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Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 24 avril 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva, c'est à vous.

7 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

8 Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Bonjour à tout le monde dans le

9 prétoire.

10 LE TÉMOIN : RICHARD HIGGS [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 Interrogatoire principal par M. Sachdeva : [Suite]

13 Q. Bonjour, Monsieur Higgs.

14 R. Bonjour.

15 Q. Vous vous rappellerez sans doute qu'hier nous avons terminé l'audience

16 alors que nous discutions de l'incident de Markale. Nous étions en train de

17 parler de la direction du tir, de l'angle de descente. Nous étions sur le

18 point d'aborder la question des positions de tir éventuel. Vous avez le

19 rapport que vous avez eu hier sous les yeux ?

20 R. Oui.

21 Q. Je vous demanderais de vous rendre en page 13 d'abord de la version

22 anglaise.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] De quel rapport ?

24 M. SACHDEVA : [interprétation] Il s'agit du rapport Markale qui dans les

25 documents 65 ter porte le numéro 03119. Je crois que c'est la pièce à

26 conviction P588.

27 Q. Monsieur Higgs, dans votre rapport vous avez indiqué qu'il y avait

28 quatre possibilités s'agissant du lieu d'où l'obus de mortier aurait été

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1 tiré. Au niveau de la charge, dans le texte vous voyez qu'il est indiqué

2 que ces quatre possibilités sont à 900 mètres; à 1 600 mètres; à 2 400

3 mètres et à 3 000 mètres de distance pour les quatre charges. Est-ce que

4 vous pourriez nous dire quelle était la distance à laquelle l'obus avait

5 été tiré, selon vous ?

6 R. Après examen de la situation, la charge la plus probable est la charge

7 3, c'est-à-dire que la distance est probablement de 2 400 mètres.

8 Q. J'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur la carte qui se trouve

9 à la page suivante. On voit des annotations concernant les charges

10 différentes et les distances correspondantes pour les charges 1, 2 et 3. Je

11 vous demanderais de vous pencher sur cette carte, ensuite je vous poserai

12 des questions.

13 M. SACHDEVA : [interprétation] Je demande que l'on affiche à l'écran la

14 page suivante du rapport où l'on voit la carte et qu'on agrandisse cette

15 carte.

16 Q. Vous voyez la carte sur l'écran, Monsieur Higgs ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que ce qu'on voit dans le texte correspond bien à la direction à

19 partir de laquelle le projectile a été tiré, à 170 degrés selon vos

20 conclusions ?

21 R. Oui, c'est la direction approximative d'où provient le projectile.

22 Q. Je vous demanderais maintenant de vous saisir d'une règle et d'annoter

23 cette carte en traçant un trait au niveau de la distance de 2 400 mètres

24 qui correspond selon vous à la distance d'où a été tiré le projectile au

25 cours de cet incident.

26 R. 2 400 mètres, c'est à peu près à ce niveau-là.

27 Q. Pourriez-vous maintenant également tracer un trait au niveau de la

28 distance 600 mètres [comme interprété] ?

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1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Maintenant, pour la distance 900 mètres, la même chose.

3 L'INTERPRÈTE : Le témoin inscrit des cercles.

4 M. SACHDEVA : [interprétation]

5 Q. A votre connaissance, la ligne rouge en pointillé correspond à quoi ?

6 R. La ligne rouge en pointillé ainsi que la ligne bleue en pointillé, qui

7 sont parallèles, correspondent aux emplacements des lignes de front.

8 Q. Le territoire qui se trouve en dessous de la ligne pointillée rouge en

9 bas de l'image correspond au territoire contrôlé par quelle partie

10 belligérante ?

11 R. Par les forces serbes.

12 Q. Au-dessus de la ligne bleue se trouvaient les forces de l'ABiH, c'est

13 bien cela ?

14 R. Exact.

15 Q. Alors, je vous demande maintenant si sur la base des documents que vous

16 avez examinés, vous avez acquis la possibilité de situer approximativement

17 la position des observateurs des Nations Unies à l'époque ? Je vous

18 demanderais d'inscrire une croix sur la carte au cas où vous pouvez situer

19 cet emplacement.

20 R. Les observateurs des Nations Unies se trouvaient sur les hauteurs, à

21 peu près dans ce secteur.

22 Q. Vous avez dit que votre conclusion était que le projectile venait de 2

23 400 mètres de distance. Qu'est-ce qui a justifié votre conclusion ?

24 R. Après avoir déterminé la direction et l'avoir repérée sur la carte, si

25 le projectile avait été tiré de 900 mètres de distance, cela aurait situé

26 l'origine du tir dans une zone très proche des zones urbanisées où se

27 trouvait une population nombreuse. Or, rien n'indique que quelqu'un ait

28 entendu ce tir. Si vous prenez la distance de 600 mètres, elle se trouve

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1 entre les lignes de front, ce qui était totalement impensable s'agissant de

2 situer à cet endroit un mortier. Encore une fois, les observateurs des

3 Nations Unies, si l'origine du tir s'était trouvée là, auraient entendu le

4 tir. Nous sommes ramenés à l'hypothèse de 2 400 mètres de distance, qui

5 nous amène d'ailleurs à une position qui est idéale pour situer un mortier

6 sur les hauteurs. C'est un endroit qui est suffisamment loin des lignes de

7 front, un endroit assez favorable sur le plan technique. Il y a un autre

8 argument, lorsque l'on se trouve au sommet d'une colline, il y a

9 amortissement du son par les collines avoisinantes, ce qui permet

10 d'empêcher que l'on entende ce tir.

11 Q. J'aimerais maintenant que nous revenions sur un certain nombre

12 d'éléments que vous avez évoqués dans votre réponse. D'abord, parlons du

13 bruit. Selon votre expérience, un mortier de 120-millimètres devrait se

14 trouver à quelle distance pour que le tir soit entendu dans les conditions

15 idéales ?

16 R. Dans des conditions idéales, on entend le bruit à trois ou quatre

17 kilomètres de distance dans ce cas.

18 Q. Les observateurs des Nations Unies se trouvaient à quelle distance sur

19 cette carte, si l'on prend l'origine du projectile à 1 600 mètres ?

20 R. A un kilomètre seulement de la ligne de tir.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que la présence de collines

22 entre les deux peut faire une différence ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, manifestement. S'il y a des collines

24 entre l'endroit d'où l'on tire et la personne qui entend le tir, la

25 différence est importante. Si l'on regarde la carte ici entre la colline où

26 se trouvaient les observateurs des Nations Unies et l'endroit en question,

27 il y avait entre 900 et 1 600 mètres. Il n'y a pas de colline d'une hauteur

28 supérieure entre les deux. C'est seulement quand on atteint une distance

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1 supérieure à 1 600 mètres qu'on se trouve dans une zone où il y a des

2 collines d'une plus grande hauteur et des montagnes.

3 M. SACHDEVA : [interprétation]

4 Q. Monsieur Higgs, vous nous avez dit que si le tir provenait de 1 600

5 mètres, il n'aurait pas été sage de placer le mortier à cet endroit sur le

6 plan technique. Pourriez-vous expliquer pourquoi ?

7 R. Cette position situerait le mortier sur la ligne de front pratiquement,

8 entre les deux lignes de front opposées. Puisqu'un mortier est quelque

9 chose d'assez précieux, il aurait été peu sage de le placer à un

10 emplacement aussi vulnérable sur le plan tactique. Le mortier de 120-

11 millimètres, c'est une pièce d'artillerie volumineuse. Les munitions

12 utilisées sont lourdes. Dans l'idéal, il faut un véhicule et un grand

13 nombre de personnes pour approvisionner ce mortier; cela n'aurait pas été

14 censé de placer ce mortier à cet endroit.

15 Q. Compte tenu des éléments dont vous venez de parler dans votre

16 déposition aujourd'hui et que l'on retrouve dans votre rapport, votre

17 conclusion selon laquelle la provenance du tir se situait probablement à

18 2 400 mètres de distance est une conclusion très ferme ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Qui contrôlait le secteur en question ?

21 R. Au sud de la ligne rouge, c'était un territoire tenu par les Serbes.

22 Q. Avant de passer à l'incident suivant --

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi.

24 M. SACHDEVA : [interprétation]

25 Q. J'aimerais vous poser la question suivante --

26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant de passer à l'incident suivant,

27 j'aimerais poser une question au témoin.

28 Monsieur le Témoin, j'aimerais savoir si le marché de Markale était visible

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1 à partir du lieu d'origine du tir. Comme l'a dit le témoin entendu hier,

2 aucun observateur en ville n'a dit avoir vu le projectile. J'aimerais

3 savoir si l'on pouvait ou pas voir le marché de Markale à partir des

4 collines. C'est important, je pense, de le déterminer.

5 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

6 Q. Monsieur Higgs, veuillez répondre à cette question : à votre avis,

7 était-il possible à l'opérateur de la batterie de mortier de voir le

8 marché, l'emplacement en question, à 2 400 mètres de distance ?

9 R. A partir de cet endroit, on ne voyait pas le marché en tant que tel, il

10 était caché par des bâtiments de grande taille qui se situaient tout

11 autour. On pouvait très facilement reconnaître et situer ces bâtiments de

12 haute taille. Par exemple, la cathédrale qui n'est pas loin du lieu en

13 question et d'autres bâtiments de haute taille. On pouvait se servir de ces

14 bâtiments comme point de référence pour préciser le tir. On ne voyait pas

15 le marché en tant que tel.

16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je comprends. Est-ce qu'on pouvait

17 voir le centre-ville à partir des collines ou est-ce que le centre-ville

18 était caché ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, on voyait les bâtiments de grande

20 taille qui se trouvent dans le centre de la ville. La zone située à 2 400

21 mètres de distance se situe dans des collines assez élevées entourant la

22 ville. On regardait la ville d'en haut.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

24 M. SACHDEVA : [interprétation]

25 Q. Monsieur Higgs, compte tenu de l'avis que vous venez d'exprimer, est-ce

26 qu'il y avait des cibles privilégiées à cette époque du conflit, c'est-à-

27 dire au mois d'août 1995 ?

28 R. Oui, à mon avis, à cette époque les nombreux points de référence

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1 utilisables pouvaient permettre de tirer avec précision sur des cibles

2 précises sans gaspiller de munition.

3 Q. Par conséquent et par hypothèse, il était possible de frapper le marché

4 à l'aide d'un seul projectile, étant donné la possibilité d'utiliser un

5 certain nombre de points de référence pour ajuster le tir avec précision, à

6 votre avis ?

7 R. Cela rendait cette possibilité beaucoup plus probable. Si un seul tir

8 ne suffisait pas, le nombre de tirs ne devait sans doute pas être bien

9 supérieur à un, cela c'est certain.

10 Q. Compte tenu du fait qu'un seul projectile a été retrouvé sur le marché,

11 est-ce que vous avez un avis s'il y avait un objectif militaire qui

12 permettait une telle action dans le secteur ?

13 R. On ne peut pas atteindre un objectif militaire en ne tirant qu'un seul

14 projectile. Les militaires utilisent un concept qui est connu sous le nom

15 de tirs de harcèlement, qui est destiné à empêcher un ennemi d'atteindre le

16 secteur où ils se trouvent. Normalement, il faut plusieurs tirs qui

17 s'étendent sur une certaine période de temps assez longue. Il y a

18 déplacement des personnes dans le secteur en question parce que personne ne

19 sait où le tir suivant va frapper. Un seul tir, normalement, ne parvient

20 pas à sa cible. C'est le cas dans la majorité des objectifs militaires où

21 il est impossible de les atteindre avec un seul projectile.

22 Q. Etant donné que ce projectile a été tiré, quelle est, à votre avis, la

23 cible qu'il visait ? Quelle était l'intention de la personne qui a tiré ce

24 projectile unique ou de l'armée qui était responsable de ce tir ?

25 R. Tirer un seul projectile, comme lorsqu'on vise le centre d'un lieu

26 urbaniser, où l'on sait que des civils se trouveront, est sans doute

27 destiné à terroriser la population civile qu'à tuer des gens. L'intention

28 n'est pas la même que lorsqu'on vise un objectif militaire.

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1 Q. J'aimerais voir, mais rapidement, un point qui a fait l'objet d'une

2 question du Juge Harhoff. S'agissant des observateurs, comme vous l'avez

3 dit, est-ce qu'un observateur éventuel avait une vision directe sur la

4 cible en question ?

5 R. Comme nous l'avons dit hier, si le mortier se situait dans une zone où

6 la vue était dégagée, le tir pouvait être direct. Si le tir indirect était

7 nécessaire, l'observateur aurait pu se trouver n'importe où dans les

8 environs de la ville de Sarajevo, et pas nécessairement en ligne droite à

9 partir du lieu du tir. Il aurait pu se situer n'importe où, au nord, au

10 sud, à l'est, à l'ouest. Dans le cas de tir indirect, l'observateur peut

11 observer à partir de n'importe quel emplacement.

12 Q. Merci. Ma dernière question sur cet incident : à votre avis, est-ce que

13 cet incident a eu pour résultat une explosion statique sur le marché ?

14 R. Si l'on regarde l'emplacement de la route et si l'on se penche sur les

15 paramètres du tir de mortier, on voit qu'il n'y a pas de signes d'une

16 explosion secondaire, cela avait été le cas, au cas où l'explosif aurait

17 été placé à un endroit particulier. Mais on n'a aucun signe de débris

18 secondaires qui auraient dû être présents.

19 Si le tir avait été dû à un explosif placé sur les lieux, auquel

20 l'angle aurait été de 70 degrés, or, ce n'est pas ce qui a été découvert.

21 Rien n'indique dans les rapports qui ont été rédigés que quelqu'un aurait

22 pu placer un explosif à cet endroit au milieu de la route. Il aurait été vu

23 d'abord et aurait été très facilement observable avant l'explosion de

24 l'engin. Je doute beaucoup que l'explosif ait pu être placé sur place.

25 Q. Quand vous parlez de marques secondaires, est-ce que vous êtes en

26 train de dire que s'il y avait eu un autre obus de mortier par exemple, il

27 aurait provoqué des marques secondaires par rapport au cratère sur le sol ?

28 R. Oui. S'il y avait eu une bombe de 120-millimètres qui aurait

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1 explosé statiquement, et qu'on ait placé une charge secondaire à côté de

2 celle-ci, cela aurait modifié l'empreinte de l'explosion de la bombe. Or,

3 cela n'a pas été le cas puisque les autorités bosniaques ont trouvé des

4 fragments de détonateurs sur place. Il y avait un détonateur. Pour toutes

5 ces raisons, je pense que l'hypothèse en question est peu vraisemblable.

6 Q. Vous avez dit qu'il aurait fallu quelque temps pour placer un explosif

7 à cet endroit au vu de tout le monde. Combien de temps à peu près, d'après

8 vous ?

9 R. C'est difficile à estimer. Encore une fois, il aurait fallu le faire

10 sous un angle particulier, dans une direction particulière, au cas où on

11 voulait faire croire que le projectile provenait d'une certaine direction.

12 Il aurait fallu examiner le terrain. Cela ne peut se faire qu'après

13 l'explosion primaire. Cela prend davantage que quelques minutes. Il faut un

14 temps assez long pour le faire.

15 Q. Merci. Excusez-moi, je vous avais dit que je passerais à un autre

16 sujet, et il m'a encore fallu vous poser quelques questions.

17 Vous avez dit que le régime de tir se situe à 2 400 mètres en

18 altitude dans un lieu surplombant la ville, disons, le centre-ville, et à

19 partir duquel le centre-ville était visible. Quand vous dites "en

20 altitude," de quelle altitude parlez-vous ? Est-ce que l'altitude a

21 augmenté ou diminué la portée du tir de mortier ?

22 R. Cela aurait peut-être augmenté la portée parce que quand on se situe en

23 altitude, au-dessus du point d'impact, cela prolonge un petit peu la portée

24 du projectile.

25 Q. Merci. Comme je l'ai fait hier avec la photographie, je vous

26 demanderais maintenant de tracer une flèche sur l'écran, à 170 degrés, de

27 tracer une ligne correspondant à la trajectoire du projectile à partir du

28 lieu de tir et jusqu'au marché.

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1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Merci.

3 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

4 versement au dossier de cette pièce.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La pièce est admise.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P594, Monsieur le

7 Président.

8 M. SACHDEVA : [interprétation]

9 Q. Monsieur Higgs, j'aimerais maintenant que nous parlions du deuxième

10 incident de la rue Livanjska, le pilonnage qui a eu lieu à 15 heures 25,

11 dont il est question dans votre deuxième rapport.

12 M. SACHDEVA : [interprétation] Il s'agit du document 01230 [comme

13 interprété] dans la liasse 65 ter. J'aimerais que vous preniez la page 8 de

14 la version anglaise, et la page 8 de la version B/C/S également de ce

15 rapport.

16 Q. Monsieur Higgs, c'est l'incident de la rue Livanjska, qui a eu lieu

17 avant. Est-ce que vous vous rappelez si le cratère qui résultait de cet

18 incident se trouvait sur la route ou sur le trottoir ?

19 R. Dans ce cas précis, le cratère se trouvait sur le trottoir.

20 Q. Après avoir examiné les photographies prises, est-ce que vous avez pu

21 déterminer si le stabilisateur se trouvait dans le cratère ou à l'extérieur

22 du cratère dans ce cas précis ?

23 R. Dans ce cas précis, le stabilisateur se trouvait à l'intérieur du

24 cratère.

25 Q. Est-ce que le sol du trottoir est plus mou ou plus dur que le sol de la

26 route ?

27 R. En général, les trottoirs sont construits avec un matériau plus mou que

28 le matériau utilisé par la construction de la route. C'est sans doute la

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1 raison pour laquelle nous avons trouvé le stabilisateur à l'intérieur du

2 cratère dans ce cas précis, contrairement au cas précédent où le cratère

3 était sur la route et il n'y avait pas de stabilisateur à l'intérieur.

4 Q. Le fait que le stabilisateur se trouvait à l'intérieur du cratère dans

5 ce cas indique quoi, d'après vous ?

6 R. C'est le conjugue avec le reste des éléments découverts pendant

7 l'enquête, à savoir présence du stabilisateur à l'intérieur du cratère et

8 d'autres indices. Cela permet à indiquer que l'obus de mortier a

9 probablement été tiré avec une charge plus importante.

10 Q. Veuillez expliquer, je vous prie, ce que cela signifie, "une charge

11 plus importante." En quoi est-ce que cela modifie la portée du tir ? Est-ce

12 que cela signifie que le tir a été réalisé à une distance plus courte ou

13 plus longue ?

14 R. Compte tenu de l'angle de descente, cela signifie que le tir a eu lieu

15 à une distance supérieure, plus longue.

16 Q. Après examen des documents qui vous ont été fournis et sur la base de

17 votre propre analyse des photographies qui vous ont été remises, vous êtes-

18 vous convaincu de la direction d'où provenait le tir au cours de cet

19 incident ?

20 R. Oui. J'ai examiné les documents relatifs aux enquêtes qui ont été

21 menées, et j'ai étudié les méthodes utilisées, je me suis convaincu

22 qu'elles étaient bonnes et j'en suis arrivé à une conclusion concernant

23 l'angle de la descente et la direction générale du tir. Je n'ai aucune

24 raison de mettre en doute le résultat des deux enquêtes menées à cet égard.

25 Q. Est-ce que vous êtes parvenu à une conclusion quant à la position

26 éventuelle du tir de mortier qui a tiré ?

27 R. Encore une fois, la position la plus logique pour l'emplacement du

28 mortier, compte tenu de l'angle de descente, de l'emplacement du

Page 5035

1 stabilisateur et de la distance du tir, le plus logique c'est que le

2 mortier se situait au nord de la ligne de front que je vois sur la carte,

3 probablement à une distance de 600 mètres à l'arrière de la ligne de front

4 dans ce secteur, dans la zone de Poljine.

5 Q. Avec l'aide de l'huissier, je vous demanderais d'inscrire en rouge sur

6 la carte l'emplacement qui correspond, selon vous, à l'emplacement du

7 mortier qui a tiré.

8 R. Il se trouvait probablement ici dans ce secteur général.

9 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

10 versement au dossier de ce document avec les annotations du témoin.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le document est admis.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P595, Monsieur le

13 Président.

14 M. SACHDEVA : [interprétation]

15 Q. A votre avis, est-ce qu'il y avait un objectif militaire qui pourrait

16 constituer une cible dans cet incident précis ?

17 R. Encore une fois, il n'y a eu qu'un projectile tiré sur le centre d'un

18 endroit qui était largement peuplé, donc pour les mêmes raisons que celles

19 que j'ai invoquées tout à l'heure, comme je l'ai dit en parlant de

20 l'incident de Markale, il aurait été très difficile d'atteindre une cible

21 militaire à l'aide d'un seul projectile dans ces conditions.

22 Q. A votre avis, quel était l'objectif du tir qui a visé le lieu en

23 question ?

24 R. Encore une fois, le seul objectif ne pouvait être que de terroriser la

25 population civile, autrement dit, d'instiller la peur dans l'esprit de

26 cette population.

27 Q. J'aimerais maintenant, puisque le document a déjà été versé au dossier,

28 que nous parlions de l'incident suivant qui a visé le même endroit, à

Page 5036

1 savoir les deux projectiles qui ont atteint la rue Livanjska à 17 heures

2 25.

3 Vous vous rappelez cet incident, Monsieur Higgs, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Dans ce même rapport que vous avez sous les yeux actuellement, vous

6 tirez des conclusions et vous avez ensuite rédigé un rapport

7 complémentaire. Pouvez-vous rapidement expliquer pour quelle raison vous

8 avez estimé nécessaire de rédiger un rapport complémentaire au sujet de ce

9 même incident ?

10 R. Les premiers indices qui m'ont été remis étaient des photographies de

11 mauvaise qualité, car il s'agissait de photocopies. Sur la base de ces

12 premières photocopies, je n'ai pas pu me prononcer dans un sens ou dans

13 l'autre étant donné que la qualité des ces photocopies était trop mauvaise.

14 Je n'ai donc pu parvenir à aucune conclusion.

15 Q. Est-ce qu'à ce moment-là vous avez reçu de nouvelles photographies

16 concernant ce même incident ?

17 R. Oui. J'ai reçu les originaux ou, en tout cas, les copies des originaux

18 qui m'ont permis d'examiner, de faire une enquête plus en profondeur du

19 site et de compléter mon rapport.

20 Q. Avez-vous dès lors été en mesure de faire les calculs et de parvenir à

21 une conclusion qui vous satisfaisait et qui était juste ?

22 R. Oui. Ces photos de meilleure qualité m'ont permis de confirmer certains

23 éléments concernant ces incidents et m'ont permis de confirmer mes calculs

24 balistiques.

25 M. SACHDEVA : [interprétation] Nous pouvons peut-être maintenant passer au

26 complément de rapport qui est le 03121 de la liasse 65 ter. Je crois savoir

27 que c'est une pièce de l'Accusation cotée 590. Si nous pouvions la faire

28 montrer à l'écran, s'il vous plaît. Je vous demanderais de consulter la

Page 5037

1 page 3, s'il vous plaît, des photos qui se trouvent en page 3.

2 Q. Je commencerais par vous demander, Monsieur Higgs, le calcul relatif à

3 la direction du tir, qu'avez-vous conclu par rapport à la direction du tir

4 ?

5 R. A partir de ces photos de meilleure qualité, comme vous pouvez le voir,

6 on a une bien meilleure empreinte qui indique la direction du tir. La photo

7 d'en haut sur cette page montre bien la direction du tir, à savoir le long

8 de la route, le bord du trottoir, c'est de là que vient la balle; elle a

9 survolé le trottoir. En faisant le lien par rapport à la position de la

10 route et en consultant les plans, on constate que la rue va du nord au sud.

11 Quand on étudie la direction du tir par rapport à la direction de la route,

12 cela permet de confirmer ou de réfuter ce que contenaient nos deux rapports

13 relativement à la direction du tir.

14 Q. Il était impossible de confirmer ou de réfuter. Permettez que je vous

15 demande, en ce qui concerne le rapport de la FORPRONU, vous souvenez-vous

16 ce qu'ils disaient par rapport à la direction du tir ?

17 R. Le rapport de la FORPRONU précisait une direction de tir d'à peu près

18 70 degrés.

19 Q. Qu'en était-il du rapport de la CSB, de la police bosniaque ?

20 R. Le rapport de la CSB donnait une direction formulée de façon un peu

21 inhabituelle, mais un azimut de 20 degrés par rapport à l'est. Etant donné

22 que ces deux rapports n'étaient pas compatibles, c'est la raison pour

23 laquelle je me suis servi de ces photos, il s'agissait de vérifier quelle

24 était la véritable origine la plus probable.

25 Q. Etant donné votre expérience et votre expertise, êtes-vous d'avis que

26 les enquêteurs de la police bosniaque ont fait, disons une erreur

27 scientifique, ou s'agissait-il de mots ?

28 R. Je ne pense pas que ce soit une erreur de fond. En effet, l'empreinte

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1 de ce cratère est bonne. Quand on l'examine par rapport à la position de la

2 rue, il est tout à fait évident d'où venait le projectile. Je pense que

3 c'est une question de mots, une erreur de terminologie plutôt qu'un

4 problème de calcul balistique.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi. Témoin, comment

6 traduisez-vous 20 degrés par rapport à l'est ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Normalement, quand on parle de degrés, on les

8 mesure à partir du nord. Je dirais normalement 20 degrés à partir du nord.

9 Maintenant, si on dit 20 degrés à partir de l'est, ce qui ne ressemble à

10 aucun texte dans aucun rapport que je n'ai jamais lu, on a une direction

11 qui ne ressemble en rien à l'empreinte du cratère. Il pourrait y avoir

12 confusion. La personne qui a rédigé ce rapport a peut-être mesuré à partir

13 de l'est. Il y a peut-être une erreur de traduction. C'est pourquoi j'ai

14 voulu confirmer la direction. L'empreinte du cratère montre bien quelque

15 chose de beaucoup plus proche de 70 degrés que de ces 20 degrés. C'est une

16 erreur de 50 degrés. Je ne pense pas que les autorités bosniaques auraient

17 pu faire une telle erreur. C'est une erreur énorme.

18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] On n'aurait pas pu penser 20 degrés

19 depuis l'est vers le nord ? Parce que là, cela donnerait effectivement 70

20 degrés.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, c'est peut être cela. Cela peut être

22 l'origine de la confusion.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

24 M. SACHDEVA : [interprétation]

25 Q. Monsieur Higgs, d'après ce que vous avez vu sur ces documents, excusez-

26 moi si ceci est difficile, mais vous souvenez-vous de la zone d'où la

27 police bosniaque pensait que le tir venait ?

28 R. Dans leur rapport définitif, ils ont suggéré une origine que je vais

Page 5039

1 probablement écorcher dans ma prononciation, Spicasta Stijena, une zone

2 qu'il me semble est à peu près à 70 degrés.

3 Q. Merci. Je m'excuse de vous avoir posé cette question. Si je vous disais

4 le nom, moi, Hladivode, Spicasta Stijena, cela ressemble à ce que vous avez

5 entendu ?

6 R. Oui, c'est cela. C'est cette région-là.

7 Q. Cette région-là correspond effectivement à ce que vous aviez calculé

8 quant à la direction du tir, n'est-ce pas ?

9 R. En effet.

10 Q. Maintenant, en ce qui concerne l'angle de descente, quel était votre

11 point de vue quant aux calculs de la FORPRONU relatifs à l'angle de

12 descente, en ce qui concerne cet incident ?

13 R. Encore une fois, j'étais un peu préoccupé en l'occurrence. Le rapport

14 bosniaque indiquait un angle de descente de près de 67 degrés, alors que le

15 rapport de la FORPRONU estimait entre 70 et 75 degrés. Ma première

16 préoccupation quand j'ai vu les bonnes photos était que l'empreinte au sol

17 ne ressemblait pas à un angle de descente de 75 degrés.

18 Q. Excusez-moi. Comme vous nous l'avez expliqué hier, j'aimerais que vous

19 nous précisiez à nouveau. Vous avez vu deux photos présentées à l'écran ?

20 R. Oui.

21 Q. Si l'angle de descente avait été de 70 à 75 admettons, vous nous avez

22 dit que l'empreinte n'aurait pas été celle-là. N'aurait-on pas présumé

23 qu'il y avait des traces d'un cratère si l'angle de descente avait été

24 entre 70 et 75 ?

25 R. Vous voyez, sur cette empreinte il y a la première couronne du cratère,

26 puis un certain éventail qu'on appelle la seconde couronne. Mais il n'y a

27 pratiquement pas de dégâts. Si vous regardez cette photo en bas du cratère

28 d'impact, il n'y a pratiquement rien. Maintenant, si vous vous souvenez du

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1 cratère du marché, par exemple, qui était à près de 70 degrés d'angle de

2 descente, on avait une empreinte plus uniforme avec des traces de fragments

3 réparties tout autour. C'est ce qui se passe normalement à mesure que

4 l'angle de descente devient de plus en plus raide, il y a une meilleure

5 répartition des fragments. En l'occurrence ce n'est pas le cas, ce qui

6 suggère que l'angle de descente est probablement inférieur à 70 degrés dans

7 cet incident.

8 Q. Vous nous dites que l'empreinte du cratère vous a permis de conclure

9 que l'angle de descente n'aurait pas pu être de 70, 75. Y a-t-il d'autres

10 facteurs ? Là, je parle des calculs dont vous nous avez parlé hier et qui

11 vous ont permis de conclure sur cet angle de descente ?

12 R. J'ai examiné les photos. J'ai refait les calculs. Les mesures

13 rapportées telles que vous les voyez ici, à partir du rebord du trottoir

14 ainsi que les autres mesures. Je voulais voir s'il était possible de

15 confirmer ces calculs balistiques. Quand j'ai commencé à examiner les

16 photos, j'ai constaté que ces photos n'étaient pas compatibles avec les

17 mesures indiquées par la FORPRONU. Si vous regardez les calculs qui

18 apparaissent en bas de la photo, pour ce qui est des mesures de la

19 FORPRONU, ils ont mesuré un cratère de 40 centimètres. A partir du centre,

20 si le diamètre est de 40 centimètres, il devrait avoir une vingtaine de

21 centimètres, comme on le voit sur la photo.

22 Q. Permettez que je vous arrête. La mesure du cratère était de 40

23 centimètres. Vous parlez du rayon de ce cratère d'impact ?

24 R. Non, je parle du diamètre, un diamètre de 40 centimètres. C'est ce qui

25 nous donne un rayon de 20 centimètres. S'ils ont marqué cela, ils ont dû

26 examiner la carte. La mesure qu'ils avaient prise partait du centre du

27 cratère jusqu'au centre de la deuxième couronne. C'est ce qui est marqué

28 par un L sur la photo, on avait 65 centimètres. J'ai vérifié cela. J'ai

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1 constaté qu'on n'avait pas trois fois la distance depuis le centre. A

2 partir du centre, on a qu'à peu près deux fois la distance. Au total, on ne

3 devrait pas avoir plus de 45 centimètres, 40 à 45, c'est deux fois 20 et

4 pas 65.

5 Ce L, c'est une distance-clé dont on se sert pour calculer la balistique.

6 Si vous recalculez avec le 45 que j'obtenais, alors on obtient un angle de

7 descente de 65 degrés. Cela ne se rapproche plus de 75.

8 Q. Avec ce calcul par rapport à l'angle de descente de 65, vous obtenez

9 quel genre de portée ?

10 R. On a une portée beaucoup plus importante, le mortier aurait pu être

11 situé à plus de quatre kilomètres.

12 Q. Vous souvenez-vous du calcul de l'angle de descente réalisé par les

13 autorités bosniaques ?

14 R. Les autorités bosniaques avaient noté 67 degrés, mais ils n'avaient pas

15 donné les éléments qui leur avaient permis de parvenir à ce chiffre.

16 Q. Je présume d'après votre réponse, qu'avec vos calculs et votre point de

17 vue, le rapport de la FORPRONU est-il plus juste que celui des autorités

18 bosniaques ou l'inverse ?

19 R. Pour moi, le rapport des autorités bosniaques est beaucoup plus proche

20 de la vérité que celui de la FORPRONU, en ce qui concerne l'angle de

21 descente.

22 Q. Avec ce calcul relatif à la direction du tir, avez-vous pu parvenir à

23 des conclusions relatives à l'origine possible de ce tir ?

24 R. Encore une fois, j'ai pris en compte la direction venant de la zone

25 indiquée, mais le fait est également que personne n'avait entendu ce tir.

26 Il s'agissait de deux salves, et celle-ci n'était que l'une des deux. Si

27 ces deux salves avaient été tirées selon la direction indiquée dans la zone

28 de front, elles auraient survolé beaucoup de zones résidentielles. Il y

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1 aurait forcément eu des personnes qui auraient entendu ce tir. Si vous

2 passez la ligne de front dans cette partie de Sarajevo, il y a un

3 escarpement assez raide. Derrière, on est protégé par rapport au son. Il

4 est possible que personne n'aurait entendu le tir.

5 Un autre facteur qui entre en jeu, c'est l'heure. Cela s'est passé à

6 environ 17 heures 25 en novembre. Il aurait déjà fait assez sombre, voire

7 nuit; c'est l'hiver. Quand un mortier tire, on voit une lumière, il y a un

8 flash. Cela se voit à des kilomètres. Si on avait tiré à l'intérieur des

9 lignes de front, quelqu'un l'aurait forcément vu. Cela aurait été très

10 visible. C'est pourquoi je suis à peu près convaincu que cela a dû être

11 tiré depuis l'arrière l'escarpement, d'une façon plus ou moins camouflée,

12 quelque part derrière la colline, pour que personne ne puisse l'entendre,

13 ni le voir.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Higgs, peut-être

15 reviendrions-nous à cette question ultérieurement. Je ne peux pas

16 m'empêcher de vous demander d'ores et déjà la chose suivante : comment

17 compensez-vous pour le fait que vous ne connaissiez pas le type de charge

18 utilisé dans ce mortier pour faire le calcul par rapport au point d'impact

19 ? Comment fait-on pour calculer la distance à partir duquel un tir a été

20 fait quand on ne dispose que de l'angle de descente --

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on a un angle de descente --

22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] -- et de l'empreinte du type de

23 mortier utilisé.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] [chevauchement] -- le type de mortier,

25 évidemment un mortier pourrait atteindre ce point avec toutes sortes de

26 charges. Il faut pour cela examiner la topologie et avoir suffisamment

27 d'expérience pour étudier les positions plausibles. Quand vous examinez les

28 différentes charges possibles, vous placez le mortier dans des zones qui

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1 peuvent être très près des zones résidentielles. Ce n'est que quand vous

2 parvenez à la zone du nord de Sarajevo où se trouvent les collines, que

3 vous arrivez à un endroit où un mortier aurait pu plausible être installé.

4 Vous essayez de regarder d'autres facteurs. Par exemple, y a-t-il des

5 personnes qui ont entendu ce tir ou pas, et à partir de tous ces éléments-

6 là, vous cherchez à vous faire un avis éclairé de l'origine possible de ce

7 tir. Vous avez raison, un mortier peut parvenir à un tel angle de distance

8 avec des charges différentes.

9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

10 M. SACHDEVA : [interprétation]

11 Q. Monsieur Higgs, ce genre d'avis, vous en avez émis à plusieurs reprises

12 dans votre carrière quand vous n'avez pas été en position d'identifier le

13 niveau de charge, n'est-ce pas ?

14 R. En effet.

15 Q. Maintenant, je voulais conclure sur cet incident, vous avez

16 probablement déjà répondu à cette question, mais je vous demanderais de

17 confirmer. A votre avis, cette salve provenait-elle d'un territoire

18 contrôlé par l'armée des Serbes de Bosnie ou par l'armée du gouvernement

19 bosniaque ?

20 R. Etant donné la position d'où je pense provenait ce tir, le territoire

21 aurait été détenu par l'armée serbe.

22 Q. Quel est votre avis quant à la cible envisagée pour ce tir ? Vous

23 n'oublierez pas qu'il y a eu une deuxième salve qui a atteint le jardin,

24 quelques minutes plus tard.

25 R. Encore une fois, c'est une seule salve vers un quartier résidentiel,

26 sur une route qui ne peut vraiment avoir un objectif militaire. Ce qui est

27 un peu étrange, c'est le délai avant la deuxième salve. Un mortier peut

28 tirer plusieurs fois et très rapidement les unes après les autres. On peut

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1 envoyer 82 projectiles en une minute avec un mortier de ce type. On peut

2 tirer à quelques secondes d'intervalle.

3 Or dans l'affaire en l'espèce, il s'est passé plusieurs minutes entre

4 le premier tir et le second. Une raison possible serait que si l'on tire

5 d'abord dans un endroit où l'on sait qu'il y aura des victimes, ce qui se

6 passe c'est que les autorités viennent sur les lieux pour voir s'il y a des

7 victimes et pour s'en occuper. On attend cinq ou dix minutes et on tire de

8 nouveau. Comme cela, on pense pouvoir avoir plus de gens dans la zone que

9 cela n'a été le cas au premier tir, en tirant deux fois dans la même zone à

10 quelques minutes d'intervalle.

11 Je ne peux pas prouver que cela ait été le cas. En l'occurrence, il

12 ne peut y avoir eu d'objectif militaire à tirer de cette façon, et surtout

13 à plusieurs minutes d'intervalle.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Présumons qu'on ciblait un endroit

15 particulier. On tire une première salve, puis on regarde où cela a atterri,

16 on se sert de jumelles pour le vérifier, ensuite, on ajuste la position du

17 mortier. Combien de temps cela prend-il, l'ajustement d'un mortier pour

18 faire un peu plus à gauche ou un peu plus à droite ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Si l'on cherche à atteindre un point très

20 spécifique, alors effectivement, on ajuste le feu pour mieux viser. Après

21 le premier tir, l'observateur voit l'arrivée du tir et il fait ses

22 corrections. Il les envoie aux artilleurs. Ensuite, ceux-ci tirent une

23 deuxième fois en ayant ajusté pour mieux cibler. Tout dépendra de la

24 compétence de l'observateur et de l'éloignement. Cela peut prendre entre

25 deux et dix minutes, selon ces facteurs. En l'occurrence, on présumerait

26 dans ce cas que le deuxième tir soit plus proche de la cible que le premier

27 tir. En l'occurrence, le deuxième tir a atterri dans un jardin, à proximité

28 du premier tir. Apparemment, il n'y a pas eu d'ajustement pour parvenir à

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1 une cible, à proprement parler, militaire.

2 M. LE JUGE MINDUA : A la page 19, lignes 9 et 10, vous dites que le rapport

3 bosniaque était beaucoup plus juste que celui de la FORPRONU en ce qui

4 concerne l'angle de descente. Comme nous savons que l'angle de descente

5 intervient dans les calculs non seulement de la direction mais de la

6 distance aussi, est-ce qu'à votre connaissance, la conclusion en ce qui

7 concerne la distance et l'origine des tirs était la même en ce qui concerne

8 le rapport bosniaque et le rapport de la FORPRONU ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Le rapport des autorités bosniaques a donné un

10 angle de descente proche de 67 degrés, alors que le rapport de la FORPRONU

11 l'estimait à 70 ou 75 degrés. Encore une fois, en examinant les photos et

12 en faisant des calculs de base moi-même, je suis convaincu que le rapport

13 des autorités bosniaques, à savoir 67 degrés, est plus exact que celui de

14 la FORPRONU en ce qui concerne l'angle de descente.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Sachdeva.

16 M. SACHDEVA : [interprétation]

17 Q. Monsieur Higgs, je vais poursuivre d'une question qui permettra peut-

18 être de clarifier ce que vient me dire, M. le Juge Mindua.

19 Avant d'avoir reçu ce jeu de photos, vous souvenez-vous si le rapport

20 de la FORPRONU, sur la base des calculs concernant l'angle de descente,

21 concluait - cela se trouve à la page 10 de votre propre rapport - que ce

22 tir provenant d'une zone située environ 3 200 -- que sa portée ne pouvait

23 pas dépasser 3 200 mètres; vous vous en souvenez ?

24 R. Oui, c'était bien le cas.

25 Q. Cette portée correspond-elle à leur calcul relatif à l'angle de

26 descente ?

27 R. Oui. En effet, c'est ce que leur donnerait un angle de descente d'à peu

28 près 75 degrés.

Page 5046

1 Q. Donc, pour plus de clarté, votre conclusion relative à l'angle de

2 descente, une fois que vous avez examiné les nouvelles photos et que vous

3 êtes parvenu à un calcul de 60 à 65 degrés, cela vous amène-t-il au-delà de

4 3 200 degrés, donc au-delà de la ligne de front ?

5 R. En effet, c'est ce qui faisait la grande différence, cela permettait au

6 tir de provenir de bien au-delà de la ligne de front.

7 Q. Je vous remercie pour cette réponse.

8 M. SACHDEVA : [interprétation]

9 Q. Nous pouvons maintenant passer au dernier incident, à savoir

10 celui qui s'est passé à Dobrinja le 18 janvier [comme interprété]. Vous

11 vous en souvenez ?

12 R. Oui, tout à fait.

13 Q. D'après votre examen des documents, quelle était votre conclusion quant

14 à l'origine possible de ce tir ?

15 R. Encore une fois, pour ces rapports, je n'ai aucune raison de douter des

16 éléments présentés dans le rapport bosniaque calculé par eux. En

17 l'occurrence, étant donné que le point 2 où s'est produit l'incident était

18 entouré de bâtiments élevés, donc il n'y avait en fait qu'une seule

19 direction possible d'où aurait pu venir ce tir, ce qui est conforme aux

20 explications données dans le rapport bosniaque.

21 Q. Je vous demande maintenant votre avis quant à la méthode employée par

22 les autorités bosniaques dans cette enquête ?

23 R. Je pense que la méthode utilisée dans cette affaire est parfaitement

24 appropriée; c'était une affaire difficile étant donné que le tir a frappé

25 un mur à mi-hauteur, et n'a donc pas frappé le sol. En l'occurrence, il

26 s'agissait de travailler par la méthode d'élimination, de constater

27 qu'elles étaient les directions qui n'étaient pas possible. C'est à partir

28 de là qu'ils ont déterminé l'origine du tir.

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1 Q. En page 19 du rapport, il s'agit du deuxième rapport de la liste 65

2 ter, numéro 01320, vous dites que les autorités bosniaques sont parvenues à

3 la conclusion que le tir venait de la région de Nedzarici, la région de

4 Nedzarici. Vous en avez conclu que c'est effectivement l'origine du tir la

5 plus plausible.

6 R. C'est la direction d'où venait ce tir, c'est correct. Cette direction

7 n'est pas vraiment en question en fait. En ce qui concerne la distance par

8 contre, cette région est à une telle distance que le mortier aurait pu

9 tirer avec une charge faible, ce qui donne un maximum de précision, c'est

10 ce qui permet de cibler au plus près un objectif. Si on place le mortier

11 plus loin, il faut une charge plus élevée, mais on perd de la précision.

12 C'est pourquoi cette région est l'origine de tir la plus plausible.

13 Q. Je vous remercie pour cette réponse. J'en ai terminé. Je me contenterai

14 de -- je m'en excuse d'ailleurs, je me contrains de revenir à la pièce de

15 l'Accusation 594. Il me semble me souvenir que je voulais encore vous

16 demander d'annoter cette photo pour que la pièce soit enregistrée

17 convenablement, et j'en aurais terminé.

18 Monsieur Higgs, vous reconnaissez cette pièce ?

19 R. Tout à fait.

20 Q. Je voudrais maintenant que vous marquiez avec le stylet, vous

21 comprendrez certes que le cercle le plus grand important est à 2 400 mètres

22 -- je vous demanderais de noter 2 400 mètres à côté de ce cercle-là, et en

23 dessous, de noter FP, ce qui signifie "position de tir".

24 R. [Le témoin s'exécute]

25 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que cette

26 pièce soit versée au dossier.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle est admise.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P596, Messieurs les

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1 juges.

2 M. SACHDEVA : [interprétation] Voici ce qui conclut mon interrogatoire,

3 Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

6 Messieurs les Juges.

7 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic :

8 Q. [interprétation] Monsieur Higgs, permettez-moi de me présenter.

9 Je m'appelle Branislav Tapuskovic, je suis le conseil de Défense de M.

10 Dragomir Milosevic, et j'aurais un certain nombre de questions à vous poser

11 afin de pouvoir préciser tous ces éléments liés à vos conclusions.

12 D'abord, permettez-moi de vous poser une question brève en guise

13 d'introduction et c'est une question relative au document de l'Accusation

14 P588. Il s'agit d'un rapport d'information que vous avez rédigé qui porte

15 la date du 3 août 2006. Dans ce rapport, on fait état des caractéristiques

16 liées à votre profession et à vos connaissances de ces problématiques qui

17 nous intéressent, en l'occurrence, qui est votre métier. C'est bien ce

18 rapport, n'est-ce pas, que vous avez fourni vous-même à l'Accusation ?

19 R. Oui, c'est exact.

20 Q. Dans l'introduction du rapport, ce qui m'intéresse pour l'instant ce

21 n'est que la partie supérieure du rapport. Lorsque nous parlerons de

22 Markale, nous allons revenir à ce rapport. Dans cette partie introductive,

23 vous nous parlez de votre carrière. Vous dites que vous avez travaillé à

24 l'intérieur du corps d'armée, et que vous avez également travaillé en tant

25 qu'expert dans la division des mortiers et, si j'ai bien compris, vous avez

26 également travaillé dans des entités civiles dans un bureau chargé des

27 questions civiles relatives aux mortiers ?

28 R. Oui.

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1 Q. Mais vous n'avez jamais fait des évaluations sur des effets que peut

2 avoir un mortier en temps de guerre, n'est-ce pas ?

3 R. S'agissant de l'évaluation en temps de guerre, c'est mon évaluation que

4 j'ai pu donner relativement à la région de Sarajevo.

5 Q. Donc, dites-moi, outre le fait que vous n'aviez pas cette expérience

6 précise, et d'après ce quoi je vois ici, vous n'avez pas non plus une

7 formation particulière, vous n'avez pas terminé des études qui permettent à

8 une personne éduquée d'analyser la problématique des mortiers et, en

9 l'occurrence, nous permettre d'élucider ces questions devant le Tribunal.

10 Est-ce que vous pourriez nous expliquer quelle est votre formation outre

11 les activités militaires que vous avez eues, quelle est la formation que

12 vous avez eue dans le domaine de la balistique, dans le domaine d'une

13 évaluation des mortiers, telle celle qui nous intéresse ?

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez posé quatre questions,

15 Maître Tapuskovic. Je vous demanderais de poser une question à la fois.

16 Quelle est la question que vous voulez poser, s'il vous plaît ?

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Voilà, pour abréger, voici ma question :

18 quel est votre parcours professionnel et quelle est la formation que vous

19 avez reçue, Monsieur le Témoin, pour vous permettre d'effectuer ce genre de

20 travail ? J'aimerais demander au témoin quelle est l'éducation qu'il a

21 reçue et quelles sont les écoles qu'il a faites liées à ceci.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Sachdeva.

23 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

24 simplement dire pour le compte rendu d'audience, que dans la réponse

25 fournie par la Défense à la suite de notre requête 94 bis, afin de faire

26 venir M. Higgs en tant que témoin expert, la Défense n'a pas notifié ni

27 l'Accusation ni la Chambre de première instance quant au fait qu'elle

28 entend réfuter l'expérience de M. Higgs en tant que témoin expert.

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1 J'aimerais simplement le dire pour le compte rendu d'audience.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Effectivement. Est-ce que vous avez

3 connaissance de ceci s'agissant de 94 bis, Maître Tapuskovic ?

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Je suis tout à fait

5 conscient qu'il y aura trois témoins experts.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais voyez-vous, l'une des

7 raisons pour laquelle cet article existe, c'est pour vous permettre de

8 réfuter si vous n'êtes pas d'accord avec un témoin expert. Pourquoi n'avez-

9 vous pas, pour gagner du temps, notifié l'Accusation, leur disant que vous

10 alliez réfuter l'expertise du témoin expert, que vous alliez lui poser des

11 questions sur ceci ?

12 Est-ce que c'est ce que vous voulez dire ?

13 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

14 L'Accusation n'a pas de problème à ce que témoin nous explique quelles sont

15 ses qualifications particulières, mais je voulais simplement dire que nous

16 n'avions pas reçu de notification à cet effet.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais la Défense vous aviez au

18 moins notifié du fait qu'elle voulait mener un contre-interrogatoire.

19 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, l'article cite

20 spécifiquement le fait que si la Défense souhaite réfuter l'expertise d'un

21 témoin, elle devrait nous aviser.

22 Mais toutefois, nous n'avons absolument aucune objection à ce que

23 cela soit fait à cet instant.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Veuillez répondre à la

25 question posée par le conseil de la Défense, Monsieur Higgs.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le cadre de mon expertise militaire, dans

27 le cadre de mes tâches en tant qu'instructeur de la division, j'avais la

28 responsabilité de la formation de tous les mortiers au sein de l'armée

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1 britannique. Cela comprenait également tous les tirs faits, y compris la

2 sécurité de tir de mortier, tout ce qui à trait à l'usage de liste de

3 mortiers, de calculs balistiques. J'étais également responsable des

4 enquêtes provoquées par des explosions de mortiers, pour ce qui est des

5 gens se trouvant partout dans le monde. J'ai également mené des enquêtes

6 pour d'autres armées étrangères. J'ai prêté mes services et mon expertise à

7 d'autres armées. J'ai également formé un certain nombre d'experts en

8 matière de balistique et de mortier. Je leur ai enseigné comment mener une

9 enquête appropriée.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Vous pouvez poser votre

11 prochaine question, Maître Tapuskovic.

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

13 Q. C'est tout ? C'est tout ce que vous avez comme formation ? Vous avez

14 simplement formé d'autres personnes. Très bien, mais je vous ai demandé de

15 quelle façon est-ce que vous avez acquis vos connaissances vous permettant

16 de former d'autres personnes ? Quelle est la formation que vous aviez reçue

17 vous-même ?

18 R. Avant de donner des cours, j'ai eu une formation au sein de la

19 batterie d'artillerie, cela a duré plusieurs années. J'ai eu un cours de 12

20 semaines, et un cours avancé de 20 semaines s'agissant des mortiers. J'ai

21 eu deux fois ces cours-là, et j'ai eu une formation d'instructeur, cela a

22 duré une année. J'ai suivi des cours d'artillerie et d'enquêtes en matière

23 de mortiers; la plupart de ces cours ont duré de six à huit semaines.

24 Ensuite, j'ai eu ma formation d'officier, qui a duré environ neuf mois. Par

25 la suite, j'ai suivi un certain nombre de cours assez courts, pour ce qui

26 est de la munition et de la façon de fabriquer des munitions, un peu

27 partout dans le monde. Je fais ceci depuis 11 ans, c'est-à-dire que mon

28 expérience de 11 ans m'a permis d'acquérir l'expérience et les

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1 connaissances me permettant de partager mon expérience avec plusieurs pays

2 étrangers et de donner mes préoccupations commerciales concernant les

3 questions relatives aux mortiers. J'ai pu de cette façon-là dispenser des

4 formations à des entreprises commerciales dans le domaine du mortier.

5 Q. Je vous remercie. Est-ce que c'est tout ?

6 R. Oui.

7 Q. Très bien. Je voudrais vous demander de prendre la page 6 du rapport,

8 il s'agit de la page 6 en B/C/S et de la page 7 en anglais, dans lequel

9 vous parlez de Sarajevo. Je vois ici que vous avez dit que vous vous étiez

10 déjà trouvé dans la ville un peu plus tôt et que vous vous étiez déjà rendu

11 sur des lieux couverts par l'acte d'accusation. Lorsque vous dites

12 "préalablement", pourriez-vous me dire à quel moment est-ce que vous vous

13 étiez rendu à Sarajevo ? Est-ce que c'était peu de temps avant la rédaction

14 de vos rapports ou est-ce que c'était au même moment ?

15 R. Je me suis rendu à Sarajevo avant le premier cas que j'ai enquêté, donc

16 c'était en 2003 [comme interprété]. J'en ai déjà parlé hier. J'avais visité

17 des lieux des environs de Sarajevo.

18 Q. Vous êtes venu déposer en tant que témoin expert dans l'affaire Galic

19 également, n'est-ce pas ?

20 R. Oui, c'est exact.

21 Q. Vous avez témoigné -- plutôt, est-ce que vous avez mené l'enquête pour

22 ce qui est de Markale 1 ?

23 R. Oui.

24 Q. Dans cette affaire-ci, s'agissant de l'événement du 28 août 1995, votre

25 position est la même que celle pour ce qui est du 5 février 1995, n'est-ce

26 pas ?

27 R. S'agissant de l'incident Markale 1 --

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi.

Page 5054

1 Veuillez permettre à M. Sachdeva de dire ce qu'il veut dire. Arrêtez-

2 vous quelques instants.

3 M. SACHDEVA : [interprétation] Je voudrais vous demander que l'on nous

4 fournisse un peu plus de détails lorsque le conseil de la Défense s'oppose,

5 si sa position est la même que -- que veut-il dire exactement --

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, effectivement, c'est le cas.

7 Pourriez-vous être un peu plus précis. Vous voulez qu'il vous parle du 5

8 février et par rapport à quoi ?

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

10 Juges, j'espère que je vais pouvoir aborder tous les détails précis.

11 Q. Ce qui m'intéresse pour l'instant c'est de savoir si votre évaluation à

12 ce moment-là était que le projectile parvenait des positions tenues par les

13 unités de la VRS ?

14 R. C'était la conclusion à laquelle je suis parvenu s'agissant de Markale

15 1, effectivement.

16 Q. Prenez, je vous prie, le point 2 de votre rapport. Vous dites que : "La

17 ville de Sarajevo se trouve dans une vallée entourée par des collines

18 élevées de tous les côtés. Il est facile d'effectuer un contrôle de la

19 ville. Ces collines font de Sarajevo un lieu idéal pour l'emploi de lien

20 indirect puisqu'il est très facile de l'observer."

21 Ma question est la suivante : est-ce que cela vaut seulement pour

22 l'armée de la Republika Srpska, oui ou non?

23 R. Quelle que force que ce soit qui se serait trouvée sur ces élévations

24 aurait pu avoir ce même avantage, si vous le voulez.

25 Q. Est-ce que vous savez qui tenait ces élévations autour de Sarajevo ?

26 Est-ce que vous le savez, et si oui, qu'est-ce que vous pouvez nous dire

27 là-dessus ?

28 R. A l'examen des cartes que j'ai vues, la plupart des hauteurs étaient

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1 tenues par les forces serbes.

2 Q. Vous avez parlé des hauteurs depuis lesquelles l'obus est arrivé,

3 depuis la direction de Trebevic ?

4 R. Pour être tout à fait précis, est-ce que vous parlez de Markale 2, est-

5 ce que vous parlez de la région de 2 400 ?

6 Q. Oui, cela fait partie de Trebevic.

7 R. Je ne connais pas très bien le nom des collines avoisinantes. C'était

8 les positions qui se trouvaient vers le sud et qui étaient tenues par

9 l'armée serbe.

10 Q. Est-ce que vous savez qu'il y avait plusieurs collines telles que

11 Colina Kapa, Debelo Brdo et d'autres hauteurs ? Est-ce que vous savez que

12 ces hauteurs se trouvaient sous le contrôle de l'ABiH ?

13 R. Oui, j'étais au courant qu'ils tenaient certaines des hauteurs autour

14 de Sarajevo. Lorsque j'ai mené mon enquête, j'ai pu examiner les faits qui

15 m'étaient disponibles. Ensuite, à l'examen des cartes que j'avais, il y

16 avait dans la zone de 170 degrés, dans la zone de la portée de 2 400, il

17 semblait qu'il y avait certaines positions tenues par les Serbes dans cette

18 région-là.

19 Q. Je vous pose une question assez générale dans votre paragraphe suivant.

20 Vous parlez des positions depuis lesquelles on pouvait faire des tirs

21 indirects. Vous avez dit que le plan des rues permet de bien voir les

22 bâtiments qui agissent en guise de point d'orientation. Est-ce que cela est

23 valable pour toutes les parties qui tenaient les positions, est-ce cela que

24 l'on peut conclure ?

25 R. Oui.

26 Q. Un peu plus loin, vous dites qu'un autre avantage dont il faut tenir

27 compte c'est que la plupart des mortiers a passé beaucoup de temps sur les

28 mêmes positions.

Page 5056

1 R. De quels mortiers vous parlez ?

2 Q. Est-ce que vous parlez des mortiers appartenant aux deux côtés et qui

3 étaient situés sur les mêmes positions et pouvaient avoir un certain

4 avantage ?

5 R. Oui, je parle des deux côtés.

6 Q. Vous dites plus loin : "Leur base était creusée à même le sol et les

7 cibles probables étaient sans doute marquées à l'avance." Est-ce que cela

8 était réellement valable pour les deux côtés ?

9 R. Oui.

10 Q. Dans le dernier paragraphe, au paragraphe 11, vous dites : "C'est ainsi

11 que l'on peut présumer, avec un très grand degré de certitude, qu'il leur

12 était possible d'atteindre une cible à l'intérieur de Sarajevo." Est-ce que

13 cela vaut pour les deux côtés ?

14 R. Oui.

15 Q. Merci. Je voudrais rapidement aborder votre dernier rapport, celui que

16 vous avez rédigé il y a quelques jours, le 11 mars 2007. S'agissant de ce

17 rapport, il fait état de l'incident du 8 novembre 1994 qui a eu lieu à

18 17 heures 25, ce jour-là. C'est le document qui porte la cote P590.

19 Nous retrouvons certaines sources. Vous nous donnez des sources dont

20 vous vous êtes servies. Vous dites : On m'a demandé d'examiner mon premier

21 rapport du 12 décembre maintenant que j'ai toutes les photos des lieux où

22 l'incident a eu lieu. On me demande d'examiner les éléments de preuve à

23 l'aide de ces nouvelles photographies. Il est possible de confirmer ou

24 d'infirmer l'angle de descente et l'azimut du lieu depuis lesquels les tirs

25 ont été tirés. De cette façon-là, il est possible de voir et d'examiner

26 l'écart qui existe entre les rapports.

27 Est-ce que c'est exact ?

28 R. Oui.

Page 5057

1 Q. A la page 2 et la version en anglais, c'est exactement la même page,

2 c'est la page 2 aussi. Vous dites : "Les photographies que j'avais

3 initialement étaient d'une mauvaise qualité."

4 Est-ce que c'est exact, oui ou non ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Peut-on dire que d'après ce que j'ai vu dans les documents, que seule

7 la commission qui était chargée d'enquêter sur les lieux disposait de

8 photographies, c'est-à-dire que la FORPRONU et le côté bosniaque n'avaient

9 absolument pas de photos. Est-ce que c'est exact ?

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

11 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas du

12 tout comment ce témoin peut répondre à cette question. Comment peut-il

13 savoir si la police bosniaque n'avait pas de photos ? A l'époque, les

14 photographies qui avaient été remises au témoin provenaient des autorités

15 bosniaques, les photographies qui étaient d'une meilleure qualité.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

17 êtes en mesure de dire qui était en possession des photographies ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je sais, Monsieur le Président,

19 c'est que les photographies de meilleure qualité nous avait été remises par

20 les autorités bosniaques, d'après mes connaissances.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Tapuskovic.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

23 Q. Mais ces photographies vous ont été remises juste avant de venir

24 témoigner, n'est-ce pas ? Ce sont des photographies que vous avez reçues il

25 n'y a pas très longtemps, n'est-ce pas ?

26 R. Oui, c'est exact.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Sachdeva.

28 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

Page 5058

1 permission, cette question prête à confusion. Est-ce que le conseil de la

2 Défense lui demande s'il a reçu ces photographies récemment ou lui posait-

3 il la question, à savoir si ces photographies ont été prises récemment ? Il

4 y a deux possibilités d'interpréter cette question. Selon moi, il s'agit de

5 deux questions différentes également.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, lorsque vous

7 avez répondu par l'affirmative, c'était relatif à quoi exactement ? Vous

8 voulez dire quoi par là ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais simplement dire que j'ai reçu ces

10 photos de meilleure qualité il n'y a pas très longtemps. Je ne voulais pas

11 dire que ce sont de nouvelles photos nouvellement prises. D'après ce que

12 j'en sais, ce sont des photographies qui avaient été prises le jour de

13 l'incident. Avant de rédiger ce rapport, j'ai reçu ces photographies de

14 meilleure qualité.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

16 Nous vous écoutons, Maître Tapuskovic.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

18 Juges, je vais poser une question abrégée. Ma question était très précise.

19 Nous pouvons le voir à l'examen de la deuxième partie de la déclaration.

20 Q. Pourriez-vous me confirmer encore une fois si les photographies que

21 vous avez qualifiées de photographies de mauvaise qualité, ce sont les

22 photographies dont disposait la FORPRONU; est-ce exact ?

23 R. Les photographies de mauvaise qualité, ce sont les photographies dont

24 je me suis servi pour rédiger mon rapport initial. Je crois que c'était des

25 photographies bosniaques.

26 Q. Bien. Nous y reviendrons plus tard.

27 Pour abréger, je voudrais maintenant vous demander de prendre la page

28 4 en B/C/S, et de prendre votre rapport à la page 6 en anglais. Vous dites

Page 5059

1 ici :

2 "La différence entre les deux azimuts est énorme du point de vue de

3 l'analyse du cratère. Aucun enquêteur véritable n'aurait obtenu un tel

4 écart en employant quelle que méthode que ce soit à l'analyse de l'azimut.

5 Je crois qu'il y a sans doute un malentendu quant à l'azimut qu'on a

6 inscrit dans le rapport de la CSB."

7 Est-ce que c'est exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous dites que de mentionner l'azimut de cette façon-là, c'est-à-dire

10 20 degrés à partir de l'est, c'est une façon assez étrange de déterminer

11 l'azimut; est-ce exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Ensuite, vous dites avant la conclusion - c'est à la page 6 en anglais

14 et la page 5 en B/C/S, vous dites : "Il s'est avéré que la CSB et la

15 FORPRONU sont arrivées aux mêmes conclusions. Aucun côté n'avait fait

16 l'erreur. Toutes ces différences existantes entre les valeurs calculées

17 d'azimut peuvent être attribuées seulement à une façon erronée

18 d'interpréter les données inscrites."

19 Est-ce que cela veut dire que tout d'un coup vous avez conclu que les

20 deux rapports étaient vrais et que les deux rapports sont identiques d'une

21 certaine façon ?

22 R. Pour ce qui est de la portée, en fait, c'est une mauvaise

23 interprétation de ce terme de 20 degrés. Dans le rapport bosniaque et dans

24 le rapport de la FORPRONU, nous retrouvons les mêmes données.

25 Q. Puisque vous avez conclu ceci, vous ne tenez pas compte de la

26 position prise par la FORPRONU qui se trouvait sur lieux, qui connaissait

27 la situation, qui avait examiné et analysé l'incident, et qui connaissait

28 également les positions tenues par l'ABiH ?

Page 5060

1 R. Oui. Je suis parvenu à cette conclusion à cause de l'angle raide

2 de descente qu'ils ont obtenu.

3 Q. Vous estimez qu'ils ont fait une erreur, n'est-ce pas ?

4 R. Ce sont des éléments de preuve que j'ai examinés. Les photographies ne

5 correspondent pas avec les conclusions formulées par la FORPRONU. C'est la

6 raison pour laquelle j'ai rédigé ce rapport. Je crois que l'angle de

7 descente calculé par les autorités bosniaques est beaucoup plus proche.

8 Q. Malgré toutes les erreurs que vous avez confirmées tout à l'heure, que

9 vous avez trouvées chez eux, vous nous dites cela ?

10 R. Pardon ? Je ne comprends pas votre question.

11 Q. Il y a quelques instants, nous avons parlé de l'angle de 20 degrés, et

12 que c'était un peu étrange de calculer l'azimut de cette façon là. C'est le

13 rapport émanant de la police de Bosnie-Herzégovine, du CSB. D'abord, vous

14 aviez conclu que c'était impossible. Maintenant, vous dites que le rapport

15 a pu démontrer ce que vous avez conclu.

16 R. Oui. Dans le rapport bosniaque, celui que j'ai mentionné un peu plus

17 tôt, il nous donne la région depuis laquelle ils pensent que le tir est

18 arrivé. Cette région se rapproche plus de 70 degrés que de 20 degrés. C'est

19 la raison pour laquelle j'estime qu'il s'agit d'une certaine forme d'erreur

20 d'interprétation de cette question de 20 degrés. La région dont ils font

21 état pour leurs calculs se trouve plus près de 70 degrés.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il est l'heure de la pause. Nous

23 avons dépassé la pause de quelques minutes. Nous devons maintenant prendre

24 une pause de 20 minutes, Maître Tapuskovic.

25 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

26 --- L'audience est reprise à 16 heures 09.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, vous pouvez

28 reprendre.

Page 5061

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. Monsieur Higgs, j'aimerais que nous passions maintenant à l'examen d'un

3 certain nombre de questions concrètes qui, à mon avis, sont extrêmement

4 importantes eu égard à certaines de mes positions liées aux incidents dont

5 nous parlons.

6 Je demanderais que l'on se penche sur la page 16 du rapport en

7 version B/C/S, qui correspond à la page 15 de la version anglaise. Ce

8 document constitue la pièce à conviction P589. Il s'agit du rapport du 21

9 décembre 2006. Un rapport d'information où il question de l'incident

10 survenu le 18 juin 1995 dans l'école Simone Bolivar.

11 J'attire votre attention sur la page 15 de la version anglaise,

12 correspondant à la page 16 de la version en B/C/S, où nous avons un

13 paragraphe qui commence par le mot en B/C/S qui veut dire "bâtiments". Vous

14 voyez ce passage, Monsieur Higgs ?

15 Vers la fin de la page de la version anglaise, comme me le souffle

16 mon assistant, page 15 de la version anglaise, avant-dernier paragraphe.

17 "Les bâtiments situés autour du lieu où est survenu l'incident…"

18 R. Oui, j'ai trouvé le passage.

19 Q. Je cite : "Les bâtiments situés aux environs du lieu de l'incident sont

20 également pris en compte afin d'éliminer certaines options dans le calcul

21 de la direction du tir. Les bâtiments empêchent l'arrivée de la bombe à

22 partir d'un grand nombre de directions. C'est ce qui est expliqué dans le

23 dessin qui a été fait par…" et on trouve là le nom d'un témoin.

24 Est-ce que ceci correspond à votre position ?

25 R. Oui. Si on tient compte de ces bâtiments, on peut éliminer un certain

26 nombre de possibilités, et il ne reste qu'une option pour la direction du

27 tir.

28 Q. Merci.

Page 5062

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

2 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je me rappelle à

3 l'instant que le témoin en question était un témoin protégé, donc il ne

4 faudrait pas que le contenu de cette page soit diffusé sur les écrans.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous verrons qu'il en soit ainsi.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est la raison pour laquelle je n'ai pas

7 prononcé le nom, qui d'ailleurs, à mes yeux, n'a aucune importance.

8 Q. Tournons-nous maintenant sur la page suivante du texte, page 16 de la

9 version anglaise, page 17 de la version en B/C/S. C'est le paragraphe

10 intitulé "Exactitude et méthode d'enquêtes". Je cite :

11 "Dans ce cas, il y avait absence du cratère normal dû à l'obus de mortier

12 qui sert à analyser et à déterminer la direction et l'angle de descente.

13 Toutefois, les bâtiments situés autour du lieu de l'incident permettent

14 d'éliminer certaines options, car la bombe ne pouvait pas provenir des

15 directions dans lesquelles on trouve ces bâtiments."

16 Est-ce que ceci est exact ?

17 R. C'est exact, oui.

18 Q. Nous pouvons dire que dans la direction d'où provenaient les obus, si

19 le long de cette direction on trouve des bâtiments, cela empêche d'agir

20 s'agissant de cette direction, d'après ce qu'on lit dans ce texte ?

21 R. Etant donné la direction à partir de laquelle le projectile a frappé le

22 mur, compte tenu de la présence de bâtiments dans les environs, on n'a plus

23 la possibilité de penser que la bombe venait d'une quelconque autre

24 direction que celle qui a été déterminée à l'issue de l'enquête, parce que

25 les bâtiments surplombaient cet endroit, et par conséquent il n'y avait

26 qu'une seule trajectoire qui était sans obstacle sur le chemin du

27 projectile.

28 Q. Merci. J'aimerais maintenant que vous regardiez ce qu'on trouve en page

Page 5063

1 18 de la version anglaise, page 19 de la version B/C/S, où vous répétez la

2 même chose. Vous dites : "La détermination de l'azimut est facilitée par le

3 fait que les bâtiments environnants excluent de nombreuses options. Il

4 devient donc relativement facile de déterminer que le projectile est venu

5 de l'ouest, mais ce qui reste à déterminer c'est l'azimut exact et l'angle

6 de descente." Là encore, la présence des bâtiments rend plus difficile la

7 détermination de la trajectoire du projectile, n'est-ce pas ?

8 R. Il n'y avait pas de bâtiments sur la trajectoire du projectile, mais

9 parce que le projectile a frappé le mur, comme on peut le lire dans le

10 rapport, il y avait absence du cratère normal que l'on trouve d'habitude,

11 et cela rendait impossible la détermination de l'angle de descente.

12 Q. Merci. J'aimerais maintenant que nous revenions à la page 4 de ce même

13 rapport en version B/C/S, qui correspond également à la page 4 de la

14 version anglaise, paragraphe 7, où il est question de tirs directs. Ce que

15 vous dites à ce niveau du texte est la chose suivante : "Dans un certains

16 sens, le rapport comporte une erreur. Le projectile a été tiré à partir

17 d'une hauteur, mais la cible est directement visible par le détachement

18 chargé des mortiers. La vision du mortier sert de point de repère qui

19 permet de viser la cible avec une plus grande précision."

20 Je poursuis la lecture : "Le tir direct à partir d'un mortier enterré

21 est très précis à partir du moment où le premier projectile a été tiré."

22 Est-ce que ceci est vrai, d'après vous ?

23 R. Oui.

24 Q. Maintenant, il nous faut revenir en page 18 de la version en B/C/S;

25 page 18 de la version anglaise également, le paragraphe qui traite des

26 raisons de l'attaque, délibérée ou autre. Vers la fin de ce paragraphe, on

27 trouve la phrase suivante : "Dans certains cas, un mortier peut servir à un

28 tir direct, auquel cas la personne qui contrôle le mortier vise directement

Page 5064

1 la cible. Pour qu'il y ait tir direct, l'artilleur a besoin de voir la

2 cible."

3 Ceci est-il exact ?

4 R. Oui.

5 Q. J'aimerais maintenant que nous revenions un instant sur une question

6 déterminée eu égard à ce que vous avez dit en rapport à l'incident du 28

7 août 1995, autrement dit l'incident de Markale 2. Pouvez-vous expliquer ce

8 que l'artilleur pouvait voir à partir d'un endroit sur une trajectoire qui

9 était barrée par des bâtiments élevé; autrement dit, est-ce que ce qui est

10 écrit ici n'est pas également valable dans le cas de l'analyse de

11 l'incident du 28 août 1995 ?

12 R. S'il est impossible de voir la cible ou le secteur dans lequel se

13 trouve la cible, il est probable que le tir de l'artilleur se fera à l'aide

14 d'un observateur ou à l'aide d'un certain nombre de coordonnées

15 enregistrées préalablement s'agissant de préciser le tir.

16 Q. Nous reviendrons sur ces éléments plus tard. Ce que je vous demande

17 maintenant c'est comment on peut voir quoi que ce soit quand la vision est

18 barrée par des bâtiments élevés ?

19 Je n'ai pas terminé. Excusez-moi. J'attends parce que les Juges sont

20 en conversation.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous, Monsieur, expliquer

23 comment se réalise un tir avec l'aide d'un observateur ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais dû le dire avant. Quand on se sert de

25 l'aide d'un observateur, l'observateur utilise l'émetteur radio pour

26 communiquer avec l'artilleur, donc l'observateur peut se trouver n'importe

27 où. Il n'a pas besoin d'être sur place. Il peut être en ville, en haut d'un

28 bâtiment élevé, il peut être tout près du front, il peut être sur une

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1 colline, il peut se trouver en fait à n'importe quel endroit où il a une

2 vision assez bonne du secteur dans lequel se trouve la cible. Il n'y a

3 aucune contrainte s'agissant du lieu où se trouve l'observateur. Depuis

4 l'endroit où il se trouve, il peut indiquer les coordonnées de tir à toute

5 personne qui en a besoin.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

7 Maître Tapuskovic, à vous.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

9 Q. Durant l'incident dont nous parlons, l'observateur aurait dû se trouver

10 exactement à l'endroit où l'obus est tombé, compte tenu de la configuration

11 du terrain et de la présence de bâtiments élevés. C'est le seul endroit où

12 il aurait pu se trouver; autrement, il n'aurait pu aider personne.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

14 M. SACHDEVA : [interprétation] De façon à ce que le témoin puisse répondre

15 efficacement, il serait bon de savoir de quel incident nous parlons. Est-ce

16 l'incident de Dobrinja ou l'incident de Markale ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic ?

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je parle des deux incidents. Je vais vous

19 expliquer, Messieurs les Juges. Lorsqu'on parle de Dobrinja, nous avons

20 entendu le témoin nous dire sans ambiguïté que les bâtiments barraient la

21 vision et empêchaient de voir l'endroit où est tombé l'obus. S'agissant de

22 Markale, le témoin n'a jamais parlé de ces bâtiments. Donc, la question que

23 je lui pose est la suivante : si l'observateur dont il parle se trouvait à

24 l'endroit où est tombé l'obus, comment est-ce que cet observateur aurait pu

25 voir quoi que ce soit ?

26 Donc, je parle des deux incidents.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord, des deux incidents.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.

Page 5066

1 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne crois pas,

2 c'est mon avis, que parlant de l'incident de Dobrinja, je ne crois pas que

3 le témoin ait dit que les bâtiments élevés bloquaient la vue. Le témoin a

4 dit que la présence de bâtiments de haute taille éliminait un certain

5 nombre d'options s'agissant de déterminer la direction du tir.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous pouvez sans

7 doute répondre à cette question.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de savoir si un observateur avait

9 une vision dégagée dans l'incident de Dobrinja, il aurait fallu se rendre

10 sur toutes les positions, dans tous les lieux impliqués et dans tous les

11 bâtiments de haute taille occupés par les deux forces armées pour confirmer

12 ou infirmer ce fait. Evidemment, je n'ai pas fait cela, donc je ne suis pas

13 capable de confirmer si un observateur avait une vision dégagée ou pas à

14 partir de l'endroit où il se trouvait. Mais ayant dit cela, il est

15 nécessaire d'avoir une vision dégagée pour effectuer un tir précis sur une

16 cible déterminée.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

18 Q. Je vous ai lu un passage de la page 18, et vous avez confirmé

19 l'exactitude de ce qu'on pouvait lire à cette page avant de vous poser ma

20 question au sujet de Markale : "Pour utiliser un mortier, il faut avoir une

21 vision dégagée sur la cible, il faut voir la cible." Alors, je vous demande

22 ce qu'on voyait à partir de positions que vous évoquez, à savoir 2 400

23 mètres, à partir de cet endroit, qu'est-ce qu'on voyait, puisque sur la

24 trajectoire, il y avait ce bâtiment élevé qui barrait la vue par rapport au

25 centre-ville. D'après vous, qu'est-ce qu'on pouvait voir ?

26 R. Si on n'a pas une vision dégagée, ce qui était le cas en l'espèce, sur

27 la zone qu'on vise, on a deux possibilités. On peut utiliser un point de

28 référence physique situé dans le voisinage comme, par exemple, le clocher

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1 d'une église ou un bâtiment de haute taille; et on règle le tir sur ce

2 point, après quoi on ajuste par rapport à la zone que l'on cible ou on peut

3 se servir d'une autre cible qui a fait l'objet de calculs de tir préalable,

4 s'il y en a un, puis apporter la petite correction nécessaire pour ajuster

5 le tir par rapport à la zone que l'on vise effectivement. Ces deux méthodes

6 sont très précises.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais si on prend la première

8 situation, nous parlons hypothétiquement, à savoir qu'on ne voit pas la

9 cible et qu'on se serve d'un clocher d'église, par exemple, pour ajuster le

10 tir par rapport à la cible, on ne voit toujours pas la cible. J'insiste sur

11 le fait qu'il s'agit d'une hypothèse. Comment est-ce qu'on réalise

12 l'ajustement nécessaire ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qu'on fait si on ne voit pas la cible, si

14 on a recourt à un tir indirect, c'est que l'artilleur qui manipule le

15 mortier utilise le point de référence physique le plus proche qu'il peut

16 trouver. Ensuite, il cartographie ce point pour déterminer la distance sur

17 le terrain entre le point de référence tout proche, qui se trouve, disons,

18 à une centaine de mètres à peu près de l'endroit où il est lui-même, et il

19 recourt à des tableaux de tir pour apporter la correction nécessaire et

20 déterminer la distance qu'il doit adopter pour fixer la cible effective qui

21 est la sienne à partir des calculs établis pour le point de référence.

22 Cela, c'est si lui-même effectue ce tir en cas de tir direct.

23 En cas de tir indirect, il se sert de l'aide d'un observateur pour

24 faire la même chose. L'observateur fait ce que je viens de dire et envoie

25 les coordonnées à l'artilleur qui s'occupe du mortier. Donc, dans un cas

26 comme dans l'autre, on n'a pas possibilité physique de tirer un projectile

27 directement sur la cible avec la précision nécessaire. Il faut travailler

28 un peu et juger. Or, ces dans des calculs qui concernent une autre cible et

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1 apportent ensuite les corrections nécessaires.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

3 Maître Tapuskovic, à vous.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

5 Q. Monsieur Higgs, il est possible de frapper une cible correspondant à ce

6 que vous venez de dire à l'aide d'un seul projectile; c'est bien cela ?

7 R. Un bon détachement de mortier, s'il dispose des coordonnées prêtes à

8 enregistrer pour d'autres cibles, doit pouvoir arriver tout près de sa

9 cible effective à l'aide de ces méthodes.

10 Q. Je ne suis pas ici, bien sûr, pour vous donner mon propre point de vue,

11 mais dans ce cas dont nous parlons, la cible n'était pas visible.

12 Toutefois, selon vous, il était tout de même possible de l'atteindre avec

13 un seul projectile.

14 R. C'est beaucoup plus facile de le faire dans une zone résidentielle en

15 raison du grand nombre de points de référence dont on dispose, notamment si

16 l'on dispose de coordonnées préenregistrées pour une autre cible située

17 exactement, également dans ce secteur, en raison de tir antérieur, visant

18 la même zone. Mais si on n'a pas de point de référence et si on n'a pas de

19 coordonnées préenregistrées pour des cibles situées dans le même secteur,

20 cela devient beaucoup plus difficile.

21 Q. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement, car je reprendrai avec

22 vous la discussion sur les ajustements de tir et les corrections

23 nécessaires.

24 Pour le moment, j'aimerais que nous parlions de ce que vous avez dit

25 s'agissant de déterminer les intentions de ceux qui tiraient. A la page 12

26 de la version en B/C/S, toujours dans ce même rapport, qui correspond

27 également à la page 12 de la version anglaise, vous y évoquez les

28 intentions qui pouvaient être seules des agresseurs. Alors, voici votre

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1 analyse, je cite :

2 "Etant donné que deux projectiles seulement ont été tirés, le fait

3 d'ouvrir le feu n'avait pas de véritable valeur. Sur le plan militaire, sa

4 seule valeur étant de perturber la population. Je n'ai reçu aucun rapport

5 indiquant que dans cette zone résidentielle il y avait la moindre activité

6 militaire. Les projectiles ont sans doute été tirés en visant ce secteur

7 dans le but d'effrayer les civils. Une autre intention était peut-être de

8 tuer des responsables, des autorités locales qui, ces jours-là, étaient

9 venues inspecter le terrain pour enquêter sur un incident survenu deux

10 heures avant."

11 Ensuite, vous fournissiez toutes sortes d'explications psychologiques.

12 Alors, je vous demande, Monsieur, est-ce que vraiment vous êtes compétent

13 pour réaliser une analyse psychologique ou psychiatrique de ce genre ou ne

14 serait-ce pas plutôt une compétence relevant d'une autre personne que vous-

15 même, car vous présentez ici toutes sortes d'explications de nature

16 psychologue. Est-ce que vous êtes compétent pour cela ?

17 R. L'analyse que j'ai présentée se fondait sur mon expérience de

18 l'utilisation opérationnelle des mortiers et sur le fait que j'ai enseigné

19 cette technique à de très nombreuses personnes au fil des années. Pour

20 utiliser correctement un mortier dans un environnement militaire, on doit

21 agir d'une certaine façon. Je ne me mets pas dans la tête de toutes ces

22 personnes, mais je me contente d'enseigner la bonne méthode d'utilisation

23 des mortiers sur le plan militaire.

24 Q. Mais lorsque vous parlez de psychologie, Monsieur Higgs, vous évoquez

25 l'ouverture du feu et la nature de l'agresseur. A vos yeux, qui était

26 l'agresseur en l'espèce, est-ce que vous l'aviez déterminé à l'avance ?

27 R. Non. J'ai examiné les éléments qui m'ont été donnés, après quoi je me

28 suis efforcé de déterminer sur la base de ces documents, le type de

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1 projectile utilisé, la direction du tir, et après je me suis fondé sur mon

2 expérience pour essayer de déterminer d'où était venu ce projectile. En

3 l'absence de toute connaissance préalable des coordonnées de tir, je ne

4 présumais pas de ce que j'allais trouver. Comme je l'ai déjà dit, j'ai

5 obtenu un certain nombre de renseignements tirés du terrain. En me fondant

6 sur mon expérience et sur la connaissance militaire des mortiers, je me

7 suis efforcé de me faire un avis quant à l'origine du tir, un avis

8 également quant au but poursuivi à l'aide de ces tirs.

9 Q. Je vais maintenant en arriver à un autre point qui m'intéresse. Pour ce

10 faire, il faut au préalable que je vous soumette ce que vous avez écrit

11 vous-même en page 17 de ce même rapport.

12 A cette page, il est question de l'incident survenu à l'école Simon

13 Bolivar, qui a provoqué la mort d'un très grand nombre de personnes. Page

14 17, de la version anglaise également, je cite :

15 "Au cours de cet incident, un seul projectile a été tiré, ce qui nous

16 laisse en fait qu'une seule option."

17 Un peu plus loin, vous dites : "Le projectile a été tiré sur un

18 groupe de personnes qui était venu chercher de l'eau sur la ligne de front

19 dans ce quartier de la ville," et cetera, et cetera.

20 Là encore, vous présentez un avis personnel. Cet incident s'est

21 produit dans un secteur qui était sous le contrôle de l'ABiH, n'est-ce pas

22 ? Est-ce que vous avez déterminé ce point, est-ce que vous avez déterminé

23 que ce secteur était bien sous le contrôle de l'ABiH ? Je parle de

24 l'endroit où les civils ont trouvé la mort.

25 R. En m'appuyant sur la carte dont je disposais, oui, j'ai déterminé avec

26 certitude que c'était un secteur sous le contrôle de l'ABiH.

27 Q. Ensuite, dans toute la page 18, vous présentez encore une fois une

28 analyse psychologique. Alors, de ma part, je vous pose la question suivante

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1 : est-ce qu'aujourd'hui dans ce prétoire, devant la Chambre de première

2 instance, vous pourriez fournir une explication psychologique permettant de

3 conclure pourquoi cet obus est venu de la ligne de l'ABiH ? Si tel est bien

4 le cas, quelle serait l'explication psychologique d'une telle hypothèse ?

5 R. Evidemment, je n'ai aucun document, aucun élément de preuve, aucun

6 indice qui vient à l'appui de cette hypothèse. Mais si les éléments qui ont

7 été mis à ma disposition m'avaient permis de parvenir à cette conclusion,

8 ma conclusion aurait été la même. Tirer une seule salve visant une position

9 qui abrite un grand nombre de civils est manifestement décidé soit à tuer

10 ces civils, soit à instiller la terreur dans l'esprit de toute cette

11 population, ou encore de tuer un commandant particulier, quant à l'identité

12 de ce commandant, je ne saurais qu'émettre des conjectures à ce sujet.

13 Q. Vous évoquez également l'incident du 28 août dans cette page,

14 l'incident de Markale 2. Ma question est la suivante : avez-vous compétence

15 de traiter de ce genre de question et de présenter de tels avis ? Estimez-

16 vous qu'une telle tâche correspond aux missions qui vous ont été confiées,

17 à savoir contribuer à faire éclater la vérité en présentant des conclusions

18 objectives et indépendantes, autrement dit travailler dans la plus grande

19 indépendance et la plus grande objectivité qui soient ?

20 R. J'ai reçu un certain nombre de documents, et ma tâche consistait à

21 confirmer le contenu de ces rapports, en tout cas, leur exactitude,

22 confirmer également les coordonnées de tir et l'angle de descente, et à

23 partir de ces éléments déterminer au plus près l'origine du tir. J'ai

24 également été chargé en me fondant sur le nombre de salves à déterminer de

25 plus près les intentions militaires, en particulier de ceux qui avaient

26 tiré, et c'est exactement ce que j'ai fait en rédigeant les rapports que

27 j'ai rédigés.

28 Q. Votre mission était la même lorsque vous êtes intervenu en qualité

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1 d'expert dans l'affaire Galic, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Vos analyses psychologiques ont été les mêmes lorsque vous avez

4 travaillé dans l'affaire Galic, n'est-ce pas ?

5 R. Je n'ai pas effectué d'analyses psychologiques. J'ai simplement dit

6 quelles étaient à mon avis les intentions éventuelles sur le plan

7 militaire.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup de cette correction.

9 Le témoin en effet n'a pas fourni d'analyses psychologiques. Je crois

10 qu'utiliser ce terme était une déformation de ses propos.

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je voulais

12 dire d'après l'évaluation que j'ai -- ce que j'ai dit était basé sur

13 l'évaluation que j'ai lue. Je n'avais pas l'intention de fatiguer la

14 Chambre en lui montrant toutes les pages contenant toutes ces explications,

15 mais si je le peux, j'en parlerai pendant ma plaidoirie. Ce que je voulais

16 demander au témoin, c'est si dans les faits il a réalisé ce type

17 d'évaluation dans le cadre du procès Galic, ou s'il s'est simplement occupé

18 de questions d'azimut, de cratère, d'angle de descente, et cetera ? Est-ce

19 que c'est la première fois que le témoin s'est occupé, disons, de questions

20 psychologiques, un rapport incluant un aspect psychologique ?

21 Je constate que le bureau de l'Accusation est de nouveau debout.

22 L'INTERPRÈTE : Micro. Il ne s'agit pas de M. Whiting mais de M. Sachdeva.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur Whiting, je ne trouve pas que

24 c'est une plaisanterie.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas M. Whiting, mais M.

26 Sachdeva.

27 M. SACHDEVA : [interprétation] Encore une fois, il me semble que parler de

28 profil psychologique n'est pas approprié.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nonobstant cela, je vais permettre

2 cette remarque.

3 Avez-vous fait, Témoin, ce genre d'évaluation dans l'affaire Galic ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'affaire Galic, j'étais censé témoigner

5 pour confirmer les rapports que j'avais réalisés à partir des cratères; il

6 s'agissait de direction de tir, encore une fois, d'angle de descente, de

7 positions de tir probables, et cetera donc, et intention militaire

8 probable. Donc, les mêmes choses, en gros.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

10 Q. Passons à présent à des questions spécifiques, à savoir les armes et

11 tout ce qui, par ailleurs, peut avoir trait à ces trois incidents

12 spécifiquement. Commençons par l'introduction que vous avez rédigée, et

13 tout d'abord ce que vous dites au sujet des mortiers. Nous sommes en page 2

14 de votre rapport. Vous y faites une appréciation. Vous y dites que la

15 portée maximale serait entre 4 500 et 7 500 mètres, que la majorité des

16 mortiers ne peuvent arriver à cette portée qu'en sélectionnant des

17 cartouches entre un et six.

18 Pouvez-vous me dire : d'abord, je me réfère ici principalement à

19 l'incident du 28 août. Aviez-vous des raisons de penser -- d'indiquer de

20 cette façon quel type de cartouche était utilisé ? Sur quoi vous basiez-

21 vous ?

22 R. A partir du rapport, aux rapport d'enquêtes, la détermination du

23 calibre de la salve était faite, mais pour autant cela ne pouvait pas être

24 confirmé, on ne pouvait pas confirmer quelle était la charge.

25 Q. Monsieur Higgs, vous n'avez jamais été en position de réaliser à partir

26 d'une méthode viable et exacte une évaluation précise de la portée de ces

27 mortiers de 120-millimètres, n'est-ce pas ?

28 R. Pour ce genre d'incidents, tout ce que j'avais c'était l'angle de

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1 descente. Il fallait à partir de là déduire à rebours à partir du point

2 d'impact entraînant sur tous les points d'origine possibles de ce tir.

3 Q. Merci. Je vais maintenant essayer de poser un certain nombre de

4 questions rapidement.

5 Commençons par la page 3. Page 3, c'est la version anglaise,

6 également. Vous nous parlez du fait que la précision d'une arme dépend de

7 plusieurs facteurs, et vous nous dites notamment que l'ailette de

8 stabilisation, mais aussi l'importance de la charge, l'angle, la direction,

9 la stabilité du socle, et le temps, la météo, et vous nous donnez toute

10 une série d'autres facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte. Puis, en

11 fin de compte, vous nous parlez de trois objectifs préenregistrés. Nous

12 pourrons donc en conclure que vous nous listez une dizaine de facteurs dont

13 dépendra la précision du tir d'une d'arme. Je me trompe ?

14 R. Non.

15 Q. Le dernier de ces facteurs, le dixième, pour être précis, concerne les

16 coordonnés enregistrés. Ce n'est peut-être pas une liste par ordre

17 d'importance, mais c'est tout de même le dixième sur cette liste, n'est-ce

18 pas ?

19 R. En effet, c'est le dixième, mais comme vous venez de le dire, ils ne

20 sont pas listés par ordre d'importance.

21 Q. J'ai suivi avec attention l'interrogatoire principal hier, et je crois

22 me souvenir assez clairement de plusieurs facteurs qui ont été relevés et

23 sur lesquels vous nous avez donné des explications, notamment la stabilité

24 du socle. J'aimerais éviter de devoir feuilleter mes papiers pour trouver

25 la bonne référence. Si je me souviens, vous nous avez dit qu'il y a

26 certains emplacements qui ont été définis exclusivement par le fait que les

27 armes se sont trouvées dans un certain endroit pendant toute la durée de la

28 guerre et qu'ils n'ont jamais été déplacés. Comment pouvez-vous être

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1 certain que ces positions n'ont pas été modifiées pendant toutes les années

2 de la guerre ? Comment pouvez-vous en être sûr et faire cette conclusion ?

3 R. Lorsqu'un mortier est installé dans une certaine position et fixé, s'il

4 n'y a pas de nécessité de le déplacer, alors il vaut mieux, militairement

5 parlant, le laisser là. Cela prend du temps de le déplacer et cela prend du

6 temps de l'enlever d'où il est afin de le mettre ailleurs. Une fois que

7 vous avez enregistré vos cibles, si vous déplacez le mortier, vous n'avez

8 plus qu'à recommencer. Si vous pouvez garder le mortier là où il est, vous

9 avez un avantage en tant que commandant. De ce point de vue là, étant donné

10 que nous travaillons sur des lignes de mortier qui étaient fixes pendant

11 une certaine période de temps, mon opinion est que les mortiers n'ont pas

12 été déplacés dans la mesure du possible, ils sont restés là où ils étaient,

13 aussi longtemps que possible.

14 Q. Monsieur Higgs, la ligne de front n'a pas bougé pendant toute la guerre

15 pratiquement, cela c'est vrai. Il ne s'agit pas là de la ligne de front, je

16 vous parle de la ligne où se trouvaient les armes. Comment pouvez-vous être

17 certain que certaines armes n'ont pas bougé pendant toute la guerre et

18 qu'elles ont été placées dans la même position et dans la même direction,

19 même quand elles ne se retrouvaient pas précisément sur la ligne de front ?

20 Sur quoi basez-vous cette idée ?

21 R. Comme je viens de vous le dire, la raison pour laquelle j'émets cet

22 avis, c'est mon expérience militaire dans l'utilisation du mortier pour les

23 tirs indirects, à savoir que l'on ne déplace pas si ce n'est pas

24 strictement nécessaire. Je n'ai pas de preuves qui me disent si tel ou tel

25 mortier est rester dans telle et telle position pendant deux ou trois ans

26 consécutifs. Je ne peux pas le prouver. C'est mon avis, c'est logique du

27 point de vue militaire et du point de vue du fonctionnement du mortier.

28 Q. En tant que soldat, Monsieur Higgs, vous devriez savoir une chose, je

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1 n'ai maintenant pas le choix, je suis obligé de vous le dire. Précisément

2 pour les raisons militaires, il est nécessaire de déplacer les armes

3 souvent parce que si vous restez trop longtemps au même endroit, on va vous

4 cibler vous-même. Cela me semble même une évidence. Je vous demanderais de

5 répondre et de ne pas vous contenter de hocher la tête.

6 R. Dans le cas de certaines armes, cela est exact. En ce qui concerne les

7 mortiers, pour un commandant de mortier, notamment lorsqu'il s'agit d'un

8 environnement assez défensif, et ce qui était le cas pour les lignes

9 permanentes fixes, un commandant va de toute évidence, étant donné qu'il a

10 déjà choisi et enregistré ces cibles, vous avez besoin que ces armes

11 puissent réagir immédiatement. Si vous les déplacez, alors vous perdez tout

12 ce que vous avez enregistré. Vous perdez tout l'avantage qui consiste à

13 avoir ces armes en place. Si vous les mettez ailleurs de façon fréquente,

14 vous êtes obligés à chaque fois, de tirer avec les mortiers pour pouvoir

15 vous repérer à nouveau, ce qui signifie que lorsque vous tirez avec vos

16 mortiers, vous risquez d'en révéler les positions à l'ennemi de toute

17 façon. Mieux vaut les laisser dans une position qui est bonne et qui

18 bénéficie d'une bonne couverture et où vous avez déjà enregistré vos

19 cibles, jusqu'au moment où vous êtes vraiment obligés de les mettre

20 ailleurs.

21 Q. Ce dont il s'agit, c'est d'une période de plusieurs années. N'est-il

22 pas évident que si vous vous servez d'une même arme dans une même position,

23 vous risquez de vous faire éliminer vous-même ? N'est-il pas évident que

24 vous êtes censés vous déplacer régulièrement ?

25 R. Dans une situation d'attaque, cela serait effectivement le cas dans

26 certains systèmes d'arme, mais pas pour les mortiers. Les mortiers, on les

27 déplace quand on est obligé de le faire et quand le commandement l'exige.

28 Les mortiers on ne les déplace pas si on ne l'exige pas. D'ailleurs, les

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1 pelletons d'artillerie de mortiers sont toujours instruits que même

2 lorsqu'on leur tire dessus, ils ne se déplacent pas. Ils risqueraient de

3 subir des pertes très importantes.

4 Dans ce type d'environnement et pour toutes les raisons que je vous ai déjà

5 données, on les laisse dans un seul et même endroit le plus longtemps

6 possible, ce qui présente un avantage certain. Etant donné les bonnes

7 positions dont on disposait dans cette zone en particulier, on aurait

8 certainement pu laisser les mortiers dans un seul et même emplacement pour

9 une longue période.

10 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur Tapuskovic, juste une minute. Monsieur le

11 Témoin, la question que vous pose l'avocat de la Défense, moi-même j'allais

12 vous la poser depuis un certain moment. Les snippers militaires où ces

13 hommes ont comme travail de toucher de pareilles cibles. Ma question est de

14 savoir si sur le plan militaire, le plan pratique, est-ce que les serveurs

15 de mortiers ont peur des snipers ou pas ?

16 Pour résumer la question, je voudrais savoir si sur le plan de la

17 tactique militaire, les serveurs de mortiers pourraient avoir peur des

18 snipers. Ma question se reporte notamment en termes de distance.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ils en auraient peur. C'est pourquoi on

20 préfère garder les mortiers éloignés de la ligne de front dans la mesure du

21 possible, éloignés des tireurs embusqués. S'il est possible de les cacher

22 derrière une colline par exemple, de façon à ce qu'ils ne soient pas

23 directement dans la ligne de tirs, alors, on élimine un danger. C'est

24 pourquoi la plupart des positions de mortier sont sélectionnées

25 suffisamment loin de l'ennemi pour éviter le risque des tireurs embusqués,

26 de préférence derrière une colline, pour qu'ils soient hors de portée de

27 toutes les armes légères.

28 M. LE JUGE MINDUA : [chevauchement] -- pourrait justifier que les mortiers

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1 puissent rester sur place pendant longtemps, sans être déplacés ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] S'ils sont dans une position bien choisie,

3 notamment derrière une colline ou suffisamment loin de la ville, alors cela

4 ne présente aucun intérêt de les déplacer, sauf si on y est vraiment forcé

5 pour des raisons tactiques.

6 M. LE JUGE MINDUA : [interprétation] Merci.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

8 Q. Monsieur Higgs, les cibles préenregistrées jouent un rôle important

9 dans votre rôle.

10 R. Oui.

11 Q. Vous savez très bien, je vous le soumets pour que vous le confirmiez,

12 que la seule chose qui permet de préenregistrer une cible c'est la

13 direction et la distance, n'est-ce pas ?

14 R. Non, ce n'est pas le cas. Quand vous enregistrez une cible, vous

15 enregistrez la direction de la cible, mais aussi la hausse et le type de

16 munition, la charge, l'amorce éventuellement, le détonateur. Vous

17 enregistrez également le point de la cote avec un maximum de précision et

18 l'altitude. Enfin, tous ces points-là, pas seulement l'azimut.

19 Q. Monsieur Higgs, ce que vous dites c'est que l'équipement utilisé pour

20 viser sur un mortier est susceptible d'absorber toutes sortes de facteurs

21 et de s'en resservir, notamment la distance, mais d'autres aussi, plus que

22 simplement la distance et la direction. Vous nous dites que l'équipement

23 qui permet à un mortier de viser peut incorporer toutes sortes d'autres

24 informations et de s'en servir pour tirer ensuite. C'est bien ce vous nous

25 dites ?

26 R. Non. Avec le viseur, on aura simplement la hausse et l'azimut. Les

27 autres informations, vous les enregistrez à partir du travail de

28 topographie que vous faites quand vous calculez votre cible. Vous

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1 enregistrez l'altitude notamment, et les coordonnées de la cible, la cote.

2 Si vous avez la chance de disposer d'un équipement informatique même simple

3 au poste de commandement, alors vous pouvez vous en servir naturellement.

4 Si vous n'avez pas ce système informatisé, alors vous pouvez le faire de

5 façon manuelle en utilisant des plans, par exemple.

6 Q. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, s'agissant de ces cibles déjà

7 préenregistrées, peut-on inclure des erreurs systématiques ? Est-ce qu'il

8 peut exister des erreurs systématiques, telle que la caractéristique des

9 mortiers, est-ce que cela pourrait être intégré dans ces cibles ? Est-ce

10 qu'on peut également inscrire les points faibles de tous les équipements si

11 on tient compte, par exemple, de la durée de leur emploi, de leur âge ?

12 R. Oui. En réalité, la raison pour laquelle il faut préenregistrer une

13 cible, c'est d'essayer, lorsqu'il est possible, d'éliminer le plus

14 d'erreurs possibles si jamais il faut de nouveau cibler cette même cible à

15 une étape ultérieure, la cible est plus précise à ce moment-là.

16 Q. Monsieur Higgs, j'imagine que vous avez déjà eu l'occasion de bien

17 examiner la région, pouvons-nous conclure que Sarajevo est une ville assez

18 montagneuse ?

19 R. Oui.

20 Q. Lorsqu'on parle d'une ville qui est entourée de collines et de

21 montagnes telle que Sarajevo, et de tous les facteurs que vous avez

22 énumérés, il y en a à peu près dix, peut-on dire que ce qui est le plus

23 important c'est l'influence des conditions météorologiques sur tout ceci ?

24 Est-ce que c'est exact ou non ? Est-ce que ce sont des facteurs qui ne

25 peuvent pas être inscrits dans ces cibles prédéterminées ou enregistrées,

26 que personne ne peut inclure ces facteurs-là ?

27 R. Oui, vous avez raison lorsque vous parlez de la météo. Effectivement,

28 la météo peut avoir une incidence sur la façon dont le tir atterrira.

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1 Lorsque nous enregistrons une cible, dépendamment des systèmes dont vous

2 disposez par exemple, il est possible de tenir compte des conditions

3 météorologiques. Il y a des ordinateurs qui existaient à l'époque au poste

4 de commandement, ils étaient en mesure de tenir compte de la météo. Si vous

5 n'aviez pas ces systèmes, à ce moment-là le temps est toujours un facteur

6 qu'il est impossible de déterminer si vous ne disposiez pas de ce système

7 sur ordinateur.

8 Q. Est-ce que vous pourriez nous confirmer qu'un obus, à la suite d'un tir

9 et dans ce cas-ci lorsqu'il s'agit d'un mortier de 120-millimètres, peut-on

10 dire que si l'on tire cet obus de 2 400 mètres, comme vous le dites, est-ce

11 qu'il est possible que ce mortier atteigne une altitude de 2 ou 3 000

12 mètres ?

13 R. Dépendamment de la hauteur depuis laquelle cet obus est tiré,

14 effectivement, le mortier doit parcourir une distance d'un ou de deux

15 kilomètres. Je ne peux pas être tout à fait certain sans examiner les

16 tableaux. Il est vrai que ces obus peuvent parcourir une distance assez

17 importante.

18 Q. Justement, nous y arriverons sous peu. Je voulais vous demander de nous

19 dire si cette cible préenregistrée, peut-elle tenir compte de ce qui se

20 passe avec le projectile une fois le projectile dans l'air, est-ce que l'on

21 peut tenir compte du vent et de la météo, est-ce qu'on peut dire que l'on

22 ne peut pas prédire le vent, l'humidité et la météo s'agissant de ces

23 terrains montagneux ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Est-ce que vous pourriez nous confirmer si vous êtes d'accord avec moi

26 ? J'ai trouvé une donnée quelque part. Est-ce qu'il est vrai qu'à tous les

27 100 mètres d'altitude, la température varie de 0,6 degrés ?

28 R. Oui, j'ai connaissance de ce fait, effectivement, la température change

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1 avec l'altitude.

2 Q. Alors, dans ces conditions-là, pourriez-vous nous dire quelle

3 l'importance un croquis pareil peut-il avoir lorsqu'un commandant d'une

4 batterie décide d'une activité ? Ce commandant ne peut absolument pas tenir

5 compte de ces conditions météo, n'est-ce pas ?

6 R. S'agissant d'altitude, ce n'est pas tellement important en réalité,

7 parce que c'est la même altitude dans laquelle le mortier reste, c'est-à-

8 dire à travers son vol il reste la même altitude. Mais maintenant,

9 s'agissant de la cible que doit atteindre ce mortier, vous pouvez vous

10 servir de données recueillies ailleurs, de données recueillies au cours de

11 la même journée, de données d'un obus qui a été tiré sur une autre cible,

12 afin de savoir de quelle façon la météo joue sur ces facteurs. Mais

13 effectivement, si c'est la première fois que vous tirez et que le temps

14 change, il s'agit de quelque chose qui est assez difficile d'incorporer

15 dans les calculs. Il y a toujours une marge d'erreur possible.

16 Q. Lorsque l'on change de cibles, de toute façon, seriez-vous d'accord

17 avec moi pour dire que l'on ne veut pas toujours atteindre la même cible ?

18 Est-ce que c'est exact ?

19 R. Oui, bien sûr. On n'essaie pas toujours d'atteindre la même cible. Cela

20 est vrai.

21 Q. Donc chaque fois que l'on choisi une nouvelle cible, il faut entrer de

22 nouveaux paramètres, n'est-ce pas ? Il vous faut tenir compte de tous les

23 nouveaux paramètres existants ?

24 R. Oui, c'est exact. Mais toutes les erreurs que vous avez décelées lors

25 de votre premier tir, vous pouvez vous servir de toutes ces erreurs, de

26 tous ces paramètres, pour faire en sorte que votre deuxième tir soit plus

27 précis.

28 Q. Monsieur, les règles pour une batterie de mortiers dans toutes les

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1 armées sont-elles les mêmes, plus spécifiquement lorsqu'on parle de ces

2 mortiers de 120-millimètres ? Est-ce que c'est exact de dire que, par

3 exemple, s'agissant de l'armée de la Grande-Bretagne, de la Russie, des

4 Etats-Unis, que les tableaux de tir sont toujours les mêmes lorsqu'il

5 s'agit de mortiers légers ?

6 R. Chaque type de munition a son propre tableau de tir.

7 Q. Je vous demande justement de nous parler des tableaux de tir pour un

8 mortier léger de 120-millimètres M74. Est-ce que c'est, selon vous, quelque

9 chose qui est assez semblable dans toutes les armées et corps d'armée ?

10 R. Les tableaux M74 sont plus ou moins les mêmes. Cela dépend. Ce qui va

11 faire une différence, c'est les munitions que vous employez, et les données

12 applicables à ce type de munition, bien sûr.

13 Q. Il y a quelques jours j'ai reçu des tableaux de tir de l'Accusation.

14 Vous avez vu les tableaux de tir pour des mortiers légers de la JNA de

15 1992. Vous avez vu ces tableaux là, oui ou non, en fait ?

16 R. Vous parlez de 82-millimètres ?

17 Q. Non, je parle de mortiers légers de 120-millimètres.

18 R. Oui. On m'a montré des tableaux de tir pour les mortiers de 82-

19 millimètres, ainsi que pour les mortiers de 120-millimètres.

20 Q. Est-il exact de dire que la déviation lors du tir s'agissant de ce

21 mortier-là est de 16 mètres, et que la distance est entre 34 et 35 mètres ?

22 Est-ce que c'est exact ?

23 R. Qu'est-ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de déviation ?

24 Q. Je parle du projectile, de la courbe qu'emprunte le projectile lorsque

25 l'on tire l'amorce du projectile. En fait, je vais reformuler ma question.

26 Est-il exact que la dispersion, selon ces tableaux de tir qui sont les

27 mêmes partout, est de huit champs, et que la déviation des premiers obus va

28 jusqu'à 120 mètres pour ce qui est de la distance, et peut aller jusqu'à

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1 312 mètres, si l'on tient compte de ces tableaux qui sont les mêmes pour

2 chaque corps d'armée ?

3 R. Oui, effectivement. Il s'agit de déviations. Tous les mortiers ont ces

4 déviations-là, ou ces points de précision-là. Ces écarts sont plus

5 importants lors des premiers salves que pour ce qui est des salves qui

6 suivent.

7 Q. Est-il exact de dire qu'à la suite de l'analyse faite selon ces

8 tableaux, pour atteindre une cible de dix par dix, il est nécessaire

9 d'avoir 139 obus pour atteindre une cible de dix par dix, ceci, bien sûr,

10 en tenant compte des règles ?

11 R. Dans la réalité, ce n'est pas vraiment le cas, cela dépend également de

12 la charge. Si on prend une charge faible, la précision est meilleure. Pour

13 ce qui est d'une charge plus importante, je pourrais vous dire,

14 qu'effectivement, la précision est assez importante. Mais effectivement,

15 vous pouvez avoir cette déviation pour ce qui est de tous les mortiers

16 s'agissant de leur précision. Les mortiers de tous les calibres peuvent

17 avoir cette déviation.

18 Q. Alors si c'est le cas, comment est-ce que c'est possible, en tenant

19 compte de tous les facteurs de précision que nous avons énumérés, y compris

20 tous les autres facteurs qui sont énumérés dans les tableaux, pourriez-vous

21 nous dire, comment était-ce possible d'atteindre cette cible en n'employant

22 qu'un seul obus s'agissant de Markale, pour ne pas répéter de nouveau notre

23 incident ?

24 R. Le problème auquel nous devons faire face est que nous ne savons pas

25 s'ils ont effectivement essayé de cibler l'extérieur de ce bâtiment ou est-

26 ce qu'ils ont essayé de cibler le marché qui se trouvait à quelques mètres

27 de là. Nous ne le savons pas. Mais tout ce que nous pouvons déduire, c'est

28 que, comme je l'ai dit plus tôt, lorsqu'il s'agit de mortiers, il faut

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1 essayer de faire en sorte que ces mortiers arrivent à une cible de la façon

2 la plus précise que possible en pré-enregistrant tous les paramètres pour

3 essayer de minimaliser le marge d'erreur. C'est tout ce que l'on peut

4 faire. S'agissant d'une garantie d'atteindre une cible de dix par dix, cela

5 serait presque impossible d'avoir une garantie à 100 %.

6 Q. Merci beaucoup. Parlons maintenant d'une autre caractéristique d'un

7 obus de 120-millimètres. S'agissant de ces règles, encore une fois, nous

8 avons déjà parlé de ceci, mais est-il exact de dire que vous nous confirmez

9 que lorsque l'obus explose, 2 400 à 3 000 éclats d'obus éclatent lors de

10 l'explosion ?

11 R. Le nombre précis d'éclats d'obus m'est bien difficile de confirmer,

12 mais ces obus sont conçus pour exploser en de petits bouts, créant ces

13 éclats d'obus de petite taille.

14 Q. Monsieur Higgs, dans votre rapport à la page 4 en anglais et également

15 à la page 4 en B/C/S, vous en parlez lorsque vous parlez de l'efficacité

16 des mortiers, et vous parlez dans ce paragraphe de la chose suivante.

17 Vous dites que "lorsque la portée n'est pas très grande", un éclat

18 d'obus peut traverser une personne et en atteindre une deuxième.

19 Maintenant, lorsque vous parlez de ceci, quelle est cette distance à partir

20 du centre de l'endroit où l'obus est tombé ? Donc à quelle distance devrait

21 se trouver ces personnes ?

22 R. Pour faire en sorte que ces pièces traversent une personne et

23 atteignent une autre personne, il aurait fallu que la personne soit

24 beaucoup plus près du point d'impact, c'est-à-dire qu'il faudrait que la

25 personne se trouve environ à 20 mètres du point d'impact.

26 Q. Mais ici à la fin du premier paragraphe, à la page 4 en anglais, vous

27 avez dit : "Les éclats d'obus varient s'agissant de leur grandeur, il y a

28 des pièces qui font quelques centimètres, d'autres pièces font quelques

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1 millimètres. Ils sont tout petits. Alors, les plus grands éclats font

2 quelques centimètres, et les plus petits ne font que quelques millimètres."

3 Est-ce que c'est exact ? On peut parler de millimètres et de

4 centimètres ?

5 R. Oui. Les éclats d'obus peuvent varier s'agissant de leur taille.

6 Q. Est-il exact de dire que dans les règles que nous avons vues, il est

7 calculé par avance, et que selon ces calculs, il est possible d'obtenir les

8 données que la mortalité est possible seulement si on se trouve à 17 mètres

9 depuis le point d'impact ?

10 R. Le niveau de mortalité n'est pas une science précise, mais il est

11 certain que depuis le point d'impact on peut calculer une distance de 40,

12 50, même jusqu'à 60 mètres lorsqu'on parle d'un obus de 120-millimètres. Je

13 ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par votre distance de 17

14 mètres.

15 Q. Je pensais à la zone se trouvant autour du point d'impact, et qu'il est

16 possible de calculer très précisément le niveau de destruction en se basant

17 sur le règlement. Je ne sais pas si vous avez examiné le règlement. C'est à

18 la page 29. On parle d'obus, et il est possible de calculer, en employant

19 les éléments précis, cette distance. Mais je vous pose une autre question.

20 Est-il exact que lorsque l'on examine ces paramètres-là, est-ce qu'on peut

21 dire que la zone de sécurité absolue est à 35 mètres, et qu'il n'y a plus

22 d'énergie cinétique s'agissant de ces éclats d'obus pouvant tuer une

23 personne ?

24 R. Il m'est bien difficile de confirmer cette affirmation; 35 mètres me

25 semblent quelque chose assez difficile. Même s'agissant d'un calibre de 82

26 ou 81-millimètres, il y a une zone de dangerosité, et même à une distance

27 plus élargie, il est assez difficile d'être touché par un éclat d'obus.

28 Mais lorsque vous parlez de 35 mètres, c'est assez rapproché du point

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1 d'impact, surtout lorsqu'il s'agit d'un obus de 120-millimètres. Une

2 distance sûre se trouverait à l'extérieur d'un rayon de 35 mètres.

3 Q. Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit, qu'un éclat d'obus peut

4 toucher une personne, passer à travers une personne et atteindre une autre

5 personne. Il faudrait que ces personnes se trouvent très près du point

6 d'impact. Est-ce que c'est exact ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Mais si à cet endroit-là, dans ce rayon-là, il y avait, par

9 exemple, des personnes, tel qu'il est indiqué ici dans l'acte d'accusation,

10 à ce moment-là le groupe de personnes qui se serait trouvé le plus

11 rapproché du point d'impact aurait empêché les éclats d'obus de

12 s'éparpiller ou de se disperser plus loin, ils auraient créé une barrière

13 par leurs propres corps autour du point d'impact ?

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, pourriez-vous, je

15 vous prie, répéter la dernière partie de votre question ? Nous n'avons pas

16 reçu l'interprétation assez clairement.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

18 Q. Si on tient compte d'un très grand nombre de personnes, comme on le dit

19 dans l'acte d'accusation, et si l'on tient compte également de la taille de

20 ces éclats d'obus allant de quelques millimètres à quelques centimètres,

21 les corps de ces personnes, comme il est dit ici dans l'acte d'accusation,

22 ne créeraient-il pas une sorte d'obstacle empêchant les autres éclats

23 d'obus de s'éparpiller plus loin ?

24 R. Oui, c'est exact.

25 Q. Serait-il exact de dire que - et d'ailleurs vous l'avez déjà confirmé

26 il y a quelques instants - lorsqu'un obus touche le sol, que les éclats

27 d'obus s'éparpillent de tous les côtés de la même façon ?

28 R. Cela, bien sûr, dépend de l'angle de descente, mais si la salve

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1 arrivait sous un angle très aigu, il est effectivement vrai que les éclats

2 d'obus se disperseraient tout autour.

3 Q. Pourriez-vous me dire, s'agissant de l'onde de choc que cause cet obus

4 lors de l'explosion, est-ce qu'il est possible de dire que cet obus ou

5 cette onde de choc peut faire tomber une personne par terre ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que, par exemple, vous pouvez être soulevé par cette onde de

8 choc et projeté plus loin ? Car j'ai vu une photographie d'un homme, d'une

9 malheureuse victime, qui se trouvait sur une clôture, beaucoup plus

10 éloignée que le centre ou le point d'impact.

11 R. Si la personne était très proche du point d'impact, oui, c'est

12 possible.

13 Q. Lorsqu'il était question de façon générale, et je ne parle pas

14 d'incident particulier ici, comme vous l'avez dit dans votre rapport au

15 paragraphe 9, lorsque vous parlez de la direction de tir, c'est la page 5

16 en anglais, pour ce qui est du rapport en B/C/S, c'est également à la page

17 5, vous parlez ici de la direction du tir lorsque vous examinez les

18 cratères, qui s'agit de quelque chose assez complexe et que la précision de

19 cette méthode dépend de plusieurs paramètres; est-ce que c'est exact ?

20 R. Oui.

21 Q. Un peu plus bas dans le paragraphe, en éliminant ces facteurs, vous

22 dites, outre le cratère lors de l'analyse, les éléments de preuve peuvent

23 constituer une conversation établie avec des personnes qui étaient sur

24 place et de ce que ces personnes ou ce témoin oculaire avait entendu ou vu;

25 est-ce que c'est exact ?

26 R. Oui.

27 Q. Est-ce que s'agissant de ces trois cas que vous avez eu l'occasion

28 d'analyser, est-ce que vous avez rencontré des personnes qui auraient vu

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1 ces projectiles tomber ?

2 R. D'après les déclarations que j'ai des récits de personnes, des témoins

3 oculaires qui se trouvaient sur place, ces déclarations ne m'ont pas aidé

4 dans mon enquête.

5 Q. Mais peut-on dire que s'agissant de tous les incidents, vous avez

6 souvent entendu des témoins vous dire qu'ils avaient entendu l'explosion de

7 l'obus ?

8 R. Oui. Dans quelques rapports on peut voir que certaines personnes

9 avaient entendu l'explosion.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Sachdeva.

11 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, la question posée de

12 cette façon-là, à savoir si notre témoin a interrogé des témoins qui

13 avaient entendu ou prétendu entendre l'explosion, je ne sais pas si c'est

14 cela que mon éminent confrère voulait savoir. Je ne sais pas non plus si le

15 témoin avait compris cette question-là comme étant comme ce que je viens de

16 dire, c'est-à-dire que lui-même avait interrogé des témoins.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, la question qui

18 vous est posée est de savoir si vous aviez vous-même interrogé des témoins

19 qui avaient entendu des explosions.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas moi-même interrogé des personnes,

21 je n'ai pas parlé aux personnes. Je n'ai fait que lire des déclarations qui

22 m'avaient été fournies.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

24 Q. Mais c'était ma question justement. J'ai lu littéralement ce que je lis

25 ici, et je sais que le témoin n'a pas mené d'enquêtes auprès de témoins.

26 Vous vous êtes basé sur les documents que vous aviez reçus pour votre

27 enquête, n'est-ce pas, pour mener votre enquête ?

28 R. Oui.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si

2 l'heure de la pause est arrivée peut-être.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Normalement, nous prenons la pause à

4 17 heures 35, donc il vous reste encore cinq minutes.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

6 Q. Monsieur, vous nous avez dit dans ce rapport que le bruit provoqué par

7 un obus est très caractéristique et peut être reconnu par les personnes qui

8 ont déjà entendu un obus tombé, n'est-ce pas ? Est-ce que c'est exact ?

9 R. Oui.

10 Q. J'ai sous les yeux une déclaration d'un autre témoin expert qui est

11 venu témoigné dans cette affaire avant vous, et il dit, à la page -- un

12 instant, je vous prie. Je n'ai pas la page -- je n'ai pas l'endroit précis

13 de cette déclaration. C'était le 20 avril.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne sais pas si le Procureur pourra

15 formuler une objection quant au fait de montrer cette déclaration au

16 témoin. En fait, je voulais citer ce que cet autre témoin expert avait dit.

17 Q. Lorsqu'un obus se déplace dans l'air, il produit un sifflement, est-ce

18 que c'est un bruit qui est caractéristique ?

19 R. Les obus font un bruit lorsqu'ils traversent l'air, effectivement, mais

20 pas toujours. Mais dépendamment des conditions météorologiques, dans

21 certains cas, lorsque les conditions météorologiques font en sorte que le

22 son est amplifié, à ce moment-là il est effectivement vrai que les obus

23 peuvent produire un sifflement.

24 Q. A la page 4 891 du transcript, le témoin avait même dit que le bruit

25 est toujours présent, que l'on l'entend toujours de façon très claire, ce

26 qui permet en fait aux personnes de se cacher, d'éviter que cet obus leur

27 tombe dessus.

28 R. Il ne faut surtout pas prendre les mortiers pour des tirs d'artillerie.

Page 5091

1 Lorsqu'un obus est tiré par une batterie d'artillerie, il provoque toujours

2 un bruit, les mortiers, les obus de mortier produisent un bruit similaire,

3 dépendamment, bien sûr, des conditions météos, mais le bruit que produisent

4 ces obus de mortier, ou le bruit que produit un obus de mortier, vous

5 l'entendez peu de temps avant que l'obus ne touche le sol.

6 Dans tous les cas, pendant quelques secondes, on peut entendre un bruit.

7 R. Oui, des fois.

8 Q. Dans ce cas, vous nous avez dit que personne n'avait entendu que l'obus

9 avait été tiré, même les personnes qui se trouvaient à plusieurs kilomètres

10 de l'endroit où l'on a tiré cet obus, et selon vous, il s'agirait

11 d'observateurs. De quelle façon pouvez-vous nous expliquer ce phénomène ?

12 R. Dans les rapports, je n'ai pas vu ou lu que quelqu'un avait entendu

13 lorsque l'obus avait été tiré. Donc, j'ai conclu que le bruit devait être

14 étouffé d'une certaine façon ou quelque chose empêchait ces personnes

15 d'entendre ce son.

16 Q. Mais personne n'avait entendu le vol de ce projectile, non plus ?

17 R. Non, en fait, il n'y a pas eu de personne dans ces rapports disant

18 avoir entendu quoi que ce soit, non.

19 Q. Les radars non plus n'ont pas eu trace de ce vol. D'ailleurs, nous

20 pouvons aller encore plus loin parce que vous parlez de cinq obus et

21 personne ne les a entendus, personne ne les a entendus traverser l'air.

22 Comment est-ce que vous expliquez cela ? Est-ce que c'est possible, compte

23 tenu de la trajectoire d'un obus de mortier de 120-millimètres ?

24 R. S'agissant du fait que les gens n'ont pas entendu, ce qui est certain,

25 cela c'est expliqué, bien entendu, par le fait que l'obus a été tiré à une

26 certaine distance et depuis un lieu situé derrière une colline. Quant au

27 radar, je ne suis pas expert en matière de localisation de mortier par des

28 radars, donc je ne sais pas ce qui a pu mal se passer, si quelque chose

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1 s'est mal passé. Je ne sais pas pourquoi ces obus n'ont pas été détectés

2 par les radars.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,

4 Maître. Mais, Monsieur Higgs, ceci est relativement important pour

5 permettre aux Juges de bien comprendre la situation.

6 Vous êtes en train de dire que lorsqu'un obus a été tiré par un mortier et

7 qu'il est en période de vol dans l'air il ne produit un son que parfois. Je

8 serais curieux de savoir si ce parfois peut être qualifié de presque

9 toujours ou si l'on doit parler d'autre chose. Est-ce que les conditions

10 météo peuvent favoriser la transmission du son ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La densité de l'air, le degré d'humidité

12 lorsque l'air est plus humide, cela favorise la transmission du son. Donc

13 oui, je dirais que ce parfois peut être qualifié d'assez souvent, mais pas

14 toujours.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

16 Q. Bien. Encore un point que j'aimerais soumettre à votre attention. Vous

17 dites, en effet, un peu plus bas dans votre rapport, je cite : "Les gens

18 sont capables de différencier le calibre de l'obus en fonction du bruit

19 qu'il produit. Ils peuvent même déterminer la direction d'où provient

20 l'obus." Donc, ce ne sont pas seulement que les gens entendent un bruit,

21 mais ils sont même capables, en fonction de la nature de ce bruit, de

22 déterminer le calibre du projectile ?

23 R. Cette partie de mon rapport porte sur le bruit du tir, le bruit du tir,

24 parce qu'en fonction de leur calibre, le tir de tel ou tel obus produit un

25 son différent.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, il nous faut

27 faire la pause maintenant.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

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1 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète à l'intention des sténotypistes :

2 remplacez chaque fois que le mot ait été utilisé, "artilleur" par "servant

3 du mortier."

4 --- L'audience est suspendue à 17 heures 37.

5 --- L'audience est reprise à 17 heures 56.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous pouvez

7 poursuivre. Je crois pouvoir vous dire qu'il vous reste à peu près une

8 demi-heure.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Q. Monsieur Higgs, nous parlions avant la pause des problèmes liés au son.

11 J'aimerais vous soumettre la dernière phrase de ce même paragraphe. Je cite

12 : "Un projectile issu d'un mortier ne produit qu'un bruit faible durant le

13 vol. Pour entendre ce bruit, il faut se trouver sur ce territoire et ne pas

14 être trop éloigné de la trajectoire descendante du projectile."

15 R. Exact.

16 Q. Dans la situation dont nous parlons, s'agissant de l'incident du 28, je

17 vais vous poser une question générale. Si on n'entend pas le bruit que

18 produit l'obus au moment où il est tiré, si on n'entend pas le bruit que

19 produit l'obus pendant le vol, ne serait-ce qu'un bruit faible, même à

20 proximité de l'endroit où l'obus est tombé ? Si le seul bruit qu'on entend

21 est le bruit de l'explosion, comment expliquez-vous cela ? Est-ce que cela

22 est explicable, lorsque les radars n'ont pas noté le passage de l'obus ?

23 R. Si nous parlons de bruit, il faut dire que l'obus ne produit pas

24 toujours un bruit audible pendant son vol. Tout dépend de la météo et tout

25 dépend de l'emplacement des gens. Il peut aussi y avoir une influence des

26 bâtiments, comme c'est le cas ici, par exemple. Le bruit, c'est quelque

27 chose de très difficile à quantifier. Quant au radar, je ne suis pas expert

28 en matière de radar et je ne saurais vous donner une réponse fondée quant

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1 aux raisons pour lesquelles les radars n'ont pas enregistré le passage de

2 cet obus.

3 Q. Je me dois maintenant de vous proposer un exemple qui est fondé dans

4 les documents que nous avons à notre disposition. Si nous prenons 100

5 personnes qui ont entendu le bruit de l'explosion, 95 de ces personnes ont

6 entendu le bruit de l'explosion et simplement quelques personnes isolées

7 auraient entendu un autre bruit, qu'est-ce que cela peut signifier ?

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On vous demande de répéter votre

9 question.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais raccourcir.

11 Q. Si on n'entend rien d'autre que le bruit de l'explosion, est-ce que

12 cela ne permet pas d'aller dans le sens d'une conclusion selon laquelle un

13 objet qui a ensuite explosé a été placé à l'endroit de l'explosion ?

14 R. Si on se fondait que sur la question du bruit pour arriver à cette

15 conclusion, je pense que ce serait dangereux. Comme je l'ai déjà dit, le

16 bruit n'est pas toujours entendu pour toutes sortes de raisons. Je ne

17 saurais confirmer que ce que vous dites est bien le cas.

18 Q. La question que j'ai posée était hypothétique, en tout état de cause,

19 et dans quelques minutes nous reviendrons sur le fait réel qui nous

20 intéresse. Entre-temps, j'aimerais vous poser quelques questions

21 intermédiaires portant sur l'incident du 18 juin 1995.

22 Page 15 dans la version anglais. Page 15 également dans la version B/C/S du

23 document que vous avez toujours sous les yeux, qui est toujours le même.

24 R. Oui.

25 Q. Je vous demande d'abord si vous savez que la date dont il est question

26 ici, le 18 juin 1995, était une journée marquée par une très forte

27 intensité du conflit qui faisait rage à l'époque, dont je ne donnerai pas

28 les détails ici, une très forte intensité des affrontements entre les deux

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1 parties belligérantes à ce moment-là; le saviez-vous ?

2 R. Non, je n'ai eu aucune information sur ce point, non.

3 Q. Est-ce que vous saviez, et je crois que vous le saviez, que l'endroit

4 dont il est question ici se trouvait très près de la ligne de front

5 séparant les deux parties belligérantes ?

6 R. Oui, je le savais.

7 Q. Savez-vous que l'endroit où se trouvait cette pompe à eau, parce qu'il

8 est dit que les gens faisaient la queue devant une pompe à eau pour

9 s'approvisionner en eau, est-ce que vous savez que cette pompe à eau

10 n'était pas visible depuis l'endroit supposé où se trouvaient les personnes

11 qui ont tiré à l'intérieur du bâtiment ?

12 R. Oui, j'ai pu déterminer cela à partir de l'examen des photographies qui

13 m'ont été envoyées. Comme vous l'avez dit, ce bâtiment était en ruines et

14 la pompe à eau était à l'intérieur.

15 Q. Quelque chose : l'identité de celui qui a tiré, nous sommes en droit de

16 dire que cette personne ne pouvait pas voir les gens en train de faire la

17 queue devant la pompe à eau ?

18 R. Je ne saurais vraiment répondre à cette question. Je ne sais pas

19 comment répondre à cette question.

20 Q. Merci.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Passons maintenant à la page 16 de ce même

22 texte dans la version anglaise et qui correspond à la page 17 de la version

23 en B/C/S. Le chapitre qui s'intitule : "Exactitude et méthode d'enquêtes."

24 Q. Nous lisons ici : "Dans ce cas précis, il n'y avait pas, comme c'est

25 normalement le cas, un cratère dû à l'obus de mortier qui rend possible

26 l'analyse et la détermination de la direction et de l'angle de descente."

27 C'est bien cela, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

Page 5097

1 Q. Deux paragraphes plus bas, nous lisons : "Les éléments documentaires

2 qui m'ont été fournis ne contiennent pas de photos montrant les traces de

3 fragmentation sur le sol. Je ne suis pas en mesure de confirmer ou de

4 réfuter l'une quelconque de ces conclusions."

5 C'est bien cela, n'est-ce pas ?

6 R. Exact.

7 Q. Nous sommes en droit de conclure qu'à la vue des photographies que vous

8 avez examinées, vous n'avez pas constaté la présence de traces d'éclats

9 d'obus sur le sol, n'est-ce pas ?

10 R. Non, en effet.

11 Q. A la phrase suivante, nous lisons, je cite : "Les traces du souffle

12 sont visibles sur le mur, mais à elles seules, elles ne me fournissent pas

13 de détails suffisants pour confirmer l'azimut."

14 C'est bien cela ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez vu la photographie sur laquelle on voit une superficie de

17 couleur noire, et en dehors de cette superficie de couleur noire, rien

18 d'autre, n'est-ce pas ?

19 R. La photographie de l'endroit où le projectile a frappé c'est un mur nu

20 qui a été touché dans sa partie supérieure par le projectile et où on ne

21 voyait que des traces de souffle.

22 Q. Au paragraphe suivant, vous dites : "Etant donné que le projectile a

23 frappé le mur à 3,20 mètres de hauteur, il est impossible de déterminer

24 l'azimut avec une précision aussi bonne que lorsqu'on dispose d'un cratère

25 dans le sol, comme c'est normalement le cas."

26 Ceci est exact, Monsieur ?

27 R. Exact.

28 Q. Bien.

Page 5098

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Passons maintenant à la page 19 de la

2 version B/C/S, page 18 de la version anglaise.

3 Q. S'agissant des conclusions de l'analyse du cratère et de son

4 efficacité, vous dites au deuxième paragraphe, je cite : "La détermination

5 de l'azimut est rendue plus facile en raison de la présence de bâtiments

6 dans les environs qui éliminent un grand nombre d'options."

7 Concrètement, vous avez déterminé l'azimut en vous fondant sur le fait

8 qu'il y avait des bâtiments qui faisaient obstacles sur la trajectoire du

9 missile entrant, selon vos calculs; c'est bien cela, Monsieur ?

10 R. C'est exact, oui.

11 Q. Si nous regardons le mur qui a été touché par le projectile, on ne voit

12 pas de traces d'éclat d'obus sur ce mur non plus ?

13 R. Non, on ne voit que le point où le souffle a touché le mur.

14 Q. Mais en tant qu'expert, est-ce que vous pourriez expliquer comment il

15 se fait, si cet endroit a été frappé par un obus d'un tel calibre, qu'on ne

16 voit ni sur les photographies du sol, ni sur les photographies du mur qui a

17 été touché par cet obus, qu'on n'y voit aucune trace d'éclats d'obus ? Est-

18 ce que c'est un phénomène qui est explicable ?

19 R. La raison pour laquelle on ne voit pas de telles traces sur le mur

20 c'est que l'obus a touché le haut du mur. Le souffle est passé par-dessus

21 le mur et on ne voit rien d'autre. S'il y avait eu des traces d'éclats, on

22 les aurait sans doute trouvées sur le sol à l'endroit même où se trouvaient

23 les gens, autrement dit, à quelques mètres de distance du lieu de

24 l'explosion. Ces traces n'auraient pas été aussi importantes que lorsque

25 l'obus frappe le sol. Sur la base des photographies qui ont été mises à ma

26 disposition, je n'y ai vu aucune trace sur le sol. Peut-être qu'il y en

27 avait dans la réalité, mais sur les photographies, j'étais incapable d'en

28 confirmer la présence ou de l'infirmer.

Page 5099

1 Q. Si l'obus a bien frappé à l'endroit qui a été évoqué dans les

2 conclusions, à savoir à une hauteur de 3,20 mètres, n'est-il pas logique de

3 penser que tous les éclats se seraient dispersés ? Comme c'est toujours le

4 cas dans ce genre de circonstance, ils se seraient dispersés vers le haut.

5 C'est ce qui explique l'absence de traces d'éclats d'obus sur le mur ?

6 R. Cela expliquerait l'absence de certaines traces d'éclats, compte tenu

7 de l'angle avec lequel s'est produit le contact avec le mur. Parce que

8 l'obus a frappé latéralement, certains des éclats seraient automatiquement

9 retombés vers le bas, sur les personnes qui se trouvaient là et auraient

10 provoqué des victimes humaines. Oui, il est fort probable qu'un grand

11 nombre des éclats d'obus seraient passés par-dessus leurs têtes et ne les

12 auraient pas touchées.

13 Q. Vous n'avez trouvé aucune trace due aux éclats sur les photographies,

14 n'est-ce pas ?

15 R. Je n'en ai pas trouvées sur les photographies qui m'ont été remises.

16 Non, en effet.

17 Q. Merci beaucoup. Dans ces conditions, pour conclure, je vais vous poser

18 encore une question au sujet de la fin du paragraphe qui concerne la

19 détermination de la direction du tir.

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] On trouve ce passage à la page 19 de la

21 version anglaise.

22 Q. Où vous dites, je cite : "Comme je l'ai déjà expliqué, je ne peux ni

23 confirmer ni infirmer les conclusions tirées par les enquêteurs qui ont

24 enquêté sur place."

25 C'est bien cela ?

26 R. Exact.

27 Q. J'aimerais maintenant vous poser quelques questions au sujet de

28 l'incident de la rue Livanjska, l'incident du 8 novembre 1994.

Page 5100

1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je demande qu'on affiche sur les écrans la

2 pièce à conviction P591, c'est-à-dire, la photographie du cratère.

3 Q. Monsieur Higgs, peut-on expliquer ces traces en éventail que l'on voit

4 ici à l'endroit marqué sur cette photographie par une flèche de votre main

5 et qui concerne les éclats ? Comment se fait-il qu'on ne trouve pas les

6 mêmes traces en plus grand nombre même du côté inverse, c'est-à-dire du

7 côté qui se trouve dans la direction d'où venait le projectile. On voit ici

8 un premier cercle et au-delà, au bas de la photographie, c'est-à-dire dans

9 le sens d'où provenait le projectile, compte tenu de l'énergie de ce

10 projectile, comment se fait-il qu'il n'y ait pas aussi dispersion des

11 éclats vers le bas.

12 R. Comme on le voit sur cette photographie, on a un premier cercle qui est

13 le cratère à l'endroit où le projectile a frappé, et c'est dû à l'onde de

14 choc. Si on s'écarte un peu, on arrivera à cette deuxième couronne, ces

15 deuxièmes traces, qui sont dues aux éclats émanant du corps du projectile.

16 Quant à ce que se passe de l'autre côté, du côté inverse, c'est-à-dire vers

17 le bas de la photographie, les éclats qui se sont dirigés dans cette

18 direction ont voyagé plus longtemps dans l'air sans toucher le sol, compte

19 tenu de l'angle de descente. C'est la raison pour laquelle on a ici cette

20 empreinte tout à fait caractéristique et assez étonnante avec des traces

21 d'éclats d'un seul côté du cratère.

22 Q. Mais est-ce que cela ne remet pas en cause l'affirmation venant de vous

23 -- ou plutôt est-ce que vous n'avez pas dit que cette empreinte en éventail

24 constitue normalement un cercle complet entourant le cratère en tant que

25 tel.

26 R. En raison du fait que le choc le plus important vient du centre, du

27 cœur du projectile, on a ici l'empreinte que l'on voit au niveau de la

28 deuxième couronne. Il y aurait été possible d'avoir une empreinte avec une

Page 5101

1 trace circulaire complète. Si le projectile était tombé à la

2 perpendiculaire exacte, à partir d'en haut, dans ce cas-là, on aurait une

3 deuxième couronne circulaire fermée. Mais la situation aurait été tout à

4 fait différente de ce qu'elle est ici, parce qu'ici le projectile a frappé

5 sous un certain angle, et c'est la raison pour laquelle les traces d'éclats

6 ne se trouvent que d'un côté du cratère.

7 Q. Mais est-ce qu'il ne serait pas plus logique de penser que le

8 projectile est venu d'une autre direction et que ces traces d'éclats, que

9 vous avez constatés sur cette photographie, ne peuvent pas exclure la

10 possibilité que le projectile serait venu d'une direction tout à fait

11 différente, si non opposée.

12 R. Bien, l'empreinte ici est très bonne. Donc, avec une empreinte comme

13 celle-ci, les autorités qui ont mené enquête ont déterminé que le choc

14 s'était produit parfaitement au centre. Ceci a été prouvé par calcul

15 balistique, et lorsque l'on est en présence d'une empreinte comme celle-ci,

16 parfaitement ronde, on peut déterminer la direction du tir à partir de ce

17 qu'on voit sur le terrain. Donc, la direction qui a été constatée est

18 manifestement la bonne.

19 Q. Vous affirmez absolument que la direction déterminée dans ces rapports

20 est la bonne direction et qu'il ne peut pas être question d'une autre

21 direction sur la base des photographies qui vous ont été soumises; n'est-ce

22 pas ?

23 R. Oui.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je demanderais maintenant que l'on affiche

25 sur les écrans, la pièce P595, une autre photographie. Q. Sur cette carte,

26 Monsieur Higgs, vous nous avez tracé une annotation correspondant à la

27 direction d'où provenait le projectile tiré à 15 heures 25. Mais, est-ce

28 que vous pourriez, sur cette même carte, nous montrer la direction d'où

Page 5102

1 provenait le projectile tiré à 17 heures 30, puisque celui-ci n'a pas fait

2 l'objet d'une annotation sur cette carte, encore ?

3 R. Bien. Le projectile tiré à 17 heures 30, la zone approximative se

4 situerait à peu près dans cette direction que je viens d'annoter.

5 Q. J'aimerais maintenant que vous inscriviez une flèche pour indiquer la

6 direction séparant la rue Livanjska de l'endroit d'où le projectile a été

7 tiré ?

8 R. D'accord.

9 La direction en question correspond à peu près à la flèche que je trace

10 ici, à savoir qu'elle fait un angle de 70 degrés à peu près, comme je le

11 dis dans mon rapport.

12 Q. Mais ceci correspond assez bien avec les affirmations des enquêteurs de

13 la FORPRONU, à savoir que le projectile est venu d'une zone qui était sous

14 le contrôle de soldats de l'ABiH. Vous terminez la flèche à l'endroit où

15 vous la terminez sur cette carte, mais est-ce que dans la réalité elle

16 devrait se terminer ici ou à un autre endroit ?

17 R. Par la flèche, je ne fais qu'indiquer la direction. Je n'indique pas

18 l'emplacement du lieu d'où l'obus a été tiré. Le lieu où l'obus a été tiré

19 est indiqué dans mon rapport comme se situant approximativement dans la

20 zone que j'ai encerclée d'un cercle bleu à l'instant.

21 Q. Donc, je vous rappelle ce que vous avez dit au début de votre

22 déposition aujourd'hui. Vous avez dit que compte tenu de la qualité des

23 photographies qui vous ont été communiquées, vous considérez comme

24 totalement exclu que le projectile ait été tiré à partir du territoire sous

25 le contrôle de l'ABiH ?

26 R. Comme je l'ai déjà dit, les portées sont très difficiles à déterminer

27 avec précision, parce que, compte tenu de l'angle de descente et de

28 l'endroit dont il est question ici, il aurait été possible, avec le même

Page 5103

1 angle de descente, d'envisager un tir correspondant aux six charges dont

2 j'ai parlé tout à l'heure. Donc, je me suis fondé sur mon expérience, je me

3 suis penché sur les cartes des lignes de confrontation, ainsi que sur la

4 plus grande probabilité que le tir soit provenu de tel ou tel lieu, compte

5 tenu de la proximité des zones résidentielles, et j'ai rassemblé tous ces

6 éléments. Je répète, que s'agissant de l'endroit où se trouvait les lignes

7 de front, il aurait été tactiquement très peu sensé de tirer à partir de

8 certains endroits. Encore une fois, je n'ai reçu aucune indication selon

9 laquelle quelqu'un aurait entendu le bruit du tir de mortier, ce qui permet

10 de penser que le tir n'a pas eu lieu dans une zone proche ou dans une zone

11 située dans un quartier résidentiel. Puis, il faut tenir compte de l'heure,

12 il faut tenir compte du fait qu'à cette heure-là il faisait déjà un peu

13 nuit, et que l'éclair dû au tir n'a pas été vu, ce qui permet de penser que

14 le tir a eu lieu dans un secteur qui se trouvait derrière une colline, ou

15 en tout cas dans un secteur situé loin des zones résidentielles. C'est à

16 partir de tous ces éléments que j'ai tiré les conclusions que j'ai tirées.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais la question qui vous était

18 posée consistait à vous demander si vous estimez toujours de façon

19 catégorique que vous devez exclure la possibilité que le projectile soit

20 venu d'un territoire sous contrôle sous l'ABiH. Que dites-vous à ce sujet ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas exclure totalement cette

22 possibilité, honnêtement, Monsieur le Président. C'est évidemment un avis

23 que j'ai exprimé sur la base de mon expérience personnelle, parce que

24 l'obus de mortier aurait pu être tiré à partir de six endroits envisagés au

25 départ, des six endroits correspondant aux six charges dont nous avons

26 parlé. Mais l'endroit le plus logique, en raison de l'absence de bruit, de

27 l'absence de quiconque aurait vu l'éclair au moment du tir, c'est que le

28 tir provenait de la zone encerclée en bleu sur la carte.

Page 5104

1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

2 Maître Tapuskovic, vous avez dépassé le temps qui vous avait été alloué.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore

4 quelques petites questions au sujet de Markale 1, et j'en aurai terminé.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord. Posez-les rapidement.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais essayer. Apparemment j'ai la plus

7 grande difficulté à interroger rapidement.

8 Q. S'agissant du 18 juin, Monsieur Higgs, c'était un moment où les combats

9 faisaient rage avec une intensité très grande, même durant la nuit. Nous

10 avons des informations qui l'indiquent. Est-ce que ceci pourrait avoir une

11 influence sur votre appréciation ? Vous dites qu'il faisait nuit. Pouvez-

12 vous ajouter quelques mots à ce sujet ?

13 R. Le 18 juin, l'incident s'est produit pendant la journée, donc,

14 manifestement le problème de voir ou de ne pas voir l'éclair n'est plus

15 pertinent. Mais il y a la question du bruit. Comme vous le dites, les

16 combats étaient très importants pendant cette période, et donc, ils

17 devaient sans doute produire des bruits importants. Donc, identifier un tir

18 particulier dans tout ce bruit pouvait être difficile.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais en terminer avec ce contre-

20 interrogatoire, Monsieur le Président.

21 Q. J'ai encore une question à vous poser au sujet de Markale, Monsieur

22 Higgs. Vous avez parlé des documents qui ont été mis à votre disposition.

23 Est-ce que vous vous êtes efforcé d'obtenir les documents des radars qui

24 étaient à l'œuvre durant ces événements et qui ont très certainement

25 enregistré les deux autres tirs ? Peut-être pas Markale, mais les deux

26 autres tirs, c'est certain. Est-ce que vous avez essayé d'obtenir ces

27 enregistrements ?

28 R. J'ai établi mes rapports en me fondant exclusivement sur les documents

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1 qui m'ont été remis. Je n'ai aucun autre document à l'appui de mon travail,

2 et je n'ai donc pas disposé de documents radar.

3 Q. Pouvez-vous me dire catégoriquement que vous maintenez votre position

4 s'agissant de l'incident de Markale, en dépit du rapport de Harry Konings

5 et de son équipe qui a travaillé le 25 mai, ainsi que le 29 mai, ainsi que

6 le rapport transmis à Kofi Annan le 29 septembre ? Je ne vais pas revenir

7 sur tous les détails de ces rapports, mais en dépit de ce que stipule ces

8 documents, s'agissant de l'azimut, des angles et de l'appréciation de

9 toutes les coordonnées de tir, ces documents indiquent une direction de tir

10 qui est différente de celle que vous avez déterminée. Donc, en dépit de

11 tout cela, est-ce que vous maintenez vos propres positions, vos propres

12 conclusions, à savoir que l'origine du tir se situait à une distance de 2

13 400 mètres de l'endroit où l'obus a frappé ?

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] M. Sachdeva a une question à poser.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Sachdeva.

16 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, le conseil de la

17 Défense vient d'évoquer un certain nombre de documents, dont l'un est le

18 rapport de Harry Konings, et sa question consiste à demander au témoin si,

19 en dépit de tous ces documents dont le témoin a pu disposer qui stipulent

20 l'azimut, les angles et qui ne prouvent rien s'agissant de la direction du

21 tir, dans mon souvenir, le rapport de Harry Konings prouve quelque chose de

22 très particulier s'agissant de déterminer la direction du tir. Donc, à mon

23 avis, le conseil de la Défense vient de déformer le contenu de ces

24 rapports.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Auquel cas, Maître Tapuskovic, il va

26 vous falloir reformuler votre question en omettant toute référence au

27 rapport de M. Harry Konings.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Mais la seule chose que je peux faire,

Page 5106

1 c'est soumettre ce rapport au témoin.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais m'occuper de la question

3 rapidement.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre réponse à la

6 question, Monsieur le Témoin ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous parliez tous les deux en même temps. Vous

8 pourriez répéter ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oubliez toute référence au rapport

10 de Harry Konings, mais en oubliant ces références au rapport de Harry

11 Konings, que répondriez-vous à la question qui vient de vous être posée ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Même réponse que pour l'autre incident, à

13 savoir que l'azimut peut être déterminé avec un certain degré de précision,

14 mais que déterminer la portée est difficile, étant donné les diverses

15 charges qui auraient pu être considérées comme envisageables. Donc, il

16 faudrait que j'examine les diverses options possibles et que je voie

17 quelles sont les options. Une fois que j'ai examiné toutes ces options,

18 j'ai exclu toutes les options, sauf la portée de 2 400 mètres, parce qu'une

19 portée de 900 mètres aurait situé l'origine du tir dans une zone beaucoup

20 plus proche d'un quartier résidentiel entouré de bâtiments, d'immeubles et

21 indiqué sur l'une des cartes du théâtre des opérations comme étant miné, ce

22 qui probablement ne fait pas d'un tel endroit un endroit idéal pour y

23 installer un mortier. La deuxième portée nous situe sur la ligne de front

24 même, ce qui, encore une fois, n'est pas un endroit idéal pour placer un

25 mortier, et donc cela ne nous laisse que les portées maximales, parmi

26 lesquelles celle de 2 400 mètres est idéale en raison de la proximité de

27 plusieurs routes et d'autres éléments. C'est sur la base de ces réflexions

28 que j'ai conclu que c'était la position la plus probable à mon avis pour

Page 5107

1 l'origine du tir.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

3 Juges, est-ce que la carte que le témoin vient d'utiliser peut être versée

4 au dossier en tant que pièce à conviction de la Défense et obtenir une cote

5 ?

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D176, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

9 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci. J'ai quelques questions

10 supplémentaires à poser au témoin. Est-ce qu'on pourrait revoir la pièce à

11 conviction de la Défense sur les écrans, celle qui se trouvait là a

12 l'instant ?

13 Nouvel interrogatoire par M. Sachdeva :

14 Q. [interprétation] Monsieur Higgs, pendant que la carte s'affiche, je

15 voudrais vous poser une question : Au début du contre-interrogatoire, le

16 conseil de la Défense vous a demandé si vous aviez déjà mené des enquêtes

17 au sujet des mortiers en temps de guerre. Ma question est la suivante :

18 S'agissant d'un examen de cratère, est-ce que cela change quelque chose de

19 savoir si l'enquête est menée en temps de paix ou en temps de guerre ?

20 R. Non. Pour un cratère de mortier c'est exactement la même chose. Le seul

21 avantage en temps de paix c'est que, bien entendu, on peut enquêter de

22 façon plus approfondie.

23 Q. Si nous attendons encore, je vais passer à une autre question. En page

24 51, le conseil de la Défense vous a demandé, en ce qui concerne l'incident

25 de Markale : "Monsieur Higgs, avez-vous eu la possibilité d'appliquer une

26 méthode véritablement précise pour établir la portée de ces deux salves de

27 mortier de 120 millimètres ?" Voilà ce qu'on vous a demandé.

28 Votre réponse pour ces deux incidents était : "J'avais l'angle de descente

Page 5108

1 et j'avais l'azimut." Et, vous en avez déduit l'origine du tir. Maintenant,

2 ce que je vous demande c'est qu'au cours de votre carrière, vous avez

3 procédé à de nombreuses analyses de cratères et vous avez déduit des

4 directions de tir. Ces enquêtes, les avez-vous faites sans connaître la

5 charge au juste, c'est-à-dire, autrement dit, vous sentez-vous en position

6 de déterminer l'origine d'un tir sans connaître la charge ?

7 R. Oui. C'est ce que nous cherchons à faire, parce que nous savons qu'il y

8 a forcément toujours une conjonction de charge qui peut vous donner la même

9 hausse. Dans la majorité des cas, il faut réfléchir à ce qui est le plus

10 plausible, la position la plus plausible du mortier. C'est cela, en fait,

11 qui détermine notre décision en matière de portée.

12 Q. Maintenant, pour donner une suite à cette question, vous avez dit à la

13 Chambre que vous n'êtes pas un expert en matière d'analyse de cratères et

14 que quand vous réalisiez ces enquêtes, avez-vous réfléchi à cela avant de

15 parvenir à vos conclusions ?

16 R. Non. Je ne m'étais jamais servi de ce genre de chose auparavant. Dans

17 la plupart des enquêtes que j'avais réalisées, nous n'avions pas ce genre

18 d'éléments. Je travaillais à partir des éléments que l'on me donnait.

19 Q. Pour ce qui est de la question suivante - nous sommes en page 62, pour

20 la Défense - le conseil de la Défense vous a demandé s'il est possible de

21 cibler un objet de dix mètres sur dix. Vous avez répondu que ce serait

22 pratiquement impossible de garantir que la cible serait touchée. Ma

23 question c'est, dans la mesure où vous nous avez parlé de cibles

24 préenregistrées, de l'utilisation d'observateurs, à votre avis, le marché

25 pourrait-il avoir été frappé dès le premier tir ?

26 R. Oui, il aurait pu l'être, mais il y a un certain nombre de facteurs à

27 prendre en compte. La question de précision a naturellement déjà été

28 évoquée, mais il aurait pu être atteint dans la mesure où c'est une cible

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1 bien plus importante que dix mètres sur dix, beaucoup plus grande. Mais

2 cela dépend de toute une série de facteurs que nous ne connaissons pas.

3 Mais oui, cela aurait pu être possible.

4 Q. Maintenant que nous avons enfin ce plan à l'écran, pouvez-vous, avec le

5 stylo rouge de préférence, noter SP dans le cercle bleu, pour nous donner

6 la position de tir la plus plausible.

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Suite à la question posée par le conseil de la Défense, pourriez-vous

9 prolonger cette flèche jusqu'à ce cercle bleu pour éviter toute confusion

10 possible.

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Je vous remercie.

13 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais faire

14 verser cette pièce au dossier.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Certes.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] P597, Messieurs les Juges.

17 M. SACHDEVA : [interprétation] Ceci conclut mes questions supplémentaires.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Higgs, voici qui conclut

19 votre -- veuillez m'excuser. Le Juge Harhoff a quelques questions.

20 Questions de la Cour :

21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie pour ce que vous

22 avez dit jusqu'à maintenant, Monsieur Higgs. J'ai une question qui concerne

23 l'engin qui actionne l'explosion -- le dispositif qui déclenche l'explosion

24 d'une salve de mortier. Si je ne me trompe, il y a un détonateur dont la

25 tuyère et lorsque le projectile touche le sol, cela déclenche l'explosion.

26 R. C'est exact, Monsieur le Juge.

27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Alors, qu'est-ce qui est nécessaire

28 pour ce déclenchement ? Supposons que vous soyez debout et que vous

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1 laissiez tomber le projectile d'un mètre et demi, est-ce que cela le ferait

2 exploser ?

3 R. Non, cela ne le ferait pas exploser.

4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous pose la question parce que

5 d'après la Défense, l'obus aurait pu être posé. Dans ce cas, en tout cas en

6 théorie, il faut se demander s'il aurait été possible de, par exemple, le

7 faire exploser en le faisant tomber d'une fenêtre du troisième étage. Cela

8 aurait été possible, pensez-vous, que le dispositif aurait pu se déclencher

9 si vous l'aviez lâché de cette façon ?

10 R. La plupart des dispositifs ont une sécurité qui doit être retirée avant

11 que le projectile soit lancé. Puis, à l'intérieur de l'amorce, dans la

12 mesure où il n'y a pas d'inertie à l'intérieur de l'amorce, tout dépend de

13 la charge et de la force, si vous n'avez pas une certaine dynamique, une

14 certaine force, que vous le lâchiez, par exemple, sur le sol, cela

15 n'explosera pas. Ce qui fait exploser un projectile, c'est qu'il ait été

16 suspendu pendant un certain temps de façon à ce qu'il ait une sorte de

17 force, sans quoi le détonateur ne fonctionnera pas.

18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Donc, si on le lâchait, par

19 exemple, du troisième étage cela ne marcherait pas ?

20 R. Non. L'inertie ne serait pas suffisante pour déclencher le détonateur

21 et faire sauter la sécurité.

22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pour que je comprenne bien, la charge

23 que vous donnez à un mortier est une composante totalement séparée du

24 mortier lui-même, de la grenade ?

25 R. Oui, en effet. Quand ils arrivent dans une boîte, ces obus sont

26 chargés. Quatre ou six charges. Tout dépend du type de moteur. Le tout

27 étant déjà installé. Et vous, vous retirez ce dont vous n'avez pas besoin,

28 c'est-à-dire, si vous désirez, par exemple, une charge de quatre, voire une

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1 charge de deux, vous enlevez ce qui n'est pas nécessaire, et vous ne gardez

2 que les deux.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Lorsque vous insérez le tube, vous

4 insérez le moteur lui-même avec un certain nombre de charges à l'intérieur

5 ?

6 R. En effet. Cela sert un peu comme une sorte de fer à cheval. Il se

7 glisse sur l'arrière de l'obus. Donc, ils sont connectés à l'arrière de

8 l'obus quand vous l'insérez dans l'ouverture de mortier.

9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Higgs, cette fois votre

11 témoignage est terminé. Nous vous remercions de vous être présenté devant

12 nous, et vous pouvez disposer.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

14 [Le témoin se retire]

15 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, M. Docherty va

16 s'occuper du témoin suivant. Puis-je disposer ?

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

18 L'INTERPRÈTE : Note à l'intention des sténographistes. Vous pouvez

19 remplacer "sécurité de l'obus" par "la goupille".

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 Monsieur Docherty.

22 M. DOCHERTY : [interprétation] Le prochain témoin de l'Accusation est

23 M. Milomir Soja.

24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que le témoin fasse sa

26 déclaration solennelle.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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1 LE TÉMOIN: MILOMIR SOJA [Assermenté]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous s'asseoir. Monsieur

4 Docherty, vous pouvez commencer.

5 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 Interrogatoire principal par M. Docherty :

7 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Soja, veuillez avoir

8 l'obligeance de vous présenter à la Chambre en nous donnant votre nom et ce

9 que vous faites pour gagner votre vie.

10 R. Je m'appelle Milomir Soja et je suis un électricien, un ingénieur

11 spécialisé en électricité. Je travaille aujourd'hui à la faculté

12 d'électronique à Sarajevo est.

13 Q. Monsieur Soja, je vais vous poser des questions relatives à des travaux

14 que vous avez réalisés sur le système d'allumage de bombe aérienne modifiée

15 en 1995. Je commencerais par vous poser des questions sur les

16 qualifications dont vous disposiez pour faire ce genre de travail.

17 Pouvez-vous dire à la Chambre quelle est votre formation, y compris

18 l'année vous avez été diplômé et les disciplines que vous avez étudiées ?

19 R. J'ai terminé le secondaire à Ilidza en 1992. J'ai été diplômé par la

20 faculté d'ingénierie électronique à Sarajevo, puis, jusqu'à la guerre, j'ai

21 ensuite travaillé chez Energoinvest, une usine où je travaillais pour la

22 section électronique.

23 Q. Quand vous nous dites que vous travaillez pour Energoinvest, pourriez-

24 vous dire à la Chambre de quel type de société il s'agit. Qu'est, au juste,

25 qu'Energoinvest, et que faisiez-vous pour cette société ?

26 R. Energoinvest est une très grande société et je travaillais dans une

27 section qui était plus petite qui comptait 90 employés environ. S'agissant

28 de l'entreprise, cette entreprise s'occupait d'électronique énergétique.

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1 Q. Est-ce que c'est là que vous travailliez lorsque le conflit armé a

2 éclaté en 1992 ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous avez servi dans les forces armées pendant le conflit

5 armé ?

6 R. Oui.

7 Q. Dites-nous, est-il exact de dire que vous avez été libéré des forces

8 armées le 31 décembre 1994, que vous avez terminé votre service militaire à

9 ce moment-là ?

10 R. Oui, c'est vrai.

11 Q. Après avoir terminé votre service militaire, qu'est-ce que vous avez

12 fait comme travail ?

13 R. J'ai effectué une obligation de travail dans une entreprise qui avait

14 été fermée pendant la guerre et qui s'appelait Energoinvest Automatika

15 [phon] ?

16 Q. J'aurais deux questions à vous poser concernant votre dernière réponse.

17 D'abord, dites-nous ce que vous entendez par obligation de travail ?

18 R. C'est une sorte d'engagement civil pendant la guerre, c'est-à-dire que

19 nous avions des obligations similaires aux obligations militaires, mais

20 nous avions d'autres tâches, responsabilités. Nous avons pour obligation de

21 travailler à l'intérieur de l'entreprise.

22 Q. Dites-nous, vous nous avez parlé d'une entreprise qui s'appelait

23 Energoinvest Automatika. Est-ce que c'était une autre entreprise ? Est-ce

24 qu'elle différait de l'entreprise dans laquelle vous étiez employé avant le

25 conflit armé --

26 R. Oui.

27 Q. -- ou plutôt avant de faire votre service militaire ?

28 R. Oui.

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1 Q. De quel type d'entreprise s'agit-il s'agissant de Energoinvest

2 Automatika ?

3 R. Energoinvest Automatika était une entreprise composée de plusieurs

4 anciennes firmes de l'Energoinvest qui s'occupaient -- dont le bureau chef

5 était plutôt à Stupe Irija [phon].

6 Q. Lorsque vous parlez de plusieurs entreprises anciennes, entreprises de

7 l'Energoinvest, quels types de produits produisaient ces entreprises qui

8 sont par la suite devenues Energoinvest Automatika ? De quels types

9 d'entreprises s'agissait-il ?

10 R. En fait, il ne s'agissait pas d'une production normale pour l'appeler

11 ainsi. L'une des productions principales, puisque Energoinvest était située

12 presque sur la ligne de front, leur objectif était de conserver le plus

13 d'équipements des anciennes usines qui se trouvaient sur cette ligne de

14 front. Il était également possible de faire un peu de production, mais nous

15 nous servions pour la plupart des équipements existant déjà de manufacture.

16 Nous produisions des produits semi-finis.

17 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous rendre à l'entreprise Pretis

18 à Vogosca au nord de Sarajevo ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre dans quelle

21 circonstance vous êtes rendu pour la première fois à l'entreprise Pretis,

22 et pourriez-vous nous expliquer également la raison de votre déplacement ?

23 R. Au printemps de 1995, on m'a laissé entendre qu'il faudrait aller à

24 Pretis, qu'il me faudrait aller à Pretis afin de consulter certaines

25 personnes concernant la modification, comme on l'appelle ainsi, de

26 dispositifs électroniques qui étaient utilisés pour les lanceurs, comme on

27 les appelait. C'était des bombes aériennes.

28 Q. Est-ce que vous êtes rendu à l'entreprise Pretis ?

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1 R. Oui.

2 Q. Combien de temps après que l'on vous ait laissé entendre qu'il faudrait

3 que vous alliez à l'entreprise Pretis ? Etes-vous effectivement allé à

4 Pretis ? Je ne sais pas si vous avez compris ma question.

5 Je vais la reformuler. Vous dites que l'on vous a laissé entendre

6 qu'il vous faudrait vous rendre à Pretis, et j'aimerais savoir combien de

7 temps après que l'on vous a laissé entendre qu'il faudrait aller à Pretis,

8 êtes-vous allé à Pretis ?

9 R. Je ne me souviens pas précisément, mais c'était peut-être dix jours

10 après.

11 Q. Lorsque vous vous êtes rendu à l'entreprise Pretis, cette usine, est-ce

12 que vous y êtes allé seul ou étiez-vous accompagné de quelqu'un ?

13 R. J'y étais accompagné de mon collègue de l'Automatika, et c'était

14 Besimir [phon] Popovic, et nous étions également accompagnés de M. Mitrovic

15 de la brigade.

16 Q. L'interprète n'a pas très bien saisi le nom de la brigade. Pouvez-vous

17 répéter le nom de la brigade ?

18 R. Excusez-moi, je vois qu'on a mal rédigé son nom. Ce n'est pas Mitrovic,

19 mais Mijatovic, et c'est la Brigade d'Ilidza.

20 Q. Lorsque vous êtes allé à l'usine Pretis, est-ce que vous avez rencontré

21 quelqu'un là-bas ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui avez-vous rencontré une fois sur les lieux ?

24 R. Nous avons rencontré M. Krsmanovic. Je crois que son grade était celui

25 de commandant.

26 Q. Est-ce que M. Krsmanovic vous a dit ce qu'il faisait là-bas à Pretis ?

27 R. Il ne nous a pas dit ce qu'il faisait là-bas, mais on nous a escortés

28 chez lui comme étant la personne qui était censée nous renseigner sur le

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1 travail que nous devions faire.

2 Q. Quel était ce travail que vous étiez censés faire ?

3 R. C'était justement ce dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il

4 fallait modifier le lanceur, donc le dispositif d'allumage sur la bombe

5 aérienne.

6 Q. Qui vous a expliqué ce que vous deviez faire ? Le commandant

7 Krsmanovic, ou M. Mijatovic, ou quelqu'un d'autre ?

8 R. M. Mijatovic n'était pas présent lors de la réunion. Nous nous étions

9 entretenus avec M. Krsmanovic.

10 Q. Pourquoi le lanceur devait-il être modifié ? Quelle était l'idée

11 derrière cette modification ?

12 R. M. Krsmanovic était contre cette modification. Il a estimé qu'il ne

13 fallait rien modifier et que si l'on essayait d'introduire des éléments

14 électroniques dans cette bombe aérienne et de la modifier ainsi, elle ne

15 serait plus fiable. Par contre, des personnes de la Brigade d'Ilidza et les

16 chefs de notre entreprise nous ont néanmoins demandé de modifier cette

17 bombe aérienne de cette façon-là.

18 Q. Maintenant, permettez-moi de vous poser cette question : Si on vous a

19 demandé de faire une modification, c'était supposément parce qu'il y avait

20 un problème. Est-ce que quelqu'un vous a dit qu'il y avait un problème avec

21 cette bombe aérienne, avec leur façon d'être employée ? Est-ce que vous

22 pourriez nous dire qui a dit quoi et de quelle façon ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Madame Isailovic. Je vous

24 écoute.

25 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, il me semble maintenant que M.

26 Docherty commence à suggérer les réponses. Je pense au problème qu'il

27 évoque avant que le témoin n'en ait pas parlé.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis pas d'accord avec vous,

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1 Maître. Sa question était très simple. Si l'on vous a demandé de faire une

2 modification, quelle était la raison pour laquelle on vous a demandé de

3 faire cette modification ? Y avait-il un problème ? Est-ce que c'est la

4 raison pour laquelle on vous a demandé d'apporter une modification à cette

5 bombe ? Je ne vois absolument pas rien d'inapproprié dans la façon dont la

6 question a été posée. Mais je crois qu'il nous faudra attendre jusqu'à

7 demain, Monsieur Docherty, car je vois qu'il est 19 heures.

8 Alors, la séance est levée jusqu'à 14 heures 15 demain.

9 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mercredi 25

10 avril 2007, à 14 heures 15.

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