Affaire no : IT-98-29-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I

Composée comme suit :
M. le Juge Alphons Orie, Président

M. le Juge Amin El Mahdi
M. le Juge Rafael Nieto-Navia

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
2 avril 2003

LE PROCUREUR
c/
STANISLAV GALIC

_______________________

DÉCISION RELATIVE À LA RÉPLIQUE

_______________________

Le Bureau du Procureur :

M. Mark Ierace Mme

Le Conseil de la Défense :

Mara Pilipovic
M. Stéphane Piletta-Zanin

I. INTRODUCTION

1. À l’issue de la présentation principale des moyens à décharge, l’Accusation a informé la Chambre de première instance I, section B (la « Chambre de première instance  ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal ») de son intention de présenter 8 déclarations recueillies en vertu de l’article 92 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement ») et de citer jusqu’à trois témoins à comparaître à l’audience dans le cadre de la réplique1.

2. Le 14 mars 2003, l’Accusation a déposé une requête en vertu de l’article 92  bis du Règlement concernant les moyens présentés en réplique (Submissions Pursuant to Rule 92 bis with respect to Rebuttal Evidence), la « Requête de l’Accusation », par laquelle elle demandait l’admission de 8 déclarations recueillies en vertu de l’article 92 bis du Règlement. Le même jour, elle a transmis à la Chambre de première instance les déclarations de deux témoins dont elle demandait la comparution en personne à l’audience. Le 18 mars 2003, l’Accusation a déposé un document expliquant la pertinence des moyens présentés en réplique (Prosecution’s Explanation of the Relevance of its Rebuttal Evidence), l’« Explication de l’Accusation  ». Le 20 mars 2003, la Défense a déposé sa réponse à la Requête de l’Accusation en vertu de l’article 92 bis du Règlement concernant les moyens présentés en réplique (Response on Prosecution Motion Pursuant with the Rule 92 bis in Relation to Rebuttal), la « Réponse de la Défense ».

3. Après avoir entendu les arguments des parties, la Chambre de première instance a rendu oralement sa décision le 21 mars 2003 et a indiqué qu’une décision écrite exposant plus avant ses motifs serait prochainement délivrée.

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE, VU les conclusions orales et écrites des parties,

REND LA PRÉSENTE DÉCISION ÉCRITE.

II. EXAMEN

A. Droit applicable

4. La jurisprudence du Tribunal en matière d’admission d’éléments de preuve en réplique est claire. Dans l’affaire Le Procureur c/ Delalic et consorts, la Chambre d’appel a établi que « la réplique doit porter sur une question importante directement soulevée par les moyens à décharge et que l’Accusation n’aurait pu raisonnablement prévoir2 ». Elle a affirmé que « […]"si [l’Accusation] peut raisonnablement prévoir que [la] culpabilité [de l’accusé] ne sera pleinement établie que pour autant qu’elle aura produit ces preuves", il serait malvenu de le lui permettre, [dans la mesure où] l’Accusation "ne peut produire de nouveaux éléments de preuve simplement parce que la Défense lui a opposé certains moyens qui contredisent ses allégations"3  ». Ce critère empêche l’admission en réplique d’éléments de preuve à faible valeur probante4, d’éléments venant juste renforcer la présentation principale des moyens à charge, ou d’éléments en rapport avec un point fondamental de la cause de l’Accusation et uniquement présentés à ce stade de la procédure.

5. Il convient de distinguer les éléments de preuve en réplique des nouveaux éléments de preuve. On entend par « nouveaux éléments de preuve » les éléments de preuve auxquels l’Accusation n’avait pas accès à l’époque de la présentation principale de ses moyens. Selon l’Arrêt Delalic et consorts, les nouveaux éléments de preuve sont admissibles pour autant que les deux conditions suivantes soient remplies  :

1) L’Accusation doit prouver que, malgré toute la diligence voulue, lesdits éléments n’auraient pas pu être trouvés avant la fin de la présentation principale de ses moyens,

2) La Chambre de première instance a le pouvoir discrétionnaire d’autoriser ou non la production de ces nouveaux éléments de preuve, en mettant en balance leur valeur probante et l’injustice qui pourrait être faite aux accusés en les admettant à un stade aussi tardif5.

6. S’agissant de l’admission des déclarations recueillies en vertu de l’article  92 bis du Règlement, cet article dispose que celles-ci ne peuvent porter sur les actes et le comportement de l’accusé. Ce critère a été interprété par la Chambre d’appel comme excluant uniquement les déclarations portant sur les « actes et le comportement de l’accusé tels qu’allégués dans l’acte d’accusation, qui établissent sa responsabilité pour les actes et le comportement des autres », par opposition aux déclarations portant sur « les actes et le comportement d’autres personnes ayant commis des crimes dont l’accusé serait, aux termes de l’acte d’accusation, individuellement responsable6 ». La Chambre d’appel a également précisé que le « comportement » englobait également l’état d’esprit de l’accusé.

7. Savoir si les déclarations recueillies en vertu de l’article 92 bis du Règlement constituent des éléments de preuve pertinents auxquels la Chambre de première instance reconnaît une valeur probante, au sens de l’article 89 C) du Règlement, et si ces déclarations sont cumulatives par rapport à d’autres témoignages sont autant de questions qu’il convient d’examiner à la lumière des critères spécifiquement applicables dans le cadre de la réplique. Comme nous l’avons vu, pour être admis, les éléments de preuve en réplique doivent revêtir une certaine valeur probante et ne doivent pas être cumulatifs.

8. Dès lors que, se fondant sur les articles 89 et 92 bis du Règlement, la Chambre de première instance a conclu à l’admissibilité d’une déclaration recueillie en vertu de l’article 92 bis, elle a toute latitude pour déterminer si l’équité du procès commande que l’on autorise un contre-interrogatoire. Toutefois, il ressort de la jurisprudence constante du Tribunal que le contre-interrogatoire doit être autorisé si la déclaration porte sur un « élément clé de la cause de l’Accusation ou, autrement dit, sur une question controversée et primordiale entre les parties, et non sur une question secondaire ou peu pertinente7  ». La Chambre de première instance a précédemment conclu que les déclarations recueillies en vertu de l’article 92 bis du Règlement contenant des informations qui pourraient permettre d’établir la provenance des tirs ne devraient être admises qu’à condition que les témoins soient cités à comparaître pour un contre-interrogatoire 8.

B. L’application du droit aux éléments dont l’admission a été demandée dans le cadre de la réplique

9. La Chambre examinera en premier lieu les éléments que l’Accusation cherche à présenter par le biais de témoignages oraux, puis elle examinera l’admissibilité dans le cadre de la réplique des déclarations recueillies en vertu de l’article  92 bis du Règlement qui lui ont été soumises.

1. Les éléments de preuve présentés par des témoins de vive voix

a) Roelof From

10. L’Accusation a demandé l’autorisation de citer Roelof From à comparaître en qualité de témoin. Cet analyste militaire du Bureau du Procureur était censé «  expliquer les techniques et méthodes utilisées pour établir les cartes de l’Accusation figurant la région qui a été le théâtre des tirs isolés et des bombardements répertoriés, lesquelles ont été versées au dossier, et d’autres cartes et graphiques qui ont été communiqués à la Défense mais pas encore versés au dossier9  ». L’Accusation a également demandé à présenter, par le biais de ce témoin, cinq cartes tridimensionnelles, chacune d’elles en rapport avec l’un des épisodes de tir isolé, et qui, selon elle, viendraient directement réfuter les allégations de la Défense selon lesquelles il n’existait pas de ligne de visée entre l’endroit d’où proviendraient les tirs et celui où se serait trouvée la victime10. L’Accusation a également demandé l’autorisation de produire des cartes tridimensionnelles pour tous les autres cas de tir isolé et autres faits répertoriés, « afin d’aider la Chambre de première instance à apprécier avec une plus grande précision les distances pertinentes11 ». Elle a toutefois reconnu à l’audience que ces cartes ne constituaient pas des éléments de preuve en réplique et a retiré sa requête, « à moins que la Chambre de première instance n’estime qu’il s’agit de pièces dont elle souhaite disposer immédiatement12 ». L’Accusation a présenté ces cartes à la Chambre de première instance le 28 novembre  2002, et la question de leur admissibilité a également été débattue les 3 et 10  décembre 2002.

11. La Défense s’est opposée, sur le principe, à l’admission de cartes informatisées, qu’elle considère en outre impropres à fournir des informations fiables s’agissant de la ligne de visée, dans la mesure où elles ne rendent nullement compte de la hauteur des bâtiments et de l’épaisseur des arbres et des buissons13.

12. La Chambre de première instance estime que l’existence d’une ligne de visée entre l’endroit d’où seraient provenus les tirs et la position prétendue de la victime est une question importante pour la partie de la thèse de l’Accusation consacrée aux tirs isolés, et que les éléments de réfutation apportés par la Défense pendant la présentation de ses moyens ne justifient pas la présentation des éléments de preuve supplémentaires en question. Cette partie du témoignage de Roeland From ne saurait donc être admise comme élément de preuve en réplique. S’agissant des autres cartes produites par l’Accusation afin d’aider la Chambre de première instance, elles constituent des éléments de preuve nouveaux. La Chambre de première instance relève tout d’abord que, bien que l’Accusation ait indiqué que le Bureau du Procureur a acheté le logiciel en novembre 2002, elle n’a pas été en mesure d’indiquer depuis quand il était commercialisé14. L’Accusation n’a de ce fait pas prouvé qu’elle n’aurait pu, malgré toute la diligence voulue, obtenir ledit logiciel avant la fin de la présentation principale de ses moyens. La Chambre de première instance estime également que l’admission de pareilles cartes à ce stade de la procédure porterait préjudice au droit de l’accusé à un procès équitable.

b) Hajrudin Suman

13. L’Accusation a transmis à la Chambre de première instance la déclaration de Hajrudin Suman, lequel a intercepté une conversation qu’auraient eue, selon ses dires, le colonel Vukasinovic et le général Mladic, le 29 mai 1992. Les parties n’ont pas présenté de conclusions quant à la question de l’admission de son témoignage dans le cadre de la réplique. Pendant la présentation de ses moyens, l’Accusation n’a présenté aucun élément de preuve en rapport avec cette interception téléphonique. Le 11 mars 2003, alors qu’elle procédait au contre-interrogatoire de Radovan Radinovic, expert militaire cité en qualité de témoin par la Défense, l’Accusation a produit devant lui interception. La Chambre a permis à l’Accusation de poser au témoin des questions permettant de déterminer s’il avait, en qualité d’expert, pleinement examiné les pièces à sa disposition, mais elle ne l’a pas autorisée à poser des questions ayant pour but de déterminer si la conversation téléphonique avait bel et bien eu lieu, puisque rien ne permettait de penser que le témoin expert aurait pu savoir quoi que ce soit à ce propos. Radovan Radinovic a déclaré que, pour préparer son rapport, il avait lu le compte rendu des interrogatoires de l’Accusation, notamment de celui de Milenko Indjic, mais qu’il ne se souvenait pas qu’au cours de ce dernier, il avait été question de l’enregistrement audio d’une interception sur lequel on entend Mladic ordonner le bombardement d’un quartier de Sarajevo15.

14. La Chambre de première instance estime que l’interception ne se rapporte à aucune des questions directement soulevées par les moyens à décharge. En outre, elle pourrait être perçue comme portant sur le cœur de l’affaire puisqu’elle pourrait constituer un moyen de preuve établissant l’existence d’un plan visant à bombarder des quartiers résidentiels de Sarajevo dans le but de terroriser la population civile. Hajrudin Suman ne peut dès lors être cité comme témoin en réplique.

2. Déclarations en vertu de l’article 92 bis du Règlement

15. La Chambre de première instance va d’abord examiner si les déclarations présentées peuvent s’inscrire dans le cadre de la réplique. Dans l’affirmative, la Chambre étudiera alors si elle sont recevables en vertu de l’article 92 bis du Règlement.

a) Déclarations de Fatima Sisic et Vehija Makic

16. Les déclarations de Fatima Sisic et Vehija Makic ont été produites pour réfuter l’affirmation, faite lors de la présentation des moyens de la Défense, et les éléments de preuve produits à son appui, selon laquelle les mosquées n’auraient pas été prises pour cibles pendant la période couverte par l’acte d’accusation, et qui, de l’avis de la Défense, prouverait qu’il n’existait pas de « campagne ».

17. L’Accusation a reconnu que « la dégradation et le ciblage des mosquées ne sont pas mentionnés dans l’acte d’accusation », ce qui montre clairement que ces déclarations revêtent un « caractère secondaire »16.

18. La Chambre de première instance relève que le fait que la campagne ait inclus le ciblage de mosquées ne fait pas partie des moyens de l’Accusation. De plus, lors de la présentation des moyens de la Défense, les éléments de preuve présentés faisaient référence à des dégâts probablement causés à une mosquée au moins17. La Chambre de première instance estime que cette question ne revêt pas une importance suffisante pour que les déclarations soient admissibles dans le cadre de la réplique.

b) Déclaration du docteur Zecevic

19. Le docteur Zecevic est un expert en balistique que l’Accusation a cité à comparaître lors de la présentation principale de ses moyens. L’Accusation affirme que la déclaration du docteur Zecevic se rapporte à deux nouvelles questions soulevées pour la première fois par le docteur Vilisic, l’expert en balistique de la Défense, lors de sa déposition18. Il s’agit : a) des résultats des calculs concernant la profondeur des points d’impact en utilisant la formule de Berezanski et b) des caractéristiques des cratères en fonction de la vitesse d’activation du détonateur19. La Défense s’est opposée à l’admission de ladite déclaration au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions posées à l’article 92 bis du Règlement20.

20. La Chambre de première instance considère que les éléments de preuve relatifs aux questions a) de la pénétration de parties d’obus sur le point d’arrivée et sa relation avec la vitesse d’impact ainsi que b) des effets des différents types d’amorces utilisées, ont été examinés lors de la présentation des moyens de l’Accusation, et en particulier lors du témoignage du docteur Zecevic. Le témoin expert de la Défense a répondu sur ces questions en utilisant, entres autres, les tables et la formule de Berezansky /sic/. Après avoir analysé les pièces présentées en réplique par l’Accusation, la Chambre de première instance estime que les éléments de preuve que l’Accusation cherche à produire ne font que renforcer sa thèse et ne présentent pas une importance suffisante pour être admissibles dans le cadre de la réplique.

c) Déclarations de Mile Babic et de Linda Patrick

21. L’Accusation a soumis les déclarations de Mile Babic et de Linda Patrick pour réfuter l’élément de preuve avancé par la Défense lors de la présentation de ses moyens, selon lequel le dernier étage du bâtiment d’une école de théologie aurait été détruit au cours du conflit armé. La Défense a contesté qu’elle avait allégué ledit fait et les parties ont été d’accord pour reconnaître devant la Chambre que le bâtiment en question comportait trois étages au-dessus du rez-de-chaussée. Partant, l’Accusation a retiré sa demande relativement à ces deux déclarations21.

d) Déclarations d’Izet Berkovac et d’Adnan Bijedic

22. Adnan Bijedic, commandant du bataillon blindé du 1er Corps de l’armée de Bosnie-Herzégovine, décrit dans sa déclaration les emplacements des installations militaires de l’armée de BiH à proximité de l’hôpital de Kosevo. Par cette déclaration, l’Accusation cherche à réfuter les éléments de preuve présentés par la Défense concernant la localisation du matériel de guerre de l’armée de BiH à proximité de l’hôpital de Kosevo, qui n’ont été présentés à aucun témoin concerné de l’Accusation22.

23. Izet Berkovac, commandant de la 105e brigade motorisée de l’armée de BiH, décrit dans sa déclaration les emplacements de batteries de mortiers à l’intérieur de sa zone de responsabilité. L’Accusation vise par cette déclaration à réfuter les éléments de preuve présentés par la Défense relativement aux emplacements et aux tirs de mortiers depuis les environs du marché de Markale23.

24. La Chambre de première instance considère que la question de l’emplacement de cibles militaires potentielles et des positions de tirs de l’armée de BiH est suffisamment importante en l’espèce pour que l’Accusation ait pu la prévoir. En outre, la Chambre de première instance rappelle que des éléments de preuve ont été présentés à cet égard pendant la présentation principale des moyens de l’Accusation24. Par conséquent, les deux déclarations en question ne feraient que corroborer les éléments de preuve déjà produits et renforcer ainsi la thèse de l’Accusation. C’est pourquoi lesdites déclarations ne sont pas admissibles dans le cadre de la réplique.

e) Déclaration de Jonathan Tait-Harris

25. La déclaration de Jonathan Tait-Harris, un enquêteur du Bureau du Procureur, porte sur quatre sujets différents.

26. En premier lieu, cette déclaration fait état de ce qui est ressorti d’un entretien entre ledit enquêteur et l’enquêteur de la Défense sur la question de la provenance de documents de la République serbe de Krajina remis lors de la présentation des moyens de la Défense. Cette partie de la déclaration tend à mettre en doute l’authenticité des documents de la République serbe de Krajina qui ont été présentés et, aux dires de l’Accusation, elle est utile aux fins de déterminer le poids qu’il convient d’accorder auxdits documents25. La Défense s’est opposée à l’admission de cette partie de la déclaration au motif que les documents avaient été authentifiés par plusieurs témoins de la Défense, dont un expert militaire26.

27. La Chambre de première instance rappelle qu’il incombe à toute partie de faire authentifier les documents qu’elle présente, sur réclamation de la partie adverse. La Chambre relève que l’Accusation a régulièrement, depuis le tout début de l’instance, mis en doute l’authenticité des documents de la République serbe de Krajina présentés par la Défense, au motif que cette dernière n’avait pas précisé où elle les avait trouvés. La Chambre de première instance est donc suffisamment informée sur l’authentification et la provenance desdits documents pour pouvoir apprécier à bon escient l’importance à attribuer en fin de compte à chaque document de la République serbe de Krajina admis. Cette partie de la déclaration n’a pas sa place dans le cadre d’une réplique et ne revêt pas de toute façon une importance telle qu’elle mérite d’être admise en réplique.

28. En deuxième lieu, la déclaration se rapporte à l’examen médical pratiqué sur le témoin G, le 7 mars 2003. Un certificat médical daté du 7 mars 2003 et une photographie du dos du témoin G sont également joints à la déclaration. L’Accusation a expliqué que cette partie de la déclaration visait à réfuter la preuve avancée par l’expert médico-légal de la Défense, qui a contesté la concordance des preuves médicales de l’Accusation27. La Chambre de première instance estime qu’elle ne peut admettre dans le cadre de la réplique des documents médicaux rédigés a posteriori pour corriger un document produit antérieurement par l’Accusation lors de la présentation principale de ses moyens. Toutefois, la Chambre relève qu’aucune des parties n’a remarqué initialement la divergence entre le rapport médical présenté et la description que le témoin a faite de sa lésion. La Chambre considère qu’il est dans l’intérêt de la justice d’admettre cette partie de la déclaration mais seulement dans la mesure où elle fournit des observations relativement à la prise de la photographie du dos du témoin G et où elle présente ladite photographie, sur laquelle les traces de sa lésion apparaissent vraisemblablement.

29. La Chambre de première instance a laissé à l’Accusation le choix entre la présentation de la déclaration de M. Tait-Harris dans le cadre de l’article 92 bis du Règlement ou la comparution en personne28. Dans le cas où l’Accusation choisirait de présenter cette déclaration selon l’article 92 bis du Règlement, la Chambre de première instance a accordé à la Défense un contre-interrogatoire d’une durée n’excédant pas quinze minutes, au motif que ladite photographie pouvait servir à établir comment l’incident avait eu lieu.

30. En troisième lieu, la déclaration décrit le terrain aux alentours de l’école de théologie, tel que le témoin l’a vu le 13 décembre 2002. L’Accusation a indiqué qu’elle réfuterait l’argumentation de la Défense selon laquelle ce terrain ne comportait pas d’abri29. Elle a cependant admis devant la Chambre que la thèse de la Défense n’était pas sans équivoque à ce sujet et qu’elle n’insisterait pas pour obtenir l’admission de cette partie de la déclaration30. La Chambre de première instance en déduit que la demande de l’Accusation sur ce point est retirée. Cette partie de la déclaration ne devrait pas de toute façon être admise en réplique car elle ne viendrait que corroborer les éléments de preuve déjà produits par l’Accusation lors de la présentation principale de ses moyens.

31. En quatrième lieu, une série de photographies de l’école de théologie était jointe à ladite déclaration. Constatant l’accord des parties sur le fait que le bâtiment concerné de l’école de théologie comportait trois étages au-dessus de rez -de-chaussée, l’Accusation a retiré sa demande en ce qui concerne cette partie précise de la déclaration31.

III. DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 20 et 21 du Statut et des articles 85, 89 et  92 bis du Règlement de procédure et de preuve,

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

- AUTORISE l’Accusation à présenter en réplique la déclaration du témoin Tait-Harris en vertu de l’article 92 bis du Règlement ou par témoignage oral, seulement dans la mesure où ladite déclaration fournit des observations relativement à la prise de la photographie du dos du témoin G, et

- REJETTE la Requête quant à toutes les autres pièces présentées.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
_____________
M. le Juge Alphons Orie

Le 2 avril 2003
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1 - Compte rendu d’audience du 7 mars 2003.
2 - Le Procureur c/ Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-A, Arrêt, 20 février 2001 (« Arrêt Delalic et consorts »), par. 273.
3 - Arrêt Delalic et consorts, par. 275.
4 - Voir la décision orale dans l’affaire Le Procureur c/ Dario Kordic et Mario Cerkez, affaire IT-94-14/2, compte rendu d’audience p. 26647 : « seuls seront admis les éléments de preuve revêtant une forte valeur probante à l’égard d’une question importante qui sont présentés en réponse à un élément de preuve à décharge et qui ne viennent pas simplement renforcer la présentation principale des moyens de l’Accusation ».
5 - Arrêt Delalic et consorts, par. 283.
6 - Le Procureur c/ Stanislav Galic, Décision relative à l’appel interlocutoire interjeté en vertu de l’article 92 bis C) du Règlement (la « Décision de la Chambre d’appel »), 7 juin 2002, par. 9.
7 - Le Procureur c/ Slobodan Milosevic, IT-02-54-T, 21 mars 2002, par. 24.
8 - Le Procureur c/ Stanislav Galic, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’admission de déclarations en application de l’article 92 bis du Règlement, 26 juillet 2002 (la « Décision Galic en vertu de l’article 92 bis du Règlement »), par. 26 et 27.
9 - Explication de l’Accusation, par. 6.
10 - Conférence de mise en état du 21 mars 2003, compte rendu d’audience, p. 21551 et 21552.
11 - Explication de l’Accusation, par. 6.
12 - Conférence de mise en état du 21 mars 2003, compte rendu d’audience p. 21553.
13 - Réponse de la Défense, par. 57.
14 - Compte rendu d’audience p. 21553.
15 - Compte rendu d’audience, p. 21145.
16 - Requête de l’Accusation, par. 10.
17 - Voir, par exemple, pièce à conviction P3750 A et commentaires du témoin DP34, compte rendu d’audience, p. 17947 et 17970, ou encore du témoin Knezevic, compte rendu d’audience, p. 18976 et 18977.
18 - Compte rendu d’audience, p. 21556.
19 - Explication de l’Accusation, par. 8.
20 - Réponse de la Défense, par. 41 à 44.
21 - Compte rendu d’audience, p. 21526 et 21527.
22 - Explication de l’Accusation, par. 14.
23 - Explication de l’Accusation, par. 13.
24 - Voir, entre autres, la déposition des témoins Karavelic et Hadžic.
25 - Explication de l’Accusation, par. 9.
26 - Réponse de la Défense, par. 50.
27 - Explication de l’Accusation, par. 10.
28 - Compte rendu d’audience, p. 21610.
29 - Explication de l’Accusation, par. 11.
30 - Compte rendu d’audience, p. 21550.
31 - Compte rendu d’audience, p. 21526
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