Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 1er mai 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de poursuivre, Monsieur

7 Sachdeva, j'aimerais demander à Me Isailovic si la Défense a l'intention de

8 faire une requête en vertu de l'article 98 bis demain -- jeudi, pardonnez-

9 moi, jeudi.

10 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.

11 Oui, la Défense a l'intention de s'adresser à la Chambre avec la

12 requête 98 bis, mais c'est prévu pour mercredi.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En réalité, il s'agit d'un argument

14 oral, n'est-ce pas, c'est un argument qui doit être présenté oralement.

15 J'essaie de savoir, si oui ou non, il ne s'agit pas de quelque chose qui

16 pourrait être fait demain, si nous devions commencer à 8 heures demain

17 matin. Car comme vous le savez, en vertu de la modification qui a été

18 apportée en 2004, cette dernière a été conçue justement pour pouvoir faire

19 avancer les choses rapidement dans le cadre de cette requête.

20 Si vous deviez déposer votre requête dans un court laps de temps et

21 si l'Accusation y répond dans un court laps de temps également, sans pour

22 autant que cela porte préjudice au contenu des arguments que vous souhaitez

23 présenter, il me semble qu'en réalité nous pourrions peut-être pouvoir le

24 faire demain si nous commençons à 8 heures du matin.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'autre part, si nous pouvons

27 tout faire en une heure et 20 minutes, à ce moment-là, il ne serait pas

28 nécessaire de siéger jeudi. J'ai besoin de savoir de vous si vous pensez

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1 que les arguments que vous devez présenter pourraient être présentés dans

2 un laps de temps relativement court; si nous commençons demain à 8 heures,

3 à ce moment-là, nous aurons une heure et 15 minutes pour ce faire et nous

4 pourrons évidemment examiner ces dernières.

5 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, je suis toute seule aujourd'hui, et

6 justement avec Me Tapuskovic, je vais me concerter sur cette question. Il

7 me paraît fort probable que c'est faisable que ça se fasse demain. Mais

8 s'il est possible, parce qu'on n'a pas encore fini avec le témoin, j'espère

9 bien qu'aujourd'hui on va finir avec l'expert et peut-être demain on aura

10 le dernier témoin de l'Accusation.

11 S'il est possible de fixer juste si on commençait à 8 heure, de

12 fixer, par exemple, pour la deuxième séance, pas dans la foulée mais quand

13 on aura fini avec le témoin, de s'arrêter après, de reprendre avec les

14 arguments 98 bis si ça nous paraît bien côté organisation.

15 Je vais voir pendant la pause avec Me Tapuskovic, mais il me paraît

16 tout à fait acceptable.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Whiting.

19 M. WHITING : [interprétation] Messieurs les Juges, bien évidemment, la

20 longueur de nos arguments dépendra pour beaucoup de ce qui est contesté par

21 la Défense dans sa requête 98 bis. Si la Défense conteste tous les éléments

22 et toutes les charges, à ce moment-là, j'estime qu'il nous faudra une heure

23 et demie pour répondre à cela et pour pouvoir présenter tous ces arguments,

24 à moins que vous nous indiquiez le contraire.

25 Pour pouvoir aborder les points importants de cette affaire, cela prendra

26 peut-être plus de temps que prévu si la Défense va tout contester. Cela

27 nous ne le savons pas. Nous ne savons pas quelles sont les intentions de la

28 Défense à cet égard. Si ce qu'ils contestaient portait sur des points très

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1 précis, à ce moment-là, ce serait plus rapide, mais ce n'est pas ce à quoi

2 je m'attends. Donc cela pourrait prendre davantage de temps pour finir.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Whiting, combien de temps

5 est prévu pour le dernier témoin, s'il vous plaît ?

6 M. WHITING : [interprétation] Je pense que -- il doit s'agir d'une heure --

7 une heure au total, une demi-heure pour chaque partie.

8 Nous avons l'intention de présenter une série de documents, 85 environ au

9 total, au témoin. Nous n'allons pas aborder chaque document. C'est un lot

10 de documents, une série qui provient d'archives. La Défense à qui nous en

11 avons parlé ne s'oppose pas au versement au dossier de ces documents. Il

12 s'agit de savoir comment ces derniers seront interprétés, mais je crois que

13 cela ne prendra pas beaucoup de temps de poser les fondements de tout ceci.

14 Cela prendra peut-être un peu plus d'une demi-heure. Je crois que cela

15 prendra une séance.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons commencer à 8 heures et

17 nous verrons comment les choses évolueront.

18 C'est à vous, Monsieur Sachdeva.

19 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président.

20 LE TÉMOIN: IJAZ HUSSAIN MALIK [Reprise]

21 [Le témoin répond par l'interprète]

22 Interrogatoire principal par M. Sachdeva [Suite]

23 Q. [interprétation] Bonjour, Mon Colonel.

24 R. Bonjour.

25 Q. [aucune interprétation]

26 R. [aucune interprétation]

27 Q. A l'écran j'ai une photographie, 65 ter 030107 [comme interprété].

28 Colonel, voyez-vous une photographie sur votre écran ?

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1 R. Oui.

2 M. SACHDEVA : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir cette

3 photographie, s'il vous plaît.

4 Q. Colonel, reconnaissez-vous cette région ?

5 R. Oui, je la reconnais. C'est Hrasnica. C'est la région de Hrasnica.

6 Q. Très bien. Avec l'aide de l'huissier, je vais vous demander, s'il vous

7 plaît, d'indiquer sur la photographie l'endroit où se trouve la maison où

8 vous étiez et qui a été endommagée suite à l'explosion d'une bombe

9 aérienne.

10 R. Je cherche un point de repère. Je ne trouve pas ici le "nulla."

11 Q. Qu'est-ce que vous entendez par "nulla" ? Un petit cours d'eau ?

12 R. Un petit cours d'eau. Je ne suis pas tout à fait certain mais, l'un

13 dans l'autre, je pense que ça doit se situer par ici si c'est ici le cours

14 d'eau. Quelque part ici si le cours d'eau passe par là. Je ne reconnais pas

15 la maison.

16 Q. Bien. Votre maison se situerait-elle, disons, à gauche ou à droite de

17 cette ligne-là ?

18 R. Pardonnez-moi ?

19 Q. Votre maison se situerait-elle à gauche ou à droite de cette ligne que

20 vous avez tracée ?

21 R. Si vous regardez la photographie comme ceci, ce serait sur la partie

22 haute.

23 Q. Est-ce que vous voyez la route d'Igman du convoi ?

24 R. [aucune interprétation]

25 Q. Est-ce que vous pouvez l'indiquer, s'il vous plaît.

26 R. [aucune interprétation]

27 Q. Est-ce que vous pouvez nous indiquer où se trouvent les points

28 d'observation français que nous avons évoqués vendredi ou en tout cas la

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1 direction --

2 R. La direction approximative. Je pense que c'était plus près du début de

3 la route.

4 Q. En termes de mètres, savez-vous à quelle hauteur se trouvaient les

5 points d'observation ?

6 R. C'était un peu plus haut que les maisons.

7 Q. Merci, Colonel.

8 M. SACHDEVA : [interprétation] J'en ai terminé avec l'interrogatoire

9 principal. Je vais demander le versement au dossier de cette photographie,

10 s'il vous plaît.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette pièce est admise.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce P636.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Isailovic, c'est à vous pour

14 le contre-interrogatoire.

15 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

16 M. SACHDEVA : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Je

17 veux simplement m'assurer que tout a été consigné au compte rendu

18 d'audience. Je vais peut-être demander au témoin d'indiquer par la lettre

19 OP l'endroit qu'il a noté sur la carte.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Il peut le faire.

21 M. SACHDEVA : [interprétation]

22 Q. Pardonnez-moi. Je pensais que vous aviez terminé --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le Procureur souhaite simplement que

24 le colonel marque d'une croix l'endroit qui a été cité.

25 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, quand j'ai eu la même requête j'ai

26 eu -- on m'a répondu c'est trop tard parce que c'était déjà versé au

27 dossier. C'est deux poids, deux mesures, il me semble, envers les deux

28 parties, non ?

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1 Parce justement, moi aussi, une fois j'ai versé une photo, j'ai demandé

2 d'apporter les marques après. Et justement, M. Honorable Juge Harhoff m'a

3 répondu c'est trop tard, ce que j'ai accepté parce que c'est la procédure,

4 je veux la respecter, mais il me semble que c'est justement la même

5 situation.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne m'en souviens pas, mais M. le

7 Juge Harhoff me dit qu'il s'en souvient.

8 M. SACHDEVA : [interprétation] D'après ce dont je me souviens, la situation

9 était quelque peu différente. Mais ce que je peux faire c'est la croix qui

10 est indiquée sur cette photographie est l'endroit où indiqué par le témoin

11 comme étant le poste d'observateur, le point d'observation dans sa

12 déposition.

13 Q. Est-ce que vous pouvez confirmer cela ?

14 R. [aucune interprétation]

15 M. SACHDEVA : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien.

17 Maître Isailovic, c'est à vous.

18 Contre-interrogatoire par Mme Isailovic :

19 Q. Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Monsieur le Témoin, je suis

20 Maître Branislava Isailovic, avocate au barreau de Paris. Je suis conseil

21 de la Défense de M. le général Dragomir Milosevic, accusé devant cette

22 Chambre.

23 Et je vais vous poser quelques questions concernant vos dires de vendredi

24 dernier, d'aujourd'hui ainsi que concernant votre déclaration que vous avez

25 donné au Procureur le 10 août 1996.

26 Tout d'abord, je voudrais bien voir la même photo, avec laquelle on a

27 terminé donc P636.

28 Mme ISAILOVIC : Si on pouvait la rapprocher donc encore un petit peu.

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1 Q. Monsieur le Témoin, donc je vous demande maintenant de regarder, de

2 vous pencher sur cette photo et de m'indiquer donc, à l'aide d'une flèche -

3 et je demande de l'aide de M. l'Huissier, la direction d'Ilidza.

4 R. Bonjour. Après 12 ou 13 ans, je vais essayer malgré tout de répondre

5 autant que je m'en souvienne à vos questions.

6 Peut-être, je me tromperais un petit peu. Je ne serais pas précis à 100 %.

7 Peut-être l'échelle n'est pas tout à fait incorrecte mais voici ce dont je

8 me souviens, je vais essayer de répondre.

9 Voici Hrasnica, ici au bout. Par là, dans cette direction, il y a Ilidza,

10 un petit peu plus à gauche, en tout cas à ma gauche par rapport à la

11 photographie. Merci.

12 Q. Vous pouvez être sûr que cette flèche marque bien la direction donc de

13 l'Ilidza, n'est-ce pas ?

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Donc, je vous prie, Monsieur le Témoin, maintenant, d'avoir l'amabilité

16 donc d'apporter une lettre I au bout de cette flèche qui marque bien la

17 direction d'Ilidza, s'il vous plaît.

18 R. [Le témoin s'exécute]

19 Q. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord que le secteur d'Ilidza est dans

20 une plaine ?

21 R. Oui.

22 Q. Maintenant, est-ce que d'après vos souvenirs, vous pouvez marquer avec

23 une flèche la direction de Butmir, parce que vous avez mentionné Butmir

24 aussi dans vos dires.

25 R. [Le témoin s'exécute]

26 Q. Et mettez un B, s'il vous plaît.

27 R. [Le témoin s'exécute]

28 Q. Donc c'est la même direction donc que la première flèche dans Butmir;

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1 c'est cela ?

2 R. Cette direction-ci, oui.

3 Q. Et, est-ce que la même direction donc c'est aussi Sokolovic Kolonija ?

4 R. Kolonija, je ne sais pas, mais Sokolovic, oui, c'était tout près.

5 Sokolovic et Butmir étaient proches. Un petit peu plus à gauche, vous aviez

6 Ilidza. Depuis la poste, on peut voir à l'extrême gauche, vous avez Ilidza,

7 ensuite Butmir et Sokolovic sur la piste qui relie Hrasnica à Sarajevo.

8 Q. Donc la flèche portant la lettre B est l'aéroport ?

9 R. Oui, elle est quasiment dans la même direction.

10 Q. Et est-ce que, Monsieur le Témoin, à l'époque vous étiez averti de la

11 présence d'un tunnel dont un des points d'entrée ou de sortie se situait

12 près de l'aéroport donc et près de Butmir ?

13 R. Oui, il provenait de Hrasnica. Il se trouvait de l'autre côté de la

14 piste, tout près. Mais quoi qu'il en soit nous nous ne sommes jamais rendus

15 là-bas. Mais je sais d'une manière générale, que vraisemblablement, il

16 devait y avoir un tunnel dans cette zone.

17 Q. Monsieur le Témoin, donc quand vous avez parlé vendredi, vous avez

18 parlé de ce poste d'observation que vous avez marqué sur la photo, et où

19 vous vous rendiez le soir ou la nuit pour observer Ilidza, Butmir et

20 Hrasnica, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, effectivement. Généralement, le soir vers tard la nuit. Les heures

22 n'étaient pas fixes. Certainement pas le matin. C'était l'après-midi, tard

23 dans l'après-midi ou tard dans la nuit; 2 à 3 heures. En commençant parfois

24 vers minuit, il pouvait y avoir l'une à une reprise ou cela pouvait être

25 une reprise un petit plus tôt.

26 Les heures n'étaient pas marquées, mais c'était le soir et la nuit, mais

27 pas le matin.

28 Q. Est-ce que, Monsieur le Témoin, lors de ces heures d'observation depuis

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1 ce poste, vous avez eu l'occasion d'observer les mouvements des unités de

2 l'ABiH à travers Hrasnica ?

3 R. Vous voulez dire l'ABiH en tant que convoi ou individuellement ? Est-ce

4 que vous me dites les convois ou bien des mouvements individuels ?

5 Q. Monsieur le Témoin, cela dépend de ce qui vous avez pu observer.

6 Racontez-nous ce que vous avez pu observer depuis votre poste d'observation

7 ?

8 R. Il ne s'agissait pas de troupes ou de groupes. Il n'y avait pas

9 vraiment de convois, mais j'ai pu voir des mouvements individualistes,

10 effectivement, des déplacements individuels.

11 Q. Est-ce que, parce que vous avez parlé aussi de cette route dite "route

12 de convois", est-ce que là aussi vous avez pu apercevoir donc le mouvement

13 des unités de l'ABiH ?

14 R. J'ai dit non, non, pas dans les véhicules de l'armée. J'ai pu voir

15 certains soldats qui utilisaient peut-être les autres camions civils, mais

16 je n'ai pas vu de convois. Peut-être les convois étaient-ils au nombre de

17 un par rapport à trois, par rapport aux autres types. Peut-être que je me

18 trompe, mais je pense qu'il y avait parfois quelqu'un qui se déplaçait, qui

19 quittait les positions élevées à Hrasnica et qui rentrait, mais il n'y

20 avait de déplacements organisés.

21 Q. Vous vous êtes rendu à Hrasnica donc le 1er mai 1995, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez parlé avec M. le Procureur donc d'un incident qui est survenu

24 le 1er juillet 1995 donc où vous étiez victime, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Et avant le 1er juillet donc vous avez fait plusieurs investigations

27 concernant la tombée des obus de mortier et des bombes aériennes, n'est-ce

28 pas ?

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1 R. Oui, les obus de mortier, effectivement.

2 Q. Est-ce que vous-même effectuiez les travaux d'investigation ?

3 R. Pas Hrasnica, mais sans doute à Butmir. Je pense que c'était surtout à

4 Butmir. Merci. Mais les enquêtes ne portaient que sur les obus de mortier,

5 pas sur les autres types de projectiles.

6 Q. Alors, est-ce que l'on peut dire que votre unique expérience, avec ce

7 qu'on a appelé la bombe aérienne, a été le

8 1er juillet 1995 ?

9 R. Est-ce que vous pourriez répéter la question, s'il vous plaît ?

10 Q. Alors votre unique expérience avec le projectile appelé bombe aérienne,

11 a été le 1er juillet 1995 ?

12 R. Oui, oui effectivement, c'était le 1er juillet.

13 Q. Mais, Monsieur le Témoin, le 1er juillet donc vous n'avez pas vu ce

14 projectile tomber sur la maison ?

15 R. Non, je l'ai seulement ressenti.

16 Q. Donc, vous avez plutôt entendu un bruit, n'est-ce pas ?

17 R. C'est cela.

18 Q. Vous avez décrit ce bruit. Donc moi j'aurais aimé plus d'explications

19 parce que je trouve ça important. Vous avez dit quelque chose de grand

20 s'approche. A quoi ressemblait donc ce bruit, s'il vous plaît ?

21 R. C'était comme une fusée ou comme un chasseur l'avion. C'était un bruit

22 strident, peut-être pas un sifflement, mais le bruit intense, je dirais,

23 d'un chasseur, l'avion. C'est peut-être ce que je peux décrire comme étant

24 le plus proche.

25 Q. Et côté durée de ce bruit donc, est-ce que d'après vos souvenirs donc,

26 parce qu'il y a longtemps de cet événement, combien de temps, à peu près,

27 vous avez pu entendre ce bruit ?

28 R. Voire, c'était de l'ordre de quelques secondes.

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1 Q. Parce que je vois "12 secondes". Je ne sais pas d'où provient cela.

2 Donc, vous avez dit plusieurs secondes.

3 R. J'ai dit oui, quelques petites secondes. Je ne sais pas, un, deux,

4 trois secondes, je ne peux pas vraiment vous le dire. Je ne sais pas

5 exactement, mais un laps de temps très très bref.

6 Q. Et donc, Monsieur le Témoin, vous n'avez pas participé du tout dans

7 l'investigation, pardon, menée par la police et par vos collègues de l'OMNU

8 sur l'endroit où les dégâts se sont produits, où cet engin a explosé ?

9 R. Effectivement, j'étais évacué vers Sarajevo.

10 Q. Après est-ce que vous étiez revenu sur cet endroit ?

11 R. J'ai été me faire soigner à Sarajevo. On m'a fait quelques points de

12 suture. Je suis resté là trois, quatre ou cinq jours. L'une des équipes à

13 Sarajevo, je ne me souviens plus très bien du nom, Sierra Golf ou quelque

14 chose comme cela. Cette équipe a été réaffectée. Elle avait notre maison à

15 Sokolovic. A ce moment-là, je me rendais là, je ne me suis pas rendu dans

16 la maison, mais je me suis rendu deux ou trois fois dans cet endroit.

17 Q. Maintenant, je vous invite, Monsieur le Témoin, à regarder à nouveau la

18 photo devant vous sur l'écran et d'essayer de marquer donc à peu près la

19 maison, c'est-à-dire le secteur parce qu'il y avait plusieurs maisons

20 endommagées. Donc, le secteur où se situaient donc ces maisons endommagées,

21 notamment la vôtre, où vous étiez avec vos collègues. Mettez juste un

22 cercle plus large pour juste marquer le secteur, pas une maison précise.

23 R. Je ne sais pas vraiment. Peut-être ici, je ne sais pas vraiment.

24 Q. Est-ce que vous pouvez juste mettre 1er juillet 1995 comme date de

25 l'incident ? S'il vous plaît, donc près de cette ellipse.

26 R. [Le témoin s'exécute]

27 Q. Et est-ce que vous vous souvenez donc, parce qu'on est là avec cette

28 photo, qu'il y avait des QG, des unités de l'ABiH à Hrasnica ? Est-ce que

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1 vous vous souvenez de cela ?

2 R. Ce que j'ai dit c'est que je n'ai visité aucune des unités. Mais il y

3 avait un capitaine l'autre jour. Je me rendais là-bas, il était officier

4 quelque part, il s'appelait le capitaine Mustafa.

5 Q. C'était un capitaine de l'ABiH, n'est-ce pas ?

6 R. Je ne sais pas.

7 Q. Donc ce capitaine Mustafa donc, c'était bien un capitaine déclaration

8 de l'ABiH ?

9 R. Oui, il était capitaine. Mais pour autant que l'OMNU ait été concerné,

10 c'était un officier de la police qui venait le voir pour voir si tout

11 allait bien, pour nous demander si tout - il est venu peut-être deux ou

12 trois fois, je n'en suis pas très certain, et c'était l'un des officiers

13 qui était venu avec lui, un capitaine, je ne sais plus de quelle armée.

14 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous vous souvenez, parce que vous avez

15 mentionné ce policier qui est venu vous voir le

16 1er juillet, le soir donc. Est-ce que vous vous souvenez qu'un groupe de

17 gens, on ne sait pas si c'était des militaires donc sont venus sur la place

18 donc où l'incident s'était produit et ils ont menacé à cette occasion donc

19 vous et vos collègues ?

20 R. C'est ce qu'on m'a dit plus tard, après l'incident, après l'explosion

21 en tant que telle. Il y a eu un remue-ménage important, j'ai été blessé et

22 c'est ce qu'on m'a dit. On m'a dit que certaines personnes de la région

23 locale sont venues et ont probablement essayé de piller la maison. Je pense

24 qu'ils ont emporté un ou deux jerricanes de diesel et ils ont demandé de

25 l'argent. Ils devaient être saouls, c'est ce qu'on m'a dit. Je n'étais pas

26 là, j'étais à l'hôpital mais c'est ce qu'un ami m'a dit s'être passé.

27 Q. Et est-ce que vos collègues vous ont dit qu'ils étaient impressionnés

28 donc dans un sens négatif par l'intervention de ces gens qui sont venus

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1 piller la maison ?

2 R. Négatif, quoi ? Vous voulez dire l'impression était négative ? Je

3 dirais oui.

4 Q. Donc peut-être si j'utilisais l'autre mot - parce qu'en français être

5 impressionné par quelque chose c'est à peu près le synonyme d'être apeuré,

6 donc prendre peur de quelque chose. Donc plutôt est-ce qu'ils ont pris peur

7 de ces personnes locales qui sont venues sur place juste après l'incident ?

8 R. Vous voulez dire au début ? Au début, il n'y a pas eu de problèmes

9 avant l'incident, même ils ont été très amicalement disposés, tout se

10 passait bien et tout le monde était très coopératif. C'est après

11 l'incident, la nuit, je pense ces gens-là qui étaient saouls sont venus et

12 ont essayé de piquer des choses de la maison occupée par les observateurs

13 des Nations Unies. Je dirais que oui, dans une certaine mesure ils ont en

14 effet été apeurés, mes collègues. Il faisait plutôt nuit, sombre, nous

15 étions blessés, on nous a évacués. Puis quelqu'un vient à ce moment-là pour

16 entrer dans votre maison, et bien, cela ne peut ne pas avoir d'effet.

17 Q. Et est-ce que vos collègues vous ont dit qu'un des deux, donc on l'a

18 pris à peu près donc 12 dollars canadiens, donc 350 dollars USA et 500

19 marks allemands ?

20 R. Je ne me souviens pas des montants exacts; mais oui, au final, oui.

21 Q. Et Monsieur le Témoin, donc l'une des caractéristiques et une des

22 différences entre les OMNU et la FORPRONU était que le fait que vous

23 n'étiez pas armé, n'est-ce pas, vous et vos collègues ?

24 R. C'est cela.

25 Q. Et ces gens qui sont venus donc d'après les dires de vos collègues, ils

26 étaient armés ?

27 R. Je ne peux pas le confirmer. Ils étaient 100. Je crois qu'ils n'ont

28 fait qu'essayer de se frayer un passage, d'entrer par la force.

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1 Q. Mais vous vous souvenez vendredi donc, M. le Procureur a introduit un

2 document à travers vous, donc c'était - mais je vais vous le montrer, je

3 vais montrer cela à la Chambre aussi.

4 Mme ISAILOVIC : Mais avant cela donc, Monsieur le Président, j'aurais aimé

5 verser au dossier donc cette photo marquée qui est sur l'écran, s'il vous

6 plaît.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D184.

9 Mme ISAILOVIC : Donc maintenant on va regarder ensemble donc le document 65

10 ter 2770 qui est devenu P635.Oui, c'est ce document.

11 Q. Donc on peut regarder donc la page 3. Et donc juste au début donc vous

12 voyez les sommes déclarées par capitaine Hache. Peut-être autrement donc

13 c'est un capitaine canadien. Et en effet c'étaient des soldats. Est-ce

14 qu'on vous a raconté cela ? Donc c'était en effet des soldats de l'ABiH qui

15 sont venus.

16 R. C'est exact. C'est ce que j'ai dit. Vous voulez que je vous donne

17 lecture des trois premières lignes, deux ou trois premières lignes ?

18 Q. Non. Monsieur le Témoin, juste j'ai voulu vous montrer donc les

19 chiffres donc déclarés comme volés par votre collègue pour montrer

20 justement pour qu'il n'y ait pas de malentendu.

21 R. Alors pour empêcher tout -- oui 12 dollars canadiens,

22 350 dollars américains et 500 marks allemands, oui, c'est exact. Dans ce

23 porte-monnaie noir il y avait 12 dollars canadiens, 350 dollars américains

24 et 500 marks allemands. J'ai dit que je n'étais pas tout à fait certain,

25 mais ce qui est écrit ici est exact.

26 Q. Mais à la même occasion donc on a subtilisé aussi d'autres matériels

27 appartenant à votre équipe, n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Et, Monsieur le Témoin, vous m'avez dit que vous, personnellement, vous

2 n'êtes pas rentré donc à Hrasnica, mais plutôt vous avez trouvé une maison

3 à Sokolovici. Est-ce que vous savez peut-être qu'une autre équipe d'OMNU

4 est restée sur Hrasnica ou pas ?

5 R. Non. Je pense qu'il n'y avait que notre équipe et il n'y a pas dû eu

6 d'autres équipes à Hrasnica.

7 Q. Et donc je vous demande là juste votre explication de ces faits. Est-ce

8 que vous vous êtes aperçu qu'à partir du 1er mai jusqu'au 1er juillet donc,

9 à l'instant les activités militaires à Hrasnica, à partir de Hrasnica et

10 sur Hrasnica ont augmenté ?

11 R. J'ai dit qu'il était exact d'affirmer que c'était une période de

12 pilonnage maximum. C'était probablement à l'époque où on en avait été à

13 l'apogée. Et si vous dites qu'il y a eu des activités directement à

14 Hrasnica, je dirais que je ne m'en suis pas rendu compte. J'ai vu des

15 soldats, des individus se déplacer, aller et venir, et même utiliser cette

16 route utilisée par le convoi, enfin je n'ai pas vu d'effectifs importants

17 utilisés cette route-là.

18 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

19 R. Merci.

20 Questions de la Cour :

21 M. LE JUGE MINDUA : La première question serait de savoir : en quoi

22 consistait exactement votre mission d'observation ? Est-ce que c'était pour

23 observer des tirs d'obus de mortier tout simplement, ou bien il s'agissait

24 d'observer toutes sortes de tirs et aussi des mouvements de troupes armées

25 ?

26 R. Monsieur, c'était - enfin, la mission c'était d'observer toutes sortes

27 de tirs, toutes sortes de déplacements, de mouvements de troupes. C'était

28 la mission qui nous a été assignée en notre qualité d'observateurs et nous

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1 n'avons pas été limités à telle ou telle autre arme concrète ou à une

2 mission plus confinée.

3 M. LE JUGE MINDUA : Alors, pour revenir un peu à la question de l'avocate

4 de la Défense, est-ce que vous confirmez que vous n'aviez jamais observé de

5 mouvements de troupes dans votre secteur à part des déplacements

6 individuels de soldats. Si tel est le cas, comment expliquer ce rapport qui

7 parle de "large group of people" et de personnes avec des uniformes de

8 l'ABiH ?

9 R. Je confirme ce que j'ai déjà dit auparavant. Je n'ai pas vu, moi, de

10 déplacement de gros effectifs, disons, une compagnie de 30, 40, 50 ou plus

11 de personnes se déplacer en même temps, en guise de convoi pour aller dans

12 un endroit à l'autre. Ce que je confirme c'est que je ne l'ai pas vu, moi.

13 Pour ce qui est maintenant de l'incident en question, oui. Il y a eu des

14 gens, mais ce n'était pas des membres de l'armée. Certains l'étaient, peut-

15 être un, deux, voire trois d'entre eux. Parce que dans ce secteur, les gens

16 ordinaires portaient des uniformes.

17 Il se peut que c'était un habitant, que cela ait été des habitants de

18 la localité, et ces gens-là allaient à des endroits différents, des

19 endroits où il y avait des combats pour y passer la nuit et pour revenir.

20 Et c'est peut-être de ces gens-là qu'il s'agissait lorsqu'ils se

21 déplaçaient la nuit.

22 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, Monsieur le Témoin.

23 R. Je vous remercie également, Monsieur.

24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Lorsque vous avez été blessé le 1er

25 juillet, vous avez été emmené de Hrasnica à Sarajevo. Comment êtes-vous

26 arrivé à Sarajevo ?

27 R. Et bien, j'ai d'abord été déplacé de notre site, de la maison de

28 Hrasnica vers un hôpital local, où l'on m'a apporté des premiers secours.

Page 5436

1 Cela a été plutôt difficile, parce qu'il y a eu des tirs de déchargés sur

2 la route de Hrasnica à Sarajevo. On avait tiré sur toute chose ou tout

3 objet se déplaçant. J'ai dû attendre un blindé de transport de troupes,

4 c'était un APC français qui était venu de Sarajevo et qu'il m'a pris vers

5 l'hôpital moi-même et un autre observateur de la mission des Nations Unies

6 de Bangladesh. Nous avons dû attendre, me semble-t-il, deux ou trois heures

7 et nous sommes arrivés à l'hôpital vers --

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Vous nous

9 dites qu'il y a eu un transport d'effectuer de Hrasnica à Sarajevo en

10 blindé transport de troupes. Ma question suivante est de savoir comment la

11 population civile se déplaçait-elle de Hrasnica à Sarajevo ?

12 R. Monsieur, c'était un transport normal local et c'était plutôt une chose

13 risquée que de le faire. Ils essayaient de le faire à chaque fois qu'il y

14 avait un peu moins d'échange de tirs.

15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous pouvez être plus

16 concret. Est-ce que cela se passait pendant le cessez-le-feu, les périodes

17 de cessez-le-feu ou est-ce que vous vous déplaciez que la nuit ? Comment

18 expliqueriez-vous que la population civile ait pu se déplacer entre

19 Hrasnica et Sarajevo ?

20 R. Monsieur, comme je vous l'ai dit, ce n'était pas chose habituelle que

21 d'utiliser au quotidien des blindés de transport de troupes. Ils se sont

22 exposés au quotidien à ce type de risque, ils l'ont assumé ce risque.

23 Et nous, on s'est déplacés en nous servant de ce véhicule-là ou d'un

24 autre véhicule blindé donné par les Nations Unies. La chose était

25 dangereuse, parce qu'il s'agissait de se déplacer véritablement très vite.

26 Je dirais qu'il y a eu des déplacements quand même où on s'est servi de

27 moyen habituel de transport, des véhicules individuels mais cela était

28 risque.

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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Or, il n'y avait pas eu de postes de

2 contrôle ou d'obstacles sur les routes ?

3 R. Non, Monsieur, il n'y avait pas d'obstacles sur la route. Je ne dirais

4 pas que c'était une très bonne route. Disons, c'était une route en grande

5 mesure endommagée. On ne pouvait pas se déplacer très vite, mais la route

6 était là et il n'y a pas eu d'obstacles de posés.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si je vous ai bien compris et si tant

8 est que vous avez pu vous déplacer suffisamment vite à bord d'un véhicule

9 privé, et si vous saviez qu'il y avait, par exemple, en vigueur un cessez-

10 le-feu, alors vous aviez de meilleures chances de vous déplacer d'un

11 endroit à l'autre, c'est-à-dire de Hrasnica à Sarajevo sans assumer trop de

12 risques ?

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Grand merci.

15 Nouvel interrogatoire par M. Sachdeva :

16 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, Colonel, je voudrais que vous me

17 confirmiez quelque chose.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait entendre

19 l'interprétation anglaise.

20 M. SACHDEVA : [interprétation]

21 Q. Colonel, je voudrais que vous me confirmiez quelque chose. En répondant

22 au conseil de la Défense, il y a quelques instants, au sujet de l'incident

23 et ce qui s'en est suivi, vous dites qu'il y a eu un groupe de soldats de

24 l'ABiH; à la suite de cela, le Juge Mindua vous a également demandé si vous

25 pouviez confirmer que vous n'avez pas vu de mouvements de troupes. Il a

26 demandé dans ce cas-là, il y a un rapport qui évoque des mouvements de

27 déplacements importants de grands groupes de personnes en uniforme de

28 l'ABiH.

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1 Je voudrais que vous confirmiez, et à cet effet je voudrais que vous

2 vous reportiez au document qui se trouve - c'est un document

3 65 ter 25770. Je pense qu'il porte une cote mais je ne sais pas. Il s'agit

4 du P635 et j'aimerais que nous nous référions à la page 3, s'il vous plaît.

5 Mon Colonel est-ce que vous voyez cette page 3 du côté gauche de votre

6 écran ?

7 R. Oui, je le vois.

8 Q. Penchez-vous maintenant sur cette ligne 6 à partir du haut de la page,

9 cela commence par : "A l'époque, un grand groupe d'habitants locaux

10 s'étaient déplacés dans le secteur."

11 Je précise une fois de plus que c'est la sixième ligne à compter du haut de

12 la page.

13 M. SACHDEVA : [interprétation] Est-ce que l'on peut descendre un peu.

14 Q. Mon Colonel, la voyez-vous cette phrase ?

15 R. Oui. "A cette époque, un grand groupe de gens de la localité s'étaient

16 déplacés dans le secteur."

17 Q. Oui et il dit : "A l'époque, un grand groupe d'habitants de la localité

18 se déplaçait dans le secteur et un soldat en uniforme de l'ABiH --"

19 R. Oui, je le vois.

20 Q. Pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit ici, dans ce paragraphe, non

21 pas d'un groupe de soldats de l'ABiH, n'est-ce pas ?

22 R. C'est ce que j'ai dit. La situation était telle - les maisons étaient

23 endommagées. Les gens allaient çà et là en essayant de rentrer dans ces

24 maisons pour en sortir tout ce que sortir se pouvait. C'étaient des groupes

25 de civils plutôt vêtus de façon bigarrée. Il y avait peut-être çà et là un

26 soldat en uniforme de l'ABiH. C'est ainsi que les choses se passaient. Ce

27 n'était pas un groupe de soldats. C'était plutôt mixte. Il y avait surtout

28 des civils et ça et là un soldat ou quelques soldats. Ces soldats étaient

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1 revenus des secteurs qu'ils avaient défendus. Du moins, c'était

2 l'impression que je m'étais faite.

3 M. SACHDEVA : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

4 Président.

5 Q. Merci.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mon Colonel, votre témoignage vient

7 de prendre fin. Merci d'être venu témoigner au Tribunal. Vous pouvez

8 quitter le prétoire à présent.

9 [La Chambre de première instance se concerte]

10 [Le témoin se retire]

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous demanderons au témoin de

13 nous donner lecture de la déclaration solennelle.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 LE TÉMOIN: EWA TABEAU [Assermentée]

17 [Le témoin répond par l'interprète]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.

19 Monsieur Docherty, vous pouvez commencer.

20 Interrogatoire principal par M. Docherty :

21 Q. [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin.

22 R. Bonjour.

23 Q. Pouvez-vous nous décliner votre identité et nous dire quelle votre

24 profession ?

25 R. Je m'appelle Ewa Tabeau. Je suis démographe. Je suis à la tête d'un

26 projet d'unité démographique au bureau du Procureur du Tribunal pénal

27 international.

28 Q. Pouvez-vous nous expliquer et expliquer aux Juges de la Chambre, en

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1 quelques mots, ce que c'est que le travail d'un démographe.

2 R. La démographie est un secteur assez vaste. Cela fait déjà sept ans que

3 je travaille en la matière. Il s'agit de la démographie des conflits. C'est

4 un département particulier au sein de la démographie en tant que telle.

5 C'est un département où nous chargeons de nous procurer des renseignements

6 statistiques au sujet de la population s'agissant des conséquences des

7 conflits en ex-Yougoslavie à partir de 1990. Nous avons fait un grand

8 travail pour la Bosnie-Herzégovine et en dehors du secteur. Nous procédons

9 à la rédaction de rapports d'experts, notamment comme celui que j'ai fait

10 pour cette affaire-ci. Cela est souvent présenté en guise d'élément de

11 preuve dans les affaires diligentées par le TPIY.

12 Notre rôle consiste à fournir des chiffres et à décrire les

13 conséquences des conflits. Nous fournissons des informations de contexte au

14 sujet de la population qui a eu à souffrir du fait des conflits.

15 Q. Merci. Vous avez mentionné en réponse les rapports d'experts rédigés.

16 Avez-vous préparé un rapport démographique dans le cadre de ce procès

17 concernant les civils tués ou blessés dans Sarajevo entre août 1994 et

18 novembre 1995 ?

19 R. Oui, nous avons rédigé un rapport à la requête de l'Accusation.

20 Q. Avez-vous devant vous une copie de ce rapport sous les

21 yeux ?

22 R. En effet, c'est bien ce rapport-là.

23 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, c'est un rapport qui

24 a été versé au dossier par la Chambre du fait de sa décision datée du 4

25 avril 2007. Nous voudrions que maintenant une cote soit attribuée au

26 document en question.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Certes.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P637, Messieurs

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1 les Juges.

2 M. DOCHERTY : [interprétation] Juste un instant, je vous prie, Monsieur le

3 Juge.

4 Pour les besoins du compte rendu d'audience, Messieurs les Juges, je dirais

5 qu'il s'agit d'un document figurant sur la liste du 65 ter et que c'est la

6 pièce 03127.

7 Q. Docteur Tabeau, à l'occasion de la préparation de votre rapport, avez-

8 vous diligenté une enquête concernant le nombre de personnes tuées et dont

9 le décès est lié à la guerre qui a fait rage à Sarajevo entre août 1994 et

10 novembre 1995 ?

11 R. Oui. C'est l'une des études statistiques que nous avons produites et

12 que nous avons intégrée dans le rapport.

13 Q. Je voudrais maintenant vous poser des questions de clarification avant

14 de passer à des renseignements plus concrets. Je me suis référé à la notion

15 de "Sarajevo." Quel est le secteur géographique concret que vous avez pris

16 en considération dans votre rapport pour correspondre à ce que nous

17 entendons par Sarajevo ?

18 R. Sarajevo est un secteur composé de dix municipalités au sens large du

19 terme. Il y a un autre territoire qui est constitué de six municipalités

20 qui constituent la partie centrale de la ville de Sarajevo. Quand les gens

21 disent "Sarajevo," ils se réfèrent au contexte du secteur restreint, alors

22 que nous nous avons englobé la notion de Sarajevo comprenant les six

23 municipalités de la ville de Sarajevo au sens restreint et nous avons pris

24 les autres municipalités qui constituent le total de dix municipalités du

25 grand Sarajevo. Certaines de ces municipalités se trouvaient complètement à

26 l'extérieur ou derrière les lignes de front. Mais la ville de Sarajevo

27 constituée de six municipalités a constitué le secteur central de notre

28 étude.

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1 Q. Dites-nous quelle est la période de temps que vous avez prise en

2 considération pour la préparation de votre rapport ?

3 R. Dans le contexte de la référence qui nous a été impartie, nous

4 avons commencé par avril 1992 allant jusqu'à novembre 1995. Mais pour le

5 cas particulier, à savoir le procès de M. Dragomir Milosevic, nous nous

6 sommes penchés sur la période partant d'août 1994 à novembre 1995 ainsi que

7 les renseignements statistiques pertinents à cette affaire. Les

8 renseignements ont été collectés pour cette période concrète, à savoir août

9 1994, novembre 1995 et la ville de Sarajevo composée de ces six

10 municipalités.

11 Q. Parlons maintenant des décès. La première des questions au niveau des

12 études pour ce qui est des décès : j'aimerais savoir quelle est la méthode

13 que vous avez utilisée ? Avez-vous essayé de compter tous les décès ou est-

14 ce que vous avez pris un échantillon pour extrapoler à partir de là et à

15 obtenir un nombre total ?

16 R. Nous avons été dans une situation plutôt exceptionnelle pour ce qui est

17 des sources d'informations. Nous avons certes pu nous procurer des

18 renseignements statistiques qui auraient constitué le résultat d'un

19 décompte pour éviter l'extrapolation, parce que l'extrapolation, en

20 général, se base sur un échantillon au hasard à partir duquel on extrapole

21 pour ce qui est des données statistiques. Mais ici, nous nous sommes

22 efforcés de faire le décompte des personnes qui ont été tuées, et si tant

23 est que nous avons pu identifier les sources en question. En termes

24 simples, je dirais que les sources ont été suffisamment bonnes pour nous

25 permettre un décompte des victimes.

26 Q. Maintenant que vous venez de parler des sources et que vous venez de

27 préciser que ces sources étaient suffisamment bonnes, pouvez-vous nous

28 faire un résumé des sources que vous avez eues à votre disposition, et

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1 peut-être pourrions-nous nous pencher sur les unes et sur les autres pour

2 voir quelle a été la façon globale de prendre en considération la totalité

3 des informations ?

4 R. Nos trois sources majeures, pour ce qui est des personnes tuées au

5 conflit, consistaient à se référer aux renseignements relatifs à la

6 mortalité de ce territoire, compilés par les autorités statistiques de la

7 Fédération de Bosnie-Herzégovine. Notre deuxième source est la base de

8 données relative au taux de mortalité établi par les autorités statistiques

9 de la Republika Srpska. Ces deux sources ont englobé 140 000 décès qui ont

10 été dus au conflit ayant commencé en avril 1992 à novembre 1995, mais il y

11 a là les décès naturels et les décès occasionnés par la guerre en tant que

12 telle.

13 Pour ce qui est des décès du fait des conflits, des guerres, cela est

14 muni d'un marquage particulier et c'est ce qui nous a été possible de faire

15 lorsque nous avons obtenu les renseignements relatifs aux deux sources de

16 la part des autorités statistiques.

17 Ce sont des sources qui sont exceptionnelles, parce que c'est établi

18 pour des établissements chargés de la statistique qui ont des formulaires,

19 des questionnaires normalisés pour ce qui est de la totalité des décès et

20 on obtenu les renseignements de la bouche des membres de la famille.

21 Q. Docteur Tabeau ?

22 R. Oui, j'ai l'impression que je vais trop vite.

23 Q. Je vais vous interrompre un instant. D'abord les interprètes

24 apprécieraient grandement le fait de vous voir ralentir quelque peu votre

25 débit. Ensuite, j'aimerais savoir si vous seriez à même de nous dire

26 brièvement quelles ont été les autres sources auxquelles vous vous êtes

27 référés pour revenir ensuite à un descriptif détaillé de chacune de ces

28 sources lorsque nous allons les énumérer.

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1 R. Fort bien.

2 Q. Merci.

3 R. Je vous remercie. Une fois de plus les sources principales ont inclu

4 deux bases de données; l'une venait des autorités statistiques de la

5 Fédération de Bosnie-Herzégovine et l'autre était l'autorité statistique de

6 la Republika Srpska. Ensuite, nous nous sommes référés au FBI [comme

7 interprété] ainsi qu'aux renseignements du comité international de la

8 Croix-Rouge pour ce qui est de l'édition 2005. En plus de ces sources

9 principales, nous nous sommes référés également à des sources de moindre

10 envergure qui n'ont pas été mises en place par des associations

11 professionnelles. Il s'agissait d'entreprises funéraires de Sarajevo mi-

12 1995 [comme interprété]. L'entreprise funéraire Bakije est la plus grande

13 et la plus ancienne des entreprises qui s'est chargée d'enterrer les

14 Musulmans à Sarajevo. Je dirais que la plupart des Musulmans ont été

15 enterrés grâce au service de cette entreprise funéraire Bakije. Je dirais

16 que le recensement des familles à Sarajevo a été effectué vers la mi-1994

17 par les soins d'un institut de Sarajevo qui a englobé

18 75 000 familles ayant vécu à Sarajevo vers la mi-1994.

19 Nous nous sommes servis de ces sources pour englober les

20 renseignements relatifs aux personnes tuées ainsi qu'aux personnes

21 blessées. Bien que nous ne nous soyons pas servis d'estimations pour ce qui

22 est des personnes tuées, nous nous sommes servis d'estimations pour ce qui

23 est du nombre des personnes blessées.

24 Pour finir, je dirais que ce ne sont pas toutes les sources que nous

25 avons utilisées. Ça ce sont des sources que nous avons directement

26 utilisées pour la production des statistiques. Mais les listes relatives au

27 statut militaire sont plutôt incomplètes et dans la plupart des sources,

28 nous avons décidé de faire en sorte que soient utilisées des sources

Page 5446

1 complémentaires, à savoir les listes des effectifs de l'ABiH, à savoir la

2 liste des personnes qui ont été tuées et au niveau de l'ABiH et au niveau

3 de l'armée de la Republika Srpska.

4 Q. Commençons par les sources principales. Vous avez mentionné deux

5 sources : statistiques compilées par les instances gouvernementales, l'une

6 ayant été la Fédération de Bosnie-Herzégovine et l'autre l'autorité

7 statistique de la Republika Srpska. Dites-nous, comment ces bases de

8 données ont été compilées et dans quelle mesure cela a été utile ?

9 R. J'ai commencé à en parler déjà et j'ai dit que ces renseignements sont

10 fondés sur les rapports relatifs au décès, ce qui est normalement fait dans

11 tout le pays. Cela fait partie des statistiques normales et vitales pour ce

12 qui est des systèmes d'information. Ces deux bases de données ont été

13 déterminées suite à une requête faite par nous-mêmes, à savoir par le

14 bureau du Procureur à l'intention de ces deux autorités officielles

15 concernées. Les autorités statistiques se sont servies de questionnaires

16 normalisés pour la collecte d'informations relatives aux décès. C'est ce

17 qui a été joint au rapport relatif aux différents décès.

18 Les informateurs pour ce qui est de la communication des données,

19 c'étaient les parents proches des personnes dont on a déclaré le décès. Ce

20 qui fait que ces informations au niveau des différents imprimés se trouvent

21 être fiables dans la mesure où se sont les membres de la famille qui ont

22 fourni les détails relatifs au décès et à la personne décédée.

23 La conception de cette base de données est très professionnelle. Ces bases

24 de données ont été nettoyées par des statisticiens professionnels. Les

25 réponses ont été saisies de façon normalisée dans les bases de données,

26 donc la qualité des informations contenues dans cette base de données sont

27 des éléments d'information qui sont de très grande qualité.

28 Quoi qu'il en soit, ces deux bases de données, bien qu'elles soient

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1 très bonnes, elles sont encore incomplètes. Certains éléments n'ont pas été

2 couverts. Nous savons que certains éléments d'information pertinents ne

3 sont pas contenus dans ces bases de données. Ceci tient au fait que toutes

4 les familles n'ont pas pu nous donner ou nous faire état des décès en temps

5 utile. En général, c'est une courte période de trois jours pour ce faire,

6 et une partie des documents ont été détruits au temps de la guerre.

7 La liste des personnes portées disparues de la Croix-Rouge --

8 Q. Avant de parler de la liste des personnes portées disparues de la

9 Croix-Rouge internationale, avez-vous pu vous forger une idée des lacunes

10 qui figurent dans ces bases de données statistiques ? Comment avez-vous pu

11 établir cela ?

12 R. C'est très difficile d'établir les lacunes ou le caractère incomplet de

13 ces sources, surtout à partir de ces sources-là, parce que nous savons que

14 tous les documents sur ce territoire sur l'ensemble du pays ont été saisis

15 dans cette base de données. Nous savons que le pourcentage est plus élevé

16 que le chiffre communément entendu s'il n'y avait pas eu de conflit du

17 tout. Mais la différence n'est pas liée à cela, nous savions qu'il y avait

18 un certain nombre de victimes beaucoup plus important et que le taux de

19 mortalité était plus élevé que ce qui figure dans la base de données. Donc

20 le caractère incomplet de ces bases de données doit, en principe, être

21 dénombré non pas en termes que quelques milliers, mais de plusieurs

22 milliers de meurtres qui ne figurent pas dans ces bases de données.

23 Donc pour ce qui est de la liste des personnes portées disparues établies;

24 22 000 personnes tel que c'est présenté par la Croix-Rouge internationale,

25 mais certains ne figurent pas parce que certains corps n'ont pas été

26 identifiés. Donc les personnes non identifiées ne peuvent pas être incluses

27 dans nos statistiques. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé

28 également de présenter la liste des personnes portées disparues.

Page 5448

1 Q. Je pense que vous avez anticipé sur ma prochaine question. Pouvez-vous

2 décrire le rôle joué ou en tout cas dans quelle mesure vous vous êtes

3 appuyés sur la liste des personnes portées disparues de la liste de la

4 Croix-Rouge internationale. Est-ce que vous avez mené votre analyse lorsque

5 vous avez fourni des éléments d'information puisque vous n'aviez pas

6 d'autres éléments ? Pouvez-vous nous dire comment vous avez simplement

7 ajouté cela, comme un ajout à vos registres de personnes décédées ?

8 R. Ces deux bases de données principales; la vôtre et celle du FBI [comme

9 interprété] et la liste des personnes portées disparues.

10 A Sarajevo, la liste des personnes disparues n'était si fréquente si

11 on compare avec d'autres périodes du conflit, par rapport à Srebrenica, par

12 exemple. Mais simplement pour que ce soit complet, parce que nous voulions

13 obtenir une couverture la plus large que possible.

14 Q. Vous avez, dans deux de vos réponses, vous avez parlé de la liste des

15 personnes décédées et des personnes portées disparues supposées décédées.

16 Comment vous assurez-vous du fait que vous n'êtes pas en train de confondre

17 un civil décédé et un soldat décédé, vice versa ? Comment avez-vous abordé

18 ce problème-là ?

19 R. C'est effectivement une question importante. Parce que pour ce qui est

20 d'une source principale, à savoir quelquefois l'état civil de la personne

21 en question, n'est pas très précise, à savoir si c'est une civil ou un

22 militaire. Elles sont des éléments dont l'on ne dispose pas toujours, par

23 exemple, sur la liste des personnes portées disparues. Dans d'autres cas,

24 on a des registres des unités militaires, on sait que la personne a été

25 rattachée à telle ou telle unité, mais c'est tout ce que nous disposons. Il

26 serait très peu fiable de fournir des éléments statistiques sur les civils

27 tués par rapport aux soldats lors d'un siège.

28 Donc nous avons décidé de nous rapporter aux trois listes des

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1 personnes tombées au combat pendant le conflit en Bosnie-Herzégovine. Ces

2 trois listes couvrent l'ensemble du conflit ainsi que l'ensemble du pays,

3 48 000 registres que nous avons utilisés. Le groupe principal d'individus

4 qui ont été consignés dans ces listes de l'armée comprennent des membre de

5 l'armée, des membres de la police, y compris le personnel faisant partie du

6 ministère de la Défense, y compris les personnes fournissant des

7 marchandises travaillant dans le secteur de la production et des services à

8 l'armée. Mais nous savons que le personnel militaire indiqué dans cette

9 liste est peut-être un chiffre sensiblement élevé. Il ne s'agit pas

10 simplement d'un soldat, mais d'autres personnes également rattachées ou

11 travaillant pour l'armée d'une manière ou d'un autre.

12 Nous avons utilisé cette liste comme source de référence pour pouvoir

13 comparer nos registres avec ces trois listes. Nous avons donc établi des

14 comparaisons avec notre liste maîtresse que nous avons établie pour les

15 besoins statistiques et nous avons indiqué, sur la liste maîtresse des

16 registres, relevant de l'armée sont des soldats et du personnel militaire.

17 Pour être sûrs des chiffres conservateurs, je veux dire que nous avons

18 lorsque dans la source originale, cette personne nous ait signalé comme

19 étant un militaire, à ce moment-là, nous avons gardé les éléments des

20 sources originales et indiqué qu'il s'agissait d'un militaire.

21 Donc nous n'avons pas changé le système d'enregistrement, nous vous avons

22 tout simplement créé une variable, l'élément qui aurait permis de corriger

23 la mesure. C'était, en fait, quelque chose d'important et utile lorsqu'il

24 s'agit au fait de savoir si c'est quelqu'un qui a le statut d'un militaire

25 ou bien civil.

26 Q. Nous avons parlé donc des trois listes. Je crois des trois bases de

27 données que vous avez utilisées, bases de données statistiques du

28 gouvernement - il y en avait deux - plus la liste des personnes portées

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1 disparues de la Croix-Rouge internationale, donc il y avait deux autres

2 bases de données que vous avez utilisées. La première étant celle des

3 ménages de Sarajevo. Tout d'abord, simplement, pouvez-vous nous dire

4 comment cette enquête sur les ménages de Sarajevo, comment celle-ci s'est

5 déroulée ? Quelles sont les questions types que vous avez posées dans votre

6 rapport ?

7 R. L'enquête sur les ménages de Sarajevo est une enquête très importante

8 menée au cours du printemps et de l'été 1994, donc avant l'acte

9 d'accusation, la période citée à l'acte d'accusation concernant Dragomir

10 Milosevic et son procès. Donc cette enquête est une enquête assez complète

11 et censée couvrir la plus grande partie de la population et tous les

12 ménages vivant à Sarajevo à l'intérieur des lignes de front à la mi-1994.

13 Tous ensemble, nous avons estimé que la population des individus couverts

14 par cette enquête représente environ 30 à 40 000 âmes, ce qui correspond à

15 peu près à 75 % de la population installée à Sarajevo depuis 1991 divisée

16 en six quartiers. C'est une enquête qui n'a pas été faite par des

17 statisticiens professionnels mais par des chercheurs et c'est une enquête

18 qui se fonde sur des questionnaires types et dans lesquels nous disposons

19 des éléments très complets sur les victimes. Pour ce qui est des personnes

20 en question, leur nom, leur date de naissance et savoir si la personne a

21 été tuée ou non ou si la personne a été blessée. Cette enquête qui est

22 assez exhaustive et peut-être que la fiabilité n'est pas aussi élevée que

23 ce que nous trouvons dans la base de données du FBI [comme interprété] et

24 l'autre source déjà citée, mais c'est tout à fait acceptable et honorable.

25 Q. Vous avez dit que celle-ci n'a pas été préparée par des statisticiens

26 professionnels. Savez-vous qui a fait cette enquête sur les ménages de

27 Sarajevo ?

28 R. Oui. C'est un groupe de chercheurs qui travaillaient au sein de

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1 l'institut chargé, je crois, de - je ne me souviens pas du nom exact de

2 l'institut - mais au point 2, chapitre 2, on parle des sources, je crois

3 que c'est cité. Le nom de l'institut est donné ici. Il s'agit de l'Institut

4 chargé des recherches sur les crimes de guerre et de droit international.

5 Cet institut était dirigé à l'époque par le Pr. Smail Cekic. Je crois qu'il

6 dirige toujours cet institut aujourd'hui. Il a non seulement fait cette

7 étude, mais d'autres également. Je crois qu'ils ont réalisé, en tout cas,

8 ont affiché un certain nombre de résultats intéressants.

9 Q. Pour savoir un petit peu de quoi il s'agit. Cette enquête menée au

10 niveau des ménages de Sarajevo, en termes démographiques, en termes

11 d'analyses, comment avez-vous procédé ?

12 R. Comme je vous l'ai dit, cette étude sur les ménages n'a pas été

13 utilisée pour fournir des données à propos de personnes tuées. Nous avons

14 utilisé cette étude pour l'intégrer à nos estimations de personnes blessées

15 au cours du siège. Cette étude est exceptionnelle de par sa taille, car

16 elle couvre les personnes blessées, les personnes hospitalisées et non

17 hospitalisées. Par conséquent, ceci donne une image beaucoup plus large du

18 nombre de blessés à Sarajevo. Si on compare ceci avec les personnes admises

19 à l'hôpital, les registres des hôpitaux qui ne couvrent que les patients

20 qui ont été admis à l'hôpital parce que grièvement blessés.

21 Donc c'est une source intéressante qui peut être associée à d'autres

22 sources. A partir de là, nous pouvions fournir des estimations, eu égard au

23 nombre de personnes blessées pendant le siège.

24 Q. Pour finir, vous avez parlé de l'entreprise de pompes funèbres Bakije

25 et de leurs chiffres. Pourquoi avez-vous utilisé leurs chiffres ? Quel

26 rôle ont joué ces chiffres-là dans votre analyse statistique des personnes

27 tuées ?

28 R. Et bien, c'est encore une autre source supplémentaire qui permet de

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1 comprendre combien de personnes tuées il y avait. Dans le cas comme siège

2 de Sarajevo, de temps en temps, la situation devenait très chaotique et les

3 personnes étaient tuées en grand nombre dans les rues. Cette entreprise de

4 pompes funèbres Bakije a enlevé tous les corps dans les rues, les

5 identifiait et a enterré les corps. Très souvent c'est eux qui

6 recherchaient les familles des personnes en question et qui avertissaient

7 les familles de la perte de leurs proches.

8 Comme je l'ai dit, il n'y a pas de source lorsqu'il s'agit d'un

9 conflit qui soit vraiment complète. Plus on peut utiliser de sources, mieux

10 cela vaut pour les statistiques. C'est la raison pour laquelle nous avons

11 décidé d'utiliser les listes et les registres de l'entreprise de pompes

12 funèbres. C'est une source assez importante qui comporte quelque 12 000

13 registres qui couvrent la période du conflit qui va du mois d'avril 1992 au

14 mois de décembre 1995, ce qui est une période assez importante.

15 Q. Dernière question à propos des sources. Pourriez-vous expliquer aux

16 Juges de la Chambre comment se fait-il que vous avez éviter de compter les

17 mêmes personnes deux fois; si, par exemple, quelqu'un est fiché dans la

18 base de données du FBI et chez l'entreprise de pompes funèbres de Bakije,

19 comment vous êtes-vous assurés de ne pas les avoir comptées deux fois ?

20 R. Nous avons utilisé notre méthodologie communément appliquée qui est

21 celle que nous appliquons toujours. Autrement dit, c'est une procédure type

22 que nous utilisons pour toutes sources. Tout d'abord, nous vérifions les

23 sources les unes après les autres. Nous vérifions si oui ou non il y a des

24 doublons ou pas. S'il y a des doublons, à ce moment-là, nous les éliminons

25 et nous les intégrons à une seule et même source.

26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Procureur, comment le

27 témoin sait-il s'il s'agit d'un doublon ou non ?

28 M. DOCHERTY : [interprétation] C'était la question que j'avais l'intention

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1 de poser au témoin. Mais ce n'était pas dit aussi clairement.

2 Madame, la question que je vous ai posée, quelqu'un qui aurait figuré dans

3 la base de données de FBI [comme interprété] et qui figurait également,

4 c'est un exemple tout à fait hypothétique, et également dans l'entreprise

5 de pompes funèbres.

6 R. Quand on compare les registres, si on compare un certain nombre de

7 données dans chaque registre, les personnes, en fait, par exemple, sont

8 consignées, on donne leur nom, la date de naissance et le lieu de

9 naissance. Ensuite, dans une autre case, se trouvent les éléments

10 d'information sur la mort et la blessure. Là, nous avons la date de

11 l'événement, le lieu de l'événement et les causes de l'événement.

12 Pour ce qui est des doublons, nous comparons les données personnelles de

13 l'individu en question, nom, prénom, nom du père et date de naissance. Si

14 nous constatons que certains registres comportent des valeurs très proches,

15 alors nous étudions les éléments d'information restant des événements. Sur

16 la base de ces résultats, de ces comparaisons, nous déclarons que cette

17 personne fait l'objet d'un doublon ou non. C'est ainsi que nous procédons.

18 La méthodologie consiste à comparer des éléments d'information

19 pertinents qui pourraient correspondre à une seule et même personne

20 figurant sur différentes listes.

21 J'espère que je vous ai répondu clairement. Il y a d'autres éléments. Il ne

22 s'agit pas simplement de comparer des données. Bien sûr, des noms sont

23 parfois écorchés, les dates de naissance sont manquantes et parfois le lieu

24 de naissance est mal indiqué. Parfois, la date de naissance n'est pas

25 consignée de la même façon dans les différentes bases de données. Lorsqu'on

26 peut reconnaître qu'il y a des registres qui sont liés et que nous avons à

27 ce moment-là une paire, on considère qu'il s'agit d'un doublon. Mais

28 parfois c'est très difficile.

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1 Parce que les sources principales étaient de très grande qualité, ce

2 n'était pas très difficile de faire cela. En réalité, je crois que ce

3 n'était pas quelque chose de si important que d'éliminer les doublons. Ce

4 que j'essayais de dire c'est qu'il y a certains aspects ici, lorsqu'on

5 recherche des doublons. A un certain niveau, il y a des doublons que l'on

6 retrouve au sein des sources et là, nous procédons source après source. Une

7 seule et même source fait état d'une personne plusieurs fois.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Puis-je vous demander --

9 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- est-ce que cela relève peut-être

11 de --

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il ne s'agit pas d'un élément

13 discrétionnaire lorsqu'il s'agit d'éliminer des doublons. Qu'est-ce que

14 vous entendez par là ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'entends par là, est-ce que vous

16 faites une évaluation indépendante pour savoir s'il y a eu des doublons ou

17 non, ou est-ce que c'est quelque chose que vous découvrez un petit peu, et

18 qui est une partie accessoire ? Est-ce que c'est accessoire à votre travail

19 de statisticienne ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. En fait, cela fait partie de notre

21 travail. C'est une part importante de notre travail. Il s'agit de 90 % de

22 notre travail qui consiste à vérifier s'il y a des doublons ou non

23 lorsqu'il y a des sources associées. Lorsque nous fusionnons les sources,

24 les sources mentionnées ensemble, à ce moment-là, cela pose un problème

25 supplémentaire. On peut avoir le doublon au sein de la même source. Il faut

26 procéder source après source. Ce qu'il faut faire à ce moment-là, c'est de

27 regarder s'il y a des doublons, parce qu'il peut y avoir une superposition

28 des sources et c'est ce que nous essayons d'éviter.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a trois personnes qui sont très

3 compétentes pour faire ce genre de travail. Cela fait sept ans que nous

4 travaillons là-dessus.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci beaucoup, nous avons dépassé

6 l'heure de la pause. Nous allons faire une pause de

7 20 minutes.

8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

9 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

10 -- M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

11 Docherty.

12 M. DOCHERTY : [interprétation]

13 Q. Madame, avant la pause on vous avait demandé de parler un petit peu

14 plus lentement, car vous parlez de choses techniques, de sujets très

15 denses. Je sais que c'est assez difficile d'y penser parce que vous pensez

16 au contenu de votre témoignage. J'espère que vous ne nous tenez pas rigueur

17 de vous rappeler cela de temps en temps.

18 Après avoir vérifié une dernière fois le rapport avant d'entrer en salle

19 d'audience, est-ce que vous avez trouvé des coquilles, des fautes de frappe

20 ?

21 R. Oui, effectivement. Il y a quelques coquilles, mais l'une et l'autre

22 correction importante à apporter, par exemple, dans des rapports importants

23 réalisés par le passé, ne figure pas dans la liste des rapports d'expert.

24 Il y a un chiffre à corriger, mais aucune de ces corrections change le

25 contenu du rapport.

26 Q. Nous avons copié, nous avons reproduit la liste que vous avez préparée.

27 M. DOCHERTY : [interprétation] Et je voudrais demander à ce que ces listes

28 soient distribuées afin que toutes les parties puissent en prendre

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1 connaissance.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

3 Q. Dans votre déposition, Madame Tabeau, vous estimez qu'aucune des

4 corrections figurant dans cet erratum ne changera le fonds du rapport ?

5 R. Effectivement.

6 Q. Je voudrais à présent revenir au sujet qui nous occupait avant la

7 pause, à savoir le nombre de personnes tuées lors d'activités liées à la

8 guerre à Sarajevo lors de la période couverte par l'acte d'accusation. Je

9 voulais parler des tables 8 à 8B, 9A et 9B de votre rapport, au début de la

10 page 23 dans la version anglaise, également la page 24. Nous avons, à des

11 fins pratiques, reproduit ces tableaux sur des PowerPoint que nous allons

12 projeter sur l'écran.

13 M. DOCHERTY : [aucune interprétation]

14 Q. Est-ce que vous voyez ces tableaux sur votre écran, Madame Tabeau ?

15 R. Pas encore.

16 Q. [aucune interprétation]

17 R. Est-ce que je peux voir le compte rendu d'audience et les tableaux en

18 même temps ?

19 Q. Non.

20 R. [aucune interprétation]

21 M. DOCHERTY : [interprétation]

22 Q. Pour reparler, on peut voir la différence entre Sarajevo Dix et

23 Sarajevo Six ?

24 R. Oui, effectivement. Est-ce que vous voulez que je donne la liste des

25 municipalités qui sont couvertes dans Sarajevo Six ? Il y a le centre,

26 Ilidza, Novi Grad, Novo Sarajevo --

27 M. DOCHERTY : [interprétation] Un petit peu plus lentement.

28 R. Je recommence. Le centre, Ilidza, Novi Grad, Novo Sarajevo, Stari Grad

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1 et Vogosca. Voilà la zone couverte par Sarajevo Six et la zone couverte par

2 Sarajevo Dix.

3 Il y a en plus des six municipalités citées, Sarajevo Hadzici,

4 Ilijas, Pale, Trnovo.

5 Q. J'ai relevé que pour Sarajevo Dix et pour Sarajevo Six, vous avez deux

6 nombres minimums. L'un est le chiffre absolu, l'autre est le chiffre plus

7 probable. J'ai commencé par les chiffres absolus minimums. Que représentent

8 ces chiffres et pourquoi les avez-vous appelés nombre minimal absolu ?

9 R. Ce chiffre est le strict minimum, minimarum [phon], obtenu suite de la

10 mise en commun des sources, à savoir FBiH et CICR et celle du funérarium de

11 Bakije. Il s'agit des enregistrements qui peuvent être retrouvés dans des

12 sources et qui sont des décès violents avérés à la suite d'activités de

13 guerre. Ces enregistrements ont été qualifiés par les autorités comme

14 résultant des activités dites de guerre. Activités de guerre couvrant toute

15 une série de situations au cours desquelles des personnes ont trouvé la

16 mort du fait d'armes à feu de plusieurs types ou du fait d'autres activités

17 violentes liées à la guerre.

18 Au sujet de ces décès nous avons des informations très fournies au sujet de

19 leur nature violente et les informations proviennent des documents

20 appartenant aux propriétaires des sources. Les chiffres minimums, si je

21 puis me permettre de poursuivre, n'incluent pas les décès qui sont liés

22 indirectement à la guerre. Les décès indirects sont inclus dans une autre

23 partie. L'élément naturel ne figure pas dans les statistiques.

24 Et les causes de décès inconnues sont également exclues des minimums.

25 Le nombre de décès propre aux inconnues est assez élevé, plus de 1 000 pour

26 Sarajevo Six. Nous estimions important de donner une idée de sur quoi

27 s'apparenteraient les statistiques si elles incluaient une partie des décès

28 pour cause inconnue, car nous sommes sûrs que parmi ces décès un certain

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1 nombre de décès sont imputables à des vraies causes inconnues, mais

2 d'autres à des causes liées à la guerre.

3 Il y des techniques statistiques que l'on peut utiliser pour

4 différencier ces deux cas de figure et c'est la raison pour laquelle nous

5 l'avons fait. Pour ce qui est du deuxième minimum figurant dans ces

6 tableaux que nous estimons être et que nous avons appelé minimum plus

7 probable, je voulais dire que ces deux chiffres, le minimum absolu et le

8 minimum plus probable, ces chiffres restent des minima. Ce sont des

9 chiffres qui sont incomplets, il existe encore des décès qui sont survenus

10 mais dont nous n'avons pas tenu compte, que nous n'avons pas pu inclure

11 dans les statistiques.

12 Q. Donc, Madame Tabeau, en tant que démographe qui a élaboré ce rapport,

13 quel est le nombre de civils ayant trouvé la mort à Sarajevo Six à la suite

14 des activités violentes liées à la guerre entre août 1994 et novembre 1995

15 ?

16 R. Ce chiffre est de 449. C'est le minimum absolu. Mais nous pensons qu'il

17 est plus probable que le nombre ou le chiffre minimal est de 659 décès.

18 Q. Et pour Sarajevo Dix, de même combien de civils ont été tués à la suite

19 d'activités liées à la guerre entre août 1994 et novembre 1995 ?

20 R. Minimum absolu 631 et minimum plus probable 915.

21 Q. Qu'en est-il du calcul du nombre de blessés à la suite d'activités de

22 guerre ?

23 M. LE JUGE MINDUA : Un autre sujet sur les blessés, Madame le Témoin --

24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais besoin de votre aide. Je voudrais

25 avoir le compte rendu d'audience à l'écran si c'est possible. Je vous

26 remercie.

27 M. LE JUGE MINDUA : Madame le Témoin, évidemment, j'ai suivi avec très

28 grand intérêt la complexité de votre science; et particulièrement par

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1 rapport à Sarajevo Six. Vous avez parlé de décès pour causes inconnues et

2 j'imagine qu'il pourrait peut-être s'agir de décès suite à des accidents de

3 circulation ou à des maladies ou à des crimes ou autres choses encore. Vous

4 avez parlé aussi - et c'était la plus grande partie de votre exposé

5 évidemment - sur les décès dus à des faits de guerre, notamment des tirs

6 d'obus, des explosions, et cetera.

7 Avant la pause, vous avez expliqué que votre science vous permet

8 d'éviter des doubles comptines, de compter deux fois les mêmes décès ou les

9 mêmes victimes, en fait. Ma question : avec votre technique, est-ce qu'il

10 est possible de savoir si un décès qui est dû à une cause inconnue ou à une

11 cause plutôt naturelle comme maladie peut être de nouveau comptabilisé ou

12 présenté comme un décès dû à un fait de guerre suite à une explosion d'obus

13 ou à un tir de roquettes ou à une bombe aérienne ?

14 En d'autres termes, est-ce qu'avec les statistiques, les chiffres que

15 vous avez, est-ce qu'il est possible d'éviter ce genre de - comment dirais-

16 je - de manipulation ? Est-ce que vous comprenez la question ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Oui, je pense avoir compris

18 votre question. En dépit de sa complexité, il est important que je vous

19 expose brièvement la méthodologie même si nous avons déjà parlé des

20 sources. Je n'ai en effet pas exposé la méthode utilisée pour élaborer ces

21 statistiques.

22 Je voudrais commencer par les informations disponibles dans toutes

23 ces sources et enregistrements individuels. Un cas figurant dans une source

24 représente un cas individuel. Les informations que nous avons au sujet des

25 personnes sont complexes. Nous avons des renseignements au sujet des

26 coordonnées personnelles, donc le nom, lieu de naissance, domicile, date de

27 naissance, et une grande partie de l'information porte également sur

28 l'incident en question. Nous avons d'abord étudié les décès dus à des faits

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1 de guerre, c'est-à-dire les personnes décédées, ensuite les blessures

2 causées.

3 Chaque événement est référencé sous la forme d'une série de données,

4 jour, moi, lieu. Le lieu est souvent désigné comme étant une petite

5 division territoriale et plus grande division territoriale, c'est-à-dire

6 une municipalité qui est une zone administrative officielle. Nous avons

7 également des informations sur les causes du décès ou des lésions.

8 Le signalement des causes de la mort peut être très complexe. La situation

9 la plus simple est celle qui concerne la liste des personnes disparues pour

10 lesquelles nous savons qu'elles ont été portées disparues. Simplement là,

11 la cause c'est dû au fait que la personne est toujours portée disparue.

12 Mais pour des causes inconnues ou pour ce qui est des causes connues, les

13 causes sont bien plus complexes puisqu'on fait état tant de décès dus à

14 l'effet des faits de guerre que des décès liés à des causes naturelles.

15 Dans les deux grandes bases de données, nous avons demandé aux

16 autorités qui les ont élaborées d'utiliser un placement médical des

17 affections ou des accidents qui ont mené au décès. Donc ce placement

18 médical est disponible pour une grande majorité de décès. Ça c'est un

19 premier point de vue; c'est le point de vue médical. Le point de vue

20 médical est basé sur le classement officiel des affections et des causes de

21 décès qui sont fournies systématiquement par l'OMS, l'Organisation mondiale

22 de la Santé. Nous avons utilisé la dixième édition dans les deux bases de

23 données.

24 Les causes médicales nous donnent des indications sur l'organe dont

25 la fin du fonctionnement a causé le décès. On explique pourquoi les

26 personnes sont décédées, mais quelles ont été les raisons et quels sont les

27 organes qui ont cessé de fonctionner causant ainsi le décès.

28 Il y a un tableau dans le rapport, si je ne m'abuse, c'est le tableau

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1 12 où figurent les causes médicales de décès pour ce qui est des décès pour

2 cause de violence et faits de guerre. En plus des causes médicales, il y a

3 deux autres types de classement des causes de décès connues. Pour les morts

4 violentes. Il y a les morts violentes, il y en a cinq types dont l'un est

5 le décès dû à des faits de guerre. Un autre type ou une autre catégorie

6 incluant les accidents de la route, d'autres autres morts violentes sont

7 également meurtres, suicides. Ce sont les catégories principales. Voilà ça

8 c'est la deuxième perspective, le type de décès violent.

9 Il y a une troisième perspective qui nous enseigne quels sont les facteurs

10 extérieurs du décès, à savoir s'agissait-il d'un empoisonnement, d'un coup

11 de feu, d'une liaison intervenue dans un cas ou dans un autre, ce sont les

12 circonstances des décès.

13 En ce qui concerne les causes de décès, nous avons énormément de

14 renseignements que nous pouvons étudier et qui nous permettent de faire

15 figurer un cas parmi le nombre parmi les cas de décès violents liés à des

16 faits de guerre. Nous avons d'abord étudié les morts violentes, uniquement

17 les morts violentes désignées comme telles par les autorités, c'est-à-dire

18 résultant de faits de guerre. Nous avons laissé totalement de côté tous les

19 décès naturels. En fait, tous les décès généralement sont soit violents,

20 soit naturels. Nous nous sommes concentrés sur les décès naturels et nous

21 nous sommes concentrés sur une catégorie importante, les décès liés à des

22 activités de guerre.

23 M. LE JUGE MINDUA : Avez-vous fini ou bien pas encore ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas vraiment. Si vous voulez c'est assez long

25 à expliquer.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous en avons assez entendu. Je

27 voudrais que le Juge Mindua poursuive ses questions.

28 M. LE JUGE MINDUA : -- pour l'explication. Là je vais être beaucoup plus

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1 explicite et j'espère que ça va être ma dernière question avec vous.

2 Parmi vos sources, vous avez cité les autorités des statistiques de la

3 Républika Srpska et aussi de la BiH. La question que je voudrais vous poser

4 c'est de savoir : dans ces données statistiques, est-ce que vous avez pu

5 constater que ce soit dans le premier cas, la Republika Srpska ou dans le

6 deuxième, BiH, de décès qui ont été présentés sous une rubrique, mais que

7 vous avez retrouvés dans une autre rubrique suite à vos propres sources ou

8 à d'autres sources comme le CICR ou les enquêtes auprès des ménage, par

9 exemple ? Est-ce qu'il y a eu des cas de doublement ou des cas qui ont été

10 présentés officiellement comme décès suite aux faits de guerre pendant que

11 ces mêmes décès vous les avez retrouvés ailleurs sous d'autres rubriques ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que votre question porte sur la

13 question de savoir comment nous avons traité de regroupement de sources.

14 Effectivement, le même décès est peut-être mentionné par différentes

15 sources, parfois jusqu'à cinq sources. Nous avons utilisé jusqu'à cinq

16 sources dans le cadre de ce projet. Il est important de savoir et de dire

17 que nous avions l'intention d'établir une liste maîtresse principale de

18 tous le décès, une liste qui serait basée sur toutes les sources.

19 Mais la fusion des sources pose la question de savoir quel est le

20 double enregistrement qu'il faut conserver pour l'introduire dans cette

21 liste et quel est l'autre qui doit être supprimé comme étant un doublon. Un

22 même décès peut figurer dans la base de données de la BiH, de Republika

23 Srpska, du CICR et de l'entreprise de pompes funèbres Bakije. Nous devons

24 savoir quelle est l'entrée que l'on a introduite dans la liste maîtresse et

25 savoir laquelle on supprime.

26 Nous savions que certaines sources étaient meilleures que d'autres.

27 Nous avons donc effectué une hiérarchie des sources. Nous savons que les

28 bases de données de la Republika Srpska et de la BiH étaient considérées

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1 comme étant les meilleures sources. Et en cas de doublon, quelles que

2 soient les sources dans lesquelles on retrouvait la source, de manière

3 constante, ces sources étaient exactes.

4 Lorsque nous retrouvions la même entrée dans les autres sources, nous

5 supprimions cette deuxième entrée. Nous retenions donc les sources de la

6 BiH et de la RS. Ce qui reste c'est toujours ce qui figure dans la

7 meilleure source. Voilà la manière dont nous avons traité les doublons.

8 M. LE JUGE MINDUA : [hors micro]

9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Madame.

10 Je vais dire que ces explications sont assez difficiles à comprendre

11 surtout lorsque vous entrez dans les détails. Je voudrais peut-être vous

12 soumettre un exemple et sur cette base vous pourriez peut-être nous dire

13 comment vous traiteriez cet exemple.

14 Imaginons qu'un obus tombe et l'une de vos sources les plus fiables

15 indiquera que 22 personnes ont trouvé la mort. L'autre source la plus

16 fiable vous dira qu'il n'y a eu que 19 personnes tuées; si vous passez en

17 revue les autres sources, vous pouvez établir l'identité de, mettons, 15

18 victimes. Cela vous mettrait dans une situation délicate à mon sens. Quel

19 serait le résultat final pour vous ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit une situation

21 délicate. En effet, dans cet incident, le maximum dont il est fait état est

22 22 personnes. Même si les 15 sont mentionnées dans notre meilleure source,

23 je prends les 15. Mais étant donné que dans la meilleure source, il n'y a

24 que 15 décès et étant donné que le reste est fourni par les moins bonnes

25 sources, j'ajouterais sept entrées figurant dans les autres sources.

26 Je ne dépasserais pas les 22. Ça c'est le maximum dont il est fait

27 état dans les sources, mais je n'aurais pas plus ou moins que 22. J'aurais

28 exactement 22.

Page 5465

1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais il serait possible, dans mon

2 exemple, qu'en réalité seulement 19 personnes auraient trouvé la mort car

3 une des sources fiables indique 22, une autre 19. Vous n'avez pu établir

4 l'identité que de 15 de ces 19 ou

5 22 personnes.

6 Donc il y a une certaine marge pour laquelle je me demande si vous

7 optez davantage pour la prudence et vous dites, nous savons avec certitude

8 que 15 personnes ont trouvé la mort, ou est-ce que vous prenez la voie

9 médiane en disant que nous savons qu'au moins

10 19 personnes ont été tuées, ou est-ce que vous prendriez le chiffre plus

11 élevé ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le répète, nous avons trois chiffres, 19,

13 22 et 15 et nous avons quatre sources. Imaginons que 19 et 22 sont les

14 chiffres indiqués par les meilleures sources. L'autre chiffre, 15, est

15 indiqué dans la quatrième source. Vous voulez savoir comment j'aborderais

16 ce cas. Le nombre maximum de décès indiqué par les sources dans cet

17 incident est de 22, car les deux meilleures sources font état d'un chiffre

18 assez proche 19 et 22. Je me pencherais là-dessus. Il est très probable que

19 le 19 soit le même dans le 22, dans la première source. J'aurais toujours

20 22 entrées après avoir analysé les deux sources.

21 Ensuite, je passerais aux 15 personnes indiquées dans la dernière

22 source. Je comparerais le nom des 15 avec la liste des 22 que j'ai. Il est

23 très probable que ces 15 noms figurent parmi les 22 déjà mentionnés.

24 Donc j'aurais encore 22 personnes dont il est fait état s'il y a

25 cohérence entre les sources. En l'absence de cohérence, il se peut que

26 j'aie 15 noms supplémentaires, nouveaux noms que j'inclurais probablement

27 dans ma liste également à ce stade. S'il s'agit de noms totalement

28 nouveaux, pas des doublons, j'aurais en plus des 22,

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1 15 noms supplémentaires. C'est cela que je ferais, même si je sais que ces

2 15 noms viendraient de la liste la moins fiable.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je dois dire que je ne comprends pas

4 très bien, mais à un niveau assez élevé.

5 Monsieur le Procureur.

6 M. DOCHERTY : [interprétation]

7 Q. Madame Tabeau, si je puis vous poser une question suite à la question

8 qui vous a été posée par M. le Juge Harhoff qui vous a présenté ceci.

9 Par exemple, il y a un incident lié à un obus et il y a des décès qui

10 sont consignés suite à cet incident de pilonnage. Tout d'abord, est-ce que

11 les décès sont consignés dans les sources que vous avez regardées de cette

12 façon-là ?

13 R. Non pas dus à des incidents de pilonnage. Ceci ne fait pas partie des

14 causes de décès. Je n'ai aucun élément d'information d'incident de

15 pilonnage ou de tirs embusqués concernant les causes du décès. Mais je

16 dispose d'éléments concernant le lieu, l'endroit et l'heure. Je crois qu'on

17 peut, sur la base des éléments dont on dispose à partir de l'heure et de

18 l'endroit de l'incident, on peut effectivement fournir des éléments assez

19 proches.

20 Q. M. le Juge Harhoff vous a posé cette question. Si une source pourrait

21 citer 22 personnes qui auraient été tuées lors d'un incident tel et tel

22 jour, et pour pouvoir consigner des éléments dans votre liste maîtresse,

23 quels sont les délais minimums qui peuvent être consignés dans le registre

24 ? Vous allez donc vérifier, voir qu'il n'y a pas de doublons et voici

25 quelque chose que je veux inclure dans ma source maîtresse. Peut-être que

26 certains registres sont tellement incomplets que vous ne pouvez pas en

27 tenir compte.

28 R. Nous devons au niveau des registres concilier tous les noms, prénoms,

Page 5467

1 nom du père et date de naissance complète, lieu de naissance complet; de

2 préférence, lieu de l'incident et idéalement les causes du décès. Mais ceci

3 n'était pas disponible pour toutes les personnes.

4 Nous avons décidé ad minima d'avoir le lieu, la date de naissance,

5 les noms et des causes du décès qui n'étaient pas naturelles. Tel était le

6 niveau minimum requis pour notre enregistrement.

7 Q. Nous allons parler d'un cas hypothétique à supposer, par exemple,

8 qu'une des sources, peut-être pas une source que vous avez utilisée, mais

9 dans une des sources quelqu'un dit qu'au cours de cet incident terrible 30

10 personnes ont été tuées; aucun nom, aucune date de naissance, aucun lieu de

11 naissance. Est-ce que le fait que ces

12 30 personnes ont été tuées ce jour-là, est-ce que ceci figurerait dans

13 votre rapport, oui ou non ?

14 R. Bien sûr, si nous ne disposions d'aucun élément sur le lieu et la date

15 de naissance, nous ne pouvions absolument pas tenir compte de cet élément

16 d'information à ce moment-là. Ce ne serait pas possible. Ceci était un

17 principe de base pour nous.

18 Nous ne pouvions utiliser que les données qui étaient pertinentes par

19 rapport à l'endroit où le siège avait été donné et la période au cours de

20 laquelle le siège avait eu lieu. Ce qui signifie que pour Sarajevo Six, les

21 dates des incidents pertinents vont du mois d'août 1994 au mois de novembre

22 1995.

23 Q. Au niveau de cette liste maîtresse de décès, est-ce que vous

24 travailliez à partir de registres de décès ou de registres d'incidents ?

25 R. De registres de décès. Nous n'avons pas de délais concernant les

26 incidents. Ceci n'est pas un principe dont nous tenons en compte pour

27 saisir les données dans notre base de données. Nous ne disposions pas de

28 ces éléments d'information non plus, j'entends les informations concernant

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1 ces incidents.

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je n'ai pas parfaitement compris

3 encore. Dans l'exemple que je vous ai cité précédemment, comment

4 traiteriez-vous les délais à supposer que vous utilisiez toutes les

5 sources, qu'elles soient fiables et non fiables et vous n'avez pu établir

6 l'identité de 15 personnes seulement. Néanmoins, vos deux sources les plus

7 fiables vous ont ensuite dit qu'il y avait davantage de décès. L'une des

8 sources précise qu'il y avait 19 cas de décès certainement et dont quatre

9 personnes n'ont pas été identifiées. L'autre source cite un chiffre un peu

10 plus élevé. Simplement à titre d'exemple, prenons le cas de 22 personnes.

11 Ça c'est une chose. Ensuite, vous pouvez, si vous le voulez, essayer

12 d'expliquer ceci aux Juges de la Chambre. Comment traiteriez-vous ces

13 informations-là ? Comment pouvez-vous calculer le chiffre qui sera consigné

14 dans votre base de données ?

15 Autre chose, vous n'avez pas tenu compte des incidents, vous avez tenu

16 compte des décès. Nous avons, au cours de ce procès, entendu dire qu'il y

17 avait d'innombrables incidents provoqués par des tirs embusqués. Je suppose

18 que tout ceci a été consigné sous cette rubrique-là, à savoir qu'il

19 s'agissait d'incidents dus à des tirs embusqués. Dans cette Chambre, nous

20 n'avons entendu parler que de quelques cas de tirs isolés. Je suppose qu'il

21 y a d'autres cas de tirs isolés également dont nous n'avons pas entendu

22 parler.

23 A supposer qu'il y ait un coup tiré par un tireur embusqué et qu'une

24 personne se fait tuer dans la rue et rien d'autre, comment pouvez-vous

25 établir que cette personne a été tuée par un tireur embusqué et qu'il ne

26 s'agit pas de quelqu'un qui est tombé suite à un accident de la

27 circulation, qui n'aurait rien à voir avec la guerre ? Les gens sont tués,

28 il y a des accidentés de la circulation tous les jours. Si vous n'avez pas

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1 prêté attention aux incidents eux-mêmes, j'ai du mal à comprendre comment

2 vous pouvez faire la différence entre des faits liés à la guerre et des

3 faits liés à un accident de la circulation.

4 Est-ce que vous pourriez nous l'expliquer, s'il vous plaît.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais commencer par la deuxième partie de

6 la question; la personne qui a été tuée par tireur embusqué.

7 Je n'ai pas d'élément à propos de ce type d'incident lié à des

8 tireurs embusqués, mais bon, la personne qui a été tuée, la personne est

9 décédée parce que quelqu'un souffre d'une insuffisance cardiaque, par

10 exemple; dans le classement de morts violentes, j'estime que cette personne

11 est décédée à cause de la guerre. Mais si j'ai de la chance, il y a les

12 raisons externes, et je constate que cette personne a été tuée par balle,

13 mais je ne sais pas si c'est lié à un tireur embusqué ou non, mais je

14 constaterais qu'une arme à feu a été utilisée.

15 C'est la logique qui sous-tend ce projet que nous avons terminé. Nous

16 ne disposons pas d'éléments à propos d'incidents liés à des tirs embusqués

17 ni à des incidents liés à des pilonnages. Nous n'avons pas d'éléments

18 d'information non plus liés à des incidents de tirs pendant le siège.

19 Néanmoins, nous disposons d'éléments sur les décès et nous disposons

20 d'éléments sur la nature des décès et nous sommes à même de faire la

21 différence entre des causes de mort naturelle, des causes de mort violente.

22 Nous sommes en mesure de faire la différence entre les deux et ce groupe

23 précis de décès résultants d'activités de guerre.

24 Donc il ne s'agit pas d'une approche directe qui serait idéale, à

25 commencer par les incidents de tirs embusqués, de pilonnages et de compter

26 le nombre de décès. Ceci n'est pas possible car nous ne disposons pas de

27 telles sources.

28 Nous ne pouvons pas, dans cette mesure, l'intégrer dans notre

Page 5470

1 rapport, mais nous avons, néanmoins, les registres de décès relatifs à la

2 période du siège et dans la région du siège, ce qui constitue des sources

3 très précieuses. Nous produisons des données statistiques, peut-être pas

4 sures à 100 %, mais nos chiffres portent sur un nombre de victimes et

5 concernant les mêmes incidents.

6 Mais le lien entre l'incident lui-même, les tirs embusqués et les

7 pilonnages, ce lien n'a pas encore été établi, ce lien direct, j'entends,

8 et le décès. Si, par exemple, je disposais de listes de personnes étant

9 décédées à cause d'incidents de tirs embusqués et de pilonnages, à ce

10 moment-là, j'aurais pu les inclure dans ma liste maîtresse même s'il avait

11 fallu les vérifier.

12 Mais c'est l'essence même de ce que nous faisons.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'en est-il de la première question

14 qui vous a été posée ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je souhaite vous montrer un dessin. Est-ce

16 que je peux le placer sur votre projecteur, s'il vous plaît.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai ici un exemple de trois sources.

19 Première source, cette zone-ci; source deux, cette zone-ci; et source

20 trois, cette zone-là. Supposez que nous avons un projet qui consiste à

21 préparer une liste maîtresse qui serait composée des trois sources, parce

22 que ces sources ont un lien entre elles, parce que ces sources font état de

23 la même période ou d'une période semblable, d'une région semblable, il doit

24 y avoir un recoupement des sources. Et ce recoupement est une question

25 assez complexe.

26 Ici nous savons le regroupement des trois sources; un, deux, trois.

27 Il s'agit là d'un ensemble de registres. A supposer que je mette les trois

28 sources ensemble. Ensemble signifie s'il y a un nombre N1 de registres, un

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1 nombre N2 devant la deuxième source et N3 dans la source trois, signifie

2 que si on les mets tous ensemble; N1 plus N2 plus N3 correspond au total.

3 Autrement dit, les mettre ensemble. Mais ce chiffre total n'est pas exact :

4 N1, N2, N3; nous ne savons s'il y a des recoupements.

5 Ici cet ensemble de registres est compté trois fois ici : un, deux,

6 trois, et figure dans les trois sources. Ces groupes-ci sont des registres

7 qui se chevauchent entre deux sources : ici et ici, un et trois; et ici,

8 deux et trois. Ce que je viens d'indiquer a été compté deux fois. Mon rôle

9 consiste à éliminer dans chaque registre chaque élément consigné trois

10 fois. Je dois en éliminer deux et laisser simplement un seul élément dans

11 la liste maîtresse. Pour ce qui est de tous les registres et des éléments

12 consignés deux fois, ma tâche consiste à me débarrasser des deux autres

13 pour n'en garder qu'un seul.

14 Pour la liste maîtresse, il s'agit d'associer les sources de la bonne

15 façon; se débarrasser des doublons et présenter des registres qui peuvent

16 être considérés comme uniques et ayant un lien entre eux et liés à

17 l'incident en question. C'est ce que j'appelle la donnée statistique.

18 Pour en revenir à votre exemple : 22, 19 et 15. A supposer -- là ce

19 serait 22; là nous aurions 19; et là nous aurions 15. Cela dépend du

20 recoupement ici. Le chiffre peut correspondre à 22 plus 19 plus 15, ce qui

21 serait le maximum s'il n'y avait aucun recoupement du tout. J'aurais 22

22 plus 19 plus 15 s'il n'y a pas de doublons ou alors beaucoup moins,

23 beaucoup moins. Cela dépendrait du niveau de recoupement. J'espère avoir

24 répondu à votre question.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que c'est la meilleure réponse

26 que vous puissiez nous donner ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. A ce stade, oui, mais je peux vous donner

28 un exemple concret un peu plus tard, si vous le souhaitez.

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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je veux repartir un petit peu en

2 arrière et parler de la réponse que vous avez donnée à ma deuxième question

3 --

4 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] -- pour ce qui est d'un décès lié à

6 la guerre et d'un décès normal; la différence entre les deux. Encore une

7 fois, prenons un exemple. Il y a ce petit garçon qui rentre à la maison, il

8 rentre de l'école. Il fait chaud, c'est l'été, et on lui tire dessus. La

9 balle le touche au bras et il est hospitalisé. Le registre montrerait qu'il

10 a le poignet cassé, que la balle a touché le poignet. Je vois deux

11 éventualités possibles. La première c'est que, dans les registres on

12 indique qu'il est victime d'un incident de tireurs embusqués, et l'autre,

13 lorsqu'il est tombé de sa bicyclette et qu'il s'est cassé le poignet, et

14 dans votre système, où est-ce qu'il figurait ?

15 R. Il ne s'agit pas d'une personne décédée mais d'une personne blessée.

16 Ici, nous avons affaire à une personne blessée. Si c'était une blessure

17 grave, ce qui était le cas, elle serait hospitalisée, ce qui était le cas.

18 On ferait un diagnostic, et à ce moment-là, il aurait un dossier à

19 l'hôpital. L'hôpital, je ne sais pas très bien s'il serait amené à

20 l'hôpital ou pas. Quand bien même il serait amené à l'hôpital, il y a de

21 fortes chances pour que son dossier soit très complet.

22 Pour les personnes blessées, nous disposons d'éléments très détaillés sur

23 les causes de blessures liées aux pilonnages et aux tireurs embusqués. Ce

24 qui est très différent de ces demandes où nous supposons pour les causes

25 décès auxquelles nous n'avons aucune explication, aucune information

26 concernant la façon [inaudible]. Nous ne savons pas si les tirs embusqués

27 ou l'obus est une cause de décès. Mais pour les personnes blessées, nous

28 disposons de ces éléments-là.

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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, j'entends bien. Pourquoi les

2 dossiers médicaux des hôpitaux seraient mis à votre disposition simplement

3 pour les personnes qui ont été blessées mais pas pour les personnes tuées ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que les personnes tuées ne sont pas

5 amenées à l'hôpital, parce que ces personnes sont tuées et n'ont pas besoin

6 de soins médicaux, nous n'avons pas de dossier d'admission pour les

7 personnes tuées. Si une personne blessée meurt à la suite de ces blessures,

8 à ce moment-là, nous aurions son dossier à l'hôpital. Il ne s'agit là que

9 d'un tout petit groupe de personnes. C'est d'abord les personnes qui sont

10 blessées et qui ne se sont pas remises de leurs blessures et qui sont

11 décédées à la suite de ces blessures. A ce moment-là, nous disposerions

12 d'éléments portant sur l'incident de tirs embusqués ou de pilonnages.

13 Voici les différentes sources que nous avons utilisées pour les

14 personnes blessées, c'est la raison de cette différence.

15 M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty, d'après vous,

17 quel est le sens ou la pertinence de la déposition du Dr Tabeau pour la

18 thèse de l'Accusation.

19 M. DOCHERTY : [interprétation] La déposition du Dr Tabeau permet d'établir

20 le nombre de personnes tuées et blessées lié à des activités de guerre

21 portant sur l'acte d'accusation, en particulier dans ces zones Sarajevo Six

22 qui sont la région où se trouvaient les confrontations. D'après

23 l'Accusation, il s'agit d'un chiffre minimum avancé pour les personnes

24 tuées et blessées, comme étant le résultat des activités dirigé par

25 l'accusé dans cette affaire.

26 Le Dr Tabeau ne dira pas, bien sûr, que par le rapport de ces derniers

27 éléments, mais en tout cas, c'est une déduction qu'on peut faire et

28 présenter.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si dans l'absence de ces types de

2 déposition, comment ceci a-t-il une incidence sur votre thèse ?

3 M. DOCHERTY : [interprétation] En l'absence --

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En l'absence de ce qui est ce type

5 de témoignage ?

6 M. DOCHERTY : [interprétation] En l'absence de témoignage, à moins que nous

7 ne serions pas en mesure d'établir le nombre exact de perte en hommes ou en

8 femmes voués à des activités de guerre, si les troupes placées sous le

9 commandement de l'accusé, les officiers de police, et cetera, il y aurait

10 moins d'éléments sur la période du siège et celle qui suit la période du

11 siège.

12 Bien sûr, nous avons besoin des dossiers médicaux qui ont été présentés un

13 peu plus tôt. Nous n'avions pas de chiffre exact et nous n'avions pas la

14 déviation statistique de ces chiffres exacts.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si vous avez besoin d'un chiffre

16 exact pour prouver votre thèse.

17 M. DOCHERTY : [interprétation] Je n'ai pas besoin d'un chiffre exact.

18 Néanmoins, j'essaie, en fait, de présenter le minimum pour étayer notre

19 thèse; le minimum simplement.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'essaie simplement de placer sa

21 déposition dans le contexte le plus large.

22 M. DOCHERTY : [interprétation] Cela dépend évidemment de ce qui adviendra à

23 la fin du procès. Bien sûr, je parle du niveau de responsabilité ici et de

24 la peine qui sera infligée dans ce sens-là, je pense que c'est pertinent.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous.

26 M. DOCHERTY : [interprétation]

27 Q. Dr Tabeau, pour une dernière question. Vous répondrez à ces questions

28 posées par M. le Juge Harhoff.

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1 Le Juge Harhoff, de son exemple, a donné 22 personnes, 19, 15, je crois, et

2 des personnes non identifiées. Vous avez également dit dans votre

3 déposition que vous disposez la liste maîtresse de registres uniques. Est-

4 ce qu'une personne qui n'est absolument pas identifiée peut être

5 répertoriée quelque part ?

6 R. Non, pas dans les sources que nous avons utilisées. Donc, si ceci a un

7 sens, les personnes doivent être identifiées. Il doit y avoir des noms et

8 d'autres éléments relatifs à ces personnes. S'il ne s'agit que de cas, de

9 cas de blessés, de cas, ce sont des informations liées aux personnes, ce

10 sont des éléments que nous ne retiendrions pas.

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc, la réponse à ma question c'est

12 celle-ci : dans l'exemple que j'ai cité, vous n'enregistriez que 15

13 personnes ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il n'y en a que 15 avec des noms, oui.

15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr.

17 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais maintenant passer aux personnes

18 blessées. Je vais procéder de la même façon que j'ai fait eu égard les

19 personnes décédées.

20 D'après les réponses, les sources étaient sensiblement les mêmes, d'après

21 ce que j'ai compris. Simplement, vous avez de surcroît utilisé les études

22 sur les ménages lorsque vous avez présenté les chiffres de personnes

23 blessées ?

24 R. Pardonnez-moi.

25 Q. Pardonnez-moi, je me suis mal exprimé, je voulais parler des sources

26 des personnes blessées dans les dossiers des hôpitaux. Pour ce qui est des

27 dossiers médicaux des hôpitaux, pourriez-vous nous dire comment vous avez

28 utilisé ces derniers pour calculer le chiffre ?

Page 5477

1 R. Encore une fois, pour que les choses soient bien claires. Nos sources

2 concernant les personnes blessées étaient différentes. Comme je vous l'ai

3 dit, il s'agissait simplement de requérir les dossiers médicaux des

4 hôpitaux et c'était la source essentielle qui nous permettait d'afficher un

5 nombre minimum de personnes blessées. Les dossiers médicaux des hôpitaux

6 provenaient des trois,

7 Kosevo, Dobrinja et l'hôpital public de Sarajevo, les trois hôpitaux

8 principaux. Les archives sont constituées d'un tout petit échantillon de

9 registres sur toutes les personnes blessées de la ville de Sarajevo et ne

10 portent que les personnes qui ont été admises à l'hôpital. Donc ces données

11 deviennent les dossiers d'admission de ces hôpitaux et des personnes non

12 hospitalisées ne sont pas incluses dans ces échantillons, comme on dit, de

13 patients dilatoires, mais d'autres hôpitaux, les hôpitaux de guerre

14 fonctionnaient aussi pendant le siège. Il y avait donc les trois hôpitaux

15 principaux et les hôpitaux de guerre ne sont pas inclus dans notre

16 échantillon. Les registres de postes d'urgence ne sont pas inclus dans les

17 chiffres non plus et donc, donc c'est un chiffre minimum. Toutes les

18 personnes blessées ne sont pas représentées.

19 Cela étant dit, étant donné que ces éléments sont incomplets et que

20 les hôpitaux constituaient une des sources que nous pouvions utiliser pour

21 ce type d'analyse, nous avons également essayé d'améliorer ces chiffres ad

22 minima fournissant des estimations de chiffres plus complets de toutes les

23 personnes blessées, qu'elles aient été hospitalisées ou pas.

24 Nous avons fait ceci en incluant une autre source qui est celle de l'étude

25 des ménages de Sarajevo, bien que ceci se termine à la mi-1994, de la

26 période qui va d'avril à novembre 1994, est couverte par les deux registres

27 des hôpitaux et des études de ménage. En comparant ces deux sources - et on

28 a des similitudes entre les deux sources - nous avons pu quantifier la

Page 5478

1 relation statistique qui existe entre les deux. Nous avons utilisé ceci

2 afin de pouvoir préparer des prévisions des personnes décédées plus

3 complètes; celles qui ont été hospitalisées, celles qui ne l'ont pas été.

4 Q. Donc une question de suivi. Lorsque vous avez témoigné à propos de cas

5 de décès, vous avez dit que votre travail consistait à dénombrer chaque cas

6 de décès qu'il soit lié à la guerre, mort violente dans cette région à

7 cette époque-là. Puis-je parler d'un autre démographe ? Vous nous avez

8 également parlé d'autres travaux adoptés par des démographes statisticiens

9 lorsqu'ils font leur travail. Ils prennent un échantillon et ils

10 extrapolent à partir de cet échantillon de la population. Quelle méthode

11 avez-vous utilisée vous-même lorsque vous avez préparé ces chiffres de

12 personnes blessées ?

13 R. Dans le cas de personnes blessées, il ne s'agit pas de dénombrer le

14 nombre de cas. Nous n'avons pas suffisamment d'éléments pour ce faire. Nous

15 avons décidé de prendre un petit échantillon et une autre source. Nous

16 avons fait des estimations statistiques et extrapolations à partir d'un

17 lien établi entre deux sources. C'est une question de quantification.

18 Q. La deuxième question : quel type de registres des hôpitaux avez-vous

19 utilisés dans ces hôpitaux lorsqu'il y avait des admissions, et cetera ?

20 Les personnes qui ont été admises à l'hôpital pour différentes raisons,

21 est-ce vous avez inclus ceci dans votre échantillon et quels registres ont

22 été exclus ?

23 R. Et bien, nous avons choisi un certain nombre de registres. La sélection

24 se faisait sur la base des éléments suivants : nous n'avons retenu que les

25 patients admis à l'hôpital, les femmes de n'importe quel âge, les hommes de

26 moins de l'âge de 18 ou au-dessus de l'âge de 60 ans. Donc les hommes entre

27 l'âge de 18 et 60 ont été exclus de notre sélection. L'échantillon est un

28 échantillon qui ne représente que les civils.

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1 Q. La raison pour laquelle une personne était admise à l'hôpital ?

2 R. Comme je l'ai indiqué un peu plus tôt, la cause de son admission était

3 le pilonnage ou les tirs embusqués, donc les principales causes des

4 blessures. La troisième cause, c'est peut-être l'ensemble des deux. Il

5 était difficile de savoir si c'était l'un ou l'autre, si c'était bien un

6 tir embusqué ou un obus. Il y avait un groupe de personnes blessées et la

7 cause des blessures, il est difficile d'établir une distinction entre les

8 deux, à savoir si c'est dû à un tir embusqué ou à un obus, c'est très

9 difficile, en fait, de le savoir.

10 Q. Avec ce petit nombre d'autres cas, qu'en avez-vous fait ?

11 R. Tout d'abord, nous les avons conservés dans notre base de données car

12 toutes ces personnes étaient des personnes blessées. Donc ceci a été

13 également consigné dans les dossiers des hôpitaux. C'est la raison de cela.

14 Q. Lorsqu'à la fin vous avez procédé à la prise d'un échantillon pour

15 extrapoler, avez-vous pu calculer le nombre minimum de personnes blessées à

16 Sarajevo entre août 1994 et novembre 1995 ?

17 R. Oui. Nous avons procédé à ce type d'extrapolation et nous avons calculé

18 un chiffre qui est une évaluation.

19 Q. Penchons-nous maintenant sur le tableau 22 de la page 54, tableau 25 de

20 la version 65 de la version anglaise de votre rapport. Je précise qu'il

21 s'agit du cliché numéro 2.

22 Ici vous avez calculé le minimum absolu et au tableau 25 vous avez procédé

23 à l'évaluation du minimum complet du chiffre des civils blessés. J'aimerais

24 que vous nous définissiez ces deux catégories. Dites-nous ce que vous vous

25 entendez par le minimum absolu observé, voire enregistré.

26 R. Ce sont des chiffres minimums absolus qui sont obtenus partant de

27 l'échantillon de ces registres d'hôpitaux, et ce, relatif aux civils

28 sélectionnés, compte tenu de leur âge, sexe, et cetera. J'ai dit qu'il

Page 5480

1 s'agissait là d'un nombre minimum, parce que comme précisé, cet échantillon

2 n'inclut pas bon nombre d'autres documents en provenance des autres

3 hôpitaux tels que les hôpitaux militaires et les services d'urgence. Il est

4 probable aussi que des dossiers aient été détruits pendant la guerre, voire

5 qu'il n'est même pas été créés par les autorités. C'est ce qui arrive

6 souvent dans ce type de conflits, ce qui fait que nous ne pouvons pas être

7 certains du fait que les registres qui nous ayons choisis dans les hôpitaux

8 constituent en réalité la totalité de la sélection des enregistrements

9 pertinents.

10 Toujours est-il que cela nous a été suffisamment bon pour ce qui est

11 d'en tirer un chiffre minimum absolu, et c'est ce que nous montre le

12 tableau numéro 22. Le nombre absolu minimum des civils blessés pour quelque

13 cause que ce soit, essentiellement suite à des tirs de tireurs isolés,

14 voire à l'explosion d'obus, est de 405. Sur ce chiffre de 405, il y en a au

15 moins 254 de blessés par des obus de mortier; 77 ont été blessés par des

16 tirs de tireurs isolés; et 70 autres ont été blessés suite soit à des tirs

17 de tireurs embusqués, voire et explosion d'obus.

18 Q. En termes simples, le tableau 22 est un échantillonnage. Il s'agit

19 d'individus portant des enregistrements que vous avez recueillis au niveau

20 de l'hôpital, n'est-ce pas ?

21 R. C'est exact.

22 Q. S'agissant de ce chiffre de 254, on a 185 plus 69. Est-ce que vous

23 pourriez nous dire ce que cela signifie ?

24 R. Le chiffre de 185 se réfère au nombre de personnes pour lesquelles

25 explicitement il a été dit qu'ils ont été blessés suite à des explosions

26 d'obus. Pour ce qui est des 79 autres cas, c'est une chose où le terme de

27 "pilonnage" n'est pas explicitement mentionné, mais le descriptif des

28 circonstances indique clairement qu'il s'agit d'incidents où les personnes

Page 5481

1 concernées ont été blessées suite à l'explosion d'obus de mortier. C'est la

2 raison pour laquelle nous les avons rangés dans la même catégorie de

3 blessés, par explosion.

4 Q. Au tableau 25, vous estimez le nombre minimum complet des civils

5 blessés. Alors, est-ce que vous pourriez nous dire, je vous prie - et c'est

6 ce qui se trouve vers la deuxième moitié de ce que vous voyez sur votre

7 écran - est-ce que vous pouvez nous indiquer quelle est la source de ces

8 chiffres et comment cela a été compilé ?

9 R. Ces chiffres ont été obtenus partant du modelage ou de la procédure

10 d'extrapolation. Il s'agit d'une procédure utilisée lorsque nous avons des

11 informations portant sur le nombre de personnes blessées entre avril 1992

12 et juillet 1994, ce qui constitue la période qui se rapporte à l'acte

13 d'accusation. Nous avons procédé à des comparaisons entre deux sources de

14 registres d'hôpitaux pour ce qui est des personnes hospitalisées à Sarajevo

15 et ceux qui n'ont pas été hospitalisés du tout. Nous avons procédé à la

16 confection d'un modèle statistique qui établit le rapport entre ces deux

17 types d'enregistrements.

18 Ceci constitue une quantification de similarités entre les sources

19 utilisées. La qualité des modèles, d'un point de vue statistique se trouve

20 être extrêmement élevé. Sans doute aucun, cela indique qu'il n'y a pas de

21 carence. En nous servant de cette corrélation évaluée ou estimée, nous

22 avons procédé à des extrapolations qui constituent une espèce de pronostic

23 de type particulier que nous avons établi partant du nombre recensé des

24 registres, des enregistrements au niveau des hôpitaux. Parce que si on n'a

25 deux fois plus d'hospitalisés et de personnes non hospitalisées, nous avons

26 pris ces deux modèles et nous avons tiré une résultante.

27 Q. Merci.

28 R. Donc, vous avez procédé à des estimations partant des modèles de ces

Page 5482

1 tireurs isolés, par explosion d'obus et tireurs isolés et explosion d'obus

2 confondus.

3 Q. Est-ce que ce sont bien des chiffres qui se réfèrent au tableau 25 de

4 la page 65 de leur rapport ?

5 R. C'est exact.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez entendu la

7 nécessité de faire une pause entre les questions et les réponses ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je m'excuse.

9 M. DOCHERTY : [interprétation]

10 Q. Pour change de sujet, je voudrais que nous parlions de statistiques. Y

11 a-t-il eu des civils qui ont été délibérément ciblés à Sarajevo entre août

12 1994 et novembre 1995 ?

13 R. Nous avons étudié la corrélation qu'il y a entre les civils tués et les

14 militaires tués. Nous avons étudié cette relation dans le détail. Partant

15 de ces études, nous avons procédé à plusieurs types d'analyses, en réalité,

16 entre ces deux types de chiffres. Et je crois qu'il y a de bonnes raisons

17 de croire que la population civile a constitué une cible dans cette période

18 particulière à Sarajevo.

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Est-ce que nous pouvons nous pencher

20 maintenant sur l'image numéro 8.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mme Isailovic est sur ses pieds.

22 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.

23 Donc tout le monde se presse vers la fin donc de cette partie de la

24 procédure. Donc il me semble que toutes ces questions ne sont pas posées à

25 l'expert mais à la Chambre. Donc pour gagner le temps peut-être il faut

26 aller dans l'expertise.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne suis pas certain d'avoir

28 compris. Est-ce que vous êtes en train de dire qu'elle n'a pas la

Page 5483

1 compétence de fournir ici un témoignage ? Et je crois que la question

2 suivante à son intention devrait porter sur le fait de nous dire comment

3 elle est arrivée à ce type de conclusion.

4 Mme ISAILOVIC : Oui. Donc c'est justement la question posée, est-ce que les

5 civils ont été délibérément ciblés. Cette question donc, il me semble

6 qu'elle ne relève pas de cette expertise.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty, la Défense est en

9 train de dire que c'est là une question qui serait à proprement dit posée à

10 l'intention de la Chambre; qu'en dites-vous ?

11 M. DOCHERTY : [interprétation] Deux choses. Tout d'abord, j'ai posé juste

12 une question sur ce sujet; et si les objections sont relatives au fondement

13 ou au fond, je me propose d'identifier les fondements sur lesquels je pose

14 cela et Mme Isailovic peut contester la chose si elle estime que cela n'est

15 pas suffisant. Bien entendu, au final, je crois que, de façon ultime, la

16 question doit être posée par les Juges de la Chambre. Mais je crois avoir

17 été très attentif pour ce qui est de la façon dont j'ai posé la question.

18 Parce que j'ai demandé est-ce qu'en sa qualité de statisticienne, elle

19 était en mesure de tirer ses conclusions. Je n'ai pas parlé d'implication

20 juridique ou de droit. Je crois statistiquement parlant cela est justifié

21 que l'on peut poser ce type de questions au témoin.

22 Troisièmement, il s'agit là d'une documentation qui émane du rapport du Dr

23 Tabeau. Ceci sous-entend l'existence d'un mécanisme où la Défense peut

24 contester les qualifications de cet expert ou poser des questions à cet

25 effet à l'occasion de son propre contre-interrogatoire, et c'est ce qui a

26 été déjà fait auparavant, dans les occasions précédentes.

27 Pour ce qui est du type d'observation pour ce qui est de dire que le moment

28 n'est pas venu de poser ce type de questions, je pense avoir été très

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1 attentionné, très attentif à la façon dont la question a été posée.

2 J'estime que les Juges de la Chambre devraient rejeter ce type d'objection.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, je crois que là la

4 réponse serait de dire qu'on lui a demandé de tirer des conclusions

5 statistiques et non pas des conclusions de droit.

6 Qu'avez-vous à dire à ce sujet ?

7 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, donc si on pose la question de

8 savoir s'il a déjà délibérément tiré sur les civils pour relever des

9 statistique, donc je pense que non. Parce que dans mon contre-

10 interrogatoire, donc je vais essayer de relativiser un petit peu donc

11 toutes ces données. Ce sont strictement un non-sens, les questions

12 juridiques qui ne sont pas à poser au témoin même pas aux experts. De toute

13 façon, vous allez décider.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'analyse de la Chambre, c'est celle

17 de dire que si le témoin est une statisticienne, il doit y avoir une

18 méthode de statistique qui pourrait être utile ou aider la Chambre pour ce

19 qui est de déterminer le fait de savoir si les civils ont été délibérément

20 ciblés, et c'est un sujet sur lequel elle peut témoigner. Nous allons

21 entendre la méthodologie utilisée et peut-être que cela nous permettra-t-il

22 de voir si cet élément doit être mis de côté à part entière. Maintenant, il

23 convient d'entendre quelles sont les méthodes qui ont été utilisées.

24 Je serais personnellement intéressé par le fait, Monsieur Docherty,

25 de savoir si ce type de témoignage a déjà été fourni à l'occasion d'autres

26 procès. Pouvez-vous nous le dire ?

27 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais poser la question au témoin,

28 mais je pense que la réponse est celle que les renseignements disponibles

Page 5485

1 n'ont jamais été de nature à permettre cela dans la pratique.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de

4 nous le dire.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, entendons le témoin.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] La méthode se concentre sur l'étude des ratios

8 entre les personnes civiles tuées et de militaires tués. Il y a rapport

9 entre les deux. Je suis certaine que dans bon nombre d'autres procès, les

10 ratios ont été étudiés et présentés. Je crois qu'en l'occurrence, il y a un

11 fondement plutôt solide pour ce qui est de se pencher de façon attentive

12 sur les ratios entre ces deux chiffres et d'y accéder sous différents

13 angles, c'est ce que nous avons précisément fait de notre étude. J'estime

14 que cette étude est la première de ce type à avoir été présentée par mes

15 soins.

16 De mon point de vue, c'est la première fois que nous avons établi un

17 ratio entre le nombre de civils et le nombre de militaires étudiés au mois

18 le mois pendant la durée du siège, c'est-à-dire du jour au jour pendant le

19 siège en partant de l'incident et des dates auxquelles ces incidents sont

20 survenus. En sus, nous avons procédé à l'étude et à une sélection de

21 certaines dates au niveau des six municipalités. Pour ce qui est de la

22 mesure dans laquelle cela a été fait, je crois que c'est la première fois

23 que cela a été fait dans une envergure de cette taille.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, j'ai voulu entendre cette

25 explication, mais je ne pense pas que je ne pourrais pas le faire avant la

26 fin de la session, parce que je ne me sens pas très bien et je crois que

27 mes collègues vont continuer à entendre cela après la pause.

28 Nous allons faire une pause maintenant.

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1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 18.

2 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.

3 M. LE JUGE MINDUA : Comme vous le remarquez, notre Président n'est pas là

4 et en application de l'article 15 bis, la Chambre a décidé de continuer de

5 siéger.

6 Monsieur le Procureur, vous avez la parole.

7 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Docteur Tabeau, avant la pause, nous étions en train de parler du fait

9 de savoir si à la lumière statistique il peut être jeté une lumière pour ce

10 qui est de savoir si les civils ont été ciblés. J'aimerais continuer dans

11 le sujet plus en avant.

12 Nous avons parlé jusqu'à présent du nombre des civils tués et

13 blessés. Avez-vous disposé de chiffres bruts pour ce qui est des personnes

14 tuées et des soldats blessés ?

15 R. Oui. Nous avons eu des statistiques sur le nombre de soldats tués

16 pendant le siège.

17 Q. Avez-vous été en mesure, s'agissant de ces renseignements relatifs aux

18 soldats tués et blessés, pour dresser une espèce de modèle pour ce qui est

19 du moment où les soldats ont été tués ou blessés ?

20 R. Une petite rectification. Lorsqu'il s'agissait des blessés, nous

21 n'avons étudié que des civils. Lorsque nous avons parlé de personnes tuées,

22 nous avons recueilli des renseignements tant pour les civils que pour les

23 militaires. Dans mon témoignage je me propose de parler des personnes tuées

24 tant civiles que militaires.

25 Q. Fort bien.

26 R. Pour ce qui est maintenant d'un schéma de personnes tuées, soldats et

27 civils, je voudrais dire que nous avons étudié la chose de plusieurs

28 façons. Nous avons étudié les chiffres de civils tués et de soldats tués

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1 par mois, à commencer par le mois d'août 1994 et jusqu'à novembre 1995.

2 J'ai ces chiffres au tableau numéro 11 qui illustre les différents points,

3 et je pense qu'il serait bon de se pencher sur ces chiffres justement.

4 Q. J'aimerais qu'on nous montre ce tableau. Je vois que c'est déjà sur les

5 écrans, je crois que le témoin a le tableau en question sous les yeux.

6 R. Oui, je pense que c'est le cas. Merci.

7 Q. Fort bien. Nous allons partir de certains éléments de base. Le tableau

8 11 figure sur votre rapport page 39 de la version anglaise et il y existe

9 plusieurs couleurs.

10 Le vert représente quoi ?

11 R. Cela représente les soldats, les soldats tués.

12 Q. Et en rouge ?

13 R. Cela montre les civils qui ont été tués.

14 Q. La petite zone grise au sommet, qu'est-ce que cela

15 signifie ?

16 R. C'est le nombre de personnes que nous ne savons pas, pour lesquelles

17 nous ne savons pas si c'étaient des soldats ou des civils.Q. Que

18 représente cet axe horizontal que l'on voit ?

19 R. C'est la limite temporelle, c'est là qu'on voit les mois. On voit les

20 pics. On a commencé en août 1994 et cela va jusqu'en novembre 1995. C'est

21 le dernier des mois présenté sur le tableau.

22 Q. Maintenant du côté gauche, le long de l'axe vertical, qu'est-ce que

23 cela signifie ?

24 R. C'est ce qui nous montre l'échelle pour le nombre de morts, à savoir

25 tant de civils que de soldats.

26 Q. Fort bien. Pour finir, il y a plusieurs colonnes en violet; du côté

27 droit sur l'axe vertical, il existe d'autres renseignements quantitatifs.

28 Quelle est la signification de ces verticales en violet et que signifient

Page 5488

1 ces quantités qui sont données sur l'axe vertical à droite ?

2 R. Cela illustre la relation entre les civils et les militaires tués.

3 L'interprétation de ces ratios nous montre le nombre de civils tués par

4 soldats tués. Ceci se réfère aux données au mois le mois, au schéma numéro

5 11, alors que les valeurs qui sont indiquées au niveau des colonnes peuvent

6 être vues sur l'axe du côté droit vertical. C'est une autre échelle que

7 celle que l'on retrouve du côté gauche.

8 Q. J'aimerais que nous commencions notre étude par un niveau général et

9 nous allons passer au cas concret qui se trouve dans le prétoire

10 aujourd'hui.

11 Serait-il possible de se servir des méthodes statistiques pour se

12 référer à deux types de données et, partant de cette méthode, déterminer si

13 ces renseignements nous montrent le même schéma ou des schémas différents ?

14 Pouvez-vous le faire ?

15 R. Oui, on peut le faire de plusieurs façons. On peut se servir du tableau

16 qui est celui que nous avons sous les yeux. On y voit différentes séries de

17 renseignements sur un tableau. C'est une approche cumulative. Nous avons le

18 nombre de personnes tuées, des civils tués en haut, puis le nombre de

19 militaires tués, ensuite les individus qui ont été tués mais pour qui nous

20 ne savons pas si c'étaient des civils ou des militaires. En haut, nous

21 revoyons qu'il y a un schéma, un modèle-type pour toute cette période, tant

22 pour ce qui est des personnes civiles et militaires, et au statut inconnu,

23 à compter du début du siège de Sarajevo, août 1994 jusqu'à

24 novembre 1995.

25 Q. Oui, mais ces verticales en violet nous montrent le ratio entre les

26 civils et les militaires tués, et la taille de cette verticale, que nous

27 dit-elle par rapport à ces deux ensembles de renseignements, nombre de

28 civils tués et nombre de militaires tués ? Est-ce que cela varie de façon

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1 similaire ou différente ?

2 R. C'est ce que je voulais justement ajouter tout à l'heure. Ce ratio

3 entre les civils et les militaires tués constitue une façon d'exprimer une

4 structure qui est celle que nous montre le tableau numéro 11. Nous pouvons

5 y voir que le nombre des civils tués ne saurait être qualifié de

6 proportionnel ou de stable pendant toute cette période allant d'août 1994 à

7 novembre 1995. Dans certaines périodes, le ratio était plus élevé, parce

8 que le nombre de personnes civiles était plus élevé, et dans d'autres

9 périodes il était inférieur; cela nous montre quelle est la structure des

10 données, à savoir que le ratio était des fois très haut et des fois assez

11 bas.

12 Q. Dans votre rapport, on pourrait répartir ces sièges en journées à grand

13 nombre de victimes et à petit nombre de victimes. Est-ce que vous voyez à

14 quoi je me réfère ?

15 R. Oui. Mais avant que de réponde, je voudrais commenter un élément

16 important de ce tableau numéro 11.

17 Il est important de remarquer qu'au tableau numéro 11, il y a des

18 épisodes distincts qui indiquent un modèle général de pertes. Il y a une

19 pointe dans le nombre des morts qui est associée au mois de juin 1995. Mais

20 d'une façon générale, dès mars 1995 à août 1995, nous pouvons parler d'une

21 période à nombre de victimes accru parmi les individus.

22 Il y a une autre période de croissance du nombre des victimes, ça

23 commence en août 1994 et ça va à peu près jusqu'en décembre 1994. Il y a

24 deux périodes de temps qui constituent des accalmies. La première de ces

25 périodes est celle de janvier et février 1995, et l'autre est celle qui

26 court de septembre 1995 à novembre 1995. Cela est important, très

27 important, parce que nous allons nous référer ultérieurement à ces

28 épisodes, à ces périodes.

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1 Les périodes où il y a eu accroissement du nombre de personnes tuées,

2 j'appellerais cela les épisodes à grand nombre de victimes, alors que les

3 autres ce sont celles des chiffres relativement bas pour ce qui est des

4 personnes tuées.

5 Q. Oui, mais la question a été celle de savoir si vous avez procédé à une

6 subdivision de ces journées de siège en journées à pic haut et à pic bas ?

7 R. Oui.

8 Q. Qu'est-ce que ce pic haut ?

9 R. Si l'on fait la distinction entre journées à grand nombre de victimes

10 et à faible nombre de victimes, nous avons étudié les journées. Nous avons

11 essayé d'établir un schéma journalier. Il y a donc deux types de journées,

12 des journées à nombre de victimes bas, par exemple, où il n'y en a eu que

13 trois, et d'autres où il y en a eu plus de trois de tuées par jour.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Des civils --

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, les uns et les autres. Ici, nous n'avons

16 essayé que de suivre les différences survenues entre les différentes

17 journées pour calculer les statistiques, donc les journées à pic haut et à

18 pic bas.

19 M. DOCHERTY : [interprétation]

20 Q. Pourquoi avez-vous fait cette distinction ? Pourquoi avez-vous pris des

21 journées à pic haut et à pic bas ?

22 R. La raison, c'est que déjà au tableau numéro 11, nous avons vu quelque

23 chose, une sorte de résultat qui nous a troublés pour ce qui est des

24 ratios. Ça va du C au S, donc du C, civil, et S, soldat, et on a essayé

25 d'établir un ratio. Il est évident qu'il y a eu des épisodes d'accalmie, où

26 des pics sont survenus au moment où le nombre de tués fait une hausse

27 notable par rapport aux journées à pic bas.

28 Nous avons pris cet épisode à pic haut, s'il s'agit, par exemple, de juin

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1 1995, et au tableau 11 on peut voir qu'il y a ratio C à S, et on voit que

2 le plus bas des ratios C sur S est le mois de juin 1995 où il y a eu le

3 plus de personnes tuées.

4 Donc, en somme, lorsque le siège est devenu fort actif, le ratio

5 entre les civils et les militaires tués était en train de chuter. C'est ce

6 qui a constitué un résultat que nous avons souhaité étudier aux fins de

7 mieux comprendre, parce que s'il s'agissait de rechercher une confirmation

8 des données au tableau numéro 11 et autres renseignements émanant des

9 différentes journées. Nous aurions pu voir que s'il y a des accalmies dans

10 le siège, les civils ont continué à périr. Je dirais dans des nombres

11 relativement plus grands que lorsqu'il y a eu des journées d'activités

12 pendant le siège, et nous avons décidé d'étudier les journées à pic bas et

13 à pic haut.

14 Q. Lorsque vous nous avez parlé de ce type de schéma que l'on peut

15 constater au tableau numéro 11 où le nombre de victimes augmente mais le

16 ratio lui diminue, et lorsqu'il y a eu moins de victimes, le ratio lui n'a

17 fait qu'augmenter. Lorsque vous avez réparti cela par journées à pic haut

18 et à pic bas, quel est le rapport, le ratio que vous avez déterminé pour ce

19 qui est des civils par rapport aux soldats tués ?

20 R. C'est un autre tableau dans nos rapports, il s'agit du tableau numéro

21 18, il s'agit du ratio C vis-à-vis du ratio S par journées à pic bas et

22 journées à pic haut. Je pense que ce serait une bonne chose que de se

23 pencher sur ce tableau. Pour ce qui est des journées où il a y a eu moins

24 de trois décès de constatés, le ratio se trouve être de 1,6 civils par

25 militaire, par soldat, et pour ce qui des journées à grand nombre de

26 victimes, donc où il y a eu plus de 3 morts, le ratio est de 0,9 civils par

27 soldat. Ce n'est qu'un début et cela constitue une confirmation de plus du

28 fait que nous avons vu au tableau numéro 11, qui se réfère aux différents

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1 mois et épisodes, peut être vu une fois de plus au tableau qui reprend les

2 données au jour le jour.

3 Aux fins de présenter une image plus complète encore, nous avons

4 étudié les deux, à savoir les journées à pic haut et à pic bas et nous

5 avons pris les épisodes avec un grand nombre et un petit nombre de victimes

6 et nous avons établi des tableaux qui nous permettent de présenter des

7 ratios sous cet angle-là. Pour autant que je puisse m'en souvenir, il

8 s'agit du tableau numéro 20.

9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Page quoi ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous pouvons également nous servir du "slide",

11 à savoir de la présentation graphique qui existe à l'image numéro 10.

12 M. DOCHERTY : [interprétation] Peut-être pourrions-nous voir un extrait

13 émanant du tableau 20, c'est notre image numéro 10 en affichage.

14 Q. Madame Tabeau, ici nous avons un extrait de ce tableau 20. Il s'agit de

15 la page 46 de la version anglaise de votre rapport et nous voyons là une

16 subdivision à laquelle vous vous êtes référée il y a une minute, à

17 l'instant lorsque nous étions en train de nous pencher sur le tableau

18 numéro 11.

19 D'une façon générale, quel est le schéma que vous constatez entre le ratio

20 des civils tués et des soldats tués partant de ce document que nous voyons

21 sur notre écran ?

22 R. Peut-être faudrait-il d'abord expliquer quelque peu le tableau.

23 Comme nous l'avons déjà dit, au tableau numéro 20, le nombre absolu

24 des civils et des soldats a été sauté ici. Ce qui a été présenté ce sont

25 seulement les ratios C et S. C'est la partie cruciale du tableau. Ces

26 ratios sont montrés d'abord par phases, voire par épisodes du siège. Comme

27 je l'ai déjà dit, il y a eu deux phases à grand nombre de décès et deux

28 phases à faible nombre de décès.

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1 Ces phases à nombre élevé de décès, ce sont le mois d'août au mois de

2 décembre 1994. C'est le premier grand épisode où il y a un grand nombre de

3 victimes, et le deuxième c'est celui qui couvre du mois de mars ou mois

4 d'août 1995. On peut voir sur le même tableau, à l'image numéro 10, les

5 phases à faible pic. La première des phases c'est celle de janvier/février

6 1995, et la deuxième c'est septembre/novembre 1995. Donc les ratios pour ce

7 qui est de ces épisodes peuvent être vus à la toute dernière colonne de ce

8 tableau. Ce que nous avons intitulé "all days" "toutes les journées".

9 Là, nous voyons de façon très conséquente, les résultats qui peuvent être

10 comparés à ceux du tableau 11 dont nous avons parlé tout à l'heure, et

11 ceci, si on le compare avec le petit tableau qui porte le numéro 18 et dont

12 nous avons déjà parlé. Le tableau qui présente les ratios pour les épisodes

13 dits élevés. Ces ratios sont proches de 1, c'est-à-dire pour le premier

14 épisode élevé il y a un civil tué par soldat, et pour le deuxième épisode

15 élevé, il y a exactement un civil tué pour un soldat.

16 Pour ce qui est des épisodes dits bas janvier/février 1995, qui est

17 le premier épisode bas, le ratio est de 3,5 civils tués pour un soldat.

18 Pour le deuxième épisode bas, le ratio est de 1,7 civils tués par soldat.

19 De toute évidence pour les épisodes bas, les ratios sont plus élevés que

20 dans les épisodes élevés. C'est une première constatation, une première

21 observation que l'on peut faire sur la base des données figurant dans ce

22 tableau.

23 Ensuite, on peut étudier les ratios relatifs aux journées élevées et aux

24 journées basses du point de vue du nombre de victimes. Pour chaque épisode,

25 il y a deux ratios supplémentaires qui sont montrés pour le ratio

26 civil/militaire. Pour la première phase août/décembre 1994, la première

27 phase élevée, nous avons deux ratios supplémentaires. L'un qui est égal à

28 1,5 et l'autre qui est égal à 0,9. Le premier portait sur les journées

Page 5495

1 faibles ou les journées basses et le deuxième porte sur les journées

2 élevées. Ce que l'on voit c'est que pour les journées faibles, le ratio

3 lors de cet épisode est plus élevé que le ratio pour les journées dites

4 élevées. C'est une constatation que l'on peut faire lors de tous les

5 épisodes. Donc chaque fois, les ratios des journées basses, des journées

6 faibles en intensité, sont plus élevés que les ratios pour les journées

7 élevées.

8 Cela confirme une fois de plus ce que j'ai dit précédemment, à savoir que

9 dans les périodes les plus calmes du siège, lors des accalmies, en d'autres

10 termes, les civils étaient tués plus fréquemment que les soldats que lors

11 des épisodes plus actifs du siège.

12 La question qui se pose à présent est de savoir ce qu'il en était des

13 périodes très intenses du siège. Est-ce que l'on peut opérer une même

14 analyse des ratios ? La réponse est, bien entendu, oui. Cette analyse

15 figure dans le rapport, les données figurent au tableau 21.

16 Le tableau 21 du rapport figure à la page 47 dans la version

17 anglaise. Ce tableau présente une sélection de données, données utilisées à

18 l'occasion d'une analyse de corrélation qui mettait en relation le nombre

19 de civils tués et le nombre de soldats tués. Quelle est cette sélection à

20 la table 21 ? Nous avons retenu uniquement les journées dites élevées,

21 c'est-à-dire avec trois personnes tuées ou davantage, dans les

22 municipalités de Sarajevo Six. Il s'agit de dates sélectionnées,

23 municipalité par municipalité, je parle du tableau 21 ici, c'est le tableau

24 21, pas celui-ci, c'est le tableau 21.

25 Je ne peux pas voir le tableau 21 à l'écran.

26 Q. Nous n'avons pas de cliché du tableau 21.

27 R. En fait, ce n'est pas le bon tableau qui est projeté. J'attends le

28 tableau 21 qui est le bon. C'est le suivant et j'attends, voilà, voilà vous

Page 5496

1 avez ici le tableau 21.

2 Ce tableau reprend une sélection, disais-je, de dates. Il n'y a ici

3 qu'une partie du tableau. Ce tableau continue à la page suivante. C'est,

4 disais-je, une sélection de dates, dates auxquelles le nombre de personnes

5 tuées dépassait ou était égal à trois par municipalité. Le nombre des

6 personnes tuées est divisé en fonction du statut militaire, c'est-à-dire

7 civil, militaire et statut inconnu. Vous voyez que ce sont trois catégories

8 que nous avons séparées.

9 Vous avez le nombre de morts civiles observées et le nombre de morts

10 de soldats observées que l'on a utilisées à l'occasion d'une analyse de

11 corrélation, qui a permis de déterminer un coefficient entre le nombre de

12 civils tués et le nombre de soldats tués. Je le répète, en utilisant ces

13 données figurant au tableau 21.

14 Ce coefficient de corrélation est une mesure d'une relation linéaire entre

15 ces deux variables, nombre de civils tués, nombre de soldats tués.

16 Q. Madame Tabeau, il faut que je vous interrompe. Vous parlez depuis un

17 certain temps des données. Je pense que vous nous avez dit que le nombre de

18 civils tués ne varie pas de la même manière que le nombre de militaires

19 tués. Vous dites que l'évolution est divergente.

20 R. C'est exact.

21 Q. Si les civils étaient tués indirectement à cause des activités de

22 guerre, c'est-à-dire des décès regrettables, mais indirects. A ce moment-

23 là, dans un tel cas à la figure 11, lorsque le nombre total de décès

24 augmente, le nombre de morts civils devrait augmenter de manière

25 proportionnelle ?

26 R. Oui effectivement, c'est naturel, mais cela dépend des objectifs

27 militaires.

28 Q. Or, vous voyez que plus il y a d'activités militaires, plus il y a de

Page 5497

1 civils tués ?

2 R. Non, non, c'est le contraire. L'augmentation d'un chiffre induit une

3 diminution de l'autre.

4 Q. Sur la base de la manière dont ces données sont distribuées, en tant

5 que statisticienne, est-ce que vous estimez que ces données permettent de

6 répondre à la question de savoir si les civils étaient ciblés délibérément

7 plutôt que tués de manière non intentionnelle à la suite des activités

8 militaires ?

9 R. Oui, effectivement. Je pense que statistiquement c'est le cas. La

10 question naturelle que l'on se pose dans une telle situation est la

11 suivante : si l'on postule que le nombre de morts est proportionnel au

12 nombre d'activités militaires dans une zone donnée, s'il y a un nombre plus

13 important d'activités militaires, le nombre de victimes doit être plus

14 élevé relativement.

15 Mais il y a eu des périodes d'accalmie assez fortes lors du siège.

16 Mais les victimes civiles, ces jours-là et ces mois-là, restent élevées. Je

17 me suis posé la question et mes collègues dans l'équipe se sont posé la

18 question, de savoir s'il était possible en l'absence d'activités militaires

19 importantes, qu'il y ait toujours des décès chez les civils. Or, nous

20 savions que ces civils décédaient de manière violente à la suite

21 d'activités militaires.

22 Ici, vous pouvez voir un échantillon très significatif de données.

23 Cette analyse a été basée sur les chiffres minimums absolus pas les

24 chiffres exacts. Ce sont les chiffres les moins élevés. Ce sont les

25 chiffres que nous avons utilisés pour ce rapport. Il est assez sûr qu'il y

26 a eu davantage de victimes. Nous ne savons pas exactement combien, mais

27 nous sommes à 100 % sûrs qu'il y a eu davantage de victimes.

28 Nous savons également que dans la définition de la variable du

Page 5498

1 statut, nous avons surestimé le nombre de militaires, pas des civils. On

2 peut être sûr que dans les périodes les plus calmes, la distribution est

3 encore plus spectaculaire que ce qui figure dans le rapport.

4 Q. Je vais vous demander à présent d'examiner le cliché numéro 9.

5 R. Je voudrais terminer la table 21, le coefficient de corrélation. Est-ce

6 que je peux terminer cela, ou est-ce que l'on n'a pas le temps d'en parler

7 ?

8 Q. Dites-nous ce qu'est un coefficient de corrélation ?

9 R. C'est la mesure de l'association entre deux variables, en l'occurrence

10 le nombre de décès civils et le nombre de décès militaires. En cas de

11 corrélation parfaite d'association linéaire, le coefficient est égal à 1.

12 S'il est de 0, cela signifie qu'il n'y aucune relation entre les deux

13 variables examinées. Le coefficient de corrélation calculé pour le tableau

14 21 est de 0,2; ce qui signifie une valeur très peu élevée de mesure de la

15 relation.

16 La relation est très tenue.

17 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous

18 vouliez poser une question ?

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] La relation entre le nombre de décès

20 civils et de décès militaires est très tenue ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, elle est très faible. C'est ce que je

22 dis. Je dis cela sur la base de l'analyse effectuée pour les journées dites

23 élevées.

24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai plusieurs questions relatives à

25 votre méthodologie. Je ne voulais pas interrompre l'interrogatoire

26 principal. Il faudrait peut-être que je pose mes questions après votre

27 intervention, ou peut-être devrais-je poser mes questions relatives à ce

28 sujet. Pour le moment on va passer à autre chose. C'est à vous.

Page 5499

1 M. DOCHERTY : [interprétation] Cela dépend totalement de vous. J'ai encore

2 une diapo à examiner. Elle est à l'écran et après j'aurais terminé.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous allons peut-être examiner votre

4 diapositif.

5 M. DOCHERTY : [interprétation]

6 Q. Madame Tabeau, j'ai demandé à ce que soit projetée sur l'écran la

7 figure 12a --

8 R. [aucune interprétation]

9 Q. -- qui couvre une période assez longue qui date d'avant la période

10 couverte par l'acte d'accusation. Si vous étiez statisticienne et que vous

11 deviez analyser les statistiques

12 d'août 1994 à novembre 1995, comment est-ce que cela aide votre travail que

13 de vous pencher sur la période qui commence en

14 avril 1992 ?

15 R. Cela m'aide beaucoup, parce que cela donne un contexte plus large pour

16 les statistiques obtenues. Cela permet de comprendre mieux le type de

17 chiffres que nous sommes appelés à étudier ici.

18 Q. La figure 12a si je ne m'abuse, la présentation est la même que celle

19 de la figure 11. Vous avez --

20 R. Oui.

21 Q. Or, à gauche, donc la période qui précède l'acte d'accusation, il

22 semblerait que les barres mauves sont plus basses que lors de la période

23 couverte par l'acte d'accusation; est-ce exact ?

24 R. Oui, c'est tout à fait exact. Le niveau est moins élevé et il est plus

25 uniforme par rapport qui a suivi août 1994.

26 Q. Sur la base de cette taille plus élevée et de cette uniformité moindre

27 après août 1994, en tant que statisticienne, quelles sont les conclusions

28 que vous tirez en ce qui concerne le ciblage systématique des civils lors

Page 5500

1 de la période couverte par l'acte d'accusation.

2 R. C'est assez clair. Lorsque l'on voit cette figure 12, il est évident

3 que les civils étaient tués de manière plus fréquente que les militaires au

4 cours de cette période après août 1994. En tant que statisticien, c'est sur

5 cela que je me fonde pour faire l'affirmation sur ce ciblage délibéré de la

6 population civile.

7 Q. Ce ciblage est-il plus intense dans la période couverte par l'acte

8 d'accusation qu'avant ?

9 R. Effectivement.

10 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, c'est toutes les

11 questions que j'avais à ce sujet. J'ai également un document à verser au

12 dossier. Cela conclura mon interrogatoire principal. Nous avons distribué

13 un errata au début de la session, Monsieur le Président, il porte une cote

14 65 ter 03127A. Je voudrais que l'admission soit faite.

15 M. LE JUGE MINDUA : Très bien, alors -

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] P637 [comme interprété].

17 M. LE JUGE MINDUA : [aucune interprétation]

18 M. DOCHERTY : [interprétation] Cela met un terme à mon interrogatoire

19 principal.

20 M. LE JUGE MINDUA : [aucune interprétation]

21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

22 Comme je vous l'ai dit, Madame le Témoin, je n'ai pas tout à fait

23 compris les méthodes de statistiques que vous avez utilisées pour aboutir à

24 la conclusion selon laquelle les civils sont des cibles délibérées

25 d'attaques.

26 Si vous examinez la figure 11, vous pouvez également vous reporter au

27 graphique sur l'écran pour le moment, la figure 12. J'ai l'impression que

28 le nombre de civils tués au cours de cette période est, en fait,

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1 relativement stable. Il augmente au fur et à mesure que les activités

2 militaires augmentent. On peut voir à la figure 11, le pic vert pour la

3 période de mai à août 1995.

4 M. DOCHERTY : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir la figure 11 à

5 l'écran, parce que pour le moment, ce que nous avons à l'écran c'est la

6 figure 12. Je voudrais que l'on projette la

7 figure 11.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Tout à fait.

9 Si moi, en tant que profane, si je devais tirer une conclusion sur cela, je

10 dirais, qu'il semblerait que le nombre de décès civils semble relativement

11 stable avec une augmentation proportionnelle aux activités militaires.

12 Peut-être lors de cette période, on peut dire qu'il est vrai que le nombre

13 de soldats par rapport au nombre de civils tués augmente, Une

14 intensification des activités militaires exposait davantage le personnel

15 militaire à des attaques et de ce fait, des décès.

16 C'est cela mon problème. Cela ne serait logique que si l'on pouvait

17 le comparer avec des données statistiques issues d'autres conflits. Car de

18 manière isolée, vous ne pouvez pas tirer de conclusion. Vous devez avoir

19 une base de comparaison. Pas seulement une base de comparaison pour

20 d'autres guerres, d'autres conflits au cours desquels des civils trouvent

21 la mort, mais également une comparaison avec des situations similaires,

22 c'est-à-dire, par exemple, en prenant des sièges de ville par des

23 militaires lors de conflits armés. Je voudrais vous soumettre une autre

24 interprétation, et je le répète, je n'ai aucune formation en statistiques.

25 Si je disais que lors d'un siège par l'armée, d'une zone urbaine, tout

26 naturellement des décès interviennent parmi la population civile du fait

27 qu'une armée fait le siège d'une ville occupée par des civils, cela ne

28 traduit pas nécessairement la volonté de l'assiégeant de s'en prendre

Page 5502

1 délibérément aux civils. On pourrait parler de dommages collatéraux qui

2 surviennent lorsqu'une armée fait le siège d'une ville.

3 J'ai du mal à accepter votre conclusion sans explication supplémentaire

4 selon laquelle les civils ont fait l'objet d'attaques ciblées, délibérées.

5 Je voudrais que vous m'aidiez.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez soulevé trois questions.

7 Premièrement, l'observation d'autres sièges ou d'autres conflits armés ou

8 de siège en général.

9 A cet égard, je pense avoir déjà présenté de telles données, c'est-à-

10 dire les deux premières années du siège de Sarajevo. Même s'il s'agit

11 toujours de la même zone, on peut dire que les constatations sont très

12 différentes entre les deux premières années et les années suivantes.

13 Malheureusement, je ne dispose pas d'autres résultats de cette nature.

14 J'aurais pu faire d'autres analyses pour d'autres épisodes lors du conflit

15 en Bosnie car j'ai des sources.

16 Maintenant, nous avons deux résultats. Il y a d'une part, la

17 distribution que l'on peut constater pour la période couverte par l'acte

18 d'accusation août 1994 à novembre 1995, et l'autre période qui commence

19 d'avril 1992 à juillet 1994. Comme on peut le voir dans cette figure 12a,

20 la forme de la courbe est tout à fait différente. Je ne pense pas que les

21 circonstances aient changé entre les deux premières et les deux dernières

22 années du siège. C'était toujours Sarajevo Six, c'était toujours une zone

23 urbaine.

24 Est-ce que je peux poursuivre ?

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, vous pouvez poursuivre, mais je

26 voulais formuler une remarque. La figure 12a indique qu'il y avait

27 davantage d'activités militaires dans la première partie de la totalité de

28 la période.

Page 5503

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. La forme reste stable, la

2 courbe reste stable. Si vous examinez les barres. Et cela signifie que si

3 l'on examine la proportion entre les décès civils et militaires, celle-ci

4 est restée plus ou moins stable dans les deux premières années. Si on

5 devait redessiner ce schéma et travailler de manière cumulée, pour le

6 moment, si vous voulez les différentes courbes sont superposées, mais si

7 l'on faisait un tableau linéaire et je l'ai fait, et bien, on verrait que

8 les courbes des civils et des militaires seraient parallèles.

9 Ce qui n'est pas le cas dans les deux années suivantes. Ces deux

10 lignes se croiseraient et surtout dans les périodes les plus calmes.

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que ce ne serait pas une

12 conséquence logique de la diminution des activités

13 militaires ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourquoi des civils seraient-ils tués s'il n'y

15 avait pas d'activités militaires ? C'est cela le problème.

16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Il y avait toujours un conflit armé.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. Si vous vous reportez à la

18 figure 11 qui se limite à la période couverte par l'acte d'accusation, il

19 apparaît très clairement que l'on constate que des décès civils, lors de

20 toute la période. Du début à l'autre, bien sûr, qu'il y a une augmentation

21 lors des épisodes dites hautes, élevées du siège, c'est-à-dire plus

22 intense. Cela signifie effectivement que certains décès n'auraient pu être

23 évités. On parle de dommages collatéraux.

24 D'une manière générale, cela nous pose un problème de constater qu'en

25 cas de diminution de l'intensité des activités militaires, dans les

26 accalmies du siège, il y avait toujours des décès civils avec des causes

27 que l'on connaît pour les personnes blessées. Si vous voyez les causes

28 d'ailleurs dans les périodes les plus calmes, les blessures étaient

Page 5504

1 infligées par des tirs de tireurs embusqués. Cela veut dire que l'on tirait

2 sur les gens. Pourquoi ?

3 Si vous vous reportez au graphique, figure 23, s'il vous plaît, page

4 57.

5 M. LE JUGE MINDUA : Allez-y.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette figure indique le nombre de civils

7 blessés sur la base des registres de l'hôpital de Sarajevo.

8 C'est un échantillonnage qui a été effectué. Ce graphique est très clair.

9 Le rouge ce sont les blessures par balles tirées par les tirs embusqués; la

10 ligne bleue ce sont des blessures sont les blessures occasionnées par les

11 obus; et la dernière ligne qui est verte, si je ne m'abuse, en tout cas

12 elle est en pointillée, cela représente ces deux causes cumulées.

13 Dans les périodes les plus calmes, surtout janvier-février, mais également

14 lors de la première période du siège d'août à

15 décembre 1994, une période intense, de nombreuses blessures ont été causées

16 par les tirs embusqués.

17 Il y a toujours des tirs de tireurs embusqués. En plus des victimes

18 des tirs embusqués, on constate des personnes blessées en raison d'obus

19 surtout et, comme c'est naturel, dans le deuxième épisode élevé, c'est-à-

20 dire juin 1995 plus ou moins.

21 Qu'est-ce que cela nous dit ? Des obus cela représente des activités

22 militaires intenses. Bien entendu, il y avait des activités militaires

23 intenses, surtout dans la deuxième période dite élevée, ce qui n'était pas

24 le cas avant cet épisode, mais malgré tout, des civils étaient blessés par

25 les balles de tireurs embusqués.

26 C'est là le raisonnement que je tiens. Si vous examinez ces causes et

27 la succession chronologique des données pour les décès que nous avons

28 identifiés, sur la bases de sources tout à fait différentes et que l'on

Page 5505

1 compare la distribution chronologique des blessés et des tués, si l'on

2 calcule une corrélation, un coefficient de corrélation, cette corrélation

3 est de 0,99, presque 1. C'est une corrélation quasiment parfaite entre les

4 deux variables. Ce qui me porte à penser que pour les décès les causes sont

5 les mêmes que pour les blessés, compte tenu de la cohérence entre ces deux

6 sources qui est presque incroyable, avec une corrélation de 1 à 1,

7 quasiment.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vos chiffres peuvent sembler

9 convaincants, mais j'ai toujours des doutes en ce qui concerne les

10 conclusions que l'on peut en tirer. Je n'ai pas de base qui me permet de

11 comparer ces données. Si nous avions devant nous des renseignements

12 relatifs à des sièges militaires antérieurs de villes susceptibles de nous

13 fournir une base de comparaison, je pense donc que si j'avais ces

14 documents, je me sentirais plus à l'aise, mais je ne sais pas comment

15 interpréter les informations que vous nous soumettez.

16 Je ne sais pas ce qu'un siège implique normalement; mais il peut

17 s'avérer que lorsque l'on effectue un siège militaire d'une zone urbaine,

18 inévitablement il y a un nombre plus élevé de civils que ce à quoi on peut

19 s'attendre à l'occasion d'une guerre; si en plus du siège il y a une

20 intensification des activités militaires, le chiffre augmentera davantage

21 pour les soldats que pour les civils, enfin, tant que le siège perdure et

22 tant que lors de ce siège il y a un conflit armé, des victimes civiles sont

23 une conséquence collatérale de ce conflit. J'accepte vos chiffres, ils ont

24 l'air convaincants. Je ne sais juste pas comment les interpréter.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis apporter un commentaire. Cela fait

26 un certain nombre d'années que je travaille dans ce domaine de statistiques

27 et des conflits. Je dois reconnaître qu'il n'y a pas d'épisodes de guerre

28 qui se ressemblent. Je ne pense pas qu'il y aurait un autre siège, bien

Page 5506

1 qu'il y ait eu le siège de Mostar en Bosnie. Je ne pense pas que l'on

2 puisse comparer les deux, car chaque siège constitue un cas unique d'une

3 situation différente.

4 Il s'agit d'une situation bien différente que l'on trouve dans les

5 statistiques officielles des pays occidentaux et des chiffres proposés par

6 des démographes, des choses bien semblables, des choses qui peuvent être

7 étudiées et on peut en déduire des conclusions. L'analyse des conflits est

8 quelque chose d'unique. Il n'existe pas quelque chose comme une idée

9 d'ensemble d'un conflit ou des victimes d'un conflit. Tout ce que je puis

10 dire c'est que je pense que nous pourrions, en tout cas moi

11 personnellement, nous pourrions regarder les statistiques que j'ai

12 préparées, le rapport que j'ai préparé pour Mostar et voir s'il y a des

13 points de ressemblance entre les deux. Mais le siège de Sarajevo, à mon

14 avis, devrait être envisagé comme un cas d'école unique, à part,

15 malheureusement.

16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

17 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, Madame le Témoin. Maintenant, la parole

18 est à la Défense pour le contre-interrogatoire.

19 Maître Isailovic, vous avez, je crois, 12 minutes avant la fin.

20 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.

21 Contre-interrogatoire par Mme Isailovic :

22 Q. Bonjour, Madame le Témoin. Je suis Branislav Isailovic, avocate au

23 barreau de Paris. Je suis l'un des conseils de la Défense pour M. le

24 général Dragomir Milosevic. Je vais essayer de mon point de vue de juriste,

25 pas très douée pour les mathématiques, de voir avec vous certains points de

26 votre rapport.

27 Tout d'abord parce qu'il ne me reste pas beaucoup de temps, je vais

28 commencer par des choses basiques. Confirmez-moi votre "executive summary"

Page 5507

1 c'est en fait les conclusions de votre rapport, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. Il se situe au début et il reprend les conclusions que vous avez prises

4 au fur et à mesure de votre rapport, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Je vais commencer par le titre de votre étude, de votre expertise qui

7 comporte le nom "siège." A la page 1 de votre rapport, la note en bas de

8 page, vous donnez comme explication que représenterait dans ce rapport la

9 notion de siège, n'est-ce pas ?

10 R. C'est exact. Il y a une note en bas de page, ici sur cette page.

11 Q. Justement des questions qui ont précédé, j'ai cru comprendre que déjà

12 la notion de "siège" comporte des conclusions, c'est-à-dire ce titre qui

13 comporte dont lui le nom "siège" n'est pas anodin. Il a déjà une

14 signification pour votre expertise ?

15 R. Nous ne l'avons pas utilisé par hasard, parce que c'est un terme qui a

16 été communément --

17 Q. Je n'ai pas utilisé "random" par hasard mais anodin. Je veux dire, ça

18 déjà comporte une signification. Utiliser le nom "siège" pour mettre un

19 titre à votre rapport, cela présume quelque chose déjà.

20 R. Il est indiqué dans la note en bas de page, ce terme est utilisé pour

21 décrire la présence d'un conflit armé à Sarajevo. C'est tout. Je crois que

22 je n'y ai pas attribué un autre sens.

23 Q. J'ai cru comprendre, pas seulement le conflit armé, la présence d'un

24 conflit armé mais aussi d'un blocus; n'est-ce pas ?

25 R. Oui, c'est exact. C'est ce que dit la note en bas de page.

26 Q. L'existence de ce blocus, vous tirez cette conclusion d'où, de quel

27 fait ?

28 R. Je crois que c'était à la lecture de nombres documents que j'ai faits à

Page 5508

1 propos du siège de Sarajevo, qu'il y avait des difficultés et qu'on avait

2 du mal à fournir de l'aide internationale ou de la faire venir à Sarajevo,

3 qu'il y avait un manque de vivres, qu'il y avait un manque de médicaments

4 et j'ai rédigé un certain nombre de rapports là-dessus, rapports rédigés

5 par les Médecins sans frontières. Voici mes sources pour le terme de

6 "blocus" que j'ai utilisé.

7 Q. Vu que cette expertise est commandée par le Procureur, ce n'est pas le

8 Procureur qui vous a, en surplus, fourni certains éléments pour vous

9 déterminer [phon] pour le titre de votre expertise ou peut-être lui-même a

10 suggéré le titre ?

11 R. Non. C'est exact. Ils ne m'ont pas soufflé ce titre. C'est le titre que

12 nous avons proposé nous-même pour ce rapport. Ce n'est pas le premier

13 rapport non plus que je rédige par rapport à Sarajevo. J'ai quelque

14 expertise dans ce domaine.

15 Q. Cette situation de siège que vous examinez dans votre rapport, quelle

16 est son importance pour les résultats de votre expertise, pour les

17 conclusions ?

18 R. Je ne pense pas avoir très bien compris la question. Est-ce que vous

19 voulez dire le fait qu'il y a un conflit armé, est-ce que cela est

20 important, est-ce que ça a une incidence sur les conclusions. C'est ça que

21 vous voulez dire ?

22 Q. Je vais m'expliquer, parce que là, si vous voulez, il y a toujours des

23 problèmes de se comprendre quand on parle deux langues différentes.

24 Le cadre de votre analyse, le titre comporte le mot de "siège de

25 Sarajevo." Je suppose, parce que vous le mettez dans le titre que ça a un

26 impact sur le résultat, après sur les conclusions à tirer à la fin de votre

27 expertise.

28 R. Je ne pense pas que le titre puisse avoir une quelconque incidence sur

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1 les conclusions. Les conclusions sont dues au résultat d'un projet de

2 recherche et sont des analyses de nos sources que nous faisons. Lorsque

3 nous proposons ce titre, nous l'avons proposé, nous espérions être le plus

4 clair possible, le plus précis possible quant à la teneur de ce rapport. Le

5 siège c'est simplement le fait que nous sommes ici en présence d'un conflit

6 armé dans la région de Sarajevo à cette époque-ci.

7 Q. Je vais reprendre cette partie de votre réponse. Est-ce que votre étude

8 aurait bien pu être titrée comme : les tués et les blessés au cours d'un

9 conflit armé ayant lieu dans la région de Sarajevo. Est-ce que cela pu être

10 le titre de votre analyse aussi ?

11 R. Oui, tout à fait.

12 Q. Maintenant, parce qu'en effet il ne me reste pas beaucoup de temps, je

13 vais me pencher, c'est-à-dire commencer par les sources utilisées. Vous

14 dites déjà dans votre rapport, tout au début et j'ai cru comprendre qu'il y

15 a deux, au moins deux statistiques "conflicts statistics and official

16 statistics." Vous avez fait la différence entre les deux. Est-ce que pour

17 commencer vous pouvez expliquer quelles sont les différences dans les

18 méthodes, disons, dans ces deux sortes de statistiques ?

19 R. Je crois que c'est une excellente question. Les statistiques

20 officielles, de façon générale, sont basées sur des sources complètes et

21 bien établies. Si elles ne sont pas complètes, elles sont basées sur des

22 échantillons. Nous savons si ces échantillons sont importants et

23 représentatifs. Les statistiques officielles constituent un domaine bien

24 différent de celui dans lequel nous travaillons et lorsqu'il s'agit de

25 présenter des statistiques en matière de conflit. Même dans un pays comme

26 Bosnie-Herzégovine qui, au point de vue source, est un pays tout à fait

27 exceptionnel par rapport à d'autres conflits. Il y a une multitude de

28 sources. Certaines sources sont relativement fiables et relativement

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1 complètes, d'autres ne le sont moins, et d'autres sont mauvaises, mais d'un

2 point de vue source, la Bosnie-Herzégovine est exceptionnelle.

3 Il est impossible de fournir des statistiques complètes à partir de

4 sources de très grandes qualités de sources complètes. Voici la différence.

5 Il faut regarder le rapport et en tant que statisticien, il faut garder

6 ceci à l'esprit. Les chiffres sont incomplets et pour bon nombre de

7 raisons, et parfois à propos des échantillons, nous ne savons pas si ces

8 échantillons sont très représentatifs ou non. Quoi qu'il en soit, nous

9 pouvons nous servir de ces échantillons comme les dossiers médicaux des

10 hôpitaux, par exemple, en sachant qu'il y a des schémas qui s'en dégagent

11 et que ces schémas sont très cohérents avec d'autres résultats qui se font

12 sur les meilleures sources. On peut toujours continuer à travailler avec ce

13 type de sources qui sont moins complètes.

14 Mme ISAILOVIC : Je vous remercie.

15 M. LE JUGE MINDUA : Très bien, Maître. Il est 13 heures 45. Nous allons

16 donc séjourner la session et nous revoir demain à

17 8 heures du matin.

18 Mme ISAILOVIC : Excusez-moi, parce u'on a abordé une question avec M. le

19 Président Robinson. Pour 98 bis, il me semble que maintenant il n'est pas

20 question d'en terminer demain et je n'ai pas réussi à avoir la réponse de

21 mon confrère. Est-ce qu'on va s'en tenir au jeudi matin pour 98 bis ?

22 M. LE JUGE MINDUA : Oui, je pense que pour le moment on va continuer comme

23 on avait décidé. Demain on se retrouve vers 8 heures, puis à la fin du

24 témoignage du dernier témoin, il y aura la pause comme prévu, puis on

25 passera au 98 bis.

26 Mme ISAILOVIC : Parce que justement pour moi c'est important pour tenir au

27 courant Me Tapuskovic, s'il va débuter. Parce que c'est lui qui va -- j'ai

28 le témoin et cela va quand même débuter demain si on a le temps ?

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1 M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Nous allons lever la séance.

2 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 2 mai

3 2007, à 8 heures 00.

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