Affaire n° : IT-98-29-A

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT EN APPEL

Devant :
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
2 septembre 2004

LE PROCUREUR

c/

STANISLAV GALIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE URGENTE DE L’ACCUSATION AUX FINS D’ORDONNER À L’APPELANT DE DÉPOSER À NOUVEAU SON MÉMOIRE D’APPEL ET DEMANDE D’AUTORISATION DE DÉPASSER LE NOMBRE DE MOTS FIXÉ POUR LA REQUÊTE

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils de l’Accusé :

Mme Mara Pilippovic
M. Stéphane Piletta-Zanin

NOUS, FLORENCE NDEPELE MWACHANDE MUMBA, Juge de la Chambre d’appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU le « Mémoire d’appel de la Défense », déposé le 19 juillet 2004 (« Mémoire d’appel de Galic »),

VU la requête urgente de l’Accusation aux fins d’ordonner à l’Appelant de déposer à nouveau son mémoire d’appel et demande d’autorisation de dépasser le nombre de mots fixé pour la requête (Urgent Prosecution Motion for an Order Requiring the Appellant to Re-File His Appeal Brief and Requests for Leave to Exceed Word- Limit for Motion), déposée le 20 août 2004 (la « Requête »), par laquelle l’Accusation demande : 1) qu’il lui soit permis de dépasser d’environ 1 000 mots le nombre de mots fixé pour la requête, 2) que la Chambre d’appel annule le dépôt du mémoire d’appel de Galic et ordonne à celui-ci de le déposer à nouveau dans les formes voulues ou, à défaut, 3) qu’il lui soit permis de déposer une réponse de l’intimé longue de 100 000 mots1,

ATTENDU que, dans sa réponse à la Requête (Defence Response on Prosecution Motion dated 20 August 2004) (« Réponse de Galic à la requête »), la Défense s’oppose à ce que l’Accusation soit autorisée à dépasser le nombre de mots fixé pour la requête, comme elle le demande,

ATTENDU que la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes dispose que « [l]es requêtes, réponses et répliques soumises à une Chambre, en général, n’excèdent pas 10 pages ou 3 000 mots2 , que « [l]es mémoires et les requêtes sont présentés en format A43, que « [l]a marge, des quatre côtés, doit faire au moins 2,5 cm4  » et que « [l]a police est de 12 points avec un interligne de 1,55,

ATTENDU qu’il est dit dans la section C) 7. de la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes qu’« [u]ne partie doit demander l’autorisation d’outrepasser les limites fixées dans la présente directive pratique et expliquer les circonstances exceptionnelles qui justifient le dépôt d’une écriture plus longue6 »,

ATTENDU que l’Accusation a longtemps et fortement insisté sur l’idée que le mémoire d’appel de Galic devait être conforme aux conditions posées dans la Directive pratique, alors qu’elle-même ne respecte pas des conditions analogues,

ATTENDU que, dans l’intérêt de l’économie des moyens judiciaires et aux fins d’une mise en état rapide de l’appel, la Chambre d’appel considère que la Requête déposée est valide et entend l’examiner au fond,

ATTENDU que, pour demander à la Chambre le dépôt du mémoire d’appel de Galic et la prier d’enjoindre à ce dernier de déposer à nouveau un mémoire d’appel qui respecte les conditions de forme, l’Accusation s’est fondée sur deux arguments, à savoir 1) que le mémoire d’appel n’est pas conforme à la décision rendue le 16  juillet 2004 par le juge de la mise en état en appel, qui accordait à la Défense 45 pages supplémentaires pour son mémoire d’appel et que, comme le paragraphe B) de la Directive pratique dispose qu’« SuCne page moyenne ne doit pas dépasser 300 mots », la limite ainsi fixée à 145 pages représente donc 43 500 mots et non les 69 516 mots que compte le Mémoire d’appel de Galic, et 2) que « sur bien des points, le Mémoire d’appel n’est pas conforme aux conditions exigées pour la présentation des moyens en appel », précisées, notamment, au paragraphe 4 section I de la Directive pratique relative aux conditions de forme applicables au recours en appel contre un jugement7,

ATTENDU qu’à l’encontre de l’argument de l’Accusation selon lequel la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes exigerait qu’« [u]ne page moyenne ne [dépasse pas] 300 mots », la Défense oppose la disposition de la section C.1.a) de la Directive pratique8, à savoir que « [l]e mémoire d’un appelant, dans le cadre de l’appel contre le jugement final d’une Chambre de première instance, n’excède pas 100 pages ou 30 000 mots  » ce qui devrait s’entendre comme signifiant qu’il suffit de respecter le nombre de pages prévues et les dispositions relatives au format des feuilles, des marges, de la police de caractères et de l’espacement des lignes, comme l’indiquent les sections A) et B) de la même Directive pratique,

ATTENDU que la « Décision relative à la demande de réexamen déposée par la Défense », rendue le 16 juillet 2004, accordait à la Défense l’autorisation de dépasser de 45 pages le nombre de pages fixé dans la Directive pratique susmentionnée pour les mémoires d’appel9,

ATTENDU que le Mémoire d’appel de Galic compte 145 pages de format A4, que les marges mesurent au moins 2,5 centimètres sur les quatre côtés, qu’une police de caractères de 12 points est utilisée et que l’espacement est d’un interligne et demi et, qu’en conséquence, le Mémoire d’appel de Galic est conforme à la Décision rendue le 16 juillet 2004 par le juge de la mise en état en appel,

ATTENDU qu’à l’encontre de l’argument du Procureur, selon lequel le Mémoire d’appel n’est pas entièrement conforme aux conditions posées au paragraphe 4 section  I de la Directive pratique relative aux conditions de forme applicables aux recours en appel contre un jugement10, la Défense oppose deux arguments : 1) que l’Accusation fait un usage indu de la présente Requête pour soulever des questions portant sur le fond de la procédure en appel, 2) que l’Accusation n’a pas vocation à apprécier l’exactitude des arguments invoqués dans le mémoire en appel de Galic,

VU les dispositions du paragraphe 4, Section I de la Directive pratique relative aux conditions de forme applicables au recours en appel contre un jugement11,

ATTENDU que, s’agissant du premier exemple que donne l’Accusation pour montrer que la Défense n’a pas respecté les conditions de forme applicables dans son Mémoire d’appel12 (« l’exemple de l’Accusation  »), cette dernière, dans la note de bas de page 14, relative au paragraphe 28, fait référence au paragraphe 283 du Jugement et au passage intitulé « Tirs isolés n°20  » et attendu par conséquent que la Défense s’est conformée aux conditions exposées au paragraphe 4 section I de la Directive pratique relative aux conditions forme applicables au recours en appel contre un jugement13,

ATTENDU, s’agissant du deuxième exemple de l’Accusation concernant la communication tardive de pièces relevant de l’article 68 du Règlement14, que Galic situe les éléments de preuve dans le temps et que, même si une mention plus précise aurait été préférable, l’Accusation n’a pas soutenu que cela l’empêchait d’identifier les documents en question ou de répondre à ce moyen d’appel et, qu’en conséquence, la demande de l’Accusation tendant à faire procéder à un nouveau dépôt est disproportionnée par rapport l’imprécision relative des références15,

ATTENDU que, s’agissant du troisième exemple donné par l’Accusation16, s’il est vrai que le renvoi figurant dans la première note de bas de page du Mémoire d’appel de Galic est inexact, la décision évoquée est précisée au paragraphe 20 du Mémoire d’appel et l’Accusation a pu retrouver la page en question du compte rendu et que, par conséquent, la Chambre n’a pas lieu d’intervenir,

ATTENDU que, s’agissant du sixième exemple donné par l’Accusation17, s’il est vrai que Galic ne présente pas d’argument juridique à l’appui de l’affirmation selon laquelle la mens rea de l’accusé ne peut être prouvée par des éléments de preuve circonstanciels, il appartient cependant à l’Accusation d’y répondre dans la réponse de l’intimé, et que la Chambre, quant à elle, se prononcera lorsqu’elle statuera sur l’appel au fond,

ATTENDU que le septième exemple donné par l’Accusation (la question de savoir s’il existait un plan visant à attaquer des civils de Sarajevo) et les huitième18, neuvième19, dixième20, onzième21 et douzième exemples de l’Accusation (portant sur la valeur d’éléments de preuve contestés) soulèvent des questions que la Chambre d’appel devra examiner et sur lesquelles elle devra se prononcer lorsqu’elle statuera sur l’appel au fond mais qui ne justifient pas que le Mémoire soit annulé ou déposé à nouveau,

ATTENDU que l’Accusation ne présente que deux exemples illustrant le moyen selon lequel Galic avait présenté des arguments importants sous forme de note de bas de page : les quatrième22 et le cinquième23 exemples de l’Accusation et que, dans les deux cas, le moyen d’appel étant exposé dans le corps du texte, la note de bas de page a pour objet de présenter des exemples et de développer les arguments,

ATTENDU que les Parties doivent respecter la pratique du Tribunal suivant laquelle les moyens d’appel doivent figurer dans le corps du texte de leurs écritures24 et qu’il serait légitime d’ordonner l’annulation d’une écriture qui ne respecterait pas cette disposition de la Directive pratique,

ATTENDU que l’Accusation présente une demande disproportionnée lorsqu’elle sollicite l’annulation du dépôt du Mémoire d’appel ou un nouveau dépôt de celui-ci et que cela a pour seule conséquence, non de contribuer à la bonne mise en état de l’appel, mais de perturber le calendrier de dépôt des écritures,

ATTENDU qu’il n’y a pas lieu d’annuler le dépôt du Mémoire d’appel de Galic ni de prescrire un nouveau dépôt,

VU la demande par défaut de l’Accusation, à savoir d’être autorisé à déposer un mémoire de l’intimé comportant au plus 100 000 mots,

ATTENDU que la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes dispose que la réponse de l’intimé « n’excède pas 100 pages ou 30 000  mots25 »,

ATTENDU que dans la « Décision relative à la demande de réexamen déposée par la Défense », que la Chambre a rendue le 16 juillet 2004, la Défense s’est vu accorder l’autorisation de dépasser de 45 pages dans son mémoire d’appel le nombre de pages fixé dans la Directive pratique susmentionnée26,

ATTENDU que le Mémoire d’appel de Galic compte 145 pages et 69 516 mots,

ATTENDU que les circonstances exceptionnelles de l’espèce, la nécessité de faire en sorte que les procédures en appel soient raisonnablement rapides, le principe d’égalité des armes et l’intérêt pour la Chambre d’appel que les arguments soient présentés clairement, justifient d’accorder à l’Accusation l’autorisation de déposer une réponse de l’intimé, du même nombre de pages ou de mots que le Mémoire d’appel de Galic,

PAR CES MOTIFS,

DIT que le Mémoire a été déposé en bonne et due forme,

REJETTE la Requête de l’Accusation aux fins d’obtenir l’annulation du dépôt du Mémoire d’appel de Galic et

ACCORDE à l’Accusation l’autorisation de déposer une réponse de l’intimé qui comporte 145 pages ou 69 516 mots.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 2 septembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le juge de la mise en état en appel
______________
Florence Ndepele Mwachande Mumba

[Sceau du Tribunal]


1 - IT/184/rév.1, 5 mars 2002. Section C) 1 b).
2 - IT/184/rév.1, 5 mars 2002. Section C) 5.
3 - IT/184/rév.1, 5 mars 2002. Section A).
4 - IT/184/rév.1, 5 mars 2002. Section A).
5 - IT/184/rév.1, 5 mars 2002. Section B).
6 - IT/184/rév.1.
7 - IT/201, 7 mars 2002.
8 - IT/184/rév.1, 5 mars 2002.
9 - Décision relative à la demande de réexamen déposée par la Défense, 16 juillet 2004, par. 3.
10 - IT/201, 7 mars 2002
11 - IT/201, 7 mars 2002, paragraphe 4 de la section I, lequel dispose comme suit : « 4. Après avoir déposé son acte d’appel, l’Appelant dépose, conformément aux dispositions du Statut et du Règlement, un Mémoire contenant, dans l’ordre suivant :
a) une introduction et un rappel concis de la procédure pertinente, indiquant notamment la date du jugement, le numéro de l’affaire et la date de toute écriture ou décision interlocutoire ayant trait à l’appel,
b) les arguments à l’appui de chaque moyen d’appel, qui comprennent, sans s’y limiter :
i) les arguments de droit, renvoyant clairement et précisément aux dispositions applicables du Statut, du Règlement, ainsi qu’à la jurisprudence du Tribunal international ou à toute autre source juridique invoquée,
ii) les arguments de fait et, le cas échéant, les arguments à l’appui de toute contestation factuelle excipant de l’existence ou de l’absence d’une insuffisance de preuves, ainsi que la référence précise renvoyant aux pièces a conviction pertinentes, la page du compte rendu d’audience, décisions ou numéros de paragraphes dans le jugement,
iii) les arguments expliquant en quoi une erreur de droit alléguée invaliderait la décision et/ou une erreur de fait alléguée aurait entraîné une erreur judiciaire,
iv) la mesure spécifique demandée, c) les arguments à l’appui de toute mesure globale sollicitée. Les moyens d’appel et les arguments sont exposés et numérotés dans le même ordre que dans l’acte d’appel, sous réserve de toute modification desdits moyens sur autorisation de la Chambre d’appel. »
12 - Par. 28 du Mémoire d’appel de Galic.
13 - IT/201, 7 mars 2002.
14 - Quatrième et treizième moyen d’appel du Mémoire d’appel de Galic.
15 - Dans son Mémoire d’appel, Galic renvoie aux pièces supplémentaires communiquées par l’Accusation en août et le 18 novembre 2003.
16 - Celui-ci concerne la note de bas de page 1 du Mémoire d’appel de Galic.
17 - Celui-ci porte sur les paragraphes 111 et 112 du Mémoire d’appel de Galic, où il est affirmé que sa mens rea ne peut êre prouvée par des preuves circonstancielles.
18 - Celui-ci porte sur le témoignage de Aernaut van Lynden cité au paragraphe 221 du Mémoire d’appel de Galic.
19 - Celui-ci porte sur les éléments de preuve de Kucanin y compris sur la note de bas de page 160 du Mémoire d’appel de Galic.
20 - Celui-ci porte sur le paragraphe 184 du Mémoire d’appel de Galic.
21 - Celui-ci porte sur le paragraphe 217 du Mémoire d’appel de Galic.
22 - Celui-ci porte sur les notes de bas de page 5 se rapportant au paragraphe 23 et 160 se rapportant au paragraphe 223 du Mémoire d’appel de Galic.
23 - Celui-ci se rapporte au dixième moyen d’appel de Galic, point b, exposé notamment au paragraphe 110 du Mémoire d’appel de Galic.
24 - Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, Ordonnance aux fins de dépôt de moyens d’appel modifiés, IT-95-14/2-A, Juge David Hunt, Juge de la mise en état en appel, 18 février 2002, p. 3.
25 - IT/184/Rev. 1, 5 mars 2002.
26 - Décision relative à la demande de réexamen déposée par la Défense, 16 juillet 2004, p. 3.