Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 21 juillet 2009

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [L'appelant est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  9   Bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-98-29/1-A, le Procureur contre

 10   Dragomir Milosevic.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Tout d'abord, je vais demander à M. Milosevic s'il est en mesure de suivre

 13   le débat et s'il entend bien l'interprétation de mes propos.

 14   L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 15   Madame et Messieurs les Juges. Je vous entends parfaitement, je vous

 16   comprends, et je suis bien les débats. Merci.

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 18   Je vais demander aux parties de se présenter. Je commencerais par

 19   l'Accusation.

 20   M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Paul

 21   Rogers avec Mme Barbara Goy, M. François Boudreault, M. Matteo Costi, et

 22   notre commis aujourd'hui sera Lourdes Galicia.

 23   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 24   Je me tourne maintenant vers la Défense.

 25   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bonjour, Madame la Juge, Messieurs les

 26   Juges. Je suis Branislav Tapuskovic, avocat. Je défends les intérêts de M.

 27   Dragomir Milosevic avec l'aide de Me Branislava Isailovic.

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Maître.

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  1   Nous entamons l'audience en appel dans l'affaire le Procureur contre

  2   Dragomir Milosevic. Je vais tout d'abord faire en quelques mots la synthèse

  3   de l'appel dont est saisie la Chambre d'appel et vous préciser les

  4   modalités de cette audience.

  5   M. Milosevic, comme l'Accusation, ont fait appel du jugement de première

  6   instance rendu le 12 décembre 2007 par la Chambre de première instance

  7   numéro III qui se composait des Juges Robinson, Kesia-Mbe Mindua et

  8   Harhoff.

  9   La Chambre de première instance a déclaré M. Milosevic coupable en

 10   application de l'article 7(1) du Statut pour crime de terrorisation, chef

 11   1; assassinat, chefs 2 et 5; et actes inhumains, chefs 3 et 6. En raison de

 12   la condamnation prononcée au titre du premier chef d'accusation, la Chambre

 13   n'a pas retenu les chefs d'attaques illégales contre des civils qui se

 14   trouvaient aux chefs 4 et 7, car il n'était pas autorisé, à leur avis,

 15   d'avoir un cumul de condamnations au motif que les éléments constitutifs du

 16   crime d'attaques illégales contre des civils sont tous englobés dans celui

 17   de crimes de terreur. L'appel imposé était unique, elle était de 33 ans de

 18   réclusion.

 19   La Chambre, au moment de prononcer son verdict et de fixer l'appel, a

 20   déclaré que pendant la période couverte par l'acte d'accusation, le RSK,

 21   commandé par M. Milosevic, s'est rendu responsable de tirs continus de

 22   tireurs isolés et de pilonnages continus de la zone de Sarajevo qui ont

 23   entraîné la mort et des blessures graves chez beaucoup de civils. La

 24   Chambre a noté que, pendant toute la durée du siège, la population civile a

 25   été soumise à des conditions de peur extrême et d'insécurité qui, associées

 26   au fait qu'il était impossible de quitter la ville, a entraîné des

 27   cicatrices profondes et indélébiles sur toute la population. La Chambre a

 28   conclu que, vu les circonstances, chaque incident de tirs isolés et de

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  1   pilonnage dont elle a déclaré le RSK responsable a été mené de façon

  2   délibérée avec l'intention de terroriser la population civile de Sarajevo.

  3   La Chambre a jugé que ces actes pouvaient aussi être qualifiés d'attaques

  4   illégales contre une population civile au titre de l'article 3 du Statut du

  5   Tribunal.

  6   De plus, la Chambre de première instance a jugé que la campagne militaire

  7   du RSK menée à Sarajevo était "une illustration classique d'une attaque de

  8   grande envergure, d'une attaque organisée plus exactement, d'une attaque

  9   systématique et généralisée" qui est constitutive du crime contre

 10   l'humanité. La Chambre a également jugé que les ordres donnés par

 11   Milosevic, qui étaient de cibler des civils à Sarajevo, faisaient partie

 12   d'une stratégie continue de tirs isolés et de pilonnages dirigés sur des

 13   civils qui avaient commencé sous le commandement de Galic. Elle a également

 14   jugé qu'il avait planifié et ordonné ces attaques dans l'intention de semer

 15   la terreur dans la population.

 16   Permettez-moi de commencer par l'appel intenté par M. Milosevic. Il a

 17   déposé l'acte d'appel le 11 janvier 2008 et son mémoire en appel, le 14

 18   août 2008. L'Accusation, quant à elle, a déposé son mémoire en réponse le

 19   23 septembre 2008. La réplique de M. Milosevic a été déposée le 9 octobre

 20   2008. Des versions expurgées ont été rendues publiques, car les mémoires

 21   avaient été déposés à titre confidentiel, et ces mémoires publics ont été

 22   déposés plus tard par les deux parties.

 23   Dans son appel, M. Milosevic demande à être acquitté de toutes les charges

 24   retenues contre lui. Il présente 12 moyens d'appel. Voici le premier : il

 25   avance que la Chambre de première instance a mal appliqué le droit

 26   s'appliquant au crime de terrorisation et de crimes contre l'humanité pour

 27   assassinats et actes inhumains, qu'elle a violé la présomption d'innocence

 28   et n'a pas établi au-delà de tout doute raisonnable les éléments

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  1   constitutifs des crimes dont il a été jugé coupable.

  2   Deuxième et troisième motifs d'appel : Milosevic soutient que la Chambre a

  3   violé l'article 89 du Règlement de procédure et de preuve en tirant des

  4   conclusions qui n'étaient pas étayées par les éléments du dossier de

  5   première instance, et que la Chambre n'a pas pris en compte la totalité des

  6   moyens de preuve présentés.

  7   Quatrième motif d'appel : Milosevic affirme que la Chambre de première

  8   instance a mal appliqué et mal énoncé le droit s'appliquant à la qualité de

  9   civil des personnes se trouvant dans les tramways pris pour cible par les

 10   tireurs isolés, a mal définit la notion de "siège" et s'est trompée pour ce

 11   qui est de sa défense d'alibi.

 12   Sixième, pour les motifs 6 à 11, Milosevic conteste les constatations de la

 13   Chambre de première instance qui avait dit que les zones de Sarajevo

 14   étaient des zones civiles, que le RSK était à l'origine de tirs précis de

 15   tireurs isolés et de pilonnages et qu'elle s'est trompée aussi pour ce qui

 16   est des conclusions concernant la possession, l'utilisation et l'origine

 17   des bombes aériennes.

 18   Enfin, dans son 12e moyen d'appel, Milosevic conteste les conclusions de la

 19   Chambre selon lesquelles Milosevic a donné l'ordre de lancer les tirs

 20   isolés et de pilonner les civils.

 21   En matière de fixation de peine, cinquième motif de M. Milosevic, Milosevic

 22   affirme que la Chambre de première instance a eu tort de considérer que les

 23   éléments constitutifs des infractions étaient des circonstances

 24   aggravantes.

 25   L'Accusation, pour sa part, répond que tous les moyens présentés par

 26   Milosevic devraient être rejetés.

 27   Voici maintenant l'appel de l'Accusation.

 28   L'Accusation a déposé son acte d'appel le 31 décembre 2007 et le

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  1   mémoire en appel, le 30 janvier 2008. Milosevic a répondu le 6 août 2008.

  2   L'Accusation a déposé un mémoire en réplique à la réponse de M. Milosevic

  3   le 12 août 2008.

  4   L'Accusation soulève un seul motif d'appel. Elle fait valoir que la

  5   Chambre a mal utilisé son pouvoir discrétionnaire en imposant une peine qui

  6   est manifestement inadéquate. L'Accusation demande qu'en lieu et place de

  7   la peine imposée soit imposée une peine de réclusion à perpétuité. En

  8   réponse, Milosevic fait valoir que les faits à l'origine de sa condamnation

  9   n'ont pas été prouvés au-delà de tout doute raisonnable, ce qui fait que la

 10   question de la peine ne se pose pas. A titre subsidiaire, M. Milosevic

 11   insiste pour dire que toutes les circonstances atténuantes pertinentes

 12   prises en compte par la Chambre de première instance devraient être

 13   conservées.

 14   Les parties, pendant le dépôt des notes de cette audience, peuvent

 15   présenter les motifs d'appel qui leur semblent les plus adéquats pour leur

 16   cause. Mais j'exhorte les parties à ne pas se contenter de répéter in

 17   extenso ce qui se trouve déjà dans les mémoires ni non plus d'en faire un

 18   résumé trop long, car la Chambre connaît ces mémoires, les a étudiés. Je

 19   vous rappelle aussi que dans l'addendum à l'ordonnance portant calendrier

 20   du 6 juillet 2009, la Chambre d'appel a invité les parties à aborder des

 21   questions précises au cours de l'audience en appel, questions qu'il n'est

 22   pas nécessaire de rappeler ici même. J'insiste là-dessus, je vous fais

 23   cette invitation, bien sûr, tout en laissant toute liberté aux parties de

 24   soulever des éléments qui leur semblent importants et qui n'expriment

 25   aucunement l'avis de la Chambre sur la question du fond de l'affaire.

 26   Permettez-moi de rappeler brièvement les critères s'appliquant à des

 27   erreurs de droit et de fait en appel. Un appel n'est pas un procès de novo.

 28   Les appelants ne peuvent pas se contenter de répéter les éléments qu'ils

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  1   ont prononcés et présentés en première instance. Au contraire, conformément

  2   à l'article 25 du Statut, un appelant doit se limiter dans ses arguments à

  3   ce qu'il allègue être une erreur de droit qui aurait invalidé la décision

  4   rendue en première instance ou une erreur de fait qui aurait entraîner un

  5   déni de justice. De plus, il faut rappeler que les appelants ont

  6   l'obligation de donner des références précises lorsqu'ils citent des

  7   éléments à l'appui de leurs arguments présentés en appel.

  8   Nous allons, pour le déroulé de l'audience, nous conformer à ce qui est dit

  9   dans l'addendum à l'ordonnance portant calendrier du 6 juillet 2009. La

 10   Défense aura une heure et demie, puis nous aurons une pause et nous

 11   entendrons le reste de la présentation de la Défense pendant 30 minutes.

 12   Ensuite nous aurons la réponse de l'Accusation pendant une heure, et nous

 13   allons faire une pause déjeuner d'une heure et demie et nous reprendrons

 14   les débats pendant une heure supplémentaire pour ce qui est de

 15   l'Accusation. Puis il y aura réponse, mais nous prendrons les aménagements

 16   qui sont nécessaires en fonction des besoins tels qu'ils se manifesteront

 17   pendant l'audience.

 18   Il serait très utile pour la Chambre si les parties pouvaient s'exprimer de

 19   façon précise et claire. Je vous rappelle que les Juges peuvent

 20   parfaitement vous interrompre à tout moment s'ils ont des questions à vous

 21   poser ou il se peut également qu'un Juge préfère poser une question à la

 22   fin de la présentation faite par une partie. Dernière précision, les

 23   parties n'ont pas besoin d'utiliser tout le temps qui leur a été donné, si

 24   une partie estime qu'elle n'a pas besoin de tout ce temps.

 25   Cette précision étant abordée quant à la procédure d'aujourd'hui, j'invite

 26   la Défense à présenter ses arguments à l'appui de l'appel qu'elle a déposé.

 27   Maître Tapuskovic, vous pouvez commencer.

 28   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je remercie les Juges de la Chambre.

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  1   Compte tenu de l'occasion qui m'est donnée de vous exposer un certain

  2   nombre d'éléments liés à la responsabilité de Dragomir Milosevic, compte

  3   tenu également de l'ordre du 6 juillet 2009 provenant de la Chambre

  4   d'appel, nous allons nous concentrer sur la présentation des arguments

  5   cruciaux, donc je me concentrerai sur l'exposition des arguments principaux

  6   contenus dans l'acte d'appel, en particulier sur le premier élément qui est

  7   la base de tous les éléments secondaires justifiant ce pourvoi en appel.

  8   Nous exposerons ce premier motif jusqu'à la pause, et puisque nous devons

  9   répondre aux questions posées par les Juges, nous tenterons de le faire

 10   dans notre exposé. Mais je vous préviens d'emblée que si les Juges avaient

 11   des questions supplémentaires, j'aimerais me concentrer sur les éléments

 12   liés aux faits sur lesquels le droit doit s'appliquer et que c'est ma

 13   consoeur, en cas de questions complémentaires, qui s'occupera des questions

 14   de droit pur.

 15   Donc je commence au paragraphe 7 du jugement. La Chambre de première

 16   instance constate que la Défense de l'accusé a affirmé que le territoire de

 17   Sarajevo ne pouvait pas être caractérisé comme un territoire civil. C'est

 18   l'argument principal. Bien entendu, cette question est tout à fait

 19   cruciale. De la réponse à cette question dépend la détermination de la

 20   responsabilité de Dragomir Milosevic au titre de l'article 7(1) du Statut

 21   du Tribunal. D'ailleurs, hormis cette constatation relative à l'argument

 22   principal de la Défense que l'on trouve au paragraphe 8.8.9, la Chambre de

 23   première instance déclare également que, pendant la durée du conflit, cet

 24   élément est tout à fait capital pour déterminer la responsabilité globale

 25   de l'accusé. C'est là que commence l'appréciation des éléments de fait. Au

 26   point 8.8.9, il est question des combats qui se sont déroulés dans des

 27   quartiers importants de la ville placés sous le contrôle de l'ABiH.

 28   S'agissant de la population civile, Messieurs les Juges, s'agissant de la

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  1   zone civile, ceci est une question de droit réglée par des éléments de

  2   droit appliqués régulièrement par votre Tribunal, mais au sujet desquels la

  3   Défense a répondu dans les paragraphes 27 à 32 de son acte d'appel. Nous

  4   n'allons donc pas répéter les arguments présentés dans ces paragraphes.

  5   Lorsque ces éléments de droit s'appliquent à l'examen des éléments de

  6   preuve figurant au compte rendu d'audience, il est absolument impossible

  7   d'aboutir aux conclusions auxquelles a abouti la Chambre de première

  8   instance sur ce sujet. Ces conclusions de la Chambre de première instance

  9   sont même en contradiction complète avec un grand nombre d'éléments de

 10   preuve présentés. Bien entendu, vous savez déjà que dans le quatrième motif

 11   de notre pourvoi en appel, quatrième branche, il est déclaré que la Chambre

 12   de première instance n'a même pris aucun compte de certains éléments de

 13   preuve. Compte tenu de votre position exprimée dans l'affaire Halilovic au

 14   paragraphe 124, selon lequel le fait que la Chambre de première instance ne

 15   cite pas des éléments de preuve pertinents, nous avons un indice valable

 16   pour penser que la Chambre n'a pas pris en compte ces éléments de preuve, à

 17   savoir un indice indiquant que la Chambre de première instance a ignoré des

 18   éléments de preuve pertinents.

 19   En ce moment, je vais me pencher sur les éléments de preuve que la Chambre

 20   de première instance n'a pas cités, ce qui signifie qu'elle ne les a pas

 21   examinés ou que, même si parfois elle les mentionne ici ou là, elle ne les

 22   a pas appréciés s'agissant des questions principales en jeu dans la

 23   présente affaire. Merci. L'appelant comprend, bien sûr, que le fait de

 24   mentionner simplement les éléments de preuve qui ont été laissés de côté,

 25   éléments de preuve concrets, il peut répondre à ses obligations, eu égard

 26   au pourvoi en appel. Vous trouverez une analyse détaillée des éléments de

 27   preuve qui ont été laissés de côté aux paragraphes 1 à 145 du jugement,

 28   étant donné que ces éléments étaient censés prouver que l'ABiH était

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  1   présente dans certains quartiers de Sarajevo et que la RSK lorsqu'elle a

  2   répliqué aux attaques n'a pas pris pour cible la population civile.

  3   Dans mon exposé d'aujourd'hui, je me contenterai de démontrer des

  4   contradictions importantes, eu égard à l'examen des éléments de preuve par

  5   la Chambre de première instance, éléments figurant dans les comptes rendus

  6   d'audience. Au paragraphe 896, la Chambre de première instance estime que

  7   40 000 à 45 000 soldats n'étaient pas stationnée dans des zones densément

  8   peuplées, mais il n'apparaît pas clairement pourquoi il n'est pas mentionné

  9   le chiffre de 50 000 à 55 000 soldats. Ce qui est écrit c'est qu'un grand

 10   nombre de soldats étaient stationnés dans des tranchées où étaient dans des

 11   positions sur le front. Dans la note en bas de page, il est mis en exergue

 12   qu'une attaque était en cours de la part de l'ABiH. On a du mal à

 13   déterminer le nombre exact de soldats qui, en soi, ne signifie rien.

 14   Les unités présentes étaient des unités régulières de l'ABiH qui,

 15   selon le paragraphe 71 du jugement, comptait de 225 000 soldats. Un quart

 16   de toute l'ABiH était présente en permanence dans la région de Sarajevo, et

 17   notamment dans les quartiers de Sarajevo contrôlés par cette armée. Il

 18   s'agit des soldats de la 12e Division stationnés à Sarajevo pendant toute

 19   la durée prise en compte par l'acte d'accusation et tout le 1er Corps

 20   d'armée comptait, comme nous le savons, 78 000 soldats. Ces 78 000 soldats

 21   étaient opposés à 18 000 soldats du RSK. Et dans la période prise en compte

 22   par l'acte d'accusation, ce nombre était même inférieur, il était de 15 000

 23   environ, car selon les éléments de preuve mentionnés au compte rendu

 24   d'audience, 3 000 soldats environ ont trouvé la mort avant le début de la

 25   période prise en compte par l'acte d'accusation.

 26   Un nombre aussi important de soldats réguliers de l'ABiH présents en

 27   permanence sur le territoire de la ville dans les quartiers sous son

 28   contrôle est un élément capital s'agissant de tout ce qui est dit au sujet

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  1   de la situation de la population civile vivant dans les quartiers placés

  2   sous le contrôle de l'ABiH, car ces soldats étaient des soldats réguliers

  3   qui menaient de façon permanente des actes de combat.

  4   Dès lors que l'on se pose la question du nombre de personnes en armes

  5   mêlées à la population civile avant d'apprécier les éléments de preuve

  6   relatifs à la situation de la population dans les quartiers de Sarajevo

  7   sous le contrôle de l'ABiH, ce qui est important c'est que la Chambre de

  8   première instance ne mentionne pas les forces du MUP de la Bosnie-

  9   Herzégovine. Dans tout le jugement, la Chambre de première instance

 10   considère ces éléments du MUP comme des hommes qui n'étaient là que pour

 11   maintenir l'ordre public dans un milieu très armé, et considère que le MUP

 12   n'a entrepris aucune action en appui aux actions de l'armée, comme cela est

 13   indiqué au paragraphe 59.3 du Protocole additionnel numéro 1 de Genève.

 14   Mais dans le texte du jugement, la Chambre de première instance

 15   s'occupe des forces du MUP de la Bosnie-Herzégovine. En effet, dans ce

 16   paragraphe, il est indiqué que les unités de la police de Bosnie-

 17   Herzégovine n'étaient pas intégrées à l'ABiH. La Chambre de première

 18   instance affirme que les éléments de preuve démontrent que les unités du

 19   MUP étaient placées sous le commandement du gouvernement et du MUP de

 20   Bosnie-Herzégovine. La Chambre de première instance conclut que les

 21   éléments de preuve ne concordent pas avec la conclusion selon laquelle la

 22   police régulière faisait partie intégrante des forces armées de Bosnie-

 23   Herzégovine, et elle ne conclut pas non plus, et c'est tout à fait

 24   important, que les unités de la police ont apporté un quelconque concours

 25   aux actions armées qui se sont menées pendant le conflit.

 26   La Chambre de première instance exprime son avis dans le paragraphe

 27   188 où elle indique que le nombre des hommes du MUP était de 11 000 à 12

 28   000, ce qui au cas où ces unités policières avaient agi sur le plan

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  1   militaire, auraient accru considérablement les forces armées de l'ABiH ce

  2   qui aurait dû jouer un rôle important dans la définition du statut de la

  3   population civile.

  4   Parmi les conclusions que l'on trouve au paragraphe 190 et qui sont

  5   confirmées au paragraphe 188, on trouve que ces contradictions sont tout à

  6   fait importantes. Au paragraphe 188, il est indiqué que lorsque les unités

  7   de la police ont été utilisées pour des actions militaires, et je parle là

  8   en particulier des unités spéciales, nous devons parler des détachements

  9   Bosnie et Lasta en particulier dans le cadre des actions menées par la 12e

 10   Division de l'ABiH. Mais même sans cette mention, la conclusion de la

 11   Chambre de première instance que l'on trouve au paragraphe 190, selon

 12   laquelle les éléments de preuve ne démontrent pas la conclusion selon

 13   lesquelles les unités de la police régulière auraient apporté un concours

 14   aux opérations militaires pendant l'offensive de l'ABiH, nous trouvons une

 15   contradiction tout à fait claire avec les éléments de preuve présentés à la

 16   Chambre, que la Chambre n'a absolument pas pris en compte.

 17   Je vais m'occuper maintenant des éléments de preuve démontrant que les

 18   unités du MUP faisaient partie intégrale de l'ABiH et, qu'en tant que tel,

 19  elles ont participé aux opérations armées menées par les unités du 1er Corps

 20   d'armée de l'ABiH. Je vais d'abord vous citer les cotes des documents qui

 21   n'ont pas été pris en compte, à savoir les pièces D190, D417, D426, et

 22   D282. En raison du manque de temps, je me propose de ne choisir qu'un seul

 23   de ces quatre documents qui me permettra de citer un passage relatif à la

 24   12e Division, page 5 et début de la page 6 de la version anglaise, nous ne

 25   pouvons pas les afficher sur l'écran, mais en tout cas nous y lisons, je

 26   cite :

 27   "Les forces de la 12e Division avec une partie d'autres unités" - je ne

 28   vais pas tout citer. Avant ce passage, il est indiqué que ces unités

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  1   agissent dans les quartiers concernés de Sarajevo aux côtés des unités de

  2   la division du HVO présentes sur place, qui agissent de concert avec les

  3   unités du MUP de Bosnie-Herzégovine, et à ce moment-là, nous voyons

  4   exactement depuis quel quartier démarre les actions militaires. Il est même

  5   indiqué que :

  6   "Le commandement de la 12e Division a organisé une coopération avec la 155e

  7   Brigade, la 102e Brigade de concert avec le MUP notamment à Lapad" --

  8   ensuite nous voyons qu'il est indiqué plus loin dans le texte "fournir un

  9   appui aux unités du MUP de Bosnie-Herzégovine".

 10   Pourquoi est-ce que je me suis saisi de ce document ? Parce qu'à la lecture

 11   de ce document, on constate que les forces du MUP dans un endroit bien

 12   particulier, à savoir le mont de Stupsko Brdo, ont agi de façon autonome.

 13   Il est même indiqué dans ce texte qu'à cet endroit, les unités du MUP

 14   étaient placées sous le commandement du ministère de l'Intérieur, on voit

 15   bien une distinction qui s'établit. Dans certains endroits, la police est

 16   placée sous le commandement et la responsabilité directe du commandement de

 17   l'armée et à un autre endroit, les unités du MUP agissent de façon

 18   totalement autonome sous la direction des dirigeants de la police. Les

 19   autres documents que j'ai cités tout à l'heure précisent de façon encore

 20   plus claire le fait que la police a agi de concert avec l'armée dans toutes

 21   les actions militaires, en particulier entre le mois de juin et

 22   pratiquement la fin de la période prise en compte dans l'acte d'accusation.

 23   En raison de tout cela, il est permis de conclure que les forces de la

 24   police, les forces du MUP ont entrepris en permanence des actions

 25   militaires en soutien aux opérations menées par l'armée. Ce nombre total

 26   d'hommes de l'armée et de la police qui ont agi ensemble, il n'est pas pris

 27   en compte par la Chambre de première instance qui, dans ses conclusions, ne

 28   s'en occupe pas pour affirmer ce qu'elle affirme au sujet de la population

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  1   civile de Sarajevo dans les quartiers sous le contrôle de l'ABiH. En fait,

  2   pratiquement la moitié de toute l'ABiH se trouvait à cet endroit, ce qui, à

  3   notre avis vous appartient bien sûr de déterminer, est d'une importance

  4   cruciale pour répondre à la question de savoir si cette zone pouvait être

  5   considérée comme civile. Dans la suite de mon exposé, je vous montrerai

  6   d'autres éléments écrits qui vous démontreront quelle a été la nature des

  7   actions menées pendant tout ce conflit.

  8   Mais si nous parlons du nombre des soldats de l'ABiH auquel était confronté

  9   la RSK et ses 15 000 soldats durant la période prise en compte par l'acte

 10   d'accusation, il faut mettre l'accent sur un autre élément encore. Au

 11   paragraphe 897 du jugement, il est indiqué que des éléments de preuve

 12   démontrent que pendant toute l'offensive d'été des soldats, d'autres corps

 13   de l'ABiH ont apporté leur appui aux soldats du 1er Corps d'armée. Nous

 14   convenons avec la Chambre de première instance que rien dans les éléments

 15   de preuve n'indique que des soldats de l'ABiH sont arrivés en masse dans le

 16   secteur de Sarajevo placé sous le contrôle de l'ABiH.

 17   Au paragraphe 784, il est question d'attaques menées par l'ABiH à partir du

 18   mois de mai 1995 sur le territoire tenu par la RSK. Dans ce paragraphe est

 19   prise en compte la déclaration du commandant Veljkovic, qui parle du nombre

 20   total de soldats de l'ABiH qui ont participé à cette attaque, et qui

 21   affirme que durant l'opération T-94, 61,5 % du nombre potentiel total

 22   d'hommes de l'ABiH, c'est-à-dire 130 à 135 000 soldats ont été opposés aux

 23   15 000 soldats du RSK pendant la période couverte par l'acte d'accusation.

 24   La Chambre de première instance a pris en compte la déclaration du

 25   commandant Veljkovic au sujet du nombre total de membres de l'ABiH en

 26   disant que ce nombre n'avait pas été corroboré par d'autres éléments de

 27   preuve. C'est la raison pour laquelle je vais vous exposer un certain

 28   nombre de documents qui vont dans le sens contraire de ce qu'affirme le

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  1   jugement, à savoir les pièces D106, D190, D384, D388, D386 et D390.

  2   A la lecture de la pièce D190, on constate que durant les actions

  3   offensives menées à partir de juin 1995, les forces des 3e, 4e et 7e Corps

  4   se sont unies à celles du 1er Corps. Dans les documents que je viens

  5   d'évoquer, on trouve le nombre total des soldats faisant partie de ces

  6   unités, il est donc possible d'effectuer un calcul qui démontre qu'un

  7   nombre bien supérieur à 135 000 soldats ont participé â ces actions. Ces

  8   faits relatifs au nombre total de soldats de l'ABiH ont une importance très

  9   grande pour se prononcer sur les événements qui ont eu lieu durant la

 10   période couverte par l'acte d'accusation. Le RSK était totalement encerclé,

 11   ce que démontre la carte, qui constitue la pièce D59, pendant toute la

 12   période du conflit, et ce sont ces combats qui ont infligé les pertes

 13   humaines les plus importantes au RSK pendant la période des combats en

 14   question, pertes importantes infligées au RSK mais également à la

 15   population civile vivant dans ces quartiers.

 16   Dès lors que nous examinons les actions militaires menées par ces 45 000

 17   soldats, il importe de tenir compte de ce que nous lisons au paragraphe

 18   896, où il est question des actions militaires régulières, et la Chambre de

 19   première instance a pris en compte une seule action menée par ces soldats,

 20   à savoir le fait que ces soldats rentraient à leurs domiciles à partir de

 21   la ligne de front, ce qui permet à la Chambre de conclure que l'incidence

 22   globale de leurs déplacements n'a pas modifié le statut civil de la

 23   population vivant dans ces zones. La conclusion selon laquelle les

 24   déplacements de ces 45 000 soldats - et à la lecture des documents, nous

 25   voyons que si l'on ajoute les forces de la police, le nombre réel est de 60

 26   000 hommes - donc les déplacements réguliers de ces soldats entre les

 27   tranchées et leurs domiciles se faisaient selon un axe déterminé, selon ce

 28   qu'a jugé la Chambre de première instance, ce qui va totalement dans le

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  1   sens contraire des éléments de preuve relatifs aux offensives menées par

  2   l'ABiH, qui ne sont absolument pas pris en compte dans la note en bas de

  3   page liée au paragraphe 896 du jugement.

  4   Au paragraphe 898 du jugement, nous lisons qu'il est clair qu'à l'intérieur

  5   de la zone des combats se trouvaient des objectifs militaires. Par exemple,

  6   sur une carte militaire de l'ABiH, on voit figurer 30 lieux de commandement

  7   des unités de l'ABiH qui étaient déployés sur tout le territoire limité par

  8   les lignes de front. Dans la note en bas de page liée à cette conclusion,

  9   la Chambre de première instance expose cette carte, à savoir la carte qui

 10   constitue la pièce P194, qui est son unique élément de preuve. En

 11   appréciant cet élément de preuve unique, la Chambre conclut que le nombre

 12   de ces postes de commandement n'était pas suffisamment important pour que

 13   tout le territoire limité par les lignes de front perde son statut civil.

 14   Vous examinerez bien sûr cette carte. La Chambre de première instance,

 15   lorsqu'elle a réfléchi à l'existence de cibles militaires sur le territoire

 16   de Sarajevo sous le contrôle de l'ABiH, ne s'est servie que de ce seul et

 17   unique élément de preuve, mais par ailleurs elle n'a pris en compte que les

 18   postes de commandement.

 19   Lorsque vous vous pencherez sur cette carte, vous constaterez qu'il y

 20   a bien plus que des postes de commandement. Les postes de commandement

 21   étaient dispersés sur tout le territoire de Sarajevo sous le contrôle de

 22   l'ABiH et toujours au cœur des zones les plus sensibles pour les brigades

 23   de la 12e Division de l'ABiH, qui a joué un rôle crucial dans ces

 24   événements. A l'examen de cette carte, nous voyons que la 102e, la 105e, la

 25   101e, la 112e, la 111 et la 112e Brigade de la 12e Division, ainsi que la

 26   104e Brigade de la 14e Division du 1er Corps d'armée, ont été déployées sur

 27   tout le territoire de la ville de Sarajevo sous le contrôle de l'ABiH

 28   pendant la période couverte par l'acte d'accusation.

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  1   A l'examen de cette carte, on constate non seulement ce que je viens

  2   de vous dire, à savoir que les brigades dont je viens de donner les numéros

  3   couvrent bien toute la superficie sous le contrôle de l'ABiH dans la ville,

  4   mais on voit également les emplacements des bataillons et des diverses

  5   unités de ces brigades. Certaines brigades dirigeaient jusqu'à trois

  6   bataillons. On ne voit pas l'emplacement des unités subalternes, mais grâce

  7   à d'autres éléments de preuve, nous voyons également que ces unités

  8   subalternes étaient présentes. Sur la carte, on voit également

  9   l'emplacement des armes lourdes sur tout le territoire des zones de

 10   responsabilité comme, par exemple, le territoire de la 101e Brigade qui

 11   tenait des nids d'armes lourdes dans le centre même de la ville de

 12   Sarajevo.

 13   Nous prions la Chambre d'appel de prêter attention à la teneur du

 14   paragraphe 81 du jugement. En effet, lorsque la Chambre de première

 15   instance a fait connaître ses conclusions au sujet des cibles militaires

 16   dans le paragraphe 898 du jugement, elle évoque les éléments de preuve qui

 17   ont été pris en compte par elle et confirmés. Mais il existe nombre

 18   d'autres éléments de preuve auxquels elle n'a prêté aucune attention. C'est

 19   la raison pour laquelle nous vous demandons instamment de prêter attention

 20   au paragraphe 81 du jugement dans lequel la Chambre de première instance

 21   confirme que l'examen des éléments de preuve démontre que l'ABiH possédait

 22   des canons, des lance-roquettes, des Howitzer, et là je ne vous parle que

 23   des quartiers sous le contrôle de l'ABiH, n'est-ce pas, donc des Howitzer,

 24   des canons, des lance-roquettes, des mortiers antichars, des mortiers

 25   antiaériens, et toutes sortes d'autres canons, y compris une centaine de

 26   mortiers au total, 12 chars et des lance-roquettes montés sur des

 27   véhicules. Dans la note en bas de page 287, 288 et 289, on constate que les

 28   armes lourdes situées dans les quartiers tenus par l'ABiH à Sarajevo sous

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  1   le commandant de la 12e Division étaient très armés en armes lourdes. Sur

  2   la carte, par exemple, on constate que le nombre des mortiers est inconnu,

  3   alors que les éléments de preuve confirment la présence de 100 positions de

  4   mortiers. La Chambre de première instance n'en a pas tenu compte dans son

  5   paragraphe 898 du jugement.

  6   Il importe à ce sujet de prendre en compte la déclaration du témoin Fraser

  7   qui a dit, je cite :

  8   "Les mortiers musulmans étaient répartis un peu partout en ville, et il

  9   était particulièrement difficile pour les Serbes de répliquer aux tirs, car

 10   ils étaient mêlés aux civils. Ils étaient installés dans des environnements

 11   peuplés par des civils." Là vient la partie la plus importante de sa

 12   déclaration, je cite : "Ceci a été à l'évidence fait délibérément, car en

 13   cas d'action répliquant au tir, il devenait particulièrement difficile

 14   d'éviter des pertes civiles."

 15   C'est ce qu'a dit ce témoin qui concerne la durée de son séjour à Sarajevo,

 16   et c'est une déclaration particulièrement importante. Au paragraphe 82 du

 17   jugement, il est question de l'existence d'une usine d'armement qui

 18   fabriquait des obus destinés au territoire du quartier Ali Pasina Polje.

 19  Au paragraphe 84 du jugement, il est confirmé que le 1er Corps de l'ABiH n'a

 20   jamais retiré les armes lourdes des territoires placés sous son contrôle,

 21   et que dans toutes les situations démontrées par les éléments de preuve,

 22   l'ABiH pouvait se fournir en armes dans ces entrepôts qui étaient à sa

 23   disposition. Au paragraphe 129 du jugement, par exemple, on établit

 24   l'existence d'obusiers se trouvant sur le mont Zuc.

 25   Au paragraphe 763, il est établi que l'ABiH a ouvert le feu depuis le mont

 26   Hum, Debelo Brdo, Colina, Ali Pasina Polje, Igman, Hrasnica, alors que nous

 27   avons des notes de bas de page qui font référence à plusieurs pièces

 28   versées au dossier qui sont à l'origine de ces conclusions. Il s'agit de

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  1   monts où apparemment ce sont des Serbes qui occupaient des positions. Ce

  2   sont les plus grandes hauteurs de la ville, alors que les éléments de

  3   preuve indiquent que ces positions avaient été prises par l'armija, l'ABiH,

  4   car elles se trouvaient, ces collines, entre ces lignes de séparation. Mais

  5   les hauteurs, à l'exception de Trebevic, ont toujours été tenues par

  6   l'armija. C'est quelque chose qui est indiqué dans les pièces. Je vais en

  7   mentionner quelques-unes, sinon toutes.

  8   Les Serbes étaient de l'autre côté au bas des collines. Il y a donc une

  9   idée reçue qui a été mal comprise et qui a été acceptée, car nous avons pu

 10   consulter les archives de Bosnie-Herzégovine et nous avons réussi à en

 11   montrer les preuves. Nous avons éprouvé beaucoup de difficultés en faisant

 12   ce travail.

 13   Dès le début du procès, nous avions obtenu plus de 4 000 documents des

 14   archives de Bosnie-Herzégovine, et il nous a été très difficile d'utiliser

 15   ces documents, ceci surtout pendant la présentation des moyens à charge.

 16   Nous n'avons pas obtenu la traduction. Nous avons traduit nous-même

 17   certains documents. Bon nombre des documents que je vais utiliser

 18   aujourd'hui ont été traduits plus tard. La totalité d'entre eux a été

 19   versée au dossier. Ces pièces vous indiquent ce que je vous dis

 20   aujourd'hui, mais notre chemin a été semé d'embûches. Malgré tout, nous

 21   avons réussi à faire traduire ces documents, à les verser au dossier, même

 22   si chacun de ces documents a été mis en cause au motif de la pertinence.

 23   C'étaient des documents pertinents, parce qu'on y voit les positions et on

 24   voit que ces zones n'étaient pas du tout des zones civiles.

 25   Paragraphe 129 du jugement, j'ai déjà abordé cette question. Maintenant

 26   nous parlons des paragraphes 764, 765, 766 et 767 du jugement où il y a

 27   preuve de la présence d'armes lourdes utilisées par l'ABiH pour tirer sur

 28   le territoire contrôlé par le RSK. On a tiré sur Vogosca, Ilidza notamment.

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  1   Autant de quartiers urbains de la ville, mais ils étaient contrôlés par

  2   l'armée de la Republika Srpska. Grbavica, par exemple, et Nedzarici étaient

  3   un ghetto tout à fait encerclé dans le cœur même de la ville. Les éléments

  4   de preuve le prouvent, et nous l'avons mentionné dans notre mémoire en

  5   appel. Inutile de le rappeler ici.

  6   Paragraphe 83 du jugement, il est question de positions de tireurs

  7   embusqués et d'armes utilisées par ces tireurs. Autre référence à ces

  8   snipers de l'ABiH au paragraphe 768 du jugement. Au paragraphe 7, le

  9   général Milosevic a dit qu'il y avait des armes utilisées par les tireurs

 10   embusqués dans l'ABiH, et les documents indiquent qu'il y a eu, de la part

 11   de l'armija, des activités de tireurs embusqués - et c'est incontestable -

 12   mais outre cela, on affirme que chaque tir de tireur embusqué qui serait

 13   venu des forces serbes était dirigé sur des civils, mais il s'agit, en

 14   fait, d'activités de tireurs embusqués qui viennent des deux armées.

 15   Puis nous avons le paragraphe 771 du jugement où les éléments de preuve

 16   concernent les tirs venant du gouvernement de Bosnie, tirs dirigés sur

 17   plusieurs bâtiments et d'autres lieux commandés par l'ABiH, comme Mojmilo,

 18   Debelo Brdo, le bâtiment Loris, le mont Hum, Pofalici. Pareil pour le

 19   paragraphe 773 et le 774.

 20   Au paragraphe 776, il est dit que l'armija a souvent ouvert le feu sur

 21   plusieurs endroits de la ville de façon très fréquente et souvent tirait

 22   sur des positions propres de bâtiments occupés par les Nations Unies. On a

 23   le bâtiment des PTT, on a la salle de sport Zetra, la caserne Maréchal

 24   Tito. On a utilisé des mortiers mobiles. On parle des bâtiments de la

 25   FORPRONU au paragraphe 777.

 26   Ce sont des éléments du dossier que la Chambre a tout à fait passés sous

 27   silence lorsqu'elle a tiré des conclusions sur la qualité de civils de

 28   telle ou telle région de Sarajevo contrôlée par l'ABiH, et ceci met tout à

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  1   fait en cause les conclusions tirées par la Chambre de première instance.

  2   Ce sont des faits qui ont été établis pendant le procès, mais qui n'ont pas

  3   été justement appréciés par la Chambre de première instance, comme je viens

  4   de vous le dire.

  5   Je vais signaler beaucoup de rapports de la FORPRONU. Il y en a un de

  6   nombreux, mais ils ont été parfaitement ignorés par la Chambre de première

  7   instance. Il s'agit des pièces P19, P391, P519, et aussi de la pièce D3.

  8   Ces éléments de preuve montrent qu'il y a eu des activités déployées par

  9   l'ABiH et son artillerie est dirigée sur les proches abords de lieux

 10   occupés par la FORPRONU, mais il est possible aussi d'établir où se

 11   trouvaient les positions des armes lourdes de l'armija partout dans la

 12   ville. Et ces documents montrent qu'il y a eu des tirs d'artillerie de

 13   l'armija le 16 et le 17 novembre 1994, aussitôt dans les quelques jours qui

 14   ont suivi la prise de fonction de Dragomir Milosevic. Les activités de

 15   mortier venant de ces zones et dirigées tout près sur les abords du

 16   bâtiment de la présidence et de l'hôpital de Kosevo. Aussi, il montre qu'il

 17   y a eu des tirs d'armes lourdes sur la ville et ceci constitue une

 18   violation de la zone d'explosion totale, comme le montre le document P391.

 19   On dit aussi dans ces éléments de preuve qu'on a ouvert le feu depuis les

 20   abords du PTT. Il s'agit de la pièce P519, et ceci s'est passé le 28 juin

 21   1995.

 22   De plus, nous avons des preuves de tirs de sabotage qui viennent des

 23   quartiers se trouvant au sud-est de la ville. Ces documents le montre,

 24   notamment le D3, alors que là ces positions se trouvaient au cœur même de

 25   la ville. Nous avons ici trois rapports de la FORPRONU, trois pièces à

 26   charge, et nous avons également une pièce de la Défense. Je viens de vous

 27   les mentionner. Je venais de vous parler de la pièce P194, une carte qui

 28   vous montre les positions de toutes les brigades de l'armija sur le

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  1   territoire de Sarajevo.

  2   Je vais vous parler des documents produits par cette armée qui ont tous été

  3   versés au dossier. Il s'agit de décisions, d'ordres, de rapports

  4   d'activité, de documents indiquant l'utilisation quotidienne de munitions.

  5   Et croyez-moi, pour chaque jour, nous avons des preuves qu'il y a eu des

  6   activités effectuées. Nous avons versé quelque 20 documents au dossier, et

  7   ces documents vous indiquent où exactement se trouvaient les armes, vous

  8   dis-je, le nombre d'obus tirés quotidiennement. Parfois, certains jours, il

  9   y a eu même 1 000 obus qui ont été tirés, peut-on alors parler de zone

 10   civile ?

 11   Ces cartes vous montrent les zones de responsabilités de chacune des

 12   brigades ainsi que montraient la profondeur du territoire couvert dans la

 13   ville, territoire couvert par l'ABiH, comme le montre cette carte. Ce n'est

 14   pas simplement les 30 postes de commandement qui sont concernés, car chaque

 15   poste de commandement avait son poste de commandement avancé. Ces documents

 16   vous montre aussi les positions de l'infanterie, de l'artillerie, des

 17   éléments blindés, du génie, des systèmes de transmission, la position de la

 18   défense antiaérienne, les postes d'observation. Vous voyez aussi les

 19   positions de certains services, par exemple, l'intendance, les services

 20   techniques. Vous voyez également les positions de quelques unités plus

 21   petites, les positions occupées par la police militaire ou quelque chose

 22   qui était tout à fait à l'extérieur des brigades et leur commandement. On

 23   voit même les positions des compagnies de reconnaissance, les structures

 24   s'occupant de la logistique. On voit chacune des bases. On peut même voir

 25   les positions des unités s'occupant des activités anti-sabotage.

 26   Nous avons notamment un document du commandant suprême Delic, mais nous

 27   n'avons pas réussi à citer Delic. La Chambre ne voulait pas qu'il

 28   comparaisse en qualité de témoin malgré toutes nos supplications. Il se

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  1   trouvait dans la pièce adjacente et voyez comment ses soldats étaient

  2   censés agir. Je vais vous donner lecture des références qui montrent qu'il

  3   faut détruire et combattre - c'est écrit en lettres majuscules - détruire

  4   et combattre, ça veut dire qu'il faut revenir, il faut détruire -- je vous

  5   dis c'est écrit en lettres majuscules.

  6   Mis à part l'infanterie, vous avez les positions d'autres structures

  7   militaires qui ne pouvaient jamais se trouver sur la ligne de séparation et

  8   surtout pas dans les tranchées. La Chambre réduit tout cela, la portion

  9   relative au fait qu'il y avait des soldats, nombreux ou peu nombreux, qui

 10   se trouvaient dans les tranchées et que c'est tout ce qu'ils faisaient.

 11   Quelquefois ils rentraient chez eux pour se reposer.

 12   Notre situation, manifestement, est très difficile. Je vais faire

 13   l'impossible dans le cadre de ce qui m'est permis, mais je voudrais vous

 14   montrer quelques documents qui vont vous montrer où se trouvait les

 15   positions, comment se sont déroulés les actions, et je vais essayer de vous

 16   signaler quelques éléments essentiels. Mais je peux vous dire combien de

 17   documents il y a, et si vous en avez le temps et le souhait, vous pourrez

 18   peut-être examiner les documents déjà traduits. Vous serez à même d'en

 19   prendre connaissance, car les documents se passent de commentaires. Ils

 20   vont vous montrer que le conflit a constamment évolué de façon permanente,

 21   qu'il n'y a pas eu un seul jour sans qu'il y ait un affrontement, et que

 22   chacune des parties au conflit a réagi, mais tout d'abord, il faut établir

 23   qu'il s'agit d'une zone civile.

 24   On a cessé d'essayer de prouver qu'il s'agissait de zone civile,

 25   c'est ce que dit l'Accusation. J'essaie de vous donner une autre vérité -

 26   il vous reviendra de bien apprécier les faits - mais pour établir une

 27   responsabilité pénale, il faut l'approuver au-delà de doute raisonnable. Il

 28   faut prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'il s'agissait d'une zone

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  1   civile. Voyons le document P492. Nous avons aussi la pièce D190. Je

  2   voudrais vous lire ne serait-ce qu'un passage de la pièce P492, car c'est

  3   une déclaration du général Karavelic.

  4   Ici en ce Tribunal, nous n'avons pu entendre que deux officiers et un

  5   soldat. Les seules personnes interrogées ont été des policiers.

  6   L'Accusation voulait ainsi prouver que dans une zone civile, les seules

  7   personnes en mesure de témoigner sont des policiers, car apparemment, il ne

  8   se passait rien dans ces zones. Et en fin de compte, ces officiers de

  9   police étaient des experts pour ce qui est des incidents survenus dans

 10   cette zone même s'ils étaient partie prenante au conflit tout le temps. La

 11   crédibilité de ces témoins devrait être mise en cause. C'est ce que je vais

 12   vous dire, mais je vais vous lire une partie de cette pièce à charge pour

 13   vous indiquer certains éléments essentiels. D417, D418, D426, D195, D194,

 14   D270, D398, D423, D413, D463, D462, D110, D163, D118, D154, D219, D107,

 15   D494, D428, D423, D160, D416.

 16   Ce qui suit est une série de documents que nous avons eu beaucoup de

 17   difficulté à faire admettre, bien que ces derniers décrivent les positions

 18   et les activités de toutes sortes d'armes à l'extérieur de la ville sous le

 19   contrôle de l'ABiH, parce que les Juges de la Chambre voulaient toujours

 20   mettre en cause la pertinence de ces derniers, nous avions quelque 4 000

 21   documents du même genre et nous avons réussi à n'en verser que quelques-

 22   uns. Et même ceux que nous avons réussi à verser au dossier évoquent des

 23   centaines de milliers de balles tirées par des armes d'infanterie et des

 24   centaines de milliers d'obus. Nous ne disposions pas de ressources

 25   suffisantes pour verser au dossier d'autres documents.

 26   Je souhaite vous dire cela aujourd'hui. Ceci peut ne pas vous paraître

 27   important, mais un des principaux journaux en Bosnie-Herzégovine pose une

 28   question - je ne sais pas comment ils sont au courant de cela - mais ils

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  1   demandent : Où l'équipe de Défense de Milosevic a obtenu ces documents ? Et

  2   ils se tournent vers ceux qui ont eu la responsabilité de nous remettre ces

  3   documents-là. C'était leur devoir, et nous avons examiné les documents, et

  4   certains ont pu être traduits, mais ceci illustre à juste titre ce que

  5   j'essaie de faire valoir. De quels documents s'agit-il ? Le D189, le D188,

  6   le D467, le D308, D191, D470, D507, D472, D471, D437, D313, D436, D466,

  7   D468, D469, D505, D236, D473, D504, D465, D153, D192.

  8   Chacun des documents susmentionnés évoque des activités de combat qui se

  9   sont déroulés en une seule journée, et chaque document montre quelles armes

 10   ont été utilisées, combien de balles ont été tirées. Des centaines de

 11   milliers de balles sont citées dans un seul document. Ces documents

 12   montrent également quel type d'armes lourdes ont été utilisées, combien

 13   d'obus ont été tirés, mais tout d'abord ce qui est important, c'est qu'ils

 14   indiquaient sur quelles positions se trouvaient ces armes lourdes.

 15   Dans un passage du jugement - je ne me souviens pas exactement à quel

 16   endroit - il est dit que la Défense n'a pas fourni un seul élément de

 17   preuve pour montrer que Sedrenik était une zone de guerre; mais il y a neuf

 18   documents que nous avons versés au dossier qui montrent que Sedrenik était

 19   une zone urbaine, nous avons montré comment le feu a été tiré à partir de

 20   cet endroit-là certains jours. Ces armes ne se trouvaient pas dans des

 21   tranchées. Il y a un document qui précise : Aujourd'hui, nous avons ouvert

 22   le feu depuis une certaine distance à Spicasta Stijena. Je crois que c'est

 23   le document 313, il y en a d'autres, peut-être que j'aurai le temps de vous

 24   les montrer.

 25   Il y a quelques instants, je vous ai dit que le document P492 est un

 26   document que je dois citer plus en détail, j'espère en avoir le loisir. Je

 27   souhaite vous rappeler qu'il s'agit de la déclaration faite par le général

 28   Karavelic, commandant du 1er Corps. Regardez à la page, ce qu'il dit à la

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  1   page 6 de la version anglaise, il s'agit comme je vous l'ai dit à la page 6

  2   de la version anglaise, c'est le dernier paragraphe du chapitre intitulé

  3   "La formulation de stratégies politiques et militaires." Et je cite :

  4   "Lorsqu'il s'agit de la défense de certaines parties de Sarajevo qui

  5   semblent être au plan militaire indéfendables, ce qui était important,

  6   c'était de protéger chaque mètre carré. Tout Sarajevo était d'une

  7   importance capitale parce que nous ne disposions pas de suffisamment de

  8   place pour manœuvrer. Chaque mètre carré devait être défendu,

  9   indépendamment des difficultés militaires que cela aurait pu constituer."

 10   Il parle de la défense de chaque mètre carré, il ne parle pas de positions

 11   de défense. Maintenant, à la page 6 intitulée "Tactiques de défense à

 12   Sarajevo," voici que dit Karavelic :

 13   "Notre tactique de défense consistait à protéger les défenseurs en creusant

 14   des tranchées aussi profondes que possible. Nous avons creusé des lignes de

 15   défense tout autour. Il y avait deux lignes de tranchées qui entouraient la

 16   ville de Sarajevo. Ces lignes, ces tranchées ont été creusées jusqu'à deux

 17   mètres de profondeur et comprenaient des abris profonds et des dortoirs.

 18   Ces travaux ont été effectués grâce à l'aide d'ingénieurs. Il s'agissait

 19   d'un facteur vital de défense."

 20   Une situation ici parle de défense, et qu'en est-il des attaques

 21   offensives. C'est une question tout à fait différente.

 22   "Il y a certains quartiers où la défense a été renforcée par une troisième

 23   ligne de défense au sens littéral du terme, et c'était une ligne qui

 24   permettait de se protéger contre une percée. Il y avait des brigades et un

 25   bataillon sur la ligne de front, ensuite une unité de réserve et la

 26   troisième en permission, en général ceci se passait ainsi toutes les

 27   semaines. Le 1er Corps disposait d'une brigade de manœuvre de réserve, ne

 28   disposait pas de sa zone de responsabilité, et se mettait à disposition

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  1   s'il y avait des contre-offensives, si cela s'avérait nécessaire. Les

  2   brigades de manœuvre étaient toujours prêtes au combat, de façon à pouvoir

  3   être déployées rapidement."

  4   Ce qui signifie qu'il y avait trois lignes de front en profondeur. Un

  5   bataillon, comme cela est décrit ici, pour toute la ville de Sarajevo. Il y

  6   avait différentes positions à différentes intersections. Si ceci était

  7   réellement le cas, une telle zone avec de telles activités pouvait-elle

  8   véritablement être qualifiée de zone civile ? Pour finir, je crois que j'ai

  9   le devoir d'essayer -- je pense avoir le temps d'essayer de vous indiquer

 10   d'autres documents qui, à mon sens, devraient faire l'objet de citations de

 11   ma part.

 12   Veuillez m'accorder quelques instants, s'il vous plaît

 13   [Le conseil de la Défense se concerte]

 14   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cela, nous l'avons déjà évoqué. Je

 15   souhaite maintenant passer à la pièce D190. Il s'agit d'un ordre daté du 8

 16   juin qui porte sur le 1er Corps dans son ensemble. Dans ce document, à la

 17   page 3 de la version anglaise, au point 2, il est fait mention d'une

 18   activité sur une partie de la ligne de front, et ensuite, des unités sont

 19   évoquées, qui devaient partir de la ville. Mais ce qui est encore plus

 20   important c'est qu'au point 6 de la version anglaise, on fait état de

 21   l'appui du feu et des zones de responsabilité précises, d'armes précises et

 22   de positions de combat antichars. Des positions précises sont évoquées à

 23   Sokolje, différents immeubles, différentes maisons. Je fais ici référence à

 24   la 12e Division, et je n'ai pas le temps d'aborder ce qui a trait aux

 25   autres divisions. Ceci n'est pas nécessaire à ce stade.

 26   L'autre document, le D417, est également d'une importance capitale. A

 27   la page 3 de la version anglaise, vous constaterez qu'on y trouve

 28   mentionnées les zones de responsabilité spécifiques des différents

Page 61

  1   quartiers de la ville, le déploiement, les forces offensives, la

  2   disposition, les forces antichars, les forces de combat, les forces

  3   chargées de la sécurité, les forces de réserve. Pour la 121e Brigade, par

  4   exemple, vous avez les positions d'artillerie dans le quartier d'Astra, le

  5   poste de commandant avancé, et cetera. Vous constaterez que ceci est le cas

  6   pour chaque unité, et j'espère que vous pourrez examiner le document.

  7   Chaque unité de chaque brigade avait une zone de responsabilité bien

  8   définie et que le territoire est contrôlé par l'ABiH.

  9   Par exemple, les fusils, il est déclaré dans le quartier de Ciglane,

 10   Busce, Sedrenik, et Sedrenik est cité dans le jugement comme étant un

 11   quartier purement civil. Il est indiqué que nous n'avons apporté aucun

 12   élément de preuve pour indiquer qu'il s'agissait d'un quartier civil. Il

 13   est indiqué que nous n'avons pas indiqué si c'était civil ou militaire. Je

 14   n'ai pas le temps en fait d'évoquer tout ceci. On évoque également l'appui

 15   du génie dans ce document, le document D418, par exemple. Pour le mois de

 16   mars il y a des positions de la brigade ainsi que les armes.

 17   Le D195 est particulièrement important. Le commandant de la 101e, qui

 18   se trouve dans le centre-ville, ici donne le détail de la position des

 19   différentes armes, l'hôtel Bistol, Hrast, Heroj et différents quartiers.

 20   Chaque pièce d'arme lourde est citée dans le détail dans ce document ainsi

 21   que la position de ces derniers.

 22   Le document D194, qui vers la fin du document déclare :

 23   "Dans tous les quartiers de défense des différents bataillons,

 24   différentes installations, ou plutôt, postes de tirs devraient être établis

 25   afin de pouvoir tirer au-dessus de la tête de nos propres unités."

 26   Le D170 évoque également les zones de défense dans le détail. Le

 27   document D413 également. Le 462 évoque les tirs des tireurs embusqués et

 28   les positions fortifiées d'où il fallait tirer. Il y avait également des

Page 62

  1   positions de tireurs embusqués qui n'étaient pas réelles. Vous avez le

  2   document P163 où Delic écrit à Izetbegovic, le commandant en chef, et il

  3   dit :

  4   "Il faut continuer à dire que nous allons nous défendre et non pas

  5   attaquer les premiers, comme nous l'avons toujours fait. La

  6   démilitarisation de Sarajevo est hors de question pour les raisons

  7   suivantes…"

  8   Comment une zone civile peut-elle être démilitarisée ? Est-ce que

  9   quelqu'un peu m'expliquer cela ? Le document parle de lui-même. Il s'agit

 10   de quelque chose de tout à fait incompréhensible. Prenez le cas de D118 :

 11   "Dans la période qui allait du 15 juin au 3 juillet," en d'autres termes,

 12   une période de 20 jours, "nous avons tiré à partir de différentes armes

 13   dont nous disposions sur quelque 300 cibles ennemies."

 14   Le document poursuit en disant :

 15   "Nous pensons que les dégâts provoqués au niveau des positions de

 16   combat et des positions qui ne sont pas des positions de combat sont plus

 17   élevés parce que nous avons tiré dessus dans des conditions qui n'étaient

 18   pas très bonnes, la visibilité n'était pas très bonne parce que c'était la

 19   nuit et l'observation était très difficile."

 20   Donc nous parlons d'une période de 20 jours, Fikret Prevljak, qui

 21   commandait la 12e Division, a écrit cela. Pendant 20 jours les tirs ont été

 22   tirés à partir des armes à disposition de la 12e Division. Il y a un autre

 23   document que je n'ai pas pu trouver, qui dit :

 24   "Ces tâches doivent être menées," dans le document D219, "de telle

 25   sorte que l'ennemi est déstabilisé, et ceci doit être fait en opérant la

 26   destruction et en revenant," ceci a été déclaré par Rasim Delic, qui a

 27   comparu devant ce Tribunal.

 28   Je ne vais pas aborder les autres documents maintenant.

Page 63

  1   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Meron a une question.

  2   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître, nous avons écouté vos arguments

  3   avec intérêt, mais je vous serais gré de nous donner quelques indications

  4   plus larges concernant les éléments suivants : lorsqu'une ville de civils

  5   est attaquée et utilise des forces armées pour se défendre, est-ce que ça

  6   signifie pour autant que la ville perd son statut de civil et devient une

  7   cible militaire ? Dans quelle situation ou constellation de forces une

  8   ville à caractère civil garderait-elle son caractère civil en se défendant

  9   et en utilisant des forces armées pour se défendre ? Merci.

 10   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puis-je avoir quelques instants pour

 11   consulter ma consoeur ?

 12   [Le conseil de la Défense se concerte]

 13   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est une question fort sensible, et je

 14   vais m'efforcer d'y répondre. La guerre a éclaté en 1992. A la fin de

 15   l'année 1994 -- ou plutôt, les documents que j'ai cités montrent qu'à la

 16   fin de l'année 1994 il ne s'agit plus d'une zone civile, bien qu'il y ait

 17   une population civile. Par le truchement d'autres éléments que je souhaite

 18   évoquer, je vais vous montrer en réponse à votre question quelle était la

 19   situation particulière lorsqu'il s'agit des civils. Les civils n'étaient

 20   pas en mesure de quitter la ville et ont été utilisés directement.

 21   C'est une question très sensible. Ce type de situation qui prévalait à

 22   Sarajevo en 1994 montre qu'aucune maison ne disposait pas d'arme, et était

 23   prise comme cible militaire. Nous avons le témoignage d'un haut officier,

 24   Fraser, que j'ai cité plus haut, qui a indiqué que d'une certaine façon

 25   chaque immeuble était un bunker, une casemate, autrement dit il n'y a pas

 26   un seul bâtiment à partir duquel on n'a pas tiré. Ceci a trait avec ce que

 27   j'ai évoqué un peu plus tôt, la position des mortiers et ce qu'a dit un

 28   haut représentant de la FORPRONU à ce sujet.

Page 64

  1   C'est à vous évidemment de rendre votre décision, mais la question est de

  2   savoir s'il s'agissait d'une zone civile ou d'une zone militaire. C'est

  3   quelque chose sur laquelle vous allez statuer compte tenu de mes arguments.

  4   Nous allons essayer de vous présenter ceci dans le détail. Je m'excuse. Je

  5   suis un petit peu fatigué et je souhaite vous citer d'autres éléments de

  6   preuve et je n'ai plus beaucoup de temps. Je souhaite avoir le temps

  7   d'aborder la question et de regarder de plus près la question à laquelle

  8   vous m'avez demandé de répondre.

  9   Pour ce qui est de cette question-ci, la mort de soldats et de civils dans

 10   les quartiers de Sarajevo contrôlés par la RSK à Grbavica, Dobrinja,

 11   Nedzarici, Lukavica, Vogosca, Ilidza, Hadzici, est-ce que ceci serait

 12   arrivé s'il n'y avait pas eu des tirs d'artillerie provenant de l'ABiH ?

 13   Ça, c'est une question. C'est la raison pour laquelle la constatation de la

 14   Chambre au paragraphe 798 que la mort des Serbes de Bosnie n'est pas

 15   quelque chose qui avait une incidence sur la responsabilité pénale de

 16   l'accusé, ceci est difficile à comprendre. Il y avait des victimes des deux

 17   côtés, ce qui est fort regrettable, mais ces décès indiquent que ces

 18   personnes n'auraient pas pu être tuées s'il y avait eu un quartier civil

 19   juste à côté. Un nombre important de civils ont été tués par des tirs

 20   d'artillerie dans le quartier de la ville qui était contrôlé par le RSK. De

 21   même, beaucoup de civils dans les quartiers contrôlés par l'ABiH, tout

 22   simplement parce que ceci était la conséquence de menaces qui pesaient sur

 23   les civils, menaces qui n'auraient jamais dû exister. C'est à vous d'en

 24   décider de la responsabilité alléguée lorsqu'on tient compte de toutes les

 25   circonstances dans un conflit armé. J'espère pouvoir soulever d'autres

 26   questions, mais je ne pense pas pouvoir tout aborder.

 27   Je vais maintenant revenir à la question des victimes qui sont définies

 28   dans le jugement comme étant les victimes des activités de Dragomir

Page 65

  1   Milosevic. Le jugement n'a pas établi au-delà de tout doute raisonnable le

  2   nombre total de victimes ni leur qualité de civil. Nous n'allons pas

  3   répéter ce que nous avons analysé en détail dans notre mémoire en appel aux

  4   paragraphes 100 à 128. Je souhaite simplement dire que la façon dont la

  5   Chambre de première instance a établi un lien de cause à effet entre

  6   Dragomir Milosevic et les victimes qui, d'après les rapports de la police

  7   bosniaque, sont décédées sur le territoire contrôlé par l'ABiH à Sarajevo

  8   dans la période couverte par l'acte d'accusation n'est pas acceptable.

  9   Lorsque nous avons fait état du lien de cause à effet, ce que nous avions à

 10   l'esprit, c'était les incidents qui, d'après l'Accusation et la Chambre de

 11   première instance, constituent les éléments essentiels, à savoir que les

 12   attaques étaient dirigées contre des civils. En d'autres termes, les

 13   enquêtes menées par ces mêmes policiers qui faisaient partie de l'ABiH ont

 14   été acceptées sans réserve comme l'ont été les conclusions d'Ewa Tabeau,

 15   qui ne fait pas de différence entre les victimes civiles tombées dans les

 16   quartiers contrôlés par l'ABiH à Sarajevo et les victimes tombées dans les

 17   quartiers contrôlés par le SRK à Sarajevo. Elle fait état de ces victimes

 18   et dit qu'il s'agit de victimes dues aux activités de la SRK dans la

 19   période couverte par l'acte d'accusation.

 20   Au paragraphe 737, il est dit que pendant toute la période de la guerre, en

 21   1992 jusqu'à la fin de la guerre, 1 800 à 2 000 habitants ont péri. Mais on

 22   ne donne pas de chiffres distincts pour la période couverte par l'acte

 23   d'accusation. D'après ce paragraphe, on peut en conclure que les victimes

 24   qui sont tombées au cours de cette période correspondent à 500 personnes

 25   environ.

 26   De même, la position générale de la Chambre consistait à dire qu'une

 27   zone civile ne peut avoir que des victimes civiles. Malgré le fait qu'il y

 28   ait 60 000 soldats qui étaient cantonnés régulièrement et qui étaient

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  1   d'active dans le quartier contrôlé par l'ABiH de Sarajevo, il n'y a pas un

  2   seul soldat qui ne se trouvait pas dans une zone civile. Même lorsque des

  3   personnes décédaient, qui portaient un uniforme de l'ABiH, étaient

  4   transportées à l'hôpital, au paragraphe 674, on indique que la personne

  5   avait sans doute péri en allant acheter de la nourriture. Cela est-il

  6   possible qu'aucune victime n'était membre des forces de l'ABiH compte tenu

  7   de l'ampleur des activités de combat ?

  8   D'après le jugement - et je souhaite attirer votre attention plus

  9   particulièrement là-dessus - les victimes étaient la conséquence

 10   d'activités de combat qui lorsque le tir -- et le tir venait toujours des

 11   positions contrôlées par la RSK. Toutes les fois que les habitants de

 12   Sarajevo avaient la possibilité de quitter les quartiers contrôlés par

 13   l'ABiH. Ceci a été évoqué dans le jugement. On a toujours indiqué que

 14   Sarajevo était une ville assiégée et toute tentative de départ signifiait

 15   qu'on pouvait y perdre la vie. Les civils ne pouvaient pas quitter la ville

 16   en grand nombre, au paragraphe 749, parce qu'en raison des tirs de la RSK

 17   sur les hauteurs autour de la ville, les civils n'ont pas pu quitter la

 18   ville. Je ne souhaite pas ouvrir un débat sur qui tenait les positions sur

 19   les hauteurs autour de Sarajevo, je vous demande de vous reporter au

 20   mémoire en appel au paragraphe 139 qui indique que toutes les hauteurs

 21   autour de Sarajevo, à l'exception de Trebevic, étaient occupées par les

 22   forces de l'ABiH, et ceci sur la base des éléments de preuve. Je ne

 23   souhaite pas trop insister sur le témoignage de Milorad Katic qui a parlé

 24   de l'éventualité de quitter Sarajevo, la partie contrôlée par l'ABiH,

 25   lorsque les chemins bleus étaient ouverts, paragraphe 748.

 26   Il est important de répondre à la question il n'y avait que les armes de la

 27   RSK qui ont occasionné des victimes dans la partie contrôlée par l'ABiH

 28   dans la ville couverte par l'acte d'accusation; ou plutôt, est-ce qu'il y a

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  1   des éléments de preuve sur les activités de la 12e Division et le 1er Corps

  2   de l'ABiH, activités dirigées contre leurs propres positions dans les

  3   quartiers de la ville dirigés par eux, et surtout de savoir si de telles

  4   activités ont occasionné des victimes parmi les citoyens, les soldats de

  5   l'ABiH et les soldats de la FORPRONU qui se trouvaient dans certains

  6   quartiers contrôlés par l'ABiH ou est-ce que la constatation de la Chambre

  7   est exacte, à savoir que la seule conclusion raisonnable que l'on peut

  8   tirer d'après les éléments de preuve, c'est que les coups ont été tirés par

  9   la RSK, et s'il y avait de telles victimes, pourquoi l'étaient-elles ?

 10   Je vais maintenant vous citer des documents qui n'ont absolument pas été

 11   pris en compte par la Chambre de première instance et qui auraient dû

 12   l'être, à savoir les pièces D190, D417, D205, D216, D149, D148, D66, D67,

 13   D147, D51, D179, qui décrivent toutes les mêmes événements. Le premier

 14   document n'a absolument pas été pris en compte par la Chambre, or il

 15   démontre que sur toute personne qui tentait de passer vers le territoire de

 16   la RSK, dans le document D190, nous voyons des précisions, ce document date

 17   du 8 juin 1995. Je vous prierais de vous pencher sur la page 9, paragraphe

 18   9, point 2, ligne 5 à partir du haut de la page dans la version anglaise.

 19   On y trouve l'ordre du commandant, M. Karavelic, qui dit, je cite :

 20   "Empêcher toute tentative de passage du côté de l'agresseur, y compris par

 21   emploi des armes à feu."

 22   Dans cette déclaration, comme vous le voyez, il ne fait aucune différence

 23   entre les civils et les militaires. Penchez-vous ensuite sur le document

 24   D417 qui date de quelques jours plus tard. C'est un ordre qui, dans ce

 25   document, vient du commandant Fikret Prevljak, page 11, ligne 5 à partir du

 26   haut de la page dans la version anglaise, je cite :

 27   "Empêcher le passage de nos soldats vers les territoires temporairement

 28   occupés par emploi des armes à feu."

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  1   Selon cet ordre, il est question des combattants. Prenez maintenant

  2   la pièce D205 du 7 avril 1995 qui fait partie de la durée couverte par

  3   l'acte d'accusation, je cite :

  4   "Cette nuit, nos combattants ont touché à mort une vieille femme qui

  5   souhaitait passer de l'autre côté." Donc cette femme est une civile qui a

  6   péri en dépit des ordres déjà donnés dans les documents précédents. Ceci

  7   démontre que ce genre de comportement était permanent.

  8   Penchez-vous maintenant sur la pièce D216 du 15 octobre, date

  9   comprise dans la période couverte par l'acte d'accusation, je cite :

 10   "A 20 heures 15, notre garde qui se trouve dans le bâtiment Palma,

 11   c'est un bâtiment très haut qui se trouve au centre-ville, a ouvert le feu

 12   après avoir remarqué un escapé [phon] qui essayait de s'enfuir et l'a

 13   blessé." Dans cet élément de preuve, il n'est pas déclaré que nous parlons

 14   d'un soldat.

 15   Selon la pièce D419 à présent du 6 avril 1995, signée par Karavelic

 16   en personne, il est déclaré que dans les heures de la soirée, des tirs

 17   d'armes à feu ont empêché une personne de tenter de passer à Grbavica. Là

 18   non plus il n'est pas question d'un soldat. Donc vous avez cette pièce D149

 19   du 14 octobre 1995 où il est bien dit qu'il a été tiré des coups de feu sur

 20   un soldat qui essayait de passer de l'autre côté.

 21   Maintenant veuillez vous pencher sur la pièce D66, qui est une lettre

 22   d'Alija Izetbegovic adressée au général Delic en date du 22 avril 1994,

 23   date couverte par la période pertinente pour l'acte d'accusation, où il est

 24   dit qu'il se rend à l'ambassade française, et c'est l'ambassade française

 25   qui indique être mécontente à cause du fait qu'un de ses soldats a été tué

 26   à Dobrinja. Delic fait savoir que les expertises militaires démontrent que

 27   ce qui a été touché, c'était une position militaire de l'armée bosniaque et

 28   qu'il n'a pas été possible pour les Français de se rendre dans tous les

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  1   endroits à partir desquels ce soldat a pu être touché. Il est indiqué dans

  2   ce document que l'ambassadeur français a informé Izetbegovic du fait que

  3   des éléments de preuve indiquaient que sur les 24 soldats français membres

  4   des Nations Unies qui ont été tués, plus de la moitié ont été tués par

  5   l'ABiH. Donc il existe bien une preuve, je le répète, dans cette pièce D66

  6   qui montre que plus de la moitié des soldats français tués l'ont été par

  7   l'ABiH.

  8   La pièce D67 confirme qu'un officier de la FORPRONU, et ceci a été confirmé

  9   après enquête, il a donc été confirmé que dans le centre-ville, ce sont à

 10   partir des positions musulmanes qu'on a tiré sur un tramway. Le bâtiment à

 11   partir duquel les tirs sont partis a été déterminé avec précision. Nous

 12   avons déjà indiqué cela dans nos arguments, à savoir que l'ABiH utilisait

 13   de nombreux bâtiments de la ville pour tirer sur la partie adverse. Puis

 14   vous avez aussi la pièce D147 qui montre que M. Salajdzic s'est fait tirer

 15   dessus à partir du territoire sous le contrôle de l'ABiH. La Chambre de

 16   première instance a entendu des témoins préciser l'existence de ces actes

 17   de l'ABiH. Ce sont notamment les témoins Harland et Nicolai qui l'ont

 18   déclaré dans leurs dépositions, et ceci figure aux paragraphes 104 à 115 de

 19   l'acte d'appel. Ces actions d'infanterie de l'armée dans des quartiers de

 20   la ville sous le contrôle de l'ABiH ont tué des soldats de la FORPRONU, des

 21   civils. Dans le paragraphe 774 du jugement, la Chambre de première instance

 22   est informée que ceci a lieu dans le cadre d'actions militaires de l'ABiH

 23   menées contre les Serbes de Bosnie dans les parties du territoire sous le

 24   contrôle de l'ABiH.

 25   Il est possible que sur les 40 000 habitants de Sarajevo, des Serbes

 26   qui vivaient dans les quartiers contrôlés par l'ABiH aient essayé de sortir

 27   de l'encerclement. Ceci est un fait qui est cité de façon totalement

 28   erronée dans le jugement. Les éléments de preuve démontrent que l'ABiH

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  1   n'autorisait personne à quitter la ville, en tout cas pas les quartiers

  2   sous son contrôle, et que la simple tentative de partir impliquait

  3   l'intervention des armes à feu. Ce ne sont pas des rumeurs. Ce ne sont pas

  4   des membres du RSK qui ont fait courir ces rumeurs. Ce sont des faits qui

  5   ont été confirmés par des éléments de preuve en bonne et due forme, y

  6   compris par des documents de l'ABiH. Ces éléments de preuve démontrent sans

  7   l'ombre d'un doute que nombre de victimes sur le territoire sous le

  8   contrôle de l'ABiH à Sarajevo ont péri en raison des actions menées par

  9   l'ABiH alors que ces victimes sont toujours imputées au RSK.

 10   Le Procureur a commencé la présentation de ses moyens en parlant du

 11   petit Nermin Divovic qui aurait été victime du pire crime commis par

 12   Dragomir Milosevic. Mais que démontrent, s'agissant de cette affaire, les

 13   éléments de preuve ? Entre autres, les conclusions de l'autopsie que nous

 14   avons à notre disposition et qui ne concernaient que ce décès montrent que

 15   ce garçon a été tué par une balle provenant du territoire tenu par l'ABiH.

 16   Bien entendu, nous évoquons ce fait dans les paragraphes 184 à 224 de notre

 17   acte d'appel, et nous vous proposons ces paragraphes pour votre

 18   appréciation. Il n'y a qu'un élément de preuve à ce sujet qui indique que

 19   ce n'est pas une balle qui aurait tué deux personnes, mais nous parlons ici

 20   d'une balle qui a tué une seule et unique personne, à savoir ce petit

 21   garçon. Nous indiquons ceci dans les paragraphes précis de notre acte

 22   d'appel. Nous entrons dans le détail pour prouver que ce petit garçon n'a

 23   pas été tué par une balle provenant des positions tenues par l'armée de la

 24   Republika Srpska, mais nous laissons à l'appréciation des Juges l'examen

 25   plus approfondi de la question.

 26   Les éléments de preuve cités et présentés par nous indiquent au-delà

 27   de tout doute raisonnable que c'est l'ABiH qui tirait sur sa propre

 28   population. Ceci n'est plus du stade de la rumeur, mais bien de la réalité.

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  1   Si nous entrions encore dans le détail de l'incident de Markale, de

  2   l'incident du bâtiment de la télévision et d'autres incidents du même

  3   ordre, je pourrais vous montrer à quel point il manque des preuves au-delà

  4   de tout doute raisonnable au sujet de l'imputation de ces incidents à telle

  5   ou telle partie. Des doutes considérables demeurent, et j'aurais besoin de

  6   plusieurs jours pour vous prouver l'impossibilité d'imputer ces actes à qui

  7   ils ont été imputés par la Chambre de première instance.

  8   Quoi qu'il en soit, s'agissant des tirs d'artillerie, il est inexact

  9   que ce sont des rumeurs de la RSK qui ont permis d'imputer les victimes de

 10   ces tirs à qui elles ont été imputées. C'est bien l'ABiH qui a pilonné les

 11   civils vivant dans les quartiers de la ville sous son contrôle et qui a

 12   orchestré les incidents en question pour s'assurer de la compassion du

 13   monde entier. Donc tout ceci indique que ce n'est pas une victime, mais

 14   nombre de victimes qui ont existé parmi les civils ou parmi les soldats de

 15   l'ABiH ou même parmi les hommes de la FORPRONU dans les quartiers de la

 16   ville tenus par l'ABiH et que toute personne ayant péri dans ces conditions

 17   a péri en raison de tirs d'artillerie. Mais le jugement de la Chambre de

 18   première instance, qu'on trouve aux paragraphes 433 et 437, établit ce qui

 19   suit, je cite :

 20   "Paragraphe 433 : Le général Fraser, général de brigade, se rappelle

 21   que les 18 et 19 septembre 1995, dans un laps de temps de 40 minutes, deux

 22   attaques ont été menées contre la ville par des tirs de mortiers. Dans

 23   chacun de ces incidents, des obus sont tombés sur le même quartier de la

 24   ville, et le nombre de victimes civiles a été deux fois plus important. Il

 25   indique que des projectiles sont arrivés de deux directions différentes,

 26   l'un du territoire tenu par le RSK et la deuxième salve du territoire tenu

 27   par les Musulmans.

 28   Au paragraphe 437, nous lisons, et encore c'est une référence aux

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  1   rumeurs qui auraient circulées et aux insinuations. Dans ce paragraphe,

  2   nous lisons que les Français ont déclaré avoir vu des soldats de l'ABiH en

  3   train de filmer une attaque contre des enfants qui n'a fait aucun blessé,

  4   ces images étant destinées à la télévision. Je répète, à la télévision.

  5   Puis nous avons David Harland qui déclare ce qui suit : A Sarajevo, dès

  6   lors qu'il fallait créer des conditions favorables pour influer sur les

  7   médias, les Musulmans de Bosnie créaient l'événement pour se donner un

  8   pouvoir d'influence.

  9   Tout ceci démontre que ce ne sont pas seulement des rumeurs émanant

 10   du RSK qui faisaient état de tirs d'artillerie à partir des positions

 11   tenues par l'ABiH puisque des éléments de preuve datant des 18 et 19

 12   septembre, à savoir deux dates couvertes par la période pertinente pour

 13   l'acte d'accusation, indiquent que l'ABiH a tiré sur ses propres positions

 14   en faisant un nombre de victimes double par rapport à un incident antérieur

 15   visant les mêmes positions. Ce doublement du nombre de victimes, à qui

 16   peut-on l'imputer ? Soit au pilonnage provenant de l'ABiH qui tirait sur

 17   ses propres positions, soit sur autre chose.

 18   Autre exemple qui indique que l'ABiH était capable d'orchestrer des

 19   incidents pour plaire aux médias. Au paragraphe 185 du jugement, le Témoin

 20   W-138 et le Témoin W-137 établissent qu'il y a eu des cas où des éléments

 21   de preuve ont été modifiés, trafiqués, ou même placés sur les lieux. Un

 22   autre témoin, officer de haut rang de la FORPRONU, se rappelle que des

 23   incidents de pilonnage ont exigé la venue sur les lieux d'enquêteurs de la

 24   FORPRONU qui, cela étant, n'ont pas été autorisés à se rendre sur les lieux

 25   pendant des heures après l'événement, et lorsqu'ils y sont arrivés, ils ont

 26   découvert des preuves qui démontraient que les tirs ne pouvaient pas

 27   provenir des Serbes. Ce témoin déclare que la possibilité de manipulation a

 28   été prise en compte par les enquêteurs de la FORPRONU. Dans tous ces cas,

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  1   il ne s'agissait pas uniquement de rumeurs ou d'insinuations mais bien de

  2   faits réels qui sont étayés par des éléments de preuve existants et qui

  3   montrent l'orchestration, la manipulation et les assassinats auxquels

  4   pouvait se livrer l'ABiH. En d'autres termes, des victimes ont existé, qui

  5   n'avaient rien à voir avec des tirs du RSK mais qui ont toujours été

  6   imputés au RSK. Nous avons les photographies, pièces D370 et 371, qui

  7   montrent des pilonnages ayant prétendument touché le marché de Markale en

  8   août 1995. La Chambre de première instance a accepté les explications

  9   fournies par le témoin expert de Milosevic, indiquant que les fragments ne

 10   sont pas les seuls éléments susceptibles de tuer un homme sur les lieux

 11   d'une explosion, et nous sommes d'accord avec cet expert. Par conséquent,

 12   sur la liste des victimes de Markale, on a une victime qui a été tuée par

 13   arme à feu provenant d'un fusil de chasse et une autre victime, qui a été

 14   tuée par une balle de fusil. Or, on nous parle tout le temps d'incidents

 15   liés à un pilonnage. Ceci n'est possible qu'en cas de manipulation des

 16   victimes par les officiers de haut rang de la FORPRONU, ce qui est

 17   possible.

 18   J'ai vu dans ma vie des centaines d'exemples de ce genre, les

 19   photographies dont je viens de parler viennent de personnes qui ont une

 20   grande expérience de ce genre d'affaires, moi-même j'ai cette expérience,

 21   et nous disons que cela ne peut résulter que de manipulation des victimes.

 22   Et pour finir, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, avant

 23   la pause, si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelques mots au

 24   sujet d'un incident qui a été imputé à Dragomir Milosevic, mais pour lequel

 25   il a été acquitté. Pourquoi est-ce qu'il a été acquitté ? Le jugement ne

 26   cesse de faire référence à des tirs visant les gens faisant la queue pour

 27   se procurer de l'eau, les parcs, et cetera, mais n'est pas parvenu à

 28   prouver un seul de ces incidents. Pour les incidents relatifs à des tirs

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  1   sur les gens faisant la queue pour se procurer de l'eau, Dragomir Milosevic

  2   a été acquitté. Si vous me permettez encore quelques mots, je pourrais

  3   parler du bâtiment de la télévision.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Tapuskovic, je crois que nous

  5   devons faire la pause pour les interprètes mais aussi, pour changer les

  6   cassettes. Nous allons faire la pause, et nous reprendrons nos débats à 11

  7   heures 15 pour la suite de cette audience.

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 47.

  9   --- L'audience est reprise à 11 heures 16.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons nos débats et

 11   donnons la parole à la Défense pour la fin de son exposé. La Défense

 12   dispose du temps qui lui reste jusqu'à 11 heures 45, et je l'invite

 13   instamment à tenir compte des questions qui ont été posées par les Juges de

 14   la Chambre aux parties afin d'y répondre.

 15   Vous avez la parole, Maître.

 16   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 17   Mesdames, Messieurs les Juges, et je m'efforcerai s'il m'est possible d'en

 18   terminer en quelques minutes.

 19   Nous étions en train de parler des victimes, je ne peux pas éviter de

 20   parler du document 415. Lorsque nous parlons des victimes de Sarajevo dues

 21   à l'ABiH depuis 1994 et jusqu'à la fin de la guerre, il est permis de se

 22   demander ce que l'on peut faire des 15 victimes dont parle l'élément

 23   suprême de l'état-major principal de l'ABiH ? Moi-même je n'en parlerais

 24   pas si le témoin expert lorsqu'il parlait de la responsabilité de Dragomir

 25   Milosevic n'avait pas évoqué un nombre de victimes évoluant entre 1 800 et

 26   2 000 personnes pendant toute la durée du conflit entre 1992 et 1995. Le

 27   Procureur s'agissant de ce point n'a jamais évoqué le nombre exact de

 28   victimes correspondant au temps pris en compte par l'acte d'accusation.

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  1   A la lecture du document que je viens de citer, on constate que les

  2   meurtres les plus nombreux - vous le verrez en lisant le document 415 - le

  3   nombre de morts a été le plus important à Sarajevo. Cet élément sera étudié

  4   sans doute dans l'avenir par des instances qui seront mises en place pour

  5   étudier tous les incidents survenus pendant les conflits de l'ex-

  6   Yougoslavie. Mais en tout cas, ces 15 victimes dont il est question dans ce

  7   document d'information seront sûrement l'objet d'une enquête pour savoir à

  8   qui les imputer.

  9   Tout à l'heure, j'ai évoqué les tirs d'artillerie, et notamment l'incident

 10   qui a visé l'école Simon Bolivar en date du 18 juin 1995, incident pour

 11   lequel Dragomir Milosevic a été acquitté. Mais ce qui a été dit c'est que

 12   quelque chose de très important s'est fait à ce moment-là dans le cadre de

 13   cet incident, à savoir que sur les lieux pas un seul éclat d'obus n'a été

 14   trouvé durant l'enquête. Or, d'après ce que les policiers ont confirmé, le

 15   nombre des victimes était multiple, mais pas un seul éclat d'obus n'a été

 16   découvert. La Chambre a accepté l'explication selon laquelle les obus

 17   auraient sauté, auraient explosé, disparu dans l'air, mais alors comment se

 18   fait-il que l'on a pu trouver des indices sur le sol ? Voilà l'un des

 19   éléments qui démontre que l'on peut manipuler les victimes.

 20   A présent, j'aimerais dire quelques mots de l'incident qui a visé la tour

 21   de la télévision. Tout à fait au début du procès nous avons été en présence

 22   d'un élément de preuve très sérieux indiquant que les bombes aériennes ne

 23   venaient pas uniquement du territoire commandé par l'ABiH, mais que l'ABiH

 24   disposait de ces bombes et qu'elle a tiré sur la tour de la télévision.

 25   Dans la pièce D103, nous voyons s'exprimer des observateurs internationaux,

 26   tous l'ont confirmé, ils ont constaté que cette bombe qui a visé la tour de

 27   télévision provenait du territoire sous le contrôle de l'ABiH. La Chambre

 28   de première instance a fait des efforts très intenses pour contredire ce

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  1   document, alors que les officiers de la FORPRONU, qui étaient les auteurs

  2   de ce document, en sont restés et ont maintenu ce qui était écrit dans

  3   cette pièce. Etant donné cette situation, il est, en tout cas, permis de

  4   penser que la décision de la Chambre ne s'est pas faite en dehors de tout

  5   doute raisonnable et qu'il reste une possibilité que cette tour de la

  6   télévision ait été touchée à partir du territoire sous le contrôle de

  7   l'ABiH, puisque nous savons, par ailleurs, que l'ABiH possédait les bombes

  8   aériennes nécessaires pour ce tir.

  9   Alors un mot maintenant de Markale. Bien sûr, nous évoquons cet incident de

 10   Markale en détails dans notre acte d'appel, mais ce que je peux dire

 11   aujourd'hui, c'est que dans les conclusions de la Chambre de première

 12   instance, nous pouvons lire, entre autres, je cite : "Il existe nombre de

 13   questions contestées en rapport avec cet incident." Il a été confirmé que

 14   personne n'avait entendu l'obus. Les radars ne l'ont pas détecté, les

 15   témoins ne l'ont pas vu. Or, étant donné le nombre de victimes, un seul

 16   obus n'aurait pas suffit. Dans le paragraphe 767 du jugement, il est

 17   indiqué que 12 obus sont tombés sous les yeux de tous devant l'église, mais

 18   qu'un seul homme a été tué, donc une victime avec quelques blessés. Douze

 19   obus, une victime. Or ici, pour Markale, un obus aurait tué 50 personnes.

 20   Personne n'a confirmé avoir vu l'obus arriver. Nous avons à plusieurs

 21   reprises souligné le fait que le nombre de témoins était important.

 22   Dans les documents D10, D118 et D186, qui sont des documents

 23   extrêmement fiables émanant des Nations Unies, et ceci a été confirmé dans

 24   le procès Markale I intenté à Galic, il a bien été confirmé que la façon

 25   dont l'obus est chargé est importante. C'est la charge de l'obus qui doit

 26   être prise en compte, entres autres éléments critiques, parce qu'elle peut

 27   permettre de déterminer la distance à partir de laquelle l'obus a été tiré.

 28   Or, ceci n'a pas été fait dans le cas de Markale, donc la distance à partir

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  1   de laquelle l'obus pouvait provenir n'a pas été déterminée à quelque moment

  2   que ce soit.

  3   A présent, j'aimerais que ma consoeur prenne la parole, ensuite il

  4   est possible que je reprenne la parole après elle pour quelques éléments

  5   supplémentaires. Mais enfin ma conclusion pour le moment est la suivante :

  6   il n'a pas été démontré au-delà de tout doute raisonnable que le territoire

  7   de Sarajevo était une zone civile. Un monceau d'éléments de preuve démontre

  8   que le caractère civil de la ville de Sarajevo ne pouvait pas être prononcé

  9   au-delà de tout doute raisonnable, puisque d'autres possibilités existent

 10   et sont tout à fait raisonnables. Ça, c'est le premier point. Puis deuxième

 11   point, ce que j'ai dit au sujet des victimes civiles qui ont péri dans les

 12   conditions que j'ai indiquées -- donc je crois ne plus rien avoir à ajouter

 13   au sujet de statut civil de la ville. Si un élément qualifiant l'acte

 14   criminel n'est pas confirmé, or le statut de la population est un de ces

 15   éléments, il est impossible de déclarer que l'acte criminel est confirmé

 16   au-delà de tout doute raisonnable. Or, mon client a été condamné en raison

 17   de cet acte criminel.

 18   Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

 20   Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, Madame et Messieurs de la Chambre,

 21   je vais prendre la parole maintenant. J'ai un son dans mon casque,

 22   horrible. Juste le temps que j'étale mes documents.

 23   Donc vous avez posé dans votre ordonnance quatre questions très précises.

 24   Je vais les prendre dans l'ordre un petit peu renversé, parce que je vais

 25   traiter la première question, la troisième et la quatrième, et après, mon

 26   confrère, Me Tapuskovic, va donner quelques éléments concernant votre

 27   seconde question.

 28   La première question, d'après ce qu'on a compris, c'est d'élaborer un petit

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  1   peu plus les éléments du crime de terrorisation [phon] ou on peut parler

  2   aussi comme, votre Chambre parle dans la jurisprudence, Galic qui, en

  3   effet, est la seule jurisprudence connue de la Défense devant votre

  4   Tribunal concernant ce crime. Vous parlez des actes ou menaces de violence

  5   dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population

  6   civile. La Chambre de première instance prend - sauf que je n'ai pas de

  7   version française du jugement, ce qui est un petit peu malheureux pour

  8   nous, parce que notre langue était la langue française et, en plus, c'est

  9   une langue officielle devant votre Tribunal - disais-je que la Chambre

 10   parle de terreur, donc on a parlé de terrorisation dans notre mémoire.

 11   Tout d'abord, concernant les éléments constitutifs de ce crime, je voudrais

 12   tout d'abord exprimer notre étonnement par le plan adopté par la Chambre de

 13   première instance dans son jugement de première instance dont appel. On

 14   parle, vraiment à la fin du jugement, d'une façon très embrouillée des

 15   éléments constitutifs, parce qu'on prend les éléments dont on a eu deux

 16   incriminations. On parle tout d'abord de la partie 3(A) "count of terror."

 17   Et après, on a les ordres 1, 2, 3 pour les chiffres et, par surprise, on

 18   tombe sous "Terror," sur "Murder," "Inhumane Acts" mais après, on parle de

 19   responsabilité individuelle de l'accusé.

 20   Donc tout ça, ça a été très difficile de vraiment se positionner dans le

 21   raisonnement de la Chambre de première instance. Tout de même, c'était

 22   notre travail de vous proposer une lecture de votre jurisprudence Galic qui

 23   nous paraît tout à fait conforme à ce que vous avez fait dans cette

 24   jurisprudence et pour nous. Là je vais citer, parce que vraiment on a

 25   élaboré ça en détail dans notre mémoire d'appel, mais on a pris le

 26   paragraphe 104 du jugement Galic comme instructif concernant les éléments

 27   constitutifs de l'infraction. Aussi dans votre note 351 dans Galic, il est

 28   très clair donc quelle était votre position concernant l'incrimination

Page 80

  1   d'attaques contre les civils par rapport à l'incrimination de la

  2   terrorisation. Donc je parle de la terrorisation pour être plus brève.

  3   Parce que vous dites, dans la note 351 sous paragraphe 110, et je cite une

  4   partie :

  5   "La terrorisation, c'est un crime qui englobe les attaques contre les

  6   civils et, en conséquence, cette partie de l'arrêt porte mutatis mutandis

  7   sur la déclaration de culpabilité prononcée à l'encontre de - on parle de

  8   Stanislav Galic - acte ou menace de violence dont le but principal est de

  9   répandre la terreur parmi la population civile."

 10   La Défense s'en est tenue justement à votre jurisprudence exprimée à

 11   Galic. On a analysé comme cela l'incrimination de terrorisation, c'est-à-

 12   dire on a pris l'actus reus, l'élément matériel, dont on parle en détail

 13   dans notre mémoire, et des actes et des menaces de violence dirigés contre

 14   la population civile, mais ne participant pas directement aux hostilités.

 15   Donc conformément à cette analyse, on a fait après l'analyse des preuves,

 16   et on était obligé de reprendre les mêmes éléments de preuve que la

 17   Chambre, soit a ignorés complètement, soit a utilisés dans une analyse

 18   juridique qui diffère complètement à notre sens de votre jurisprudence

 19   Galic. On a repris les éléments de preuve dans cette analyse et on a

 20   utilisé aussi tous les indices importants pour établir certains faits qui

 21   sont indispensables pour entrer en voie de condamnation pour le crime de

 22   terrorisation.

 23   Concernant l'élément intellectuel de l'infraction, on a aussi pris

 24   les éléments qu'on a trouvés dans votre jurisprudence et aussi les éléments

 25   qu'on a trouvés dans les sources qui sont régulièrement appliquées par

 26   votre Tribunal. Et on peut dire que le crime de terrorisation pourrait être

 27   constitué, et pour constituer son élément intellectuel, il faut prouver non

 28   seulement l'intention de mener les attaques contre les civils qui ne

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  1   prennent pas part aux hostilités, mais aussi une intention spécifique dont

  2   le but principal des attaques menées contre les civils est dans un but

  3   principal de semer la terreur parmi la population civile prise en entier.

  4   Donc c'était notre lecture. Surtout concernant cet élément

  5   intellectuel du crime, on a estimé que la démarche appliquée par la

  6   Chambre, c'est-à-dire durant les "closing arguments," on a posé les

  7   questions aux parties, invité les parties à évaluer les preuves dans le

  8   dossier, alors que c'est le travail principal de la Chambre de première

  9   instance. On a obtenu une définition de la terreur par un membre de

 10   l'équipe de l'Accusation. Il faut dire aussi que cette définition contient

 11   - et on en parle dans notre mémoire d'appel - l'évolution des preuves,

 12   parce qu'en effet le Procureur parle de la terreur ressentie parmi la

 13   population civile. Donc elle évalue les preuves sans être psychologue et

 14   sans inviter un expert pour se prononcer là-dessus.

 15   Et après, la Chambre de première instance opte pour appliquer cette

 16   opinion du Procureur pour établir après l'intention de Dragomir Milosevic

 17   de répandre la terreur parmi la population civile. Nous, on n'est pas

 18   d'accord avec ces démarches du tout.

 19   En plus, parce qu'on a eu la réponse du Procureur qui nous a aussi

 20   bouleversée, c'est-à-dire cette réponse a bouleversé toutes les

 21   connaissances que mon confrère, qui a 45 ans du barreau, et moi un petit

 22   peu plus de 20 ans, donc ça a bouleversé toutes les connaissances qu'on a

 23   dans le droit pénal, et je vous invite dans le paragraphe 65 de "Response

 24   Brief" du Procureur, il nous parle du mens rea et il nous dit :

 25   [interprétation] "En fait, puisqu'il est raisonnable de déduire l'intention

 26   spécifique des conséquences de ses actes, la Chambre a eu raison de

 27   conclure que le fait réel d'infliger la terreur pourrait servir de preuve

 28   de l'intention de semer la terreur."

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  1   [en français] Je ne sais pas si ça vous bouleverse, mais pour moi, ça

  2   l'aurait été vraiment la fin du droit pénal et de la preuve en droit pénal,

  3   parce que si vraiment toute la conséquence est voulue par l'agent, il ne

  4   faut pas prouver alors -- il faut que lui se défende que ce n'était pas son

  5   intention. Donc c'est complètement différent malheureusement en droit pénal

  6   et aussi devant votre Tribunal.

  7   Donc c'est fini en ce qui me concerne pour les éléments constitutifs. Si

  8   vous voulez peut-être poser les questions maintenant ou je passe à la

  9   deuxième question.

 10   M. LE JUGE POCAR : Oui, je vous prie de tenir compte que vous avez encore

 11   cinq minutes.

 12   Mme ISAILOVIC : Bien. Alors je continue avec votre deuxième question,

 13   c'est-à-dire elle est troisième dans ordre, mais qui concerne l'utilisation

 14   des éléments constitutifs en tant que circonstances aggravantes. Pour nous

 15   aussi, c'est assez évident. Ce sont vraiment des postulats basiques du

 16   droit pénal que l'on ne peut pas utiliser. Donc la situation de, je peux

 17   peut-être prendre le jugement, toutes les circonstances qui lui ont permis

 18   de se trouver là où il est maintenant, il était commandant, c'est vrai.

 19   D'après l'acte d'accusation et le jugement à première instance, il n'a pas

 20   respecté les lois et le droit de guerre. Mais tout cela, ce sont des

 21   éléments sine qua non, sa position de condamné devant vous en première

 22   instance. Donc on ne peut pas encore une fois utiliser les mêmes

 23   circonstances pour dire : Oui, ça aggrave encore son cas, parce qu'il était

 24   commandant, il a commandé, il n'a pas respecté les lois et les coutumes de

 25   guerre. Donc pour nous, ce n'était pas acceptable. Pour moi, c'est une

 26   question purement juridique, et vous allez vous prononcer là-dessus.

 27   Concernant la question numéro 4 dans votre ordonnance, qui est plus

 28   factuelle, vous nous invitez de vous donner des éléments de preuve qui sont

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  1   susceptibles de démontrer que sur la direction déterminée par la Chambre

  2   comme l'origine du tir, se sont trouvées des positions de l'ABiH.

  3   Je vais reprendre, par exemple, le premier document dont on parle

  4   déjà dans notre acte d'appel, c'est D102. C'est une carte marquée par un

  5   témoin, à savoir M. Ekrem Suljevic, le policier faisant l'investigation

  6   dans ce cas qui nous a marqué sur une flèche montrant la direction, et

  7   d'ailleurs qui a été adopté par la Chambre dans les constatations. Il nous

  8   a marqué, à notre demande, donc à la demande lors du contre-interrogatoire,

  9   les positions qui sont autour de cette flèche. Là on voit que Colina Kapa

 10   se trouve aussi à proximité, et nous on a prétendu que sur Colina Kapa se

 11   trouvaient les positions de l'ABiH.

 12   Je vais vous proposer à cette fin les documents D110, D417, et les

 13   témoignages. Donc, j'ai pris les témoignages de certains. Je n'ai pas pu

 14   trouver la totalité, je l'avoue, mais c'est le Témoin W-12, et ce sont le

 15   procès-verbal, les pages 3 039, 3 042, 3 065. Après, le Témoin Huso Palo,

 16   pages du transcript 1 545 à 1 546. Le Témoin Thomas Knustad, pages du

 17   transcript 2 025, 2 026. Témoin Vahid Karavelic, page 4 228. Témoin Zoran

 18   Trapara, pages 7 301, 7 302. Enfin, Predrag Trapara, pages 7 373, 7 374. Je

 19   vous remercie. Donc, c'était la partie de mon intervention. Merci.

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Mais le temps que

 21   vous aviez est épuisé. Je peux vous donner cinq minutes supplémentaires,

 22   Maître Tapuskovic.

 23   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois que

 24   ces quelques minutes me suffiront, car nous n'avons plus qu'une de vos

 25   questions à aborder. Elle concerne la défense d'alibi. A cet égard, je

 26   serai bref, et merci de m'accorder ce temps supplémentaire.

 27   Au paragraphe 155, nous déclarons que la Chambre de première instance, dans

 28   les conclusions qu'elle tire aux paragraphes 975 et 976, empêche

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  1   l'application du principal général de droit qui envisage que lorsqu'il y a

  2   incapacité complète, ceci exonère quelqu'un de sa responsabilité pénale.

  3   Mais d'après cette Chambre de première instance, pour qu'une personne

  4   puisse être acquittée de ce chef d'accusation, il faut que l'impossibilité,

  5   l'incapacité dure un certain temps. Ceci est dit au paragraphe 155 de notre

  6   mémoire d'appel. Il semblerait ici que nous nous trouvions dans une

  7   situation d'ignorance complète et d'anomalie complète de la signification

  8   de la portée d'un alibi, car si vous avez un alibi qui est étayé par des

  9   éléments de preuve prouvés au-delà de tout doute raisonnable, en effet, au

 10   paragraphe 108 à la page 10 831, il est dit que l'accusé, c'est dit par un

 11   témoin, l'accusé était absent, il était à Belgrade, et le commandement a

 12   été assuré par Sladoje Cedo, qui était chef d'état-major du RSK. Dans des

 13   notes de bas de page, nous mentionnons les documents 892, 908, il y a les

 14   documents 733, 732 et 734. Autant d'ordres signés et émis par Cedo Slavoje,

 15   car ce n'était pas une simple absence des lieux. M. Milosevic était malade,

 16   il était hospitalisé. Il a subi une intervention chirurgicale dans un Etat

 17   différent. Il était donc dans l'incapacité absolue de s'acquitter de ses

 18   fonctions. La Chambre de première instance a pourtant conclu qu'il ne

 19   fallait même pas qu'il soit sur place, vu ce qui se passait. Au paragraphe

 20   976 :

 21   "La Chambre de première instance constate que l'absence de l'accusé qui

 22   n'était plus à Sarajevo n'a pas duré longtemps."

 23   Alors quelle devrait être la durée de son absence ? Il est resté absent

 24   cinq semaines, puis c'est seulement à ce moment-là qu'il est rentré à

 25   Sarajevo. A cet égard, je dois souligner autre chose. A partir du début du

 26   mois de septembre, après les bombardements de l'OTAN, jusqu'à la fin de ce

 27   mois et pendant tout le mois d'octobre, tout le mois de novembre, ce sont

 28   des périodes dont la Chambre n'a pas tenu compte. Or, à cette époque-là il

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  1   n'y a pas eu de conflit entre les lignes de séparation. Pendant trois mois,

  2   il n'y a pas eu un seul incident. Lui, il est rentré sur les lieux avec la

  3   FORPRONU. Il a fait l'impossible pour régler les choses sur le terrain.

  4   Alors je ne comprends pas comment on peut donner un autre avis en

  5   droit sur un alibi. Un alibi, ça peut durer deux, trois, quatre jours, mais

  6   comment peut-on dire, alors, que Markale s'est passé pendant ce moment-là.

  7   A ce moment-là, Milosevic était à l'hôpital et n'était pas du tout à

  8   Sarajevo. Est-ce que ça veut dire que trois mois suffiraient ? Quels sont

  9   les critères qu'on utilise ? Il s'agit ici de critères tout à fait nouveaux

 10   qui annulent tout à fait le concept et l'institution pratiquée ici du droit

 11   pénal international.

 12   Outre tous ces documents, Madame, Messieurs les Juges, vous nous avez

 13   communiqué les instructions requises pour l'appel, le 13 juillet nous avons

 14   une fois de plus essayé d'écrire à certains organes d'Etat. En l'espace --

 15   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président --

 16   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] -- de trois à quatre jours --

 17   M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir. Je crois comprendre

 18   ce à quoi veut faire allusion Me Tapuskovic. Il m'a montré en effet un

 19   document juste avant votre retour en salle d'audience après la première

 20   pause du matin. Je n'avais jamais vu ce document auparavant, et je crois

 21   comprendre que maintenant Me Tapuskovic veut utiliser ce document pour

 22   étoffer son propos. Or, c'est un document qui n'a pas été versé au dossier,

 23   qui n'est pas dans le dossier, à ce moment-là il faudrait faire une demande

 24   en application de l'article 115 si Me Tapuskovic voulait utiliser ce

 25   document dans sa plaidoirie. Or, il ne l'a pas encore fait - je n'ai pas à

 26   me prononcer ici sur ce qu'il doit faire, ça, ça pourrait sans doute faire

 27   l'objet d'une requête - mais à ce stade, je pense que vous n'avez pas à

 28   être saisi de ces éléments. Vous pourrez uniquement le faire lorsque vous

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  1   aurez décidé s'il faut admettre cette pièce au dossier et voir quelles

  2   seront les mesures ultérieures à prendre. Je voudrais donc demander à Me

  3   Tapuskovic de s'abstenir de faire référence à ce document aussi bien qu'à

  4   son contenu.

  5   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Mais je ne pense pas qu'il ait fait

  6   jusqu'à présent référence au document.

  7   M. ROGERS : [interprétation] Mais c'est sur le point de venir.

  8   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Là vous faites des suppositions.

  9   Je vous en prie, poursuivez, Maître Tapuskovic.

 10   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, M.

 11   Rodgers a raison. Si nous commençons à discuter d'un point il faudra peut-

 12   être passer à huis clos partiel. C'est vrai je souhaite aborder la question

 13   de ce document dont nous allons demander le versement, même si tous les

 14   délais sont déjà passés. Ça peut poser problème, j'en suis conscient. Mais

 15   je pense que ce document n'est peut-être pas si important que ça, au vu des

 16   documents déjà versés au dossier. Il reste néanmoins important, et je pense

 17   qu'il vous faut l'examiner, car il risque d'être important pour --

 18   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous voulez vraiment parler d'un

 19   document qui n'a pas été versé, vous n'êtes pas autorisé à le faire.

 20   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est vrai, Monsieur le Président. Mais je

 21   vais déposer une demande, car nous avons reçu ce document il y a quelques

 22   jours à peine. Et dans l'esprit de l'article 115, en dépit de l'expiration

 23   des délais, on peut tenir compte d'un document - du moins, la Chambre

 24   d'appel peut le faire - dans la mesure où ce document peut avoir une

 25   incidence --

 26   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous l'avez reçu il y a quelques

 27   jours, pourquoi n'avoir pas demandé à la Chambre par voie de requête il y a

 28   quelques jours de faire admettre ce document ?

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  1   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Mais nous avons reçu ce document il y a

  2   quelques jours à peine, mais il y a une omission de forme. C'est seulement

  3   hier que nous avons reçu la version complète, et il était impossible que

  4   nous vous soumettions ce document avant la présente audience. Je ne dis pas

  5   ici --

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous parlez du début de l'audience ?

  7   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je pense que c'est une erreur de ma part.

  8   Je pense que c'est effectivement -- mais il n'est jamais trop tard pour

  9   bien faire, ou dirais-je qu'il est préférable -- enfin, je parle du fait

 10   que la Chambre de première instance a établi que ceci avait été prouvé au-

 11   delà de tout doute raisonnable.

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous le voulez, vous avez toujours

 13   le loisir de déposer une requête par écrit pendant la pause, par exemple.

 14   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.

 15   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous invite instamment à terminer,

 16   parce que le temps qui vous avait été donné, le temps supplémentaire de

 17   cinq minutes, ce temps-là est épuisé.

 18   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,

 19   Messieurs les Juges. J'en ai ainsi terminé. Je n'ai pas d'autre élément à

 20   ajouter. Je vous remercie.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.

 22   Oui, Monsieur le Juge Guney.

 23   M. LE JUGE GUNEY : Maître Tapuskovic, j'ai une question de clarification.

 24   Juste avant la pause du matin, dans votre soumission, vous avez dit c'était

 25   l'ABiH qui tire sur sa propre population, et vous avez cité deux raisons :

 26   pour plaire aux médias ou bien pour faire ressortir le nombre de victimes à

 27   double. Auriez-vous la bonté de développer là-dessus. Quel était le but

 28   recherché pour l'ABiH de tirer sur sa propre population ? Merci.

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  1   [Le conseil de la Défense se concerte]

  2   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je comprends

  3   parfaitement votre question. Je ne peux pas vous parler des intentions qui

  4   animaient l'ABiH. Nous avons montré quelques exemples qui montraient que

  5   l'ABiH, d'après les constatations et conclusions de la Chambre de première

  6   instance, avait elle-même manipulé les instances et l'artillerie. Je ne

  7   suis pas à même de vous dire ce que l'ABiH avait comme intention, mais

  8   certaines preuves le montrent de façon indiscutable, il y a notamment deux

  9   ordres; un du 8 juin 1995, et l'autre, du 11 juin. Le premier était signé

 10   par le commandant du 1er Corps, qui a dit que personne ne peut franchir la

 11   ligne qui sépare de l'autre côté, et que tout le monde qui essaie de

 12   quitter Sarajevo devrait essuyer des tirs. Je vous ai donné des documents

 13   qui montraient que les soldats de l'ABiH avaient ouvert le feu.

 14   Ce sont des faits, Madame, Messieurs les Juges, ce sont des faits qui

 15   montrent que ce genre de chose s'est passé. Quelle était l'intention de

 16   cette armée, pourquoi a-t-elle agi de la sorte, nous avons des références à

 17   bon nombre de choses, mais ici je ne veux pas faire de suppositions. Je ne

 18   peux que stipuler les faits et ce sont là des faits que j'ai indiqués grâce

 19   à des documents de l'ABiH. L'intention de cette armée, là, c'est une autre

 20   histoire. Il y a une thèse disant que l'armée de la Republika Srpska a tiré

 21   sur tout le monde, mais ça n'a été prouvé par aucun élément de preuve. Et

 22   nous avons des documents qui montrent qu'il y avait un ordre général disant

 23   que personne n'avait le droit de quitter Sarajevo en vie, ça c'est une

 24   chose, et nous avons d'autres documents que j'ai présentés. S'agissant des

 25   événements, je ne peux pas me lancer dans des conjectures. Je pourrais

 26   faire des suppositions, mais moi, je ne suis pas un avocat qui manipule des

 27   conjectures. Ce que je dis se base sur des faits.

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

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  1   Je pense qu'il n'y a pas d'autres questions de la part des Juges, et je

  2   donne maintenant la parole à l'Accusation. Je pense que vous disposez d'une

  3   heure avant la pause.

  4   Mme GOY : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.

  5   Bonjour à vous. L'Accusation va répondre à l'appel de la Défense de la

  6   façon suivante. Je vais tout d'abord vous donner un aperçu de l'affaire et

  7   la réponse de l'Accusation. Et dans ce contexte-là, je vais aborder vos

  8   questions numéros 2 et 3, qui sont contenues dans l'addendum au calendrier

  9   d'aujourd'hui. Mon collègue, M. François Boudreault, va évoquer la question

 10   numéro 1 et notre réponse au motif numéro 1 de Dragomir Milosevic. Mon

 11   collègue, Matteo Costi, va conclure les arguments de l'Accusation en

 12   abordant le motif numéro 8, la branche numéro 2, le pilonnage de Bascarsija

 13   et le marché qui s'y trouvait.

 14   Dans ce contexte, Madame, Messieurs les Juges, nous reposons sur

 15   notre mémoire, mais nous sommes disponibles pour répondre à toute question

 16   que vous souhaiteriez poser, Madame, Messieurs les Juges.

 17   Les Juges de la Chambre ont convaincu comme il se doit Dragomir Milosevic

 18   de crimes de terreur et de meurtres.

 19   La Chambre a, à juste titre, condamné Dragomir Milosevic pour les

 20   crimes de terreur et assassinats et autres actes inhumains en tant que

 21   crimes contre l'humanité. Entre le mois d'août 1994 et le mois de novembre

 22   1995, le général de division Dragomir Milosevic était le commandant du

 23   Sarajevo Romanija Corps. En tant que commandant de la RSK, il a planifié et

 24   ordonné une campagne de pilonnage et de tirs embusqués contre la population

 25   civile de Sarajevo. Il a volontiers poursuivi ce qu'avait commencé son

 26   prédécesseur, Galic, en 1992. Milosevic et ses troupes ont pilonné et tiré

 27   sur la population civile qui était piégée, et ce, pendant 14 mois. En

 28   conséquence, bon nombre de civils ont été tués et blessés mentalement et

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  1   physiquement. Milosevic avait l'intention de terroriser la population

  2   civile, et il a réalisé son objectif.

  3   "Son incapacité à s'échapper de ce piège de l'horreur a laissé des

  4   traces indélébiles sur la population dans son ensemble." Il s'agit de

  5   paragraphe du jugement 910.

  6   Milosevic s'est assuré que plus personne ne serait en sécurité à Sarajevo.

  7   Milosevic et ses tueurs embusqués ont délibérément tiré sur des civils. Ils

  8   ont pris pour cible des endroits où se rassemblaient les civils. Ils ont

  9   tiré sur une femme qui se trouvait dans sa chambre, une femme qui

 10   rassemblait du bois pour le feu, une mère et son fils de 7 ans qui

 11   tentaient de traverser la rue, une jeune fille qui se rendait à l'école,

 12   des passagers à bord de tramways.

 13   Milosevic a également ordonné à la RSK de pilonner les civils dans certains

 14   quartiers, dans des marchés où les civils faisaient la queue pour avoir de

 15   l'eau. La prise pour cible de civils était délibérée. Les mortiers sont des

 16   armes de précision, et leur équipage était très entraîné, mais Milosevic ne

 17   s'est pas contenté de pilonner à l'aide de mortier, mais a fait un usage

 18   répété de bombes aériennes modifiées qui sont manifestement des armes peu

 19   précises qui ne pouvaient être dirigées que sur des zones générales.

 20   Impossible de prévoir où ceci tombe. En général, ceci est largué à partir

 21   d'un avion, mais dans ce cas-ci, on y attachait une roquette, donc c'était

 22   des systèmes improvisés lancés à partir de camions. Leur utilisation à

 23   Sarajevo a clairement montré que l'intention était de terroriser la

 24   population civile, et c'est ce qu'a constaté la Chambre de première

 25   instance au paragraphe 912.

 26   Les contestations au plan juridique et factuel de Milosevic doivent être

 27   rejetées dans leur totalité. Il conteste au cours de l'appel, réitère les

 28   arguments présentés pendant le procès. Il indique et identifie des éléments

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  1   de preuve qui ont été déjà examinés dans le détail par la Chambre de

  2   première instance, et propose simplement une lecture différente des

  3   éléments de preuve sans montrer que la conclusion de la Chambre était une

  4   conclusion qu'aucun juge de paix raisonnable ne pouvait parvenir. Ce matin

  5   dans les éléments présentés, Milosevic s'est concentré non pas sur les

  6   incidences spécifiques évoquées par la Chambre.

  7   Et comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire réponse, la Chambre de

  8   première instance a analysé les différents éléments de preuve et a prêté

  9   une attention particulière à l'origine des feux pour chacun des incidents.

 10   Pour ce qui est de Nermin Divovic, qui a été évoqué ce matin, la Chambre de

 11   première instance a évoqué la question de la contradiction éventuelle pour

 12   ce qui est de l'origine du feu et l'a résolu en indiquant que Nermin a été

 13   tué par un membre de la RSK. Je vais vous demander de vous reporter plus

 14   particulièrement à l'élément de notre mémoire en réplique aux paragraphes

 15   113 à 199 [comme interprété]. Alors que la Chambre n'était pas convaincue

 16   du fait que la RSK était derrière les attaques à ce moment-là Milosevic

 17   était acquitté, tel était le cas pour les deux derniers incidents. Pour ce

 18   qui est des tirs isolés, la Chambre de première instance a toujours essayé

 19   de comprendre quel était le statut du civil en question et le contexte dans

 20   lequel il ou elle menait à bien ses activités.

 21   Pour ce qui est du pilonnage, la Chambre de première instance a fait

 22   attention d'apprécier les circonstances de l'attaque, le type d'arme

 23   utilisé, ainsi que la qualité du civil. De surcroît, lorsqu'elle a abordé

 24   les incidents de pilonnage et de tirs isolés, de savoir si ceci était

 25   dirigé contre la population civile, la Chambre de première instance a

 26   également pris en compte d'éventuelles cibles militaires à proximité. Pour

 27   ce qui est des erreurs de droit commises, Milosevic n'a pas plus montré que

 28   la Chambre s'est trompée lorsqu'elle a évalué des éléments du crime et les

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  1   critères de la preuve, et ce, à son détriment. La Chambre a fait très

  2   attention d'apprécier la responsabilité criminelle de Milosevic pour sa

  3   planification et le fait d'avoir donné des ordres.

  4   La Chambre, à juste titre, a constaté que Milosevic avait planifié et

  5   ordonné une campagne de pilonnage et de tirs isolés sur 14 mois. J'y

  6   reviens dans quelques instants, mais avant d'aborder cette question dans le

  7   détail, je souhaite aborder la façon dont les Juges de la Chambre ont

  8   conclu que Milosevic était responsable pour avoir ordonné et planifié ces

  9   pilonnages, même pendant la période où il ne se trouvait pas à Sarajevo.

 10   La Chambre de première instance a constaté au paragraphe 960 que Milosevic,

 11   l'état-major de la VRS et Mladic, ont participé à la mise en place de la

 12   stratégie au plan large pour Sarajevo. Milosevic a pu mettre en œuvre cette

 13   grande stratégie à la façon qu'il a jugée appropriée. La Chambre de

 14   première instance a constaté que Milosevic a planifié et ordonné la

 15   campagne de pilonnage et de tirs isolés à Sarajevo. Les incidents de

 16   pilonnage et de tirs isolés font partie d'un ensemble qui avait été

 17   envisagé et mis en œuvre par Milosevic, au paragraphe 967 [comme

 18   interprété] du jugement de première instance. La Chambre de première

 19   instance a constaté qu'il y avait ce modèle qui ne peut être expliqué que

 20   par un système qui était caractérisé par un commandement et un contrôle

 21   très serré, au paragraphe 966.

 22   Et Milosevic tenait étroitement et contrôlait étroitement le RSK, au 959.

 23   Les tirs isolés se sont produits sur une longue période dans différents

 24   quartiers de Sarajevo sous le contrôle de différentes brigades de la RSK.

 25   Ceci montre que l'opération menée par les tireurs embusqués était

 26   coordonnée au niveau du commandement, ce qui a conduit les Juges de la

 27   Chambre à la seule conclusion raisonnable, à savoir que Milosevic a

 28   planifié et ordonné des activités de tirs isolés, au paragraphe 962.

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  1   La Chambre a conclu que le pilonnage contre la population civile avait été

  2   également planifié et ordonné par Milosevic. Il a décidé d'utiliser des

  3   mortiers et a décidé des méthodes de pilonnage, c'est lui qui a demandé à

  4   ce que des bombes aériennes modifiées soient larguées, c'est lui qui a

  5   commandé le nombre de ces bombes, il a ordonné la construction de lanceurs

  6   de bombes aériennes modifiées, et il a déclaré dans un rapport que des

  7   lanceurs de bombes aériennes sont utilisés sur l'ensemble du territoire de

  8   la RSK, sa zone de responsabilité sur demande, et décidé par le commandant

  9   de la RSK, ce qui se trouve aux paragraphes 963 et 964 du jugement.

 10   Les Juges de la Chambre se sont reposés également sur la planification et

 11   le fait d'ordonner des incidents particuliers, comme éléments de preuve de

 12   ce plan qui consistait à ordonner une campagne de pilonnage tel qu'ordonné

 13   par Milosevic concernant le pilonnage de Hrasnica le 7 avril 1995,

 14   paragraphe 964. La Chambre a constaté que Milosevic est allé au-delà de

 15   cette planification générale de campagne de pilonnage. Il s'est préoccupé

 16   des détails. Il a participé activement à un certain nombre de questions,

 17   paragraphe 959. Différentes questions qui ont trait à l'entraînement,

 18   l'équipement, le déploiement des tirs isolés, au paragraphe 962, la Chambre

 19   a en conséquence déduit qu'il avait planifié et ordonné les activités des

 20   tireurs. Milosevic a également donné un certain nombre d'ordres par rapport

 21   aux incidents du pilonnage, j'ai déjà évoqué Hrasnica.

 22   Le 19 avril 1995, Milosevic avait donné l'ordre que toutes les unités

 23   disposent d'aires de lancement pour les bombes aériennes pour pouvoir tirer

 24   sur la ville, au paragraphe 834. Le 16 mai, Milosevic a demandé à la

 25   brigade d'Ilidza de préparer des lanceurs de bombes aériennes qui devaient

 26   être prêts dès qu'il en donnait l'ordre, et devaient être tirées

 27   approximativement sur l'endroit où se trouvait l'aéroport. Le plan général

 28   et les ordres donnés par Milosevic étaient mis en œuvre sur une période de

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  1   cinq mois. Même lorsqu'il était absent du début du mois d'août jusqu'à la

  2   fin de son absence, au paragraphe 977.

  3   Donc, il était responsable pour la planification et donnait des ordres

  4   pendant cette période.

  5   Lorsqu'on analyse la période pendant laquelle il a été absent, les Juges de

  6   la Chambre ont constaté que ce pilonnage tombait carrément dans ce plan

  7   général et tombait dans le cadre des plans ordonnés par Milosevic. Les

  8   Juges de la Chambre ont constaté qu'il avait un contrôle complet sur les

  9   troupes de la RSK, au paragraphe 975. Aux paragraphes 976 et 977, la

 10   Chambre a conclu que son absence n'a pas duré très longtemps, à savoir cinq

 11   semaines, que ceci relevait de son mandat en tant que commandant de la RSK,

 12   à ce moment-là, le pilonnage et les tirs isolés s'étaient poursuivis déjà

 13   pendant un an sur ses ordres, et pendant son absence, le pilonnage et les

 14   tirs isolés se sont poursuivis de la même façon. La Chambre a constaté

 15   qu'avant le départ de Milosevic, qu'il parte se faire soigner, il y a eu

 16   augmentation des combats due à des offensives lancées par l'ABiH, et

 17   Milosevic a répondu à ces offensives en pilonnant des zones civiles qui se

 18   trouvaient à l'intérieur des lignes de confrontation. Pendant son absence,

 19   le pilonnage s'est poursuivi de la même façon, au paragraphe 977.

 20   La Chambre a conclu à juste titre que pour reprendre le terme des Juges de

 21   la Chambre, "il avait été remplacé au niveau de ses responsabilités par le

 22   chef de l'état-major Cedomir Sladoje de la RSK", mais ceci n'a rien changé

 23   à la planification le fait de donner des ordres. Vous avez demandé dans

 24   votre calendrier d'identifier des éléments au procès qui portent sur la

 25   nomination et le mandat de Cedomir Sladoje pendant l'absence de Milosevic.

 26   Pendant l'absence de Milosevic, Cedomir Sladoje, le commandant

 27   adjoint responsable, était "zastupa komandanta," pour reprendre le terme en

 28   B/C/S. Bien qu'à notre connaissance, aucun document n'a été présenté qui

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  1   définit le mandat, la nomination de ce dernier, la façon dont il signait

  2   les ordres pendant l'absence de Milosevic était avec "zastupa komandanta."

  3   La traduction anglaise de ces ordres au dossier correspond à : "Commandant

  4   à part entière," "commandant représenté par." Je souhaite vous demander de

  5   vous reporter à l'ordre du 24 août 1995, P768, un ordre de la RSK qui donne

  6   l'ordre de lancer les bombes aériennes; et un ordre du 7 septembre 1995, la

  7   pièce P764 [comme interprété], un ordre qui passe sur le retour des bombes

  8   aériennes à Pretis; un ordre daté du 7 septembre 1995, le P764 [comme

  9   interprété], du RSK ayant trait à d'autres activités de combat. Je souhaite

 10   également vous reporter à la pièce P738, une lettre écrite par Milosevic à

 11   Mladic en 1996 qui est citée en partie dans le jugement au paragraphe 806,

 12   je souhaite vous demander de vous reporter à différentes parties de cette

 13   lettre qui se trouve à la page 3 de cette lettre, et je cite :

 14   "Dès que je suis parti pour une intervention à la VMA (l'Académie

 15   médicale militaire) un ordre a été rédigé pour qu'il devienne NS (chef

 16   d'état-major) mais ceci ne pouvait pas être fait avant cela."

 17   La version B/C/S de ceci fait également état de "zastupanje".

 18   Par rapport à ce terme "zastupa komandanta," c'est quelque chose qui

 19   a été cité dans un contexte différent par le témoin Gagovic, et il a évoqué

 20   ceci en disant que ceci voulait dire "remplacer le commandant"; compte

 21   rendu d'audience 8699.

 22   La Chambre de première instance a constaté au paragraphe 959 que

 23   Milosevic était de jure commandant de la RSK pendant la période couverte

 24   par l'acte d'accusation, la Chambre ne fait pas d'exception pour la période

 25   où il a été absent.

 26   Son absence n'était qu'une absence provisoire. On s'attendait à ce

 27   qu'il revienne, et il est effectivement revenu. Je vais vous demander de

 28   vous reporter aux éléments de preuve de Luka Dragicevic. Le témoignage de

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  1   Luka Dragicevic, qui était le commandant adjoint de Dragomir Milosevic de

  2   décembre 1994 et à partir de cette date-là, en charge des questions de

  3   morale, religieuses et juridiques. Par conséquent, il était en mesure de

  4   témoigner sur les conditions du congé-maladie de Milosevic.

  5   Il a témoigné à la page 3 999, qu'ils ont eu beaucoup de mal à

  6   convaincre Milosevic de partir pour son intervention ophtalmologique, de

  7   façon à régler son problème au niveau de son œil pour pouvoir reprendre son

  8   travail.

  9   Comme ceci est expliqué par Stevan Veljovic, témoin de la Défense,

 10   pendant l'absence de Milosevic, son adjoint, Cedomir Sladoje, était

 11   responsable. Le commandant Stevan Veljovic était un officier chargé des

 12   opérations, paragraphe 466. C'était le subordonné direct de Sladoje, 5 765.

 13   Il pouvait également évoquer les rapports entre Milosevic et Sladoje.

 14   Lorsque Veljovic, lorsqu'on lui a posé les questions à la page 5 843 :

 15   "Qui était responsable du corps de Dragomir Milosevic lorsqu'il est

 16   parti se faire soigner à Belgrade ?"

 17   Veljovic a répondu :

 18   "C'était son adjoint, le colonel Cedomir Sladoje."

 19   La déduction faite sur la base des éléments de preuve c'est que

 20   Sladoje avait reçu les instructions de Dragomir Milosevic pour poursuivre

 21   la campagne de pilonnage. Ce qui correspond aux conclusions de la Chambre,

 22   à savoir le pilonnage et les tirs isolés en cours relevaient du plan

 23   général de Dragomir Milosevic. Ce qui m'amène à parler du mandat de Cedomir

 24   Sladoje.

 25   Trois éléments indiquent qu'on lui avait demandé de poursuivre cette

 26   campagne. Tout d'abord, le style du commandement de Milosevic et son

 27   attitude générale en tant que commandant. Deuxièmement, la poursuite du

 28   pilonnage et les tirs isolés de la même façon. Troisième point, la réaction

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  1   de Milosevic, ou plutôt, manque de réaction lorsqu'il est revenu.

  2   Premier point, le style de commandement de Milosevic, à savoir un

  3   commandement serré, indique qu'il a évoqué ce qu'il devait faire pendant

  4   son absence et lui a donné les consignes en vertu de quoi devait continuer

  5   la campagne de pilonnage. Ce qui est étayé par le témoignage de Veljovic.

  6   D'après lui, les deux coordonnaient toujours l'opération. Cela ne signifie

  7   pas que Sladoje pouvait faire ce que bon lui semblait, mais plutôt ceci

  8   était évoqué avec Milosevic. Lorsqu'on lui a posé la question à la page 5

  9   831 :

 10   "Il serait exact de dire que c'était l'alter ego du commandant. Ils étaient

 11   très proches. Parce que si le commandant était absent, si quelque chose lui

 12   arrivait, c'est quelqu'un qui doit pouvoir assumer ces responsabilités-là à

 13   tout moment ?"

 14   Veljovic a répondu en disant :

 15   "Oui. Ces deux personnes coordonnaient toujours les actions et comment

 16   devaient fonctionner le commandement et le contrôle."

 17   Les instructions données par Milosevic sont étayées par le fait qu'il n'est

 18   pas parti dans une situation d'urgence. Il avait déjà été blessé au mois de

 19   mai et le traitement avait été reporté compte tenu de la situation qui

 20   prévalait au front. Au paragraphe 829 et la pièce D340, le dossier médical

 21   de Milosevic.

 22   Les instructions sont conformes à l'attitude générale et son rôle en tant

 23   que commandant. Ceci est exprimé dans une lettre déjà envoyée à Mladic et

 24   déjà évoquée qui a été envoyée par Dragomir Milosevic en 1996, ceci est

 25   cité dans le jugement au paragraphe 806. Milosevic écrit :

 26   "Je ne me suis jamais éloigné de mes troupes un seul jour."

 27   Cette attitude est également étayée par le témoignage de Luka Dragicevic,

 28   qui a témoigné au compte rendu d'audience page 3 999, qu'il a même réduit

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  1   le temps de son congé maladie.

  2   Deuxième point, que s'est-il passé en réalité pendant l'absence de

  3   Milosevic, ceci indique de surcroît que Milosevic avait donné des consignes

  4   à Sladoje pour poursuivre la campagne de pilonnages et de tirs isolés.

  5   Au paragraphe 977, les Juges ont constaté que le pilonnage et les tirs

  6   isolés se sont poursuivis comme avant. Plus précisément, la réponse de

  7   Milosevic à l'offense de l'ABiH en 1995, avant son départ, consistait à

  8   pilonner des zones civiles à l'intérieur des lignes de confrontation. Cette

  9   constatation est compatible avec le témoignage de David Harland, à savoir

 10   que les représailles étaient surtout dirigées contre les civils, paragraphe

 11   757 du jugement.

 12   En tant qu'alter ego du commandant, Sladoje devait bien connaître la

 13   stratégie mise en œuvre par Milosevic. De surcroît, le 15 juillet 1995,

 14   avant le départ de Milosevic pour l'hôpital, il a demandé à l'état-major

 15   principal de la VRS d'approuver la mise à disposition de 200 bombes

 16   aériennes, paragraphe 822.

 17   Ayant commandé 800 [comme interprété] bombes aériennes, il est déduit que

 18   Milosevic a abordé avec Sladoje la façon dont ceci devait être utilisé,

 19   surtout compte tenu de son style de commandement. Le 10 août 1995, peu de

 20   temps après le départ de Milosevic, le commandant de la RSK, avec un ordre

 21   signé du chef de l'artillerie, a demandé la fabrication de lanceurs de

 22   bombes aériennes, pièce P731. Le 22 août une bombe aérienne modifiée a

 23   effectivement été lancée au niveau du bâtiment BITAS, paragraphe 668. Le 24

 24   août 1995, Sladoje a donné l'ordre aux unités de lancer des bombes

 25   aériennes, signé par "zastupa komandanta," P768.

 26   De surcroît, d'autres éléments de preuve indiquent que Sladoje agissait sur

 27   la base des ordres donnés par Milosevic, Milosevic n'a pas réagi lorsqu'il

 28   est revenu malgré le fait que, d'après les éléments de Dragicevic et le

Page 100

  1   général Veljovic, Milosevic aurait été informé de ce qui s'était passé

  2   pendant son absence lorsqu'il est rentré, au paragraphe 832. Ces éléments

  3   de preuve étayent le fait que Milosevic n'a jamais fait état d'une

  4   violation du droit international humanitaire aux procureurs. Le colonel

  5   Dragicevic a dit dans son témoignage qu'il n'a jamais eu connaissance

  6   d'exemples où l'accusé avait fait un rapport sur une violation du droit

  7   international humanitaire aux procureurs militaires. Il a également dit

  8   dans son témoignage qu'il en aurait été informé, au paragraphe 862.

  9   En conclusion, les Juges de la Chambre ont conclu de façon raisonnable

 10   qu'il n'était pas pertinent, eu égard à la responsabilité criminelle de

 11   Milosevic, de planification, et le fait d'ordonner qu'il était absent

 12   pendant cinq semaines de Sarajevo.

 13   Ceci conclut notre réponse eu égard à la question numéro 2, à moins que

 14   vous n'ayez des questions. Je vais maintenant passer à la réponse que nous

 15   allons vous fournir à la question numéro 3.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 17   Mme GOY : [interprétation] Merci.

 18   Dans son appréciation de la gravité et de facteurs aggravants, la

 19   Chambre de première instance a tenu compte de différents éléments

 20   pertinents, sans tenir compte du même facteur deux fois. Plutôt, la Chambre

 21   s'est reposée sur deux éléments, les facteurs aggravants et la gravité.

 22   Ceci est notre réponse à votre troisième question que je vais aborder plus

 23   en détail maintenant.

 24   Ce que l'on peut considérer sous le terme de gravité a été correctement

 25   établi au paragraphe 989 du jugement faisant état de l'arrêt Galic au

 26   paragraphe 409. La Chambre d'appel a constaté que la gravité inhérente du

 27   crime, le comportement criminel de l'accusé et la prise en compte de

 28   circonstances particulières de l'affaire, les crimes pour lesquels l'accusé

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  1   a été condamné, la forme et le degré de participation font partie de

  2   l'appréciation de la gravité. Dans l'arrêt Blaskic, au paragraphe 683,

  3   s'est également reposée la Chambre de première instance, dans Milosevic,

  4   paragraphe 990, et énumère la liste des conséquences de ces crimes pour les

  5   victimes.

  6   Lorsqu'il s'agit d'aborder la gravité inhérente, la Chambre de première

  7   instance s'est reposée sur ces éléments mêmes aux paragraphes 991 à 994.  

  8   Au paragraphe 991, il a tenu compte du mode de responsabilité, la

  9   planification et le fait d'ordonner, à savoir la forme de participation; le

 10   type de crimes, la terrorisation, l'assassinat et autres actes inhumains;

 11   la gravité de ces crimes et leur fréquence, lorsque la Chambre indiquait

 12   que tous ces crimes étaient des crimes extrêmement graves qui ont été

 13   commis lors d'une campagne de pilonnages et de tirs isolés sur une période

 14   de 14 mois. La fréquence est un des facteurs abordés par les Juges en appel

 15   au paragraphe 410 comme étant un élément valable sur lequel fonder la

 16   gravité.

 17   Au paragraphe 911 [comme interprété], la Chambre a tenu compte des

 18   circonstances de l'affaire et de l'environnement dans lequel les civils se

 19   sont trouvés, à savoir piégés dans la ville. La Chambre a tenu compte des

 20   effets sur les victimes. Bon nombre d'entre eux ont été tués et d'autres

 21   grièvement blessés.

 22   Au paragraphe 992, la Chambre s'est concentrée sur la gravité particulière

 23   du crime de terrorisation, compte tenu "d'une intention qui est le signe

 24   d'un mépris profond pour l'intégrité physique et la vie humaine."

 25   Et elle a tenu compte de la souffrance très lourde des civils pendant

 26   cette période.

 27   Au paragraphe 993, à juste titre, elle a tenu compte du fait que la terreur

 28   avait été répandue, que la population civile était terrorisée, ce qui n'est

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  1   pas un élément qui est requis pour le crime de terrorisation. La Chambre a

  2   également reconnu que la souffrance, qui était le résultat de la

  3   terrorisation effective, constitue un élément du crime des actes inhumains.

  4   Au paragraphe 994, nous avons un résumé de la gravité, le mode, le type de

  5   crimes, leur fréquence, ainsi que les victimes.

  6   Passons maintenant aux facteurs aggravants. Lorsqu'elle a tenu compte des

  7   facteurs aggravants, la Chambre a tenu compte de différents aspects et

  8   différents de ceux qui étaient abordés. Lorsqu'elle traitait de la question

  9   de la gravité, dans certains cas, la Chambre a utilisé une terminologie

 10   analogue, mais au niveau des facteurs aggravants et de la gravité, elle

 11   s'est concentrée sur différents éléments. Lorsqu'elle a tenu compte des

 12   facteurs aggravants, la Chambre de première instance, au paragraphe 995, a

 13   clairement indiqué qu'un facteur dont elle avait tenu compte sous la

 14   rubrique gravité n'était pas quelque chose dont elle pouvait tenir compte

 15   sous la rubrique facteurs aggravants.

 16   Au terme des facteurs aggravants, la Chambre de première instance a tenu

 17   compte des circonstances qui étaient pertinentes pour apprécier la

 18   responsabilité criminelle de Milosevic et qu'elle était en droit d'utiliser

 19   comme facteurs aggravants.

 20   Au paragraphe 999, la Chambre a tenu compte, comme facteur aggravant,

 21   de l'abus de Milosevic, de sa fonction élevée en tant que commandant de

 22   corps pour avoir violé de façon systématique le droit humanitaire

 23   international. La Chambre de première instance a tenu compte du fait qu'une

 24   fonction élevée n'est pas quelque chose qui peut servir de facteur

 25   aggravant, chose qu'elle a indiqué à la note en bas de page 3202. Mais la

 26   Chambre de première instance n'a pas tenu compte de la fonction élevée en

 27   tant que telle, mais l'abus de l'autorité à partir d'une fonction très

 28   élevée au sein de la VRS et de façon très flagrante. C'est cette violation

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  1   répétée de la fonction élevée qu'il occupait qui a été reconnue dans

  2   l'arrêt Galic comme un facteur aggravant qui, comme Dragomir Milosevic, a

  3   donné l'ordre de lancer une campagne de terreur par le biais d'une campagne

  4   de pilonnages et de tirs isolés.

  5   La dernière phrase du paragraphe 999 indique qu'il s'agit d'un  abus

  6   d'autorité dont il est tenu compte. Il ne s'agit pas de compter une

  7   deuxième fois les modes de responsabilité ou la violation du droit

  8   humanitaire international. Ce sont, en fait, les façons dont Milosevic a

  9   abusé de sa position, mais en fait, les modes de commission des crimes ont

 10   déjà été pris en compte pour déterminer la gravité au paragraphe 991 du

 11   jugement et au paragraphe 994.

 12   Dans le paragraphe 1 000, la Chambre s'est penchée sur la durée de la

 13   campagne et sur la volonté de Milosevic de la poursuivre ainsi que sur son

 14   rôle très actif dans la commission des actes considérés comme des

 15   conditions aggravantes. La longue durée pendant laquelle les crimes se sont

 16   poursuivis, ainsi que la participation active et directe de Milosevic en

 17   tant qu'auteur des actes criminels, si on l'associe au poste de haut rang

 18   qu'il occupait au sein du commandement, ces éléments ont été admis dans

 19   l'arrêt en appel de Blaskic, au paragraphe 686, comme des considérations

 20   aggravantes et ont été, à juste titre, énumérés par la Chambre de première

 21   instance en l'espèce au paragraphe 996 lorsqu'elle a décrit le droit qui

 22   s'applique à la détermination des circonstances aggravantes.

 23   La référence que l'on trouve au paragraphe 991 à la gravité qui est liée à

 24   la longue période, à savoir 14 mois, qui aggrave le caractère fréquent des

 25   crimes de guerre, n'est que descriptive. Il ne s'agit pas ici d'un calcul

 26   de durée en tant que tel. Au paragraphe 991, lorsque sont examinés les

 27   éléments liés à la gravité, il est question de la fréquence des crimes,

 28   alors qu'au paragraphe 1 000, on se concentre davantage sur le comportement

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  1   de l'accusé.

  2   Au paragraphe 1 001, la Chambre, à juste titre, a pris en compte la nature

  3   tout à fait inadaptée des bombes aériennes modifiées associées au pouvoir

  4   explosif important de ces bombes comme étant une circonstance aggravante.

  5   Lorsque la Chambre, au paragraphe 1 001, évoque l'effet psychologique que

  6   produisaient les bombes aériennes modifiées, elle se concentre sur l'effet

  7   de ces bombes, ce qui est un aspect différent de l'aspect que l'on trouve

  8   dans la mention des souffrances importantes qui sont évoquées lorsque la

  9   Chambre a voulu déterminer la gravité au paragraphe 992 de ce jugement, où

 10   elle parlait également de l'effet global de la campagne de pilonnages et de

 11   tirs isolés.

 12   Au paragraphe 1 001 du jugement, au terme des circonstances aggravantes,

 13   c'est le choix de cette arme et son emploi répété que la Chambre a estimé

 14   être une circonstance aggravante. Utiliser une arme tout à fait inadaptée à

 15   de nombreuses reprises, une arme dont le pouvoir explosif est important,

 16   n'est pas un élément constitutif du crime de terreur. Donc, la Chambre ne

 17   pouvait pas l'utiliser deux fois.

 18   En conclusion, la Chambre a eu raison de tenir compte des

 19   circonstances en question pour déterminer la gravité ainsi que des

 20   circonstances aggravantes, sans utiliser deux fois les mêmes éléments.

 21   Ceci met un terme à notre réponse à la question de la Chambre, question

 22   numéro 3, et à moins que les Juges aient des questions, je donnerai la

 23   parole à mon confrère, Me François Boudreault.

 24   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame Goy, il n'y a pas de questions

 25   de la Chambre.

 26   Mme GOY : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous pouvez donc poursuivre comme vous

 28   l'avez souhaité.

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  1   M. BOUDREAULT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  2   Messieurs les Juges. Je vais traiter de la première question que l'on

  3   trouve dans l'addendum à l'ordonnance portant calendrier, et je traiterai

  4   rapidement aussi des arguments soulevés par Milosevic ce matin en rapport

  5   avec le premier motif de son propos en rappel pour montrer qu'il doit être

  6   rejeté.

  7   Première question que l'on trouve dans l'addendum à l'ordonnance portant

  8   calendrier, elle invite les parties à donner plus de détails au sujet des

  9   éléments constitutifs du crime de terreur. La position de l'Accusation

 10   consiste à dire qu'il y a trois éléments de cette nature. Premièrement, les

 11   actes de violence ou menaces d'actes de violence; deuxièmement, l'intention

 12   directe ou indirecte de commettre ces actes ou ces menaces de violence; et

 13   troisième, l'intention spécifique de semer la terreur parmi la population

 14   civile.

 15   Dans le cas qui nous intéresse, la Chambre de première instance a également

 16   exigé que soient démontrés les actes de violence ou les menaces d'actes de

 17   violence qui ont provoqué la mort ou des blessures graves, blessures

 18   physiques ou mentales au sein de la population civile. Ceci se trouve aux

 19   paragraphes 875, 876, et 880 du jugement.

 20   Nous déclarons que cette exigence supplémentaire est une erreur. Comme je

 21   le montrerai dans un moment, la Chambre d'appel n'a pas entériné cette

 22   exigence dans l'arrêt Galic. Avant d'en arriver aux détails, je tiens à

 23   souligner que l'erreur commise par la Chambre de première instance

 24   n'affecte en rien le résultat de ces considérations, car la Chambre de

 25   première instance a en fait conclu que l'attaque du RSK avait débouché sur

 26   la mort ainsi que des blessures mentales et physiques graves affligées aux

 27   civils. Cette conclusion était raisonnable, comme nous l'expliquons aux

 28   paragraphes 56 à 60 de notre mémoire en réplique.

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  1   Par ailleurs, le fait que des civils aient été tués ou blessés suite aux

  2   attaques du RSK ne fait que renforcer la conclusion de la Chambre de

  3   première instance selon laquelle ces attaques étaient dirigées contre la

  4   population civile de Sarajevo, et que l'intention spécifique qui a présidé

  5   à ces attaques consistait à semer la terreur parmi la population civile.

  6   J'en arrive maintenant à l'arrêt Galic. Au paragraphe 102 de cet arrêt, il

  7   nous est expliqué que les actes de violence ou les menaces de violence sont

  8   constitutifs de l'élément matériel du crime de terreur et qu'ils peuvent

  9   englober les attaques ou menaces d'attaques contre des civils, ainsi que

 10   des attaques indiscriminées ou disproportionnées ou menaces de telles

 11   attaques. Mais la Chambre d'appel ne conclut pas que les actes de violence

 12   ou menaces d'actes de violence ont l'obligation de déboucher sur la mort ou

 13   des blessures graves infligées aux civils, même si manifestement la

 14   question se pose, comme on peut le voir dans le paragraphe 102 de l'arrêt.

 15   Au paragraphe 100 de l'arrêt Galic, la Chambre de première instance

 16   remarque que l'élément matériel déterminé par la Chambre de première

 17   instance chargée de l'affaire Galic, pour conclure au crime de terreur, est

 18   décrit par les mots, je cite : "…actes de violence ayant provoqué la mort

 19   ou des blessures graves, physiques ou mentales au sein de la population

 20   civile." Toutefois, la Chambre d'appel n'entérine pas cette exigence. A la

 21   fin du paragraphe 100 de l'arrêt, la Chambre d'appel note très précisément

 22   que la Chambre de première instance chargée de l'affaire Galic n'a pas pris

 23   en compte le fait de savoir si l'élément matériel constitutif de l'acte de

 24   terreur pouvait se composer uniquement de violence, d'actes de violence ou

 25   de menaces d'actes de violence ou d'actes de violence à proprement parler

 26   qui n'auraient pas provoqué la mort ou les blessures.

 27   Au paragraphe 101 de l'arrêt Galic, il est expliqué que l'analyse des

 28   éléments constitutifs du crime de terreur doivent reposer sur la définition

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  1   de ce crime que l'on trouve au Protocole additionnel des conventions de

  2   Genève, à savoir, je cite :

  3   "…des actes de violence ou menaces d'actes de violence qui ont pour but

  4   principal de semer la terreur parmi la population civile."

  5   La Chambre d'appel définit l'élément matériel constitutif de l'acte de

  6   terreur au paragraphe 102 qui, comme je l'ai dit, ne fait aucune mention du

  7   résultat recherché. La Chambre d'appel a donc estimé qu'il n'était pas

  8   nécessaire de démontrer que les actes ou menaces de violence avaient

  9   débouché sur la mort ou des blessures graves infligées aux civils pour que

 10   le crime de terreur soit constitué. Ceci correspond au fait que la

 11   préoccupation primordiale dans ce crime, à savoir l'intention primordiale,

 12   doit être de semer la terreur. Aux paragraphes 102 et 104 de l'arrêt Galic,

 13   ceci est confirmé.

 14   Nos collègues ont parlé ce matin de la note en bas de page numéro 351 de

 15   l'arrêt Galic, mais cette note en bas de page ne dit rien de l'élément

 16   constitutif de l'acte de terreur. Cette note en bas de page se contente

 17   d'apporter une explication quant aux raisons pour lesquelles, dans le cas

 18   spécifique de M. Galic, il y a eu contestation des conclusions de la

 19   Chambre au sujet des chefs d'attaque illégales contre des civils. Cette

 20   interprétation de l'arrêt Galic est également partagée par la jurisprudence

 21   de la Cour spéciale de Sierra Leone. La Chambre d'appel et la Chambre de

 22   première instance de cette cour spéciale ont suivi l'arrêt Galic,

 23   s'agissant de déterminer l'élément matériel constitutif de l'acte de

 24   terreur. Aucune de ces Chambres n'a exigé qu'une preuve soit apportée que

 25   les actes ou menaces d'actes de violence constituant la terreur n'aient

 26   débouché sur la mort ou des blessures graves infligées aux civils. Je

 27   renvoie les Juges de cette Chambre en particulier à l'arrêt Fofana,

 28   paragraphes 350 à 352, ainsi qu'au jugement en première instance Sesay,

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  1   paragraphe 117 et note en bas de page 240.

  2   D'ailleurs, la Cour spéciale de Sierra Leone considère que les attaques

  3   contre des éléments civils pourraient constituer l'élément matériel

  4   suffisant à démontrer l'acte de terreur. La position de l'Accusation

  5   consiste donc à dire que condamner pour un acte de terreur n'exige pas que

  6   soit démontrée l'existence de victimes civiles, ce qui ne veut pas dire que

  7   tout acte de violence ou menace de violence peut constituer l'élément

  8   matériel constitutif de l'acte de terreur. Les actes ou menaces d'actes de

  9   violence en question doivent avoir la possibilité de provoquer une peur

 10   intense au sein de la population visée. Ceci correspond à la troisième

 11   exigence déterminée par la Chambre Tadic selon laquelle la violation prise

 12   en compte doit être grave. La Chambre d'appel de la Cour spéciale de Sierra

 13   Leone a également abouti à la même conclusion au paragraphe 352 de son

 14   arrêt Fofana.

 15   En l'espèce, la Chambre de première instance a donc commis une erreur en

 16   exigeant que la preuve de la mort ou des blessures graves soit apportée

 17   pour que soit constitué le crime de terreur. Comme je l'ai expliqué,

 18   toutefois, cette erreur n'affecte en rien le résultat, puisque la Chambre

 19   de première instance a conclu raisonnablement que les attaques du SRK

 20   avaient provoqué la mort et des blessures graves infligées aux civils.

 21   Ceci répond donc de ma part à la première question posée par la Chambre, et

 22   je suis à la disposition de celle-ci pour répondre à d'autres questions

 23   éventuelles sur le même point.

 24   Il n'y en a pas. Dans ces conditions, je vais prononcer quelques mots

 25   supplémentaires pour répondre aux arguments soumis par la Défense Milosevic

 26   ce matin au sujet du motif d'appel numéro 1. La Chambre de première

 27   instance est tout à fait bien informée des arguments développés par M.

 28   Milosevic quant au fait qu'il y avait dans la ville de Sarajevo des cibles

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  1   militaires, mais elle a conclu très raisonnablement que les attaques du

  2   RSK, discutées dans son jugement, étaient dirigées contre des civils. Les

  3   tentatives faites par M. Milosevic de dévoyer ces conclusions en arguant du

  4   fait que le SRK aurait pris pour cible une zone militaire sont ce qu'elles

  5   sont, mais le droit international humanitaire ne s'exprime pas en utilisant

  6   les termes "zone militaire". Ce que le droit en question stipule, c'est que

  7   des éléments civils, personnes et bâtiments, ne peuvent pas, ne doivent pas

  8   être pris pour cible directement de façon arbitraire ou de façon

  9   disproportionnée. C'est ce qui fonde le principe fondamental qui s'applique

 10   dans toutes les circonstances. Je renvoie également la Chambre à l'arrêt

 11   Blaskic paragraphe 109, à l'arrêt Kordic paragraphe 54, et à l'arrêt Galic

 12   paragraphe 130 à ce sujet.

 13   La présence d'objectifs militaires dans la zone ne change rien à ce qui

 14   vient d'être dit. C'est ce que confirme l'article 51(5)(a) du Protocole

 15   additionnel numéro 1 qui prohibe toute attaque "traitant en tant

 16   qu'objectif militaire unique un certain nombre d'objectifs militaires à

 17   l'évidence, séparés et distincts, à l'intérieur d'une cité, d'une ville,

 18   d'un village ou d'un autre secteur abritant une même concentration de

 19   personnes civiles ou de bâtiments civils."

 20   Donc pour en revenir à la question qui a été posée un peu plus tôt par M.

 21   le Juge Meron, je dirais qu'une population civile ne doit jamais devenir

 22   une cible militaire. Bien entendu, des civils peuvent être tués ou blessés

 23   et constituer donc des victimes collatérales ou des dommages proportionnés

 24   par rapport à une attaque militaire légitime, légal, mais ces civils ne

 25   doivent jamais être pris pour cible de façon directe ou aléatoire.

 26   Ici, la Chambre de première instance était bien au courant du fait que

 27   Sarajevo abritait des objectifs militaires et elle a pris en compte tous

 28   les arguments de Milosevic à cet égard. Elle a répondu aux allégations

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  1   selon lesquelles l'ABiH occupait les hauteurs entourant Sarajevo, elle a

  2   répondu aux allégations selon lesquelles l'ABiH avait orchestré des

  3   incidents en tirant sur ses propres civils, elle a également traité des

  4   arguments présentés selon lesquels la police bosniaque faisait partie des

  5   forces de l'ABiH, mais elle a, après avoir examiné tous ces éléments,

  6   conclu que lors d'un incident spécifique, des civils ou une population

  7   civile avait été prise pour cible directement ou de façon aléatoire par le

  8   RSK. Le statut civil ne peut pas simplement être considéré comme un dégât

  9   collatéral ou proportionnel résultant d'une attaque militaire légitime dans

 10   ce cas précis.

 11   Milosevic n'a pas traité des conclusions tout à fait précises de la Chambre

 12   de première instance fondées sur des éléments de preuve. Dans ses motifs

 13   d'appel numéro 1 et 6, il renvoie simplement les Juges à des éléments de

 14   preuve généraux selon lesquels il y avait des objectifs militaires à

 15   Sarajevo. Ceci est insuffisant pour démontrer que la Chambre de première

 16   instance a été déraisonnable en concluant que le RSK avait pris pour cible

 17   des civils lors des incidents spécifiques qui sont mentionnés dans le texte

 18   du jugement.

 19   Les motifs 1 et 6 doivent donc être rejetés.

 20   Voilà, c'est la conclusion de ce que j'ai à dire en réponse aux arguments

 21   développés par M. Milosevic dans son motif numéro 1. Et comme tout à

 22   l'heure, je suis à la disposition des Juges pour répondre à des questions

 23   sur ce motif d'appel ou les motifs 2 a 4, 6, et 12 développés par M.

 24   Milosevic.

 25   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il n'y a pas de question. Vous pouvez

 26   donc poursuivre, mais il reste 15 minutes. Donc, s'il vous faut d'avantage,

 27   il conviendrait peut-être de suspendre, car nous devrons suspendre

 28   inévitablement.

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  1   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  2   Juges, je propose que M. Costi traite de la question numéro 4, relative à

  3   l'incident survenu dans le marché aux puces de Bascarsija, et j'inviterai

  4   ensuite les Juges de la Chambre à suspendre, et si nous souhaitons aborder

  5   d'autres points, nous le ferons après la pause, après la suspension. Nous

  6   n'en aurons pas pour longtemps. Donc vous pouvez envisager éventuellement

  7   un raccourcissement de l'audience.

  8   M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. M. Costi peut

  9   maintenant aborder les points qu'il souhaite aborder.

 10   M. COSTI : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 11   Messieurs les Juges. Je vais maintenant parler du pilonnage du marché

 12   Bascarsija le 22 décembre 1994, et je diviserai mon exposé en deux parties.

 13   D'abord, je répondrai aux questions posées par les Juges de la Chambre, et

 14   en deuxième lieu, je répondrai brièvement aux arguments de l'appelant selon

 15   lesquels la Chambre de première instance aurait dû déterminer la charge de

 16   l'obus afin de déterminer au-delà de tout doute raisonnable quelle était

 17   l'origine du tir, à savoir qu'il se situait sur le mont Trebevic dans un

 18   territoire tenu par le RSK.

 19   Je commencerai par répondre à la question numéro 4 des Juges de la Chambre,

 20   je cite :

 21   "Discuter des éléments de preuve présents au dossier du procès, s'il y en

 22   a, qui appuient ou contredisent l'allégation selon laquelle les obus

 23   auraient pu partir du territoire contrôlé par l'ABiH dans la même

 24   direction."

 25   La réponse brève à cette question est la suivante : aucun élément de preuve

 26   n'existe qui étaye l'allégation selon laquelle les obus qui ont touché le

 27   marché de Bascarsija aurait pu trouver leur point de départ dans un

 28   territoire tenu par l'ABiH. Les éléments de preuve présents au dossier

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  1   contredisent positivement cette allégation. Ce qu'affirme la Défense, à

  2   savoir que l'ABiH était responsable des pilonnages et des tirs isolés de

  3   Sarajevo, a été discuté et rejeté par la Chambre de première instance.

  4   Cette allégation est donc très clairement rejetée par la Chambre de

  5   première instance. Pendant le procès, la Défense a interrogé plusieurs

  6   témoins quant à la possibilité que les troupes de l'ABiH aient tiré contre

  7   leur propre population afin de s'acquérir la sympathie de la communauté

  8   internationale. La Défense a même laissé entendre que certaines de ces

  9   attaques avaient été orchestrées.

 10   La Chambre de première instance, quant à elle, a examiné et rejeté

 11   ces allégations, et permettez-moi, si vous le voulez bien, Madame,

 12   Messieurs les Juges, de citer le texte du jugement paragraphe 795 :

 13   "Eu égard à l'allégation de la Défense selon laquelle l'ABiH aurait pilonné

 14   les Musulmans de Bosnie vivants à l'intérieur des lignes de confrontation,

 15   la Chambre de première instance remarque qu'elle n'a entendu aucun témoin

 16   disant cela. Au lieu de cela, la Chambre de première instance a entendu des

 17   témoins, plusieurs témoins en outre, y compris des responsables des Nations

 18   Unies, qui ont indiqué que l'ABiH n'avait pas pilonné sa propre population.

 19   La Chambre de première instance fait remarquer par ailleurs que les

 20   allégations relatives au fait que l'ABiH aurait orchestré des incidents à

 21   des fins de propagande ou pour s'acquérir la sympathie, n'ont pas été

 22   appuyés par des éléments de preuve démontrant l'existence de telles

 23   situations. La Chambre de première instance conclut que tout ce qu'on peut

 24   dire suite à l'audition des témoins, c'est qu'il existait des rumeurs

 25   provenant principalement du RSK, et alors dans ce sens."

 26   La Chambre de première instance a donc conclu qu'aucun élément de preuve

 27   présent au dossier n'étayait l'allégation selon laquelle l'ABiH aurait à

 28   quelque moment que ce soit tiré sur sa propre population à Sarajevo.

Page 114

  1   Alors, en accord avec cette conclusion, la Chambre de première instance a

  2   conclu raisonnablement que l'ABiH n'avait pas tiré sur son propre peuple au

  3   marché aux puces de Bascarsija le 22 décembre 1994. Pour se prononcer de

  4   cette façon, elle s'est appuyée sur des éléments de preuve bien précis,

  5   résultats d'enquêtes menées par la police de Bosnie-Herzégovine, ainsi que

  6   sur la déposition du Témoin W-12.

  7   Parlons d'abord des enquêtes menées par la police. La Chambre de première

  8   instance a entendu le témoignage de trois officiers de police ayant

  9   participé à cette enquête. Et la police, sous la direction d'un juge

 10   d'instruction, a produit un rapport d'enquête de 91 pages, qui constitue la

 11   pièce D124, et conclut que les obus n'avaient pas été tirés par l'ABiH,

 12   mais à partir du sud-est des positions de la RSK sur le mont Trebevic,

 13   pièce D124, pages 1 à 3.

 14   La conclusion très convaincante de la police repose sur deux éléments :

 15   D'abord, les témoignages de 15 témoins oculaires, dont quatre ont été très

 16   précis, en indiquant que les obus venaient du mont Trebevic, pièce D124,

 17   pages 6 ,7, 22, et 25. L'un de ces témoins qui se trouvait à 500 mètres

 18   environ de Vidikovac, témoignant au sujet de cet événement, a déclaré que

 19   les obus avaient été tirés depuis Vidikovac sur le mont Trebevic. Vidikovac

 20   c'est la partie la plus haute du mon Trebevic qui était tenu par le RSK. Le

 21   deuxième élément sur lequel la police s'est appuyée dans son analyse, c'est

 22   le cratère qui a été laissé par les obus, qui indique que la direction des

 23   obus était à un angle de 159 degrés au sud-est, ce qui correspond à un tir

 24   provenant du mont Trebevic. Encore une fois, je renvoie les Juges de la

 25   Chambre aux pièces D124, P310, P315 et P275, conservées sous pli scellé, et

 26   j'appelle l'attention des Juges sur la page 3 119 du compte rendu

 27   d'audience.

 28   Le résultat de cette analyse de la police a été confirmé par une enquête

Page 115

  1   indépendante des observateurs militaires des Nations Unies, que l'on trouve

  2   à la pièce D101, page 2, et à la pièce P833, page 6.

  3   Parlons maintenant de la déposition du Témoin W-12. W-12 faisait partie de

  4   l'ABiH, c'était un soldat musulman de Bosnie déployé au sud-est sur le

  5   front de Sarajevo. Lorsque les obus ont été tirés, il était sur les pentes

  6   du mont Trebevic dans le secteur de Brajkovac, non loin de la ligne de

  7   confrontation. Il marchait en compagnie de cinq autres personnes vers les

  8   positions tenues par l'ABiH. Sur sa droite, en contrebas dans la vallée, se

  9   trouvait Bascarsija, le marché aux puces qui était dans la vieille ville de

 10   Sarajevo. Sur sa gauche, en amont, se trouvait Vidikovac sur la partie

 11   supérieure du mont Trebevic. Il a entendu l'explosion de l'obus au moment

 12   où celui-ci a été tiré. Pour l'essentiel, il déclare que l'obus était tiré

 13   depuis Vidikovac et qu'il est sûr que cet obus n'a pas été tiré par l'ABiH

 14   car les positions les plus élevées que tenaient l'ABiH étaient inférieures

 15   à la source du bruit entendu par lui. Ceci figure aux pages 3 039, 3 047 du

 16   compte rendu d'audience, et à la pièce P308. Je renvoie également les Juges

 17   aux pièces P306 et 307, toutes les deux conservées sous pli scellé.

 18   Cet homme a ensuite entendu l'obus atterrir à Bascarsija. Bascarsija, c'est

 19   un secteur qu'il connaissait très bien, car il vivait non loin de là, dans

 20   le quartier de Bistrik. Il a expliqué qu'étant donné la position où il se

 21   trouvait ce matin-là, il pouvait entendre ce qui se passait en contrebas à

 22   Bascarsija. Je renvoie les Juges à la pièce P306 et à la pièce P307, toutes

 23   deux sous pli scellé, ainsi qu'aux pages 3 038, 3 039, 3 041, 3 048 et 3

 24   071 du compte rendu d'audience.

 25   Alors, l'appelant a contre-interrogé le Témoin W-12 pour contester sa

 26   crédibilité, et je renvoie les Juges aux pages 3 061, 3 068, 3 076 et 3 078

 27   du compte rendu d'audience, ainsi qu'à la page 234 de son mémoire en appel,

 28   où il répète ce qu'il a dit au procès. Mais la Chambre de première instance

Page 116

  1   a entendu et observé W-12 et considéré qu'il s'agissait d'un témoin fiable,

  2   pas seulement par rapport à cet incident mais aussi par rapport à d'autres

  3   questions.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Costi, pourriez-vous ralentir.

  5   M. COSTI : [interprétation] Toutes mes excuses.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Les interprètes doivent pouvoir vous

  7   suivre.

  8   M. COSTI : [interprétation] Mes excuses aux interprètes.

  9   Je disais que l'appelant a eu la possibilité de contre-interroger W-12 et

 10   que dans son mémoire en appel, il reprend pour l'essentiel les arguments

 11   déjà développés devant la Chambre de première instance, où il conteste

 12   cette déposition. La Chambre de première instance a entendu et observé W-12

 13   physiquement présent devant elle et considéré que c'était un témoin fiable.

 14   En appréciant sa crédibilité, la Chambre de première instance a eu la

 15   possibilité d'observer où se trouvaient Bascarsija, le mont Trebevic et

 16   Vidikovac les uns par rapport aux autres.

 17   Ce travail d'audition, d'appréciation et d'évaluation de la crédibilité du

 18   témoin appartient aux Juges de la Chambre de première instance. L'appelant

 19   n'a pas réussi à démontrer l'existence d'une erreur de la part de cette

 20   Chambre dans sa façon dont elle a apprécié les éléments de preuve et le

 21   témoignage de ces témoins.

 22   Madame, Messieurs les Juges, Monsieur le Président, comme la Chambre de

 23   première instance l'a constaté, il n'existe aucun élément de preuve

 24   permettant de penser que l'ABiH ait retourné ses armes, à quelque moment

 25   que ce soit, contre sa propre population. Les éléments de preuve présents

 26   au dossier contredisent cette allégation et appuient la conclusion de la

 27   Chambre de première instance selon laquelle ce n'est pas l'ABiH qui a tiré

 28   les obus qui ont frappé le marché de Bascarsija, mais le RSK sous le

Page 117

  1   commandement de Dragomir Milosevic. Monsieur le Président, Madame,

  2   Messieurs les Juges, si vous avez des questions sur ce point, je suis à

  3   votre disposition.

  4   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il n'y a pas de questions, à moins que

  5   --

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais poser

  7   une question à laquelle l'Accusation pourrait répondre après le déjeuner.

  8   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous en prie.

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais que nous revenions un

 10   instant sur cet argument de l'Accusation -- ou en tout cas sur

 11   l'affirmation de l'Accusation selon laquelle les actes de violence ou

 12   menaces de violence ne doivent pas obligatoirement être associés à des

 13   décès ou à des blessures graves infligées aux civils pour que soit

 14   constitué le crime de terreur. Je vous serais reconnaissant si, après le

 15   déjeuner, vous pouviez peut-être nous expliquer comment cette affirmation

 16   peut être conciliée avec l'arrêt Galic. Et, question subsidiaire, si le

 17   décès ou des blessures graves ne sont pas une condition obligatoire, est-ce

 18   que les dégâts psychologiques ou les traumatismes pourraient l'être ?

 19   J'aimerais que vous réfléchissiez sur ce point.

 20   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Absolument, Monsieur le Juge Liu.

 21   M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, j'ai également une question qui est

 22   en rapport avec le paragraphe 999 du jugement, où le poste important occupé

 23   par l'accusé au sein du commandement est considéré comme une circonstance

 24   aggravante, et le fait qu'il ait planifié et ordonné les actes pris en

 25   compte est considéré comme une violation systématique du droit

 26   international humanitaire. Je crois savoir que cet élément lié aux ordres

 27   rend obligatoire que quelqu'un occupant un poste d'autorité ait exigé d'une

 28   autre personne qu'elle commette un crime. Est-ce que vous pensez que la

Page 118

  1   Chambre de première instance n'a pas pris en compte ce facteur deux fois

  2   lorsqu'elle l'a considéré comme une circonstance aggravante ? Bien entendu,

  3   vous avez répondu par la négative, mais j'aimerais vous entendre développer

  4   quelques détails complémentaires sur ce point. Vous pouvez répondre à cette

  5   question après le déjeuner. Je vous remercie.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Ceci met un terme à l'audience de ce

  7   matin. Nous reprendrons nos débats comme prévu à 14 heures 15, ou peut-être

  8   14 heures 30. A 14 heures 30.

  9   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 59.

 10   --- L'audience est reprise à 14 heures 31.

 11   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons notre audience. A la fin

 12   de la matinée, certaines questions avaient été posées par les Juges de la

 13   Chambre au Procureur, et le Procureur a indiqué qu'il pouvait répondre aux

 14   questions maintenant. Mais avant de passer à cela, puis-je ajouter une

 15   question supplémentaire aux questions déjà posées par M. le Juge Meron sur

 16   le crime de terrorisation. Si je ne me trompe pas, l'Accusation a cité un

 17   peu plus tôt les éléments constitutifs de l'actus reus, l'élément matériel

 18   du crime de terrorisation, arguant du fait que pour répondre à la troisième

 19   condition dans Tadic, les menaces effectives de violence doivent être

 20   telles qu'ils sont, du moins, en mesure de répandre la terreur.

 21   L'Accusation a fait remarquer que dans Galic, la terrorisation doit être

 22   comprise comme quelque chose qui cause une peur extrême.

 23   Compte tenu de ces arguments, est-ce que l'Accusation fait valoir que la

 24   terrorisation effective de la population civile est une des exigences

 25   requises pour le crime de terreur, qui est quelque chose qui n'a pas été

 26   reconnu dans l'affaire Galic ? Si tel n'est pas le cas, je souhaite que

 27   l'Accusation développe cela, à savoir un acte qui est capable de répandre

 28   la terreur mais qui ne le fait pas en tant que tel répond au troisième

Page 119

  1   critère dans le cadre de l'affaire Tadic, à savoir les conséquences au

  2   niveau des victimes. Donc, en répondant, veuillez tenir compte de cette

  3   question-ci également, s'il vous plaît.

  4   Vous avez la parole.

  5   M. COSTI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Messieurs

  6   les Juges. Nous suggérons de poursuivre de la sorte. Je veux tout d'abord

  7   brièvement terminer mon argument eu égard au huitième motif d'appel de la

  8   Défense, et ensuite mon collègue, M. François Boudreault, va aborder les

  9   questions de M. le Juge Meron ainsi que du Président de la Chambre, et pour

 10   finir, ma collègue, Barbara Goy, va répondre aux questions de M. le Juge

 11   Liu.

 12   Donc, nous allons brièvement répondre au huitième motif d'appel de

 13   l'appelant. L'appelant avance que la Chambre de première instance devait

 14   déterminer les charges des obus pour décréter au-delà de tout doute

 15   raisonnable que le feu provenait de territoires tenus par la RSK. Il est

 16   vrai que de la même direction, au pied du mont Trebevic, en dessous des

 17   positions offensives de la RSK, il y avait des lignes de défense de l'ABiH.

 18   Il est également vrai que la Chambre n'a rendu aucune conclusion sur le

 19   calibre ou les charges des obus. Néanmoins, la Chambre de première instance

 20   était en mesure et pouvait conclure, sur la base de l'ensemble des éléments

 21   de preuve, que les obus provenaient et avaient été tirés depuis le

 22   territoire détenu par la RSK.

 23   Donc, je vais être clair sur ce point. Le résultat d'une analyse technique,

 24   la détermination de calibre ou des charges de ces obus ne sont pas

 25   indispensables pour déclarer coupable au-delà de tout doute raisonnable. Il

 26   s'agit simplement d'indices utiles qui peuvent être pris en compte ainsi

 27   qu'avec les autres éléments de preuve pour déterminer qui a tiré les obus.

 28   Ce qu'il fallait prouver au-delà de tout doute raisonnable sur la base de

Page 120

  1   tous les éléments de preuve, c'est que les obus ont été tirés par la RSK,

  2   et cela est précisément ce qu'a fait la Chambre de première instance et

  3   constaté sur la base des rapports de police, des enquêtes des observateurs

  4   des Nations Unies et des témoins oculaires et de leurs témoignages.

  5   L'appelant n'a pas pu démontrer qu'aucun Juge de faits raisonnables aurait

  6   pu conclure que les obus qui ont touché le marché aux puces de Bascarsija

  7   avaient été tirés par la RSK le 22 décembre 1994.

  8   Avant de conclure, Madame, Messieurs les Juges, je souhaite aborder un

  9   dernier point. Ce matin, l'appelant a énuméré une série de pièces qui,

 10   d'après lui, montrent que l'ABiH a tiré sur son propre peuple à Sarajevo.

 11   Ceci est contraire aux constatations de la Chambre au paragraphe 795. Nous

 12   avons examiné ces pièces pendant la pause, et nous avançons qu'aucune de

 13   ces pièces ne démontre que les troupes de l'ABiH tiraient sur leur propre

 14   peuple à l'intérieur de la ligne de confrontation. Exemple à l'appui, le

 15   D148, qui dit ceci, c'est une lettre qui émane du commandement de l'ABiH et

 16   dit ceci :

 17   "Le 14 octobre 1994, un de nos soldats tentait de s'échapper du côté de

 18   Grbavica pour aller dans l'autre camp. Un soldat a tiré et l'a sans doute

 19   blessé."Le 14 février [comme interprété] 1994. 

 20   Je ne vais pas aborder les autres exemples, mais le fait est que, le

 21   premier, tous les éléments ont été présentés aux Juges de la Chambre et

 22   figurent dans le jugement. Aucune pièce n'étaye le fait que l'ABiH a tiré

 23   sur son propre peuple à l'intérieur de la ligne de confrontation. Et

 24   troisièmement, ce qui est encore plus important, rien n'évoque le pilonnage

 25   de Bascarsija et du marché aux puces.

 26   Ceci met un terme à mon argument. Je n'ai pas d'autres questions. Si

 27   vous souhaitez poser des questions, je suis là pour y répondre.

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Boudreault, vous avez la

Page 121

  1   parole.

  2   M. BOUDREAULT : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je

  3   vais répondre à la question de M. le Juge Meron, et ensuite je répondrai à

  4   la question de M. le Juge Pocar.

  5   Monsieur le Président, notre position est celle-ci : l'arrêt Galic ne pose

  6   pas comme exigence un résultat. La terrorisation ne signifie pas qu'il faut

  7   démontrer des victimes civiles ou des dégâts psychologiques ou des

  8   traumatismes. Si vous me permettez de citer le jugement, l'arrêt Galic, à

  9   commencer par le paragraphe 100…

 10   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 11   M. BOUDREAULT : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, allumer vos

 12   écrans. Au paragraphe 100 -- est-ce que cela fonctionne ?

 13   Puis-je vous demander de vous reporter au paragraphe 100 de l'arrêt Galic,

 14   s'il vous plaît. La Chambre de première instance a tout d'abord souligné et

 15   défini les éléments constitutifs du crime de terrorisation tels qu'édictés

 16   dans l'arrêt Galic, le premier étant :

 17   "…les actes de violence dirigés contre la population civile ou des

 18   civils individuellement qui ne prennent pas part aux hostilités causant

 19   ainsi la mort ou des blessures graves ou constituant des atteintes à

 20   l'intégrité physique de la population civile."

 21   Au bas du paragraphe 100 de l'arrêt, la Chambre d'appel a indiqué et

 22   expliqué qu'elle ne tenait pas compte de la question de savoir si le crime

 23   de terrorisation au niveau de la population civile pouvait consister

 24   seulement en des menaces de violence, actes de violence qui ne provoquaient

 25   pas la mort ou des blessures.

 26   La Chambre d'appel l'explique au paragraphe 101 que l'analyse des

 27   éléments constitutifs dudit crime doivent se fonder sur la définition qui

 28   est fournie par les Protocoles additionnels.

Page 122

  1   Au paragraphe 102, la Chambre d'appel explique que les actes ou menaces de

  2   violence qui constituent l'actus reus du crime de terrorisation peuvent

  3   comprendre des attaques ou des menaces d'attaques contre la population

  4   civile, mais peuvent également inclure des attaques indiscriminées et

  5   disproportionnées contre cette même population civile.

  6   La Chambre d'appel explique ensuite, au milieu du paragraphe à la page 50,

  7   que la principale préoccupation au niveau du crime de terrorisation c'est

  8   l'intention spécifique de répandre la terreur parmi la population civile.

  9   Vers la fin du paragraphe, la Chambre d'appel explique qu'il y a une

 10   différence entre la terrorisation à l'extérieur d'une attaque militaire et

 11   les crimes de guerre de terreur qui l'intéresse. Ceci explique que le crime

 12   de terrorisation a trait à des traumatismes profonds et des troubles

 13   psychologiques graves qui sont provoqués par des attaques dont le but était

 14   de maintenir la population dans un état de peur constant. Des traumatismes

 15   aussi profonds et de tels troubles psychologiques font parties des actes ou

 16   des menaces de violence.

 17   Nous avançons que cet extrait décrit simplement le type de tort que

 18   l'on veut éviter et qui s'inscrit dans l'interdiction de semer la terreur.

 19   En d'autres termes, ceci doit être l'intention de l'auteur qui répand la

 20   terreur. Nous avançons que dans l'affaire Galic, la chambre d’appel n’a pas

 21   cherché à imposer un critère pour que soient prouvés le traumatisme profond

 22   et les troubles psychologiques. Un tel critère serait difficile à

 23   concilier avec les débats qui s'en sont suivis et qui sont contenus aux

 24   paragraphes 103 à 104. Autrement dit, la terrorisation de la population

 25   civile ne constitue pas un élément constitutif du crime de terrorisation.

 26   Madame, Messieurs les Juges, nous avançons qu'un traumatisme profond et des

 27   troubles psychologiques sont synonymes de terrorisation dans ce contexte-

 28   là. S'il faut la preuve d'un traumatisme profond et de troubles

Page 123

  1   psychologiques, cela signifierait qu'il faudrait la preuve même de la

  2 terrorisation. Ceci a été rejeté aux paragraphes 103 et 104 de l'arrêt Galic.

  3   Je vais maintenant passer à la question de M. le Juge Pocar. Comme je viens

  4   de l'indiquer, nous ne contestons pas le fait que la terrorisation ne

  5   constitue pas un élément qu'il faut établir. Néanmoins, nous estimons que

  6   les actes ou les menaces de violence qui sont à même de causer une

  7   terrorisation au sein d'une population répondent au troisième critère

  8   édicté dans la décision Tadic, à savoir cela a des conséquences graves pour

  9   les victimes. En particulier, étant donné que la population civile est mise

 10   en danger par ces actes ou ces menaces de violence et comme cette

 11   population civile est privée de son sentiment de sécurité. Certaines des

 12   menaces plus concrètes ou conséquences plus tangibles pour les victimes qui

 13   s'en suivraient, à savoir les attaques ou menaces d'attaques, pourront

 14   avoir un effet profond sur la façon dont les civils mèneront leur vie par

 15   la suite. Pour vous donner un exemple, les civils ont dû vivre sous terre

 16   pour éviter les foules et ne pouvaient sortir que la nuit et devaient donc

 17   abandonner certaines de leurs activités. En bref, toute leur vie a été

 18   touchée par ces actes et ces menaces de violence.

 19   Les actes et les menaces de violence forcent quelquefois les civils à

 20   partir et à quitter certains quartiers. Il s'agit certainement de

 21   conséquences graves pour les victimes.

 22   Monsieur le Juge, ceci met un terme à mon argument. A moins que vous n'ayez

 23   des questions, je vais passer la parole à Mme Goy.

 24   Mme GOY : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je vais

 25   conclure les arguments de l'Accusation en répondant à la question posée par

 26   M. le Juge Liu avant la pause concernant les facteurs aggravants qui sont

 27   cités au paragraphe 999 du jugement de première instance. Dans le

 28   paragraphe 999, la Chambre de première instance n'a pas compté deux fois un

Page 124

  1   élément du mode de responsabilité, à savoir le fait de donner des ordres et

  2   l'abus de la position d'autorité. Plutôt, la Chambre de première instance a

  3   tenu compte de l'abus de Milosevic de la fonction très élevée qu'il

  4   occupait en tant que commandant du corps à travers la violation

  5   systématique du droit international humanitaire.

  6   Sa position ou sa fonction d'autorité est inhérente au mode de

  7   responsabilité de donner des ordres et, par conséquent, ne peut pas être

  8   utilisé comme un facteur aggravant. Mais dans ce cas-ci, il ne s'agit pas

  9   simplement de l'abus d'autorité, par le fait que même qu'il donnait des

 10   ordres, mais l'abus d'une fonction très élevée qu'il occupait. La dernière

 11   phrase du paragraphe 999, où on peut lire "il a abusé de sa fonction", ceci

 12   doit être lu dans le contexte du paragraphe entier, où la Chambre de

 13   première instance a estimé que "Milosevic occupait l'un des postes les plus

 14   élevés au sein de la VRS. Il avait une responsabilité spéciale et devait

 15   justement répondre à tous les critères du droit international humanitaire."

 16   Et dans Galic, ceci a été reconnu comme étant un facteur aggravant. Au

 17   paragraphe 412 de l'arrêt Galic, la Chambre d'appel a accepté comme facteur

 18   aggravant la violation répétée du rôle public qui était celui de Galic dans

 19   une position très élevée, et Galic s'est retrouvé dans la même situation

 20   que Milosevic. Il était commandant de corps de la RSK, et a également été

 21   condamné pour avoir ordonné la terrorisation par une campagne de tir isolé

 22   et de pilonnage. La Chambre de première instance n'a pas tenu compte de

 23   l'autorité qui consistait à donner des ordres et l'abus d'autorité en tant

 24   que tel, mais l'abus d'une fonction très élevée de l'autorité de façon très

 25   flagrante et systématique.

 26   J'en ai terminé avec ma réponse à votre question, à moins que vous n'ayez

 27   d'autres questions, ceci conclut également la réponse de l'Accusation.

 28   Merci.

Page 125

  1   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je suppose que l'Accusation a terminé

  2   sa réponse.

  3   Je vais maintenant me tourner vers l'équipe de la Défense pour la réponse.

  4   Vous avez la parole.

  5   Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président, Madame le Juge, et Messieurs

  6   les Juges.

  7   Je vais répondre rapidement à des questions auxquelles j'ai déjà

  8   répondu. Aux dires du Procureur, tout d'abord, je vais commencer par la

  9   question concernant l'utilisation des mêmes circonstances, c'est-à-dire des

 10   éléments constitutifs de l'incrimination en tant que circonstances

 11   aggravantes. De notre point de vue, c'est très clair, et nous, on parle

 12   uniquement des erreurs de droit commises dans les paragraphes 999 et 1 001,

 13   et la réponse, peut-être elle était donnée à votre question, mais il y a

 14   vraiment des points où on ne diffère pas trop. Donc, la question,

 15   uniquement pour la Défense, était juridiquement est-ce que c'est possible

 16   ou pas d'utiliser les mêmes circonstances sine qua non l'incrimination pour

 17   après aggraver la peine à infliger en principe à un condamné ?

 18   Aussi, on parle de l'abus des prérogatives d'un commandant. Mais justement,

 19   notre théorie c'était que notre client est innocent, mais théoriquement, si

 20   on prenait cet abus, est-ce qu'on peut imaginer un seul instant un

 21   commandant qui commet les crimes de guerre sans abuser de cette prérogative

 22   ? On se trouve vraiment dans une situation qui est logiquement assez

 23   difficilement concevable.

 24   Concernant la question numéro 4 et l'incident qui s'est passé au marché de

 25   puces à Sarajevo, le Procureur a relaté ce qui est dans le jugement. On

 26   comprend très bien qu'il est absolument d'accord là-dessus, mais on a

 27   élaboré justement ce cas dans les paragraphes 239 à 261 de notre appel, et

 28   vraiment, on a pris cet incident comme un cas isolé pour justement

Page 126

  1   démontrer qu'il n'est pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que la

  2   seule possibilité, dans ces circonstances, était de conclure que le tir

  3   provenait des positions tenues par Sarajevo Romanija Corps et qui était

  4   justement le standard qui est application devant votre Tribunal.

  5   On a, en détail, expliqué tout cela dans notre appel, surtout dans le

  6   paragraphe 251. Justement, le Procureur nous a dit tout à l'heure que le

  7   Procureur n'était pas obligé de démontrer que tous les indices, la charge,

  8   la distance et tous les éléments. Mais justement il faut prouver ces

  9   indices, parce que d'après aussi votre jurisprudence Ntagerura,

 10   malheureusement le Procureur a une obligation très lourde de prouver au-

 11   delà de tout doute raisonnable tous les indices importants pour déterminer

 12   la culpabilité d'un accusé. Ce n'était pas le cas, parce que je vous

 13   rappelle qu'il était question de déterminer la charge d'un projectile. La

 14   direction ne suffit pas quand on a, dans la même direction, les positions

 15   des deux camps belligérants. Donc là il faut prouver encore un indice,

 16   c'est-à-dire la charge du projectile, et c'est conformément à votre

 17   jurisprudence dans Galic, c'est très bien expliqué, et on a dû prouver tout

 18   cela.

 19   Je ne m'attaque pas sur le témoignage de V-12 sur la base duquel tout

 20   est posé, parce qu'il y a des doutes vraiment sérieux et on parle de cela

 21   dans notre appel pour ces témoignages.

 22   A la fin, mais pas comme le moins important, la question des éléments

 23   constitutifs du crime de terreur. En écoutant le Procureur et après les

 24   questions, j'ai un petit peu peur d'un revirement dans la jurisprudence

 25   Galic. J'espère que cela ne va pas se produire, parce qu'on repose la

 26   question de votre compétence pour juger le crime de terreur. A aucun

 27   moment, ce n'était pas la théorie de la Défense, et justement, si je ne

 28   m'abuse, la jurisprudence Tadic a été conçue pour démontrer que dans le

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  1   cadre de l'article 3 de votre Statut, on peut juger certains crimes qui

  2   n'étaient pas énumérés expressément. Là on est tout à fait d'accord que le

  3   crime de terreur, tel qu'il était décrit dans les protocoles et aussi dans

  4   votre jurisprudence, rentre dans la compétence de votre Tribunal.

  5   Maintenant reparler de la gravité de ces crimes me semble un petit peu tiré

  6   par les cheveux, mais on verra ce qui va se produire après votre

  7   délibération.

  8   Justement, on nous ressort maintenant l'arrêt Galic, on oublie de

  9   toute façon de dire que -- et je faisais tout à l'heure référence à cette

 10   note de bas de page, mais qui est pour moi parfaitement dans les cordes de

 11   ce jugement, et on peut poser une question de logique juridique. Pourquoi

 12   est-ce qu'on ne peut pas permettre alors le cumul entre eux des attaques

 13   contre les civils et le crime de terreur si on peut accepter ce qu'on nous

 14   dit aujourd'hui de la part du Procureur, c'est-à-dire on a un actus reus

 15   qui est tout à fait identique entre les deux, on a mens rea dans le crime

 16   des attaques contre les civils, plus l'intention spécifique de répandre la

 17   terreur.

 18   Le Procureur nous a dit dans son mémoire en réponse que le fait que

 19   la terreur effectivement est répandue ne fait pas partie de l'actus reus,

 20   donc je ne peux pas regarder cela. Mais justement aujourd'hui, il s'est

 21   repris quand même dans ses dires, parce que la terreur infligée, c'est-à-

 22   dire répandue véritablement, n'est pas un élément constitutif du crime.

 23   Donc en dehors de cela, et on a expliqué ça dans notre mémoire d'appel,

 24   parce que l'intention doit être prouvée par des tests qui sont, dans votre

 25   juridiction Galic, pas par la peur ou la terreur qui est effectivement

 26   répandue parmi des civils pris individuellement. Justement, on a expliqué

 27   cela.

 28   On peut imaginer qu'un commandant conçoit les attaques contre les

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  1   civils, qui ont le but primaire de répandre la terreur, mais que personne

  2   n'a peur. Est-ce qu'il doit répondre pour ce crime ? Pour moi, oui. Aussi

  3   on peut imaginer la population civile qui est apeurée par la guerre qui est

  4   autour d'elle. C'est tout à fait normal. Mais il n'en reste pas moins qu'il

  5   faut prouver, à l'aide d'autres indices, que ces attaques ont eu pour but

  6   primaire de répandre cette terreur qui est éprouvée et ressentie par la

  7   population civile.

  8   C'est justement ces questions qui me paraissent très importantes à

  9   résoudre, et j'espère que vous allez suivre votre jurisprudence expliquée

 10   dans Galic. Merci.

 11   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

 12   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bon après-midi, Madame et Messieurs les

 13   Juges. Il nous reste un peu de temps. Compte tenu de ce que nous a dit

 14   l'Accusation, permettez-moi de vous fournir un complément d'explication.

 15   L'Accusation a répété ici ce qu'elle n'a eu de cesse d'affirmer, ce qui est

 16   contraire aux éléments de preuve que nous avons présentés. En réponse à

 17   notre appel, on nous a dit qu'il n'y avait pas de preuve montrant que

 18   l'ABiH, et laissons de côté la façon dont l'Accusation interprète des faits

 19   pourtant incontestables, à savoir que l'ABiH a tiré de ses positions sur sa

 20   propre population, sur ses soldats, sur la FORPRONU, mais il n'en demeure

 21   pas moins que le jugement lui-même a fourni quelques exemples.

 22   Nous en donnons d'autres dans notre mémoire en appel. Ces exemples

 23   montrent les actions de l'artillerie qui, quelquefois, compromettaient même

 24   la vie de sa propre population. Mais vous avez entendu l'Accusation qui

 25   vous a dit que pendant 20 jours, il y a eu des tirs intenses et incessants

 26   d'artillerie de la part de l'ABiH entre le 15 juin et le 4 juillet 1995.

 27   L'Accusation nous a dit que les civils ne pouvaient sortir que la nuit.

 28   Compte tenu de l'intensité des tirs d'artillerie tout autour des maisons

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  1   pendant 20 jours, comment les gens auraient-ils pu quitter leurs domiciles

  2   ou même y songer ? Mais je vous ai montré le cas évoqué par la Chambre au

  3   paragraphe 433. Ceci a été établi par la Chambre de première instance. Je

  4   m'explique. Plusieurs personnes au cours d'un incident décrit dans ce

  5   paragraphe, c'étaient des victimes de l'ABiH.

  6   Je ne vais pas maintenant revenir sur le paragraphe 437, mais je vous

  7   ai relaté l'incident du 18 juin 1995 à l'école Simon Bolivar. De la façon

  8   dont la Défense comprend les choses, ce fut un cas de manipulation

  9   flagrante, car l'Accusation le reconnaît, Milosevic a été acquitté de cet

 10   incident, mais on n'a pas trouvé le moindre éclat en ces lieux.

 11   Ne vous méprenez pas sur mes propos. Je dois vous dire que, je vous le

 12   rappelle, je trouve insupportable la souffrance de qui que ce soit. Mais on

 13   peut dire qu'on a manipulé les événements. Il y a des corps qui ont été

 14   blessés, qu'on a déplacés dans d'autres endroits. Nous avons consacré

 15   beaucoup de notre temps d'audience pendant le procès à le prouver, mais je

 16   n'en ai pas beaucoup parlé aujourd'hui.

 17   Comment se peut-il qu'un endroit vous donne neuf personnes tuées et

 18   qu'on ne trouve pas le moindre obus ? Ce n'est pas possible. Vous allez

 19   examiner la question, question que nous avons sans cesse affirmé. Comment

 20   se peut-il que là où a eu lieu l'incident, on n'a pas pris une seule

 21   photographie des corps des personnes tuées à cet endroit ? Par ailleurs, je

 22   n'ai pas pu m'attarder sur la question de la tour de télévision et de

 23   l'attaque qui a été menée. La question demeure pourtant, et vous devrez

 24   l'examiner, s'agissant de cet incident-là. Beaucoup de pièces ont montré

 25   que ce jour-là, le jour de ces événements, la tour a été touchée par une

 26   bombe aérienne de l'ABiH. Nous avons pour preuve un rapport de la FORPRONU.

 27   Bien sûr, on peut toujours contester ces choses, mais tous les témoins

 28   oculaires, ce jour-là, ont maintenu leurs dires. Dans le pire scénario, ce

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  1   n'aurait pas pu être la seule option possible que ce soient des positions

  2   de la VRS qui aient tiré.

  3   En ce qui concerne les bombes aériennes, il est affirmé qu'elles

  4   venaient des positions tenues par la VRS. Mais ici, c'est incontestable. On

  5   voit que quelque chose s'est passé, comme je vous l'ai expliqué. Mais à

  6   notre avis, l'interprétation donnée par la Chambre n'était pas conforme.

  7   Je ne veux pas maintenant aborder l'incident de Markale, mais vous

  8   allez revenir sur ce chef d'accusation lorsque vous allez étudier la

  9   question de l'obus à Bascarsija, vous le verrez aussi pour Markale. Il

 10   fallait prouver cela. Dans le procès Galic, il a été établi que ceci

 11   s'était passé le 5 février 1994. Ici, en l'occurrence, à ce jour encore, on

 12   n'a pas déterminé de façon précise les circonstances. L'azimut a été établi

 13   pour ce qui est, mais on l'a fait en observant le bâtiment qui a été

 14   survolé par l'obus. Ceci concerne l'incident de Bascarsija pour lequel vous

 15   aviez des questions. Mais c'est vrai aussi, ce raisonnement, pour

 16   l'incident de Markale.

 17   Ce dernier incident n'est pas un incident à mentionner ici dans notre

 18   réponse.

 19   L'Accusation nous dit que la Chambre de première instance a examiné

 20   des éléments pertinents s'agissant des cibles militaires à Sarajevo

 21   contrôlées par l'ABiH. Ce n'est pas exact. Je l'ai déjà dit souvent.

 22   Effectivement, à certains endroits, la Chambre de première instance a fait

 23   référence à ce dont j'ai parlé, mais au moment de soupeser cette question

 24   essentielle qui a été de savoir si Dragomir Milosevic encourait cette

 25   responsabilité, la Chambre n'a pas examiné.

 26   Revenons à cette question des cibles militaires. Je peux vous montrer que

 27   c'étaient des cibles militaires. Je peux le faire, car je peux utiliser le

 28   temps qui m'est donné pour vous l'indiquer. Veuillez examiner le document,

Page 132

  1   et ce n'est qu'un exemple, le document 189. Oui, c'est le bon numéro, D189.

  2   La 12e Division, nous dit ce document, et la consommation quotidienne de

  3   munitions pour ce jour-là, le 16 mai - bien avant le début de l'offensive -

  4   vous voyez le nombre d'armes utilisées. Vous allez voir aussi que ce jour-

  5   là, quelque 25 000 balles ont été tirées. Vous voyez, pour des mortiers de

  6   120 millimètres, ils ont utilisé 76 obus, alors qu'on affirme que pour

  7   l'incident de Markale, il a provoqué plus de 100 blessés ou tués alors

  8   qu'un seul obus a été tiré. Or ici 466 obus de mortiers ont été tirés ce

  9   jour-là; 379 obus de 60 millimètres, puis on donne d'autres types d'armes

 10   utilisées. Et si on dit que Sedrenik était une zone civile, nous avons

 11   réussi à prouver -- j'essaie de trouver le bon document. Nous parlons ici

 12   de la 105e Brigade, pas division, 105e Brigade.

 13   Paragraphe 901 du jugement, il est dit ceci : La Défense n'a rien présenté

 14   qui serait de nature à prouver que Sedrenik était une zone militaire. Vous

 15   avez le rapport du 19 juin, le document D437. Il vous indique le nombre de

 16   projectiles utilisés ce jour-là. Quelque part, il est dit que les actions

 17   se sont limitées à des tirs constants et que ceci avait été aidé par des

 18   tirs de 120 millimètres du HVO, en parlant de forces croates à Sarajevo, à

 19   Marin Dvor, dans le centre-ville, ce que nous avons déjà évoqué, et ainsi

 20   de suite. Puis s'agissant de Stup, document D505, qui concerne la même

 21   journée, il y a des tirs, mais uniquement à l'arme lourde. Examinons un

 22   dernier élément du document.

 23   Ce document donne le nombre de balles tirées ce jour-là. C'est la seule

 24   partie qui a été traduite. La journée est celle du 20 juillet. Nous avons

 25   près de 130 000 balles qui sont tirées, zone civile dit-on, c'est ce que

 26   dit du moins l'Accusation. Il y a des obus de mortiers qui sont tirés --

 27   440 de 60 millimètres et s'agissant du calibre 72 millimètres, 1 000 obus

 28   de mortiers de ce calibre ont été tirés.

Page 133

  1   Je ne vous ai pas donné le numéro du document, le voici, D236.

  2   Si en dépit de tout cela, l'Accusation continue d'affirmer que la

  3   Chambre de première instance a bien soupesé ces documents au moment de

  4   décider si c'était une zone civile, or nous avons dit que c'était la

  5   première condition qu'il fallait remplir pour statuer sur une quelconque

  6   responsabilité, alors j'ai des craintes, je ne sais vraiment pas de quoi

  7   nous parlons ici.

  8   En conclusion, je crois que nous avons présenté la plupart des points qui

  9   nous semblaient importants. Permettez-moi simplement de revenir sur ce que

 10   disait l'Accusation eu égard à l'incident de Markale ou plutôt eu égard à

 11   la défense d'alibi. Le problème que pose l'alibi, il est considérable,

 12   pourquoi ? Si vous estimez qu'on a vraiment prouvé l'alibi, qu'on ne peut

 13   pas tenir quelqu'un responsable - et cette norme est connue dans tous les

 14   systèmes du monde - si quelqu'un est absent d'un lieu où se produit quelque

 15   chose, ça ne veut pas nécessairement dire que cette personne sera

 16   responsable de l'événement qui va se produire à cet endroit. Pour ce qui

 17   est de l'incident de Markale, on peut l'écarter lorsqu'on examine la

 18   question de la responsabilité pénale de l'accusé puisqu'il n'y a pas eu

 19   d'enquête sur la question de la charge du projectile et un rapport a été

 20   envoyé aux Nations Unies, qui disait qu'on ne peut pas donner de précision

 21   parce qu'on ne sait pas quelle était la charge du projectile. En ces seules

 22   raisons, l'accusé ou l'appelant mériterait d'être acquitté, car il se

 23   faisait qu'il n'était pas présent.

 24   Nous nous sommes dits qu'il n'était pas nécessaire d'aborder

 25   l'incident de Markale parce qu'à l'époque il n'était pas là, il était loin

 26   dans un autre Etat, il était hospitalisé, il venait d'être opéré, et

 27   l'intervention chirurgicale servait à lui permettre de garder la vue. Vous

 28   avez entendu le Procureur faire référence à des documents signés par la

Page 134

  1   personne qui faisait fonction au poste qu'occupait l'appelant. L'Accusation

  2   évoquait auparavant un document dans lequel le général Dragomir Milosevic

  3   écrit à Mladic. Il dit : 

  4   "Quand j'étais à l'hôpital, vous avez aussitôt désigné quelqu'un

  5   d'autre destiné à me remplacer…" est-il dit dans le document.

  6   Ça montre que là directement il exprime sa frustration au fait qu'il

  7   a été remplacé, et c'est la personne qui agissait à l'époque qui devrait

  8   être tenue responsable.

  9    Voyons la loi concernant les armées, il faut en tenir compte à

 10   chaque fois. Ici, nous n'avons pas présenté cet élément, mais il est dit

 11   que :

 12   "L'officier supérieur qui était empêché provisoirement de s'acquitter

 13   de ses obligations va être remplacé par un suppléant."

 14   M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir une fois de

 15   plus, mais Me Tapuskovic semble de nouveau faire référence à des éléments

 16   qui en sont pas versés au dossier. Il vient de dire qu'il aurait dû peut-

 17   être présenter ces éléments ce qui semble indiquer qu'il ne l'a pas fait.

 18   C'est donc un élément qui n'est pas dans le dossier, il ne peut pas s'en

 19   servir à moins qu'il ne fasse une demande au titre de l'article 115. Si

 20   c'était dans ses arguments, il aurait pu, pourrait-on penser, présenter

 21   ceci au moment du procès en première instance, pas en appel.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic, l'Accusation a

 23   raison sur ce point. Vous ne pouvez pas utiliser un document de ce genre.

 24   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est exact. Je

 25   savais que j'allais rencontrer des difficultés s'agissant des documents que

 26   j'ai obtenus seulement aujourd'hui après avoir travaillé sur ces dossiers

 27   pendant cinq ans. C'est l'Etat dans lequel nous vivons. Il est difficile

 28   d'obtenir des documents pendant très longtemps, et c'est seulement

Page 135

  1   maintenant qu'on nous a ouvert les archives. Je voulais soulever cette

  2   question, car elle me semblait essentielle. Ce document est de notoriété

  3   publique, les Juges connaissent ce document aussi, ce n'est pas vraiment un

  4   document, c'est une loi portant sur les armées qu'on a déjà rencontré dans

  5   tous les procès en ce Tribunal. Je pense qu'il n'y a pas un seul procès où

  6   on n'aurait pas utilisé ce document. C'est la loi qui utilise ce terme de

  7   "suppléant" ou de "remplaçant".

  8   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit ce matin, Maître,

  9   vous pouvez déposer une requête au titre de l'article 115. Je pense que la

 10   question est réglée. Ne revenez pas là-dessus, s'il vous plaît.

 11   [La Chambre d'appel se concerte]

 12   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vais plus

 13   parler du document sachant qu'il allait peut-être poser des problèmes gare

 14   à l'article 115. J'ai parlé de cette législation en vigueur et c'était la

 15   loi concernant la VRS, un officier supérieur qui est empêché à titre

 16   provisoire de s'acquitter de ses fonctions va avoir un remplaçant --

 17   M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi de revenir à la charge, mais c'est

 18   une législation, un document qui n'a pas été versé, or il aurait fallu le

 19   faire si l'appelant voulait l'utiliser pour présenter ses moyens en

 20   première instance ou en appel. Si j'ai bien compris qu'on n'a demandé à

 21   personne de dresser un constat judiciaire de cette législation, il n'a pas

 22   non plus de fait convenu sur la nature de ce document. Pour ce qui est du

 23   commandement de M. Milosevic, il était convenu qu'il ait été commandant

 24   pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation. Ce n'est pas

 25   maintenant qu'il aurait fallu en parler, mais pendant le procès en première

 26   instance. Et si on veut en parler en appel, il faut d'abord déposer une

 27   requête visée par l'article 115 du Règlement.

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit. Si vous voulez

Page 136

  1   verser ce document, je vous comprends, car ça dépend des systèmes

  2   judiciaires dont on est issu, mais ici nous en avons en vigueur et vous

  3   devez déposer une requête visée par l'article 115. Vous avez le droit de le

  4   faire au titre du règlement. Examinez le libellé de cet article 115, et

  5   même à ce stade assez tardif de la procédure, libre à vous de demander ce

  6   versement. Alors faites-le.

  7   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Si c'est comme ça, vous avez raison de

  8   dire que nous venons de systèmes juridiques et judiciaires différents. Ça

  9   fait près de 50 ans que je travaille dans le cadre d'un système

 10   particulier, et je le sais pertinemment. Ici nous parlons du droit établi

 11   par ce Tribunal tel qu'il est appliqué depuis 15 ans dans tous les procès

 12   dont a connu cette institution, ça c'est une première chose. Autre chose,

 13   si vous me le permettez, je peux aussi demander le versement du document

 14   que j'ai obtenu hier. Je ne veux pas maintenant donner de nom ni de

 15   précision, mais je voulais simplement mettre en exergue --

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Excusez-moi de me répéter. Il vous est

 17   loisible de demander le versement du document, mais il faut le faire en

 18   suivant la procédure idoine. Il faut utiliser la voie que vous donne

 19   l'article 115.

 20   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Très bien.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous ne pouvez pas le faire maintenant,

 22   c'est simple. Ce n'est pas un procès en première instance.

 23   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'en suis parfaitement conscient, Monsieur

 24   le Président. Ça fait à peu près 15 heures que j'ai ce document, et je suis

 25   conscient de ce problème depuis que j'ai ce document en main, mais je viens

 26   de vous résumer la quintessence de ceci.

 27   L'Accusation insiste pour dire que le général Dragomir Milosevic a

 28   donné des instructions à Cedo Sladoje pour qu'il agisse de telle ou telle

Page 137

  1   façon. A mon avis, et d'après ce que je sais, il faudrait citer à

  2   comparaître M. Cedo Sladoje pour qu'il vous dise vous-même quelles

  3   instructions il a reçues. Nous invoquons la défense d'alibi pour cette

  4   période précise, et jamais l'Accusation n'a soulevé ces arguments au moment

  5   du procès. Cedo Sladoje, il est en bonne santé, en vie. Vu ce qu'affirme

  6   l'Accusation, à savoir que c'est M. Milosevic qui avait donné des

  7   instructions à quelqu'un pour que des crimes soient commis, je pense que la

  8   chose la plus naturelle soit que la personne qui aurait supposément reçu

  9   ces instructions décide de savoir s'il doit commettre les crimes qui

 10   auraient été commandités; et par ailleurs, nous ne pouvons pas éliminer à

 11   ce stade l'obstacle qui existe pour la défense d'alibi. Vous êtes tous des

 12   Juges chevronnés, et je suis sûr que vous n'allez pas autoriser ce genre de

 13   chose, vous avez quelqu'un qui est grabataire, qui est alité parce qu'il va

 14   peut-être perdre la vue, je suis sûr que vous allez faire au mieux et que

 15   vous allez tenir compte des dispositions de cette loi que j'ai citée. Je

 16   vous remercie.

 17   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce que vous avez ainsi terminé

 18   votre réplique ? Dans l'affirmative, ceci termine l'examen de l'appel

 19   interjeté par M. Milosevic. Je crois que nous sommes un peu à l'avance par

 20   rapport à l'horaire prévu, et nous pouvons dès maintenant passer à l'appel

 21   déposé par l'Accusation après le jugement de première instance. Je donne

 22   dès lors la parole à l'Accusation, qui va nous présenter ses arguments et

 23   conclusions.

 24   M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie, Madame et Messieurs les

 25   Juges. Permettez-moi de vous présenter l'appel interjeté par l'Accusation

 26   pour ce qui est de la peine imposée.

 27   Notre argument essentiel, c'est que la Chambre a eu tort, d'abord, de

 28   tenir compte de circonstances atténuantes au moment d'imposer la peine.

Page 138

  1   Elle s'est trompée aussi en imposant une peine manifestement inadéquate, 33

  2   ans d'emprisonnement au lieu de la réclusion à perpétuité, pour bien tenir

  3   compte du rôle joué par l'accusé, la gravité de ces infractions et de

  4   l'effet qu'ont eu ces actions sur la population de Sarajevo.

  5   Première chose, l'Accusation, dans ses écritures, au paragraphe 21 du

  6   mémoire qu'elle a déposé, dit que la Chambre n'a pas tenu compte parmi les

  7   victimes de la terrorisation de toutes les personnes. Elle a uniquement

  8   tenu compte des victimes d'incidents précis, de tirs embusqués et de

  9   pilonnages. C'est ce qui semble être dit au paragraphe 993, mais au

 10   paragraphe 912 [comme interprété], la Chambre, au titre de la

 11   terrorisation, fait également référence à quelque chose que vous avez déjà

 12   cité - "les traces profondes et indélébiles que gardera la population dans

 13   sa totalité." Il se peut que la Chambre aie bien tenu compte de l'effet

 14   qu'a eu la campagne de terrorisation sur toute la population au moment de

 15   fixer la peine. A vous de déterminer ce qu'il en sera.

 16   S'agissant de l'appel, le 18 novembre 1994, pendant la période couverte par

 17   l'acte d'accusation, Dragomir Milosevic avait 52 ans. Il était devenu

 18   général de division dans ce qui était devenu la VRS et avait pris le

 19   commandement du Corps de Sarajevo-Romanija au plus tard le 12 août 1994.

 20   Le 18 novembre 1994, Nermin Divovic avait 7 ans. Les éléments de

 21   preuve ne nous disent pas où se trouvait Dragomir Milosevic ce jour-là.

 22   Peut-être effectuait-il une inspection de ses effectifs, quelque chose,

 23   vous l'avez entendu dire, qu'il faisait régulièrement. C'est ce qu'on dit

 24   des témoins à décharge. Ses soldats l'estimaient beaucoup parce qu'il

 25   s'occupait bien d'eux. Paragraphe 805. Le jugement dit cependant où se

 26   trouvait ce jour-là Nermin Divovic, paragraphes 325 à 341 du jugement. Il

 27   était avec sa mère, Dzenana Sokolovic, et sa sœur de 8 ans.

 28   L'INTERPRÈTE : Toutes les excuses de l'interprète. Le canal était branché

Page 139

  1   sur l'anglais.

  2   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, je reprends. Le texte

  3   du jugement sait où se trouvait Nermin. Lui, sa mère et sa sœur se

  4   trouvaient dans la ville assiégée de Sarajevo, ils étaient en train de se

  5   rendre à pied, le long de Zmaja Od Bosne, la rue surnommée "allée des

  6   tireurs isolés", qui se trouvait non loin de l'hôtel Holiday Inn. Ils

  7   ramassaient du bois dans le quartier de Hrasno, à 4 kilomètres de leur

  8   domicile, qui se trouvait dans le quartier de Bistrik de Sarajevo.

  9   Alors qu'ils s'approchaient de la rue Franje Rackog, qui croise

 10   l'allée des tireurs isolés, Nermin était en train de parler à sa mère et la

 11   tenait par sa veste. Au bout de la rue, de l'autre côté de la Miljacka, il

 12   y avait des tireurs embusqués du RSK dans le bâtiment Metalka. Nermin et sa

 13   mère étaient visibles sans l'ombre d'un doute à partir de ce bâtiment, et

 14   pourtant, un des soldats a tiré des coups de feu sur eux. Une balle a

 15   traversé le corps de la mère de Nermin, ce qui lui a laissé des cicatrices

 16   importantes, puis elle traversé la tête de Nermin, le tuant.

 17   John Jordan, un sapeur-pompier international, travailleur d'urgence,

 18   a assisté à un nombre de tels incidents et a déclaré à ce sujet, je cite :

 19   "Lorsque vous avez des civils qui sont pris pour cible comme cela

 20   s'est passé dans ce cas, notamment des familles, qui étaient musulmanes ou

 21   pas, tirer sur un enfant a le même effet que d'éventrer toute la famille."

 22   Page 741 du compte rendu d'audience, ainsi que pages 2 697 et 2 698.

 23   Ce jour-là, le 18 novembre 1994, est un jour qui est typique de ce qui se

 24   passait à Sarajevo, où des tireurs embusqués du RSK, sous le commandement

 25   de Dragomir Milosevic, privaient de vie les civils. Ils leur ont pris la

 26   vie à bord de tramways et alors qu'ils se rendaient à pied à leur travail,

 27   alors qu'ils allaient chercher de l'eau ou qu'ils allaient chercher à

 28   manger dans les rues et à leurs domiciles. Ils ont laissé les survivants

Page 140

  1   privés de toute dignité. Ils leur ont enlevé leurs émotions, ils les ont

  2   laissé paralysés par le chagrin et la douleur de la perte de leurs proches,

  3   courant à gauche et à droite, vivant dans des caves, se cachant derrière

  4   des écrans de fortune. Selon les mots prononcés par Martin Bell, page 275

  5   du compte rendu d'audience, ces civils avaient "l'air hagard, ils avaient

  6   l'air de personnes poursuivies. La survie, voilà de quoi il est question.

  7   C'étaient des gens qui vivaient à une époque réellement désespérée."

  8   Et comme si ces tirs embusqués ne suffisaient pas, les hommes du RSK

  9   pilonnaient et bombardaient ces civils pris au piège à l'intérieur de

 10   Sarajevo dans l'intention de les tuer ou de leur infliger des blessures

 11   physiques graves, page 932 du compte rendu d'audience, et de les

 12   terroriser, page 967 du compte rendu d'audience. Des offensives lancées par

 13   les défenseurs de la ville ont eu pour résultats que des civils ont été

 14   punis par des pilonnages et des tirs embusqués en représailles, page 757 du

 15   compte rendu d'audience.

 16   Au sommet du RSK se trouvait Dragomir Milosevic. Entre le 10 août 1994 à

 17   peu près et le 21 novembre 1995, il a présidé, planifié et ordonné la mise

 18   en œuvre de la campagne de tirs embusqués, pages 962 à 966 du compte rendu

 19   d'audience, et les pilonnages, pages 964 à 966 du compte rendu d'audience,

 20   ont commencé alors qu'il était commandant en second du général Galic. Son

 21   objectif dans la planification et l'ordonnancement de cette campagne

 22   consistait à terroriser la population civile, à savoir semer une peur

 23   extrême, page 883 du compte rendu d'audience, dans la population, une

 24   terreur qui allait beaucoup plus loin que la peur vécue par une population

 25   civile qui vit près d'une zone de conflit.

 26   Et il a réussi dans cette entreprise. Toute la population de Sarajevo s'est

 27   vu infliger des souffrances mentales profondes et irrémédiables et ceci a

 28   concerné toute la population. Page 910 du compte rendu d'audience.

Page 141

  1   Un témoin, page 3 236 du compte rendu d'audience et page 811, décrit

  2   l'action du RSK sous le contrôle de Dragomir Milosevic, comme étant "plus

  3   subtile, plus précise et plus dangereuse" que celle de son prédécesseur, le

  4   général Galic, qui sert une peine à vie imposée par cette Chambre en ce

  5   moment. Le général de brigade M. Fraser a témoigné en disant que c'était

  6   "l'intention du commandant de jouer à des petits jeux dans toute la ville

  7   de Sarajevo, eu égard aux incidents de tirs embusqués." A ses yeux, les

  8   tirs embusqués le long de l'allée des tireurs embusqués dans le centre de

  9   la ville, autour de l'aéroport, au sud-ouest et autour de Spicasta Stijena

 10   au nord-est, indiquent la présence d'une "intention très claire de la part

 11   du commandant." Page 853 du compte rendu d'audience.

 12   En menant à bien cette campagne, Dragomir Milosevic a continué à pilonner

 13   Sarajevo à l'aide de mortiers de façon délibérée ou aléatoire. Le marché

 14   aux puces de Bascarsija, ainsi que le marché de Markale, ont été touchés. A

 15   Markale, le nombre des victimes a été important, 34 civils étant décédés et

 16   au moins 78 personnes grièvement blessées, dont certaines ont été amputées.

 17   Le paragraphe 675 du compte rendu d'audience reprend la déclaration de

 18   Mesuda Klaric, pièce P648, qui avait 55 ans. Elle se trouvait dans la rue,

 19   non loin du marché de Markale, en compagnie de son mari, Ismet, au moment

 20   où l'obus a atterri au sol.

 21   Elle décrit les suites immédiates de l'incident, je cite :

 22   "…j'avais l'impression d'être à demi-consciente. J'ai vu mon mari qui a

 23   saisi son bras droit, il m'a dit à ce moment, 'J'ai perdu mon bras.'…

 24   J'étais couverte de sang sur tout le corps… J'ai vu de nombreuses personnes

 25   gisant sur le sol dans la rue… Une voiture s'est arrêtée. Un jeune homme

 26   s'est emparé de moi… Une autre voiture s'est arrêtée et ils ont pris mon

 27   mari… Le jeune homme m'a placé à bord de sa voiture en même temps qu'une

 28   jeune fille et un autre jeune homme… La jeune fille avait perdu son pied."

Page 142

  1   Elle a vu que son mari avait perdu son pied et qu'il avait une blessure à

  2   l'aine qui faisait apparaître l'os. Elle-même et son mari ont été admis à

  3   l'hôpital pour interventions chirurgicales et la dernière fois qu'elle a vu

  4   son mari, c'est alors qu'ils emportaient son corps à la morgue. Elle

  5   continue à porter en elle un éclat d'obus dans le dos, non loin des reins,

  6   et dans le genou. Elle termine sa déclaration par les mots suivants, je

  7   cite :

  8   "Toutes les blessures sont en train de cicatriser, sauf que mon mari n'est

  9   plus là."

 10   Outre ce pilonnage par mortier, Dragomir Milosevic a employé fréquemment

 11   les bombes aériennes modifiées, à savoir des moyens de destruction

 12   importants et si bien sûr dans les éléments de preuve il en existe qui

 13   démontrent qu'il n'a peut-être pas été le premier à utiliser de telles

 14   armes à Sarajevo, confère Zesevic [phon] page 4 283 du compte rendu

 15   d'audience. Il était près à utiliser ces armes de façon répétée contre des

 16   civils. Le commandant Stevan Veljovic a témoigné pour la Défense en

 17   déclarant que les bombes aériennes modifiées étaient, je cite "totalement

 18   inadaptées" et je cite, "hautement destructives," page 5 912 du compte

 19   rendu d'audience et page 97.

 20   Cette arme, qui pour l'essentiel est une bombe aérienne de 100, 150 ou 250

 21   kilos associés à des roquettes, était tirée à l'aide de systèmes

 22   improvisés, fabriqués à l'arrière de camions. Page 95 du compte rendu

 23   d'audience.

 24   Il arrivait souvent que quatre ou cinq de ces bombes aériennes soient

 25   tirées en même temps, puisque Milosevic en admettait l'important manque de

 26   précision, pièce P701, page 2, paragraphe 2 du 21 avril 1995. Il déclare,

 27   dans un ordre destiné à une opération qui devait se dérouler peu après, le

 28   25 avril 1995, je cite :

Page 143

  1   "…Poursuivre la préparation des lanceurs et s'assurer que quatre à six

  2   bombes aériennes peuvent être lancées simultanément."

  3   Et je reviens deux jours avant cet ordre. Il avait à ce moment-là ordonné

  4   une aptitude au combat complet pour tous ses soldats et avait déclaré qu'il

  5   fallait préparer "des sites de lancement et maintenir les bombes aériennes

  6   prêtes pour être tirées sur la ville." Pièce D141.

  7   Peu de temps avant cela, le 6 avril 1995, pièce P226, Milosevic avait

  8   ordonné, je cite:

  9   "…à la Brigade Ilidza de préparer immédiatement un lanceur et une bombe

 10   aérienne et de transporter la bombe à des fins de lancement. La cible la

 11   plus utile doit être sélectionnée à Hrasnica ou dans la colonie de

 12   Sokolic", tous deux des secteurs musulmans, "là où les pertes les plus

 13   importantes et les dégâts matériels les plus importants peuvent être

 14   infligés. M'informer personnellement du moment où il sera possible de

 15   remplir cette mission."

 16   La bombe était une bombe de 250 kilos, pièce P225, qui exigeait un certain

 17   nombre de roquettes pour la propulser. C'est ce qu'on voit dans le rapport

 18   Zesevic page 20. Il s'agit de la pièce P586. Le résultat de cet ordre, à

 19   savoir l'incident survenu à Hrasnica le 7 avril 1995 est enregistré au

 20   compte rendu d'audience dans le jugement pages 475 à 495.

 21   Ziba Subo se trouvait dans sa maison à Hrasnica en compagnie de ses fils et

 22   de son petit-fils. Elle avait appelé sa sœur, Ziba Custovic, qui vivait à

 23   quelques mètres de distance, pour qu'elle vienne prendre le café avec elle.

 24   Ziba Custovic n'est jamais arrivée. Elle a traversé la rue et à ce moment-

 25   là, une bombe aérienne modifiée de 250 kilos a atterri dans la rue à côté

 26   d'elle, la tuant sur le coup. A ce moment-là, Ziba Subo décrit la maison

 27   comme "tombant sur elle de toutes parts." Les briques, le plâtre sont

 28   tombés sur elle et l'ont couverte de débris. Pièce P280, page 3, ainsi que

Page 144

  1   paragraphe 478 du jugement. Elle a rampé dans les débris et a vu le corps

  2   de sa sœur, dont la moitié de la tête avait été emportée par la bombe et

  3   elle a perdu conscience.

  4   La Chambre de première instance a conclu que la bombe avait détruit deux

  5   maisons et endommagé dix autres maisons. Ziba Subo souffre encore de

  6   douleur dans le bras, son ouïe est diminuée, de même que celle de ses fils

  7   qui se trouvaient dans la maison au moment où la bombe a atterri.

  8   L'effet de ce pilonnage constant et de ces tirs embusqués constant a

  9   été que l'on ne se sentait en sécurité nulle part, ni à son domicile ni à

 10   l'air libre, pas une seule minute d'un seul jour. On se sentait plus en

 11   sécurité pendant les accalmies, mais même alors, la population ne se

 12   sentait pas totalement sûre, car elle ne savait jamais quand la prochaine

 13   attaque allait démarrer, paragraphe 743 du jugement. Comme un témoin le dit

 14   : "La vie était comme un néant. La vie était tout simplement vide,"

 15   paragraphe 746 du jugement.

 16   Comme le Dr Nakas le dit, je cite:

 17   "Chaque journée de travail signifiait qu'on s'exposait au risque de

 18   voir son nom ajouté à la longue liste des personnes tuées et blessées,"

 19   paragraphe 165 du jugement, pages 1 062 et 1 063 du compte rendu

 20   d'audience.

 21   Parlant des effets de ces meurtres, Ismet Hadzic déclare, je cite :

 22   "En 1994 et 1995, c'est devenu quelque chose de normal, même si dire ce mot

 23   'normal' est horrible. Seules les familles qui avaient certains membres de

 24   leur famille tués étaient affectées. Quant aux autres, ils voyaient

 25   simplement qu'une personne n'était plus là. Voilà quel était l'état

 26   d'esprit de la population," paragraphe 745 du jugement, page 3 234 du

 27   compte rendu d'audience.

 28   Les tirs embusqués étaient si intenses qu'au début du mois de juillet

Page 145

  1   1995, la FORPRONU a rendu compte du fait que pratiquement tous les civils

  2   avaient cessé d'emprunter Zmaja Ordre Bosne, à savoir la principale artère

  3   qui traverse la ville d'est en ouest, et que les tireurs embusqués qui

  4   travaillaient dans ce secteur semblaient s'être déplacés pour aller

  5   ailleurs, paragraphe 226 du jugement.

  6   Comme un témoin le déclare, paragraphe 745 du jugement, je

  7   cite : "Ils auraient pu s'en sortir avez les tirs embusqués et les

  8   pilonnages dans leur quartier jusqu'au moment où la bombe aérienne a

  9   atterri le 23 juillet 1995."

 10   En dépit d'une terreur voulue par Dragomir Milosevic, en dépit du vide qui

 11   caractérisait la vie de la population, la crainte constante au sujet de

 12   leur sécurité et de la sécurité de leurs enfants, en dépit du nombre

 13   innombrable de victimes des pilonnages et des tirs embusqués, sans parler

 14   de la peur générée au sein de toute la population qui comptait des dizaines

 15   de milliers de personnes affectées, en dépit de tout cela, Dragomir

 16   Milosevic explique l'ordre de pilonner Hrasnica par la nécessité de

 17   provoquer, je cite : "Le plus grand nombre possible de victime." Malgré le

 18   fait que les marchés étaient pris pour cible, que les civils étaient pris

 19   pour cible alors qu'ils faisaient la queue pour la nourriture ou pour

 20   l'eau, que les femmes et les enfants étaient visés, en dépit de tout cela,

 21   la Chambre de première instance - et c'est inacceptable - a trouvé qu'il y

 22   avait des circonstances atténuantes. Elle a crédité Dragomir Milosevic de

 23   "haute valeur morale," elle l'a qualifié "d'altruiste," elle a dit que :

 24   "C'était un homme qui, parfois, semblait gêné par ce qu'il faisait."

 25   Il est clair que Dragomir Milosevic ne peut pas mériter d'être

 26   qualifié d'altruiste ou de personne dont les valeurs morales sont élevées.

 27   Qualifier Dragomir Milosevic d'altruiste ou d'être un homme aux valeurs

 28   morales élevées et considérer cela comme une circonstance atténuante, étant

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  1   donné son mépris complet pour le bien-être de milliers de civils de

  2   Sarajevo et étant donné le fait qu'il a planifié la campagne de douleur et

  3   de terreur, c'est manifestement une erreur de la Chambre de première

  4   instance. L'altruisme est défini dans le dictionnaire "Webster" comme "une

  5   prise en compte sans calcul, un respect ou une dévotion à l'égard des

  6   intérêts d'autrui, parfois conforme avec un principe éthique."

  7   Nous affirmons également que la Chambre de première instance s'est

  8   manifestement trompée lorsqu'elle a donné crédit à Dragomir Milosevic du

  9   fait que, de temps en temps, il avait l'air gêné par ce qu'il faisait. Il

 10   est difficile de savoir si la Chambre de première instance a admis qu'il

 11   était gêné ou si elle a admis que quelqu'un aurait laissé entendre qu'il

 12   était gêné.

 13   Quoi qu'il en soit, cette déclaration que l'on trouve à la page 1 783

 14   du compte rendu d'audience démontre que la référence à cette gêne est due,

 15   en tout état de cause, au fait qu'il craignait les conséquences de ce genre

 16   d'action pour lui-même, c'est-à-dire le fait qu'il ne pourrait pas voir à

 17   nouveau sa fille qui (expurgé). Manifestement il

 18   n'était pas gêné par les souffrances de ses victimes. En effet, son

 19   intention de terroriser la population de toute la ville par des actes de

 20   tirs embusqués, par l'emploi de mortier et par l'emploi d'armes aussi peu

 21   précises que des bombes aériennes liés à l'ordre explicite qu'il a donné

 22   d'utiliser de tels armes afin de provoquer le maximum de victimes démontre

 23   qu'une conclusion aussi positive ne pouvait pas être établie dans le cadre

 24   des probabilités existantes.

 25   Par ailleurs, créditer Dragomir Milosevic de circonstances

 26   atténuantes pour le rôle qu'il a joué dans les négociations d'un accord

 27   anti-tireurs embusqués n'a été nécessaire qu'en raison de la poursuite des

 28   actes illégaux dont il était responsable. Ceci montre que l'objectif

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  1   principal de la campagne de tirs embusqués a été laissé de côté.

  2   Dans les jours qui ont suivi la conclusion de l'accord, que l'on

  3   trouve à la pièce P6, un rapport de la FORPRONU rend compte du fait que des

  4   tireurs embusqués serbes ont blessé des civils le 22 et le 30 août 1994, le

  5   premier incident de ce genre ayant lieu une semaine après la conclusion et

  6   la signature de l'accord. Compte tenu du contrôle que les tireurs embusqués

  7   avaient maintenu au niveau le plus élevé, aucun crédit ne peut être accordé

  8   à M. Milosevic pour sa part dans les négociations, notamment en raison du

  9   fait que cela s'est passé au début de la période visée à l'acte

 10   d'accusation et que cet accord a été violé dans les quelques jours qui ont

 11   suivi sa signature.

 12   Quant aux ordres de ne pas tirer sur les civils, même si de tels

 13   ordres ont été donnés de temps en temps, ce fait ne peut avoir aucune

 14   incidence sur la condamnation pour crime de terreur. En effet, ces ordres

 15   qui étaient donnés de temps à autres et retirés de temps à autres ne

 16   faisaient qu'ajouter à la crainte subie par les victimes, comme on le voit

 17   confirmé aux paragraphes 743 et 744 du jugement par la Chambre de première

 18   instance.

 19   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, dans le contexte de la

 20   campagne de terreur qui s'est poursuivie pendant 14 mois et qui a été

 21   ordonnée par Dragomir Milosevic en violation des conventions de Genève, il

 22   est incompréhensible que le moindre crédit ait été accordé à Dragomir

 23   Milosevic en raison d'ordres occasionnels qu'il aurait donnés à ses troupes

 24   de respecter les conventions de Genève. Toute la stratégie poursuivie était

 25   en contradiction directe avec les conventions de Genève. Chacun des crimes

 26   a été une infraction délibérée à ces conventions. Enfin, la reddition

 27   volontaire de l'accusé est un élément insignifiant en soi si on le compare

 28   à l'ampleur des crimes commis par Dragomir Milosevic. Aucun poids ne

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  1   devrait lui être accordé, en tout cas, aucune réduction de la peine ne doit

  2   être prononcée par rapport à cette reddition volontaire.

  3   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la peine de 33 ans

  4   d'emprisonnement ne rend pas compte de façon appropriée de l'importance du

  5   comportement criminel de Dragomir Milosevic. Dans l'affaire Gacumbitsi, le

  6   TPIR, le tribunal du Rwanda et sa Chambre d'appel, ont augmenté la sentence

  7   de 30 ans d'emprisonnement qui avait été apposé à un accusé du même âge de

  8   Dragomir Milosevic en la faisant passé à un emprisonnement à vie. Nous

  9   lisons, je cite :

 10   "Compte tenu de la nature massive des crimes et du rôle important des

 11   appelants dans ces crimes ainsi que de l'insignifiance relative des

 12   circonstances atténuantes, la Chambre de première instance est allée au-

 13   delà de son pouvoir discrétionnaire en imposant une sentence de 30 ans

 14   d'emprisonnement seulement…"

 15   Voilà exactement ce qui s'est passé ici, Monsieur le Président, Madame,

 16   Messieurs les Juges.

 17   Dans l'affaire Galic, M. le Juge Shahabuddeen, faisant référence à

 18   l'affaire Gacumbitsi, a déclaré qu'il estimait qu'il n'y avait aucun

 19   fondement pour distinguer l'affaire Galic de l'affaire Gacumbitsi

 20   simplement parce que, dans l'une des affaires, il y avait une accusation de

 21   génocide. Avec le respect que nous devons à la Chambre, nous faisons nôtres

 22   ces observations.

 23   Comme il le fait remarquer ultérieurement dans l'affaire Galic, dans

 24   cette affaire comme dans l'affaire Gacumbitsi, les accusés ont été

 25   condamnés pour des infractions graves, extrêmement graves, et Galic n'avait

 26   aucune "circonstance particulièrement atténuante." Le parallèle avec

 27   l'affaire Galic est trop manifeste à une distinction près, à savoir que

 28   contrairement à l'affaire Galic, M. Milosevic a utilisé, de façon répétée

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  1   et massive, les bombes aériennes pour prendre pour cibles des civils, ce

  2   qui n'a fait qu'ajouter aux pilonnages et aux tirs embusqués établis dans

  3   l'affaire Galic.

  4   A notre avis, comme M. le Juge Shahabuddeen l'a fait observer dans

  5   Galic, avis que l'on trouve au paragraphe 37, je cite :

  6   "La question n'est pas comment la sentence imposée apparaît en termes

  7   absolus, mais une sentence de 33 ans d'emprisonnement peut effectivement

  8   apparaître importante. La question, c'est de savoir comment la sentence

  9   imposée sera vue par rapport à la sentence raisonnable qui était méritée,

 10   compte tenu de la gravité des crimes commis par l'appelant."

 11   Il y a une différence qualitative entre 33 ans d'emprisonnement et une

 12   peine à vie. Comme cela a été reconnu implicitement dans l'affaire Stakic,

 13   y compris 40 ans d'emprisonnement se distinguent d'une peine à vie, lorsque

 14   cette peine de 40 ans est une peine réduite.

 15   A notre avis, les crimes de Milosevic se "caractérisaient par une

 16   violence et une cruauté exceptionnelles. Sa participation à ces crimes a

 17   été systématique, prolongée et préméditée. Et il a abusé de sa position

 18   hiérarchique en tant que commandant" du corps de la RSK. Voilà les mots

 19   utilisés par les Juges de la Chambre pour décrire le comportement de Galic,

 20   également au paragraphe 455 du jugement.

 21   Il n'y a rien qui distingue entre Galic et Milosevic, en tout cas,

 22   pas suffisamment pour justifier une sentence inférieure à la vie. En effet,

 23   l'affaire Galic est un bon comparateur. C'est le comparateur que cherchait

 24   le Juge Meron.

 25   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

 26   --- L'audience est suspendue à 15 heures 54.

 27   --- L'audience est reprise à 16 heures 15.

 28   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vais donner la parole à la Défense

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  1   pour qu'elle puisse répondre à l'appel de l'Accusation sur la peine. Vous

  2   avez la parole.

  3   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, est-ce que

  4   nous pouvons passer à huis clos pendant quelques instants, s'il vous plaît.

  5   J'ai une raison pour ce faire, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

  7   [Le conseil de la Défense se concerte]

  8   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos, s'il vous

  9   plaît.

 10   M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

 11   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Quelques secondes.

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous sommes

 14   à huis clos partiel.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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  9   [Audience publique]

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bien.

 11   Donc vous pouvez nous présenter vos arguments.

 12   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les

 13   Juges. Je souhaite aborder une question qui est fort importante. En tant

 14   qu'avocat spécialiste du droit pénal, je n'ai jamais été confronté à une

 15   situation où la culpabilité de quelqu'un était établie, mais en même temps,

 16   il s'agit de traiter des circonstances atténuantes. De toute façon, il ne

 17   peut pas y avoir un acte commis par un être humain qui puisse ne pas faire

 18   l'objet d'un jugement. En tout cas, dans l'affaire qui nous intéresse, il

 19   s'agit d'événements épouvantables qui se sont produits en ex-Yougoslavie.

 20   Dans la plupart des cas, les circonstances correspondaient à une guerre. La

 21   question a toujours été sensible lorsque des officiers sont traduits en

 22   justice alors qu'eux-mêmes n'ont jamais rien fait d'illégal.

 23   Je vais essayer de traiter la question qui nous intéresse pour le peu

 24   de temps qui nous reste. Ma spécialité était le droit pénal en ex-

 25   Yougoslavie à une époque où c'était encore un pays heureux et la question

 26   des circonstances atténuantes était toujours considérée comme un facteur

 27   très important. Je ne comprends tout simplement pas comment quelqu'un, qui

 28   est un spécialiste du droit pénal, puisse dire que quelque chose avait été

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  1   jugé d'une certaine façon dans une affaire et que ceci doit être appliqué à

  2   la question qui nous intéresse. Il n'y a pas deux cas similaires en droit

  3   pénal. Ceci n'a jamais été le cas. C'est peut-être dans l'intérêt de

  4   l'Accusation de s'assurer que l'accusé soit condamné à vie. Je souhaite

  5   éviter toute forme de comparaison entre cette affaire-ci et l'affaire

  6   Galic.

  7   Lorsque les procès ont commencé, les archives ont été ouvertes et les

  8   documents mis à disposition qui indiquent qu'il y avait deux parties

  9   belligérantes dans ces événements allégués dans l'acte d'accusation. Une

 10   circonstance atténuante pourrait être la question de l'alibi qui a été

 11   évoqué par l'accusé qui a été blessé lorsqu'un obus de char a été tiré

 12   depuis la colline de Zuc à une distance de 2 à 3 kilomètres. Ceci a eu un

 13   effet sur le poste d'observation et a touché Dragomir Milosevic à la tête.

 14   Il a survécu, mais il a perdu un œil. Ceci montre très clairement dans

 15   quelles conditions il devait travailler. Il se trouvait dans une tranchée

 16   au moment des activités de combat et ceci montre quelque chose que j'ai

 17   évoqué au cours de toute la journée, les circonstances qui prévalaient à

 18   cette époque-là.

 19   La Chambre de première instance a montré que les offensives menées au cours

 20   de cette période par l'ABiH, et en particulier entre les mois de mai et la

 21   fin de la guerre, en tout cas jusqu'au mois d'août, la Chambre de première

 22   instance a conclu que ces activités n'étaient pas déterminantes lorsqu'il

 23   s'agissait de rendre des conclusions sur cette question-là. Néanmoins, ça

 24   n'est pas possible de partir du fait que ces activités de combat - et il

 25   est vrai que j'ai beaucoup de compassion pour toutes les personnes qui ont

 26   pris part à tout ceci, les personnes qui sont originaires de ces endroits,

 27   j'ai beaucoup de compassion pour les personnes qui ont vécu tout ceci à

 28   cette époque-là - mais je ne vois pas en quoi ceci pourrait ne pas avoir

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  1   une incidence sur le fait qu'un nombre très important de civils a été tué

  2   du côté serbe. Nous avons montré ceci lorsque nous avons présenté nos

  3   preuves.

  4   Il s'agit d'une guerre, et lorsqu'il y a guerre, il y a peur des deux

  5   côtés. Il faut tenir compte du fait que ces événements suscitent la peur

  6   des deux côtés. Je n'ai pas cité à la barre un seul officier. Si j'avais pu

  7   citer à la barre une quarantaine d'officiers qui, ensemble avec Dragomir

  8   Milosevic, ont passé toute la durée de la guerre dans des tranchées, devant

  9   chez eux et à l'extérieur de chez eux, il n'y en a pas un qui n'a pas perdu

 10   un frère ou un père.

 11   Pour revenir à ce qu'a dit l'Accusation il y a quelques instants, un obus a

 12   été tiré, parce que l'ordre précisait qu'il fallait ouvrir le feu sur les

 13   civils. Nulle part il n'a été écrit que les civils devaient être pris pour

 14   cible. Lorsque des témoins sont venus parler de civils qui étaient tués, on

 15   a fait état du fait que les médias faisaient sans cesse des reportages là-

 16   dessus et disaient que les civils étaient pris pour cible. Les ordres eux-

 17   mêmes indiquaient qu'il fallait ouvrir le feu sur le personnel. J'ai évoqué

 18   ces ordres à maintes reprises aujourd'hui.

 19   Regardons l'ordre 481, à la page 4 de la version anglaise. Chaque

 20   colonne contient des ordres donnés par le général Prevljak aux fins d'agir

 21   sur ou de tirer sur les forces ou le personnel, sur des hommes. Là il

 22   s'agit de jargon communément utilisé par les militaires et, si vous

 23   regardez ces ordres, vous constaterez qu'il s'agit d'hommes et de forces et

 24   qu'on ne parle pas de civils. Je ne puis rien ajouter sur la question des

 25   activités de combat.

 26   Je vais simplement dire que 40 000 Serbes vivaient dans cette ville,

 27   il s'agissait de frères, de sœurs, de parents proches des personnes qui

 28   étaient de l'autre côté de la ligne de front. Est-ce que vous pensez que ce

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  1   type d'activité aurait pu être organisé alors que de l'autre côté à

  2   Sarajevo il y avait des membres de leurs familles ? J'ai fait référence au

  3   document 415. Les gens avaient peur et il y a eu le massacre de Kazani, et

  4   cetera. Il y a eu de tels cas qui répandaient de la terreur, mais rien ne

  5   permet d'interpréter sur cette base-là le comportement d'un individu et

  6   qu'il faille rendre une peine sur ces éléments-là.

  7   Galic a été condamné à 20 ans de prison. L'un des Juges qui siégeait

  8   dans cette affaire souhaitait que lui soit imposée une peine de dix ans

  9   d'emprisonnement. A mon sens, il faut tenir compte de toutes les

 10   circonstances. Est-ce qu'un homme de 70 ans peut être condamné à la prison

 11   à vie, compte tenu de ces circonstances ?

 12   S'il s'agit de tirer des parallèles et de rédiger des mémoires en

 13   appel, on a dit que la Chambre de première instance a établi que le crime

 14   avait été commis -- il s'agit ici de circonstances individuelles. On ne

 15   peut pas appliquer ces circonstances-là à tout le monde. Pour un homme de

 16   son âge qui a passé autant de temps en détention -- je sais que vous allez

 17   tenir compte de tous ces éléments qui vous sont présentés.

 18   Nermin Divovic, un garçon d'une dizaine d'années, a trouvé la mort de façon

 19   tragique. A mon époque, je devais traiter de crimes très graves, et je sais

 20   que lorsqu'il s'agit d'actes qui sont qualifiés d'assassinats, il y a

 21   certaines allégations dans l'acte d'accusation qui n'auraient même pas

 22   dépassé le stade de l'enquête. Lorsqu'il s'agit de Nermin Divovic, le

 23   garçonnet qui a trouvé la mort de façon tragique, tel que cela a été décrit

 24   par l'Accusation, le rapport d'autopsie montre de façon irréfutable - et

 25   ceci a été également démontré par les témoins experts, bien qu'il

 26   s'agissait d'experts de la Défense, cela ne diminue en rien la qualité de

 27   leurs témoignages - le rapport d'autopsie, et c'est le seul rapport

 28   d'autopsie de ce type qui existe au niveau des éléments de preuve, le

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  1   rapport d'autopsie montre qu'il y avait deux trajectoires, une qui a

  2   traversé le corps de la mère qui a survécu, et cette trajectoire-là était

  3   une trajectoire tout à fait en parallèle avec le sol; et l'autre

  4   trajectoire, la balle est passée derrière la tête du garçonnet et s'est

  5   dirigée vers le sol.

  6   Pendant toute la durée de la guerre, il y avait des récits qui

  7   circulaient sur la façon dont les enfants étaient tués dans le secteur de

  8   Sarajevo contrôlé par l'ABiH. J'y ai fait référence un peu plus tôt lorsque

  9   j'ai parlé des victimes dans le secteur de Sarajevo tenu par l'ABiH. C'est

 10   à vous d'apprécier les éléments de preuve, mais je vais vous dire que dans

 11   la question qui nous intéresse, ces deux balles provenaient de l'ABiH, qui

 12   est tout à fait à l'opposé de l'endroit où se trouvait ce bâtiment Metalka.

 13   Quoi qu'il en soit, cet incident est un incident sur lequel il y a eu des

 14   reportages importants qui disaient que les Serbes avaient réussi à tuer un

 15   enfant avec une seule balle. Ça, c'est une des questions que je souhaite

 16   aborder. L'autre, Madame, Messieurs les Juges, c'est comment vous allez

 17   rendre votre délibéré sur l'incident de Markale.

 18   Rupert Smith, lui-même, a dit que ceci n'est pas tiré par les cheveux

 19   que de dire qu'il s'agissait peut-être de Bosniens qui tiraient sur des

 20   Bosniens. Nicolai a dit dans son témoignage, qu'il ne s'agissait pas de

 21   rumeurs, mais que c'est ce dont on parlait à Sarajevo même, à savoir que

 22   les forces de Bosnie qui étaient cantonnées à Sarajevo avaient tendance à

 23   se servir de leur propre population à des fins militaires et politiques. Si

 24   nous regardons les victimes qui ont été trouvées, semble-t-il, à cet

 25   endroit - je ne souhaite y revenir à l'analyse qui en a été faite - je

 26   souhaite parler de l'effet dramatique que ceci a eu. Vous regardez les deux

 27   photographies de Markale, regardez les deux photographies et vous

 28   constaterez que ces deux photographies ne peuvent pas être associées à

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  1   l'endroit où l'incident s'est déroulé. Ceci n'est pas possible. Impossible

  2   de trouver quelqu'un à cet endroit qui aurait été tué par une balle d'un

  3   fusil de chasse ou par quelqu'un qui aurait été tué par une balle à un

  4   autre endroit.

  5   Lorsqu'on regarde ces éléments sous cet angle-là, il est important de

  6   le dire pour que ceci soit pris en compte lorsque vous réexaminerez tous

  7   les éléments. J'espère que ce que je viens de dire est suffisant. Lorsque

  8   vous allez rendre votre conclusion et prononcer la peine, j'espère que vous

  9   tiendrez compte de tous ces événements et que les preuves que j'ai citées

 10   étayent ce que j'ai dit dès le départ. Autrement dit, il vous faudra

 11   établir qu'il s'agissait véritablement d'une zone civile au-delà de tout

 12   doute raisonnable et ce n'est qu'après que vous pourrez apprécier les deux

 13   autres éléments.

 14   Merci.

 15   M. ROGERS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, avant de demander

 16   à M. Milosevic s'il souhaite prendre la parole, peut-être que je peux

 17   répondre à la question à huis clos partiel, la question qui a été soulevée

 18   plus tôt.

 19   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien.

 20   Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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  9   [Audience publique]

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 11   Monsieur le Procureur, vous avez dix minutes pour répondre.

 12   M. ROGERS : [interprétation] Je ne souhaite rien ajouter aux arguments déjà

 13   présentés, donc j'abandonne mon droit de répondre à toute autre question.

 14   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

 15   Donc nous arrivons à la fin des arguments des parties. D'après

 16   l'ordonnance portant calendrier, je vais maintenant me tourner vers M.

 17   Milosevic. S'il souhaite s'adresser pendant quelques instants aux Juges de

 18   la Chambre d'appel pendant dix minutes et pas plus, il est autorisé à le

 19   faire.

 20   L'APPELANT : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 21   Juges, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'exprimer

 22   devant ce Tribunal. Je vais prononcer quelques phrases et j'espère que les

 23   mots que je vais prononcer seront compris de la façon dont je les prononce.

 24   Je voudrais revenir sur ce qui a marqué le champ de bataille de Sarajevo.

 25   Je suis heureux de savoir que ce champ de bataille, qui a existé à

 26   l'époque, n'en est plus un aujourd'hui. Quelques mots rapidement,

 27   maintenant, au sujet de ma vie personnelle.

 28   Je suis arrivé à Sarajevo à l'âge de 14 ans. Je suis allé à l'école à

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  1   Sarajevo. Mon oncle, qui vivait à Sarajevo, a joué un rôle important dans

  2   ma vie. J'ai ensuite poursuivi mes études à Belgrade, puis je suis revenu à

  3   Sarajevo. Suite à quoi, toute la suite de ma vie et de mon travail

  4   professionnel a été liée à la Bosnie-Herzégovine, et en particulier à

  5   Sarajevo. C'est à Sarajevo que j'ai rencontré et vécu mon premier amour.

  6   C'est à Sarajevo que j'ai fondé une famille, que j'ai éduqué et envoyé à

  7   l'école mes enfants. Sarajevo est devenue ma ville et la ville ma famille.

  8   C'est cette ville de Sarajevo qui abrite ma famille, mes parents, mes amis,

  9   mes voisins, mes collèges. C'est à Sarajevo que j'ai acquitté les frais

 10   nécessaires pour la construction d'un bâtiment, que je me suis acquitté de

 11   toutes les taxes et de toutes les sommes qui sont également acquittées par

 12   les autres habitants. J'ai collaboré et j'ai fréquenté très ouvertement

 13   tout le monde à Sarajevo.

 14   J'ajouterais - même si cela n'est peut-être pas indispensable - que

 15   tous les biens appartenant à ma famille lui ont été enlevés à Sarajevo. Il

 16   est important, pour comprendre ce qui s'est passé, d'entendre quelques mots

 17   au sujet de ma personnalité.

 18   Je m'attendais à ce que la recherche de la vérité et de la justice

 19   soient des éléments plus prioritaires devant ce Tribunal, car les jugements

 20   se font à toute vitesse. A l'époque où le procès devait arriver à son

 21   terme, cette vitesse a atteint des records. J'ai manqué de temps pour avoir

 22   des contacts corrects avec mes conseils de la Défense. Il m'a même été

 23   interdit de faire ce qu'il fallait par écrit pour obtenir un avocat. Il me

 24   semble que les éléments de preuve et les dépositions des témoins à décharge

 25   n'ont pas été suffisamment pris en compte. Mon sentiment, c'est que la

 26   façon de procéder de ce Tribunal est assez peu équitable. En tout cas,

 27   c'est mon impression pour ce qui me concerne.

 28   Mes collègues combattants et mes officiers ont pris la parole pour

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  1   parler de leur état de victime, ce n'est pas le sentiment que j'avais. La

  2   question qui pouvait se poser était de savoir pourquoi certains témoins ont

  3   été entendus en qualité de témoin. Il était indispensable de mettre sur la

  4   table toutes les questions et, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  5   Juges, tout devait être replacé dans un contexte bien déterminé. Ce qui est

  6   un fait, c'est qu'il y en avait qui ne voulait pas une solution pacifique

  7   pour la région de Sarajevo. Le gouvernement et les dirigeants supérieurs de

  8   l'ABiH cherchaient une solution exclusivement sur le champ de bataille.

  9   L'interruption des hostilités pouvait être obtenue à tout moment. Je n'ai

 10   jamais opposé le moindre obstacle à cette voie d'une solution pacifique.

 11   Il reste des traces qui démontrent que j'ai tout donné de moi pour

 12   que l'accord de paix de Dayton soit appliqué le plus fructueusement

 13   possible. Le rôle que j'ai joué a été apprécié et respecté par le général

 14   Bachelet, un général français de la FORPRONU. (expurgé)

 15   (expurgé)

 16   (expurgé) Mais le général Bachelet a bien vu que le Corps de Sarajevo

 17   Romanija et le peuple, qui était défendu par ce corps d'armée afin

 18   d'obtenir une bonne application des accords de paix, ont accepté de

 19   ramasser ces cadavres sur le sol avant de faire mouvement pour avancer afin

 20   de respecter des dispositions de l'accord.

 21   Tous les documents sur lesquels on peut lire Corps de Sarajevo

 22   Romanija d'un côté et 1er Corps de l'ABiH de l'autre côté ont été présentés

 23   aux Juges de la Chambre. Il ressort clairement de la lecture de ces

 24   documents que le 1er Corps de l'ABiH et les autres unités de cette même

 25  armée, à partir du 1er août 1994 et jusqu'à l'interruption des hostilités en

 26   1995, a planifié et mené à bien des attaques sur tout le territoire des

 27   champs de bataille. Dans cette période, le Corps de Sarajevo Romanija n'a

 28   été à l'origine d'aucune attaque. Il s'est contenté simplement de se battre

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  1   pour se défendre afin d'effectuer une percée éventuelle.

  2   Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, en tant que

  3   commandant d'un corps d'armée, je suis le mieux à même de déterminer

  4   l'intensité du danger auquel nous étions confrontés. Je dirais que ce

  5   danger était supérieur à celui auquel on est confronté en enfer. S'agissant

  6   des forces du 1er Corps d'armée, elles étaient associées aux forces du MUP,

  7   à celles de certaines unités du HVO et d'autres unités de l'ABiH et il

  8   était impossible de savoir si l'attaque allait venir du sud-ouest et

  9   encercler Vogosca, Ilijas, Rajlovac, Ilidza et Hadzici ou si, avec l'aide

 10   des forces de la 12e Division de force terrestre et avec l'aide des forces

 11   du MUP, l'ABiH allait encercler Grbavica en coupant la route à l'ennemi à

 12   moins de s'associer aux forces de la 4e Division venues du mont Igman pour

 13   prendre la direction d'Ilidza et de Vogosca, ou encore si elle allait

 14   prendre la direction de Trnovo.

 15   Tous ces endroits sont des endroits que la RSK a défendus en subissant de

 16   nombreux assauts. Les forces terrestres de l'ABiH et le 1er Corps d'armée,

 17   en mars 1995, ont pris la décision, avec leurs brigades de Sarajevo, de se

 18   lancer dans une attaque le long d'axes bien déterminés. La raison

 19   fondamentale qui n'est pas évoquée dans les ordres - alors que c'est une

 20   obligation - consistait à apporter un concours au 5e Corps d'armée de

 21   Bihac. Je me demande vraiment à la lecture du document qui constitue la

 22   pièce D418, qui a mis qui en danger dans le cadre de cette initiative et

 23   s'il n'est jamais arrivé qu'on voit une unité lancer une attaque sans la

 24   moindre raison à moins que cette raison ne consiste à faire le mal.

 25   Les décisions prises par l'ABiH l'étaient dans le cadre d'ordres de

 26   combat --

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Milosevic, je me dois

 28   d'appeler votre attention sur l'heure, car les dix minutes qui vous étaient

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  1   imparties sont expirées. Pouvez-vous conclure en une minute.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie de me

  3   laisser finir. Il me semble que j'arrive au bout de ce que je voulais dire,

  4   mais j'aimerais, si la chose est possible, que ne me soit pas enlevée la

  5   possibilité de dire tout ce que j'avais l'intention de dire ici. Je vous en

  6   prie.

  7   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Pour peu que vous respectiez le temps

  8   dont vous disposez --

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

 10   Ces ordres étaient rédigés où l'on pouvait lire : Lancer l'attaque,

 11   couper telle ou telle route, réunir les forces, effectuer un encerclement

 12   avec les tireurs embusqués et les autres forces, avancer sur la ligne,

 13   lancer telle ou telle attaque -- et tout cela n'a rien d'illégal. Mais ce

 14   qui était légal pour le Corps de Sarajevo Romanija, c'était de jouir de la

 15   possibilité et du droit de se défendre.

 16   Tout ce que je suis en train de reprendre ici oralement figure noir

 17   sur blanc dans les documents. Sur le champ de bataille de Sarajevo, l'ABiH

 18   et avant tout son 1er Corps d'armée disposaient de troupes dont les

 19   effectifs étaient égal à ceux de 33 brigades, y compris brigades de

 20   montagne, brigades motorisées, brigades des Musulmans, brigades de police,

 21   brigades de police spéciale, brigades du HVO et détachement des

 22   Moudjahidines, entre autres. Ces unités étaient appelées des unités de

 23   chevaliers, des unités d'honneur. Voilà à quelles forces le Corps de

 24   Sarajevo Romanija était opposé, qui lui comptait huit brigades devant

 25   couvrir un front de nombreux kilomètres. Donc les forces auxquelles était

 26   opposé le Corps de Sarajevo Romanija ont tout fait pour couper la route à

 27   l'ennemi grâce à des forces dont les effectifs étaient bien supérieurs. Les

 28   actions offensives analysées dans un certain nombre d'ouvrages confirment

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  1   que l'ABiH avait plusieurs options. Le général Rasim Delic, commandant de

  2   cette armée, a déclaré :

  3   "Les Musulmans vont continuer à se battre nonobstant les initiatives de

  4   paix. L'initiative de paix américaine n'a ni queue ni tête."

  5   Cette déclaration a été faite le 28 août 1995 à Jablanica.

  6   L'opération d'attaque Tegbir a été commencée le 15 août par l'ABiH. Dans

  7   ces conditions, je me contente ici de constater que les conséquences de

  8   cette attaque ont été un nombre important de victimes, d'un côté comme de

  9   l'autre. Je ne me suis pas opposé à cette attaque. J'ai dû la supporter.

 10   Monsieur le Président, je sais bien qu'il existe un code d'honneur, mais je

 11   sais également que l'Accusation ne devrait pas transformer un accusé en

 12   monstre. Je ne sais pas quel est le message que l'Accusation souhaite

 13   diffuser en racontant l'histoire qu'elle raconte au sujet du lieu de séjour

 14   de mes enfants, mais je n'aime pas du tout ce qui est dit à ce sujet. Il ne

 15   me convient pas non plus de voir qu'un témoin protégé, haut représentant

 16   des Nations Unies, me déclare un ivrogne et que dans une déclaration

 17   écrite, il me qualifie officiellement du terme de bandit. Ceci est

 18   insupportable et si l'on en juge par l'emploi de ces épithètes, on peut se

 19   demander quelle est la valeur de sa déposition. Je me demande comment il

 20   est possible d'accepter qu'un qualificatif qui ne me correspond ni de près

 21   ni de loin puisse être utilisé de cette façon.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Milosevic, pouvez-vous

 23   conclure votre déclaration, je vous prie.

 24   L'APPELANT : [interprétation] C'est possible, oui. Je vous remercie.

 25   Je regrette profondément le sort des blessés et des morts et j'aimerais que

 26   ce sentiment exprimé par moi soit accueilli partout exactement comme je le

 27   ressens à l'intérieur de mon âme. Je sais qu'aucune mère ne met au monde un

 28   enfant pour qu'il soit tué par autrui. Il est triste de tuer un animal ou

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  1   de couper un arbre, sans parler de tuer un être humain. Je déclare que je

  2   suis tout à fait prêt à prier pour le sort des morts, des blessés et des

  3   handicapés lourds. J'ai souffert lorsque j'ai vu de mes yeux le sort qui

  4   était réservé à ces êtres humains, et aujourd'hui je souffre encore

  5   davantage à l'intérieur de mon âme. J'ai vu sur le territoire tenu par le

  6   1er Corps de Bosnie-Herzégovine nombre de blessés et de morts, et j'en ai vu

  7   également sur le territoire tenu par le RSK. Je sais bien ce que sont les

  8   souffrances des civils innocents. Ce sont des événements dramatiques.

  9   Mais dans un conflit aussi horrible que celui-là, je ne peux pas non

 10   plus m'abstenir d'exprimer de la souffrance pour le sort vécu par les

 11   soldats qui eux aussi sont des êtres humains. Si vous me le permettez,

 12   j'aimerais en une minute, vous citer un exemple.

 13   Le 18 septembre 1994, les forces de l'ABiH, celles de la 12e

 14   Division, ont organisé une attaque en direction de l'est. Lors de cette

 15   percée de l'ABiH, ils ont tué sur-le-champ sept personnes. J'ai vu leurs

 16   hommes se faire tuer et j'ai ressenti le même regret, eu égard à leur mort,

 17   qu'à celle de quiconque. Car tout être humain est égal à un autre être

 18   humain. Dans un bâtiment, huit soldats du Corps de Sarajevo-Romanija ont

 19   été tués et leurs cadavres nous ont été envoyés par eux uniquement au

 20   moment où ils ont commencé à voir leurs rangs se démanteler. 

 21   Je parle de tous les endroits et de toutes les situations sur un plan

 22   équivalent. Si quelqu'un accepte mon point de vue, je tiens à dire que je

 23   regrette profondément ces pertes humaines dont je considère qu'elles

 24   n'auraient pas dû avoir lieu. Je n'ai pas été l'auteur de la création de

 25   ces victimes, quant au Procureur, il présente les choses de sa façon mais

 26   je n'en suis pas responsable.

 27   Le 1er mai 1993, Radio Sarajevo a évoqué les criminels de guerre, je parle

 28   bien de 1993. Dès 1992, Kukajnac et Radovan Karadzic ont été mentionnés au

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  1   côté du nom de Dragan Milosevic, présenté également comme un criminel de

  2   guerre, alors que Dragan Milosevic n'avait pas encore tiré une seule balle

  3   avec ses unités. Je considère que tout cela était orchestré d'avance, et

  4   ce, parce qu'il est impossible dans des conditions acceptables de démontrer

  5   exactement comment les événements se sont déroulés.

  6   Je vous présente mes excuses pour avoir dépassé un peu le temps qui m'était

  7   imparti mais j'avais le sentiment de dire un certain nombre de choses, même

  8   si celles-ci n'ont éventuellement pas la moindre importance.

  9   Je vous remercie.

 10   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. L'Accusation.

 11   M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé, mais il

 12   nous faut passer à huis clos partiel pour quelques instants.

 13   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, d'accord. Huis clos partiel.

 14    M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.

 15   [Audience à huis clos partiel]

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  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Ceci met fin à l'audience en appel dans

  3   cette affaire. Je souhaite, au niveau des Juges de la Chambre, remercier

  4   les parties pour la présentation de leurs arguments. Je souhaite également

  5   remercier toutes les personnes qui ont contribué à l'organisation de cette

  6   audience, et je souhaite tout particulièrement remercier les interprètes,

  7   qui permettent la communication entre les parties et les Juges de la

  8   Chambre. Le jugement en appel sera rendu en temps voulu.

  9   L'audience est levée.

 10   --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 02.

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