Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 19 juin 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cet après-midi nous allons commencer

6 par une brève discussion, ce que je considère être une question importante,

7 et en l'espèce nous allons traiter de la recevabilité de certains éléments

8 de preuve émis par la Défense et que la Défense continuera certainement à

9 vouloir soumettre. J'en ai décidé comme suit : après avoir introduit le

10 sujet, j'invite la Défense et l'Accusation à s'exprimer sur le point.

11 L'acte d'accusation déclare que l'accusé, en tant que commandant des forces

12 serbes de Bosnie, a mené une campagne de pilonnage et de tirs embusqués sur

13 des hommes civils et sur la population civile à Sarajevo. A travers ces

14 actes d'accusation, l'accusé inculpé de crimes de terreur, violation des

15 lois ou coutumes de guerre, meurtres, crimes contre l'humanité, génocide,

16 attaques illégales contre des civils et encore une fois violation des lois

17 ou coutumes de guerre.

18 Nous avons 13 témoins qui sont témoins de la Défense. Certains d'entre eux

19 ont témoigné qui, s'il y a valeur probante, établirait que l'ABiH a commis

20 des actes de violence à l'encontre des Serbes de Bosnie qui ont mené à des

21 souffrances en la personne des Serbes de Bosnie et qui ont contribué à

22 créer un état général de crainte. La question est de savoir si ces éléments

23 de preuve sont recevables. Ces éléments de preuve sont recevables s'ils

24 sont pertinents et ont valeur probante. Donc la première question est de

25 connaître de leur pertinence.

26 Cet élément de preuve apparaît à répondre aux accusations portées contre

27 l'accusé en disant que l'ABiH a également commis des actes de violence qui

28 ont donné lieu à des crimes contre les Serbes de Bosnie.

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1 Même si je ne suis pas enclin d'utiliser l'expression latine "tu quoque,"

2 parce que je ne la trouve pas nécessairement utile - mais de dire tout

3 simplement que les éléments de preuve tu quoque ne sont pas admissibles.

4 Cette expression tend à porter ombrage, ou plutôt à cacher la question

5 réelle qui est de savoir si un élément de preuve est recevable. De tels

6 éléments de preuve sont considérés comme recevables s'ils ne sont pas

7 pertinents, et donc la pertinence est la base même de leur recevabilité.

8 Quand je parle de "pertinence" je veux parler d'un élément de preuve qui

9 prouve soit la culpabilité, soit l'innocence du ou des accusés ou d'un

10 élément plus précis dans l'affaire. Il est clairement reconnu que les

11 concepts de pertinence et de valeur probante se recoupent. Voyez, par

12 exemple, Cross, qui est un auteur reconnu pour ce qui est de la pertinence.

13 Lui, dit qu'un fait n'est pas pertinent à notre affaire ou une affaire s'il

14 n'a pas de valeur probante quant à cette dernière.

15 Si on applique cela au problème auquel nous sommes confrontés, les éléments

16 de preuve apportés par ces témoins sont dès lors recevables s'ils aident

17 les Juges de la Chambre à établir la question générale de la culpabilité ou

18 de l'innocence de l'accusé ou d'un point plus particulier dans l'affaire.

19 J'aimerais rappeler à tout le monde que ce que nous avons ici c'est un

20 Tribunal de droit et pas un cours universitaire en histoire ou sociologie

21 des conflits à Sarajevo.

22 La question est importante, parce que si les Juges de la Chambre ne sont

23 pas satisfaits de la pertinence de ce type d'élément de preuve, alors ces

24 éléments de preuve doivent être exclus et cela voudrait dire exclure les

25 éléments de preuve d'un témoin entièrement ou en partie. Donc, au vu de ce

26 cadre général, j'invite tout d'abord la Défense, Me Tapuskovic, à formuler

27 quelques brefs commentaires, en gardant à l'esprit les questions que je

28 vous ai posées portant sur les éléments de preuve de certains témoins que

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1 nous avons déjà entendus.

2 Maître Tapuskovic.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Messieurs

4 les Juges. J'ai bien compris le cadre général que vous avez établi

5 concernant la portée de mes réponses à la proposition que vous avez

6 exprimée et j'essaierai de faire de mon mieux pour m'y conformer très

7 rapidement.

8 Vous savez très bien que dès l'affaire de notre mémoire préalable au

9 procès, nous avons fait état de notre position de base dans la mesure

10 nécessaire. Nous n'avons jamais contesté le fait que tous les droits

11 humanitaires internationaux sont applicables à n'importe quel conflit de

12 guerre. Cependant, nous avons contesté des éléments essentiels de l'acte

13 d'accusation malgré le fait qu'un jugement ait été donné auparavant. Nous

14 pensions dès le début qu'il serait nécessaire pour nous de faire référence

15 à l'époque et aux circonstances qui établissent le cadre général de tous

16 les actes mentionnés dans les chefs d'accusation.

17 Tout d'abord, nous sommes conscients que nous avons dû traiter d'éléments

18 par lesquels une campagne d'attaque sur les civils et bâtiments civils

19 étaient mentionnés dans l'acte d'accusation. Je peux vous dire

20 immédiatement qu'il serait difficile pour la Défense d'apporter un seul

21 témoin qui fut témoin oculaire des événements sur lesquels est basé l'acte

22 d'accusation à l'encontre de Dragomir Milosevic. Nous serions peut-être en

23 mesure d'amener ou de faire comparaître un témoin qui pourrait s'exprimer

24 sur un incident. A notre avis, nous n'avons même pas besoin de témoins

25 experts, mais néanmoins, nous allons les faire comparaître ici pour traiter

26 de certains aspects des éléments de preuve apportés par l'Accusation pour

27 traiter des cas exemplaires qui étaient censés confirmer les faits établis

28 dans l'acte d'accusation et ses annexes.

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1 Nous croyons, avec tout le respect pour les Juges de la Chambre, que de

2 tels éléments qui sont représentatifs et basés sur les éléments de preuve

3 amenés par l'Accusation ne prouve pas la culpabilité de l'accusé au-delà

4 d'un certain niveau de doute. Et nous croyons que même maintenant nous

5 pouvons évaluer cela même sans un seul élément de preuve dont la valeur

6 probante jugée par les Juges de la Chambre. Puisque nous croyons que nous

7 devons traiter des questions qui sont traitées dans l'appel en accusation;

8 même si nous ne connaissons pas le cadre général des événements dont nous

9 devons traiter au-delà de la portée de l'acte d'accusation.

10 Jusqu'à présent, nous ne savons pas dans quelle mesure les faits

11 jugés porteront sur l'affaire précédente, et nous nous trouvons devant le

12 problème insurmontable qui est de choisir les témoins amenés ici, parce que

13 nous manquons de témoins qui étaient là au moment donné et aux lieux où se

14 sont produits les incidents qui sont mentionnés dans l'acte d'accusation.

15 Nous avons établi une liste réduite de témoins et de documents qui

16 devraient être introduits par ce témoin de forme écrite, qui n'ont pas été

17 versés au dossier dans l'affaire Galic. Ici, je veux principalement

18 mentionner les éléments de preuve écrits sur les activités de l'ABiH. Nous

19 ne pouvons rien faire d'autre que de voir avec chacune des municipalités de

20 Sarajevo et aller bien au-delà de ce qu'il y avait à Stari Grad, pour être

21 en mesure d'amener peut-être deux témoins par municipalité pour pouvoir

22 vous dire ce qui s'est passé à l'époque puisqu'il n'y a pas d'autres

23 témoins. Les seuls témoins sont les gens qui étaient là à l'époque et

24 c'étaient des gens qui ont pris les armes pour défendre leurs propres

25 maisons. Il n'y avait pas de gens oisifs qui se promenaient dans les

26 collines en portant des armes et faisant les choses dont les crimes dont

27 est accusé l'accusé.

28 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si nous examinons le

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1 point 5 de l'Accusation, c'est la partie, Monsieur le Président, qui

2 commençait par votre remarque introductive aujourd'hui. Et sous le point 5

3 il y est dit qu'il y a eu une campagne de tirs embusqués et de pilonnage

4 sur la population civile de Sarajevo.

5 Sous le point 7 il est dit que les forces serbes avaient une vue

6 dominante sur la ville et un contrôle de la ville, et qu'ils étaient dans

7 une position qui leur permettait de terroriser la population civile de

8 Sarajevo.

9 Sous le point 13, encore une fois, on mentionne la population civile

10 de Sarajevo.

11 Sous le point 14, les attaques des civils de Sarajevo étaient censées être

12 délibérées, et cetera, et cetera.

13 Point 16, on parle d'attaques sur les civils.

14 Au point 18, les tirs embusqués et le pilonnage à l'encontre des civils.

15 Disons que la vie de pratiquement tous les habitants de Sarajevo est

16 devenue un calvaire, et cetera, et cetera.

17 Et en continuant. Sous chaque chef d'accusation il est mentionné la

18 population civile et les zones civiles. Ceci continue jusqu'à la fin et, en

19 fait, à la fin on mentionne "le conflit." C'est seulement à cette étape de

20 la procédure et après tous les éléments de preuve que nous avons vus, que

21 mes éminents confrères de l'Accusation disent qu'on ne discute pas le fait

22 qu'il y avait des activités de combat et qu'on ne remet pas en question le

23 fait qu'il y avait beaucoup de souffrances de part et d'autre. On mentionne

24 cela seulement maintenant. Cependant, dans l'acte d'accusation, toute la

25 situation est traitée comme s'il y avait rien que des civils qui étaient la

26 seule cible de ceux qui tiraient.

27 Tout l'acte d'accusation est établi d'une certaine manière pour démontrer

28 qu'il y avait un cadre civil non protégé qui ne comprenait que des civils.

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1 Ceci aurait été un des crimes les plus graves dont on n'aurait jamais parlé

2 si cela avait été le cas. Il aurait été comparable aux grands sièges des

3 villes, grands sièges des villes à travers toute l'histoire. Cependant,

4 nous sommes liés par les circonstances et la période sur laquelle porte

5 l'acte d'accusation.

6 En tant que conseil de la Défense, c'est mon seul rôle, d'ailleurs, mon

7 rôle est tout d'abord de traiter avec le problème de la localisation de

8 Sarajevo, c'est-à-dire comment est Sarajevo. C'est une vieille ville. Est-

9 ce que Sarajevo comprend seulement la vieille ville ou est-ce qu'elle

10 comprend également Grbavica, Hrasno, Nedzarici et Dobrinja ? Est-ce que

11 Sarajevo comprend seulement Hrasnica ou est-ce que Sarajevo comprend

12 également Ilidza, Ilijas, Rajlovac et Vogosca ?

13 Pour conclure -- ou plutôt, pas de conclure puisque je suis encore au

14 début. Sous le point 7 - et c'est la raison pour laquelle nous avons amené

15 certains témoins ici - je pense qu'il est apparu clairement pour la Défense

16 ou la présentation des arguments de l'Accusation, c'est que le point 7

17 insiste sur le fait que la ville était assiégée et exposée à des attaques

18 par des tireurs embusqués et de l'artillerie, et que les tirs venaient

19 surtout des collines autour de Sarajevo d'où l'attaquant avait une vue ou

20 une vision très claire de la ville de Sarajevo et de sa population.

21 Même au cours de la présentation des moyens à charge dans l'affaire -- et

22 par réalisation des documents incontestables et des témoignages de témoins,

23 il a été démontré que Mojmilo "hill," Strpsko Brdo, et cetera, Debelo Brdo,

24 en fait, étaient détenus par des forces musulmanes. Donc, dès lors, cette

25 hypothèse très importante de la présentation des moyens à charge de

26 l'Accusation a pu survivre à travers l'affaire Galic, et je crois devrait

27 être remise en perspective.

28 Il faut voir si des forces de la VRS se trouvaient effectivement à

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1 Spicasta Stijena, Trbevic et Zlatiste ainsi que le cimetière juif, puisque

2 celles-ci ou ceci était les seuls endroits à partir desquels les forces

3 serbes pouvaient agir. Cependant, ils n'avaient pas assez de portée, leurs

4 armes n'avaient pas la portée suffisante pour atteindre la ville. Ce qui

5 laisse Metalka comme le seul lieu à partir duquel les Serbes ont tiré

6 pendant toute la guerre.

7 Les témoins que nous avons amenés venaient de ces endroits-là et ont pu

8 nous montrer ou nous dire si on pouvait faire des tirs embusqués à partir

9 de là et s'ils pouvaient avoir ou faire le feu à partir de certaines

10 collines. Ensuite c'est à vous de décider.

11 Ce que nous pensons est extrêmement important et la nature même de

12 différents quartiers de la ville. On ne peut pas savoir qui était dans une

13 situation un peu difficile de la vieille ville Nedzarici, Grbavica, Hrasno,

14 ou Ilijas ou Ilidza ou Vogosca. Tous ces sous-ensembles de la ville,

15 quartiers de la ville étaient disposés de telle sorte que chaque partie

16 avait des difficultés propres. Et tout ceci doit être remis dans la

17 perspective de l'acte d'accusation et de la période couverte par celui-ci,

18 c'est-à-dire d'août à décembre 1994, ensuite de décembre 1994 jusqu'en mai,

19 juin 1995, ensuite jusqu'à la fin de la guerre.

20 Ayant pris en considération tout cela, nous devons nous reporter aux

21 périodes susdites et voir qui aurait été en mesure de décider d'arrêter la

22 souffrance de tous les habitants de Sarajevo. On ne peut pas faire de

23 différence entre ceux qui se trouvaient à Lukavica ou ceux qui étaient dans

24 la vieille ville ou à Hrasnica par rapport à Ilidza, et aussi à Grbavica,

25 par rapport à ceux de Ilijas. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'on peut

26 évaluer la déclaration faite par l'Accusation selon laquelle leur seul

27 objectif était de terroriser les civils alors, qu'à notre avis, la

28 situation à l'époque était telle que la souffrance des civils de part et

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1 d'autre était inévitable.

2 Si nous utilisons le principe tu quoque, nous devons traiter d'un

3 nombre incommensurable de victimes civiles à Sarajevo, des victimes causées

4 par des gens qui n'avaient aucun égard pour ni le nombre ni le type de

5 victimes. Il y avait un souhait de la part de la VRS de ne pas permettre à

6 la population de souffrir le même destin que celui souffert par les

7 citoyens de Sarajevo.

8 Je comprends votre question, mais pour ce qui est de l'importance de

9 ceci et en particulier pendant la guerre il était très important de garder

10 ses positions et ne rien faire d'autre, indépendamment de certains ou

11 plusieurs autres aspects que j'ai mentionnés tels que l'histoire, la

12 stratégie et tout le reste, même si certains de ces aspects étaient déjà

13 présents au début de la guerre.

14 Dans de telles circonstances, nous sommes seulement en mesure de

15 faire comparaître des témoins qui peuvent témoigner de la vie quotidienne

16 des gens dans n'importe quel quartier de Sarajevo.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends que vous dites

18 que l'objectif principal n'était pas de terroriser les civils. Vous avez

19 dit "seul objectif," mais je crois que vous devriez dire "principal," et

20 pas "seul," parce que objectif "principal" est l'adjectif utilisé dans

21 l'acte d'accusation. L'objectif principal n'était pas de terroriser les

22 civils et que la souffrance était impossible à empêcher parmi les civils.

23 Alors le Procureur pourrait alors dire : Mais qu'en est-il des éléments de

24 preuve de personnes qui ont tenu des positions dans le bâtiment Metalka et

25 qui ont tiré sur des civils causant des blessures ou même la mort de ceux-

26 là ? Il pourrait alors poser la question de savoir si ceci suffit ou non

27 comme élément de preuve de l'intention de l'accusé d'infliger la terreur.

28 Encore une fois, nous ne sommes pas au stage de la plaidoirie

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1 réquisitoire, je suis simplement en train de vous sonder.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président Robinson, comme je

3 l'ai dit auparavant, évidemment ceci n'est pas notre plaidoirie, mais c'est

4 notre avis que par un seul incident qui est censé être représentatif ou un

5 exemple représentatif de ce qui s'est passé ne peut être prouvé. Bien

6 évidemment, nous pourrons discuter des nuances qui doivent être déterminées

7 et à un certain stade, vont être en mesure de déterminer si certaines

8 circonstances auraient pu être prévisibles et dès lors empêcher ou éviter.

9 Nous pensons que sur base de cela les choses qui, à nous de le prouver, il

10 s'agit précisément du bâtiment Metalka qui n'a pas fait l'objet de preuves

11 de quelque nature ainsi que les autres incidents couverts par l'acte

12 d'accusation. Nous allons essayer de prouver, ou plutôt, nous allons

13 essayer de vous demander d'évaluer cela basé sur les éléments de preuve

14 amenés jusqu'à présent.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Bien, oui. Ne développez pas.

16 Je comprends votre position. Vous êtes en train de dire que les éléments de

17 preuve amenés par l'Accusation n'ont pas établi ni le pilonnage ni les tirs

18 embusqués des forces serbes sur les civils.

19 Il y a quoi que ce soit d'autre que vous voulez dire ? Dans ce cas, nous

20 allons entendre ce qu'a à dire l'Accusation.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien, ce que je pourrais dire pour

22 conclure c'est que si le Procureur croit vraiment qu'il n'est pas contesté,

23 qu'il y avait des combats et que tous en ont souffert, ce qu'il reste c'est

24 d'écouter ce que nous avons pour entendre ce qu'ont à dire les gens qui

25 vivaient dans les vieilles villes et ailleurs.

26 Nous n'allons pas amener de nombreux témoins. Simplement pour vous

27 permettre de voir comment se sont passées les choses. Nous ne contestons

28 pas que les circonstances de guerre mènent à ce qui s'est passé, mais nous

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1 insistons sur le moment auquel se sont produits ces événements couverts par

2 l'acte d'accusation, et au cours de la période auquel cas de laquelle

3 Dragomir Milosevic était commandant. Bien sûr, tout ceci doit est quelque

4 chose que nous devons voir et examiner quand il faut décider des faits à

5 juger. Nous sommes profondément convaincus, comme je l'ai dit, que les

6 faits ne peuvent pas être transférés à une époque qui n'a rien à voir avec

7 les faits, et nous sommes dès lors forcés à travers nos témoins à vous

8 indiquer des éléments de cadre général qui appartiennent ou qui étaient en

9 place dès le début du conflit, et qui ont posé les événements qui ont

10 suivi.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, mes collègues m'ont

14 dit que ce que je dis et ce qu'il y avait dans le compte rendu ne

15 correspondait absolument pas. La page 8, lignes 6 à 10. Nous pourrions

16 peut-être écouter ceci une nouvelle fois, ensuite que ce soit retraduit,

17 s'il vous plaît, parce que ceci n'a rien à voir avec ce que j'ai dit.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez nous dire de quoi il

19 s'agit, s'il vous plaît ? Je ne sais pas si nous avons le temps. Est-ce que

20 c'est à l'écran maintenant, ligne 8 ?

21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si ceci ne correspond pas,

22 qu'avez-vous dit ?

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dites-nous quel est votre

24 point de vue sur la question.

25 Mme ISAILOVIC : Juste parce que cela change complètement le sens de ce qui

26 a été dit. La Défense nous propose d'ordonner donc la vérification par --

27 je vois donc, on peut entendre et après traduire à nouveau, donc pour

28 garder le sens de ce qui a été dit parce que là on trouve un ensemble de

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1 mots, mais --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Laissez-le simplement répéter.

3 Dites-nous simplement ce que vous avez dit et ce sera interprété.

4 Maître Tapuskovic, veuillez nous dire ce que vous avez dit.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je ne parle pas

6 l'anglais. C'est quelque chose que ma collègue a remarqué justement. C'est

7 là où je veux en venir. Je n'ai pas pu suivre en anglais --

8 Mme ISAILOVIC : Tout d'abord donc, la traduction -- peut-être on peut se

9 consulter pour que je lui traduise ce paragraphe. Mais je pense que le plus

10 rapide c'est juste ajuster la traduction avec ce qui a été dit.

11 Parce que là il parle de tu quoque, principe tu quoque, et après

12 donc, ce qui ressort du compte rendu, est complètement -- le sens est

13 complètement différent de ce qui a été dit.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel est le problème avec l'idée que

15 je vous suggère ? Peut-être que Me Tapuskovic peut dire ce qu'il a envie de

16 dire.

17 Mme ISAILOVIC : Pour que je lui dise la signification de ce paragraphe,

18 parce que là c'est en anglais. Si vous nous donnez le temps, on va le

19 faire.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous en faites grand

21 cas, mais prenez quelques instants.

22 [Le conseil de la Défense se concerte]

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'ai parlé du tu quoque, et ce qui a

24 été consigné au compte rendu ici, nous devons appliquer ce principe. Il

25 faut alors parler d'un grand nombre de victimes civiles à Sarajevo, parce

26 que les personnes n'ont pas fait attention, les personnes qui ne sont pas

27 préoccupées du nombre et du type de victimes. Je n'ai rien dit qui ait ce

28 sens-là, et je dois le dire maintenant lentement.

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1 Moi, je parlais du fait que le camp serbe et les personnes qui

2 vivaient à Sarajevo et c'est sur ce thème que nous posons des questions aux

3 témoins qui ont vécu ces horreurs à Sarajevo. C'étaient les victimes qui

4 n'avaient rien à voir avec les activités de combat, c'est dans ce sens-là

5 où le camp serbe n'a absolument pas riposté et on n'a pas fait très

6 attention à ce que les Serbes vivaient en ville. C'était une des

7 principales raisons pour lesquelles les Serbes devaient s'en préoccuper,

8 devaient se protéger sur leur propre territoire afin de se protéger

9 également.

10 Donc, le principe du tu quoque n'a rien à voir ici. Ceci a trait au

11 fait que le camp serbe de la même façon vivait les mêmes choses que les

12 personnes qui se trouvaient là et qui vivaient du côté serbe. Peut-être que

13 je ne l'ai pas exprimé exactement de la même façon. Je n'ai pas dit que les

14 victimes étaient victimes de personnes qui ne faisaient pas attention. Il

15 s'agissait de victimes des crimes les plus atroces. C'est vrai que je dois

16 l'exprimer ainsi. Ce qui est important, puisque les informations pour les

17 personnes qui se trouvaient de l'autre côté dans la dernière année de la

18 guerre préservaient et protégeaient ce qu'elles avaient encore et ce qui

19 était sous leur contrôle à cette époque-ci, à la fin de la guerre.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

21 Monsieur Waespi, je vous demande de prêter une attention toute particulière

22 à ce point-ci. Je crois que je commence à comprendre ce que la Défense nous

23 dit. La Défense nous dit que la thèse que vous avez présentée n'illustre

24 pas fidèlement ce qui s'est passé à Sarajevo, et que lorsqu'on s'y penche

25 de plus près et par le prisme des incidents de pilonnage et de tireurs

26 embusqués, on a une impression tout à fait erronée.

27 La Défense vous invite à aborder ceci dans un contexte beaucoup plus

28 large, à savoir celui d'un conflit armé. Dans cet état général de conflit

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1 armé, il y avait des actes de violence qui ont été commis par l'ABiH et qui

2 ont conduit à la souffrance des Serbes. Dans cet état général de conflit

3 armé, ce que la Défense nous dit c'est qu'il ne sera possible pour les

4 Juges de la Chambre d'être satisfaits au-delà de tout doute raisonnable,

5 que le principal objectif de tout acte de violence commis par les Serbes

6 était d'infliger la terreur à la population civile. Ils nous demandent de

7 dire cela parce que c'était un état de conflit armé généralisé. Dans cette

8 situation-là, il n'est pas possible pour les Juges d'une Chambre d'être

9 satisfaits au-delà de tout doute raisonnable eu égard à ce chef

10 d'accusation en particulier, à savoir que le principal objectif des Serbes

11 était d'infliger la terreur à la population civile.

12 Je m'en tiens au chef de répandre la terreur, car il s'agit, en fait, d'un

13 domaine qui est assez complexe, et je ne sais pas si la Défense entendait

14 appliquer son argument aux autres chefs d'accusation, crimes contre

15 l'humanité et autres chefs d'accusation. Je ne sais pas si Me Tapuskovic va

16 être en mesure de nous le dire plus tard, mais je sais qu'il l'applique au

17 chef de semer la terreur.

18 M. WAESPI : [interprétation] Il est exact de dire que la Défense est en

19 droit de présenter sa thèse et le contexte serbe de leur point de vue.

20 L'Accusation a procédé de même lorsque nous avons fait venir nos experts,

21 comme M. Donia, M. Hadzic, notre témoin qui a parlé de Dobrinja 92. Je n'ai

22 aucun problème avec ce type d'éléments de preuve qui nous fournit des

23 éléments de contexte sur le conflit armé, l'intensité du conflit armé et

24 l'offensive de l'ABiH dans le courant des mois de mai et juin 1995.

25 Mais, Monsieur le Président, la thèse de l'Accusation dit en effet que la

26 plus grande partie des crimes commis sur le territoire placé sous le

27 commandement et le contrôle de l'ABiH, ont été commis par le Corps de

28 Sarajevo-Romanija de l'extérieur. C'est le principal devoir de la Défense

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1 s'il souhaite présenter leur cause, d'établir une distinction entre les

2 différents éléments du conflit armé sur lequel nous sommes d'accord, ce

3 conflit armé a eu lieu. Il s'agit de parler des incidents de pilonnage et

4 de tirs embusqués portant sur des dates bien précises.

5 Monsieur le Président, l'Accusation a fait très attention lorsqu'elle a

6 présenté ses moyens de preuve. Elle a montré pour chacun des incidents

7 qu'il n'y avait pas de cibles militaires à proximité, qu'il n'y avait pas

8 de combat ce jour-là. Certains témoins ont dit que la journée a été calme à

9 un certain moment. Je peux vous citer ici l'exemple du témoin qui a parlé

10 du pilonnage le

11 18 juin 1995, de l'approvisionnement en eau qui se trouvait le long de la

12 rue Simon Bolivar. Le témoin a dit que c'était calme ce jour-là. Donc si

13 nous excluons ce que la Défense appelle la souffrance inévitable des

14 civils.

15 Il y avait un combat ce jour-là à Dobrinja, peut-être le long ou à

16 côté de l'école Simon Bolivar. Bien sûr, il peut y avoir une balle perdue

17 ou un mortier qui est tombé de façon accidentelle qui aurait pu être tiré

18 sur l'école Simon Bolivar. Ceci n'est pas arrivé, c'est ce qu'avance

19 l'Accusation.

20 Tout d'abord, Monsieur le Président, c'est un incident, c'est 27 incidents

21 de tirs embusqués et de pilonnage, ils illustrent ou reflètent un nombre

22 beaucoup plus important d'incidents en réalité. La Défense a dû les isoler

23 et dire qu'il n'y avait pas de combat ce jour-là, qu'il y avait ces cibles,

24 les victimes n'étaient pas les cibles directes, étaient victimes de façon

25 fortuite. Ce qui, malheureusement, peut arriver en temps de guerre surtout

26 si les gens sont pris pour cibles de façon à discriminer. Mais de montrer

27 que les témoins de la Défense utilisent des listes très importantes d'armes

28 et des munitions de l'ABiH, qu'ils auraient pu utiliser au mois de juin ou

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1 de mai 1995, ceci ne nous aide en rien eu égard à ces incidents en

2 particulier.

3 Le deuxième point que je souhaitais faire valoir, Monsieur le Président,

4 est ceci : ce fameux paragraphe 7 de l'acte d'accusation. La Défense est en

5 droit de montrer par l'intermédiaire de témoins, des documents qui semblent

6 être des points de vue dominants sur lesquels se trouvaient l'ABiH. Ils

7 avaient établi leur position à cet endroit-là, à ce moment-là, l'ABiH

8 aurait tiré sur ces propres gens. Je ne vois pas comment, sinon les

9 arguments de la Défense pourraient être pertinents, car du point de vue de

10 l'Accusation, d'après l'Accusation, pour qu'il y ait des tirs embusqués il

11 faut effectivement une ligne de visée directe entre la lunette du tireur

12 embusqué et la victime.

13 Nous pensons au-delà de tout doute raisonnable que tous les incidents

14 sont très nombreux, que ce soit à Spicastia Stijene, au cimetière juif ou à

15 d'autres endroits tristement célèbres utilisés par les tireurs embusqués.

16 Nous n'avons pas besoin de cela. On peut, en fait, tirer des pièces

17 d'artillerie ou des mortiers d'où l'on veut, c'est ce qui a été fait, en

18 fait, pendant la guerre de Sarajevo dans des endroits sous le contrôle de

19 l'ABiH sans pour autant regarder la cible. Ceci n'a pas d'importance que le

20 Corps de Sarajevo-Romanija était assis sur ces points de vue qui dominaient

21 la ville ou non. Ce que nous avançons, c'est que le point de vue le plus

22 important est, pour avoir une vue imprenable sur le territoire qui

23 entourait la ville sur les hauteurs -- il est vrai qu'il y avait un état de

24 siège et que ces territoires étaient occupés par le Corps de Romanija-

25 Sarajevo et non pas par l'ABiH.

26 Je vais peut-être simplement évoquer un ou deux autres points. Je vais

27 répéter ce que j'ai peut-être déjà dit. Je l'ai déjà dit au début de mon

28 argument. Pour ce qui est de la période sur laquelle porte l'acte

Page 6827

1 d'accusation, tous ces actes n'ont pas été commis uniquement par le Corps

2 de Sarajevo-Romanija et l'accusé.

3 Nous reconnaissons qu'il y avait des personnes qui se trouvaient sur le

4 territoire, qui faisaient partie de l'ABiH et du MUP qui auraient pu

5 commettre des crimes de guerre. Mais ceci n'autorise pas pour autant le

6 Corps de Sarajevo-Romanija à faire de même et prendre pour cibles des

7 civils. Parce que nous avons entendu dire, peut-être pas aujourd'hui mais à

8 un autre jour, nous avons parlé de défense par nécessité. Encore une fois,

9 la nécessité, lorsqu'on riposte ou qu'on répond à quelque chose, ceci ne

10 justifie pas pour autant de prendre pour cibles les civils. Il ne peut pas

11 être un argument présenté comme défense.

12 Le dernier élément dont je souhaite parler, c'est la souffrance des Serbes.

13 Je remercie la Défense pour son intervention au cas. Pour la première fois,

14 peut-être, je me rends compte ou je sais ce que la Défense entend par la

15 souffrance des Serbes sur le territoire contrôlé par l'ABiH, parce que je

16 pensais à l'origine que l'argument présenté par la Défense portait sur le

17 fait que, comme les Serbes souffraient à l'intérieur des lignes de

18 confrontation, leurs amis et les membres de la famille qui se trouvaient à

19 l'extérieur, étaient en colère à cause de cela, et en guise de réponse

20 avaient riposté ou il y avait peut-être des représailles. Le mot est peut-

21 être trop fort mais ils tiraient sur la ville. C'est ainsi que j'avais

22 compris l'argument de la Défense, mais aujourd'hui j'ai compris ceci

23 différemment et j'ai compris que la Défense disait que la souffrance des

24 Serbes, à l'intérieur de la ville, cette souffrance était tellement

25 importante qu'elle dépassait la souffrance de l'autre peuple qui se

26 trouvait à l'intérieur de la ligne de confrontation. En tout cas, c'est

27 ainsi j'ai compris l'argument de la Défense.

28 Mais encore une fois, mon point de vue est celui-ci, s'il y a des gens, et

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1 je suis d'accord, malheureusement, il y a des gens qui ont souffert, il y a

2 des Serbes qui ont souffert, il y a des Croates qui ont souffert, il y a

3 des gens qui ont souffert, non pas à cause des agissements du Corps de

4 Sarajevo-Romanija, mais à cause d'actions commises par l'ABiH et le MUP.

5 Mais ceci ne l'enlève rien à la souffrance et le fait d'être terrorisé par

6 l'autre peuple à l'intérieur de la ligne de confrontation. Cette souffrance

7 qui a été provoquée par le Corps de Sarajevo-Romanija. Ceci n'enlève rien à

8 cela, Monsieur le Président. Je ne pense pas que ce soit la défense telle

9 qu'elle la présente. Je ne pense pas que ce soit un moyen de défense,

10 Monsieur le Président, ce n'est pas pertinent pour la Défense de présenter

11 des éléments de preuve sur la souffrance d'un peuple à l'extérieur des

12 lignes de confrontation.

13 Pourquoi Hadzici est-il important, la souffrance des Serbes à Hadzici eu

14 égard aux chefs d'accusation de l'acte d'accusation ? Encore une fois, nous

15 n'en voyons pas la pertinence. A moins que la Défense ne nous dise qu'à

16 Hadzici il y avait des personnes, des Serbes qui souffraient. Donc ils

17 tiraient des obus, tiraient à partir de tirs embusqués sur la ville. C'est

18 ainsi que je comprends les choses, mais ce n'est pas ainsi que la Défense a

19 présenté ces moyens.

20 C'est tout ce que j'ai à dire. J'espère avoir répondu à vos questions. Je

21 suis disposé à répondre à d'autres questions si vous en avez.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, je ne sais si

25 vous souhaitez ajouter quelque chose en guise de réponse, pas plus de cinq

26 minutes, s'il vous plaît. Ce qui m'intéresse c'est de savoir si les

27 arguments généraux que vous avez présentés eu égard à la terreur

28 s'appliqueraient également aux autres chefs d'accusation comme les crimes

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1 contre l'humanité, attaques illégales et violations de lois et coutumes de

2 la guerre.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il y a plusieurs

4 nuances qui se présentent dans le tableau. On pourrait en parler une fois

5 que tout ceci sera terminé. Par exemple, quand on parle de ces bombes

6 aériennes malfamées dont on a parlé ici, évidemment qu'on peut se poser la

7 question mais seulement je n'avance qu'une thèse. Par exemple, quand on va

8 en parler si on a utilisé de tels moyens - et là c'est une thèse que

9 j'avance, rien d'autre - parce que c'est uniquement d'un cas où on va

10 insister à démontrer que l'armée de la Republika Srpska avait utilisé de

11 tels moyens. Est-ce que la personne qui avait décidé de l'emploi de telles

12 armes était consciente du fait que ceci pouvait entraîner des victimes

13 civiles ? Là c'est vraiment une hypothèse. Il faut tout d'abord prouver qui

14 les a utilisées, ces bombes aériennes, et si on les a utilisées du tout. A

15 condition qu'on réussisse à démontrer cela.

16 Bien, on peut discuter aussi de la question que je viens de poser.

17 Mais quand il s'agit de crimes perpétrés de façon directe des civils, et

18 bien, pour ceci il faut qu'il y ait un ordre sans équivoque. Dans l'affaire

19 Galic, la Chambre de première instance s'est penchée là-dessus et je ne

20 vais pas revenir là-dessus. Mais un des Juges avait fait état d'un point de

21 vue très utile par rapport à ces ordres. Là c'est un autre thème qu'il

22 convient d'aborder à un autre moment.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. N'en dites pas davantage

24 à ce sujet. En avez-vous terminé ? Bien, alors nous allons conclure sur ce

25 thème. Je remercie les deux parties pour les arguments qu'ils ont

26 présentés. Les arguments étaient partiellement utiles, mais je ne pense pas

27 que les arguments aient entièrement répondu aux questions qui soucient les

28 Juges de la Chambre, à savoir la pertinence et l'admissibilité des éléments

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1 de preuve.

2 La Chambre a entendu les arguments des parties et nous en tenons compte.

3 Nous continuerons à surveiller les dépositions des témoins à la façon dont

4 nous avons surveillé les dépositions de tous les témoins dans cette

5 affaire, et nous déciderons sur une base individuelle de l'admissibilité

6 des éléments de preuve en nous fondant sur les critères communément

7 appliqués de pertinence et de valeur probante.

8 Faites entrer le témoin maintenant, s'il vous plaît.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, nous voudrions vous

10 poser une autre question. On l'avait annoncé.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est Me Isailovic qui va en parler.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Isailovic, vous avez la

14 parole.

15 Mme ISAILOVIC : -- c'est juste une question peut-être de procédure, mais

16 qui touche au fond parce qu'il s'agit des témoignages des témoins à

17 décharge et la Défense souhaite voir ces témoins, proposés sur la liste 65

18 ter, témoigner dans les mêmes conditions que les témoins à charge, comme

19 c'est justement prévu dans l'article 21(4) (e) du Statut de ce Tribunal.

20 Or la Défense qui est apparemment en -- disons, a des possibilités moindres

21 que le Procureur, donc c'est vraiment apparent et c'est visible

22 directement. Parce que nous on est deux, on a deux assistantes, dont l'une

23 doit tout le temps être dans cette Chambre et publier les documents alors

24 que le Procureur n'a pas cette charge. On est vraiment en sous-effectif par

25 rapport au Procureur. Nous avons accepté ces conditions de travail et

26 vraiment on travaille d'arrache-pied de suivre ce rythme. On ne plaint pas,

27 mais au contraire donc on demande à la Chambre une aide dans la mesure du

28 possible.

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1 Parce qu'on s'est adressé au greffe de ce Tribunal, au niveau, disons, qui

2 est le plus accessible à la Défense, et on a demandé l'aide par rapport aux

3 questions de témoignages de nos témoins.

4 Je vais m'expliquer rapidement. Lors de la conférence préalable à la

5 présentation des moyens à décharge, Monsieur le Président, vous nous avez

6 invités à envisager d'autres moyens de témoignages prévus dans le Règlement

7 pour justement diminuer le temps qui était prévu par la Défense pour

8 présenter ses moyens de preuve. La Défense a vraiment envisagé ces

9 possibilités sérieusement et on a prévu le témoignage, donc on a

10 l'intention de supprimer peut-être un certain nombre de témoins, mais par

11 contre on voudrait bien avoir ici devant vous les témoignages de neuf

12 témoins que nous jugeons utiles pour la cause de la Défense, mais en vertu

13 de l'article 92 bis du Règlement.

14 Il se trouve que la Défense, avec deux conseils qui sont tout le temps

15 présents dans la salle devant vous, doit établir tout d'abord ces

16 témoignages par écrit, peuvent faire signer le témoin, donc le faire signer

17 par le témoin qu'on envisage de mettre sur cette liste.

18 On a demandé l'aide au greffe, mais pour l'instant on a uniquement

19 donc, on nous a promenés, si vous voulez, comme une balle de tennis de

20 table donc, entre les différents services, et aujourd'hui on se trouve

21 vraiment donc devant un problème très grave parce qu'il nous faut l'aide du

22 greffe pour, tout d'abord utiliser --

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est l'aide plus précisément

24 que vous recherchez ?

25 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, on a demandé spécifiquement

26 l'utilisation du bureau du TPIY à Sarajevo pour pouvoir rencontrer sept

27 témoins. On a précisé les dates et l'heure. Donc on a prévu deux heures par

28 témoin, et on a demandé uniquement une imprimante pour pouvoir - parce que

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1 moi, je vais me charger de cette mission - j'avais mon ordinateur portable,

2 mais par contre je n'ai pas d'imprimante portable pour l'amener à Sarajevo.

3 Donc, on a estimé que c'est très raisonnable de profiter de cette aide. La

4 réponse a été sèche, et on nous a expliqué que ce n'est pas au greffe de

5 s'occuper des besoins de la Chambre.

6 La Défense, parce que n'était pas très sûre de cette réponse, tout d'abord

7 de sa justesse et de, si vous voulez, cette réponse n'a pas paru

8 raisonnable aux yeux de la Défense. Et pour cela et pour pouvoir répondre à

9 votre invitation d'envisager d'autres moyens de témoignage, de présentation

10 de témoignage de nos témoins, on demande aujourd'hui à la Chambre l'aide,

11 et s'il est possible donc, parce que ce sont nos témoins de la liste 65 ter

12 déjà approuvée par la Chambre, et on estime que pour faire cela en trois

13 jours, parce que la Défense ne peut pas dépenser plus de temps à ces

14 tâches, il nous faut cette aide donc, et on estime que c'est tout à fait

15 raisonnable d'espérer cette aide de la part du greffe du Tribunal.

16 Parce que, et je répète donc l'article 21, paragraphe 4(e) prévoit la

17 présentation des preuves à décharge dans les mêmes conditions que les

18 preuves à charge, et c'est notre requête, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Simplement un point de

20 clarification, Maître Isailovic ? Est-ce que vous demandez à la Chambre et

21 l'Accusation de mettre à votre disposition, que ce soit le greffe ou

22 l'Accusation, de mettre à votre disposition une salle dans le bureau du

23 procureur à Sarajevo ainsi qu'une imprimante, de façon à ce que vous

24 puissiez recueillir les déclarations de vos témoins à cet endroit-là et de

25 prendre leurs déclarations conformément au 92 bis ? C'est bien cela ce que

26 vous nous demandez ?

27 Mme ISAILOVIC : Oui, Monsieur le Juge Harhoff. Il faut rajouter aussi

28 l'assistance de la Section pour les Victimes et les Témoins, parce que de

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1 toute façon, nous, on compte diminuer les frais, parce qu'au lieu d'amener

2 nos témoins à La Haye, donc on va les amener à Sarajevo et à Belgrade.

3 Donc, d'autant et sachant que la majorité de ces gens vivent déjà à

4 Sarajevo, mais la Défense ne dispose de locaux dignes pour recueillir donc

5 les témoignages de ces personnes. Et on demande donc juste l'application de

6 l'article 21, paragraphe 4(e) du Statut de ce Tribunal.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.

9 M. WAESPI : [interprétation] Oui. Je ne suis pas 100 % sûr que le

10 propriétaire de ces bureaux du TPIY à Sarajevo, mais je sais effectivement

11 qu'il y a un représentant du VW là-bas. C'est certainement pas le bureau du

12 Procureur, il y a d'autres services qui s'y trouvent, et même le bureau du

13 Procureur ne peut pas assurer le conseil qu'il va y avoir la possibilité de

14 procéder ainsi. Mais je suis sûr qu'il y a une imprimante là-bas, il y a un

15 bureau aussi. Donc on peut réfléchir effectivement à cette possibilité.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, je suis content d'entendre

17 cela. Parce qu'il serait effectivement utile que le problème soit résolu de

18 cette façon-là, et nous remercions M. Waespi de cette intervention. Cela

19 étant dit, nous avons entendu la requête de la Défense. Nous ne pouvons pas

20 décider d'emblée sur la requête. Nous avons besoin de réfléchir, de prendre

21 une décision, et nous allons aussi réfléchir à toutes les séquelles, tout

22 ce que cela peut entraîner. Nous devons aussi regarder quelle est la

23 pratique du Tribunal. Mais si l'on peut résoudre le problème d'une façon

24 informelle, ceci serait effectivement la meilleure des solutions, donc nous

25 laissons les choses là où elles sont.

26 Je vous invite de prendre les contacts avec le bureau du Procureur.

27 Regardez ce que vous pourrez obtenir. Et en attendant, la Chambre va

28 préparer une réponse, comme il se doit, par rapport à la requête que vous

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1 venez de faire, Maître Isailovic.

2 Donc, maintenant, je vais demander que l'on introduise le témoin.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 LE TÉMOIN: TÉMOIN T-7 [Reprise]

5 [Le témoin répond par l'interprète]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin T-7, je

7 vous rappelle que vous êtes toujours tenu par la déclaration solennelle que

8 vous avez déclarée, faite hier.

9 Maître Tapuskovic, c'est à vous.

10 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

11 Interrogatoire principal par M. Tapuskovic : [Suite]

12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

13 R. Bonjour.

14 Q. Hier, nous avons discuté d'une photo, c'est à la fin de la journée

15 d'hier. Je vais vous demander d'examiner à nouveau cette photo. C'était la

16 photo DD003969.

17 Hier, vous nous avez parlé de cette photo. Pourriez-vous dire, pour

18 que ceci soit assez clair ? Où étiez-vous en train de creuser les tranchées

19 ? Si vous examinez ce rocher, comment s'appelle ce rocher ?

20 R. Ablakovina. Moi, j'étais derrière. C'est là que je creusais les

21 tranchées, à peu près une trentaine de mètres derrière ces rochers. Par

22 rapport à l'endroit où on était en train de creuser et entre cet endroit et

23 les positions serbes, il y avait la même distance, sinon plus grande. Sur

24 le chemin en direction de Pale il y avait l'armée serbe, c'est le chemin

25 d'ailleurs qui mène vers le pic d'Olimpik et le mont Jahorina.

26 Q. Hier je ne vous ai pas demandé qui était l'auteur de cette photo.

27 R. C'est moi-même.

28 Q. Vous l'avez faite à l'époque ?

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1 R. Non. J'ai fait cette photo après la guerre quand je suis revenu vivre à

2 Sarajevo. J'ai fait cette photo, c'était pour le procès de M. Galic, mais

3 on ne les a pas utilisées à l'époque, de sorte que je l'ai prises avec moi

4 aujourd'hui en venant à La Haye.

5 Q. Pourriez-vous nous dire si dans cette rue, dans la rue où vous

6 habitiez, à l'époque de ce conflit, est-ce qu'il est arrivé quoi que ce

7 soit dans cette rue-là qui pourrait faire l'objet de votre déposition ?

8 R. Bien, j'ai présenté cette photo pour montrer aux Juges que c'est depuis

9 des rues comme celles-ci, des rues en pente qui donnent sur Trebevic et les

10 versants de ce mont, et bien, c'est depuis là qu'agissaient les forces

11 musulmanes. Elles avaient parfois positionné des lance-roquettes et même

12 des mitrailleuses antiaériennes et ils tiraient avec ces armes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi,

14 allez-y.

15 M. WAESPI : [interprétation] Bien, je pense qu'il serait plus facile -

16 parce qu'il s'agit là d'une question très large, vraiment très large, et

17 c'est ce qui cause un problème. Je voudrais que l'on situe cela dans le

18 temps, parce que c'est quelque chose qui est important par rapport à la

19 pertinence.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est le période dont vous êtes

21 en train de parler ici, quel mois, quelle année ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je dirais qu'il s'agit de la période

23 allant de 1993 jusqu'au jour où je suis sorti de la ville. J'ai été témoin

24 de tels événements, à chaque fois qu'il y avait une délégation

25 paramilitaire, des journalistes, et cetera, pour leur montrer l'état de

26 guerre qui prévalait dans la ville.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit à partir de 1993

28 jusqu'au jour où vous êtes parti. Vous êtes parti quand ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 9 juin 1994.

2 M. WAESPI : [interprétation] Je soulève une objection quant à la pertinence

3 de ces informations, parce qu'il s'agit de quelque chose d'avant le mois de

4 juin 1994.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, nous aussi nous

6 avons une objection quant à la pertinence de ces informations, puisque ces

7 informations portent sur une période qui n'est pas couverte par l'acte

8 d'accusation, ils précèdent la période couverte.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais toujours

10 pas quelle est la portée des faits jugés, qui ont déjà été jugés ou dont on

11 a déjà décidé. On peut demander au témoin quelle est la période dont il

12 parle. Mais je voudrais vraiment demander qu'on lui verse cette photo,

13 puisque c'est une photo qui est importante pour l'été 1994. Justement, le

14 témoin vient de mentionner le mois de juin. Puisque toutes ces choses se

15 produisaient à Sarajevo à l'époque à cause de certaines circonstances. Il

16 pourra en parler effectivement. Je pense que c'est très important de savoir

17 ce qui se passait au mois de juin 1994 juste avant qu'il ne quitte

18 Sarajevo.

19 En tout cas, les lance-roquettes à l'aide desquelles on tirait à partir des

20 installations mobiles, des camions, par exemple, et bien, c'est une chose

21 extrêmement importante si l'on veut comprendre ce qui s'est passé à

22 Sarajevo, y compris pendant la période couverte par la déposition du

23 témoin, à savoir jusqu'au mois de juin 1994. C'est quelque chose qui est

24 très important pour ce qui s'est passé à Sarajevo. On ne peut pas dire que

25 cela n'est pas pertinent, surtout si l'on a à l'esprit les circonstances, à

26 savoir qu'il faut situer tout cela dans le contexte quand on parle de la

27 responsabilité de Dragomir Milosevic. Pour moi, il s'agit là d'un fait

28 extrêmement important.

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1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, nous allons décider

3 que ceci est pertinent et voici pourquoi : à la période couverte par l'acte

4 d'accusation commence le 10 août, donc c'est vrai que là on parle du mois

5 de juin et c'est juste deux mois plus tôt. Mais c'est surtout l'argument de

6 M. Tapuskovic qui nous préoccupe, parce que ce n'est pas la première fois

7 qu'il parle de cela. Il s'agit donc du fait qu'on n'a pas encore décidé sur

8 les faits qui ont fait l'objet d'un accord, parce que cet argument serait

9 intéressant uniquement si le Procureur peut montrer qu'il a demandé que

10 certains faits soient traités comme des faits qui ont été jugés et que de

11 tels faits figurent parmi ceux que le témoin va aborder, et vous avez dans

12 ce cas-là, à présenter des moyens à ce sujet, parce que vous ne connaissez

13 pas quel est le sort, quelle sera la décision de la Chambre d'appel.

14 Sinon, je ne vois pas pourquoi vous pouvez de façon générale parler

15 des faits jugés, parce que c'est une question qui doit encore être résolue

16 par la Chambre d'appel.

17 Je vous écoute, Monsieur Waespi.

18 M. WAESPI : [interprétation] Je pense que dans Galic, dans l'affaire Galic,

19 il y avait aussi cette question des mortiers qui se déplacent, mais ici

20 s'il y avait un fait jugé, comme vous avez dit, indiquant qu'une personne a

21 dit qu'il y avait du pilonnage depuis la région où d'après le témoin se

22 trouvait un mortier, un mortier de l'ABiH, ceci serait un argument contre,

23 que l'armée de la Republika Srpska tirait dans cette région de façon

24 aléatoire. Parce que là, ceci deviendrait un objet militaire, une cible

25 militaire légitime même si ce mortier était déplacé.

26 Dans ce sens-là, et bien, la Défense effectivement pourrait poser des

27 questions par rapport à ces circonstances précises.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, très brièvement,

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1 puisqu'on vous permet de parler de cela uniquement si c'est vraiment

2 pertinent, qu'est-ce que vous voulez dire quand vous parlez des faits jugés

3 ?

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien là, je fais référence à toute une

5 série d'éléments qui figurent dans le jugement de la Chambre de première

6 instance et qui ne peuvent pas tout simplement être transposés dans la

7 période couverte par l'acte d'accusation concernant M. Milosevic. Parce que

8 c'est la période où l'on ne peut parler que de ses propres actes, sa propre

9 responsabilité.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous avez à l'esprit un

11 fait jugé qui est directement lié avec ce que raconte ce témoin ? Parce que

12 vous ne pouvez pas faire référence à tous les faits.

13 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourriez-vous me donner quelques instants

16 pour consulter ma consœur.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.

18 [Le conseil de la Défense se concerte]

19 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Par exemple, veuillez examiner le fait

21 173, ensuite une série de faits qui lient ces événements avec la création

22 de la peur auprès de la population civile, la propagation de la terreur.

23 Vous avez toute une série de faits qui sont énumérés.

24 Le Procureur souhaite que tous ces faits soient introduits comme les

25 faits non contestés, vous les avez tous ici. On les a trouvés assez

26 facilement d'ailleurs.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Vous êtes allé vraiment vite

28 parce que moi je ne les ai pas.

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1 Nous allons continuer, en principe cela nous intéresse. C'est pour cela que

2 nous allons permettre cette déposition à cause de sa pertinence. Qu'il

3 s'agit de le permettre parce qu'il s'agit des faits jugés, et bien, c'est

4 une autre question dont on pourra débattre.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Témoin, nous allons

6 laisser cette photo au dossier, mais j'ai besoin de comprendre, de mieux

7 comprendre, de quoi il s'agit vraiment; c'est pour cela, car je voudrais

8 vous poser toute une série de questions par rapport à cette photo.

9 Tout d'abord, de quelle région de Sarajevo s'agit-il, ensuite dans quelle

10 direction regardons-nous ? Nous regardons sur les collines à partir de

11 l'endroit, mais où se trouvait exactement -- on regarde dans quelle

12 direction ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Et bien, la photo a été prise depuis le centre

14 de ville, du pont de Princip et on est tourné en direction de Trebevic.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, est-ce que je

16 peux vous aider ?

17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aurais préféré entendre ce que le

18 témoin a à me dire.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je ne sais pas dans quelle mesure vous

20 connaissez la ville. A ma droite se trouve la caserne du général Kukanjac,

21 un grand jardin, et le centre de la ville est dans mon dos. Je suis en

22 train de prendre la photo en direction de Trebevic pour montrer qu'il

23 s'agit d'une rue en pente, pour montrer les collines de Trebevic. Est-ce

24 que c'est de là que l'on tirait avec les lance-roquettes sur les positions

25 serbes. Et bien, si vous voulez, je peux vous expliquer aussi mes motifs.

26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, je n'en ai pas besoin.

27 Nous voulons savoir dans quelle direction ? Est-ce que c'est le nord, le

28 nord-est ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, sud-est, sud-est. On regarde au sud-est.

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous sommes en train de regarder vers

3 le sud-est sur la photo ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je crois que c'est exact.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Imaginez maintenant, que vous et moi

6 sommes en train de marcher en direction de la colline que nous voyons sur

7 la photographie, où il y a de la neige. Si nous marchons en ligne droite

8 vers le sommet, on arrive à l'arête où vous avez fait des annotations en

9 bleu et en rouge, et 30 mètres derrière cette arête vous dites qu'il y

10 avait des tranchées. De qui étaient ces tranchées ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai creusé des tranchées pour l'ABiH, parce

12 que j'étais résident de cette partie de la ville.

13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ensuite vous avez dit qu'un petit

14 plus loin, si l'on continuait dans la même direction, on tomberait alors

15 sur des tranchées des Serbes; est-ce exact ? Quelle serait alors la

16 distance entre les deux lignes de ces tranchées, à cet endroit en

17 particulier ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai dit, environ

19 30 mètres. J'ai creusé des tranchées à plusieurs endroits. L'endroit où les

20 deux armées les plus rapprochées étaient à ce point-là en particulier, dans

21 ce lieu-là en particulier, pas le cimetière juif qui était dans une zone

22 urbaine. Ils étaient stationnés dans deux bâtiments qui se faisaient face.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Dernièrement, sur la

24 photographie il y a un point bleu, au-dessus du pic qui se trouve derrière

25 cette arête. C'est plus loin. En fait, qu'est-ce que l'on trouve au-dessus

26 de ce pic où est indiqué le point bleu ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne sais

28 vraiment pas ce qui se trouve là.

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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. Je vous posais la question,

2 parce que je pensais qu'il s'agissait là d'une annotation différente.

3 Pouvez-vous nous dire dans ce cas qui détenait cette portion du territoire

4 ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Je crois qu'il s'agit simplement

6 d'un élément naturel de la montagne.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Qui détenait ce

8 territoire-là où se trouve le point bleu ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce point se trouve au-dessus en surplombant

10 les positions serbes mais bien au-dessus.

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. Merci. Je comprends que vous

12 avez dit que la zone était détenue par le Corps de Sarajevo-Romanija. Il

13 s'agit de la région au-dessus du pic où se trouve le point bleu, et cette

14 région a été détenue par le Corps de Sarajevo-Romanija.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement le cas. Tout ce qui se

16 trouvait au-dessus de la route était détenu par l'armée de la Republika

17 Srpska.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons suspendre le temps de la

19 pause.

20 --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.

21 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

24 Q. Témoin --

25 L'INTERPRÈTE : Les interprètes s'excusent. Il semble y avoir un problème

26 technique.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Les

28 interprètes ont un problème technique. Est-ce que ce problème est résolu ?

Page 6843

1 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise, on dirait que c'est

2 résolu.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Poursuivons alors.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dois-je répéter ma question ?

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, répétez-la.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

7 Q. Témoin, en plus de ce que vous avez déjà déclaré, en ce qui concerne le

8 QG qui se trouvait dans votre rue, il y avait également un autre

9 commandement qui se trouvait là ?

10 R. Oui. De l'autre côté du commandement militaire il y avait le quartier

11 général de la 1re Brigade de Montagne qui était commandée par un certain

12 Zulic. Donc à Bistrik il y avait deux brigades de montagne, la 1ère et la

13 10e.

14 Q. Qui commandait la 10e Brigade ?

15 R. Musan Topalovic, que l'on connaissait également sous le nom de Caco.

16 Q. Que s'est-il passé là-bas ? Vous avez mentionné les mortiers en

17 direction de la colline. Pour ce qui est des commandements dans votre rue,

18 est-ce qu'ils tiraient dans d'autres directions également ?

19 R. Je voulais dire que les tirs de ces mortiers suscitaient beaucoup

20 d'inquiétudes et de mécontentement au sein de la population.

21 Q. Vous avez déjà parlé de cela.

22 R. Il y avait des conflits intermusulmans. Je sentais dans mon appartement

23 quand le mortier de l'école Grbica tirait. La brigade de Musan Topalovic

24 était là. Je suivais les mortiers qui tombaient sur les forces spéciales de

25 Dragan Vikic qui étaient dans une autre partie de la ville. Il y avait des

26 échauffourées entre Musulmans sur le matériel dans la ville même.

27 Q. A combien de reprises avez-vous vu cela se produire ?

28 R. Environ deux fois, puisque je me trouvais souvent à creuser des

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1 tranchées à l'extérieur de la ville. J'ai vu ceci se produire deux fois

2 alors que j'étais dans mon appartement.

3 Q. Puisque nous sommes en train de parler de ce qui se passait dans la

4 rue, qu'est-ce qui s'est passé avec les habitants sur place ?

5 R. Puisque j'ai mentionné les échauffourées entre les Musulmans, la rixe

6 la plus sévère était quand Alija Izetbegovic, le commandant suprême, a

7 essayé de contrôler Musan Topalovic, c'est-à-dire Caco. C'est du moins ce

8 qu'ont dit les informations officielles. Il a été attaqué dans son propre

9 appartement. Une équipe de police a été envoyée pour s'occuper de lui,

10 alors que les unités de Caco étaient bloquées sur les contreforts de la

11 colline. Dans la cour de mon appartement, j'ai vu environ huit à dix

12 policiers être capturés et ils ont tué les hommes responsables de sa

13 sécurité personnelle en leur tirant dans la tête.

14 Plus tard, nous avons été pris comme otage, tous les gens du bâtiment, et

15 on entendait des pleurs, il y avait des enfants et des femmes. Ensuite,

16 quelqu'un a demandé d'avoir un couteau. On nous a dit de nous mettre en

17 cercle, ensuite deux policiers ont été tués. Ils leur ont ouvert la gorge

18 et ils nous ont forcés à regarder.

19 Q. Est-ce que des choses semblables sont arrivées aux civils également,

20 aux gens qui vivaient là ?

21 R. Caco était le plus connu des commandants d'Alija. Il y avait un certain

22 nombre d'eux qui étaient des criminels avant la guerre. Caco a été

23 particulièrement lié à toute la souffrance des Serbes. Il était de

24 notoriété publique qu'il prenait des individus et des familles entières en

25 certains lieux reculés de la ville. Il ne les tuait pas en utilisant des

26 balles, parce qu'il disait que c'était trop cher d'utiliser une balle pour

27 une vie serbe. Il les tuait d'une autre manière.

28 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin voudrait bien répéter la fin de sa

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1 phrase.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Est-ce

3 que vous pourriez répéter la fin de votre réponse. Les interprètes n'ont

4 pas pu l'avoir.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que je faisais référence aux gens

6 qui étaient massacrés à Kazamati [phon] dans des fosses, parce qu'il ne

7 voulait pas gaspiller des balles à les tuer. Il les a tués pendant la nuit,

8 et les tirs auraient révélé sa position. Il avait peur que l'on tire à

9 partir des positions serbes.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

11 Q. J'aimerais demander le versement de cette photographie au dossier, je

12 crois qu'elle n'a pas encore été versée au dossier, je ne me souviens pas,

13 je crois qu'elle n'a pas encore reçu de cote.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous acceptons le versement de cette

15 pièce au dossier.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle portera la cote D241, Monsieur le

17 Président.

18 M. LE JUGE MINDUA : Ce que vous dites est évidemment très, très grave. Mais

19 est-ce que vous avez été témoin oculaire pour cet égorgement dont vous

20 parlez ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pas seulement moi-même, mais également

22 tous les habitants des immeubles alentour étaient témoins oculaires de

23 cela. Caco nous a fait descendre dans la cour en tant qu'otages. Et au

24 cours de la conversation avec M. Izetbegovic, il a dit qu'il nous tuerait

25 tous si Alija Izetbegovic continuait à vouloir le capturer. Donc on nous a

26 tous forcés à observer. Ma femme ne voulait pas. Elle a tourné le dos aux

27 événements, je lui ai couvert les yeux, mais en observant tout cela, j'ai

28 failli m'évanouir et j'en rêve encore aujourd'hui. Ça a été un des moments

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1 les plus graves de toute cette guerre. Et nombre d'entre nous ont observé

2 cela. C'est d'ailleurs bien connu à Sarajevo. Nous avons fait des

3 déclarations devant le tribunal ainsi que d'autres. Donc, c'est un fait.

4 M. LE JUGE MINDUA : Ce Caco, il était recherché par le président Alija

5 Izetbegovic; c'est bien cela ? Il est donc recherché comme criminel. Je

6 voulais savoir si Caco était recherché lui-même par le président Alija

7 Izetbegovic.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Alija Izetbegovic était l'ancien président

9 bosnien. C'était sur ses ordres que l'armée et la police sont venues

10 l'arrêter et procéder à un changement au sein du commandement Ils avaient

11 quelque chose contre Caco à cause de sa conduite et j'imagine qu'il y avait

12 d'autres raisons politiques en plus que je ne connaissais pas. Cependant,

13 ils ont dû avoir des raisons pour essayer d'utiliser des troupes et les

14 policiers pour capturer Caco, même si Caco avait 4 000 hommes sous lui.

15 Comme nous le savons, Caco a été tué plus tard dans la nuit, et ses soldats

16 ont été jugés après la guerre. C'était dans la presse, ce groupe d'hommes,

17 ils ont avoué avoir tué 800 personnes.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

19 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre ce que vous avez pu observer

20 en ville ? Est-ce que vous pouviez vous y déplacer, qu'avez-vous vu en

21 personne, vous-même ?

22 R. J'étais une des rares personnes à Sarajevo qui devait travailler comme

23 obligation de guerre, c'est-à-dire j'étais avec une institution publique

24 pendant 15 jours, et les deux autres semaines, je les passais à creuser des

25 tranchées. J'ai vu et enduré pas mal de choses.

26 Ce que je pourrais ici, qui est intéressant, c'est qu'une fois qu'il

27 faisait nuit, au début de la guerre les soldats et les policiers sortaient

28 dans les rues et la ville était pillée, ravagée en très peu de temps. Donc

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1 d'avoir de tels commandants qui étaient là, était une raison de

2 préoccupations du quotidien dans la ville parce qu'ils pillaient tout, ils

3 volaient tout dans la ville, ils volaient auprès des leurs aussi. Ils

4 entraient dans les appartements, dans les maisons, ils demandaient aux gens

5 de rassembler l'or et les devises pour l'ABiH et les gens s'exécutaient et

6 donnaient à plusieurs reprises.

7 Par la suite, les gens ont compris que cela ne servait pas à grand-chose de

8 faire cela. Les citoyens s'en sont plaints au maire en disant que bien des

9 choses leur avaient été enlevées sans grande utilité, donc ils ont fait une

10 déclaration à la presse. On lui a demandé quand la situation allait

11 s'améliorer, quand la guerre s'arrêterait et quand la ville serait libérée.

12 Il a dit : Ce jour-là, quand le dernier citoyen de Sarajevo aura donné son

13 dernier dollar. C'est une déclaration extrêmement factuelle qui décrivait

14 la situation générale dans la ville. Tout ce qu'ils faisaient, c'était

15 d'essayer de trouver des endroits à piller plutôt que de faire la guerre.

16 Il y avait de petits commerces de part et d'autre. Les Musulmans ont

17 capturé des Serbes, par ailleurs les Serbes avaient de la nourriture, des

18 boissons et des cigarettes, et ils faisaient des échanges. Un paquet de

19 cigarettes pour un Serbe.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. L'explication a été

21 assez longue.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

23 Q. Je veux vous demander ce que vous avez vu concernant les civils. Avez-

24 vous pu remarquer quoi que ce soit qui ait trait à l'armée ou aux armes ?

25 R. Quand j'allais creuser des tranchées, je pouvais voir les écoles où

26 étaient cantonnées les brigades motorisées et je voyais des armes dont ils

27 disposaient, je voyais l'armement dans l'ombre des positions qu'ils

28 occupaient puisqu'il y avait des troupes et des armes là. J'ai vu

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1 différents chars, différents mortiers en ville.

2 Q. Où avez-vous vu les chars, où précisément ?

3 R. A Ciglane, la fabrique de briques à côté du stade Kosevo. Il y avait un

4 tunnel. Ils se trouvaient à l'intérieur, l'un ou l'autre, et les deux

5 autres mortiers se trouvaient de l'autre côté de la route dans le parc de

6 la faculté de génie civil et de construction.

7 Q. Quelle était votre crainte majeure lorsque vous étiez dans la rue ?

8 R. Les Serbes de Sarajevo étaient effrayés aussi bien dans leur

9 appartement que lorsqu'ils sortaient dans la rue. Parce que n'importe qui

10 pouvait venir chez nous, dans notre appartement, sans frapper. Ils

11 entraient sans y être invités et ils trouvaient toujours ce qu'ils

12 cherchaient alors qu'une chose pareille n'existait pas avant leur arrivée.

13 Ils voulaient tirer ou utilisaient un fusil ou une bombe, et alors ils

14 disaient à l'habitant qu'on avait trouvé quelque chose dans l'appartement,

15 une arme dans l'appartement. Une fois qu'ils l'avaient posée là, ils

16 disaient qu'ils l'avaient trouvée. Ensuite, ils emmenaient la personne

17 concernée ou toute la famille et ces gens disparaissaient.

18 Q. Qu'en était-il de ce qui se passait dans la rue ?

19 R. C'était pire encore. On se faisait toujours arrêter, on se faisait

20 arrêter et on devait présenter des documents d'identité à chaque pont, à

21 chaque carrefour. Ensuite, ils nous reconnaissaient de nom, comme c'est

22 généralement le cas en Bosnie, et les gens étaient emmenés et

23 disparaissaient.

24 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait répéter la fin de sa réponse

25 pour les interprètes.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant. Voudriez-vous répéter la

27 fin de votre réponse pour les interprètes ?

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] On a évoqué des tirs embusqués mais ceci

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1 ne figure pas au compte rendu.

2 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise précise que c'est la

3 partie qu'elle n'a pas comprise.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La dernière chose que vous avez

5 dites c'est que : "Comme c'était la coutume en Bosnie, on emmenait les gens

6 et ils disparaissaient." Qu'est-ce qui vient après cela ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Ce que j'ai dit c'est que nous

8 pouvions nous reconnaître grâce à nos noms de famille, et lorsque nos

9 cartes d'identité ont été enlevées au poste de contrôle, il y a des gens

10 qui disparaissaient tout simplement. Le pire de tout cela, c'est qu'après

11 la personne qui regardait tout ceci faisait signe au tireur embusqué qui se

12 trouvait sur la tour, ensuite la personne était suivie et soit on lui

13 tirait dessus et elle était blessée ou tuée. Ceci se passait régulièrement.

14 Je fais du sport, je suis un athlète, donc j'ai dit quelquefois que ces

15 tireurs embusqués se promenaient avec leurs armes et Sarajevo ressemblait à

16 un championnat de tirs.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

18 Q. Très bien. Merci beaucoup. Je vous ai demandé, en fait, si vous avez

19 été témoin oculaire de ces événements.

20 R. Oui, tout à fait. Sur le pont de Novo Sarajevo, lorsqu'on traversait

21 depuis la tour de la télévision et de la radio de Sarajevo, je revenais et

22 je voyais qu'on contrôlait les papiers d'identité et je voyais que ces

23 personnes étaient un petit peu à l'écart, et je les entendais répéter,

24 "chemise bleue. Oui, oui, chemise bleue." Je ne savais pas exactement de

25 quoi il s'agissait et lorsque je suis passé devant, j'ai entendu que l'on

26 tirait sur une chemise bleue, quelqu'un qui s'appelait Savo Smth [phon] qui

27 portait une chemise bleue et il a été tué à cet endroit-là.

28 Q. Vous-même, comment avez-vous réussi à passer ? Est-ce qu'ils ont

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1 contrôlé vos papiers d'identité ?

2 R. Oui. J'ai réussi à passer, mais je dois dire que peu de temps avant la

3 guerre je me suis acheté une voiture que j'ai achetée à un ami et à son

4 père. J'ai regardé s'il était Croate. J'ai utilisé son nom, Ivan Sabic, et

5 j'ai mis ma photographie sur cette pièce d'identité, donc je pouvais passer

6 sans problème. Plus tard, lorsqu'il y a eu la guerre entre les Musulmans et

7 les Croates, j'ai remis ma photographie, c'était plus simple d'être Serbe à

8 Sarajevo à l'époque que d'être Croate.

9 Q. Merci. Pourriez-vous nous dire combien de temps vous êtes resté à

10 Sarajevo et quand vous êtes parti ? Lorsque j'entends Sarajevo, je veux

11 dire la partie qui était sous le contrôle de

12 l'ABiH ?

13 R. Oui, le 9 juin 1994. Je suis passé de l'autre côté. La situation était

14 calme. En 1994, les deux camps coopéraient, donc on pouvait passer deux

15 jours de l'autre côté sans problème. J'ai saisi cette occasion pour passer

16 de l'autre côté, ensuite je suis resté de mon côté.

17 J'ai vu ce que j'ai vu. Les conséquences de la guerre. Autrement dit, tous

18 les bâtiments portaient des traces de balles. Je voyais les murs de défense

19 et des tunnels qui traversaient la ligne de front et qui traversaient les

20 bâtiments pour éviter de devoir emprunter la route. Il y avait également un

21 mémorial de Grbavica, il y avait un point de passage à l'endroit la faculté

22 de génie électrique. Parfois on voyait ces plaques d'acier placées tous les

23 20 mètres, on plaçait tous les humains de façon à ce que chacun puisse se

24 protéger des tireurs embusqués et de façon à ce que les voitures puissent

25 passer également.

26 Q. Que vous est-il arrivé ? Que faisiez-vous à Grbavica ?

27 R. J'ai tout de suite commencé à enseigner à la faculté de génie

28 électrique, et j'ai travaillé entre la fin du mois de septembre et jusqu'au

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1 mois d'octobre, décembre, à savoir pendant trois mois j'étais sur la ligne

2 de front, autrement dit sur la route. C'est ce que j'ai dit un peu plus tôt

3 et M. le Juge m'a dit que c'était jusqu'en 1994. Mais en réalité, j'ai su

4 que ces lignes étaient là jusqu'à la fin de la guerre. Elles n'ont pas

5 bougé.

6 Comme je vous l'ai dit, j'ai été au front pendant tout ce temps, et un des

7 commandants de l'armée serbe a demandé à tout le monde que ce soit des

8 personnes en train de remplir les obligations de guerre, que ce soit des

9 professeurs, des conférenciers, des personnes qui travaillaient pour la

10 société Energoinvest, de remplacer les hommes de la Republika Srpska sur la

11 ligne de front pendant un certain temps, parce qu'au mont Treskavica il y

12 avait encore des combats intenses entre les Musulmans et les armées serbes.

13 Donc je suis resté là pendant trois mois. Je peux dire que j'étais là avec

14 mon collègue qui était là et c'est vrai que nous étions exposés, nous

15 n'avions pas grand-chose à faire, nous avons joué aux échecs. C'était

16 calme, ce qui était bien pour nous.

17 Q. Combien de temps y êtes-vous resté ?

18 R. Après cela, je suis devenu doyen de la faculté de sport à Pale, et je

19 n'ai eu aucune expérience du combat ou de la guerre. Après cela, je me

20 souviens qu'il y avait une cache d'armes qui a été bombardée par les forces

21 de l'OTAN. C'était peut-être à 400 mètres à vol d'oiseau par rapport aux

22 bâtiments où se trouvait mon université. Je sais que tout tremblait,

23 c'était une explosion assez forte qui nous a tous beaucoup secoués. C'était

24 très désagréable.

25 Q. Est-ce que nous pourrions regarder une autre photographie, ensuite en

26 terminer avec cela ? Il s'agit en réalité d'une série de quatre

27 photographies, DD003970. Je crois qu'il s'agit de la quatrième photographie

28 dans cette série.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, peut-être que nous

2 pourrions montrer la photographie sur le rétroprojecteur. Cela ira plus

3 vite.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Soit.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

6 Q. Qui a pris cette photographie, et que représente-t-elle ?

7 R. C'est moi qui l'ai prise à la fin de la guerre. Je l'ai prise du côté

8 où je creusais. Il s'agit de maisons serbes. Je voulais montrer à quoi cela

9 ressemblait de l'autre côté, parce que tout le monde prétend que c'est de

10 l'autre côté que l'on tirait et que l'autre côté ne tirait pas.

11 Le bâtiment sur la droite est le bâtiment qui se trouve dans la rue

12 Beogradska, et les forces musulmanes ont capturé cet endroit ainsi que la

13 rue Beogradska. Le bâtiment, ils ont réussi à atteindre la rue Beogradska

14 depuis la rue Ljublanska et là il y a eu une explosion de gaz. L'explosion

15 a coupé le bâtiment en deux. Ensuite, dans une partie il y avait des Serbes

16 et dans l'autre il y avait des Musulmans, donc ils sortaient de l'autre

17 côté pour aller travailler. Les forces musulmanes restaient et les forces

18 serbes étaient au deuxième étage et se déplaçaient. Ensuite, les forces

19 musulmanes étaient dans le sous-sol, ensuite au premier étage. Je vais le

20 présenter pour que l'on voie le contexte de tout ceci, également l'autre

21 côté représente le bâtiment serbe.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien, cette photographie, je souhaite

23 demander le versement au dossier, s'il vous plaît, et j'en ai terminé avec

24 mes questions.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous admettons le versement.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera appelé D42 [comme interprété],

27 Messieurs les Juges.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Nous n'avons pas demandé le versement des

2 documents sous pli scellé DD03978. Ce document porte sur l'identité du

3 témoin. Je demande à ce que l'on donne une cote à ce document.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le document est admis sous pli

5 scellé.

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 242 sous pli scellé.

7 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

8 Contre-interrogatoire par M. Waespi :

9 Q. [interprétation] Bonjour à vous.

10 R. Bonjour.

11 Q. J'ai quelques questions simplement à vous poser. Ce ne sera pas très

12 long.

13 R. J'y réponds volontiers.

14 Q. Tout d'abord, le commandant que vous avez évoqué qui vous a dit de

15 remplacer certains hommes de la VRS au front pendant un certain temps, vous

16 souvenez-vous de cela - ceci porte sur le moment où vous étiez à Grbavica,

17 entre le mois d'octobre jusqu'au mois de décembre 1994; est-ce exact ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Vous souvenez-vous du nom du commandant ?

20 R. Très honnêtement je ne suis pas en mesure de répondre, et je ne me

21 souviens ni du visage de la personne ni de son nom.

22 Q. Vous souvenez-vous de l'unité qu'il commandait ?

23 R. Je sais que c'était un homme d'une certaine taille, qu'il avait les

24 cheveux foncés.

25 Q. Bien. A quelle unité appartenait-il ? Quelle unité militaire, j'entends

26 ?

27 R. Ecoutez, honnêtement, je ne sais pas.

28 Q. Pour en revenir à une question que vous avez évoquée, à savoir lorsque

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1 vous êtes passé ou lorsque vous vous trouviez sur un point à Novo Sarajevo,

2 et vous avez dit qu'il y a eu un incident dans lequel une chemise bleue

3 était impliquée. Je crois que vous avez parlé d'un homme qui portait une

4 chemise bleue; c'est exact ? Vous souvenez-vous avoir parlé de cela ?

5 R. Oui, oui, oui.

6 Q. A quel moment ceci s'est-il passé précisément ?

7 R. Si je vous donne des dates je me tromperais. Il vaut mieux que je vous

8 indique de quelle saison il s'agissait. Je peux vous dire que c'était

9 l'automne, mais je ne me souviens pas du jour ou du mois en question.

10 Q. Ce serait quelle année, 1992, 1993, 1994 ?

11 R. 1993.

12 Q. Connaissez-vous le nom de cette personne qui a été impliquée dans cet

13 incident, la personne qui était la victime, la personne qui portait la

14 chemise bleue ?

15 R. J'ai donné le nom, Savo. C'est ce que j'ai entendu. Plus tard, j'ai

16 entendu dire qu'un certain Savo avait été tué et il portait une chemise

17 bleue.

18 Q. Donc vous n'avez pas appris ceci sur le champ. C'est quelqu'un d'autre

19 qui vous a relaté ceci plus tard, qu'il avait été tué ?

20 R. Bien, lorsque nous sommes partis nous avons entendu dire qu'il y avait

21 quelque chose comme un mouvement de personnes, qu'il y avait un tireur

22 embusqué et tout le monde a fui. Lorsque ceci est arrivé sur le pont, de

23 l'autre côté du pont, il a été touché, mais personne n'avait envie de

24 rester sur les lieux. Plus tard, j'ai appris que cette personne répondait

25 au nom de Savo, et Savo était un nom serbe.

26 Q. Avez-vous vu cette personne qui portait une chemise bleue de vos

27 propres yeux ?

28 R. Non, non.

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1 Q. Bien. Passons maintenant à un autre sujet rapidement, et la question de

2 Caco, le célèbre Caco qui, d'après ce que j'ai compris, est sorti, et ce,

3 grâce au commandant suprême, disons, Alija Izetbegovic. Quand a-t-il été

4 tué ?

5 R. Il a été tué - je ne veux pas me tromper - je crois que c'était vers le

6 20 octobre, 1993. Je ne peux pas vous donner de date exacte, mais je crois

7 que c'est plus ou moins à cette date-là. C'est cette nuit-là qu'il a été

8 tué. Il a été emmené à l'état-major général et tué.

9 Q. D'après ce que j'ai compris, vous avez dit ceci dans votre déposition :

10 c'était un commandant d'une des brigades musulmanes. Je crois que c'était

11 la 10e Brigade musulmane de Montagne.

12 R. C'est exact.

13 Q. D'après votre déposition, c'était un trouble-fête et le commandant

14 avait décidé de s'en défaire. C'est ce qui s'est passé.

15 R. Oui.

16 Q. Le dernier sujet que je souhaite aborder a trait à la photographie que

17 nous avons vue à la fin de votre déposition. C'était un bâtiment qui avait

18 été détruit. Il y a beaucoup de destruction dans la vieille ville vers la

19 fin de l'été et au cours de l'automne 1992; est-ce exact ?

20 R. Non. Les lignes de séparation, je n'ai pas vraiment vu cela. J'ai vu la

21 partie du cimetière juif qui se trouvait du côté serbe. J'ai vu que des

22 bâtiments avaient été endommagés et sur les 100 mosquées aucune n'a été

23 détruite ou bombardée. Et il n'était pas question de détruire la vieille

24 ville. Il n'y avait aucune grenade ou obus qui aurait pu provoquer de tels

25 dégâts. Peut-être que le toit d'un bâtiment aurait pu être endommagé, peut-

26 être que la vitre d'une fenêtre pouvait être brisée, mais c'était ce genre

27 de dégâts-là, rien de plus.

28 Q. Passons maintenant à ces photographies. Je souhaite que l'on montre la

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1 pièce 0103171, s'il vous plaît. En attendant, connaissez-vous la mosquée,

2 puisque vous avez parlé de mosquée de Kobilja Glava ? Connaissez-vous cette

3 mosquée ?

4 R. Le Kobilja Glava, je sais qu'il y avait une mosquée qui s'appelait

5 Zulfikarpasic qui est sur le Kobilja Glava. Je sais qu'il y avait une

6 mosquée à Kobilja Glava. Et si c'est le cas, cela se trouve en dehors de la

7 ville. Donc je ne sais pas forcément où c'est, mais je sais que dans la

8 ville même de Sarajevo, sur les

9 100 mosquées aucune d'entre elles n'a été détruite et n'a pas souffert de

10 dégâts notables provoqués par des obus. Je sais, en revanche, que dans mon

11 appartement il y a un tronc. Mais cet orifice est quelque peu - il s'agit,

12 en fait, des dégâts un peu plus importants qui ont été infligés.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le témoin dit pour le besoin de la vérité

15 que la mosquée à côté de moi a été endommagée par un orifice. En fait, au

16 compte rendu on lit un appartement, "mon appartement."

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui. Il y avait un trou au niveau de la

18 mosquée.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie pour cet

20 éclaircissement.

21 Monsieur Waespi.

22 M. WAESPI : [interprétation]

23 Q. Donc vous ne savez quelque chose qu'à propos d'une mosquée qui se

24 trouvait à l'intérieur de la ville, mais vous ne savez pas ce qui est

25 arrivé à Kobilja Glava qui était la mosquée non loin du stade du Kosevo,

26 qui n'était pas très éloigné, mais vous ne savez ce qui est arrivé à ces

27 mosquées-là.

28 R. Tout ce qui se trouve dans le périmètre de Sarajevo, y compris ces 100

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1 mosquées, en réalité 95 % d'entre elles se trouvaient dans la vieille ville

2 ou dans le centre de Sarajevo. Je ne sais pas grand-chose à propos des

3 autres quartiers de la ville, car je ne me suis pas trop éloigné de la

4 vieille ville hormis le moment où on m'amenait pour creuser des tranchées.

5 Q. Regardons maintenant le bâtiment en question qui se trouve dans la

6 vieille ville. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que représente cette

7 photographie ? Est-ce que vous connaissez cela ?

8 R. Oui. Je suppose que c'est l'hôtel de vile.

9 Q. En réalité, c'est la vieille poste qui se trouve au centre de Sarajevo.

10 R. Oui, oui, vous avez raison, c'est la vieille poste.

11 Q. Ceci n'est pas en très bon état, a quand même été endommagé. ?

12 R. Non. Non, pas vraiment endommagé. Si vous regardez les murs, en fait,

13 ça semble seulement brûlé mais ça n'a pas été démoli ni endommagé. Les murs

14 sont encore à l'état. C'est quelque chose que je sais, parce que je suis

15 passé devant des centaines de fois pendant la guerre et cela ressemblait

16 vraiment à cela.

17 Q. Donc conviendriez-vous avec moi pour dire qu'il s'agit, en fait, d'un

18 bâtiment qu'on ne peut pas vraiment utiliser, c'est un symbole de Sarajevo,

19 des anciens bâtiments. Donc à cause des obus et des tirs et des bombes

20 incendiaires, ceci rendait le bâtiment inutilisable ?

21 R. Oui. Je suis d'accord avec vous, et de la même manière, les bâtiments

22 qui se trouvaient du côté serbe ne pouvaient pas être utilisés non plus.

23 Ils ressemblaient tous à ce bâtiment. Toutes tours, tous bâtiments d'une

24 certaine taille qui avaient été pilonnés, qui ont été brûlés, incendiés,

25 ressemblaient exactement à cela, mais aucun n'avait des murs endommagés.

26 Tous ces derniers ont été restaurés. Maintenant tout est assez agréable à

27 regarder. Il ne fallait pas tout démolir pour reconstruire à nouveau.

28 Q. Donc lorsque vous dites que rien n'est vraiment arrivé, il ne s'est

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1 rien produit véritablement dans la vieille ville, vous dites simplement que

2 ça été incendié, que ces bâtiments n'étaient pas utilisables mais que les

3 murs étaient toujours debout. Est-ce que vous conviendrez avec moi que

4 c'est ce qui s'est passé dans la vieille ville de Sarajevo ?

5 R. Non, je ne l'exprimerai pas comme ça, parce qu'au moment où se trouvait

6 mon appartement, hormis les endroits qui étaient recouverts de bâches ou en

7 nylon, tous les bâtiments pendant toute la durée de la guerre avaient été

8 touchés et on voyait la brique qui se trouvait en dessous et tous les

9 bâtiments étaient dans cet état-là.

10 Q. Regardons maintenant un bâtiment qui, d'après vous, est un bâtiment qui

11 est en très bon état. Regardons maintenant cette photographie, s'il vous

12 plaît, de la bibliothèque.

13 M. WAESPI : [interprétation] Cette photographie se trouve dans la même

14 série.

15 Q. Vous souvenez-vous de l'ancienne bibliothèque ?

16 R. Oui, bien sûr. J'habitais juste à côté.

17 Q. Dans quel état se trouvait la bibliothèque en juillet et août 1992 ?

18 Conviendriez-vous avec moi que ceci a été pilonné depuis l'extérieur de la

19 ville, que la bibliothèque avait brûlé et se trouvait dans un état

20 déplorable, épouvantable dans le courant de l'été 1992 ? En êtes-vous

21 d'accord ?

22 R. Oui, je suis d'accord pour dire que celle-ci était dans un état

23 épouvantable et il est vrai que je déplore que ce sort soit réservé à des

24 monuments et des lieux de culte, mais j'ai regardé les bâtiments en train

25 de brûler et j'ai vu des flammes sortir du deuxième étage. Je ne savais pas

26 qui aurait pu faire cela, si ça venait du côté serbe ou si ça venait peut-

27 être de l'intérieur, je ne pouvais pas en être sûr. J'avais des doutes.

28 Mais d'après ce que je voyais, ceci semblait être quelque chose

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1 complètement différent, parce que je voyais que cela brûlait de l'intérieur

2 et je voyais les flammes sortir du bâtiment.

3 Q. Donc vous êtes en train de nous dire que les forces musulmanes, quels

4 que les hommes qui se trouvaient à l'intérieur de la ligne de

5 confrontation, auraient détruit leur propre bibliothèque nationale, un

6 monument de fierté nationale ? C'est ce que vous dites, ceci a été fait par

7 les habitants de Sarajevo ?

8 R. Non, je n'ai pas dit cela. Tout ce que je dis c'est qu'une enquête

9 menée par des professionnels ou des experts ne pourrait déclarer cela,

10 seule une enquête de ce type permettrait de dire cela. J'étais à Miskinova,

11 dans cette rue où on faisait la queue pour avoir du pain. J'ai eu de la

12 chance, je n'ai été ni tué ni blessé. Mais je peux dire que c'est un obus

13 qui est tombé sur son propre peuple, si on avait le temps d'étudier la

14 question parce que les gens n'étaient pas d'accord.

15 Q. A quel moment a eu lieu cet incident lorsque vous étiez dans la file

16 d'attente, la queue en attendant pour aller chercher du pain ?

17 R. C'était dans le courant du mois de mai.

18 Q. Quelle date ?

19 R. Le 23 mai. C'était au tout début de la guerre en 1992.

20 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

21 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande à ce que ces

22 deux photographies - il s'agit en réalité d'une pièce à conviction

23 comportant trois pages, j'en demande le versement, s'il vous plaît.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P724 [comme interprété].

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez le

27 temps, si vous souhaitez poser des questions supplémentaires ou si vous

28 souhaitez présenter peut-être un argument.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je souhaite poser une seule question au

2 témoin pendant que cette photographie se trouve toujours à l'écran devant

3 le témoin.

4 Nouvel interrogatoire par M. Tapuskovic :

5 Q. [interprétation] Il a indiqué que des livres musulmans avaient brûlé.

6 C'était une bibliothèque. A qui appartenait cette bibliothèque ?

7 R. Elle appartenait à la ville de Sarajevo.

8 Q. Ce bâtiment faisait partie du patrimoine culturel de quel pays ?

9 R. Ecoutez, je dispose d'élément qui précisait que tous les éléments

10 importants avaient été enlevés avant que ceci n'arrive.

11 Q. Quels livres ont été enlevés ?

12 R. Je ne peux pas répondre. Je crois, je ne sais pas exactement quels

13 livres ont été enlevés, lesquels sont restés. Je ne sais pas exactement

14 quelle partie du bâtiment a brûlé.

15 Q. Merci beaucoup.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, ceci met un

18 terme à votre déposition. Nous vous remercions d'être venu à La Haye. Vous

19 pouvez disposer.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Le plaisir est pour moi.

21 [Le témoin se retire]

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le prochain témoin, Monsieur

23 Tapuskovic ?

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est Predrag Carkic. Il n'est pas

25 protégé. T-8 donc.

26 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la

28 déclaration solennelle.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

2 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

3 LE TÉMOIN: PREDRAG CARKIC [Assermenté]

4 [Le témoin répond par l'interprète]

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir,

6 Monsieur le Témoin.

7 Maître Tapuskovic, vous pouvez commencer.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

9 Interrogatoire principal par M. Tapuskovic :

10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous décliner votre

11 identité, s'il vous plaît.

12 R. Je m'appelle Predrag Carkic.

13 Q. Vous êtes né le 30 novembre 1963 ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous êtes né à Sarajevo ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous habitez depuis votre naissance à Sarajevo, et vous habitiez dans

18 le quartier de Pofalici ?

19 R. Oui.

20 Q. C'était votre maison de famille ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous avez fait vos études à Sarajevo et vous les avez terminées en

23 1984, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez travaillé à Energoinvest ? Il faut aller lentement, parce que

26 là je commence à faire des erreurs je vais un peu trop vite.

27 Donc vous travailliez à Energoinvest à Pofalici ?

28 R. Oui.

Page 6863

1 Q. Je vais vous montrer une carte sur l'écran pour aller le plus

2 rapidement possible, pour parcourir le plus rapidement possible les

3 questions concernant ce plan de la ville. C'est la pièce 65, 272.

4 Peut-on montrer le nord plutôt, revenir à la partie nord de la ville qui

5 figure sur la carte.

6 Est-ce que vous arrivez à lire les noms des rues ?

7 R. Je vois à peine ce qui est écrit.

8 Q. Maintenant ?

9 R. Oui.

10 Q. Montrez-nous la rue où se trouvait votre maison de

11 famille ?

12 R. [Le témoin s'exécute]

13 Q. Bien. Je vous remercie. Pourriez-vous mettre juste à côté de cela la

14 lettre C.

15 R. [Le témoin s'exécute]

16 Q. Votre entreprise, là où vous travailliez, où se trouve-t-elle ?

17 R. [Le témoin s'exécute]

18 Q. Monsieur le Témoin, racontez-nous, ou plutôt aux Juges, de façon assez

19 succincte ce qui s'est passé en 1992, au début de l'année 1992, ce qui vous

20 est arrivé à vous et à votre famille ?

21 R. On habitait dans le quartier de Pofalici au niveau de rue Humska, 145B.

22 Tout allait bien jusqu'au mois de mars, quand Acercija Saretva a été tué. A

23 partir de ce moment-là, les gardes ont commencé, les gardes de nuit. On a

24 commencé à monter la garde dans la nuit et on s'est mis d'accord avec nos

25 voisins, les Musulmans - puisque les Croates n'étaient pas là, il n'y en

26 avait pas - donc de monter ces gardes de façon conjointe pour éviter des

27 problèmes éventuels et tout allait bien jusqu'à peu près le mois de mai, le

28 16 mai.

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1 Q. Merci. Pouvez-vous expliquer aux Juges - puisque là vous parlez du mois

2 de mars, du mois d'avril allant jusqu'au mois de mai - est-ce que vous

3 aviez des armes pendant que vous montiez la garde ?

4 R. Il y en avait qui avait des armes, mais tout le monde parlait. La

5 plupart des gens y allaient comme ça, faisant confiance. Vous aviez

6 quelquefois quelques Musulmans qui portaient des armes, d'autres non. Vous

7 en aviez un qui était armé, puis les autres n'étaient pas armés. Par

8 exemple, si un Musulman avait une arme, il était accompagné par un Serbe

9 qui n'avait pas d'arme, et vice-versa. Si vous voulez, c'était une espèce

10 d'accord que l'on avait, un accord entre nous.

11 Q. Est-ce que vous, à l'époque, vous aviez une arme ?

12 R. Non, pas à l'époque.

13 Q. A partir de quand avez-vous eu une arme ?

14 R. Quand Staritlat a été tué à Cercija. Nous, quelques Serbes du coin de

15 Pofalici, sommes partis en direction de ce carrefour à côté de l'école

16 d'économie en guise de protestation pour faire une sorte de barricade.

17 C'est là que les nôtres, la TO, nous a donné des armes. C'est à partir de

18 ce moment-là que j'avais une arme.

19 Q. Vous avez dit que ces gardes fonctionnaient sans aucun conflit; jusqu'à

20 quel moment ?

21 R. Sans conflit jusqu'au 15 mai.

22 Q. Que s'est-il passé ensuite ?

23 R. Ensuite, il y a eu une première d'attaque, sans doute que les forces

24 musulmanes étaient en train de tester leurs positions.

25 Q. Est-ce que quoi que ce soit est arrivé à votre famille avant cela ?

26 R. Oui, oui. A partir du 2 mai jusqu'à peu près 10 mai, on faisait sortir

27 les femmes, les enfants et des vieillards en traversant la colline de Zuc

28 jusqu'à Rajlovac et au-delà. On traversait l'aéroport. Nous nous dirigions

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1 vers Tvrdimici et vers Pale. Ce n'est pas que ma famille, les autres

2 voisins aussi, des voisins serbes sont partis.

3 Q. Il y avait combien de gens qui sont partis, comme ça, en traversant le

4 mont de Zuc ?

5 R. Deux cents, 300 personnes, peut-être même plus.

6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous parlons de quelle année, Maître

7 Tapuskovic ?

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

9 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire de quelle année nous sommes

10 en train de parler là ?

11 R. 1992.

12 Q. Et la date ?

13 R. Entre le 1er et le 13 mai.

14 Q. Que se passe-t-il le 15 mai ?

15 R. Les Musulmans ont attaqué notre quartier. Les combats ont duré à peu

16 près une demi-heure. Après cela il y a eu le silence, le calme.

17 Tôt le matin, le 16, il y a eu une attaque généralisée sur Pofalici

18 et de toutes les directions.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Docherty.

20 M. DOCHERTY : [interprétation] Je soulève une objection. Je conteste la

21 pertinence. Il y a quelques éléments qui pourraient être acceptés. C'est

22 pour cela que j'ai laissé faire. Maintenant, on commence à relater de façon

23 détaillée les événements qui se sont produits au milieu du mois de mai

24 1992, 27 mois avant que ne commence la période couverte par l'acte

25 d'accusation. Je pense que tout ceci n'est pas pertinent pour réfuter les

26 allégations présentées par l'acte d'accusation.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, qu'avez-vous à

28 répondre ?

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Justement, je m'apprêtais à lui demander

2 ce qui est arrivé le 15 mai. D'après les documents que j'ai reçus vendredi

3 du Procureur, ce jour-là, 63 personnes ont été tuées en sa présence. J'ai

4 un document ici. La traduction de ce document sera prête dans quelques

5 jours. Le témoin connaît les personnes qui se sont fait tuer ce jour-là.

6 Lui, il a été emprisonné ce jour-là.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

8 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la pertinence ?

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] La pertinence consiste dans le fait que

11 les souffrances au cours de ces quelques jours ont contribué à

12 l'aggravation de la situation qui était vraiment catastrophique au début

13 des événements. C'était vraiment des événements qui se sont gravés dans les

14 esprits des gens pendant toute la durée du conflit, 65 personnes ont été

15 tuées ce jour-là. Le Procureur possède ce document.

16 Justement, au moment où j'ai voulu demander au témoin ce qui lui est

17 arrivé ce jour-là, s'il a été blessé, s'il a été amené pour être placé en

18 détention, justement au moment où je veux lui poser cette question-là, à

19 cette personne qui est ici le témoin d'un grand nombre de victimes. C'est

20 un événement qui a marqué toute la guerre, qui était vraiment le repère

21 parmi les événements. Quelque chose qui a provoqué encore plus de craintes,

22 de peur et de terreur par la suite. C'est justement le contraire de ce

23 qu'affirme le Procureur, à savoir que seule l'armée populaire yougoslave

24 ait été là.

25 Non, c'est le peuple sans arme qui était là. C'était la population

26 qui n'était pas armée et qui a été tuée, massacrée ce jour-là. C'est

27 pratiquement le seul témoin oculaire de ce massacre que je suis en mesure

28 d'amener ici, de vous présenter pour qu'il raconte ce qu'il a vu ce jour-

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1 là, ce qui c'est passé, ceux qu'il a reconnus parmi les victimes.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous n'allons pas permettre cela.

4 Nous considérons que ceci n'est pas pertinent. Si vous avez des

5 informations venant de ce témoin qui se rapprochent au moins de l'acte

6 d'accusation, mais pas 27 mois de distance, vous pourrez lui poser des

7 questions. Là ce que vous êtes en train de demander, nous ne pouvons pas

8 l'accepter.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin justement

10 conteste le paragraphe 7 de l'acte d'accusation qui ne tient plus debout

11 justement à la lumière de sa déposition. On voit à quel point le paragraphe

12 7 de l'acte d'accusation ne tient pas la route parce que les positions ont

13 été établies le 7 avril 1992. En 1995, on essayait encore de s'emparer de

14 ces positions avec beaucoup de difficultés. Il y a eu beaucoup de victimes.

15 Ce témoin était là pour nous démontrer que c'est justement au mois de mai

16 que la plus grande bataille a eu lieu à Pofalici, et que ceci est allé

17 jusqu'au mois de juillet, au moment où ces collines ont été prises.

18 Ceci démontre à quel point donc, le paragraphe 7 de l'acte

19 d'accusation ne tient pas la route. La déposition du témoin le conteste par

20 sa déposition. C'est ce qui au cœur de l'acte d'accusation, parce qu'à ce

21 moment-là il y a encore des combats autour de ces collines pour prendre le

22 contrôle de ces collines. Justement, pour reprendre le contrôle, 100

23 personnes ont été tuées en un seul jour. C'est très important de permettre

24 la déposition de ce témoin, justement pour que l'on démontre ce qu'il est

25 venu de montrer.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, si vous

28 avez les informations directement liées avec le paragraphe 7 de l'acte

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1 d'accusation où figure ce qui suit : "Même avant cette date les formes

2 armées qui appuyaient le Parti démocratique serbe et les éléments de la

3 JNA, y compris les unités du 4e Corps du 2e District militaire, occupaient

4 des positions stratégiques à Sarajevo et aux alentours," si ce témoin peut

5 nous donner des informations justement par rapport à ces informations, je

6 vous autorise à lui poser ces questions.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est la question que je vais lui

8 poser. Il a parlé du mois de mai. Il a dit que toute la population a quitté

9 le village partant de l'autre côté, que s'est-il passé avec les gens qui

10 sont restés armés avec des fusils, parce que lui aussi il avait un fusil.

11 Alors, qu'est-ce qui lui est arrivé, qu'il nous le dise, qu'il nous

12 explique ce qui est arrivé le 15 mai quand il était là, quand il s'est

13 retrouvé armé d'un fusil dans son village.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty.

15 M. DOCHERTY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Je

16 comprends ce que vous avez décidé, à savoir que le témoin peut déposer au

17 sujet des questions qui se réfèrent au paragraphe 7 de l'acte d'accusation.

18 Le paragraphe 7 de l'acte d'accusation n'a rien à voir avec ce qui s'est

19 passé, avec ce qui est arrivé à ce témoin, s'il est resté à Pofalici suite

20 à l'événement qui a eu lieu au milieu du mois de mai 1992.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Vous devez bien entendre la

22 décision que j'ai prise et vous y conformez. Si le témoin peut nous parler

23 de ceux qui ont occupé des positions stratégiques à Sarajevo aux alentours

24 avant le 17 avril 1992, bien, vous pouvez lui poser des questions,

25 uniquement dans ce cadre-là. C'est notre décision, conformez-vous y, s'il

26 vous plaît.

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

28 Q. Monsieur le Témoin, qui était sur ces positions à l'époque, à la

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1 période que vous venez de mentionner ?

2 R. Il n'y avait personne sur les positions. Il n'y avait que nous, les

3 civils. Même sous la colline de Hum, tout ce qu'il y avait, c'était la

4 police. Ils n'avaient pas du tout d'armée. Nous étions ensemble avec nos

5 voisins les Musulmans. C'était notre accord. Il fallait qu'on monte la

6 garde la nuit ensemble, justement pour éviter des problèmes. Il n'y avait

7 pas d'armée et pas d'unités paramilitaires ou quelconque.

8 Q. A quel moment, l'armée est-elle arrivée ?

9 R. Leur armée est arrivée le 16. La Ligue patriotique, les Bérets verts,

10 les unités spéciales du MUP, et cetera.

11 Q. Que s'est-il passé par la suite ?

12 R. Le 16 au matin l'attaque a commencé. Ils nous ont attaqués en arrivant

13 de Velesici et Buca Potok et des usines de tabac là où se trouve la rue

14 Drinska. L'attaque est venue de tous les côtés. Les combats ont duré deux

15 ou trois heures, ensuite c'était un grand silence. Puisque j'avais mon

16 fusil, je suis entré chez moi pour chercher des munitions, mais personne

17 n'y était. Mon père vivait avec moi, il n'était plus là. Je suis allé chez

18 mon voisin, il n'y avait pas personne non plus. J'ai rebroussé le chemin. A

19 côté du centre culturel, il y avait des personnes. Tout le monde s'était

20 échappé.

21 J'ai pris la direction de la forêt en direction de la colline de Zuc.

22 Au pied de la colline, en direction de Buca Potok, l'armée musulmane était

23 déjà présente.

24 Alors je suis revenu chez moi dans la maison qui était à Zoran Bakic

25 à Pofalici, elle était déjà en feu. Il y avait pas mal de maisons qui

26 brûlaient déjà.

27 Je me suis caché. Des personnes armées sont arrivées, mais je me suis

28 abrité dans cette maison pour qu'ils passent et pour me sauver.

Page 6870

1 Il y avait une vieille maison qui était juste en contrebas. Elle

2 appartenait à Janko Cangalo. Il y avait un vieil autocar qui était à côté.

3 C'est là que je me suis mis sous le bus en attendant que la nuit tombe pour

4 essayer de me tirer de là. J'ai essayé de me tirer de là à deux reprises

5 pendant la nuit, mais je ne suis pas arrivé.

6 Le matin, le 17 vers 6 heures du matin, cinq soldats musulmans se

7 sont dirigés vers l'autocar. Ils m'ont trouvé et ils m'ont emprisonné, la

8 première chose qu'ils ont faite. Là j'ai compris qu'ils venaient dans la

9 région Sandzak. Il y en avait un qui a sorti son couteau et il m'a donné un

10 coup de ce couteau au niveau de mon bras. Ensuite --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez. Ceci n'a rien à voir avec

12 la question que je vous ai posée. Ceci n'est pas conforme à la décision des

13 Juges de la Chambre. Est-ce qu'il sait qui a occupé cette position

14 stratégique à Sarajevo et aux alentours ?

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

16 Q. A ce moment-là, vous étiez où exactement, vous habitiez où ?

17 R. Dans ma maison. Il n'y avait pas d'armée là-bas.

18 Q. Non, non, ce n'est pas ça. Vous avez dit que cela se trouvait au niveau

19 d'une élévation.

20 R. Ma maison était en contrebas de la colline Hum. C'est là qu'il y avait

21 la police. Le relais se trouve là-bas aussi. Il n'y avait rien d'autre.

22 Q. Mais laquelle ?

23 R. La police musulmane.

24 Q. Est-ce qu'il y avait une quelconque unité là-bas ?

25 R. Non, absolument personne jusqu'au 16, le jour où ils ont lancé une

26 attaque.

27 Q. Est-ce que l'armée populaire yougoslave y était ?

28 R. Absolument non, je n'ai jamais vu aucun soldat là-bas.

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1 Q. Pourquoi vous ont-ils attaqués ?

2 R. Parce qu'on était Serbe, j'imagine.

3 Q. Qui a pris le contrôle de cette côte ?

4 R. Les Musulmans.

5 Q. Quelles autres côtes ont été prises ?

6 R. Pofalici Brdo, Hum. Ensuite, ils sont partis en direction de Zuc.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quel mois s'agit-il ? Quel mois

8 de l'année ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le 16 mai 1992.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les forces musulmanes ont occupé la

11 colline de Hum pendant combien de temps ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant toute la guerre.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pendant toute la guerre, vous voulez

14 dire quoi exactement ? Jusqu'à quelle année ? On va être précis.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'à la fin de l'année 1995.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

17 M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, vous dites que aviez été attaqués.

18 Est-ce que vous étiez armés, les personnes, les civils qui étaient là ?

19 Est-ce qu'ils avaient des armes ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas tous. Je vous ai dit tout à l'heure qu'il

21 y en avait une dizaine qui avait des armes, mais les autres n'avaient pas

22 d'arme. Non, c'est vrai que j'avais une arme.

23 M. LE JUGE MINDUA : Il y a eu échange de coups de feu ? Il y a eu une

24 bataille ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument pas, pas avant le 15 et le 16, au

26 moment où il y a eu ce massacre.

27 M. LE JUGE MINDUA : Merci.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

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1 Q. Quand vous dites qu'il y a eu un massacre, les combats, et cetera, à

2 partir de ces dates-là que s'est-il passé ?

3 R. Ils m'ont arrêté. Ils m'ont fait passé derrière la maison de M. Neno

4 Pikula. J'ai été braqué par un fusil et j'ai vu une scène terrifiante,

5 terrifiante devant la maison. Des dizaines de mes voisins étaient alignés

6 comme des sardines, ils étaient alignés vraiment --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty.

8 M. DOCHERTY : [interprétation] Je ne souhaite pas interrompre aussi

9 souvent, mais je n'ai pas d'autre solution que de soulever une objection

10 par rapport à ces informations qui, à mon avis, n'ont aucune pertinence.

11 Les Juges ont pris une décision, ils ont demandé à M. Tapuskovic de poser

12 des questions qui doivent être liées à l'acte d'accusation de façon

13 temporaire. Cette scène est terrible. Elle est écoeurante, je le dis, mais

14 je ne la vois pas comme scène pertinente et pas à la lumière de la décision

15 prise par les Juges de la Chambre.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ecoutez, je ne suis vraiment pas sûr

17 d'avoir été aussi précis, aussi subtil. Si l'incident est lié à

18 l'occupation des positions stratégiques, peut-être que cet incident pourra

19 être à cause de cela considéré comme un incident pertinent.

20 Qu'est-ce que vous voulez obtenir encore par rapport à cet incident, Maître

21 Tapuskovic ?

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cet incident spécifique parle entre autres

23 de cette position en particulier ainsi que la colline et le lieu où cet

24 homme résidait au cours de ces jours-là, même s'il s'agissait de positions

25 stratégiques au nord de cette partie qui était contrôlée par l'ABiH, y

26 compris Hum, Zuc, Oric et autres positions stratégiques dans le territoire

27 ainsi que Grdonj, tous ces lieux auront été pris au mois de mai, et que

28 l'article 7 de l'acte d'accusation est incorrect; les positions

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1 stratégiques ont été prises avant le 7 avril. Voilà pour une chose.

2 Une autre chose, c'est que ces positions étaient contrôlées par l'ABiH et

3 pour ce qui est du nord à partir du 15 et du 16, toute la partie nord tout

4 au long de la guerre, comme l'a dit le témoin, était au main des soldats de

5 l'ABiH, tout le versant nord de la colline.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je considère cela comme étant

8 pertinent, Monsieur Docherty, pour la raison suivante : parce que cela

9 contribue à rendre plus crédible l'argument de M. Tapuskovic selon lequel

10 les collines étaient occupées par les Musulmans. C'est l'occupation

11 desdites collines par les Musulmans qui leur a permis d'exercer leur

12 dominance sur les Serbes et de leur infliger de la violence. De ce point de

13 vue je considère ceci comme étant pertinent.

14 C'est le moment de faire la pause. Nous allons suspendre l'audience.

15 --- L'audience est suspendue à 17 heures 35.

16 --- L'audience est reprise à 17 heures 56.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, pouvons-nous enregistrer cette carte géographique, s'il vous plaît.

20 J'aimerais en demander le versement au dossier tel quelle.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D244, Monsieur le

23 Président.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

25 Q. Monsieur Carkic, que vous est-il arrivé après que vous ayez été blessé

26 de la pointe d'un couteau ? Comme vous avez dit que vous aviez été blessé

27 en haut de votre bras gauche.

28 R. Lorsque j'ai été capturé par les forces musulmanes et que nous sommes

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1 passés devant la maison de Neno Pikula, j'ai vu des dizaines et des

2 dizaines de mes voisins qui avaient été tués.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'où venaient ces forces musulmanes,

4 celles qui vous ont capturés ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] A en juger d'après leur accent, je suis

6 presque sûr qu'ils venaient de Sandzak. Les Musulmans de Sandzak qui sont

7 venus à Sarajevo.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etes-vous en mesure de dire si

9 certains d'entre eux venaient des collines qu'ils

10 occupaient ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu une attaque menée sur Pofalici ce

12 jour-là. Ils sont descendus de la colline Hum, de Velesici, Buca Potok

13 ainsi que de la rue Drinska et de l'usine de tabac.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voyez-vous, Monsieur Tapuskovic,

15 vous vous obstinez sur un point alors que j'essaie de faire avancer les

16 éléments de preuve pertinents qu'ils sont venus de la colline.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

18 Q. Témoin, Monsieur, voulez-vous bien expliquer de quelles directions sont

19 arrivées les forces musulmanes ? Comme je l'ai dit, ils venaient de la

20 direction de Hum. Savez-vous ce qui a eu lieu quelques jours avant cela, ou

21 avez-vous simplement suivi les événements du 15 et du 16 ?

22 R. Seulement le 15 ou le 16. Probablement qu'ils, c'est-à-dire les forces

23 de police musulmane, avaient occupé la colline Hum, parce qu'il y avait un

24 transmetteur installé non loin de ma maison. Ils ont occupé cette position

25 et ont interdit l'accès à qui que ce soit.

26 Ce jour-là, le 16, lorsque nous avons été attaqués, ils sont venus de la

27 direction de Hum, Velesici.

28 Q. Pouvez-vous nous indiquer où se trouve Velesici ainsi que Buca Potok

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1 sur la carte ?

2 R. La colline Hum, Velesici. De cette direction-là.

3 Q. Pouvez-vous indiquer des flèches à partir de tous ces lieux vers votre

4 maison ?

5 R. [Le témoin s'exécute]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle était la distance qui

7 séparait la colline Hum de votre maison ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Environ 1 kilomètre jusqu'à la tour.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

11 Q. Ensuite que s'est-il passé ?

12 R. Je répète ceci pour la seconde fois. A côté de la maison de Neno

13 Pikula, ils étaient alignés comme des sardines en boîte, l'un à côté de

14 l'autre. Ensuite, ils m'ont emmené à partir de là.

15 Q. Merci. Avez-vous reconnu aucun de vos voisins ?

16 R. Deux. Dans la confusion je crains que j'en aie reconnu deux.

17 Q. Vous souvenez-vous de leurs noms ?

18 R. Oui, feu Zoran Ignjatovic et feu Buha.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, vendredi j'ai reçu

20 le document de l'Accusation. La pièce DD003799. Nous allons devoir

21 conserver la carte avant que je montre le document, alors peut-être

22 pourrions-nous demander le versement de la pièce au dossier comme étant une

23 pièce de la Défense avec les annotations du témoin sur la carte

24 géographique avec les flèches qui indiquent les directions à partir

25 desquelles provenaient les unités qui ont pris le lieu où il habitait.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous acceptons le versement de la

27 pièce au dossier.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle portera la pièce D245, Monsieur le

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1 Président.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous examiner la pièce DD003799

3 que j'ai reçue à ma demande seulement vendredi dernier de la part de

4 l'Accusation ainsi que la traduction qui va être terminée, d'après les

5 informations que j'ai obtenues, dans quatre jours, donc d'ici jeudi.

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, mercredi dernier, la

7 Défense nous a demandé de lui fournir les documents qui ont été donnés à

8 l'Accusation alors qu'elle se trouvait en mission à Banja Luka. Nous avons

9 pu rassembler tous les documents et les transmettre à la Défense vendredi

10 en 48 heures. Nous n'avons pas eu le temps de faire traduire ces documents.

11 Le document requis par

12 Me Tapuskovic est de 20, disons, 19 à 20 pages de long, tout cela en

13 alphabet cyrillique, en B/C/S.

14 Bien que nous ayons transmis ce document à sa demande, nous n'avons pas de

15 traduction dudit document. Je ne sais pas ce que dit ce document. Je n'ai

16 pas pu en examiner une version anglaise et dès lors j'ai des réserves quant

17 à son utilisation. La Défense, comme je l'ai dit, a requis ce document il y

18 a six jours, et nous avons pu le lui transmettre, mais nous n'avons pas pu

19 fournir une traduction, et cependant le conseil veut l'utiliser dans le

20 prétoire.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Devez-vous utiliser ce document avec

22 ce témoin, Maître Tapuskovic, ou peut-il être utilisé avec un autre témoin

23 qui témoignera plus tard, auquel moment vous aurez pu le faire traduire ?

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, je pense que je ne vais pas disposer d'un autre témoin avec une

26 expérience équivalente de Pofalici. Il vient de dire qu'il a reconnu deux

27 personnes parmi les victimes et il vient de donner leurs noms. Or ces deux

28 personnes figurent sur cette liste ici et j'aimerais vous montrer les pages

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1 4 et 8 dans la version en B/C/S, qui se trouvent d'ailleurs déjà sur le

2 prétoire électronique, pour que le témoin puisse confirmer cela.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voulez-vous nous faire connaître

4 l'intitulé du document. S'agit-il d'une liste de noms ? Est-ce que ce

5 document est une liste de noms ?

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, c'est une liste de noms avec des

7 explications. Sur la page qui suit -- ou plutôt la troisième page avant les

8 noms, il y a des informations sur la substance même du document, et le

9 témoin pourra confirmer cela. Les deux personnes susmentionnées figurent

10 sur la liste des victimes et le témoin a reconnu les corps de ces personnes

11 alors qu'il passait devant ce jour-là.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voici ce que nous allons faire.

13 Veuillez nous montrer l'information qui dit d'où vient le document, c'est-

14 à-dire l'information sur sa provenance. A ce moment-là, vous allez pouvoir

15 nous montrer les passages individuels. Ils sont brefs, ils peuvent être

16 traduits. Nous devons avoir assez d'informations pour décider de quoi

17 traite le document.

18 Si ceci gêne l'Accusation, c'est-à-dire que ceci ne lui aurait pas

19 donné assez de temps pour contre-interroger le témoin de manière adéquate

20 sur ce point, je prendrai cela en considération. Je pourrai très bien lui

21 permettre de prendre plus de temps pour poser d'autres questions à ce

22 témoin à un autre moment, quoi que ceci serait très regrettable.

23 Poursuivons de la sorte. Tout d'abord, voyons les informations sur le

24 document qui nous informe de sa provenance. Voyons le titre du document et

25 voyons si ce titre peut être traduit.

26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

27 Juges, hier nous avons conclu l'interrogatoire d'un témoin qui n'était pas

28 protégé. Il s'agissait de Dukic Branislav. Ensuite, nous allons montrer aux

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1 Juges de la Chambre le document qui a été versé au dossier à partir duquel

2 on peut voir que ces documents ont été présentés au Procureur Carla Del

3 Ponte il y a trois ans. A notre demande, nous avons reçu ce document qui a

4 trait à Pofalici et Dobrinja. Nous avons reçu ce document que nous avons

5 obtenu de l'Accusation à notre demande l'autre jour. Je pense que le

6 document qui traite de Pofalici --

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous n'écoutez pas ce que je dis.

8 J'essaie de vous aider. Le Procureur a raison. Ce document n'a pas été

9 traduit. Il fait 19 à 20 pages. Normalement, je ne devrais pas vous le

10 permettre, mais j'essaie de trouver un mécanisme qui vous permet de

11 l'utiliser maintenant. J'ai détaillé ce système, c'est-à-dire une manière

12 qui nous permettrait d'avoir les informations qui rendent le document

13 suffisamment intelligible à nous tous pour que nous puissions comprendre et

14 que le Procureur puisse poser des questions sur ce document. La première

15 étape de ce processus doit être la suivante : qu'y a-t-il dans le document

16 qui nous informe sur ce qu'il contient, et qui l'a préparé ? Quand a-t-il

17 été préparé ? Y a-t-il quoi que ce soit dans le document qui nous renseigne

18 sur ce point ?

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le document à partir duquel on peut voir

20 comment ce document a été constitué ainsi que le document dont on attendait

21 le versement au dossier pour le témoin Dukic, je peux le retrouver. Le

22 document qui a été présenté au Procureur Carla Del Ponte était accompagné

23 de ces documents traitant de Pofalici ainsi que des victimes de Pofalici.

24 Ce document porte un numéro donné par l'Accusation. A la page 3 vous voyez

25 ce dont il s'agit. Le document a été préparé par une association de Bosnie-

26 Herzégovine, de la Republika Srpska dont le versement au dossier a été

27 demandé pour le témoin Dukic.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Etes-vous en train de dire dès lors

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1 que l'information que j'essaie d'obtenir se trouve dans un autre document,

2 et pas celui-ci ? Est-ce cela ?

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

4 Juges, le document DD0003786, nous pouvons l'examiner. C'est un document

5 que nous avons présenté hier et qui a été admis au dossier comme étant une

6 pièce à conviction de la Défense. Pourriez-vous d'abord l'examiner.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Examinons ce document.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce document a été traduit. Il s'agit de ce

9 document-là, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

10 A l'article 11, vous pouvez voir Sarajevo et Pofalici. Sur la base de ce

11 document, nous avons demandé à l'Accusation de nous fournir les documents

12 annexes à ce document. C'est alors que nous avons reçu ce document-ci,

13 Pofalici, que nous avons ensuite introduit sur le système e-court sous le

14 numéro --

15 L'INTERPRÈTE : Quel est le numéro du document ?

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quel est le numéro du document que

17 vous venez de dire ? L'interprète n'a pas entendu. Vous avez dit que vous

18 avez introduit dans le système e-court sous le numéro…

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] DD0003786, ce document se trouve devant

20 vous. On a accepté le versement de ce document au dossier sous la cote

21 D238. Ceci est la pièce D238.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que c'est signé par quelqu'un

23 ce document que nous regardons maintenant ?

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le document a été signé par Mme Carla Del

25 Ponte attestant qu'elle a reçu les documents sous forme de pièces jointes

26 en mai 2004. Ce document fait partie des documents sous forme de pièces

27 jointes, que je souhaite montrer au témoin.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci est signé par

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1 Mme Del Ponte qui indique qu'elle l'a reçu. La question que je vous demande

2 c'est : ce document est-il de la main de la personne qui l'a préparé ? Cela

3 ne peut pas être le cas. Je souhaite simplement savoir.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il n'y a pas de signature ici, non.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans ce cas, est-ce que le témoin

6 sait quelque chose à propos de l'Association des prisonniers de guerre de

7 la Republika Srpska qui a préparé ce document ?

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Nous pouvons poser la question au témoin.

9 On va lui demander s'il sait quelque chose à propos des travaux de cette

10 association et de la préparation du document.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je connais le président Dukic et le vice-

12 président Jovicic, surnommé Slavoj [phon]. Je connais ces deux hommes.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

14 Q. Est-ce qu'ils ont recueilli des éléments de votre part ?

15 R. Non.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce document qui a été préparé par

17 l'Association des prisonniers de guerre de la Republika Srpska établit des

18 éléments de preuve par rapport aux crimes commis contre les Serbes. Il a

19 été remis, dit ce document, à Mme Carla Del Ponte par la délégation

20 représentant l'association le 31 mai 2004, à Banja Luka.

21 Passons maintenant au document et les noms que vous souhaitez indiquer au

22 témoin.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons montrer au témoin

24 la page 3 de ce document, s'il vous plaît, en B/C/S.

25 Q. Je vais demander au témoin de lire le paragraphe qui se trouve en

26 regard du premier prénom que l'on voit ici à l'écran. Est-ce que vous

27 pourriez lire ce passage.

28 R. "Après les attaques du 16 mai 1992, attaques menées par les unités de

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1 la police et de l'ABiH et la prise de la localité de Gornji Pofalici, une

2 attaque sur une colonne de citoyens serbes sans défense qui dénombrait

3 quelque 3 000 hommes, femmes et enfants, des personnes âgées, organisation

4 d'actes de terreur contre la population serbe qui est restée dans la

5 localité. Les personnes suivantes ont été tuées."

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant

7 regarder la page 4, s'il vous plaît. Cela devrait être à la page 9. Passons

8 à la page suivante, s'il vous plaît. Page suivante, à la page 4, ensuite,

9 nous devons regarder le paragraphe 9. Est-ce que vous y êtes ? Est-ce que

10 vous voyez le nom ici qui se trouve au début du paragraphe 9 ?

11 R. Oui.

12 Q. Où avez-vous vu cet homme, Buha ?

13 R. Près de la maison de Neno Pikula, qui a été tué. Je suppose qu'il a

14 essayé de s'enfuir. Il était penché sur un grillage.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce que l'on peut regarder le

16 paragraphe suivant, le paragraphe 24, s'il vous plaît.

17 Q. Vous avez cité ce nom un peu plus tôt. Où avez-vous vu cette personne ?

18 R. De l'autre côté de la rue, lorsque j'ai dit plus tôt qu'ils étaient en

19 ligne comme des sardines. Il y avait feu Zoka Ignjatovic qui gisait mort.

20 Il avait été blessé à la jambe. Il y avait des éléments de sa jambe qui

21 manquaient.

22 Q. Merci.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Nous allons obtenir la traduction de ce

24 document dans quelques jours. Je souhaite simplement demander le versement

25 aux fins d'identification et avoir une cote provisoire pour ce document,

26 s'il vous plaît, pour l'instant.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous voulez simplement verser au

28 document les paragraphes qui viennent d'être lus ou est-ce que vous

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1 demandez le versement de tout ?

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Simplement ces paragraphes marqués

4 aux fins d'identification.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous allons marquer aux fins

6 d'identification ces paragraphes en question. Ce sera la pièce D246.

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci. Le témoin pourrait maintenant

8 regarder la fin du document, s'il vous plaît, pour qu'il puisse voir le

9 nombre total de victimes qui se trouve sur la liste.

10 C'est la page précédente.

11 Q. Qui est la dernière personne qui se trouve sur la liste, quel est le

12 numéro ?

13 R. Numéro 65, Ranko Sojic.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Une seule question, Monsieur le Juge, est-

15 ce que nous pourrions marquer ceci aux fins d'identification, s'il vous

16 plaît.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On me suggère qu'il serait bien de

19 marquer l'ensemble du document aux fins d'identification. Lorsque nous en

20 reviendrons à la question de l'admission de cette pièce, à ce moment-là,

21 nous nous pencherons sur les passages particuliers.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

23 Q. Monsieur Carkic, est-ce que nous pouvons nous dépêcher maintenant pour

24 en terminer le plus rapidement possible ? Que vous est-il arrivé après ? Où

25 avez-vous été amené ?

26 R. Les soldats musulmans m'ont poussé pour me faire entrer dans la

27 voiture. ceci s'appelle Kedi dans notre région. Ensuite, nous sommes allés

28 jusqu'à la colline de Hum. Ils m'ont amené à Velesici. Ensuite, ils m'ont

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1 frappé pendant une heure. J'ai été retenu dans une Mosquée. Ensuite, ils

2 m'ont amené à la prison centrale.

3 Q. Que vous est-il arrivé dans la prison centrale et combien de temps y

4 êtes-vous resté ?

5 R. J'y suis resté 12 jours. Le 17, j'ai été amené à la prison principale.

6 La première chose qu'ils ont faite, c'est prendre des barres de fer avec

7 lesquelles ils m'ont frappé ainsi que des bâtons de bois. Il y avait des

8 éclats de verre sur le sol. Le soldat a joué avec ces éclats avec sa botte

9 et les a placés dans ma bouche.

10 Q. Merci. Que s'est-il passé après ces 12 jours ?

11 R. Nous avons été échangés le 28, à Vrbanja. Nous avons été échangés, 25

12 d'entre nous, contre 25 autres.

13 Q. Quel jour était-ce ?

14 R. C'était le 28 mai que j'ai été échangé. De Tilava, un voisin m'a amené

15 à Pale aller voir mon fils que je n'avais pas vu, ma femme ainsi que la

16 sœur de femme et ma mère.

17 Q. Avez-vous rejoint une armée ?

18 R. Oui, après deux jours. Je suis allé à Grbavica, à nouveau, et j'ai

19 rejoint l'armée de la Republika Srpska.

20 Q. Où étaient vos positions ? Où étiez-vous cantonné ?

21 R. A Grbavica. A partir du pont de la Fraternité et de l'Unité, c'est

22 ainsi que s'appelait le pont de Miljacka à Strojorad et de Strojorad

23 jusqu'au stade de Zeleznica.

24 Q. Combien de temps êtes-vous resté à cet endroit-là ?

25 R. Pendant toute la durée de la guerre, jusqu'en 1995.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Que s'est-il passé lorsque les

27 éclats de verre ont été placés dans votre bouche ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas seulement du verre, mais du

Page 6885

1 sel qu'ils ont placé dans ma bouche. Cela me faisait très mal. Ils m'ont

2 également mis du sel dans les yeux. Ce jour-là, je les ai regardés tuer un

3 homme âgé appelé Gavrilovic avec des barres de fer. C'était un concierge

4 dans un hôtel.

5 Plus tard, je suis allé voir un médecin qui m'a dit que j'avais eu de la

6 chance qu'on me mette du sel dans la bouche car c'était un bon

7 désinfectant. Malheureusement, j'ai perdu toutes les dents quand on m'a

8 frappé. Je suis tellement traumatisé aujourd'hui, lorsque j'y retourne, je

9 suis extrêmement mal à l'aise.

10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic. Voici son récit.

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

12 Q. M. le Juge Robinson vous a posé une question à propos des éclats de

13 verre. Qu'est-il arrivé à votre bouche ?

14 R. Oui. Il y avait du sang qui giclait de ma bouche. Lorsque le soldat

15 musulman a vu cela, il insulté ma mère serbe et m'a jeté du sel dans la

16 bouche et il m'a dit que le sang n'était pas suffisamment salé et il devait

17 me jeter du sel dans la bouche. Après quelques minutes il s'est mis à

18 verser de la bière dans la bouche et on m'a frappé avec des barres de fer

19 et des bâtons en bois.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est une histoire terrible, et vous

21 avez toute notre sympathie. Je crois que c'est l'histoire la pire que j'ai

22 entendue depuis que je suis là, et je suis là depuis huit ans et demi.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Et c'est la vérité.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, s'il vous

25 plaît.

26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

27 Q. Cette partie-là du récit du témoin ne m'intéressait pas autant, mais je

28 souhaite savoir où vous étiez cantonné, que faisiez-vous pendant la guerre

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1 ?

2 R. J'étais un simple soldat. Après les traumatismes que j'ai vécus, ce que

3 je vous ai décrit, je ne souhaitais pas que ceci se reproduise ou que ceci

4 arrive à quelqu'un d'autre, plus jamais. C'est la raison pour laquelle je

5 suis allé défendre nos positions au front. J'étais un simple soldat. Je

6 vous ai dit où étaient les positions.

7 Q. Que faisiez-vous en tant que simple soldat ? Quelles étaient vos tâches

8 ?

9 R. J'étais là pour défendre la ligne de front pour être sûr que ce qui

10 m'était arrivé le 16 mai ne se reproduise plus jamais. Il y avait des

11 naissances d'enfants à Grbavica. Il y avait beaucoup de gens sans

12 protection. Il y avait des soldats de la fédération qui me tiraient dessus

13 et moi, je ripostais.

14 Q. Veuillez me dire ceci, s'il vous plaît, et il faut être bref --

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que vous disposez

16 maintenant des éléments importants, la teneur de sa déposition qui est

17 importante. Il a indiqué à quel endroit se trouvaient les soldats musulmans

18 sur les collines, et qu'ensuite ils venaient de ces collines pour venir

19 l'attaquer lui et ses voisins.

20 Nous sommes absolument désolés pour ce qui vous est arrivé.

21 Ceci, je crois, constitue des éléments significatifs de la déposition du

22 témoin, en substance, c'est cela. Je ne sais pas si vous avez besoin de

23 poursuivre.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Juste une autre question, Monsieur le

25 Président. Ce témoin oculaire a vu de ses propres yeux un autre événement.

26 Q. Pourriez-vous nous dire ceci, souvenez-vous de la période qui allait du

27 mois de mars au mois de décembre --

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quoi s'agit-il ? Quel est cet

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1 événement ? Est-ce que cet événement a un quelconque lien avec le

2 paragraphe 7 de l'acte d'accusation ? Je souhaite que vous vous concentriez

3 sur les éléments importants de cette affaire, s'il vous plaît, Maître

4 Tapuskovic. Est-ce que, d'une manière ou d'une autre, il y a un lien avec

5 les éléments que vous nous avez, à juste à titre, signalé à propos du

6 paragraphe 7 ? Je vous ai autorisé à poser des questions au témoin à ce

7 propos, mais si ce n'est pas le cas, je ne l'autoriserai pas.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je crois que j'en ai

9 terminé sur ce sujet-là. Je souhaitais que le témoin fasse la clarté sur

10 d'autres questions portant sur l'époque où Dragomir Milosevic était le

11 commandant du Corps de Sarajevo-Romanija. Je crois que nous avons épuisé

12 l'autre sujet.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous allez passer au moment où

14 l'accusé était le commandant du Corps de Sarajevo-Romanija. Voyons ce que

15 vous souhaitez obtenir de ce témoin.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

17 Q. Tout d'abord, pourriez-vous nous parler de l'année 1994, lorsque vous

18 avez participé au conflit, lorsque vous étiez, comme vous nous l'avez dit,

19 sur les positions qui étaient les vôtres; que faisiez-vous ?

20 R. Ce n'était pas avant le mois d'octobre que les attaques violentes des

21 forces musulmanes ont commencé. Nous avons défendu Grbavica, et de temps en

22 temps nous nous rendions à un endroit qui s'appelait Kijevo. Nous avions

23 des positions à cet endroit-là également. Les attaques frontales

24 parvenaient de toutes parts.

25 Q. Quand les choses ont-elles été calmes ? Quand était le moment le plus

26 calme ?

27 R. A un moment donné au mois de mai --

28 Q. Y a-t-il eu un événement dont vous vous souvenez tout particulièrement

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1 en 1995 ?

2 R. C'était un beau jour ensoleillé du mois de mars, c'était le 11 mars

3 1995. C'était un jour qui restera gravé dans ma mémoire tant que je vivrai.

4 Nous étions à Grbavica. C'était une journée calme. Nous étions cinq soldats

5 en train de boire un café et devant nous, à quelques mètres, il y avait des

6 filles qui jouaient à la marelle et tout à coup nous avons entendu deux

7 tirs et les deux filles sont tombées mortes à terre. Nous sommes allés près

8 d'elles. Nous les avons sorties de là où elles se trouvaient. Elles

9 s'appelaient Lalovic et Ucur.

10 Q. Où étiez-vous ?

11 R. Nous étions juste à côté. Les tireurs n'ont pas tiré sur nous, mais sur

12 les filles qui étaient juste là qui jouaient à la marelle.

13 Q. Je n'ai plus de questions à vous poser.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai plus de

15 questions à poser à ce témoin.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Docherty, vous avez

17 la parole.

18 Contre-interrogatoire par M. Docherty :

19 Q. [interprétation] Quelques questions que je souhaite vous poser,

20 Monsieur. Je m'appelle John Docherty. Je suis l'un des avocats de la

21 Défense [comme interprété] dans cette affaire. Vous avez servi au sein du

22 Corps de Sarajevo-Romanija entre quand et quand ? Je souhaite la date

23 d'entrée et de sortie.

24 R. Du 1er juin 1992, jusqu'à la fin de la guerre.

25 Q. Vous avez parlé dans votre déposition aujourd'hui d'événements qui se

26 sont déroulés au début du conflit armé. Qui était le premier commandant du

27 Corps de Sarajevo-Romanija ?

28 R. Je crois que c'était Stanislav Galic.

Page 6889

1 Q. Y a-t-il eu quelqu'un avant le général Galic ?

2 R. Honnêtement, je ne sais pas.

3 Q. Reconnaissez-vous le nom de Tomislav Sipcic ?

4 R. Non.

5 Q. Donc vous ne sauriez pas que Tomislav Sipcic était un officier de

6 carrière qui avait fait partie de la JNA et qui était le commandant du

7 Corps de Sarajevo-Romanija ? Est-ce que vous pourriez répondre à voix haute

8 pour que l'on puisse vous entendre et que l'on puisse consigner vos propos

9 ?

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. Le général Galic que vous connaissez était également un officier de

12 carrière au sein de la JNA, n'est-ce pas ?

13 R. Je sais qu'à partir du 1er juin 1992, lorsque j'ai rejoint l'armée de la

14 Republika Srpska, je sais simplement qu'il s'agissait de l'armée de la

15 Republika Srpska, il n'y avait plus JNA à l'époque.

16 Q. La question que je vous pose est une question qui concerne l'officier

17 qui commandait le corps dont vous avez fait partie. Vous avez dit vous

18 souvenir du général Galic, qui était commandant du corps, et la question

19 que je vous pose, c'est celle-ci : est-ce que vous savez que le général

20 Galic était un officier de carrière qui faisait partie de la JNA avant

21 qu'il ne prenne le commandement du Corps de Sarajevo-Romanija ?

22 R. Le 1er juin 1992 je suis devenu un soldat de la Republika Srpska et je

23 n'avais jamais entendu du général Galic.

24 Q. Avez-vous appris quelque chose lorsque vous avez servi ce corps ?

25 R. Lorsque j'ai servi au sein de ce corps j'avais mon supérieur

26 hiérarchique, mon peloton, ma compagnie. Je n'avais pas besoin de savoir

27 autre chose. J'ai vu mon commandant de bataillon une seule fois et c'était

28 à la télévision. Je n'avais pas besoin de le voir et je n'ai pas eu

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1 l'occasion de le voir.

2 Q. Essayons d'aborder cette question un peu différemment. A l'époque où

3 vous étiez un membre du Corps de Sarajevo-Romanija, je vais énumérer du

4 matériel militaire comme élément utilisé. Je vais vous demander si c'était

5 utilisé par le Corps de Sarajevo-Romanija, les radios, par exemple.

6 R. Oui, sans doute. Mais je ne peux pas corroborer ceci étant donné que je

7 n'en ai pas vu.

8 Q. Et des pièces d'artillerie ?

9 R. Dans la maison où j'étais, non.

10 Q. Dans les autres zones, qu'en est-il ?

11 R. Moi, j'étais entre le pont de Bratsiva-Jedinstva, entre Strojorad et le

12 stade de Gilo [phon] dans cette zone même.

13 Q. Peut-être que je n'étais pas suffisamment clair. Est-ce que vous savez

14 s'il y avait des pièces d'artillerie dans d'autres zones que celles-ci ?

15 R. Sans doute que oui.

16 Q. Sans entrer dans le détail par rapport aux équipements militaires,

17 n'est-il pas exact que le Corps de Sarajevo-Romanija avait hérité de

18 l'équipement de l'armée populaire yougoslave. C'est de là que vient

19 l'équipement de la Republika Krajina ?

20 R. La JNA a pris tout l'équipement. Ce qu'ils ont laissé, ce sont des

21 pièces d'artillerie désuètes, vieilles, inutilisables. Alors, nos soldats

22 essayaient de les réparer du mieux qu'ils pouvaient.

23 Q. N'est-il pas exact que le Corps de Sarajevo-Romanija était le 4e Corps

24 du 2e District militaire de l'armée populaire yougoslave qui avait tout

25 simplement un nouveau nom ?

26 R. Non, ce n'est pas vrai.

27 Q. Vous avez dit que vous ne connaissiez pas la carrière du général Galic

28 avant qu'il devienne commandant du Corps d'armée dont vous faisiez partie ?

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1 R. C'est vrai.

2 Q. Et vous n'avez pas reconnu le nom du général Sipcic; est-ce exact ?

3 R. C'est vrai.

4 Q. D'après ce que vous avez dit "il est fort probable la SRK avait des

5 radios" mais vous n'êtes pas en mesure de confirmer cela; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous supposez qu'il y a eu des pièces d'artillerie dans les zones

8 autres que les zones où vous étiez stationné, déployé, mais vous ne savez

9 pas où il y en avait ?

10 R. Je sais quelle était la situation dans la zone où j'ai été et là il n'y

11 avait pas de pièces d'artillerie.

12 Q. Dans votre zone, pendant toute la période que vous avez servie au sein

13 du corps de Sarajevo-Romanija, vous étiez simple soldat, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous n'avez pas été de commandant d'aucune sorte ?

16 R. Non.

17 Q. Vous n'étiez pas membre des officiers du corps d'armée au niveau de la

18 caserne de Lukavica ?

19 R. Non, je n'avais pas besoin d'y aller.

20 Q. Si le général Milosevic avait donné des ordres aux tireurs embusqués

21 faisant partie du Corps Sarajevo-Romanija, vous n'auriez pas été au courant

22 de l'existence de tels ordres, n'est-ce pas ?

23 R. C'est la première fois que je vois le général Milosevic. C'est ici,

24 dans ce prétoire.

25 Q. Donc la réponse est non. Vous n'auriez pas été au courant d'éventuels

26 ordres qu'il aurait pu donner aux tireurs embusqués, ou bien aux compagnies

27 de mortier ou des unités d'artillerie qui faisaient partie du Corps

28 Sarajevo-Romanija ? C'est quelque chose que vous n'auriez pas su

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1 normalement ?

2 R. Non.

3 Q. En 1992, vous avez déposé en disant que les forces musulmanes

4 contrôlaient Zuc et Hum, les collines ?

5 R. Oui, c'est vrai.

6 Q. Vous avez dit que c'étaient les Musulmans de Sandzak, et pas les

7 Musulmans de Bosnie, n'est-ce pas, qui se trouvaient là ?

8 R. C'était mélangé. Au moment où ils m'ont attrapé, c'étaient des gens de

9 Sandzak. En ce qui concerne mes voisins musulmans, je ne sais pas où ils

10 étaient.

11 Q. Vous avez dit qu'avant ces événements détestables, vous et vos voisins

12 musulmans montiez la garde ensemble, garde de voisinage, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, ensemble, on était ensemble. Et tout ceci jusqu'au

14 16 mai.

15 Q. Donc les rapports étaient bons, n'est-ce pas, jusqu'à cette date-là ?

16 R. Relativement bons.

17 Q. On va revenir sur la question des collines. Sarajevo se trouve dans une

18 cuvette, les bords de cette cuvette sont en réalité des montagnes, n'est-ce

19 pas, des montagnes qui entourent la ville ?

20 R. Oui.

21 Q. Zuc et Hum font partie de cet anneau, ce cercle de montagnes qui

22 entourent la ville de Sarajevo, et qui se trouvent finalement dans la ville

23 de Sarajevo, n'est-ce pas ?

24 R. Les collines de Zuc et de Hum se trouvent à Sarajevo même.

25 Q. Donc les collines qui entourent la ville et qui sont en hauteur par

26 rapport à la ville, sont aussi en hauteur par rapport aux collines de Zuc

27 et de Hum, n'est-ce pas ? C'est juste une question de géographie que je

28 vous pose là ?

Page 6893

1 R. Je ne suis pas sûr.

2 Q. Bien. Vous n'en êtes pas sûr. De toute façon --

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il

5 serait correct de demander au témoin quelles sont les collines les plus

6 élevées que les collines de Zuc et de Hum, parce que la question que vous

7 avez posée est plus que vague.

8 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, ce que j'essaie

9 d'établir c'est qu'il y a des collines autour de la ville qui sont plus

10 élevées que la ville. Je ne pense pas qu'il est vraiment nécessaire de

11 donner les noms, puisque nous connaissons tous la configuration du terrain

12 parce qu'il faudrait partir d'un repère, ensuite faire le tout en donnant

13 le nom de toutes les collines, enfin de toutes les montagnes.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous voulez aussi dire

15 qu'il y a des montagnes qui sont plus élevées que les collines de Zuc et

16 Hum ?

17 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui. Mais je vous dis qu'on n'a pas vraiment

18 besoin de donner le nom. Je donne la configuration de la vallée de

19 Sarajevo.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien, je vais poser la question

21 directement à M. le Témoin.

22 Monsieur le Témoin, est-ce que vous connaissez le nom de montagnes qui sont

23 plus élevées que les collines de Zuc et de Hum ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a Trebevic. Je ne suis pas sûr qu'on

25 puisse.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez.

27 M. DOCHERTY : [interprétation]

28 Q. Vous avez dit, Monsieur, qu'au cours de l'année 1992, quand on a

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1 attaqué Pofalici, que les forces attaquants sont descendues du Zuc et du

2 Hum, de ces deux collines; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez aussi dit qu'ils sont venus de l'usine de tabac. Est-ce que

5 vous vous souvenez d'avoir dit cela ?

6 R. Oui.

7 Q. Et dans ce cas-là, ils ne descendaient pas des collines. Parce que pour

8 venir à Pofalici à partir de cette fabrique de tabac, on n'avait pas besoin

9 de descendre puisque ces deux endroits sont situés au même niveau ?

10 R. A l'endroit qui a été attaqué par des forces musulmanes, et je vous dis

11 que Zuc et Hum et sous le niveau de Velesici et c'est nous qui étions

12 encerclé.

13 Q. Ce qui m'intéresse c'était la question de descendre des collines, parce

14 qu'il y a des forces qui sont descendues pour vous attaquer et d'autres qui

15 ne sont pas descendues de la colline pour vous attaquer; est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Vous n'avez pas parlé du contrôle, d'autres points stratégiques dans la

18 ville de Sarajevo tels que trois bâtiments importants, carrefours, et

19 cetera ?

20 R. C'est exact.

21 Q. Et la réalité est que pendant que vous étiez à Pofalici, les activités

22 de combat se faisaient - vraiment c'étaient des combats de rue, c'est-à-

23 dire corps à corps, les attaquants, les assaillants et les attaqués se

24 battaient vraiment corps à corps ?

25 R. Je n'ai pas compris.

26 Q. Je vais essayer, j'essaie à nouveau. Donc la bataille à Pofalici, la

27 bataille entre les attaquants, les assaillants et ceux qui défendaient le

28 village c'était un combat très rapproché, il s'est trouvé au même niveau,

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1 sur les mêmes terrains; est-ce que vous m'avez compris ?

2 R. Il n'y a pas eu de combat à Pofalici avant cette journée, cette date-

3 là, à savoir la date du 16 mai 1992.

4 Q. Le 16 mai 1992, c'était un combat rapproché entre les forces

5 assaillantes et les défendants qui se battaient donc au même niveau, ils

6 étaient au même niveau.

7 R. Non, je ne dirais pas cela.

8 Q. Quel est point sur lequel vous ne serez pas d'accord ? Sur le fait que

9 c'était un combat rapproché ou bien c'est le fait qui s'est trouvé au même

10 niveau sur la même altitude ?

11 R. C'est la question de l'altitude dont je doute.

12 Q. Mais il s'agissait d'un combat rapproché ? Là vous êtes d'accord ?

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi vous n'êtes pas d'accord

15 pour dire qu'ils étaient sur la même altitude ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que la colline de Zuc et la colline de

17 Hum, bien, nous étions au dessous de ces deux collines, alors que ces

18 unités, les unités musulmanes, elles étaient en hauteur par rapport à nous.

19 Nous, nous étions dans la vallée, ils étaient en hauteur. Nous, nous étions

20 à Pofalici alors qu'eux ils étaient dans les élévations. Donc ils

21 contrôlaient, ils avaient le contrôle du terrain.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

23 M. DOCHERTY : [interprétation]

24 Q. Quand M. Kapuskovic vous a posé des questions au sujet de la descente

25 de ces forces-là, quand ils descendaient de la colline ? Je me souviens que

26 vous avez dessiné quelques flèches sur la carte et vous avez parlé des

27 distances que cela représentait et vous avez dit que ces forces ont

28 descendu pour arriver à Pofalici ? Et c'est à Pofalici que la bataille a eu

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1 lieu ?

2 R. Oui.

3 Q. Par la suite, pour des conflits armés, pendant que M. Milosevic était

4 le commandant du corps d'armée, vous étiez un simple soldat à Grbavica,

5 n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. A Grbavica, il y a plusieurs immeubles assez haut, n'est-ce pas ?

8 R. Il y en a trois.

9 Q. Est-ce que vous connaissez Metalka, par exemple, l'immeuble de Metalka

10 ?

11 R. J'en ai entendu parler. Mais cet immeuble ne se trouve pas dans la zone

12 de responsabilité de ma compagnie.

13 Q. Il y avait trois bâtiments élevés dans la zone de responsabilité de

14 votre compagnie; est-ce exact ? C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas ?

15 Excusez-moi, pourriez-vous répondre à la question posée ?

16 R. Trois grands bâtiments. Oui.

17 Q. Excusez-moi, mais vous savez, quand vous faites un signe de la tête,

18 ceci ne figure pas dans le compte rendu d'audience. Donc vous avez vraiment

19 besoin d'y répondre.

20 R. Oui. C'étaient trois bâtiments très hauts habités par des civils,

21 Soping, c'est appelé Soping ou les gratte-ciels jaunes.

22 Q. A partir de ces gratte-ciels, était-il possible que les tireurs

23 embusqués tirent en traversant de l'autre côté de la rivière Miljacka au

24 niveau de la zone contrôlée par l'ABiH ? Est-ce que ceci est-il possible ?

25 R. Non.

26 M. DOCHERTY : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je voudrais

27 montrer au témoin le document qui porte la cote

28 65 ter 02825.

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1 Q. Monsieur, voyez-vous la photo sur l'écran devant vous ?

2 R. Oui.

3 Q. Regardez la partie au fond de la photo. Il y a des bâtiments assez

4 hauts avec des toits blancs. Est-ce que vous reconnaissez ces bâtiments ?

5 R. Non.

6 Q. Vous avez pourtant dit que vous avez été déployé à Grbavica; est-ce

7 exact ?

8 R. Oui. Mais à partir du pont Brotherhood jusqu'à Strojorad et de

9 Strojorad jusqu'au stade de Gir. Je n'avais aucun besoin de me promener de

10 la droite ou de la gauche.

11 Q. Donc vous ne reconnaissez pas ce qui est représenté sur cette photo ?

12 R. Non.

13 M. DOCHERTY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

14 Président.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y a des questions

16 supplémentaires que vous souhaiteriez poser, Maître

17 Tapuskovic ?

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Une seule question, Monsieur le Président.

19 Nouvel interrogatoire par M. Tapuskovic :

20 Q. [interprétation] Puisque vous avez mentionné Grbavica, j'ai une

21 question pour le témoin.

22 Monsieur le Témoin, êtes-vous en mesure d'établir les repères

23 géographiques de ce qui se trouvait à Grbavica ?

24 R. D'après ce que je pouvais voir, enfin ce que je pouvais voir à

25 partir de ma zone de responsabilité, il y avait l'école de l'économie, la

26 salle d'école d'économie, l'hôtel Bristol.

27 Q. Non, par rapport aux collines, on parle des collines là.

28 R. J'ai compris. Il y avait Debelo Brdo. De Debelo Brdo, on pouvait nous

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1 tirer dessus par des tireurs embusqués. Il y avait Mojmilo Brdo.

2 C'est là que j'ai été blessé, à partir de là le 30 janvier.

3 Q. Merci.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. Je vous

5 remercie.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, à nouveau nous

7 devons vous dire que nous compatissons avec vous pour ce que vous avez

8 enduré. Nous vous remercions d'être venu déposer ici. Vous pouvez partir.

9 Nous allons lever la séance et vous allez pouvoir partir en même temps que

10 nous.

11 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mercredi 20 juin

12 2007, à 14 heures 15.

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