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1 Le mardi 21 août 2007
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourrais-je vous remercier tout
6 d'abord pour la poursuite et la conclusion de ce procès, alors je n'entends
7 pas l'anglais sur le canal anglais.
8 Je tiens à dire qu'en l'absence du Juge Mindua, nous allons siéger en vertu
9 des dispositions prévues à l'article 15 bis.
10 Je vais en profiter pour donner une décision à propos d'une demande faite
11 par la Défense portant sur l'admission d'un rapport d'expert écrit par M.
12 Ivan Stamenov.
13 La Défense a l'intention de citer M. Stamenov en tant qu'expert
14 balistique. Nous avons une biographie qui nous donne les détails de sa
15 carrière et de son éducation. L'Accusation remet en cause l'expertise de
16 cet expert pour ce qui est des sections 6 et 7 du rapport qui donne
17 l'analyse et les conclusions portant sur les incidents de tirs embusqués.
18 L'Accusation fait valoir que Stamenov n'étant pas officier de police ne
19 possède pas l'expertise suffisante pour faire des remarques sur la
20 précision d'une enquête ayant été menée dans le cadre d'un homicide par la
21 police. Selon l'Accusation, son expertise est principalement une expertise
22 en matière d'armes. Selon l'Accusation, cela dit, cette personne n'a aucune
23 formation et aucune expertise en ce qui concerne les tirs embusqués en tant
24 que tels.
25 Dans la mesure où il est expert en tirs de compétition et en armes de
26 compétition peuvent lui permettre de donner des commentaires ou de faire
27 des remarques en manière de tirs embusqués en tant qu'expert, il peut le
28 faire de l'avis de l'Accusation, cela dit, l'Accusation se demande quel
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1 poids sera attaché à ces remarques.
2 La Défense, dans sa première réponse fait valoir qu'il n'est pas nécessaire
3 d'être un officier de police pour pouvoir faire des remarques à propos de
4 l'origine et la direction d'un tir causée par des armes d'infanterie. La
5 Défense fait valoir de plus que l'analyse de Stamenov à propos des
6 incidents de tireurs embusqués est basée sur une étude des éléments qui ont
7 été fournis par l'Accusation ainsi que les documents d'enquête de la police
8 des Musulmans de Bosnie et des experts balistiques de cette police au vu
9 des informations techniques nécessaires par déterminer la trajectoire d'une
10 balle.
11 Pour ce qui est de l'argument de l'Accusation sur lequel Stamenov n'a pas
12 l'expertise suffisante pour faire les commentaires sur les enquêtes nommées
13 par la police sur les homicides, la Défense fait valoir que la seule
14 conclusion de Stamenov est que les éléments qui lui ont été donnés ne
15 contiennent pas les informations suffisantes pour se prononcer sur la
16 direction des tirs ou sur la nature du projectile qui aurait blessé la
17 victime.
18 La Chambre a étudié le rapport de Stamenov et la biographie. On voit dans
19 son CV qu'il a une carrière militaire de grande envergure au cours de
20 laquelle il a occupé plusieurs postes portant sur le fonctionnement des
21 armes et sur les tirs. De plus, il est vrai qu'il est expérimenté en
22 matière de tirs de compétition. Il connaît au moins les éléments entrant
23 dans le cadre du tir sur cible à partir de différentes distances. Il peut
24 donc être considéré comme étant un expert en balistique.
25 La Chambre de première instance considère donc qu'il est qualifié pour
26 témoigner en tant qu'expert et que les objections qui ont été soulevées par
27 l'Accusation portent sur des points qui n'ont pas à être étudiés lors du
28 contre-interrogatoire afin que la Chambre de première instance puisse
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1 évaluer quel poids sera accordé à sa déposition.
2 Ceci met un terme à la décision de la Chambre de première instance à propos
3 du rapport d'Ivan Stamenov.
4 Parlons-en maintenant du rapport Prsic. J'aimerais demander plusieurs
5 choses à l'Accusation et à la Défense.
6 L'Accusation déclare, Me Tapuskovic, que les deux tiers de ce rapport n'ont
7 pas été écrits par le témoin, ont été recopiés à partir d'un autre
8 document, ce document étant un rapport écrit par la République fédérale de
9 Yougoslavie à la Cour internationale de justice. Je remarque que M. Prsic
10 est expert, n'a pas fait valoir qu'il s'était servi de cette source. Je
11 demande donc à Me Tapuskovic si ce n'est pas quand même tout à fait
12 choquant. En effet, pourquoi la Chambre devrait-elle accepter un rapport,
13 soi-disant rédigé par un expert, alors que les deux tiers de son rapport ne
14 sont pas de sa plume et qu'il n'a même pas fait valoir ce fait ? Or, cela
15 ressemble très fort à un plagiat, il me semble. Maître Tapuskovic, qu'avez-
16 vous à dire ?
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, tout d'abord je tiens
18 à dire que les éléments sur la base desquels le Pr Prsic s'est appuyé sont
19 principalement des documents que la Défense avaient demandés auprès de
20 l'ex-République de Yougoslavie qui existait encore à l'époque, et suite à
21 la décision prise à l'époque par le président de l'Etat qui existait encore
22 à ce moment-là, de l'union de Serbie-et-Monténégro, c'est d'ailleurs M.
23 Svetozar Marovic, nous avons reçu un grand nombre de documents parmi
24 lesquels un premier document qui n'était pas celui qu'a mentionné
25 l'Accusation. Il s'agissait là de la réponse que nous a donnée cet Etat, un
26 autre Etat en 1995. Personne ne peut comprendre ce qui se passait à
27 l'époque. Mais ce n'est pas ce document qui a été employé.
28 J'ai d'ailleurs donné à l'Accusation cette décision du gouvernement fédéral
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1 de l'époque, bien sûr, signée par le président, donc M. Svetozar Marovic.
2 Et le premier document qui a été cité s'appelle : "Evénements importants de
3 Bosnie-Herzégovine portant sur la guerre." C'est un document de 76 pages,
4 un document de travail. Bien sûr, j'ai attiré l'attention de l'expert sur
5 ces documents. Ce sont des documents extrêmement importants qui contiennent
6 de nombreuses pages et il a, bien sûr, utilisé et employé ces documents. De
7 toute façon, on ne peut pas réinventer l'histoire. On ne peut pas réécrire
8 l'histoire et les faits. Les faits sont là. Ces documents donnaient des
9 informations et je ne pense pas que ces événements, qui portaient
10 principalement sur ce qui s'est passé avant le XXe siècle, étaient vraiment
11 essentiels en l'espèce.
12 Or, je ne sais pas du tout comment la Chambre de première instance va
13 évaluer les événements historiques. M. Prsic nous a donné ce contexte
14 historique, le contexte historique ne peut pas être modifié. Il a juste
15 utilisé les documents que je lui ai donnés.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il n'a pas fait valoir
17 qu'il avait employé une autre source. Il a présenté ces chapitres comme
18 étant les siens et donc nous aurions pu en penser que cette analyse était
19 sa propre analyse alors qu'elle ne l'était pas finalement.
20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je comprends bien que vous prendrez cela
21 en compte, Messieurs les Juges, mais il me semble que dans ce domaine, les
22 documents historiques et les faits historiques ne peuvent pas être
23 interprétés. Il est vrai, certes, que les différentes parties au conflit
24 ont leurs propres versions des faits, mais je ne pense pas que cette partie
25 du rapport est vraiment essentielle en l'espèce. Ce qui est important pour
26 la Défense, ce sont les événements qui sont intervenus dix à 15 ans avant
27 le conflit, les modifications constitutionnelles et ainsi de suite.
28 Bien sûr, c'est à vous, Messieurs les Juges, d'y attacher le poids
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1 adéquat. Mais pour ce qui est des événements qui ont immédiatement précédé
2 le conflit, il me semble que les conclusions de cet expert vous seront très
3 utiles. C'est à vous de les évaluer. Bien sûr, c'est entre vos mains. Si
4 vous considérez qu'il s'agit d'un rapport qui n'est qu'un plagiat, après
5 tout c'est à vous de décider. Tout ce que peut dire l'expert, c'est vrai,
6 c'est qu'il a bel et bien reçu ces documents du gouvernement fédéral de
7 l'époque.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
9 Monsieur Docherty, par le biais de Me Tapuskovic, la Défense fait
10 valoir qu'il n'est pas si important que cela que les deux tiers du rapport
11 soient tirés mot pour mot d'un autre document. Selon la Défense, il s'agit
12 de faits historiques. La Défense ne déclare que vous ne pouvez réinventer
13 la roue. Alors, qu'avez-vous à dire, Monsieur Docherty ?
14 M. DOCHERTY : [interprétation] J'ai deux chose à dire.
15 Tout d'abord, la Défense dit après tout que ça n'a pas d'importance, mais
16 il l'a dit de façon étrange. Ils disent que les événements qui sont relatés
17 dans les deux tiers du rapport ne sont pas importants. Selon eux, les deux
18 tiers du rapport sont superflus. Alors pourquoi a-t-il été montré
19 finalement ?
20 Ensuite, si l'on accepte ce que dit la Défense, qui est d'un point de
21 vue philosophique le fait que le passé est le passé et qu'il ne peut pas
22 être réinterprété, mettons que l'on accepte ce point, néanmoins le rapport
23 présenté n'est pas en fait une présentation des faits historiques avec des
24 dates et des événements listés les uns derrière les autres, il s'agit d'une
25 analyse de ces faits. Evidemment, quand on a un expert historique dans un
26 procès, on ne considère pas qu'il va juste vous réciter différentes dates,
27 on attend de lui qu'il explique et qu'il analyse les événements, qu'il
28 explique pourquoi ces événements sont importants en l'espèce. Et c'est ce
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1 qui justement était présenté par le Dr Prsic comme étant sa propre analyse,
2 alors que ce n'était même pas le cas.
3 Et je dois dire que du côté de l'Accusation, nous avons été assez surpris
4 que nous avons demandé à la Défense pourquoi les deux rapports
5 correspondaient aussi bien l'un avec l'autre, jusqu'aux numéros de
6 paragraphe, entre le rapport qui a été présenté à la Cour, qui a été
7 présenté ici en l'espèce et le rapport qui avait été présenté à la Cour
8 internationale du Justice. Nous pensions que le Dr Prsic allait dire qu'il
9 avait participé à la rédaction de ce document qui a été présenté à la Cour
10 internationale de justice et que c'est pour cela que c'était donc plus ou
11 moins son œuvre. Mais le Dr Prsic a nié toute connaissance des documents
12 présentés à la Cour internationale de justice, donc c'est complètement
13 impossible à croire, étant donné la correspondance exacte entre paragraphes
14 dans les deux documents.
15 Donc, je considère que d'un côté je suis d'accord avec la Défense sur les
16 faits historiques. Si on en a besoin de s'y référer on peut aller se
17 référer à des archives. Ici, il s'agit en revanche d'un expert qui nous
18 analyse et qui interprète l'histoire, et donc nous avons pas obtenu
19 l'interprétation même du Dr Prsic. Nous n'avons obtenu de l'interprétation
20 de la personne qui a rédigé le document. On ne sait même pas qui c'est.
21 Nous considérons que selon les Règlements de procédure et de preuve qui
22 précisent quels sont les critères dans le cadre desquels un rapport
23 d'expert peut être accepté, normalement il doit être accepté si le témoin
24 qui l'a rédigé possède l'expertise nécessaire. Quand on regarde le CV du Dr
25 Prsic, certes il a les diplômes nécessaires, il a étudié les sujets
26 pertinents. Mais nous considérons qu'étant donné que le Dr Prsic considère
27 qu'il pouvait donner les travaux d'un autre comme étant les siens, nous
28 considérons que c'est parce qu'il n'était pas capable lui-même de rédiger
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1 ce rapport et qu'il n'a pas pu donc effectuer cette analyse lui-même, ce
2 qui signifie que bien qu'il ait tous les diplômes universitaires
3 nécessaires, il n'est pas qualifié pour se dire expert sur ces sujets qui
4 sont discutés dans les rapports.
5 Et c'est pour cela que l'Accusation considère que le rapport
6 historique de cet expert de la Défense ne devait pas être versé au dossier
7 au motif que l'auteur de ce rapport n'a pas l'expertise nécessaire pour
8 donner son opinion en l'espèce.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Nous rendrons les
10 décisions à ce propos rapidement.
11 Maintenant, votre témoin suivant. Il s'agit de M. Demurenko, il me semble,
12 n'est-ce pas ? Et si vous vous souvenez, nous devons poursuivre le contre-
13 interrogatoire étant donné qu'il a dû maintenant nous fournir les documents
14 nécessaires qui manquaient la dernière fois. L'Accusation aura donc 50
15 minutes pour poursuivre son contre-interrogatoire et ensuite nous aurons
16 les questions supplémentaires.
17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
18 LE TÉMOIN: ANDREI DEMURENKO [Reprise]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Demurenko, vous êtes
21 toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez faites au début
22 de votre déposition.
23 Monsieur Waespi, vous avez la parole.
24 M. WAESPI : [interprétation] Bonjour. Bonjour à tous.
25 Contre-interrogatoire par M. Waespi : [Suite]
26 Q. [interprétation] Bonjour, Colonel Demurenko.
27 R. Bonjour, je suis ravis de me retrouver ici dans ce prétoire.
28 Q. J'ai quelques points à aborder avec vous dans le temps qui nous reste
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1 pour le contre-interrogatoire. Je fais aussi référence à certaines des
2 photographies que vous nous avez données.
3 Tout d'abord, revenons-en à la déclaration que vous avez faite devant
4 la télévision serbe de Bosnie. Vous vous en souvenez ?
5 Je pense qu'il y a un problème de traduction.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est bien ça. Vous n'avez pas de
7 traduction ? C'est ça ? Vous ne recevez pas la traduction dans la bonne
8 langue ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, tout va bien maintenant. Tout va bien.
10 J'aime beaucoup les langues qui sont parlés dans l'ex-Yougoslavie, mais je
11 préfère quand même entendre dans ma propre langue.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Une minute, Monsieur Waespi.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, je me demandais si
15 les questions que vous alliez poser lors de ce contre-interrogatoire
16 supplémentaire ne devaient pas émaner uniquement des documents ou vos
17 documents qui nous ont été présentés ou si vous aviez encore du temps pour
18 le contre-interrogatoire normal, si je puis dire.
19 M. WAESPI : [interprétation] Je pense que j'ai encore du temps puisque je
20 n'ai utilisé que deux tiers du temps qui m'avait été imparti au départ, 50
21 minutes, et je suis persuadé que je vais en terminer en 50 minutes.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, allez-y.
23 M. WAESPI : [interprétation]
24 Q. Vous me comprenez maintenant, Colonel Demurenko ?
25 R. Oui.
26 Q. Nous allons parler de cette interview devant la télévision des Serbes
27 de Bosnie. Vous vous en souvenez de ce clip que nous avons vu ?
28 R. Oui.
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1 Q. Lors de cette interview vous n'avez jamais remis en cause les
2 conclusions techniques des enquêteurs bosniaques ou autres pour, par
3 exemple, l'angle de descente ou l'azimut, n'est-ce pas ?
4 R. Non, non. En effet, je n'ai pas remis cela en question. D'ailleurs,
5 c'est sur cela que je me suis fondé pour ma propre enquête. Je voulais
6 montrer qu'en principe nous avons bel et bien pris en cause les conclusions
7 préliminaires faites par les spécialistes d'artillerie et par les experts
8 balistiques sur place.
9 Q. Donc, la seule question qui reste en suspens c'est si les emplacements
10 où vous vous êtes rendus étaient d'une telle nature qu'ils permettraient
11 que l'on tire un obus de 120-millimètres, ou si ces emplacements que vous
12 avez visités n'étaient pas du tout corrects et qu'il était impossible qu'on
13 y ait installé des mortiers à cause, par exemple, des arbres ou de la
14 déclivité du terrain; c'est bien cela ?
15 R. Oui, tout à fait.
16 M. WAESPI : [interprétation] Pouvons-nous regarder maintenant la
17 photographie 03498. Il s'agit d'un cliché qui nous vient de cette
18 interview, de ce clip.
19 Q. Et on voit que vous avez étudié les tables de tir de la JNA pour un
20 mortier de 120-millimètres, M52; c'est bien cela ? Je pense que la
21 photographie va s'afficher rapidement.
22 Mais pendant que la photo s'affiche, je vous pose la question suivante :
23 est-ce que vous vous souvenez que vous avez basé vos calculs portant sur la
24 distance sur les tables de tir donnant les indications pour un mortier M52
25 de 120-millimètres et c'est les tables de la JNA ?
26 R. Oui, absolument, tout à fait. Je me suis basé sur les informations qui
27 avaient été données par les experts balistiques dès le départ. J'ai déjà
28 parlé de tout ça. Je ne vous montre rien de nouveau d'ailleurs. J'ai
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1 apporté ce document avec moi pour bien vous montrer. Or, ce document c'est
2 le premier exemplaire de l'enquête préliminaire. Il y a mes notes
3 manuscrites qui y sont portées. Je vous avais envoyé ces documents, mais je
4 l'apporte maintenant pour qu'on le voie vraiment.
5 Q. Très bien, très bien. Nous allons y revenir. Mais au compte rendu,
6 c'est dans le rapport, on n'a absolument pas écrit que c'est un M52 qui a
7 été employé par l'armée des Serbes de Bosnie. En revanche, peut-être le
8 savez-vous, il s'agirait d'un M74. L'armée des Serbes de Bosnie avait
9 utilisé un M74. D'ailleurs, cela se trouve dans la pièce de la Défense,
10 252, à la page 2.
11 R. Je voudrais attirer votre attention sur une chose. Le mortier de 120-
12 millimètres produit dans l'Union Soviétique se trouve parmi les armements
13 de l'ancienne Yougoslavie entière. Après le démantèlement de la
14 Yougoslavie, ces mortiers de 120-millimètres sont restés dans toutes les
15 parties de l'ancienne Yougoslavie, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, en
16 Serbie, partout. Il s'agit d'un seul et même système, indépendamment du
17 fait qu'il s'agissait de différents modèles, M52, M54. Il s'agit d'un seul
18 et même mortier avec la même table de tir et rien n'a changé, rien n'a été
19 modifié dans la JNA, la JNA n'avait pas de possibilités de faire de telles
20 modifications, il s'agit de tables de tir pour utiliser les mortiers de
21 120-millimètres.
22 Q. Mais je vous dis, Monsieur le Colonel, que le M74, d'après le
23 témoignage et il n'y a pas d'autres témoignages au compte rendu, a été
24 utilisé par l'armée des Serbes de Bosnie et qu'elle avait différentes
25 tables de tir avec des différentes données pour ce qui est des distances de
26 tir, différentes également par rapport aussi aux charges et c'est M52.
27 R. Je ne sais pas de quel témoignage vous parlez. Lors de mon service,
28 j'ai fait l'inspection de toutes les unités des parties belligérantes et
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1 j'ai vu de mes propres yeux que les mortiers de 120-millimètres ont été
2 utilisés par les parties belligérantes et c'est le modèle que j'ai
3 mentionné à titre d'exemple sans aucune restriction. J'ai vu donc le même
4 mortier dans les deux parties et je ne sais vraiment pas de quel témoignage
5 vous parlez.
6 Q. Supposons que pour ce qui est de votre calcul et la base que vous avez
7 utilisée pour savoir quel était l'azimut. Maintenant, parlons du degré de
8 lancement de projectile de ce mortier. Si vous regardez la direction de 176
9 degrés du cercle entier de 360 degrés, n'est-ce pas ?
10 R. Comme vous comprenez, je ne peux pas me souvenir de chiffres
11 maintenant, mais j'ai le document ici et le document qui contient d'autres
12 données, d'autres chiffres, et par rapport aux chiffres que vous avez
13 donnés, il s'agit de la source principale que j'ai utilisée pour mon
14 enquête.
15 Q. Mais enfin, permettez-moi de revenir un peu plus dans le passé parce
16 que vous nous avez dit que dans cette interview accordée à la télévision --
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Juste une seconde, Monsieur Waespi.
18 Vous venez de dire que vous avez un document qui montre des données de
19 chiffres différents par rapport à des chiffres cités par le Procureur. Quel
20 est ce document ? Et dites-nous quels sont les chiffres qui figurent dans
21 ce document ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens d'entendre le chiffre 176 degrés.
23 Dans la table de tir que j'ai, il y a d'autres chiffres, ils sont
24 différents.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dites-nous ce qu'il est dit dans ce
26 document.
27 M. WAESPI : [interprétation] Peut-être --
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais que cela soit consigné au
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1 compte rendu.
2 M. WAESPI : [interprétation] Peut-être pourrions-nous mettre cela sur le
3 rétroprojecteur ?
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Plaçons le document sur le
5 rétroprojecteur.
6 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit du document
7 que le témoin -- non. Je pense que cette partie a été déjà versée au
8 dossier, mais cette partie du document nous montre que l'angle de descente
9 du projectile et c'est quelque chose dont je n'aimerais pas discuter.
10 Maintenant, ce qui m'intéresse c'est la direction du tir, d'où le
11 projectile a été lancé. Si vous avez le cercle de 360 degrés, il y a une
12 pièce à conviction par rapport à cela. Je pense que le Colonel a dit la
13 dernière fois, il a tracé une ligne de 176 degrés et il a dit cela à la
14 page 7 700. Et c'est sur cette ligne qui représente l'angle de 176 degrés,
15 il a indiqué trois ou quatre emplacements.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, j'aimerais qu'il
17 soit consigné au compte rendu, qu'il soit clair de quel document il s'agit,
18 à quel document du Tribunal le témoin a fait référence. Est-ce que cela a
19 été déjà versé au dossier ?
20 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, accordez-moi quelques
21 instants, je vais essayer de retrouver l'endroit exact.
22 Maître Tapuskovic, vous avez la parole.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, sur l'écran, le
24 croquis qu'on voit, est-ce que le témoin pourrait nous dire ce que ce
25 croquis représente ?
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il devrait nous dire de quoi il
27 s'agit aux fins du compte rendu, parce que j'aimerais que cela soit
28 clairement identifié. Si cela a été déjà versé au dossier, j'aimerais
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1 savoir la cote qui a été accordée à cette pièce à conviction. C'est peut-
2 être plus pour mon équipe qui est en charge de résumer tout cela.
3 M. WAESPI : [interprétation] Il s'agit de 254, Monsieur le Président, la
4 pièce à conviction de l'Accusation.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction
6 de l'Accusation 254. Oui.
7 M. WAESPI : [interprétation] Et cela a été annoté par le témoin. Il s'agit
8 évidemment du rapport des experts de Bosnie.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est le document qui a été préparé
11 en Bosnie-Herzégovine.
12 M. WAESPI : [interprétation] Oui, et cela a été versé au dossier en
13 février. C'était la pièce à conviction de l'Accusation par rapport au
14 témoin protégé 137. Je suis reconnaissant à M. Sachdeva, qui m'a fourni
15 cette information.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez.
17 M. WAESPI : [interprétation]
18 Q. Dans cette pièce à conviction, il s'agit de l'angle de descente de
19 l'obus sur le sol, n'est-ce pas ?
20 R. Ce n'est pas l'impression que j'ai eue. L'angle de descente est montré
21 dans ce document. C'est un document qui a été présenté et qui a été rédigé
22 par un expert du ministère de l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine. Ce qui est
23 important, c'est la chose suivante : je n'ai pas contesté les conclusions
24 des experts de Bosnie-Herzégovine, j'ai décidé d'être impartial et j'ai dit
25 que le secteur Sarajevo est d'accord avec vos conclusions initiales pour ce
26 qui est d'une attaque de mortiers éventuelle et des angles montrés ici.
27 Après cela, j'ai parlé du fait que même si cela était vrai, même si cet
28 angle de descente était exact, les enquêtes ultérieures m'ont montré que
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1 cet obus n'aurait pas pu provenir ou être lancé du territoire serbe ou
2 plutôt du territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie. C'était tout. Je ne
3 voulais pas parler de détails techniques concernant cet angle et d'autres
4 conclusions. J'ai dit que le croquis initial était exact, mais maintenant
5 je vais essayer de parler de votre tentative d'accuser les Serbes de Bosnie
6 en tant qu'agresseurs.
7 Q. Maintenant, parlons de l'azimut, de la direction du tir, de
8 l'emplacement du mortier qui a lancé l'obus. Vous avez mentionné le chiffre
9 2 850, plus ou moins, milles, plus ou moins, ce qui équivaut à peu près à
10 160 degrés, n'est-ce pas ?
11 M. WAESPI : [interprétation] Et pendant que vous pensez à la réponse à nous
12 donner, nous pourrions afficher la pièce à conviction P357, à la page 6.
13 Q. Ce qui m'intéresse surtout, c'est de voir la direction du tir. Pouvez-
14 vous vous concentrer sur cela ? L'Accusation dit que c'était du territoire
15 des Serbes de Bosnie. Concentrez-vous au cercle de 360 degrés. J'ai compris
16 dans votre dernier témoignage, que vous avez dit qu'il s'agissait de
17 l'angle de 176 degrés lorsqu'il s'agit de l'azimut, la direction du tir,
18 par rapport au cercle de 360 degrés, c'est-à-dire un peu, légèrement moins
19 de 180 degrés.
20 Vous souvenez-vous d'avoir dit la dernière fois que vous êtes allé voir des
21 emplacements où se trouvaient ces mortiers sur cette direction de 176
22 degrés ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, vous avez posé
24 plusieurs questions. Peut-être ce sont des aspects d'une même question,
25 mais d'abord vous avez demandé si le témoin est d'accord s'il s'agissait de
26 2 850 milles, plus ou moins, ce qui équivaut à l'angle de 160 degrés ou à
27 cet angle. Quelle est votre réponse à cela ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas prêt maintenant à défendre
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1 certains détails ou certaines coordonnées ou degrés pour une seule raison,
2 parce que beaucoup de temps s'est passé et je ne peux pas dire s'il
3 s'agissait de l'angle de 167, 175 ou 160 degrés. C'est un principe. Voilà,
4 je parle d'un principe.
5 Dans le document que j'ai envoyé à ce Tribunal, il y a des documents que
6 j'ai mentionnés dans cette interview accordée à la télévision, et ce que je
7 tiens entre mes mains maintenant et aujourd'hui, c'est la première copie
8 qui était le résultat de mon enquête. Mais je ne suis pas prêt maintenant à
9 parler des fractions et des chiffres, mais je peux vous répondre à la
10 deuxième question qui m'a été posée. Je me suis rendu à des emplacements
11 qui ont été identifiés en tant qu'emplacements possibles de mortier qui a
12 tiré ce projectile, et je pense que c'est dans le document que j'ai envoyé
13 au Tribunal.
14 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin, je pense, a
15 apporté un croquis qu'il aurait dessiné lui-même, et je pense que ce
16 croquis pourrait être placé sur le rétroprojecteur. Je pense qu'il s'agit
17 de la pièce DD00-4398. Oui, c'est le croquis que le témoin a apporté avec
18 lui. Est-ce qu'on pourrait placer cela sur le rétroprojecteur ?
19 Je pensais que le témoin avait un croquis différent qui fait partie des
20 documents -- oui, c'est le croquis auquel je m'intéresse. Est-ce qu'on peut
21 le placer différemment ?
22 Q. Monsieur le Témoin, maintenant vous voyez que dans la deuxième ligne
23 dans la partie manuscrite, pour ce qui est de la direction des tirs, le 2
24 850 milles est mentionné, et je vous dis que ce chiffre provient du rapport
25 français, et ce chiffre de 2 850 milles équivaut à 160 degrés à peu près
26 par rapport au cercle parfait de 360 degrés. Seriez-vous d'accord pour dire
27 cela ? Ou bien, il s'agit de beaucoup de chiffres, trop de chiffres ? Nous
28 pouvons continuer. Si vous ne voulez pas donner de réponses pas rapport à
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1 ces chiffres, ce que vous avez dit il y a quelques minutes.
2 R. Non, non. Je voudrais confirmer que ce croquis, qui fait partie des
3 documents et qui est sous mes yeux, ces croquis sont pratiquement les
4 mêmes, bien que les miens sont un peu différents, et ça fait partie de mon
5 enquête et de mes conclusions, et rien n'a changé depuis. J'insiste là-
6 dessus.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Mais une question plus
8 spécifique qui a été posée était la suivante : c'est-à-dire êtes-vous
9 d'accord que le chiffre de 2 850 milles équivaut à l'angle de 160 degrés
10 par rapport au cercle parfait de 360 degrés ? Vous avez répondu auparavant
11 à une question en disant que, si je me souviens bien, que vous ne vouliez
12 pas dire des choses spécifiques. Est-ce que vous maintenez votre position ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est vrai. Il y a une raison toute simple
14 pour cela. Il n'est pas du tout difficile de déterminer une inexactitude si
15 nous commençons à jouer avec des fractions, des milles, et cetera. Il m'est
16 impossible de me souvenir de tous les chiffres qui ont été utilisés et qui
17 étaient dans ma tête pendant la guerre et plus tard. Si vous essayez de
18 dire qu'il s'agit de l'angle de 160 et de l'angle de 170 que j'ai
19 mentionné, cela ne serait pas du tout difficile de me prendre au piège. Je
20 voudrais plutôt ne pas discuter de cet angle de descente et de fractions,
21 et je me concentrerai plutôt sur l'interprétation des chiffres qui ont été
22 exacts parce que cela ne mène nulle part.
23 M. WAESPI : [interprétation]
24 Q. J'accepte cela, Monsieur le Colonel Demurenko. Monsieur le Président,
25 ce que j'essaie de faire, c'est d'identifier la ligne ou la direction et
26 qui vous a en fait poussé à vous rendre sur le terrain pour identifier des
27 emplacements spécifiques. J'ai compris que la dernière fois, dans votre
28 témoignage, vous avez fait un croquis et tracé une ligne de 170 degrés, et
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1 vous êtes allé sur le terrain pour rendre visite à ces trois ou quatre
2 localités où il s'agissait de 176 degrés. C'est ce que vous avez dit à la
3 télévision bosniaque et c'est ce qui a été consigné au compte rendu la
4 dernière fois. Je ne veux pas jouer avec des chiffres. Je ne peux pas vous
5 prendre au piège, pas du tout. Ce que je veux c'est de savoir si vous êtes
6 allé sur le terrain après le 28 août 1995 ? Est-ce que vous êtes d'accord
7 pour ce qui est de cet angle de 176 degrés ?
8 R. Je suis prêt à vous assurer que je maintiens ce que j'ai dit dans
9 l'interview et dans mon témoignage précédent. Je peux confirmer cela.
10 Q. Très bien. Regardons maintenant la carte de la région qui se trouve au
11 sud par rapport à Markale. Il s'agit de 03399. Monsieur le Colonel, vous
12 vous êtes appuyé sur votre témoignage pour dessiner cela. Vous avez tracé
13 la ligne de 170 degrés, après quoi vous vous êtes rendu sur le terrain pour
14 rendre visite aux emplacements possibles où se trouvaient les mortiers, à
15 une distance de 2 000,
16 2 700, 3 400 et 3 600. Si vous regardez cette carte, vous pouvez voir que
17 la ligne qui se trouve à gauche représente la direction de 176 degrés. Il
18 s'agit de presque d'un semi-cercle de 180 degrés. Et la ligne qui se trouve
19 à gauche de 170 degrés et 160 degrés se serait trouvée plutôt vers la
20 droite. Ce que les Français ont tracé. Vous vous êtes rendu, si je vous ai
21 bien compris, par exemple, avez-vous un emplacement qui se trouve à la
22 ligne à gauche, à 176 degrés, à
23 3 400 et 3 600 mètres. Ces deux emplacements sont à gauche par rapport au
24 point de référence C. Votre conclusion est -- est-ce que c'est une
25 conclusion correcte, la conclusion de l'Accusation ?
26 R. Je vois ici quelque chose qui contredit ce que vous venez de dire. La
27 carte que vous me montrez contient des chiffres différents qui diffèrent
28 des chiffres que j'ai sur cette feuille de papier sous mes yeux. Si je
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1 devrais les comparer, au moins c'est pas moi qui ai tracé ces lignes bleues
2 sur la carte. C'est quelqu'un d'autre ou un autre groupe qui a fait cela.
3 J'ai tracé une ligne qui est basée sur l'angle de descente, comme cela est
4 montré par l'expert de l'ABiH, ce que j'ai vérifié. Maintenant, ces
5 chiffres que je vois ici, ces chiffres qui représentent des angles de 160
6 et 170 degrés, et ensuite 176 degrés, cela fait l'analyse encore plus
7 complexe, et nous pouvons passer beaucoup de temps en travaillant là-
8 dessus. Je ne suis pas prêt de confirmer ce que je vois sous mes yeux. Ces
9 chiffres doivent être vérifiés. Je n'ai pas tracé cela. Qui a fait cela ?
10 Je ne sais pas.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez la
12 parole.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je pense que l'Accusation devrait vérifier
14 quand cela a été dessiné, si cela a été fait au moment de l'incident ou
15 plus tard, et par qui.
16 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit la
17 dernière fois lorsqu'il est venu pour témoigner ici - et je cite, c'est à
18 la page 7 700, à la ligne 11 : "Que d'après les résultats de l'enquête, la
19 direction des tirs était 176 degrés." C'est la base pour ce qui est de la
20 ligne à gauche.
21 Après, le témoin a dit à la page 7 701, à la ligne 17 jusqu'à la ligne 22 à
22 peu près :
23 "Il y a trois possibilités pour ce qui est du tir. Il s'agit de 3 700, 3
24 400 et 3 600 mètres."
25 Nous avons pris les deux dernières distances que le témoin a mentionnées la
26 dernière fois, nous les avons mis sur la ligne de 176 millimètres. Et le
27 témoin a continué en disant, je cite :
28 "Je me suis rendu sur cet endroit aujourd'hui avec mon groupe d'expert.
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1 Nous étions ici et ici et ici. Et il n'y a aucun doute à mon avis que
2 l'obus n'aurait pas pu être lancé de cet endroit."
3 Un enquêteur du bureau du Procureur s'est rendu sur les mêmes
4 localités et nous avons amené les photographies avec nous, et je voudrais
5 que ces photographies soient montrées au témoin. C'est la fin de tout cela,
6 Monsieur le Président, et je ne veux pas mettre des mots dans la bouche du
7 témoin. Nous avons simplement analysé ce qu'il avait dit la dernière fois.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ces deux lignes, Monsieur Waespi,
10 qui sont dessinées sur la carte à 176 degrés et 150 [comme interprété]
11 degrés, ce sont des lignes tracées par l'Accusation, et vous dites que cela
12 reflète exactement ce que le témoin a dit lors de son témoignage.
13 M. WAESPI : [interprétation] Oui. La ligne qui se trouve à gauche reflète
14 ce que le témoin a dit, parce qu'il a dit qu'il s'agissait de 176 degrés et
15 170 degrés. Ceci s'appuie sur le témoignage d'autres témoins, par exemple
16 de M. Konings. Mais je ne suis pas encore arrivé jusqu'à ce point-là.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je vois.
18 Maître Tapuskovic.
19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je veux faire un
20 commentaire. Ici, le principe du contradictoire n'a pas été respecté ici.
21 Les parties doivent se rendre sur place ensemble, et nous n'avons pas eu la
22 possibilité de vérifier quoi que ce soit, si cela a été fait ainsi. Comme
23 cela a été expliqué par M. Waespi, nous avons dû avoir la possibilité de
24 suivre tout cela. Le droit de contradiction a été violé. C'est le dernier
25 témoin. C'est la fin du procès. Nous aurions dû travailler sur le terrain
26 au moment où une partie s'est rendue sur le terrain.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, vous avez dit
28 plusieurs choses lors du procès pour ce qui est du système contradictoire,
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1 et certaines de vos déclarations ne sont pas exactes. L'essence du système
2 contradictoire est le système dans lequel une partie fait une allégation et
3 l'autre partie peut commenter ou contredire cela. Il n'y a absolument rien
4 d'incorrect pour ce qui est des actes du Procureur. Vous avez commenté
5 cela. Vous avez contesté cela, et la Chambre tiendra en considération ce
6 que vous avez dit.
7 Maintenant, continuez, Monsieur Waespi, et essayons d'avancer et de parler
8 d'autres points.
9 M. WAESPI : [interprétation] Je vais faire de mon mieux, mais il est très
10 important, Monsieur le Président, pour ce qui est de la cote accordée à
11 cette carte, est-ce qu'on peut accorder une cote à cette pièce à conviction
12 ?
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera P921, Monsieur le Président.
15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne veux pas remettre ça en cause, mais
18 je me suis opposé au versement au dossier de cette pièce à conviction. Il
19 faut que cela soit consigné au compte rendu.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien.
21 En effet, mon confrère demande pourquoi, mais je suppose que c'est
22 pour les raisons que vous avez déjà indiquées.
23 M. WAESPI : [interprétation] Je voudrais également faire inscrire au
24 procès-verbal que le 26 juillet, nous avons présenté l'ensemble des
25 photographies et le fait que l'enquêteur Barry Hogan souhaitait enquêter
26 sur ces sites.
27 Monsieur le Président, si le témoin souhaite se référer au tableau, les
28 parties manuscrites au-dessus de la ligne pourraient également être
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1 visualisées à l'écran et inscrites au procès-verbal.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. C'est la pièce P922.
4 M. WAESPI : [interprétation] Si l'on peut maintenant avoir la photo 0482.
5 Q. Colonel, l'enquêteur s'est rendu à l'endroit qui correspond à 3 600
6 mètres, le long de la ligne à 176 degrés. Vous dites que vous y êtes allé à
7 la suite des événements de Markale et que vous n'avez aucun doute qu'il est
8 inacceptable d'imaginer qu'on obus aurait pu venir de cet endroit. Je vous
9 demande donc de regarder cette image et de nous dire si vous reconnaissez
10 l'endroit.
11 Vous souvenez-vous d'avoir visité ce lieu lorsque vous êtes allé rechercher
12 des sites éventuels où des mortiers de 120-millimètres auraient pu être
13 tirés ?
14 R. Je voudrais dire que les collines, les pentes et l'allure en général
15 des paysages est quelque chose que je reconnais, mais je voudrais dire
16 qu'au moment de la guerre - et n'oublions pas qu'il y avait là les lignes
17 de front - ce n'était pas quelque chose que l'on voyait sous cette forme.
18 Les maisons étaient endommagées. Il n'y avait pas de véhicules. Si vous y
19 allez 12 ans après, évidemment l'apparence est complètement différente par
20 rapport à l'époque de la guerre.
21 Q. Vous êtes néanmoins d'accord avec moi, tenant compte du fait qu'il
22 s'est écoulé 12 ans, qu'il est très probable, qu'il est même presque
23 certain que ce lieu ressemblait à cette photo il y a 12 ans et que vous
24 auriez pu tirer un mortier de 120-millimètres à partir de cet endroit ?
25 Est-ce que vous acceptez cette déclaration ?
26 R. Non, car comme je l'ai déjà expliqué lors de ma dernière déposition, on
27 ne peut pas faire suspendre un mortier en l'air. C'est un engin extrêmement
28 lourd et il doit se poser sur une base avec tout son poids, et cette base
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1 laisse une marque sur le sol que l'on ne peut cacher. Donc, lorsque l'on
2 tire avec un mortier, il subsiste des traces de tir, des traces de poudre
3 et l'empreinte sur le sol, de même que les traces du transport du mortier.
4 Il faut au minimum un cheval ou un véhicule pour transporter un mortier.
5 Donc, c'est quelque chose qui laisse des traces sur le sol et qui pourrait
6 être photographié. Si l'on compare les tableaux de tir qui comportent tous
7 les chiffres que vous connaissez, on ne peut que tirer la conclusion qu'un
8 mortier n'aurait pu être tiré de cet endroit. Et nous montrer aujourd'hui
9 des photos et de nous dire que théoriquement on aurait pu y poser un
10 mortier, on peut peut-être tirer cette conclusion en 2007, mais il y a 12
11 ans, il était impossible de tirer cette conclusion, puisqu'on n'aurait pas
12 pu cacher les traces de positionnement du mortier. Il n'y avait pas à
13 l'époque de trace de mortier lorsque nous nous sommes rendus sur le site.
14 Q. C'est un autre argument, là. Vous nous parlez de traces de camion,
15 l'empreinte du mortier. Ce que vous disiez jusqu'à maintenant, c'était que
16 c'était impossible de tirer en raison de l'épaisseur de la végétation et
17 des bois, en raison de la pente du terrain, et les deux arguments que vous
18 aviez mentionnés jusqu'à maintenant n'appliquent pas par rapport à cette
19 photo. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
20 R. Oui, je suis d'accord avec vous, mais la conclusion que nous avions
21 tirée qu'il était impossible de tirer sur ce lieu, à partir de ce lieu,
22 c'était que soit il y avait un bois et que l'on n'aurait pas pu poser le
23 mortier et tirer, ou alors parce qu'il y avait une pente rocheuse où l'on
24 n'aurait pas pu positionner un mortier, ou que c'était une prairie sans
25 aucune trace du passage d'un mortier.
26 Q. Vous dites donc qu'il y a 12 ans, en 1995, il y avait ici une pente
27 rocheuse et qu'il y avait un bois ici ?
28 R. Vous parlez de cette photo que j'ai sous les yeux ? Non, ce n'est pas
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1 ça que je dis. Je disais, je parlais des sites que nous avions examinés
2 lors de l'enquête. Je ne suis pas sûr que la photo que vous me montrez là
3 correspond à un des sites que j'ai visités il y a 12 ans. Je n'en suis pas
4 sûr du tout.
5 Q. Les seules informations que nous avons, Mon Colonel, ce sont les
6 informations que vous nous avez indiquées la dernière fois, l'angle de 176
7 degrés et plusieurs emplacements à 3 400, 3 600 que vous avez visités.
8 C'était sur cette base que nous avons envoyé un enquêteur pour faire des
9 photos.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La réponse du témoin, c'est qu'il
11 n'est pas sûr du tout que cette photo correspond bel et bien à un des sites
12 qu'il a lui-même visités il y a 12 ans.
13 M. WAESPI : [interprétation] En effet, c'est ma prochaine question.
14 Q. Comment aviez-vous fait pour vous situer à l'époque ? Aviez-vous un GPS
15 ? Comment aviez-vous déterminé que vous étiez bien à 3 400 mètres de
16 Markale ?
17 R. Mais je l'ai expliqué la dernière fois. Il était très facile d'établir
18 ce fait. Un obus pour un mortier de 120-millimètres n'a que six charges
19 standard. Si l'on applique la charge minimale --
20 Q. Oui, je comprends très bien comment vous avez décidé d'aller visiter un
21 lieu à 3 400 mètres, mais comment avez-vous déterminé que vous étiez
22 véritablement à 3 400 mètres de Markale ?
23 R. Je ne vois pas où est le problème, vous savez. Vous tirez un trait à
24 partir du site potentiel de l'explosion et vous tirez un trait vers le lieu
25 potentiel du tir. Vous savez, les militaires possèdent des instruments très
26 précis, le GPS et d'autres instruments, qui permettent de calculer au
27 millimètre près le lieu même. Nous avons des lasers, d'autres engins qui
28 nous permettent de déterminer cela.
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1 Q. Et vous aviez un GPS à l'époque ?
2 R. Nous avons toujours eu des engins de goniométrie depuis que les
3 Américains les ont développés. Vous savez que ce sont des systèmes
4 militaires universels. Vous avez le GPS, mais vous avez d'autres méthodes
5 qui vous permettent de calculer votre emplacement.M. LE JUGE ROBINSON :
6 [interprétation] Quelle était la méthode que vous avez vous-même utilisée ?
7 C'était le GPS, c'était un engin à laser ? C'était quoi ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une approche complexe, multiple. Nous
9 avons déterminé au mètre près, de façon très précise, l'emplacement du lieu
10 à 3 600 mètres. L'approche était telle que personne ne pourrait remettre en
11 cause les résultats de notre enquête.
12 M. WAESPI : [interprétation]
13 Q. Avez-vous visité ce lieu, si vous vous en souvenez après tant d'années
14 ?
15 R. En ce qui concerne les sites mentionnés dans mon enquête, je les ai
16 tous visités, et vous pouvez d'ailleurs consulter les photographies.
17 Malheureusement, je n'ai pas retrouvé l'ensemble des photographies dans mes
18 archives.
19 Mais vous dire que j'ai visité précisément cet endroit-là, je ne peux
20 pas vous le dire puisque je suis pratiquement certain à 100 % qu'il n'y
21 avait aucun bâtiment, que le bâtiment que l'on voit sur cette photo n'était
22 pas là. Donc, je peux vous assurer que ce lieu-ci ne correspond pas au lieu
23 que j'ai visité, car il n'y avait pas de maisons.
24 Q. Il s'agit d'une prairie assez large, comme on peut le voir à
25 partir d'une photo satellite.
26 M. WAESPI : [interprétation] Pourrions-nous avoir un numéro de pièce,
27 s'il vous plaît ?
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Quel est le lieu exact montré dans
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1 cette photo ? C'est à 3 400 ?
2 M. WAESPI : [interprétation] C'est à 3 600, Monsieur le Juge. Nous avons
3 aussi des photos à 3 400. Nous avons d'ailleurs des photos de tous les
4 lieux précis, mais je voulais m'en tenir à cette photo-ci et de vous
5 montrer une photo satellite qui montre l'ensemble des lieux que nous avons
6 visités. Cette photo-ci correspond en effet à 3 600 mètres. C'est une assez
7 large prairie avec une maison. Est-ce que nous pouvons le verser comme
8 pièce, Monsieur le Président ?
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la P923, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous une photo sans maison,
12 puisque le témoin nous dit qu'il est pratiquement certain que les lieux
13 qu'il a visités n'avaient pas de maisons ?
14 M. WAESPI : [interprétation] Oui, on peut essayer à la distance de 3 400,
15 le long de la même droite, à 176 degrés. Il s'agit du numéro ter 03484.
16 Q. Je me souviens qu'il y avait en effet une photo avec une prairie et
17 même une vache. Est-ce que c'était l'un des lieux que vous avez visités,
18 qui aurait pu être un lieu potentiel de tir de mortier ?
19 R. Je confirme que les photos que je vous ai envoyées correspondent aux
20 lieux précis que j'ai moi-même visités et que je peux préciser qu'aucun
21 mortier n'aurait pu être placé à ces endroits. Les photos, pour moi,
22 représentent des éléments de preuve de cela.
23 Q. Avant de parler de la photo que vous avez sous les yeux, vous venez de
24 parler de votre photo. Vous parliez d'une prairie, d'une maison et d'une
25 vache. Je ne vois pas de forêt épaisse, ici.
26 R. Ce n'est pas ma photo.
27 Q. Oui, en effet. Laissons ça de côté pour l'instant. Regardons cette
28 photo. Comme je vous l'ai dit, cela correspond à une photo prise le long
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1 d'une droite à 176 degrés, à 3 400 mètres. C'est un des lieux que vous nous
2 dites avoir visité. Est-ce que vous vous souvenez de ce lieu ? En fait, en
3 regardant une partie de cette -- c'est une partie de cette grande prairie,
4 vous souvenez-vous d'avoir été à ce lieu ?
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.
6 L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont beaucoup de difficulté à entendre M.
7 Tapuskovic.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Les interprètes ne vous entendent
9 pas bien.
10 L'INTERPRÈTE : C'est sans doute un problème technique avec le micro. Peut-
11 être que les techniciens pourraient mieux orienter le micro. On propose que
12 vous vous rapprochiez du micro.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Nous utilisons quelque chose de différent
14 aujourd'hui. Je suis un peu confus, c'est un peu compliqué. J'ai un "micro-
15 cravate" qui a glissé, apparemment.
16 Je ne pense pas que nous allons pouvoir avancer de cette façon en montrant
17 des extraits, des petits extraits d'une photo plus vaste. Peut-être que
18 l'Accusation a une vue plus large.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le témoin est tout à fait capable de
20 se défendre, si je puis dire. Laissons-le répondre à la question.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, je suis tout à fait prêt à le faire.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre réponse ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] La question telle qu'elle est posée n'est pas
24 une bonne question. Me demander si j'ai visité un lieu comme celui-ci est
25 pratiquement impossible. Je ne peux ni dire oui ni dire non.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce commentaire n'est pas tout à fait
27 approprié. Ce n'est pas à vous de le dire, la Chambre va déterminer si la
28 question est juste ou pas. Contentez-vous de répondre à la question.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas, pouvez-vous répéter la question ?
2 M. WAESPI : [interprétation]
3 Q. Vous souvenez-vous avoir visité ce lieu potentiel de lancement de
4 mortier après le 28 juillet 1995 ? Pour votre information, je vous informe
5 que c'est sur la droite, à 176 degrés, à 3 400 mètres, c'est-à-dire à 200
6 mètres de la photo précédente.
7 R. Je ne comprends pas. Vous parlez de 200 mètres. La portée d'un mortier
8 n'est pas de 200 mètres. La portée maximum est de 5 400, et le minimum est
9 à 1 000. Donc, la distance appropriée, ce serait de 600 à 800 mètres.
10 Voyez-vous, les paliers entre les tirs sont de 600 à 800 mètres, et non pas
11 200 mètres.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous arrête là. A part les
13 éléments techniques que vous nous apportez, avez-vous le souvenir d'avoir
14 visité ce site ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas vous le dire avec
16 certitude que j'étais là.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est ce que je vous demandais, tout
18 simplement de répondre.
19 Monsieur Waespi, je ne sais pas où nous avançons, là, où nous allons. Est-
20 ce qu'il s'agit là d'une technique d'interrogation valable ?
21 Montrer au témoin un site qui n'a rien d'extraordinaire, nous voyons une
22 prairie, de l'herbe, quelques arbustes; qu'y a-t-il de particulier qui
23 permettrait au témoin de s'en souvenir ? Monsieur Waespi, on va toujours
24 vous répondre de la même façon que ce que vient de dire le témoin.
25 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin nous a dit
26 qu'il a rendu visite à trois, peut-être même quatre lieux précis, en disant
27 qu'il était impossible de tirer des mortiers. Il n'a pas dit qu'il n'a pas
28 trouvé traces de mortier. Il a dit qu'il n'était pas possible en raison
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1 d'un terrain rocheux, d'une pente abrupte ou en raison de l'épaisseur de la
2 forêt. Nous avons envoyé un enquêteur et il est tout à fait envisageable de
3 lancer un mortier à 120-millimètres du lieu qui se trouve ici, alors que le
4 témoin nous a dit que ce n'était pas possible.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je comprends, mais le témoin n'est
6 pas en mesure de dire que le site que l'on voit à l'écran ne correspond pas
7 forcément aux sites qu'il a visités.
8 M. WAESPI : [interprétation] Alors on peut conclure que le témoin n'a pas
9 visité les lieux qu'il prétend avoir visités.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce ne sont pas des commentaires
11 appropriés à ce stade. Vous pouvez le dire dans vos conclusions, Monsieur
12 Waespi.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Waespi, vous pouvez peut-
14 être nous expliquer comment votre enquêteur a fait pour se situer à cet
15 endroit.
16 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Juge, il avait un GPS à sa
17 disposition, et nous avons donné à la Défense un ensemble de photos qui
18 comportent les indications GPS utilisées par l'enquêteur. Est-ce qu'on peut
19 verser cette pièce, s'il vous plaît, Monsieur le Président ?
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P924.
22 M. WAESPI : [interprétation] J'ai oublié également de verser au dossier la
23 photo fixe de la vidéo, qui montre le M52 dont a parlé le témoin. Pouvons-
24 nous verser cette pièce ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de P925, Monsieur le Président.
27 M. WAESPI : [interprétation] J'aimerais maintenant avoir la photo satellite
28 03480, s'il vous plaît, pour l'afficher.
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1 Q. Donc, vous voyez encore deux lignes droites en blanc. A gauche, vous
2 avez la droite qui correspond à 176 degrés, que vous avez utilisée pour les
3 visites sur site. A droite, vous avez une droite qui correspond à 170
4 degrés, dont ont parlé d'autres témoins.
5 En noir, vous voyez le WP2, 3, 4, qui correspond aux lieux que notre
6 enquêteur a visités, et nous avons un ensemble de photographies qui y
7 correspondent. Alors, Monsieur le Témoin, acceptez-vous, en regardant cette
8 photo satellite qui a été prise certes 12 ans après les événements, est-il
9 possible qu'il y ait des lieux où des mortiers auraient pu être tirés vers
10 la ville de Sarajevo le 28 août 1995 ? Acceptez-vous cette hypothèse ?
11 R. Je voudrais répondre à cette question plus en détail, si vous le
12 permettez. Bien évidemment, en théorie, en regardant cette photo, en
13 regardant les terrains, en théorie il pourrait y avoir deux lieux où des
14 mortiers auraient pu être positionnés. Mais je ne comprends pas pourquoi
15 vous avez parlé deux fois de mes arguments. Je n'ai jamais dit que tous les
16 lieux de tir se trouvaient sur des pentes rocheuses, au milieu de la forêt
17 ou de la sorte.
18 Et d'ailleurs, je vous ai remis des photographies et je ne comprends pas
19 pourquoi vous ne les montrez pas. Les photos montrent très clairement que
20 je me trouvais sur des terrains plats, herbeux, où des mortiers auraient
21 très bien pu être posés. Mais notre expert, qui a examiné scrupuleusement
22 le terrain, n'a vu aucune trace de mortier. Si vous montrez mes
23 photographies, il y a en effet les collines rocheuses que je viens de vous
24 montrer à l'écran avec le doigt; il y a des clairières, des prairies, des
25 zones plates dégagées, aussi plates que le sol de cette salle. Et il était
26 évident qu'un mortier n'avait pas été placé là. Et vous faites comme si
27 j'avais dit que l'ensemble du terrain était rocheux ou boisé. Je n'ai pas
28 dit cela.
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1 En regardant cette photographie, le long de la droite à 170 degrés,
2 en effet, on peut dire qu'il y a des clairières, qu'il y a des zones
3 plates. Cela ne prouve rien, 12 ans plus tard. Peut-être qu'il y a des
4 pentes.
5 Q. Tout d'abord, nous avons deux sources, Colonel. Vous avez jusqu'à
6 maintenant indiqué un seul argument en disant qu'il était impossible de
7 tirer des mortiers depuis ce lieu. Aujourd'hui, c'est nouveau. Vous nous
8 dites que ça aurait pu être possible, mais que vous n'aviez pas vu les
9 traces à l'époque. C'est un nouvel argument.
10 Mais revenons à ce que vous aviez dit la dernière fois et je cite de
11 la page 7 701, lignes 19 à 22, et je cite :
12 "J'ai visité le lieu aujourd'hui avec mon propre groupe d'expert.
13 Nous étions là, et là, et là, et je n'ai aucun doute que ces lieux étaient
14 inacceptables pour tirer un mortier, qu'aucun obus n'aurait pu être tiré de
15 ce lieu afin qu'il parvienne au lieu où l'obus est tombé."
16 Vous n'avez pas dit que c'était possible, mais qu'on ne voit pas les
17 traces. Vous avez dit : "Que cela n'aurait pas été possible."
18 R. Vous avez pris mes propos hors contexte. A l'époque où je donnais
19 l'entretien j'avais déjà les photos qui me montraient moi-même, je pointais
20 du doigt des surfaces planes, propres, pas seulement les pentes rocheuses.
21 Mais on peut interpréter le mot "impossible" de façon diverse. Vous pouvez
22 en donner une interprétation étroite, c'est-à-dire physiquement impossible,
23 ou alors une interprétation plus large, à savoir qu'il était impossible de
24 tirer de cet endroit, puis de détruire les traces qu'aurait laissé le
25 mortier. En fait, vous donnez une interprétation très étroite du mot
26 "impossible."
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, nous nous
28 approchons à l'heure de la pause. Je crois que vous devez aussi vous
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1 approcher de la fin de votre contre-interrogatoire ?
2 M. WAESPI : [interprétation] J'aurais besoin de dix minutes
3 supplémentaires.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Après la pause dans ce cas.
5 --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.
6 --- L'audience est reprise à 10 heures 51.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons reprendre. Vous avez 10
8 minutes, Monsieur Waespi.
9 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Donc, cette
10 photographie pourrait-elle être versée au dossier en tant que pièce ?
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P926.
13 M. WAESPI : [interprétation] J'ai encore des questions à vous poser à
14 propos de deux questions.
15 Q. Donc, il y a deux photos. Ce sont vos photos, et je n'ai qu'une copie
16 papier de ces photos. Donc, il faudrait les mettre au rétroprojecteur. Il
17 s'agit tout d'abord de la photographie DD00-4406d. Pourrions-nous regarder
18 tout d'abord cette photo et pourriez-vous nous dire exactement d'où cette
19 photo a été prise ?
20 R. Tout à fait. Sur chaque photo, je montre avec ma propre main
21 l'emplacement qui aurait pu être un emplacement de tir selon le schéma.
22 Donc, c'est à 15 à 30 mètres de l'endroit où je me trouve. Nous déterminons
23 le point et ensuite nous nous y rendons, donc le photographe prend un
24 cliché de moi-même montrant du doigt l'emplacement qui aurait pu
25 potentiellement être l'origine du tir.
26 Q. Très bien. Nous allons revenir à la carte bientôt, mais pour en revenir
27 à la photo, on dirait bien que l'on voit la ville de Sarajevo à l'arrière-
28 plan, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Il s'agit de territoire contrôlé par le Sarajevo-Romanija Corps, n'est-
3 ce pas, donc par les Serbes de Bosnie ?
4 R. Oui.
5 Q. Cela semble quand même être un point d'observation exceptionnel, l'un
6 des nombreux points auxquels vous vous êtes rendu lors de votre séjour à
7 Sarajevo, n'est-ce pas ?
8 R. Non, bien sûr que non. Vous avez des milliers de points de ce type.
9 Souvenez-vous, dans le secteur Sarajevo, nous étions responsables de
10 centaines de kilomètres carrés, et nous ne nous sommes pas rendus sur tous
11 les points d'observation tous potentiels.
12 Q. Oui. Mais alors ici quand même il semblerait que l'on soit à un point
13 qui est un panorama exceptionnel de la ville de Sarajevo, n'est-ce pas ?
14 R. Si vous voulez dire que l'on a -- enfin, bon, c'est un bon emplacement
15 pour le panorama sur Sarajevo, oui, tout à fait. En effet, un touriste y
16 trouverait son compte, mais pour ce qui est des militaires, c'est
17 complètement inutile. Pour un militaire, ça n'apporte rien. Ça vous montre
18 quelques maisons, quelques quartiers. Vous n'avez aucune idée de
19 l'adversaire qui se trouvait de l'autre côté de la colline. Là, on ne le
20 voit absolument pas. Donc, ce point, en plus ce point n'est pas très bon
21 puisqu'il est boisé.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il s'agit donc d'un bon panorama
23 pour les touristes uniquement ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. WAESPI : [interprétation]
26 Q. Oui, mais c'est quand même un endroit absolument parfait pour voir
27 l'emplacement où a atterri un tir d'artillerie, un obus de mortier. On peut
28 voir les fumées, on peut ainsi donner des corrections par radio au servant.
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1 C'est quand même un point qui serait extrêmement utile comme point
2 d'observation d'artillerie, n'est-ce pas ?
3 R. Je ne comprends pas bien. Regardez l'homme qui est au premier plan et
4 ensuite le petit espace dégagé derrière lui. Oui, cela fait un emplacement
5 possible, c'est vrai. Mais j'attire votre attention sur une chose. Le
6 quartier dont on parle, le quartier de Markale ne peut pas être vu depuis
7 cet endroit. C'est derrière la colline et en contrebas. En fait, c'est tout
8 au pied de la colline, donc on ne verrait aucune fumée. On voit l'autre
9 côté de Sarajevo de ce point, qui est extrêmement distant de Markale.
10 Q. Oui, il est vrai qu'on ne voit pas grand-chose. Mais ce que je tiens à
11 vous dire, c'est si vous voulez tirer dans Sarajevo, dans les endroits qui
12 sont visibles depuis ce point d'observation, on pourrait, depuis de point
13 d'observation, voir les fumées émanant de l'atterrissage d'un projectile ?
14 R. Je ne vous comprends toujours pas. Je ne vois pas de quelle cible vous
15 pouvez bien parler.
16 Q. C'est en théorie, une question théorique. Si quelqu'un voulait tirer un
17 obus depuis cet emplacement dans la partie visible de Sarajevo, celle que
18 l'on voit sur la photo et que l'on voit quand on est sur ce point, sur ce
19 site, on peut observer l'impact de l'obus en se basant sur la fumée
20 dégagée, sur les débris et donner ensuite des instructions pour corriger le
21 tir, n'est-ce pas ? En théorie, ce serait pratique, ce serait possible.
22 R. Oui, bien sûr. Si on veut analyser les activités militaires quelconque,
23 d'ici on pourrait tirer un mortier, on pourrait aussi installer un char
24 sans même pas lever le canon, on pourrait tirer directement en tir direct.
25 M. WAESPI : [interprétation] Pouvons-nous verser cette pièce au dossier,
26 s'il vous plaît ?
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pouvez-vous nous dire d'où cette
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1 photographie est prise ? S'agit-il donc de l'emplacement de 3 400 mètres ou
2 de 3 600 mètres sur cette ligne qui indique la direction 176 degrés ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] En tout cas, c'est sur cette ligne de 176
4 degrés, ça c'est sûr, mais je dois vous dire que je ne me souviens pas bien
5 à l'heure actuelle de la correspondance entre les photographies et les
6 emplacements. J'ai envoyé un jeu de photographies, il y en avait quatre en
7 tout, mais quand j'ai recherché les photos, je n'en ai retrouvé que trois.
8 Mais j'indique de la main la zone boisée, donc cela très certainement
9 l'emplacement qui se trouve à 3 400 mètres sur la ligne. Mais je dois vous
10 dire que j'ai certaines réserves, je n'en suis pas certain.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, venons-en à la
12 conclusion, s'il vous plaît.
13 M. WAESPI : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il nous faut une cote, s'il vous
15 plaît.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P927.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, vous avez encore
18 une question.
19 M. WAESPI : [interprétation] Très bien.
20 Q. Colonel, vous avez effectué tous ces travaux en tant que colonel russe
21 plutôt qu'en fonction ou dans le cadre de votre fonction de chef d'état-
22 major de la FORPRONU, n'est-ce pas ? C'est cette casquette de Russe que
23 vous avez plutôt utilisée ?
24 R. Non, absolument pas. Je travaillais pour les Nations Unies, pour la
25 mission militaire. J'étais chef du secteur Sarajevo pour ce qui est de la
26 Bosnie-Herzégovine et je faisais partie du contingent russe. Mais ce n'est
27 qu'après cela qu'officieusement je me suis retrouvé membre le plus élevé du
28 Bataillon russe au sein de la FORPRONU. Mais j'étais principalement chef
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1 d'état-major de la mission de maintien de la paix.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, supposons qu'il ait
3 fait cette enquête sous la casquette d'un colonel russe plutôt que celle du
4 chef d'état-major de la FORPRONU, qu'est-ce que cela veut dire ?
5 M. WAESPI : [interprétation] Mais les personnels des Nations Unies ici sont
6 assez étranges puisque d'habitude on les voit en casques bleus, quoi, et là
7 on les voit d'ailleurs avec leurs bérets bleus qu'on a vus sur la
8 photographie précédente. Donc, ils sont censés travailler dans le cadre
9 d'un mandat de la FORPRONU, et non pas -- ils ne sont pas censés avoir des
10 instructions de la part d'un contingent national. Or, comme le témoin l'a
11 dit, je suis citoyen de mon pays, donc je suis un peu différent des autres
12 membres de la FORPRONU, et il nous a dit quand même qu'en tant que Russe,
13 il a bénéficié d'un traitement de faveur de la part des Serbes de Bosnie,
14 donc je voulais qu'il nous commente, qu'il fasse des commentaires à ce
15 propos.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et bien, la question est directe,
17 pour le moins. Donc, Monsieur le Témoin, j'aimerais que vous y répondiez.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais y répondre puisqu'on en arrive à
19 la conclusion sur laquelle je voulais m'attarder, d'ailleurs. C'est
20 absolument faux, tout ce que vous dites. Il est absolument erroné de
21 supposer que j'aie réfuté, que je n'étais pas d'accord avec les résultats
22 de l'enquête officielle parce que j'étais Russe. J'ai agi en tant
23 qu'officier des Nations Unies et j'ai agi de façon impartiale et objective.
24 Je n'ai pas pris position en faveur de l'un ou l'autre camp. Je ne me suis
25 engagé dans aucune confrontation directe avec un camp ou l'autre. Si je
26 voulais accuser l'armée des Musulmans de Bosnie, j'aurais d'abord enquêté
27 sur les deux premiers emplacements et j'aurais pu déterminer d'où venaient
28 les tirs, mais ce n'est pas mon but.
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1 Je voulais montrer que les allégations portées contre les Serbes
2 étaient erronées, ce qui ne signifie pas que je considérais qu'un camp
3 avait raison et l'autre non. Moi, je voulais que l'enquête soit faite en
4 tout impartialité, sans prendre partie pour l'un ou l'autre camp, et je
5 voulais m'ériger contre ce monopole de vérité, ce monopole de vérité que le
6 porte-parole s'était accordé lors de la conférence de presse.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Waespi.
8 Vous en avez terminé, je pense ?
9 M. WAESPI : [interprétation] Non. J'aimerais poser encore une question,
10 s'il vous plaît.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
12 M. WAESPI : [interprétation]
13 Q. On peut quand même dire que les officiers russes bénéficiaient d'un
14 traitement de faveur de la part des Serbes de Bosnie, par exemple en mai,
15 ils n'ont jamais été fait prisonniers, alors que les autres membres de la
16 FORPRONU, eux, se sont retrouvés en détention, n'est-ce pas ? Les Russes
17 ont bénéficié d'un traitement de faveur ?
18 R. Oui, je vais répondre. C'est très simple. Les soldats du Bataillon
19 russe stationné à Gorazde n'ont jamais été capturés pour une raison bien
20 simple : ils se trouvaient sur le territoire contrôlé par les Serbes, par
21 le Corps Sarajevo-Romanija. Pour prendre les soldats russes en otage, il
22 aurait fallu percer la ligne de front, capturer les soldats russes et les
23 détenir en captivité, mais ça aurait été extrêmement risqué. Cela aurait
24 infligé énormément de pertes. Parfois même en territoire serbe, on était en
25 danger, vous savez, avec mes soldats et moi, souvent en danger. Le fait de
26 savoir d'où va venir la balle qui vous arrive dessus, ce n'est pas ce qui
27 est le plus important, en fait. On aurait très bien pu avoir des obus qui
28 allaient exploser sous nos véhicules et nous étions en danger à tout
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1 moment, mais nous voulions la justice et l'équité.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Votre explication est
3 donc tactique. Je pense, Monsieur Waespi, que nous sommes arrivés au bout
4 de cette explication.
5 M. WAESPI : [interprétation] Merci.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est à vous, Maître Tapuskovic.
7 Avez-vous des questions supplémentaires ?
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne sais
9 pas vraiment comment répondre à votre question, car je voudrais savoir de
10 combien de temps je dispose.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous faites référence au système
12 contradictoire, et je tiens à vous dire en tout cas qu'en ce qui concerne
13 ma juridiction, les questions supplémentaires sont toujours réduites au
14 minimum. On ne vous donne pas la parole pour que vous reveniez sur des
15 sujets qui ont été déjà abordés. Enfin, je vais vous donner à peu près 40
16 minutes de questions supplémentaires, si vous en avez besoin, bien sûr.
17 Mais il faut que vous vous limitiez aux points qui ont été abordés lors du
18 contre-interrogatoire et uniquement à ces points-là.
19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vais me limiter à
20 quelques points, mais j'aimerais avoir un conseil supplémentaire de votre
21 part. On a demandé à ce témoin d'envoyer certains documents dont il avait
22 parlé la dernière fois, le témoin s'est exécuté, et j'aimerais savoir si je
23 vais être autorisé à étudier et à présenter ces éléments supplémentaires
24 que le témoin a amenés avec lui. Et j'aimerais aussi étudier avec lui
25 d'autres pièces. Vous nous avez dit --
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ecoutez, du moment que cela émane
27 des questions qui ont été posées lors du contre-interrogatoire, vous pouvez
28 y aller puisque c'est la procédure, le critère à employer. Et d'ailleurs,
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1 je pense que vous connaissez très bien ce critère.
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien. Messieurs les Juges, je vais me
3 limiter à ce qui m'est autorisé.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez y aller.
6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'aimerais que l'on
7 montre au témoin la pièce P254, qui était à l'écran il y a une minute. Il
8 s'agit d'un croquis en date du 29 août 1995.
9 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic :
10 Q. [interprétation] Monsieur Demurenko, s'il vous plaît, le jour de votre
11 déclaration devant les journalistes de l'Associated Press à la télévision,
12 je me souviens que vous avez dit que vous aviez ce dessin en tête, ce
13 croquis en tête, n'est-ce pas, et que c'est suite à ce croquis que vous
14 avez remis, que vous avez douté, si je puis dire, des résultats de
15 l'enquête officielle. C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas, aux
16 journalistes de l'Associated Press ?
17 R. Oui. Il s'agit de ce croquis. C'était le croquis qui a servi de
18 fondement à l'enquête. Ce qui m'a fait douter, ce n'est pas le croquis en
19 tant que tel. Moi, j'ai pris le croquis comme étant acquis, comme étant un
20 fait établi, mais il y avait des choses qui m'ont paru suspectes. Tout
21 d'abord, deux heures après l'explosion, quelqu'un a eu le courage ou a eu
22 la bêtise d'accuser les Serbes immédiatement d'être les auteurs des tirs.
23 La deuxième chose qui m'a fait douter, c'est le très grand nombre de
24 victimes dans la rue, le fait qu'il y a eu autant de victimes à cause d'un
25 seul obus. Normalement, en pratique, cela ne se voit presque jamais.
26 Q. Bien. Mais vous avez vu le croquis, et en vous basant sur vos
27 connaissances, pourriez-vous nous dire si le mortier venait du sud ou du
28 nord, en vous basant sur ce croquis et sur les calculs qui se trouvent sur
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1 la partie droite de la feuille ?
2 R. En se basant sur le croquis, on ne peut rien savoir.
3 M. WAESPI : [interprétation] Je ne pense pas que tout ceci découle du
4 contre-interrogatoire. Je n'ai jamais abordé le nord, le sud ou une attaque
5 terroriste ou quoi que ce soit. Le témoin voulait absolument utiliser ce
6 croquis, mais je lui ai bien que ce qui m'intéressait, ce n'était pas du
7 tout l'angle de descente, mais la direction du tir.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est évident --
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, j'aimerais savoir
11 quelle est la question qui découle de la question que vous venez de poser,
12 s'il vous plaît ?
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ma question suivante est celle-ci. Il
14 s'agit de la pièce de l'Accusation 254, et ma question supplémentaire porte
15 sur la pièce 253, et j'aimerais savoir si le témoin a vu cette pièce 253,
16 qui est une pièce de l'Accusation. Je ne demande pas d'autres explications
17 à propos de la 254, mais j'aimerais savoir si le témoin a vu une autre,
18 avait un autre document qui était aussi daté du 29 août 1995.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. L'objection de M. Waespi
20 portait sur le fait que votre question ne découle pas du contre-
21 interrogatoire puisqu'il n'a absolument pas parlé de l'angle de descente.
22 Il ne s'est occupé que de la direction du tir.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, mais il nous a expliqué plusieurs
24 choses à propos de ses doutes sur ce qu'il avait appris ce jour-là à partir
25 de différentes sources. C'est ce qui l'a motivé et c'est principalement là-
26 dessus que le contre-interrogatoire de M. Waespi a porté. C'est qu'il lui a
27 parlé de doutes et des raisons de ses doutes.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur Waespi.
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1 Je pense que la réponse de M. Tapuskovic est tout à fait correcte. Donc,
2 pouvez-vous répondre à la question qui --
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas du tout compris la question.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui. J'aimerais que l'on montre maintenant
5 au témoin la pièce 253, qui est datée aussi du 29 août.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais j'aimerais avoir la
7 réponse du témoin à la question à propos de laquelle M. Waespi a soulevé
8 une objection que j'ai rejetée, question qui est donc autorisée. Pourriez-
9 vous lui reposer la question ?
10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Voilà ma question. En plus de ce croquis
11 en date du 29 août 1995, Monsieur le Témoin, avez-vous reçu un autre
12 croquis émanant de la même source et portant la même date ? Et si oui -- et
13 j'aimerais donc que l'on montre cette pièce au témoin pour qu'il puisse me
14 répondre soit par oui ou par non.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais ce n'était pas du tout la
16 question. Vous avez posé une question au départ. M. Waespi a soulevé une
17 objection. J'ai pris la décision de rejeter l'objection de M. Waespi,
18 autorisant donc la question, donc maintenant reposez cette même question.
19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, oui.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai la question, d'ailleurs.
21 "Pourriez-vous nous dire, en vous basant sur le croquis ou, enfin, les
22 calculs qui se trouvent à droite sur la page, si l'obus de mortier est
23 arrivé du nord ou du sud ?"
24 Voilà la question que vous aviez posée, et j'aimerais avoir la réponse du
25 témoin.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] En se basant sur le croquis précédent, on ne
27 peut pas savoir d'où venait l'obus parce qu'il y avait des bâtiments. Quand
28 on regarde le croquis, on voit qu'il y avait des bâtiments qui étaient
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1 élevés. On voit leur hauteur, d'ailleurs. Et, bon, il était évident que
2 l'obus venait du sud. En tout cas, c'est ce qui était sur le croquis, mais
3 je n'avais pas le croquis en main.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
5 Q. Très bien. Donc, ces deux croquis qui sont datés du même jour montrent
6 des directions différentes. L'un conclut que cela vient du sud, l'autre
7 conclut que ça vient du nord.
8 R. Si c'est une question, la réponse est oui. C'est une preuve
9 supplémentaire de toutes les contradictions et une preuve supplémentaire
10 aussi du fait que les officiels de la FORPRONU ne voulaient pas enquêter
11 correctement sur cet incident.
12 M. WAESPI : [interprétation] Je ne comprends pas sur quoi la Défense
13 s'appuie pour dire que ces dessins sont contradictoires. Où est-il écrit
14 que dans un des croquis on dit que le tir vient du sud et l'autre le nord ?
15 Le bâtiment est une indication que -- enfin, ce bâtiment est au sud de la
16 route, de l'image, donc les deux croquis semblent indiquer quand même que
17 le tir vient du sud. Je ne comprends pas du tout.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous faites
19 référence à l'image qui est à l'écran maintenant ?
20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, je fais référence à ce croquis-ci.
21 Pour ce qui est du croquis précédent, il montre une direction complètement
22 différente, et les deux croquis ont été faits le même jour. Ici, cela
23 montre que la direction est le sud, alors que dans le croquis précédent la
24 direction serait le nord. Donc, on voit bien qu'il y a deux directions
25 éventuelles et potentielles qui sont montrées. Le premier croquis que l'on
26 a montré au témoin est celui qui a semé le doute dans son esprit; l'autre,
27 celui qu'on a sous les yeux ici, il a été montré plus tard, il est
28 d'ailleurs déjà versé au dossier. Nous avons un expert qui va faire des
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1 remarques à ce propos. Mais les deux croquis ont été faits le même jour et
2 les deux croquis indiquent des directions contradictoires. Donc, je voulais
3 juste demander au témoin s'il avait vu ce deuxième croquis. Il a répondu
4 non, et je ne peux pas aller plus loin.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Tapuskovic, se pourrait-il que
6 la pièce de l'Accusation 254 montre une position de l'ouest vers l'est,
7 alors que la pièce 253, elle est prise de l'autre côté de la rue, donc de
8 l'est vers l'ouest ?
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ecoutez, ma vue n'est pas importante. Mais
10 ces deux dessins ont été faits le 29 août. L'un montre une direction,
11 l'autre montre l'autre direction. J'affirme que le premier croquis semble
12 indiquer le mortier venait du nord, et dans le deuxième croquis, ce serait
13 du sud. Ce sont exactement les mêmes services qui ont fait ces deux
14 croquis, et les directions sont complètement différentes. Tout ce que j'ai
15 demandé au témoin, c'est s'il avait aussi vu l'autre croquis, le croquis
16 numéro 2. Il a dit qu'il ne l'avait jamais vu. Alors, le deuxième pourrait
17 être plus précis, certes, mais c'est que je crois que ce n'est pas
18 important.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.
20 M. WAESPI : [interprétation] Je comprends. Cela dit, ceci n'a absolument
21 rien à voir avec mon contre-interrogatoire. Lors de l'interrogatoire
22 principal, il aurait été très utile, certes, de rentrer dans tous ces
23 détails à propos de l'angle de descente, mais cela dit, la Défense n'a pas
24 profité de cette possibilité lors de son interrogatoire principal.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Abordez un autre sujet, Maître
26 Tapuskovic, s'il vous plaît.
27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
28 Q. Monsieur Demurenko, vous avez dit la dernière fois que vous aviez un
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1 certain nombre de documents que vous ne vouliez pas amener avec vous ici à
2 La Haye et les donner à cette Chambre, parce que vous avez pensé qu'il y
3 avait un embargo des Nations Unies concernant ces documents. Oui ou non ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que parmi les documents que vous avez fournis au Tribunal, il
6 existe un tel document ? Est-ce qu'un tel document, un document très
7 important est parmi ces documents ? Je voudrais vous montrer ce document.
8 C'est DD00-4407, et cela a été marqué par…
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, la Chambre vous
11 permettra de faire référence aux documents fournis par ce témoin et que le
12 Procureur n'avait pas abordés, parce que la Chambre se souvient comment
13 cette question a été soulevée. C'était dans les circonstances suivantes. Le
14 témoin a dit qu'il avait des documents qui pouvaient soutenir les points,
15 étayer les points auxquels il a fait référence. La Chambre a dit que son
16 contre-interrogatoire serait donc reporté pour lui permettre de fournir ces
17 documents. Il est évident que ces documents qui étayent ces arguments ne
18 sont pas les documents sur lesquels le Procureur s'appuyait, et la seule
19 façon de permettre que ces documents soient utilisés, c'est de vous
20 permettre de les utiliser. La Chambre -- bien sûr la Chambre a la
21 possibilité et le droit de voir comment cela se déroulerait et bien sûr la
22 Chambre vous permettra de faire une référence à ces documents qui étayent
23 ces arguments, et le Procureur aura le droit de poser des questions lors du
24 contre-interrogatoire sur ce point. Ce sont des questions supplémentaires
25 qui sont spécifiques, parce qu'avec ces questions supplémentaires, vous
26 pouvez poser des questions sur les points qui n'ont pas été abordés par le
27 Procureur, mais pour lesquels vous pensez qu'ils étayent les arguments du
28 témoin.
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1 Monsieur Waespi, continuez.
2 M. WAESPI : [interprétation] Oui. Le document suivant, si j'ai bien
3 compris, est le document émanant de la FORPRONU qui est confidentiel. C'est
4 confidentiel, ou au moins c'est ce qui est écrit, ce qui figure sur le
5 document. Ce document provient du témoin et ce document contient, je pense,
6 des informations délicates. C'est peut-être quelque chose qui n'est pas
7 donc d'actualité parce que 12 ans se sont écoulés depuis, et il y a des
8 codes à la fin du document. Donc, pour discuter de ce document, j'aimerais
9 qu'on passe à huis clos partiel.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, nous sommes à huis
12 clos partiel.
13 [Audience à huis clos partiel]
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17 [Audience publique]
18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je prie qu'on montre au témoin le document
19 DD00-4398.
20 Q. Monsieur Demurenko, qui a fait ce croquis ?
21 R. C'est moi-même qui l'ai dessiné.
22 Q. Est-ce que c'est le croquis qui correspond à ce que vous avez dessiné
23 ici dans le prétoire ?
24 R. Oui, absolument.
25 Q. Pouvez-vous expliquer ce que cela représente, tout cela ? Vous avez
26 donc fait cela il y a un certain nombre d'années, mais pouvez-vous nous
27 expliquer cela ?
28 R. C'est très simple. J'ai essayé de dessiner une version simplifiée des
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1 calculs d'artillerie complexes pour que les gens qui ne sont pas initiés à
2 une artillerie en guerre comprennent cela. Dans la partie supérieure du
3 croquis, vous pouvez voir une rue étroite, la distance entre deux bâtiments
4 et exactement l'endroit où l'explosion s'est produite, et la ligne en
5 pointillés représente des trajectoires éventuelles de l'obus qui aurait pu
6 être lancé de cette direction. Vous voyez la ligne de séparation entre deux
7 armées, la ligne de front entre les Musulmans de Bosnie et l'armée de la
8 Republika Srpska. Et nous voyons six positions qui correspondent aux six
9 obus éventuels ou charges. Cela correspond au tableau de tir, et par
10 rapport à ces tableaux de tir, on peut voir de quelle direction le
11 projectile aurait pu être lancé. Je pense que c'est très simple pour qui
12 que ce soit.
13 Nous pouvons voir à gauche la déviation possible de l'obus, et à
14 droite nous voyons des pentes de montagnes. Selon la carte, nous pouvons
15 voir des positions de tir sur la pente opposée de la colline ou sur la
16 pente qui est plus près de Sarajevo.
17 J'ai fait ça pour que cela soit compréhensible aux journalistes, et cela
18 n'a rien à voir avec des choses militaires compliquées. Tout le monde peut
19 comprendre cela. Nous pouvons voir des points de tir du côté des Musulmans
20 de Bosnie. Si nous disons que le tir n'aurait pas pu être lancé de ce côté,
21 ce sont deux autres points de tir de l'autre côté qui sont responsables du
22 tir.
23 Q. Merci.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce que ce document peut être versé au
25 dossier, le document qui porte le numéro DD00-4398 ?
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Au compte rendu, on peut voir que cela a
28 été versé au dossier en tant que P922.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Et maintenant, est-ce qu'on peut afficher
2 le document DD00-4403 ?
3 Q. Monsieur Demurenko, qui a dessiné ce croquis ?
4 R. Ce croquis, pour autant que je m'en souvienne, ce croquis a été fait
5 par un soldat français qui faisait partie de la première équipe d'enquête
6 et qui était en charge de l'expertise balistique. Si je me souviens bien,
7 je vois que cela est en français, et je pense que c'est un expert français
8 qui a fait cela.
9 Q. Savez-vous -- pouvez-vous nous dire ce que représente la ligne qui se
10 trouve à gauche sur le croquis ?
11 R. Vous pensez à la trajectoire ou vous pensez au bâtiment même ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.
13 M. WAESPI : [interprétation] Oui, puisqu'il s'agit de nouveaux documents
14 que le témoin donc a amenés ici de chez lui, je pense qu'il serait -- qu'il
15 pourrait être utile d'établir d'abord les fondements des connaissances du
16 témoin, pour ce qui est de ce document, pourquoi il parle de ce document.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais il a dit, dans la réponse
18 à la question qui a fait cela, il a dit qu'il s'agissait d'un soldat
19 français qui faisait partie de la première équipe d'enquête, pour autant
20 qu'il s'en souvienne.
21 M. WAESPI : [interprétation] Oui, mais il n'est pas appelé expert. Pourquoi
22 il fait des commentaires du rapport français, maintenant ? Est-ce qu'il a
23 vu ce rapport ? Est-ce qu'il a montré ce rapport aux caméras au moment où
24 il a parlé aux Serbes de Bosnie ? J'aimerais qu'on établisse un lien entre
25 le document et la question de ce monsieur.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est un point différent. Dans ce
27 cas-là, si vous voulez objecter à cette question sur cette base, c'est une
28 question différente.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. WAESPI : [interprétation] Cette pièce a déjà été versée au dossier. Vous
3 vous en souviendrez ? L'un des témoins confidentiels en a parlé, a parlé du
4 croquis lors d'une séance à huis clos partiel.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais pourquoi vous ne souhaitez pas
6 que le témoin s'exprime à propos de ce croquis ?
7 M. WAESPI : [interprétation] Il me semblait que ces documents ont été
8 apportés par le témoin depuis la Russie. J'aurais voulu savoir pourquoi il
9 les a en sa possession dans ses dossiers.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous pouvez revenir là-
11 dessus lors de votre contre-interrogatoire. Je ne vois pas d'inconvénient à
12 ce que le témoin parle de ce document ou commente le document.
13 Continuez, Monsieur Tapuskovic.
14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
15 Q. Tout d'abord, j'aimerais demander au témoin, Monsieur Demurenko, s'il
16 avait ce document en sa possession lorsqu'il était à l'époque à Sarajevo.
17 L'a-t-il analysé à l'époque de la même manière qu'il vient de nous en
18 parler ?
19 R. Pour vous dire la vérité, je ne me souviens pas de ce document comme
20 faisant partie des éléments que j'ai analysés. J'ai l'impression que ce
21 document provient d'une autre source et qui, de toute façon, ne vient pas
22 contredire l'idée que je me suis faite lors de mon enquête. Mais à
23 l'époque, je n'avais pas ce document en ma possession. En fait, je voulais
24 dire autre chose.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je comprends ce que
26 dit le témoin, mais je n'ai pas entendu l'interprétation en B/C/S.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons demander aux
28 techniciens, aux députés de vérifier ce qui s'est passé ? Est-ce que
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1 maintenant vous entendez l'interprétation en B/C/S ?
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez, dans ce cas, oui,
4 continuez.
5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je voudrais attirer votre attention sur ce
6 fait, et je le dis, je le précise pour la troisième fois. Cette tentative
7 visant à essayer de montrer que j'aurais un certain biais en faveur des
8 Serbes est totalement erronée. Le Procureur a parlé de moi comme ayant
9 brandi ce document devant les caméras de la télévision serbe, et je peux
10 vous dire que je n'ai jamais donné de déclarations à la télévision serbe.
11 Et je voudrais dire, préciser que j'ai donné en effet une déclaration à
12 l'Associated Press, c'est-à-dire une agence de presse américaine. Donc, me
13 décrire comme étant quelqu'un qui est un supporteur des Serbes, ce n'est
14 pas correct.
15 Q. Monsieur Demurenko, je voudrais vous demander de commenter le croquis
16 que vous avez sous les yeux. Que signifient les deux lignes de trajectoire
17 ? La trajectoire de l'obus ?
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.
19 M. WAESPI : [interprétation] Objection. En effet, le témoin vient de nous
20 dire qu'il n'avait pas le document à l'époque. Cette pièce a été versée
21 depuis longtemps. On aurait pu le lui montrer lors de l'examen en chef.
22 Nous avons d'ailleurs des pièces similaires qui décrivent exactement
23 l'angle de descente de l'obus. Je ne l'ai pas posé au contre-interrogatoire
24 et je crains que nous puissions continuer à l'assigner avec ce témoin.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Rassurez-vous, M. Tapuskovic ne
26 pourra pas continuer à l'infini avec ce témoin.
27 [La Chambre de première instance se concerte]
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, nous avions
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1 décidé que nous allions permettre à Me Tapuskovic de poser des questions au
2 témoin à propos des documents qu'il a apportés. Je permettrai donc la
3 question indépendamment du fait que ce document avait déjà été versé au
4 dossier.
5 Néanmoins, Monsieur Tapuskovic, je vous demande d'accélérer un peu,
6 parce que vous avez déjà utilisé les 40 minutes qui vous ont été accordées.
7 Je vous permettrai de continuer jusqu'à la pause.
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 En effet, j'aurai terminé pour la pause.
10 Q. Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous dire quel est le rapport de ceci
11 avec vos commentaires précédents, c'est-à-dire pouvez-vous nous commenter
12 les trajectoires qui sont indiquées, à savoir les deux droites, les deux
13 lignes qui sont tracées sur ce schéma et les angles qui sont indiqués ? Que
14 montre, par exemple, la ligne droite de gauche ?
15 R. Vous savez, il est difficile de commenter ce schéma sans parler de
16 l'auteur et de ce qu'il voulait prouver, mais avec un peu de recul, je peux
17 vous dire que la trajectoire de gauche indique l'angle qui avait été
18 déterminée par l'expert. Cette trajectoire passe à côté du bâtiment, donc
19 l'angle n'aurait pas pu être plus étroit puisque l'obus, dans ce cas-là,
20 aurait frappé le toit du bâtiment et aurait explosé lors de cette frappe.
21 Donc, je pense que cet angle de 67 à 88 degrés est correct, tout du moins
22 cela s'approche de ce qui pourrait être correct. En ce qui concerne l'autre
23 angle indiqué, 87 degrés, cela a été fait, me semble-t-il, d'une main
24 tremblante, et ce n'est pas très convaincant. Je ne comprends pas quelles
25 étaient les raisons pour que l'expert trace cette trajectoire-là. Je ne
26 peux pas vous le dire. Il faudrait l'entendre, entendre ses explications,
27 et je ne peux pas tirer d'autres conclusions à partir de ce croquis.
28 Q. Merci. Pouvons-nous essayer d'accélérer ? Je voudrais montrer d'autres
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1 photographies qui ont été faites par vous-même sur place.
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est le DD00-4406. C'est la première
3 photographie. Pouvons-nous visualiser cette photo, s'il vous plaît ?
4 Q. Monsieur Demurenko, qu'est-ce que vous montrez du doigt dans cette
5 photo ?
6 R. Comme vous pouvez le voir, vous ne voyez pas mon visage, mais c'est mon
7 bras et ma main que l'on voit, et je montre du doigt le site qui, d'après
8 les calculs, aurait pu être le lieu du tir. Or, cette photo montre que l'on
9 n'aurait pas pu placer un mortier à cet endroit. Un mortier ne peut pas
10 être tiré de cet emplacement.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Un mortier du type qui a été utilisé
13 sans appareil pour mesurer la distance a explosé sur contact, c'est-à-dire
14 que l'obus aurait pu frapper une branche d'arbre en explosant sur place et
15 en tuant l'équipe d'artillerie, et je ne pense pas que les soldats étaient
16 suicidaires à ce point que de tirer un mortier de cet emplacement.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Colonel, vous rappelez-vous quelle
18 est la distance de ce point, de ce lieu et la ville de Sarajevo et du
19 marché de Markale ? C'était 3 400, 3 600 mètres ou plus, ou autre chose ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà répondu à une question similaire.
21 Pour vous dire la vérité, je ne me souviens pas quelle photo correspond à
22 quelle position potentielle de tir et je ne voudrais pas me tromper ou vous
23 entraîner en erreur, mais je sais que cette photo correspond à l'un des
24 emplacements potentiels de tir que nous avons déterminés en examinant la
25 carte.
26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
27 Q. Monsieur Demurenko, est-il vrai que chacune de ces photos décrit l'un
28 ou l'autre des emplacements potentiels de tir ?
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1 R. C'est exactement cela. Chaque photo a été faite à un moment donné
2 lorsque nous avions identifié au préalable avec une marge d'erreur de
3 quelque 5 mètres, c'est-à-dire que mon équipe et moi-même nous nous sommes
4 rendus sur place pour prendre ces photos afin de prouver qu'il aurait été
5 impossible de tirer de cet endroit-là, de ces endroits-là un mortier.
6 Q. Vous aviez mentionné ça au préalable, en effet, de façon explicite.
7 Dans les environs de cette photographie, avez-vous pu observer l'ensemble
8 de la zone ? Est-ce que vous avez pu constater des traces d'un
9 positionnement d'un mortier de 120-millimètres dans cette zone ?
10 R. Bien évidemment, en approchant du site, nous avons fait des
11 observations tout autour et si j'avais constaté à 10 ou 20 mètres de ce
12 lieu un site potentiel de tir, évidemment j'aurais sans doute tiré d'autres
13 conclusions lors de mon enquête. Mais, il n'y avait aucune trace de la
14 sorte dans les environs.
15 Q. Pouvez-vous me dire encore une chose, s'il vous plaît, à propos de
16 cette photo ? Vous montrez du doigt un endroit, mais à l'endroit où vous
17 avez vos pieds, est-ce qu'il y avait des traces de mortier ?
18 R. Je viens d'en parler. Non. Il aurait été bizarre que je me tienne au
19 lieu même du mortier tout en montrant du doigt un autre lieu. Le but même
20 de mon enquête n'était pas de mentir ou de cacher la vérité; au contraire,
21 mon but était de montrer quelle était la vérité. J'ai indiqué un site
22 potentiel de tir qui se trouvait dans le bois et c'est cela que je montre
23 du doigt.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que
25 cette photo soit versée au dossier de la Défense.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D357, Monsieur le Président.
27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
28 Q. J'aimerais encore vous montrer deux photos, je ne les montrerai pas
Page 8993
1 toutes. Il s'agit du document DD00-44066.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.
3 M. WAESPI : [interprétation] Je crois que la cote est erronée. Il doit y
4 avoir des petites lettres à la fin. Ce n'est pas un 6 mais peut-être un D
5 ou un G.
6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] En effet, je me suis trompé. C'est le
7 DD00-4406b. Monsieur le Président, mon assistante n'est pas certaine que la
8 photo précédente ait bien été versée au dossier. Bon, excusez-moi, en
9 effet, ça a été fait. Je vous prie de m'excuser.
10 Q. Monsieur Demurenko, en regardant cette photographie, est-ce que ce que
11 vous avez dit à propos de la photographie précédente s'applique également
12 pour celle-ci ?
13 R. Absolument. C'est une zone encore plus boisée, les arbres sont plus
14 denses. Il est évident que dans cette zone boisée il n'aurait pas été
15 possible de tirer un mortier.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais verser cette photo au dossier.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est le D358, Monsieur le Président.
18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant afficher la
19 DD00-4406c.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'est la photo précédente, c'est
21 la même chose sauf que l'on me voit en entier.
22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'ai une photographie qui montre une
23 prairie avec cette cote. Il y a peut-être eu une erreur, excusez-moi. Je me
24 suis trompé, ce n'est pas un petit C mais la lettre E à la fin.
25 Q. Ici on voit la prairie. Sans doute que vous voyez un territoire encore
26 plus vaste. Lorsque vous avez regardé cette prairie, est-ce que vous avez
27 vu quelque chose qui aurait indiqué qu'un mortier avait été placé à cet
28 endroit ?
Page 8994
1 R. Cette photographie illustre ce que j'ai dit, à savoir qu'il n'est pas
2 juste de dire que tous les points potentiels de tir se trouvaient dans des
3 forêts, c'est une photographie qui montre justement ce que j'ai dit. Je
4 n'ai pas fait exprès de situer tous les points potentiels de tir dans des
5 forêts. Voici un exemple, dans une prairie. C'était une prairie ouverte
6 sans trace aucune de véhicules qui auraient tracé un mortier. Aucun cratère
7 qu'aurait laissé le mortier. Pas de traces de poudre, ni d'emballage. On
8 voit une vache ici mais il n'y a aucune trace d'un emplacement de mortier
9 ou de trace de tir. Le tir n'a pas été fait à partir de cet endroit. Je
10 crois qu'ici il s'agit de la position à distance, éloignée, je ne sais pas
11 exactement, c'est soit le point le plus éloigné ou celui d'avant à partir
12 de Sarajevo.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais verser cette photo au dossier
14 et puisque je n'ai pas assez de temps pour couvrir d'autres sujets, je m'en
15 tiendrai là.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet, le document sera versé au
17 dossier.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est le D357 [comme interprété],
19 Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, avez-vous des
21 questions supplémentaires sur les nouveaux documents ?
22 M. WAESPI : [interprétation] En effet, j'en ai un certain nombre mais je
23 vais essayer de me limiter.
24 J'aimerais revenir, s'il vous plaît, à la pièce de la Défense D357.
25 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Waespi :
26 Q. [interprétation] On a l'impression qu'il s'agit de fortifications sur
27 cette photo; est-ce bien cela ?
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que nous avons l'image ?
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1 M. WAESPI : [interprétation] Je pense que l'image va arriver prochainement.
2 C'est le document D357.
3 Q. On a l'impression que les poutres en bois pourraient correspondre à une
4 fortification militaire. Vous en souvenez-vous ?
5 R. Oui, je me souviens de l'avoir vue, mais le but de cette structure
6 n'était pas très clair. D'ailleurs, j'ai moi-même posé cette question
7 lorsque je suis arrivé dans la zone. Il y avait deux explications
8 possibles. Les habitants, les locaux, parfois construisaient de telles
9 fortifications sur des pentes fortes afin d'éviter des glissements de
10 terrain. Mais cette photo ne montre pas le terrain qui se trouve derrière
11 moi. Parfois ces structures qui au départ avaient un but agricole ont été
12 modifiées par les militaires afin de servir en effet de fortifications
13 anti-infanterie et comme obstacles, afin d'empêcher l'avancement des
14 véhicules et des machines diverses.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, vous dites que cela aurait pu
16 être une fortification militaire ou tout simplement une construction à des
17 fins agricoles ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'essaie de vous dire c'est que dans
19 les montagnes, dans les Balkans, des structures de ce type ont été
20 construites afin d'éviter les glissements de terrain sur des pentes fortes
21 afin de protéger des infrastructures telles que les routes qui risquaient
22 d'être détruites par des glissements de terrain. Par la suite, lorsque la
23 guerre a commencé, lorsqu'il y a eu des batailles, ces structures ont été
24 reprises par les militaires et modifiées afin d'être utilisées comme des
25 fortifications et des obstacles physiques. Donc, ces structures servaient
26 deux objectifs.
27 M. WAESPI : [interprétation]
28 Q. Merci, Colonel. Mais vous ne pouvez pas nous dire exactement à quel
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1 endroit sur la carte se trouve le lieu photographié; c'est bien cela ?
2 R. Je crois que je l'ai dit trois fois déjà que je ne dirais pas la vérité
3 si je vous donnais des coordonnées précises sur une carte.
4 Q. Mais, vous avez dit que vous aviez un système de type GPS, n'est-ce pas
5 ?
6 R. Oui, mais vous savez qu'il y a le GPS et il y a le système russe qui
7 s'appelle GLONASS. Nous avons utilisé des systèmes d'autres pays.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, Maître Tapuskovic.
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il me semble que cela va au-delà de mon
10 contre-interrogatoire.
11 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'un nouveau
12 lieu, d'une nouvelle photographie et j'aimerais savoir quel est l'endroit
13 photographié. Il me semble que cela porte sur la crédibilité du témoin et
14 je pense que je voudrais savoir comment il peut juger de l'emplacement de
15 la photo. C'était le but de ma question.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'admets la question.
17 M. WAESPI : [interprétation]
18 Q. La dernière fois, lors de votre témoignage, Colonel, vous nous aviez
19 dit, et je cite de la page 777 que : "Malheureusement, vous n'aviez pas de
20 GPS à l'époque, mais que vous avez utilisé des instruments traditionnels
21 pour déterminer l'emplacement."
22 Alors, quelle est la vérité, aviez-vous oui ou non un GPS ?
23 R. La vérité est ce que j'ai dit il y a 30 minutes. Le système GPS possède
24 plusieurs fonctions. On ne peut pas se fier uniquement au GPS ou le système
25 russe de type GPS qui s'appelle GLONASS ou d'autres instruments que nous
26 avions à l'époque de l'armée soviétique. Il existe d'autres systèmes qui
27 vous permettent de vous situer, de déterminer une position précise avec une
28 marge de 5 à 15 mètres. J'en ai utilisé plusieurs afin de vérifier que nous
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1 étions au bon endroit par rapport à ce qui avait été calculé auparavant.
2 Q. Vous avez visité quatre ou cinq lieux et vous ne pouvez pas nous dire à
3 quel lieu correspond cette photo ?
4 R. Oui, en fait, la vérité c'est que j'ai visité des centaines de lieux,
5 seulement je n'ai des photos que de quatre ou cinq lieux. Je vais vous
6 expliquer comment nous avons fonctionné pour trouver ces sites. Nous sommes
7 allés au point le plus bas, puis on a calculé 170 degrés, puis on a monté
8 vers la montagne, le long de cette ligne. Cela correspond à une ligne
9 droite sur la carte, mais ce sont des kilomètres que nous avons dû
10 traverser à pied. Nous avons visité des centaines de sites, et pour moi
11 c'est comme un long film très dense, je ne peux pas tout remonter en
12 arrière et rejouer aujourd'hui avec précision.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, je crois que
14 l'heure de la pause est arrivée.
15 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.
16 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic -- non, je suis
18 désolé, c'est à Monsieur Waespi.
19 M. WAESPI : [interprétation] C'est un honneur d'être appelé Me Tapuskovic.
20 Je n'ai aucun problème avec cette petite erreur de votre part.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et bien, M. Tapuskovic a de la
22 chance.
23 M. WAESPI : [interprétation]
24 Q. Donc, avant la pause, vous nous avez dit que vous étiez allé au moins à
25 des centaines d'endroits et vous avez dit que vous vous êtes rendu d'abord
26 à l'endroit le plus bas qui se trouvait entre les sites et ensuite vous
27 avez trouvé donc la ligne 170 degrés et puis vous avez escaladé la montagne
28 en suivant cette ligne. C'est bien ainsi que vous avez procédé ?
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1 R. Oui, plus ou moins, en principe c'est à peu près cela. Mais bon, on
2 escaladait à pied. Il y avait certains endroits qui étaient tellement
3 escarpés et tellement rocheux qu'il fallait déjà que nous nous rendions en
4 blindés jusqu'à l'endroit le plus proche et ensuite que nous approchions de
5 l'endroit idoine à pied. Donc, nous avons fait des centaines de mètres à
6 pied.
7 Q. Donc, vous avez en fait emprunté cette ligne de 170 degrés. Vous avez
8 parcouru toute cette ligne sur les 170 degrés pour vous rendre dans tous
9 les différents endroits qui se trouvaient justement placés sur cette ligne
10 de 170 degrés; c'est bien cela ?
11 R. Si je disais que c'était 170 et non 176, là je pense que je vous
12 induirais en erreur. En effet, basés sur les éléments que nous avions, nous
13 avons fait des calculs théoriques à propos de la ligne qui devait être
14 vérifiée et qui se rapportait à la première enquête faite par les autorités
15 bosniaques et par la FORPRONU. Alors dire que c'était 170 et pas un autre
16 chiffre, ça, je ne peux pas le dire avec précision. Je ne voudrais surtout
17 induire personne en erreur.
18 Q. Oui, mais votre principe, votre procédure, c'était de suivre cette
19 ligne, soit qu'elle soit de 170 degrés ou d'une autre direction, voire 176.
20 Votre principe, c'était de suivre cette ligne, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Bien. Mais il y a un moment, vous nous avez dit que vous vous êtes
23 adressé à l'Associated Press, qui est un média international. Mais cela
24 dit, la seule chaîne de télévision qui a diffusé vos propos était la
25 télévision des Serbes de Bosnie, n'est-ce pas ?
26 R. Non, c'est absolument faux. Ma déclaration a été diffusée par des
27 centaines de chaînes dans le monde entier.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic est debout.
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1 Qu'avez-vous à dire, Maître Tapuskovic ?
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'ai rien contre
3 cette question qui est posée au témoin, mais elle n'a absolument rien à
4 voir avec les questions que j'ai posées lors de mes questions
5 supplémentaires ou lors de mon interrogatoire.
6 M. WAESPI : [interprétation] Mais il me semble quand même que lors d'une
7 réponse précédente, le témoin a fait référence à l'Associated Press en
8 disant qu'il était neutre. Cela dit, je peux très bien laisser tomber cette
9 question.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Passons à autre chose.
11 M. WAESPI : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, afficher la
12 pièce P922 ?
13 Q. Il s'agit du croquis auquel nous avons fait référence il y a peu de
14 temps. Donc, sur ce croquis on voit les emplacements auxquels vous vous
15 êtes rendu sur cette ligne imaginaire indiquant soit 170 degrés, soit 176
16 degrés. Les emplacements dans le territoire des Serbes de Bosnie sont
17 situés à 2 700 mètres, 3 200 mètres, 3 600 mètres et ensuite 5 400 mètres.
18 Alors, il me semble que le 3 200 est erroné, n'est-ce pas ?
19 R. Je ne peux pas dire quoi que ce soit à l'heure actuelle à propos de la
20 fiabilité des chiffres qui sont ici. Il faut étudier tout cela dans le
21 contexte, bien sûr, en étudiant les autres éléments. Je ne peux pas
22 préparer, parler des chiffres à l'heure actuelle. Je peux vous parler des
23 principes que j'ai employés, mais je ne peux pas vous parler des chiffres
24 en tant que tels. Ils ne nous aideront pas de toute façon, ces chiffres,
25 pour ce qui est des conclusions qui pourront être tirées. Ce n'est pas tant
26 que les chiffres soient contradictoires, mais il y a des différences entre
27 différents croquis, entre différents dessins, donc les choses sont
28 difficiles.
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1 Q. Oui, mais c'est quand même important puisque vous vous êtes basé sur
2 certains chiffres, certains nombres, et vous vous êtes ensuite rendu sur le
3 terrain pour vérifier si ces chiffres correspondaient à des emplacements de
4 mortiers possibles, oui ou non. Alors, si les chiffres sur lesquels vous
5 vous basez sont faux, ça veut dire que vous allez n'importe où, vous allez
6 vous rendre pour vérifier des sites qui ne sont absolument pas les bons
7 sites. Aujourd'hui, vous nous dites que vous vous êtes rendu sur une ligne
8 qui était à 170 degrés. La dernière fois, vous parliez de 176 degrés.
9 Ensuite, on obtient ici un dessin nous donnant 3 200 mètres comme étant une
10 distance probable. La dernière fois, vous parliez de 3 400 mètres. C'est au
11 compte rendu. Alors, si vous allez inspecter un endroit erroné, comment
12 pouvez-vous venir ici pour déclarer que les Serbes de Bosnie n'ont
13 absolument pas pu, étaient dans l'impossibilité totale de tirer des
14 mortiers depuis ce site, qu'ils sont erronés ?
15 R. Je me répète encore une fois. Vous essayez de me coincer, si je puis
16 dire. Avec les chiffres, vous dites qu'à un moment j'ai parlé de 170 degrés
17 et qu'ensuite je me mets à parler de 176 degrés. Je n'essaie pas de prouver
18 quoi que ce soit à l'aide de chiffres, parce que c'est difficile de faire
19 des erreurs. Maintenant, vous dites que la référence de 3 200 n'est pas
20 correcte parce qu'auparavant je me référais à 3 400, mais je me répète une
21 fois de plus.
22 Pour être extrêmement précis, il faudrait que je passe deux à trois
23 jours avec mes chiffres, avec mes calculs, avec les tableaux de tir pour
24 faire tous les calculs et pour être absolument certain. Mais moi, j'ai
25 parcouru toute la ligne possible de la direction du tir à pied. J'ai
26 vérifié moi-même tous les emplacements possibles et j'en suis arrivé à la
27 conclusion que ce que l'on disait à propos de l'agression serbe et de tirs
28 serbes n'était pas vrai. J'ai personnellement parcouru à pied toute la
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1 trajectoire et j'ai établi qu'il n'y avait absolument aucun emplacement
2 possible pour un mortier. C'est tout.
3 Q. Oui, mais moi ce que je vous affirme, c'est que vous l'avez fait en
4 parcourant une certaine ligne, mais en ne prenant pas en compte des calculs
5 qui étaient plus faibles et peut-être plus précis que ceux que vous aviez
6 au départ. Je ne dis pas que vous êtes de mauvaise foi, bien sûr que non,
7 mais je dis que la base sur laquelle vous avez fondé vos calculs pour
8 trouver les emplacements où vous vous êtes rendu n'était pas fiable,
9 n'était pas précise.
10 R. Mais il n'y avait pas d'autres calculs possibles. Il n'y a pas d'autres
11 calculs. Vous ne pouvez pas me montrer de calculs précis. Personne n'a fait
12 les calculs, parce que ce n'était pas approprié, parce que ce n'est pas la
13 chose à faire. Dès que le porte-parole a dit "c'est la faute des Serbes",
14 tout le monde s'est tu, a hoché la tête en disant : oui, en effet,
15 c'étaient les Serbes. Il n'y avait pas d'alternative possible, c'étaient
16 les Serbes. Alors, vous ne pouvez pas me montrer d'autres calculs qui
17 auraient pu exister, parce que justement il n'y en a pas.
18 Q. Mais les ingénieurs français, et on a vu des calculs, d'ailleurs, sont
19 arrivés à une conclusion de 160 degrés. Mais ce n'est pas du tout 170 ni
20 176, ce qui quand même donne une ligne de tir qui est bien différente que
21 celle que vous avez parcourue. Vous connaissiez à l'époque les conclusions
22 de la cellule française. On vous a montré à l'époque les documents français
23 qui déclaraient que le tir venait de 160 degrés, et non pas de 176 degrés,
24 comme vous le pensiez. Le saviez-vous ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Degrés de quoi ?
26 M. WAESPI : [interprétation] Sur un cercle qui fait 360 degrés, on parle de
27 160 degrés. Si on regardait sur une montre analogique, ça nous donnerait
28 quatre heures à peu près ou cinq heures, alors que 176 degrés, ce serait
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1 très presque 6 heures sur un cadran.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répliquer.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, non, il faudrait une
4 réponse directe. Saviez-vous que les Français étaient arrivés à cette
5 conclusion de 160 ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'il n'y avait pas d'autres
7 conclusions. Le mot "conclusion" signifie quelque chose de définitif. Un
8 ordre ne peut pas être une conclusion. Une trajectoire non plus ne peut pas
9 être une conclusion. C'est l'un des paramètres qui est utilisé dans une
10 enquête uniquement. Je n'ai pas vu ces preuves, parce que ces preuves
11 n'existent pas.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bon, le mot "conclusion" a été
13 utilisé. Je ne vois pas quel est le problème avec ce mot. Mais est-ce que
14 vous saviez qu'ils avaient calculé que le tir provenait de 160 degrés, et
15 non pas de 176 degrés ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne connais pas de document officiel
17 ayant cette teneur. Il n'y a pas de document officiel disant cela,
18 d'ailleurs, ça n'existe pas. Je vous le dis en tant que deuxième chef,
19 enfin, en tant que second du chef du contingent militaire. Les troupes
20 françaises étaient sous mon commandement. S'ils avaient obtenu une
21 conclusion différente, ils auraient dû m'en faire rapport. Sinon, c'est un
22 cas d'insubordination. Donc, je ne connais pas les conclusions qu'ils ont
23 obtenues.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, vous avez votre réponse,
25 Monsieur Waespi.
26 M. WAESPI : [interprétation] En effet.
27 Q. Alors, sur le dessin que vous avez, qui est encore à l'écran, vous
28 utilisez la valeur de 2 850 milles, ce qui correspond à 160 degrés. C'est
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1 exactement la conclusion à laquelle les Français sont arrivés.
2 M. WAESPI : [interprétation] Ça se trouve à la page -- ça se trouve sur une
3 pièce à la page 56 --
4 L'INTERPRÈTE : Une pièce dont l'interprète n'a pas saisi la cote.
5 M. WAESPI : [interprétation] Mais 2 850 milles, cela correspond à 160
6 degrés.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous êtes en train de
8 suggérer que quand il a dessiné cette ligne qui faisait une direction de
9 tir de 2 850 milles, il représentait le même chiffre que celui auquel
10 étaient arrivés les Français ?
11 M. WAESPI : [interprétation] Deux milles huit cent cinquante mille, c'est
12 le seul chiffre qu'ont utilisé les ingénieurs français dans leurs rapports.
13 On peut regarder derrière le croquis.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dites-nous, Monsieur le Témoin.
15 D'où vient ce 2 850 milles ? Pourquoi est-il sur le croquis ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour établir cela, il faudrait avoir tous les
17 éléments en compte sous la main qui ont été utilisés pour l'enquête. Il me
18 faut tous les paramètres pour avoir une idée bien claire de tout cela. Je
19 ne sais pas d'où est venu ce 2 850 milles. Ce n'est pas venu de ma tête, ça
20 c'est sûr. Ce n'est pas sorti de mon esprit, mais c'est basé sur quelque
21 chose.
22 M. WAESPI : [interprétation] Pourrions-nous regarder une chose ? Ce sera ma
23 dernière question. Si nous pouvions regarder la pièce P357, à la page 6,
24 s'il vous plaît. On voit ici un croquis fait par les ingénieurs français.
25 Comme vous le savez, Messieurs les Juges, le témoin a fait référence à un
26 croquis français précédemment.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit des documents yougoslaves.
28 M. WAESPI : [interprétation] Il s'agit de la pièce P357, page 6.
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1 Q. Pendant que cela s'affiche, j'ai quand même une dernière, presque une
2 dernière question. Un mortier de 120-millimètres est une arme mobile,
3 n'est-ce pas ? On peut le démonter pour le transporter, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, on peut le démonter en deux ou trois pièces, deux ou trois
5 morceaux.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, qu'avez-vous à
7 dire ?
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je comprends les buts
9 des questions, bien sûr, mais tout ceci n'a rien à voir avec les questions
10 que j'ai posées lors des questions supplémentaires.
11 M. WAESPI : [interprétation] Certes.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, ceci porte-t-il sur
13 les nouveaux documents ?
14 M. WAESPI : [interprétation] Oui, les photos et les photos, puisque le
15 témoin a dit en regardant les photos qu'il était impossible de faire venir
16 un mortier sur ces endroits-là. Cela dit, nous n'avons pas beaucoup de
17 temps, et comme nous avons bientôt un expert en mortier qui va venir
18 déposer, je lui poserai la question. Donc, je retire ma question.
19 Pourrions-nous maintenant avoir à l'écran, s'il vous plaît, la page
20 suivante de cette pièce, donc la page 7 ?
21 Q. Vous voyez ce croquis. Il s'agit du croquis de Markale, et on y voit
22 les 2 850 millièmes, égal 160 degrés. C'est inscrit sur ce croquis. Est-ce
23 que c'est là-dessus que vous vous êtes basé pour utiliser 2 850 millièmes
24 comme étant votre principe de base vous permettant d'arriver à 170, voire
25 176 degrés ?
26 R. Dites-moi, s'il vous plaît, je peux répondre à la question précédente,
27 mais en une seule phrase. C'est extrêmement court et c'est important, je
28 pense.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'aimerais attirer votre attention sur le fait
3 qu'un mortier de 120-millimètres peut être démonté en deux morceaux;
4 d'abord le socle et ensuite le [inaudible], qui pèse environ 200
5 kilomètres, et le socle 300 kilomètres. Alors, je ne sais pas où est-ce
6 qu'on va trouver un soldat qui va décider personnellement de porter sur son
7 dos l'un ou l'autre de ces morceaux du mortier. Il peut être démonté,
8 certes, mais il faut utiliser un animal de bas, un chameau, un âne, un
9 cheval. Voilà, il faut utiliser un véhicule pour transporter ces deux
10 morceaux. Il s'agit encore d'une tentative indirecte pour déclarer que ce
11 mortier pouvait être transporté à la main. Or, on peut le faire quand c'est
12 un petit mortier de 60 ou 80 millimètres. Là, on peut le mettre au dos de
13 quelqu'un. Mais même M. Univers ne serait pas capable de porter sur son dos
14 l'un ou l'autre des morceaux d'un mortier de 120-millimètres.
15 Et cela dit, pour votre deuxième question, je n'ai jamais vu ce croquis. Je
16 pense qu'il a été dessiné par la suite ou alors -- enfin, dessiné par
17 quelqu'un qui peut-être possédait les conclusions en tête et qui a fait un
18 croquis par la suite. C'est un croquis tout à fait probable, certes, mais
19 je ne l'ai pas vu à l'époque. On n'a pas l'impression que c'est un soldat
20 qui ait dessiné cela. C'est plutôt les officiers supérieurs qui par la
21 suite ont essayé de recréer, de reconstituer l'incident.
22 Q. Mais ces mêmes Français auxquels vous avez fait référence, vous nous
23 avez dit quand même qu'il s'agirait d'un acte d'insubordination s'il y
24 avait des conclusions qui n'avaient pas été portées à votre attention.
25 R. Oui. Oui, s'il était subalterne, en effet, ça aurait été un cas
26 d'insubordination. Il y avait un colonel français qui a essayé de fournir
27 sa propre version, mais par la suite, a posteriori. Si c'est lui qui l'a
28 fait, c'est Dieu qui le jugera. Mais à ma connaissance, rien d'autre n'a
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1 été produit. On aurait dû en parler sinon dans le cadre de l'état-major. Il
2 y avait deux ou trois aspects qui auraient dû être discutés. J'aurais été
3 ravi de discuter de tout cela à l'époque, mais tout le monde s'est tu,
4 personne n'a piqué mot. Il n'y a que moi qui ai décidé de faire quelque
5 chose.
6 Q. Oui, la seule personne d'ailleurs qui a été accusée d'insubordination,
7 publiquement d'ailleurs, et vous l'avez reconnu, et bien c'est vous,
8 Colonel.
9 R. Oui.
10 M. WAESPI : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, avez-vous des
12 questions à poser à la suite de ce que nous venons d'entendre ?
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Non.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
15 M. le Juge Harhoff, qui a quelques questions.
16 Questions de la Cour :
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai quelques questions, Colonel,
18 s'il vous plaît. Tout d'abord, une chose qui a à voir avec des propos que
19 vous avez tenus lors de votre première déposition ici. C'était le 5
20 juillet, si je ne m'abuse. Vous avez dit en quelques phrases qu'à votre
21 avis, Sarajevo était assiégée. Alors, j'y reviens. Parce que vous êtes
22 militaire, j'aimerais avoir votre évaluation de ce que vous avez voulu dire
23 lorsque vous nous avez affirmé que la ville de Sarajevo était assiégée.
24 Pourriez-vous nous dire exactement ce que vous entendiez par là ?
25 R. Oui, bien sûr. La ville était presque encerclée à 90 % par les troupes
26 de l'armée des Serbes de Bosnie. D'un côté, on peut dire qu'ils étaient
27 encerclés et assiégés, puisque toutes les routes étaient coupées, bloquées.
28 Il y avait peu de marge de manœuvre. Cela dit, il y avait quand même le
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1 tunnel sous le mont Igman et sous l'aéroport, qui permettait
2 d'approvisionner la ville en aide humanitaire ainsi qu'en armes et qui
3 permettait aussi le mouvement de troupes. Cela permettait quand même aux
4 Musulmans de Bosnie d'effectuer des mouvements de troupes.
5 Donc, certes, pour ce qui est de la souffrance humaine, en effet, c'était
6 une ville assiégée, comme Leningrad au cours de la Deuxième Guerre
7 mondiale. Et même pour ce qui est d'une possibilité de mouvements
8 militaires, là on ne peut plus dire qu'il n'était pas possible. En effet,
9 on pouvait déplacer 500 à 600 hommes par le tunnel en une nuit. Donc, on
10 avait un siège, mais avec certaines réserves, quand même.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. La question suivante est un
12 peu plus difficile. Pour moi, en tout cas, il y a quelque chose qui me
13 chiffonne, si je puis dire. Je ne sais pas très bien quelles conclusions
14 les Juges peuvent tirer de l'exercice que vous avez entrepris sur le
15 terrain après l'incident de Markale II. C'est la raison pour laquelle je
16 vais essayer de poser la question sous un autre angle. Je voudrais savoir
17 exactement quel était le but de cette action que vous avez entreprise.
18 Donc, je vois deux interprétations possibles et j'aimerais vous les
19 présenter toutes deux pour que vous me disiez et pour que vous nous disiez
20 s'il s'agissait de l'une, de l'autre ou peut-être encore d'une troisième
21 interprétation.
22 Voici la première interprétation. Vous n'étiez pas très content qu'un
23 porte-parole des Nations Unies, il me semble que c'était un officier chargé
24 des relations avec la presse britannique associée avec les Nations Unies,
25 qui, très rapidement, je crois deux heures après l'incident, a pris la
26 parole publiquement et a déclaré au nom des Nations Unies que l'agresseur
27 était Serbe en l'espèce. Et vous avez eu l'impression qu'il le faisait sans
28 aucun fondement. Donc, le but de l'action que vous avez entreprise donc par
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1 la suite, c'était de dire : on ne peut pas, à l'heure actuelle, définir
2 avec certitude d'où est parti le tir et qui a tiré. Je veux faire savoir
3 qu'en l'état, on ne peut pas jeter le blâme sur un camp ou sur un autre. Et
4 vous n'avez pas été au-delà de cela. Ça, c'est la première interprétation.
5 L'autre interprétation que j'envisage, c'est que vous n'appréciiez pas le
6 fait que l'on jette le discrédit sur les Serbes et qu'on les accuse de cet
7 incident. Donc, votre but premier, c'était de démontrer que les Serbes
8 n'avaient pas pu être à l'origine du tir. C'est pour cela que vous vous
9 seriez rendu sur le terrain, pour démontrer que selon les données
10 disponibles à l'époque, les Serbes étaient dans l'impossibilité d'avoir
11 procédé à ce tir de mortier, parce qu'à chacun de ces emplacements d'où
12 aurait pu être tiré ce mortier sur cette ligne, il était impossible
13 justement de procéder à un tir de mortier, soit parce que c'était trop
14 escarpé, trop rocheux, ou alors c'était une zone boisée, ou dans les
15 endroits où, le cas échéant, le tir aurait été possible, il n'y avait
16 aucune trace prouvant qu'un mortier avait été installé.
17 Mais c'est une différence, quand même, surtout pour la Chambre, si c'est
18 l'une ou l'autre interprétation qui prévaut, donc pourriez-vous nous dire
19 un peu ce qu'il en est ?
20 R. Merci beaucoup pour cette question qui est la question la plus
21 importante. Je vais être franc et je vais dire que j'espère que vous êtes
22 d'accord avec moi pour dire qu'il y a peu de gens, en particulier dans une
23 telle situation, en temps de guerre, qui auraient pu prendre une décision
24 en quelques secondes, et après, une semaine plus tard, lorsque toutes les
25 choses ont été connues, entre-temps qu'ils n'auraient pas regretté la
26 décision ou n'auraient pas modifié leur avis. Je ne suis pas l'un de ces
27 gens, même s'ils existent, et il s'agit probablement du troisième motif
28 pour ce qui est de cela, que vous avez mentionné. Je vais essayer
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1 d'expliquer.
2 En août 1995, j'ai été vraiment malade et fatigué. J'étais découragé et
3 fatigué parce qu'il y avait de tous les côtés des gens qui disaient que les
4 gens étaient coupables de tout, que les Serbes étaient ceux qui étaient
5 coupables de tout, incluant ceux qui étaient censés être représentants
6 internationaux, des gens impartiaux, honnêtes. Ils ont soit gardé le
7 silence, soit contribué à cette frénésie médiatique générale. En août, j'ai
8 la mémoire vraiment de tout cela. Et la déclaration faite par le porte-
9 parole a fait déborder le verre. C'est la goutte qui a fait déborder le
10 vase. Et moi j'ai donc été au-delà de mes prérogatives.
11 Ce n'était pas le travail d'un officier haut placé de se rendre sur le
12 terrain et d'escalader les collines, et à l'époque je n'étais pas un simple
13 soldat; j'avais un poste important et je voulais vérifier cela moi-même. Je
14 ne voulais pas laisser ce travail, cette tâche au lieutenant. Je voulais
15 également dire au porte-parole qu'il avait menti, et ceux qui ont commenté
16 après cette version, qui ont propagé cette version, que c'étaient les
17 Serbes qui ont fait cela. Et bien sûr cet objectif m'est devenu de plus en
18 plus clair, et à la fin cela est devenu parfaitement clair. Mon objectif
19 était de démontrer que le porte-parole avait menti ou au moins qu'il
20 n'avait aucun fondement pour dire cela et le porte-parole représentait
21 l'organisation toute entière des Nations Unies. Cela a été entendu partout
22 dans le monde entier et je voulais que cela cesse. C'était un objectif.
23 Et l'autre objectif était que si le porte-parole avait dit que les Serbes
24 avaient fait cela, j'ai voulu montrer que cela ne pouvait pas être tout à
25 fait sûr. Il n'y avait pas de certitude à l'époque par rapport à cela, et
26 une enquête devait être menée, mais puisque personne n'avait pris
27 d'initiative, même pas les représentants supérieurs du commandement des
28 Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, aucun dans ce secteur de Sarajevo,
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1 j'ai pris l'initiative moi-même. C'est tout.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Mais il semble que vous ayez
3 dit, en fait, les Serbes auraient pu lancer ce projectile, et que votre
4 objection à l'époque était qu'il n'était pas possible de dire ainsi à
5 l'époque, mais cela aurait pu être les Serbes ou l'ABiH, les Bosniaques,
6 les deux possibilités subsistaient. Et la seule chose que vous ayez dit à
7 l'époque c'est que personne ne pouvait pas en être sûr. C'est ainsi que
8 nous pourrions interpréter votre témoignage ?
9 R. Oui. Si on interprète cela étroitement, mais dans un sens plus large
10 vous allez vous souvenir qu'auparavant nous avons mentionné un sujet, mais
11 nous n'avons pas développé cela. Je suis à 100 % sûr qu'il s'agissait d'un
12 acte terroriste interne où le projectile a été posé au marché pour imiter
13 un obus de mortier, et n'importe qui aurait pu placer cet obus, ce
14 projectile sur le marché Markale. Cela aurait pu être un habitant local, un
15 Serbe également, quelqu'un d'appartenance ethnique serbe. Cela, je ne peux
16 pas bien sûr dire que cela n'était pas un Serbe, mais je suis sûr que cela
17 a été fait par des locaux sur place. Mais après, personne n'avait de
18 volonté politique ou ne voulait pas mener une enquête pour retrouver les
19 auteurs de cet acte.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. C'est nouveau, parce que ma
21 question était de voir si vous n'avez pas essayé d'établir qu'il ne
22 s'agissait pas du tout d'un obus de mortier. Il semble que vous ayez agi de
23 façon à ce qu'on pouvait en conclure qu'il s'agissait d'un obus de mortier.
24 Vous avez tout fait, vous vous êtes montré à la télévision, vous avez
25 montré votre cahier pour ce qui est de la trajectoire, pour montrer que
26 l'effet était similaire, l'effet provoqué par un obus de mortier. Mais ma
27 question est la suivante : pourquoi n'avez-vous pas essayé d'établir cela
28 d'une façon plus directe ?
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1 R. Je voudrais souligner, je pense que j'en ai déjà parlé au mois de
2 juillet, mais personne ne m'a permis de développer le sujet parce qu'il
3 semblait qu'il s'agissait d'une digression par rapport au sujet principal.
4 Avant d'avoir parlé de l'acte terroriste, je devais d'abord démontrer
5 qu'il ne s'agissait pas d'explosion d'obus de mortier. Mais après avoir
6 reçu le feu vert, d'abord je devais démontrer qu'il ne s'agissait pas
7 d'attaque de mortier serbe, et ensuite qu'il ne s'agissait d'attaque de
8 mortier bosniaque non plus, après quoi je pouvais continuer. Mais personne
9 ne m'a permis d'aller du côté des Bosniaques parce qu'il n'était pas
10 concevable que leurs propres troupes auraient attaqué leur propre peuple.
11 C'était seulement après m'être occupé de cela que je pouvais
12 m'occuper de l'autre partie de l'acte terroriste. C'était donc quelque
13 chose dont on a beaucoup écrit, il y avait beaucoup d'analyses là-dessus
14 dans le monde entier. Il y avait des examens, des considérations théoriques
15 qui disaient que c'était précisément de cette façon que cela s'est passé.
16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et si on avait allégué que
18 cette attaque aurait été lancée par les Musulmans de Bosnie et dans les
19 circonstances où vous aurez pensé que ce n'était pas vrai, comme c'était le
20 cas dans la réalité, est-ce que dans ce cas-là vous auriez mené une enquête
21 avec la même détermination ?
22 R. Oui, bien sûr, il n'y a aucun doute. Lorsqu'il s'agit de cela j'étais
23 prêt à continuer mon enquête pour rétablir la vérité et dès que j'ai
24 accordé cet entretien et dès que cela est devenu familier à mes supérieurs
25 j'ai dit -- mais j'ai dit lors de l'audience précédente que j'ai pris deux
26 décisions simultanément ou plutôt deux décisions ont été prises
27 simultanément. L'armée bosniaque a décidé de me tuer d'abord, et mon
28 commandement supérieur a décidé de m'envoyer en Russie en même temps pour
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1 cette insubordination présumée, dans le cadre de 24 heures. Heureusement,
2 je suis toujours en vie et mon commandement était persuadé de ne pas
3 m'envoyer en Russie parce qu'ils ont décidé d'attendre. Un mois plus tard,
4 la Fédération russe a décidé d'ouvrir un bureau à Mons où se trouve le
5 quartier général de l'OTAN, où on m'a envoyé.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Demurenko, cela met fin à
7 votre témoignage. Vous pouvez maintenant quitter le prétoire. Et merci
8 d'être venu au Tribunal pour témoigner.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Permettez-moi de vous remercier de votre
10 confiance et me donner la possibilité de partager mes positions avec vous.
11 Merci. Je vous souhaite -- je vous remercie.
12 [Le témoin se retire]
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maintenant, le témoin suivant. Qui
14 est le témoin suivant ?
15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est le témoin expert, Stamenov Ivan.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ivan Stamenov. J'ai compris qu'il
17 fallait un peu de temps pour qu'il soit ici, parce qu'il est à l'étage
18 supérieur.
19 Entre-temps, je remarque que la Défense a déposé une requête pour ce
20 qui est des faits déjà admis. Est-ce que vous avez reçu cela, Monsieur
21 Docherty ?
22 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, cela était déposé
23 récemment.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Hier.
25 M. DOCHERTY : [interprétation] L'Accusation a voulu avoir une réunion avec
26 la Défense pour parler de la réponse. Je pense que nous pouvons être sûrs
27 d'avoir une réponse en 48 heures. On peut envisager deux semaines pour --
28 ce sera pas deux semaines.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, non. Il faut
2 s'occuper de cela le plus tôt possible.
3 Monsieur Docherty, pour ce qui est d'une autre discussion portant sur le
4 témoin expert, nous ne disons pas, n'est-ce pas, qu'un expert ne peut pas
5 étayer une conclusion qu'il avait fait en s'appuyant sur une source qui
6 peut être vraiment très longue, n'est-ce pas ?
7 M. DOCHERTY : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc, un expert pourrait dire : ma
9 conclusion est cela, et cela est étayé par ceci, et il pourrait citer 30
10 pages d'une autre source pour étayer une seule conclusion ?
11 M. DOCHERTY : [interprétation] Non seulement nous ne disons pas cela,
12 Monsieur le Président, mais notre argument est que les experts devraient
13 procéder ainsi; par exemple, quelqu'un qui est docteur en histoire, par
14 exemple, et qui donne son opinion sur l'histoire des Balkans, devrait
15 connaître bien la littérature et s'appuyer sur la littérature dans son
16 rapport. Il n'y rien de mal s'il s'appuie sur l'ouvrage d'un autre auteur
17 pour dire qu'il est d'accord avec l'interprétation d'un tel ou tel
18 professeur.
19 Je vais réitérer que si on copie un ouvrage de quelqu'un d'autre, et si on
20 ne reconnaît pas en même temps que c'est l'ouvrage de quelqu'un d'autre,
21 c'est la question que je voudrais soulever ici. Je pense s'il s'agit de
22 point faible de tout expert dont les expertises ne couvrent pas cela, je
23 vais dire que dans notre requête écrite, nous avons donc parlé de cela.
24 C'est le point neuralgique [phon] de notre requête. Je pense que bien que
25 la Défense ait répondu à notre requête écrite, ils n'ont pas contesté cela.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Où est l'erreur ? C'est parce que
27 cela a été attribué à la source du Tribunal internationale de justice ?
28 M. DOCHERTY : [interprétation] Et bien, je pense --
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous soulevez toujours
2 votre objection ?
3 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui. Mais je dois développer cela.
4 Lorsque nous avons déposé notre requête écrite, nous avons essayé de
5 contourner avec pas beaucoup de succès les questions d'honnêteté,
6 d'intégrité. Ce matin on a dit qu'ici il s'agit des preuves de ouï-dire. Ce
7 sont des -- il n'y a pas de -- donc de qualifications académiques. Dr Prsic
8 n'a pas dit quelle est la source de son expertise. Nous sommes tous
9 juristes ici, juristes au pénal. Je suis sûr qu'il y a des affaires au
10 pénal que nous n'avons pas examinées durant nos carrières, parce que nous
11 n'avons pas eu de formation propice à s'occuper de ces affaires.
12 Par exemple, avant d'être venu ici, j'ai été spécialiste en fraude,
13 et je n'ai pas occupé beaucoup d'autres types d'affaires. Je ne suis pas
14 compétent pour ce qui est de ces autres affaires, bien que je possède un
15 diplôme en droit et j'ai un certain nombre d'années d'expérience. Je pense
16 que Dr Prsic, s'il considère qu'il est nécessaire de prendre une partie
17 dans l'ouvrage de quelqu'un d'autre, il a un diplôme en histoire pour ce
18 qui est de ce domaine, mais il a besoin de s'appuyer sur un autre ouvrage,
19 mais cela devient plus sérieux au moment où la source n'est pas indiquée,
20 parce qu'il s'agit d'une tentative de présenter cela comme sa propre
21 expertise, son propre ouvrage.
22 Je ne sais pas si j'étais tout à fait clair, mais c'était ce que je
23 voulais expliquer. Il s'agit des moyens de preuve par ouï-dire et qu'il n'y
24 a pas assez d'expertise.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
26 Est-ce que vous voulez dire quelque chose là-dessus, Maître Tapuskovic ?
27 Je vous demande cela. C'est le système contradictoire dont il s'agit ici.
28 Avez-vous des commentaires à faire là-dessus ?
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je serai bref. Monsieur le Président. J'ai
2 demandé au témoin de donner le moins possible d'information pour ce qui est
3 de l'histoire, et de nous dire quelles étaient les sources de l'expertise.
4 Mais en sachant que dans une telle affaire les faits historiques du passé
5 ont une importance marginale ou secondaire, surtout dans cette situation,
6 j'ai insisté à la brièveté de tout cela. Il a à peine une trentaine de
7 pages dans son expertise, et il a énuméré les sources, et nous avons pensé
8 qu'il faut accorder le plus d'importance aux événements qui sont survenus
9 après 1994. J'ai dû peut-être laisser au professeur de rédiger une
10 expertise d'une centaine de pages, comme c'était le rapport de M. Donja,
11 qui commençait à parler des Carpates et des Moyen Age dans son rapport.
12 Cela aurait été le cas, c'aurait été comme le rapport Donja, et nous savons
13 tous que nous ne souhaitons pas des rapports de mille pages, car le Pr
14 Donja était remonté jusqu'à l'arrivée des Slaves dans les Balkans.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'accord. Merci, Monsieur
16 Tapuskovic.
17 Faites rentrer le témoin.
18 M. WAESPI : [interprétation] Pour être clair, le rapport Donja n'a
19 absolument pas mille pages. Il y a deux ou trois phrases sur le passé, et
20 je ne suis absolument pas -- je suis même offusqué par la manière dont la
21 Défense vient de parler du rapport de M. Donja.
22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président --
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître. Rapidement. Nous ne
24 voulons pas prolonger le débat.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne voulais offusquer personne. Je
26 voulais tout simplement demander à mon historien d'être aussi bref que
27 possible sur les aspects historiques, puisque j'estime que dans le cas
28 précis, ces éléments-là sont marginaux.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faites entrer le témoin, s'il vous
2 plaît.
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faites prononcer au témoin la
5 déclaration solennelle, s'il vous plaît.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
7 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
8 LE TÉMOIN: IVAN STAMENOV [Assermenté]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.
11 Maître Tapuskovic, vous pouvez commencer.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.
14 Interrogatoire principal par M. Tapuskovic :
15 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous, s'il vous plaît,
16 nous indiquer votre mon nom complet.
17 R. Je m'appelle Ivan Stamenov.
18 Q. Merci. Quelle est votre date de naissance ?
19 R. Le 7 mars 1955.
20 Q. Merci. Quelle est votre profession à l'heure actuelle ?
21 R. Je suis officier de carrière, colonel. Je travaille auprès de
22 l'Académie militaire de l'armée de Serbie.
23 Q. Pour être parfaitement clair, vous êtes actuellement en activité, vous
24 êtes officier, colonel de rang de l'Etat que l'on vient de renommer la
25 Serbie ?
26 R. Oui, en effet. Je suis colonel en activité.
27 Q. Je vous demanderais de ne pas commencer votre réponse avant que le
28 curseur ne se soit pas arrêté.
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1 Vous venez de dire que vous êtes colonel dans l'armée de Serbie. Quelles
2 sont vos occupations ?
3 R. Je suis le chef du département qui s'occupe des armements et du
4 matériel militaire pour l'armée de terre.
5 Q. Quels sont les armements dont vous vous occupez et les armements sur
6 lesquels vous faites des conférences à l'Académie militaire de Belgrade ?
7 R. Je m'occupe du département des armements et du matériel militaire de
8 l'armée de terre, comprend un cursus qui incorpore tout ce qui est armement
9 d'infanterie, des engins mécanisés, blindés, l'artillerie, tous les
10 équipements de génie, ainsi que des armements nucléaires, biologiques et
11 chimiques.
12 Q. Etant donné votre domaine d'expertise vous avez inclus les armements
13 d'infanterie, depuis combien de temps êtes-vous professeur à l'académie
14 militaire, et depuis combien de temps êtes-vous officier de carrière ?
15 R. En fait, les armements d'infanterie correspondent à un de mes domaines
16 plus précis de spécialité dont je m'occupe depuis 1979.
17 Q. Ces armements d'infanterie, qui incorporent les fusils de tirs
18 embusqués, font partie de votre domaine de spécialité ?
19 R. Oui, justement. L'ensemble des armements dont j'ai parlé jusqu'à
20 maintenant ont fait l'objet d'études par moi-même, et j'ai enseigné à mes
21 étudiants, y compris les armes personnelles, les armes de poing, les
22 pistolets et les fusils, les fusils de tirs embusqués, les armements à
23 utiliser à courte portée, des armements pour le combat anti-char y compris
24 également les mortiers.
25 Q. Je suppose que les connaissances théoriques que vous enseignez à vos
26 étudiants diffèrent quelque peu de l'application pratique. Est-ce que vous
27 donnez également des cours d'entraînement pratique, autres que des
28 conférences théoriques ?
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1 R. Oui, en effet. Le cursus prévoit des séances d'entraînement, y compris
2 des entraînements de tir. Tout cela est programmé régulièrement. Et en tant
3 qu'enseignant j'assiste également aux entraînements de tir et je montre
4 l'armement qui serait utilisé pendant l'entraînement et je leur montre
5 comment on l'utilise.
6 Q. Monsieur Stamenov, vous connaissez assez bien tout ce qui est matériel
7 électronique, et j'aimerais attirer votre attention sur le fait que vous
8 devez ralentir un petit peu. Je ne vous demande de ne pas de commencer tant
9 que le cursus continue de parcourir son chemin à l'écran.
10 Je voudrais parler d'autre chose. Vous avez parlé d'un hobby que vous avez,
11 lorsque vous nous avez parlé de votre carrière et vous disiez que vous êtes
12 également athlète. Vous êtes également un tireur qui vient compléter vos
13 activités professionnelles. Vous êtes vous-même tireur, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est un hobby. C'est une activité de loisirs. Qui plus est, j'ai
15 innové dans le domaine du tir.
16 Q. Avant la suspension, j'aimerais vous poser une autre question. A la
17 demande de la Défense, vous avez élaboré un rapport sur un certain nombre
18 d'incidents de tirs embusqués qui relèvent de la mise en accusation à
19 l'encontre de Dragomir Milosevic, les incidents datant du 10 août 1994
20 jusqu'à fin mai 1995; est-ce bien le cas ?
21 R. Oui.
22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puisque nous avons le document dans le
23 prétoire électronique, pouvons-nous, s'il vous plaît, faire afficher le
24 DD00-4689 afin de le verser au dossier. Je ne pense pas que nous ayons
25 davantage de temps pour poursuivre l'interrogatoire à ce stade, je veux
26 dire une fois que vous aurez décidé évidemment du versement de cette pièce
27 au dossier.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons marquer le document pour
2 identification.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera donc le
4 D360.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons donc suspendre pour
6 reprendre demain matin à 9 heures.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mercredi 22 août
8 2007, à 9 heures 00.
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