meurtre avec cruauté à meurtre simple ?

  9   M. Aleksic (interprétation). - En théorie, si cette possibilité n'existait

 10   pas, il y aurait rejet de l'accusation, ce qui serait assez inhabituel et

 11   d'assez mauvais goût.

 12   Si la théorie de l'identité absolue entre l’accusation et le verdict

 13   devait être appliquée sans possibilité de modifier la qualification, dans

 14   ce cas, en raison d'une erreur du Procureur, aucun verdict ne serait

 15   appliqué à la personne jugée car il n'y aurait pas la possibilité que je

 16   viens d'évoquer.

 17   M. Niemann (interprétation). - Je suppose, Professeur, que si vous vous

 18   trouviez dans une situation où le Tribunal ne pourrait pas modifier l'acte

 19   d'accusation pour qu'il rende plus fidèlement compte de l'infraction

 20   commise -mais qu'en même temps on découvre que le meurtre a bien été

 21   commis et que la personne soit acquittée à cause de l'impossibilité de

 22   changer l'acte d'accusation-, il ne pourrait pas y avoir de nouvelles

 23   mises en accusation pour meurtre parce que la personne aurait déjà vécu un

 24   procès qui se serait achevé par un acquittement. Ce dernier empêcherait

 25   donc toute poursuite ultérieure, n'est-ce pas ?


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  1   M. Aleksic (interprétation). - Je ne sais pas exactement à quoi vous

  2   pensez. Je pense qu'il n'est pas réaliste, en fait, de réfléchir à la

  3   possibilité qu'en raison d'une différence de qualification entre

  4   l'accusation et le verdict, on en arrive à une situation de ce genre.

  5   Cela étant, je pense que vous serez d'accord avec moi sur ce point. Je

  6   surprends parfois mes étudiants en leur affirmant que la vérité n'est pas

  7   le principe extrême du prononcé d'une peine. Je suppose que je ne vous

  8   surprendrai pas en disant cela.

  9   Autrement dit, il existe le principe du non bis in idem stipulant qu'il

 10   est impossible d’accuser quelqu’un deux fois pour le même acte et que si

 11   l'accusé a déjà été puni au cours d'un procès, il ne peut pas être puni

 12   plus sévèrement pour le même acte par la suite.

 13   Les Procureurs de tous les pays du monde ont à leur disposition un arsenal

 14   de principes qui est plutôt au profit de l'accusé qu’à ses dépens, mais

 15   cela n'empêche pas, je pense, les occasions accordées aux Juges de se

 16   montrer un peu souples dans l'application.

 17   Finalement, tous ces individus vivent sous le même toit. Vous savez que

 18   les Procureurs en Yougoslavie existent à plusieurs niveaux. Le Procureur

 19   du niveau supérieur peut donner un ordre au Procurer d’un niveau

 20   inférieur. C'est une façon de régler le problème qui, peut-être, apporte

 21   une réponse à votre question. Est-ce le cas ?

 22   M. Niemann (interprétation). - Oui. Monsieur le Professeur, je crois que

 23   dans les études importantes que vous avez menées à l'étranger, vous

 24   conviendrez avec moi que dans certains systèmes judiciaires, cette

 25   difficulté est résolue grâce à la possibilité pour le Procureur de déposer


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  1   un acte d'accusation comportant des charges cumulatives. Le Tribunal,

  2   les Juges traitent de ces charges cumulatives au moment du prononcé de la

  3   peine, en déterminant la peine la plus appropriée à définir.

  4   Autrement dit, le plus important est la phase du procès pendant laquelle

  5   on détermine la peine, plutôt que la phase du procès pendant laquelle on

  6   détermine les charges pesant contre l'accusé.

  7   M. Aleksic (interprétation). - Avec tout le respect que je vous dois,

  8   parce que je considère maintenant vous connaître un petit peu, ne m'en

  9   veuillez pas si je vous dis que dans le jargon d'un juriste cela s'appelle

 10   "jouer avec sa proie", alors qu'un bon chasseur utilise une seule balle

 11   pour tuer l'animal qu'il vise.

 12   Si nous considérons qu'il existe plusieurs ennemis, nous devons définir,

 13   au titre de l'article 7, les suspicions qui pèsent contre ces derniers. Je

 14   ne pense pas que votre formule soit la plus heureuse. Lorsqu’un médecin

 15   essaie de guérir un patient qui souffre d'une maladie, il utilisera divers

 16   arsenaux à sa disposition, des éléments bactériens et autres, mais il

 17   traitera toujours une seule et même maladie.

 18   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Professeur, je ne vous

 19   demandait pas si c'était un système avec lequel vous étiez d'accord, mais

 20   si vous le connaissiez ?

 21   M. Aleksic (interprétation). - Oui.

 22   M. Niemann (interprétation). - Je crois que vous conviendrez avec moi

 23   qu'en Europe, dans le système du droit romain, la démarche ne consiste pas

 24   à faire peser des charges cumulatives contre l'accusé, mais à accorder

 25   aux Juges les possibilités de déterminer, d'évaluer les crimes dans le


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  1   cadre du prononcé du verdict. Ce n'est peut-être pas le cas dans votre

  2   système judiciaire, mais c'est le cas dans d'autres systèmes judiciaires

  3   européens.

  4   M. Aleksic (interprétation). - Ai-je mal compris ce qu'a dit l'interprète,

  5   avez-vous parlé du droit pénal ou du droit civil ?

  6   M. Niemann (interprétation). - J'ai parlé de procès civils, mais ce que je

  7   voulais dire, c'est que c'était des procès relevant du droit romain,

  8   c'est-à-dire d'un autre droit que la Common law.

  9   M. Aleksic (interprétation). - Oui, mais il y a en Europe une différence

 10   entre une procédure pénale et une procédure civile. Ces deux procédures

 11   sont tout à fait différentes.

 12   M. le Président (interprétation). - Je pense que le Professeur parlait des

 13   systèmes de droit civil, de Civil law, ce dont vous parliez lorsque vous

 14   évoquiez les systèmes qui tirent leur origine du droit romain, par

 15   opposition au Common law. Cela n'a rien à voir avec une procédure civile.

 16   M. Aleksic (interprétation). - Nous appelons cela le droit continental, le

 17   droit romain. Je ne connais aucun système européen, et je pense en

 18   connaître plusieurs, qui permette de tirer en utilisant le plan de chasse,

 19   comme je l'ai déjà mentionné.

 20   M. Niemann (interprétation). - Je ne vous ai pas posé la question à ce

 21   sujet, pas par rapport à la chasse.

 22   M. Aleksic (interprétation). - De toute façon, il y a beaucoup de

 23   possibilités de mentir dans ce domaine-là.

 24   M. Niemann (interprétation). - Professeur, dans le rapport que vous avez

 25   soumis, vous parlez du droit de la RSFY et ensuite des amendements qui ont


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  1   été apportés à la loi de la RSFY, à la loi de la République fédérale

  2   en 1993. Je pense que vous seriez d'accord avec moi pour dire que la loi

  3   de la RSY et de la RSFY s'appliquerait certainement sur l'Etat souverain

  4   indépendant de la Croatie mais que ceci n'est pas valable pour le droit de

  5   la RFY.

  6   M. Aleksic (interprétation). - Certainement. Je connais suffisamment bien

  7   la situation dans ce pays-là pour pouvoir affirmer qu'au début ils ont

  8   repris les lois de la RSFY et par la suite, ils ont rédigé leurs propres

  9   lois. Corrigez-moi si je me trompe, mais on peut dire qu'au début, au

 10   moment où les événements dont nous traitons ici ont eu lieu, les lois

 11   étaient pratiquement les mêmes des deux côtés.

 12   M. Niemann (interprétation). - Je pense que vous avez raison. Lorsque vous

 13   parlez des amendements dans les lois de la RFY qui ont été apportés

 14   en 1993, ai-je raison si je dis que cela s'appliquait seulement aux Etats

 15   membres de la Fédération et non pas en Croatie ? Ma question est la

 16   suivante : savez-vous quels amendements ont été apportés aux lois croates

 17   après 1991 ? Savez-vous quels amendements ont été faits et si ces

 18   modifications-là étaient semblables à celles qui ont été faites au sein de

 19   la République fédérale de la Yougoslavie ?

 20   M. Aleksic (interprétation). - Je dois dire qu'en ce qui concerne les

 21   modifications des lois croates, elles ont respecté les conventions signées

 22   par la RSFY, étant donné qu'il s'agissait de quelque chose qui concernait

 23   tous les pays issus de la RSFY. Je sais aussi qu'ils ont aboli la peine de

 24   mort avant nous. Nous l'avons fait en 1993 et eux, je pense qu'ils l'ont

 25   fait en 1992.


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  1   M. Niemann (interprétation). - Très bien. Si nous essayons de nous référer

  2   à la pratique croate, en ce qui concerne le prononcé de peine et

  3   l'adoption d'un jugement, est-il vrai qu'il faudrait d'abord se référer

  4   aux lois de la République fédérale socialiste de Yougoslavie et ensuite

  5   aux modifications qui ont été apportées aux lois criminelles de la

  6   Croatie ?

  7   M. Aleksic (interprétation). - Tout à fait. Il faudrait aussi prendre en

  8   considération les modifications qui ont été faites dans les lois de la

  9   RSFY à partir de 1990, notamment, par exemple, l'article 16 : les parties

 10   qui concernent la difficulté d'expatriation, ce qui n'existait pas

 11   auparavant au sein du chapitre 16.

 12   Le processus qui s'est déroulé en Croatie était un processus de

 13   modernisation des modifications qui ont été apportées en 1991, étant donné

 14   que les dispositions de l'an 1977 respectaient les conventions signées par

 15   la Yougoslavie.

 16   M. Niemann (interprétation). - Oui, je comprends. J'ai compris ce que vous

 17   voulez dire par rapport au chapitre 16, mais ce que je souhaite dire c'est

 18   que ma question concerne la manière dont les jugements sont faits et dont

 19   les peines sont prononcées. Je souhaite dire que, dans ce cadre, la loi de

 20   la RSFY ne nous aide pas énormément, n'est-ce pas ?

 21   M. Aleksic (interprétation). - Je ne serais pas aussi catégorique que

 22   cela. Par exemple, dans le chapitre 16, article 141, on parle de la peine

 23   de génocide, et la peine peut s'étaler de cinq ans jusqu'à la peine de

 24   mort ou bien, article 142, la peine va de cinq ans jusqu'à la peine de

 25   mort pour les crimes de guerre contre la population civile. La peine de


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  1   mort est maintenant remplacée par la peine maximale qui est de vingt ans.

  2   Les crimes de guerre contre les prisonniers, entre cinq ans et la peine de

  3   mort. Pour les crimes contre les prisonniers de guerre, il est stipulé :

  4   "Les personnes qui commettent ces crimes seront punies par un an de prison

  5   au moins. L'organisation de groupe, meurtre illégal des prisonniers,

  6   dix ans, etc.".

  7   M. Niemann (interprétation). - Je comprends tout à fait, Professeur.

  8   M. Aleksic (interprétation). - Je souhaitais simplement vous aider.

  9   M. Niemann (interprétation). - Merci, j'apprécie. Professeur, tout à

 10   l'heure, vous avez parlé de la question de la volonté de donner la mort

 11   selon la loi de l'ex-Yougoslavie. Si j'ai bien compris ce que vous disiez,

 12   selon le code pénal de l'ex-Yougoslavie, vous ne parliez pas vraiment de

 13   préméditation. Il y avait deux niveaux d'intention : l'existence

 14   d'intention et l'existence éventuelle d'intention criminelle, ce qui se

 15   rapprochait de la négligence.

 16   M. Aleksic (interprétation). - Je n'ai peut-être pas été suffisamment

 17   clair. Un acte criminel, selon la loi de RSFY et la loi qui s'applique

 18   aujourd'hui aussi, doit comporter deux éléments : celui de l'intention et

 19   celui de la culpabilité. Cette dernière comporte deux éléments,

 20   l'intention et la négligence.

 21   Un grand nombre d'experts en droit pénal italien parlaient de ce problème

 22   d'intention. En RSFY, nous n'avions pas la notion de préméditation.

 23   Certains autres pays ont cette fonction, ce n'était pas notre cas. Peut-

 24   être s'agissait-il d'un autre niveau d'intention mais, chez nous, il est

 25   simplement question de l'intention ou de la négligence. Mais il existe


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  1   également une intention éventuelle. Par exemple, si une personne conduit

  2   une voiture dont les freins ne marchent pas et dont les roues sont en

  3   mauvais état, la personne se dit que probablement rien n'arrivera et

  4   qu'elle a tout simplement besoin d'emmener sa tante à la gare et dans ce

  5   cas, un accident se produit.

  6   A la fois l'intention et la négligence ont des niveaux différents. C'est-

  7   à-dire que vous avez la vraie négligence et une négligence consciente. Par

  8   exemple, une femme qui travaille dans un laboratoire et qui manie sans

  9   faire suffisamment attention des matières explosives provoque une

 10   catastrophe. Ce n'est pas la même chose si c'est elle qui provoque la

 11   catastrophe ou si c'est une personne qui nettoie et qui ne connaît pas le

 12   caractère dangereux de ces matières.

 13   M. Niemann (interprétation). - Seriez-vous d'accord avec moi, Professeur,

 14   pour dire que, dans certains systèmes juridiques, la négligence ne peut

 15   pas être la base d'une responsabilité pénale ?

 16   M. Aleksic (interprétation). - J'aimerais bien vivre dans un tel pays !

 17   Mais, vous savez, un meurtre par négligence, cela existe. Une personne

 18   peut être assise dans un train, une valise lourde tombe sur elle, elle

 19   rejette la valise sur un petit enfant et le tue... Peut-être que dans

 20   votre système, une telle question est résolue d'une manière différente.

 21   Vous savez que dans le système de Common law, vous pouvez être tenu pour

 22   responsable d'avoir insulté la paix de la reine. Vous savez, comme

 23   quelqu'un l'a dit, peu importe la couleur du chat, l'important c'est qu'il

 24   chasse les souris.

 25   M. Niemann (interprétation). - Professeur, vous nous avez donné certaines


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  1   statistiques dans votre rapport qui se réfèrent à la période entre 1980

  2   et 1990, et je pense que vous y parlez surtout des actes criminels selon

  3   le chapitre 16. Y a-t-il eu certains cas liés à la Deuxième Guerre

  4   mondiale et que savez-vous sur ce contexte ?

  5   M. Aleksic (interprétation). - Oui. Je connais certains cas semblables,

  6   étant donné que Me Fila s'en est occupé lui-même. Parfois, il s'agissait

  7   de cas très complexes, parfois c'était carrément ridicule. Je sais que,

  8   par exemple, un citoyen de Bosnie s'est rendu à la municipalité pour

  9   demander un certificat selon lequel il faisait partie d'une division de SS

 10   pour pouvoir obtenir une retraite en Allemagne. Bien sûr, il a été détenu

 11   à Belgrade et y a reçu une peine de dix ou quinze ans de prison. Tout le

 12   monde trouvait cela bizarre qu'il soit venu parler lui-même de son

 13   appartenance à cette division.

 14   Mais parfois, il y avait des choses bien plus graves. Par exemple,

 15   aujourd'hui, vous avez le cas de Sakic qui vient d'être transféré en

 16   Croatie. Ce sont des personnes qui souhaitaient tout simplement rentrer

 17   dans leur pays pour y mourir. Ou bien il y avait d'autres cas de personnes

 18   qui sont venues à l'enterrement de leurs parents ou qui voulaient vendre

 19   la maison de leur père ou mère et qui ont été arrêtées de cette manière-

 20   là.

 21   Il y a très peu d'exemples sur ce sujet malheureusement, mais moi j'ai

 22   voulu englober la période entre 1977 et 1990. En 1977, il y a eu très peu

 23   de cas. Cela dit, entre 1987 et 1990, il a eu très peu de cas mais je ne

 24   m'y attendais pas.

 25   M. Niemann (interprétation). - Nous pouvons donc dire que les cas qui


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  1   étaient liés à votre schéma cumulatif durant la période entre 1980 et 1987

  2   étaient des cas liés à la Deuxième Guerre mondiale ?

  3   M. Aleksic (interprétation). - Effectivement, il s'agissait de personnes

  4   très âgées.

  5   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion d'étudier ou

  6   d'analyser des affaires qui étaient liées au dernier conflit, au conflit

  7   qui a éclaté en 1991 ? Avez-vous eu ou vu des mises en accusation pour

  8   crimes de guerre ou génocide par rapport à ces événements ?

  9   M. Aleksic (interprétation). - Effectivement, il y a eu quelques exemples

 10   de telles actions et j'ai également participé à la rédaction d'un livre

 11   concernant le rôle des femmes dans la guerre. C'est très intéressant, mais

 12   il ne faut pas oublier que, d'habitude, les Serbes étudiaient les cas où

 13   les ressortissants de leur propre pays étaient des victimes. Dans ce cas

 14   là, il s'agissait d'environ quatre-vingts femmes serbes qui ont été

 15   violées et si ce livre vous intéresse, je peux vous l'envoyer. Ce sont mes

 16   étudiantes qui l'ont préparé.

 17   Le livre montre des détails tout à fait troublants étant donné que la

 18   condition préalable pour que ces femmes puissent se rendre en Serbie était

 19   d'être violées. Le plus émouvant était de voir que toutes ces quatre-

 20   vingts femmes ont été présentes lors de la promotion de ce livre et n'ont

 21   pas voulu rester anonymes. Plusieurs se sont levées et ont dit : "Je ne

 22   veux pas être un numéro ici. C'est moi-même qui ai été violée". Je me suis

 23   levé et j'ai baisé la main de ces femmes.

 24   M. Niemann (interprétation). - Je ne souhaitais pas vraiment parler de

 25   cela avec autant de détails. Mais savez-vous si des peines ont été


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  1   prononcées par rapport à cela, dans des affaires liées aux événements

  2   depuis 1991 ?

  3   M. Aleksic (interprétation). - Oui, je sais qu'il y a eu quelque chose de

  4   semblable, notamment en Croatie, et j'espère qu'un jour j'obtiendrai plus

  5   de détails. Il y a eu le meurtre d'environ douze soldats sur un pont près

  6   de Kerlovac; et l'auteur de ce crime a été arrêté mais il a été établi

  7   qu'il n'était pas vraiment responsable de ses propres actes, et il fut

  8   malheureusement acquitté.

  9   Aujourd'hui, nous avons une autre situation.  Si l'on connaît la Bosnie où

 10   de nombreux crimes ont eu lieu, il faut savoir qu’il y a souvent des

 11   endroits dans les montagnes où il existe des fosses sous forme de trous.

 12   Traditionnellement, lorsque les personnes étaient tuées, elles étaient

 13   jetées dans ces fosses. Lorsque les enquêteurs se sont rendu sur place,

 14   ils ont pu constater que dans les fosses qu’il y avait de nombreux

 15   ossements. Lorsque les analyses ont été faites, il y avait dans ces fosses

 16   des victimes des Oustachis, des Cetnik, des extrémistes musulmans, des

 17   crimes passionnels, etc.

 18   Je trouve que c'était malheureux dans notre ancien système, étant donné

 19   que de telles fosses étaient complètement oubliées, négligées et il était

 20   pratiquement interdit d'en parler.

 21   M. Niemann (interprétation). - Professeur, je ne souhaitais pas vraiment

 22   entrer dans ces détails. Vous avez évoqué tout à l'heure la conception des

 23   coauteurs, de ceux qui aident et soutiennent la Commission des crimes de

 24   guerre. Cela dit, je suppose que vous savez que le Tribunal a son propre

 25   statut et son propre règlement et qu’il n'est pas obligé de respecter le


Page 3365

  1   système juridique yougoslave.

  2   M. Aleksic (interprétation). - Je connais votre statut et je vous en

  3   félicite, j'y ai lu d'ailleurs que le Tribunal doit comprendre et

  4   apprendre les détails concernant le système juridique du pays dont

  5   l'accusé est originaire. Je ne sais pas si vous souhaitez affronter notre

  6   système de peines cumulatives, mais je sais qu'un tel système n'existe

  7   nulle part en Europe.

  8   M. Niemann (interprétation). - Je voulais justement vous poser une

  9   question à ce sujet. Si, par exemple, un acte criminel a été commis au

 10   sein d'une grande société, et le directeur...

 11   M. Aleksic (interprétation). - Excusez-moi, je dois vous interrompre, mais

 12   il n'est pas possible pour une société en Yougoslavie de commettre un acte

 13   criminel.

 14   M. Niemann (interprétation). - Veuillez écouter jusqu'à la fin. Prenons

 15   donc l'exemple selon lequel au sein d'une entreprise un acte criminel a eu

 16   lieu et pour y arriver, le directeur s'est servi d'un comptable. Dans le

 17   cas où la peine devait être prononcée à l'encontre des responsables à

 18   cause de cet acte criminel, est-ce que la responsabilité serait plus du

 19   côté du directeur ou du côté du comptable ?

 20   M. Aleksic (interprétation). - Tout d'abord, durant le procès, il faudrait

 21   savoir quelle est l'identité et l'intention de l'auteur, ensuite il

 22   faudrait savoir qui l'a poussé à commettre ce qu'il a fait, qui lui a

 23   rendu cela possible, qui l'a soutenu.

 24   Nous nous trouvons souvent face à la situation où le directeur et le chef

 25   du service comptable deviennent très proches et, à un certain moment, les


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  1   deux sont découverts. Ensuite il faut faire la part des choses et voir

  2   quelle était la responsabilité de chacun des deux. Le directeur ne peut

  3   pas être responsable de tout ce qui s'est passé.

  4   M. Niemann (interprétation). - Je comprends, mais imaginons que vous

  5   pouvez prouver que le conseil d'administration et le directeur ont

  6   vraiment concocté ce crime et ont donné les ordres au comptable de le

  7   faire, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que le conseil

  8   d’administration et le directeur seraient les plus responsables de cet

  9   acte criminel ?

 10   M. Aleksic (interprétation). - Effectivement, ils seraient les

 11   responsables, mais toute une série de personnes seraient tenues pour

 12   responsables pour un tel acte criminel. Dans la pratique, il faut savoir

 13   que les directeurs et les membres du conseil d'administration se protègent

 14   souvent et ce sont habituellement les personnes les moins importantes qui

 15   en souffrent.

 16   M. Niemann (interprétation). - Le statut de limitation s'applique-t-il aux

 17   actes criminels selon le chapitre 16 ?

 18   M. Aleksic (interprétation). - Non.

 19   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de questions.

 20   M. Fila (interprétation). - Je souhaite simplement apporter une

 21   clarification. Si l'on parle de la culpabilité, de l'intention de la

 22   préméditation, de la négligence, tout ceci est écrit dans l'introduction

 23   du code pénal. C'est très clair et si vous le souhaitez, nous pouvons le

 24   lire étant donné que c’est un texte très court, si les Juges sont

 25   d'accord, sinon je n'ai pas de questions en réplique.


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  1   M. le Président (interprétation). - Merci, mais je ne pense pas que ce

  2   soit très pertinent pour nous étant donné que nous sommes tenus de

  3   respecter notre propre Statut et les bases du droit international.

  4   Cela dit, j'ai également pu constater que le professeur Aleksic connaît

  5   aussi bien que moi la grande oeuvre du droit international et je suis sûr

  6   que Me Waespi et Me Fila la connaissent également.

  7   Je vous propose de faire une pause maintenant. J'ai trois questions, je ne

  8   sais pas si je peux vous les poser maintenant.

  9   M. Aleksic (interprétation). - Vous souhaitez les poser aujourd'hui ou

 10   demain ?

 11   M. le Président (interprétation). - Je me demande si je vais le faire

 12   maintenant ou dans vingt minutes.

 13   M. Aleksic (interprétation). - Visiblement, vous êtes un allié de ma femme

 14   qui souhaite que je rentre à la maison le plus tôt possible.

 15   M. le Président (interprétation). - Tout à fait, mais je pense que le

 16   mieux serait de faire une pause maintenant.

 17   M. Niemann (interprétation). - Je vous demande de bien vouloir m'excuser

 18   après la pause parce que j'ai d'autres obligations ailleurs.

 19   (Suspendue à 15 h 30, l'audience est reprise à 15h 50.)

 20   M. le Président (interprétation). - J'ai quelques questions que j'aimerais

 21   vous poser, si vous le voulez bien, Professeur.

 22   Première question. Si j'ai bien compris, avant 1993, la majorité des

 23   crimes contenus dans le chapitre 16 étaient sanctionnés d'une peine de

 24   prison allant de vingt ans à la peine de mort. Quel est le fondement

 25   logique de cet éventail de peines ? Il n'était pas possible que ce soit


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  1   vingt-cinq, trente ans ou la peine à perpétuité, mais c'était ou vingt ans

  2   ou la peine de mort. Quels étaient les arguments, les fondements de ce

  3   système de sanctions ?

  4   M. Aleksic (interprétation). - En ce qui concerne les sanctions, le

  5   système de sanctions en RSFY présentait un éventail de six mois à

  6   quinze ans. Le législateur l'avait conçu de cette manière-là et c'était

  7   stipulé ainsi dans le code pénal. Quand il y avait un acte criminel très

  8   grave, outre quinze ans, il y avait également la peine de mort, sur un

  9   pied d'égalité. Etant donné que notre législateur ne permettait pas

 10   aux Juges de se prononcer de manière libre, il avait envisagé une

 11   alternative pour la peine de mort : soit vingt ans, soit la peine de mort.

 12   Par conséquent, la peine de vingt ans, selon cette loi, n'existait

 13   pratiquement pas jusqu'en 1993.

 14   C'est en 1993 que nous avons aboli la peine de mort et la peine de

 15   vingt ans a été maintenue. Je ne sais pas quelle est la pratique de

 16   M. Fila, il en sait un peu plus que moi, mais c'était rarement seize, dix-

 17   sept ou dix-huit ans... C'était ou quinze ans ou bien vingt ans mais pas

 18   entre les deux, il n'y pratiquement pas eu de peines prononcées entre

 19   quinze et vingt ans. Je répète : la peine maximale, selon la loi en RSFY,

 20   était de quinze ans.

 21   Au moment du prononcé de la peine de mort, on pouvait éventuellement la

 22   remplacer par vingt ans. La peine de vingt ans remplaçait la peine de mort

 23   parce qu'il y avait un tout petit espoir de rééduquer le coupable.

 24   En 1993, la peine de mort a été abolie et la sanction de vingt ans est

 25   restée. On n'a pas dit "jusqu'à vingt ans" mais plutôt "quinze ans",


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  1   ensuite un espace vide et ensuite "vingt ans". Je ne sais pas si je me

  2   suis fait comprendre clairement ?

  3   M. le Président (interprétation). - Je n'étais peut-être pas moi-même très

  4   clair dans ma question. La question que je me pose est la suivante :

  5   pourquoi le maximum était-il de vingt ans de prison ? Y avait-il une

  6   raison pour laquelle, avant 1993, vous n'aviez pas d'autre peine qui

  7   dépassait vingt ans ? Par exemple, une personne qui commet un crime grave

  8   qui tue 50 personnes ou un autre crime très grave, quand il y a plusieurs

  9   charges, quand il y a cumul de charges, c'était soit vingt ans, soit la

 10   peine de mort.

 11   En Europe continentale c'est la perpétuité ou trente ans, trente-cinq ans,

 12   alors que chez vous, entre ving ans et la peine de mort, il n'y a pas de

 13   différence. Pourquoi cet espace vide entre vingt ans et la peine de mort ?

 14   C'est ce qui m'intéresse. Pourquoi pas de perpétuité ? J'ai pu voir

 15   qu'avant 1993, le Tribunal de Belgrade avait prononcé la peine de

 16   vingt ans, de vingt ans et même la peine de mort. Ils ont été exécutés,

 17   c'était à l'encontre de Croates, mais je ne vois pas pourquoi, quel est le

 18   bien-fondé ?

 19   M. Aleksic (interprétation). - Je ne peux pas défendre mon professeur,

 20   M. Srzentic, qui était dans la commission de rédaction de cette loi. Il

 21   m'avait dit un certain nombre de choses. Il m'avait parlé d'un certain

 22   nombre d'arguments, mais j'espère être plus clair maintenant en vous

 23   disant ce qui suit : nous avons considéré qu'il était très difficile de

 24   défendre l'existence de la peine de mort. Mais pour des spécificités

 25   différentes, nous l'avons admise. Il était d'ailleurs très rare que le


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  1   prononcé de peine de mort soit effectué. J'ai ici quelques exemples et

  2   également un livre et une étude qui a été faite à ce sujet. Je peux vous

  3   le remettre. Cela démontre que la peine de mort, volens nolens n'a

  4   pratiquement pas existé. Nous avons par exemple eu le cas de la Slovénie

  5   où, pendant quarante ans, le prononcé de la peine de mort n'a pas été

  6   fait, ni au Monténégro.

  7   La logique du législateur était la suivante : la peine de mort est quelque

  8   chose d'horrible, mais nous avons l'obligation de la maintenir absolument

  9   à ce niveau de développement, etc. D'autant plus que, dans le peuple, il y

 10   avait encore cette situation où l'on tuait quelqu'un pour n'importe quoi,

 11   si quelqu'un vous a blessé ou a fait quelque chose à votre encontre, vous

 12   vengez cela directement, personnellement. Cela, c'est une première chose.

 13   Deuxièmement, nous avons considéré que la prison à perpétuité, c'est comme

 14   prononcer une peine de mort, mais à petit feu. La personne ne pouvait pas

 15   être amnistiée, c'était interdit. Par conséquent, pour nous, la perpétuité

 16   était une mort à petit feu, comme je l'ai dit. Nous avons donc maintenu la

 17   peine de mort et, au moment où nous avons considéré que la peine de mort

 18   était trop sévère, à ce moment-là, nous l'avons remplacée par vingt ans.

 19   Ce qui prête à confusion, souvent.

 20   Effectivement, à l'étranger, une telle attitude n'a pas été comprise. Nous

 21   considérons que la peine de vingt ans elle-même n'a pas été prononcée de

 22   façon fréquente. Nous avons, par exemple, le cas du professeur qui demande

 23   à son étudiant à combien, à peu près, la peine peut être prononcée, quand

 24   l'étudiant répond : "vingt ans", alors l'étudiant en question n'est pas

 25   reçu à son examen. Même vingt ans pour nous, c'était beaucoup, comme je


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  1   l'ai dit.

  2   Mais il y a une nouvelle loi en cours de préparation, il y a une certaine

  3   tendance à prolonger la peine jusqu'à trente ans. La Croatie par exemple,

  4   stipule trente ans de prison dans sa loi.

  5   M. le Président (interprétation). - La deuxième question que je voulais

  6   vous poser, Monsieur le Professeur, porte sur ce que vous avez dit sur les

  7   coauteurs ou complices. Je sais que vous n'avez pas la même conception que

  8   celle des pays de Common law, nous avons la notion de complice, je sais

  9   que vous ne l'avez pas, mais quand on parle de coauteur, vous avez dit

 10   que, dans la législation yougoslave, il y avait également la forme

 11   d'intention.

 12   Vous avez fait la différence entre intention et préméditation. Etait-il

 13   indispensable de bien préciser s'il y avait intention ou complicité ? Dans

 14   votre jurisprudence, y avait-il de tels genres de définition ? Je sais,

 15   par exemple, qu'à un moment donné, il y avait un certain nombre

 16   d'officiers qui avaient l'intention d'arrêter ou même éventuellement de

 17   tuer trois ou quatre prisonniers de guerre.

 18   La question qui s'était posée était de savoir si le chauffeur qui les a

 19   conduits jusqu'à l'endroit où ils ont fusillé les trois officiers ennemis,

 20   si ce chauffeur avait aidé ou participé à cet acte. Pour le Tribunal, ce

 21   qui était important, c'était de savoir si le chauffeur était conscient

 22   qu'il conduisait les personnes qui se rendaient à cet endroit pour tuer

 23   les personnes en question. S'il n'en était pas conscient, à ce moment-là,

 24   il n'était pas complice. Un de ces chauffeurs n'a pas été jugé coupable,

 25   il n'en était pas conscient. Ce qui a été décisif dans le contrat concret,


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  1   c'est le fait de savoir si on le faisait sciemment ou non.

  2   Maintenant, la question que je me pose : quand vous parlez de l'intention,

  3   est-ce une intention consciente ou non consciente ?

  4   M. Aleksic (interprétation). - Dans ce rapport que je vous ai présenté, au

  5   moment où j'avais élaboré ce chapitre. J'ai dit que c'était une intention

  6   consciente accordée à l'auteur du crime.

  7   Au moment où j'ai donné des explications plus précises, j'avais également

  8   marqué que toutes les actions de celui qui aide devaient représenter une

  9   contribution à l'exécution de cet acte et qu'elles ont une certaine

 10   conséquence sur l'acte qui a été commis. Ce qui ce qui ne veut pas dire,

 11   et là je cite ce que je vous ai précisé dans mon compte rendu : "avec les

 12   opérations d'aide qui ont une conséquence sur l'acte commis, cet acte

 13   n'aurait pas été commis si la personne incriminée n'avait pas aidé celle

 14   qui avait commis le crime". Ce pas n'est pas une condition sine qua non,

 15   mais en revanche il a aidé, il a soutenu l'auteur de l'acte, il a soutenu

 16   l'auteur du crime et a créé les circonstances favorables à ce que l'acte

 17   criminel soit commis.

 18   J'ai donné l'exemple d'un ami auquel je propose de sortir de chez lui et

 19   pendant ce temps-là, un autre rentre chez lui et cambriole son appartement

 20   . J'ai donné l'exemple...

 21   M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur le Professeur, je

 22   pense que nous sommes quelque peu limités par le temps, par conséquent je

 23   ne vais pas vous poser une troisième question. Il n'y a pas d'autres

 24   questions. Monsieur le Professeur, je vous remercie d'être venu témoigner

 25   devant ce Tribunal.


Page 3373

  1   M. Aleksic (interprétation). - Merci, c'était un plaisir pour moi.

  2   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

  3   M. le Président (interprétation). - Maintenant nous avons le témoin de

  4   l'accusation. Je pense que c'est Vladimir Dzuro.

  5   M. Williamson (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, nous avons

  6   un compte rendu Ce n'est pas une déclaration mais un compte rendu signé,

  7   ce n'est pas vraiment une déposition.

  8  

  9   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

 10   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, l'accusation pourrait-

 11   elle me remettre les photographies sur lesquelles on voit quelque chose à

 12   part des images noires, non distinctes. Auriez-vous des photos en

 13   couleur ?

 14   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, nous allons

 15   remettre les photographies pendant le témoignage, même avant...

 16   M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, mais je ne peux pas véritablement

 17   suivre, je ne vois rien.

 18   M. le Président (interprétation). - Je suis d'accord avec vous,

 19   Maître Fila, j'ai exactement le même problème. Je pense que l'accusation

 20   voudra bien nous fournir les photographies en couleur et que nous allons

 21   pouvoir suivre.

 22   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, auriez-vous

 23   l'amabilité de nous préciser si vous les voulez tout de suite ou au cours

 24   du témoignage ?

 25   M. Fila (interprétation). - Au cours du témoignage, mais si on peut avant,


Page 3374

  1   c'est mieux avant.

  2   M. le Président (interprétation). - Je suis d'accord avec Me Fila.

  3   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, nous allons les

  4   faire faire tout de suite, nous allons les distribuer. Nous allons nous

  5   organiser et donner quelques photos.

  6   M. Fila (interprétation). - Vous nous avez donné les photos en noir et

  7   blanc, mais je vous demande s'il est possible de les avoir en couleur afin

  8   de mieux voir.

  9   M. Williamson (interprétation). - Nous allons donc vous donner les copies

 10   aussi bien pour les Juges que pour la défense. Donnez-nous du temps pour

 11   que l'on puisse organiser tout cela.

 12   M. le Président (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Témoin. Auriez-

 13   vous l'amabilité de nous lire votre déclaration ?

 14   M. Dzuro (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

 15   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 16   M. le Président (interprétation). - Merci.

 17   Les photographies concernent également l'expert juridique, M. Tabbush.

 18   M. Williamson (interprétation). - Un certain nombre de photos ont été

 19   utilisées par M. Tabbush, la plupart proviennent de M. Dzuro.et ont déjà

 20   des cotes sous lesquelles elles ont été enregistrées, mais il y aura peut-

 21   être d'autres photographies complémentaires que nous utiliserons.

 22   M. le Président (interprétation). - Monsieur Tabbush sera-t-il ici

 23   demain ?

 24   M. Williamson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

 25   M. le Président (interprétation). - Merci.


Page 3375

  1   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dzuro, où travaillez-vous en ce

  2   moment ?

  3   M. Dzuro (interprétation). - Je travaille dans le Bureau du Procureur. Je

  4   suis enquêteur.

  5   M. Williamson (interprétation). - Avant de venir au Tribunal, où avez-vous

  6   travaillé ?

  7   M. Dzuro (interprétation). - J’ai travaillé depuis 1990 comme agent de

  8   police en Tchécoslovaquie. J’étais enquêteur, agent spécial à Interpol à

  9   Prague.

 10   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion de vous rendre

 11   en ex-Yougoslavie lorsque vous étiez encore dans la police tchèque ?

 12   M. Dzuro (interprétation). - Oui. Entre février 1994 et mars 1995, j'ai

 13   été chef de sécurité en Bosnie-Herzégovine à Sarajevo.

 14   M. Williamson (interprétation). - Je vais vous montrer un document que

 15   nous allons enregistrer sous la cote 214. J'aimerais que vous l'examiniez.

 16   M. Williamson (interprétation). - Est-ce bien le compte rendu que vous

 17   avez préparé lors de l'enquête que vous avez effectuée sur la base de la

 18   vidéocassette ?

 19   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

 20   M. Williamson (interprétation). - Il s’agit de la pièce à conviction 214 ?

 21   M. le Président (interprétation). - Y a-t-il une objection ?

 22   M. Fila (interprétation). - Non.

 23   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous fait une enquête dans la

 24   région de Vukovar en Croatie ?

 25   M. Dzuro (interprétation). - Oui, j'ai travaillé uniquement dans la régie


Page 3376

  1   de Vukovar.

  2   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous participé à l'interrogatoire

  3   de M. Dokmanovic, dans la prison de Scheveningen l'année dernière ?

  4   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

  5   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous eu connaissance de l’alibi de

  6   la défense de M. Dokmanovic ?

  7   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

  8   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous eu connaissance de l'existence

  9   de la vidéocassette ?

 10   M. Dzuro (interprétation). - Oui. J'ai entendu parler de la cassette

 11   vidéo, le 26. Monsieur Dokmanovic et Me Fila nous ont dit que nous

 12   pourrions la voir. Nous nous sommes mis d'accord pour apporter

 13   l'équipement nécessaire le 27 novembre, nous l’avons fait, mais nous

 14   n'avons pas vu la vidéocassette parce que Me Fila et M. Dokmanovic ont

 15   pris une décision différente.

 16   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vu la cassette vidéo

 17   ultérieurement ?

 18   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

 19   M. Williamson (interprétation). - Je m'excuse auprès de Me Fila, je sais

 20   ce que représente le fait d'être de l'autre côté.

 21   Au moment où vous avez vu la vidéocassette, avez-vous reconnu les

 22   localités ?

 23   M. Dzuro (interprétation). - Oui, en général.

 24   M. Williamson (interprétation). - Pendant les trois années durant

 25   lesquelles vous avez travaillé dans le Bureau du Procureur, aviez-vous la


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  1   possibilité de connaître la région de Vukovar ?

  2   M. Dzuro (interprétation). - Oui. Je me suis rendu pour la première fois à

  3   Vukovar en août 1996 parce que je participais à l'exhumation de la fosse

  4   commune. Je m'y suis rendu plusieurs fois depuis pour m'entretenir avec

  5   les témoins.

  6   M. Williamson (interprétation). - Les interprètes vous demandent de ne pas

  7   parler trop vite.

  8   M. Dzuro (interprétation). - Je vais essayer.

  9   M. Williamson (interprétation). - Connaissez-vous bien la région de

 10   Vukovar ?

 11   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

 12   M. Williamson (interprétation). - L'accusation a pu voir la vidéocassette.

 13   Vous avez été chargé par la suite de l'enquête sur la vidéocassette ?

 14   M. Dzuro (interprétation). - Oui, c'est le Procureur qui m'avait chargé de

 15   l'étudier de façon plus détaillée.

 16   M. Williamson (interprétation). - Qu'avez-vous fait par la suite ?

 17   M. Dzuro (interprétation). - J'ai tout d'abord étudié la carte

 18   géographique de la région de Vukovar, le plan de la ville. J'ai essayé de

 19   voir où se trouvait la route qui a été empruntée le 20 novembre par

 20   M. Dokmanovic et le groupe qui l’avait suivi. Ensuite, je me suis rendu

 21   dans le studio de télévision au Tribunal avec mon collègue. J'ai copié la

 22   vidéocassette.

 23   M. Williamson (interprétation). - Je suppose que vous avez copié cette

 24   vidéocassette au moment où les bandes vierges ne manquaient pas ?

 25   M. Dzuro (interprétation). - Oui, effectivement. Je dois m’excuser auprès


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  1   du Tribunal pour la mauvaise qualité de la copie.

  2   M. Williamson (interprétation). - Je vais maintenant vous montrer une

  3   photo. Reconnaissez-vous cette photographie et la localité en question ?

  4   Il s’agit de la pièce à conviction de l’accusation n° 215.

  5   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dzuro, reconnaissez-vous la

  6   photographie ?

  7   M. Dzuro (interprétation). - Oui, c'est effectivement le document qui a

  8   été imprimé. Cette photo montre une séquence 15-36, c'est dans la région

  9   de Vukovar. Il y a également un arbre, des poteaux électriques et deux

 10   poteaux blancs dont je vous parlerai tout à l'heure. C'est important,

 11   c'est la raison pour laquelle j'ai pris ce document imprimé en couleur.

 12   M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous regarder l'autre

 13   photographie ? La pièce à conviction de l'accusation 216 ?

 14   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai toutes les

 15   photographies, mais je vais peut-être vous demander de bien vouloir nous

 16   montrer la photographie précise pour savoir ce que nous regardons, ce que

 17   nous devons voir.

 18   M. Williamson (interprétation). - Je comprends, Maître Fila, et je pense

 19   qu'il serait bon de la montrer sur le rétroprojecteur. Pouvez-vous

 20   revenir, Monsieur Dzuro, à la photographie 215 ? Pouvez-vous nous montrer

 21   le détail dont vous avez parlé tout à l'heure ?

 22   M. Dzuro (interprétation). - J'ai parlé de l'arbre à droite par rapport à

 23   la route, la destination Vukovar - Negoslavci. J'ai également évoqué le

 24   trou dans l'arbre, les poteaux électriques dans les champs et aussi les

 25   poteaux électriques en blanc.


Page 3379

  1   M. Williamson (interprétation). - La photographie suivante, pièce à

  2   conviction de l'accusation 216. Pouvez-vous nous montrer ce qui se trouve

  3   sur cette photo ?

  4   M. Dzuro (interprétation). - Cette photographie a été prise un peu plus

  5   bas par rapport à la route. A droite, il y a l'arbre dont je vous ai

  6   parlé. Mais vous voyez de manière plus distincte les deux poteaux en blanc

  7   et les poteaux électriques à droite par rapport à la route.

  8   M. Williamson (interprétation). - Maintenant, j'aimerais voir la

  9   photographie suivante, pièce à conviction de l'accusation 217. Je vais

 10   demander de bien vouloir les mettre sur le rétroprojecteur pour les voir

 11   distinctement.

 12   M. Dzuro (interprétation). - La photo a été prise à 15 heures 42. On voit

 13   le toit de la maison et également la fenêtre qui est en haut ainsi que le

 14   bus entre la personne qui avait fait la prise de vue et l'arbre dont j'ai

 15   parlé tout à l'heure avec des branches.

 16   M. Williamson (interprétation). - J'aimerais voir maintenant la pièce à

 17   conviction de l'accusation nø 218.

 18   Monsieur Dzuro, en ce qui concerne cette photographie, vous avez la copie,

 19   auriez-vous l'amabilité de nous dire où se trouve l'original ?

 20   M. Dzuro (interprétation). - Oui, j'ai remis l'original à M. Tabbush étant

 21   donné que c'est lui qui l'a utilisé pour son expertise. Je pense qu'il

 22   dispose de l'original.

 23   M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux Juges ce qui

 24   se trouve sur cette photo ?

 25   M. Dzuro (interprétation). - Elle ressemble à la précédente. On voit le


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  1   toit, le bus, la fenêtre entre le cameraman et la maison. On voit

  2   également l'arbre mais sous un angle totalement différent.

  3   M. Williamson (interprétation). - Pourrions-nous voir la pièce à

  4   conviction de l'accusation nø 219 ? Voulez-vous nous expliquer ce qui se

  5   trouve sur cette photo ?

  6   M. Dzuro (interprétation). - C'est pratiquement la même photo que celle

  7   que nous avons vue, mais elle est en noir et blanc. Monsieur Tabbush a

  8   demandé une photo en noir et blanc. On voit mieux les branches de l'arbre.

  9   M. Williamson (interprétation). - La pièce à conviction de l'accusation

 10   nø 220.

 11   M. Dzuro (interprétation). - Il s'agit de la première photographie qui est

 12   floue. Elle montre l'immeuble. Nous avons vu tout à l'heure le toit de la

 13   maison. On voit ici les branches de l'arbre et le bus qui passe entre la

 14   maison et le cameraman.

 15   M. Williamson (interprétation). - Quand on lit la photographie 219-220,

 16   nous ne disposons que de copies, c'est à peu près le même cas. C'est

 17   M. Tabbush qui a les originaux, n'est-ce pas ?

 18   M. Dzuro (interprétation). - Oui, c'est M. Tabbush qui dispose des

 19   originaux.

 20   M. Williamson (interprétation). - La pièce à conviction de l'accusation

 21   nø 221, s'il vous plaît.

 22   Pouvez-vous nous dire ce que nous voyons sur cette photo ?

 23   M. Dzuro (interprétation). - Une fois de plus, il y a la maison, les

 24   fenêtres supérieures, l'arbre et les branches. La différence entre la

 25   photo précédente et celle-ci c'est la qualité de la photo.


Page 3381

  1   M. Williamson (interprétation). - Où avez-vous fait cette photo pour

  2   améliorer la qualité ?

  3   M. Dzuro (interprétation). - Dans le laboratoire.

  4   M. Williamson (interprétation). - Je voudrais voir la dernière

  5   photographie que nous avons enregistrée sous la cote, pièce à conviction

  6   n° 222. Nous avons encore des photocopies et je suppose que l'original se

  7   trouve entre les mains de M. Tabbush ?

  8   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

  9   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dzuro, pouvez-vous nous dire ce

 10   que nous voyons sur cette photo ?

 11   M. Dzuro (interprétation). - C'est la dernière séquence, 15 heures 42.

 12   Vous voyez la route, avec les bus. C'est important, j'attire votre

 13   attention sur ce qui se passe à droite. Vous avez des signaux routiers du

 14   côté de l'arbre et des branches, vous voyez de manière assez claire les

 15   branches.

 16   M. Williamson (interprétation). - Voit-on une étable ou quelque chose de

 17   ce genre-là ?

 18   M. Dzuro (interprétation). - Oui, à droite, mais on a l'impression que

 19   l'on aperçoit autre chose. J'ai l'impression que c'est une remorque ou un

 20   tracteur. Ce n'est pas distinct.

 21   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dzuro, toutes les photos que

 22   nous avons vues à partir de 216 à 222 ont-elles été faites à partir de la

 23   vidéocassette qui est un élément de preuve de la défense ?

 24   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

 25   M. Williamson (interprétation). - Merci. Nous allons verser au dossier


Page 3382

  1   toutes les pièces 216 à 222.

  2   Monsieur Dzuro, vous êtes-vous rendu de nouveau à Vukovar pour vous rendre

  3   compte des localités, des objets que vous avez vus sur la vidéocassette ?

  4   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

  5   M. Williamson (interprétation). - Quand ?

  6   M. Dzuro (interprétation). - Début février 1998.

  7   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous pris les photographies avec

  8   vous à cette époque-là ?

  9   M. Dzuro (interprétation). - Oui, et j'ai même pris la carte géographique.

 10   M. Williamson (interprétation). - Qu'avez-vous fait lorsque vous étiez sur

 11   place à Vukovar pour pouvoir préciser la situation des localités ?

 12   M. Dzuro (interprétation). - Je me suis d'abord rendu au centre de la

 13   ville de Vukovar et, depuis le centre, je suis allé vers le sud, vers

 14   Negoslavci en suivant la route. J'ai donc pu examiner les maisons à gauche

 15   et à droite de la route.

 16   M. Williamson (interprétation). - Au moment où vous vous êtes déplacé vers

 17   Negoslavci, êtes-vous allé jusqu'à Negoslavci ou bien êtes-vous allé à

 18   d'autres endroits ?

 19   M. Dzuro (interprétation). - Je me suis d'abord rendu à Negoslavci,

 20   ensuite à Orolik et Sidski Banovci, en suivant la même route.

 21   M. Williamson (interprétation). - Pendant que vous vous déplaciez entre le

 22   centre de Vukovar et Sidski Banovci, avez-vous vu les localités

 23   différentes que nous voyons sur la vidéocassette ?

 24   M. Dzuro (interprétation). - Oui, je les ai vues.

 25   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous pu comparer les temps, les


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  1   localités entre la vidéocassette et sur la carte géographique ?

  2   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

  3   M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous regarder la carte de la

  4   région de Vukovar et de Negoslavci que nous allons enregistrer sous la

  5   cote 223. C'est la pièce à conviction de l'accusation n° 223.

  6   Je vais demander, une fois de plus, que l'on mette sur le rétroprojecteur

  7   la même carte. Monsieur Dzuro, avez-vous déjà vu cette carte ?

  8   M. Dzuro (interprétation). - Oui, je l'ai vue.

  9   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous reconnu un certain nombre de

 10   localités, avez-vous également pu déterminer quelles étaient ces

 11   localités ?

 12   M. Dzuro (interprétation). - Oui. C'est tout simplement une partie de la

 13   carte que j'ai utilisée étant donné qu'elle montre d'autres localités qui

 14   sont importantes pour mon enquête. J'ai photocopié cette carte et j'ai

 15   marqué des localités différentes sur la carte.

 16   M. Williamson (interprétation). - Je voudrais maintenant vous montrer les

 17   parties différentes de la vidéocassette, pièce à conviction de

 18   l'accusation n° 2, et vous demander de bien vouloir les mettre sur le

 19   rétroprojecteur et surtout de nous montrer ce que vous voulez préciser.

 20   Je sais que ce n'est pas toujours facile parce que vous voyez en même

 21   temps la carte et la photographie, mais vous vous voudrez bien me pointer

 22   cela pour que l'on puisse être sûrs de ce dont on parle. Je pense que l'on

 23   voit bien la carte. Nous sommes au centre de Vukovar et je vous demande de

 24   montrer la vidéocassette, la pièce à conviction n° 2.

 25   Je m'excuse, nous sommes quelque peu en retard, Monsieur le Président,


Page 3384

  1   mais il me semble qu'il est indispensable que l'on soit très clairs lors

  2   de ce témoignage.

  3   (La vidéo est visionnée)

  4   Je pense que nous pourrons revenir à 15 heures 17.

  5   (Poursuite de la vidéo)

  6   Je pense que nous devons regarder cette séquence pour, ensuite, voir le

  7   rétroprojecteur. Pouvez-vous nous expliquer ce que nous avons vu tout à

  8   l'heure ?

  9   M. Dzuro (interprétation). - Il y a un entrepôt vers le nord. J'ai demandé

 10   que l'on arrête la bande ici, étant donné que la route va vers Vukovar. Il

 11   y a un tournant là, pouvez-vous descendre la carte ?

 12   M. Williamson (interprétation). - Je pense que ce sera bien maintenant. Le

 13   véhicule se déplaçait-il vers le nord ?

 14   M. Dzuro (interprétation). - Oui, le véhicule se déplaçait vers le centre

 15   de la ville de Vukovar, vers le nord.

 16   M. Williamson (interprétation). - Nous continuons de visionner la

 17   vidéocassette maintenant.

 18   (La vidéo est visionnée)

 19   Pouvez-vous revenir un petit peu en arrière ? Une fois de plus, pourriez-

 20   vous nous montrer où cela se trouve exactement ?

 21   M. Dzuro (interprétation). - C'est l'emplacement de l'église orthodoxe qui

 22   figure sur la carte à ce niveau.

 23   M. Williamson (interprétation). - C'est donc l'endroit où ils se sont

 24   arrêtés, devant l'église orthodoxe ?

 25   M. Dzuro (interprétation). - Oui, au coin du bâtiment.


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  1   M. Williamson (interprétation). - Peut-on poursuivre la diffusion de la

  2   vidéo ? Sur la carte, je le dis à titre d'éclaircissement, l'église

  3   orthodoxe figure sous l'aspect d'un point rouge juste avant l'interruption

  4   de la carte. C'est bien cela ?

  5   M. Dzuro (interprétation). - Oui, en effet.

  6   M. Williamson (interprétation). - Peut-on continuer la diffusion de la

  7   vidéo ?

  8   (La vidéo est visionnée de nouveau)

  9   Je demanderai que l'on avance la vidéo jusqu'au point 15 heures 30.

 10   Monsieur Dzuro, est-il permis de dire qu'entre 15 heures 20 et

 11   15 heures 30, le groupe se trouve dans le centre de Vukovar et juste à la

 12   droite de la zone que l'on a vue sur la carte ?

 13   M. Dzuro (interprétation). - Oui, c'est exact.

 14   M. Williamson (interprétation). - Peut-on maintenant en arriver au point

 15   15 heures 30, au moment où le véhicule quitte le centre de Vukovar ?

 16   Montrez-nous l'itinéraire qui a été suivi au moment du retour vers le sud,

 17   je vous prie ?

 18   (La cassette vidéo est visionnée à nouveau)

 19   M. Dzuro (interprétation). - Peut-on a arrêter ici ?

 20   M. Williamson (interprétation). - Retour à la carte, je vous prie.

 21   M. Dzuro (interprétation). - Là encore, on voit l'église orthodoxe qui est

 22   maintenant sur la gauche de la route, puisque la voiture va vers

 23   Negoslavci, c'est-à-dire vers le sud, mais c'est la même église. Ce point

 24   rouge sur la carte.

 25   M. Williamson (interprétation). - Peut-on poursuivre la diffusion ?


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  1   (La vidéo est visionnée)

  2   M. Dzuro (interprétation). - Peut-on arrêter la diffusion et revenir un

  3   peu en arrière s'il vous plaît ? Stop.

  4   M. Williamson (interprétation). - Peut-on nous montrer la carte, je vous

  5   prie ?

  6   M. Dzuro (interprétation). - La voiture se déplace en suivant cette route

  7   vers le sud, et ce que l'on voit sur la gauche est une chapelle que l'on

  8   voit au niveau de ce croisement.

  9   M. Williamson (interprétation). - La chapelle, encore une fois, se trouve

 10   sur la carte sous l'aspect d'un point rouge ?

 11   M. Dzuro (interprétation). - Oui, en effet.

 12   M. Williamson (interprétation). - Poursuivons la diffusion de la vidéo.

 13   (La cassette vidéo est diffusée)

 14   M. Dzuro (interprétation). - Arrêtons la diffusion. Je peux continuer ?

 15   M. Williamson (interprétation). - Oui, je vous prie.

 16   M. Dzuro (interprétation). - La caméra regarde dans cette direction, vers

 17   la rue, et la voiture de la Croix-Rouge est garée au coin, à ce carrefour.

 18   M. Williamson (interprétation). - Peut-on poursuivre la diffusion ?

 19   (Poursuite de la vidéo)

 20   M. Dzuro (interprétation). - Arrêtons la diffusion.

 21   M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous nous dire où se trouve ce

 22   point sur la carte ?

 23   M. Dzuro (interprétation). - L'arbre que j'ai montré sur la photographie,

 24   sur le cliché tout à l'heure, se trouve ici.

 25   M. Williamson (interprétation). - Vous parlez de cet arbre qui est


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  1   représenté par un trou, c'est bien cela ?

  2   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

  3   M. Williamson (interprétation). - Je vous renvoie encore une fois à la

  4   carte et je demande que l'on reprenne la diffusion de la vidéo.

  5   (La vidéo reprend)

  6   M. Dzuro (interprétation). - Arrêtons-nous ici. C'est le toit de la maison

  7   dont j'ai parlé lorsque je discutais des clichés.

  8   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dzuro, peut-être peut-on

  9   revenir au point correspondant à 15 heures 36 sur la vidéo et nous y

 10   arrêter ? Un peu plus loin en avant, je vous prie, après l'arbre, je

 11   crois... Peut-on s'arrêter ici ? Ce que nous voyons ici ressemble beaucoup

 12   à l'un des clichés qui a déjà été présenté aux Juges, n'est-ce pas ?

 13   M. Dzuro (interprétation). - C'est exact, en effet.

 14   M. Williamson (interprétation). - Cet endroit que l'on voit à l'image

 15   correspondant à 15 heures 36, pouvez-vous nous montrer où se trouve cet

 16   endroit sur la carte, où se trouve cette image de la vidéo correspondant à

 17   l'horaire 15 heures 36, mais sur la carte ?

 18   M. Dzuro (interprétation). - Je l'ai indiqué sur la carte, ici.

 19   M. Williamson (interprétation). - Après cette scène qui correspond à

 20   l'indication de temps 15 heures 36, y a-t-il des maisons entre ce point

 21   particulier et Negoslavci ?

 22   M. Dzuro (interprétation). - Non, il n'y a plus de maison, ni sur la

 23   gauche, ni sur la droite de la route.

 24   M. Williamson (interprétation). - Donc Negoslavci est le premier village

 25   que l'on trouve après être sorti de Vukovar, n'est-ce pas ?


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  1   M. Dzuro (interprétation). - Si vous poursuivez sur cette même route,

  2   effectivement.

  3   M. Williamson (interprétation). - Dans quelle direction se trouve

  4   Negoslavci par rapport à Vukovar ?

  5   M. Dzuro (interprétation). - Au sud.

  6   M. Williamson (interprétation). - Je pense que l'indication suivante après

  7   15 heures 36, l'indication suivante est celle de 15 heures 42, n'est-ce

  8   pas ?

  9   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

 10   M. Williamson (interprétation). - Je demanderai que l'on avance sur la

 11   vidéo jusqu'à l'indication horaire de 15 heures 42.

 12   (Poursuite de la vidéo)

 13   M. Dzuro (interprétation). - Arrêtons-nous ici et revenons un peu en

 14   arrière.

 15   M. Williamson (interprétation). - Que voit-on sur cette image qui

 16   correspond à l'indication horaire de 15 heures 42, que se passe-t-il ?

 17   M. Dzuro (interprétation). - Vous voyez les autobus qui viennent de

 18   Vukovar au sud, sur la route entre Vukovar et Negoslavci.

 19   M. Williamson (interprétation). - Pour que les choses soient tout à fait

 20   claires, ces bus viennent-ils de Vukovar et se dirigent-ils vers le sud ?

 21   M. Dzuro (interprétation). - Oui, c'est exact.

 22   M. Williamson (interprétation). - Etes-vous arrivé à déterminer à quel

 23   endroit cela a été filmé ?

 24   M. Dzuro (interprétation). - Oui.

 25   M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous nous indiquer sur la carte


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  1   exactement où vous avez placé le segment qui correspond à l'indication

  2   horaire de 15 heures 42 ?

  3   M. Dzuro (interprétation). - C'est ici, sur la carte. J'ai inscrit à côté

  4   "emplacement déterminé comme correspondant à 15 heures 42".

  5   M. Williamson (interprétation). - Comment avez-vous défini que c'était

  6   bien là que se situe cet emplacement ? Peut-on revenir à la vidéo, ce sera

  7   peut-être utile ?

  8   Vous ne pourrez pas pointer, il faudra que vous le décriviez, je le

  9   crains. Mais si vous voulez utiliser le cliché tiré à partir de la vidéo,

 10   vous pouvez utiliser le pointeur sur le cliché.

 11   M. Dzuro (interprétation). - Ce sera peut-être utile.

 12   M. Williamson (interprétation). - Je crois que le cliché qui correspond à

 13   cette partie de la vidéo est la pièce à conviction de l'accusation n° 222.

 14   Encore une fois, Monsieur Dzuro, je vous demande quelles sont les

 15   caractéristiques que vous avez étudiées, qui vous ont permis de déterminer

 16   l'emplacement que nous voyons sur la vidéo au niveau de l'emplacement

 17   horaire 15 heures 42 ? Qu'est-ce qui vous permet de dire que cela se situe

 18   sur le point que vous avez indiqué sur la carte ?

 19   M. Dzuro (interprétation). - D'abord, je me référerai aux clichés. Le

 20   bâtiment que l'on voit sur le côté droit de la route lorsque l'on va de

 21   Vukovar à Negoslavci est un bâtiment en brique qui fait face à la route,

 22   il y a des arbres devant. Puis, on voit ce pylône électrique, l'arbre qui

 23   domine les autobus, le panneau routier et un bâtiment blanc qui ressemble

 24   à un petit abri.

 25   M. Williamson (interprétation). - J'aimerais maintenant que l'on examine


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  1   la pièce à conviction de l'accusation n° 217 et que vous parliez de ce

  2   petit bâtiment avec cette sorte d'abri sur le devant. Pouvez-vous les

  3   situer sur la carte à l'aide du rétroprojecteur et du pointeur ? Pouvez-

  4   vous nous dire les caractéristiques qui vous ont permis d'identifier cet

  5   emplacement ?

  6   M. Dzuro (interprétation). - Il y a le toit du bâtiment, ce triangle qui

  7   fait face à la route, les arbres très proches du bâtiment.

  8   M. Williamson (interprétation). - Dans votre tentative de localisation de

  9   cet emplacement, vous êtes-vous rendu sur d'autres lieux que simplement

 10   Vukovar ?

 11   M. Dzuro (interprétation). - Oui, j'ai poursuivi le voyage jusqu’à

 12   Negoslavci en passant par Sidski Banovci. J’ai fait la même chose qu'à

 13   Vukovar. J'ai inspecté la gauche et la droite de la route et j’ai essayé

 14   de localiser d’autres bâtiments, mais également les arbres, les pylônes

 15   électriques, les poteaux téléphoniques qui auraient pu me donner une

 16   indication.

 17   M. Williamson (interprétation). - En vous rendant à Negoslavci, à Orolik,

 18   en haut et en bas de la route menant à Vukovar, avez-vous trouvé d'autres

 19   endroits où tous ces facteurs étaient associés ?

 20   M. Dzuro (interprétation). - Non, car il n'y en avait pas.

 21   M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous avez traversé Negoslavci,

 22   qu’y avez-vous trouvé de différent, de distinctif par rapport à ce que

 23   nous voyons sur cette séquence vidéo ?

 24   M. Dzuro (interprétation). - On le voit sur la vidéo que j'ai filmée. Sur

 25   la droite et la gauche de la route, il y a un fossé avec des sortes de


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  1   petits ponts renforcés pour faire passer les véhicules. Puis, il y a un

  2   grand arbre à Negoslavci qui n'apparaît pas sur cette photo. Les bâtiments

  3   sont à une distance plus importante. Il y a aussi des lignes électriques

  4   que l'on ne voit pas ici.

  5   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dzuro, si l'on se dirige vers

  6   le sud à partir de Vukovar, c'est-à-dire dans la direction de Negoslavci

  7   et vers l'emplacement qui correspond à l’indication horaire 15 heures 36,

  8   est-il possible de se rendre de cet emplacement jusqu’à l’emplacement

  9   correspondant à l’indication horaire 15 heures 42 sans faire le moindre

 10   arrêt ?

 11   M. Dzuro (interprétation). - Non, c'est impossible.

 12   M. Williamson (interprétation). - En fait, pour le faire, il faut prendre

 13   un virage à 180 degrés, n'est-ce pas ?

 14   M. Dzuro (interprétation). - Oui, en effet.

 15   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, il est 17 heures,

 16   nous avons encore beaucoup de questions à poser, je pense donc que ce

 17   serait un moment approprié pour interrompre nos travaux.

 18   M. le Président (interprétation). - Nous suspendons l'audience et nous

 19   reprendrons nos travaux demain à 10 heures 15.

 20   L'audience est levée à 17 heures.

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