Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 5 novembre 2003

2 [Audience sentencielle]

3 [Audience publique]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Mesdames, Messieurs, bonjour,

7 prenez place, je vous en prie. Je souhaite demander à Mme l'Huissière

8 d'audience de nous donner le numéro de l'affaire.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

10 Monsieur le Juge. Affaire IT-94-2-S. Le Procureur contre Dragan Nikolic.

11 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] L'Accusation peut-elle se

12 présenter.

13 M. YAPA : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, pour

14 l'Accusation aujourd'hui, Upawansa Yapa, avec Patricia Sellers, M. William

15 Smith, et Melle Diane Boles, notre assistante. Je vous remercie.

16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Yapa.

17 La Défense.

18 L'INTERPRÈTE : Le micro n'était pas allumé et le canal n'était pas bien

19 ajusté pour l'accusé.

20 M. MORRISON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, je suis

21 Howard Morrison, et avec moi, Tanja Radosavljevic pour l'accusé M. Dragan

22 Nikolic. Et je tiens à dire que nous sommes reconnaissants à Mme Le Juge

23 Mumba d'être présente aujourd'hui dans le prétoire, et j'espère qu'elle se

24 rétablira très vite.

25 Mme LA JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie.

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1 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Comme vous l'avez dit hier, les

2 questions de santé sont toujours prioritaires, mais nous sommes tout

3 particulièrement reconnaissants à Mme le Juge Mumba d'avoir pu venir

4 assister à l'audience d'aujourd'hui.

5 Madame l'Huissière, je souhaiterais que l'on fasse entrer le témoin expert

6 dans le prétoire avant que je ne fasse quelques observations liminaires.

7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

8 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Bonjour, Monsieur le professeur

9 Sieber. Je vous remercie d'être venu à La Haye afin d'apporter votre

10 assistance à cette Chambre et aux parties présentes dans cette affaire. Je

11 vous prie de prononcer la déclaration solennelle pour commencer.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirais la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: ULRICH SIEBER [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je vous en prie,

17 prenez place.

18 Avant de commencer, pour que tout soit communiqué, je tiens à vous donner

19 quelques informations au sujet de la réunion en application de l'Article 65

20 ter que nous avons tenue donc hier à 14 heures sur la demande de la

21 Défense.

22 On comprendra facilement que, compte tenu du volume, de l'importance de ce

23 rapport et compte tenu que nous avons reçu hier une annexe en plus, une

24 requête à été formulée afin que l'on puisse se pencher sur les détails, si

25 nécessaire. Sur les détails quant à la teneur de ce rapport. Nous en sommes

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1 arrivés à la conclusion que, d'une part, les deux parties ont le droit de

2 déposer des écritures avant le 24, lundi à 12 heures, et ces écritures

3 seront prises en compte dans la détermination de la sentence. Toutefois, je

4 souligne le fait que les parties ont encore une fois renoncé au droit de

5 contre-interroger le témoin ainsi que leur droit d'appliquer la règle de 30

6 jours. Il me semble qu'il s'agit d'un compromis tout à fait correct, et les

7 deux parties ont accepté ce procédé. Nous procéderons donc ainsi.

8 Nous avons donc, sous les yeux, un rapport extrêmement volumineux et

9 exhaustif. Et bien entendu, nous n'allons pas reprendre le contenu de ce

10 rapport lors de la déposition d'aujourd'hui. Permettez-moi d'apporter

11 quelques éléments de précision.

12 Alors quel est l'objectif de ce rapport ? L'Article 100 nous permet de

13 recevoir des éléments de preuve qui peuvent aider la Chambre de première

14 instance dans la détermination de la peine. C'est la raison pour laquelle

15 la Chambre a décidé, dans son ordonnance portant au calendrier du 25

16 septembre 2003, de demander à un expert de nous éclairer sur certaines

17 questions puisque ce Tribunal, qui est une instance ad hoc, se doit

18 d'arriver à adopter une politique de détermination de peine cohérente.

19 Et il ne fait aucun doute que nous avons besoin de recevoir quelques

20 éléments d'information supplémentaire à cette fin. Donc nous avons essayé

21 de nous adresser à des experts, tout d'abord au Pays-Bas. Ceci n'a pas été

22 possible compte tenu des délais extrêmement courts. Et nous avons demandé à

23 quelques autres experts de venir au Tribunal. Ces experts n'étaient pas

24 prêts à venir déposer ou à exécuter ce travail aussi important. Par

25 conséquent, nous tenons à exprimer notre reconnaissance à l'institut Max-

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1 Planck, qui est représenté ici en la personne du professeur, le docteur

2 Ulrich Sieber, son directeur, qui a été prêt à rédiger ce rapport en très

3 peu de temps.

4 Dans l'ordonnance portant au calendrier, il est dit que ce rapport doit se

5 polariser sur la grille des peines prévues pour des crimes qui sont

6 reprochés dans l'acte d'accusation auxquels l'accusé a plaidé coupable. Et

7 donc il s'agit de la grille des peines en applications dans les états du

8 territoire de l'ex-Yougoslavie, les états membres du Conseil de l'Europe et

9 d'autres systèmes juridiques importants. Le rapport n'était pas sensé

10 contenir la moindre référence aux circonstances atténuantes ou aggravantes.

11 Et la pratique qui nous intéressait était la pratique des peines en

12 relation aux crimes pratiqués par des tribunaux des états et, si possible,

13 la pratique du prononcé des peines dans les états qui ne sont ceux du

14 territoire de l'ex-Yougoslavie, mais les états mentionnés ci-dessus en

15 plus.

16 Ceci a été demandé afin donc de recevoir des éléments complémentaires et

17 non pas afin de recevoir des conclusions. Ceci ne peut être utilisé que

18 comme des lignes directrices dans la détermination de la peine appropriée.

19 Et par conséquent, nous avons considéré que ceci -- qu'il nous était utile

20 de connaître la pratique des peines, en particulier dans les pays du

21 territoire de l'ex-Yougoslavie, puisqu'il est tout à fait clair qu'il ne

22 devrait pas y avoir une discordance trop important entre la pratique de ce

23 Tribunal et les décisions qui sont prononcées sur le territoire de l'ex-

24 Yougoslavie, dans les pays issus de l'ex-Yougoslavie.

25 Un deuxième point, il nous faut également prendre en considération le fait

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1 que les crimes et les infractions dont il s'agit ici, ne sont pas seulement

2 des crimes qui intéressent pratiquement tous les états membres des Nations

3 Unies, mais aussi plus d'une centaine de pays membres des Nations Unies

4 connaissent les mêmes crimes. Et il s'agit de se conformer au principe de

5 complémentarité de la Cour pénale internationale. Il est donc important de

6 connaître cela plus en détail. Tout d'abord sur la gravité des peines, pour

7 ce qui est du meurtre et du viol en particulier que ce soit en temps de

8 paix ou en temps de guerre. Et dans toute la mesure du possible, aussi en

9 ce qui concerne la torture. Pour ce qui est des persécutions, ce Tribunal a

10 déjà une jurisprudence tout à fait correcte, lui permettant de connaître

11 les éléments additionnels de l'infraction ou du crime, à savoir l'intention

12 discriminatoire.

13 Questions de la Cour :

14 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Par conséquent, je m'adresse à

15 vous, Monsieur le professeur Sieber, afin de nous présenter la situation en

16 Bosnie-Herzégovine, la Républika Srpska peut-être, en nous signalant ce qui

17 est au-dessus des lois des entités -- ou est-ce la loi des entités ou la

18 loi de l'état qui a la primauté. Je vous prie de nous parler de la grille

19 des peines, de la pratique des peines également. Et par la suite, de vous

20 penchez sur les principes ou facteurs atténuants ou aggravants, de manière

21 générale et non en particulier. Donc comment ont-ils pris en compte non

22 seulement dans les pays du territoire de l'ex-Yougoslavie, mais aussi dans

23 d'autres systèmes juridiques importants, en particulier ceux qui sont

24 pertinents pour notre affaire à savoir s'agissant du plaidoyer de

25 culpabilité. Et là, où il n'y a pas d'institution juridique de plaidoyer de

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1 culpabilité, ce qui en est de la confession, donc quelle est l'importance

2 qui est accordée à la coopération avec le Procureur. Les juges sont-ils

3 ceux qui apprécient cette coopération où est-ce le Procureur ?

4 Et enfin s'agissant des facteurs aggravants quelle est la responsabilité

5 en l'espèce, quelle est la position -- quel est le poids des postes de

6 supérieurs hiérarchiques, donc lorsqu'il s'agit comme ici, d'un commandant

7 d'un camp par rapport aux détenus et quels sont d'autres facteurs

8 aggravants.

9 Donc il me semble que c'est cela le cadre de votre rapport mais je souhaite

10 vous demander de commencer par nous préciser l'activité de l'institut Max-

11 Planck de Freiburg. Nous avons -- nous ne souhaitons pas avoir la fausse

12 impression qu'il s'agit du travail qui n'est mené que par une seule

13 personne ou un, ou deux assistants, il y a ici toute une série de noms et

14 de références à la fin de ce rapport. Et peut-être serait-il utile de

15 savoir comment fonctionne, comment travaille cet institut, sur quoi se

16 fonde-t-il dans son travail.

17 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge, s'agissant de votre

18 dernière question, permettez-moi de dire que l'institut Max-Planck est une

19 institution de recherches indépendantes. C'est un institut autonome qui a

20 une particularité à savoir qu'il se penche à la fois sur les effets

21 juridiques et criminologiques et second facteur important est que nous

22 avons un département à part qui s'occupe des questions juridiques en

23 particulier. Donc à chaque fois, on nous adresse une question, une question

24 qui émane d'un Tribunal nous pouvons nous adresser à des experts, des

25 spécialistes qui travaillent dans notre institut et nous avons tout un

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1 réseau de collaborateurs à qui nous pouvons également nous adresser si nos

2 propres employés, nos propres chercheurs ne peuvent pas répondre à cette

3 question.

4 Je tiens à vous présenter cela de manière peut-être plus claire en citant

5 l'exemple de la recherche que nous avons menée pour ce Tribunal. Je

6 voudrais tout d'abord présenter une petite introduction. S'agissant de

7 l'objectif et de la portée de cette recherche et dans un deuxième temps, je

8 voudrais parler davantage des méthodes de recherches que nous avons

9 appliquées, je voudrais tout particulièrement vous illustrer par là, plus

10 concrètement le travail de l'institut Max-Planck et dans un troisième temps

11 et dans la partie la plus importante de ce rapport je voudrais vous

12 présenter les résultats de notre recherche.

13 Alors permettez-moi de commencer par l'ordonnance portant au calendrier qui

14 a été prononcé par la Chambre de première instance de ce Tribunal. On nous

15 a demandé de fournir deux types d'informations, d'une part des informations

16 sur les dispositions législatives concernant les peines et d'autre part sur

17 la pratique du prononcé des peines. Donc d'une part des aspects normatifs

18 que nous pouvons trouver dans des textes et c'est la partie dont s'est

19 occupée l'institut Max-Planck en particulièrement son département chargé de

20 la loi pénale et puis d'autre part, on nous a demandé de répondre au sujet

21 de la pratique du prononcé des peines ceux qui demandent des informations

22 empiriques et donc des informations qu'on ne peut pas trouver dans des

23 textes, dans des livres mais il faut mener une recherche criminologique et

24 c'est la partie qui a été avant tout prise en charge par le département de

25 criminologie de l'institut Max-Planck.

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1 Alors je voudrais voir sur mon écran l'ordre portant -- l'ordonnance

2 portant au calendrier du Tribunal afin de pouvoir suivre ce que je suis en

3 train de dire. Donc la deuxième requête concernait deux régions. D'une part

4 le territoire de l'ex-Yougoslavie et d'autre part d'autre pays. En

5 particulier, les pays membres du conseil de l'Europe. L'Article 24 du

6 statut du Tribunal fournit la possibilité à "la Chambre de se référer à la

7 pratique générale concernant le prononcé des peines de prison dans les

8 Tribunaux de l'ex-Yougoslavie." De manière semblable comme cela est stipulé

9 à l'Article 101 du règlement de procédures et de preuves de ce Tribunal. La

10 Chambre de première instance est en droit de consulter ces éléments.

11 Alors en se fondant sur les dispositions de ces articles que nous allons

12 interpréter, l'ordonnance portant au calendrier. Et notre première question

13 était la suivante, donc quelle période devait être couverte ? Devons-nous

14 de nous occuper de la situation en 1992 au moment où les actes ont été

15 commis ou plutôt est-ce la situation en 2003 qui nous intéresse ? Ou plutôt

16 la situation en 1992 modifiée par des amendements qui ont été apportés par

17 la suite au texte des lois.

18 Et des questions semblables se sont posées au sujet de la pratique

19 pertinente. La question a été donc devons-nous nous intéresser aux

20 Tribunaux qui se trouvent là où les actes ont été commis donc en

21 particulier à la Bosnie-Herzégovine et à plus particulièrement à l'entité

22 serbe ou bien, faut-il chercher à savoir en moyenne comment agissent les

23 Tribunaux dans toutes ces républiques.

24 Et une question supplémentaire s'est posée à savoir quel poids à accorder à

25 la loi applicable sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et aux textes de

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1 lois dans les autres pays.

2 Donc nous avons considéré qu'il appartient à la Chambre de répondre à ces

3 questions et qu'il nous appartient à nous pour notre part de faire en sorte

4 de présenter des informations de telles manières que vous puissiez vous

5 référer à chacune des questions en particulier pour trouver dans notre

6 rapport des informations au sujet des différents moments d'un point

7 chronologique au sujet des différentes pratiques pertinentes et les

8 différentes législations. Donc nous souhaitons laisser à la Chambre la

9 liberté de répondre à ces questions.

10 L'ordonnance portant au calendrier ne nous permettait pas de travailler

11 sur une durée importante et nous a donné plutôt très peu de temps, lorsque

12 nous avons été notifié de l'ordonnance portant au calendrier il nous

13 restait à peu près trois semaines donc nous avons décidé de consacrer une

14 semaine au recueil d'informations et à l'éboration du conseil du travail en

15 particulier aux entretiens avec les autres entités, une deuxième semaine a

16 été consacrée à l'analyse de l'information puis la troisième semaine enfin

17 à la préparation du rapport. Donc nous l'avons dactylographié, relu,

18 imprimé et envoyé.

19 Donc nous avons eu très peu de temps, ceci a influé sur les résultats de

20 l'étude, nous fondons sur les normes de recherches de l'institut Max-Planck

21 nous aurions eu besoin de beaucoup de temps c'est quelque chose que Max-

22 Planck, fait régulièrement donc généralement on lance d'abord une étude

23 pilote, puis après on réexamine les éléments fondamentaux qui régissent

24 l'étude. Nous n'avons pas eu le temps de le faire et c'est la raison pour

25 laquelle je ne vais pas vous présenter une étude comme nous en faisons

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1 d'habitude à l'institut Max-Planck ce qui nous aurait demandé six mois à un

2 an. Maintenant, je pense que je peux vous présenter une étude pilote tout à

3 fait solide qui vous montre les résultats de notre recherche de ce que nous

4 avons pu faire en si peu du temps. Et c'est la raison donc pour laquelle

5 nous avons accepté de conduire ce travail puisque nous pensions que ces

6 informations étaient importantes à la Chambre.

7 Alors quelle a été la méthode de recherche ? Quelle méthode devons-nous

8 appliquer ? Je tiens à faire tout d'abord une distinction entre les

9 recherches sur le plan normatif et empiriques comme je l'ai déjà signalé.

10 Alors les recherches sur des questions normatives, c'est le problème qui

11 s'y est posé, c'est comment choisir le pays sur le territoire de l'ex-

12 Yougoslavie tout d'abord et puis pour ce qui est des autres pays.

13 Alors en Yougoslavie donc, et nous nous intéressons au territoire de l'ex-

14 Yougoslavie en 1994 cela signifie que le cadre juridique qui sera

15 pertinent, est celui qui a été mis en place en 1976 et 1977 à l'époque de

16 la République socialiste fédératif de Yougoslavie. Alors, c'est non

17 seulement l'année 1992 qui nous intéresse, mais aussi la situation qui

18 prévaut aujourd'hui, nous avons fait des recherches pour ce qui est de la

19 situation et là, je vais procéder dans l'ordre alphabétique. La situation

20 en Croatie, en Bosnie-Herzégovine ou la situation doit être différenciée

21 entre la législation et la fédération et la législation en place dans la

22 Republika Srpska. Et nous avons essayé aussi d'examiner la situation en

23 Serbie Montenegro et en Macédoine. Donc, nous avons fait du mieux que nous

24 pouvions vu le temps dont nous disposions.

25 Maintenant, pour ce qui est des états membres du conseil de l'Europe, nous

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1 avons essayé de prendre en compte au tant de pays que possible au moyen des

2 méthodes fiables, en nous appuyons sur les experts maisons ou bien sur des

3 partenaires fiables qui pouvaient nous donner des informations sur ces

4 pays. Voici la liste de ces pays à l'écran : Autriche, Belgique,

5 Angleterre, France, Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Fédération Russe,

6 Espagne, Suisse, et Turquie.

7 De plus, nous avons également pris en compte d'autres pays représentatifs

8 sur la planète et nous avons choisi le Canada, les Etats-Unies d'Amérique,

9 l'Argentine, le Brésil, le Chili, le Mexique en Amérique du Sud. La Côte

10 d'Ivoire, l'Afrique du Sud en Afrique, en Asie, la Chine ainsi que

11 l'Australie. Pour donner un tableau représentatif d'image représentative de

12 la situation avec soit l'aide de nos experts maisons, soit de nos

13 partenaires.

14 Maintenant, comment faut-il comprendre les résultats de notre étude ? Et

15 bien, pour cela, il est absolument essentiel de se pencher sur la méthode

16 de comparaison juridique que nous avons employée pour préparer ce rapport.

17 Quand on procède à un droit comparatif, il y a deux méthodes qu'on peut

18 utiliser, comme on peut le voir à l'écran. La première méthode, c'est une

19 méthode qui s'appuie sur le droit, et la deuxième méthode s'appuie sur les

20 affaires individuelles. Quand on se livre à un exercice de droit

21 comparatif, et que l'on s'appuie sur la comparaison du droit, on compare

22 des statuts, des lois, par exemple on pourrait comparer ce qu'il en est du

23 meurtre dans un pays donné, et la manière dans ce crime est abordé dans un

24 autre pays. Cette méthode fait un certain nombre de difficultés quand on

25 l'emploie parce que les éléments, les problèmes qui dans un pays -- qui

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1 sont traités dans un pays, sont souvent présentés dans le chapeau d'une loi

2 ou d'un règlement de manière différente. Il arrive donc par exemple que les

3 questions que l'on aborde dans un pays. A sous le titre de viole, soit

4 considéré dans un autre comme une agression sexuelle aggravée et cetera.

5 Ou bien pour vous donner un autre exemple, si on parle du crime contre

6 l'humanité, il est possible que dans certains systèmes juridiques, les

7 crimes contre l'humanité ne soient pas prévus ou les crimes contre

8 l'humanité ne soient pas prévus en tant que meurtre. Donc, dans notre

9 travail comparatif, si on c'était seulement référé à des statuts, à des

10 lois existantes, et bien il pourrait arriver que dans un tel pays, dans un

11 pays il n'y est pas de lois correspondantes, et que l'infraction en

12 question soit considérée non pas comme un crime contre l'humanité mais

13 comme un meurtre. Mais étant donné qu'il n'y a pas de lois, de statuts, de

14 lois statutaires concernant le crime contre l'humanité, à ce moment-là la

15 réponse en utilisant cette méthode serait et bien il n'y a pas de crime

16 contre l'humanité et que les crimes contre l'humanité ne sont pas

17 fonctionnels dans ce pays. Bien entendu ce n'est pas là, une réponse

18 adéquate à la question à laquelle on nous a demandé de répondre et à la

19 mission qui nous a été confiée en vertu de l'ordonnance portant calendrier.

20 C'est pourquoi, il nous a paru plus judicieux du moins pour certains

21 passages de ce rapport, il nous a paru plus judicieux d'aborder une méthode

22 de droit comparative sur la base des affaires en examinant l'aboutissement

23 de diverses affaires en utilisant cette méthode, nous n'allions pas

24 comparer les lois de pays à pays, mais nous allions comparer

25 l'aboutissement de diverses affaires. Le point de départ pour cette méthode

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1 ce n'est pas l'examen d'un statut ou d'une loi donnée crime contre

2 l'humanité par exemple, mais on prend un exemple concret A tue B ou moyen

3 d'une barre de fer, il avait l'intention de le tuer et cetera, qu'est ce ça

4 donne dans tel ou tel pays.

5 Pour décider entre le choix de ces deux méthodes suivant les différents

6 pays de l'ex-Yougoslavie, et les autres pays, nous avons procédé de la

7 sorte. Pour l'ex-Yougoslavie nous avons comparé le droit qu'il y existait

8 dans ce pays, et dans les pays qui ont succédé, en plus d'une recherche

9 empirique de la deuxième catégorie parce que nous n'avons eu que très peu

10 de temps pour nous entretenir avec des juges par exemple, mais aussi pour

11 avoir une vision plus large de la situation.

12 Pour ce qui est des autres pays, nous avons comparé le droit au cas par

13 cas. Nous avons donné à chacun des responsables par pays un exemple type et

14 leur avons demandé qu'est-ce qui ce serait passé ? Quel aurait été

15 l'aboutissement du jugement de ce crime dans votre pays ? Et quelle

16 disposition de droit aurait été applicable ? Le questionnaire pour chacun

17 des experts spécialistes dans un pays, était le suivant : nous avons

18 commencé par poser les questions générales. On a demandé aux experts de

19 donner des informations au sujet des peines prononcées pour les infractions

20 graves et les peines criminelles graves. Les facteurs qui entrent en jeu

21 dans la détermination de la peine effective, les variations qui sont

22 entraînées dans la détermination de la peine, suivant le rôle de l'accusé.

23 Est-il l'auteur principal du crime ou est-il un complice ? Les variations

24 de la peine due à un plaidoyer de culpabilité, la modification de la peine

25 après son imposition ainsi que la modification après son imposition avec

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1 mise en liberté provisoire, amnistie, et cetera.

2 Deuxième partie de notre questionnaire normatif, il avait trait à chacun

3 des pays en particulier, avec deux variations. Pour tenir compte du cas du

4 plaidoyer de culpabilité. Donc nous avons donné à nos experts à examiner

5 deux variations pour le premier cas de meurtre, deux pour le cas de

6 torture, trois cas de figure pour les violations sexuelles, et trois cas de

7 figure pour le chef de persécution. Et pour chacune de ces cas de figure,

8 la personne chargée du pays concerné devait nous fournir les textes de loi

9 qui, d'après elle, s'appliqueraient dans son pays de référence, la grille

10 des peines ou la fourchette des peines applicables.

11 Dans ce questionnaire, nous avons également interrogé nos experts sur les

12 modifications qui sont entrées en jeu. La situation en 1992 et la situation

13 aujourd'hui. En dehors de ces changements qui -- dû à l'affût du temps.

14 Nous leur avons demandé si une peine serait modifiée dans leur système

15 juridique suite à un plaidoyer de culpabilité. Nous leur avons également

16 demandé s'il y aurait une modification de la peine, si le crime était

17 considéré comme un crime contre l'humanité ou comme un crime de droit

18 commun, comme le meurtre ou le viol.

19 S'agissant du deuxième aspect de notre travail, la recherche empirique,

20 nous n'avons pu réaliser cette recherche dans tous les pays. Nous nous

21 sommes concentrés sur cela dans les pays de l'ex-Yougoslavie et nous avons

22 réalisé un questionnaire empirique pour les juges avec lesquels nous nous

23 sommes entretenus en ex-Yougoslavie.

24 Ce questionnaire était différent de celui qui avait été adressé à nos

25 experts maison ou partenaires parce que nous avons tenu compte du fait que

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1 ces juges avaient très peu de temps et qu'il nous a été difficile, en une

2 semaine, de trouver des juges disponibles. Et nous sommes partis du

3 principe que nous pourrions obtenir une entrevue de 30 à 60 minutes avec

4 les juges. Donc nous avons fait en sorte que notre questionnaire ne soit

5 pas trop complexe. Dans ce questionnaire, nous avons d'abord abordé

6 certains aspects normatifs pour diverses raisons. Cela nous a permis de

7 nous faire une idée de la situation juridique dans l'entité concernée. Cela

8 nous a permit également de nous faire une idée du niveau de connaissance

9 des juges interrogés. Et l'autre raison de cette façon de procéder, c'était

10 de demander aux juges de réfléchir au système juridique dans lequel ils

11 opéraient avant de nous donner une peine.

12 Si bien que nous avons d'abord demandé aux juges quelles étaient les peines

13 maximales qui pourraient être prononcées dans leur système, quels étaient

14 les critères qui étaient pris en compte au moment de déterminer la peine,

15 quelles étaient les dispositions prévues pour le meurtre, la torture, le

16 viol et les infractions cumulées. Ainsi que -- et nous les avons également

17 interrogés sur les différences des peines prononcées entre 1992 et 2003.

18 Dans un deuxième temps, dans ce questionnaire, nous avons interrogé les

19 juges sur leur expérience dans le prétoire. Nous ne souhaitions pas

20 simplement leur demander de -- leur appréciation sur des cas de figure

21 théoriques, mais nous avons voulu savoir quelle avait été la nature de leur

22 travail jusqu'à la date présente.

23 Si bien que nous avons voulu savoir quelle était leur expérience concrète

24 dans le prétoire en matière de viols, de meurtres, de tortures et de peines

25 cumulées -- d'infractions cumulées. Nous avons voulu savoir combien de

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1 peines, ils avaient déjà prononcées pour un crime de meurtre, par exemple,

2 et quelle avait été la peine la plus légère et la peine la plus haute

3 qu'ils avaient prononcées pour ces affaires.

4 Ensuite, nous sommes passés à la troisième partie de nos questions

5 empiriques qui était d'obtenir un jugement sur les cas théoriques. Des

6 modèles sur lesquels nous avons interrogé les juges qui se différentiaient

7 quelque peu des cas examinés pour les rapports consacrés aux pays

8 individuels parce que nous avions beaucoup moins de temps avec les juges

9 qu'avec nos experts en matière de pays individuels. Donc aux juges, nous

10 avons présenté un cas de figure suivant :

11 "Un homme de 35 ans qui n'a pas de casier judiciaire commet les actes

12 suivants à l'encontre des détenus qui sont placés sous son autorité, viol,

13 meurtre, torture, infractions cumulées contre cinq à dix victimes."

14 Nous leur avons demandé s'il y aurait une différence dans le jugement

15 suivant le moment où cela aurait eu lieu, 1992 ou 2003, s'il s'agissait de

16 crimes contre l'humanité ou s'il y avait plaidoyer de culpabilité ou pas.

17 Ces questions, dans ce questionnaire détaillé, nous les avons posées à

18 plusieurs juges. Nous avons essayé de trouver des juges représentatifs, en

19 Bosnie-Herzégovine, par exemple. Nous avons eu un entretien avec trois

20 juges en Fédération de Bosnie-Herzégovine, trois juges en Républika Srpska,

21 en Croatie, nous avons interrogé trois juges en Croatie du centre, deux

22 juges en Slavonie orientale, et en Macédoine, trois juges, en Serbie, au

23 Monténégro, nous sommes parvenus à trouver trois juges au Monténégro. Nous

24 avons essayé de rencontrer des juges en Serbie, mais pour se faire, ils

25 avaient besoin d'obtenir l'autorisation du président de leur tribunal

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1 respectif. Nous avons obtenu ces autorisations pour tous les tribunaux que

2 j'ai mentionnés, ce qui a déjà été une assez lourde tache en une semaine.

3 Mais c'est en Serbie uniquement que les réponses ont été négatives. Les

4 juges contactés n'ont pas eu l'autorisation, n'ont -- n'avaient pas encore

5 reçu l'autorisation de leur administration, si bien que nous n'avons pas pu

6 rencontrer de juges en Serbie. Quant à la Slovénie, ce n'est pas un

7 territoire que nous avons abordé dans le cadre de notre étude.

8 Ces entretiens ont duré de 30 à 60, dans un esprit très coopératif. Nous

9 n'avons pas dit aux juges que ces entretiens s'inscrivaient dans le cadre

10 d'une recherche destinée au Tribunal. Nous avons évité toute influence

11 négative que cela aurait pu avoir. Nous avons simplement dit à ces juges

12 que nous menions une recherche au sein de l'institut Max Planck. Et nous

13 avons commencé nos questions en abordant les crimes de droit commun, les

14 crimes ordinaires, avant d'aborder les crimes contre l'humanité, ceci afin

15 d'obtenir une image neutre de la situation. Et j'ai le sentiment que cette

16 étude, dans ses résultats, n'est affectée par aucun parti pris ethnique ou

17 politique de la part de ces juges.

18 J'ai expliqué les méthodes empiriques et juridiques que nous avons

19 employées pour répondre aux questions qui nous avaient été posées.

20 Et maintenant, je souhaiterais passer aux résultats de notre étude. Et je

21 voudrais distinguer les résultats suivants les zones géographiques, d'abord

22 il y aura les résultats sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ensuite les

23 résultas concernant les autres pays et dans les deux cas de figures, je

24 souhaiterais faire la différence entre les résultats de l'étude normative

25 et les résultats de l'étude empirique.

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1 Je vais commencer par le territoire de l'ex-Yougoslavie et en vous parlant

2 tout d'abord du cadre normatif qui en effet permet de donner le cadre

3 auxquels s'inscrivent les résultats de l'étude empirique sur lesquels

4 j'interviendrais un peu plus tard. S'agissant de ce cadre normatif de l'ex-

5 Yougoslavie, il faut admettre qu'il est difficile de le décrire surtout si

6 l'on veut comparer diverses républiques dans divers entités ainsi que

7 diverses -- des périodes distingues dans le temps. En 1994, par exemple,

8 quand on examine la situation à cette époque, il faut examiner -- il faut

9 expliquer quelle était la situation en république socialiste fédérative, si

10 on se penche sur la situation telle qu'elle est aujourd'hui il faut voir ce

11 qui se passe dans les différents états de Slovénie, Croatie, Bosnie-

12 Herzégovine, Monténégro, Serbie et Macédoine.

13 Et la situation dans chacune dans ces entités est différente et les

14 réponses sont donc différentes, c'est très difficile tout cela parce que

15 dans chacune de ces entités la loi évolue et la situation dans chacune de

16 ces entités est difficile à mettre en lumière car il n'est pas aisé d'avoir

17 accès à certains types d'informations étant donné la situation qui règne

18 dans chacune de ces entités. Il nous est apparu même parfois que pour les

19 juges mêmes la situation n'est pas claire eux-mêmes parfois ne savent pas

20 vraiment avec une grande certitude quelles lois ils doivent appliquer.

21 A titre d'exemple de ce que je viens de vous dire je souhaiterais vous

22 montrer à l'écran un tableau qui illustre bien ce que je veux vous dire. On

23 parle du code pénal de 51, de 1951. La situation a changé avec la

24 proclamation de la constitution de 1974, qui a octroyé une certaine

25 autonomie aux diverses républiques constituantes. Et du fait de cette

Page 372

1 autonomie accordée aux républiques ont peu voir qu'il y a une situation

2 juridique qui est différencié à partir de 1976 ou de 1977. En 1976, le code

3 pénal de la fédération socialiste de Yougoslavie a été mis en œuvre. Ce

4 code pénal ne s'appliquant à la totalité de la fédération avait un

5 caractère plutôt général mais quand on examine de façon plus approfondie ce

6 code on voit qu'il contient des dispositions précises et plus détaillées

7 notamment concernant les crimes de guerre.

8 A côté de ce code pénal de la fédération il existait d'autres codes pour

9 les différentes républiques Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie ainsi que

10 les autres. Ces codes ont été établis en 1972 et ils s'intéressaient à

11 certaines parties plus précises du code pénal. Par exemple, meurtres, viols

12 et cetera. Ce ne sont pas des crimes que l'on trouve décrits dans le code

13 dans la fédération mais en plus de ces crimes et de ces infractions bien

14 précises qui étaient détaillées on trouvait dans ces codes dans le code des

15 républiques des dispositions plus générales en matière de droit pénal, qui

16 ne figuraient pas dans le code de la fédération.

17 Par exemple, toutes les dispositions relatives à la mise en liberté

18 provisoire ceci ne figurait pas dans le code de la fédération mais dans le

19 code des républiques par contre.

20 Donc pour répondre à votre question quand vous avez évoqué la relation

21 entre ces différents codes, il faut savoir qu'il existait parallèlement les

22 uns à côté des autres et que chacun de ces codes traitaient d'une question

23 bien précise.

24 Avec la désintégration de la fédération quand la république a été complétée

25 démantelée en 1992 donc au début quand ces entités ont acquis leur

Page 373

1 indépendance, ils n'ont pas eu le temps nécessaire pour établir de nouveaux

2 codes pénaux. Et dans ces différentes républiques on a simplement fait

3 références à ces anciens codes et on a dit qu'ils étaient applicables. Ceci

4 s'est fait par le biais de décrets présidentiels proclamant la continuité

5 de certains nombres de lois et notamment du code pénal. Plus tard, en

6 Bosnie-Herzégovine par exemple en 1994, une loi a été votée au sujet du

7 caractère rétroactif des nouvelles lois. Ce qui signifie quand 1992

8 l'ancien code de la fédération de 1976 qui était entré en vigueur en 1997

9 ainsi que les codes des républiques tel que celui de la Bosnie-Herzégovine

10 proclamé en 1977 était applicable en 1992. Ensuite les républiques ont

11 adopté leurs propres ou promulguer leurs propres lois consacrées leurs

12 propres codes pénaux.Si bien que vous avez par exemple le code pénal de

13 1998 en Bosnie-Herzégovine promulgué en 1998. La Bosnie-Herzégovine a

14 promulguée son code pénal en l'an 2000 ainsi et vous avez également le code

15 pénal de Brcko. En Bosnie-Herzégovine la situation s'est un petit peu

16 compliquée lorsqu'en 2003 on a promulgué un nouveau code pénal. De plus, en

17 2003, le bureau du haut représentant a édicté un code pénal pour l'ensemble

18 du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Et si on examine ces codes de 1988,

19 2000 et 2003 pour la république et le code du haut représentant des Nations

20 Unies promulguait en 2003 et bien la relation qui existe entre ces

21 différents codes est semblable à ce qui existait entre les codes de la

22 fédération de 1976 et 1977. C'est à dire que ces codes existent

23 parallèlement, chacun aborde des champs, des domaines du droit qui sont

24 distinctes. Et le droit, ou les lois de la fédération s'adresse à des

25 questions générales, meurtre, viole, et cetera, toutes les dispositions

Page 374

1 générales concernant ces infractions. Mais il y a quand même une petite

2 différence puisque le code pénal est dicté par le haut représentant en 2003

3 pour l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine s'applique à tous les crimes

4 commis en Bosnie-Herzégovine, ce qui veut dire en pratique les crimes de

5 guerre, on a également inclus les crimes contre l'humanité, il traite

6 également des crimes -- des infractions en matière de fausse monnaie et

7 cetera. Ainsi qu'un grand nombre d'infractions qui concernent la totalité

8 du territoire.

9 Donc, toute la palette de toutes les dispositions de la loi qui a été

10 dictée par le haut représentant peuvent être comparées à celle dans

11 l'ancien code pénal de 1970. Sauf que cette fois-ci dans le code du

12 représentant, on inclut aussi les crimes contre l'humanité.

13 Cette évolution, que nous ne pouvons comprendre que si nous regardons le

14 contexte et ici vous le voyez bien sur l'image à l'écran. Tout ceci

15 explique pourquoi la situation dans la Yougoslavie d'aujourd'hui est si

16 difficile d'analyser et pourquoi j'ai donc toutes ces données à vous

17 donner, tous ce que nous avons analysés pendant deux semaines.

18 En pratique, ceci maintenant doit être mis en pratique sur -- dans les

19 différentes pratiques. Il y a cinq étapes sur lesquelles il faut prendre

20 des décisions quand on détermine les sentences, les peines, et il faut

21 regarder la grille de peine dans chaque statut par la suite, il faut voir

22 est-ce que cet éventail de peine, cette grille de peine peut être modifiée,

23 si par exemple la personne a aidé ou facilité un crime ou bien si la

24 personne a confessé le crime, il faut voir quelle a été l'étendue de ce

25 crime et par la suite, il faut voir aussi quelles ont été les décisions des

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1 Tribunaux et comment cette peine a été exécutée ? Est-ce qu'il y a des

2 procédures dans différents pays qui permettent à ce que quelqu'un puisse

3 être libéré avant la fin de la peine. Il faut donc répondre à toutes ces

4 questions en prenant compte différents codes pénaux dont je vous ai parlés

5 auparavant. Pour cette raison-là, je ne vais aborder ici que ce premier

6 pas, cette première étape, et par la suite je vous en parlerais très peu

7 des autres, des autres étapes. Donc, l'étape un, j'illustre ça la grille de

8 peine pour un meurtre dans le cadre d'un crime de guerre, donc un

9 assassinat.

10 En 1992, si on regarde la grille de peine un meurtre ordinaire s'inscrivait

11 dans le cadre du code pénal de chaque république et dans notre cas de

12 figure, on prend l'exemple de Bosnie-Herzégovine, un exemple qui est tout à

13 fait intéressant pour nous. Il y a aussi le fait que la Bosnie-Herzégovine

14 en 1977 avait une disposition sur le meurtre ou un meurtre aggravé, c'est-

15 à-dire un meurtre avec des circonstances aggravantes où l'on apportait des

16 dommages tout à fait particuliers à la victime. Et où nous trouvons des

17 éléments, de tels éléments dans le plaidoirie de culpabilité de l'accusé.

18 Le code pénal de Bosnie-Herzégovine avait une grille de peine qui allait de

19 cinq à 15 alors qu'en cas de meurtre aggravé, les peines prononcées

20 pouvaient aller de 10 à la peine de mort avec la disposition supplémentaire

21 qu'en cas -- que la peine de mort pouvait être substituée par une peine de

22 20 ans.

23 Pour les crimes de guerre, la grille de peine est tout à fait semblable et

24 ceci figure dans le code pénal de la fédération de l'ex-Yougoslavie, les

25 crimes de guerre dont lequel s'inscrivait un meurtre qui s'inscrivait dans

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1 les crimes de guerre pouvait aller de 5 ans à la peine de mort, et la peine

2 de mort pouvait être substituée par une peine de 20 ans d'emprisonnement.

3 La liberté provisoire donc, la personne pouvait être relachée avant la fin

4 de sa peine dans certaines conditions, ces conditions étaient tout à

5 spécifiques et ne pouvaient jamais avoir lieu avant que la personne n'ait

6 servi au moins un tiers de sa peine.

7 Au niveau de la République en 1998, dans le code pénal de la fédération de

8 Bosnie-Herzégovine qui contenait désormais les dispositions générales plus

9 les parties spécifiques concernant aussi les crimes de guerre et les crimes

10 ordinaires. Il y avait aussi le meurtre avec les circonstances aggravantes

11 qui pouvaient aller à une peine de prison entre -- allant de cinq à 40 ans.

12 Quant à la libération avant le terme de la peine, avant la fin de la peine

13 ceci pouvait -- était prévu aussi.

14 Quant à la Republika Srpska, le code pénal de 2000, avait la peine minimal

15 de cinq voir 10 ans pour un meurtre aggravé, alors que la peine maximale

16 pouvait être la prison à perpétuité. Quant aux crimes de guerre, la grille

17 de peine allait de 10 ans à la perpétuité.

18 En 2003, le nouveau code pénal de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, a la

19 même peine minimale pour le meurtre avec un maximum allant jusqu'à 45 ans

20 d'emprisonnement et ceci c'est une peine de prison prolongée qui s'est

21 définie entre 25 à 45 ans et il y a la peine de Sûreté pour ces longues

22 peines qui est après le trois cinquième de la peine actuellement, du temps

23 servi en prison.

24 Ceci est tout à fait semblable au code pénal qui a été édicté par le haut

25 représentant pour tout le territoire de Bosnie-Herzégovine qui ne contient

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1 pas les dispositions pour les crimes ordinaires mais est relatifs à tout le

2 territoire ou on parle aussi des crimes de guerre qui peuvent aller à une

3 peine de 45 ans et pour les crimes contre l'humanité la situation est la

4 même que pour les crimes de guerre à savoir de 10 à 45 ans.

5 Cette grille de peine peut être importante quand on regarde les

6 applications pour les principes lex mitior et le principe aussi de nullum

7 crimen cela veut dire que la personne ne peut avoir -- ne peut être jugé

8 pour un crime où elle était présente au moment où l'acte a été commis. Ceci

9 est semblable au code pénal de 1992. Ce qui était donc prévu dans les lois

10 en place en ex-Yougoslavie au moment où l'affaire était jugée on pouvait

11 aussi appliquer une peine moins lourde, la raison en était que si entre

12 temps l'opinion change et si on peut considérer que ce crime désormais est

13 jugé comme étant moins sévère que le défendant pouvait bénéficier de cela.

14 Le problème se pose aussi quand le droit change plusieurs fois et -- est-ce

15 qu'on peut alors utiliser la loi lex mitior ? Est-ce qui faut donc

16 prononcer une peine, qui correspond plutôt au moment du procès ou au moment

17 où le crime a été commis ou à quel moment quelle loi appliquée ?

18 Ce tableau démontre la grille des peines. Comme je vous ai dit ceci ne

19 représente qu'une première étape. Il y a donc les dispositions statutaires

20 qui déterminent les peines, mais il y a aussi des dispositions qui sont

21 donc des dispositions spécifiques mais dans la plupart des pays il y a

22 aussi des dispositions générales qui peuvent modifier les grilles de peine.

23 Un exemple d'une telle modification c'est en cas où la personne facilite un

24 crime, l'Article 24 du code pénal de l'ancienne fédération yougoslave de

25 1976, 1977, stipulait qu'en cas où l'on facilitait un crime la peine

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1 pouvait être diminuée et l'on voit les dispositions semblables dans les

2 codes pénaux des différentes républiques, ceci -- je ne veux pas rentrer

3 dans les détails ici.

4 En ce qui concerne la modification d'une peine sur la base d'un plaidoyer

5 de culpabilité nous n'avons pas trouvé des dispositions particulières dans

6 ce cas de figure on pouvait donc dire que réduire une peine pour un

7 plaidoyer de culpabilité devait s'inscrire dans les dispositions générales

8 du code pénal.

9 Ici je passe à la troisième question juridique en vertu de l'Article 41 du

10 code pénal de la fédération yougoslave. Donc l'Article 41 stipule que quand

11 on détermine une peine qui s'inscrit dans une grille de peine et quand on

12 prend en compte les modifications le Tribunal doit, "tout particulièrement

13 tenir compte du degré des dégâts ou des dommages apportés à une personne ou

14 à un objet l'état dans lequel se trouvait cette personne, il faut étudier

15 la personnalité de la personne qui a commis ce crime et la situation." dont

16 les états ici de l'ex-Yougoslavie aujourd'hui est semblable.

17 Par ailleurs, quand une personne commet différents crimes l'Article 48 de

18 l'ancien code pénal de la fédération yougoslave se tient à des règles tout

19 à fait précises à savoir d'abord donner la -- étudier chaque cas séparément

20 par la suite voir comment cela se

21 cumule et voir aussi si la peine de mort est applicable auquel cas la

22 substitution d'une peine de 20 ans sera appliquée. Et ceci -- si la peine

23 ne s'applique pas les peines, les sentences cumulées ne peuvent pas

24 dépasser les 15 ans si telle est la peine pour la plus importante pour les

25 crimes cumulés.

Page 379

1 Quant a la possibilité de mettre une personne en liberté provisoire donc

2 avant d'avoir servi toute sa peine, ceci ne se trouve pas dans le code de

3 la fédération yougoslave mais dans les codes pénaux des différentes

4 républiques. Par exemple, dans le code pénal de Bosnie-Herzégovine 1997, en

5 vertu de l'Article 31, il est dit, que la personne qui a passé la moitié de

6 sa peine en prison pouvait être mise en liberté provisoire si -- suite à

7 une bonne conduite il ne doit surtout pas commettre un autre crime à la

8 sortie de prison.

9 Et en particulier, l'Article 31, au paragraphe 3, prévoit qu'une personne

10 peut être mise en liberté provisoire après avoir servi un tiers de sa peine

11 si, il y a des circonstances spécifiques liées à la personnalité de la

12 personne qui sert ce terme de prison et que si cela démontrait que le but

13 de la sentence a été -- le but de ce châtiment a été atteint.

14 Quand on regarde la situation dans le cadre normatif en ex-Yougoslavie il

15 est clair -- il est évident que les Tribunaux en ex-Yougoslavie disposaient

16 d'une grande discrétion d'une grande possibilité de décisions comme il est

17 le cas dans beaucoup de pays, et c'est pour cela qu'il est intéressant de

18 se pencher sur l'aspect empirique et de regarder comment les juges dans le

19 territoire de l'ex-Yougoslavie déterminaient les peines. Comme je vous

20 l'avais dit auparavant après avoir regardé ce volet normatif nous avons

21 demandé lors des rencontres que nous avons eues avec les juges, nous avons

22 donc demandé à tous les 17 juges que nous avons rencontrés sur l'expérience

23 qu'ils avaient dans le prétoire. On leur avait demandé avec combien de cas

24 de meurtres vous avez travaillé et quels étaient -- quelles peines avez-

25 vous prononcées ? Nous avons essayé de choisir les juges, nombreux étaient

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1 ceux qui avaient beaucoup d'expériences dans la prononciation des peines.

2 Tous ces juges combinés avaient quelque chose comme 1 400 expériences de

3 meurtres, 1 300 expériences de viols et beaucoup moins dans le cas des

4 tortures.

5 Quand on regarde les grilles de peines, nous voyons ici que nous avons tout

6 un éventail de peines. En cas de meurtre, les peines très légères parfois

7 étaient prononcées pour les raisons que parfois il y avait aussi des

8 tentatives de meurtre. Et nous avons un cas de figure un peu particulier en

9 Macédoine où les peines étaient beaucoup plus draconiennes. Beaucoup plus

10 souvent, il y avait à perpétuité. Quant aux viols, notre tableau montre que

11 les tribunaux étaient beaucoup plus indulgents. Donc après avoir vu quelle

12 était l'expérience préalable des juges, nous leur avons demandé d'étudier

13 notre affaire que nous avons pris [sic] en tant que modèle. Nous avons

14 essayé donc de présenter un cas particulier, une affaire dans laquelle un

15 homme de 35 ans commet un meurtre dans un camp.

16 Avant de vous donner les résultats et de les analyser, permettez-moi de

17 vous dire qu'il s'agit là, d'une méthode tout à fait approximative. Si ça

18 avait été un cas tout à fait concret, les juges auraient dû disposer de

19 beaucoup plus d'éléments, et les juges l'ont très bien remarqué et nous

20 avaient dit que pour donner une réponse tout à fait adéquate, ils auraient

21 besoin de disposer de beaucoup plus d'éléments. On leur avait dit, oui tout

22 à fait, mais dans notre cas de figure, on leur avait demandé quelle serait

23 la grille des peines, quelle serait la peine minimale ou maximale. Et vous

24 voyez cela dans ce tableau. A gauche, dans la première colonne, il y a le

25 cas d'un meurtre où la personne ne plaide pas coupable, et les peines

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1 peuvent aller de cinq à 15 ou 20 ans de prison. A droite, vous voyez ici

2 les peines minimales ou maximales en cas de plaidoyer de culpabilité. Et si

3 on descend plus bas dans le tableau, vous voyez les réponses en cas de

4 meurtre qui s'inscrit dans le cadre d'un crime de guerre.

5 Comme je vous l'ai déjà dit, quand on a parlé des crimes contre l'humanité,

6 ils parlaient tous des crimes de guerre, sans réellement faire de

7 distinctions entre un crime de guerre et un crime contre l'humanité. Etant

8 donné que vous avez demandé de façon tout à fait spécifique qu'est-ce qui

9 se passe en cas de plaidoyer de culpabilité, je crois qu'il serait

10 intéressant de se pencher sur le tableau suivant.

11 Tout en haut, vous avez les différents cas de figure, viol, meurtre ou

12 torture. Et vous avez ici les peines -- la moyenne des peines des 17 juges

13 avec lesquels nous avons travaillé. En cas de viol, il s'agit de sept ans;

14 meurtre, 15 ans; pour la torture, un peu moins de 6 ans. Et si on demandait

15 pour les crimes cumulés, on leur avait demandé, et si cette personne avait

16 commis tous ces crimes, contre cinq à dix personnes, la moyenne à été de 35

17 ans. Et ici, vous voyez comment les juges ont réagi -- combien -- à la

18 question de combien ils auraient donné en moins si la personne avait plaidé

19 coupable, et la réponse a été à peu près 20 % de peine en moins. Donc ici,

20 ici, le deuxième cas de figure nous montre aussi la différence entre le

21 plaidoyer de culpabilité et un cas de figure où la personne n'a pas plaidé

22 coupable. Nous pouvons dire que la -- ce que vous pourrez appeler une

23 diminution de peine en cas de plaidoirie de culpabilité, que quand la peine

24 est très -- quand le crime est très sévère, très grave, on donne -- on

25 diminue la peine un peu moins que quand il s'agit de crime plus léger. Ceci

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1 s'est montré tout à fait évident au moment où nous avons posé la question

2 aux tribunaux. L'un des juges nous a dit, à la question qu'on lui a

3 demandé, de combien réduiriez-vous la peine suite à un plaidoyer de

4 culpabilité. Il m'a dit, quand il s'agit des infractions cumulées et des

5 crimes de guerre, comment peut-on réduire la peine ? Mais toujours est-il

6 qu'une telle diminution ou une telle réduction de peine existait, et si,

7 vous voyez, quant aux juges donc, c'est toutes ces peines cumulées, on

8 diminue de 20 ans si c'est -- les peines s'il s'agit des peines ordinaires

9 alors que, si tous ces crimes cumulés s'inscrivent dans le cadre des crimes

10 de guerre, on réduit la peine, mais de 9 %. Donc, dans tous ces cas de

11 figures, on réduit la peine, mais ça dépend de la gravité de la peine.

12 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous interrompre, Monsieur, pour

13 des raisons techniques. Nous sommes obligés de procéder à une pause, et

14 nous allons reprendre à 11 heures.

15 --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

16 --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

17 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Monsieur Sieber, afin que vous

18 puissiez pouvoir prévoir le temps de votre déposition, je tiens à vous dire

19 que la suspension d'audience prochaine aura lieu à 12 heures 05, donc dans

20 une heure. Je vous en prie, veuillez reprendre la parole.

21 R. Je vous remercie, Monsieur le Président.

22 Avant la pause, j'ai décrit les résultats de notre recherche s'appliquant

23 aux territoires de l'ex République socialiste fédérative de Yougoslavie. Et

24 ceux, dans un premier temps pour ce qui est de l'aspect normatif juridique

25 et puis pour ce qui est des résultats empiriques et ceux, à la question qui

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1 était de savoir comment les 17 juges que nous avons interviewés, auraient

2 apprécié une affaire semblable, comparable à l'affaire qui est présentée à

3 la fois dans l'acte d'accusation et dans le plaidoyer de culpabilité.

4 Comme je l'ai déjà montré, s'agissant d'un cas cumulé de ces crimes ou de

5 viols, de meurtres et des tortures, les juges en moyenne auraient prononcé

6 une peine, une peine de 27 ans pour un crime de droit commun avec un

7 plaidoyer de culpabilité ou de 33 ans pour un crime de guerre avec un

8 plaidoyer de culpabilité.

9 Lorsque les juges se sont prononcés, en évaluant les peines qu'ils auraient

10 prononcées,en se fondant sur ces petits modèles fournis, et bien les

11 personnes, qui ont conduit ces entretiens, qui venaient donc de notre part,

12 leur ont demandé pour quelle raison ils auraient prononcé ces peines-là. Et

13 il a été intéressant, dans l'analyse des réponses, de voir les variations

14 dans ces réponses, à savoir, il y a une différence entre celles-ci et les

15 réponses qu'ils avaient données aux questions normatives. Et nous leur

16 avons donc, dans ces questions-là, nous leur avons posés, en général quels

17 sont leurs critères dans la détermination des peines dans le domaine du

18 droit commun. Et les raisons ne se sont pas inscrites cette fois-ci, dans

19 un cadre si large. Et lorsqu'on leur a demandé, après l'évaluation de

20 chacun des modèles, de chacune des affaires, la même question, il y a eu

21 une grande diversité des réponses. Il est difficile de ventiler cette

22 diversité. Et c'est la raison pour laquelle vous avez à présent, sous vos

23 yeux, un tableau qui vous présente ces principales raisons invoquées et les

24 pourcentages des juges qui ont donné telle ou telle raison. Et donc je me

25 suis référé au crime du droit commun. Vous voyez qu'environ 50 % des juges

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1 interviewés, lorsqu'il s'agissait d'un cas de plaidoyer de culpabilité, se

2 sont référés à la position occupée par l'auteur de crime; 38 % se sont

3 appuyés sur les textes de loi et on dit : "Nous appliquons les critères

4 généraux stipulés par la loi"; 31 % mentionnaient la vulnérabilité de la

5 victime et 13 % la gravité de l'affaire; et 13 % l'infraction aux fonctions

6 de l'auteur. Et lorsque nous leur avons posé la question sur la

7 détermination de la peine, lorsqu'il y avait plaidoyer de culpabilité,

8 lorsqu'ils nous ont répondu, les juges ont reçu une nouvelle question qui a

9 été de savoir : "Quels sont les critères qui ont présidé à la détermination

10 de telle ou telle peine." Et dans leur réponse, environ la moitie des juges

11 se sont référés aux textes généraux donc de loi commune régissant le crime

12 commun en disant : "Nous fournissons l'ensemble des critères généraux qui

13 sont stipulés par la loi dans 38 % des cas; 25 % ont évoqué leur remord; 19

14 % la réparation des victimes; 13 % le fait qu'il n'y avait pas de casier

15 judiciaire précédemment et donc pour ce qui est de l'auteur de crime, 16 %

16 se sont référés aux économies judiciaires.

17 Donc, si je veux résumer les résultats de cette étude empirique, on

18 pourrait dire que, donc nous nous sommes adressés à 17 juges venant de

19 différents endroits du territoire de l'ex-Yougoslavie socialiste et qu'il y

20 a eu -- que nous avons pu constater une grande discrétion et une grande

21 variété dans l'appréciation fournie par les juges. Par exemple pour ce qui

22 est des crimes cumulés, un juge s'est référé à une peine de huit ans, mais

23 cela pouvait aller jusqu'à 45 ans et un troisième à une prison à vie.

24 Donc, il est clair qu'il y a une réduction de peine dans le cas de

25 plaidoyer de culpabilité ce qui dépend légèrement de la gravité du crime.

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1 Et que lorsqu'il s'agit d'un crime de guerre la peine s'allonge. La moyenne

2 des peines, avec plaidoyer de culpabilité pour des crimes de guerre était

3 de 20 ans pour un meurtre simple et de 33 ans pour des crimes cumulés.

4 Enfin, c'est peut être intéressant de savoir ce que les juges ont répondu à

5 la question : "Quelle aurait été votre question si vous aviez eu à

6 prononcer la peine pour une affaire en 1992 ? Et la réponse a été qu'il n'y

7 aurait pas eu de différence. Peut-être que certains juges n'ont pas bien

8 compris l'objectif de cette question. Les réponses ont été plutôt affirmées

9 pour ce qui est des fondements politiques, à savoir que des raisons

10 politiques n'auraient pas modifié leur attitude. Ils ont dit : "Je suis un

11 juge. La justice est la justice et pour moi ceci n'a aucune importance de

12 savoir si je suis saisi d'une affaire aujourd'hui ou il y a dix ans." Mais

13 il y a eu quelques juges qui ont évoqué le fait que la loi était peut-être

14 différente en 1992, mais en principe le trait dominant a été que les juges

15 avaient le pouvoir discrétionnaire de déterminer la peine et qu'ils étaient

16 plutôt indépendant.

17 Et bien, je souhaite à présent aborder la question de la situation qui a

18 prévalu donc sur le territoire de l'ex Fédération Yougoslave par rapport

19 aux autres pays, aux autres pays où nous avons mené uniquement une

20 recherche normative. Nous n'avons pas eu le temps d'organiser des

21 interviews des juges dans tous les pays du monde afin de mener une

22 recherche empirique. Et cela est tout à fait clair si vous analysez la

23 liste des pays que nous avons sélectionnés.

24 Donc pour ce qui est de ces autres pays, s'agissant soit des pays membres

25 du conseil de l'Europe, soit d'autre pays, dans notre questionnaire comme

Page 386

1 je vous l'ai déjà dit, nous avons posé cinq questions de nature juridique

2 qui sont importantes afin de déterminer la peine. Donc, les questions

3 étaient de savoir quelle est la fourchette des peines en particulier, dans

4 les différentes législations ? Est-ce qu'il y a eu une évolution dans le

5 domaine de la détermination des peines en particulier, pour ce qui est d'un

6 plaidoyer de culpabilité ? Quels sont les critères généraux qui président à

7 la détermination de la peine ? Quelle est l'attitude lorsqu'il y a des

8 infractions cumulées ? Et enfin, quelle est la situation s'agissant de

9 l'exécution de la peine en particulier, ce qui est de la liberté

10 conditionnelle de la libération anticipée des années-ci, et cetera.

11 Alors s'agissant du premier cas, s'agissant donc de la grille des peines,

12 notre recherche a montré que dans 20 des 23 pays étudiés, il existe une

13 peine de prison à vie mais en outre, il y a aussi des dispositions légales

14 sur la durée de la peine de prison. Et dans les pays que nous avons

15 étudiés, ceci varie de 10 ans à 60 ans ou dans certains pays, il n'y a pas

16 de limite supérieure. Donc, si vous vous penchez sur ces tableaux que nous

17 présentons dans le rapport, vous voyez -- vous verrez que la plupart des

18 pays ont des textes de loi qui stipulent des peines allant de 15 à 25 ans.

19 Plus particulièrement lorsqu'il ne s'agit pas de questions générales qui

20 s'intéressent à la peine de prison maximale qui peut être prononcée, mais

21 qui donc -- qui s'intéresse dans des cas particuliers à des peines

22 minimales et maximales, comme je vous l'ai dit, la tâche assignée aux

23 spécialistes des différents pays, a été de remplir dans ces tableaux des

24 réponses pour chacune -- chacun des exemplaires cités. Et comme je vous le

25 dis donc, deux réponses pour des cas de meurtre, pour le viol, et cetera.

Page 387

1 Donc, pour montrer quelles sont les dispositions qui s'appliquent.

2 Alors par exemple, "Lorsque nous avons l'exemple -- donc d'un crime qui

3 s'est produit en 1992 dans le contexte d'une attaque généralisée

4 systématique à l'encontre de la population civile, le commandant d'un camp

5 de détention motivait, ou se fondant sur des raisons de discrimination

6 ethnique et en agissant conjointement avec d'autres, tue une personne par

7 des passages à tabac et en se servant d'armes."

8 Et comme je vous l'ai déjà dit, les spécialistes devaient nous présenter la

9 situation pour des crimes du droit commun en 1992 et en 2002 ainsi que pour

10 des crimes contre l'humanité pour les mêmes années 1992 et 2003.

11 Alors je ne souhaite pas vous inonder d'information et pour résumer je

12 souhaite dire que nous avons essayé d'organiser les informations dans ce

13 rapport en nous fondant sur le moment qui était pertinent. Et si l'on

14 voyait, dans les rapports fournis par les différents pays, que la loi a

15 évolué entre 1992 et 2003, et bien nous options pour la peine la plus

16 clémente en évoquant le principe de la lex mitior. Donc la peine était

17 moins sévère par exemple en 1992 ou qu'elle pouvait l'être en 2003, nous

18 choisissions donc celle qui était la moins sévère.

19 Le tableau que nous voyons à présent vous montre les résultats pour

20 l'exemple 1A et vous verrez que la majorité des pays appliquent une peine

21 de prison allant jusqu'à la prison à vie pour l'auteur de l'infraction du

22 crime. Et cela montre aussi quelques peines les moins sévères et la plupart

23 des pays fournissent aussi cette information.

24 Reportons-nous à présent au tableau suivant et essayons de comparer. Alors

25 si on a les résultats pour les cas de viols, et là nous parlons de crimes

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1 du droit commun, on voit que les peines sont considérablement moins

2 sévères. Il n'y a que quelques pays, et ce sont des exceptions, où les

3 peines peuvent aller jusqu'à la prison à vie à en juger d'après les

4 résultats fournis. Suivant cet exemple et si vous posez la question

5 suivante :

6 "Alors 1992, dans le contexte d'une attaque généralisée, systématique menée

7 à l'encontre de la population civile, un commandant d'un camp de détention

8 et ce, en agissant sur la base de discrimination ethnique, sélectionne

9 personnellement ou facilite le fait que des détenues, femmes soient sorties

10 du camp, placées sous son contrôle et qu'elles soient emmenées à d'autres

11 endroits, en sachant que l'objectif de cette sélection est de les soumettre

12 à des violences sexuelles ou viols. Si ces personnes encouragent ou aident

13 d'une autre manière les auteurs à se livrer à des violences sexuelles, de

14 manière répétée," et bien vous voyez à présent dans ce tableau quelle est

15 la fourchette des peines.

16 Ici nous ne parlons pas de crimes de guerre puisque nous n'avions pas

17 suffisamment de temps afin d'englober dans notre recherche l'ensemble de

18 ces pays.

19 Donc en leur posant la question aussi sur les crimes de guerre, qui plus

20 est, les spécialistes dans de différents pays devaient nous fournir des

21 réponses sur l'évolution de ces grilles de peine. Et nous avons avant tout

22 demandé des réponses sur deux aspects, donc les modifications, pour ce qui

23 est d'aider et encourager la modification pour le plaidoyer de culpabilité.

24 Et pour ce qui est uniquement donc des modifications concernant l'aide

25 fournie à l'auteur et non lorsqu'il s'agit donc d'un co-auteur et bien, il

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1 est très difficile de mener une recherche comparée puisqu'il y avaient

2 beaucoup de pays qui ne font pas la différence entre inciter et aider d'une

3 part et entre les auteurs et les co-auteurs d'autre part. Donc il y a des

4 pays où il y a seulement un type de commission de crimes et pour ces pays,

5 les questions évidemment étaient sans objet.

6 Cependant, il y a des pays où ces différences existent. Il y a des pays où

7 il y a des dispositions légales. Il y a des pays où il y a un pouvoir

8 discrétionnaire d'en juger, d'apprécier au cas par cas. Donc on peut dire

9 qu'à peu près la moitié des pays prévoient dans leurs textes législatifs la

10 réduction de la peine pour -- lorsqu'il s'agit d'uniquement d'aide à

11 l'auteur du crime -- fournie à l'auteur du crime.

12 Et si vous vous penchez sur la pratique vous voyez que finalement lorsqu'il

13 s'agit uniquement d'aide et bien ceci entraîne une réduction considérable

14 des peines. Pour ce qui est du deuxième aspect des modifications qui nous

15 auraient intéressés, à savoir le plaidoyer de culpabilité, il a également

16 été difficile de procéder à une recherche comparée parce qu'il y a des

17 différences considérables entre les pays et entre les différentes approches

18 appliquées lorsqu'il y a désaccord de plaidoyer. Et ceci reflète

19 parfaitement les différentes méthodes de, comme par exemple légale que dans

20 -- que j'ai évoqué au début de ma déposition. Alors normalement la question

21 aurait pu être, si on avait voulu conduire une recherche comparée classique

22 donc la question aurait dû être : Y a-t-il une réduction prévue pour un

23 plaidoyer de culpabilité ?

24 Et là, beaucoup de spécialistes dans les différents pays auraient répondu :

25 "Non, puisque nous n'avons pas les procédures-là, la procédure -- notre

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1 procédure ne prévoit pas de plaidoyer de culpabilité." Donc notre système

2 n'est pas un système contradictoire.

3 Donc afin d'obtenir un résultat intéressant, nous avons élargi la question.

4 Nous n'avons pas établi de comparaison mais nous avons comparé les

5 institutions semblables. Et nous avons posé la question au sujet, soit du

6 plaidoyer de culpabilité, soit de la confession. Et donc si on pose la

7 question de cette manière-là et si on compte sur des affaires modèles

8 puisque les institutions de confession et de plaidoyer de culpabilité sont

9 comparables, donc si l'on procède ainsi la différence est considérable dans

10 les réponses. A savoir dans la plupart des pays la confession -- l'aveu --

11 ou le plaidoyer de culpabilité est pris en considération et donne lieu à

12 une réduction de la peine. Il faudrait également établir une différence

13 entre les différents systèmes où la procédure de plaidoyer de culpabilité

14 existe et les systèmes où il n'y a que le concept d'aveu. De manière

15 générale, on pourrait dire que dans certains pays ceci est prévu par la loi

16 et que dans d'autres pays, le tribunal, la cour, a le pouvoir

17 discrétionnaire de l'apprécier. Mais dans la plupart des pays, l'aveu est

18 pris en considération et donne lieu à la réduction de la peine, à

19 l'exception des affaires où la loi stipule une peine, de manière précise,

20 et où le tribunal ne peut pas prendre en considération l'aveu, en

21 s'inscrivant en infraction des dispositions de la loi.

22 Alors, quelles sont les raisons de ces réductions ? Elles sont différentes.

23 Il est clair, que du moins pour ce qui est de l'aveu, le remords exprimé

24 par l'auteur ainsi que la réparation jouent un rôle décisif. Pour ce qui

25 est du plaidoyer de culpabilité, c'est souvent l'aspect des économies qui

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1 peuvent être réalisées, et ceci est aussi pris en considération dans

2 certains pays qui connaissent l'aveu.

3 Donc la réponse fut plutôt claire à cette question-là. Dans la plupart des

4 pays, le plaidoyer de culpabilité ou l'aveu permettent la réduction de la

5 peine, et on le voit de manière tout à fait claire aussi si on prend en

6 considération les critères généraux qui président à la détermination de la

7 peine. Ici, notre recherche comparée montre qu'il y a beaucoup de

8 différentes méthodes qui sont appliquées dans les différents pays. Il y a

9 des pays qui n'ont pas de critères généraux et où tout est laissé à la

10 discrétion des juges. Dans d'autres pays, cependant, il y a des

11 dispositions générales des critères qui déterminent les peines. Certains

12 pays procèdent à un catalogue d'aspects qui doivent être pris en

13 considération, sans préciser s'il s'agit de facteurs aggravants ou

14 atténuants. Et dans d'autres pays, il y a des catalogues où il est

15 préciser, en revanche donc, que certains éléments jouent un rôle aggravant

16 ou atténuant. Et enfin, il y a des pays qui ont des lignes directrices

17 précises ou bien des méthodes qui explicitent les critères de détermination

18 des peines.

19 Et de manière générale, on peut faire la différence entre l'infraction et

20 les circonstances qui sont liées à l'auteur de l'infraction. Et dans la

21 plupart des cas, l'aspect le plus important est l'aspect de la culpabilité

22 et les conséquences des crimes. Pour plus de détails, il faudrait se

23 référer aux listes qui sont fournies à l'annexe du rapport ou plutôt aux

24 catalogues et au rapport.

25 Pour ce qui est donc de l'aspect quatre, pour ce qui est des infractions

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1 cumulatives, pour ce qui est du concours d'infractions, dans beaucoup de

2 pays, il y a des textes qui précisent les éléments aggravants et la

3 fourchette maximale. Et j'en ai parlé déjà, sur le territoire de l'ex-

4 Yougoslavie socialiste.

5 Enfin, la question la plus intéressante, au sujet de la peine purgée,

6 concerne la libération anticipée. Il y a différentes raisons qui permettent

7 de réduire le temps de l'exécution de la peine donc par rapport à la

8 décision de la Chambre. Il y a liberté conditionnelle, l'amnistie, et

9 l'aspect le plus intéressant est la libération anticipée au bout d'un

10 certain temps, donc de l'exécution de la peine.

11 Alors, vous avez un tableau qui vous permet de voir comment cela se passe

12 dans différents pays. La période minimum qui a été passée en prison par

13 rapport à la peine prononcée. Alors si on passait à des comparaisons

14 statistiques, si l'on se penche sur ce tableau, il est possible de voir

15 qu'après la moitié de l'exécution de la peine ou dans certains pays les

16 deux tiers ou dans un pays un tiers de la peine, il est possible de prendre

17 en considération la liberté anticipée afin de procéder à une libération

18 anticipée. Et comme je vous l'ai dit, nous n'avons pas pu procéder à des

19 interviews, à des entretiens, dans tous ces pays puisque nous n'avions

20 qu'une semaine à notre disposition. Donc je ne peux pas vous présenter les

21 résultats des recherches empiriques dans ces pays.

22 Je ne peux que mentionner quelques exemples, quelques affaires, où il y a

23 eu des crimes commis sur le territoire l'ex-République socialiste

24 fédérative de Yougoslavie et où d'autres tribunaux ont été saisis de ces

25 affaires. Alors, ces résultats ne sont pas les résultats de recherche

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1 systématique. Nous avons eu l'affaire de Saric, une affaire dont a été

2 saisi un tribunal à Danemark, et j'ai mentionné cette affaire donc. C'est

3 une affaire de 1994. Et dans cette affaire, il y avait 14 chefs

4 d'accusation pour atteinte à l'intégrité physique grave, et cet homme a été

5 condamne à huit ans de prison.

6 En Allemagne, il y a eu plusieurs affaires. Pour ce qui est des crimes

7 commis en 1992 ou 1993, sur le territoire de l'ex-République socialiste

8 fédérative de Yougoslavie. En 1997, Nosilav Djajic a été condamné à cinq

9 ans de prison pour avoir aidé dans la commission d'un meurtre en temps de

10 guerre. En 1997, il y a eu une peine à vie pour génocide. En 1999, neuf ans

11 pour avoir aidé dans un cas de génocide et un meurtre en temps de guerre.

12 En 1999, une peine à vie, de prison à vie, pour un génocide et crime de

13 guerre, meurtre. Quand on examine ces peines, on voit l'illustration de ce

14 que je vous disais précédemment. C'est qu'il était très important, pour

15 déterminer la peine, de savoir si l'accusé a été l'auteur principal ou s'il

16 a simplement aidé à la commission de ce crime.

17 Je vous ai donc donné des éléments d'information au sujet des différents

18 territoires qui faisaient l'objet de notre étude. Et je peux dire donc que

19 le droit comparatif, la recherche comparative, peut nous donner quelques

20 éléments indicateurs, en particulier en ce qui concerne l'égalité et la

21 justice. Cependant, je dois vous mettre en garde sur la chose suivante,

22 nous n'avons eu qu'un temps limité pour réaliser cette étude, qui cependant

23 je pense est une étude pilote digne de foi, mais qui devra être

24 approfondie, élargie. Cette étude nous montre également qu'il y a, suivant

25 les cas, une grande variation dans les peines prononcées. Et pour plus de

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1 détails, je vous invite à consulter le rapport écrit. J'espère que ce

2 rapport sera utile aux juges de la Chambre afin d'agir dans un esprit de

3 justice et d'égalité. Merci.

4 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci beaucoup, Professeur. Avant

5 que je n'aborde en détails certains aspects de votre rapport, je

6 souhaiterais vous poser la question suivante : Dans votre présentation

7 PowerPoint, vous nous avez fourni des graphiques supplémentaires, des

8 tableaux, et cetera, toutes choses qui ne figurent pas dans votre rapport.

9 Serait-il possible de communiquer tous ces éléments nouveaux au Tribunal

10 ainsi -- aussi bien aux juges aux co-parties ? Quelle serait la meilleure

11 solution pour se faire, à votre avis ?

12 R. Oui, je suis tout à fait prêt à vous fournir tous les éléments

13 concernés. Je peux vous -- le faire immédiatement en vous remettant le CR-

14 ROM que je viens d'utiliser ou bien en vous remettant une version de mon

15 intervention, j'ai deux ou trois exemplaires ici. Je peux aussi vous

16 envoyer tout cela avec une version de mon rapport, une version définitive

17 de mon rapport parce que pour l'instant vous disposez d'une première

18 version de mon rapport avec un addendum. Donc, je suis tout à fait prêt à

19 vous envoyer une version définitive du rapport ainsi qu'avec les éléments

20 que vous venez de mentionner.

21 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Donc, si je comprends bien sur le

22 CD-ROM et sur le rapport définitif, il n'y a pas encore les tableaux qu'on

23 a vus dans votre présentation PowerPoint.

24 R. La présentation PowerPoint relève d'une base de données différente. Il

25 s'agit d'un élément différent, je peux vous le communiquer maintenant. Le

Page 395

1 rapport définitif n'est pas encore prêt, c'est pourquoi je souhaiterais

2 vous demander la possibilité de préparer ce rapport définitif pour vous

3 l'envoyer.

4 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Quand sera-t-il prêt ?

5 R. Je serais absent de chez-moi jusqu'à samedi ou dimanche. Et je

6 souhaiterais voir ce rapport définitif avant qu'il ne soit envoyé, surtout

7 si vous souhaitez que j'y inclus certain de ces tableaux. Dans ces

8 conditions je pourrais vous envoyer le tout par courrier lundi prochain au

9 moment où je retrouverais mon bureau. Je pourrais vous envoyer cela lundi

10 ou mardi.

11 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Les juges pendant la pause

12 suivante, vont décider de la manière dont il convient de procéder.

13 Les graphiques qui figurent dans votre présentation PowerPoint, vous les

14 avez sur papier d'ores et déjà, vous pouvez nous les communiquer ?

15 R. Oui.

16 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous serais reconnaissant de

17 bien vouloir les remettre à l'Huissier. Afin que pendant la pause, nous

18 décidions de la manière de procéder.

19 Je vais demander à l'Huissier de prendre ces rapports.

20 R. Si vous souhaitez avoir une autre version en papier, je pense qu'il

21 vaut mieux que je vous donne le CD-ROM, parce que si vous faites des

22 photocopies à partir des exemplaires que je vous ai donnés, je pense que la

23 qualité laissera à désirer.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je sais que nous ne procéderons pas

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1 de la manière habituelle parce que normalement on devrait commencer par le

2 rapport, mais après y avoir consulté mes collègues, je déclare que ces

3 tableaux sont versés au dossier.

4 Et je vais demander à la Greffière d'audience de bien vouloir donner des

5 cotes dont -- qui commenceront par la lettre "J" pour "Juges".

6 Les parties bien entendu disposeront plus tard d'un exemplaire du CD-ROM.

7 Professeur, j'aimerais maintenant revenir sur certains aspects de votre

8 rapport. Professeur vous évoquez le principe de la lex mitior. Est-ce que

9 vous diriez qu'il s'agit là d'une règle du droit international coutumier ?

10 R. Oui, sur la base de l'impression que m'ont donnée les pays étudiés.

11 Mais, je dois vous dire que ça n'a pas constitué l'objet d'une question

12 précise comme nous avons étudié les différents pays, nous n'avons pas

13 demandé si le principe de lex mitior était pris en compte. Nous n'avons pas

14 demandé cela expressément. Mais vu mon expérience en matière du droit

15 comparatif, je répondrais par l'affirmative. Si vous souhaitez que je vous

16 confirme la chose en vous donnant des éléments sur le nombre de pays

17 concernés, il faudrait faire des recherches supplémentaires parce que ceci

18 ne figurait pas dans notre questionnaire. Mais vu mon expérience, je

19 répondrais oui.

20 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Si j'ai bien compris, ceci sera

21 également le cas sur les pays de l'ex-Yougoslavie et surtout en Bosnie-

22 Herzégovine ?

23 R. Oui, s'agissant des territoires de l'ex Fédération socialiste de

24 Yougoslavie, on peut dire que ce principe figure au code pénale de la

25 République, code pénal de '76 et '77, nous l'avons mentionné dans notre

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1 rapport écrit, et ce même principe se retrouve par écrit dans un grand

2 nombre des autres codes que je vous ai mentionnés. Et je pense que dans

3 tous les codes qui traitent de manière générale le droit pénal, on doit

4 retrouver ce concept.

5 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je souhaiterais profiter de cette

6 occasion pour attirer l'attention des parties sur le fait qu'étant donné

7 que vous parlez également de la peine de mort dans votre rapport, quand on

8 applique cette règle de la lex mitior, il faut bien savoir que la Bosnie-

9 Herzégovine a ratifié :

10 "Le protocole 13 de la convention sur protection des droits de l'homme et

11 des libertés fondamentales et qui concerne l'abolition de la peine de mort

12 quelque soit les circonstances", ETS 187 du 29 juillet 2003, et le 1e

13 novembre 2003, ce texte est entré en vigueur si bien que quelque soit les

14 circonstances même en cas de crime de guerre, la peine de mort est abolie

15 en Bosnie-Herzégovine.

16 Après avoir pris votre connaissance de votre rapport, j'ai la question

17 suivante : Est-il juste de dire que de nombreux pays -- que dans de

18 nombreux pays qu'il y a plaidoyer de culpabilité ou l'aveu, la réduction de

19 la peine dépend de la gravité de l'infraction et que dans certain pays on

20 fait une distinction en cas d'infraction -- en fait une différence en cas

21 d'infraction peut grave et il peut même y avoir une réduction importante de

22 la peine mais que ce n'est pas le même cas pour les infractions plus

23 graves ?

24 R. Je dirais la chose suivante: s'il y a une loi qui prévoit une peine

25 obligatoire, à ce moment-là il n'est pas possible de réduire la peine du

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1 fait du cadre juridique, parce que la loi stipule qu'il doit en être ainsi,

2 que c'est la peine qu'il faut prononcer. S'il n'y a pas d'autre texte qui

3 permet une réduction de la peine, il en est différemment, ça dépend des

4 pays, dans certains pays les juges ont un pouvoir discrétionnaire en

5 matière de réduction de la peine.

6 Il n'y a pas de disposition spécifique dans ce sens il n'est pas possible

7 d'aller à l'encontre de cette règle de la peine obligatoire, mais dans les

8 pays où il n'y a pas de peine obligatoire stipulé à ce moment-là il

9 appartient aux juges de décider de la peine à prononcer.

10 Je ne connais aucun système judiciaire où il soit expressément stipulé

11 qu'en cas d'infractions très graves on ne peut pas prendre en compte un

12 plaidoyer de culpabilité alors que c'est le cas pour les infractions moins

13 graves. Cette question, elle est réglée par les critères généraux du droit

14 pénal qui stipule que les sentences, les peines doivent dépendre de la

15 gravité de l'infraction, de la culpabilité de l'accusé et que le juge doit

16 tenir compte de ces deux éléments. Le plaidoyer de culpabilité y compris le

17 remords d'un côté la gravité de l'infraction d'un autre côté. Bien entendu,

18 plus l'infraction commise est grave plus cet aspect prévaut dans la

19 détermination de la peine. Mais là encore, il n'y a pas de règles précises

20 qui limitent le pouvoir discrétionnaire du juge. C'est juste là une

21 conséquence des principes généraux de détermination de la peine qui figure

22 dans la loi -- dans le droit.

23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] A ce même sujet, je souhaiterais

24 attirer l'attention des parties sur le rapport qu'il nous présente des

25 approches différentes. Par exemple, au Royaume-Uni, et Me Morrison le sait

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1 sans doute mieux que moi, il nous est dit, qu'au Royaume-Uni, "En général

2 il y a une réduction" - je n'aime pas le terme de "réduction" dans ce

3 contexte mais où il y a une réduction, - "une diminution de la peine

4 d'environ 30 %." Mais cela ne semble pas le cas pour les meurtres.

5 N'hésitez pas à m'interrompre si je me trompe, mais il me semble qu'il en

6 soit de même en Russie où aucune réduction n'est accordée en cas de crimes

7 graves, il semble qu'il en est de même au terme de la nouvelle loi

8 italienne avec une peine maximale de deux ans. Il en semble qu'il en soit

9 de même également au Canada en cas de meurtres si le crime de meurtres est

10 particulièrement grave. Une fois encore je reviens à la même question.

11 Peut-on identifier une approche générale s'agissant de la valeur accordée

12 au plaidoyer de culpabilité et aux aveux en particulier lorsqu'on examine

13 le cas d'un crime grave.

14 R. Je n'ai pas sous les yeux les rapports concernant chacun de ces pays.

15 Ce dont vous venez donner lecture c'est -- cela ressort des rapports qui

16 ont été préparé par nos différents spécialistes. Moi, je ne peux que

17 confirmer l'exactitude des rapports -- d'informations contenues dans notre

18 rapport.

19 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Il y a un autre aspect qu'il

20 convient de mettre en évidence. Dans notre statut comme vous l'avez dit à

21 très juste titre au début de votre rapport notre statut fait référence à la

22 grille des peines en ex-Yougoslavie en 1992 -- en ex-Yougoslavie. Est-ce

23 que dans le cadre de votre examen vous vous êtes interrogé sur la question

24 de savoir s'il existait à l'époque un système judiciaire opérationnel si

25 bien tel que l'on pouvait effectivement parler de grille générale

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1 d'emprisonnement effective en 1992 en ex-Yougoslavie particulièrement pour

2 ce qui est des crimes de guerre ?

3 R. Pour les crimes de guerre, je ne pense pas qu'il y a eu d'expériences

4 concrètes d'application du code de 1976 et de 1977. Si on examine les

5 commentaires du code fédéral de 1976 et 1977, il y a des éléments qui nous

6 indiquent que ces dispositions ne jouent pas un rôle majeur en Yougoslavie.

7 J'ai lu une introduction au code, introduction du code qui explique je cite

8 :

9 "Nous avons inclus les crimes de guerre dans le code 1976, 1977 du fait de

10 nos obligations internationales en particulier du fait de notre adhésion au

11 protocole de Genève, mais en fait ces dispositions ne jouent aucun rôle

12 elles sont simplement présentes dans le code." Approximatif -- Donc ceci

13 nous montre que jusqu'au moment où le nouveau code a été établi en 1992,

14 ces dispositions n'ont pas été utilisées ou pas utilisées de manière

15 intense donc on peut dire que jusqu'en 1992 il n'y a pas eu d'affaire ou

16 d'intervention judiciaire importante pour des crimes de guerre. C'est

17 pourquoi on s'est concentré dans notre rapport les crimes de droit commun.

18 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Il y a un volet ou un aspect qui

19 concerne les crimes de guerre mais il y a aussi les crimes contre

20 l'humanité. Ai-je raison de penser qu'en 1992 cette infraction n'était

21 prévue, cette infraction de crime contre l'humanité n'était prévue, une

22 infraction qui recouvrait tous les crimes qui sont répertoriés à l'Article

23 5 du statut du Tribunal. Il y avait certes l'Article 141, qui était

24 intitulé "Crime contre l'humanité" mais qui en fait était limité aux

25 génocides. Est-ce que ceci est exact ?

Page 401

1 R. C'est exact. L'ancien code de 1976, 1977 contenait les crimes de guerre

2 et autant que je m'en souvienne le génocide mais en tout cas il est

3 indéniable que selon nos critères il ne figurait aucun crime contre

4 l'humanité, et la situation est restée en l'espèce au fil de toutes les

5 modifications du code. A une exception à ma connaissance, une exception qui

6 a modifié cette situation en l'an 2003 le code pénal de Bosnie-Herzégovine

7 promulguait par le haut représentant, ce code donc on y trouve le crime

8 contre l'humanité qui est sanctionné de la même manière que les crimes de

9 guerre en cas de meurtres engravés.

10 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ceci m'amène à un autre aspect du

11 concept de lex mitior. Conviendrez-vous que certains des éléments

12 constitutifs des crimes ont -- où conviendrez-vous que lorsque certains

13 éléments d'un crime ont changés pour une situation ou pour un événement

14 qui a eu lieu en 1992, on ne peut appliquer que la peine la plus clémente

15 prévue ?

16 R. Je n'ai pas compris la question, excusez-moi.

17 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Comme vous l'avez indiqué en 2003,

18 le code de Bosnie-Herzégovine a été modifié. Il a été promulgué par le haut

19 représentant en Bosnie-Herzégovine. Et on y trouve maintenant les crimes

20 contre l'humanité. Est-il exact selon vous, en tant qu'universitaire, de

21 dire qu'il n'est pas possible de tenir compte de cette modification au

22 détriment d'un accusé, changement non seulement dans la dénomination du

23 crime, mais aussi dans les éléments constitutifs de ce crime ? Est-ce que

24 donc ici, le concept de lex mitior doit être appliqué de la même manière ?

25 R. Moi dans mon rapport, suite aux questions qui nous avaient été posées,

Page 402

1 je me suis interrogé sur la comparaison des différentes peines prononcées.

2 Nous ne nous sommes pas penchés sur l'application du principe de lex mitior

3 parce que nous avons pensé qu'il appartenait aux juges de la Chambre de

4 statuer sur cette question précise.

5 Mais cependant, s'agissant du concept de lex mitior, il y a deux choses

6 bien distinctes qu'il convient d'avoir à l'esprit et doivent être

7 envisagées de manière distincte. Premièrement, s'agissant du concept de lex

8 mitior, est-ce qu'il faut se référer uniquement à la situation en 1992 et

9 en 2003 ou bien est-ce qu'il faut prendre en compte tout ce qui s'est passé

10 entre ces deux dates ? Donc question théorique, je sais parce qu'en fait ça

11 n'entraîne pas beaucoup de changements dans la réponse. Et le deuxième

12 aspect de cette question, c'est que dans des cas types, dans des cas tel

13 que, par exemple, un meurtre en 1992, la peine maximale d'emprisonnement

14 prévue était de 20 ans ainsi que la peine de mort qui n'existe plus

15 aujourd'hui. Mais en 1992, la peine de mort pouvait être commuée en 20 ans

16 de prison. Alors la question qui se pose, c'est de savoir comment en 1992,

17 on abordait cette question. Est-ce qu'il fallait se limiter à la peine

18 d'emprisonnement de 20 ans en partant du principe que c'était là la peine

19 maximale qui pouvait être prononcée à l'époque ou bien est-ce qu'on adopte

20 la logique suivante ? Il y a la peine de mort qui était commuée en prison à

21 vie maintenant. Et si on fait ça en 1992, si on aborde la situation en 1992

22 remplaçant la peine de mort par une peine de prison à vie, à ce moment-là,

23 les 45 ans qui figurent dans le code de 2003 sont une peine plus clémente.

24 La question que vous nous posez, bien entendu, c'est de savoir à quel point

25 le Tribunal pénal international est tenu d'appliquer le concept de lex

Page 403

1 mitior. Dans son statut, il est prévu que la Chambre peut prononcer une

2 peine d'emprisonnement à vie pour le reste de la durée de la vie de

3 personne condamnée. Mais vu la situation sur la territoire de l'ex-

4 Yougoslavie, c'est seulement un des principes qu'il convient d'appliquer.

5 La question donc est comment formellement le concept de la lex mitior est-

6 il appliqué ? Si la question devait être posée à un tribunal en l'ex-

7 Yougoslavie, il faudrait examiner, aborder, la chose de manière très

8 stricte, avec le principe de nullum crimen sine lege et cetera, et cetera.

9 Mais est-ce que c'est uniquement la situation dans les tribunaux de l'ex-

10 Yougoslavie qu'il faut prendre en compte ? Ça, je ne sais pas. Je pense que

11 c'est différent dans les autres tribunaux. Le concept de la lex mitior doit

12 peut-être s'appliquer moins strictement.

13 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Un autre aspect de votre rapport,

14 dans votre rapport, vous nous dites que la question est de savoir comment

15 on doit tenir compte de la coopération avec l'Accusation. Et d'abord, à qui

16 appartient-il d'évaluer cette coopération ? Je souhaite attirer l'attention

17 des parties sur l'Article 41(A) de la loi qui s'applique à ce sujet en

18 Autriche. Est-ce que le tribunal est tenu d'expliciter pourquoi une

19 coopération importante doit être considérée comme circonstance atténuante ?

20 R. Nous n'avons pas essayé de répondre à la question par rapport à ce que

21 vous venez de demander, ça dépend des résultats des rapports sur les

22 différent pays. Et c'est là que vous pouvez trouver une réponse à cela.

23 Mais pour la plupart des pays, nous avons quand même regardé cet aspect et

24 il faudrait donc que je me penche sur les cas de figure de différents pays

25 qui sont dans le rapport que nous avons préparé pour ce Tribunal. Et je

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1 crois que c'est quand même au Tribunal à chaque fois de déterminer la

2 peine.

3 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Et ma dernière question : Vous nous

4 avez donné cinq cas de figure pour l'ancienne Yougoslavie, jugés ailleurs,

5 par exemple au Danemark ou en Allemagne. Etant donné que vous avez eu très

6 peu de temps à votre disposition, vous n'avez pas pu étudier toutes ces

7 affaires. Vous avez regardé les affaires dans les différents pays du

8 Conseil de l'Europe mais vous n'avez pas pu les étudier tous, même les cas

9 au Danemark, en Suisse et en Allemagne. Je pense que c'est quelque chose

10 qui est tout à fait public et que l'on peut dire qu'en Allemagne il y a eu

11 beaucoup plus d'affaires. Mais étant donné que la Cour fédérale allemande a

12 trouvé que le fond de l'affaire n'était pas suffisamment touffu et ils

13 n'ont pas donné suite à ces affaires.

14 R. Nous n'avons pas systématiquement étudié cet aspect dans tous les pays.

15 Nous avons fait appel à des bases de données informatiques et nous nous

16 sommes plutôt basés aussi sur les connaissances personnelles de différents

17 pays par les experts qui ont étudié tel ou tel pays. Ceci dans le cadre

18 plus large de l'institut Max-Planck qui étudie la loi pénale

19 internationale. Donc un certain nombre de nos collaborateurs ont déjà pu

20 rencontrer de telles affaires auparavant.

21 Ce que je pourrais dire pour notre rapport, c'est qu'il donne une bonne

22 idée de ce qui était porté à notre connaissance auparavant, ce qui avait

23 été publié mais nous n'avons pas eu le temps de faire une recherche très

24 ample vu le temps qui nous était imparti.

25 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

Page 405

1 Nous allons maintenant procéder à une pause jusqu'à midi vingt.

2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 08.

3 --- L'audience est reprise à 12 heures 23.

4 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez vous asseoir. J'ai enfin

5 une question d'ordre technique après avoir entendu les parties, nous allons

6 verser votre -- ce rapport au dossier. Cependant, il y a un problème, à

7 savoir que les rapports sur les différents pays sont uniquement en langue

8 allemande. Vous avez indiqué que vous pourriez envoyer lundi prochain un

9 rapport mis à jour et complet au Tribunal. Serait-il possible que les

10 parties en allemand soient traduites ou bien pourrait-on avoir un résumé en

11 anglais des parties qui sont écrites en allemand ?

12 R. Quant aux rapports sur différents pays, pour moi c'étaient des

13 documents de travail telle que la littérature, c'est-à-dire différents

14 manuels ou différents rapports. Donc pour moi la question se pose -- qui

15 s'est posée, faut-il que je présente ce matériel de travail au Tribunal et

16 puis j'ai décidé que tel devait être le cas pour avoir une -- pour pouvoir

17 démontrer quelle était notre méthode du travail. Mais en revanche, nous ne

18 l'avons pas traduit en anglais puisque pour nous, c'était juste notre

19 document du travail et non pas le résultat de notre travail. Par ailleurs,

20 nous n'avons pas eu le temps de faire ces traductions.

21 Quant à la possibilité de traduire ces documents en anglais, la plupart de

22 ces documents sont en allemand et je ne sais pas si le temps est suffisant

23 pour pouvoir le faire d'ici lundi prochain, surtout si l'on tient compte

24 que mes collaborateurs ont travaillé d'arrache-pied le week-end dernier. Je

25 pourrais vous proposer une autre solution tout de même. Les aspects

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1 spécifiques, qui seraient intéressants pour vous dans le cadre de cette

2 audience relative au prononcé de la peine, pourraient être donc incorporés

3 dans nos rapports. Cela dépendra aussi du temps que nous aurons à notre

4 disposition. Mais nous pourrions peut-être traduire des parties, qui sont

5 encore en allemand. Par exemple tous ceux qui concernent les aveux et le

6 plaidoyer de culpabilité. Nous avons pour l'instant dit tout simplement

7 que, dans la plupart des pays, cela se passait de telle ou telle manière

8 sans réellement donner les détails pour tel ou tel pays. Et je pense que

9 nous devrions inclure aussi ces aspects-là des rapports, pays par pays. Je

10 pense que ce serait intéressant et important pour vous de les avoir. Donc,

11 ce que l'on pourrait faire, c'est le résumé des informations surtout

12 concernant les questions que vous m'avez posées ici, ou bien le Tribunal

13 pourrait peut-être être intéressé par des sections tout à fait

14 particulières, par exemple, tout ce qui concerne les aveux ou bien les

15 accords qui concernent le prononcé de la peine. Donc, il faut voir si vous

16 voulez un certain nombre d'aspects pour un certain nombre de pays, ou bien

17 si l'on traduit tous les rapports, pays par pays, ce qui demanderait bien

18 sûr beaucoup plus de temps.

19 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Il faut que l'on

20 entende les parties aussi. Mais dès le départ, je ne pense pas qu'il soit

21 judicieux de prolonger les délais tout simplement parce qu'il faudrait

22 traduire un certain nombre de documents, des documents tout à fait publics

23 qui sont par ailleurs disponibles sur Internet. Mais nous pouvons en

24 débattre plus tard.

25 Je demanderais maintenant à mes collègues s'ils ont des questions à vous

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1 poser.

2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci professeur, votre rapport est

3 très détaillé et a été d'une nature très informative. J'ai très peu de

4 questions pour vous. J'ai regardé votre rapport ainsi que les annexes et

5 j'ai remarqué que la grille de peine changeait de manière dramatique ou

6 radicale entre 1997 et 1992. Il est tout à fait clair qu'en 1992, pour des

7 crimes de droit commun que vous avez pris comme exemple dans votre rapport,

8 il semble que les peines maximales, qui pouvaient être prononcées dans les

9 différents pays -- différentes républiques de l'ex-Yougoslavie étaient

10 moins sévères qu'il n'était le cas en 1997. Est-ce que je suis arrivé à la

11 bonne conclusion ?

12 R. Si l'on compare la grille de peine en 1992 d'un côté, avec la situation

13 qui prévalait en 1976 et 1977 et par la suite si on regarde la situation

14 actuelle, il faut réellement regarder les différents éléments de

15 comparaison. Si vous regardez uniquement les peines de prison, il est tout

16 à fait clair que la situation s'est alourdie dans le sens que, les peines

17 maximales en 1997, et donc par ce fait même en 1992, n'étaient que de 20

18 ans. Aujourd'hui dans la Republika Srpska, il y a la prison à perpétuité et

19 dans la Fédération de la République de Bosnie-Herzégovine et aussi sur tout

20 le territoire, en ce qui concerne le code imposé par les hauts

21 représentants, cette peine maximale est de 45 ans.

22 Si donc on compare la situation en 1992, et la situation qui prévaut

23 aujourd'hui, les peines maintenant sont plus lourdes. Mais on pourrait, en

24 disant comme ça, négliger le fait qu'en 1992 la peine de mort existait.

25 Mais si vous regardez donc aussi la possibilité de prononcer la peine dans

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1 ce cas-là, on peut dire qu'actuellement, du moins d'un point de vue tout à

2 fait normatif, les peines actuelles sont plus légères.

3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je regarde maintenant les pages 56 à 62

4 de votre rapport. Et il me semble qu'il y a une différence de taille dans

5 le traitement de différents crimes, dans l'optique des prononcés de peine

6 en Macédoine d'un côté et dans toutes les autres républiques de l'autre.

7 Pourriez-vous me dire si vous avez trouvé la raison pour laquelle ces

8 infractions, ces crimes étaient sujets à un traitement différent ?

9 R. Non, la raison principale en est que notre banque de données était trop

10 petite pour les comparaisons des différentes affaires, dans les différentes

11 républiques. Nous avons tout simplement rencontré des juges, et donc

12 n'avons pas réellement pu faire la comparaison sur la base des informations

13 dont nous disposions. Mais nous n'avions que trois juges qui venaient de

14 Macédoine et il est difficile de dire que d'un point de vue statistique en

15 Macédoine, les peines prononcées étaient plus sévères. Mais sur ce que nous

16 avons fait, les statistiques que j'ai faites, c'était donc d'une portée

17 limitée.

18 Il est très difficile de dire qu'il y a une moyenne ou une statistique

19 fiable quant on se base sur 17 juges. Mais j'ai osé faire ces statistiques

20 tout simplement dans le cadre de quelque chose que je regardais comme étant

21 une étude pilote, sinon l'échantillon de deux ou trois juges est trop

22 petit. Je ne peux pas dire qu'une méthode solide de recherche est celle que

23 nous avons faite jusqu'à présent. Il se peut que par hasard, nous avons

24 rencontré ces trois juges qui sont particulièrement sévères, peut-être que

25 les autres le seraient moins.

Page 409

1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais sur la base de ce que vous avez

2 fait et si l'on regarde les tableaux figurant à la page 62 [sic] de votre

3 rapport, le tableau, qui démontre les peines pour tous ces crimes jugés

4 soit séparément, soit de façon cumulative. Quelles sont les différences que

5 votre rapport démontre ? Quelle serait la différence si vous ne preniez pas

6 en compte la Macédoine ou si vous ignoriez les résultats donnés par les

7 juges macédoniens. Est-ce que la différence -- les résultats seraient

8 complètement différents dans le tableau qui figure sur la page -- à la page

9 62 ?

10 R. Les résultats macédoniens ont influencé le rapport dans ce tableau dans

11 le cas où je donnais une moyenne puisqu'on on avait dit que j'ai essayé de

12 faire une moyenne de tous les 17 juges. Il est clair que, s'il n'y avaient

13 pas les résultats des trois juges macédoniens, le nombre d'années ne serait

14 pas de 36 mais moindre. Et souvent dans les méthode d'évaluation vous ne

15 faites pas du tout -- vous ne tenez pas du tout compte des extrêmes, et

16 vous ne prenez que la valeur moyenne. Donc, une méthode de recherche

17 pourrait tout à fait ne pas tenir compte des peines maximales mais dans ce

18 cas-là, il serait bon aussi de ne pas du tout tenir compte des peines

19 minimales et essayer d'avoir une moyenne en prenant uniquement en compte

20 les résultats qui se trouvent entre la valeur maximale et la valeur

21 minimale. Mais il est tout à fait clair que dans ce cas-là le nombre

22 d'années de peine serait très moindre.

23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez fait -- vous avez eu des

24 entretiens avec 17 juges mais nous avons rencontré à ce Tribunal des juges

25 qui eux-mêmes ont été victimes, de différents délits, des pressions, ou

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1 bien qui avaient dans leur famille ou parmi les amis des gens qui ont subi

2 des dommages ou des dégâts. Est-ce que vous avez aussi dans vos entretiens

3 essayer de savoir si parmi les juges que vous avez rencontrés il y avait

4 parmi ces juges quelqu'un qui a souffert dans la guerre, qui a été victime

5 ou qui a été -- qui avait quelqu'un de sa famille proche qui avait été

6 victime pendant la guerre.

7 R. Non. Nous n'avons pas posé ces questions-là. Nous avons demandé aux

8 juges leur âge, leur groupe ethnique, quelle était leur appartenance

9 religieuse. Mais nous n'avons pas posé plus de questions.

10 Mais si nous avons posé au début de notre entretien nous aurions des

11 résultats que nous essayons d'éviter, et même le fait que nous posions la

12 question au départ quelles est votre appartenance ethnique, quelle est

13 votre religion, cela nous a montré, cela mettait les juges mal à l'aise. Si

14 ici, je devais refaire une étude de peine -- de pilote ou une étude je

15 poserais des questions sur l'appartenance ethnique et religieuse à la fin

16 de l'entretien pour éviter que ça n'influence les résultats. Ceci étant,

17 nous savons que l'expérience personnelle est quelque chose qui structure

18 les gens et c'est pour cette raison que les questionnaires ont été conçus

19 de manière à ce que l'entretien semble être une recherche tout à fait

20 ordinaire qui ne porte pas sur les crimes de guerre. Si vous regardez

21 l'ordre des questions nous avons donc dit qu'il s'agissait d'une étude

22 ordinaire de l'institut Max-Planck. Au début, nous posions de questions

23 d'ordre générale après nous avons demandé d'évaluer des cas de droits

24 communs pour les crimes de meurtres, de viols et ainsi de suite. Et nous

25 n'avons introduit que le crime de guerre vers la fin, nous l'avons fait

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1 pour éviter tout type d'influence suite aux vécus des juges.

2 Au moment où nous avions demandé les entretiens nous avions besoin d'un

3 permis accordé par les présidents de différentes juridictions, de

4 différents tribunaux et quand les présidents nous donnaient leurs accords

5 ils voulaient savoir ce que nous faisions et quelles sont les questions que

6 vous allez poser. Pouvons-nous voir ce questionnaire ? Nous leur avons donc

7 montré le questionnaire. Il se peut aussi que le président du Tribunal

8 avait donné les questionnaires aux juges et qu'ils étaient déjà au courant

9 quand la fin de l'entretien on parlerait aussi d'un contexte de guerre.

10 Mais les crimes de guerre ou que les crimes contre l'humanité ne faisaient

11 qu'une partie, ne représentaient qu'une partie de cet entretien et je ne

12 pense pas qu'ils aient -- qu'ils avaient réellement des préjugés et que ça

13 été -- ça pu avoir une influence sur leurs réponses. Je pense que la

14 plupart des juges pensaient qu'il s'agissait d'un questionnaire neutre, il

15 n'y avait qu'un seul juge quand on lui a posé la question pour les crimes

16 contre l'humanité il a tout de suite compris commettant des crimes de

17 guerre il avait dit, oui, en tant de guerre nous devrions prendre en compte

18 le fait qu'il s'agissait là, et je pense qu'il a utilisé le terme qui

19 s'agissait d'une guerre où l'on se défendait et pour lui donc c'était des

20 circonstances atténuantes. Et nous pensons que c'est quelqu'un qui a été

21 influencé là, par les événements historiques et cela dans l'autre sens.

22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Quels étaient les critères que vous

23 avez utilisés pour choisir les 17 juges.

24 Ma deuxième question s'est, mise à part si vous mettez de côté les juges de

25 Serbie où vous n'avez pas reçu la coopération à laquelle vous vous

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1 attendiez, est-ce que dans les autres républiques vous avez essayé de

2 procéder aux entretiens avec plus que 17 juges si oui, pourquoi n'avez-vous

3 pas pu le faire parce qu'ils avaient refusé la coopération ? Vous n'aviez

4 pas plus de temps. Etait-ce pour des questions techniques, un refus ?

5 R. Votre première question concerne les critères. Comment avons-nous

6 choisi les juges ? Nous avons essayé d'avoir un échantillon représentatif

7 pour le pays tout entier. C'est pour cela que nous avons essayé d'avoir à

8 peu près le même nombre de juges de chaque région. Mais nous avons commencé

9 par un pays pour une petite étude pilote nous avons peut-être deux lots de

10 juges pour ainsi dire, c'est-à-dire nous avons commencé avec une mini étude

11 pilote, nous avons essayé de voir si les questions étaient bonnes ou non.

12 Notre critère était de trouver des personnes représentatives que les juges

13 d'une république ne seraient plus nombreux que dans les autres. Puis nous

14 avons aussi essayé de trouver des juges qui avaient de l'expérience avec ce

15 type-là de crime. Nous avons essayé de trouver des juges qui avaient pu

16 juger des affaires avec des crimes graves. Nous essayons d'éviter les gens

17 qui siégeaient dans les tribunaux où l'on parlait par exemple sur des

18 accidents de la route. Nous avons aussi essayé d'interview le plus de juges

19 possible dans le temps qui nous était imparti et comme je vous l'ai déjà

20 expliqué le temps était déterminé par la portée de notre étude. Si vous

21 avez trois semaines à votre disposition pour tout faire et une semaine vous

22 devez passer à écrire le rapport et l'imprimer, une semaine vous devez

23 passer à analyser les données, il vous reste donc une seule semaine pour

24 trouver les juges et parler avec eux. Cela veut dire que le temps que nous

25 avions à notre disposition était très limité, nous devrions aussi trouver

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1 des personnes qui étaient leur contact, nous avons essayé de contacter des

2 avocats ou bien des personnes qui avaient de l'expérience dans le travail

3 empirique en la matière.

4 Si je devais donner plus de détails encore, le temps que nos contacts

5 avaient dans la région était tout à fait petit parce que le temps de

6 trouver les personnes, d'avoir les accords, et d'interviewer les personnes,

7 on ne pouvait consacrer que deux ou trois jours aux entretiens. J'ai essayé

8 d'avoir plus de 17 personnes en leur disant, si vous trouvez des personnes

9 adéquates, nous allons peut-être essayer d'intégrer ces résultats dans

10 notre étude. Mais on nous a dit qu'il n'était pas possible de parler avec

11 plus de personnes parce qu'il fallait aussi compter avec le temps où il

12 fallait transcrire et traduire ces rapports, car dans un certain nombre de

13 cas, il a fallu le traduire en anglais. Et il nous a été dit qu'il n'y

14 aurait pas de temps pour interviewer plus de juges que cela. C'est pour

15 cela que je parle de l'étude pilote, qui peut vous donner des indications,

16 mais ceci n'est pas un échantillon qui permet de faire des analyses

17 approfondies pour les différentes républiques.

18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Docteur Sieber.

19 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'ai une dernière question à vous

20 poser au sujet de l'aspect normatif de votre recherche. Il me semble que

21 vous avez déjà abordé, en partie, ce sujet, mais j'aimerais savoir si, à un

22 moment quelconque entre l'année 1977 et l'année 2003, vous avez trouvé une

23 disposition juridique obligatoire au sujet de l'impact qu'un plaidoyer de

24 culpabilité ou un aveu a ou avait, sur le territoire de l'ex-Yougoslavie ?

25 R. Pour ce qui est du territoire de l'ex-Yougoslavie, pour autant que je

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1 m'en souvienne, je n'ai pas pu trouver ce genre de disposition, à cette

2 exception près, qu'il y a des dispositions au sujet des critères généraux

3 de la détermination de la peine, et que ces critères généraux que vous

4 trouvez dans ce rapport, et bien, concernent aussi l'aspect de l'aveu. Et

5 ce, dans le cadre général de la conduite de l'auteur de l'infraction. Donc

6 nous pourrions examiner ces dispositions qui sont assez semblables, et la

7 question que nous pourrions poser est de savoir, y a-t-il des critères qui

8 doivent être respectés, satisfaits ? Et effectivement, ces critères

9 existent. Et les juges apparemment ont donné des explications au sujet du

10 remords, aussi au sujet des économies qu'on peut faire dans la procédure.

11 Mais il n'y a pas de dispositions explicites.

12 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Les juges n'ont

13 pas d'autres questions.

14 L'Accusation a la parole.

15 Questions de l'Accusation, M. Yapa :

16 M. YAPA : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Les

17 questions que j'ai à poser à l'imminent professeur seront très brèves.

18 Compte tenu du fait qu'il convient d'examiner davantage les documents, mais

19 avec l'autorisation de la Chambre, nous pourrions peut-être soumettre nos

20 remarques au sujet du rapport sous forme écrite, en temps voulu. Mais j'ai

21 néanmoins quelques questions à poser aujourd'hui à M. le professeur.

22 Q. Donc, vous avez déjà été interrogé au sujet d'un certain nombre de

23 critères qui ont été utilisés dans votre étude. Et ma question serait un

24 peu plus générale. Lorsque vous répondiez à certaines questions, je

25 remarquais une certaine hésitation de votre part, et je me suis dit que

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1 c'était dû plutôt au fait que vous n'avez pas eu suffisamment de temps

2 lorsque vous avez mené votre recherche.

3 R. Oui, effectivement, il y a eu la limitation pour ce qui est de

4 l'ensemble de la recherche. Et en plus, il y a le facteur de l'étendue de

5 la recherche. Parfois, j'ai été interrogé au sujet des points particuliers,

6 or des points tout à fait spécifiques n'ont pas été analysés de manière

7 systématique, s'agissant des différents pays, donc des spécialistes des

8 différents pays ou s'agissant des personnes que nous avons interrogées. Et

9 je pense que ce ne serait pas responsable, pour ma part, de répondre aux

10 questions juste de mémoire, et ne répondant en disant qu'un grand nombre de

11 pays ont fait tel ou tel chose. Donc en me fondant simplement sur mes

12 impressions. Donc c'est la raison pour laquelle, lorsqu'il s'agissait de

13 questions qui n'ont pas encore été particulièrement étudiées ou qui ne

14 figurent pas de manière détaillée dans les rapports par pays, et bien, je

15 me suis retenu de répondre. Parce que vous voyez, tel ou tel spécialiste

16 par pays pouvait trouver un aspect -- un tel ou tel aspect intéressant, et

17 ce n'était pas le cas d'un autre expert. Donc avec ces réserves, vous

18 comprendrez -- vous comprendrez pourquoi je veux être prudent, et je ne

19 souhaite pas répondre à des questions spécifiques qui n'étaient contenues

20 dans l'ordonnance portant au calendrier initial.

21 Q. Je vous remercie, Docteur Sieber. Alors, les questions, selon les

22 différents cas que vous avez présentés aux juges, est-ce que, lorsque vous

23 avez conçu ces exemples, vous avez tenu compte de l'acte d'accusation qui

24 nous intéresse ici ?

25 R. Oui, tout à fait. Nous avions à l'esprit l'affaire qui nous intéresse

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1 ici puisque l'objectif de la requête de la Chambre a été d'obtenir des

2 éléments d'information complémentaires afin de pouvoir se déterminer dans

3 cette affaire, et c'est la raison pour laquelle nous avons essayé de

4 présenter un exemple le plus semblable possible. Il nous a aussi fallu

5 varier et différencier entre les différents éléments, et comme je l'ai déjà

6 expliqué, nous avons dû concevoir, par exemple, des modèles les plus

7 proches du plaidoyer de culpabilité que nous avons à l'adresse de certains

8 pays. Donc les faits, par exemple, l'exposé des faits pouvait figurer dans

9 ces cas où il était question de plaidoyer de culpabilité. Si vous examinez

10 les questionnaires pour l'approche normative, vous verrez qu'ils sont

11 extrêmement détaillés, et nous avons principalement trouvé deux variations

12 dans l'acte d'accusation. Donc c'est la raison pour laquelle on a cherché à

13 détailler le questionnaire. D'autre part, nous nous adressions aux juges,

14 et j'ai -- je dois dire que j'ai eu l'occasion de mener toute une série

15 d'études depuis 10 ou 20 ans où je m'adressais aux juges, et les juges

16 n'ont pas de temps. Donc on ne pouvait pas leur fournir quatre cas de

17 figures avec deux variations présentées de manière très complexe. Et tout

18 en ayant à l'esprit l'affaire qui est la nôtre ici. Donc il fallait avoir

19 des exemples très courts.

20 Q. Je vous remercie, Docteur Sieber. Alors, ma question suivante contient

21 quelque chose que vous avez particulièrement souligné dans vos réponses.

22 C'est avant que vous ayez dit que c'était une étude pilote, alors est-ce

23 que vous pouvez nous citer des défauts que vous voyez éventuellement dans

24 cette étude pilote -- ce rapport pilote.

25 R. Et bien, cette question concerne les aspects d'une étude finale. Donc

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1 la question est de savoir si vous considérez qu'il s'agit des résultats

2 d'une étude finale.

3 Q. Oui. C'est cela.

4 R. Et bien généralement lorsque vous menez des études empiriques, lorsque

5 vous concevez, élaborer un question vous ne pouvez pas savoir comment la

6 personne interviewée la percevra, la comprendra. Et si vous êtes amenés à

7 conduire plusieurs interviews vous vous rendez compte qu'en fait, il vous

8 faudra modifier vos questions et c'est la raison pour laquelle généralement

9 vous faites d'abord une étude pilote et par la suite vous vous réunissez

10 avec vos collaborateurs et vous appréciez ce qu'il convient de modifier,

11 donc pour éviter des malentendus. Et puis les gens sur le terrain par

12 exemple ils vous disent, et bien, les questions au sujet des croyances

13 religieuses ont mis les juges mal à l'aise. Donc vous décidez de les

14 insérer à la fin ou à les reporter à la fin de l'interrogatoire -- du

15 questionnaire. A d'autres moments, vous posez des questions au sujet des

16 crimes contre l'humanité puis les juges disent, qu'ils ne connaissent pas

17 des affaires concernant les crimes de guerre. Donc la prochaine fois, vous

18 posez votre question d'une manière plus précise donc vous apportez des

19 corrections. Et comme je vous ai dit nous avons fait des séries de deux ou

20 trois entretiens, nous avons eu les réactions et puis nous avons -- nous

21 nous sommes adaptés. Donc vous pouvez dire que ceci est à la fois une étude

22 pilote et une étude finale. Cependant, généralement dans des circonstances

23 plus favorables je ne dirais pas là, que nous avons une étude finale mais

24 juste une étude pilote qui est une bonne étude pilote. Nous n'avons pas eu

25 suffisamment de temps et notre échantillon n'est pas suffisamment

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1 important.

2 Q. [aucune interprétation]

3 L'INTERPRÈTE : Hors micro.

4 M. YAPA : [interprétation] Désolé.

5 Q. Dr Sieber, dans notre statut et dans le règlement de procédures et de

6 preuves vous avez vu des lignes directrices concernant la détermination de

7 la peine. Avez-vous pris en compte ces lignes directrices lorsque vous avez

8 forgé votre questionnaire ?

9 R. Non, nous ne l'avons pas fait. Puisque les questions que l'on nous a

10 posées s'intéressaient avant tout à la situation qui a prévalu ou prévaut

11 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et aussi dans d'autres pays. Donc

12 j'ai cherché à me limiter aux questions qui m'avaient été posées donc j'ai

13 -- je pense qu'il appartient aux juges de juger de ces questions en regard

14 du statut de ce Tribunal. Donc nous ne voulions pas jouer leur rôle. Il me

15 semble que c'est le rôle qui appartient aux éminents juges. Donc comment

16 puis-je aider la cour avant tout en conduisant ce genre de recherches

17 comparées et telle a été ma tâche. Et nous avons essayé de le faire de la

18 manière la plus appliquée et nous avons cherché à établir quelle est la

19 situation dans ces pays. Et à présent, il appartient à la Chambre

20 d'apprécier les résultats de notre recherche et les témoins experts ne

21 devraient pas prendre le rôle des juges.

22 Q. Je vous remercie, Dr Sieber.

23 M. YAPA : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, mais puis-je

24 vous fournir nos remarques après avoir pris connaissance de manière plus

25 approfondie de ce rapport. Je vous demanderais votre autorisation.

Page 419

1 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous avons déjà accordé cela aux

2 parties et je vous ai dit que la date butoir était celle du 24 novembre

3 2003 à midi.

4 La Défense a-t-elle des questions.

5 M. MORRISON : [interprétation] Je vous remercie.

6 Questions de la défense, M. Morrison :

7 Q. Professeur Sieber, avant tout je tiens à vous remercier de nous avoir

8 fourni les résultats d'une recherche aussi approfondie en si peu de temps,

9 nous ne nous attendions pas et je pense qu'aucun d'entre nous n'osaient

10 espérer obtenir un document aussi sérieux en si peu de temps. Ceci a des

11 avantages et des inconvénients bien entendu. Alors les avantages, c'est que

12 nous avons obtenu un volume considérable d'informations, les inconvénients,

13 est qu'il faudra savoir comment prendre cela en considération. Donc je

14 serais heureux de pouvoir communiquer par écrit mes commentaires et je n'ai

15 que peu de questions à vous poser aujourd'hui.

16 Alors nous sommes d'accord sur le fait qu'il n'y a pas de droit

17 international coutumier sur les peines.

18 R. Je décris dans mon rapport la situation de différents pays.

19 Q. Oui.

20 R. Alors est-ce que vous voulez considérer que cette étude, en fait, -- ce

21 rapport ne cherchait pas à évaluer le rôle du droit international

22 coutumier, donc je dirais qu'il appartient à la Chambre de décider de cela.

23 S'agit-il sur la base de ces données ? S'agit-il là du droit coutumier ?

24 Q. Mais ce serait risqué sur la base d'une étude pilote, n'est-ce pas ?

25 Bien plus dangereux que de le faire par exemple après avoir eu les

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1 résultats d'une étude qui se serait déroulée sur six mois ou un an, enfin,

2 c'est le temps que vous avez évoqué comme nécessaire pour une étude

3 approfondie et finale.

4 R. Oui. J'ai -- si j'ai utilisé le terme "étude pilote" c'était avant tout

5 pour ce qui est de l'aspect empirique de la recherche avec les réserves que

6 j'ai faites. Donc disant que l'institut Max-Planck respecte des normes très

7 sévères dans le domaine de la recherche et que -- j'ai dit que dans des

8 circonstances normales on aurait conduit ce genre de recherche sur une

9 période plus longue. Mais le terme "étude pilote" n'a pas autant

10 d'importance lorsqu'il s'agit du volet normatif de notre recherche. Pour ce

11 qui est des rapports émanants des différents pays et bien je dois dire

12 qu'ils sont très, très solides. Avec un peu plus de temps, bien entendu, on

13 aurait pu englober dans cette étude davantage de pays, nous en avons 23

14 ici. Mais vous pourriez -- on pourrait également envisager d'autres

15 questions, des questions plus spécifiques, des questions qu'il m'avait été

16 adressées initialement. Donc je ne peux pas vous répondre de manière

17 tranchée mais je pense pour ce qui est des questions explicites qui ont été

18 posées et auxquelles nous avons répondues vue la manière dont nos

19 rapporteurs ont -- sont exprimés par pays, je pense que nos résultats sont

20 tout à fait fiables. Mais il appartient, j'ajoute à la Chambre d'apprécier

21 le fait qui est de savoir s'il s'agit là d'une base suffisante pour en

22 faire une règle de droit international coutumier ou non.

23 Q. Alors indépendamment de cela vous en tant que juriste, vous estimez que

24 le principe de la lex mitior est un principe qui est contenu aujourd'hui

25 dans le droit coutumier ?

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1 R. Oui, oui, sans aucun doute. Nous avons le principe de nullum crimen,

2 qui a été le point de départ de notre évaluation. Et dans la plupart des

3 textes de loi, dans les instruments internationaux, ceci existe, et la loi

4 -- la lex mitior existe de manière comparable d'après mes études. Dans la

5 plupart des systèmes juridiques, elle constitue un principe général. Mais

6 si je le dis, ce n'est pas en me fondant sur des comparaisons quantitatives

7 entre les pays, puisque la question qui nous a été posée par le Tribunal,

8 ne nous a pas demandée donc d'étudier explicitement ce principe. Je pense

9 qu'il est très clair qu'une grosse majorité de nos rapporteurs par pays

10 auraient répondu que la lex mitior s'applique.

11 Q. Alors s'agissant des réductions de peine dans les différentes

12 juridictions nationales, nous savons comment la jurisprudence de ce

13 Tribunal les prend en compte. Nous savons comment le plaidoyer de

14 culpabilité et d'autres éléments sont pris en considération en tant que

15 facteurs atténuants. Alors seriez-vous d'accord pour dire que la

16 particularité des tribunaux ad hoc, à la fois de ce Tribunal et du Tribunal

17 de Rwanda, est qu'il est nécessaire -- estiment nécessaire de prendre en

18 considération le processus de réconciliation et réhabilitation des sociétés

19 qui ont été le plus touchées par les crimes ?

20 R. Je pense que ceci, tout simplement, n'a pas -- était l'objectif de

21 notre étude. Nous ne nous sommes pas intéressés à cela.

22 Q. Fort bien.

23 R. Je voulais simplement me référer aux critères généraux et ce sont eux

24 que nous avons étudiés eu égard à la peine. Et bien entendu, le

25 comportement de l'accusé après la commission des actes doit être considéré

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1 d'après ces critères que nous avons étudiés y compris la question de l'aveu

2 et de l'accord de plaidoyer.

3 Q. Il me semble difficile de faire une distinction entre le plaidoyer de

4 culpabilité et l'aveu, mais laissons cela de côté. Si je vous ai posé la

5 question de la manière dont je l'ai fait, c'est parce que la question de la

6 réconciliation est essentielle dans le mandat de ce Tribunal et cette

7 question n'est pas pertinente dans les pays auxquels vous vous êtes

8 adressés, n'est-ce pas ?

9 R. Il me semble que j'ai pris contact avec des pays qui ont connu des

10 situations comparables. Par exemple, vous avez la République sud-africaine

11 avec ses commissions de la vérité, ça c'est un exemple où la réconciliation

12 a joué un rôle important. Et aussi, pour ce qui est de l'Amérique du Sud,

13 je pense. Cela, vous avez un certain nombre de pays qui sont dans une

14 situation semblable à l'ex-Yougoslavie. Et si nous l'avons fait, c'était de

15 manière intentionnelle. Nous voulions voir s'il y avait là aussi des

16 exemples pratiques pour ce qui est des libérations anticipées et des cas

17 semblables. Donc nous voulions tenir compte de l'ensemble de ces aspects.

18 Q. Bien entendu, mais l'Amérique du Sud, par exemple, où les commissions

19 la vérité, la réconciliation en Afrique du Sud, et bien, ce sont des

20 instances séparées des tribunaux nationaux. Alors il s'agit d'instances qui

21 ont été créées spécifiquement pour s'occuper des affaires qui ne relèvent

22 pas de la compétence des tribunaux ordinaires, et ce aux fins de

23 réconciliation.

24 R. Oui. Mais considérant la question qui nous a été posée, ceci au sens --

25 elle, au sens strict du terme ne s'intéressait pas à cela.

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1 Q. Excusez-moi si je sors un petit peu du cadre de votre rapport, mais

2 vous êtes le seul expert juridique que nous avons à notre disposition pour

3 le moment, donc j'essaie d'en profiter au maximum. Alors s'agissant des

4 peines qui vous ont été communiquées, il y avait des peines en première

5 instance. Il n'y avait pas de décisions des Chambres d'appel. C'est exact ?

6 R. Oui, c'est exact, pour autant que je ne m'abuse pas.

7 Q. Et vous parlez de la -- en page 23, des -- d'un certain nombre de

8 réserves exprimés par les juges. Vous avez en fait déjà répondu à cette

9 question qui vous a été posée par mon imminent collègue et aussi lorsque

10 vous avez répondu aux questions des juges. Donc je ne voudrais pas aller

11 trop en détails, mais j'aimerais savoir ceci : Les juges avaient-ils vu les

12 questions auparavant ? Avaient-ils eu connaissance des questions. Donc ont-

13 ils, au préalable, donc ont-ils pu se préparer ?

14 R. Il est difficile de le savoir.

15 Q. Oui, c'est très bien.

16 R. Je ne peux vraiment pas savoir si le président du tribunal avait

17 communiqué le questionnaire au juge au préalable. Cependant, ce qui est

18 clair, c'est que les juges n'ont pas eu beaucoup de temps pour se préparer.

19 Dans la plupart des cas, nous avons eu l'autorisation, par exemple, le jour

20 X, et dès le lendemain, nos collaborateurs venaient au tribunal pour

21 conduire l'entretien. Donc il y a eu très peu de temps pour se préparer. Et

22 si vous examinez le questionnaire, vous verrez qu'il ne s'intéresse pas, de

23 manière spécifique, à la question des crimes contre l'humanité et à la

24 question des crimes de guerre. Ceci n'intervient qu'à la fin du

25 questionnaire. Donc la majorité des questions sont des questions d'ordre

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1 général, et je ne pense pas que les juges avaient à l'esprit le Tribunal

2 pénal de La Haye. Et j'ai même dit à mes collaborateurs de ne pas informer

3 les personnes conduisant les interviews quel est l'objectif de l'étude.

4 Donc afin, tout simplement, d'éviter de diffuser cela. Donc il me semble

5 que les juges pensaient qu'il s'agissait d'une étude d'ordre général. Et un

6 point supplémentaire. Dans une des entités, pendant que les entretiens

7 avaient lieu, une évaluation des juges était en cours. Donc pour évaluer la

8 qualité de leur travail, savoir s'ils devaient rester en poste ou non. Et

9 ceci peut-être a incité les juges à penser que ces questions leur étaient

10 posées à cette fin.

11 Q. Et un dernier point au sujet des juges. Les juges tenaient compte de la

12 loi en vigueur et des peines maximales qu'ils pouvaient prononcer, n'est-ce

13 pas ?

14 R. Comme je l'ai déjà expliqué, j'ai posé les deux questions. Nous avons

15 commencé par la loi en vigueur puisqu'il était plus facile aux juges de

16 répondre à cette question. Puis, par la suite, quand on conduit un

17 entretien, et bien, on peut -- ça dépend de l'ambiance qui s'installe. Donc

18 si vous commencez avec des questions un peu difficiles, les juges

19 deviennent agacés ou ils se replient sur eux-mêmes, et vous ne pouvez pas

20 continuer avec l'entretien. Donc c'est la raison pour laquelle nous avons

21 posé des questions simples, sur des critères généraux, les expériences

22 professionnelles des juges, leurs expériences personnelles et la situation

23 qui prévoit aujourd'hui et cetera. Et après nous avons demandé : Si vous

24 avez eu l'occasion de juger cela en 1992, comment auriez-vous réagi ? Donc,

25 les deux questions ont été posées. Et seul un juge s'est référé au fait que

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1 les lois étaient différentes et que la situation aurait été différente.

2 Q. Oui. Donc c'est justement ma préoccupation. Les juges pensaient peut-

3 être réellement que la question était une question politique ?

4 R. C'est possible pour ce qui est de cette question. Je pense

5 qu'effectivement les juges se sont sentis, un petit peu, embarrassés

6 puisqu'ils avaient l'impression que l'interview pouvait désormais bifurquer

7 dans ce sens-là. Et j'ai les transcriptions d'une interview où la personne

8 qui a conduit l'interview a dit que le juge est devenu un petit peu

9 embarrassé, gêné et avait peut-être l'impression qu'il s'agissait d'une

10 question politique. Cependant et vous avez les entretiens, les personnes

11 qui ont conduit les interviews ont dit qu'il n'a pas été difficile de

12 continuer dans une ambiance plutôt neutre.

13 Q. Mais bien entendu si les juges ne pensaient pas à la loi telle qu'il

14 existait en 1992 et s'ils pensaient simplement une situation de neutralité

15 ethnique, à ce moment-là les données sont déformées, n'est-ce pas ?

16 R. Cette question de contamination des données est uniquement valable pour

17 1992 mais pas pour 2003. Et cette contamination des données ou cette remise

18 en question des données en 1992, on peut l'accepter uniquement si la

19 situation avait été différente là-bas.

20 Q. Mais s'agissant du principe de la lex mitior, c'est une distinction

21 importante, n'est-ce pas ?

22 R. Bien entendu, s'agissant du principe le lex mitior c'est important mais

23 tout dépend. Si on parle, comme je l'ai dit, de manière isolée, des peines

24 de prison à ce moment-là, la situation en 2003 serait plus grave ou du

25 moins on tient compte du fait que dans les textes du moins en 1992 la peine

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1 de mort était toujours applicable.

2 Q. Le problème avec la peine de mort, c'est que cela sort complètement du

3 champ des peines envisagées par ce Tribunal. Ceci est de nature à dénaturer

4 également les données parce qu'on ne peut nullement faire l'équivalence

5 entre une peine d'emprisonnement et la peine de mort. Il ne s'agisse pas

6 d'une question, il s'agit d'une observation de ma part avec laquelle vous

7 n'êtes peut-être pas d'accord.

8 L'autre problème s'agissant des juges et s'agissant de cette affaire, c'est

9 que ces juges ne disposaient pas des circonstances atténuantes qui

10 s'appliquent à l'accusé. Or, ceci doit être disponible n'est-ce pas pour se

11 prononcer ?

12 R. Comme je l'ai dit, ces cas types ne pouvaient refléter la totalité d'une

13 affaire et les juges nous l'ont bien dit d'ailleurs, je vous l'ai signalé.

14 Ils ont dit il est difficile de se prononcer sur la base de si peu

15 d'éléments sans disposer des circonstances atténuantes et des circonstances

16 aggravantes. Si bien qu'effectivement, ces deux aspects n'ont été pris en

17 compte et c'est la raison pour laquelle je vous ai dit que l'interrogatoire

18 des juges permet uniquement de donner des indications. Ils n'étaient pas là

19 pour donner leur jugement sur l'affaire en l'espèce. Ils étaient simplement

20 en train de donner leur évaluation sur une affaire semblable.

21 Q. Mais c'était une hypothèse. Et un des volets de cette hypothèse

22 cependant j'aimerais bien que vous nous le précisiez. Est-ce que dans ce

23 cas type que vous présentiez aux juges, vous partiez du principe qu'il

24 s'agissait d'un homme qui était à la tête du camp, qui était supérieur à

25 tout le monde qui était dans ce camp ou bien est-ce qu'il s'agissait de

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1 quelqu'un qui exerçait une position de commandement comme, par exemple, le

2 chef d'une équipe de garde ?

3 R. Le cas type que nous avons donné à ces juges à ma connaissance,

4 présentait le cas d'un commandant, un "commandant d'un camp de prison",

5 c'est-à-dire qu'il était investit de certaines responsabilités mais que

6 c'était "un des commandants."

7 Q. Donc, il ne s'agissait pas du chef suprême, du commandant suprême du

8 camp si l'on peut dire mais c'était quelqu'un qui avait des responsabilités

9 de supérieur hiérarchique.

10 R. Oui. Si on le décrit comme étant un "commandant", cela signifie qu'il y

11 a au-dessus quelqu'un d'autre, qu'il a des responsabilité et qu'il n'est

12 pas un simple garde aussi.

13 Q. J'aimerais pouvoir vous interroger pendant tout le reste de cette

14 journée, malheureusement ce n'est pas possible. Je vous remercie.

15 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce qu'il y a d'autres

16 questions ? Non.

17 Professeur Sieber, nous souhaitons tous vous remercier, vous-même ainsi que

18 l'ensemble de l'institut Max Planck et tous ceux qui ont fourni un travail

19 considérable pour la préparation de ce rapport vu en particulier les

20 circonstances dans lesquelles il a été établit, un délai très court, qui

21 vous ont donc contraint de travailler très rapidement, tout comme nous.

22 Malheureusement, il n'est possible dans un procès pénal de donner six mois

23 ou un an pour la préparation d'un rapport d'expert. Ceci léserait les

24 droits de l'accusé qui a droit à un procès rapide.

25 Une fois encore donc, merci beaucoup. Nous traiterons du versement au

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1 dossier tout de suite ou très bientôt. Mais si donc j'ai bien compris, vous

2 allez nous envoyer une version finale de votre rapport lundi. Ceci sera

3 envoyé au Greffe, si bien que très probablement mardi prochain nous

4 disposerons de ce rapport.

5 Une fois encore merci beaucoup et veuillez s'il vous plaît transmettre nos

6 remerciements à l'ensemble de vos collaborateurs à Freiburg. Et je vous

7 souhaite un bon retour. Merci beaucoup.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

9 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais demander à l'Huissier de

10 bien vouloir escorter le témoin hors du prétoire.

11 Nous avons l'intention de demander le versement au dossier du rapport du

12 moins des passages qui sont rédigés dans une des langues officielles du

13 Tribunal. Nous excluons donc pour l'instant les passages du rapport, qui

14 pour l'instant sont uniquement en allemand. Il faudra nous interroger pour

15 savoir si il est dans l'intérêt de cette affaire de faire traduire ces

16 passages. Pour l'instant nous n'allons pas répondre à cette question. Nous

17 pouvons seulement nous prononcer sur l'admission au dossier de la partie en

18 anglais du rapport, du rapport supplémentaire ou des rapports concernant

19 les pays et nous aurons le rapport complet mardi. Est-ce que vous avez des

20 objections à cette manière de procéder ? Non. Dans ces conditions le

21 rapport est versé au dossier.

22 [Le témoin se retire]

23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais demander à la Greffière

24 d'audience de bien vouloir demain nous donner les cotes exactes pour que

25 tout soit bien clair. Il y aura une cote pour le rapport, une cote pour les

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1 graphiques et une cote également pour la présentation PowerPoint mais tout

2 ceci nous serons à même de le faire demain. Nous reprendrons l'audience

3 avec les dernières questions par la Défense au Dr Grosselfinger. Si j'ai

4 bien compris vous avez un certain nombre de questions écrites.

5 M. MORRISON : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai cinq questions

6 qui m'a semblé juste de poser à l'avance au cas où leur -- la réponse à ces

7 questions nécessite des recherches dans certains documents. Il y a d'autres

8 questions qui ont uniquement pour but d'éclaircir certains points du

9 rapport et qui ne nécessitent pas des recherches supplémentaires. Je dois

10 dire que le Dr Grosselfinger est dans la galerie du public. Je lui signale

11 donc qu'il disposera de ses questions d'ici la fin de la journée.

12 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce que ceci va nous permettre

13 de terminer l'audience demain en tenant compte du nombre réduit de vos

14 questions au Dr Grosselfinger et ensuite -- en réservant ensuite 90 minutes

15 pour chaque partie pour le réquisitoire et plaidoirie finals et 10 minutes

16 pour l'accusé, s'il souhaite éventuellement avoir le dernier mot. Bien

17 entendu, il vous appartiendra à vous de décider si vous souhaitez donner à

18 votre client la possibilité de déposer ou bien de faire une déclaration.

19 Est-ce qu'on peut avoir -- on a déjà une réponse à cette question ? Pour

20 que nous sachions d'avance si on pourra en terminer de cette audience

21 demain.

22 M. MORRISON : [interprétation] Pour la Défense, je ne vois pas ce qui nous

23 en empêcherait d'en terminer demain vues les limites de temps que vous nous

24 avez fixées, les estimations que vous venez de donner.

25 Quant à mon client, il a l'intention de déposer uniquement au sujet de son

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1 remords, comme on a déjà parlé dans une réunion 65 ter. Il est probable

2 qu'il profitera de la possibilité, qu'il lui est donné, de faire une

3 déclaration finale et non pas une déposition, et cela entrera dans le cadre

4 des limites de temps que vous venez de nous indiquer.

5 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] L'Accusation.

6 M. YAPA : [interprétation] S'agissant de l'Accusation nous n'aurons pas de

7 difficultés demain de nous en tenir aux limites de temps que vous venez de

8 nous donner. Nous pensons pouvoir en terminer d'ici demain. Demain en fin

9 de journée.

10 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous allons faire de notre mieux

11 pour nous concentrer sur les questions essentielles en l'espèce. L'audience

12 est suspendue jusqu'à demain 9 heures 00. Merci.

13 ---L'audience est levée à 13 heures 32 et reprendra le jeudi 6 novembre

14 2003, à 9 heures 00.

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