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1 Le jeudi 24 mai 2007
2 [Déclaration liminaire de la Défense]
3 [Audience publique]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 16 heures 05.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant les déclarations liminaires,
7 je vais demander au greffier de l'affaire d'attribuer des cotes aux
8 documents dont nous avons parlé précédemment.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci.
10 Suite à la décision orale de la Chambre de première instance de ce
11 jour, la pièce D34 MFI recevra la cote D34; la D94 MFI recevra la cote D94;
12 la D107 MFI recevra la cote D107; la D104 MFI recevra la cote D104; et la
13 D109 MFI recevra la cote D109. Merci.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je tiens aussi à éclaircir le point
15 qui avait été soulevé par l'accusé portant sur ses heures d'arrivée et de
16 départ du Tribunal, le fait qu'il doit attendre si longtemps. C'est surtout
17 un problème qui concerne le gouvernement néerlandais. Mais je comprends
18 bien le problème de l'accusé, et tout être humain d'ailleurs qui se trouve
19 obliger d'attendre à ne rien faire pendant une heure et demie ou deux
20 heures est toujours pénible.
21 Or, bien sûr, le canal permettant la communication entre le Tribunal et le
22 gouvernement néerlandais et le Greffe, je vais demander au greffier de
23 l'audience de porter ceci à l'attention du Greffe afin que les demandes
24 nécessaires soient faites auprès du gouvernement néerlandais.
25 Maître Tapuskovic, vous avez des déclarations liminaires à nous faire.
26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Tout à fait.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
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1 Juges, il y a une vingtaine de jours nous avons eu la possibilité de faire
2 connaître nos positions générales dans le cadre de l'application de
3 l'article 98 bis. J'ai dit un certain nombre de choses à ce moment-là, ce
4 qui me permet aujourd'hui de ne pas reprendre ce que j'ai dit alors, à
5 savoir les positions que j'ai exprimées ce jour-là au sujet du déroulement
6 de la longue campagne de pilonnage dirigé sur des lieux habités par des
7 civils, qui a donc visé la population civile de Sarajevo dans le but de
8 l'intimider, de provoquer des morts et de faire des blessés, tout cela avec
9 un grand nombre d'actes inhumains qui ont été commis contre cette
10 population civile. Je n'ai donc aucune raison de revenir sur ce que j'ai
11 déjà dit à ce sujet. Et dans mon propos liminaire, j'ai l'intention non pas
12 de présenter à l'avance les arguments que je présenterai au cours de ma
13 plaidoirie à la fin du procès, mais d'indiquer simplement quels sont les
14 éléments les plus importants sur lesquels la Défense va se fonder pour
15 faire son travail dans cette partie du procès.
16 Encore une fois, je dois répéter que nous sommes dans une situation très
17 délicate s'agissant de déterminer les moyens de preuve que nous souhaitons
18 présenter à la Chambre, les témoins que nous souhaitons entendre, car nous
19 ne savons pas encore exactement quelle sera la situation s'agissant des
20 faits sur lesquels un accord se fera entre les parties. Ceci nous a posé de
21 gros problèmes, mais je ne vais pas m'étendre exagérément sur ce sujet.
22 Cela étant, toutes ces idées je les avais en tête au moment de préparer mon
23 propos liminaire.
24 Durant la présentation des moyens de l'Accusation, vous avez entendu un
25 certain nombre de témoins, un grand nombre de témoins, je dois dire, dont
26 les témoignages portaient sur ce qu'avaient vécu et subi les victimes. Bien
27 sûr, dans des procès comme ceux qui se déroulent ici, c'est tout à fait
28 normal étant donné la grande importance de ces événements. Mais ce que je
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1 peux dire, c'est qu'aucun de ces témoins, selon leurs dires, n'a vu des
2 soldats à Sarajevo, aucun d'eux n'a vu des armes, aucun de ces témoins n'a
3 constaté une quelconque action militaire partant de Sarajevo. D'après ce
4 qu'on dit ces témoins, Sarajevo était une ville habitée par des civils, qui
5 a subi des actes de terreur atroces, actes au nombre desquels on peut citer
6 des massacres, des atteintes à l'intégrité physique et toutes sortes
7 d'autres actes inhumains. Je comprends, pour ma part, que toutes les
8 parties qui ont eu à subir des événements pénibles, je ne m'étendrai pas
9 sur ce sujet non plus.
10 Vous avez entendu un grand nombre de témoins qui sont venus ici et
11 qui étaient, par exemple, des policiers. Aussi, on dit ne rien savoir d'une
12 quelconque action militaire partant de la ville de Sarajevo. Eux non plus
13 n'ont pas vu d'armes, eux non plus n'ont pas eu une seule fois l'occasion
14 de remarquer une action importante partant de la ville de Sarajevo. Bien
15 entendu, c'est à la Chambre qu'il appartiendra à la fin du procès
16 d'apprécier la valeur de leurs propos. La Chambre le fera après avoir
17 entendu et accordé le point qu'elle jugera utile aux moyens de la Défense.
18 D'après les témoins de l'Accusation, la ville de Sarajevo était un
19 lieu habité par des civils, semblable à tout autre lieu du même genre, un
20 lieu où des enquêtes criminelles pouvaient avoir lieu. C'est ce qu'ils ont
21 fait, les policiers témoins de l'Accusation, ils ont décrit dans quelle
22 condition ils ont mené ces enquêtes, ils ont décrit les difficultés dues à
23 des tirs incessants auxquels la ville était exposée.
24 Bien entendu, l'Accusation vous a également présenté un grand nombre de
25 témoins qui étaient des observateurs internationaux de la FORPRONU et
26 d'autres organisations. Lorsque ces témoins ont déposé, l'Accusation n'a
27 mis l'accent que sur l'aspect civil de l'environnement dans lequel ces
28 observateurs oeuvraient. Je ne vais pas, bien sûr, revenir sur la
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1 déposition de tous les témoins entendus pendant la présentation des moyens
2 d'accusation, mais le témoin expert, M. Donia, a dit, entre autres choses,
3 lui aussi, que la ville de Sarajevo à cette époque-là était une ville
4 habitée par des civils. Je n'ai pas besoin de revenir là-dessus.
5 Finalement, l'aspect dominant des propos des témoins de l'Accusation a
6 consisté à décrire un lieu habité par des civils qui ont été exposés à
7 toutes sortes de souffrances, elles-mêmes à la base des éléments que l'on
8 trouve dans l'acte d'accusation.
9 Ce que la Défense va s'efforcer pour sa part de faire, c'est de présenter à
10 la Chambre de première instance un certain nombre de personnes du côté
11 opposé du prétoire - je ne vais pas dire du côté opposé du front - mais
12 enfin des gens qui vivaient dans cette ville, y compris à l'intérieur de la
13 ville, qui était une zone protégée pour tout le monde, y compris pour les
14 habitants qui habitaient dans cette partie intérieure de la ville. Tous ces
15 quartiers étaient censés être considérés comme des lieux protégés - c'était
16 une règle officielle - or, ces personnes ont vécu ce qu'elles ont vécu et
17 qu'elles vont s'efforcer de décrire devant vous. Vous pourrez vous faire
18 une idée de la réalité des faits, ce qui vous permettra ensuite d'apprécier
19 la responsabilité d'hommes, tels que Dragomir Milosevic, dans les
20 meilleures conditions.
21 Bien entendu, je ne vais pas citer à la barre des victimes car nous n'avons
22 pas la possibilité de le faire. Je citerai à la barre des gens qui ont
23 combattu et qui, pendant toute la guerre, ont pu observer la situation et
24 la position qui était celle de Dragomir Milosevic à l'époque des faits. Je
25 ne pourrai pas citer à la barre des policiers. Je présenterai peut-être aux
26 Juges un seul témoin de la Défense qui était un policier et qui pourra vous
27 dire quelles étaient les enquêtes qui ont été menées dans d'autres lieux
28 ainsi qu'à l'intérieur de la ville ou également de l'autre côté de la ligne
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1 de front, si je puis m'exprimer ainsi, donc vous pourrez au moins être
2 informés de ce qui se passait de l'autre côté du front.
3 Si j'y parviens, j'espère le faire, je vais citer à la barre un
4 témoin, membre de la FORPRONU, donc observateur international, qui pourra
5 aider les Juges de la Chambre à mieux apprécier des éléments-clés de l'acte
6 d'accusation.
7 A présent, je ne voudrais pas omettre de parler d'un problème qui a une
8 grande importance, et sur lequel il importe de mettre l'accent. Dans la
9 première version de l'acte d'accusation, pas plus d'ailleurs que dans la
10 version modifiée qui date du 18 décembre 2006 - j'essaie de ne pas parler
11 trop vite pour les interprètes, car je n'ai pas remis mon texte au service
12 de traduction compte tenu des nombreuses obligations que nous avions.
13 En tout cas, dans aucune version de l'acte d'accusation il n'est fait
14 mention de l'existence d'un conflit armé opposant le Corps de Sarajevo-
15 Romanija et le 1er Corps de l'ABiH. Il n'y est pas fait mention du fait
16 qu'il y avait sur le territoire dont nous parlons une opposition entre deux
17 armées. M. Waespi -- excusez-moi, Monsieur Waespi, ce n'est pas vous qui
18 êtes l'auteur de ce texte dont la rédaction a constitué un travail très
19 lourd, mais c'était
20 M. Whiting. J'ai déjà dit que M. Donia, pendant sa déposition en qualité de
21 témoin expert, a déclaré que la ligne de front est restée statique et que
22 la RSK tenait la ligne d'une main ferme, même si l'armée de Sarajevo avait
23 quatre fois plus de soldats que la RSK, à savoir 75 000 hommes, et cetera,
24 et cetera.
25 Quoi qu'il en soit, c'est ce qu'on lit dans le propos liminaire de M.
26 Whiting. Je me dois de dire, en insistant d'ailleurs, que la chose a été
27 mentionnée pour illustrer un fait tout à fait réel, à savoir que le conflit
28 armé n'est mentionné dans aucun point de l'acte d'accusation. Si vous vous
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1 penchez, par exemple, sur le paragraphe 26 de l'acte d'accusation, on lit
2 dans ce paragraphe, je cite :
3 "Pendant toute la période prise en considération dans le présent acte
4 d'accusation, le territoire de l'ex-Yougoslavie et de la Bosnie-Herzégovine
5 était le théâtre d'un conflit armé."
6 Voilà ce qu'on lit à la fin de l'acte d'accusation, un peu comme un
7 post-scriptum, comme si cela n'avait absolument aucun rapport avec la ville
8 de Sarajevo. Ce qui est dit c'est qu'en Bosnie-Herzégovine, dans certaines
9 régions, il existait un conflit armé, autrement dit que dans l'ex-
10 Yougoslavie, pour être plus précis, il existait ce conflit armé, mais nulle
11 part, littéralement nulle part dans l'acte d'accusation il n'est fait
12 mention d'un conflit armé présenté comme un fait, comme une réalité, et
13 encore moins le
14 1er Corps de l'ABiH, comme si ce dernier n'avait tout simplement pas existé.
15 Il y a un endroit dans l'acte d'accusation, au paragraphe 7 de celui-ci, où
16 nous lisons :
17 "Peu après la reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine
18 comme Etat indépendant le 7 avril 1992, des affrontements armés ont éclaté
19 à Sarajevo."
20 Oui, c'est exact. Mais ces hostilités opposaient qui à qui ? Quelles
21 étaient les deux parties en conflit ? Ceci n'est dit nulle part. Encore une
22 fois, c'est de façon délibérée que la chose est évitée de la part de
23 l'Accusation, tout comme celle-ci évite de parler de conflit armé.
24 Je comprends cela s'agissant du début du mois d'avril 1999, mais à
25 partir du moment où Galic et M. Milosevic ont pris le commandement, ce qui
26 existait c'était le Corps de Sarajevo-Romanija et l'ABiH. Parler des
27 hostilités comme cela est fait dans l'acte d'accusation, sans entrer dans
28 les détails et sans évoquer des faits dont j'espère apporter la preuve dans
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1 la présentation des moyens de la Défense, est inacceptable. D'ailleurs, je
2 dirais même que certains témoins de l'Accusation ont corroboré mes dires.
3 Je crois qu'il n'est pas acceptable que l'acte d'accusation présente les
4 choses comme il le fait et qu'il est nécessaire qu'un statisticien
5 corrobore les propos des témoins à l'intention des Juges. C'est seulement
6 en agissant ainsi que ces derniers pourront prendre toute l'importance d'un
7 certain nombre de choses.
8 Dans le même paragraphe que j'ai cité tout à l'heure, il est dit que :
9 "La ville a ensuite subi un siège et des bombardements incessants
10 ainsi que des attaques de tireurs embusqués; les bombardements et les tirs
11 de tireurs embusqués venant des positions situées sur les collines
12 environnant et surplombant la ville de Sarajevo, à partir de laquelle les
13 assaillants avaient une vue claire et précise de la population civile
14 habitant la ville."
15 Alors, ce n'est pas ici le moment pour moi d'essayer de déterminer ou de
16 supputer de l'identité de ceux qui se trouvaient sur les collines
17 surplombant Sarajevo ce qui, bien sûr, leur donnait l'avantage géographique
18 à cette époque. Car nous en avons beaucoup entendu parler déjà au cours de
19 ce procès. Donc, je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit, mais
20 affirmer que des militaires ont été stationnés pendant trois ans et demi au
21 somment des collines, quelle que soit l'identité de ces militaires, pour
22 avoir une vue surplombante de la population civile, à mon avis, c'est une
23 affirmation - comment est-ce que je pourrais la qualifier ? Une affirmation
24 insensée. Je n'ai pas peur d'utiliser ce terme.
25 En effet, le seul objectif possible pour des hommes qui s'empareraient de
26 positions en altitude, le seul objectif possible ne pouvait être que
27 d'avoir une vue dominante sur les positions ennemies, étant donné
28 l'opposition entre deux armées qui se déroulait à l'époque.Qui occupait les
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1 collines n'est pas important en soi. Aucun esprit humain normalement
2 constitué ne pourrait imaginer que quelqu'un s'empare des collines pour
3 frapper avec des pièces d'artillerie la population civile et que ce soit le
4 seul but poursuivi. Je ne commenterai pas plus avant ce sujet de qui
5 occupait les collines. Nous essaierons d'en traiter pendant la présentation
6 de nos moyens de façon convaincante.
7 Donc je résume, par ces moyens de preuves, et j'indique un certain nombre
8 de points ont été rendus très clair grâce à la présentation des moyens de
9 l'Accusation, mais la Défense va s'efforcer de démontrer que pendant toute
10 la période visée dans l'acte d'accusation dressé contre le général Dragomir
11 Milosevic, il y avait un conflit armé intense et étendu sur le plan
12 géographique aussi bien en profondeur que longitudinalement avec des lignes
13 de front dont la longueur dépassait 200 kilomètres, et sur ce front se
14 trouvait d'une part le Corps de Sarajevo-Romanija, et d'autre part le 1er
15 Corps de l'ABiH, à savoir les deux armées présentes sur le théâtre des
16 opérations de Sarajevo ainsi qu'à l'intérieur de la ville, et uniquement
17 séparée par la Miljacka. La ligne de séparation passait par des
18 lotissements composés d'immeubles, de maisons, de cours et sur toute la
19 longueur du front, les deux armées étaient toujours très proches l'une de
20 l'autre, chacune dans ses tranchées. Dans ces conditions qui étaient des
21 conditions de guérilla urbaine, les deux parties au conflit ont
22 inévitablement subi des pertes, c'est-à-dire des blessés et des morts. Les
23 deux parties savaient très bien que l'utilisation, y compris d'armes
24 légères, y compris ne serait-ce d'une balle tirée par une arme ou d'un seul
25 projectile d'artillerie, risquait de provoquer de nombreuses morts parmi la
26 population civile, puisque le conflit se déroulait au centre d'une zone
27 densément peuplée.
28 Je tiens à rappeler une phrase prononcée par l'un des derniers
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1 témoins entendus par la Chambre, le journaliste Martin Bell, page 5 253,
2 lignes 13 à 21 du compte rendu d'audience, qui a dit, je cite :
3 "Je pense que dans l'un de mes livres j'ai écrit que personne n'avait
4 le monopole de la souffrance humaine et cette remarque concerne très
5 certainement aussi les Serbes."
6 Voilà ce qu'a dit un témoin de l'Accusation.
7 La population civile, qui habitait près des opérations menées par le 1er
8 Corps de l'ABiH, a souffert en raison de l'action du Corps de Sarajevo-
9 Romanija. Ceci doit être dit.
10 Il faut dire que 40 000 Serbes, qui n'avaient pas fui Sarajevo et qui
11 sont restés dans la ville, ont été pris au piège et n'ont plus pu partir
12 avec les 120 000 Serbes qui étaient déjà partis. Aujourd'hui, il ne reste
13 que 3 % de Serbes dans la ville de Sarajevo par rapport à tous ceux qui
14 habitaient dans la ville au début des hostilités. C'est un fait bien connu.
15 La population civile qui se trouvait sur le territoire constituant la zone
16 de responsabilité du Corps de Sarajevo-Romanija a souffert également en
17 raison des actions du 1er Corps de l'ABiH. Elle n'a pas seulement souffert
18 d'ailleurs, mais elle a vécu dans la peur à cause de tous ces combats, et
19 c'est une réalité pour ceux qui vivaient des deux côtés. Mais il faut
20 souligner que la population serbe a subi de nombreuses victimes également.
21 Ce que Martin Bell a dit est par conséquent un fait, qu'il importe de
22 souligner et qui doit être pris en compte au moment des délibérés. La
23 Défense grâce aux moyens de preuve qu'elle va présenter va en permanence
24 démontrer l'existence de souffrances vécues par la population civile en
25 raison du conflit armé opposant le Corps de Sarajevo-Romanija et le 1er
26 Corps de l'ABiH, et nous le ferons jour après jour.
27 Mais je tiens à être très clair, l'existence d'un conflit armé
28 faisant des victimes parmi les civils est une réalité, et ces victimes
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1 civiles sont inévitables dans de telles conditions, mais ces victimes ne
2 doivent pas être utilisées, bien entendu, comme excuse pour viser
3 directement des civils ou orienter ces pilonnages délibérément sur la
4 population civile. C'est le cas d'ailleurs de toutes formes de
5 représailles. Agir ainsi est hors de question.
6 Toutefois, nous devrons présenter à titre d'exemple un certain nombre
7 d'incidents pour déterminer si ce qui est écrit dans l'acte d'accusation a
8 effectivement eu lieu ou pas. Malheureusement, en qualité de conseil de la
9 Défense, je ne puis proposer des éléments de preuve sur ce point car nous
10 n'avons pas pu enquêter dans la ville de Sarajevo en tant que telle. Mais
11 sur la base des témoignages déjà entendus jusqu'à présent, les Juges
12 pourront se faire une idée plus claire et accorder l'importance qu'il
13 mérite à chacun des éléments de preuve.
14 Il y a encore un point que je tiens à évoquer ici aujourd'hui. Dans l'acte
15 d'accusation, le Procureur a négligé l'existence du conflit armé et
16 l'inévitabilité des pertes civiles au cours d'un tel conflit. L'Accusation
17 a délibérément insisté de façon unilatérale sur la situation de la
18 population civile d'un côté, en parlant de campagne internationale qui a
19 pris pour cible des civils, comme s'il n'existait pas de conflit armé, et
20 comme si par conséquent les souffrances vécues par cette population avaient
21 été délibérées. Ce que nous avons entendu de la bouche de Mme Tabeau, par
22 exemple, c'est que toutes les victimes qui se trouvaient au cœur même de
23 Sarajevo, y compris du côté serbe, constituent un total qui est le simple
24 résultat d'un calcul et rien de plus.
25 S'agissant de la Défense, celle-ci insistera sur l'existence du
26 conflit armé, elle s'efforcera de démontrer que la campagne dont il a
27 beaucoup été question ici, la campagne militaire qui a fait l'objet de tant
28 de témoignages, impliquait des combats des deux côtés, notamment pendant la
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1 période visée par l'acte d'accusation dressé contre Dragomir Milosevic, à
2 savoir entre le mois de mai et la fin du mois de novembre, puisque durant
3 cette période une offensive a été lancée par l'ABiH et cette offensive a
4 ensuite été suivie par des bombardements de l'OTAN.
5 Nous présenterons des moyens de preuve démontrant l'existence de
6 cette offensive, offensive qui a déjà été évoquée par des témoins entendus
7 jusqu'à présent par la Chambre, et que bien sûr, je ne vais pas me répéter,
8 mais bien entendu la population civile n'a jamais été prise pour cible
9 délibérément. Elle n'était pas la cible préférentielle des actions
10 militaires. Dans le cadre d'un tel conflit militaire, et notamment dans la
11 période allant du mois de mai à la fin du mois de novembre, je considère
12 qu'il est impossible comme le fait l'acte d'accusation de s'exprimer comme
13 si le conflit militaire n'avait pas existé, comme la RSK existait en tant
14 que telle, et qu'aucun événement n'avait eu lieu, que par conséquent les
15 événements auraient été le fruit d'une situation existante en dehors de
16 tout conflit armé car le conflit durait déjà depuis plus quatre mois.
17 Je ne vais pas m'hasarder à déterminer quelle a été la partie qui a
18 été à l'origine de ce conflit, cela n'a pas d'importance. Mais en tout cas,
19 deux forces existaient, des forces préparées, des forces organisées qui,
20 pour l'une d'entre elles s'apprêtait à lancer une offensive, une campagne
21 importante, je parle de la partie bosniaque, offensive qui a duré pendant
22 tout l'automne 1995 [comme interprété].
23 Il n'est pas permis d'isoler les conséquences de telles actions
24 militaires, à savoir les victimes de l'existence de ce conflit. C'est
25 absolument inacceptable. Si quelqu'un pouvait démontrer que les victimes
26 ont été délibérément prises pour cible à quelque moment que ce soit, il est
27 évident que toute personne entendant cela condamnerait un tel fait. Un
28 certain nombre d'incidents liés à des tirs délibérés contre la population
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1 civile sont évoqués dans l'acte d'accusation. Si cela a eu lieu, les civils
2 en question ont été délibérément pris pour cibles par l'ABiH ou par
3 d'autres, ceci pour défendre des intérêts tactiques ou stratégiques liés
4 directement au conflit. Car, écoutez, ce qu'a dit Martin Bell devant vous,
5 ici, à savoir qu'aucune des deux parties n'avait le monopole de la
6 souffrance. Dans ces conditions, j'ajouterais qu'aucune des deux parties ne
7 peut avoir le monopole de la vérité s'agissant de décrire comme ils se sont
8 déroulés les événements qui se sont déroulés dans cette région.
9 Il y avait, bien sûr, des endroits où une seule partie était présente, mais
10 il y avait aussi des endroits où les deux parties étaient mélangées,
11 notamment tout près de la Miljacka.
12 Le témoin Ghulam Mohatarem, je dois absolument revenir sur sa déposition en
13 pages 725 et 726 du compte rendu d'audience, lignes 12 à 25 pour la page
14 725, a dit, en répondant à une question de M. Waespi qui lui demandait
15 qu'il interrogeait sur les événements survenus à l'époque en indiquant que
16 ces événements se déroulaient sous les yeux du monde entier, enfin c'est en
17 tout cas mon interprétation, autrement dit, que le monde entier pouvait
18 connaître la vérité au sujet de ces événements le jour même où ils se
19 produisaient. Et donc, savoir à chaque moment que ces événements faisaient
20 de très nombreuses victimes, répondant à cela, Martin Bell a dit que cette
21 guerre a été aussi une guerre télévisée.
22 Il a parlé de propagande unilatérale, et de stéréotypes qui ont été
23 développés et, qui dans ces conditions, rendent très difficile, y compris
24 aujourd'hui, la détermination de ce qu'a été la vérité. Je suis toutefois
25 persuadé que dans la présente affaire que dans d'autres affaires jugées par
26 ce Tribunal, la Chambre tirera des conclusions un peu différentes après
27 avoir entendu les dépositions de tous les témoins, puisque personne n'a le
28 monopole de la vérité et qu'elle rendra un jugement sage, puisqu'une partie
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1 ne peut pas être uniquement victime de l'autre. D'ailleurs des jugements
2 pondérés ont été prononcés par l'opinion publique internationale et par des
3 instances politiques aussi importantes que les Nations Unies et l'OTAN. Il
4 a été question de sanctions, de bombardements, après chaque incident dont
5 le monde était informé le jour même où il avait eu lieu. Mais revenons sur
6 les événements de Sarajevo.
7 J'aimerais évoquer trois incidents représentatifs que l'on trouve
8 mentionner dans l'acte d'accusation et sur lesquels le jugement de la
9 Chambre devra se faire. Le terrible décès de Nermin Divovic le 11 novembre
10 1994, le fait que sa mère Dzenana Sokolovic ait été blessée par une balle,
11 voilà ce que le monde entier a appris le jour même pratiquement, et
12 l'Accusation estime avoir fait la vérité sur cette affaire. Le responsable
13 de cela, c'est un homme qui n'est pas digne de ce nom, c'est un criminel
14 qui a utilisé une balle pour frapper en même temps une mère et son fils,
15 blessant la mère et tuant l'enfant.
16 Il y a un autre incident tragique qui a eu lieu à Markale, incident à
17 l'issue duquel 40 personnes, selon l'acte d'accusation, ont trouvé la mort,
18 et 80 ont été blessés. Le jugement au sujet de cet événement a été prononcé
19 le jour même, l'OTAN a lancé des bombardements humanitaires, comme elle les
20 a appelés, en utilisant, bien sûr, des bombes aériennes qui ont un effet de
21 souffle et de détonation. Elle a utilisé des bombes à l'uranium appauvri
22 également. Nous savons que ces bombes aériennes, comme les armes
23 d'artillerie, ne sont aucunement sélectives s'agissant de choisir leur
24 cible. Donc, la Défense va revenir sur toutes ces questions.
25 Et puis, dernier incident que je voulais évoquer, celui du 25 juillet
26 [comme interprété], incident au cours duquel une bombe a touché le bâtiment
27 de la télévision, tuant une personne et blessant de nombreuses autres. Le
28 conseil de la Défense de Dragomir Milosevic, que je suis, estime qu'il est
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1 extrêmement important d'examiner dans les détails chacun de ces incidents,
2 mais de replacer tous ces incidents dans un contexte de conflit armé, dans
3 un contexte marqué par l'existence d'intérêts très divers pour les diverses
4 parties en présence. Je tiens à revenir, encore une fois, sur cette
5 question sur laquelle je mets l'accent parce que les incidents
6 représentatifs choisis par le Procureur dont le Procureur a fait le
7 fondement des conclusions tirées par lui, seront revues sous un angle
8 différent, et contrairement à l'Accusation qui affirme que le seul objectif
9 poursuivi était délibérément de faire des morts et des blessés parmi la
10 population civile, la Défense montrera que les souffrances ont été vécues
11 des deux côtés.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, les interprètes
13 vous demandent de ralentir un peu.
14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il y a un moment, j'ai parlé des témoins
15 que nous allons devoir citer devant cette Chambre pour présenter les moyens
16 de la Défense, et ce, pour établir certains faits. Bien sûr, ils nous
17 aiderons grandement car il faut toujours établir certains faits au-delà de
18 tout doute raisonnable, et c'est exactement ce qui va se passer. En ce qui
19 me concerne, l'issue de cet épouvantable conflit armé, quelque chose qui
20 est très important, quelque chose d'ailleurs que nous a mentionné le Juge
21 Robinson, les deux premières Guerres mondiales sont plus ou moins
22 pertinentes, en l'espèce. Certes, elles ne peuvent pas être pertinentes en
23 ce qui concerne l'affaire que nous traitons aujourd'hui, mais il y a quand
24 même de l'influence des événements historiques; le fait qu'en 1991, 20 %
25 seulement de la population avait survécu à la Deuxième Guerre mondiale.
26 Certes, il ne faut pas prendre uniquement cela en compte quand il sera
27 temps de rendre un jugement.
28 Mais en tant que conseil de la Défense, ma collègue et moi, avons
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1 l'intention de citer à la barre des historiens, des témoins experts, à qui
2 je vais demander d'aborder brièvement les passages les plus importants, les
3 aspects les plus importants de tout cela. Je sais, bien sûr, que cela ne va
4 pas influencer votre jugement que vous allez rendre, mais j'espère que ce
5 sera analysé de façon appropriée, au moins en ce qui concerne les
6 paramètres géographiques et démographiques.
7 La Défense dans son argumentaire a l'intention de démontrer que pour
8 ce qui est du début de la période de référence, donc du premier jour de la
9 période de référence et donc de la responsabilité individuelle engagée de
10 M. Milosevic, période qui a commencé en
11 août 1994 et s'est terminée le 25 novembre 1995, nous allons montrer que
12 ceci est absolument essentiel dans l'établissement éventuel de ses
13 responsabilités individuelles. Ma collègue me l'a bien dit : Il faut bien
14 qu'il y ait un point zéro, où l'on commence, qui permet de déterminer au-
15 delà de tout doute raisonnable et dans les circonstances prévalentes [phon]
16 et en ce qui concerne la période de référence, de savoir si sa
17 responsabilité pénale est engagée ou non.
18 Je ne vais pas répéter tout ce que j'ai déjà dit, j'y reviendrai. Mais dans
19 un procès pénal, on ne peut pas hériter d'une culpabilité. Ce n'est pas
20 prévu par aucun code pénal. On ne peut être responsable auprès de sa propre
21 personne, et uniquement au cours de la période de référence. C'est la règle
22 qui permet d'ailleurs à nos systèmes juridiques de rester humain.
23 Donc, je vais maintenant parler de l'aspect essentiel des arguments de la
24 Défense qui portent justement sur ce cadre et sur les circonstances qui
25 prévalaient à l'époque de référence. Donc en plus de tout ce dont j'ai
26 parlé, puisque je ne vais pas parler au niveau de la campagne, je ne vais
27 pas vous reparler de la confirmer, j'en ai déjà longuement parlé, mais je
28 vais parler uniquement de la période de référence concernée dans l'acte
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1 d'accusation.
2 Alors, il y a les circonstances bien spécifiques qui s'appliquent, je vais
3 mentionner les principales. Je vais être concis pour ne parler que des
4 points essentiels. Quand il a pris son commandement le 10 août 1994, voire
5 même avant - et ceci est un fait qui ne peut être réfuté - la Republika
6 Srpska, d'ailleurs certains ici ont fait référence à cette entité comme la
7 soi-disant Republika Srpska, qui était un territoire contrôlé par les gens
8 qui y avaient habité depuis toujours.
9 Là, des sanctions ont été imposées. Ceci, bien sûr, devra être évalué
10 correctement. Ces sanctions ont été imposées par des membres de la même
11 communauté ethnique ainsi que par la communauté internationale. De ce fait,
12 un grand nombre de problèmes sont intervenus en matière d'approvisionnement
13 de nourriture, approvisionnement en carburant. Il s'agissait aussi de
14 problèmes quant à l'approvisionnement divers de la guerre, si je puis dire,
15 des munitions et des armes.
16 Au départ, on a commencé à parler d'un agresseur serbo-monténégrin. Mais il
17 certain, cela dit, suite à un moyen de preuve qui a été montré que de
18 chaque côté -- de l'autre côté de la ligne de démarcation il y avait
19 uniquement des gens qui habitaient là et qui étaient chez eux et qui
20 défendaient leurs possessions. Il est difficile après si longtemps de
21 pouvoir voir les choses sous un autre angle. Comment un citoyen de Sarajevo
22 pourrait-il être la cible. Puisque tous ces gens-là avaient des parents qui
23 y habitaient, et leurs parents risquaient d'être victimes.
24 Mais un facteur important et nouveau est quand même intervenu : la
25 zone d'exclusion totale. Jusqu'en mai 1995, cette zone a été plutôt bien
26 respectée alors qu'elle avait été créée en 1994. Aux dires des témoins
27 internationaux, d'ailleurs, jusqu'en octobre la zone a été bien respectée.
28 Ensuite, il y a eu des changements, des évolutions, quelques incidents
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1 sporadiques, mais cette zone d'exclusion totale a quand même perduré. Ce
2 qui s'est passé après le mois de mai, nous allons en parler et il faudra le
3 prouver, le démontrer, pour montrer qu'il y a aussi une violation de cette
4 zone d'exclusion totale. Bien sûr, nous allons le traiter lors de nos
5 présentations. Finalement, bien sûr, ce sera à vous, Messieurs les Juges,
6 de rendre votre jugement là-dessus.
7 Dans le cas où il est évident que l'accusé Dragomir Milosevic a pris
8 son commandement, l'offensive a commencé juste après qu'il ait pris son
9 commandement, à l'été 1994, et cette offensive s'est poursuivie sous une
10 forme ou sous une autre pendant un bon moment, cette offensive musulmane.
11 Ensuite, il y a eu un cessez-le-feu au début de 1994 -- à la fin de 1994,
12 ce cessez-le-feu n'a été utilisé que pour préparer une nouvelle offensive,
13 donc il n'était plus utile de poursuivre ce cessez-le-feu au vu de ce qui
14 se passait.
15 Maintenant, je vais passer aux raisons stratégiques et politiques des
16 hommes politiques qui ont pris toutes les décisions. Je parle de soldats,
17 et les soldats n'ont rien à faire avec la politique en matière de
18 stratégie. Ici, nous parlons d'un soldat. Un bon nombre de questions
19 trouvent leurs racines dans l'aspect politique et dans la politique. Il y
20 avait des raisons politiques qui faisaient agir les deux côtés. Il est
21 certain que l'offensive n'aurait jamais eu lieu, il n'y aurait pas eu de
22 victimes si des décisions politiques n'avaient pas été prises à un moment
23 ou à un autre. Mais à plus à une campagne, non. Nous allons d'ailleurs le
24 prouver. Ce qui s'est passé au cours de cette guerre, de ce conflit qui
25 était d'une très grande intensité, ce sera à vous d'en déterminer la portée
26 et l'importance.
27 Ensuite, cette domination depuis les collines dont on parle, nous
28 allons en parler. Nous allons revenir à l'utilisation incessante du tunnel
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1 au cours de toute la période qui nous intéresse, tunnel que des soldats
2 empruntaient pour se rendre sur leur théâtre d'opérations avec circulation
3 incessante de ravitaillement, de personnes, de tout. Peut-on donc dire que
4 la vie était impossible à l'intérieur à cause des activités lancées de
5 l'autre côté ?
6 Il est déjà prouvé que le tunnel avait été utilisé et créé dans des
7 buts militaires et pour armer un environnement qui était censé être une
8 zone déminéralisée quand même à ce moment-là. En ce qui concerne l'acte
9 d'accusation de Dragomir Milosevic, cette zone a obtenu pendant cette
10 période de référence, encore plus d'équipements, ils étaient mieux équipés
11 que le Corps Sarajevo-Romanija lors du commandement de Dragomir Milosevic.
12 Ils avaient plus d'effectifs et au cours de l'offensive d'ailleurs, ce
13 côté-là est devenu encore plus dominant. Ils étaient pratiquement à 1
14 contre 5, voire 1 contre 6, alors qu'au départ ils n'étaient qu'à 1 contre
15 3.
16 Tout ceci, bien sûr, est allégué dans l'acte d'accusation, mais nous
17 allons démontrer ce qui s'est vraiment passé. Suite à cette offensive, il y
18 a eu un changement complet de la tactique du
19 1er Corps de l'ABiH. On vous l'a déjà dit. L'armée s'est déjà déplacée en
20 masse pour sortir de la zone de responsabilité du
21 1er Corps de l'ABiH se déplaçant depuis l'intérieur de Sarajevo pour aller à
22 l'extérieur sur d'autres théâtres d'opérations, et il y avait des activités
23 sur cette ligne de front qui faisait 200 kilomètres de long. Nous allons
24 citer des témoins qui vont d'ailleurs en faire la preuve.
25 Je tiens à rappeler quelque chose que j'ai déjà dit. Pendant toute cette
26 période qui porte sur cette période de référence, l'ABiH dominait la
27 situation en matière d'armes, de quantité de munitions utilisées dans le
28 cadre d'opérations de combat. Nous allons le montrer d'ailleurs en
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1 présentant des documents venant de l'ABiH qui montre bien comment tout ceci
2 a été accompli et qui montre bien surtout la quantité de munitions qui ont
3 été employées surtout en ce qui concerne la période de référence.
4 Ce qui montre, ce qui signifie qu'il y avait les circonstances qui
5 prévalaient, l'existence d'un conflit armé, les circonstances dont j'ai
6 parlé. Il faut prendre en compte toutes ces circonstances lors d'une
7 décision à prendre sur les actes allégués dans l'acte d'accusation en
8 matière de responsabilité individuelle pénale et en gardant à l'esprit les
9 Statuts des ce Tribunal.
10 Autre chose, cela porte sur l'article 7 du Statut. Parce que sur la base de
11 cet article, la responsabilité de l'accusé est engagée, selon lequel il
12 aurait planifié les activités alléguées dans l'acte d'accusation. On le
13 trouve d'ailleurs au paragraphe 19 principalement. Je ne vais pas lire ce
14 passage du Statut ni de l'acte d'accusation, mais il faut prouver de façon
15 irréfutable que ce type de plan existait, ce plan de cibler délibérément
16 les civils, de terroriser, de tuer les civils de façon délibérée. Il faut
17 prouver l'existence de ces plans, et ceci ne peut démontrer que par le
18 biais d'ordres écrits, irréfutables ou trouver une preuve irréfutable
19 démontrant qu'un tel ordre a été donné oralement à un moment ou à un autre.
20 Dans l'affaire Galic - mais nous n'allons pas en parler maintenant, nous y
21 reviendrons, cela dit - on est parti d'une interprétation de différentes
22 conversations qu'il avait eues. Et on en a déduit qu'il avait donné ces
23 ordres uniquement à partir de ces conversations que Galic aurait eues. Je
24 ne vais pas rentrer là-dedans, mais je pense que ça ne peut pas être repris
25 tel quel. Ce n'est pas possible.
26 Je pense que l'Accusation ne peut pas se baser sur les faits admis
27 dans l'affaire Galic pour démontrer ce qu'elle souhaite démontrer. Et vous
28 n'allez pas pouvoir prouver que cet ordre direct aurait existé ou que ce
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1 plan aurait existé par écrit. Vous n'allez jamais pouvoir démontrer que de
2 tels ordres auraient été donnés à qui que ce soit.
3 Regardons tout procédé de déduction. Même dans ce cas, on ne peut pas
4 reprendre ceci de quelque chose qui aurait été dit dans un autre procès, et
5 j'espère que la Chambre première instance pourra se pencher de façon
6 attentive sur ceci. Pour ce qui est des témoins qui vont être cités à la
7 barre, ce sont des gens qui ont vu l'accusé tous les jours, qui ont
8 communiqué quotidiennement avec lui. Ils pourront vous le dire à l'aide de
9 documents à charge d'ailleurs.
10 D'ailleurs, je pense qu'un ordre a été mentionné ici, qui a été donné
11 dans le contexte d'activités militaires - parce qu'on s'attendait de la
12 partie adverse à une attaque - et un tel ordre n'est pas une preuve
13 suffisante, preuve suffisante d'un élément qui est pourtant si capital, si
14 crucial, qui indiquerait l'existence d'un ordre, ce qui ferait tomber
15 l'accusé sur la disposition de
16 l'article 7 du Statut du Tribunal.
17 Enfin, quelques derniers éléments. A plusieurs reprises on a demandé ici si
18 la Défense avait insisté sur certains points, certains sujets et qui
19 pourraient relever du principe du tu quoque. A un moment donné,
20 l'Accusation n'a pas autorisé du tout la Défense à aborder ce sujet. Bien
21 entendu, la Défense n'aurait jamais envisagé, car ce serait inutile de vous
22 prouver combien de soldats ont été tués, je parle de soldats de l'armée de
23 la Republika Srpska. Vous donner des chiffres, parler de 2 500 victimes, ce
24 serait inutile, ce serait sans objet. Mais des témoins viendront confirmer
25 qu'il y a eu de nombreuses pertes dans les rangs de l'armée de la Republika
26 Srpska, plus exactement au sein du Corps de Romanija-Sarajevo.
27 Nous n'allons pas vous donner des listes de civils, mais des témoins
28 vous le diront eux-mêmes. Il y a des gens qui ont été tués d'ailleurs. Ils
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1 ont été tués, notamment là où vivaient ces gens, là où se trouvaient les
2 soldats du Corps Romanija-Sarajevo. Nous voulons encore moins vous parler
3 du nombre énorme de Serbes qui ont été tués, non pas par des obus, mais qui
4 ont été victimes des crimes les plus graves commis pendant ce conflit armé.
5 Ce n'est pas ce que nous allons prouver pendant la présentation de nos
6 moyens, mais si la terreur existait quelque part, c'était bien au sein de
7 la population civile.
8 Les Serbes, les Croates, les Musulmans, tous ces civils de Sarajevo ont été
9 tués à Sarajevo de cette façon. La plus grande peur c'était de savoir qui
10 allait frapper à votre porte, ce qui allait vous arriver. Mais ce n'est pas
11 de cela que nous allons parler, de cette peur qui régnait partout, des
12 sentiments qu'avaient ces gens dans les maisons, les foyers qu'ils
13 défendaient, mais c'était peut-être un élément particulier qui a expliqué
14 pourquoi ils ont persévéré dans cet effort visant à se protéger de cette
15 peur.
16 Je ne me suis pas opposé à la demande de versement de beaucoup de
17 pièces à charge. Je pense notamment, pour prendre un exemple, à la pièce
18 P484. Elle concerne des informations montrant le degré de la criminalité
19 dans la zone de responsabilité du Corps de Sarajevo-Romanija, ici nous
20 avons plusieurs documents qui concernent le mois de juin 1995. Il y a aussi
21 :
22 "Le droit international des conflits armés en ce qui concerne ce type
23 d'infraction, et il n'y a pas eu une seule plainte déposée pendant cette
24 période."
25 Il n'aurait pas pu en avoir, parce que dans la zone de responsabilité
26 du corps il n'y a pas eu d'assassinats, il n'y a pas eu d'actes de torture,
27 pas d'exactions commises sur les prisonniers. Chaque fois qu'il y a eu des
28 prisonniers, ils ont été échangés contre des prisonniers ou contre des
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1 Serbes qui avaient trouvé la mort. Nous allons le prouver. Personne n'a
2 jamais été en butte à ce à quoi ont été exposés les Serbes à Sarajevo.
3 C'est ce que ces documents vont vous dire.
4 Vous devrez aussi réfléchir sérieusement à une autre question. Celle-
5 ci : face une telle situation et surtout pendant ce conflit entre mai et
6 novembre 1995, est-ce qu'il aurait été possible de mener des enquêtes, qui
7 auraient pu diligenter des enquêtes quand des obus tombaient, alors que ces
8 obus auraient pu causer la mort, l'ont d'ailleurs causée. Est-ce que ça
9 aurait été possible, est-ce que ça n'a jamais été possible de mener des
10 enquêtes, dans n'importe quelle guerre d'ailleurs, lorsqu'on se met
11 physiquement en danger si on va de l'autre côté ? C'est à vous d'en juger.
12 Mais je vous signale cette dimension qui intervient dans cette
13 problématique, à savoir qu'il n'y a pas eu de crimes dans la zone de
14 responsabilité du Corps de Sarajevo-Romanija, alors qu'il y en a eu qui ont
15 été commis contre les Serbes à Sarajevo. C'est un élément important à
16 prendre en compte quand on pense au comportement des membres du Corps
17 Sarajevo-Romanija. A mon avis, ce n'est pas là du tu quoque. Si ce genre de
18 crimes avaient été commis peut-être, ce moment-là, pourrait-on dire qu'il y
19 a eu tu quoque.
20 Un autre élément qui, me semble-t-il, va être important dans la
21 présentation de nos moyens - et peut-être que c'est d'ailleurs déjà apparu
22 - ceux qui composaient l'armée de Republika Srpska pouvaient-ils, tout
23 juste de leur propre initiative, décider de pilonner la zone de Sarajevo,
24 alors qu'ils savaient qu'il y avait des parents, des frères, des cousins,
25 des oncles, leurs amis les plus proches. Y a-t-il la moindre logique à tout
26 ceci; à moins que ça n'ait été fait quand il fallait le faire ?
27 Je le répète, s'il y a eu des crimes qui ont été commis contre des
28 civils, il faut qu'ils soient punis; mais il faut savoir faire la
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1 différence.
2 Permettez-moi de terminer. Je ne sais pas ce que nous pourrons vous prouver
3 par nos moyens, certaines preuves ont déjà été apportées. Mais voici
4 l'aspect qu'avait ce conflit :
5 J'ai ici un document signé de Rasim Delic. Je n'ai pas voulu utiliser
6 d'autres documents, même si j'en ai. J'espère que Rasim Delic va être jugé
7 ici dans ce Tribunal.
8 Dans ce document, qui porte la date du 11 juillet 1995, il s'agit du
9 document DD00-3542, ceci se trouve dans notre liste visée par l'article 65
10 ter.
11 Vous le voyez ce document ? J'aurais voulu en lire les parties les
12 plus importantes :
13 "Etant donné que nous sommes maintenant dans notre troisième année de
14 guerre contre l'agresseur serbo-monténégrin et qu'il y a des formes
15 d'activités de combat bien connues, sur le front, combinées, de partisans,
16 et comme ces formes ne sont pas toujours très utiles, les activités
17 montrent, qu'en fait, les actions du type partisan ont été utilisées très
18 peu, et en raison de la configuration du terrain, même si ce terrain
19 pourrait permettre ce genre d'activités et afin d'intensifier les activités
20 du type partisan, les activités de diversion, je donne l'ordre suivant :
21 "Jusqu'au 15 juillet 1995, et dans la zone de responsabilité de base
22 effectuer tous les préparatifs nécessaires à l'exécution d'actions de
23 diversion au niveau des divisions et des brigades."
24 Je termine par la lecture du paragraphe 4 :
25 "Ces missions doivent être effectuées le plus souvent possible et le
26 plus loin possible dans le territoire pour déstabiliser le plus possible
27 d'ennemis. Le système est celui-ci : Détruire et revenir."
28 J'ai un ordre de ce genre par écrit, alors il nous faut un peu tenir compte
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1 de ce que j'ai dit, à savoir qu'il faut avoir la preuve de l'existence de
2 tels ordres. Pourquoi est-il indispensable de prouver qu'il y avait un
3 conflit armé ? Bien, ce qu'on voit ici le prouve amplement.
4 Je souhaite terminer sur cet examen. Merci de m'avoir donné le temps que
5 vous m'avez accordé, et merci de vous pencher sur ces problèmes que nous
6 allons présenter afin qu'en fin du procès vous puissiez prendre une
7 décision sage au-delà de tout doute raisonnable.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire entrer le premier
11 témoin.
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il est
13 possible d'avoir une pause maintenant ? Vous savez que nous n'avons pas pu
14 expliquer au témoin comment se présentait la salle d'audience et peut-être
15 je pourrais me concentrer plus durant la pause de bien mener mon
16 interrogatoire principal. Le témoin est arrivé très tard et nous n'avons pu
17 mettre à profit la pause précédente pour lui montrer le prétoire.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Fort bien. Faisons une pause
19 maintenant de 20 minutes.
20 --- L'audience est suspendue à 17 heures 15.
21 --- L'audience est reprise à 17 heures 37.
22 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin de
24 prononcer la déclaration solennelle.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
26 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur. Asseyez-vous.
28 Et Maître Tapuskovic, vous pouvez entamer votre interrogatoire
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1 principal.
2 LE TÉMOIN: STEVAN VELJOVIC [Assermenté]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 Interrogatoire principal par M. Tapuskovic :
5 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous décliner votre
6 identité.
7 R. Je m'appelle Stevan Veljovic.
8 Q. Vous savez que je représente M. Dragomir Milosevic. Vous le savez,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Nous nous sommes rencontrés pour aborder plusieurs points à plusieurs
12 reprises, plus particulièrement lorsque nous parlions de la possibilité que
13 vous veniez témoigner ici, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Pour procéder avec la plus grande efficacité possible, je vais vous
16 demander de parler lentement, d'attendre que j'aie terminé de poser ma
17 question avant d'y répondre, car c'est la seule façon de bien utiliser le
18 temps qui nous est imparti. Vous avez compris ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous avez un écran devant vous, et vous voyez que le curseur s'arrête à
21 un moment donné, c'est à ce moment-là que j'ai terminé ma question ou que
22 vous, vous avez terminé votre réponse. Vous avez compris ?
23 R. Oui.
24 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quand vous êtes né, en
25 quelle année ?
26 R. Je suis né le 29 novembre 1956.
27 Q. Quelle est votre lieu de naissance ?
28 R. Je suis né dans le village de Mislav, à l'endroit où se recoupe les
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1 municipalités de Han Pijesak et Rogatica, même si c'est dans la
2 municipalité de Rogatica. Ceci se trouve dans ce qui était la République de
3 Bosnie-Herzégovine, en RSFY.
4 Q. Quel fût votre parcours scolaire ?
5 R. Je travaille dans le traitement du bois.
6 Q. Quand avez-vous terminé votre formation scolaire ?
7 R. En 1974.
8 Q. Nous allons un peu ralentir.
9 Vous avez parlé de ces études, mais est-ce que vous avez fait
10 d'autres études ?
11 R. Pas dans la vie civile, pas dans une école civile.
12 Q. Si je vous ai posé cette question, c'est parce qu'il est assez
13 important que vous disiez aux Juges de la Chambre si vous avez fait des
14 études militaires.
15 R. J'ai terminé l'école d'infanterie des officiers de réserve à Bileca.
16 J'ai terminé en 1976. Ce cours a duré 15 mois, cette formation s'est faite
17 entre 1976 et mai 1977.
18 Q. Est-ce que vous occupiez un grade dans la structure militaire ?
19 R. Après avoir terminé l'école des officiers de réserve, je suis devenu
20 sous-lieutenant de réserve.
21 Q. Lorsque ce grade vous a été conféré en 1978, qu'est-ce qui le
22 représentait -- attendez que j'aie terminé la question; puis vous pouvez
23 répondre.
24 Monsieur Veljovic, je vous ai demandé ce que ce grade représentait à
25 l'époque lorsque vous avez terminé l'école des officiers de réserve en 1978
26 ?
27 R. Cela voulait dire que je devais rester en tant qu'officier dans les
28 forces de réserve, et je devais rester à la disposition de ce qui était
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1 alors la JNA ou à la disposition de la Défense territoriale. De temps en
2 temps, j'ai été appelé pour des manœuvres ou des exercices.
3 Q. J'aimerais que vous nous donniez d'autres explications. Qu'est-ce que
4 vous avez fait après avoir quitté l'école ?
5 R. J'avais un travail dans le monde civil, correspondant à l'école civile.
6 Q. Excusez-moi, Monsieur Veljovic, n'oubliez pas ce que je vous ai dit à
7 propos du curseur à l'écran. Attendez qu'il se soit arrêté pour commencer à
8 répondre. A partir de 1978, est-ce que vous avez gagné votre vie dans le
9 secteur civil ?
10 R. Oui.
11 Q. Pour ce qui était de vos obligations en tant qu'officier de réserve,
12 qu'est-ce que vous avez dû faire dans ce cadre entre 1978 et le moment où
13 les hostilités ont éclaté en Bosnie-Herzégovine ?
14 R. En vertu de la loi qui était en vigueur, j'avais pour obligation, tous
15 les quatre ans, de participer à des exercices militaires et de suivre des
16 formations supplémentaires si j'étais appelé à le faire par des autorités
17 compétentes.
18 Q. Quel genre d'obligation était-ce, était-ce une obligation militaire ?
19 Ici je ne veux pas vous poser de question directrice.
20 R. Dans notre pays, chaque officier, chaque soldat en état de combattre
21 doit servir dans les forces de réserve.
22 Q. Si vous étiez mobilisés ou appelés tous les quatre ans, pourriez-vous
23 nous dire combien de temps au cours de ces 12 ou 13 ans vous êtes restés
24 dans la JNA ?
25 R. Chaque fois nous restions de sept à 30 jours.
26 Q. Je reviendrai à ce sujet un peu plus tard. Pourriez-vous dire
27 maintenant aux Juges ce qui s'est passé lorsque le conflit a éclaté en 1992
28 en regard de vos obligations citoyennes ?
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1 R. Avant le conflit, en février, les ministères et organes compétents nous
2 ont appelés, nous, les officiers et les soldats de réserve d'origine serbe,
3 mais aussi les Musulmans et les Croates. Nous avons dû nous présenter à nos
4 unités de temps de guerre.
5 Q. Dans ces unités et dans les zones où vous avez effectué des manœuvres,
6 qui étaient les personnes qui étaient censées se
7 présenter ?
8 R. Tous les hommes en âge de combattre, quelle que soit leur appartenance
9 ethnique ou leur nationalité.
10 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges ce que cela donnait en pratique, dans
11 la vie réelle ?
12 R. L'unité dans laquelle j'ai été versée comptait pour la plupart des
13 membres serbes et musulmans. Il y avait un certain nombre de Croates. Pour
14 ce qui est des cadres d'officiers, nous avions aussi des Slovènes, des
15 Albanais notamment.
16 Q. De quelle période parlons-nous ?
17 R. De janvier, février et mars 1992.
18 Q. Est-ce que vous étiez au courant de ce qui se passait dans d'autres
19 parties de l'ex-Yougoslavie à l'époque ?
20 R. Oui.
21 Q. Qu'est-ce qui se passait à ce moment-là ?
22 R. Il y avait un conflit qui opposait la JNA et la Défense territoriale
23 slovène. Je savais également qu'il y avait eu une guerre en Croatie en 1991
24 entre les Serbes et les Croates et aussi la JNA.
25 Q. Lorsque vous avez été mobilisé en 1992, quels étaient vos espoirs, vos
26 attentes en tant qu'officier de réserve ? Qu'est-ce que vous espériez de
27 l'armée qui existait encore à l'époque ?
28 R. Moi-même, mais aussi d'autres officiers de réserve d'appartenances
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1 ethniques différentes, nous pensions qu'il n'y aurait pas de conflit entre
2 les citoyens d'appartenance ethnique serbe, croate et musulmane en Bosnie-
3 Herzégovine.
4 Q. Comment perceviez-vous vos attributions, vos obligations ?
5 R. Avec patriotisme. L'Etat de Yougoslavie existait encore avec toutes ses
6 républiques. C'était un Etat reconnu par les Nations Unies. C'était un Etat
7 membre du groupe des pays non-alignés, en fait, un des pays fondateurs de
8 ce mouvement des non-alignés.
9 Q. Pourriez-vous en quelques mots nous dire ce qui s'est passé à un moment
10 donné ? Je ne veux pas vous souffler des réponses ici. Qu'est-ce qui s'est
11 passé dans cette organisation qui, au départ, était pluriethnique ?
12 R. Jusqu'au mois de mai, la plupart des officiers, la plupart des soldats
13 d'appartenances ethniques différentes étaient restés dans les unités dans
14 lesquelles ils avaient été versés; unités de temps de guerre. Le 3 mai, le
15 commandement de l'armée se retirait de la ville. Et ce faisant, il a été
16 attaqué par quelques formations armées légales qui s'appelaient les Bérets
17 verts ou la Ligue patriotique. Ce qui s'est passé, c'est que beaucoup de
18 soldats ont été tués et les soldats et officiers d'autres appartenances
19 ethniques ont commencé à quitter les unités dans lesquelles ils étaient
20 versés pour rejoindre d'autres formations à eux que je ne connaissais pas.
21 Q. Pouvez-vous dire aux Juges qui étaient les membres de l'armée
22 Yougoslave jusqu'à ce moment-là ? Je parle des gens que vous
23 personnellement vous connaissiez et je pense surtout aux officiers de
24 commandement.
25 R. Le commandement adjoint de ma brigade à l'époque était lieutenant-
26 colonel, aujourd'hui général de brigade dans l'ABiH, Asim Dzambasovic. Dans
27 les services opérationnels et de formation, il y avait le commandant Nehru
28 Ganic, qui est aujourd'hui général dans l'ABiH. Dans le corps d'armée dont
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1 nous faisions partie en tant que brigade, le chef des opérations était
2 Rasim Delic. Il y avait aussi Sefer Halilovic, Hadzihasanovic et d'autres,
3 beaucoup d'autres.
4 Q. Qu'est-ce qui s'est passé au niveau des soldats du rang après cette
5 période dont vous venez de parler ?
6 R. Les soldats du rang d'autres appartenances ethniques ont déposé les
7 armes et sont rentrés chez eux.
8 Q. Vous, qu'est-ce que vous avez fait ?
9 R. Je suis resté dans mon unité.
10 Q. Nous parlons de quel moment précis ?
11 R. Je parle des mois d'avril et de mai 1992.
12 Q. Est-ce que c'était encore l'armée régulière ?
13 R. Oui, c'était l'armée populaire yougoslave jusqu'au 19 mai. Après le 19
14 mai, la JNA a reçu l'ordre de se retirer sur le territoire de la République
15 fédérale de Yougoslavie.
16 Q. Qu'est-ce qui s'est passé après ?
17 R. Pendant que le commandement de l'armée se retirait du secteur de la
18 région de Sarajevo, le 3 mai, nous avions pour mission d'aider les membres
19 de la JNA à évacuer en leur fournissant des véhicules, du carburant et
20 d'autres éléments nécessaires au départ en direction de la Yougoslavie.
21 Q. Qu'est-il advenu ensuite de l'armée populaire yougoslave de JNA ?
22 R. Le commandement de la JNA a été attaqué par des unités paramilitaires,
23 et hormis quelques éléments peu nombreux, ces effectifs ne sont pas
24 parvenus à s'exfiltrer de Sarajevo. Les paramilitaires ont tué alors que
25 les membres de l'armée populaire yougoslave marchaient en colonnes, donc
26 ils ont tué des soldats et des officiers et ils en ont fait beaucoup
27 prisonniers.
28 Q. Qu'est-il advenu de cette JNA une fois qu'elle a tenté de se retirer ?
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1 R. Toutes les unités qui n'étaient pas assiégées ont pris le chemin le 19
2 décembre de la République fédérale yougoslave, mais les unités qui étaient
3 à Sarajevo dans la caserne du maréchal Tito ne sont pas parvenues à sortir
4 de la ville. Or, cette caserne abritait des cadets qui n'étaient pas tous
5 Serbes. Il y en avait qui appartenaient à d'autres groupes ethniques. Ils
6 ne sont pas parvenus à sortir non plus de la caserne Viktor Bubanj. Ils ne
7 sont pas parvenus à sortir de la caserne Djonlic ni de la mosquée Ali
8 Pasin. Ils n'ont réussi à le faire que le 5 juin 1992.
9 Q. Qu'elle a été la situation de ces soldats jusqu'au
10 5 juin 1992 ?
11 R. Ils étaient encerclés de toutes parts, on tirait sur eux. D'ailleurs, à
12 un certain moment il a fallu commencer des pourparlers, des négociations
13 pour organiser leurs sorties des casernes.
14 Q. Quand eux aussi ont réussi à quitter à Sarajevo, que s'est-il passé ?
15 R. Ils ont été dirigés vers la République fédérale yougoslave en colonnes
16 pour poursuivre leur formation. Les soldats aussi. Les seuls pour lesquels
17 cela n'a pas été le cas étaient les soldats et les officiers originaires du
18 territoire de Bosnie-Herzégovine.
19 Q. Y a-t-il eu des officiers nés en Serbie, qui ont tout de même décidé de
20 rester sur place ?
21 R. Oui, mais très peu nombreux.
22 Q. Ceux qui sont restés, sont restés pourquoi ?
23 R. D'après moi, il s'agissait d'hommes qui avaient passé pratiquement
24 toute leur existence en Bosnie-Herzégovine, qui étaient mariés à des
25 personnes originaires de Bosnie-Herzégovine et qui possédaient également du
26 bien, c'est-à-dire une maison et des terres.
27 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre quelle était, de ce
28 point de vue, la situation de l'accusé, le général Dragomir Milosevic ?
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1 R. Le général Dragomir Milosevic était colonel à cette époque-là. Il avait
2 un appartement à Sarajevo. Il était marié à une femme venant de la
3 municipalité de Vogosca à Sarajevo. Il avait une maison de campagne dans le
4 secteur de Mokro dans la municipalité de Pale.
5 Q. Où se trouvait son appartement ?
6 R. Son appartement était dans la ville de Sarajevo, dans un quartier de la
7 ville. Je crois que son quartier s'appelait Socijalno, si je ne me trompe,
8 tout près de la caserne du maréchal Tito, et tout près de la rue principale
9 de Sarajevo, entre la rue Cengic et le pont.
10 Q. Qu'est-il advenu de cet appartement?
11 R. Je ne sais pas vraiment exactement où il se situait, et je ne sais pas
12 plus ce qu'il en est advenu.
13 Q. Sa famille se trouvait où à ce moment-là ?
14 R. Dans leur maison de campagne dans le village de Mokro, municipalité de
15 Pale.
16 Q. Savez-vous ce qu'il est advenu des biens appartenant à d'autres
17 officiers de l'armée populaire yougoslave de la JNA qui, jusque-là,
18 résidaient à Sarajevo ?
19 R. D'après ce que je sais, les appartements de ces officiers, une fois que
20 ces derniers ont quitté la ville, ont été occupés par d'autres personnes et
21 que jamais par la suite, ils n'ont obtenu le droit à la restitution de
22 leurs biens, même s'ils avaient acquitté le prix de ces biens de façon tout
23 à fait régulière au moment où ces biens étaient proposés sur le marché
24 privé.
25 Q. Hormis les officiers, qu'est-il advenu des habitants de Sarajevo, donc
26 des citoyens qui habitaient Sarajevo jusqu'à ce moment-là ?
27 R. Un grand nombre d'habitants d'appartenance ethnique serbe ont quitté la
28 ville de Sarajevo même avant le début des actions de guerre. Lorsque la
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1 guerre a éclaté, ceux qui n'étaient pas encore sur le territoire serbe, ont
2 été capturés, certains ont été emprisonnés et d'autres y compris ont été
3 liquidés physiquement.
4 Q. Mais certains ont-ils tout de même réussi à partir ?
5 R. Oui.
6 Q. Dans quelle condition ?
7 R. Des commissions avaient été créées en Republika Srpska d'une part, et
8 en Bosnie-Herzégovine d'autre part, puisque c'est ainsi que s'appelait
9 cette région. Et puis, il était possible aussi de quitter la ville avec
10 l'aide des Nations Unies. Puis, il y avait des gens qui avaient des
11 relations et probablement après acquittement de certaines sommes, ils sont
12 parvenus à se faire diriger vers des sorties possibles et à atteindre des
13 territoires contrôlés par les Serbes.
14 Q. Est-ce que vous avez quelque connaissance que ce soit de l'existence de
15 formations paramilitaires en 1991 ?
16 R. Nous savions. Notamment, parmi les officiers d'active et de réserve,
17 nous le savions parce qu'on nous en avait informés que le parti politique
18 qui s'appelait le SDA avait commencé à organiser des formations
19 paramilitaires qui ont été baptisées les Bérets verts et la Ligue
20 patriotique. Nous savions que ces formations étaient en train de s'armer,
21 qu'elles subissaient des entraînements et qu'elles étaient en train de se
22 préparer à des attaques armées sur des villages serbes, et sur l'armée
23 populaire yougoslave, et ces entrepôts dans lesquels on trouvait du
24 matériel militaire et tous les équipements nécessaires à une armée.
25 Q. Qu'est-il advenu de ces entrepôts de la JNA ?
26 R. Les entrepôts dont la sécurité était assurée par l'armée populaire
27 yougoslave ont commencé à être attaqués dès le mois d'avril 1992, je parle
28 du bâtiment Faletici qui se trouve au nord-est de Sarajevo, qui abritait
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1 des équipements de l'état-major de la Défense territoriale de la ville de
2 Sarajevo. Selon les renseignements que nous avons reçus, ils se trouvaient
3 là près de 45 000 pièces d'armement à canon long.
4 Q. Que s'est-il passé ?
5 R. Quand les Bérets verts et les membres de la Ligue patriotique ont
6 pénétré dans cet arsenal et ont commencé à emporter les armes qui s'y
7 trouvaient, un accrochage a eu lieu entre les habitants de Faletici, ainsi
8 que de Mrkovici, de Bijoska [phon], et d'un autre village, et les forces
9 paramilitaires musulmanes.
10 Q. Cet affrontement était centré sur quoi ?
11 R. Il est centré sur le fait de décider de qui allaient emporter les armes
12 parce que les membres de la Ligue patriotique et les Bérets verts avaient
13 déjà commencé à emporter des quantités importantes de ces armes, quand les
14 Serbes s'en sont mêlés.
15 Q. Je vous demanderais pour que nous puissions poursuivre dans de bonnes
16 conditions cet interrogatoire principal, de vous tourner vers la carte qui
17 se trouve dans votre dos, et d'essayer de parler tout de même dans le micro
18 qui se trouve devant vous lorsque vous aurez à répondre à des questions
19 concernant cette carte, car dans le cas contraire, vous ne serez pas
20 entendu.
21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je demanderais que la caméra se tourne
22 vers la carte de façon à ce que la carte apparaisse sur les écrans et que
23 je la vois moi-même sur l'écran que j'ai devant moi.
24 Q. Monsieur Veljovic, avez-vous joué le moindre rôle dans la création de
25 cette carte ?
26 R. Oui.
27 Q. Quel a été votre rôle dans la création de cette carte ?
28 R. Moi-même et d'autres officiers avons créé ce document.
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1 Q. Où vous trouviez-vous à ce moment-là ? A quel titre l'avez-vous fait ?
2 R. J'étais responsable des opérations au sein de l'état-major du Corps de
3 Sarajevo-Romanija à l'époque.
4 Q. Pouvez-vous nous préciser la période et indiquer à quel moment vous
5 avez accédé à ces fonctions ?
6 R. J'ai accédé aux fonctions de responsable des opérations au sein du
7 corps d'armée sur la base d'un ordre qui a été émis le 12 décembre 1994.
8 Q. Cet ordre venait de qui ?
9 R. Cet ordre venait du commandant du corps d'armée, le général Dragomir
10 Milosevic.
11 Q. Quand avez-vous pris vos fonctions ?
12 R. J'ai pris mes fonctions le 19 décembre 1994.
13 Q. Pourriez-vous dire à peu près à quel moment cette carte a été créée ?
14 R. Cette carte a été créée en janvier 1995.
15 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges quel est le sens de toutes les
16 annotations que l'on retrouve sur cette carte ?
17 R. Chaque unité d'un niveau supérieur doit avoir ses propres documents. De
18 même, le commandement du Corps de Sarajevo-Romanija devait avoir ses
19 propres documents. Au nombre des documents importants en question figure la
20 carte militaire topographique.
21 Q. Je comprends, mais pourriez-vous maintenant -- quelle a été la mission
22 dont vous avez été chargé à votre arrivée dans vos fonctions s'agissant de
23 cette carte ?
24 R. Au mois de décembre 1994 a été signée une trêve entre l'armée de la
25 Republika Srpska et l'ABiH, une trêve qui devait durer quatre mois. C'est
26 pourquoi au sein de l'état-major, nous avons décidé de rédiger tous les
27 documents nécessaires à la défense de notre zone, c'est-à-dire du secteur
28 où nous étions physiquement.
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1 Q. Je vous ai déjà posé la question, mais pourriez-vous y répondre car
2 vous ne l'avez pas encore fait. Qui vous a ordonné de faire ce travail, et
3 quelle est la signification des annotations que l'on trouve sur la carte en
4 question ?
5 R. C'est le commandant du Grand quartier général de la Republika Srpska
6 qui a approuvé la décision du Corps d'armée de se préparer à la défense,
7 étant donné que les informations recueillies par le service des
8 Renseignements montraient que se préparait une importante offensive de
9 l'ABiH qui devait viser les forces du Corps de Sarajevo-Romanija.
10 Personnellement, j'ai reçu pour mission, mais c'était également le
11 cas pour tous les autres membres du quartier général, donc j'ai reçu pour
12 mission de préparer et rédiger les documents qui devraient servir à la
13 défense de notre région, et au nombre de ces documents se trouvait une
14 carte topographique qui est celle-ci. C'est le chef d'état-major, le
15 colonel Cedomir Sladoje, qui m'a donné cet ordre. Quant à lui, il l'avait
16 sans doute reçu oralement de son supérieur, le général Dragomir Milosevic.
17 Q. J'aimerais que vous expliquiez aux Juges de la Chambre, à présent, la
18 signification des annotations, au moins les plus importantes, que l'on voie
19 sur cette carte. Je vous demanderais, pour commencer, d'expliquer le sens
20 de ces traits de deux couleurs que l'on voie sur la carte.
21 R. Cette carte est une carte topographique d'une armée, et son échelle est
22 au 50 millième, ce qui signifie que tout trait mesurant un centimètre sur
23 cette carte représente dans la nature et sur le sol une longueur de 500
24 mètres. Ce qui figure sur cette carte, c'est le déploiement du Corps de
25 Sarajevo-Romanija que l'on voie en rouge, ainsi que le déploiement des
26 forces du 1er Corps de l'ABiH que l'on voie sur cette carte en bleu.
27 Q. Ces deux tracés correspondent à ce que vous venez de dire, mais en
28 dehors d'indiquer où se trouvait la ligne de contact entre les deux armées,
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1 qu'est-ce qu'indiquent également ces tracés ?
2 R. Ces tracés montrent également quel était le déploiement du point de vue
3 des endroits où se trouvaient les tranchées et les pièces d'artillerie.
4 Q. J'ai souvent regardé cette carte, et ce que je vois c'est que le tracé
5 est interrompu. Alors, pourquoi est-il interrompu à certains endroits ?
6 R. Lorsque le tracé est interrompu à certains endroits, cela signifie que
7 des tranchées -- puisque sur toute cette longueur les tranchées ne se
8 suivaient de façon continue. Donc, lorsque le tracé est interrompu cela
9 signifie qu'il y avait interruption de la ligne de tranchée. Autrement dit,
10 sur toute la longueur du front, il n'y avait pas à tout moment, en tout
11 lieu, un soldat de l'ABiH; et à côté de lui un soldat du Corps de Sarajevo-
12 Romanija parce que le front était très long. Du point de vue des effectifs
13 le Corps de Sarajevo-Romanija avait quatre fois moins d'hommes que le 1er
14 Corps de l'ABiH. Le 1er Corps de l'ABiH avait environ 78 000 hommes.
15 Q. Excusez-moi, mais vous avez dit le Corps de Sarajevo- Romanija --
16 R. Non, non, le 1er Corps de l'ABiH, parce que le Corps de Sarajevo-
17 Romanija avait quatre fois moins d'hommes. Il ne comptait que 18 000
18 soldats et officiers, ce qui montre bien que le rapport des forces était de
19 1 à 4 à l'avantage du 1er Corps de l'ABiH.
20 Q. Quelle était la longueur de ce tracé que l'on voit d'un côté dans une
21 couleur et de l'autre côté d'une autre couleur sur la carte ?
22 R. Une carte topographique, lorsqu'elle est établie par un professionnel,
23 commence en un point qui est un point zéro, le zéro impliquant que le
24 terrain est plat. Mais la Bosnie-Herzégovine est un terrain très montagneux
25 avec aussi de nombreuses collines. La longueur du front que vous voyez ici
26 était de 245 à 250 kilomètres pour les uns et pour les autres.
27 Q. Quel est le sens de ce chiffre par rapport au nombre de soldats dont
28 disposait l'une et l'autre des deux parties belligérantes ? Quelle était la
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1 situation au niveau de ligne de contact dont vous avez déjà parlé ?
2 R. Afin de couvrir toute la longueur du front, les effectifs nécessaires,
3 d'après les critères militaires, auraient été de
4 100 000 hommes si l'on voulait que le déploiement soit fait dans des
5 conditions habituelles du point de vue de l'aptitude au combat.
6 Q. Alors qu'en réalité les effectifs présents étaient de combien ?
7 R. Les effectifs présents étaient de 18 000 soldats pour le Corps de
8 Sarajevo-Romanija, et du côté musulman, c'est-à-dire du côté du 1er Corps de
9 l'ABiH, ces effectifs étaient de 78 000 hommes pour couvrir tout ce
10 terrain.
11 Q. Quel autre sens peut-on trouver à cette carte au niveau de la ligne de
12 contact eu égard aux caractéristiques topographiques ?
13 R. Ce que je considère comme caractéristiques, ce sont les éléments qui
14 suivent. Le fait que la ville de Sarajevo est entourée par un grand nombre
15 de montagnes dont certaines ont une très grande altitude. Je parle de
16 Trebevic, Jahorina, Igman et Ozren ainsi que - Ozren dont les pentes vont
17 dans la direction de la Romanija.
18 Si nous regardons la ligne de contact ici à Igman, nous voyons que
19 les forces musulmanes dominaient, car elles occupaient des positions
20 situées en hauteur par rapport à l'endroit où étaient déployés les hommes
21 du Corps de Sarajevo-Romanija.
22 Q. Si nous nous dirigeons vers la zone urbaine ?
23 Q. S'agissant de la zone urbaine dans la région de Hrasnica qui était sous
24 contrôle musulman ainsi que dans la région du village de Vojkovici, qui
25 faisait partie de Vukovica, ils occupaient également des positions en
26 altitude. A 1 ou 2 mètres de l'endroit où ces rivières confluent vers la
27 Bosna. Si nous parlons du quartier appelé Dobrinja, on trouve Mojmilo, qui
28 surplombe Dobrinja jusqu'à Lukavica et Vraca. A cet endroit les forces du
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1 1er Corps de l'ABiH occupaient des positions dominantes. Elles étaient
2 positionnées dans des lieux situés à 150 mètres au-dessus de Lukavica et
3 des autres quartiers peuplés que tenaient les Serbes, à savoir Grbavica.
4 Si nous nous dirigeons vers la ville, nous voyons que notre position
5 est plus ou moins la même du point de vue de l'altitude, parce que nous
6 sommes tout près de la Miljacka. A cet endroit-là les deux parties
7 belligérantes étant près de la rivière étaient à peu près à la même
8 altitude. Ici vous avez la colline de Debelo Brdo, qui est un point
9 important tenu par les forces musulmanes.
10 Il y avait là des tirs croisés, et on tirait sur Grbavica et Vrace, à
11 partir de Mojmilo et de Debelo Brdo la ligne se poursuit.
12 Ensuite vers la montagne Trebevic, qui est une zone couverte de
13 forêt. Donc les forces du Corps de Sarajevo-Romanija étaient à cet endroit-
14 là en position dominante, mais il y avait des arbres au feuillage
15 persistant, qui avaient 10 à 20 mètres de haut, donc à partir de Trebevic
16 on ne pouvait pas voir la ville. On ne pouvait la voir qu'à partir de
17 l'endroit où se trouve le funiculaire, parce qu'à cet endroit-là il y
18 avait, sur une largeur de 70 mètres à peu près, des positions à partir
19 desquelles on voyait le centre de la ville.
20 Tant qu'à Trebevic, ce secteur couvert de forêt notre altitude y
21 était un peu moindre. Mais on ne voyait pas grand-chose en raison de la
22 forêt qui nous séparait de l'ABiH. Dans ce secteur, il y a la route qui va
23 à Pale où les forces musulmanes occupaient des positions dominantes sur la
24 colline de Kapa et Dzolac. Et ici --
25 Q. Je vous en prie, je vous en prie, Monsieur Veljovic, pourriez-vous vous
26 pencher sur la pièce D100 et comparer ce que dit ce document à ce que vous
27 êtes en train de dire en ce moment. C'est un document qui déjà été versé au
28 dossier de l'affaire par la Défense il y a quelque temps.
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1 Vous allez le voir à l'écran. Et avant de reprendre vos explications,
2 regardez ce document et dites-nous si ce que vous nous avez dit correspond
3 bien au document ?
4 R. Pourriez-vous agrandir ce qui est à l'écran, s'il vous plaît ? Merci.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le document que nous avons à l'écran
6 est le planning des audiences. Je pense qu'il y a une erreur.
7 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pour nous, ce n'est pas encore beau.
10 Malheureusement, nous ne l'avons pas encore sur nos écrans.
11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il a une traduction.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, agrandir ce
13 que je vois à l'écran.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais demander à l'Accusation
15 si elle a bien le document en question sur son écran ?
16 M. WAESPI : [interprétation] Non, je n'ai rien.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous l'avons à l'écran, vous pouvez
18 poursuivre.
19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] En effet, nous l'avons.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Pouvez-vous, s'il vous plaît, agrandir le
21 document ?
22 Je n'arrive pas à voir la page entière affichée à l'écran.
23 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que les deux versions soient
24 affichées à l'écran, s'il vous plaît.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'arrive à lire maintenant.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas la version anglaise
27 à l'écran.
28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Elle était là pourtant il y a une seconde.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, poursuivez.
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder ce
4 document et nous l'analyser ? Nous donner vos commentaires par rapport à
5 tout ce que vous avez dit précédemment avant de reprendre l'interrogatoire.
6 R. Très bien.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je préfère que vous posiez des
8 questions bien précises au témoin plutôt que de lui demander de commenter.
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Très bien.
10 Q. Monsieur le Témoin, vous nous aviez expliqué sur la carte les éléments
11 topographiques qui y figuraient. Ce que vous avez dit correspond-il à ce
12 qui est écrit sur ce document ? J'aimerais avoir cette réponse avant que
13 vous ne puissiez nous expliquer la carte plus avant.
14 R. Oui.
15 Q. Voyez-vous ce dont qu'il est question sur ce document et pouvez-vous
16 nous l'exprimer ?
17 R. Je vais vous expliquer. Tous les points essentiels, Grdonj, Borija,
18 Colina Kapa, Debelo Brdo, Mojmilo, Azici, Stupsko Brdo, Vis, Zuc, la
19 faculté de la circulation et du transport, doivent être équipés de
20 communication filaire des deux côtés.
21 "Des communications filaires par câble doivent être enfouies dans le
22 terrain ou doivent être alignées, doivent être prolongées entre deux
23 tranchées en enfilade (tout dépend, bien sûr, du câble et du terrain). Et
24 le cas échéant, il est possible de creuser entre deux tranchées en
25 enfilade. Pour mettre en œuvre les paragraphes 1 et 2, les chefs des
26 communications devront envoyer les listes précises des équipements
27 nécessaires pour effectuer ce travail," et cetera, et cetera.
28 Signé "chef d'état-major colonel Rizvo Pleh." La lettre montre bien
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1 qu'il s'agit que ceci émane de l'ABiH, commandant de la
2 12e Division de l'armée. Ceci montre bien que c'est eux qui tiennent tous
3 les points essentiels.
4 Q. Mais qui ?
5 R. L'ABiH. C'est ce que dit ce document.
6 Q. Pouvez-vous continuer où vous en étiez ?
7 R. Oui. Je vais vous expliquer. Grdonj, Borija, Colina Kapa, Debelo Brdo.
8 Ici, vous avez quand même Zuc, qui vous donne une très bonne vue vers
9 Rajlovac et Vogosca. C'est un point absolument essentiel qui contrôle toute
10 la zone qui se trouve sur le front sud- ouest, dans cette zone urbaine.
11 Q. Ces collines qui se trouvent au nord, donc plus particulièrement au
12 nord, pouvez-vous nous dire si vous avez connaissance d'une seule de ces
13 collines qui aurait été tenue par l'armée de Republika Srpska ?
14 R. Du côté nord ou nord-ouest, il n'y avait pas le moindre point qui était
15 contrôlé par l'armée Republika Srpska, du moins par le Corps de Sarajevo-
16 Romanija.
17 Q. Pouvez-vous maintenant expliquer aux Juges ce qui s'est passé au niveau
18 de Spicasta Stijena ?
19 R. Oui. Spicasta Stijena se trouve ici. Au-dessus des lotissements de
20 Breka et Sedrenik vers un village. Ici, de Spicasta Stijena vers Borija on
21 a une forêt avec des sapins. Ils ne sont pas très hauts, alors que les
22 collines comme Grdonj ou Pasino Brdo étaient tenues par le 1er Corps. Depuis
23 la zone boisée et depuis la hauteur, les forces du Corps de Sarajevo-
24 Romanija, on ne voyait pas du tout ni les quartiers habités ni la ville,
25 mis à part cet endroit-ci à Spicasta Stijena; ce n'est que de là qu'ils
26 pouvaient voir Kosovo et Polje, alors qu'ailleurs, sur cette colline ils
27 n'avaient aucune visibilité sur la ville.
28 Q. Nous en reviendrons. Maintenant pour ce qui est du nord et des hauteurs
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1 qui sont sur le nord - cela nous l'avons vu, le nord - pouvez-vous
2 maintenant nous parler un petit peu de l'ouest ?
3 R. Oui, à l'ouest il y a Zuc, Hum et Zuc, donc il y a deux hauteurs. Sur
4 ces hauteurs se trouvaient les unités de 1er Corps de l'ABiH qui
5 contrôlaient la zone et qui surplombaient nos forces puisque nous étions
6 bien en dessous. Nous étions à 150 ou 200 mètres en dessous, et de là où
7 nous étions on ne voyait absolument pas Sarajevo.
8 Q. Poursuivez.
9 R. Oui, on passe à Rajlovac et Ilidza. Vous avez ici le chemin de fer où
10 là les choses étaient plus ou moins équilibrées, parce que des deux côtés
11 des confrontations on avait une bonne vue sur le camp l'un de l'autre. Ici,
12 tout cet endroit qui va jusqu'à Nedzarici et la rue Kasindolska et à
13 l'aéroport était un endroit où les forces étaient équilibrées, mis à part
14 dans un quartier de Nedzarici. Mojmilo est plus haut et il y avait des
15 activités depuis cette élévation vers Lukavica et Dobrinja, puisque c'était
16 Mojmilo qui était la hauteur la plus importante dans ce quartier.
17 Q. Oui. Après ces explications, pouvez-vous nous dire d'où, quels
18 emplacements était tenus par le Romanija-Sarajevo Corps, mais en
19 surplombant les autres ?
20 R. Les unités du Corps de Romanija-Sarajevo dominaient Trebevic par ici,
21 mais malheureusement, c'est un endroit boisé, donc on n'a pas de vue
22 dégagée sur la ville. Les unités de l'ABiH, le
23 1er Corps était aussi dans la forêt, dans les bois. Mais là, nous les
24 surplombions d'environ 20 à 50 mètres.
25 Q. Quelle est la distance qui séparait les positions, s'il vous plaît,
26 entre ces lignes rouges et bleues ? Pouvez-vous nous dire la distance, par
27 exemple, à Trebevic, là où vous étiez le plus haut à la côte, Trebevic et
28 Colina Kapa ?
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1 R. Vous avez Colina Kapa. Cela fait environ 1 500 mètres. Je pense que
2 votre réponse est entre 800 et 1 200 mètres. Je ne peux pas être vraiment
3 très précis, parce que je n'ai rien pour mesurer. Ils n'avaient pas
4 vraiment souvent une portée pour poser leurs pièces, et en plus ils ne
5 voyaient rien; en plus ils ne pouvaient pas les utiliser.
6 Q. Quelle est la distance approximative entre Colina Kapa et, par exemple,
7 Marin Dvor ?
8 R. Vous me demandez entre Colina Kapa et Marin Dvor ?
9 Q. Oui.
10 R. Très bien. De Colina Kapa à Marin Dvor, à vol d'oiseau, il y avait à
11 peu près 4 kilomètres.
12 Q. Merci. Quelle est la distance entre Zlatiste et Debelo
13 Brdo ?
14 R. Ici, vous avez Debelo Brdo, et ici Zlatiste.
15 Q. S'il vous plaît, en vous basant sur la carte, pouvez-vous nous dire qui
16 contrôlait Debelo Brdo ?
17 R. Sur la carte et les documents signés par le commandant de la 2e
18 Division, c'étaient les unités de la 2e Division justement qui faisaient
19 partie du 1er Corps de l'ABiH. C'est écrit dans le document d'ailleurs.
20 Q. Comparé à Debelo Brdo, où se trouve Zlatiste ?
21 R. Zlatiste est à 300 ou 400 mètres de Debelo Brdo.
22 Q. Quelle est la différence en altitude entre ces deux
23 points ?
24 R. Ici, ce point, le point de Debelo Brdo, il a une forme telle, que
25 depuis Zlatiste il n'est pas possible de voir grand-chose, en tout cas de
26 cette partie-ci de la ville; mais il est possible de voir l'autre partie de
27 la ville qui est sur l'autre rive de la rivière Miljacka. La distance, je
28 dirais, à vol d'oiseau
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1 1 500 mètres, voire 2 000 mètres, ça dépend de la configuration du terrain.
2 Parce que, évidemment, une carte c'est plat. Vous n'avez aucune différence
3 topographique ici, mais si on tient compte du relief du terrain, là, la
4 distance est bien plus grande.
5 Q. Merci. Si vous examinez la totalité de la ligne que vous mentionnée et
6 si on la suit cette ligne, quelle est ou quels sont les seuls points dont
7 on peut dire que là c'était le corps ou les unités du Corps de Romanija-
8 Sarajevo qui dominaient ?
9 R. C'est uniquement dans la zone de Trebevic qui est boisée, et comme il y
10 a des forêts il n'est pas possible d'avoir des tirs sur les positions de
11 l'ABiH.
12 Q. Est-ce que l'ABiH aurait pu tirer de façon efficace puisqu'elle se
13 trouvait aussi en terrain boisé ?
14 R. Non.
15 Q. Une explication, s'il vous plaît.
16 R. C'est difficile de tirer dans les arbres, dans les bois. Pas possible
17 de prendre une cible précise, de cibler des hommes, le personnel. Vous en
18 êtes empêché par les arbres.
19 Q. [aucune interprétation]
20 R. A la période concernée il n'y a pas eu de modifications des positions.
21 Cela n'a pas changé ces positions. A partir de 1992 c'étaient les mêmes
22 jusqu'à la fin de la guerre.
23 Q. Oui, je vois.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les
25 Juges, je vais écourter mon interrogatoire demain. Est-ce qu'il est
26 possible de faire la pause maintenant, de suspendre l'audience, car je suis
27 épuisé. Je vais rattraper le temps perdu demain, je vous le promets, enfin
28 lundi.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous savez que nous n'allons
2 pas reprendre demain, nous allons reprendre l'audience le 29, mardi. Parce
3 que nous avons un jour férié lundi.
4 Nous pourrions faire la pause maintenant, effectivement.
5 Effectivement, nous allons suspendre l'audience maintenant, elle reprendra
6 --
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'audience reprendra à
9 9 heures du matin le mardi 29, dans la salle d'audience numéro II.
10 L'audience est levée.
11 --- L'audience est levée à 18 heures 54 et reprendra le mardi 29 mai 2007,
12 à 9 heures 00.
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