LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit : Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba, Président

M. le Juge Antonio Cassese

M. le Juge Richard May

Assistée de : Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Décision rendue le : 29 avril 1998

 

LE PROCUREUR

c/

ANTO FURUNDZIJA

 

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DECISION RELATIVE A LA REQUETE DU PROCUREUR AUX FINS DE MESURES DE PROTECTION PARTICULIERES EN FAVEUR DE TEMOINS PROTEGES PAR ORDONNANCE DU TRIBUNAL ET A LA REQUETE DU PROCUREUR AUX FINS DE PROTEGER LES VICTIMES ET TEMOINS

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 Le Bureau du Procureur :

M. Michael Blaxill

Mme Patricia Viseur-Sellers

Le Conseil de la Défense :

M. Luka Misetic

 

LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE

VU la Requête confidentielle du Procureur aux fins de mesures de protection particulières en faveur de témoins protégés par ordonnance du Tribunal ("Requête ex parte"), déposée sous scellés et ex parte par le Bureau du Procureur ("Accusation") le 24 avril 1998 dans le but d’obtenir des Ordonnances de la Chambre de première instance autorisant l’Accusation à communiquer à la Défense les déclarations de témoins et les comptes rendus des audiences à huis clos intéressant une autre affaire jugée par le Tribunal international, lesquels comptes rendus et déclarations sont visés par une ordonnance aux fins de mesures de protections rendue dans ladite affaire,

VU la Requête confidentielle du Procureur aux fins de protéger les victimes et les témoins ("Requête aux fins de mesures de protection préalablement au procès"), déposée par l’Accusation le 29 avril 1998, par laquelle le Procureur cherche à obtenir des mesures de protection uniquement durant la phase préalable au procès en application de l’article 75 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international ("Règlement"),

ATTENDU que, lors du dépôt de la Requête ex parte, l’Accusation méconnaissait déjà les obligations de communication que lui imposait l’article 66 du Règlement,

ATTENDU EN OUTRE que la Défense ne se verra pas signifier de copie de la Requête ex parte et, par conséquent, ne déposera pas de réponse à ladite Requête,

CONSIDERANT QUE l’octroi des mesures demandées par l’Accusation dans sa Requête ex parte est essentiel pour une administration adéquate de la justice et accélérera la procédure de communication dans la présente affaire,

CONSIDERANT EN OUTRE QUE les mesures demandées par l’Accusation dans sa Requête aux fins de mesures de protection préalablement au procès présentent un caractère temporaire et que, s’il y est fait droit, elles ne porteront pas atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable et public garanti par l’article 21, paragraphe 2, du Statut du Tribunal international, en sorte qu’il n’est pas indispensable que la Chambre de première instance sursoie à statuer jusqu’à ce qu’elle ait reçu la réponse de la Défense à ladite Requête,

EN APPLICATION DE L'ARTICLE 75 du Règlement,

FAIT DROIT PAR LA PRESENTE A LA REQUETE ex parte ET A LA REQUETE AUX FINS DE MESURES DE PROTECTION PREALABLEMENT AU PROCES ET ORDONNE ce qui suit :

  1. s’agissant des témoins dont le nom figure dans l’Annexe à la Requête ex parte, l’accusé, son conseil et ses représentants agissant suivant ses instructions et demandes, s’abstiendront de révéler au public, à titre individuel ou en général, et aux médias le contenu des déclarations de témoins et des comptes rendus des dépositions faites devant le Tribunal international et visées par une ordonnance portant mesures de protection ;
  2. s’agissant des mêmes témoins, l’accusé, son conseil et ses représentants agissant suivant ses instructions et demandes, s’abstiendront de révéler au public, à titre individuel ou en général, et aux médias l’identité d’un témoin protégé par un pseudonyme lors d’une procédure antérieure ou le lien entre le pseudonyme d’un tel témoin et l’identité de ce témoin dans l’affaire en instance dans la mesure où celle-ci pourrait être déduite ou découverte à partir de toutes autres déclarations ou documents notifiés par l’Accusation ;
  3. jusqu’à nouvel ordre, les nom, adresse, coordonnées et autres éléments d’identification relatifs aux personnes énumérées dans l’Annexe confidentielle à la Requête aux fins de mesures de protection préalablement au procès ne seront pas révélés au public ou aux médias ;
  4. jusqu’à nouvel ordre, les nom, adresse, coordonnées et autres éléments d’identification relatifs aux personnes énumérées dans l’Annexe confidentielle à la Requête aux fins de mesures de protection préalablement au procès seront conservés sous scellés et n’apparaîtront dans aucun dossier public du Tribunal international ;
  5. jusqu’à nouvel ordre, dans la mesure où le nom ou d’autres éléments d’identification relatifs aux personnes énumérées dans l’Annexe confidentielle à la Requête aux fins de mesures de protection préalablement au procès apparaissent dans des documents publics existants du Tribunal international, ces nom et autres éléments d’identification seront éliminés de ces documents ;
  6. jusqu’à nouvel ordre, les documents du Tribunal international identifiant ces témoins ne seront pas communiqués au public et aux médias ;
  7. un pseudonyme sera donné à chacune des personnes énumérées dans l’Annexe confidentielle à la Requête aux fins de mesures de protection préalablement au procès. Ces pseudonymes seront utilisé chaque fois qu’il sera fait référence à ces témoins avant l’ouverture du procès devant le Tribunal international et lors des discussions entre les parties au procès ;
  8. jusqu’à nouvel ordre, l’accusé, son conseil et leurs représentants agissant suivant leurs instructions et demandes ne révéleront ni au public ni aux médias les nom ou autres éléments d’identification relatifs à ces témoins, à moins qu’il ne soit nécessaire de communiquer ces éléments au public pour enquêter de façon adéquate sur lesdits témoins ;
  9. toute communication de ce type se fera de façon à minimiser le risque que le nom du témoin soit révélé à l’ensemble du public ou aux médias ;
  10. le public et les médias s’abstiendront de photographier, de filmer ou de faire le portrait des témoins protégés lorsque ceux-ci se trouvent dans l’enceinte du Tribunal international ;
  11. l’Accusation et la Défense tiendront chacune un registre à jour indiquant le nom, l’adresse et la fonction de toute personne ou entité qui reçoit une copie d’une déclaration de témoin, ainsi que la date de cette communication. En cas de violation des dispositions de la présente Ordonnance, l’Accusation ou la Défense le notifieront à la Chambre de première instance qui peut soit examiner les violations présumées soit renvoyer la question devant une personne qu’elle désignera, comme le Juge de permanence. Si la Chambre de première instance renvoie la question devant un Juge de permanence, ce dernier examinera les registres de communication, décidera quant aux faits et fera rapport à la Chambre de première instance en recommandant les mesures qui lui semblent appropriées.
  12. l’Accusation et la Défense feront savoir aux personnes ayant reçu une copie des déclarations qu’il leur est interdit de les reproduire, à peine de sanction pour outrage au Tribunal international, et qu’elles sont tenues de renvoyer lesdits documents dès qu’ils ne leur sont plus nécessaires ;
  13. l’Accusation et la Défense vérifieront que les personnes ayant reçu une copie des déclarations observent rigoureusement leur obligation de ne pas reproduire ces documents et de les renvoyer dès qu’ils ne leur sont plus nécessaires ; et
  14. l’Accusation est libre de déposer avant l’ouverture du procès une requête devant la Chambre de première instance aux fins d’obtenir la prorogation pendant le procès de tout ou partie de ces mesures.

Aux fins de la présente Décision, le terme "public" ne comprend pas les personnes ou entités qui aident l’accusé et son conseil ou l’Accusation à préparer leurs dossiers.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la

Chambre de première instance,

/signé/

Florence Ndepele Mwachande Mumba

Fait le vingt-neuf avril 1998

La Haye (Pays-Bas)

[ Sceau du Tribunal]