Affaire n° : IT-98-29-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Wolfgang Schomburg

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
28 janvier 2005

LE PROCUREUR

c/

STANISLAV GALIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS D’OBTENIR LA SUPPRESSION DE L’ARGUMENT AVANCÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS PAR L’APPELANT DANS SON MÉMOIRE EN RÉPLIQUE CONCERNANT DES ERREURS COMMISES PAR LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Les Conseils de Stanislav Galic :

Mme Mara Pilipovic
M. Stéphane Piletta-Zanin

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

VU la requête de l’Accusation aux fins d’obtenir la suppression de l’argument avancé pour la première fois par l’appelant dans son mémoire en réplique concernant des erreurs commises par la chambre de première instance (Motion to Strike New Argument Alleging Errors By Trial Chamber Raised For First Time in Appellant’s Reply Brief ) (la « Requête »), requête déposée par le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») le 30 novembre 2004, dans laquelle l’Accusation demande à la Chambre d’appel de supprimer dans ce dossier le paragraphe 49 du mémoire en réplique (Brief in Reply) déposé par Stanislav Galić (l’« Appelant ») le 27 septembre 2004,

VU les « Jugement et opinion » (le « Jugement ») rendus dans la présente affaire par la Chambre de première instance I le 5 décembre 2003,

VU l’« Acte d’appel » et le « Mémoire d’Appel de la Défense » (le « Mémoire d’appel ») déposés par l’Appelant respectivement les 4 mai et 19 juillet 2004, dans lesquels l’Appelant fait appel du Jugement en soulevant plusieurs moyens,

VU le mémoire en réponse de l’Accusation (Prosecution Response Brief) déposé par l’Accusation le 6 septembre 2004, dans lequel cette dernière soutient que l’Appelant devrait être débouté de son recours,

VU le mémoire en réplique, dans lequel l’Appelant conteste les objections formulées par l’Accusation à l’encontre de son appel,

ATTENDU que, dans la Requête, l’Accusation demande à la Chambre d’appel de supprimer dans le dossier le paragraphe 49 du mémoire en réplique au motif que l’Appelant y fait état pour la première fois d’erreurs de la part de la Chambre de première instance, des erreurs qui ne sont pas relevées dans l’Acte d’appel et ne sont par conséquent pas examinées dans le Mémoire d’appel de l’Appelant, à savoir que :

    1. Le Tribunal a eu tort de conclure que l’Accord du 22 mai a une valeur juridique bien que l’Appelant ait argué du fait que ledit accord avait été signé par des représentants de partis politiques n’ayant pas participé au conflit,

    2. Le Tribunal a eu tort de ne pas conclure que, toutes les parties au conflit ayant violé les dispositions de la Convention de Genève, personne ne peut en être tenu responsable1,

    3. L’Appelant cherche de plus à incriminer divers organismes et commissions dont il laisse entendre qu’ils ont contribué aux violations du droit humanitaire international ou n’ont du moins pas agi de façon à garantir un respect maximal du droit humanitaire international ;

VU la réponse de la Défense à la requête de l’Accusation, réponse déposée le 3 décembre 2004 dans laquelle l’Appelant s’oppose à la Requête en soutenant que l’Accusation se méprend sur le paragraphe 49, qui reste dans les limites permises pour un mémoire en réplique et vient expliciter un argument avancé dans l’Acte d’appel et le Mémoire d’appel, argument selon lequel l’Accord du 22 mai n’a pas de valeur juridique,

VU la réplique à la réponse de la Défense à la requête de l’Accusation (Reply to Defence Response to Prosecution’s Motion to Strike New Argument Alleging Error), réplique déposée le 7 décembre 2004, dans laquelle l’Accusation soutient que l’Appelant tente de tirer parti de certaines formulations générales qui, dans l’Acte d’appel, s’appliquent à d’autres moyens sans rapport aucun et qu’il aurait dû préciser dans l’Acte d’appel les erreurs de droit ou de fait relevées dans le Mémoire d’appel ou présenter les arguments qui s’y rapportent,

ATTENDU que l’article 6 de la Directive pratique relative aux conditions formelles applicables au recours en appel contre un jugement, IT/201, dispose qu’un Mémoire en réplique « ne traitera que des arguments en réplique au Mémoire de l’Intimé »2, ce qui a pour but d’empêcher qu’un appelant avance de nouveaux arguments dans un mémoire en réplique parce que l’intimé n’aurait pas la possibilité d’y répondre3,

ATTENDU que l’argument selon lequel l’Accord du 22 mai ne liait pas les parties a été avancé dans l’Acte d’appel4 et le Mémoire d’appel5,

ATTENDU néanmoins que les raisons invoquées au paragraphe 49 du mémoire en réplique à l’appui de cet argument constituent en elles-mêmes de nouveaux arguments,

ATTENDU par ailleurs que les nouveaux arguments avancés au paragraphe 49 ne viennent pas en réplique au mémoire en réponse de l’Accusation,

DÉCLARE que le paragraphe 49 va au-delà des limites permises pour un mémoire en réplique,

POUR LES RAISONS QUI PRÉCÈDENT,

FAIT DROIT À la requête et ORDONNE que le paragraphe 49 soit supprimé dans le mémoire en réplique.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 28 janvier 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
___________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1. Tel que reformulé dans la réplique à la réponse de la Défense à la requête de l’Accusation aux fins d’obtenir la suppression du nouvel argument faisant état d’erreurs (Reply to Defence Response to Prosecution’s Motion to Strike New Argument Alleging Error), 7 décembre 2004, par. 8.
2. Directive pratique relative aux conditions formelles applicables au recours en appel contre un jugement, IT/201, 7 mars 2002.
3. Voir Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, Affaire n° IT-95-14-A, la Décision relative aux Précisions au Mémoire de l’intimé et Oppositions à la portée du Mémoire en réplique de l’appelant, déposées par l’accusation, le 24 septembre 2002.
4. Acte d’appel, par. 24, 31.
5. Mémoire d’appel, par. 60, 63.