Page 1800
1 Le jeudi 8 février 2007
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty, lorsque nous nous
7 sommes arrêtés hier, j'ai dit que nous allions prendre une décision en ce
8 qui concerne les questions posées au témoin à propos de la
9 proportionnalité.
10 Pour rester cohérent avec la décision que nous avons prise précédemment par
11 rapport à un autre témoin, voici la décision de la Chambre. La Chambre a
12 décidé que l'on peut poser des questions de proportionnalité au témoin pour
13 la raison suivante : en fin de compte, quant à savoir si une réponse a été
14 disproportionnée et a représenté un geste d'autodéfense négatif, ce sera de
15 toute façon quelque chose que la Chambre devra décider en fin de compte.
16 Mais ce témoin a suffisamment d'expérience pour nous faire part de son
17 opinion en ce qui concerne la proportionnalité ou la "non-proportionnalité"
18 d'une réponse. Pour ce qui est en revanche de l'interprétation juridique de
19 ce concept, bien sûr cela relève de la Chambre et de la Chambre uniquement.
20 Vous avez la parole, maintenant.
21 LE TÉMOIN: DAVID FRASER [Reprise]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 Interrogatoire principal par M. Docherty : [Suite]
24 Q. [interprétation] Bonjour, Général.
25 R. Bonjour.
26 Q. J'ai quelques questions à vous poser à propos des réponses des Serbes
27 de Bosnie à l'attaque portée contre la caserne de Lukavica, et ensuite
28 d'autres points, et ensuite j'en finirai.
Page 1801
1 Hier, vous nous avez dit, vous nous avez parlé un petit peu de votre
2 expérience en tant qu'officier de carrière canadien à propos de
3 proportionnalité, et j'aimerais vous poser la question suivante. La riposte
4 des Serbes de Bosnie sur la caserne de Lukavica était-elle bel et bien une
5 riposte proportionnelle, c'est-à-dire, en anglais, "like-versus-like",
6 identique ?
7 R. Le tir indirect des Musulmans a eu pour réponse un tir indirect de la
8 part du côté serbe, mais ce n'était pas dirigé sur le QG.
9 Q. Pour reprendre cette idée de riposte identique "like-versus-like", est-
10 ce que cela veut dire, par exemple, quand on tire avec un fusil, on riposte
11 avec un fusil, quand on tire d'un char ou on riposte avec un char, et
12 cetera, ou alors si on se trouve quand même dans un endroit ouvert, est-ce
13 que l'on peut, sans violer, sans enfreindre ces principes, demander par
14 exemple une frappe aérienne pour répondre à une attaque par char ?
15 Pourriez-vous nous répondre et nous dire si ceci serait correct ou non ?
16 R. Si on a un char dans un champ ouvert, on pourrait tout à fait envisager
17 une frappe aérienne ou une frappe à l'aide d'un autre équipement pour
18 éliminer le tank, le char, parce qu'il s'agit d'une cible militaire. On
19 veut le détruire et on utilise ce qu'on a pour le détruire. De plus, on
20 peut ainsi éviter aussi ou minimiser les dégâts collatéraux.
21 Q. Pour ce qui est de la riposte à l'attaque, la réaction à l'attaque sur
22 la caserne de Lukavica, les Serbes de Bosnie ont-ils fait de leur mieux
23 pour minimiser les dommages collatéraux ?
24 R. Non. A mon avis, non.
25 Q. Pouvez-vous généraliser ? Puisque je crois que vous avez déposé en
26 disant qu'il y a de nombreuses fois où les forces des Serbes de Bosnie
27 réagissaient aux tirs, répondaient au tir de la ville des Musulmans de
28 Bosnie, pourriez-vous nous dire si les réactions et les ripostes des Serbes
Page 1802
1 étaient généralement proportionnées ou non ? Si vous dites que vous pouvez
2 le faire, nous allons entrer dans les détails.
3 R. Oui.
4 Q. Très bien. Tout d'abord, pouvez-vous nous dire la proportion de
5 ripostes qui, à votre avis, était proportionnelle ?
6 R. En règle générale, je pense que la plupart des ripostes étaient
7 disproportionnées. La plupart des personnes avec qui je travaillais,
8 d'ailleurs, étaient du même avis et pensaient que si un Musulman -- que si
9 un Serbe était tué, on pouvait envisager qu'il y aurait environ 10
10 Musulmans qui seraient tués en riposte.
11 Q. Quand vous dites que la plupart des ripostes étaient disproportionnées,
12 en règle générale, quel était le modèle de disproportion utilisé ?
13 Pourriez-vous généraliser un petit peu ce que vous venez de dire ?
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty, les dommages
15 collatéraux, êtes-vous en train de faire un parallèle entre dommages
16 collatéraux, dégâts collatéraux et ripostes proportionnelles ? Je ne pense
17 pas que ces deux concepts soient identiques. Une riposte peut être
18 parfaitement proportionnée tout en infligeant des dommages collatéraux.
19 J'ai l'impression que le critère permettant d'évaluer la proportionnalité
20 d'une riposte n'a pas nécessairement quoi que ce soit à voir avec les
21 dommages collatéraux éventuellement infligés.
22 M. DOCHERTY : [interprétation] J'utilise les dégâts collatéraux comme étant
23 la marque d'une riposte, et j'essais d'utiliser la méthodologie qui a été
24 employée par cette Chambre quand nous avons interrogé en principal le
25 général Nikolai, puisque c'était, il semblerait, le critère qui avait été
26 utilisé par le témoin pour évaluer la proportionnalité. Le général Fraser
27 vient de nous dire qu'il fallait faire attention et essayer de minimiser
28 les dégâts collatéraux. Il nous a dit qu'il allait prendre cela comme
Page 1803
1 critère pour voir si une réponse était oui ou non proportionnelle.
2 Bien sûr, j'écoute bien ce que vous nous avez dit. Je sais bien que
3 c'est à vous en tant que Juge de décider en fin de compte et c'est à vous
4 peut-être d'évaluer les choses à votre façon.
5 Mais j'essaye de suivre ce que j'appellerais la méthode Nikolai,
6 c'est-à-dire je donne les critères au témoin et ensuite je demande au
7 témoin d'employer ces mêmes critères pour évaluer la réponse.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, très bien. Mais ce
9 n'est pas la Chambre qui a décidé de cette méthode; c'est le général
10 Nikolai qui a employé cette méthode. Il semblerait, en effet, que notre
11 témoin en l'espèce, lui aussi, emploie cette même méthode.
12 M. DOCHERTY : [interprétation] Très bien. Je reprends.
13 Q. La question est la suivant. J'aimerais savoir si les réactions des
14 Serbes de Bosnie aux attaques des Musulmans étaient disproportionnées ou
15 si, en tout cas, la disproportionnalité de ces ripostes variait, oui ou
16 non.
17 R. J'ai remarqué que la riposte était disproportionnée. Ils ripostaient
18 toujours plus violement.
19 Q. Merci.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais c'est extrêmement général,
21 ce que vous nous dites. Cela ne nous apporte pas grand-chose. Je pense que
22 le témoin a besoin de nous dire de quelle manière c'était disproportionné.
23 Ensuite, c'est à la Chambre, bien sûr, de décider. Mais c'est lui qui a
24 l'expérience, c'est lui qui a la compétence, c'est lui qui est l'officier
25 de métier. S'il doit nous aider, il faut qu'il soit plus précis et il faut
26 qu'il soit plus empirique.
27 M. DOCHERTY : [interprétation]
28 Q. Dans votre dernière réponse, vous avez dit : "J'ai remarqué que la
Page 1804
1 riposte des Serbes était disproportionnée." Vous avez ajouté : "Elle était
2 plus forte." Quand vous dites : "Elle était plus forte", pourriez-vous,
3 s'il vous plaît, nous donner des détails sur cela et, si possible, dans
4 votre réponse, nous donner des observations que vous avez faites lors de
5 votre mandat avec les Nations Unies à Sarajevo ?
6 R. Voici mon expérience. Pour ce qui est du sniping, si un civil serbe
7 était tué, on savait qu'il y aurait de nombreux Musulmans qui seraient tués
8 en riposte, et en règle générale, c'était 10 pour un.
9 Pour ce qui est de l'attaque sur la caserne de Lukavica, on a une
10 série de tirs de mortier venant des Musulmans, et l'artillerie qui a été
11 employée en riposte par les Serbes a été extrêmement importante, a duré un
12 bon moment, et c'était assez disproportionné.
13 M. DOCHERTY : [interprétation] Est-ce que cela vous suffit, Messieurs
14 les Juges ?
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les Musulmans ont utilisé les tirs
16 de mortier dans leur attaque sur la caserne, et la réaction, la riposte a
17 été des tirs d'artillerie qui ont été très nourris et qui ont duré un bon
18 moment. C'est parce que c'est l'emploi de l'artillerie ou la durée des tirs
19 d'artillerie et le feu nourri des tirs d'artillerie qui, à votre avis, rend
20 cette riposte disproportionnée ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] L'attaque sur les casernes de Lukavica était
22 contre, d'abord, le QG du corps, et la réaction a été dirigée sur la ville
23 en entier. La riposte, à mon avis, ne visait pas une cible militaire. Je me
24 suis dit que si on aurait pu trouver où se trouvait le mortier, il aurait
25 fallu tirer sur les casernes, la caserne de Lukavica pour éliminer le
26 mortier. Cela aurait été à peu près correct, mais un tir d'artillerie sur
27 toute la ville pendant un bon moment, ce n'était qu'une seule salve ou une
28 seule rafale; c'étaient plusieurs rafales pendant assez longtemps. Quelle
Page 1805
1 était la cible de tous ces tirs, je n'en n'ai aucune idée. On ne savait
2 pas. Cela semblait plutôt viser toute la ville. On a sorti quelques tirs de
3 la ville et il en est revenu énormément, en revanche.
4 A mon avis, je voudrais savoir d'abord quelle était la cible et je voudrais
5 savoir si c'était bel et bien -- et je ne pense pas que c'était
6 proportionné parce que c'était un barrage, un tir de barrage sur la ville
7 incessant.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous demande un éclaircissement.
10 Votre première réponse aux questions qui vous ont été posées était la
11 suivante : c'était l'arme employée et la durée des tirs qui constituaient
12 la disproportion même de la réaction et de la riposte. Vous avez dit, si je
13 ne me trompe, que le fait qu'on ait employé l'artillerie pour répondre à
14 une attaque de mortier, c'était un élément; l'autre élément étant le fait
15 que cela a duré pendant plusieurs jours. Ensuite, pour répondre à la
16 question du Président, vous avez ajouté que c'était aussi la nature assez
17 aveugle de la riposte qui était un élément de disproportionnalité. Alors,
18 pourriez-vous nous dire ce qu'il en est ? Qu'est-ce qui caractérisait
19 vraiment la disproportionnalité ?
20 Est-ce que vous comprenez bien ma question ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parfaitement.
22 C'est les deux, c'est entre les deux. En tant qu'officiers, nous savons que
23 nous devons prendre en compte un grand nombre de paramètres. La
24 proportionnalité n'est qu'un facteur qui doit être pris en compte en
25 association avec d'autres éléments et d'autres paramètres : la nécessité
26 militaire, le fait de savoir si oui ou non il s'agit d'une cible militaire
27 et les dégâts collatéraux. C'est une équation compliquée et il y a beaucoup
28 de paramètres.
Page 1806
1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, oui, certes, mais il nous fait
2 avoir tous les paramètres de l'équation.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je répète pour être sûr que tout ceci est bien
4 clair.
5 Les Musulmans ont tiré sur une cible militaire, la caserne de Lukavica qui
6 était un QG.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce qu'ils l'ont atteinte ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était pas loin. A mon avis, je pense que
9 c'était une cible légitime, une cible militaire. Il y avait des civils,
10 certes, aux alentours, mais les munitions ont atteint les environs du QG,
11 puisque nous avons obtenu des rapports de la part des soldats français qui
12 étaient au QG et qui disaient qu'ils étaient attaqués par des mortiers qui
13 venaient de la ville. Ils étaient dans le coin, qui était une cible serbe
14 militaire, donc dans ce cas-là il n'y a pas grand-chose à dire puisque,
15 enfin, bien que les Musulmans ne tiraient pas sur les soldats français, ils
16 tiraient sur le QG serbe, donc il s'agit d'un tir militaire sur des
17 militaires. Tout va bien.
18 La réaction maintenant, la riposte qui a été notée n'a pas visé ce qui
19 selon nous était une cible militaire. Cela, c'est un critère qui,
20 visiblement, n'était pas satisfait. Ensuite, il ne semble pas que l'on ait
21 pris en compte l'éventualité de dégâts collatéraux. Troisièmement, bon, on
22 reçoit quatre munitions et on en envoie quatre, ce n'est pas du tout cela.
23 Il y a eu un tir extrêmement nourri qui a été renvoyé pendant très
24 longtemps. Là encore, de notre point de vue, cela nous a paru
25 disproportionné.
26 Les trois critères ne semblaient pas être satisfaits par rapport aux tirs
27 initiaux qui venaient des Musulmans; pas de cible militaire,
28 proportionnalité et prise en compte des dégâts collatéraux éventuels qui
Page 1807
1 pourraient être infligés aux civils dans les environs.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. J'ai encore besoin d'un autre
3 éclaircissement. Voici mon autre question : les cibles militaires
4 bosniaques des Musulmans étaient-elles accessibles ? Est-ce qu'on pouvait
5 savoir où elles se trouvaient ? Etait-il possible de déterminer où elles
6 étaient et de les atteindre ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Non. Les mortiers musulmans se
8 déplaçaient dans la ville, et il était extrêmement difficile pour les
9 Serbes de riposter sur eux parce qu'ils étaient mélangés avec les civils,
10 ils étaient positionnés dans des endroits civils. Ils le faisaient
11 évidemment délibérément parce que c'est très difficile en cas de riposte
12 dans ce cas-là de ne pas mettre en danger les civils.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, mais le fait que le côté
14 bosniaque était en train de se déplacer dans la ville avec ses mortiers
15 tout en tirant depuis ses mortiers, est-ce que cela a une conséquence sur
16 votre évaluation de la proportionnalité ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, parce qu'à cause de cela, en tant
18 que soldat, je sais bien que je n'aurais jamais pu riposter correctement.
19 J'aurais dû accepter les choses. Un, la cible était impossible à trouver;
20 deux, l'éventualité de dégâts collatéraux civils étaient énormes, donc je
21 n'aurais pas pu riposter. Cela m'aurait empêché de riposter.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour répondre au Juge Harhoff, vous
23 venez de nous parler de trois critères, donc la cible militaire,
24 proportionnalité et prise en compte des dégâts collatéraux éventuels
25 infligés aux civils dans les environs. Alors, c'est un petit peu étrange.
26 Enfin, je ne comprends plus très bien. On parle de critères qui permettent
27 justement de déterminer la proportionnalité. Or la proportionnalité fait
28 partie d'un de ces paramètres, d'un de ces critères; c'est assez étrange.
Page 1808
1 Vous avez trois critères. Je répète : cible militaire, proportionnalité et
2 prise en compte des dommages collatéraux éventuellement infligés. Alors ce
3 n'est pas très clair. Tout cela permet de déterminer la proportionnalité ?
4 Cela ne m'aide pas. La proportionnalité fait partie des éléments qui sont
5 censés déterminer cette même proportionnalité. A moins que vous parliez de
6 trois critères permettant de déterminer quelque chose d'autre que la
7 proportionnalité ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous donner un autre exemple pour la
9 proportionnalité. Admettons qu'il y a un sniper qui est dans une tour,
10 idéalement il faudrait utiliser un autre sniper pour l'abattre. C'est
11 l'idéal. Certains utiliseraient peut-être un char ou un avion pour tout
12 simplement détruire toute la tour, parce qu'on détruit la tour, mais on
13 abat le militaire, on abat le sniper dans ce cas-là, et le sniper est bel
14 et bien une cible militaire. Alors est-ce que c'est une réponse
15 proportionnelle ? Suite à ma formation, je pense que c'est disproportionné
16 parce qu'on n'a pas besoin de détruire une tour entière pour abattre un
17 sniper. Il y a d'autres façons de le faire. On peut bien plus efficacement
18 abattre ce sniper.
19 Mais c'est difficile, c'est un jugement qu'on doit faire, c'est une
20 décision à prendre. Il faut savoir comment appliquer ces trois critères
21 pour essayer d'employer un minimum de force pour arriver à son but en se
22 basant sur la cible militaire.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais dans votre manuel du militaire,
24 y a-t-il quoi que ce soit à propos de la façon d'arriver à cette décision ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur la proportionnalité, vous voulez dire ?
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai expliqué, il faut essayer
28 de faire une réponse identique, c'est tout.
Page 1809
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, mais je vous demande s'il n'y a
2 un pas un manuel. Il y a un manuel d'instructions des armées ou quelque
3 chose, toutes les armées en ont. J'essaie de savoir s'il y a un texte, donc
4 s'il y a un manuel de l'armée canadienne qui contiendrait un texte à propos
5 de la proportionnalité.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela existe.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
8 M. DOCHERTY : [interprétation]
9 Q. Mais pour être clair avant de passer à autre chose, quand vous parlez
10 de dégâts collatéraux, de qui parlons-nous en termes de personnes ? Qui
11 sont les victimes des dégâts collatéraux ?
12 R. Ce ne sont pas uniquement des personnes, ce sont aussi des endroits,
13 des bâtiments, des choses, des écoles par exemple, des églises, d'autres
14 emplacements qui sont des endroits sur lesquels on n'a pas le droit de
15 tirer. Il y a des règles à propos des endroits sur lesquels on a le droit
16 de tirer, sur lesquels on n'a pas le droit de tirer. Les dégâts
17 collatéraux, c'est un terme générique qui a différentes définitions, mais
18 la plupart du temps, on l'emploie pour parler des civils, donc des gens,
19 des civils.
20 Q. Nous allons quitter ce sujet, et je vais vous parler maintenant du
21 système de commandement et de contrôle du Corps de Sarajevo-Romanija, donc
22 les forces serbes de Bosnie pendant votre mandat à Sarajevo.
23 D'après vous -- non, je reprends. Hier, vous nous avez parlé d'un officier
24 qui s'appelait Indic et vous avez aussi parlé des dirigeants des Serbes à
25 Pale. Voici ma question. A votre avis, pendant votre mandat à Sarajevo, qui
26 commandait effectivement le SRK [phon] ? Pourriez-vous étayer votre
27 réponse ?
28 R. Le commandant de corps commandait bel et bien le corps et le
Page 1810
1 contrôlait.
2 Q. Comment s'appelait-il lors de la fin de votre mandat ?
3 R. C'était le général Milosevic.
4 Q. Hier, nous avons évoqué le problème de protestations.
5 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais demander au greffier de nous
6 présenter la pièce 2065.
7 Monsieur le Président, pour le compte rendu d'audience, il s'agit des
8 éléments qui considèrent le deuxième incident des tirs, numéro 1.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez demandé au témoin de vous
10 dire qui, d'après lui, pendant son mandat, était le commandant effectif du
11 Corps Sarajevo-Romanija. Il a dit que c'était le général Milosevic qui
12 assurait le commandement, mais malgré cette affirmation, il ne nous a pas
13 donné des raisons pour dire cela.
14 M. DOCHERTY : [interprétation] C'est pour cela que je voudrais présenter ce
15 document, puisque j'ai basé ma question sur des documents, sur certains
16 documents.
17 Q. Mon Général, sur l'écran, vous allez voir une lettre. Reconnaissez-vous
18 ce document ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que c'est ?
21 R. C'est une lettre de protestation écrite par le général Rose, adressée
22 au Dr Karadzic, concernant certains incidents de tirs embusqués qui se sont
23 produits le 8 octobre à Sarajevo.
24 M. DOCHERTY : [interprétation] A nouveau, pour le compte rendu d'audience,
25 là il s'agit de l'incident impliquant les tireurs embusqués et qui a eu
26 lieu le 8 octobre 1994.
27 Q. Est-ce une lettre, le type de lettres dont vous avez témoigné quand
28 vous avez parlé de ces lettres de protestation, type que vous envoyiez ?
Page 1811
1 R. Oui, effectivement.
2 Q. Cette lettre a une date. Quelle est la date qui figure sur la lettre ?
3 R. Le 9 octobre 1994.
4 Q. Est-ce qu'il y a une réunion qui s'en est suivie après cette lettre,
5 une réunion avec les dirigeants serbes ?
6 R. Je n'en suis pas sûr.
7 Q. Je vais vous montrer un document.
8 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais demander au greffier de placer sur
9 l'écran le document 2067, et il y a une page e-court de ce document. C'est
10 plus précisément le cinquième paragraphe de ce document. Mais je voudrais
11 tout d'abord que l'on voie la première page du document parce que je
12 voudrais que le témoin voie la date.
13 Q. Mon Général, sous vos yeux, il y a un document. Pourriez-vous nous dire
14 tout d'abord ce que c'est que ce document ?
15 R. C'est un résumé d'une réunion qui a eu lieu entre le général Mladic et
16 le général Rose à proximité de Pale. C'est comme cela que l'on résumait ces
17 réunions et qu'on faisait le compte rendu.
18 Q. Dans ce "résumé", il est dit : "Rose a rencontré Mladic à Pale."
19 Pour ceux qui ont du mal à lire la façon militaire d'écrire les dates
20 et les heures, est-ce que vous pouvez nous dire s'il y a une information
21 ici qui nous dit de quel jour il s'agit ?
22 R. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, agrandir un peu ce
23 document ? Parce que j'ai du mal à lire.
24 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il
25 vous plaît, agrandir cette portion ?
26 Q. Est-ce que c'est plus utile ?
27 R. Oui. C'est la date du 10 octobre.
28 M. DOCHERTY : [interprétation] Je voudrais donc vous demander de nous
Page 1812
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1813
1 présenter la page 2 de e-court, donc c'est le cinquième paragraphe.
2 Q. Je vais vous laisser lire cela, je vais laisser tout le monde lire ce
3 paragraphe et je vais faire une petite pause.
4 Je vais continuer sur ce sujet. Le document indique que c'est le général
5 Rose qui parle de ce problème de tirs sur le tram. Il en parle avec des
6 dirigeants assez importants, très haut placés. Est-ce que vous pouvez nous
7 dire quels sont les genres d'incidents dont on parlait avec les dirigeants
8 de haut niveau ?
9 R. Les incidents impliquant les tireurs embusqués, c'était important pour
10 moi, pour le général Rose, et qui évoquaient ce problème avec les parties
11 belligérantes à cause de l'impact psychologique et que cela avait sur la
12 population. Aussi, après chaque incident, quand on commençait une
13 discussion importante à ce sujet, la situation était plus ou moins
14 contrôlable pendant un moment donné. Ensuite, il y a eu évidemment à
15 nouveau une montée de tension progressive. C'était une question qui était
16 très importante.
17 Q. Je vais vous montrer un autre document.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pourriez-vous demander au témoin de
19 nous parler plus en détail de cela ? La question de savoir si les incidents
20 impliquant les tireurs embusqués était toujours sur l'ordre du jour lors
21 des réunions auprès de la FORPRONU et les parties belligérantes, même le
22 côté bosniaque ?
23 M. DOCHERTY : [interprétation]
24 Q. Est-ce qu'on parlait de façon fréquente de ces incidents impliquant les
25 tireurs embusqués ? Avec quelle partie belligérante on parlait plus
26 fréquemment de tout cela ?
27 R. Nous parlions de tout cela, nous parlions de pilonnage, nous parlions
28 de tireurs embusqués, nous parlions de la liberté de circulation avec
Page 1814
1 toutes les parties impliquées. Nous avons évoqué un grand nombre de
2 questions avec les deux côtés, mais c'est vrai que nous avons plus parlé
3 avec les Serbes qu'avec les Musulmans puisque les Musulmans étaient à
4 l'intérieur de Sarajevo, et c'étaient eux qui étaient visés. Ils étaient
5 encerclés, si vous voulez. La liberté de circulation les concernait
6 surtout. Ils ne l'avaient pas. C'est vrai qu'on est allé aussi les voir au
7 sujet des pilonnages, au sujet des différents incidents de tireurs
8 embusqués contre des tirs, par exemple, non militaires, des cibles non
9 militaires. Il y a eu des discussions extensives avec les deux parties,
10 mais surtout, je dirais, avec les Serbes.
11 Q. Je vais juste faire une question de suivi par rapport à la question
12 posée par les Juges. Est-ce que vous pouvez nous dire quel côté a fait
13 preuve de plus d'incidents, de plus de tirs sur les civils, s'agissant des
14 tireurs embusqués et les questions qui ont préoccupé les Nations Unies ?
15 R. C'est vrai que les Serbes ont été à l'origine de plus d'incidents que
16 les Musulmans, des incidents concernant les tireurs embusqués.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai voulu juste voir avec ce témoin
18 si les incidents concernant les tireurs embusqués n'étaient pas une
19 question qui se posait à chaque fois, si c'était une question très
20 importante qui était à l'ordre du jour lors de toutes les réunions.
21 M. DOCHERTY : [interprétation] Cela probablement dépendait du type de
22 réunion, mais je pourrais effectivement poser quelques questions à ce
23 sujet.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Allez-y.
25 M. DOCHERTY : [interprétation]
26 Q. Nous avons vu ces réunions avec le général Rose. Est-ce que vous
27 pourriez nous dire quelle était l'importance hiérarchique du général Rose
28 au sein des Nations Unies à l'époque ?
Page 1815
1 R. C'était lui qui commandait toutes les troupes en Bosnie. C'était lui
2 qui était la personnalité clé. C'était lui qui commandait la FORPRONU. Le
3 fait que le général Rose évoque ces questions était plus important, c'était
4 très important, surtout quand il en parlait avec le général Mladic, le Dr
5 Karadzic, ou du côté musulman avec le président, le vice-président, le
6 premier ministre, les commandants des Corps d'armée, et cetera. Quand il
7 s'agissait des questions qui pouvaient déstabiliser la ville, son secteur,
8 le secteur Sarajevo, le général Rose était impliqué. Il participait aux
9 réunions pour essayer de calmer la situation et pour essayer d'influencer
10 ces dirigeants. Quand on parlait de la liberté de la situation, des tirs,
11 des pilonnages, et cetera, je pense que c'était très important pour nous de
12 protéger la --
13 Q. [aucune interprétation]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
15 Mme ISAILOVIC : Vraiment, cela devient un petit peu impossible de suivre
16 parce que je tâche vraiment -- les interprètes en français, vraiment, ont
17 du mal à suivre ce rythme, et on a vraiment un décalage, plusieurs lignes.
18 Vraiment, cela devient un petit peu impossible. Si on peut ralentir un
19 petit peu le rythme pour que cela soit à peu près en même temps, les deux.
20 Merci.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître Isailovic. Je vais
22 demander aussi bien au témoin qu'au Procureur de ralentir leur débit pour
23 faciliter le travail des interprètes. Si vous ne vous rendez pas compte de
24 la vitesse à laquelle vous allez, essayez de suivre l'écran et aussi
25 d'observer une pause entre les questions et les réponses.
26 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 Q. La réunion dont nous avons parlé il y a quelques instants, nous l'avons
28 examinée sur l'écran, est-ce que vous pouvez nous dire à quelle fréquence
Page 1816
1 de telles réunions ont eu lieu, de telles réunions de plus haut niveau ?
2 R. Pas très souvent. Cela se passait que quand la situation s'aggravait.
3 Q. Qu'en est-il du niveau du Corps d'armée, un niveau plus bas ? A quelle
4 fréquence il y a eu des réunions concernant les tireurs embusqués, les
5 pilonnages, la liberté de la circulation que l'on abordait avec différents
6 assistants militaires et à un niveau militaire moins élevé ?
7 R. Ces réunions étaient plus fréquentes que les réunions que tenait le
8 général Rose. Ce sont les commandants des bataillons qui discutaient avec
9 leurs confrères, avec les commandants de brigades, aussi. Ensuite, il y a
10 eu, à un niveau moins élevé, il y a eu un dialogue en continue. Mon
11 général, ensuite, parlait avec les commandants de Corps d'armée, et ceci
12 concernant les questions qu'il fallait vérifier et qu'il fallait contrôler.
13 Q. Merci.
14 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de
15 deux documents que je viens de présenter, les documents 2065 et 2067, la
16 lettre du général Rose au Dr Karadzic et le dernier document que nous avons
17 vu.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ils sont versés au dossier.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le 65 ter 02065 sera versé en tant que
20 pièce P204, et le document 65 ter 2067 sera versé en tant que document
21 P205.
22 M. DOCHERTY : [interprétation] A présent, je voudrais aborder le document
23 65 ter 01973. Je pense que c'est un document qui figure déjà en tant
24 qu'élément de preuve du Procureur.
25 M. LE JUGE MINDUA : Avant d'aborder votre prochain sujet.
26 Général, vous avez dit que s'agissant du commandement du Corps Sarajevo, du
27 4e Corps à Sarajevo -- non, plutôt du Corps Sarajevo-Romanija, "Romanija
28 Corps", oui, voilà, que le général Milosevic était commandant,
Page 1817
1 effectivement, qu'il avait les commandes. Mais en même temps, vous nous
2 faites part de réunions du lieutenant général Michael Rose avec le Dr
3 Karadzic ou avec le général Mladic.
4 A la suite de ces réunions ou pendant ces réunions, nous voyons le général
5 Mladic nier la réalité des tirs embusqués ou des pilonnages. Il me semble
6 donc que c'est qui a le commandement effectif des opérations. Comment vous
7 entendez expliquer cette situation ? D'un côté, nous avons le général
8 Mladic lui-même qui paraît aux commandes, et de l'autre le général
9 Milosevic qui a les commandes en même temps. Est-ce qu'il y a une
10 contradiction, ou pas ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas de contradiction. Vous avez un
12 commandant supérieur, c'est-à-dire le général Mladic, et vous avez vu ses
13 intentions, et le général Milosevic les suit et les respecte. Au niveau de
14 la chaîne de commandement, on donne les ordres, un supérieur donne les
15 ordres à la personne qu'il commande, et ensuite il s'agit de mettre en
16 œuvre ces ordres. Il s'agit là du système de commandement habituel.
17 Au niveau du Corps d'armée, ensuite nous allions par exemple voir le
18 commandant de Corps d'armée pour faire part de nos protestations par
19 rapport, par exemple, aux tireurs embusqués ou aux pilonnages, la liberté
20 de circulation, et cetera, et après cela la situation s'améliorait. Mais
21 parfois, la situation, les incidents étaient tellement nombreux que cela
22 n'était plus acceptable pour le général Rose, et ensuite il allait voir le
23 général Milosevic, c'est-à-dire ses supérieurs, le général Mladic, pour
24 dire qu'il fallait prendre le problème plus au sérieux et qu'il fallait
25 calmer, ralentir les incidents. Ce n'était pas inhabituel pour les deux
26 côtés pour dire qu'ils ne savaient pas ce qui s'est passé, que ce n'est pas
27 eux qui l'ont fait. Ensuite, ils se disputaient, ils voyaient, mais après
28 cela, après des arguments, les choses s'amélioraient, en général.
Page 1818
1 Mais c'est vrai que Mladic était le chef. Il avait le commandement et
2 le contrôle significatif et important puisque c'est lui qui dirigeait les
3 opérations; pas seulement à Sarajevo, mais aussi pour le reste des
4 territoires. Sarajevo n'était qu'une petite boîte, une petite case, et le
5 général Milosevic était celui qui commandait cette case-là.
6 M. LE JUGE MINDUA : Voilà. J'attendais la traduction pour, évidemment, la
7 Défense, pour bien comprendre.
8 Mais lorsque vous dites que le général Milosevic était effectivement le
9 commandant, ma question est de savoir si, selon votre expérience militaire,
10 on peut avoir un commandant qui est pion, qui est commandant. Il a le
11 titre, mais il n'est pas commandant, en fait. Parce que quand vous dites
12 "il est effectivement commandant", est-ce qu'on peut envisager le cas d'un
13 général qui n'est pas effectivement commandant ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûr que ce soit aussi simple
15 que cela, parce que tous les commandants subordonnés se doivent de suivre
16 les ordres donnés par leurs supérieurs, ou, autrement dit, si un subordonné
17 a un problème avec les ordres donnés par son commandement supérieur, il
18 peut toujours quitter ses fonctions s'il ne peut pas le faire. Mais la
19 chaîne de commandement est telle qu'elle prévoit que les subordonnés
20 suivent les ordres donnés par leur commandement supérieur. Ils suivent les
21 intentions du commandement. C'est la hiérarchie. C'est comme cela que nous
22 fonctionnons. Je ne dirais pas qu'il s'agissait là d'un pion. Il s'agit
23 d'une chaîne de commandement. Il existe un dialogue. On parle avec son
24 supérieur pour lui demander comment on va implémenter les choses par
25 rapport à la situation telle qu'elle se présente sur le terrain. C'est
26 toute une structure.
27 Je ne suis pas sûr si j'ai répondu à la question que vous m'avez posée,
28 mais c'est comme cela que je vois les choses, au moins.
Page 1819
1 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Vous avez bien répondu à ma question.
2 Merci.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste une minute.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez continuer.
6 M. DOCHERTY : [interprétation] Je me suis trompé de numéro de document. Le
7 numéro ter que j'ai donné n'était pas bon. Le numéro dont j'avais besoin,
8 en réalité, c'était le document 93 [comme interprété], et je vais demander
9 que l'on le montre, s'il vous plaît, sur les écrans.
10 Q. Général Fraser, est-ce que vous reconnaissez ce document qui est sur
11 l'écran ?
12 R. Oui, en effet.
13 Q. De quoi s'agit-il ?
14 R. C'est un accord portant sur la cessation des activités des tireurs
15 embusqués dans la région de Sarajevo.
16 Q. Qui a signé ce document, s'il vous plaît ?
17 R. Ce document est signé par le général Karavelic, qui était le commandant
18 du corps musulman; le général Mladic, qui était le commandant du corps
19 serbe; ainsi que par le général Rose.
20 M. DOCHERTY : [interprétation] Je voudrais demander au Greffier de nous
21 montrer la partie où se trouve la signature du général Rose. Q. Il y a une
22 date à côté de la signature du général Rose. Pourriez-vous nous indiquer
23 quelle est cette date ?
24 R. C'est la date du 14 août 1994. C'est aussi signé par Viktor Andreev,
25 qui était le conseiller du général Rose.
26 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu, nous raconter un peu
27 l'historique de ce document, comment il s'est fait, et cetera ?
28 R. Je n'étais pas présent au moment où les négociations ont eu lieu, mais
Page 1820
1 ce document est le résultat d'une escalade des incidents impliquant les
2 tireurs embusqués à Sarajevo et autour de Sarajevo, et le général Rose a
3 fait des efforts, ce qu'il pouvait pour ramener la situation à un niveau
4 raisonnable et acceptable.
5 Q. Suite à la question posée au sujet du commandement et du contrôle, est-
6 ce que la signature qui figure sur ce document, à savoir les signatures des
7 généraux Karavelic, Mladic, qui sont les deux commandants de Corps d'armée,
8 est-ce que ceci vous amène à tirer des conclusions concernant la personne
9 qui pouvait contrôler les tireurs embusqués dans la région de Sarajevo ?
10 R. Après ces genres de réunions, la situation en général s'améliorait, ce
11 qui indiquait que les deux messieurs pouvaient contrôler leurs troupes,
12 leurs soldats, et qu'ils étaient en mesure de leur donner des ordres
13 demandant d'arrêter les incidents de tireurs embusqués.
14 Q. Est-ce que les Nations Unies ont étudié l'efficacité de cet accord
15 portant sur la cessation des activités de tireurs embusqués ?
16 R. Oui. Les Français ont tenus des statistiques quant aux incidents
17 impliquant les tireurs embusqués, et ils tenaient des statistiques aussi
18 quant aux victimes des deux côtés.
19 Q. Je vous prie de regarder cette étude, à présent.
20 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais demander au greffier de présenter
21 sur nos écrans le document e-court 2011, la page 4, s'il vous plaît.
22 Avant de parler de cela, je voudrais demander que l'on verse au dossier ce
23 document, le document qui comporte le numéro ter 1973. C'est un accord
24 portant sur la cessation des activités de tireurs embusqués en date du 14
25 août 1994.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P206.
28 M. DOCHERTY : [interprétation]
Page 1821
1 Q. Sur l'écran qui se trouve devant vous, on voit un document. D'un côté,
2 du côté gauche, vous avez en marge toute une série de dates, puis ensuite
3 vous avez des chiffres qui correspondent à ces dates. Est-ce que vous
4 reconnaissez ce document ?
5 R. Oui.
6 Q. De quoi s'agit-il ?
7 R. C'est un résumé des personnes blessées ou tuées du côté serbe et
8 musulman pour la région de Sarajevo.
9 Q. C'est peut-être un document qui est un peu difficile à interpréter.
10 Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit, comment ce document est
11 organisé, et cetera ?
12 R. Ce que l'on faisait normalement, c'est qu'on énumérait, on faisait la
13 somme des incidents, tous les incidents qui se sont produits impliquant les
14 tireurs embusqués, qui a été blessé. D'un côté, vous avez les Musulmans,
15 combien de Musulmans ont été tués; ensuite les Serbes, combien de Serbes
16 ont été tués. Ensuite, on répertoriait toutes ces informations et on
17 utilisait ces informations pour discuter avec les factions belligérantes,
18 pour leur donner les données concrètes pour étayer les informations
19 concernant les incidents et nos discussions et pour réduire ou arrêter ces
20 incidents dont les victimes étaient des civils, les incidents impliquant
21 les tireurs embusqués.
22 Q. En ce qui concerne ces chiffres, on peut voir "les blessés de Bosnie-
23 Herzégovine". Enfin --
24 R. Oui.
25 Q. Deux questions à ce sujet. Tout d'abord, au lieu de voir les mois, on
26 voit les dates précises du côté gauche. On n'a pas l'impression que c'est
27 un tableau linéaire. Quand on voit les dates, est-ce que cela veut dire que
28 ces personnes ont été blessées ou tuées ces jours-là, à ces dates-là ?
Page 1822
1 R. Oui.
2 Q. A peu près en haut du document, on voit juste quelques chiffres
3 simples, genre 29 juillet ou 5 août, ou pour le 19 août, on voit des
4 chiffres qui se présentent par dizaines. Est-ce que vous pouvez nous faire
5 part de quelques conclusions concernant l'efficacité de cet accord portant
6 sur l'arrêt des activités des tireurs embusqués à partir de ces
7 informations, les informations suivantes dans le tableau que vous avez sous
8 vos yeux ?
9 R. Avant, il y avait un problème grave, et après cet accord le problème
10 persiste.
11 Q. Les chiffres diminuent-ils ou augmentent-ils, ou sont-ils les mêmes que
12 ceux qui finalement ont donné naissance à cet accord ?
13 R. Juste après, je crois que les chiffres augmentent. Je crois qu'on voit
14 12, puis ensuite il y a un certain recul pour revenir au niveau qui
15 existait avant l'accord.
16 Q. Sur la base de ces informations, pouvez-vous tirer de quelconques
17 conclusions s'agissant de savoir si les commandants de corps qui ont signé
18 l'accord exerçaient un certain contrôle sur les tireurs embusqués dans le
19 secteur de Sarajevo ?
20 R. Je ne sais pas s'ils exerçaient un quelconque contrôle ou s'ils n'ont
21 pas donné suite à l'accord qu'ils ont signé, mais en tout cas il n'y a pas
22 eu d'effet. Sur la base des faits qui figurent dans ce document, il n'y a
23 pas eu d'effet qui a suivi la signature de cet accord.
24 Q. Bien. J'aimerais vous montrer un certain nombre d'autres documents.
25 M. DOCHERTY : [interprétation] Mais avant cela, Monsieur le Président,
26 j'aimerais demander le versement au dossier du document 2011, à savoir
27 l'étude relative à l'efficacité de l'accord.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce document est versé au dossier.
Page 1823
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du document P207, Messieurs
2 les Juges.
3 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vous demanderais
4 maintenant de bien vouloir nous communiquer le document figurant sur la
5 liste 65 ter, document 1939.
6 Q. Général, je vais vous demander d'examiner ce document un instant et,
7 lorsque vous vous serez familiarisé avec le document, je poursuivrai mes
8 questions.
9 R. Oui.
10 Q. De quelle nature est ce document ? De quoi s'agit-il ?
11 R. Ce sont des instructions données à toutes les unités se trouvant au
12 sein du Corps Sarajevo-Romanija émanant du commandant adjoint indiquant
13 qu'il y a un problème, à savoir que les rapports qui sont rédigés ne sont
14 pas relus par les commandants et les instructions sont donc que les
15 commandants doivent s'impliquer personnellement dans la rédaction de ces
16 rapports de manière à ce que tous les rapports soient exécutés et que leur
17 teneur soit exacte.
18 Q. Vous parliez il y a un instant de la chaîne hiérarchique, de la
19 hiérarchie au sein des forces armées. Est-ce que ce document porte d'une
20 quelconque manière sur le rôle ou les limites -- pardon, excusez-moi. Je me
21 reprends. Est-ce que ce document a un quelconque rapport avec la chaîne de
22 commandement et le rapport qu'il peut y avoir entre des subordonnés et des
23 officiers supérieurs au sein d'une organisation militaire ?
24 R. Oui.
25 Q. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Pourriez-vous nous dire quelle
26 lumière ceci jette sur cette discussion ?
27 R. Ce document me montre que le commandant adjoint du corps n'était pas
28 satisfait, soit parce que les subordonnés ne suivaient pas bien ses ordres,
Page 1824
1 soit par la manière dont les commandants essayaient de faire en sorte de
2 contrôler leurs soldats. Ce document est un ordre, en réalité, qui invite à
3 faire en sorte que la chaîne de commandement soit plus active dans le
4 respect du contrôle de la situation qui prévalait à l'époque, donc en
5 juillet 1994.
6 Q. Bien.
7 M. DOCHERTY : [interprétation] Mais tout d'abord, Monsieur le Président,
8 j'aimerais qu'on verse ce document au dossier.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est fait.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P208, Messieurs
11 les Juges.
12 M. DOCHERTY : [interprétation]
13 Q. J'aurais un dernier sujet à aborder avec vous, Général, mais avant cela
14 j'aimerais revenir en arrière et revenir à quelque chose que nous avons
15 évoqué il y a quelques instants. C'est la réponse apportée à l'attaque
16 contre la caserne de Lukavica. Vous avez parlé des critères applicables au
17 moment de riposte. Vous avez parlé du critère de la proportionnalité. Ce
18 critère, ce concept de la proportionnalité s'était notamment appliqué, et
19 vous l'avez pris comme exemple à cette attaque qui avait été menée contre
20 Lukavica.
21 J'aimerais savoir maintenant si vous avez été informé d'autres situations
22 ou des incidents. Des tirs musulmans à Sarajevo ont entraîné une riposte,
23 une réponse de la part des Serbes de Bosnie, qui, à votre avis, ne répond
24 pas aux critères que vous avez exposés, critères devant s'appliquer à
25 l'usage responsable de la force militaire ?
26 R. Je n'ai pas en tête d'incidents particuliers dont je pourrais vous
27 faire part à part l'impression générale dont je vous ai déjà parlé. Je ne
28 pourrais pas être plus précis que cela.
Page 1825
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1826
1 Q. Mais quelle était votre impression générale ? Que voulez-vous dire par
2 là ?
3 R. Mon impression générale était que les Serbes contrôlaient tous les
4 mouvements et la situation. Dans la ville, ils utilisaient tous les moyens
5 qu'ils avaient à leur disposition pour contrôler les mouvements, pour
6 contrôler, disons, les aspects plus psychologiques qui influaient sur le
7 climat et qui régnaient dans la ville par l'usage de tireurs embusqués, par
8 le pilonnage, par mortiers principalement.
9 Q. Bien. Voici la dernière question que j'aimerais aborder avec vous, et
10 ensuite j'en aurai terminé de mon interrogatoire principal.
11 Avez-vous entendu parler de "bombes aériennes modifiées" pendant que vous
12 étiez à Sarajevo ?
13 R. Oui, en effet. C'est un terme qui est apparu juste à la fin de ma
14 période de service à Sarajevo.
15 Q. Qu'est-ce que c'est qu'une bombe aérienne modifiée ?
16 R. C'est une bombe qui est dotée d'un appareil de fortune, disons, qui est
17 placé sur celle-ci, qui peut en quelque sorte être un dispositif volant,
18 mais qui n'a pas de système de guidage. Vous le lancez, vous visez, bien
19 sûr, d'abord vous le lancez, et ensuite il est censé atterrir au moment où,
20 disons, il n'aura plus de carburant. C'est en réalité une bombe qui
21 fonctionne selon le concept d'aérodynamique. A ce moment-là, cette bombe
22 tombe. A mon avis, elle n'a aucune valeur militaire.
23 Q. Aviez-vous déjà entendu parler de cela avant d'être allé à Sarajevo ?
24 R. Non.
25 Q. Et depuis ?
26 R. Non plus.
27 Q. Vous êtes un officier militaire supérieur au sein de l'armée
28 canadienne. Vous avez suivi une formation sur le type d'arme appropriée en
Page 1827
1 fonction du type de situation sur le terrain, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 Q. Au moment où vous avez été commandant, auriez-vous eu, à un moment
4 donné ou à un autre, l'occasion de dire : "Envoyez-moi des bombes aériennes
5 modifiées. J'en ai besoin." ?
6 R. Non.
7 Q. Avez-vous jamais vu de bombes aériennes modifiées dans la partie
8 musulmane de Bosnie des lignes de confrontation ?
9 R. Non.
10 Q. Avez-vous vu, jamais, du côté de Musulmans des lignes de confrontation,
11 que l'on lançait ce genre de bombes ?
12 R. Non.
13 Q. Après cette période passée à Sarajevo, avez-vous une opinion s'agissant
14 de l'effet qu'ont eu ces types de dispositifs sur le moral, sur la
15 psychologie de la population civile de la ville de Sarajevo ?
16 R. D'un point de vue psychologique, elles étaient terribles pour la
17 population. Il était difficile pour la population de savoir que ces
18 dispositifs existaient et si effectivement ils étaient tirés. Ma seule
19 expérience, c'est que cela risquait de provoquer des dégâts pour tout le
20 monde, y compris pour les Nations Unies.
21 Q. Quelle est la capacité explosive de l'une de ces pièces par opposition
22 par exemple à un tir de mortier ? Nous en avons parlé beaucoup; c'est la
23 raison pour laquelle je vous pose la question.
24 R. Elles sont plus grandes, beaucoup plus grande.
25 M. DOCHERTY : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le
26 Président.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aimerais que vous poursuiviez cet
28 ensemble de questions sur l'armement parce qu'il y a quelques jours, on
Page 1828
1 nous a parlé d'une arme appelée M-84, une mitrailleuse, si j'ai bien
2 compris. J'aimerais pouvoir poser une question au témoin s'agissant de la
3 portée et de la précision de cette arme.
4 M. DOCHERTY : [interprétation]
5 Q. Général, connaissez-vous cette arme évoquée par le Juge Harhoff ? C'est
6 une M-84 ou peut-être une M-85, c'est une arme automatique.
7 R. Non. Je ne connais pas M-85.
8 Q. Qu'en est-il du M-84 ?
9 R. Non, ces chiffres ne me parlent pas du tout.
10 M. DOCHERTY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
12 Madame Isailovic, êtes-vous prête pour le contre-interrogatoire ?
13 Mme ISAILOVIC : Oui, Monsieur le Président, merci.
14 Contre-interrogatoire par Mme Isailovic :
15 Q. Bonjour, Monsieur le Témoin. Je suis Me Branislava Isailovic, avocat au
16 barreau de Paris, et je suis conseil de Défense de M. le Général Milosevic
17 qui est, comme vous le savez, accusé devant cette Chambre. Maintenant, on
18 va procéder. Vous connaissez déjà la procédure parce que vous témoignez
19 aussi dans la procédure contre le général Galic. A l'interrogatoire, en
20 contre-interrogatoire, on va aborder ensemble les questions dont on a parlé
21 tout à l'heure.
22 Mme ISAILOVIC : J'ai préparé plusieurs thèmes et, pour commencer, je
23 demande à mon assistante d'afficher sur l'écran la carte 65 ter 2927. C'est
24 le document qui a été accepté comme moyen de preuve de l'Accusation P194.
25 Q. En attendant l'affichage de cette carte, parce que cela va prendre un
26 moment, j'aurais aimé commencer par quelques questions qui concernent votre
27 carrière militaire, plutôt votre expérience que vous avez, requise à
28 Sarajevo.
Page 1829
1 Si vous pouvez, vous avez parlé dans votre déclaration que vous avez
2 donnée en 1997, si vous vous souvenez de cela, mais aussi hier, des
3 généraux pour lesquels vous avez travaillé. Vous vous souvenez de cela ? Je
4 pense aux généraux Soubirou et Gobillard.
5 R. Oui, je me souviens du général Soubirou et du général Gobillard,
6 effectivement.
7 Q. C'étaient des généraux de l'armée française, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, c'était des généraux de l'armée française. Le général Soubirou,
9 c'était le commandant adjoint de la 6e Armée, Division de l'armée, et le
10 général Gobillard était le commandant de la 12e Division des Parachutistes
11 -- la 11e.
12 Q. C'était le secteur Sarajevo, et au niveau de la commande pour la
13 Bosnie-Herzégovine, c'étaient, il me semble toujours, les généraux
14 britanniques, n'est-ce pas ?
15 R. Oui, c'est exact. Le secteur Sarajevo faisait partie de Bosnie-
16 Herzégovine. La Bosnie-Herzégovine avait plusieurs secteurs. Le général
17 Rose était, au moment où je suis arrivé là-bas, le commandant, et ensuite
18 il a été remplacé par le général Rupert Smith.
19 Q. Il y avait des différences, disons, culturelles, de la culture
20 militaire entre, disons, deux groupes de généraux, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, culturellement ils étaient différents puisque c'étaient des
22 Français et des Britanniques, mais ils avaient ce lien qui leur était
23 commun, à savoir qu'ils étaient des soldats professionnels, des officiers
24 de carrière.
25 Q. Notamment, votre rôle en tant qu'assistant militaire des généraux
26 Soubirou et Gobillard consistait aussi dans le -- pour faire, disons, une
27 traduction, entre guillemets, entre ces deux cultures, parce que vous-même
28 vous êtes canadien, et je crois comprendre que vous parlez couramment les
Page 1830
1 deux langues, anglais et français; ai-je raison ?
2 R. Ce serait un peu exagéré que de dire que je servais de lien entre ces
3 deux cultures. En réalité, ils pouvaient communiquer très bien entre eux.
4 Ils n'avaient pas besoin d'interprète. On n'avait pas besoin de cela.
5 Le général Soubirou parlait très bien l'anglais; le général Rose parlait
6 très bien le français. Le général Gobillard et le général Rupert Smith ne
7 parlaient pas aussi bien ces deux langues, mais ils étaient en mesure de
8 communiquer de façon efficace. J'étais là parce que je faisais partie de la
9 force de l'ONU en tant qu'adjoint militaire. C'est vrai qu'à l'époque je
10 parlais très bien français. Je dirais que maintenant je ne parle pas aussi
11 bien qu'à l'époque au bout de 10 ans.
12 Q. Mais ces différences entre les cultures militaires, justement est-ce
13 qu'en deux mots vous pouvez à peu près nous expliquer à quoi vous pensez
14 quand vous dites cela ? En quoi cela consiste, principalement ?
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A-t-il dit vraiment qu'il existait
16 des différences culturelles ? Maître Isailovic, je ne suis pas sûr. Je ne
17 suis pas sûr qu'il fût tout à fait d'accord.
18 Mme ISAILOVIC : Non, non, non. Pas de différence culturelle ou militaire
19 entre culture militaire entre les deux. C'est dans la déclaration. On peut
20 l'afficher, mais, je pense, c'est à peu près à un endroit plus général.
21 Q. Mais si vous voulez, c'est dans votre déclaration que vous avez donnée
22 en 1997, on peut, si vous voulez, cette partie, parce que pour moi cette
23 partie était très intéressante.
24 Est-ce que vous préférez, Monsieur le Général, voir ce passage dans lequel
25 vous avez parlé de ces différences de culture militaire entre les généraux
26 français et les généraux britanniques ?
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Isailovic, si vous souhaitez
28 lui montrer cela, montrez-lui cela. Montrez-lui la portion de la
Page 1831
1 déclaration préalable.
2 Mme ISAILOVIC : Je vais réserver cette question pour après, parce que c'est
3 dommage de manquer là cette carte qui prend du temps à s'afficher.
4 Je demanderais à M. le Greffier d'agrandir un petit peu, juste un petit peu
5 la carte pour qu'on voie la totalité du haut de la carte. Agrandir, s'il
6 vous plaît, si on peut zoomer. Maintenant, oui, de là, oui, c'est bon.
7 Baissez un petit peu. Oui.
8 Q. Monsieur le Général, c'est la carte dont on a discuté hier. Vous vous
9 souvenez de cela ?
10 R. Oui, je m'en souviens.
11 Q. Maintenant, pour vous, vous êtes d'accord qu'on voit là plusieurs
12 marques faites déjà sur la carte. Par exemple, à l'intérieur de la ligne
13 bleue, on peut voir par exemple, et je cite, je pars du haut du gauche "111
14 vbbr". C'est la marque la plus grande. Est-ce que vous voyez cela ?
15 R. Oui, je la vois.
16 Q. Est-ce que vous êtes au courant avec le fait que cela représente les
17 zones de responsabilité des unités appartenant au 1er Corps de l'ABiH ?
18 R. C'est ce que la carte dit, et ceci correspond à la situation telle
19 qu'elle était sur le terrain.
20 Q. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord qu'on voit là plusieurs marques ?
21 Il y a des marques qui sont un petit peu, des lettres un petit peu plus
22 grandes et des lettres un petit peu plus petites. Mais, de toute façon,
23 est-ce qu'on peut se mettre d'accord qu'elles couvrent tout le territoire à
24 l'entrée de la ligne bleue ?
25 R. Sur cette carte, on peut voir qu'il existe plusieurs unités, toute une
26 série d'unités qui couvrent l'intérieur et peut-être même l'entourage de la
27 ville de Sarajevo.
28 Q. Est-ce qu'on est d'accord que c'est la 12e Division du 1er Corps de
Page 1832
1 l'ABiH qui se situait à l'intérieur de la ligne bleue ?
2 R. Je ne vois pas où vous voyez exactement la 12e Division sur cette
3 carte. Je ne la vois pas. Est-ce que vous pouvez m'aider ?
4 Je vois des brigades, mais je ne vois pas de divisions.
5 Q. Monsieur le Général, ma question était plutôt : d'après vos souvenirs,
6 est-ce que vous vous souvenez qu'il y avait à l'époque une division qui
7 s'appelait 12e Division et dont le commandant était M., je pense, le
8 Général Fikret Prevljak ?
9 R. Je me souviens du 1er Corps musulman, Karavelic, sa brigade. Je me
10 souviens aussi du général Fikret, mais je ne me souviens pas que ce fût un
11 commandant de division. D'après mon meilleur souvenir, c'était un
12 commandant de brigade. Il était le commandant du mont Igman, du sud du
13 territoire qui était au sud de l'aéroport.
14 Q. Passons-en. De toute façon, vous avez dit que vous voyez ici
15 l'emplacement des brigades, à l'intérieur de la ligne bleue ?
16 R. Je peux lire sur la carte où se trouvent les brigades, mais,
17 personnellement, je ne m'occupais pas des brigades; je m'occupais surtout
18 des commandements des Corps d'armée et des quartiers généraux.
19 Q. Monsieur le Général, on va utiliser maintenant encore vos connaissances
20 en tant que militaire professionnel d'une longue expérience pour nous dire,
21 est-ce que l'emplacement de toutes ces brigades à l'intérieur de la ligne
22 bleue comprend aussi l'emplacement des objectifs militaires ? Je pense par
23 exemple au QG de toutes ces unités à l'intérieur de la ligne bleue.
24 R. Oui, effectivement.
25 Q. Est-ce que, d'après votre opinion, mais je connais à peu près la
26 réponse parce que vous avez parlé tout à l'heure de la caserne de Lukavica
27 qui était le QG de l'armée de la Republika Srpska, est-ce que toutes ces
28 installations représentent les objectifs militaires ?
Page 1833
1 R. Oui. La caserne de Lukavica, je sais où c'était, et c'était une cible
2 militaire. Le QG des Musulmans était dans la ville. C'était une cible, mais
3 une cible complètement entourée des bâtiments civils. Il serait très, très
4 difficile de viser cette cible-là, et pendant la période où j'y étais, cela
5 n'a jamais été fait.
6 Q. Si on peut rester là dans la théorie. Vous dites là que, et vous prenez
7 l'exemple de Lukavica, c'était le QG et une cible militaire légitime qu'on
8 peut viser. Est-ce qu'on peut appliquer le même critère à n'importe quel
9 QG ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que le fait qu'on place un QG à l'intérieur des cibles civiles
12 supprime le caractère militaire de ce QG ?
13 R. Il n'annule pas la nature, les caractères militaires du quartier
14 général, mais ceci rend très difficile, voire impossible, toute activité
15 militaire contre ce QG.
16 Q. Si on continue maintenant, et on parle de la caserne de Lukavica, est-
17 ce que vous saviez que Lukavica était un quartier résidentiel de Sarajevo ?
18 R. Oui, je le savais. Oui.
19 Q. Est-ce que je peux poursuivre votre raisonnement et dire qu'on ne peut
20 pas se prononcer assez formellement sur le caractère militaire de ce QG qui
21 est placé, disons, à l'intérieur d'un quartier résidentiel ?
22 R. La caserne de Lukavica représente une cible légitime militaire. Je la
23 définirais comme cela. Le fait qu'elle se trouve dans un quartier
24 résidentiel est un élément important quand vous prenez en compte les dégâts
25 collatéraux. Mais comparé au quartier général musulman, là, la situation
26 était bien plus claire, mais pas moins difficile puisqu'il y avait quand
27 même la potentialité d'éventualité d'infliger des dégâts collatéraux aux
28 civils qui résidaient dans ce quartier autour de la caserne.
Page 1834
1 Q. Monsieur le Général, est-ce que je peux en conclure qu'il est très
2 difficile de mener les combats dans les quartiers urbains en général ?
3 R. Le combat dans les zones urbaines est extrêmement difficile pour toute
4 armée que ce soit. Les combats dans Sarajevo au cours de mon mandat étaient
5 extrêmement difficiles, et ce, pour les deux factions.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, je vois qu'il est
7 l'heure de faire la pause, et nous allons lever la séance pour la pause.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
9 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, veuillez
11 poursuivre.
12 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Monsieur le Témoin, Monsieur le Général, on a terminé juste à l'instant
14 où vous avez dit que lutter à Sarajevo durant le temps ou la période où
15 vous étiez là-bas, c'était très, très particulièrement difficile pour les
16 deux parties belligérantes. On va poursuivre là-dessus. Je vous prie de
17 regarder encore une fois la carte qui est devant vous et de vous concentrer
18 sur l'emplacement des 105e Brigade, 152e et 115e.
19 Est-ce qu'on peut se mettre d'accord que les zones de responsabilité de ces
20 trois brigades se trouvent dans une partie de la ville particulièrement
21 peuplée, parce qu'on voit beaucoup de, disons, bâtiments qui représentent
22 cette couleur brunâtre, pardon, de la carte ?
23 R. Les zones où se trouvent les brigades, effectivement, recouvrent une
24 partie très densément peuplée de Sarajevo, mais cela dépend en réalité de
25 l'endroit où ils avaient véritablement déployé leurs soldats dans la zone
26 donnée, donc je ne peux pas être d'accord avec vous sur la base de ce
27 simple fait. C'est une zone effectivement tout à fait difficile, mais il y
28 a également des espaces ouverts.
Page 1835
1 Q. Est-ce que, Monsieur le Général, l'emplacement de ces brigades et des
2 QG de ces brigades comporte aussi l'emplacement d'autres installations
3 militaires qui, normalement, suivent le déploiement d'une unité militaire ?
4 R. Normalement, oui.
5 Q. Est-ce que vous avez eu ou vous avez acquis des connaissances là-dessus
6 durant votre séjour à Sarajevo en tant qu'assistant militaire de M.
7 Soubirou et M. Gobillard ?
8 R. Pourriez-vous être plus précis, s'il vous plaît ? Parce qu'en général
9 je n'avais pas affaire aux brigades et principalement au quartier général
10 des Corps d'armée.
11 Q. Bien sûr, Monsieur le Général, je faisais appel plutôt à vos
12 connaissances générales, et vous m'avez répondu par affirmative, et après
13 j'ai posé une question concernant concrètement Sarajevo à cette période où
14 vous étiez assistant militaire des généraux Soubirou et Gobillard. Si vous
15 ne le savez pas, donc vous pouvez me répondre par négative.
16 R. Je ne sais pas.
17 Q. Tout à l'heure quand on a abordé la question de la proportionnalité -
18 on a accepté de discuter avec vous de cette question importante parce que
19 vous avez une énorme expérience et des connaissances très importantes là-
20 dessus - vous avez dit il y a un instant que pour riposter quand on vous
21 attaque à partir d'un endroit qui est densément peuplé, c'est très
22 difficile. Ma question est : qu'est-ce qu'un commandant fait à ce moment-
23 là ?
24 R. Dans une situation telle que celle-ci, d'un point de vue hypothétique,
25 bien sûr, le commandant doit étudier la question de la nécessité militaire,
26 de la proportionnalité des dommages collatéraux, et dans certains cas le
27 commandant ne sera pas en mesure de riposter. D'ailleurs, nous n'avons pas
28 riposté à chaque fois que nous étions pris pour cible, parce que même si
Page 1836
1 nous avons été en mesure d'identifier une cible militaire du fait du
2 principe de la proportionnalité et des dommages collatéraux, nous n'avons
3 pas pu remplir les critères applicables et nous n'avons pas retourné le feu
4 en raison de l'endroit où nous étions parce que c'était difficile. Mais
5 nous avons émis des protestations à l'intention de la partie qui était
6 responsable de cela
7 Q. Monsieur le Général, est-ce que défendre le territoire que vous occupez
8 représente une nécessité militaire ?
9 R. Cela dépend du territoire que vous défendez. Dans le cas de Sarajevo et
10 les Musulmans qui défendaient la ville, oui.
11 "Défendre le territoire que l'on occupe, est-ce là une nécessité
12 militaire ?"; c'est bien la question ? Pour répondre brièvement, je dirais
13 oui. Mais pourquoi défendez-vous le territoire au départ ? Disons que je
14 tire cette conclusion de votre question; c'est cela ? Pourquoi défendre
15 Sarajevo; c'est cela ?
16 Q. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord que c'est la nécessité militaire
17 pour les deux factions militaires qui sont en conflit ?
18 R. Pour vous donner une réponse brève, oui. Mais la situation dans
19 laquelle nous nous trouvions, et si je regarde cette carte, faisait
20 ressortir une différence. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Les Serbes
21 ont pris de l'avance et ils sont arrivés au point où ils ne pouvaient plus
22 prendre la ville, donc ils se sont arrêtés, et on avait deux forces qui
23 s'opposaient, la ville étant l'objectif, bien sûr, de cette opposition;
24 l'une la défendait et l'autre voulait l'obtenir.
25 Q. Est-ce que, si on regarde encore une fois la carte, on peut se mettre
26 d'accord que la ligne bleue représente, disons, le positionnement des
27 unités de l'ABiH, et la ligne rouge celui de l'armée de Republika Srpska ?
28 R. Oui.
Page 1837
1 Q. Est-ce que derrière la ligne rouge, d'après vos connaissances et
2 d'après vos souvenirs, il y avait des territoires peuplés aussi par des
3 civils ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que derrière cette ligne rouge, il y avait des installations,
6 des objectifs civils aussi ?
7 R. Je ne sais pas si je comprends bien "objectifs civils". Les civils, ce
8 ne sont pas des objectifs particulièrement. Vous pouvez reformuler la
9 question, peut-être ?
10 Q. Je pense aux cibles civiles, aux objectifs, donc j'utilise, si vous
11 voulez, le vocabulaire des protocoles sur la convention de Genève. Les
12 objectifs civils, donc je pense que c'est un mot qui décrit non seulement
13 les personnes, mais aussi les bâtiments qui ont une destination civile.
14 R. Si l'objectif est de prendre un bâtiment ou une ville, par exemple, le
15 commandant doit veiller à ce qu'il n'engage pas, dans le sens militaire du
16 terme, des non-combattants, à savoir des civils qui ne sont pas parties au
17 conflit.
18 Q. Est-ce que, Monsieur le Général, cela vaut pour tous les belligérants ?
19 R. Oui.
20 Q. Qu'est-ce que vous dites alors de l'emplacement de l'armée de la
21 Bosnie-Herzégovine, notamment de ses brigades que j'ai citées tout à
22 l'heure ?
23 R. Leur problème a été exacerbé par le fait que vous aviez un corps serbe
24 qui encerclait la ville; on le voit avec cette ligne rouge. Il défendait la
25 ville de l'avancée serbe. Pour ce faire, en réalité, ils se sont dispersés
26 parmi la population civile. Là encore, c'est une des caractéristiques de
27 ces actions de guerre menées en milieu urbain. C'est difficile à la fois
28 pour l'agresseur, en quelque sorte, et pour le défenseur.
Page 1838
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1839
1 Q. En effet, Monsieur le Général, je ne suis pas du tout militaire, donc
2 je suis sans aucune expérience militaire même, mais parlons des avantages
3 militaires. Est-ce qu'au bout du compte, cela représente un avantage énorme
4 militaire de situer toutes les installations que vous avez et de les, si
5 vous voulez, répandre au milieu des objectifs civils ?
6 R. En un sens, c'est un avantage, parce qu'évidemment cela rend plus
7 difficile pour l'autre de prendre pour cible ces objectifs. Mais vous
8 exposez des civils à des risques plus importants, et c'est quelque chose
9 que les commandants doivent prendre en considération également. Il y a deux
10 éléments ici à prendre en considération. Il y a un avantage et un
11 inconvénient.
12 Q. Monsieur le Général, on peut parler aujourd'hui d'un commandant
13 raisonnable, d'un standard d'un commandant raisonnable. Ma question est la
14 suivante. Qu'est-ce qu'il fait ? Est-ce qu'il baisse les bras ou il
15 continue de défendre ses intérêts, c'est-à-dire de poursuivre ses
16 nécessités militaires ?
17 R. Un commandant raisonnable examinerait sans doute les risques encourus
18 par la population civile et essaierait de les atténuer de manière à éviter
19 que la population civile ne subisse des dommages lorsqu'il se trouve dans
20 un conflit avec une autre force militaire. Au cas où un commandant
21 militaire est confronté à un autre commandant militaire qui s'est disséminé
22 parmi la population civile, ceci rend sa tâche beaucoup plus difficile, et
23 comme je l'ai dit plus tôt, ceci, dans certains cas, l'empêcherait de
24 cibler la partie adverse du fait du potentiel de risques encourus par la
25 population civile.
26 Q. Merci, Monsieur le Général. Je comprends un petit mieux maintenant,
27 donc je suis tout à fait d'accord avec vous. Ce que vous dites lors de
28 votre contre-interrogatoire, je pense, le 5 juillet 2002, dans la procédure
Page 1840
1 contre le général Galic, sur la page 11 238.
2 Je vais le lire. Ce sont vos propres mots :
3 [interprétation] "Comment ciblez-vous quelqu'un qui est entouré de
4 civils ?" Vous avez répondu : "C'est le pire cauchemar pour un soldat."
5 R. Oui, je suis tout à fait d'accord. Oui, je l'ai dit.
6 Q. Maintenant, on va retourner sur notre carte. On va retourner et on va
7 regarder la carte, et vous avez dit tout à l'heure que la ligne rouge, on
8 voit d'après cette ligne rouge que Sarajevo a été encerclée; est-ce vrai ?
9 R. Oui, oui.
10 Q. Mais il y a toute une partie qui se situe à peu près au niveau où il
11 est marqué "102e Brigade", où se situe l'aéroport. Vous voyez cette
12 partie ?
13 R. Oui, oui, je la vois.
14 Q. La partie rouge, là, est coupée.
15 R. Oui, c'est exact.
16 Mme ISAILOVIC : Maintenant, je voudrais aimer avoir sur l'écran la partie -
17 - si vous pouvez juste pointer la partie de l'aéroport pour qu'on puisse
18 remonter un petit peu la carte et qu'on rende cela plus visible, s'il vous
19 plaît. Oui, c'est bon. On remonte encore un petit peu, juste un petit peu.
20 Q. Hier, Monsieur le Général, vous avez marqué plusieurs endroits à l'aide
21 de ce stylet électronique. Maintenant, vous êtes familier, je suppose, avec
22 cet exercice. Si on peut marquer tout d'abord l'aéroport.
23 R. [Le témoin s'exécute]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, excusez-moi un
25 instant. Tout à l'heure, vous avez dit au témoin que la ligne rouge était
26 coupée, et il l'a confirmé. J'aimerais savoir où cela se trouve exactement
27 sur la carte. On pourrait me le montrer ? C'est là que la ligne rouge est
28 coupée ?
Page 1841
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait revenir à l'endroit
2 où nous en étions à la carte tout à l'heure ?
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Alors, où est cette coupure
4 dans la ligne rouge ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Là, il y a un espace où il n'y a pas de ligne,
6 juste ici, à cet endroit. Vous voyez où est le numéro 155 ?
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non. Oui, cela y est, 155.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Là, vous voyez un espace où il n'y a pas de
9 ligne rouge. Il y a un espace entre les deux lignes.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il y a en a plusieurs en
11 réalité, non ?
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors, qu'est-ce que cela veut dire,
14 cette rupture dans la ligne rouge ? Je vous le demande, Général, à vous.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela montre où l'aéroport séparait en réalité
16 les deux factions belligérantes. Il y a là cet endroit où la ville n'était
17 pas complètement encerclée, c'est-à-dire qu'il y avait cet espace qui
18 restait. C'est là, par exemple, que les convois d'approvisionnement
19 parvenaient à la ville, qu'ils pouvaient aller et venir. C'est également
20 comme cela que les Musulmans entraient et sortaient dans la ville, par ce
21 tunnel qui passait sous l'aéroport, et utilisaient ce trou, en quelque
22 sorte, qui partait de cette annotation 155, et après un peu plus loin vers
23 la ville. C'est comme cela qu'ils entraient et sortaient.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup.
25 Madame Isailovic, veuillez poursuivre.
26 Mme ISAILOVIC : Merci.
27 Q. Vous avez abordé vous-même la question de ce tunnel, donc je n'ai plus
28 besoin de vous poser cette question sur son existence. Est-ce que
Page 1842
1 maintenant vous pouvez reprendre l'exercice et entourer l'aéroport, s'il
2 vous plaît ?
3 R. [Le témoin s'exécute]
4 Q. Merci. Mettez, s'il vous plaît, une lettre "A". C'est simple, c'est
5 l'aéroport.
6 R. [Le témoin s'exécute]
7 Q. Maintenant, d'après vos connaissances et d'après vos souvenirs, où se
8 situaient l'entrée et la sortie de ce tunnel qui menait au-dessous de la
9 piste de l'aéroport ?
10 R. Je ne l'ai jamais vu. Enfin, on m'a dit où il se trouvait, où était
11 l'entrée, l'entrée par ici et la sortie par là, à peu près.
12 Q. Disons, des deux côtés, on peut les appeler entrée et sortie. Mais,
13 maintenant, est-ce vrai qu'après la sortie, disons, mais je parle de
14 l'emplacement qui se situe à l'ouest, c'est le territoire contrôlé par
15 l'ABiH ?
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. Monsieur le Général, militairement parlé, c'est une communication assez
18 importante entre les unités qui se trouvent à l'intérieur, disons, de la
19 ligne bleue dont on a parlé tout à l'heure et le territoire, là, qui est
20 couvert par la 104e Brigade et qui mène vers Igman. Ma question : c'est une
21 communication, militairement parlé, assez importante ?
22 R. Oui.
23 Q. D'après vos souvenirs - vous répondez par non si vous n'en avez pas -
24 le territoire après Igman, est-ce que cela a assuré une profondeur assez
25 importante aux unités du 1er Corps, c'est-à-dire de l'ABiH ?
26 R. Je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir compris ce que vous voulez dire
27 par "profondeur".
28 Q. Je voudrais parler, donc c'est une expression militaire. Quand vous
Page 1843
1 avez vos unités - maintenant, je vous donne des leçons, je suis
2 complètement nulle, je le sais, mais j'ai appris cela des manuels
3 militaires - vous êtes plus sûr quand, derrière vos dos, vous avez une
4 profondeur, un territoire assez large, donc c'est un avantage militaire,
5 d'une façon, d'assurer son dos.
6 R. Je pourrais de ce cas effectivement être d'accord avec l'utilisation de
7 ce terme, le terme de "profondeur", mais c'était aussi un cas particulier,
8 c'est-à-dire le cas de la route qui menait à Sarajevo et de Sarajevo. Là,
9 il ne s'agit pas de profondeur, mais il s'agit de route.
10 Q. Justement, parce que là il y avait une route appelée route d'Igman,
11 cette route a été contrôlée par les unités de l'ABiH; est-ce vrai ?
12 R. Oui, effectivement, et cette route était utilisée grandement par les
13 civils musulmans.
14 Q. Par les civils. Est-ce qu'elle était utilisée par les militaires de
15 l'ABiH ?
16 R. Oui, effectivement.
17 Q. Est-ce qu'on peut considérer alors cela comme une cible militaire
18 légitime ?
19 R. Oui, dans la mesure où vous ne tuez pas des civils.
20 Q. On va revenir sur ce problème de distinguer. Maintenant, je vous
21 demande, parce que c'est la même chose qui vous avait été demandée par --
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez y aller.
25 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.
26 Q. On vous a demandé hier de montrer l'emplacement de Lukavica. S'il vous
27 plaît, si vous pouvez mettre un "L".
28 R. [Le témoin s'exécute]
Page 1844
1 Q. Et --
2 R. Pourriez-vous agrandir, zoomer sur cette carte, s'il vous plaît ?
3 Q. Il faut garder tout d'abord, oui. On efface "L", s'il vous plaît, on
4 efface "L", oui mais on a effacé "A" aussi, donc vous reposez "A".
5 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, j'aurais aimé garder cette carte
6 marquée en tant que moyen de preuve et je demande une cote.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. C'est versé au dossier.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D44, Monsieur le
9 Président.
10 Mme ISAILOVIC : Maintenant, il faut effacer tout pour pouvoir manipuler la
11 carte et agrandir un petit peu, mais juste un petit peu.
12 Q. Est-ce que vous voyez mieux maintenant où se situe Lukavica ?
13 R. Oui, je le vois.
14 Q. Pouvez-vous mettre un "L", s'il vous plaît ?
15 R. [Le témoin s'exécute]
16 Q. Maintenant, s'il vous plaît, de mettre un "I" sur Ilidza ?
17 R. [Le témoin s'exécute]
18 Q. Est-ce que vous étiez au courant que le Corps de Romanija, Sarajevo-
19 Romanija dont le commandant était général Milosevic, avait dans sa zone de
20 responsabilité les deux endroits, donc Lukavica et Ilidza ?
21 R. Oui, je le savais.
22 Q. Est-ce que, d'après vos connaissances à l'époque et d'après vos
23 souvenirs, les deux emplacements dont Ilidza et Lukavica communiquaient
24 entre eux ? Comment s'est passée la communication entre l'endroit "I" et
25 l'endroit "L" ?
26 R. Il y avait des moyens de communication entre les deux endroits. Comment
27 le faisaient-ils ? Je ne le sais pas.
28 Q. D'après vous, quelle est à peu près la distance entre les deux
Page 1845
1 endroits ?
2 R. Je dirais entre 5 à 6 kilomètres.
3 Q. Maintenant, si vous pouvez retenir dans votre tête l'emplacement.
4 Mme ISAILOVIC : Parce que j'ai besoin maintenant de la carte originale, de
5 la carte où on voit plus de choses, donc où on voit plus de territoire.
6 Q. Si vous pouvez retenir "L" et "I", parce que cela va être très, très
7 petit.
8 Mme ISAILOVIC : Je vous demande maintenant la carte vierge. On ne garde
9 pas. Je vous prie d'agrandir, oui, donc un petit peu.
10 Q. Maintenant, si ce n'est pas trop difficile de trouver maintenant, de
11 mettre un "L" sur Lukavica et un "I" sur Ilidza, s'il vous plaît.
12 R. [Le témoin s'exécute]
13 Q. Si vous pouvez justement tirer une ligne droite entre les deux.
14 R. [Le témoin s'exécute]
15 Q. Est-ce que, d'après vos connaissances, les unités qui étaient la
16 responsabilité des zones d'Ilidza et de Lukavica pouvaient se déplacer sur
17 cette ligne droite ?
18 R. Je ne me souviens qu'ils le faisaient. C'est peu probable. Je ne me
19 souviens pas de quelle façon ils communiquaient entre les deux entités, les
20 deux endroits.
21 Q. Est-ce que les civils serbes circulaient sur cette ligne droite,
22 d'après vos connaissances ?
23 R. Je ne me souviens pas très bien de tout cela. C'est vrai qu'il y avait
24 des mouvements à travers l'aéroport qui étaient contrôlés par l'ONU, mais
25 je ne me souviens pas vraiment de tous les détails de cette circulation à
26 travers l'aéroport. Cela fait trop longtemps.
27 Q. Monsieur le Général, on a abordé avec un autre témoin ici, M. David
28 Harland - dont le nom vous dit quelque chose, je suppose, parce qu'il était
Page 1846
1 en charge plutôt des questions humanitaires, il était plus au courant de
2 cela peut-être que vous - il nous a parlé d'une route utilisée par les
3 unités, mais aussi par les civils serbes qui sont restés sur le territoire
4 contrôlé par l'armée de Republika Srpska, qui menait du point "I" jusqu'au
5 point "L", tout autour de la ligne rouge représentée sur cette carte. Est-
6 ce que vous-même, vous n'avez jamais entendu parler de cette "route de
7 salut" ou "de vie", appelée comme cela par les Serbes ?
8 R. Je ne me souviens pas de cela.
9 Q. Est-ce que, si M. Harland a raison, une route de cette nature
10 représente une nécessité militaire qu'on doit défendre ?
11 R. Ceci serait effectivement une route importante pour l'armée serbe de
12 pouvoir l'emprunter. Je suis tout à fait d'accord là-dessus.
13 Q. Merci beaucoup.
14 Mme ISAILOVIC : Je demande à M. le Greffier une cote pour garder cette
15 carte.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La pièce est versée.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D45, Monsieur le
18 Président.
19 Mme ISAILOVIC : Maintenant, je demande encore la carte vierge, s'il vous
20 plaît, et qu'on l'agrandisse bien sûr un petit peu pour tout le monde.
21 Q. Monsieur le Général, hier, avec M. le Procureur, vous avez discuté des
22 hauteurs, c'est-à-dire des monts qui se situaient sur cette carte, les uns
23 se trouvant sur le territoire contrôlé par l'ABiH, et les autres sur le
24 territoire contrôlé par l'armée de Republika Srpska. Est-ce que vous vous
25 souvenez de cela ?
26 R. Oui.
27 Q. On a discuté sur Debelo Brdo. Si vous pouvez justement placer une croix
28 sur l'emplacement de Debelo Brdo.
Page 1847
1 R. [Le témoin s'exécute]
2 Q. Hier, vous avez parlé de l'emplacement, et j'appelle cela un
3 chevauchement entre les superpositionnements, plutôt, des unités des
4 parties belligérantes et de la FORPRONU. Est-ce que vous vous souvenez de
5 cela ?
6 R. Je me souviens que les Serbes étaient au sud et que les Musulmans
7 étaient au dessous, là où se trouvaient les positions de l'ONU.
8 Q. Dans le transcript d'hier, cela n'apparaît pas très clairement, et
9 c'est pour cela que je vous repose cette question. Est-ce que les Serbes
10 occupaient Debelo Brdo, ma première question, du tout ?
11 R. Non.
12 Q. Quand vous avez parlé d'une superposition des unités de l'armée de la
13 Republika Srpska, est-ce que vous avez pensé à un autre mont qui était
14 occupé par cette armée et qui se situait aux environs de Debelo Brdo ?
15 R. Je me souviens que c'est surtout l'ONU qui avait le meilleur morceau
16 là-bas puisqu'ils étaient tout en haut. Ensuite, les Musulmans étaient
17 juste au dessous et les Serbes étaient au pied de cette colline, la partie
18 sud. C'est un morceau de terre très important. Tout le monde le convoitait,
19 mais je pense que, franchement, c'est l'ONU qui avait le meilleur morceau
20 de terrain. Mais les deux côtés convoitaient cette colline, cette
21 élévation.
22 Q. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord que - et j'espère qu'on aura
23 l'occasion tous ensemble de voir ce mont - la pente occupée par les unités
24 de l'ABiH et les hauteurs jusqu'aux unités de la FORPRONU donnent une
25 vision assez large et assez confortable de tout ce qui s'est passé à
26 Sarajevo, dans le centre-ville ? Vous avez parlé ici hier de "Sniper
27 Alley".
28 R. Oui, très bonne vision, de très loin.
Page 1848
1 Q. Revenons maintenant à ce mont occupé par les Serbes qui se situait près
2 de Debelo Brdo. Est-ce que vous vous souvenez de son nom ?
3 R. Non.
4 Q. Est-ce que cela vous rafraîchit un petit peu la mémoire si je vous dis
5 Zlatiste ?
6 R. Non, à nouveau, je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas de ce
7 nom.
8 Q. Peu importe le nom. On peut le trouver ailleurs.
9 Est-ce que vous pouvez décrire la position géographique de ce mont
10 dont vous avez parlé hier par rapport à Debelo Brdo et qui était occupé par
11 les unités serbes ?
12 R. Ce dont je me souviens, ce sont des positions occupées par les Serbes.
13 C'est une crête à partir de laquelle on pouvait avoir une bonne vue sur la
14 ville. Elle allait le long de cette ligne rouge qui délimite les positions
15 serbes et qui est au sud, au sud vers l'est.
16 Q. Est-ce qu'on est d'accord que cela se situe encore plus loin du centre-
17 ville que Debelo Brdo ?
18 R. Oui, c'est exact.
19 Q. Est-ce que peut-être le nom Vidikovac vous dit plus ?
20 R. Ce sont des noms que je n'ai pas gardés dans ma mémoire. Je ne m'en
21 souviens pas.
22 Mme ISAILOVIC : Maintenant, je voudrais qu'on voie ensemble -- on ne va pas
23 garder alors cette carte, parce qu'on n'a pas montré grand-chose. La carte
24 vierge, si on peut agrandir la partie où est inscrit "101e Brigade".
25 Q. Maintenant, est-ce que maintenant, Monsieur le Général, vous situez là
26 le mont Mojmilo ? Parce qu'hier, vous avez mis une croix, et maintenant
27 j'aurais aimé - parce que ce mont, c'est en effet une crête assez longue -
28 de montrer par une ligne, Mojmilo.
Page 1849
1 R. [Le témoin s'exécute]
2 Q. Est-ce que vous vous souvenez, quand vous vous étiez rendu à
3 Lukavica, qu'il y avait un mont qui surplombait Lukavica ?
4 R. Je ne me souviens pas.
5 Q. De toute façon, hier vous avez dit que, d'après vos connaissances,
6 Mojmilo, le mont Mojmilo, quelles que soient sa grandeur et sa longueur,
7 était occupé par les unités de l'ABiH ?
8 R. Contrôlé par les Bosniens, oui.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 Mme ISAILOVIC : On ne garde pas non plus cette carte, cette marque. On va
11 vers la carte vierge. Je vous prie maintenant d'agrandir la partie où il
12 est marqué "105e Brigade".
13 Q. Monsieur le Général, hier on a parlé de Sedrenik. Est-ce que vous
14 souvenez de cela ? Est-ce que vous pouvez mettre un "X" sur Sedrenik ?
15 R. Si mes souvenirs sont exacts, c'est à peu près ici. Excusez-moi, c'est
16 ici.
17 Mme ISAILOVIC : Est-ce qu'on peut enlever la croix, la première croix, s'il
18 vous plaît ?
19 Q. Sur Sedrenik, à côté de la croix, mettez un "S", s'il vous plaît.
20 R. [Le témoin s'exécute]
21 Q. Est-ce que, d'après vos connaissances, le toponyme connu comme
22 Sharpstone/Spicasta Stijena était proche de Sedrenik ? Si vous pouvez le
23 montrer sur la carte, s'il vous plaît.
24 R. De mémoire, je dirais que c'est à peu près ici, au nord. Q. Est-ce que
25 vous pouvez mettre "S" -- non pas un "S", mais "S1". Cela représente
26 Spicasta Stijena, Sharpstone. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord que cela
27 se situe à l'intérieur de la ligne bleue ?
28 R. D'après mon meilleur souvenir, oui.
Page 1850
1 Q. De toute façon, dans cette partie de la ville, les lignes entre les
2 deux factions belligérantes étaient assez proches. Est-ce que vous êtes
3 d'accord avec moi ?
4 R. Oui, effectivement, c'est bien le cas.
5 Mme ISAILOVIC : Maintenant, Monsieur le Président, j'aurais aimé garder
6 cette carte marquée.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document sera versé en tant que pièce
9 D46.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander que
11 signifie "bb", en minuscules ? Nous avons "bbr", signifiant brigade, mais
12 "bb", en minuscules, que cela veut-il dire ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Le bataillon. Dans la hiérarchie de
14 l'organisation de l'armée, vous avez un Corps d'armée, une brigade, un
15 bataillon, une compagnie, un peloton et ensuite une section.
16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mon Général, pour faire suite à la
17 question posée par le Président Juge Robinson, au milieu de la carte on
18 peut voir "105.BBR". Est-ce que cela veut dire que c'est l'emplacement de
19 la 105e Brigade bosnienne ? Est-ce que c'est son QG qui est là ? Est-ce que
20 le drapeau est pour cela ici ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous donne lecture de la carte. Cela veut
22 dire que c'est la zone de la 105e Brigade. Apparemment, il y avait un
23 certain nombre de bataillons qui sont placés aussi sur la carte. Le QG se
24 trouverait là où se trouve le drapeau. Mais d'après ce que je sais, je ne
25 peux pas vous dire où se trouvait chaque QG des bataillons des brigades
26 puisque nous ne les visitions pas.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous dire ce
28 que veulent dire les drapeaux, les doubles drapeaux ? Que veulent dire ces
Page 1851
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1852
1 symboles ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous répondre. Je dirais que les
3 drapeaux au niveau d'une zone réservée à un bataillon, que ceci
4 correspondrait au quartier général d'un bataillon. Si vous avez "2BB" et si
5 vous avez un drapeau là - je pense que c'est un 2, donc d'après moi, ce
6 serait le QG du bataillon - et à nouveau je ne suis pas sûr de la lecture
7 de ces cartes. Je ne sais pas comment l'interpréter, vraiment.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
9 Mme ISAILOVIC :
10 Q. Monsieur le Général, juste pour en finir avec cette carte, qu'est-ce
11 que cela signifie ? Par exemple, on a deux symboles là où vous avez mis
12 "S". Cela ressemble à des armes lourdes, où ce n'est pas tourné vers la
13 ligne. Est-ce que dans votre armée vous utilisez ces symboles aussi ?
14 R. Nous utilisons des symboles similaires.
15 Q. Qu'est-ce qu'ils représentent les deux, là, disons, signes comme deux
16 flèches ?
17 R. Je dirais que le premier, celui qui est au-dessous, était un mortier,
18 et celui qui est au-dessus, ce serait un lance-roquettes, quelque chose
19 comme cela, un lance-mortiers.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 Mme ISAILOVIC :
22 Q. Est-ce que si on met cela sur cette carte de travail en tant qu'un
23 commandant, est-ce que cela signifie l'emplacement de ces armes lourdes ?
24 R. En théorie, oui.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il y a une question qui se pose.
26 Cela n'a rien à voir avec la procédure, mais malheureusement nous devons
27 nous en occuper.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
Page 1853
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez continuer.
2 Mme ISAILOVIC : Merci.
3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai voulu attirer
4 l'attention du Juge Harhoff. Ceci ne peut pas être une brigade bosnienne.
5 Cela ne peut être que la 105e Brigade de Montagne ou de Combat, donc en
6 aucun cas bosnienne. C'était juste un petit point d'explication pour le
7 Juge Harhoff, à savoir il s'agit de la 105e Brigade de Combat ou de
8 Montagne.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Maître Tapuskovic.
10 Monsieur Docherty.
11 M. DOCHERTY : [interprétation] Objection, puisque le conseil dépose. Il
12 appartient au témoin de répondre. Si le témoin sait de quoi il s'agit, je
13 veux bien.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez tout à fait raison.
15 Je veux entendre l'explication du témoin.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une question que je dois vous poser
17 tout de même. Est-ce que je dois changer la date de mon départ cet après-
18 midi ? Parce que ceci a été réglé pour cet après-midi.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons parler de cela après la
20 pause.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Mme ISAILOVIC :
23 Q. Avant que la Chambre ne commence à conférer entre eux, on a eu une
24 question très intéressante, parce qu'il s'agissait des emplacements d'un
25 mortier et d'un obusier. Je vous invite peut-être de lire ce qu'il a été
26 dit pour que je ne lise pas moi-même, les réponses de M. le Général, et je
27 vais poursuivre après.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, continuez.
Page 1854
1 Mme ISAILOVIC :
2 Q. Monsieur le Général, maintenant, parce qu'on a placé une croix sur
3 Sedrenik, nous, ici, on a en parlé beaucoup les jours précédents, est-ce
4 qu'on peut se mettre d'accord qu'on a placé -- celui qui l'a placé, il l'a
5 marqué comme cela, ces armes lourdes trop près d'un quartier résidentiel,
6 d'après ce que vous avez appris dans vos écoles canadiennes ?
7 R. On ne peut pas en tirer cette conclusion juste en regardant les
8 symboles sur la carte. C'est un territoire très étendu. Puis, on dirait
9 aussi qu'il y a énormément d'étendues, d'endroits ouverts. Ce qu'il faut
10 vraiment, c'est voir véritablement ces endroits-là plutôt que d'essayer de
11 regarder la carte.
12 Q. Merci.
13 Mme ISAILOVIC : Maintenant, on a gardé, il me semble, cette carte. Si on
14 peut encore avoir la carte d'hier, s'il vous plaît. Maintenant, je vous
15 prie d'agrandir le plus la partie où est inscrit "111e vbbr."
16 Q. Monsieur le Général, hier le Procureur vous a posé la question sur le
17 mont Zuc; est-ce que vous vous souvenez de cela ?
18 R. Oui.
19 Q. D'après vos souvenirs, qui contrôlait ce mont ?
20 R. Les Musulmans.
21 Q. Est-ce que vous voyez là, encore, les symboles ? Est-ce que vous pouvez
22 nous dire, d'après vos connaissances militaires, qu'est-ce que cela peut
23 représenter ?
24 R. On dirait encore un obusier, une espèce d'obusier, qui est juste à côté
25 du "1 bb". On dirait aussi qu'il y a des mitrailleuses.
26 Q. Est-ce que sur cette même carte -- est-ce que vous pouvez déjà apposer
27 un "Z" sur Zuc ?
28 R. [Le témoin s'exécute]
Page 1855
1 Q. Je vous ai demandé Zuc, pas par Hum.
2 R. [Le témoin s'exécute]
3 Q. Là où on a regardé les obusiers, est-ce que c'est cela que vous avez
4 reconnu comme Zuc, hier ?
5 R. Il me le semble.
6 Q. Si vous pouvez maintenant apposer "Zagreb" sur Zuc, parce que là il ne
7 se trouve pas sur Zuc.
8 R. [Le témoin s'exécute]
9 Q. Vous avez identifié un autre mont qui est le mont Hum; est-ce vrai ?
10 R. Tout à fait.
11 Q. Est-ce que vous pouvez remplacer ce "Z" par un "H", s'il vous plaît ?
12 R. [Le témoin s'exécute]
13 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui contrôlait cette hauteur ?
14 R. Les Musulmans contrôlaient toute cette zone.
15 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que toute zone entre "Z" et "H"
16 contient beaucoup de monts, beaucoup de hauteurs ?
17 R. C'est extrêmement escarpé. Il y a beaucoup de collines.
18 Q. Est-ce que toutes ces collines, tous ces monts - parce que Zuc et Hum,
19 d'après ce qu'on peut voir sur la carte c'est assez haut - tournaient vers
20 une partie qui n'est pas aussi haute, aussi montagneuse ? Je parle du
21 territoire contrôlé par l'armée de la Republika Srpska.
22 R. Je me souviens uniquement de ces deux endroits qui dominaient dans
23 cette zone. Mais je ne me souviens pas vraiment ce que surplombait
24 l'endroit qui était au nord-est. Il me semble que les positions serbes
25 étaient un peu plus basses, en effet, étaient en contrebas.
26 Q. Merci beaucoup.
27 Mme ISAILOVIC : Je demanderais aussi une cote pour cette carte marquée.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
Page 1856
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, la pièce peut être versée.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D47.
3 Mme ISAILOVIC : Merci beaucoup.
4 Maintenant, on va passer sur un autre sujet, sur le sujet des tirs
5 embusqués, donc je demande à mon assistante d'afficher la photo marquée qui
6 représente le moyen de preuve accepté hier, P201.
7 Q. Vous vous souvenez, hier, vous avez parlé d'un nid de snipers que vous
8 avez eu l'occasion de visiter avec votre chef, je suppose le général
9 Gobillard à l'époque, donc au printemps 1995 ?
10 R. Oui, c'est exact.
11 Q. Est-ce que vous vous souvenez où se trouvait la ligne de --
12 Mme ISAILOVIC : Excusez-moi, on va attendre un petit peu.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donnez-nous une minute, s'il vous
14 plaît.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre.
17 Mme ISAILOVIC : J'allume le micro, tout d'abord.
18 Q. On revient à cette photo. On s'est mis d'accord que cela représente un
19 nid de snipers, donc que vous avez visité avec le général Gobillard au
20 printemps 1995. Maintenant, est-ce que vous pourriez, Monsieur le Général,
21 nous montrer, si vous vous souvenez de cela, où se situait la ligne de
22 séparation entre le territoire contrôlé par l'ABiH et l'armée de Republika
23 Srpska, sur cette photo ?
24 R. La partie inférieure serait la partie occupée par l'ABiH, et la partie
25 supérieure de la photo, c'est la zone occupée par les Serbes. Je crois que
26 c'est une bonne manière de décrire les choses. La ligne rouge montre la
27 rivière, et au nord de la rivière, il y avait la Bosnie-Herzégovine,
28 l'ABiH, et de l'autre côté les Serbes.
Page 1857
1 Q. La ligne, c'est Miljacka qui sépare les deux factions belligérantes.
2 Maintenant, les quatre tours qu'on voit, donc qui sont les plus proches de
3 nous, est-ce que vous les situez ? Parce que la ligne passe, en effet,
4 couvre les tours, donc coupe les tours aussi.
5 R. Oui, je vois les quatre bâtiments qui sont au nord de la rivière. Il y
6 a un petit derrière, mais ne regardez pas la ligne, évidemment, puisque la
7 ligne est censée marquer la rivière, le lit de la rivière.
8 Mme ISAILOVIC : Là, je vais poser la question à M. le Greffier. Est-ce
9 qu'il est possible, je pense, d'après les leçons qu'on a eues ici, la
10 formation, que c'est possible de marquer sur la même photo ?
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, est-ce que c'est possible ?
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, c'est possible.
13 Mme ISAILOVIC : Je vous demanderais --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty.
15 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, mais est-ce que l'on aura sous sa forme
16 actuelle l'original ou en tout cas la photo marquée, puisque c'est aussi
17 une pièce de l'Accusation ?
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour que tout soit clair, les parties ont
19 la possibilité soit de montrer l'image d'origine sans annotation et d'y
20 apporter des annotations et de la verser ainsi au dossier ou de faire appel
21 à une photo ou à un document déjà annoté et d'y ajouter des annotations. A
22 ce moment-là, le document sera alors enregistré avec les annotations
23 d'origine, plus les nouvelles.
24 M. DOCHERTY : [interprétation] Puisque c'est une pièce de l'Accusation, il
25 me semble que la Défense essaie de la modifier à ce stade. Il y a deux
26 éléments qui figurent sur cette photo pour l'instant, et j'aimerais que
27 l'on parte du début, parce que je crois que nous avons essayé de montrer
28 quelque chose en apportant ces deux annotations seulement, nous essayions
Page 1858
1 d'indiquer quelque chose, et j'aimerais que cette pièce demeure en l'état.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous compris, Madame
3 Isailovic ? L'idée, c'est de présenter votre propre pièce et de ne pas
4 utiliser celle de l'Accusation.
5 Mme ISAILOVIC : Oui, mais, d'après mon sens, à mon sens, l'intérêt --
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais d'un point de vue technique,
7 est-ce que c'est possible ? Est-ce qu'on peut avoir accès à la même pièce,
8 mais sans les annotations ?
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Les parties ont accès avec l'image
11 d'origine sans annotation en faisant référence à la cote de la pièce, si
12 elle a été versée au dossier, bien sûr.
13 Mme ISAILOVIC : C'est le numéro 65 ter 2819.
14 En attendant, juste une question technique au greffier. Est-ce qu'il est
15 possible d'utiliser deux couleurs différentes sur une même photo ?
16 M. DOCHERTY : [interprétation] C'est ce que j'allais suggérer. Si c'est
17 possible, la Défense pourra utiliser de l'encre bleue. Si tel était le cas,
18 cela ne me poserait aucun problème.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors c'est beaucoup de bruit pour
20 rien, n'est-ce pas ? Monsieur le Greffier, oui, effectivement, la Défense
21 peut se servir d'un crayon bleu, oui.
22 Mme ISAILOVIC : C'est tout l'intérêt de cet exercice.
23 Q. Je vous prie, Monsieur le Général, avec le crayon, le stylet bleu,
24 maintenant de tirer cette ligne, mais en évitant les tours, parce que les
25 tours, en effet, se situent de l'autre côté de Miljacka.
26 Mme ISAILOVIC : Entre-temps, mon assistante a fait publier la photo vierge.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur laquelle vous voulez que je dessine ?
28 Mme ISAILOVIC : Ce n'est pas la même photo.
Page 1859
1 Est-ce qu'on peut avoir, parce qu'on va continuer avec cette carte qui est
2 maintenant sur l'écran, mais est-ce qu'on peut avoir la carte marquée, et
3 on va continuer à la marquer à l'encre bleue, s'il vous plaît, donc P201 ?
4 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
5 Mme ISAILOVIC : Excusez-moi, Monsieur le Général. La technique n'est pas le
6 point fort.
7 Q. Maintenant, on a cette image, et je vous prie, avec un stylet bleu, de
8 redessiner près de cette ligne de séparation qui représente Miljacka en
9 évitant les tours.
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. Est-ce qu'on peut soumettre encore une fois que les tours restent sur
12 le territoire contrôlé par l'ABiH ?
13 R. Oui.
14 Q. Aussi, les tours font face au bâtiment de briques rouges que vous avez
15 marqué par une croix.
16 R. Oui, certains.
17 Q. Hier, on a parlé, on a profité de vos connaissances militaires
18 concernant l'utilisation de snipers dans la ville et en général. Tout
19 d'abord, j'aurais aimé que, pour notre utilisation d'aujourd'hui, on se
20 mette d'accord sur la notion de sniper, pour qu'on pense tous à la même
21 chose. Quand on dit "sniper", vous pensez à quoi exactement ?
22 R. Un homme, une personne en tout cas, un tireur très spécialisé avec de
23 très grandes compétences et qui sait se déplacer de manière très
24 intelligente sans se faire repérer et que ses cibles sont d'une valeur très
25 élevée. C'est pour cela qu'on veut pouvoir être en mesure de l'utiliser
26 pour, bien entendu, faire fruit de ses compétences.
27 Q. Maintenant, quand on parle de fusil sniper, est-ce que là aussi on peut
28 se mettre d'accord sur la notion qu'on utilise aujourd'hui, donc l'arme
Page 1860
1 utilisée par ce militant de haute qualité ?
2 R. Normalement, oui, c'est cela.
3 Mme ISAILOVIC : Excusez-moi, il faut que je révise ma question, parce que
4 ce n'est pas cela du tout. Je vois.
5 Q. Tout ce qui m'intéresse, c'est la définition de ce "sniper rifle".
6 R. Les tireurs isolés choisissent leurs armes en fonction de la portée de
7 ces armes, bien sûr en fonction de la distance entre eux et la cible et de
8 l'objectif qui est le leur. La plupart ont des visées télescopiques et ils
9 peuvent utiliser des armes de différents calibres au moment, évidemment, où
10 ils savent ce qu'ils veulent faire; fort calibre pour des cibles qui se
11 situent à une distance plus importante, et peut-être des armes de plus
12 petit calibre lorsque des cibles sont plus proches et pour pouvoir la
13 transporter également facilement. Ils choisissent différents types d'armes
14 en fonction de ce qu'ils veulent faire.
15 Les Français, par exemple, avaient des armes de certains calibres, 0,5,
16 donc des armes très importantes en taille. Puis, je crois qu'ils avaient
17 d'autres types d'armes également de calibre 7,62 millimètres.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire la pause, Madame
19 Isailovic.
20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 16.
21 --- L'audience est reprise à 12 heures 39.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez continuer.
23 Je voudrais dire aux parties que je ne suis pas content du progrès que l'on
24 fait en l'espèce. Nous avons fixé des limites en ce qui concerne les temps,
25 et il faudrait se plier aux évaluations qui sont prévues, les évaluations
26 par rapport au temps prévu pour les interrogatoires. Nous avons eu deux
27 heures de prévues pour ce témoin. Le principal a duré six heures 40
28 minutes, et les évaluations que nous avons faites pour la présentation des
Page 1861
1 moyens en l'espèce ont été basées justement sur ces évaluations qui nous
2 sont données au cas par cas.
3 Je m'attends à ce qu'il y ait plus de rigueur, plus de discipline
4 quand il s'agit de se plier à ces contraintes. Je vais commencer en
5 m'adressant à la Défense puisque vous êtes debout, Maître Isailovic.
6 Essayez de faire un effort par rapport à votre contre-interrogatoire.
7 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, je pense que le temps pour la
8 Défense est dicté un petit peu par le temps utilisé pour l'interrogatoire
9 en chef. Est-ce que j'aurai à peu près -- parce que moi, si vous voulez, en
10 fonction de se qui se passe dans l'interrogatoire principal, je prépare mon
11 contre-interrogatoire.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'une façon générale, Maître
13 Isailovic et Maître Tapuskovic, je dois dire que vous avez bénéficié de
14 plus de temps que le Procureur. J'ai demandé de compter le temps passé, et
15 cela montre que la Défense a passé plus de temps à contre-interroger que le
16 Procureur n'a passé à poser ses questions dans le cadre de l'interrogatoire
17 principal, et c'est un avantage bien clair.
18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce que je peux m'adresser à vous,
19 Monsieur le Président ?
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.
21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Un témoin était là, il a été interrogé par
22 le Procureur pendant trois jours. J'ai réussi à circonscrire mon
23 interrogatoire en un seul jour, alors que j'aurais pu passer trois journées
24 à l'interroger. Je me souviens très bien de ce cas précis. Le Procureur a
25 passé trois journées à interroger ce témoin; j'en ai passé une. Nous
26 faisons tous les efforts possibles et imaginables.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je m'en souviens. J'ai inclus
28 ce cas dans ces exemples que j'ai donnés où j'ai parlé des six heures 45
Page 1862
1 minutes passées pour l'interrogatoire principal.
2 Est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps le Procureur a-t-il mis
3 pour interroger au principal ce témoin ?
4 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons recevoir cela, mais en
6 attendant, on va continuer. Vous allez aussi nous dire combien de temps a
7 passé Me Isailovic à interroger ce témoin, le témoin qui est ici.
8 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, juste avant de commencer, je pense
9 que votre compte, là, du temps, peut-être peut s'expliquer par l'article 92
10 ter, parce que cet article du Règlement permet à l'Accusation d'introduire
11 comme déjà des preuves, les déclarations sur lesquelles il a mis un certain
12 temps. A mon sens, le temps qu'on utilise doit dépasser le temps octroyé au
13 Procureur pour les témoins qui sont introduits en vertu de l'article 92.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout à fait, tout à fait. Vous avez
15 tout à fait raison puisqu'ils utilisent les déclarations préalables, c'est
16 une façon plus brève, un modèle plus bref de présenter ses moyens. Je
17 prends en compte cela. Je vous dis cela parce que je ne me réfère pas
18 seulement à la Défense. Je ne veux pas être injuste. Mais un contre-
19 interrogatoire, pour qu'il soit valable, doit être concis et doit être au
20 point.
21 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Maintenant, à nous. On a cette photo devant nous, et je vous demande
23 maintenant de regarder le bâtiment sur lequel vous avez mis une croix et je
24 vous pose la question : est-ce que j'ai raison de dire que ce bâtiment se
25 trouve tout près de la ligne de confrontation entre les deux parties
26 belligérantes ?
27 R. Oui, c'est exact.
28 Q. Est-ce que, Monsieur le Général, dans les conditions urbaines, quand on
Page 1863
1 mène une guerre au sein d'une ville, au sein d'un territoire, dans ce mont
2 peuplé et bâti, les bâtiments qui se trouvent sur les frontières
3 représentent à peu près la même chose que les tranchées sur un champ ?
4 R. Chacun de ces bâtiments sur cette image représente une tranchée, chaque
5 bâtiment.
6 Q. Est-ce qu'il est légitime pour la partie qui défend le territoire qui
7 se trouve derrière cette tranchée - imaginez ce bâtiment - de défendre son
8 territoire et d'utiliser, par exemple, ce bâtiment en tant qu'un endroit où
9 il place ses armes, ses positions ?
10 R. Dans ce cas particulier, oui.
11 Q. Maintenant, revenons à vos souvenirs sur ce nid de snipers. Vous avez
12 parlé des trous dans les murs; est-ce vrai ?
13 R. C'est exact, c'est exact. Il y avait des trous, des tout petits trous
14 qui perçaient les murs.
15 Q. Il y avait aussi des sacs de sable.
16 R. Oui, c'est exact.
17 Q. A votre sens, et d'après vos expériences militaires, à quoi servent ces
18 sacs de sable ?
19 R. Ils pourraient être utilisés pour une sorte de protection, pour
20 s'approcher des trous, ou ils pourraient être utilisés pour supporter les
21 autres armes, c'est-à-dire vous mettre dessus et mettre les armes dessus,
22 donc usages multiples.
23 Q. Est-ce que les trous que vous avez pu constater lors de votre visite
24 rendue avec le général Gobillard à ce bâtiment seraient les mêmes dans le
25 cas qu'on place les armes avec des mécanismes optiques ou sans mécanisme
26 optique ?
27 R. Oui. Un trou, c'est un trou. Vous pouvez faire percer ce que vous
28 voulez d'un trou avec ou sans viseur.
Page 1864
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1865
1 Q. Est-ce que j'ai raison d'avancer qu'il n'y a pas de rapport de cause à
2 effet entre un trou et l'utilisation de sniper dans le sens qu'on l'a
3 défini aujourd'hui ?
4 R. Le fait qu'il y ait un trou ne veut pas indiquer forcément que c'est un
5 sniper qui va l'utiliser; ceci indique que c'est peut-être une position,
6 une position potentielle qui peut être utilisée comme une position de tir
7 et peut-être qu'on peut tirer à partir de ce trou.
8 Q. Un simple tireur qui est, disons, participant à une des unités de
9 l'armée de Republika Srpska, s'il voulait tirer par un simple fusil,
10 utiliserait les mêmes trous ?
11 R. Oui, effectivement.
12 Q. D'une autre manière présentée, l'existence de ces trous et de ces sacs
13 de sable n'implique pas forcément l'utilisation par des tireurs d'élite de
14 cet endroit ?
15 R. Ceci implique que quelqu'un sous-entend que quelqu'un a utilisé cet
16 endroit pour autre chose que ce à quoi cela était destiné au début, parce
17 qu'une meurtrière, si vous voulez, un trou, une meurtrière a une
18 utilisation militaire, c'est-à-dire qu'on peut l'utiliser pour tirer à
19 partir de cet endroit, et les sacs de sable sont habituellement utilisés
20 pour rendre ces tirs plus efficaces.
21 Q. Vous dites pour rendre ces tirs plus efficaces. Est-ce que vous pensez
22 là sur les tirs d'un fusil et/ou sur les tirs d'un sniper dans le sens
23 qu'on a utilisé aujourd'hui ?
24 R. Je ne fais pas beaucoup de différence entre un fusil et un fusil à
25 lunette, parce que l'effet est le même à partir du moment où vous tirez sur
26 les cibles. Les sacs de sable ou positions que j'ai vues auraient rendu la
27 tâche plus faisable, plus facile pour quelqu'un qui voudrait tirer sur une
28 cible.
Page 1866
1 Q. Maintenant, tout à l'heure on a parlé que ces bâtiments qui se
2 trouvaient sur la ligne de confrontation. On peut les assimiler aux
3 tranchées sur un champ. Maintenant, je vais vous poser la question
4 concernant le tir, le tir lui-même et l'impact sur un objet sur lequel on
5 tire ou sur lequel ce tir s'est arrêté.
6 Est-ce qu'il y a des différences sur, par exemple, l'objet sur lequel on a
7 tiré ? Est-ce qu'il y a des différences entre le simple fusil et le fusil
8 avec le mécanisme optique ?
9 R. L'impact sur une cible -- si vous tirez sur un soldat, vous allez avoir
10 un certain impact. Si vous tirez sur un civil, l'impact sera différent.
11 Puisque là, il va y avoir un impact psychologique, si j'ai bien compris
12 votre question. Non ? Ce n'est pas cela. Bien.
13 Q. Je pensais à l'impact physique. La balle touche un objet ou, disons,
14 une personne, ce qui est tragique, mais bon, cela est arrivé. Est-ce qu'on
15 peut faire la différence et dire, se prononcer si c'est tiré avec un simple
16 fusil ou avec un fusil avec le mécanisme optique ?
17 R. Quand on examine l'impact d'un tir, vous pouvez déterminer quel est le
18 type de fusil utilisé. Vous ne pouvez pas dire si ce fusil a été muni d'une
19 lunette ou non, puisque c'est toujours le même fusil dans la plupart des
20 cas. C'est tout simplement que l'on vise, que l'on tire de façon plus
21 juste, plus précise. J'ai vu des soldats tirer pendant 26 années, et vous
22 avez des gens qui sont tout à fait capables de tirer avec précision avec un
23 fusil simple.
24 Q. Maintenant, si on revient sur notre photo, on voit les quatre tours qui
25 font face à la frontière, disons, qui est représentée par Miljacka. Est-ce
26 que ces tours auraient une position avantageuse par rapport aux unités qui
27 se trouvent en face et qui défendent le territoire de l'ABiH ?
28 R. Oui, ceci représenterait une position potentiellement intéressante pour
Page 1867
1 l'autre côté.
2 Q. Par exemple - c'est une question qui fait appel à vos connaissances et
3 à votre expérience - s'il y avait une fusillade entre eux, disons les deux,
4 par exemple, entre les tours et les bâtiments qui se trouvent de l'autre
5 côté, est-ce qu'il pourrait arriver que les cibles civiles qui se trouvent
6 entre les deux soient touchées, mais par inadvertance ?
7 R. C'est possible, mais peu probable.
8 Q. Pourquoi vous dites cela, que c'est "peu probable" ?
9 R. Si l'on parle de tireurs embusqués, les tireurs embusqués sont des
10 tireurs professionnels très habiles. Ils vont prendre du temps pour cibler
11 la cible. S'il s'agit d'une cible militaire, il est peu probable qu'ils la
12 ratent. C'est pour cela qu'ils s'appellent des tireurs embusqués et c'est
13 pour cela qu'ils sont aussi bons. Même quelqu'un qui tire d'un fusil
14 simple, en général il va y avoir quand même une période de visée et avant
15 de tirer on va respecter, prendre en compte ces critères d'un tir. Comme
16 j'ai dit hier, j'ai vu des soldats même à Sarajevo, et je pense qu'il est
17 fort peu probable que l'on tire sur quelqu'un sans vouloir vraiment tirer
18 sur quelqu'un.
19 Q. Monsieur le Général, dans un espace comme-ci sur la photo, est-ce qu'il
20 y a une forte probabilité de ricocher ?
21 R. Les ricochets sont fort probables, oui.
22 Mme ISAILOVIC : Maintenant, je demande à mon assistante la photo numéro 65
23 ter 2819, s'il vous plaît.
24 Excusez-moi, je voudrais bien garder cette carte en tant que moyen de
25 preuve, et je demande à M. le Greffier une cote.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, cette pièce est versée.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce à conviction D48.
28 Mme ISAILOVIC : Donc on peut passer maintenant à la photo suivante.
Page 1868
1 Q. On va voir, Monsieur le Général, sur cette photo, une vue différente.
2 Mais je pense que vous êtes familier avec cela parce qu'on va voir, oui, le
3 secteur de l'hôtel Holiday Inn.
4 Maintenant, tout d'abord, est-ce que vous pouvez situer là aussi la ligne
5 de confrontation, de séparation entre les deux factions belligérantes, s'il
6 vous plaît ?
7 R. [Le témoin s'exécute]
8 Ceci suit la rivière. Je ne veux pas dessiner entre les bâtiments, mais
9 comme vous pouvez voir, cette ligne rouge va derrière le bâtiment qui est
10 là, donc la ligne suit la rivière.
11 Q. Maintenant, Monsieur le Général, est-ce que vous pouvez repérer là ce
12 que vous avez appelé hier l'"allée de snipers" ?
13 R. [Le témoin s'exécute]
14 Q. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord qu'il y a entre cette allée et la
15 ligne de confrontation toute une bande assez bâtie du territoire contrôlé
16 par l'ABiH ?
17 R. Oui, c'est exact.
18 Q. Maintenant, est-ce que vous savez, les tours qui dominent, donc qui
19 sont un petit peu au fond, est-ce que vous êtes à même de les reconnaître
20 et de les nommer ?
21 R. Ces deux tours s'appelaient les tours Unis. Ici, c'est l'Holiday Inn,
22 et je ne me souviens pas du nom de cette tour-ci.
23 Q. Est-ce que vous vous souvenez du bâtiment de l'assemblée ?
24 R. Oui, il est ici.
25 Q. Cette tour qui est entre, disons, Holiday Inn et l'assemblée, est-ce
26 que vous savez, oui, est-ce que vous connaissez sa destination ?
27 R. Non, je ne m'en souviens pas.
28 Mme ISAILOVIC : Maintenant, pour l'instant je veux garder cette photo aussi
Page 1869
1 marquée. Peut-être que je vais revenir, mais tout d'abord j'aurais aimé
2 présenter au témoin une partie de sa déclaration donnée en 1997.
3 Est-ce que je peux avoir une cote, s'il vous plaît ?
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce D49, Monsieur le Président.
6 Mme ISAILOVIC : Maintenant je demande à mon assistante qu'elle affiche la
7 pièce DD00-0522. On va à la page 11. Tout d'abord, peut-être la première
8 page.
9 Q. Monsieur le Témoin, là c'est la première page de votre déclaration.
10 Est-ce que vous vous souvenez du moment où vous avez donné cette
11 déclaration au bureau du Procureur de ce Tribunal ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous reconnaissez votre signature ?
14 R. Oui.
15 Mme ISAILOVIC : Maintenant, si on peut aller à la page 11. Je m'excuse
16 parce qu'on a pas trouvé cette déclaration dans le e-court et on a scanné
17 mon exemplaire, donc ne tenez pas compte de cela. Maintenant, vous voyez,
18 j'ai mis le paragraphe 72.
19 Q. Est-ce que vous pouvez relire ? Justement, je vais vous poser quelques
20 questions.
21 R. C'est bon.
22 Q. On peut quitter la déclaration et revenir à la photo marquée qui est
23 maintenant D49.
24 Maintenant, Monsieur le Général, vous avez eu l'occasion de lire votre
25 déclaration. Est-ce que vous êtes toujours d'accord avec ce qui est inscrit
26 là-dedans ?
27 R. Oui.
28 Q. Maintenant, je vous prie de nous montrer les bâtiments que vous avez
Page 1870
1 signalés dans votre déclaration comme les lieux utilisés par l'ABiH comme
2 des positions de snipers.
3 R. Comme j'ai dit dans la déclaration plus tôt, ils utilisaient le
4 bâtiment de l'assemblée ainsi que les tours Unis. Ce sont les rapports qui
5 nous sont parvenus.
6 Q. Est-ce que c'est possible techniquement de mettre maintenant des croix,
7 pardon, des cercles autour du "A" et "U" avec le stylet bleu, s'il vous
8 plaît ?
9 R. [Le témoin s'exécute]
10 Q. Monsieur le Général, est-ce qu'on peut se mettre d'accord que ces deux
11 bâtiments et la destination qu'ils ont eue pendant le conflit donnent une
12 position assez grande pour voir "l'allée de snipers" ? C'est le nom que
13 vous avez utilisé.
14 R. Oui, ce sont de bonnes positions.
15 Q. Par rapport, disons, aux civils ou au tramway qui passe, est-ce que ce
16 sont des bonnes positions pour tirer sur ces cibles ?
17 R. Peut-être, oui, cela se peut.
18 Q. Est-ce que les résultats de vos investigations pendant votre mandat que
19 vous avez effectué à Sarajevo ont montré qu'il y avait d'autres
20 emplacements de snipers le long de cette rue, Zmaja od Bosne, que vous avez
21 appelée "allée de snipers" ?
22 R. De quel côté est-ce qu'on parle ? Du côté nord de la rivière ou du côté
23 sud de la rivière ?
24 Q. Je parle du côté nord de la rivière.
25 R. Potentiellement, oui.
26 Q. Est-ce que vous pourriez peut-être vous souvenir de ces autres
27 endroits, emplacements ?
28 R. Chaque bâtiment. Mais cela dit, on n'avait pas vraiment d'information à
Page 1871
1 ce propos. Je n'ai entendu parler que d'un seul cas où les Musulmans,
2 semble-t-il, étaient en train de tirer sur leur propre peuple. Je n'ai pas
3 entendu parler d'autres positions le long de "Sniper's Alley" qui auraient
4 pu être employées par les Musulmans pour tirer sur cette route-là, des
5 bâtiments, cela dit.
6 Q. De l'autre côté, vous ne pouvez pas exclure l'utilisation d'autres
7 bâtiments en tant que positions de snipers ?
8 R. Non.
9 Mme ISAILOVIC : Maintenant, je voudrais garder tout d'abord cette photo en
10 tant que preuve. Je demande une cote, s'il vous plaît.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La pièce sera admise.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D50.
13 Mme ISAILOVIC : Maintenant, je demande à mon assistante, qu'on voie sur
14 l'écran le document 65 ter 1904.
15 Non, non. Excusez-moi, je me suis trompée, donc 65 ter 1917.
16 Q. Vous vous souvenez, hier, M. le Procureur vous a montré ce document.
17 R. Oui, je me souviens de l'avoir vu.
18 Q. Est-ce que, Monsieur le Général, vous vous rappelez peut-être de la
19 date où on a commencé à parler de M. le Général Milosevic en tant que
20 commandant du Corps de Sarajevo-Romanija, à peu près ?
21 R. C'était au début de mon mandat. Je ne me souviens plus très bien de la
22 date. Mais je me souviens qu'il faisait aussi partie du corps avant cela,
23 d'ailleurs.
24 Q. Mais vous ne vous souvenez pas de la date où il a agi, entrant dans sa
25 fonction du commandant de ce corps ?
26 R. Non, pas exactement. C'était en mai ou juin. Je ne me souviens pas
27 exactement du moment.
28 Q. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord que la date de ce document est le
Page 1872
1 25 juin 1994 ?
2 R. Oui, tout à fait.
3 Q. Est-ce qu'on peut lire sur la première page - je vous invite donc à
4 lire et je vais vous poser la question - on constate que les activités de
5 snipers des deux côtés ont augmenté, et cela, dans la partie sud et ouest
6 de Sarajevo, ensuite Grbavica, Dobrinja [phon].
7 R. Tout à fait.
8 Q. Qu'on dit à la suite que le chiffre "average number" se situe autour de
9 10 par semaine, y inclus civils et militaires ?
10 R. C'est exactement ce qui est écrit, en effet.
11 Q. Que la situation est propre à escaler ?
12 R. Oui.
13 Q. La date de ce document est bien le 25 juin 1994 ?
14 Mme ISAILOVIC : Je demande maintenant la pièce 65 ter 1973.
15 C'est le document 1973, 65 ter, qui était admis comme "exhibit" du
16 Procureur 206. Le voilà. C'est le texte d'"Anti-Sniping Agreement".
17 Q. Je vous invite maintenant à lire la date de ce document.
18 R. Oui, c'est en date du 14 août 1994.
19 Q. S'il vous plaît, les signatures sur cet acte ?
20 R. Oui, c'est signé par Karavelic, Milosevic, Rose et Viktor Andreev en
21 date du 14 août 1994.
22 Q. Maintenant, je vais faire appel encore à vos connaissances lors de
23 votre séjour à Sarajevo, pour nous expliquer, parce que là il s'agit d'un
24 "agreement". Comme dans tous les actes, on utilise des notions pour le but
25 de cet acte et après en faisant l'interprétation de cet acte, de son
26 application, on a toujours recours à la notion que les parties
27 envisageaient en signant l'acte.
28 Ce qui m'intéresse dans cet acte : la notion exacte de "sniper".
Page 1873
1 R. Enfin, c'est surtout des activités de "sniping", et non pas des
2 activités d'un "sniper". Ce n'est pas le tireur embusqué mais ce sont les
3 activités de tirs embusqués. C'est un petit peu différent.
4 Q. Est-ce que, Monsieur le Général, d'après vos souvenirs, on a voulu par
5 cet acte supprimer tous les tirs directs provenant des fusils ou uniquement
6 les tirs provenant de ces mêmes fusils, mais qui sont, en quelque sorte,
7 enrichis, disons, entre guillemets, par un mécanisme optique ?
8 R. L'intention de cet accord, c'était que les deux parties arrêtent de se
9 tirer dessus, de se tirer dessus en tirs embusqués, donc on prenait en
10 compte la fusil à lunette, mais cela ne prenait pas uniquement cela.
11 L'intention, c'est que l'on arrête de tirer -- pas sur les autres.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty.
13 M. DOCHERTY : [interprétation] Je suis désolé d'arrêter, d'interrompre les
14 questions du général et Mme Isailovic. Je sais que le général Fraser aurait
15 vraiment voulu rentrer au Canada avant le week-end. Je ne sais pas si cela
16 va être possible, mais je tiens à dire à la Chambre dès maintenant que je
17 n'aurai pas de questions supplémentaires à poser au témoin. Je ne sais pas
18 du tout si le Juge Mindua doit se rendre à l'autre procès cet après-midi.
19 Je sais, en revanche, que ce prétoire sera vide cet après-midi, alors je ne
20 sais pas si on pourrait peut-être poursuivre. Ce serait quand même utile.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, combien de temps
22 vous faut-il encore ?
23 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, là j'ai vraiment encore beaucoup de
24 choses à aborder avec ce témoin, pardon, qui, à mes yeux, est très, très
25 important pour la Chambre. Là, je me trouve dans une
26 situation peu commode, parce que maintenant, à l'instant où j'ai commencé
27 mon contre-interrogatoire, il faut que je le coupe pour -- et de toute
28 façon, je comprends tout à fait le souhait de M. le Général, alors que M.
Page 1874
1 Docherty, quand même, peut-être il fallait penser avant, parce que j'aurais
2 raccourci et j'aurais, si vous voulez, ajusté mon contre-interrogatoire en
3 fonction de la durée de l'interrogatoire en chef.
4 Là, vraiment, on me met dans une situation peu commode. J'aurais aimé
5 vraiment être agréable à M. le Général, mais, de l'autre côté, pour moi
6 l'impératif c'est la défense des intérêts de mon client. Là, à l'occasion,
7 il se trouve à l'opposition, alors je préfère les intérêts de la défense de
8 M. le général Milosevic.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Savez-vous quand le général devait
11 reprendre son avion ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je devais partir à 15 heures 30 cet après-
13 midi. C'est l'heure du départ de mon vol.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous ne serez jamais arrivé à
15 l'heure à Shripol [phon]. Il est déjà 13 heures 30.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'en doutais.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur, quel est le vol suivant ?
18 Quel est le vol suivant que vous pourriez prendre ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sera demain. Demain, il faudrait que vos
20 équipes puissent me trouver une place à bord d'un autre avion, l'avion de
21 demain.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes un temoin essentiel. Ce
23 que vous avez dit est très important pour la Défense.
24 Mais je tiens vraiment à savoir de combien de temps vous avez encore
25 besoin, Madame Isailovic, parce que je ne tiens pas à ce que vous pensiez
26 que vous pouvez poursuivre à l'infini. Cela n'est pas autorisé.
27 Mme ISAILOVIC : Non, non, pas du tout. J'aurais aimé utiliser le temps égal
28 à celui utilisé par le Procureur, peut-être diminué pour moi --
Page 1875
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes bien déjà rendue au-delà.
2 Je ne pense pas que cela soit une référence pour l'instant que vous
3 puissiez utiliser. Je n'applique pas les horaires de façon mécanique. Je
4 demande, dites-nous juste de combien de temps vous avez encore besoin.
5 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, il faut que je finisse maintenant
6 avec le sniping, quelques questions, un document et quelques questions
7 supplémentaires, et après j'ai voulu aborder encore deux thèmes. Mais,
8 c'est à vous à qui appartient la décision, donc je vais me conformer à
9 cela, mais je ne pense pas que j'ai utilisé plus de temps que le Procureur
10 pour ce témoin.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si, si. C'est le cas.
12 Mme ISAILOVIC : -- passe vite, alors.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Tout à fait, tout à fait, parce
14 qu'une heure 50 [comme interprété] d'interrogatoire principal, et quand on
15 est revenu cet après-midi on avait déjà plus d'une heure et 44 minutes, et
16 ensuite, quand on est revenu de la dernière pause.
17 Je ne pense pas que nous pourrons poursuivre après 13 heures 45, car
18 il me semble qu'une décision vient d'être prise pour que tout le personnel
19 du TPI puisse partir à 14 heures. Mais admettons que l'on puisse rester
20 encore une demi-heure, ce qui nous fera aller jusqu'à 14 heures 15. Je
21 pense que 14 heures 15, c'est la grande limite que je puisse vous accorder,
22 rien de plus.
23 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.
24 Je demanderais maintenant à mon assistante qu'elle affiche le
25 document 65 ter 02011 --
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Soyons clair, vous pouvez très bien
27 vous arrêter avant 14 heures 15, bien sûr, le cas échéant. C'est juste la
28 date butoir, l'heure de fin, c'est tout.
Page 1876
1 Mme ISAILOVIC : J'ai compris.
2 Qu'on aille à la troisième page.
3 Q. Monsieur le Général, il s'agit du document que vous avez vu avec
4 le Procureur hier, d'une "évaluation des résultats". Cette évaluation a été
5 faite au 15 septembre 1994, on est bien d'accord, un mois après l'entrée en
6 vigueur de l'"Anti-Sniping Agreement" ?
7 R. [aucune interprétation]
8 Q. Maintenant, je vous invite à lire. Vous pouvez lire tout cela, donc
9 l'évaluation. Justement, il est inscrit dans le deuxième paragraphe que le
10 souhait, c'est de ramener le chiffre de tirs à zéro, et on donne quelques
11 raisons pour que cela se montre presque impossible. On parle dans la ligne
12 avant-dernière "provocation shots".
13 [interprétation] "Le problème, c'est qu'il y a maintenant de plus en
14 plus de victimes de balles perdues à cause des échanges de tir qui
15 augmentent sur la ligne de confrontation qui sont près des zones
16 résidentielles, près de zones habitées."
17 [en français] Est-ce qu'on est d'accord que ce problème de "lost bullets" a
18 existé tout le temps lors du conflit ?
19 R. Oui, effectivement, ceci était un problème.
20 Q. Maintenant, je vais passer rapidement à une autre question.
21 Justement, on a parlé hier des équipes "antisniping". Est-ce que vous
22 vous souvenez de cela ?
23 R. Oui.
24 Q. Dans votre déclaration -- peut-être on pourrait voir cette partie de
25 votre déclaration. C'est le document DD00-0522, page 14 et le paragraphe
26 94. Est-ce que, s'il vous plaît, vous pouvez lire rapidement ce passage ?
27 Vous parlez ici d'un problème, à mon sens, avec les enquêtes menées par
28 les OMNU. C'est cela parce qu'elles n'étaient pas très fiables pour votre
Page 1877
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 1878
1 secteur ?
2 R. Cela dépendait du pays auquel vous aviez affaire. En général, les
3 secteurs ne se faisaient pas confiances aux OMNU. En général, on faisait
4 appel à nos propres hommes.
5 Q. Est-ce qu'après toutes les informations, votre secteur établissait son
6 propre rapport sur un incident concret ?
7 R. Le secteur était assez rigoureux dans la préparation de rapports sur
8 tout ce qui faisait l'objet d'enquête. Les Français étaient très bons la
9 dedans. Ils rédigeaient beaucoup de rapports et ils les transmettaient aux
10 autorités compétentes.
11 Mme ISAILOVIC : Je voudrais maintenant voir le document DD00-0581. La
12 première page. J'ai voulu vous montrer justement le rapport sur une
13 investigation menée par le secteur et par les OMNU, mais on a encore --
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document que j'ai, sous la cote DD00-
15 0581, est un document de trois pages, mais les trois pages sont vides,
16 vierges.
17 Mme ISAILOVIC : Pourtant, on a fait le nécessaire pour l'avoir sur e-court.
18 Alors, on va passer au document DD00-0575. C'est un document en français.
19 Q. Est-ce que cela vous pose problème ?
20 R. Je vais le lire et je vais vous dire si c'est un problème ou pas.
21 Q. Ces deux documents, donc le premier qui n'est pas entré malheureusement
22 dans le système et l'autre allaient ensemble dans le sens que -- est-ce que
23 vous pouvez voir, justement nous indiquer la nature du document qu'on
24 voit ?
25 R. Il semble que ce soit la synthèse d'incident qui ait eu lieu le 4
26 septembre 1994. Sharpe semble être l'auteur de ce rapport. Il y a une
27 présentation chronologique de 10 heures 37 à 10 heures 45, semble-t-il,
28 faisant état de ce qui s'est passé avec deux tirs.
Page 1879
1 Q. Est-ce qu'on est d'accord que là, les chiffres représentent le temps,
2 10 heures 37, 10 heures 40 ?
3 R. Oui, oui, c'est cela, c'est l'heure, effectivement, l'heure à laquelle
4 telle ou telle chose, ces choses qui sont d'ailleurs expliquées dans le
5 rapport se sont produites.
6 Mme ISAILOVIC : Maintenant, j'aurais aimé voir la page 2 du document.
7 Q. Juste à 19 heures 30, est-ce que vous êtes à même de lire cela ?
8 R. Oui, je crois qu'il est dit qu'ils ont eu des contacts avec l'officier
9 de liaison de l'ABiH, 105e Brigade, position occupée, après l'enquête, et
10 cetera.
11 Q. Le paragraphe suivant, il est signalé comme le lieu de provenance des
12 tirs ?
13 R. Oui, je pense que ce qu'il est dit ici, c'est qu'il y a eu une
14 mitrailleuse B-50 qui a tiré sur une position BSA située à Orlovac, en
15 93256256 [comme interprété]. C'est ce qui est dit, je crois.
16 Mme ISAILOVIC : Si on peut voir la troisième page.
17 Q. Est-ce que vous pouvez lire ce qui est arrivé à 15 heures ?
18 R. Peut-être que j'ai tort, mais ils ont identifié trois bâtiments, un
19 groupe de trois bâtiments à 200 mètres au nord. Ils ont identifié ces
20 endroits comme étant ce qu'ils pensaient être l'origine des tirs.
21 Q. Est-ce que ce nom Breka vous dit quelque chose, ou pas du tout ?
22 R. Non, rien.
23 Mme ISAILOVIC : Parce que malheureusement, le point serait un document
24 qu'on n'a pas essayé d'introduire dans le système, donc c'est cela la
25 technique. Je l'ai en "hard copy", mais bon, parce qu'on est un petit peu
26 court avec le temps.
27 Pour l'instant, je vais demander une cote pour ce document, s'il vous
28 plaît.
Page 1880
1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Quel document, excusez-moi ?
3 Mme ISAILOVIC : Le document DD00-0575.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci sera versé au dossier en tant que
5 pièce D51, Monsieur le Président.
6 Mme ISAILOVIC : Maintenant, une toute dernière question concernant les tirs
7 embusqués. On peut commencer déjà par affichage du document 65 ter 428. En
8 attendant, je vais vous poser quelques questions.
9 Q. Déjà, il m'intéresse, ce nom de la rue Zmaja od Bosne, "Sniper Alley".
10 Quand avez-vous entendu pour la première fois ce nom pour cette rue, cette
11 avenue, plutôt ?
12 R. Je l'ai entendu quand je suis arrivé sur le terrain. Ils m'ont montré
13 où se trouvait cette "allée de snipers".
14 Q. Quand vous dites "ils m'ont montré", qui vous a montré cela et qui vous
15 a donné ce nom, disons, populaire ?
16 R. Mon prédécesseur, Christian De Bergeron. J'ai fait le tour avec mon
17 patron, et c'est là que j'ai compris où j'étais et quel était le surnom de
18 cette avenue. Il s'agit de M. De Bergeron.
19 Q. Est-ce que peut-être il vous a parlé aussi de l'origine de ce nom qu'on
20 a entré dans la circulation ?
21 R. On a appelé comme cela à cause de toutes les activités de tireurs
22 embusqués qui se déroulaient sur cette allée. Mais je ne sais pas à quel
23 moment ce nom est entré dans l'usage. On ne me l'a jamais dit, on m'a juste
24 dit quel était le surnom donné à cette avenue.
25 Q. Mais pourtant, ce n'était pas, d'après la signification de "tireur
26 embusqué", ce n'est pas le seul endroit où on a utilisé ces tirs
27 embusqués ?
28 R. C'est exact, mais c'était l'endroit le plus mal fameux pour, justement,
Page 1881
1 ces tireurs embusqués.
2 Q. Est-ce que vous connaissiez à l'époque une route alternative, disons, à
3 cette allée, qui était plus sûre ?
4 R. Il y avait d'autres routes que vous pouviez emprunter un petit peu plus
5 loin dans la ville. On pouvait détourner, contourner cette allée, mais
6 c'est le tram qui utilisait cette route, pas les gens. Nous avons mis pas
7 mal de sécurité autour de ces routes et nous avons essayé de limiter
8 l'utilisation de ces routes par les civils.
9 Q. Concernant l'utilisation de cette route par le tramway, il m'intéresse,
10 parce qu'on a vu pas mal d'incidents de tramway, ici devant cette Chambre.
11 Qui décidait de la mise en fonction du tramway dans certaines périodes ?
12 Est-ce que c'était votre secteur ?
13 R. Non, ce sont les autorités, c'étaient les Musulmans de Bosnie.
14 Q. Est-ce que, Monsieur le Général, vous connaissiez à l'époque peut-être
15 les mécanismes de la prise de décisions, et ils se sont peut-être
16 renseignés auprès du secteur pour juste faire évaluation concernant la
17 sûreté de circulation du tramway ?
18 R. Je ne me souviens pas qu'ils soient jamais venus nous voir pour nous
19 demander si on pouvait faire circuler les trams. Je me souviens en revanche
20 qu'ils faisaient leurs évaluations sur la base des différentes informations
21 et évaluations qu'ils faisaient. Ensuite, ils venaient se plaindre auprès
22 de nous s'il y avait trop, par exemple, d'activités de tireurs embusqués
23 contre les trams. Cela venait par le biais du ministre Muratovic ou par la
24 présidence ou par ses ministres, donc il y avait trois figures clés qui
25 décidaient de cela.
26 Q. On peut en conclure que c'est l'ABiH et le gouvernement de Bosnie-
27 Herzégovine qui étaient maîtres de ces décisions sur la mise en
28 fonctionnement du tramway ?
Page 1882
1 R. Oui, c'est exact.
2 Q. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord qu'ils étaient en même temps une
3 partie belligérante sur le même secteur ?
4 R. Oui, ils étaient une des trois parties qui ont participé, qui ont pris
5 part au conflit en Bosnie, oui, effectivement.
6 Mme ISAILOVIC : Maintenant, on peut passer sur le document qui nous a
7 occupé il y a un certain moment devant cette Chambre. Il est admis en tant
8 que le document de la Défense D41. Est-ce qu'on peut le voir sur l'écran un
9 petit peu agrandi ?
10 Q. Monsieur le Général, je vous prie de nous aider pour comprendre la
11 première page de ce document. Vous le voyez sur l'écran ? Excusez-moi.
12 R. C'est la situation, le rapport concernant la période allant du 27
13 février à partir de 001 alpha. Cela vient de la FORPRONU, du QG de la
14 FORPRONU, enfin, plutôt du commandement de la Bosnie-Herzégovine, et ceci
15 est adressé au général Rose et au QG à Zagreb, pour information dans tous
16 les secteurs. Ceci figure dans le cadre réservé aux destinataires.
17 C'est un modèle interne de mémo, et il y a apparemment trois points
18 clés sur lesquels on a tiré : l'aéroport; il y a quatre personnes qui ont
19 été blessées sur les trams suite aux tirs à Sarajevo; puis il y a un convoi
20 de l'ONU sur lequel on a tiré à Srebrenica. Ensuite, on parle de
21 l'évaluation générale de la situation. C'est un rapport de la situation.
22 Q. Ce qui m'intéresse maintenant : la technologie d'élaboration de ces
23 rapports. Vu qu'il y avait à Sarajevo le secteur, il y avait la commande de
24 Bosnie-Herzégovine et de l'OMNU, est-ce que tous les trois ont participé à
25 l'élaboration, c'est-à-dire est-ce que tous les trois fournissaient les
26 informations pour qu'on puisse établir le rapport pour ce jour ?
27 R. Tout le monde au sein du commandement était responsable de fournir les
28 informations pour l'utilisation de leurs QG superposés. Le cadre commandant
Page 1883
1 à Zagreb a demandé le rapport concernant une certaine période de temps,
2 pour couvrir une certaine période de temps. Le général Rose et le général
3 Smith aussi devaient répondre aux demandes du commandant de la force, et
4 aussi je dois dire que mon QG devait aussi donner toutes les informations
5 nécessaires pour le commandant de la force et pour le commandant pour la
6 Bosnie-Herzégovine, le général Rose Smith.
7 C'était une pyramide, très grande pyramide où vous aviez toute une
8 série de rapports le long de cette pyramide allant vers les échelons
9 supérieurs par rapport à la situation qui prévalait certains jours.
10 Q. Le document concret, c'est un document de 23 pages. Si on peut avoir
11 votre aide pour justement comprendre la structure de ce document.
12 Si on peut aller à la page 2. On commence par une évaluation, et dans
13 le paragraphe 3, vous pouvez, on peut lire "faction activity", et par
14 exemple concernant ce tramway. On a à partir du chiffre 8. Est-ce que vous
15 pouvez lire ce passage, s'il vous plaît ?
16 R. "Huit fois, des tirs d'armes d'infanterie ont été tirés sur un tram à
17 proximité du Holiday Inn," ensuite, on donne la cote, "en blessant, quatre
18 personnes l'ont confirmé, quatre personnes. L'origine est évaluée et se
19 trouvait au niveau du pont de Vrbanja, les quartiers du bâtiment rouge," on
20 donne la cote, "où il y a eu un échange de feu entre deux factions en même
21 temps. Le service de tram s'est arrêté. On a proposé une reconnaissance au
22 niveau de la région de Krupa [phon], et cetera."
23 Q. On en termine avec ce tramway. Justement, il m'intéresse quand on cite
24 le secteur. Quand on dit par exemple "Vrbanja Bridge/red Building area" et
25 on donne des chiffres, qu'est-ce que cela représente dans ce rapport ?
26 R. Ces chiffres, ce sont les cotes, les coordonnées qui aident les
27 personnes à se retrouver dans la carte. Par exemple, vous avez les
28 coordonnés du pont de Vrbanja et de ce bâtiment rouge. Quand on les met
Page 1884
1 côte à côte, on en arrive à un endroit précis sur la carte.
2 Q. Est-ce que ce numéro, ces chiffres "BP", par exemple 912589, est-ce que
3 cela nous permet de trouver, disons, un secteur ou un point précis sur la
4 carte ?
5 R. Oui, ceci peut aider à trouver un point très précis. Chaque carte a
6 dans les marges des références numériques, et vous vous référez tout
7 d'abord à ce qui correspond au niveau des différents axes. Ensuite, vous
8 essayez de trouver la coordonnée exacte, et c'est une coordonnée qui est
9 comportée de six chiffres et qui vous donne vraiment les points précis sur
10 le terrain pour vous aider à visualiser où s'est produit exactement
11 l'incident.
12 Q. Une chose. On peut se rendre compte dans ce rapport que cet événement,
13 cet incident qui s'est passé avec le tramway figure sur trois lieux
14 différents dans le même rapport.
15 Mme ISAILOVIC : On peut aller sur la page 9, s'il vous plaît.
16 Q. Là, après le titre, on a le paragraphe 2, secteur Sarajevo, et un,
17 deux, trois, quatre, quatrième paragraphe, est-ce que vous pouvez lire à
18 partir de "a tram travelling" ?
19 R. "Un tram qui voyageait entre BP 910593 et BP 905792 a fait l'objet d'un
20 tir, et le résultat a été un blessé civil confirmé et probablement trois
21 autres blessés. La victime confirmée a été blessée à la jambe. L'origine
22 des tirs se trouvait, d'après l'évaluation, au niveau du BP 907589. Le
23 service des trams s'est arrêté suite à cet incident. Pendant cette même
24 période, les deux parties ont participé aux échanges de tirs à 300 mètres
25 de là, dans la région du pont de Vrbanja, BP 912589. On a attribué ces
26 tirs," là, je ne vois pas ce que cela veut dire, CFV, "aux deux côtés, à
27 savoir BSA et BiH, pour tout l'incident."
28 Ensuite, on continue, à 9 heures 50 : "Plusieurs tirs de l'artillerie
Page 1885
1 d'infanterie."
2 Q. Justement, on a voulu avoir votre aide pour ces "MG", "CFV", parce que
3 j'ai cru comprendre que "CFV" signifiait "cease-fire violation". Ai-je
4 raison ?
5 R. Oui, c'est cela. Oui, c'est une très bonne conclusion.
6 Q. Et MG ?
7 R. Je dirais que c'est une mitrailleuse.
8 Q. On précise dans le rapport aussi l'arme utilisée; c'est cela ?
9 R. Apparemment oui, quand on lit ce qui est écrit ici, oui, c'est la
10 conclusion à laquelle on peut arriver.
11 Q. Aussi, on dit ici :
12 [interprétation] On dit aussi "dans la région", enfin "les quartiers autour
13 du pont de Vrbanja."
14 [en français] Quand on dit comme cela, est-ce qu'on pense à un secteur plus
15 large que "Vrbanja bridge" ou on pense à "Vrbanja bridge" ?
16 R. En lisant ce rapport, je ne peux pas vous répondre. Il faudrait
17 vérifier les rapports d'un échelon inférieur pour voir s'il y a des
18 informations plus précises au niveau de ce rapport.
19 Q. Justement, parce que dans le même rapport on traite et on traite cela
20 aussi sur la page 23, oui, à la page 23. Là, par contre, on parle des OMNU,
21 le paragraphe H. Est-ce qu'on peut remonter jusqu'à -- oui. Paragraphe H.
22 Dans le même rapport, on traite le troisième point, ce même incident, et on
23 voit que c'est établi à partir des informations provenant des OMNU, et il y
24 a pas mal de différences entre ce qui était décrit sur la page 2 et la page
25 9. Les différences concernent par exemple le nombre de tirs. Est-ce que
26 vous êtes d'accord ?
27 R. Ce n'est pas inhabituel que lors d'un incident semblable, vous avez
28 différentes personnes qui font les rapports, et les informations ne sont
Page 1886
1 pas forcément les mêmes. Vous devez jouer un peu au détective et essayer
2 d'assembler toutes ces pièces du puzzle.
3 Ce qui est clair, c'est qu'on a tiré sur le tram, une dame a été blessée au
4 niveau de la jambe, ensuite vous avez le nombre de tirs, mais vous savez,
5 c'est difficile parce que vous avez le rapport visuel des gens qui étaient
6 autour de là, qui se trouvaient dans le périmètre du tram, puis vous
7 comptez les trous dans le tram. Vous pouvez avoir des informations
8 différentes et vous devez assembler toutes ces informations.
9 Q. Dernière question concernant ce rapport, parce qu'on trouve information
10 sur un événement précis sur les trois lieux, est-ce que, d'après vos
11 connaissances, il y a une superposition, c'est-à-dire une partie du rapport
12 qui prévale sur les autres ? Parce que c'est assez, si vous voulez, cela
13 peut prêter à confusion pour celui qui lit ce rapport. On ne se rend pas
14 compte. Est-ce qu'il y a quand même une partie qui fait plus poids que les
15 autres ?
16 R. Non, puisque vous écrivez le rapport en général en mettant les choses
17 importantes, l'accent sur les choses importantes. Vous mettez des petits
18 tirets, et ensuite c'est sur cela qu'on attire l'attention des supérieurs
19 hiérarchiques. Ensuite, on va vous donner un aperçu général de la situation
20 pour la zone dont il est responsable, donc ce commandant qui envoie le
21 rapport, et dans ce cas, cela vient, cela considère la Bosnie-Herzégovine,
22 et ensuite on descend. A chaque fois, on va avoir plus de détails au fur et
23 à mesure quand on descend. Plus vous entrez dans le rapport, plus vous
24 allez recevoir des informations sur les bétails. Il y a toute une série de
25 rapports que vous allez recevoir qui ont servi pour élaborer ce rapport. Au
26 fur et à mesure que vous descendez, vous recevez plus de détails.
27 Si vous regardez la liste des destinataires, vous avez plein de gens qui
28 vont lire cela, et chacun pour sa propre utilisation, et on va arriver à
Page 1887
1 une image globale, à une image globale qui va servir ici, donc par exemple
2 au général Rose. Mais l'importance de cela, c'est de faire ce qu'il importe
3 le plus rapidement possible. Parfois, cette information n'est pas complète,
4 parfois ce sont des informations compliquées qui ne sont pas parfaitement
5 exactes pour les jours --
6 Q. Globalement, de ce rapport, qu'il y avait un échange de feu et que le
7 tramway a été tiré dessus en conséquence de cet échange ? Est-ce que cela,
8 on peut le conclure de ce rapport globalement, sans entrer dans les
9 détails ?
10 R. Dans ce rapport, je peux aussi lire qu'en réalité, apparemment deux
11 choses se sont passées en même temps. Tout d'abord, il y a eu cet échange
12 au niveau du pont et en même temps il y avait aussi une espèce d'activité
13 de tireurs embusqués sur le tram. Je dirais que là, il s'agit de deux
14 incidents dont on fait part dans ce même paragraphe. C'est comme cela que
15 j'interprète cette information.
16 D'un côté, vous avez les tirs venant du pont de Vrbanja, et le tram a été
17 pris dans ces tirs, et aussi on a vraiment tiré sur le tram qui a été pris
18 pour cible par des tireurs embusqués. Là, il s'agit d'une autre activité,
19 d'une autre action qui est vraiment délibérée et précise. C'est ce que je
20 lis dans ce paragraphe.
21 Q. Est-ce que cela ressort de ce rapport, que c'est délibéré ?
22 R. Ce que je peux lire, c'est que d'après le paragraphe H, on peut lire
23 que le tram a fait l'objet des tirs des tireurs embusqués.
24 Q. Des deux autres paragraphes, est-ce qu'on peut être aussi sûr parce
25 qu'on traite de cet événement sur les trois lieux ?
26 R. Les deux autres paragraphes, on disait tout simplement qu'il y a eu des
27 combats au niveau du pont de Vrbanja, donc on ne dit pas que les impacts
28 sur les trams venaient de ces combats. Ensuite, on donne plus de détails,
Page 1888
1 et d'après moi il y a deux choses qui se passent en même temps. En même
2 temps, vous avez les tirs, les combats à Vrbanja et les snipers qui tirent
3 sur les trams. C'est ce que je vois dans ce rapport.
4 Mme ISAILOVIC : Est-ce qu'on peut voir à nouveau la page 2 et le paragraphe
5 A, le paragraphe A, secteur Sarajevo ? Le paragraphe 3, pardon.
6 Q. Est-ce que vraiment cela ressort de ce rapport ?
7 R. Bien, à nouveau, après avoir lu plus en détail, je dirais à partir de
8 ce texte qu'il a pu y avoir des tirs, des combats au niveau du pont de
9 Vrbanja, et quelqu'un depuis ce pont, depuis ce quartier a peut-être ciblé,
10 tiré à partir d'un fusil à lunette sur le tram. C'est l'image à laquelle
11 j'arrive quand je superpose ces deux paragraphes, ces informations
12 différentes, si vous voulez.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vient de m'informer que l'affaire
14 Prlic va se tenir cet après-midi. Il y a beaucoup de confusion dans la
15 salle.
16 [La Chambre de première instance et le Juristes se concertent]
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si tel est le cas, le Juge Mindua va
18 nous maudire; il ne va pas pouvoir bénéficier de la moindre pause de
19 déjeuner.
20 M. LE JUGE MINDUA : [hors micro]
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, vous avez encore
22 cinq minutes.
23 Mme ISAILOVIC : Je vais m'attirer les foudres de tout le monde aujourd'hui.
24 Juste la dernière question.
25 Je vous demande d'afficher un document DD00-0573.
26 Là, Monsieur le Président, c'est un commandement de la part du
27 commandant du 1er Corps de l'ABiH. Malheureusement, on n'a pas de traduction
28 en anglais, mais est-ce qu'il serait possible justement à l'aide des
Page 1889
1 interprètes, j'ai besoin justement de deux phrases de ce commandement.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Est-ce que vous pouvez traduire
3 cela, s'il vous plaît ?
4 Mme ISAILOVIC : Justement, parce que vous avez parlé, et aujourd'hui aussi
5 on a affirmation de plusieurs personnalités, notamment M. Karavelic. Vous
6 êtes d'accord; il était le commandant du 1er Corps de l'ABiH. Là, je
7 voudrais aimer qu'on lise la phrase ou je vais la lire, donc le titre c'est
8 :
9 [interprétation] "La façon de traiter les forces de l'ONU. Vis-à-vis
10 les forces de l'ONU, il convient d'agir de façon suivante. Les unités qui
11 sont introduites dans la zone démilitarisée à travers la zone d'exclusion
12 de 20 kilomètres auprès des forces de la FORPRONU, doivent être exécutés
13 dans le plus grand secret, cachés et masqués, l'arrivée et le développement
14 de ces unités. Les unités qui provoquent qui mènent l'attaque à partir du
15 front dans la zone d'exclusion et dans la zone protégée par les Nations
16 Unies en vertu de l'accord en date du 13 août 1993 dans la phase de
17 l'arrivée, de la préparation et de l'action elle-même, doivent aussi
18 prendre les mesures de se rendre secrètes jusqu'au moment où les unités
19 arrivent --"
20 Q. Est-ce que vous pouvez lire la date inscrite sur ce document ? On peut
21 remonter un petit peu, c'est-à-dire baisser le document, baisser, baisser.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est la dernière question que vous
23 pouvez poser.
24 Mme ISAILOVIC :
25 Q. La date ?
26 R. Le 30 septembre 1994.
27 Q. Seulement, ma dernière question : est-ce que vous vous souvenez d'un
28 événement survenu le 6 octobre 1994 quand les unités de l'ABiH passant par
Page 1890
1 la zone protégée ont massacré 19 membres d'une compagnie sanitaire
2 appartenant à l'armée de la Republika Srpska ?
3 R. Oui, je me souviens de cet incident, et la façon dont j'ai compris les
4 choses, c'est que ce n'était pas vraiment une unité sanitaire, c'était le
5 QG serbe, le QG sanitaire, et c'était une attaque très féroce. Je m'en
6 souviens.
7 Je me souviens que c'étaient les corps Serbes qui nous ont demandé de
8 trouver un individu, une dame qu'on n'avait pas retrouvée, donc nous sommes
9 revenus vers le général Karavelic pour lui demander s'il savait où se
10 trouvait cette personne pour laquelle on ne savait pas où elle était, et il
11 a dit qu'il ne savait pas où elle était.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
13 M. DOCHERTY : [interprétation] Non, je n'ai pas de questions
14 supplémentaires.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Général, ceci met fin à votre
16 déposition. Nous vous remercions énormément d'être venu et vous pouvez
17 maintenant quitter le prétoire.
18 Nous allons lever la séance.
19 --- L'audience est levée à 14 heures 17 et reprendra le lundi 12 février
20 2007, à 9 heures 00.
21
22
23
24
25
26
27
28