Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 29 janvier 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le Juge Harhoff n'étant pas là

7 aujourd'hui, nous allons siéger aujourd'hui en vertu de l'article 15 bis du

8 Règlement.

9 Madame Marcus, je pense que vous allez poursuivre et il me semble que vous

10 allez bientôt terminer.

11 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, je vais bien m'y efforcer.

12 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Tapuskovic ?

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

14 Juges, nous avions dû nous arrêter la semaine dernière. Le médecin a été

15 interrogé et on lui a demandé son interprétation de certains documents. A

16 mon avis, le médecin ici ne peut pas témoigner comme un témoin expert pour

17 nous donner des explications sur ce qui pourrait ou ne pourrait pas être

18 évalué. Il me semble que c'est plutôt un témoin expert qui devrait

19 effectuer ce type d'interprétation, à mon avis. Donc, le médecin ne peut

20 absolument pas interpréter des documents, ne peut pas se lancer dans le

21 type d'interprétation qui serait plutôt du ressort d'un témoin expert.

22 Je me souviens que nous avons parlé de la gauche paramédiale, de la droite

23 paramédiale du corps, je pense que c'est plutôt à un témoin expert de

24 parler de ce genre de chose.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Marcus, quelle est votre

26 réaction à ceci ?

27 Mme MARCUS : [interprétation] Je pense que le témoin peut tout à fait aider

28 la Chambre en nous donnant des informations qui sont basées sur sa

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1 compétence professionnelle. Il peut nous aider, par exemple, à propos du

2 problème qui est survenu suite à l'incident de sniping numéro 5. La pièce

3 en question a été montrée aux Juges par la Défense et nous voulons juste

4 que le témoin nous aide à mieux comprendre ce document.

5 J'aimerais bien dire que lors du contre-interrogatoire du témoin précédent,

6 qui était un général, la Défense a posé de nombre de questions sur les

7 règles d'engagement, sur l'armée militaire, sur sa formation, et cetera, et

8 ce témoin, qui n'était pas un témoin expert, a répondu à ces questions en

9 se basant sur sa compétence professionnelle qu'il avait obtenue lors de sa

10 carrière. Il a aussi été demandé d'évaluer des situations où il n'avait pas

11 effectué l'enquête lui-même. Mais à la suite de sa position, à ses

12 fonctions, et suite au fait que les enquêtes ont été faites par ses

13 subordonnés, il a pu nous donner son évaluation professionnelle et son

14 opinion professionnelle.

15 Pour le Dr Nakas, sa situation est identique, à mon avis. Tout comme le

16 médecin qui avait déjà témoigné en l'espèce, les dossiers médicaux sont un

17 mécanisme pour verser officiellement des éléments qui demandent ou qui,

18 autrement, demanderaient que l'on appelle énormément de professionnels

19 médicaux pour parler de chaque dossier. Or, ce médecin-ci, le Dr Nakas, est

20 un médecin qui est très compétent. Il était en position d'autorité lors de

21 la palette de référence. Il supervisait les procédures médicales --

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je ne pense pas que c'est ce qui nous

23 inquiète ici. Ce n'est pas le fait de savoir s'il est compétent ou non;

24 c'est de savoir s'il peut témoigner comme un témoin expert au titre des

25 règles, puisque normalement il y a quand même des articles qui prévoient

26 cela et une procédure à suivre.

27 Mme MARCUS : [interprétation] Oui.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il y a certaines exigences de

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1 procédure. Vous avez jusqu'à présent suivi ces procédures, vous avez donné

2 le rapport qui avait été fait par le médecin, vous en avez averti la

3 Défense pour qu'ils puissent aussi évaluer ces rapports et pour que vous

4 puissiez déterminer la réponse.

5 Je suis d'accord pour dire qu'il peut témoigner, mais que son témoignage

6 est plus ou moins expert. Cela, je veux dire, je vais lui permettre de

7 témoigner dans ce sens, mais si la Défense demande de plus de temps pour

8 savoir comment elle va y réagir, je devrais leur donner un délai

9 supplémentaire. Puisque le médecin qui est ici, en fait, n'est qu'un

10 témoin. Vous n'avez pas un témoin expert. Vous ne l'avez pas cité en tant

11 que témoin expert. C'est justement ce que la Défense vient de soulever, et

12 ils ont tout à fait raison de le faire. A l'avenir, il faut que vous

13 suiviez les Règlements pour que la Défense puisse pouvoir déterminer

14 exactement quelle est leur stratégie si vous faites comparaître des témoins

15 qui seront des témoins qui témoigneront comme des experts.

16 Monsieur Tapuskovic, qu'en pensez-vous ? Je pense, en effet, que votre

17 thèse est plus ou moins valable maintenant, mais vous pouvez finalement

18 contre-interroger le médecin suite aux préparations que vous avez déjà

19 faites. C'est pour cela que j'aimerais savoir si vous êtes bien préparé

20 pour contre-interroger le médecin suite aux témoignages qu'il vient de

21 faire.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pendant le week-end, nous en avons parlé

23 ensemble et nous avons déjà pris certaines mesures pour y répondre. Mais

24 ici, il s'agit d'un point de principe, puisque le médecin a mis sa

25 signature pour dire qu'il avait vérifié des documents qui avaient été

26 préparés par d'autres médecins. Nous ne soulevons pas d'objection à ce

27 propos, mais nous considérons que cette fois-ci on veut bien laisser passer

28 et on veut bien poursuivre en l'état, si cela n'arrive qu'une fois. Nous

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1 voulons bien permettre à l'Accusation de terminer son interrogatoire

2 principal, mais si cela continue pour les autres douzaines de rapports que

3 le médecin n'a que vérifier ou qu'il n'a pas procédé à l'examen lui-même,

4 et si ces rapports, si ces douzaines d'autres rapports sont aussi utilisés

5 par l'Accusation, dans ce cas-là je considère que la Chambre devrait ne

6 permettre au témoin que de donner son opinion d'expert pour le cas dont

7 nous parlons, pour le cas bien précis dont nous parlons et pas pour tous

8 les autres documents qui sont présentés par son biais.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien. Très bien. Je vous ai

10 compris, Monsieur Tapuskovic. J'ai parfaitement compris votre message. A

11 l'avenir, Madame Marcus, quand vous citerez des témoins qui seraient

12 proches de celui d'un expert, il faudra que vous suiviez les dispositions

13 de l'article 94 bis du Règlement et prépariez un rapport, en avertir la

14 partie adverse, et cela permettra peut-être de gagner du temps, parce que

15 l'autre partie ne voudra pas contre-interroger le témoin.

16 Cela dit, je vais vous permettre de poursuivre votre contre-

17 interrogatoire pour l'instant. Je considère qu'il n'y a pas de préjudice

18 qui a été porté à l'encontre de la Défense. La Défense est en position

19 d'effectuer son contre-interrogatoire. C'est à la Chambre ensuite de

20 mesurer le poids qui sera donné au témoignage du Dr Nakas. Nous prendrons,

21 bien sûr, en considération tout ce qui a été dit dans ce prétoire, y

22 compris ce qui a été mentionné par

23 Me Tapuskovic à propos du poids à donner aux pièces présentées par le biais

24 du Dr Nakas.

25 Vous pouvez y aller, Madame Marcus.

26 Mme MARCUS : [interprétation] Je vous remercie.

27 LE TÉMOIN: BAKIR NAKAS [Reprise]

28 [Le témoin répond par l'interprète]

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1 Interrogatoire principal par Mme Marcus : [Suite]

2 Q. [interprétation] Bonjour, Docteur Nakas.

3 R. Bonjour.

4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît --

5 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande maintenant à l'Huissier d'afficher

6 la pièce D19, à la page 12. C'est le numéro

7 1484 de la liste 65 ter, et il faudrait afficher la page 12, s'il vous

8 plaît.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous attendons que cela s'affiche.

10 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.

11 Q. Monsieur Nakas, lors de la session de jeudi, nous regardions le rapport

12 chirurgical de Dzenana Sokolovic. Vous venez de dire aux Juges que le foie

13 se trouve, en effet, sur le côté droit du corps, et vous étiez en train de

14 décrire ce qu'était cette blessure due au souffle.

15 Pourriez-vous, s'il vous plaît, poursuivre et nous dire exactement ce

16 qui pourrait provoquer ce type de blessure qui a été infligé au foie de la

17 patiente.

18 R. Cela dépend de la vélocité et de la puissance du projectile. Quand il

19 traverse d'abord l'air et ensuite certains tissus, cela crée des flux et

20 ces flux augmentent la puissance de l'impact. C'est la puissance transférée

21 du projectile qui est transmise au travers des tissus et qui crée des

22 lésions dans ces zones, qui créent des lésions supplémentaires.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Non. A nouveau, je dois soulever une

25 objection, puisque nous ne sommes pas en train uniquement de parler de

26 médecine. Là, on parle d'autres choses encore, d'une autre science. Je

27 trouve que tout ceci est assez directif parce qu'on vient d'introduire un

28 nouveau champ scientifique. Ici, il ne s'agit pas de médecine. Il nous

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1 faudrait peut-être entendre l'opinion d'un autre expert. Enfin, je crois

2 que c'est à vous, Messieurs les Juges, d'évaluer et de trancher à ce

3 propos.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, tout à fait, Maître Tapuskovic.

5 Je vous remercie.

6 Madame Marcus, voici ce que je vais vous demander de faire. Il faut que

7 vous établissiez des bases vous permettant d'autoriser ce témoin à

8 témoigner de la sorte. Or, il me semble bien que jusqu'à présent vous

9 n'avez fourni aucune base qui permettrait d'établir que le témoin est en

10 mesure de répondre. Certes, il est médecin, mais il travaille depuis un

11 certain temps à des fonctions purement administratives. Nous avons besoin

12 de savoir quelles sont ses compétences médicales qui lui permettent d'avoir

13 un avis autorisé sur les questions que vous lui posez.

14 Mme MARCUS : [interprétation] Je vous entends bien.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Si vous n'arrivez pas à établir les

16 compétences du témoin qui vous permettent de lui poser ces questions,

17 j'interdirai que ce témoignage se poursuive.

18 Mme MARCUS : [interprétation] Très bien.

19 Q. Docteur Nakas --

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Attendez une minute.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous pouvez y allez maintenant,

23 Madame Marcus.

24 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.

25 Q. Docteur Nakas, connaissez-vous les documents médicaux comme ceux qui

26 sont sous vos yeux à l'heure actuelle ? Est-ce que vous êtes habitué à ce

27 type de documents ?

28 R. J'ai vu ces documents au cours de la séance de récolement ainsi que

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1 d'autres documents qui avaient été présentés pour que je les vérifie.

2 Celui-ci est d'une qualité moins bonne que celui que j'avais vu lors de la

3 séance de récolement.

4 Q. Sur quoi est-ce que vous basez votre connaissance de ce type de dossier

5 médical, s'il vous plaît ?

6 R. Chaque dossier médical contient différents éléments; il y a

7 l'entretien, il y a les conclusions objectives du médecin à propos du

8 patient. Puis, si on parle aussi d'un patient qui a été opéré, le

9 chirurgien en chef doit établir un rapport chirurgical qui décrit un petit

10 peu le déroulement de l'opération. Donc, ces types de documents m'étaient

11 disponibles dans le cadre de mes travaux avec mes chirurgiens quand nous

12 faisions des analyses sur, par exemple, les conséquences de différentes

13 procédures chirurgicales.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais on ne lui demande pas s'il

15 connaît bien ce document; on lui demande s'il connaît bien la science dont

16 il va nous parler, parce qu'elle est prise en compte dans les conclusions

17 qui sont données dans le dossier médical. C'est ce dossier qu'il faut

18 savoir.

19 Mme MARCUS : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui. En fait, on voudrait savoir

21 exactement s'il s'y connaît en impact de balles, en blessures, d'entrée et

22 sortie de balles, et cetera, et s'il est expérimenté dans ce domaine.

23 Mme MARCUS : [interprétation] Je vous comprends.

24 Q. Docteur Nakas, vous nous avez dit que vous connaissez bien ce document.

25 Maintenant en tant que médecin dans l'hôpital, avez-vous jamais eu à

26 utiliser ce type d'information, si oui, comment est-ce que vous utilisiez

27 ce type d'information ?

28 R. Oui, ce type d'information était employé pour évaluer les types de

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1 procédures chirurgicales qui devaient être effectuées pour savoir si elles

2 étaient appropriées aussi à la blessure en question.

3 Q. Quel était votre rôle dans l'évaluation de ce type de document et

4 surtout de ce type d'information qui se trouve dans le document ?

5 R. Mon rôle n'était pas essentiel. Bien entendu, c'est plutôt l'équipe

6 chirurgicale, l'équipe de chirurgiens qui va opérer qui doit utiliser ces

7 informations.

8 Q. Sur quoi basez-vous la connaissance que vous nous avez fournie à propos

9 des rapports de chirurgie et leur contenu ?

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] On devrait savoir s'il a une

11 expérience pratique de tout ce qu'il a effectué ? Ce type d'opération, est-

12 ce qu'il a déjà eu de l'expérience pratique dans ce domaine ?

13 Mme MARCUS : [interprétation]

14 Q. Oui. Pourriez-vous nous le dire, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin,

15 si vous avez une expérience quelconque en matière d'opération de ce type de

16 blessures ?

17 R. Non. Non, je ne suis pas chirurgien. Je suis spécialiste des maladies

18 infectieuses. Je ne suis pas chirurgien. Je ne fais pas d'opération, je

19 n'opère pas.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Sur cela, je ne pense absolument pas

22 qu'il peut nous répondre.

23 Mme MARCUS : [interprétation] J'ai encore une question à vous poser.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien.

25 Mme MARCUS : [interprétation] Cela dit, pouvez-vous me permettre de la

26 poser ?

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Allez-y.

28 Mme MARCUS : [interprétation]

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1 Q. Faut-il avoir été formé en chirurgie, quand on est médecin, pour

2 comprendre ce qu'est une blessure due au souffle, pour la comprendre et

3 pour l'expliquer ?

4 R. Au cours de mes études, j'ai passé, bien sûr, un examen de chirurgie

5 générale et de chirurgie de guerre. Donc, c'est des connaissances que j'ai

6 acquises à ce moment-là. J'ai aussi passé un examen en matière de médecine

7 légiste, ce qui donne énormément de connaissances dans ce domaine. Cela

8 dit, il est vrai que je ne suis pas expert dans le domaine.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vais vous rendre ma décision. Je

11 considère que le témoin n'a pas l'expertise nécessaire pour témoigner comme

12 il lui est demandé. Certes, dans le cadre de ses études, il a appris ce

13 type de choses. Puisqu'il vient de nous le dire d'ailleurs, il nous a dit

14 qu'il avait fait de la médecine légale, qu'il a reçu un enseignement en

15 matière de blessures dues au souffle, mais il n'a pas de connaissance

16 spécialisée dans ce domaine qui lui permettrait de témoigner en tant

17 qu'expert. Or, il s'agit ici d'un témoignage d'expert qui est demandé.

18 L'Accusation va devoir citer un témoin expert si elle veut que l'on réponde

19 à ces questions.

20 Mme MARCUS : [interprétation] J'ai bien compris. Je passe à autre chose.

21 Q. Docteur, quel type d'information est-ce que l'hôpital collectait de la

22 part de ces patients pendant la période de référence à propos des

23 patients ?

24 R. Chaque patient qui venait à l'hôpital était venu de son propre chef

25 pour y être traité. Lors de leurs contacts avec les équipes médicales, ils

26 pouvaient donner des informations à propos de leurs maladies, dire comment

27 ils avaient attrapé cette maladie, comment il l'avait attrapée, et cetera,

28 Quand il s'agissait de blessures, bien sûr, il fallait que nous collections

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1 des informations pour savoir comment la blessure avait été infligée.

2 Q. Est-ce que vous notiez si les patients étaient civils ou militaires ?

3 R. A ce moment-là, pour pouvoir suivre la morbidité, nous effectuions des

4 examens statistiques des patients. De ce fait, pour des raisons

5 statistiques, nous avons divisé les patients en deux groupes, les civils et

6 les militaires. Dans les dossiers en tant que tels, quand nous traitions

7 des militaires, nous faisions très attention à noter si le mal dont ils

8 étaient atteint avait été une conséquence de leur fonction militaire ou si

9 c'était quelque chose dont il souffrait du fait d'autre chose que de leur

10 service actif.

11 Q. Pourriez-vous clarifier cela ? J'aimerais savoir quelle est la

12 différence dans l'enregistrement des informations entre un militaire qui

13 aurait été blessé ou qui aurait été malade suite à une action militaire ou

14 en dehors ?

15 R. La plupart du temps, les dossiers étaient gardés par le corps de santé

16 militaire pour suivre un peu les conditions et la santé des membres des

17 forces armées. Nos dossiers traitaient très peu de cet aspect. Quand ils

18 arrivaient, cela dit, aux urgences, on spécifiait uniquement si le patient

19 avait été blessé et quel était son état de santé.

20 Q. Est-ce que c'était un texte de loi ou une règle de la communauté

21 médicale qui exigeait que vous notiez si le patient était civil ou

22 militaire ?

23 R. C'était plutôt d'un accord qu'on avait à Sarajevo pour suivre un petit

24 peu le nombre des victimes, pour savoir un peu quelles étaient les

25 blessures infligées à la fois aux civils et infligées aux militaires.

26 Q. Si un membre, un parent d'un soldat ou d'un militaire, c'est-à-dire sa

27 femme ou son enfant était admis à l'hôpital en tant que patient, est-ce

28 qu'il serait noté comme militaire ou comme civil ?

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1 R. La plupart du temps, ils étaient enregistrés en tant que civils.

2 Q. Lors de l'entretien préalable à l'admission, est-ce que vous demandiez

3 quoi que ce soit à propos de l'incident au cours duquel le patient avait

4 été blessé ?

5 R. La plupart du temps, les patients qui arrivaient aux urgences, quand

6 ils pouvaient donner des informations sur leur état, pouvaient aussi donner

7 des informations sur la façon dont ils avaient soit attrapé la maladie dont

8 ils étaient malades, soit qu'on avait infligé la blessure dont ils

9 souffraient. C'étaient des données essentielles données à l'équipe médicale

10 qui leur permettait déjà d'établir un diagnostic et de décider de la

11 procédure à suivre.

12 Q. Les patients qui arrivaient aux urgences, étaient-ils capables la

13 plupart du temps de dire quelle était l'origine des tirs qui les avaient

14 blessés ?

15 R. La plupart du temps, les patients donnaient cette information.

16 D'ailleurs, on avait l'impression que c'était cela qui était plus important

17 pour eux plutôt que leur état de santé et la description de la blessure

18 dont il souffrait. Ce qu'ils voulaient surtout c'étaient des informations

19 sur la façon dont ils avaient été blessés, où cela s'était passé, et

20 cetera.

21 Q. Pouvez-vous nous donner une estimation de la facilité avec laquelle

22 vous obtenez ces informations avant la guerre, enfin du moins, avant la

23 période de référence et pendant la période de référence entre août 1994 et

24 novembre 1995 ?

25 R. En temps de paix, tout d'abord, il y avait - pour ce qui est des

26 blessures, en tout cas, il y avait très peu de patients qui arrivaient aux

27 urgences. En plus, leurs blessures avant la guerre n'avaient rien à voir

28 avec celles que nous avons vues au cours de la guerre surtout en 1994 et

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1 1995.

2 Ensuite, il y avait aussi le fait que les équipes médicales n'étaient pas

3 en nombre suffisant, elles n'avaient pas le temps de s'occuper parfaitement

4 de chaque patient en entrant tous leurs détails. Ils étaient surtout

5 préoccupés par la blessure même qu'il fallait soigner immédiatement plutôt

6 que de collecter d'autres informations. Ils avaient tendance à se

7 concentrer sur l'essentiel puisqu'ils étaient très peu.

8 Q. Est-ce que vous avez compilé des informations statistiques en vous

9 basant sur ces dossiers ?

10 R. J'ai déjà dit qu'en 1992 ainsi qu'en 1994 et 1995, nous avions besoin

11 d'aide humanitaire pour nos besoins essentiels, surtout en ce qui concerne

12 les médicaments, le carburant, et cetera. Les éléments que l'on utilisait

13 pour essayer d'évaluer la quantité de fournitures dont nous aurions besoin

14 venaient, en fait, des statistiques à propos des patients à traiter. On

15 s'occupait d'établir des rapports quotidiens, hebdomadaires et mensuels.

16 Q. Ces statistiques comprenaient-elles le type des blessures ?

17 R. Dans certains cas, cette donnée était également mentionnée dans les

18 statistiques si cela nous était demandé. Pendant une certaine période on

19 nous a demandé de signaler le nombre d'amputations effectuées de façon à

20 connaître le nombre de personnes pour lesquelles il fallait préparer

21 certains équipements, et notamment la fourniture de prothèses. On nous a

22 demandé aussi de signaler le nombre de blessures dues à des pilonnages ou à

23 des obus.

24 Q. Dans vos statistiques, est-ce que figurait le nombre de soldats comparé

25 au nombre de civils que vous soigniez dans vos installations ?

26 R. Toutes nos statistiques se faisaient en fonction de ces deux

27 catégories, les soldats d'une part et les civils d'autre part.

28 Q. Si un soldat était été blessé pendant le week-end alors qu'il n'était

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1 pas en service actif, qu'il ne portait pas l'uniforme et qu'il n'avait pas

2 d'arme, est-ce que cet homme aurait été enregistré dans votre hôpital comme

3 un civil ou un soldat ?

4 R. Comme un soldat.

5 Q. D'après vous, quel était le pourcentage approximatif parmi les soldats

6 que vous aviez à traiter de ceux qui avaient été blessés alors qu'ils

7 n'étaient pas de service ?

8 R. Nous ne tenions pas des registres très détaillés à ce sujet. Mais je

9 dirais toutefois que leur nombre devait être à peu près d'un tiers dans le

10 total des soldats, à savoir un tiers d'entre eux qui avaient été blessés

11 hors service.

12 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre qu'elles étaient les lésions

13 constatées chez les civils que vous traitiez dans la période allant d'août

14 1994 à novembre 1995 ?

15 R. Leurs blessures étaient le plus souvent dues aux conséquences de

16 pilonnages, à moins qu'ils n'aient été atteints par des éclats d'obus. Il

17 arrivait aussi qu'ils aient été atteints par des balles; parfois, plus

18 précisément, par des balles de tireurs embusqués. J'ajouterais que j'ai eu

19 l'occasion de constater qu'un grand nombre de patients venaient à l'hôpital

20 en présentant des signes d'un désordre psychiatrique dû aux pilonnages, aux

21 tirs et à toutes les autres conditions de vie perturbée à Sarajevo durant

22 les années 1994 et 1995. Le nombre de patients qui venaient pour

23 perturbation psychique était parfois supérieur au nombre de patients qui

24 venaient à l'hôpital pour diverses sortes de blessures ou des lésions.

25 Q. Dr Nakas, vous avez donné à l'Accusation un tableau statistique

26 montrant le nombre des victimes de tirs embusqués traités dans votre

27 hôpital entre août 1994 et novembre 1995, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande l'affichage sur les écrans de ce

2 tableau, qui est le document 2877 dans la liasse des documents 65 ter, et

3 la page qui m'intéresse c'est la page 3.

4 Q. Dr Nakas, pouvez-vous décrire aux Juges la nature de ce document, je

5 vous prie.

6 R. J'ai sous les yeux deux documents. Celui qui est affiché sur la droite

7 de l'écran - maintenant il n'y a plus qu'un seul document à l'écran - ce

8 sont deux pages de tableau qui donnent un certain nombre d'informations au

9 sujet des habitants de Sarajevo blessés à partir des tirs de tireurs

10 embusqués et admis à l'hôpital général. Une de ces pages porte sur le mois

11 d'août 1994 et l'autre donne le nombre total de blessés par tireurs

12 embusqués au mois de janvier et au mois de décembre 1995.

13 Q. Qui a établi ce document ?

14 L'INTERPRÈTE : Microphone pour le témoin, s'il vous plaît.

15 Mme MARCUS : [interprétation]

16 Docteur, je suis désolée, pourriez-vous, je vous prie de répondre à la

17 dernière question que je vous ai posée. Qui a établi ce document ?

18 R. C'est moi qui ai personnellement établi ce document.

19 Q. Où l'avez-vous fait, Monsieur ?

20 R. J'ai établi ce document dans mon bureau de l'hôpital général peu de

21 temps avant de venir devant ce Tribunal.

22 Q. Quels documents avez-vous utilisés pour établir ce rapport ?

23 R. Pour établir ce rapport, j'ai dû compulser tous les protocoles du

24 centre d'urgence qui m'ont été transmis dans la période d'allant d'août

25 1994 à novembre 1995.

26 Q. Je suis désolée de devoir vous demander de répéter votre réponse, car

27 votre micro s'est éteint au milieu de votre réponse alors que vous

28 expliquiez quels sont les documents que vous avez utilisés pour établir ce

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1 rapport.

2 R. Pour établir ce rapport, j'ai utilisé les protocoles qui m'ont été

3 transmis par le centre chargé des urgences dans la période allant du mois

4 d'août 1994 au mois d'octobre 1995. Il s'agit de six ou sept registres de

5 tous les patients admis dans ce centre d'urgence.

6 Q. Docteur, pouvez-vous confirmer que le rapport que nous avons sous les

7 yeux actuellement reprend fidèlement le contenu de ces documents mensuels ?

8 R. Les tableaux que nous avons sous les yeux rendent fidèlement compte de

9 tous les examens médicaux menés sur des patients admis à l'hôpital entre le

10 mois d'août 1994 et le mois d'octobre 1995, au centre des urgences et

11 repris par écrit dans ces protocoles.

12 Q. Est-ce que les chiffres que l'on voit ici sont bien les chiffres

13 relatifs au nombre de victimes de blessures par tireurs embusqués, traitées

14 à l'hôpital entre le mois d'août 1994 et le mois d'octobre 1995 ?

15 R. Ce document porte sur tous les habitants de Sarajevo qui sont venus à

16 l'hôpital en disant avoir été blessés par de tireurs embusqués qui ont été

17 admis à l'hôpital. Leur hospitalisation a été confirmée par des médecins en

18 sus de leur dossier médical.

19 Q. Pour que tout soit clair, Docteur, ces tableaux ne comprennent pas les

20 victimes de tireurs embusqués traitées dans d'autres installations

21 médicales de Sarajevo ?

22 R. Ceci est absolument exact. Le nombre que l'on voit ici porte uniquement

23 sur les patients traités à l'hôpital général, qui s'appelait à l'époque,

24 l'hôpital d'Etat de Sarajevo. Il est possible que parmi eux un nombre

25 limité ait été amené à l'hôpital par des voitures des premiers secours qui

26 ont eu à faire à ces patients en premier. En tout cas, ils n'ont pas été

27 ensuite hospitalisés ailleurs que dans notre hôpital. Donc, le nombre que

28 l'on voit ici ne comprend pas les patients traités dans d'autres

Page 1105

1 installations de santé, pas plus que dans le Centre médical universitaire.

2 Q. Au total, entre le mois d'août 1994 et le mois

3 d'octobre 1995, combien de civils adultes et enfants avez-vous soigné pour

4 blessures par tireurs embusqués ?

5 R. Dans cette période, ce nombre total est de 115; 74 de ces cas

6 concernaient des civils, et huit sur ces 74 étaient des enfants.

7 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ces

8 tableaux.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, ce document est admis.

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

12 pièce P108.

13 Mme MARCUS : [interprétation]

14 Q. Docteur, pourriez-vous estimer le nombre approximatif de patients que

15 vous avez eu à traiter d'août 1994 à 1995, qui étaient des civils blessés

16 par tireurs embusqués ou par tirs d'obus, je vous prie ?

17 R. Sur le nombre total de patients soignés à l'hôpital dans cette période,

18 10 % étaient victimes de tireurs embusqués et 90 % étaient des victimes de

19 tirs d'obus.

20 Q. Le nombre de victimes civiles de tireurs embusqués et de tirs d'obus a-

21 t-il varié dans cette période ?

22 R. Oui. Il y a eu certains mois, certains jours, où leur nombre était plus

23 faible, et certains mois et certains jours où leur nombre était

24 considérablement plus élevé.

25 Q. A quoi attribuez-vous une telle fluctuation ?

26 R. Cette fluctuation était liée soit à une augmentation des déplacements

27 de la population à Sarajevo, soit à un accroissement du nombre de

28 pilonnage, puisque les blessures que nous avions à traiter étaient les

Page 1106

1 conséquences de ces deux choses.

2 Q. Vous avez vu le tableau des incidents annexés à l'acte d'accusation

3 pour lesquels l'Accusation va s'efforcer de prouver que ces incidents sont

4 des exemples de tireurs embusqués et de campagne de pilonnage, n'est-ce pas

5 ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous rappelez-vous l'un ou l'autre de ces incidents en rapport avec

8 votre propre travail à l'hôpital ?

9 R. Comme nous nous étions déjà accoutumés entre 1992 et 1994 à une

10 augmentation du nombre des blessés parmi les civils, les événements de 1994

11 et 1995 ne nous sont restés inscrits dans la mémoire que si le nombre des

12 victimes était beaucoup plus important que dans la période antérieure.

13 Donc, c'est la journée du

14 28 août 1995 qui, de ce point de vue, m'est restée particulièrement gravée

15 dans la mémoire.

16 Q. Pouvez-vous nous dire quel est votre souvenir de cet incident, je vous

17 prie ?

18 R. Je me souviens des circonstances entourant l'événement. C'était une

19 belle journée relativement calme, et tout d'un coup, on a entendu en ville

20 des bruits de klaxons de voitures particulières et pas de sirènes

21 d'ambulance. Je me souviens que certains de mes collègues ont dit qu'il y a

22 sans doute eu un mariage en ville, mais nos inquiétudes initiales ont été

23 confirmées très rapidement lorsque les premiers blessés ont commencé à

24 arriver à l'hôpital. Je me souviens très bien de ce moment-là, parce que

25 j'ai dû mettre un terme à une réunion, et entourer d'un nombre réduit de

26 personnes qui se trouvaient au centre des urgences à ce moment-là - nombre

27 réduit parce que nous n'avions pas attendu un tel nombre de blessés - nous

28 avons commencé à admettre les premiers blessés. Nous avons effectué un tri.

Page 1107

1 Nous avons rappelé des gens qui n'étaient pas à l'hôpital à ce moment-là

2 pour qu'ils viennent nous aider, car nous commencions à nous rendre compte

3 qu'un nombre assez important de patients allaient arriver ce jour-là et que

4 leur nombre serait différent de ce qu'il était d'habitude.

5 Q. Vous rappelez-vous, Docteur, si les blessés étaient des civils ou des

6 soldats ?

7 R. Je me souviens qu'ils étaient en majorité des personnes portant des

8 vêtements civils. D'ailleurs, les endroits d'où ils venaient n'étaient pas

9 des lieux où il y avait des combats. Puisque quand quelqu'un va au marché,

10 c'est simplement pour répondre à ses besoins de consommation courante, si

11 ce n'est que pour cette raison. Je me souviens très bien que les personnes

12 admises à l'hôpital étaient à 100 % des civils.

13 Q. Y a-t-il eu d'autres incidents de la liste annexée à l'acte

14 d'accusation dont vous ayez souvenir personnel, Docteur ?

15 R. Il y a eu un autre incident survenu en juin 1995, qui a été le

16 bombardement par une bombe larguée depuis un avion du centre de

17 radiotélévision. Un certain nombre des blessés, dû à cet incident, ont été

18 soignés dans notre hôpital. J'ai rencontré plus tard un certain nombre

19 d'entre eux à qui j'ai parlé.

20 Q. Cet incident présentait-il une différence particulière par rapport à

21 d'autres incidents impliquant des pilonnages ?

22 R. D'une certaine façon oui, parce qu'il y avait, bien sûr, des gens qui

23 avaient été blessés par des éclats d'obus ainsi que par des matériaux de

24 construction tombés des bâtiments. En dehors de ces patients, il y en avait

25 aussi qui présentaient des signes de blessures dues au souffle, qui

26 présentaient ce syndrome de blessures par souffle, dont j'ai déjà parlé.

27 Chacun sait à quoi ressemble un tel syndrome. On n'a pas besoin d'être un

28 expert médical pour reconnaître et définir les effets d'un choc dû au

Page 1108

1 souffle chez un patient.

2 Q. Pourriez-vous décrire les signes d'un effet de choc par souffle, au

3 moins approximativement ?

4 R. J'ai déjà dit que lors d'une forte explosion, il se produit un effet de

5 turbulence dans l'air, et les conséquences de cette turbulence de l'air

6 sont bien plus importantes que les conséquences de l'explosion en tant que

7 telle. Les personnes qui se trouvent au voisinage de l'explosion souffrent

8 de blessures d'organes internes dues à cette turbulence de l'air, qui

9 atteignent les poumons, l'estomac, l'oreille moyenne. En raison d'un

10 accroissement de la pression, il peut y avoir rupture de certains tissus

11 dans les cavités. Il convient de remarquer que ce sont des blessures qu'on

12 ne distingue pas nécessairement à première vue de l'extérieur. Elles ne

13 s'accompagnent pas nécessairement de blessures typiques -- des blessures

14 produites par des éclats d'obus ou ce genre de chose.

15 Q. Docteur, puisque vous avez l'expérience d'avoir traité des civils et

16 des militaires, je vous demande, en vous fondant sur votre expérience, de

17 dire quel était l'impact des pilonnages et des tirs embusqués à Sarajevo

18 entre août 1994 et novembre 1995 ?

19 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Que voulez-vous dire par l'impacte

20 des pilonnages et des tirs embusqués ? C'est assez général.

21 Mme MARCUS : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] De quel genre d'impact parlez-vous ?

23 Mme MARCUS : [interprétation] Je parle des observations faites par le

24 témoin, des incidences de pilonnage et de tirs embusqués qu'il a pu

25 constater parmi la population civile traitée dans son hôpital.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Bien. Entendons le médecin.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] De façon générale, outre les conséquences

28 immédiates, c'est-à-dire des blessures typiques des armes à feu, il peu y

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1 avoir aussi d'autres incidences, notamment sur l'état psychique des

2 patients, qu'ils aient subi ou pas une blessure physique. Le fait de

3 risquer sa vie tous les jours a nécessairement des conséquences sur le

4 psychisme, et ceci concerne aussi bien les enfants que les adultes.

5 Mme MARCUS : [interprétation]

6 Q. Docteur, est-ce que vous avez vous-même des conséquences durables de la

7 guerre dont vous pourriez parler aux Juges ?

8 R. En tant qu'administrateur de l'hôpital, je sais un certain nombre de

9 choses qui se sont passées dans cette période. Abdulah Nakas et le Dr

10 Sehovic, qui étaient deux grands chirurgiens de l'hôpital, seraient encore

11 en vie, cela ne fait aucun doute, s'il n'y avait pas eu la guerre. Ils

12 auraient à peu près 60 ans. Un anesthésiste également qui est mort, alors

13 qu'il n'avait pas encore 55 ans, serait sans doute encore en vie

14 aujourd'hui.

15 Ce qui a laissé un effet durable chez moi personnellement --

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Docteur, la question qui vous était

17 posée consistait à vous demander si vous présentiez vous-même des

18 conséquences durables de la guerre. Il s'agit de l'effet que la guerre a pu

19 avoir sur vous. Pourriez-vous répondre à cette question ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être ne suis-je même pas conscient des

21 conséquences que j'ai peut-être subies, mais quand j'ai lu le livre écrit

22 par le Pr Mollica - Richard Mollica - qui est chef de l'Institut des

23 traumatismes de guerre à Harvard, à l'Université de Boston, livre intitulé

24 "Cicatrisation des blessures invisibles," mon histoire personnelle pendant

25 la guerre est reprise dans ce livre. Je me suis rendu compte que j'ai sans

26 doute subi une espèce de traumatisme de guerre même sans en avoir pris

27 conscience. C'est peut-être ma réaction à ce traumatisme qui m'a préservé

28 de toute conséquence négative durable. J'ai utilisé toute l'énergie qui

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1 était la mienne, toute celle que j'ai pu rassembler pour aider les autres

2 pendant toute cette période.

3 Mme MARCUS : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci, Madame Marcus.

6 Maître Tapuskovic.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on installe le pupitre

8 sur mon bureau.

9 Monsieur le Président, j'ai un document, la lettre dont j'aimerais demander

10 le versement au dossier, mais je le ferai plus tard. Cela étant, j'aimerais

11 saisir l'occasion qui m'est donnée pour vous dire quelques mots. J'ai dit

12 que j'avais demandé votre intervention vis-à-vis de l'Etat de Bosnie-

13 Herzégovine pour que cet Etat remplisse certaines conditions. Je suis en

14 train de préparer ce qu'il faut préparer à cette fin. J'aurai sans doute

15 les documents nécessaires le 2 février. Mon enquêteur va en prendre

16 livraison. Le

17 5 février, mes enquêteurs pourront compulser les archives du commandement

18 Suprême de l'ABiH. Donc pour le moment, je ne présente aucune requête pour

19 ne pas abuser du temps de la Chambre.

20 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic :

21 Q. [interprétation] Monsieur Nakas, je suis le conseil de la Défense de M.

22 Dragomir Milosevic. Je m'appelle Branislav Tapuskovic. Je suis avocat à

23 Belgrade.

24 Vous avez fourni un certain nombre de déclarations préalables, assez

25 nombreuses d'ailleurs, qui ont été versées au dossier au titre de l'article

26 65 ter du Règlement. Je n'en utiliserai que trois sur les sept ou huit qui

27 existent au total. Celle qui date du 10 au

28 12 novembre 1995, c'est la première que vous avez faite. La seconde a été

Page 1111

1 recueillie en septembre, et enfin celle qui porte la date du 16 janvier

2 1997.

3 Avant de commencer, je vous demanderais d'expliquer brièvement ce

4 qu'est l'axe médian du corps. Est-ce que c'est bien l'axe qui,

5 verticalement, donc du haut vers le bas, divise le corps en deux parties ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez dit il y a quelques instants que les blessés qui arrivaient à

8 l'hôpital savaient toujours quelle était l'origine de leurs blessures et

9 qu'ils l'expliquaient à leur arrivée à l'hôpital, n'est-ce pas ?

10 R. Oui. Leurs observations à leur arrivée à l'hôpital, lors de leur

11 premier contact avec ceux qui les accueillaient au centre des urgences,

12 consistaient à dire en général, oui, j'ai été blessé à tel ou tel endroit.

13 Q. Ils disaient aussi ce qui avait provoqué leurs blessures ?

14 R. Oui, normalement, ils émettaient au moins des hypothèses à ce sujet.

15 Q. Ils étaient capables de parler en dépit de leur état ?

16 R. Oui. S'ils ne pouvaient pas parler, c'était ceux qui les accompagnaient

17 qui parlaient pour eux.

18 Q. Merci beaucoup. Vous avez également évoqué le syndrome du souffle que

19 je connais en cas d'explosion de bombes. Vous avez également parlé de

20 syndrome de souffle en rapport avec un tir embusqué. Est-ce qu'il peut y

21 avoir syndrome de souffle en cas de tir embusqué ? Parce qu'il n'y a pas de

22 mouvement d'air.

23 R. Peut-être cela a-t-il été mal interprété.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Marcus.

25 Mme MARCUS : [interprétation] Il semble qu'il pose des questions au témoin

26 auxquelles il a fait objection lorsque l'Accusation posait ces mêmes

27 questions, il fait appel à l'expertise du témoin.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Quand vous avez procédé à votre

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1 interrogatoire principal, j'ai autorisé le témoin à parler de façon

2 générale de l'effet de souffle à condition que ces dires n'exigent la

3 moindre reconnaissance spécialisée.

4 Maître Tapuskovic, ne perdez pas de vue que je n'ai pas autorisé le témoin

5 à donner des renseignements exigeant une connaissance spécialisée par

6 rapport au syndrome de souffle, et ceci, suite à l'objection que vous avez

7 soulevée. Je vous autorise à interroger ce témoin en lui posant cette

8 question si elle se maintient à un niveau très général, qui n'exige aucune

9 connaissance spécialisée. Alors, entendons la réponse du témoin.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le Président.

11 Si l'Accusation a posé les questions qui ont été posées il y a quelques

12 instants, je ne m'y suis pas opposé. Donc, je comprends bien ce que vous

13 voulez dire et je retire ma dernière question.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Avançons.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

16 Q. Je vais commencer par la dernière question abordée par mon collègue.

17 Monsieur Nakas, dans votre déclaration, celle que vous avez faite le 10 et

18 le 12 novembre 1995, on y trouve un tableau.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est un document qui figure sur la liste

20 65 ter et qui comporte le numéro 02839. Veuillez placer ce document devant

21 le témoin, s'il vous plaît. Nous allons nous rapporter à la page 5,

22 paragraphe 1 de ce document dans la version anglaise, et à la page 4, au

23 paragraphe 2 à partir du bas dans la version en B/C/S.

24 Q. Est-ce que vous y êtes ?

25 R. Non, je ne vois pas le passage en question.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous attendons l'affichage du

27 document.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dans la version anglaise, pour M. Nakas,

Page 1113

1 est-ce que nous pouvons avoir la page 4, s'il vous plaît, deuxième

2 paragraphe à partir du bas, et pour MM. les Juges, la

3 page 5, paragraphe 1, s'il vous plaît.

4 Q. Le document commence par une citation "L'année 1994..." Est-ce que vous

5 y êtes ?

6 C'est le deuxième paragraphe à partir du bas, Monsieur Nakas, dans

7 votre version. Est-ce que vous y êtes ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-il exact de dire ce qu'on peut lire ici, on voit : "L'année 1994

10 était meilleure que les autres années," ensuite, vous poursuivez en disant

11 : "Dans la première moitié de l'année, le nombre de patients ne s'élevait

12 qu'à 431 par rapport à l'année 1996."

13 Tout d'abord, est-ce que ceci est exact ?

14 R. Si je compare avec les années précédentes, l'année 1992 et l'année

15 1993, en termes absolus et selon les chiffres statistiques, c'est ici qu'il

16 y avait moins de blessés en 1994 qu'au cours des années précédentes. Il est

17 clair qu'en 1992 il y avait 2 400 et l'année suivante 3 411, et en 1994 le

18 chiffre était bien inférieur.

19 Q. Merci. Est-ce que nous pouvons nous rapporter au passage suivant.

20 Maintenant, s'il vous plaît, il n'est peut-être pas utile que je vous lise

21 le passage en question à voix haute. Lisez simplement ce qui se trouve à la

22 dernière phrase où on peut lire : "Il n'y a que ceux qui étaient blessés ou

23 qui avaient un problème grave qui avaient des conséquences sur leur vie

24 étaient admis à l'hôpital. Les autres n'étaient pas admis à l'hôpital."

25 Est-ce exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Depuis le début de la guerre, le début du mois, vous parlez du mois de

28 novembre 1995, lorsque c'était parce que le pays était encore en état de

Page 1114

1 guerre, vous avez dit que vous avez traité 8 000 patients jusqu'à la fin du

2 mois d'octobre. Vous avez donné la répartition suivante et vous citez un

3 tableau.

4 Est-ce que ce que je viens de lire est exact ?

5 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire.

6 Q. Ce que je viens de vous lire.

7 R. Oui.

8 Q. Question suivante : ni ici ni ailleurs vous avez évoqué la question du

9 nombre de blessés. Vous n'avez jamais parlé de tirs embusqués. Est-il

10 possible qu'en 1994 personne n'ait été blessé suite à des tirs embusqués ?

11 R. Ma déclaration parle principalement des années 1992 et 1993 parce que

12 ceci faisait l'objet de l'enquête. Il s'agit simplement de commentaires sur

13 la situation en général sans entrer dans le détail sur le type de

14 blessures. C'est la raison pour laquelle, dans ce contexte-là, le chiffre

15 est peut-être moins pertinent que sur les événements qui se déroulaient. Au

16 cours de l'entretien, on ne m'a pas demandé d'établir une distinction entre

17 des blessures dues aux obus et des blessures dues aux tirs embusqués, et

18 c'est la raison pour laquelle ceci est présenté comme cela. C'est ce qui

19 m'a été demandé.

20 Q. Si je vous ai bien compris - je pense de ne pas m'être trompé - vous

21 dites que les personnes qui ont été blessées en 1994 et 1995, entre août

22 1994 et novembre 1995, lorsque vous avez fait cette déclaration, vous dites

23 que toutes ces personnes étaient des victimes de tirs embusqués. Est-ce que

24 c'est ce que vous venez de dire ?

25 R. Non, je n'ai pas dit qu'il s'agissait simplement de victimes dues aux

26 tirs embusqués; j'ai simplement extrait sur ce tableau et fait ressortir le

27 nombre de personnes qui avaient été blessées suite aux tirs embusqués.

28 Q. Donc, sur ces 607 en 1994, 668 en 1995 étaient des blessés qui étaient

Page 1115

1 blessés en raison de tirs embusqués ?

2 R. Vous n'avez pas compris. Le nombre exact que vous venez de citer, était

3 de 115 au total, et ces chiffres ont été intégrés dans le tableau qui a été

4 préparé au mois de janvier. Dans ma première déclaration, personne ne m'a

5 posé de questions à ce propos.

6 Q. Je comprends maintenant, mais je suis tout à fait en droit de faire des

7 observations dessus. Si vous dites qu'au milieu de l'année 1994 il y avait

8 431 blessés en 1994 - je ne suis pas toujours très bon avec les chiffres -

9 vous avez dit qu'il y avait en tout 670 personnes en 1994 et vous avez dit

10 qu'il y avait 431 victimes dans la première moitié de l'année. Si on déduit

11 ce chiffre-là du chiffre cité ici, il semble qu'à partir du mois d'août il

12 y avait 176 victimes. Je parle maintenant de l'année 1995. Ai-je raison de

13 dire cela ?

14 R. Si votre calcul est exact, oui.

15 Q. Ce chiffre de 176, est-ce qu'il comprend les personnes qui ont été

16 blessées à Markale ?

17 R. Je ne parle que de l'année 1994.

18 Q. Parlons un petit peu maintenant de l'année 1995.

19 R. Vous avez raison.

20 Q. Ce chiffre de 668, est-ce qu'il comprend les victimes de Markale ?

21 R. Non. Ce chiffre ne comprend que les personnes qui ont été admises à

22 l'hôpital. Il ne s'agit pas du nombre total de victimes et ne comprend pas

23 les victimes de Markale. Il n'y a que les personnes qui sont venues me

24 voir, autrement dit les personnes blessées à Markale qui sont venues me

25 voir.

26 Q. Les années 1994 et 1995, si on veut les chiffres globaux pour cette

27 période-là et la période précédente, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y

28 a une différence substantielle au niveau des chiffres ?

Page 1116

1 R. Oui, si on regarde les totaux, bien sûr, mais si on regarde le type de

2 blessures, non.

3 Q. En 1995, est-ce que le nombre de blessés s'est accru dû à une offensive

4 à grande échelle qui avait été lancée par l'ABiH ?

5 R. En partie. Un certain nombre d'hommes qui faisaient partie des forces

6 armées sont compris dans ce chiffre. J'entends en termes de nombre de

7 blessés.

8 Q. Si cette offensive au eu une incidence sur tout ceci, comment se fait-

9 il que le nombre de civils qui ont été blessés en 1995 était plus élevé que

10 le nombre de soldats blessés au cours de cette même année ? Parce qu'on

11 parlait ici de 388 civils et 280 hommes. Comment se fait-il qu'il y avait

12 davantage de blessés civils que de soldats ?

13 R. Ils n'ont pas été tués.

14 Q. Pardonnez-moi.

15 R. Deuxièmement, il ne s'agit pas du chiffre global. Il s'agit d'un

16 chiffre qui a été cité par l'hôpital d'Etat de Sarajevo qui ne tient compte

17 d'un dixième de sa capacité, ce qui signifie que les neuf dixièmes autres

18 ont été traités dans d'autres établissements.

19 Q. Dans votre rapport, si nous recevons d'autres rapports, je vais en

20 parler. Je souhaite que vous m'expliquiez ceci. Il y a une différence

21 notable entre le nombre de soldats tués, de soldats blessés et de civils

22 blessés.

23 R. A vrai dire, il s'agit du nombre de blessés dont s'est occupé mon

24 hôpital. Je ne sais pas ce qu'il en est dans les autres hôpitaux. Je ne

25 peux pas vraiment répondre de cela.

26 Q. Je crois que je vous ai demandé suffisamment d'explications à propos

27 des chiffres. Ensuite, vous poursuivez en disant : "Il faut remarquer dans

28 le chiffre global portant sur l'armée, ceci comprend également les soldats

Page 1117

1 qui ont été blessés en tant que civil, autrement dit lorsqu'ils allaient

2 faire leur course, et cetera." Est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Autrement dit, vous dites qu'au moment où tout ceci s'est déroulé à

5 Sarajevo, un soldat qui se promène en vêtement civil et non armé. Vous

6 voulez parler de cela ?

7 R. Pour ce qui est du port d'armes, d'armes automatiques en particulier,

8 c'est quelque chose que l'on ne voyait pas souvent à Sarajevo. La seule

9 arme que les forces armées portaient sur elles était des armes de petit

10 calibre. Personne ne sortait dans la rue avec un fusil automatique pour

11 aller au marché.

12 Q. Donc les gens pouvaient se promener sans arme ?

13 R. Absolument. Oui.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je souhaitais éviter le recours à une

15 carte car cela nous fait perdre beaucoup de temps. Mais si on peut m'aider

16 à afficher la carte numéro - c'est la carte numéro D2-22.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Est-ce que vous pourrez me donner le

18 numéro d'identification du document, je vous prie.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est à mes collaborateurs de vous fournir

20 ce renseignement. Le document D22 est une pièce de la Défense qui a été

21 versée au dossier. C'est la pièce DD000261. Je vous prie de bien vouloir

22 m'excuser, Messieurs les Juges.

23 M. LE JUGE MINDUA : [aucune interprétation]

24 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] M. le Juge Mindua est en possession

26 de cette carte. Pourquoi ne l'avez-vous pas ? Je m'excuse auprès de

27 l'auteur Milton. Tout vient à point à qui sait attendre. Avez-vous trouvé

28 la carte ?

Page 1118

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

2 Q. Vous nous avez montré ceci la dernière fois, Docteur Nakas. Vous nous

3 avez indiqué l'endroit où se trouvait votre hôpital.

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez également parlé de l'hôpital de Kosevo.

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez parlé de cette première clinique d'Etat. Est-ce que vous

8 pourriez me la montrer, s'il vous plaît, l'hôpital Jezero, je crois, n'est-

9 ce pas ?

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Veuillez reprendre la citation exacte, s'il vous plaît, citation

12 de Milton : "Tout vient à point à qui sait attendre," de la citation de

13 Milton.

14 Q. Est-ce que vous l'avez ?

15 R. Oui, oui, oui.

16 Q. Est-ce que vous pouvez annoter cette carte et indiquer l'endroit avec

17 la lettre J, s'il vous plaît ?

18 R. Oui.

19 Q. Si nous parlons de la ligne de démarcation et de confrontation entre

20 les parties belligérantes, cet hôpital se trouvait très près de cet

21 endroit-là, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. A l'époque, était-ce un hôpital ou est-ce que c'était un bâtiment à un

24 autre usage ?

25 R. De quelle période voulez-vous parler; 1994 ? En 1994, c'était un

26 hôpital abandonné. En 1992, il a été abandonné après les premiers

27 pilonnages.

28 Q. Il n'y avait pas d'unités de la police ou de l'armée dans cet hôpital ?

Page 1119

1 R. Cela, je ne le sais pas.

2 Q. Qu'en est-il de l'hôpital Bethania ? C'était une maternité ?

3 R. Non, c'était un autre bâtiment. La construction avait commencé en 1976,

4 et c'était très éloigné de l'hôpital de Jezero. C'était en direction de

5 Vogosca.

6 Q. Est-ce que vous pouvez nous le montrer, s'il vous plaît.

7 R. C'est dans cette direction-ci.

8 Q. C'était sous la zone de responsabilité de l'ABiH ?

9 R. Je crois que cette zone était près de la ligne de confrontation. Je

10 connais mal, en fait, ces questions-là.

11 Q. L'ABiH ?

12 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'était placé sous le contrôle de

13 nos forces.

14 Q. Est-ce qu'il y avait des troupes de la police ou de l'armée à cet

15 endroit-là ?

16 R. Je ne sais pas. Je sais que c'était simplement un bâtiment qui était en

17 construction et qu'il y avait des murs en béton et les fondations en béton

18 qui étaient là en place. Je crois que ce bâtiment est toujours dans le même

19 état.

20 Q. Est-ce que vous pourriez nous l'indiquer par la lettre B, s'il vous

21 plaît, sur la carte.

22 R. Je ne sais pas exactement où il est situé.

23 Q. Fort bien. Docteur, cela n'a pas d'importance. L'hôpital qui se trouve

24 sur la rue Sterlic, je crois que c'était un hôpital pour enfants.

25 R. Je crois que c'était un hôpital ambulatoire spécialisé en pédiatrie, je

26 crois. Cela s'appelait Skerliceva. Mais cela n'a jamais été à proprement

27 parler un hôpital.

28 Q. Est-ce que vous pourriez nous le montrer.

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1 R. C'est environ ici.

2 Q. Oui, environ. Ceci n'a pas une très grande importance. Vous avez ici

3 une petite croix.

4 R. Mejtas, il y a un parc qui est assez grand. Vous avez la rue Skeliceva,

5 et cela c'est une clinique ambulatoire.

6 Q. Pendant le conflit, cet endroit servait à quoi ?

7 R. C'était toujours un hôpital pour enfants.

8 Q. Est-ce que cet endroit a jamais été pris pour cible ?

9 R. Je crois que cela a été pris pour cible plusieurs fois, mais n'était

10 pas dans la ligne de tir directement parce que cet endroit est entouré

11 d'autres bâtiments.

12 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise qu'il est impossible de traduire

13 puisque les deux personnes parlent en même temps.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic et Docteur Nakas,

15 les interprètes ont du mal à vous suivre. Car vous parlez la même langue,

16 et je vous demande de bien vouloir marquer une pause entre les questions et

17 les réponses pour que l'interprétation puisse se faire.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

19 Q. Ceci n'est pas affiché, je crois, Docteur.

20 R. Cela se trouve ici, là où il y a la lettre D.

21 Q. Est-ce que nous pouvons convenir qu'il s'agit ici du centre de

22 Sarajevo ?

23 R. Oui.

24 Q. Il y avait un autre hôpital, Botraskiva [phon], qui était un hôpital

25 spécialisé dans les maladies pulmonaires.

26 R. Effectivement.

27 Q. Où se trouvait cet hôpital exactement ?

28 R. Cet hôpital se trouve juste à côté de la ligne de confrontation entre

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1 l'armée de la Republika Srpska et l'ABiH.

2 Q. Non, c'était beaucoup plus loin, beaucoup plus loin.

3 R. C'était beaucoup loin que mon hôpital à moi.

4 Q. Donc, beaucoup plus loin des lignes de confrontation ?

5 R. Oui.

6 Q. Qu'est-ce qu'il y avait à cet endroit-là pendant la guerre ?

7 R. Il y avait des patients et des médecins.

8 Q. Savez-vous si des gens étaient en danger dans cet hôpital ?

9 R. Oui. Oui, c'est certain, mais comme tout autre personne à Sarajevo.

10 Q. Oui, c'est cela que vous voulez dire. Fort bien. Merci.

11 Savez-vous qu'il y avait deux hôpitaux, un qui était du côté de l'armée de

12 la Republika Srpska, "Ernest and Grin" ?

13 R. Oui. Cet hôpital était abandonné. Il n'y avait personne.

14 Q. C'était pour des raisons de sécurité, c'était pour protéger les

15 patients. Je crois qu'on peut dire la même chose pour l'hôpital

16 psychiatrique qui se trouvait près de Jagomir, n'est-ce pas, il n'y avait

17 plus personne à cet endroit-là non plus ?

18 R. Oui, déjà en 1992.

19 Q. L'hôpital que vous avez dirigé par la suite - avant cela je crois que

20 vous -- c'était un hôpital qui appartenait à la JNA, n'est-ce pas ?

21 R. Oui. C'était un hôpital qui appartenait à la JNA, le troisième par

22 ordre d'importance en ex-Yougoslavie.

23 Q. A ce moment-là, lorsque vous y étiez lorsque la JNA s'était retirée,

24 donc dans l'enceinte de l'hôpital, ce même hôpital, toujours, il y avait

25 une clinique qui était utilisée par les hommes de la garnison. C'était pour

26 soigner le personnel militaire exclusivement. Est-ce que cette clinique

27 était utilisée à des fins militaires pendant la guerre, ou est-ce que

28 c'était simplement une unité militaire qui était cantonnée à cet endroit-

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1 là ?

2 R. Je vous ai dit que c'était un centre de rééducation, et que c'était à

3 l'intérieur ou dans le périmètre de l'hôpital militaire. Je vous ai signalé

4 le fait qu'il y avait un bâtiment qui avait été réquisitionné pour service

5 de centre de rééducation pour les soldats des forces armées.

6 Q. Il y avait sans doute de la sécurité militaire autour du

7 bâtiment.

8 R. Non, il y avait simplement des policiers qui montaient la garde

9 autour du périmètre ici, autour de l'enceinte. Il y avait les réservistes

10 du poste de police de Marin Dvor; c'est exact.

11 Q. Ils étaient armés ?

12 R. Non, les policiers ne portaient pas d'armes.

13 Q. Est-ce que vous pourriez me parler, s'il vous plaît, dans l'enceinte de

14 l'hôpital de Kosevo, n'y avait-il pas la 105e Brigade de Montagne avec son

15 poste de commandement avancé qui se trouvait juste là, où se trouvait

16 l'hôpital, dans ce bâtiment dont la construction n'avait jamais été

17 terminée ? J'ai découvert cela dans un ordre donné par le commandant de la

18 12e Division que je vais verser au dossier. Vous souvenez-vous du poste de

19 commandement avancé de cette brigade ?

20 R. C'est la première fois que j'en entends parler.

21 Q. Merci. Est-il exact de dire que par rapport à votre propre hôpital,

22 cela se trouvait à 200 mètres environ -- ou se trouvait à proximité ou à

23 200 mètres de votre hôpital l'hôtel Zagreb en temps de paix.

24 R. Oui.

25 Q. L'hôtel Zagreb pendant les combats était surtout occupé par des

26 policiers qui avaient certaines missions à accomplir, et surtout vis-à-vis

27 de l'ABiH; c'est exact ?

28 R. Peut-être. Mais c'est peut-être quelque chose que vous savez vous-même.

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1 En tout cas, je sais que c'était un bâtiment qui avait été abandonné. Je ne

2 sais pas qui s'y trouvait, s'il y avait des réservistes ou des policiers.

3 C'est tout à fait possible. Mais ce n'était certainement pas une cible

4 militaire, si c'est cela que vous voulez sous-entendre.

5 Q. Il y avait des unités spéciales qui étaient cantonnées là.

6 R. Cela n'est pas quelque chose que je sais.

7 Q. Merci.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois que c'est un

9 moment un petit peu inhabituel pour faire la pause du matin. Est-ce que

10 vous souhaitez que je continue ?

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Non, nous allons faire une pause

12 maintenant, et faire une pause de 20 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

14 --- L'audience est reprise à 10 heures 46.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Tapuskovic, je n'aime pas

16 tenir le chronomètre, mais je tiens à vous informer que l'interrogatoire

17 principal a duré environ deux heures. Jusqu'à présent, vous avez utilisé à

18 peu près une demi-heure, donc vous avez encore une heure et demie. Bien

19 entendu, vous n'avez pas à utiliser la totalité de cette heure et demie,

20 mais vous pouvez le faire. Je tiens cependant à vous rapporter qu'il faut

21 que vos questions soient précises et portent sur des questions bien

22 précises.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vois que l'accusé n'est pas avec

25 nous.

26 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous pouvez maintenant poursuivre

28 votre contre-interrogatoire puisque l'accusé est dans le prétoire.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je comprends bien

2 qu'il y a certains problèmes avec la carte. Je ne compte pas m'attarder sur

3 cette carte, donc j'aimerais qu'on lui attribue une cote telle quelle est à

4 l'heure actuelle. Ensuite, j'aimerais que l'on affiche une autre carte.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] En effet, nous pouvons procéder de la

6 sorte.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir la carte de

8 la FORPRONU, qui porte le numéro 65 ter 02829. Vous pouvez afficher cela.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Si j'ai bien compris le conseil de la

10 Défense, ils souhaitent verser le document ID DD00261 au dossier, qui est

11 une carte ainsi que la carte telle qu'elle a été marquée par le témoin;

12 c'est bien cela ?

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, pouvez-vous nous

14 confirmer que c'est bien ce que vous souhaitez.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] En effet.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte qui a été annotée par le témoin

17 deviendra la pièce D27 et la carte en tant que telle sera la pièce D28.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puis-je en profiter pour verser aussi

19 cette lettre, lettre que j'ai oubliée. C'est une lettre dont je me suis

20 servi quand nous étions en train de poser des questions à M. Nikolai. Il

21 s'agit d'une lettre qui n'avait pas de traduction anglaise à l'époque, la

22 D000286 et D000261. Je viens de faire une autre erreur, Messieurs les

23 Juges. Je vais verser tout ceci un peu plus tard, parce que j'ai fait une

24 erreur à nouveau quand j'ai donné les chiffres, les cotes. Je préférerais

25 peut-être poursuivre mes questions. La carte est à l'écran.

26 Q. Monsieur le Témoin, je n'ai pas besoin que vous annotiez quoi que soit,

27 mais une chose que je voudrais vous demander : à

28 200 mètres de l'hôpital que vous dirigiez, il semble qu'il y avait le vieux

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1 bâtiment de l'hôpital, ce qu'on appelle le vieil hôpital ?

2 R. C'est à quelques dizaines de mètres pas 200 mètres.

3 Q. Très bien, mettons que ce soit à 20 mètres. Au cours de la guerre,

4 surtout entre le 10 août 1994 et novembre 1995, qui occupait le bâtiment ?

5 Les soldats ? La police ?

6 R. L'hôpital avait été touché dans les premiers mois de 1992. Il avait

7 pris feu, il était entièrement brûlé. C'était pratiquement une ruine. Au

8 cours de 1994 et 1995 et même par la suite d'ailleurs, c'était des ruines,

9 rien de plus, des ruines d'un bâtiment qui avait brûlé complètement. Il n'y

10 avait absolument personne dans ce bâtiment mis à part peut-être quelques

11 chiens errants.

12 Q. Je vous parle de l'époque où Dragomir Milosevic était commandant, donc

13 cela n'a pas atteint sous son mandat.

14 R. Non, c'était en 1992. Cela a brûlé, il avait déjà complètement brûlé à

15 l'époque dont on parle.

16 Q. Juste derrière l'hôpital il y avait deux collines, Crni

17 Vrh et Gorica ? Je pense que vous connaissez bien Sarajevo, n'est-ce pas ?

18 Crni Vrh fait 614 mètres, l'autre environ un petit peu moins. Il y a aussi

19 Debelo Brdo, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, tout à fait. Mais Debelo Brdo est de l'autre côté quand même.

21 Q. Je me suis trompé, en effet. Mais ces positions étaient tenues par

22 l'ABiH, n'est-ce pas, à l'époque ?

23 R. Les citoyens de Sarajevo s'y trouvaient. Il y avait des bâtiments, des

24 maisons, des immeubles, et cetera.

25 Q. Pas de soldats ?

26 R. Il n'y a pas eu de confrontation du tout à cet endroit-là.

27 Q. Ce n'est pas ma question. Ces collines étaient sous la responsabilité

28 de l'ABiH ?

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1 R. Oui.

2 Q. Vous ne savez pas s'il y avait des positions militaires là ?

3 R. Absolument pas. Je ne le sais absolument pas.

4 Q. Je ne veux pas vraiment m'attarder sur cette carte. Vous avez habité

5 Sarajevo depuis très longtemps, vous connaissez bien Sarajevo. Donc le

6 Debelo Brdo est assez élevée, n'est-ce pas ?

7 R. Oui.

8 Q. Qu'en est-il de Colina Kapa; cela se trouvait aussi sur la

9 responsabilité de l'ABiH, et c'est très élevé puisque c'est une colline,

10 enfin c'est une montagne qui fait presque 1 000 mètres ?

11 R. Pas 1 000 mètres. Un peu moins.

12 Q. Environ 900.

13 R. Oui, à peu près 900 ou moins.

14 Q. Cela fait partie de Trebevic, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Il s'agit d'une des collines, d'une des crêtes qui appartiennent à

17 Trebevic.

18 Q. Qu'en est-il de Debelo Brdo ? C'est aussi une colline qui était tenue

19 par l'ABiH ?

20 R. Oui, ils avaient leurs positions. Je pense que la ligne de

21 confrontation partageait en deux Debelo Brdo. A cinquante, cinquante.

22 Q. Très bien. Maintenant, il y a Mojmilo qui est aussi assez élevée, je

23 crois, et qui aussi est une crête assez longue ?

24 R. Oui.

25 Q. Mojmilo Brdo, n'est-ce pas là que pendant toute la guerre, enfin, en

26 tout cas, au début de la guerre, c'était une position, je crois, qui était

27 tenue par l'ABiH ?

28 R. Oui, je crois que c'était le deuxième semestre 1992 qu'elle a fait

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1 partie du territoire libéré.

2 Q. Je n'ai plus grand-chose à vous poser. Colina Kapa encore, qui fait 918

3 mètres de haut; c'est bien cela ?

4 L'INTERPRÈTE : Le témoin hausse les épaules uniquement en réponse.

5 Q. Nous avons parlé de collines qui étaient au sud. Alors, il ce qu'il y a

6 à gauche, il y a ce qu'il y a à droite, puis il y a jusqu'à Nedzarici,

7 ensuite vous avez toutes les collines dont on parle. Debelo Brdo, Colina

8 Kapa, Mojmilo. Au nord - je ne vais pas entrer dans les détails, bien sûr,

9 parce que ce serait une perte de temps - mais au nord, quand même, il y a

10 la colline Zuc qui fait 800 mètres, et c'est là que se trouvaient les

11 positions de l'ABiH ?

12 R. Oui.

13 Q. Puis, il y a ensuite Orlic qui se trouvait à 876 mètres de haut, qui

14 est un pic, pic qui était aussi tenu à l'époque par l'ABiH, n'est-ce pas ?

15 R. Sans doute.

16 Q. Ensuite, il y a Sokolje, le quartier de Sokolje, de Sabino Brdo et de

17 Bresco Brdo. Là, le pic se lève à 689 mètres. C'était aussi tenu par

18 l'ABiH, n'est-ce pas ?

19 R. Oui, cela faisait partie du territoire libre.

20 Q. Certes. Mais c'était au nord plutôt ? Sur la carte, à gauche -- non

21 plutôt à droite, il y a des collines, des collines qui surplombent le

22 centre de Sarajevo ?

23 R. Oui, mais c'est quand même assez loin du centre.

24 Q. Cela dit, sous la responsabilité de l'ABiH, il y avait ces collines, et

25 elles représentaient une menace à tous les quartiers serbes qui étaient de

26 l'autre côté ?

27 R. Oui, sans doute, géographiquement, pratiquement, c'était sans doute le

28 cas.

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1 Q. Je ne vais plus revenir à cette carte pour l'instant en tout cas.

2 J'aimerais plutôt que nous revenions à votre déclaration. Je sais

3 bien que je suis pressé par le temps et vous avez fait plusieurs

4 déclarations, mais il y en a trois qui m'intéressent. Celle que vous avez

5 faite du 10 novembre 1995 au 12 novembre 1995. Il s'agit du document 65 ter

6 0389. Celle qui m'intéresse, c'est le paragraphe 3. Je vais le lire et vous

7 allez me dire si vous maintenez ce que vous avez dit.

8 Je cite. Il s'agit de la page en anglais, troisième paragraphe. Pour

9 ce qui est de la version B/C/S, c'est la page 2 et le

10 paragraphe 3 aussi. J'espère que vous l'avez sous les yeux.

11 R. Oui, je pense que je l'ai sous les yeux juste maintenant. J'ai encore

12 les cartes.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

14 Q. Monsieur le Témoin, il s'agit de la page 2 de la version anglaise

15 et du paragraphe 3 et c'est exactement la même référence pour le B/C/S. Je

16 pense que vous l'avez à l'écran maintenant et vous voyez bien le paragraphe

17 3 à l'écran.

18 R. Oui.

19 Q. Cela commence par "Au cours de l'agression --"

20 R. Oui.

21 Q. Je vais vous le lire :

22 "Au cours de l'agression en Croatie, un certain nombre de nos équipes

23 ont été déployées ailleurs afin d'être prêtes pour se rendre sur les deux

24 fronts. Un grand nombre de personnes sont allées dans des zones qui étaient

25 proches des lignes de front. En 1991 et au début de 1992 nous avons passé

26 énormément de temps à travailler dans un hôpital qui était près de la ligne

27 de front."

28 Ici, vous parlez d'autres parties de la Yougoslavie, n'est-ce pas ?

Page 1130

1 R. Oui.

2 Q. Je poursuis : "Nous changions de poste toutes les trois semaines. On

3 pouvait voir ce qui se passait à partir de là. On voyait beaucoup de gens

4 "C"." Il y a peut-être quelque chose qui manque.

5 R. Non, je pense que c'est l'interprétation. Je pense que ce "C" veut dire

6 Croates.

7 Q. Très bien. "Nous avons rencontré beaucoup de gens qui exprimaient leurs

8 opinions politiques. On voit bien qu'on n'avait pas les mêmes opinions et

9 la JNA est devenue de plus en plus engagée en matière politique à la fois

10 en Croatie et ensuite en Bosnie." C'est bien cela, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Pouvez-nous dire ce qui s'est passé en dehors de Bosnie-Herzégovine ?

13 C'était un pays unique à l'époque. Vous êtes-vous rendu en Slovénie ? Vous

14 vous êtes rendu compte de ce qui s'est passé ?

15 R. Nos unités ou plutôt les unités de l'ancien hôpital de guerre ont été

16 mutées sur la zone de Tuzla et la zone de Banja Luka, parce que les

17 médecins militaires devaient aller là-bas pour mettre sur pied des hôpitaux

18 de guerre. C'étaient des membres du corps de santé militaire, certains sont

19 allés à Gradisca sur la ligne de front et d'autres à Banja Luka. Un certain

20 nombre de chirurgiens y travaillaient. J'ai personnellement été cantonné à

21 Tuzla, à Husinska Buna --

22 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

23 M. LE JUGE MINDUA : [hors micro]

24 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

26 Q. J'aimerais savoir si vous avez su que la JNA avait été attaquée en

27 Slovénie et que les casernes en Slovénie avaient été encerclées ?

28 R. Oui, j'ai eu cette information à l'époque.

Page 1131

1 Q. Avez-vous su que jusqu'à 50 soldats sans armes avaient été tués là-bas

2 même s'ils s'étaient rendus ?

3 R. Je ne savais pas vraiment qu'il y en avait autant. Je savais qu'il y en

4 avait quelques-uns, mais je ne connaissais pas ce chiffre.

5 Q. Oui. Je n'ai pas dit plus de 50, mais je vous demande si vous le

6 saviez. Savez-vous aussi qu'en Croatie il y a eu de nombreuses casernes qui

7 ont été encerclées ?

8 R. Ce sont des informations que j'ai obtenues dans les médias.

9 Q. Du document que j'ai sous les yeux, en anglais, il s'agit du même

10 document et c'est toujours la page 2. Et là, nous allons nous intéresser à

11 l'avant-dernier paragraphe de cette page et il commence par le mot "Le 6

12 avril…" Je cite : "Le 6 avril, une agression a commencé quand une personne

13 a été abattue sur le pont de Vrbanja. On savait ce qui allait se passer. A

14 partir de là jusqu'à la mi-avril, un grand nombre de nous qui étaient

15 militaires ont dû partir."

16 C'est bien cela ?

17 R. Oui.

18 Q. Avant le 6 avril, on pourrait dire début mars, un membre serbe qui

19 fêtait un mariage a été tué à Bascarsija ? Ce n'est peut-être pas à cet

20 endroit-là, mais en tout cas cet homme a été tué ?

21 R. Oui, il a été enterré à Bare le même jour, le jour où mon père a été

22 tué, c'est-à-dire le 2 mai. Je l'ai trouvé d'ailleurs mort dans la rue.

23 Q. Ensuite, je cite. Vous dites :

24 "Après le 2 mars, des membres de la SDS --" Savez-vous qui a tué votre

25 père ?

26 R. Mon père est mort d'une crise cardiaque devant un tabac. C'est moi qui

27 l'ai trouvé mort. Je l'ai retrouvé à la morgue et il était --

28 M. LE JUGE MINDUA : Si j'ai bien entendu, vous avez dit que c'est votre

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1 père qui a été tué le même jour; c'est bien cela ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que ce Serbe qui a été tué a été

3 enterré le même jour dans le cimetière de Bare, le même jour que

4 l'enterrement de mon père que j'ai retrouvé le 2 mars, décédé à la morgue

5 de l'hôpital de Kosevo après que sans doute il ait subi un infarctus devant

6 le bureau de tabac où il était allé acheter des cigarettes en face de notre

7 maison.

8 M. LE JUGE MINDUA : Je vous remercie.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

10 Q. Au-dessus de ce passage, vous parlez du 6 avril. Je cite à nouveau :

11 "Après le 2 mars, quand des membres du SDS," le Parti démocratique serbe,

12 n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. -- "ont érigé des barricades quand nous sommes rendu compte de ce qui

15 pourrait se passer." C'est bien cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Mais il est vrai qu'ils avaient érigé des barricades justement à cause

18 de ce meurtre et parce que le SDA, le Parti musulman avait aussi érigé ses

19 propres barricades ?

20 R. Cette barricade n'avait rien à voir avec le meurtre de cette personne

21 qui était au mariage. C'était le résultat du référendum qui était tout à

22 fait favorable à l'avenir de la Bosnie-Herzégovine et le cap que ce pays

23 souhaitait emprunter pour devenir un Etat indépendant. C'était une réaction

24 du Pari démocratique serbe au référendum. Cela n'avait absolument rien à

25 voir avec le meurtre lors de ce mariage.

26 Q. Très bien. J'imagine que vous avez lu des livres écrits par Halilovic,

27 par son fils, par l'accusé Delic et par d'autres. Avez-vous lu le moindre

28 de ces livres ?

Page 1133

1 R. Je dois vous décevoir, je n'en ai lu aucun.

2 Q. Avez-vous entendu ce qui a été dit dans le Gazette, le bulletin

3 officiel, selon lequel tous les membres de la Ligue patriotique, les Bérets

4 verts, toutes les autres unités paramilitaires au printemps 1992 allaient

5 obtenir quelque chose ? C'était une décision qui a été publiée dans le

6 bulletin officiel. Le connaissiez-vous ?

7 R. Non, je n'en ai pas entendu parler. Je sais que j'étais lieutenant-

8 colonel de la JNA. Or, je n'ai pas eu le statut de combattant entre 1992 et

9 1995. J'étais juste un citoyen avec une mission de guerre, et rien de plus.

10 Je n'avais pas le statut de combattant en tant que tel.

11 Q. Vous avez parlé de votre statut. Vous êtes né en 1949. Je suis un petit

12 peu plus vieux que vous. Savez-vous - laissons tomber la période 1945 à

13 1950 - savez-vous qu'après 1950 jusqu'en 1990, dans les pays où nous

14 habitions ensemble, quand même ne pouvez-vous pas nous dire qu'il

15 s'agissait à cette époque de 1950 à 1990, d'une époque bénie pour nous,

16 bénie entre toutes ?

17 R. Oui. Je tiens à dire que la vie sous Tito était très agréable.

18 Q. Vous savez qu'avant le 6 avril, à la fin mars, à Sijekovac, environ 30

19 civils serbes, voire plus même, ont été brutalement massacrés dans une zone

20 qui était tenue par l'ABiH ?

21 R. C'est possible. Je n'en sais rien.

22 Q. Savez-vous aussi qu'avant le 6 avril à Glamoc et dans d'autres

23 endroits, un grand nombre de civils ont été massacrés alors qu'il n'y avait

24 pas de conflit en cours à cet époque-là, pas de combat ?

25 R. Oui. J'ai eu quelques informations à ce propos. Je vous parle

26 principalement de ce que j'ai vécu à Sarajevo.

27 Q. Certes. Vous ne pouvez peut-être ne pas tout savoir.

28 R. Oui, c'est difficile.

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1 Q. Je pense que vous êtes au courant de ceci, parce que cela fait

2 référence à ce qui se passait dans Sarajevo même. Nous allons revenir à ce

3 même document et c'est le dernier passage qui m'intéresse. Toujours sur la

4 même page, le dernier paragraphe : "J'ai quitté l'hôpital le 8 avril, mais

5 mon frère qui est aussi un médecin y est resté. J'étais assez bien informé

6 des événements qui se déroulaient là-bas." C'est bien vrai ?

7 R. Oui. J'ai quitté l'hôpital le 8. Mon frère a été mobilisé pour

8 travailler à l'hôpital de guerre de Sokolac en tant que chirurgien et avec

9 l'aide d'amis il a été transféré à Sarajevo. Il est revenu à la mi-avril.

10 J'ai ainsi pu obtenir des informations très fiables sur ce qui se passait à

11 l'hôpital par son biais.

12 Q. Vous aviez des informations fiables. Saviez-vous qu'à peu près à cette

13 époque-là - et je l'ai entendu de la bouche de

14 Dr Mandilovic qui a témoigné ici même - saviez-vous que l'hôpital avait été

15 encerclé depuis près d'un mois par des membres de la Ligue patriotique et

16 par les Bérets verts ?

17 R. Ce n'est pas un encerclement en tant que tel. Il était entouré plutôt

18 pour qu'il y ait toujours un esprit patriotique, mais rien de plus.

19 Q. Qu'en est-il des casernes de Sarajevo, étaient-elles encerclées ?

20 R. Oui, il me semble qu'elles l'étaient.

21 Q. Y avait-il eu d'autres victimes au sein des effectifs de soldats dans

22 les casernes de la JNA ?

23 R. Si je me souviens bien, un certain nombre de soldats de la JNA ont été

24 soignés à l'hôpital militaire. Il n'y avait pas beaucoup de blessés quand

25 même. C'étaient plutôt des cas isolés. Ce n'était pas des cas nombreux.

26 Q. Etant donné que vous savez ce qui se passait à l'hôpital, il y avait

27 une unité spéciale à l'hôpital qui venait de Nis et qui a aussi été

28 encerclée au cours de ce mois de blocus. Cela a été mentionné par M.

Page 1135

1 Mandilovic.

2 R. En ce qui concerne cette unité spéciale, le jour après avoir quitté

3 l'hôpital, ils ont été déployés là-bas. Mon bureau a été donné au

4 commandant de cette unité. Son nom était Golub, je crois, ou quelque chose

5 comme cela. Ils n'étaient pas encerclés. Ils pouvaient sortir avec leurs

6 véhicules. Ils pouvaient se rendre à leur QG de commandement librement. Il

7 n'y avait pas de barrages routiers ni quoi que ce soit. Dans l'hôpital ces

8 soldats aussi pouvaient communiquer librement.

9 Q. Le 2 mai, est-il vrai qu'un grand nombre de soldats ont été tués dans

10 la rue Dobrovoljacka ?

11 R. Oui, je connais cet incident et je sais qu'un grand nombre de cette

12 unité spéciale qui avaient été déployés dans l'hôpital militaire sont

13 partis vers Skenderija et qu'un assez grand nombre de ces soldats ont été

14 tués.

15 Q. M. Mandilovic et vous avez tous les deux dit que l'on pouvait quitter

16 l'hôpital si on voulait. Mais après que les gens aient appris ce qui

17 s'était passé le 2 mai, n'est-il pas vrai qu'un grand nombre de personnel

18 médical, y compris le Dr Radulovic, ont quitté l'hôpital et ont été tués

19 dans cette rue dont on a parlé ?

20 R. Non.

21 Q. Quelqu'un aurait-il été tué ?

22 R. Dr Radulovic avait quitté l'hôpital bien plus tôt. Le

23 Dr Radulovic, si je me souviens bien, était chef du corps de santé

24 militaire. Il avait tendance à rester au QG du corps. Il est parti avec le

25 commandement du corps, d'ailleurs. Aucun de nos médecins n'avait quitté

26 l'hôpital pour se faire tuer. Il n'était pas dans le convoi du commandement

27 d'état-major qui avait quitté cet établissement.

28 Q. Il a été tué ou pas ?

Page 1136

1 R. Oui, il est arrivé mort à l'hôpital. Quant à savoir comment il a été

2 tué, cela je n'en sais absolument rien. Tout ce que je sais, c'est que

3 quand je suis arrivé et quand j'ai pris mes fonctions en tant que directeur

4 de l'hôpital le 10 mai, feu le Dr Radulovic était à la morgue.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Marcus.

6 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, j'aimerais soulever une objection à ce

7 type de question historique au motif d'un manque de pertinence.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, il faut maintenant

9 que vous nous expliquiez quelle est la pertinence de toutes ces questions.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'essaie de contester un certain nombre de

11 choses qui ont été établies dans le jugement Galic, les racines du conflit

12 principalement et le contexte. Je ne pose pas des questions au témoin à

13 propos des événements qui ont eu lieu au cours de la période Galic, mais il

14 y a des accusations qui sont portées directement contre Dragomir Milosevic.

15 Il faut quand même, dans ce dont est accusé Dragomir Milosevic, il faut

16 prendre en compte les incidents en 1992 et la situation qui était propice

17 au conflit. Un grand nombre du personnel médical a quitté l'hôpital qui

18 était encerclé. Ils ne sont jamais rentrés, parce qu'ils ont été tués quand

19 la tragédie avec les soldats a eu lieu dans la fameuse rue dont j'ai parlé

20 plus tôt. Or, ce n'est pas vrai --

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous ne devez pas faire de

22 commentaires sur tout ceci, puisque Me Tapuskovic nous dit que tout ce dont

23 il parle porte sur les racines du conflit et sur le contexte.

24 Me Tapuskovic nous dit : "Tout ceci a à voir avec les accusations

25 directement portées contre Dragomir Milosevic, les incidents en 1992 et la

26 situation générale qui est propice au conflit, et cetera." Or, il était

27 correct de dire qu'on est en train de l'accuser de ces incidents ?

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, dans l'acte

Page 1137

1 d'accusation amendé, la culpabilité de Dragomir Milosevic a été établie,

2 car il a été déclaré qu'il connaissait la stratégie qui avait été déployée

3 dès le début et qu'il avait hérité d'une stratégie qu'il avait poursuivie.

4 Si on lit l'acte d'accusation avec attention, il semble dire qu'il avait

5 déjà élaboré cette stratégie en 1992, et quand il a pris son commandement

6 en août 1992, il l'a poursuivie. Enfin, c'est ce qui semble être écrit dans

7 l'acte d'accusation. Ce que j'essaie de prouver, c'est que Dragomir

8 Milosevic était, certes, officier de la JNA à l'époque et qu'il n'avait

9 rien à voir avec l'élaboration de cette stratégie avec tout cela.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Pouvez-vous nous dire où dans l'acte

11 d'accusation il est écrit que Dragomir Milosevic aurait élaboré cette

12 stratégie en 1992 ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, me citer le paragraphe

13 exact où cela pourrait être écrit ?

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, je peux le faire facilement. J'aurais

15 besoin d'une seconde. Il est aussi écrit qu'il a hérité de cette stratégie

16 de Galic et qu'il l'a poursuivie dans l'acte d'accusation initial. Il n'y

17 avait pas --

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous n'avez pas trois minutes pour

19 trouver le paragraphe. Vous avez juste une minute.

20 Je vais demander à Mme Marcus si elle souhaite répondre à ce que vous

21 venez de dire.

22 Mme MARCUS : [interprétation] Tout ce que je tiens à dire, c'est que l'acte

23 d'accusation commence le 10 août 1994, et n'accuse l'accusé d'aucun fait

24 qui se serait produit précédemment.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'interprétation.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] De ce fait, tout incident préalable

27 ne peut pas être pris en compte, n'est-ce pas ?

28 Mme MARCUS : [interprétation] Absolument pas. Ce n'est pas ce que je suis

Page 1138

1 en train de dire. Je suis en train de dire que le conseil de la Défense,

2 jusqu'à présent, nous a parlé d'un contexte historique commençant par la

3 Slovénie, et mon objection était de savoir quelle était la pertinence de

4 cet exposé historique.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il nous dit que la pertinence, que

6 cela a à voir avec des accusations qui sont portées dans l'acte

7 d'accusation modifié.

8 Monsieur Tapuskovic, vous avez la parole.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Au paragraphe 13 de l'acte d'accusation,

10 "lorsqu'il a pris le commandement du Corps de Sarajevo-Romanija le 10 août

11 1994, ou vers cette date, Dragomir Milosevic a repris à son compte," et là

12 je cite, "la campagne du général Galic. Pendant la quinzaine des mois qui

13 ont suivi, il a poursuivi cette campagne d'attaques dirigées contre la

14 population civile de Sarajevo." Paragraphe 13.

15 Au paragraphe précédent, il est écrit, et je cite : "Pendant

16 44 mois, le Corps de Sarajevo-Romanija a mené une campagne de

17 bombardements," et cetera. Dragomir Milosevic n'est accusé que sur la base

18 de sa responsabilité de commandement au cours de cette époque. Je peux

19 poursuivre, mais il est écrit quand même que le mens rea a été établi déjà

20 en 1992.

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, ceci n'est

22 pas vraiment très clair, mais il est plutôt écrit que "Dragomir Milosevic a

23 repris à son compte la campagne du général Galic et qu'il a pris ses

24 fonctions le 10 août 1994." Donc, je ne vois pas très bien pourquoi les

25 preuves ou les éléments de preuve portant sur des événements préalables

26 auraient une pertinence quelconque.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dans le cadre de la présentation de

28 mes moyens de la Défense, je vais m'efforcer de remettre en cause un

Page 1139

1 certain nombre d'éléments que l'Accusation présente comme incontestables.

2 Si j'avais su que vous me poseriez cette question aujourd'hui j'aurais pu

3 citer un paragraphe important qui porte sur ce point et qui n'est pas cité

4 dans l'acte d'accusation s'agissant de sa responsabilité. Voilà, mes

5 assistants vont trouver ce passage. Je cite :

6 "En application de l'article 7(1) du Statut du Tribunal pénal

7 international, il s'agit du paragraphe 19 de l'acte d'accusation. Je cite :

8 "En application de l'article 7(1) du Statut du Tribunal, Dragomir Milosevic

9 est individuellement pénalement responsable d'avoir planifié et ordonné les

10 crimes exposés dans la présent acte d'accusation. Dragomir Milosevic a mis

11 à exécution et/ou favorisait la campagne de tirs isolés et de bombardements

12 contre les civils dont l'objectif principal était de répandre la terreur au

13 sein de la population civile de Sarajevo. Depuis mai 1992, lorsqu'il

14 commandait la 1re Brigade d'infanterie de Romanija, du Corps de Sarajevo-

15 Romanija, et juillet 1993, lorsqu'il était chef d'état-major de ce corps,

16 Dragomir Milosevic savait qu'une campagne était dirigée contre la

17 population civile. Lorsqu'il est devenu commandant de corps le

18 10 août 1994, ou vers cette date, Dragomir Milosevic a repris cette

19 campagne qu'il a poursuivie et favorisée en donnant des ordres directs,

20 notamment, ceux de…" et cetera, et cetera. Je ne vais pas abuser de votre

21 temps.

22 Il s'agit là de quelque chose qui a été rajouté par la suite à l'acte

23 d'accusation, et nous n'avons disposé que de deux mois ou plutôt de trois

24 mois pour nous pencher sur ce nouvel élément de l'acte d'accusation qui

25 nous a placé devant d'énormes problèmes.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Marcus, notre attention vient

27 d'être appelée sur ce paragraphe où il est écrit qu'à partir de mai 1992,

28 il commandait la 1re Brigade d'infanterie du Corps de Romanija, et qu'à

Page 1140

1 partir de juillet 1993, Dragomir Milosevic connaissait la campagne contre

2 la population civile. Donc, il semblerait que pour cette période antérieure

3 à 1994, l'acte d'accusation évoque le rôle de Dragomir Milosevic dans

4 certaines questions qui sont pertinentes par rapport aux accusations

5 retenues contre lui.

6 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. L'acte

7 d'accusation reproche à l'accusé des actes qui relèvent de plusieurs modes

8 de responsabilités dont l'une, bien sûr, relève de l'article 7(3) du

9 Statut. Dans ce cas précis, l'intention était de montrer qu'il existait une

10 connaissance susceptible de prouver que ce mode de responsabilité a

11 commencé à partir du premier jour pris en compte par l'acte d'accusation;

12 en d'autres termes, à partir du

13 10 août 1994.

14 Je me remets à la Chambre, mais je dirais simplement que le médecin

15 qui témoigne ici n'est peut-être pas le bon témoin pour statuer sur cette

16 question. Mais je m'en remets à la Chambre, bien entendu, s'agissant de

17 déterminer la pertinence de ce genre de question.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, la Chambre vous

19 permettra de poursuivre votre série de questions, mais ne perdez pas de vue

20 que le médecin qui est assis sur la chaise des témoins ne pourra peut-être

21 pas vous aider beaucoup sur cette question précise.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le médecin qui se trouve ici ne pourra

23 peut-être pas répondre à tout, mais croyez-moi, je viens d'éliminer déjà un

24 certain nombre de questions que j'avais prévues de poser.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Avancez. Vous avez vraiment une

26 certaine tendance à être hyperloquace.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président, mais

28 deux ou trois mois avant le début du procès, nous avons été placés dans une

Page 1141

1 situation absolument insupportable. Nous aurions été dans une situation

2 très différente s'il n'y avait pas eu cet ajout à l'acte d'accusation. J'ai

3 dû consacrer beaucoup de temps à la recherche d'un grand nombre de

4 documents --

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, avancez.

6 Poursuivez votre contre-interrogatoire. J'ai déjà statué en votre faveur.

7 Vous ne semblez pas le comprendre.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'ai déjà supprimé un grand nombre de

9 questions que j'avais l'intention de poser, mais j'aimerais que nous nous

10 penchions maintenant sur la page 3, paragraphe 6 de la version anglaise,

11 qui correspond à la page 3, paragraphe 6 également en version B/C/S.

12 Toujours le même document.

13 Q. Il est question du mois de mai. Vous voyez ce à quoi je fais référence;

14 du 13 au 16 mai ?

15 R. Non, pas encore. Pas encore.

16 Q. "La période où ils nous ont le plus pris pour cibles se situe entre le

17 13 et le 16 mai, juste après leur départ. L'hôpital a été touché par 40

18 obus de calibres divers, principalement tirés par des chars et des pièces

19 d'artillerie. Les pilonnages ont commencé l'après-midi, et durant la nuit

20 nous avons vidé toutes les chambres des patients situées du côté sud de

21 l'hôpital."

22 Est-ce que ceci correspond à la réalité des faits ?

23 R. Oui.

24 Q. Dans le paragraphe suivant, vous dites, je cite : "Il m'est apparu

25 qu'ils avaient l'intention de détruire les parties vitales de l'hôpital.

26 Cet hôpital était un hôpital de la JNA de sorte qu'ils savaient où se

27 trouvait chaque chose. Ils se sont efforcés de toucher les salles de

28 stérilisation, les salles d'opérations ainsi que les chambres des patients

Page 1142

1 des cinquième, sixième," et cetera "étages." C'est bien cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Le Dr Mandilovic a dit qu'il n'était même pas certain que l'on ait visé

4 délibérément l'hôpital. Je voudrais, pour ma part, vous poser une autre

5 question. Il existait une unité particulière dans cet hôpital, une unité

6 spéciale de la JNA, qui était arrivée de Nis. Après son départ, hors du

7 territoire de Bosnie-Herzégovine, elle est retournée là d'où elle était

8 venue.

9 Je vous pose la question suivante : s'ils l'avaient voulu, est-ce qu'ils

10 auraient pu détruire l'intégralité de cette tour ? Ils étaient à

11 l'intérieur, mais n'ont jamais touché les parties vitales du bâtiment.

12 Comment est-ce que vous expliquez cela, s'ils avaient voulu détruire

13 l'hôpital ou l'une de ses parties vitales, pourquoi est-ce qu'ils n'ont

14 tout simplement pas fait sauter le bâtiment, toute la tour ?

15 R. D'après ce que nous savions, il n'y avait aucun plan de destruction

16 complète de l'hôpital. Ils voulaient simplement le garder sous le contrôle

17 des forces serbes, parce que la ligne de front était censée courir dans la

18 rue voisine sans passer par le pont. Il y a eu le succès de la bataille de

19 Pofalici. L'hôpital aurait pu rester sur le territoire sous le contrôle de

20 la JNA, ce qui voulait dire qu'il était absolument indispensable, non pas

21 de détruire l'hôpital en tant que tel, mais de le conserver sous le

22 contrôle des forces serbes. Le 9 mai, dès que la décision d'évacuation a

23 été prise, très brutalement, le temps a manqué et il n'a plus été possible

24 d'atteindre cet objectif dans le temps limité qui restait. Par conséquent,

25 notre conclusion, sur la base des éléments d'information dont nous

26 disposions, c'est que ce qui s'en est suivi c'est qu'ils ont visé

27 délibérément toutes les parties de l'hôpital.

28 Q. Qu'en est-il des parties vitales de l'hôpital, les salles d'opérations,

Page 1143

1 par exemple ? Tout fonctionnait dans ces salles d'opérations, n'est-ce pas

2 ?

3 R. Cela dépend de la période.

4 Q. A partir du mois d'août --

5 R. Non.

6 Q. Non ?

7 R. Au mois d'août, quand nous sommes partis au mois de mai, nous n'y

8 sommes revenus avant la fin de 1995, début 1995. Je parle de l'aile nord,

9 de celle qui était utilisable. Pour des raisons techniques nous n'avons pas

10 pu revenir. Selon les calculs des experts en statistique, il semble que le

11 huitième étage était le cœur de l'hôpital et que les murs portants étaient

12 essentiels à la stabilité de l'ensemble du bâtiment à cet étage. Il semble

13 que le but poursuivi par les pilonnages, c'était de détruire cet étage-là,

14 auquel cas les étages supérieurs se seraient écoulés; mais ce n'est pas ce

15 qui s'est passé.

16 Q. J'ai entendu le Dr Mandilovic dire que l'hôpital a été touché surtout

17 sur la façade sud.

18 R. La façade sud, ce n'était pas du côté de la ligne de front. C'était la

19 partie qui donnait sur les forces serbes. L'hôpital regardait dans cette

20 direction. Si on regardait CNN à l'époque, on voyait une grosse croix rouge

21 qui se trouvait sur cette façade de l'hôpital. La façade frontale avait été

22 pratiquement totalement détruite. Elle avait été visée délibérément. Ils

23 voulaient détruire cette aile de l'hôpital.

24 Q. Sur cette partie du front, les lignes étaient à une quinzaine ou une

25 vingtaine de mètres, les lignes des deux parties belligérantes, n'est-ce

26 pas ?

27 R. C'est exact, mais en 1992 personne ne pensait que des chars de la

28 Défense territoriale auraient pu viser l'hôpital.

Page 1144

1 Q. Je ne parle pas de cela. Je parle du 10 août 1994 et de ce qui s'est

2 passé jusqu'à la fin de 1995. C'est cela qui fait l'objet de mes questions.

3 R. Mais vous m'avez interrogé au sujet du mois de mai, il y a un instant.

4 Q. Oui, le mois de mai.

5 R. Le mois de mai de quelle année ?

6 Q. Mai 1992. Est-ce qu'à l'époque, sous Dragomir Milosevic, l'hôpital a

7 été touché ?

8 R. Plus ou moins. Je l'ai déjà dit, n'est-ce pas ?

9 Q. Est-ce qu'il a été touché délibérément, comme le décrit le Dr

10 Mandilovic ? Il a dit qu'il n'en était pas sûr.

11 R. Pas comme il l'avait été en 1992.

12 Q. Merci. Je ne vais pas retrouver mes références, mais vous dites que

13 votre personnel allait souvent sur le front pour aider les blessés et

14 participer aux évacuations; c'est bien cela ?

15 R. Le personnel de l'ancien hôpital militaire qui est allé sur le front

16 jusqu'à fin 1992.

17 Q. Mais je vous interroge au sujet de cette période. Vous êtes allé sur le

18 front, vous-même ou vos employés ?

19 R. Non, non, pas nous.

20 Q. Alors, qu'est-ce qui s'est passé au sujet du front ?

21 R. Non, jamais.

22 Q. D'accord. Mais, vous, personnellement, est-ce que vous avez emprunté le

23 tunnel pour sortir de la ville ?

24 R. Oui, plusieurs fois.

25 Q. Donc, n'importe qui qui voulait le faire, s'ils en avaient

26 l'autorisation --

27 R. Oui, tout le monde pouvait partir.

28 Q. Est-ce que vous savez quelque chose au sujet du fait que pendant tout

Page 1145

1 l'automne de 1994 il y avait un câble électrique qui traversait le tunnel,

2 de l'électricité qui était produite à Neretva, sur le mont Igman; ce câble

3 traversait le tunnel. Ceci avait été installé au moment où on manquait de

4 l'électricité. Et entre l'automne 1994 et la fin des événements, Sarajevo

5 était assez bien fournie en électricité, n'est-ce pas ?

6 R. Non. Sarajevo était pratiquement dépourvue de tout.

7 Q. Merci. Votre déclaration préalable, numéro 002842, dans les documents

8 65 ter. Page 1 de la version anglaise, les premiers paragraphes, enfin les

9 premiers tirets, quatre ou cinq, si je ne me trompe pas. J'ai déjà donné le

10 numéro de référence. La date est celle du 26 septembre 2001 pour ce

11 document. Est-ce que vous voyez le passage ?

12 R. Non. Non, pas encore. Je suis encore sur la page 3 du document de tout

13 à l'heure.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Non, non, maintenant je demande

15 l'affichage d'un nouveau document; 002842, dans les documents 65 ter.

16 Q. Est-ce que vous l'avez maintenant ?

17 R. Non. Non, c'est toujours le même document qui est à l'écran.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il s'agit de réponses supplémentaires

19 fournies par le Dr Bakir Nakas, le 26 septembre 2001. La page qui

20 m'intéresse c'est la page 1 aussi bien dans la version anglaise que dans la

21 version en B/C/S, et je rappelle le numéro de ce document dans la liasse

22 des documents 65 ter. C'est le numéro 02842.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que c'est le document que l'on

24 voit maintenant à l'écran ?

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.

26 Q. Qu'est-ce que vous dites au premier tiret, je cite : "Tous les hôpitaux

27 admettaient des soldats blessés, mais le nôtre les admettait en plus grand

28 nombre, car un certain nombre d'anciens médecins du personnel étaient

Page 1146

1 affectés à des unités sur le terrain et traitaient les soldats sur le

2 front."

3 Vous dites bien que les employés de votre hôpital se rendaient sur le

4 front.

5 R. Ceux qui avaient été mobilisés, les hommes qui avaient été mobilisés,

6 ils faisaient à partir de ce moment-là partie de forces armées.

7 Q. Est-ce qu'ils revenaient à l'hôpital ?

8 R. Non. Ils étaient sur le front, tout le temps.

9 Q. Est-ce que vous n'avez jamais remarqué qu'ils étaient visés

10 délibérément ? Je vous pose là une question qui peut comporter un certain

11 danger pour mon client. Vous voyez jusqu'où je suis prêt à aller. Est-ce

12 qu'il y en a qui ont été pris délibérément pour cibles ?

13 R. Vous parlez des médecins ?

14 Q. Oui.

15 R. Je ne me souviens pas de l'année, mais il est possible que cela ait été

16 le cas lorsque le Dr Dragan Stevanovic a été touché hors de l'hôpital sur

17 le mont Igman. Il a perdu le pied.

18 Q. C'était un Serbe, n'est-ce pas ?

19 R. Oui.

20 Q. Je vous interrogeais au sujet de --

21 R. Il travaillait dans mon hôpital, quelle qu'ait été son appartenance

22 ethnique. Serbe ou non-Serbe, c'était quelqu'un qui travaillait à

23 l'hôpital.

24 Q. Est-ce que vous savez comment certaines infirmières et des travailleurs

25 médicaux ont été tués sur le mont Igman ? Est-ce que vous êtes au courant

26 de cela ?

27 R. Non.

28 Q. Tiret numéro 2, vous y dites que SkyNews et d'autres groupes de

Page 1147

1 journalistes ont passé quelque temps ici et ont été logé au quatrième

2 étage. Ils filmaient les pilonnages de nuit à partir de cet étage en 1992.

3 Ils sont restés un mois à peu près, après quoi ils sont venus pour un

4 certain nombre de visites sporadiques. Puis, vous poursuivez en parlant

5 d'un certain Van Lynden dont vous dites que vous le connaissiez bien. C'est

6 bien cela, n'est-ce pas ?

7 R. J'ai repris la direction de l'hôpital en mai 1992, la responsabilité de

8 l'hôpital en tant que directeur. A ce moment-là plusieurs groupes de

9 journalistes ont été annoncés. Je veux dire, on m'a prévenu de leur arrivée

10 et l'équipe de SkyNews était la plus connue parmi ces équipes de

11 journalistes. Ils avaient demandé à publier des images et à tourner des

12 vidéos de Sarajevo et souhaitaient utiliser les étages supérieurs de

13 l'hôpital à cette fin. Nous avons essayé de les dissuader en leur disant

14 que c'était très dangereux. En dépit de cela, l'équipe de SkyNews s'est

15 rendue au douzième étage de l'hôpital et à plusieurs reprises, elle a

16 réussi à filmer des images de pilonnage de nuit de Sarajevo. Cette équipe

17 voulait rester plusieurs semaines d'affilée. Normalement, elle se trouvait

18 dans le secteur nord de Sarajevo qui n'était pas voisin d'une ligne de

19 front.

20 Q. Est-ce que cette équipe a filmé des images d'obus tirés sur la partie

21 serbe à quelque moment que ce soit ? Est-ce que vous seriez au courant de

22 cela ?

23 R. Non, pas autant que je le sache.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais

25 maintenant entendre la position du témoin sur une question particulière qui

26 concerne le stress dont a parlé le docteur, stress auquel lui-même ainsi

27 que tous les habitants de Sarajevo étaient exposés à l'époque.

28 Q. [aucune interprétation]

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1 R. [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE MINDUA : -- l'avocat de la Défense ne passe --

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous entendons le français en ce

4 moment.

5 M. LE JUGE MINDUA : -- l'avocat de la Défense ne passe à un autre sujet, je

6 voudrais avoir une précision.

7 Vous avez parlé des médecins et infirmières qui ont été tués sur le

8 mont Igman; c'est bien cela ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'est le conseil de la Défense qui a

10 parlé de cela. J'ai parlé d'un de mes médecins qui a été mobilisé dans les

11 rangs de l'ABiH et qui a été blessé sur le mont Igman. Ce dont a parlé le

12 conseil de la Défense, c'est un cas tout à fait différent et je n'ai pas

13 confirmé avoir un souvenir de ce qu'il a évoqué.

14 M. LE JUGE MINDUA : Alors laissons tomber la déclaration de l'avocat de la

15 Défense, concentrons-nous sur la vôtre, sur votre collègue ou confrère qui

16 a été touché sur le mont Igman. Je voudrais savoir en quelle année cela

17 s'est-il produit parce que nous devons rester collés à l'acte d'accusation.

18 Puis, est-ce qu'il a été touché pendant des opérations de combat en tant

19 que militaire ou a-t-il été visé en tant que médecin portant les insignes

20 requis par les conventions internationales ? Je n'ai pas entendu la

21 réponse.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai dit dans ma déclaration écrite,

23 c'est que je ne parvenais pas à me rappeler avec précision s'il s'agissait

24 de l'année 1994. Il est possible que cela ait eu lieu en 1994. Ce médecin a

25 été blessé devant l'unité médicale pendant qu'il procédait au tri des

26 patients.

27 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je poserai une question de complément,

Page 1149

1 Monsieur le Juge, si vous le voulez bien.

2 Q. Docteur, vous ne savez pas que dans l'ouvrage dont il est l'auteur, le

3 général Rose a parlé d'un certain nombre de médecins qui ont été massacrés,

4 des membres de l'armée de la Republika Srpska sur le mont Igman qui sont

5 largement décrits dans l'ouvrage du général Rose et qui, grâce à ce livre,

6 sont maintenant de notoriété publique.

7 R. Croyez-moi, je n'en sais rien. Si je me souvenais de cela, je le dirais

8 et je n'ai aucune raison de la cacher. Ce genre de renseignements n'est pas

9 parvenu à Sarajevo, à ce moment-là et je n'en ai pas le souvenir.

10 Q. Je comprends bien. Je vous ai interrogé au sujet du stress que vivait

11 toute la population et vous avez dit que c'était une réalité. J'aimerais

12 vous poser une question à ce sujet. Est-ce que vous connaissez des Serbes

13 qui, en 1992, auraient disparu ou auraient été assassinés en dehors des

14 combats.

15 R. Je suis né à Sarajevo et j'avais parmi mes amis un grand nombre de

16 personnes d'appartenance ethnique serbe; un certain nombre d'entre eux

17 ainsi que des Croates et des Musulmans ont quitté Sarajevo. C'était leur

18 décision personnelle. Ceux qui sont restés à Sarajevo parmi mes amis et aux

19 côtés de qui j'ai passé une partie de ces quatre années, aucun d'entre eux

20 n'a été maltraité ou n'a été tué. Quant aux rumeurs qui couraient au sujet

21 de mauvais traitements et de persécutions des Serbes par d'autres groupes

22 ethniques, j'ai entendu dire que cela est arrivé parfois et que certains

23 des auteurs de tels actes ont été traduits en justice à Sarajevo. Je pense

24 que cela a eu lieu en 1992 et 1993, si je ne m'abuse. D'ailleurs, des

25 condamnations ont été prononcées. Personnellement, dans mon entourage je

26 n'ai connu personne qui ait été tué ou porté disparu parmi mes amis. Ce qui

27 concerne également les membres de mon personnel. Il y avait de nombreux

28 Serbes dans mon personnel et rien ne leur est arrivé. Quand j'ai quitté la

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1 JNA en 1992, j'ai moi-même subi des mesures de harcèlement.

2 Q. Vous parlez d'assassinats et de persécutions ?

3 R. Il y a eu des rumeurs au sujet de tels actes.

4 Q. Est-ce que des gens ont été condamnés pour ces crimes ?

5 R. Oui, il y a en eu.

6 Q. Est-ce que la peur régnait un peu partout quant à la possibilité qu'une

7 telle chose arrive à n'importe qui ?

8 R. La peur régnait quant à la possibilité qu'une telle chose se passe

9 aussi bien parmi les Musulmans que parmi les Croates et toute la

10 population. N'importe qui pouvait être emmené sur le front pour creuser des

11 tranchées et être maltraité par des unités militaires qui ne respectaient

12 pas les règles de comportement en vigueur.

13 Q. Est-ce qu'il y en a eu à Sarajevo également ?

14 R. Oui, il y a eu de tel cas.

15 Q. Merci beaucoup.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

17 Président.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Des questions supplémentaires, Madame

19 Marcus.

20 Mme MARCUS : [interprétation] Monsieur le Président, en dehors du fait que

21 je demande le versement au dossier des tableaux, registres de l'hôpital, je

22 ne crois pas avoir d'autres questions à poser, les registres, les tableaux

23 dont nous avons parlé tout à l'heure. Merci.

24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Pour ces tableaux, nous allons suivre

26 la même procédure que d'habitude, c'est-à-dire que Monsieur le Greffier va

27 affecter les cotes requises aux différents sous-éléments de cette pièce et

28 nous les fera connaître demain.

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1 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. M. LE JUGE

2 ROBINSON: [interprétation] Docteur, vous êtes arrivé au terme de votre

3 déposition. Je vous remercie d'être venu témoigner, vous pouvez maintenant

4 vous retirer.

5 [Le témoin se retire]

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le témoin suivant.

7 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation cite à

8 la barre Sanela Dedovic.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci beaucoup.

10 En attendant l'entrée du témoin dans le prétoire, je saisis

11 l'occasion pour rendre une décision au sujet de la requête de l'Accusation

12 qui date du 9 janvier et dans laquelle l'Accusation demande des mesures de

13 protection pour un certain nombre de témoins dont le témoin W-138. La

14 Défense n'a pas répondu à cette requête. Dans le prétoire, le 24 janvier,

15 l'Accusation a fait remarquer que le témoin W-138 avait déjà reçu des

16 mesures de protection lors de sa déposition dans l'affaire Galic. W-138

17 devait être entendu le mardi 30 janvier, par conséquent, nous devons

18 traiter de sa demande de mesures de protection.

19 Nous remarquons que W-138 a déjà obtenu l'octroi d'un pseudonyme et

20 la déformation des traits du visage à l'écran dans l'affaire Galic. Ceci

21 ressort du compte rendu d'audience du

22 14 avril 2002 où l'on voit que le témoin a déposé avec mesures de

23 protection. Au titre de l'article 75 (F)(i) du Règlement de ce Tribunal,

24 les mesures de protection qui ont déjà été ordonnées au bénéfice d'un

25 témoin dans un quelconque procès jugé par ce Tribunal continuent à être en

26 vigueur mutatis mutandis dans les procès ultérieurs tant que le témoin n'y

27 renonce pas ou n'en demande pas une diminution ou une augmentation

28 conformément aux procédures en vigueur.

Page 1152

1 Suite à quoi, l'Accusation peut simplement demander une modification

2 de ces mesures eu égard au pseudonyme. Par conséquent, la Chambre de

3 première instance confirme que les mesures de protection, c'est-à-dire

4 octroi d'un pseudonyme et déformation de la voix ainsi que des traits du

5 visage à l'écran sont accordées également pour le présent procès. La seule

6 différence en termes de mesures de protection concerne le pseudonyme et la

7 Chambre de première instance considère que le témoin va devoir être

8 mentionné comme étant W-138.

9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je demande maintenant au témoin de

11 prononcer la déclaration solennelle.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: SANELA DEDOVIC [Assermentée]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous pouvez commencer, Monsieur

17 Docherty. Témoin, vous pouvez vous asseoir.

18 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

19 Interrogatoire principal par M. Docherty :

20 Q. [interprétation] Est-ce que vous pourriez en premier lieu nous donner

21 votre nom.

22 R. Sanela Dedovic.

23 Q. Madame Dedovic, quel âge avez-vous ?

24 R. J'ai 26 ans. J'aurai 26 au mois de juin de cette année.

25 Q. Dans quelle ville et dans quel pays avez-vous grandi ?

26 R. Dans la ville de Sarajevo, dans l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

27 Q. Vivez-vous toujours à Sarajevo ?

28 R. Oui.

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1 Q. Viviez-vous à Sarajevo pendant toute la durée du siège de Sarajevo

2 entre 1992 et 1995 ?

3 R. Oui. Effectivement.

4 Q. Je vais vous poser un certain nombre de questions sur quelque chose qui

5 vous est arrivé pendant le siège. Avant de ce faire, je vais vous poser

6 cette question : avez-vous rencontré un enquêteur de ce Tribunal le 13

7 novembre 1995 ?

8 R. Oui.

9 Q. Depuis votre venue à La Haye la semaine dernière, avez-vous eu

10 l'occasion de revoir cette déclaration dans le détail ?

11 R. Oui, tout à fait. J'ai eu l'occasion de lire cette déclaration.

12 Q. En quelle langue l'avez-vous lue ?

13 R. Je l'ai lue en bosniaque.

14 Q. Lorsque vous avez relu cette déclaration, pouvez-vous nous confirmer

15 qu'il s'agit d'un récit exact et correspondant à la vérité et conforme à ce

16 que vous avez dit à l'enquêteur le

17 13 novembre 1995 ?

18 R. Oui. Tout est identique, comme je l'ai dit et correspond à ce que j'ai

19 dit dans ma déclaration.

20 Q. Plus tard, le 20 avril 2006, vous avez rencontré cette fois-ci un autre

21 enquêteur, mais c'est toujours un enquêteur du Tribunal ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. Encore une fois, depuis votre arrivée à La Haye, la semaine dernière,

24 avez-vous eu l'occasion de relire cette déclaration dans les détails ?

25 R. Oui, tout à fait.

26 Q. En quelle langue avez-vous lu la déclaration du

27 20 avril 2006 ?

28 R. En bosniaque.

Page 1154

1 Q. Est-ce que tout ce qui est contenu dans cette déclaration correspondait

2 à la vérité, était exact lorsque vous l'avez lue la semaine dernière ou

3 peut-être au cours du week-end ?

4 R. Oui, tout à fait. Cela correspond tout à fait à la déclaration que j'ai

5 faite.

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, conformément à

7 l'article 92 ter du Règlement de procédure et de preuve de ce Tribunal, je

8 présente ces déclarations datées des

9 13 novembre 1995 et 20 avril 2006 respectivement et je souhaite les verser

10 au dossier, s'il vous plaît.

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez leur

12 donner une cote, s'il vous plaît.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] La déclaration du

14 13 novembre 1995 reçoit la cote P109. La déclaration du 20 avril 2006

15 reçoit la cote P110.

16 M. DOCHERTY : [interprétation]

17 Q. Madame Dedovic, j'ai quelques questions à vous poser à propos des

18 événements qui se sont déroulés. Est-ce qu'on vous a tiré dessus pendant le

19 siège de Sarajevo ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous souvenez-vous de la date à laquelle on vous a tiré dessus ?

22 R. C'était le 22 novembre 1994.

23 Q. Vous avez, il y a quelques instants, cité votre âge. Quel âge aviez-

24 vous le 22 novembre 1994 ?

25 R. J'avais 12 ans.

26 Q. Etiez-vous encore à l'école ?

27 R. Oui, tout à fait. J'étais à l'école primaire.

28 Q. L'endroit on vous a tiré dessus, pensiez-vous que c'était un secteur

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1 dangereux ?

2 R. Oui, c'était un quartier dangereux.

3 Q. Y avait-il un parcours ou un itinéraire plus sûr que celui qui vous a

4 emprunté ? D'après ce que j'ai compris, vous avez emprunté un itinéraire

5 qui a débouché sur une place ouverte, où il y avait trois routes qui

6 convergeaient. Est-ce qu'il y avait un moyen plus sûr d'arriver à cet

7 endroit-là ?

8 R. Il y avait un autre chemin que nous avons emprunté et qui passait entre

9 les maisons et les jardins. C'était pour être en partie protégés que nous

10 avons fait cela. Mais de Spicaste Stijena, nous étions exposés aux tirs

11 embusqués.

12 Q. Est-ce que vous portiez de nouvelles chaussures, des chaussures neuves

13 le 22 avril 1994 ?

14 R. Oui, tout à fait. J'ai chaussé mes nouvelles chaussures de tennis et

15 j'ai décidé de traverser ce croisement en courant, car la veille il

16 pleuvait, et de traverser les différents cours, c'était très boueux. Donc,

17 j'ai décidé de traverser cette place en courant.

18 Q. Autrement dit, vous ne vouliez pas salir vos nouvelles chaussures ?

19 R. J'étais une fillette et c'est ce que j'ai décidé à l'époque. Je voulais

20 me rendre en ville à pied, en portant mes nouvelles chaussures de tennis.

21 Q. Je suppose que de nouvelles chaussures, c'est plus important pour une

22 fillette de 12 ans que pour une femme de 26 ans ?

23 R. Je ne pourrais pas répondre à cela. Je ne sais pas.

24 Q. Le 22 novembre 1992, comment était le temps ce jour-là ? Quel temps

25 faisait-il ?

26 R. Ce jour-là, il faisait un temps sec, mais la veille il avait plu.

27 Q. Je vais vous poser une question un petit peu différente. Qu'en était-il

28 de la visibilité le 22 novembre 1994 ? Est-ce que ce jour-là il était

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1 difficile de voir à quelques mètres ? Est-ce qu'il y avait quelque chose

2 comme du brouillard par ce jour-là ?

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] C'était une question légèrement

4 directrice, une question légèrement --

5 M. DOCHERTY : [aucune interprétation]

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas de brouillard, ce qui veut

7 dire que la visibilité était bonne. Tout était très clair et on pouvait

8 tout distinguer.

9 M. DOCHERTY : [interprétation]

10 Q. Lorsque vous marchiez, est-ce que vous avez aperçu des soldats bosniens

11 ou est-ce que vous avez vu du matériel militaire ?

12 R. Non.

13 Q. Y a-t-il eu des combats ? Y avait-il des combats armés dans ce

14 secteur ?

15 R. Non.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur les Juges, il s'agit là également

18 d'une question directrice; a-t-elle vu les soldats, et cetera. Le témoin,

19 j'entends. J'aurais compris si la question avait été posée différemment.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] -- a-t-elle vu des soldats; ensuite,

21 vous pouvez poser une question à propos de l'appartenance ethnique.

22 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, effectivement, je peux procéder ainsi.

23 Q. Repartons un petit peu en arrière et reprenons cette question, Madame

24 Dedovic. Avant qu'on vous tire dessus, lorsque vous avez commencé à

25 marcher, est-ce que vous avez vu des soldats ?

26 R. Il n'y avait pas de soldats à cet endroit-là, donc je n'en ai pas vus.

27 Je n'ai vu personne. J'étais seule.

28 Q. Avez-vous vu du matériel militaire ?

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1 R. Non.

2 Q. Avez-vous vu des combats entre des soldats se dérouler sous vos yeux ?

3 R. Non. C'était une journée calme et c'était la raison pour laquelle

4 j'avais décidé de traverser ce croisement en courant.

5 Q. Madame Dedovic, je vais maintenant vous poser des questions sur

6 l'endroit où ceci s'est déroulé. Je vais vous demander de regarder une

7 carte.

8 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez afficher à

9 l'écran, s'il vous plaît, la carte qui est un document

10 65 ter, qui comporte le numéro 2872, s'il vous plaît.

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous attendons toujours l'affichage.

12 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] D'après ce que j'ai compris, ceci

14 prend un certain temps, donc c'est en cours.

15 Cela y est. Nous l'avons.

16 M. DOCHERTY : [interprétation] Bien. Nous l'avons. Je vais maintenant vous

17 demander ceci : je vous demande d'afficher la partie nord-est de la ville

18 de Sarajevo, autrement dit le quartier nord-est en haut à droite de cette

19 carte, je vous prie. Merci.

20 Q. Ensuite, Madame Dedovic, voyez-vous cette carte que vous avez sous les

21 yeux ?

22 R. Oui, tout à fait.

23 Q. Vous nous avez dit un peu plus tôt aujourd'hui que vous avez grandi à

24 Sarajevo.

25 R. Oui, tout à fait.

26 Q. Dans un quartier en particulier ou un district en particulier ? Si tel

27 est le cas, pourriez-vous nous donner le nom de cet endroit en question ?

28 R. J'ai grandi à Sarajevo, à Sedrenik, dans la vieille ville.

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1 Q. Le quartier de Sedrenik se trouve-t-il sur la carte à l'écran ?

2 R. Je vous demande de bien vouloir agrandir la carte un petit peu, si cela

3 est possible.

4 Cela se trouve ici. Il faut remonter un petit peu la carte. C'est ici.

5 Exactement ici.

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais demander à M. le Greffier d'aider le

7 témoin, de lui donner le stylet pour que le témoin puisse indiquer

8 l'endroit en question sur la carte.

9 R. [Le témoin s'exécute]

10 Q. La deuxième chose que je vais vous demander, indiquez sur la carte

11 l'endroit où on vous a tiré dessus le 22 novembre 1994, l'intersection des

12 routes ?

13 R. Je vous demande de bien vouloir agrandir cette partie-là de la carte,

14 s'il vous plaît.

15 Q. Madame Dedovic, nous ne pouvons pas agrandir davantage la carte, car si

16 nous le faisons nous allons perdre de vue le cercle que vous avez dessiné

17 sur la carte.

18 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît -- si cela n'est pas possible,

19 fort bien, nous passerons à autre chose. Il ne s'agit pas d'un examen ici.

20 Nous ne pouvons pas agrandir cette partie-là de la carte, je suis désolé.

21 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être qu'il faut

22 procéder ainsi : puis-je verser au dossier la carte en indiquant que la

23 carte a été annotée, ensuite nous allons reprendre une autre carte et nous

24 allons agrandir la partie nord-est de la carte de façon à ce que le témoin

25 puisse annoter cette partie-là.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Faites ainsi.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette première carte reçoit la cote P111,

28 Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il est l'heure maintenant de faire la

2 pause.

3 Nous allons faire une pause de 20 minutes.

4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 13.

5 --- L'audience est reprise à 12 heures 34.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

7 Docherty.

8 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci.

9 Q. Madame Dedovic, sur l'écran vous avez maintenant un exemplaire non

10 annoté de cette carte. Je pense que c'est la pièce P104. Je vais demander

11 au greffier d'agrandir cette carte si tant est que vous en ayez besoin.

12 R. Cela va comme cela.

13 Q. Je vais maintenant demander à l'huissier de vous aider. Je vais vous

14 demander d'entourer d'un cercle le croisement où on vous a tiré dessus le

15 22 novembre 1994.

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Q. Pourriez-vous y écrire la lettre S afin que nous puissions repérer la

18 signification de ce cercle ?

19 R. [Le témoin s'exécute] C'est ici.

20 Q. Voyez-vous une colline appelée Sedam Suma qui doit figurer sur cette

21 carte ?

22 R. Oui.

23 Q. Ceci n'est pas écrit, mais j'aimerais savoir si cette colline est

24 proche d'une autre élévation qui s'appellerait Sharpstone, pic aigu ?

25 R. Tout cela est relié, Sedam Suma et Spicaste Stijena sont reliés.

26 Q. A l'aide du stylet, pourriez-vous nous dire exactement où se trouve ce

27 pic aigu, Sharpstone, et en B/C/S, Spicaste ?

28 R. Est-ce que je peux marquer la carte de la façon suivante ? [Le témoin

Page 1161

1 s'exécute]

2 R. J'aimerais que les choses soient claires. Cette ligne, est-ce que c'est

3 la crête qui va jusqu'à Sharpstone, jusqu'à Spicaste ou est-ce plutôt une

4 espèce de flèche qui pointerait Spicaste ? Eclairez-nous, s'il vous plaît ?

5 R. J'ai dessiné la ligne qui relie Spicaste Stijena au croisement, et ce,

6 à vol d'oiseau. Parce que vous savez c'est plutôt un petit peu comme cela

7 Spicaste Stijena. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Pour le compte rendu, pourrions-nous dire que la deuxième ligne qui a

9 été dessinée par le témoin portera les lettres SS ? Car M. Docherty préfère

10 ne pas écorcher le nom de Spicaste Stijena.

11 R. Voilà, je fais les marques sur la carte.

12 Q. Merci.

13 M. DOCHERTY : [interprétation] J'aimerais maintenant demander à notre

14 commis aux affaires de passer à l'écran le clip vidéo numéro 7 portant sur

15 les incidents de tirs embusqués. Il faudrait aussi que nous puissions

16 verser la carte telle qu'elle est annotée au dossier.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, la carte sera versée au dossier.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P112.

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Nous n'avons plus besoin de ce stylet,

20 Monsieur l'Huissier. Je pense que vous pouvez disposer.

21 Q. Madame Dedovic, vous avez à l'écran maintenant une photographie

22 aérienne sous les yeux. Reconnaissez-vous ce qui figure sur cette

23 photographie ?

24 R. Oui, tout à fait. Il s'agit du croisement où j'ai été atteinte.

25 Q. Vous voyez qu'il y a un cercle rouge qui se trouve sur cette photo. Le

26 voyez-vous ?

27 R. Oui.

28 Q. Ce cercle rouge se trouve-t-il au bon endroit exactement là où vous

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1 vous trouviez quand vous avez été atteinte ?

2 R. Oui, tout à fait. C'est exactement là où je me trouvais.

3 Q. Pourriez-vous nous dire où se trouverait ce fameux pic aigu, Spicaste

4 Stijena, par rapport à cette photo aérienne ?

5 R. Spicaste Stijena, c'est par là à vol d'oiseau. Je pense que cette photo

6 d'ailleurs a été prise depuis Spicaste Stijena.

7 Q. Pour être sûr de vous avoir bien compris, vous pensez que le

8 photographe était sans doute sur Spicaste Stijena quand il a pris cette

9 photo que nous voyons à l'écran ?

10 R. Oui.

11 M. DOCHERTY : [interprétation] Je demande maintenant à notre commis aux

12 affaires de cliquer sur le cercle rouge qui se trouve sur la photo.

13 Q. Nous allons ainsi avoir accès à un panoramique à 360 degrés de la zone

14 où vous vous trouviez, Madame Dedovic, quand vous avez été atteinte.

15 J'aimerais d'après le panoramique que vous nous disiez s'il s'agit bel et

16 bien de l'endroit où vous vous trouviez.

17 R. Vous pouvez vous arrêter là. C'est juste là. C'est exactement où je me

18 trouvais. J'étais en train de traverser, et Spicaste Stijena, c'est la

19 colline que l'on voit au loin, l'élévation que l'on voit dans le fond de

20 l'image. C'est là que se trouvait le tireur embusqué, en plein milieu de la

21 colline.

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je ne vois pas le croisement. Où est

23 le croisement ? Est-ce qu'on a dépassé le croisement ?

24 M. DOCHERTY : [interprétation] On va le revoir de toute façon. On va le

25 revoir. On va à nouveau faire pivoter l'image en panoramique.

26 Q. Madame Dedovic, quand vous dites "cette colline-ci", on ne voit pas

27 très bien quel est l'endroit que vous montrez sur l'image. Maintenant nous

28 allons le décrire. On voit ici au fond, en arrière-plan de l'image une

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1 colline qui est boisée. C'est bien de cette colline dont vous parlez ?

2 R. Oui, oui. C'est de cette colline-là. A droite de la photo, c'est cela.

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Tapuskovic.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ecoutez, Monsieur le Président, le

5 Procureur vient juste de faire quelque chose qui est interdit puisqu'il

6 dirigeait le témoin. Il était en train de lui dire : "Est-ce que c'est

7 depuis cette colline, depuis cet endroit boisé que les tireurs embusqués

8 tiraient ?" Alors, ce n'est pas du tout la façon de procéder quand on pose

9 des questions à un témoin. Le témoin devrait pouvoir nous dire cela d'elle-

10 même. On est en train de lui dire que les tirs venaient de ce bois, et de

11 Spicaste Stijena, c'est assez vague.

12 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Dites-nous un peu ce qui vous gêne.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] L'Accusation dirige le témoin, en train de

14 lui dire tout simplement, n'est-ce pas, que les tireurs provenaient de cet

15 endroit.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je pense que c'est quelque chose qui

17 est très important pour la Défense de savoir quelle était l'origine des

18 tirs, quant à savoir s'ils venaient bel et bien d'une colline, et où se

19 trouvait cette colline.

20 Je pense qu'en effet ce qu'a fait valoir Me Tapuskovic est tout à

21 fait valable. Vous avez dirigé le témoin. Vous l'avez dirigé alors que la

22 question était justement une question qui est contestée. Quand vous arrivez

23 à obtenir des informations avec des questions aussi directrices, la réponse

24 a très peu de poids.

25 M. DOCHERTY : [interprétation] Puis-je y répondre ?

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Allez-y.

27 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, la seule chose que je

28 voulais dire, c'est je voulais essayer de clarifier un peu ce que faisait

Page 1164

1 le témoin, parce qu'elle était en train de montrer l'écran sans lui annoter

2 quoi que ce soit. Etant donné qu'il y avait qu'une seule colline sur la

3 photographie, il est vrai que j'ai été un petit peu directif, mais il n'y

4 avait qu'une colline quand même dans cette photo. Je voulais juste que les

5 choses soient plus claires, mais je comprends bien que je courais un

6 risque. Je m'en excuse.

7 Il faudrait poursuivre le panoramique, s'il vous plaît. Je vous

8 remercie.

9 Q. Madame Dedovic, vous avez regardé le panoramique sur 360 degrés.

10 Pourriez-vous nous dire s'il s'agit bien d'une représentation très fidèle

11 de l'endroit où vous vous trouviez quand vous avez été atteinte ?

12 R. Oui, tout à fait. C'est exactement cela. C'est le croisement de

13 Sedrenik, avec Perugina, Racaga [phon] et cetera, enfin c'est le bon

14 croisement.

15 M. DOCHERTY : [interprétation] J'aimerais que l'on puisse verser au dossier

16 d'abord le panoramique ainsi que la photo aérienne que nous avons vue juste

17 avant.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien.

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera donc la pièce P113.

20 M. DOCHERTY : [interprétation]

21 Q. Madame Dedovic, avez-vous la moindre idée de l'endroit d'où venait la

22 balle qui vous a atteint ce jour-là ?

23 R. Oui, je pense que la balle venait de Spicaste Stijena. Je regardais

24 dans l'autre direction. Je venais de par là, j'allais traverser pour

25 atteindre la rue Rogina. De là, je ne pouvais pas voir Spicaste Stijena

26 puisque c'était en pente descendante. Je descendais. J'aurais descendu la

27 pente, et là je n'aurais plus pu voir Spicaste Stijena. La balle est venue

28 de derrière moi, de mon dos. Elle n'aurait pas pu venir d'ailleurs. Donc

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1 elle n'aurait pas pu venir d'ailleurs que de Spicaste Stijena, et on savait

2 d'ailleurs qu'il y avait un nid de tireurs embusqués à cet endroit-là.

3 Q. Quand vous dites "on savait tous," pouvez-vous nous dire exactement qui

4 était ces "tous" ?

5 R. Les civils, les résidents, les locaux de ce quartier aussi, les

6 habitants du quartier. Il y avait d'ailleurs un panneau qui disait :

7 "Attention : tireurs embusqués. Attention : Sniper."

8 Q. Quand on regarde cette photo, on voit bien qu'il y a une route qui

9 descend plus ou moins, n'est-ce pas ?

10 R. Oui.

11 Q. J'aimerais juste savoir dans quelle direction vous vous dirigiez. Est-

12 ce que vous montiez, est-ce que vous remontiez cette route ou est-ce que

13 vous étiez en train de la descendre ?

14 R. Je venais de là-bas, tout en bas. Je montais, puis je suis arrivée ici,

15 un petit peu plus haut. Je n'ai pas été beaucoup plus loin. Je suis arrivée

16 un petit peu sur ce terrain plat. On voit là. J'avais un peu dépassé, et là

17 j'étais au milieu du croisement.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Une minute, s'il vous plaît.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty, il y a un problème

21 qui me tracasse depuis un moment --

22 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] -- avec cette technologie

24 extraordinaire qui nous est disponible. Les informations que le témoin

25 vient de nous donner, où elle nous disait d'où elle venait à pied, et elle

26 a aussi indiqué exactement où elle se trouvait quand on lui a tiré dessus,

27 c'est sans doute important, or, on n'a pas pu voir les annotations.

28 M. DOCHERTY : [interprétation] Il n'y a pas d'annotations, si j'ai bien

Page 1166

1 compris. D'ailleurs, je pense qu'on ne peut pas annoter ces vidéos. Ce

2 n'est pas possible.

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, mais c'est justement ce qui me

4 gêne, parce que dans l'ancien système, on mettrait la carte sur le

5 rétroprojecteur, ensuite le témoin marque la carte. On a pu voir les

6 choses, et on aura une carte annotée. Bien sûr, nous avons entendu une

7 description du parcours. Nous avons aussi la carte, enfin du moins la

8 photo, mais on n'a pas d'annotations. Il me semble qu'il y a quand même un

9 petit handicap ici.

10 M. DOCHERTY : [interprétation] Je suis désolé. J'utilise la technologie qui

11 nous est disponible.

12 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, mais je pense que le bon vieux

13 système, avec le rétroprojecteur, avec la carte papier que l'on peut

14 annoter, était quand même plus pratique.

15 M. LE JUGE MINDUA : Pour des photos importantes comme celle-ci, peut-

16 être faut-il les avoir en "hard copy" et le mettre sur l'ELMO, de sorte que

17 le témoin puisse le marquer. Parce que là nous ne savons pas dans quelle

18 direction comment cela s'est passé. C'est difficile d'avoir cela dans le

19 dossier.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Tapuskovic, vous avez

21 quelque chose à ajouter ?

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Je ne sais pas si

23 c'est à mon tour de procéder au contre-interrogatoire. Je ne sais pas, mais

24 si c'est le cas, j'aimerais conserver cette photographie, parce que je

25 compte l'employer lors de mon contre-interrogatoire, dès que je

26 commencerai.

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous gardons cela à l'esprit. Pas de

28 problème.

Page 1167

1 Monsieur Docherty, je ne suis pas en train de critiquer votre façon

2 de procéder, mais je vous donne mon opinion à propos du système -- de la

3 technologie qui est employée. J'espère que vous le prendrez en compte.

4 M. DOCHERTY : [interprétation] Vous savez, tout ce que vous dites est pris

5 en compte, bien sûr. Tout ce que les Juges disent est pris en compte.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Soyons clair. Quand il y a des

7 annotations à faire sur une carte dans le système e-court, comme le témoin

8 vient de le faire, on ne peut pas le voir.

9 M. DOCHERTY : [interprétation] Non, ce n'est pas comme cela que je

10 comprends les choses. En fait, je ne suis absolument pas un spécialiste de

11 l'informatique, mais si j'ai bien compris les choses, voici ce qui se passe

12 : on met une carte vierge à l'écran, comme la P104, le témoin ensuite

13 annote la carte, et cette copie, cet exemplaire de la carte qui a été

14 annotée, peut être versé au dossier annoté. Ensuite, on peut à nouveau

15 annoter une nouvelle carte qui est vierge. On peut la verser au dossier.

16 Bien sûr, les Juges ou les parties peuvent réafficher à nouveau ces cartes

17 annotées. Cela est facile. Une fois que le témoin a annoté une carte, la

18 partie qui interroge demande toujours à ce que l'on verse la carte annotée

19 au dossier. Elle peut être réaffichée par la suite.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien. Donc, les cartes annotées

21 peuvent être réaffichées, affichées sur mon écran.

22 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, absolument. Toute carte annotée peut

23 être réaffichée. Cela arrive tout le temps. Nous avons eu cette carte à

24 nombreuses reprises et toutes les annotations qui ont été faites sur la

25 carte ont été conservées. Le témoin, par exemple, a déjà fait deux marques

26 sur cette carte. Elle a eu un petit problème à un moment, donc on lui a

27 réaffiché une nouvelle carte vierge. Elle a indiqué où était le croisement

28 et où était Sharpstone.

Page 1168

1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, mais les annotations, on peut

2 les réafficher, ce qu'elle vient de nous faire ?

3 M. DOCHERTY : [interprétation] Non, parce qu'on ne peut pas faire

4 d'annotation sur toutes les pièces. On ne peut pas le faire sur les photos;

5 on ne peut le faire que sur les cartes. Là, je pense que c'est ainsi que

6 cela fonctionne. Le témoin n'a pas fait d'annotations sur cette

7 photographie, parce qu'il me semblait que cela n'était pas possible. C'est

8 pour cela que je lui ai posé des questions, pour qu'elle décrive un petit

9 peu ce qu'elle faisait.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je crois qu'elle disait : "C'est ici

11 que je me trouvais," et j'avais l'impression qu'elle était en train de

12 montrer quelque chose.

13 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, elle était juste en train de dire où

14 elle se trouvait et elle le montrait avec le doigt. J'ai voulu le clarifier

15 pour que ce soit écrit et décrit pour que cela figure au compte rendu.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, et c'était mon problème. Ce

17 serait beaucoup plus pratique pour nous si on pouvait avoir la photo

18 annotée.

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Je suis d'accord avec vous. Nous avons une

20 vidéo que nous allons vous montrer, qui va sans doute vous aider, parce que

21 cela montre bien à quoi les endroits le témoin montrait de son doigt. Dans

22 la vidéo, vous allez savoir exactement où elle allait, où elle se trouvait,

23 d'où elle pense que les tirs venaient, et cetera. Cela vous aidera sans

24 doute. Ce sera notre prochaine pièce que nous allons montrer. Et une fois

25 que j'en aurai terminé avec celle-là, j'en aurai aussi terminé avec mon

26 interrogatoire principal.

27 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien. Vous pouvez poursuivre.

Page 1169

1 M. DOCHERTY : [interprétation] Je demande maintenant à notre commis aux

2 affaires de montrer aux parties la vidéo où le témoin indique où elle

3 était. La vidéo.

4 [Diffusion de la cassette vidéo]

5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

6 "Madame le Témoin, pourriez-vous maintenant vous mettre exactement là

7 où vous vous trouviez et dans la position où vous trouviez quand on vous a

8 tiré dessus le 22 novembre 1994.

9 "Pourriez-vous, s'il vous plaît, montrer de votre doigt la direction dans

10 laquelle vous dirigiez.

11 "[Le témoin s'exécute]

12 "Très bien.

13 "Pouvez-vous maintenant montrer sur votre corps où vous avez été

14 atteinte.

15 "Merci. Pourriez-vous maintenant montrer la direction d'où, selon vous, les

16 tirs provenaient ce jour-là.

17 "Merci."

18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Poursuivons.

20 Q. Madame Dedovic, vous souvenez-vous avoir rencontré l'enquêteur et avoir

21 été filmée ?

22 R. Oui, je m'en souviens. Je me souviens du jour où ces images ont été

23 tournées.

24 Q. La vidéo que vous venez de voir correspond-elle à la réalité des

25 événements. Ce que vous avez dit à l'enquêteur correspond-il à la réalité

26 des événements ce jour-là ?

27 R. Oui. La vidéo est exacte. Elle montre bien dans quelle direction

28 j'allais, où je me trouvais et quelle était ma position, c'est-à-dire que

Page 1170

1 je tournais le dos à Spicaste Stijena. Elle montre bien que je me déplaçais

2 au centre du carrefour, que c'est là que je me trouvais.

3 M. DOCHERTY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

4 Président.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty, désolé de revenir

6 sur cette question, mais est-ce que vous avez l'intention de traiter de

7 situations similaires en présentant une séquence vidéo après que le témoin

8 s'est exprimé au sujet d'une carte ?

9 M. DOCHERTY : [interprétation] C'était la façon dont j'avais l'intention de

10 procéder à partir de maintenant, mais si la Chambre ne considère pas que

11 ceci est convaincant, je n'hésiterai pas à changer de procédure.

12 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Non, non, non. Je voulais simplement

13 traiter de cette question sur le plan technique --

14 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] -- car nous voyons les annotations

16 faites par le témoin, même si elles ne sont pas complètes, et je voulais

17 confirmer auprès de vous que, suite à cette annotation de la carte par le

18 témoin --

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Le témoin a posé des annotations sur la

20 carte.

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais le fait que nous n'ayons pas pu

22 voir un certain nombre de choses ne dit rien de notre compétence technique.

23 M. DOCHERTY : [interprétation] Non.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] C'est un problème de technologie.

25 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vois. Merci.

27 [La Chambre de première instance se concerte]

28 M. LE JUGE MINDUA : Juste une question de clarification. Vous nous avez

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1 montré la direction, selon vous, de laquelle la balle est arrivée, mais je

2 ne sais pas si j'ai bien saisi. Vous n'avez pas dit où est-ce que vous avez

3 été touchée sur le corps proprement dit. Je ne sais pas si vous avez été

4 clair là-dessus. Pouvez-vous préciser ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] La balle qui est arrivée a d'abord touché

6 l'asphalte et une partie ensuite de cette balle m'a atteinte à la jambe, à

7 la cheville -- un fragment m'a atteinte à la cheville, parce que c'était

8 une balle à fragmentation, donc il y a plusieurs fragments qui ont sauté

9 après le contact avec l'asphalte et j'ai reçu un fragment dans la cheville.

10 Il a fallu que je me fasse opérer pour que l'on sorte ce fragment de balle

11 de l'os où il avait pénétré, un os de la cheville.

12 M. LE JUGE MINDUA : Merci.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci.

14 Maître Tapuskovic, à vous.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 M. le Juge Mindua vient de poser la question la plus pertinente de

17 tout cet interrogatoire, ce qui me permettra de raccourcir mon contre-

18 interrogatoire. La question posée par M. le Juge Mindua est vraiment d'une

19 importance capitale.

20 J'aimerais maintenant que l'on affiche sur les écrans la photographie

21 qui a déjà été montrée tout à l'heure, pas le panoramique mais la

22 photographie de paysage sans aucun être humain. Voilà, c'est celle-là.

23 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic :

24 Q. [interprétation] Je demanderais au témoin de montrer où elle se

25 trouvait -- de la main. Madame le Témoin, vous étiez bien debout à

26 l'endroit où il y a un cercle, n'est-ce pas, sur cette photographie, si

27 vous la voyez ?

28 R. Je vois la photographie.

Page 1172

1 Q. Est-ce que vous étiez à peu près au niveau du cercle ?

2 R. Un peu plus en avant. C'est là que j'étais.

3 Q. Si nous essayons de tirer une ligne selon la direction que vous avez

4 empruntée et montrée à l'enquêteur tout à l'heure, légèrement sur la

5 droite, vous avez montré aussi l'emplacement de Spicaste Stijena. Qu'en

6 est-il de l'endroit où vous vous trouviez exactement ? Est-ce que vous

7 pourriez répondre à la question

8 Suivante ? Entre l'endroit où vous étiez et l'endroit où vous dites que se

9 trouvait le tireur embusqué, savez-vous qu'il y avait entre les deux les

10 positions de l'ABiH ? Est-ce que vous savez que c'était une réalité ? Car

11 si tel n'était pas le cas, l'armée de la Republika Srpska aurait pu

12 traverser ce secteur à tout moment ? Or, ce qui est vrai, c'est qu'il y

13 avait là des positions de l'ABiH entre l'endroit où vous étiez et l'endroit

14 d'où vous dites dont venait la balle ?

15 R. Oui. L'armée serbe était à Spicaste Stijena.

16 Q. Et vos hommes ?

17 R. Ils étaient un peu plus bas au pied de Spicaste Stijena. Q. Donc, la

18 ligne de front courait sur toute la longueur de Spicaste Stijena, n'est-ce

19 pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Merci. Madame Sanela, je n'ai aucune intention de vous contre-

22 interroger très longuement. Je voudrais simplement revenir sur un certain

23 nombre d'éléments que vous avez évoqués dans votre déclaration préalable.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez posé au

25 témoin la question suivante, je cite : "Entre l'endroit où vous vous

26 trouviez et l'endroit où vous dites que se trouvait le tireur embusqué

27 savez-vous qu'entre les deux se trouvaient les positions de l'ABiH ?"

28 Quelle est la réponse du témoin à cette question ?

Page 1173

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame, le conseil de la Défense vous

3 a demandé de confirmer la présence de positions de l'ABiH entre l'endroit

4 où vous dites que se trouvait le tireur embusqué et l'endroit où vous vous

5 trouviez ? Ceci est-il bien le cas ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] La défense se trouvait au dessous de Spicaste

7 Stijena. L'armée serbe était sur le mont Spicaste Stijena et l'ABiH se

8 trouvait en dessous de Spicaste Stijena, l'ABiH qui assurait la défense.

9 S'il n'y avait pas eu les forces défensives à cet endroit, on n'aurait pas

10 pu vivre normalement là-bas.

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Donc, vous répondez à la question par

12 l'affirmative, n'est-ce pas ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La défense était au pied de Spicaste

14 Stijena.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais supprimer un grand nombre de

16 questions que j'avais prévu de poser --

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] J'aimerais poser encore une question

18 au témoin.

19 Madame, quelle était la distance séparant l'endroit où se trouvaient les

20 forces de l'ABiH et l'endroit où vous vous trouviez vous-même ? Quelle

21 était approximativement la distance entre les deux ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette distance était d'environ

23 3 kilomètres, à peu près.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] La distance séparant l'endroit où se

25 trouvaient les positions de l'armée serbe et l'endroit où vous vous

26 trouviez, quelle était approximativement cette distance ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] La même, c'était la même distance. La seule

28 différence c'est que les uns étaient en haut sur le mont Spicaste Stijena

Page 1174

1 et les autres étaient au pied de Spicaste Stijena. L'armée serbe était en

2 haut et l'ABiH en bas. La distance par rapport à moi était la même.

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] A peu près la même, oui.

4 Veuillez poursuivre, Maître Tapuskovic.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

6 Monsieur le Président, grâce à ce que nous venons d'entendre, je suis en

7 mesure de supprimer pratiquement toutes les questions que je voulais poser

8 au témoin.

9 Je vais maintenant m'appuyer sur l'autre déclaration préalable du

10 témoin, à savoir le document DD00-0356. Il s'agit de la déclaration

11 préalable de Mme Sanela qui date du 13 novembre 1995. Je demande

12 l'affichage à l'écran. Le 13 novembre 1995, c'est très peu de temps après

13 la fin des combats à Sarajevo.

14 Est-ce que vous avez ce document devant vous à l'écran, Madame, page 1, je

15 vous prie. D'ailleurs ce document ne comporte qu'une seule page. Je

16 rappelle le numéro de référence de ce document,

17 le DD00-0356.

18 Q. Est-ce que vous voyez ce document à l'écran, Madame ?

19 R. Tout ce que je vois, c'est une carte, rien d'autre.

20 Q. Voilà. C'est le document qui m'intéresse. Est-ce que vous avez le texte

21 sous les yeux en langue bosniaque ?

22 R. Non.

23 Q. Voilà, c'est le texte. Madame, je vous demanderais de regarder au

24 milieu de la page, une phrase qui commence par : "Je dirais.." vous voyez

25 ce passage ?

26 R. Oui.

27 Q. Je cite : "Je dirais que la ligne de front était à une distance de 200

28 à 300 mètres à un vol d'oiseau," de l'endroit où vous vous trouviez. Ceci

Page 1175

1 est-il exact ? Autrement dit, entre l'endroit où vous vous trouviez et

2 l'emplacement de la ligne de front, y avait-il en 1995, 200 à 300 mètres à

3 vol d'oiseau ?

4 R. A vol d'oiseau, cette distance est à peu près celle-là.

5 Q. 300 mètres ?

6 R. Oui.

7 Q. Puis, un peu plus bas dans ce texte, vous dites que de votre blessure à

8 l'hôpital, on a sorti un morceau de métal.

9 R. Oui.

10 Q. Vous poursuivez en disant, je cite : "Je suppose que la balle a d'abord

11 frappé le sol derrière moi légèrement sur la gauche et que j'ai ensuite été

12 touchée par un fragment. Un fragment qui a pénétré au-dessus de ma cheville

13 à l'arrière de ma jambe gauche, légèrement sur la gauche." C'est bien

14 cela ?

15 R. Oui.

16 Q. Suis-je en droit de dire que vous n'avez pas été touchée directement,

17 mais que la balle a d'abord touché un endroit qui se trouvait derrière vous

18 avant de vous atteindre ?

19 R. Oui, la balle a d'abord touché l'asphalte. Elle s'est divisée en

20 plusieurs fragments, et à ce moment-là, j'ai commencé à courir.

21 Q. Très bien. Pourquoi est-ce que vous vous êtes mise à courir ? Est-ce

22 que vous avez entendu des tirs ?

23 R. Non, je n'ai pas entendu de tirs. J'ai commencé à courir pour assurer

24 ma sécurité. Je voulais traverser le carrefour le plus rapidement possible.

25 Q. Est-ce que vous avez entendu une balle qui était tirée avant de

26 commencer à courir ?

27 R. Non, je n'ai rien entendu, tout était calme. J'ai commencé à traverser

28 le carrefour, et pour assurer ma sécurité j'ai décidé d'accélérer un peu,

Page 1176

1 je me suis mise à courir. A ce moment-là, j'ai d'abord senti une douleur,

2 ensuite j'ai entendu le bruit d'un tir. Puis, j'ai vu du sang qui coulait

3 de ma jambe. J'ai commencé à claudiquer. Les gens de la FORPRONU sont

4 arrivés. C'était les seuls qui ont pu s'approcher de moi à ce moment-là,

5 parce qu'un autre tir est arrivé ensuite qui a empêché l'arrivée de qui que

6 ce soit d'autre au niveau de ce carrefour.

7 Q. Merci. J'aimerais maintenant vous soumettre un autre document que j'ai

8 reçu de l'Accusation et qui est assorti d'une traduction en anglais. Il

9 s'agit du document DD00-0363, à savoir la déclaration préalable que vous

10 avez faite dans les locaux de la police le 10 mars 1995. Avez-vous le

11 souvenir d'avoir fait cette déclaration ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez sous les yeux la version bosniaque de ce texte ?

14 R. Oui.

15 Q. Je ne vais pas faire une comparaison entre cette déclaration et un

16 autre document pour ne pas perdre de temps, mais c'est bien la déclaration

17 que vous avez faite à Me Omer Isanovic, n'est-ce pas ?

18 R. C'est ce qui est écrit dans ce document.

19 Q. Or, je dispose encore d'un autre document. Le document DD00-0362 que

20 j'ai également reçu de l'Accusation et pour lequel je n'ai trouvé aucune

21 traduction. Il a été établi le 22 novembre 1994, c'est-à-dire le jour où

22 vous avez été blessée. Cette note de service établie par M. Kemal Ibisevic

23 vous a-t-elle été soumise le jour de votre déclaration et ce qui n'importe

24 encore davantage, c'est de savoir si vous avez bien eu la possibilité de

25 lire ce passage du document que je vais citer. Vous avez ce document sous

26 les yeux à l'écran maintenant ?

27 R. Oui.

28 Q. Troisième paragraphe, est-ce qu'on vous a cité ce passage, je cite :

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1 "Lorsque ces renseignements ont été reçus, le juge d'instruction de

2 service, à la Cour suprême de Sarajevo, a été informé mais n'a pu se rendre

3 sur les lieux pour enquêter en raison de tirs incessants de la part des

4 tireurs embusqués."

5 Est-ce que vous avez bien dit cela ?

6 R. Je ne m'en souviens pas.

7 Q. Vous ne vous en souvenez pas; c'est votre réponse ?

8 R. Oui, j'ai dit que je ne parvenais pas à m'en souvenir à l'instant même.

9 Q. Parce que si ce qui est écrit ici correspond à la réalité, cela

10 signifie qu'à Sedrenik il y avait des tirs le long des lignes de front.

11 R. Non, il n'y avait pas de tirs. Il n'y avait rien qui faisait penser à

12 une attaque ou à quelque chose de ce genre.

13 Q. Vous avez vu que le juge d'instruction n'a pas pu se rendre sur les

14 lieux en raison de tirs; c'est ce que vous avez dit.

15 R. Je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite. Est-ce qu'il y a eu des

16 tirs par la suite ou pas, j'étais à ce moment-là déjà à l'hôpital.

17 Q. Bien. J'ai encore une question au sujet de votre déclaration du 20

18 avril 1996, document DD00-0344. J'avais au départ l'intention de parler

19 longuement de cette déclaration, mais maintenant il ne me reste qu'une

20 question la concernant. Je vous demanderais de prendre connaissance de ce

21 qui est écrit à la dernière page, page 2 de ce document qui correspond, je

22 crois, à la page 2 de la version anglaise également. Voilà. C'est la page

23 qui s'affiche actuellement sur les écrans.

24 Vous la voyez ?

25 R. Oui.

26 Q. Dernier paragraphe, je vous prie. Je vous cite : "Pendant la guerre, il

27 y a eu différentes périodes où il n'y avait aucun tir, pas de pilonnage."

28 Je ne vais pas tout citer et j'en arrive à la phrase qui m'intéresse, je

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1 cite : "Parfois, il se passait plusieurs jours, sinon même plusieurs

2 semaines pendant lesquelles il n'y avait pas de tirs de tireurs embusqués

3 provenant de Sharpstone. Nous disions dans ces cas-là qu'il y avait

4 quelqu'un de bien sur les positions des tireurs embusqués."

5 Est-ce que ceci était vrai pendant la dernière année de la guerre ?

6 R. Oui, c'est ce que les enfants disaient, qu'il devait y avoir un homme

7 bien là-haut qui n'utilisait pas sa carabine avec viseur. C'est la raison

8 pour laquelle ces jours-là se déroulaient apparemment dans le calme.

9 Q. Est-ce que cela se passait au cours de la dernière année de guerre ?

10 R. Oui.

11 Q. Merci beaucoup.

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais demander le versement au

13 dossier du document DD00-0362 ainsi que du document DD00-0363.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

15 M. DOCHERTY : [interprétation] Je crois que ces documents sont déjà au

16 dossier, Monsieur le Président. Ce sont les déclarations préalables qui ont

17 été versées au dossier au début de l'interrogatoire principal du témoin au

18 titre de l'application de l'article 92 ter. La déclaration du témoin devant

19 un officier de police bosniaque doit faire partie de la première

20 déclaration préalable, car le témoin déclare dans celle-ci, je cite : "J'ai

21 reçu lecture d'une déclaration que j'ai faite aux autorités de

22 Bosnie-Herzégovine et je confirme que ce sont bien les propos tenus par

23 moi." Ceci figure en en-tête au début de la déclaration préalable du témoin

24 de 1995.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien. Nous demanderons au

26 Greffier s'il peut confirmer que ce texte est déjà versé au dossier.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne suis pas parvenu à trouver une

28 traduction de ce document.

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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le Greffier déclare que dans ses

3 documents ne figurent ni l'un ni l'autre des documents qui viennent d'être

4 mentionnés qui ne semblent pas avoir été versés au dossier.

5 Voilà ce que nous allons faire compte tenu de cette ambiguïté. Je

6 vous demande de poursuivre, Maître Tapuskovic. Je demanderais au greffier

7 de vérifier plus avant. Nous reviendrons sur ce point plus tard.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

9 Je n'ai plus de questions à poser au témoin. J'en ai terminé de mon contre-

10 interrogatoire. Pour autant que je sache, ces documents n'ont pas été

11 versés au dossier au titre des documents relevant de l'article 65 ter. Par

12 conséquent, j'insiste pour en demander le versement.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ces documents seront versés au

14 dossier d'une façon ou d'une autre. Simplement, M. Docherty vient de dire

15 quelque chose qui a appelé mon attention, à savoir qu'il s'agit des

16 déclarations préalables du témoin, et que normalement, elles ont été

17 versées au dossier au début de l'interrogatoire principal. Le problème,

18 c'est simplement de vérifier si ces documents ont déjà été versés au

19 dossier. Si tel n'est pas le cas, ils seront versés en tant que pièces à

20 conviction de la Défense. Mais je demande au Greffier de vérifier.

21 Y a-t-il des questions supplémentaires, Monsieur Docherty ?

22 M. DOCHERTY : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Pour que le

23 compte rendu d'audience soit clair, je ne fais pas objection à l'admission

24 de ces documents. Je pensais simplement qu'il fallait éviter de les verser

25 au dossier deux fois.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] En effet, le Greffier va me dire ce

27 qu'il en est exactement dans quelques instants.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas très

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1 bien compris. Ces deux documents supplémentaires seront-ils admis en tant

2 que pièces à conviction de la Défense ? Je n'ai pas bien compris.

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ils seront admis en tant que pièces à

4 conviction de la Défense, s'il est avéré qu'ils n'ont pas encore été versés

5 au dossier en tant que pièces à conviction de l'Accusation. Le Greffier a

6 déjà dit que dans sa documentation rien ne montre que ces documents aient

7 déjà été versés. Je lui demande une deuxième vérification. Quoi qu'il en

8 soit ces documents seront versés au dossier.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais également vous parler du

10 document DD00-0368. C'est la lettre que j'ai évoquée durant la déposition

11 du général Nicolai. J'aimerais que ce document soit enregistré aux fins

12 d'identification avant d'être admis au dossier.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il faudrait que vous me rappeliez un

14 peu quelle est la nature exacte de cette lettre car le général Nicolai a

15 été entendu la semaine dernière.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai soumis

17 cette lettre au général durant sa déposition. Je ne disposais pas de la

18 traduction anglaise à ce moment-là. Par la suite, l'Accusation a retrouvé

19 la traduction anglaise. C'est la lettre qui porte sur une conversation

20 téléphonique dont le témoin a déclaré qu'elle avait lieu entre le général

21 Smith et Mladic. A mon avis, il est dit dans cette lettre que c'est Nicolai

22 qui a parlé au téléphone avec Mladic, avec l'aide d'un interprète.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

24 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, il faudrait également

25 qu'on me rappelle la nature exacte de ce document. Ce qui m'inquiète un

26 peu, c'est qu'il y avait cette note relative à une conversation

27 téléphonique entre Ratko Mladic et un inconnu qui se trouvait au quartier

28 général du général Smith. Alors, si c'est bien le document dont nous

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1 parlons, je crois que j'avais élevé une objection pour défaut de fondement.

2 Le général Nicolai a déclaré qu'il n'avait pas été partie prenante à cette

3 conversation. Mais comme je viens de le dire, je n'ai pas le souvenir exact

4 de tous les éléments qui ont caractérisé la déposition du général Nicolai.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vais demander au juriste de se

6 renseigner et de me rendre compte. Je rendrai la décision de la Chambre sur

7 ce point, une fois qu'un rapport m'aura été fait. Je vais également

8 demander de mon côté un certain nombre de vérifications.

9 Madame Dedovic, ceci met fin à votre déposition. Merci d'être venue. Vous

10 pouvez vous retirer.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

12 [Le témoin se retire]

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Marcus.

14 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, l'Accusation

15 souhaite à la barre le Témoin W-69, Afeza Karacic.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Demandez au témoin de faire la

18 déclaration solennelle.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 LE TÉMOIN: AFEZA KARACIC [Assermentée]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Veuillez vous asseoir.

24 Vous pouvez commencer, Madame Marcus.

25 Interrogatoire principal par Mme Marcus :

26 Q. [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

27 R. Bonjour à vous.

28 Q. Pourriez-vous donner aux Juges de la Chambre votre nom et prénom, s'il

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1 vous plaît.

2 R. Je m'appelle Afeza Karacic.

3 Q. Est-ce que vous avez des surnoms ?

4 R. Oui, Hafiza.

5 Q. Quelle est votre date de naissance, s'il vous plaît ?

6 R. Le 3 mai 1963.

7 Q. Où êtes-vous née ?

8 R. Dans la municipalité de Foca.

9 Q. Comment d'années avez-vous vécu à Sarajevo ?

10 R. 26 ans.

11 Q. Avez-vous fait une autre déclaration aux enquêteurs du TPIY le 29 mai

12 2006 ?

13 R. Oui.

14 Q. Dans quelle langue avez-vous fait cette déclaration ?

15 R. En bosniaque.

16 Q. Lorsque vous avez fait cette déclaration, avez-vous précisé deux points

17 par rapport à votre déclaration précédente ?

18 R. Oui, effectivement.

19 Q. Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez corriger aujourd'hui ou

20 préciser aujourd'hui par rapport à votre dernière déclaration ?

21 R. Non, rien du tout.

22 Q. Avez-vous relu votre deuxième déclaration avant de venir dans le

23 prétoire aujourd'hui ?

24 R. Oui.

25 Q. Diriez-vous que ces deux déclarations sont véridiques et illustrent ce

26 que vous avez dit aux enquêteurs et reflètent fidèlement ce que vous avez

27 dit aux enquêteurs du Tribunal ?

28 R. Oui.

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1 Q. Si on vous posait les mêmes questions aujourd'hui, est-ce que vous

2 donneriez les mêmes réponses ?

3 R. Oui.

4 Mme MARCUS : Conformément à l'article 92 ter, je souhaite verser au dossier

5 ces deux déclarations, celle du 15 novembre 1995 et celle du 20 mai 2006.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ces déclarations sont acceptées.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] La première est la pièce P114 et la

8 deuxième déclaration aura la cote P115, Messieurs les Juges.

9 Mme MARCUS : [interprétation] Pour information, je vais maintenant parler

10 de l'incident à propos de tirs embusqués, incident numéro 8.

11 Q. Madame le Témoin, est-ce qu'on vous a tiré dessus pendant le siège de

12 Sarajevo ?

13 R. Oui.

14 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre à quelle date cet incident a

15 eu lieu ?

16 R. Le 23 novembre 1994.

17 Q. Où étiez-vous lorsqu'on vous a tiré dessus ?

18 R. J'étais sur le tramway.

19 Q. Dans quelle partie du tramway étiez-vous ?

20 R. Au milieu.

21 Q. Dans quelle direction allait le tram ?

22 R. Le tram allait du centre-ville jusque dans mon quartier.

23 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment s'appelle votre

24 quartier ?

25 R. Otoka.

26 Q. Lorsque vous étiez dans le tram, vous étiez dans quelle direction ?

27 R. J'étais à l'arrière du tram.

28 Q. Vous étiez debout ou assise ?

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1 R. J'étais debout. J'étais au milieu du tram et je regardais vers

2 l'arrière.

3 Q. Vous avez rencontré les enquêteurs du TPIY et vous avez indiqué avec la

4 caméra l'endroit où s'était déroulé l'incident le

5 23 novembre 1994; est-ce exact, lorsque vous les avez rencontrés pendant

6 l'été 2006.

7 R. Oui.

8 Mme MARCUS : [interprétation] Je souhaite demander à la commis aux

9 affaires de bien vouloir montrer la vidéo, s'il vous plaît.

10 [Diffusion de la cassette vidéo]

11 [aucune interprétation]

12 Mme MARCUS : [interprétation]

13 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous diriez que cette vidéo reflète

14 fidèlement ce que vous avez raconté aux enquêteurs à propos des événements

15 du 23 novembre 1994 ?

16 R. Oui, tout à fait.

17 Q. C'est de votre plein gré que vous avez donné ces renseignements à ces

18 enquêteurs ?

19 R. Oui, tout à fait.

20 Q. Diriez-vous que cette vidéo que nous venons de voir est quelque peu

21 différente de l'endroit en question lorsque cet incident a eu lieu en

22 1994 ?

23 R. Non.

24 Q. Pourriez-vous nous indiquer, pour les Juges de la Chambre, à quel

25 endroit la balle a pénétré dans votre corps ?

26 R. Oui, je peux. Ici.

27 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que le compte rendu peut consigner le

28 fait que le témoin indique la partie supérieure de son épaule.

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1 Q. Est-ce que vous pourriez indiquer aux Juges de la Chambre à quel

2 endroit la balle est sortie de votre corps ?

3 R. Oui. [Le témoin s'exécute]

4 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que le compte rendu peut consigner le

5 fait que le témoin a indiqué la partie arrière de son bras droit un peu

6 plus bas.

7 Q. Madame le Témoin, lorsque vous avez indiqué à quel endroit vous pensez

8 d'où provenaient les tirs d'après vous, de quel quartier de la ville

9 s'agit-il ?

10 R. Grbavica et le quartier juif se trouve de ce côté-là.

11 Q. Pour préciser, je souhaite que vous me disiez ce que vous entendez par

12 "juif" ?

13 R. Je parle du cimetière juif.

14 Q. Savez-vous qui avait le contrôle ou qui assurait le contrôle de ces

15 endroits que vous venez d'indiquer ?

16 R. Oui, je sais. Ces endroits étaient placés sous le contrôle serbe.

17 Q. Que portiez-vous le jour de l'incident ?

18 R. Une veste brune ainsi que des pantalons.

19 Q. Y avait-il des soldats à bord du tramway le jour où l'on vous a tiré

20 dessus ?

21 R. Non.

22 Q. Avez-vous vu des soldats à proximité de l'endroit où s'est déroulé

23 l'incident ce jour-là ?

24 R. Non, hormis l'IFOR ou la FORPRONU comme cela s'appelait à l'époque.

25 Q. Avez-vous vu des véhicules de l'ABiH près du tramway ce jour-là ?

26 R. Non.

27 Q. Vous souvenez-vous du temps qu'il faisait ce jour-là ?

28 R. Oui, c'était une journée claire.

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1 Q. Le tramway était-il bondé ?

2 R. Oui.

3 Q. Le jour où l'incident a eu lieu y avait-il des feuilles sur les

4 arbres ?

5 R. Non, il n'y en avait pas.

6 Q. Madame le Témoin, d'après vos souvenirs, combien de personnes ont été

7 blessées au cours du même incident où vous avez été vous-même blessée ?

8 R. Une personne a été tuée et il y a eu six autres blessés.

9 Q. Lorsque vous dites "six," est-ce que vous faites partie des six ou

10 non ?

11 R. Oui.

12 Q. Le quartier dans lequel on vous a tiré dessus, était-ce un quartier

13 dangereux ?

14 R. Oui.

15 Q. Pourquoi avez-vous décidé de prendre le tramway ce jour-là, en sachant

16 que c'était un quartier dangereux ?

17 R. C'était le cas dans toute la ville. Le quartier où j'habitais n'était

18 pas sûr non plus, donc cela ne faisait pas de différence.

19 Mme MARCUS : [interprétation] Je souhaite maintenant demander au Greffier

20 de nous montrer la photographie qui se trouve sur la liste de documents 65

21 ter et qui porte le numéro 6268 [comme interprété. Je souhaite demander de

22 l'aide et assister le témoin pour l'aider à annoter la photographie.

23 Q. Madame le Témoin, je sais que vous avez du mal à annoter quelque chose

24 avec cette main-là. Est-ce que vous pensez pouvoir nous aider et indiquer

25 l'endroit sur la photographie, l'endroit où se trouvait le tramway environ

26 le jour où on vous a tiré dessus ?

27 R. Ici. [Le témoin s'exécute]

28 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez indiquer aux Juges de la Chambre la

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1 provenance des tirs d'après vous ? Est-ce que vous pouvez l'indiquer d'une

2 façon ou d'une autre sur la photo ?

3 R. [Le témoin s'exécute] Non. Je ne peux pas vraiment. Cette flèche --

4 Q. Très bien.

5 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande à ce que cette photographie

6 annotée soit versée au dossier.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le témoin a également indiqué

8 l'endroit d'où venaient les tirs ? Est-ce qu'elle l'a l'indiqué ?

9 Mme MARCUS : [interprétation] Oui. C'était la dernière question. Le

10 témoin a dit qu'elle a essayé de dessiner une flèche, mais qu'elle avait du

11 mal, étant donné qu'elle a du mal à utiliser sa main après l'incident en

12 question.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui. Vous pouvez verser ces documents

14 au dossier.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit du document P116.

16 M. LE JUGE MINDUA : Une question. Vous dites avoir été touchée par un

17 tireur qui devait se trouver du côté de Grbavica et du cimetière juif. D'où

18 vous vient cette certitude ? Est-ce que c'est votre propre conclusion à

19 partir des éléments objectifs ou c'est parce qu'on vous l'a dit sur

20 l'origine du tir ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis parvenue à cette conclusion, car à

22 l'endroit où se trouve ces gratte-ciels derrière le musée, c'est l'endroit

23 où se trouvait le tireur embusqué.

24 M. LE JUGE MINDUA : Justement, c'est cela la question. Comment vous savez

25 que le tireur embusqué était à l'endroit de ce gratte-ciel ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'il n'aurait pas pu être juste à côté

27 des lignes du tramway. Il devait être plus loin derrière.

28 M. LE JUGE MINDUA : Merci.

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1 Mme MARCUS : [interprétation] Je souhaite demander à la commis à l'affaire

2 de nous montrer la photo à 360 degrés --

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] C'est l'heure de faire la pause

4 maintenant.

5 Mme MARCUS : [interprétation] Bien.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous allons reprendre demain. Je ne

7 sais pas si c'est le matin ou l'après-midi. L'après-midi. Nous reprenons

8 demain après-midi.

9 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mardi

10 30 janvier 2007, à 14 heures 15.

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