Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Vendredi 07 décembre 2001.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 14 heures 18.)

4 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

5 (Questions relatives à la procédure: traitement des documents.)

6 M. le Président (interprétation): Bonjour, Mesdames et Messieurs, Monsieur

7 Galic.

8 Madame la Greffière d'audience, je vous prie de citer l'affaire.

9 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-29-T le Procureur contre

10 Stanislav Galic.

11 M. le Président (interprétation): Merci, Madame la Greffière.

12 Avant que de poursuivre avec le contre-interrogatoire de M. Kovac, je

13 voudrais que l'on revienne sur quelques questions dont il a été question

14 au cours des journées écoulées, et l'une de ces questions avait été celle

15 de savoir comment traiter des documents devant cette Chambre.

16 Je vais m'efforcer de vous expliquer de la façon la plus claire possible

17 la façon dont nous avons l'intention de le faire. S'il demeure des

18 questions par la suite, vous pouvez les poser à la Greffière et, si

19 problème il y a, elle sera en contact avec moi pour que l'on puisse

20 résoudre ces problèmes.

21 Donc, comment traiter des documents dont il est question pendant le

22 procès? Je parle ici des documents qui sont montrés soit aux témoins ou à

23 la Chambre et non pas des documents dont il a été donné lecture sans que

24 ces documents soient montrés soit aux Juges de la Chambre ou à l'une

25 quelconque des parties, voire à un témoin.

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1 Il doit être clair dès le début que la partie qui montre un document, un

2 enregistrement vidéo ou un objet, a forcément l'intention de verser le

3 document en question au dossier. Si cela n'est pas l'intention, si l'on

4 n'a pas l'intention de le verser au dossier, on lui accordera un numéro

5 d'identification seulement. Et pour ce qui est de la procédure

6 d'attribution d'un numéro d'identification, elle est la suivante.

7 D'abord, les documents qui reçoivent une annotation pour identification ne

8 doivent pas être prénumérotés par l'une quelconque des parties.

9 Deuxièmement, le document original doit être soumis au Greffe.

10 Troisièmement, le Greffe ou plutôt son représentant attribue une

11 identification à ce document, c'est-à-dire lui donne un numéro IMF et le

12 signe. Quatrièmement, le représentant du Greffe conserve ce document chez

13 lui, élabore des copies et une copie de l'original reste au Greffe.

14 Maintenant l'original, une fois ayant reçu une cote ou une désignation,

15 est retourné à la partie qui l'a confié. Il en va de même pour ce qui est

16 des enregistrements vidéo qui sont montrés mais qui ne sont pas proposés

17 pour être versés au dossier.

18 J'en viens maintenant à une deuxième catégorie, il s'agit de documents,

19 d'objets, vidéo, etc., qui seront versés au dossier par l'une quelconque

20 des parties. Donc ces parties, la partie concernée doit attribuer un

21 numéro, donc procéder à une pré numérotation, c'est la règle n°1. La règle

22 n°2, c'est que l'intention de verser au dossier quelque document,

23 enregistrement vidéo ou objet doit être notifiée. C'est-à-dire on doit

24 informer de l'utilisation de la vidéo, de l'objet pendant le procès.

25 Troisièmement, l'autre partie peut soulever tout de suite une objection

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1 dès qu'elle aura appris que tel document sera proposé pour versement au

2 dossier. Mais s'il n'y a pas d'objection -et ça c'est la quatrième règle-,

3 ce document, cet enregistrement vidéo ou cet objet sera versé au dossier

4 une fois l'interrogatoire du témoin terminé par une partie. Et si c'est

5 admis au dossier, il est attribué un numéro de pièce à conviction, mais au

6 préalable on met un "P" devant pour l'accusation ou "D" pour la défense.

7 Une fois un document versé au dossier, cela sera appelé une pièce à

8 conviction. Jusque-là cela demeure un document qui doit être versé au

9 dossier, mais une fois qu'il est identifié et qu'il est admis, cela

10 devient une pièce à conviction et cela portera une cote, celle qui lui

11 sera attribuée par le Greffe.

12 Je me propose maintenant de parler des documents qui portent quelque

13 marque que ce soit ou désignation que ce soit -et quand je dis "marque" ou

14 "désignation", j'entends là les annotations qui seront portées par l'un

15 quelconque des témoins sur ces documents-là. Dans le cadre d'un

16 interrogatoire en chef, on doit donner au témoin un document sans

17 annotation, puis avec des annotations. Donc, on suggère aux parties de ne

18 pas marquer ou porter de désignation sur un document avant que de terminer

19 le contre-interrogatoire.

20 Si l'on utilise des couleurs différentes pendant l'interrogatoire en chef

21 et le contre-interrogatoire -comme nous avons fait hier, nous avons

22 commencé hier avec une couleur rouge pour l'accusation, et une couleur

23 noire pour la défense-, nous nous proposons de limiter le nombre de

24 documents qui deviendront des pièces à conviction. Nous avons eu notamment

25 hier un cas particulier avec des cartes, et nous avons pour expérience le

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1 fait que la diminution du nombre de ces cartes ne serait pas une mauvaise

2 chose.

3 Donc la suggestion faite aux deux parties, c'est de les verser au dossier,

4 d'accord bien entendu, mais l'autre partie a toujours la liberté de ne pas

5 pouvoir travailler dessus et de proposer une carte à elle. Mais nous

6 apprécierons hautement que les parties parviennent à un compromis sur les

7 cartes à utiliser pour ne pas sombrer dans une confusion générale.

8 Je me propose maintenant de parler de ce qui se passe quand un document

9 devient une pièce à conviction. Quand un document devient une pièce à

10 conviction, les parties en présence doivent porter une annotation: "P"

11 pour l'accusation, "D" pour la défense et un numéro qui est le leur sur

12 les copies qui sont distribuées à tout un chacun.

13 Maintenant, si un document porte des marques faites par l'un quelconque

14 des témoins, les copies de la pièce à conviction doivent être distribuées

15 aux deux parties. Le Greffe veillera à ce que cela soit fait.

16 Maintenant, si les parties souhaitent obtenir ces exemplaires-là dans un

17 délai très bref, cela ne sera possible que si les représentants de

18 l'accusation font des copies d'eux. Ce qui fait que la chaîne de

19 conservation au niveau du Greffe doit être interrompue pour une brève

20 période, afin de procéder à la reproduction ou à des copies de certains

21 documents.

22 Je convie la défense de se mettre d'accord avec cette brève interruption

23 de cette chaîne. Si la défense n'est pas d'accord, bien entendu il lui

24 appartient de prendre la décision. Mais si la défense n'est pas d'accord,

25 il se peut qu'il y ait des délais importants pour ce qui est de

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1 l'obtention des copies de documents qui portent des annotations.

2 Je voudrais ajouter que, indépendamment du fait de voir l'original

3 retourné au Greffe une fois copié par l'un quelconque des représentant du

4 Bureau du Procureur -qu'il y ait des changements visibles ou pas-, il est

5 toujours possible de procéder à une vérification pour établir si les

6 annotations sont toujours celles qui avaient été présentées au préalable

7 ou, s'agissant de la vidéo, on peut voir que le document est montré dans

8 son intégralité.

9 Donc je pense que la Chambre estime qu'il n'y a aucun risque, ou

10 pratiquement aucun risque, de modification de documents pendant la

11 reproduction ou l'établissement de copies par le soin du Procureur.

12 Bien entendu, la défense peut être d'accord avec cette procédure ou pas.

13 Et nous avons indiqué quelle était la façon de vérifier qu'il n'y avait

14 pas eu de changements d'opérés.

15 Les pièces à conviction, ensuite, restent auprès du Greffe et peuvent être

16 consultées sur demande de chacune des parties concernées. C'est donc là

17 une ordonnance lorsqu'il s'agit des documents.

18 Nous avons pris une telle décision concernant la procédure, exception

19 faite de la spécificité au niveau des copies pour le rapatriement vers le

20 Greffe de toutes les pièces à conviction. J'espère que toutes les parties

21 en présence seront d'accord, et notamment la défense. Et je voudrais

22 savoir si la défense sera d'accord pour cette brève interruption qui

23 permettrait de procéder au marquage de pièce à conviction.

24 Mme Pilipovic (interprétation): (…)

25 M. le Président (interprétation): Allez-y!

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1 Mme Pilipovic (interprétation): La défense a écouté attentivement l'exposé

2 que vous avez fait pour ce qui est de la présentation des documents qui

3 doivent devenir des pièces à conviction. S'agissant des cartes, la défense

4 voudrait faire une suggestion. Etant donné que…

5 M. le Président (interprétation): Allez-y, allez-y!

6 Mme Pilipovic (interprétation): Etant donné que le Bureau du Procureur a

7 présenté une carte en noir et blanc de Sarajevo, 1 sur 12.000 étant

8 l'échelle, avec des annotations qui ont été faites par le témoin suite aux

9 questions posées par le Procureur, puis on a autorisé la défense à

10 utiliser une carte que la défense proposera pour versement au dossier

11 également. Nous voudrions proposer que la défense et le Procureur se

12 servent de la même carte lors de l'audition des témoins.

13 La défense voudrait donc qu'un exemplaire sans annotation soit remis à la

14 défense pour que les choses soient claires et que l'on puisse coordonner

15 nos interrogatoires et contre-interrogatoires. Et, une fois ces

16 interrogatoires et contre-interrogatoires terminés avec le témoin, la

17 défense accepte votre suggestion pour que l'on fasse des copies de cette

18 carte afin de faire parvenir une copie à l'accusation et une autre à la

19 défense.

20 M. le Président (interprétation): Pour autant que je le comprenne, vous

21 acceptez donc qu'il y ait eu une petite interruption dans cette chaîne de

22 conservation des documents. Bien entendu, cela n'est en vigueur que pour

23 les pièces à conviction de l'accusation. Etant donné que les pièces à

24 conviction que la défense va proposer au versement au dossier, avec les

25 annotations qui seront faites, seront confiées au Greffe pour qu'il y ait

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1 des copies de faites, donc il n'y aura pas là d'interruption de la chaîne

2 de conservation de ces documents. Et donc, s'agissant des pièces à

3 conviction portant un D, pièces à conviction de la défense, il n'y aura

4 pas d'interruption de cette chaîne de conservation.

5 Et, pour autant que j'ai pu le comprendre, je crois que la carte qui avait

6 été utilisée en noir et blanc sera versée au dossier. Et, au cours du

7 contre-interrogatoire et de l'interrogatoire en chef, on utilisera des

8 couleurs différentes. Et, pour finir, la partie qui a cité le témoin

9 versera au dossier la carte avec les annotations.

10 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, mais la carte

11 avec les positions qui ont été indiquées par le témoin en dessinant des

12 emplacements, je tiens à préciser que la défense a l'intention de demander

13 son versement au dossier. Je crois que nous nous sommes mis d'accord à ce

14 sujet.

15 A l'avenir, nous utiliserons des copies de la même carte pour que cette

16 même carte soit utilisée par la défense et l'accusation.

17 M. le Président (interprétation): Oui. Maintenant, pour ce qui est de M.

18 Kovac, la carte sera versée au dossier deux fois: une fois avec des

19 annotations rouges, et une deuxième fois avec des annotations en noir. A

20 l'avenir, les cartes ne seront versées au dossier qu'une fois avec les

21 deux couleurs sur le même exemplaire.

22 Merci beaucoup. Je suis tout à fait satisfait que nous nous soyons mis

23 d'accord sur ce se sujet.

24 Je voudrais maintenant demander à la défense de fournir une réponse à la

25 proposition faite par le Bureau du Procureur, hier. Je vois que c'était

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1 une proposition à 4 heures 10.

2 M. Piletta-Zanin: C'est exact, Monsieur le Président. Je remercie votre

3 Chambre de bien vouloir nous donner cette opportunité.

4 Votre Chambre aura pu voir, par l'audition du témoin d'hier, à quel point

5 il est également important de pouvoir constater quelles sont les attitudes

6 des témoins, surtout lorsque ceux-ci commencent par vous demander s'il

7 faut vraiment qu'ils répondent aux questions de la défense.

8 Cela, notamment, nous a amené à penser qu'il ne serait pas juste de suivre

9 la requête orale formulée par l'accusation, simplement parce que nous

10 pensons que votre Chambre doit, en tout état, pouvoir apprécier également

11 la façon dont un témoignage est apporté outre, bien évidemment, que son

12 contenu.

13 Nous avons vu par rapport au témoin d'hier qu'il s'est à une reprise

14 contredit. Nous avons d'ailleurs une requête spécifique à ce point qui est

15 la suivante: le témoin entendu hier a déclaré à une question de la défense

16 que ce qu'il avait dit avant, c'est-à-dire lors de l'interrogatoire en

17 chef, principal, n'était pas cela mais provenait d'une erreur de

18 traduction.

19 Je pense qu'il serait à ce stade utile que votre Chambre puisse demander

20 la réaudition des cassettes et que nous vérifiions si, oui ou non, une

21 réponse a été apportée ou s'il s'agit d'une erreur de traduction.

22 Sur le fond, sur le fond il y aura sans doute d'autres témoignages ou, et

23 la défense et, je pense, votre Chambre aimeraient voir comment se

24 déterminent les témoins et non pas seulement ce qu'ils disent.

25 Par conséquent et malheureusement, nous apporterons une réponse négative à

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1 la proposition faite par l'accusation hier vers 16 heures environ.

2 Je vous remercie de votre attention.

3 M. le Président (interprétation): Merci, Me Piletta-Zanin.

4 Je voudrais m'adresser aux deux parties pour maintenir un contact

5 permanent concernant les modalités d'accélération du procès, sans pour

6 autant perdre ou enfreindre en quoi que ce soit les droits ou aspects qui

7 sont considérés par l'une quelconque des parties comme étant importants

8 pour l'affaire.

9 Mais j'imagine que pour ce qui est de certaines questions, du moins peut-

10 être plusieurs de ces questions, il peut être abouti à des compromis. Par

11 exemple hier, nous avons traversé pas mal de domaines, et le témoin a été

12 interrogé sur différentes parties de la ville. Je crois qu'il pourrait

13 être convenu de certaines zones sur les cartes pour accélérer

14 l'interrogatoire des témoins. Mais je confie aux parties le soin de le

15 faire et je les convie à continuer à entretenir ce contact et faire tout

16 ce qu'elles peuvent pour que ce procès soit le plus efficace possible.

17 A vous, Monsieur Ierace.

18 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

19 clarifier l'un des points que vous avez mentionnés s'agissant du versement

20 au dossier de certaines pièces à conviction, et je crois qu'il s'agissait

21 du point 2.

22 Je crois que vous aviez dit, Monsieur le Président, que la partie ayant

23 l'intention de proposer quelques documents pour versement au dossier

24 devrait l'indiquer, le préciser, lors de la première utilisation de ce

25 document devant un témoin.

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1 Je voudrais expliquer moyennant un exemple la chose qui me préoccupe. Si

2 l'on interroge un témoin pendant l'interrogatoire principal et qu'on lui

3 montre un document, si l'on suit les directives que vous venez de nous

4 communiquer et si je les ai bien comprises, ce serait là le moment où le

5 juriste, l'avocat ou le Procureur, devrait indiquer qu'il a l'intention de

6 verser ce document au dossier.

7 Peut-être à ce moment-là n'y a-t-il pas de fondement ou de base véritable

8 pour le faire? Cela dépendra notamment des réponses faites par le témoin

9 en relation avec ce document.

10 J'imagine, Monsieur le Président, que vous aviez à l'esprit le fait que le

11 moment de présentation de certaines requêtes, pour ou contre le versement

12 au dossier de certains documents, ne devrait survenir qu'après avoir posé

13 au témoin toutes les questions pertinentes, c'est-à-dire au moment où le

14 conseil qui interroge le témoin vient à estimer que le document, dans cet

15 exemple concret, comporte suffisamment de valeur probante pour être versé

16 au dossier. Merci.

17 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Ierace. Bien entendu,

18 c'est précisément la raison pour laquelle j'avais dit et parlé de

19 l'intention de proposer au versement au dossier l'un quelconque des

20 documents. Il s'entend que les réponses du témoin sont pertinentes. Il se

21 peut que le document perde entre-temps toute pertinence, mais l'une des

22 raisons qui m'ont incité à faire cette proposition a été due à mon

23 expectative de la part des parties de communiquer l'une à l'autre les

24 documents qu'elles allaient utiliser, et non pas peut-être proposés pour

25 versement au dossier, mais les documents qu'elles allaient utiliser

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1 pendant l'interrogatoire du témoin.

2 Et d'autre part, on peut voir si, par exemple, le document est peut-être

3 falsifié ou pas. Donc chaque partie a la liberté de formuler des

4 objections qui sont formulables à ce moment-là. Et après l'interrogatoire

5 des témoins, l'on établit s'il y a une valeur probante, si c'est pertinent

6 ou pas, et c'est là que se pose ce type de question.

7 Ce que je voudrais, c'est éviter toute situation où un témoin doit faire

8 face à un document alors que l'autre partie estime que c'est un document

9 falsifié. Il doit à ce moment-là y avoir une opportunité de présenter un

10 commentaire -et c'est une solution pratique. Je comprends toutefois que

11 l'intention peut évoluer pendant l'interrogatoire.

12 Je crois que vous vouliez peut-être commenter encore quelque chose, Maître

13 Piletta-Zanin?

14 M. Piletta-Zanin: Non, je voulais justement indiquer à votre Chambre que,

15 pour la défense, cela nous paraît tout à fait régulier, mais que dans le

16 but d'essayer de régler les problèmes informatiques qui existent bel et

17 bien, une réunion a déjà été programmée avec l'accusation ce lundi pour

18 que nous voyions comment nous pouvons traiter ces problèmes, afin

19 d'essayer d'avoir le moins de problèmes et le moins de pièces, je

20 l'espère, possibles dans ce dossier. Je vous remercie de votre attention.

21 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Piletta-Zanin.

22 Nous avons dépensé 25 minutes pour cette question, mais j'espère que cela

23 nous permettra d'économiser pas mal de temps à l'avenir.

24 Je crois, Maître Pilipovic, que vous pouvez maintenant continuer dès que

25 l'on fera entrer le témoin Kovac. Vous pouvez continuer.

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1 M. Piletta-Zanin: Juste une chose, et j'en suis navré. Il faut que la

2 défense finalise un acte: la défense aimerait savoir quel sera le moment

3 de la pause parce que, en fonction de cela et pour être sûr du respect des

4 délais, je devrais peut-être m'absenter et je pourrais le faire avant

5 l'audition du témoin, si cela ne dérange pas la Chambre.

6 M. le Président (interprétation): Je voudrais continuer et, en fait, je

7 pense que la pause sera à 4 heures moins le quart. Je crois que Me

8 Pilipovic avait dit hier qu'elle avait besoin d'une heure encore: ce sera

9 donc vers la fin du contre-interrogatoire de ce témoin.

10 Par la suite, vous pourriez donc procéder à ce que vous vouliez faire

11 pendant la pause.

12 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur l'huissier, vous pouvez faire

14 entrer le témoin, je vous prie.

15 (Le témoin, M. Mustafa Kovac, est introduit dans le prétoire.)

16 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Mustafa Kovac, par Me Pilipovic.)

17 Bonjour, Monsieur Kovac.

18 M. Kovac (interprétation): Bonjour.

19 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous m'entendez? Est-ce que

20 vous pouvez me comprendre?

21 M. Kovac (interprétation): Oui.

22 M. le Président (interprétation): Merci. Je tiens à vous rappeler que vous

23 êtes encore tenu pas la déclaration solennelle que vous avez faite avant-

24 hier.

25 Maître Pilipovic, vous pouvez continuer.

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1 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

2 Monsieur Kovac, bonjour.

3 M. Kovac (interprétation): Bonjour.

4 Question: Hier, lors de notre contre-interrogatoire, nous nous étions

5 arrêtés à Rajlovac. Je demanderai à M. l'huissier d'avoir l'amabilité de

6 nous apporter la carte avec laquelle nous avions travaillé hier, et de la

7 remettre au témoin.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 On peut y aller, Monsieur Kovac?

10 Réponse: On peut y aller.

11 Question: Monsieur Kovac, vous nous avez montré l'emplacement de Rajlovac.

12 Je vous demanderai de faire un cercle à cet endroit-là et de placer une

13 lettre, la lettre "R".

14 (Le témoin s'exécute.)

15 Vous nous avez dit, hier, que Sokolje, Brijesce Brdo, ainsi que Brijesce

16 étaient sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzgovine?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Rajlovac se trouvait sous quel contrôle?

19 Réponse: Rajlovac était sous le contrôle des forces des Serbes de Bosnie.

20 Question: Pourriez-vous nous tracer une ligne de démarcation où se

21 trouvait la ligne de démarcation entre les deux parties belligérantes

22 entre ces deux zones: Raljovac-Packovo Brdo?

23 M. Kovac (interprétation): Je ne peux pas vous faire ce dessin, car je ne

24 connaissais pas le terrain.

25 Mme Pilipovic (interprétation): Merci.

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1 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, nous devons faire

2 objection à cette question, c'est une question ouverte quant à l'heure,

3 quant à la date en réalité. Donc le témoin n'a pas établi qu'il ait eu

4 quelque connaissance que ce soit de l'événement sur lequel on lui pose la

5 question.

6 Donc, avec tout le respect envers mon éminente confrère, il faudrait

7 d'abord établir si le témoin a connaissance du fait, connaissance de la

8 chose qu'elle lui demande de faire.

9 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, désirez-vous

10 répliquer?

11 Deux questions ont été soulevées par le Procureur: d'abord celle visant le

12 fait que vous n'avez pas indiqué la date, ou la période, à laquelle vous

13 vouliez que la ligne de séparation soit inscrite. Et deuxièmement, le

14 témoin a indiqué à plusieurs reprises qu'il n'a aucune connaissance de la

15 situation exacte quant aux lignes de séparation.

16 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai bien compris

17 l'objection faite par mon éminent confrère. Par contre, le témoin a

18 indiqué l'endroit où se trouvait Rajlovac et ce, en réponse à une de mes

19 questions. Donc s'il est nécessaire de demander à chaque fois au témoin et

20 de lui dire le laps de temps en questions que je désire couvrir par ma

21 question, et s'il fallait absolument que je lui dise toujours, à chaque

22 fois, qu'il s'agit de l'année 1992, 1993 et 1994, je peux le faire. Mais

23 le témoin a répondu à ma question par la négative. Et je l'ai remercié

24 pour cela.

25 M. Blaxill (interprétation): Avec tout le respect, Monsieur le Président,

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1 je dois soulever néanmoins une autre chose: mon éminente confrère fait

2 référence à l'année 1992 et ce, pour l'année entière. Je crois qu'il

3 serait mieux de préciser à quel moment, en 1992, elle désire poser les

4 questions: donc pour quelle période de cette année les lignes ont pu

5 changer au cours de cette année. Il nous faudrait donc avoir une précision

6 quant au laps de temps exact couvert par sa question, pour que l'on puisse

7 indiquer cela sur la carte.

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Nous parlons,

10 ici, d'une période pertinente pour laquelle le général Galic est accusé:

11 il s'agit du mois de septembre 1992 allant jusqu'au mois d'août 1994.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela vous satisfait? Est-ce

13 que cela est assez précis pour l'accusation? Donc il s'agit du mois de

14 septembre 1992.

15 M. Blaxill (interprétation): Eh bien, je voudrais faire deux observations

16 là-dessus, Monsieur le Président. D'abord, s'il faut demander au témoin de

17 nous faire des annotations permanentes sur la carte, il faudrait savoir

18 clairement si c'était la situation qui a prévalu au cours de toute la

19 période en question. Donc, si nous avions bien compris, maintenant il

20 s'agit de la période couvrant, allant du mois de septembre 1992 jusqu'au

21 mois d'août 1994. Mais je crois qu'il faudrait néanmoins savoir si, à un

22 certain moment donné, les lignes ont changé.

23 Et deuxièmement, il faudrait poser des questions de base pour établir si,

24 oui ou non, le témoin qui est examiné, connaît, a des connaissances

25 adéquates qui lui permettent de faire des annotations pour que le tout

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1 soit consigné au compte rendu d'audience. Le fait de tracer une ligne sur

2 une carte ne démontre pas que le témoin ait une connaissance réelle des

3 événements qui lui permette de faire ces annotations et de tracer ces

4 lignes.

5 M. le Président (interprétation): Bien. Quant à votre premier commentaire,

6 je crois qu'il n'est pas utile de discuter de la période de temps que

7 cette ligne couvre, mais peut-être que, dans l'avenir, Maître Pilipovic,

8 il faudrait être plus précis quand on demande au témoin de tracer quelque

9 ligne que ce soit pour que l'accusation ait pu avoir une meilleure

10 compréhension.

11 Deuxièmement, je voudrais clarifier la suggestion que je désire vous

12 faire. Je ne sais pas si vous désirez établir que la position où se

13 trouvait la position précise des lignes de séparation, si cela est votre

14 intention, à ce moment-là ma suggestion serait celle de demander d'abord

15 au témoin si le témoin a des connaissances spécifiques ou précises quant à

16 l'existence des lignes de séparation.

17 Deuxièmement, il faudrait lui poser des questions, à savoir jusqu'à quel

18 point il a des connaissances de cela. Il faudrait aussi établir si le

19 témoin a quelque connaissance que ce soit de l'existence des lignes de

20 séparation. Vous pourriez d'abord peut-être poser ces questions au témoin,

21 des questions un peu plus générales, et c'est de cette façon-là que nous

22 pourrions établir le contexte pour ne pas perdre plus de temps sur des

23 questions qui pourraient être clarifiées, d'abord en partant.

24 Merci.

25 Mme Pilipovic (interprétation): La Présidence répliquera aux questions

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1 qu'a soulevées mon éminent confrère. Quant aux positions, j'ai demandé au

2 témoin si les lignes changeaient, et l'accusation désire soulever qu'au

3 cours du conflit les lignes étaient statiques. Deuxièmement, le témoin au

4 cours du contre-interrogatoire, quand je lui ai posé la question quant à

5 savoir si le 3 octobre 2000, il a eu des conversations avec le

6 représentant du Bureau du Procureur, il a répondu que oui. Hier, je lui ai

7 montré une partie de sa déclaration, et il a dit: "la défense civile était

8 informée des positions de l'armée de la Bosnie-Herzégovine par l'entremise

9 de la défense civile." Donc c'est une telle déclaration qui a fait croire

10 à la défense qu'il était possible de poser ces questions, car le témoin a

11 dit que c'était la défense civile qui les informait des positions. Quant à

12 savoir l'étendue ou la quantité des renseignements qu'ils recevaient, il

13 pourra nous le dire personnellement.

14 Mais à ma question, quand je lui ai demandé, il y a quelques instants

15 cette question, il m'a répondu qu'il ne le savait pas quant à cette

16 partie-là. Donc si l'on pose des questions de cette façon-ci, la défense

17 désire établir certaines choses, plutôt la défense désire vérifier la

18 crédibilité de ce témoin, étant donné qu'il a eu certaines connaissances

19 tout au cours du conflit.

20 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre, Maître

21 Pilipovic.

22 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 Je demanderai au témoin s'il lui est possible de s'orienter en direction

24 sud-ouest, et de nous indiquer sur la carte de quelle partie de Sarajevo

25 s'agit-il? Comment s'appelait cette partie-là de Sarajevo?

Page 977

1 M. Kovac (interprétation): Je n'arrive pas à m'orienter. A quelle partie

2 pensez-vous?

3 Question: Je pense à la partie sud-ouest, donc par rapport à Rajlovac,

4 c'est un peu plus bas. Je ne sais pas si vous arrivez à vous orienter?

5 Réponse: Vous parlez de cette partie-ci?

6 Question: Non, c'est encore plus bas. Savez-vous où se trouve le hameau de

7 Ilija?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Pourriez-vous nous indiquer cet endroit et écrivez la lettre "I"

10 à l'intérieur du cercle.

11 (Le témoin s'exécute.)

12 Quand on parle du conflit, donc du mois de septembre 1992 allant jusqu'au

13 mois d'août 1994, savez-vous sous le contrôle de qui était Ilija?

14 Réponse: Elle était sous le contrôle des forces des Serbes de Bosnie.

15 Question: Est-ce que vous savez à quel moment les conflits ont éclaté à

16 Ilija?

17 Réponse: Probablement au début de 1992. Il me semble que ce devrait être

18 au mois de mai.

19 Question: Est-ce que vous savez entre qui est-ce que ce conflit a éclaté,

20 qui étaient les belligérants?

21 Réponse: C'était l'armée, l'Armiya, et les forces des Serbes de Bosnie,

22 donc entre l'armée de la Bosnie-Herzégovine et les Serbes de Bosnie.

23 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, pendant toute la

24 durée du conflit à Sarajevo, les lignes de démarcation, de séparation

25 avaient été établies?

Page 978

1 Réponse: Non, pas au début.

2 Question: D'après vous, à quel moment est-ce que ces lignes ont été

3 établies?

4 Réponse: Je crois qu'il s'agissait de la mi-1992. Selon moi, selon

5 certaines connaissances que je détiens.

6 Question: Quand vous parlez de la moitié de cette année-là, vous parlez de

7 quels mois?

8 Réponse: Je parle du mois de mai et du mois de juin.

9 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'une partie de

10 Sarajevo était sous le contrôle de l'armée de la Bosnie-Herzégovine?

11 Réponse: Je ne sais pas de quelle partie de Sarajevo, à quelle partie vous

12 faites référence?

13 Question: Vous venez de nous indiquer les endroits, les parties de

14 Sarajevo qui étaient sous le contrôle de l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

15 Réponse: La majeure partie de Sarajevo était sous le contrôle de l'armée

16 de la Bosnie-Herzégovine.

17 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, à l'intérieur de

18 Sarajevo, parlant de la municipalité de Centar et Stari Grad ainsi que

19 Novi Grad, il existait également des lignes de séparation entourant ces

20 municipalités?

21 Réponse: Oui, il y avait des lignes de séparation sur le territoire de ces

22 municipalités-là.

23 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la ville de Sarajevo

24 était une ville divisée?

25 Réponse: En petite partie, oui.

Page 979

1 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'entre ces deux

2 armées, telles que nous les avons nommées: l'armée de la Bosnie-

3 Herzégovine et l'armée de la VRS, qu'entre ces deux armées donc, il y

4 avait des conflits qui se déroulaient de façon quotidienne?

5 Réponse: Non, je ne suis pas d'accord que les conflits se déroulaient de

6 façon quotidienne.

7 Question: Mais est-ce que les conflits se déroulaient?

8 M. Kovac (interprétation): Oui.

9 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, nous avons terminé

10 les questions que nous devions poser sur cette carte. Et nous demanderions

11 que la carte qu'a annotée M. Kovac soit versée au dossier comme une pièce

12 de la défense.

13 M. le Président (interprétation): Puisqu'il n'y a pas d'objection, cette

14 carte annotée avec un feutre noir sera versée au dossier et portera la

15 cote… je vous écoute, Madame la Greffière.

16 Mme Philpott (interprétation): D7.

17 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur Kovac, pourriez-vous nous dire à

18 quel moment, selon vous, les conflits ont éclaté à Sarajevo?

19 M. Kovac (interprétation): Je ne comprends pas tout à fait ce que vous

20 pensez lorsque vous parlez de "conflits"?

21 Question: Est-ce que vous savez qu'il y a eu justement un conflit sur

22 Vrace, près de l'école de police?

23 Réponse: Oui, je connais qu'il y avait un tel conflit, mais je ne connais

24 pas les dates exactes.

25 Question: Pourriez-vous nous dire quand est-ce que cela s'est déroulé, cet

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1 événement a eu lieu en quel mois?

2 Réponse: Je sais seulement que c'était dans la première partie de 1992.

3 Question: Est-ce que vous pourriez nous dire à quel moment la présidence a

4 parlé ou a proclamé un danger de guerre imminent?

5 Réponse: Je crois que c'était vers la fin du mois d'avril 1992. Je crois

6 que c'était à ce moment-là.

7 Question: Pour rafraîchir votre mémoire, est-ce qu'il est possible que cet

8 événement ait eu lieu le 5 avril 1992?

9 Réponse: Non, je ne crois pas que c'était à cette date-là.

10 Question: Puisque vous nous avez dit avoir eu des connaissances s'agissant

11 de ce conflit de Vrace, près de l'école de police, est-ce que vous savez

12 s'il y a eu une division de police selon l'appartenance ethnique?

13 Réponse: Oui. On a changé de membres selon leur ethnicité.

14 Question: Est-ce que vous savez ce qui est arrivé le 1er mars 1992, à

15 Bascarsija?

16 Réponse: Je ne me souviens vraiment pas.

17 Question: En mars et en avril 1992, est-ce que vous avez connaissance du

18 fait que la population a dû se déplacer de Sarajevo?

19 Réponse: En mars et en avril?

20 Question: Oui, au mois de mai.

21 Réponse: Non, mais au mois de mai, oui.

22 Mme Pilipovic (interprétation): A quel moment est-ce que l'on a procédé à

23 un déplacement de la population au mois de mai? Quand exactement ? Est-ce

24 que c'est la première partie ou la deuxième partie du mois de mai?

25 M. Kovac (interprétation): Selon mon souvenir, je crois qu'il s'agissait

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1 de la première partie du mois de mai; c'est à ce moment-là que les

2 opérations de guerre avaient débuté, c'est à ce moment-là que la guerre

3 avait commencé. Donc je parle de l'intensité, n'est-ce pas, de la guerre.

4 M. Nieto Navia (interprétation): Madame Pilipovic, pourriez-vous répéter

5 votre question à la page 17, à la ligne 24, car les interprètes n'ont pas

6 saisi la réponse du témoin?

7 Mme Pilipovic (interprétation): Est-ce que vous savez si, à l'école de

8 police qui se trouvait à Vrace, il y avait des conflits et si, à ce

9 moment-là, il y a eu une division faite sur la base des appartenances

10 ethniques?

11 M. Kovac (interprétation): Liée à cette question?

12 Question: Oui.

13 Réponse: J'en ai entendu parler par les médias, j'ai entendu parler de cet

14 événement par le biais des médias.

15 Question: Et le 1er mars 1992, y a-t-il eu un civil à Bascarsija qui s'est

16 fait tuer, ce civil qui se trouvait dans une colonne de gens qui fêtaient

17 des noces? Est-ce que vous savez que c'était Ramiz Delalic qui l'a tué?

18 Est-ce que ce sont des renseignements que vous aviez reçus par les médias?

19 Réponse: Je me souviens de cet événement. Il est vrai que je l'ai entendu

20 par les médias.

21 Question: Est-ce que c'est à ce moment-là qu'on a procédé à l'érection des

22 barricades?

23 Réponse: Non.

24 Question: Vous nous avez dit qu'au mois de mai il y a eu des conflits. Qui

25 étaient les parties belligérantes au mois de mai?

Page 982

1 Réponse: Eh bien, probablement l'armée de la Bosnie-Herzégovine et les

2 forces des Serbes de Bosnie.

3 Question: A quel moment est-ce que l'armée de la Bosnie-Herzégovine a-t-

4 elle été formée de façon officielle? Est-ce que vous savez?

5 Réponse: Je n'ai pas d'information précise là-dessus. Mais je peux vous

6 dire, néanmoins, qu'il s'agissait de la fin du mois d'avril 1992.

7 Je sais seulement qu'avant cela il existait la Défense territoriale de

8 Bosnie-Herzégovine.

9 Question: Outre la Défense territoriale, quelles autres unités ont fait

10 partie de l'armée de la Bosnie-Herzégovine? Est-ce que vous le savez?

11 Réponse: Je crois qu'il y avait des unités du HVO.

12 Question: Vous nous avez parlé hier des unités qui avaient des chefs tels

13 que Juka Prazina, Musan Topalovic, "Caca", est-ce que vous savez que ces

14 unités-là ont également fait partie de l'armée de la Bosnie-Herzégovine?

15 Réponse: Pas directement, mais j'en avais entendu parler.

16 Question: Est-ce que vous savez que la police militaire a fait également

17 partie de l'armée de la Bosnie-Herzégovine?

18 Réponse: Probablement que oui.

19 Question: Etant donné que vous viviez sur Alipasino Polje, est-ce que vous

20 savez si le commandant de la police militaire à Dobrinja s'appelait Kerim

21 Loncarevic, appelé "Docteur"?

22 Réponse: Pour Kerim Loncarevic, j'avais entendu dire qu'il avait été nommé

23 commandant, mais par le biais des médias, mais je ne savais où il se

24 trouvait.

25 Je ne savais pas non plus quelle était l'unité à la tête de laquelle…

Page 983

1 quelle était son unité qu'il commandait.

2 Question: Quand avez-vous su cela par le biais des médias?

3 Réponse: Dans la première partie de l'année 1992.

4 Question: A quel moment a-t-on planifié et mis en oeuvre les activités

5 faites par la défense civile, étant donné l'état dont vous nous avez

6 parlé?

7 Réponse: Les activités de planification au sein de la défense civile se

8 sont déroulées en fonction de la situation, de l'évaluation de la

9 situation, car la situation qui prévalait à ce moment-là était liée à

10 l'état et aux conditions de vie de la population civile.

11 Question: Au niveau du quartier général de la défense civile, la vôtre, je

12 parle, est-ce que vous aviez un commandant de la défense civile, dans

13 laquelle vous étiez?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et à quel niveau se trouvait-il? Etait-il le commandant du

16 quartier général de la défense civile de Sarajevo ou est-ce que vous aviez

17 des commandants nommés par municipalité?

18 Réponse: C'étaient des commandants par municipalité, donc le commandant

19 était au niveau des municipalités.

20 Question: Vous nous avez dit que, par l'entremise des commissaires, vous

21 distribuiez l'aide humanitaire à la population?

22 Réponse: Oui, et nous en informions également la population quant à l'aide

23 humanitaire.

24 Question: Qui faisait ces listes?

25 Réponse: Vous parlez de la population?

Page 984

1 Question: Oui, qui confectionnait ces listes de noms de personnes à qui on

2 allait distribuer l'aide humanitaire?

3 Réponse: Ces listes étaient faites par les commissaires de la défense

4 civile. Ils y procédaient par bâtiment et par voisinage.

5 Question: Donc nous parlons de l'année 1992, du mois d'avril. Pendant

6 cette période-là jusqu'à la fin des conflits à Sarajevo, portiez-vous un

7 uniforme en tout temps?

8 Réponse: Non, pas en tout temps.

9 Question: A quel moment avez-vous commencé à porter l'uniforme?

10 Réponse: J'ai commencé au début de la guerre et, ensuite, j'ai porté un

11 uniforme civil car mon uniforme s'était déchiré ou défait.

12 Question: Et les autres représentants de la défense civile, portaient-ils

13 également un uniforme, cet uniforme-là?

14 Réponse: Nous avions des uniformes qui nous étaient légués par l'ancienne

15 défense civile ou celle qui était plutôt active avant la guerre, donc

16 c'étaient des uniformes que les gens possédaient dans leur maison,

17 c'étaient des vêtements bleus, de couleur bleue avec un insigne de la

18 défense civile.

19 Question: Est-ce que c'étaient des vêtements, des habits ou des bleus

20 travail?

21 Réponse: C'étaient des costumes.

22 Question: Est-ce que les membres de l'armée de la Bosnie-Herzégovine

23 portaient également ce même genre d'uniforme?

24 Réponse: Non.

25 Question: Dans le cadre de votre travail fait au sein de la défense civile

Page 985

1 de Novi Grad, est-ce que vous vous entreteniez avec la population civile?

2 Est-ce qu'ils venaient s'entretenir avec vous? Est-ce qu'ils venaient vous

3 dire qu'ils n'avaient pas d'eau, d'électricité, qu'ils avaient besoin

4 d'aide?

5 Réponse: Oui. Il y avait eu des discussions semblables, mais il nous

6 arrivait de nous déplacer vers les communautés locales. Et grâce à nos

7 commissaires, nous recevions l'information qui nous faisait état des

8 problèmes qui prévalaient sur les zones ou dans les zones dans lesquelles

9 les gens vivaient.

10 Question: Est-ce que vous déteniez des informations -soit personnellement,

11 soit venues à vous par les commissaires-, qu'on arrêtait des membres de la

12 famille de certains concitoyens, qu'on les emmenait vers des lieux

13 inconnus?

14 Réponse: Non, je ne détenais pas ce genre d'information.

15 Question: Vous nous avez dit que la distribution de l'aide humanitaire se

16 faisait sur des points précis, et que ces points précis pouvaient changer

17 pour ne pas les garder tout le temps à la même place. Est-ce que vous

18 savez si l'aide humanitaire était distribuée aux civils sur les lignes de

19 séparation?

20 Réponse: Non, je ne détiens absolument aucun renseignement de ce genre,

21 mais je peux vous dire que cela serait beaucoup trop dangereux.

22 Réponse: Est-ce que vous savez si à Dobrinja et à Alipasino Polje -pour

23 être un peu plus précis, sur le square Zavnobih, c'est une abréviation-, y

24 avait-il des blocs appartements dans lequel se trouvaient des prisons et

25 dans lesquelles on enfermait des Serbes?

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1 Réponse: Non, je ne détiens pas cette information.

2 Question: Est-ce que vous savez, sur ce square à Alipasino Polje il

3 existait un café, Borsalino?

4 Réponse: Avant la guerre, oui. Il y avait un café appelé Borsalino dans

5 l'agglomération d'Alipasino Polje.

6 Question: Et au cours de la guerre, est-ce que ce café était opérationnel?

7 Réponse: Je ne le sais pas.

8 Question: Est-ce que vous savez, s'agissant de votre municipalité, en

9 parlant de pourcentage, quel était le pourcentage des habitants serbes?

10 Combien y avait-il d'habitants Musulmans et combien de Croates, en

11 pourcentage?

12 Réponse: Vous voulez parler de la composition ethnique avant la guerre?

13 Question: Avant, pendant et au cours de la guerre.

14 Réponse: Avant la guerre, il y avait environ -et je ne serais pas précis,

15 je ne détiens pas les données exactes-, mais je crois qu'avant la guerre

16 il devait y avoir environ 65% de Bosniens, 25% de Serbes et environ de 8%

17 à 10% de Croates; et quelques infimes pourcentages des autres nationalités

18 et ethnies. C'est une évaluation vraiment très personnelle.

19 Question: Qu'en est-il pour la situation qui existait après la guerre?

20 Réponse: Ce nombre a diminué. Quand je parle de diminution, je veux dire

21 que le nombre de Bosniens a augmenté, mais le nombre de Serbes a diminué

22 et, quelque peu, le pourcentage de Croates a également diminué. Je crois

23 qu'aujourd'hui, sur le territoire de la municipalité de Novi Grad, il doit

24 y avoir environ 15% de Serbes et peut-être de 5% à 6% de Croates. Et pour

25 le reste, c'est les autres, selon leurs déclarations personnelles.

Page 987

1 Question: Est-ce que votre quartier général de défense civile était muni

2 d'unités?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Quelles étaient ces unités?

5 Réponse: C'étaient des unités de protection civile à affectation générale.

6 Question: Et les unités spécialisées se trouvaient où?

7 Réponse: Pas dans les communautés locales.

8 Question: Et au niveau de la municipalité?

9 Réponse: Il y avait une unité spécialisée chargée de la protection contre

10 les incendies.

11 Question: Et cette unité spécialisée de lutte anti-incendie, quelle était

12 sa composition ethnique?

13 Réponse: Je pense qu'il devait y avoir quelque 70% de Bosniens; je pense

14 quelque 25% de Serbes et 5% de Croates.

15 Question: C'est à partir de quels renseignements que vous en êtes arrivé à

16 ces faits-là?

17 Réponse: C'est une évaluation qui est la mienne et qui part, ou se fonde,

18 de la connaissance que j'avais des personnes. Mais nous n'avons jamais

19 strictement procédé à une répartition des personnes en fonction de leur

20 appartenance ethnique.

21 Question: Vous avez parlé des problèmes à Sarajevo, problèmes de tireurs

22 embusqués?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Est-ce que c'est à vous que l'on rapportait les incidents

25 impliquant des tireurs embusqués?

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1 Réponse: Non, cela ne faisait pas partie de nos attributions ou de nos

2 obligations.

3 Question: Mais saviez-vous que, au sommet des bâtiments ou des édifices

4 élevés à Stari Grad, au centre de la ville de Sarajevo, le bâtiment

5 d'Energo Invest, le conseil exécutif, le gratte-ciel Momo & Uzeir, le

6 bâtiment de l'entreprise de distribution d'électricité étaient des points

7 de prédilection pour ce qui est des tireurs embusqués de l'armée

8 musulmane? Vous le saviez?

9 Réponse: Non, je ne le savais pas.

10 Question: Vous nous avez parlé hier des pilonnages de Sarajevo.

11 Réponse: Je voudrais faire une petite rectification s'agissant de l'armée

12 musulmane. Je voudrais préciser qu'il ne s'agissait pas d'une armée

13 musulmane, mais d'une armée de la Bosnie-Herzégovine. Parce que, quand

14 vous définissez cela comme étant une armée musulmane, vous déterminez la

15 composition de cette armée.

16 Question: Vous avez probablement remarqué que, à l'occasion des questions

17 que je posais, je parlais à chaque fois de l'armée de la Bosnie-

18 Herzégovine. Veuillez me parler du problème de pilonnage: vers quelle

19 heure de la journée ces pilonnages avaient-ils lieu?

20 Réponse: Il est difficile de déterminer l'heure. Des fois, cela commençait

21 dès l'aube et cela durait jusqu'à midi. Puis cela s'arrêtait, ça cessait

22 jusque vers 3 heures ou 4 heures. Suite à quoi cela reprenait, et cela

23 pouvait durer par la suite jusqu'à 10 heures ou 11 heures du soir.

24 Question: Peut-on faire une différence entre l'intensité des pilonnages le

25 jour et l'intensité des pilonnages de nuit?

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1 Réponse: Il serait très difficile de déterminer une différence. Si les

2 pilonnages commençaient la nuit, ils duraient habituellement jusqu'aux

3 premières heures de la matinée. Il est certain que si l'on se réfère à des

4 lois de la physique, le bruit des détonations d'obus est bien plus fort

5 pendant la nuit; ce qui fait que les pilonnages, au cours de la nuit, ont

6 semé davantage de trouble et de peur chez les gens, en dépit du fait que

7 ces gens-là se soient trouvés dans des abris.

8 Question: Vous nous avez parlé hier à plusieurs reprise de pilonnages, et

9 vous avez dit que cela commençait tôt le matin et que cela durait jusqu'à

10 la fin de la journée; ou que cela commençait en début de soirée et que

11 cela durait toute la nuit.

12 Réponse: Il y a eu des périodes comme cela.

13 Question: Mais quand vous entendiez des pilonnages la nuit, est-ce que

14 vous pouviez savoir qui est-ce qui pilonne?

15 Réponse: Eh bien, on entendait les coups tirés parce que la nuit,

16 notamment après 24 heures, le silence se faisait plus grand. Et c'est

17 peut-être une loi tout à fait naturelle. On entendait d'abord le lancement

18 des tirs en provenance des collines environnantes, notamment en provenance

19 de Trebevic.

20 Par la suite, on savait plus ou moins, en fonction du bruit des

21 détonations, quelle était l'agglomération, la cité vers laquelle le

22 pilonnage était effectué. Si vous vous trouviez à l'emplacement de

23 Alipasino Polje au moment du pilonnage, vous pouviez fort bien entendre le

24 lancement de tirs d'obus, de pièces d'artillerie, de canons en provenance

25 du site de Trebevic. Au bout de trois ou quatre secondes, on pouvait

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1 entendre le sifflement de l'obus qui, ensuite, échouait quelque part à

2 proximité et occasionnait des dégâts à cet endroit-là.

3 Question: Est-ce que...

4 Réponse: Laissez-moi finir. Ce qu'il importe de dire, c'est que les

5 calibres étaient plutôt gros car les secousses occasionnées par les

6 détonations étaient assez fortes. Lorsque l'obus percutait les bâtiments

7 élevés, les maisons d'habitation vibraient; les gens qui habitaient dans

8 ces bâtiments-là n'avaient aucune assurance pour ce qui était de survivre

9 ou pas.

10 Question: Est-ce que l'emplacement géographique de Sarajevo, et vous venez

11 de nous parler des collines environnantes…

12 Réponse: C'est cela.

13 Question: ...permet de déterminer l'emplacement d'où provenait tel ou tel

14 tir?

15 Réponse: Pour ce qui est de certains sites, oui, parce que des pièces

16 d'artillerie se trouvaient placées au-dessus de la ville sur les collines

17 environnantes. Et les pièces d'artillerie qui procédaient à des tirs

18 indirects se trouvaient placées à l'abri, derrière les collines qui

19 entourent la ville.

20 Question: Vous venez d'être fort précis. D'où tirez-vous ces informations?

21 Est-ce que cela vient des médias ou est-ce que vous avez inspecté les

22 positions?

23 Réponse: Cela provient de gens experts en la matière. Et je pense que si

24 ces gens-là sont cités à comparaître ici, ils fourniront à cette éminente

25 Chambre des informations bien plus précises et plus concrètes.

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1 Question: Mais vous, personnellement, avez-vous pu entendre le sifflement

2 des obus ou seulement les détonations?

3 Réponse: A plusieurs reprises, pendant cette période allant de 1992 à

4 1994, j'ai eu l'opportunité d'entendre ces sifflements d'obus; c'est une

5 sensation pénible et effrayante, très effrayante.

6 Question: Vous nous aviez dit que l'aide humanitaire vous parvenait par le

7 biais d'organisations humanitaires?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Quelles sont ces organisations humanitaires avec lesquelles vous

10 aviez collaboré sur le territoire de votre municipalité?

11 Réponse: Il y avait un système d'acheminement de l'aide humanitaire qui,

12 par le biais du quartier général de la ville, était acheminé vers les

13 quartiers généraux de la protection civile sis au niveau des communautés

14 locales. Parce que, au niveau du quartier général de la ville, on avait

15 organisé la présence de véhicules et de personnes qui étaient directement

16 chargés d'acheminer l'aide humanitaire vers les différentes agglomérations

17 de la ville.

18 Question: Y avait-il sur le territoire de votre municipalité des

19 organisations qui produisaient des denrées alimentaires ou des vêtements,

20 et qui étaient susceptibles d'approvisionner la population civile?

21 Réponse: J'ai parlé d'ateliers de couture que nous avions mis en place

22 pour aider la population qui n'avait pas suffisamment d'articles

23 vestimentaires. Pour ce qui est des denrées alimentaires, elles nous

24 parvenaient exclusivement en provenance de l'UNHCR: Haut Commissariat des

25 Nations Unies aux Réfugiés.

Page 992

1 Question: Vous nous avez dit que ces ateliers avaient fabriqué des

2 vêtements.

3 Réponse: Oui.

4 Question: Est-ce que ces ateliers fabriquaient des uniformes pour les

5 besoins de l'armée de la Bosnie-Herzégovine?

6 Réponse: Non.

7 Question: Etant donné que vous collaboriez avec le quartier général de

8 l'armée de Bosnie-Herzégovine, pouvez-vous nous dire où est-ce qu'il se

9 trouvait?

10 Réponse: Je ne sais pas de quelle région vous parlez, de quel niveau

11 organisationnel vous êtes en train de parler.

12 Question: Je parle du niveau de la brigade, du niveau du corps d'armée et

13 du niveau du grand état-major.

14 Réponse: Nos contacts se faisaient par le biais du quartier général au

15 niveau de la ville, puis au niveau de la présidence de la municipalité au

16 cas où besoin était de se réunir et de s'entretenir de choses revêtant une

17 importance générale pour ce qui est de la défense de la ville.

18 Question: Et quelle était l'instance principale avec laquelle vous deviez

19 coordonner vos activités, qui était chargée de la défense de la ville,

20 avec laquelle vous étiez censé faire des réunions?

21 Réponse: S'agissant de la défense de la ville, l'instance militaire

22 principale, si vous le voulez, à mon avis, était le corps d'armée, le 1er

23 Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine. Pour ce qui est de nos relations avec

24 le Corps d'armée, cela se passait par le biais du quartier général de la

25 protection civile au niveau de la ville.

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1 Question: Quand est-ce que la mobilisation générale avait-elle été

2 proclamée?

3 Réponse: Si mes souvenirs sont bons, il me semble que c'était vers la fin

4 du mois d'avril ou le début du mois de mai de 1992.

5 Question: Est-ce que, à ce moment-là, il avait été créé des quartiers

6 généraux de crise ou des quartiers généraux de guerre?

7 Réponse: Des quartiers généraux? Non. Il y avait des présidences. Je pense

8 me souvenir qu'il n'y avait que des présidences.

9 Mme Pilipovic (interprétation): Vu que vous venez de nous dire que vous

10 contactiez ces gens-là et que votre principal interlocuteur militaire

11 avait été le 1er Corps d'armée de la Bosnie-Herzégovine, quel est le

12 centre militaire avec lequel vous aviez des contacts au niveau de la

13 municipalité?

14 M. Kovac (interprétation): Nous n'avions pas de contacts avec un centre

15 militaire quelconque parce qu'il n'y avait pas de centre militaire pour la

16 municipalité.

17 M. Blaxill (interprétation): Est-ce que je peux interrompre, Monsieur le

18 Président? Je crois qu'il y a une erreur d'interprétation ou erreur de

19 compte rendu d'audience, en ligne 8, page 29. Je crois que la réponse du

20 témoin avait été...

21 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai remarqué l'erreur. Je crois

22 que l'erreur sera rectifiée par la suite, dans la soirée. Mais je pense

23 que Mme Pilipovic peut se rendre compte de quoi il s'agit: il s'agissait

24 de "présidences" au lieu de "présidents".

25 Mme Pilipovic (interprétation): Savez-vous nous dire…

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1 M. Blaxill (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, mais en

2 ligne 7 il y a un vide: une réponse a été donnée, puis on dit "question"

3 et il n'y a pas de question, il y a un blanc. C'est là que nous avons le

4 même problème au niveau des "présidences" et "présidents".

5 M. le Président (interprétation): Pour autant que je m'en souvienne, le

6 témoin a continué à répondre à un moment où Mme Pilipovic avait essayé de

7 formuler sa question suivante. Mais si nécessaire, nous pouvons écouter

8 l'enregistrement audio. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir de malentendu

9 si nous continuons.

10 Veuillez continuer, Madame Pilipovic.

11 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Ma question de tout à l'heure avait été celle de savoir si vous aviez des

13 connaissances au niveau des armes dont disposait le 1er Corps de l'armée

14 de Bosnie-Herzgovine.

15 M. Kovac (interprétation): Non.

16 Question: Est-ce que, pendant la durée des conflits, à partir du mois de

17 septembre 1992 et dans le courant de cette année 1992 et 1993, auriez-vous

18 remarqué un char situé dans un tunnel près de la cité Ciglana?

19 Réponse: Non.

20 Question: Comment avez-vous réglé, sur le territoire de votre

21 municipalité, la question relative aux réparations des conduites d'eau et

22 des conduites électriques?

23 Réponse: Il y avait des services de la voirie et des services de

24 l'entreprise de distribution d'électricité qui étaient chargés de chacune

25 des municipalités et il s'agissait là d'experts, de professionnels qui, en

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1 coopération avec le personnel des unités de protection civile, se

2 chargeaient de remédier aux pannes. Les membres de ces unités de

3 protection civile les assistaient dans leurs activités, et eux

4 effectuaient la partie professionnelle du travail.

5 Question: S'agissant des postes transformateurs qui alimentaient votre

6 municipalité en énergie électrique, pouvez-vous nous dire où ils se

7 trouvaient, dans quelle partie de la ville?

8 Réponse: Il y avait eu plusieurs postes transformateurs. Chacune des

9 agglomérations avait son propre poste transformateur, et il arrivait que,

10 dans une cité, il y ait plusieurs postes transformateurs.

11 Question: Et c'est avec succès que vous avez pu remédier aux pannes?

12 Réponse: En collaboration avec des équipes de professionnels et ce, à des

13 moments où il y avait de l'énergie électrique, car les coupures étaient

14 fréquentes. Et certaines parties de la ville, elles, n'avaient pas eu

15 d'énergie électrique du tout.

16 Question: Y avait-il du gaz naturel?

17 Réponse: Du gaz de ville?

18 Question: Oui.

19 Réponse: Je crois qu'il y en avait eu jusqu'au début de l'hiver 1992.

20 Question: Par la suite, il n'y en a plus eu?

21 Réponse: Cela arrivait de temps en temps, mais la plupart du temps il n'y

22 en avait pas. Il y avait plus de périodes de pénurie que de périodes où il

23 y en avait.

24 Question: Etant donné que vous occupiez cette fonction de chef de la

25 protection civile, sauriez-vous nous dire si, oui ou non, les citoyens de

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1 Sarajevo ne pouvaient pas quitter Sarajevo sans une autorisation

2 particulière?

3 Réponse: Je n'ai pas de connaissance de ce type, cela relevait

4 probablement des attributions de quelque organe aux services différents,

5 tout à fait autres.

6 Question: Mais saviez-vous de quelle façon il était possible de quitter la

7 ville?

8 Réponse: Non, vraiment c'est une chose que j'ignore.

9 Question: Maintenant que vous êtes chef ou responsable de la protection

10 civile pour le canton de Sarajevo, sauriez-vous maintenant nous dire dans

11 ce canton de Sarajevo combien il y a de Serbes, combien il y a de

12 Musulmans ou Bosniens et combien il y a de Croates, si tant est que vous

13 savez nous le dire?

14 Réponse: Avant de répondre à cette question, je voudrais clarifier une

15 situation à l'intention de la Chambre. Je pense que pendant ces périodes,

16 cette période de guerre, un bon nombre de Serbes avaient quitté Sarajevo,

17 mais ce que je dois dire, c'est qu'un grand nombre de personnes de

18 nationalité serbe étaient restées dans la ville de Sarajevo. Ceux qui sont

19 partis, eh bien, à mon avis, s'agissant de ces gens-là, il y a plusieurs

20 raisons à leur départ, certains ont été conviés à s'en aller et à

21 rejoindre ceux qui n'étaient pas d'accord avec la politique de l'époque.

22 Certains, bien entendu, étaient partis car ils avaient peur des conflits

23 armés. D'autres sont restés avec les autres groupes ethniques pour porter

24 le fardeau commun à la population en général. Et nous tous avons beaucoup

25 d'estime pour ceux qui sont restés endurer ces souffrances.

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1 Question: Mais moi, je vous avais demandé combien il y avait de Serbes,

2 combien de...

3 M. Kovac (interprétation): Ce que je voudrais, c'est avoir l'opportunité

4 d'expliquer à la Chambre les circonstances qui déterminent le nombre des

5 Serbes à Sarajevo après la guerre. Partant de ces faits, de ces données-

6 là, pour répondre à la question qui vient d'être posée et pour que cela

7 puisse avoir un poids juridique quant à la détermination de certains

8 faits, il importe de dire quelles avaient été les raisons du départ des

9 Serbes de la ville de Sarajevo pendant la guerre. Et je me souviens moi-

10 même d'une émission que l'on a fait passer avant la guerre ou tout au

11 début de la guerre où les chefs des Serbes de Bosnie…

12 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, j'avais seulement

13 voulu savoir si le témoin était en mesure de nous dire combien, à présent,

14 il y a de Serbes, de Bosniens, voire de Musulmans et de Croates. Ma

15 question était celle-là.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Kovac, cette question était

17 plutôt limitée à un élément et je voudrais que vous limitiez votre

18 explication à la réponse.

19 Peut-être si vous êtes sollicité de fournir des explications, je suis sûr

20 que le conseil de la défense vous donnera l'opportunité de nous le dire.

21 Merci.

22 M. Kovac (interprétation): Je crois que si vous parlez de la situation

23 actuelle, un grand nombre de Serbes, ou peut-être pas un grand nombre,

24 mais un nombre considérable est en train de revenir dans la ville de

25 Sarajevo.

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1 Question: Moi, ce que je vous demanderai, si vous le savez, c'est de nous

2 dire combien il y a de Serbes.

3 Réponse: Je crois que ce pourcentage se situe entre 20% et 25%.

4 Mme Pilipovic (interprétation): Une question encore seulement: quelle

5 avait été l'utilité ou la fonction de ce tunnel à Sarajevo? Et savez-vous

6 nous dire aussi qui avait oeuvré aux travaux d'excavation de ce tunnel?

7 M. Kovac (interprétation): Pour répondre à cette question, je me dois

8 d'expliquer à la Chambre certains faits.

9 M. le Président (interprétation): Avant que de le faire, je voudrais

10 savoir que Me Pilipovic nous dise de combien de temps elle a encore besoin

11 pour finir.

12 Mme Pilipovic (interprétation): C'est ma dernière question. Je voulais

13 juste que le témoin me réponde en disant quand est-ce que l'on avait

14 creusé ce tunnel, et s'il savait nous dire qui a procédé aux travaux

15 d'excavation de ce tunnel. Donc, très brièvement, s'il sait, qu'il nous

16 réponde, rien d'autre.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Kovac, veuillez, je vous prie,

18 répondre à cette question. Et s'il y a d'autres questions, on verra bien

19 par la suite.

20 Mme Pilipovic (interprétation): Donc, dites-nous maintenant quand est-ce

21 que cela s'est fait.

22 M. Kovac (interprétation): D'après ce que j'en sais, le tunnel a été

23 creusé vers la fin de la première moitié de l'année 1993.

24 Question: Et savez-vous nous dire qui a creusé?

25 Réponse: C'étaient des unités qui étaient soumises à l'obligation de

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1 travail.

2 Question: Et quelle était la composition ethnique chargée d'assumer ou

3 d'accomplir cette obligation de travail?

4 M. Kovac (interprétation): L'on ne prêtait aucune attention à la

5 composition ethnique de celle-ci.

6 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus

7 de questions pour ce témoin.

8 M. le Président (interprétation): Juste un petit moment, je vous prie.

9 (Les Juges se consultent.)

10 Avant que de prendre cette pause, je voudrais savoir si le Procureur

11 entend poser d'autres questions à ce témoin, juste pour le fait de savoir.

12 M. Blaxill (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il y a un petit

13 domaine que nous voudrions entamer, c'est-à-dire poser deux ou trois

14 questions après la pause.

15 M. le Président (interprétation): Je préfère qu'il en soit ainsi. Nous

16 allons faire maintenant une pause. Je demanderai à M. l'huissier de faire

17 sortir le témoin, et je demanderai aussi que M. Galic quitte le prétoire.

18 Par la suite, nous prendrons une pause qui durera jusqu'à 16 heures 15.

19 (L'accusé est reconduit hors du prétoire.)

20 (Le témoin, M. Mustafa Kovac, est reconduit hors du prétoire.)

21 (L'audience, suspendue à 15 heures 47, est reprise à 16 heures 15.)

22 (L'accusé est déjà dans le prétoire.)

23 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, vous avez terminé avec

24 le contre-interrogatoire de M. Kovac?

25 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, avec votre

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1 permission, la défense aura une question pour le témoin.

2 M. le Président (interprétation): Si vous dites qu'il n'y a qu'une

3 question, je vous la permettrai. Vous pouvez procéder car le témoin sera

4 emmené sous peu.

5 Monsieur l'huissier, pourriez-vous, je vous prie, aller chercher le

6 témoin, s'il vous plaît?

7 (Le témoin, M. Mustafa Kovac, est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Kovac, la défense désire vous

9 poser une dernière question. Elle m'a demandé de lui accorder la

10 permission et je le lui ai permis.

11 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

12 Monsieur Kovac, vous nous avez dit que le tunnel avait été creusé en 1993.

13 Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quelle était la position du

14 tunnel et qui avait organisé les personnes qui s'étaient chargées

15 d'organiser le creusage de ce terrain? Vous avez dit que c'étaient des

16 personnes qui avaient des obligations de travail.

17 M. Kovac (interprétation): Je ne sais vraiment pas qui a procédé à

18 l'organisation. C'était sûrement à un niveau supérieur, des postes

19 supérieurs.

20 Question: De quels postes?

21 Réponse: Probablement au niveau de l'Etat.

22 Question: Est-ce que c'étaient des membres de l'armée ou de la défense

23 civile?

24 Réponse: Je ne pourrais pas vous le dire.

25 Question: Quelle était la raison pour laquelle on a procédé à cette

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1 excavation du tunnel?

2 M. Kovac (interprétation): Je peux vous dire que, lorsque le tunnel a été

3 creusé, il y avait un peu plus de nourriture puisqu'il y avait une pénurie

4 de nourriture en ville, nous recevions l'aide humanitaire qui était assez

5 limitée.

6 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. C'était la

7 dernière question que je souhaitais poser à ce témoin.

8 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Pilipovic.

9 L'accusation a maintenant la possibilité de poser des questions

10 supplémentaires aux témoins.

11 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Mustafa Kovac, par

12 M. Blaxill.)

13 M. Blaxill (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

14 J'ai quelques questions qui se rapportent au jour où vous aviez reçu votre

15 formation en tant que policier militaire, lors de votre service militaire.

16 Je crois que vous nous avez dit qu'il y avait plusieurs tâches et

17 responsabilités attribuées aux policiers militaires en temps de guerre et

18 en temps de paix. Pourriez-vous nous dire quelles étaient les différences

19 dans ces tâches en temps de paix et en temps de guerre, pour un policier

20 militaire?

21 M. Kovac (interprétation): Si l'on parle de la période au cours de

22 laquelle une personne sert son service militaire et de la formation,

23 lorsque j'ai suivi ma formation en tant que policier militaire, j'ai reçu

24 une formation pour les temps de paix et les temps de guerre. Les temps de

25 paix étaient caractérisés par toutes sorte de tâches qui allaient de

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1 concert avec la police civile. Donc les membres de la police civile

2 s'affairaient à ces tâches, mais cela ne se rapportait qu'aux personnes,

3 aux militaires, c'est-à-dire aux membres de l'armée, donc aux simples

4 soldats et à leurs supérieurs.

5 Quand il s'agissait des obligations de guerre, des tâches que l'on fait en

6 temps de guerre, la police militaire était formée pour exécuter des tâches

7 spéciales que les soldats ordinaires ne pouvaient pas faire. Leurs tâches

8 étaient, ou consistaient à faire des travaux de guerre de plus petite

9 envergure tels que, par exemple, un essai d'infiltrer des groupes sur le

10 territoire qui est sous le contrôle de l'armée et d'éliminer des objectifs

11 militaires qui étaient spécifiques pour cette unité militaire.

12 C'était la différence, en quelques mots.

13 M. Blaxill (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, Messieurs

14 les Juges.

15 (Le Banc de l'accusation se consulte.)

16 Je crois que vous étiez d'accord avec mon éminente confrère lorsqu'elle

17 vous a posé une question quant aux tâches de policiers militaires qui

18 consistaient à patrouiller et à procéder à l'arrestation de certains

19 membres lorsque c'était nécessaire?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Maintenant, conformément à votre formation, qui donnait des

22 ordres aux policiers militaires de procéder à une arrestation?

23 Réponse: Eh bien, c'était son supérieur.

24 Question: Qui étaient ces supérieurs? Etaient-ce des membres de la police

25 militaire ou étaient-ce d'autres supérieurs au sein des forces armées?

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1 Réponse: Indépendamment de la compétence sous laquelle la personne se

2 trouve -soit une brigade ou une plus grande formation militaire- se trouve

3 cette police militaire. Au sein de ces formations militaires, il y avait

4 également le département qui assurait la sécurité, et les ordres pour ce

5 département étaient faits par des chefs, des supérieurs de ces

6 départements-là.

7 Donc selon moi, si j'ai bien pu comprendre ayant fait mon service

8 militaire, c'étaient des chefs chargés de la sécurité, et ces derniers

9 faisaient partie du commandement. Donc ils étaient soit des membres ou ils

10 faisaient partie du commandement de l'unité en question.

11 Question: Donc, quand un policier militaire fait une arrestation, à qui

12 est-ce que ce policier militaire doit remettre la personne qu'il vient

13 d'arrêter?

14 Réponse: Je peux seulement vous parler d'expérience, ayant servi le

15 service militaire. Dans l'ex-JNA, pour vous donner un exemple

16 indépendamment du cas mais, par exemple, les personnes pouvaient se faire

17 arrêter et se faire emmener dans l'unité, et par la suite elles se

18 faisaient amener vers les unités, les formations de l'ex-JNA d'où elles

19 provenaient, si jamais c'était le cas, par exemple de fuir de l'unité, car

20 il nous est déjà arrivé d'avoir des cas comme ça. S'il est question de

21 crimes commis, d'infractions quelconques, il y avait également la police

22 militaire qui se chargeait de ces derniers.

23 Question: Je vois. Vous nous avez décrit les tâches en temps de guerre.

24 Dites-nous maintenant: est-ce que la police militaire exécutait toujours

25 ces mêmes tâches en temps de guerre, c'est-à-dire de patrouiller, de

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1 procéder à l'arrestation de certaines personnes?

2 Réponse: Vous parlez de la guerre en Bosnie?

3 Question: Conformément avec votre formation, quand une guerre existe, est-

4 ce que les policiers militaires font les mêmes tâches que celles qu'ils

5 doivent faire en temps de paix, et de surcroît on leur donne des tâches

6 supplémentaires, est-ce cela que vous nous dites?

7 Réponse: Oui, nous avons pour tâche d'aider, ou ils ont pour tâche d'aider

8 ou plutôt de régulariser la situation en temps de guerre, c'est-à-dire ils

9 doivent assurer le maintien de la paix envers les personnes qui causaient

10 du grabuge.

11 Question: Donc est-ce que les policiers militaires ont le même pouvoir

12 d'arrestation en temps de guerre qu'ils avaient en temps de paix?

13 M. Kovac (interprétation): Non, je ne pourrais pas vous répondre à cette

14 question. Probablement que oui.

15 M. Blaxill (interprétaiton): Cela met fin à mes questions supplémentaires,

16 Monsieur le Président, merci.

17 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Blaxill. Je regarde mes

18 collègues pour voir s'ils ont des questions supplémentaires au témoin.

19 (Questions au témoin, M. Mustafa Kovac, par M. le Juge Nieto-Navia.)

20 M. Nieto-Navia (interprétation): Monsieur Kovac, en tout début de votre

21 témoignage vous avez parlé de différents types de balle. Nous savons tous

22 que l'utilisation de certains types de balle est interdite par le droit

23 international. J'aimerais savoir si vous savez si ces balles interdites

24 étaient utilisées par les parties au cours de la guerre?

25 M. Kovac (interprétation): Je ne pourrais vraiment pas vous le dire. Je ne

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1 pourrais pas vous le dire. Il est possible que oui, mais je ne peux pas

2 vous répondre à cette question car je n'ai pas eu d'expérience personnelle

3 concernant ceci.

4 Question: Est-ce que vous aviez entendu parler des balles dum-dum, par

5 exemple?

6 Réponse: Oui, oui, j'en avais entendu parler.

7 Question: Est-ce que vous vous êtes servi des balles dum-dum lorsque vous

8 faisiez votre service militaire?

9 M. Kovac (interprétation): Non, mais nos supérieurs de l'ex-JNA nous en

10 avaient parlé. On a appris l'existence de ces balles seulement par les

11 livres, mais nous n'avons pas utilisé ce genre d'arme. Nous nous en

12 servions pas ni lorsque nous procédions à notre formation, ni lorsque l'on

13 faisait des exercices de tirs; nous ne sous sommes jamais servi de ce

14 genre de balle.

15 M. Nieto-Navia (interprétation): Merci.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge El Abbassi, est-ce que

17 vous avez des questions supplémentaires?

18 (Questions au témoin, M. Mustafa Kovac, par M. le Juge El Abbassi.)

19 M. El Abbassi: Nous sommes conscients du fardeau que vous avez dû subir

20 les deux derniers jours mais je voudrais quand même, si vous pouvez, avoir

21 quelques renseignements s'agissant de trois points.

22 Le premier, il s'agit des médias auxquels vous faites allusion à plusieurs

23 reprises. Vous dites: "Oui, j'ai su ce sujet par l'intermédiaire des

24 médias". De quels médias? Est-ce que ce sont des médias, enfin, nationaux,

25 internationaux? Est-ce que vous pouvez nous éclaircir un petit peu sur ce

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1 sujet?

2 M. Kovac (interprétation): Bien, s'agissant des médias, il existait des

3 programmes réguliers à la radio et à la télévision. Et je parle lorsqu'il

4 y avait de l'électricité; c'est-à-dire que l'on pouvait regarder la

5 télévision lorsqu'il y avait de l'électricité, alors que pour la radio,

6 même s'il n'y avait pas d'électricité, on pouvait entendre les médias qui

7 donnaient des renseignements quotidiens, donc les nouvelles qui étaient

8 diffusées de façon quotidienne qui, outre les informations locales,

9 parlaient également ou faisaient diffuser les programmes de la CNN. On

10 pouvait également entendre la diffusion d'autres chaînes internationales.

11 C'étaient des médias appartenant à l'Etat qui, selon moi, se conformaient

12 à tous les critères d'une information juste et publique et objective.

13 Question: Merci, Monsieur Kovac. Une autre petite question si vous me

14 permettez. Vous avez dit -et je vous citerai en anglais: "Quelques

15 personnes qui travaillaient dans la municipalité, dans le département du

16 cadastre, ont pris des documents et des cartes de Sarajevo. Ils ont pris

17 avec eux une partie de ces cartes, ils se sont probablement servi de ces

18 cartes-là pour pouvoir localiser avec beaucoup de précision les endroits

19 où se trouvaient ces endroits, les localités". (Fin de citation.)

20 Ma question est la suivante: pour vous, est-ce que cette prise de

21 documents et autres cartes est une certitude basée sur une connaissance de

22 faits concrets, ou c'est une simple déduction; c'est-à-dire c'est une

23 opinion personnelle qui est à vous? Merci.

24 Réponse: Cette conclusion concernant les documents qui faisaient état de

25 l'infrastructure et des positions de certaines installations sur le

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1 territoire des municipalités, cette conclusion est donc tirée en se basant

2 sur les déclarations faites par divers personnes qui travaillaient au sein

3 du département du cadastre des municipalités, au niveau de la ville.

4 Question: Donc vous avez entendu parler d'une prise ou de la prise de

5 certains documents?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Alors ma dernière question, si vous me le permettez: vous avez

8 également dit -je vous cite en anglais: "Je dois dire qu'une partie des

9 habitants de la municipalité de Novi Grad avait quitté après avoir entendu

10 quelques directives". (Fin de citation.)

11 Donc qui a donné l'ordre et qui a quitté?

12 M. Kovac (interprétation): Ici, nous parlons plutôt du départ de la

13 population serbe de la ville. Et ce passage est basé sur les faits que, au

14 début de la guerre, les personnes qui étaient à la tête des Serbes de

15 Bosnie ont fait appel aux Serbes de Sarajevo de quitter la ville, que

16 Sarajevo n'était pas leur patrie, et en leur disant qu'ils se sentiraient

17 mieux dans des endroits qui se trouvent à l'extérieur de la ville et dans

18 les endroits où ils sont nés.

19 C'est une déclaration qu'on a pu entendre sur les médias. Je crois que

20 c'était au tout début de la guerre, et c'était dans les informations du

21 soir à la télévision.

22 M. El Abbassi (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 (Questions au témoin, M. Mustafa Kovac, par M. le Président.)

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Kovac, j'aurai moi-même deux

25 questions très brèves pour vous. Vous parliez d'un tunnel, vous n'étiez

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1 pas en mesure de le localiser précisément mais, en termes un peu plus

2 généraux, pourriez-vous nous dire que reliait ce tunnel exactement? Quels

3 points?

4 M. Kovac (interprétation): Eh bien, logiquement parlant, si l'on examine

5 la position logique de l'emplacement du tunnel qui avait été construit en

6 partant du hameau Dobrinja ou du hameau C5 en allant vers l'agglomération

7 Butmir, donc logiquement parlant, ce sont probablement les gens qui

8 avaient évalué l'endroit où il faudrait situer ce tunnel -qui

9 constituerait une entrée et une sortie importante- qui ont donc décidé de

10 creuser ce tunnel sous l'aéroport de Sarajevo. J'imagine que les lignes de

11 séparation se trouvaient là également et qu'elles étaient plus larges de

12 sorte que cet espace-là, du point de vue sécuritaire, pour assurer la

13 sûreté des gens qui se déplacent par le tunnel, était bien plus

14 sécuritaire.

15 M. le Président (interprétation): Vous avez déjà répondu à ma deuxième

16 question qui était de savoir où se trouvait ce tunnel, sous quelle

17 installation.

18 Donc je vous remercie, Monsieur Kovac, d'être venu de si loin pour

19 répondre aux questions des parties et de la Chambre. Nous vous remercions

20 énormément d'être venu.

21 Monsieur l'huissier, veuillez avoir l'obligeance d'escorter le témoin hors

22 du prétoire.

23 (Le témoin, M. Mustafa Kovac, est reconduit hors du prétoire.)

24 Monsieur Ierace, qui sera le prochain témoin que vous citerez à la barre?

25 M. Ierace (interprétation): Milan Mandilovic.

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1 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Iearace. Je vais

2 demander à l'huissier de faire venir le témoin.

3 (Le témoin, M. Milan Mandilovic, est introduit dans le prétoire.)

4 Bonjour, Monsieur Mandilovic. Est-ce que vous m'entendez dans une langue

5 que vous comprenez?

6 M. Mandilovic (interprétation): Oui, je vous entends, Monsieur le

7 Président.

8 M. le Président (interprétation): Une question, Monsieur Mandilovic.

9 L'Article 90A), conformément à l'Article 90A), on vous demandera de faire

10 une déclaration solennelle car tous les témoins de l'accusation doivent

11 prêter serment devant cette Chambre.

12 M. Mandilovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Mandilovic.

15 Monsieur Blaxill, cela sera votre tour?

16 M. Blaxill (interprétation): Oui, c'est à mon tour de nouveau.

17 M. le Président (interprétation): Bien, vous pouvez procéder donc à

18 l'interrogatoire principal dudit témoin.

19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Milan Mandilovic, par M.

20 Blaxill.)

21 M. Blaxill (interprétation): Merci.

22 Monsieur, auriez-vous l'obligeance de décliner votre identité, s'il vous

23 plaît?

24 M. Mandilovic (interprétation): Milan Mandilovic.

25 Question: Pourriez-vous dire, s'il vous plaît, où et quand vous êtes né?

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1 Réponse: Le 16 juin 1949 à Novi Sad.

2 Question: Pouvez-vous me dire où se trouve Novi Sad?

3 Réponse: En Serbie, province autonome de Vojvodin.

4 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre quelle est votre profession?

5 Réponse: Je suis médecin, je suis un médecin généraliste mais spécialisé

6 en oto-rhino-laryngologie.

7 Question: Où pratiquez-vous actuellement?

8 Réponse: Actuellement, dans l'hôpital d'Etat, on l'appelle aujourd'hui

9 l'hôpital général à Sarajevo.

10 Question: Pourriez-vous nous dire quand vous avez quitté la famille pour

11 aller à Sarajevo?

12 Réponse: Lorsque j'avais quatre ans.

13 Question: Une fois que vous êtes devenu médecin, vous avez obtenu le

14 doctorat, dans quel contexte avez vous exercé votre profession?

15 Réponse: Quand j'ai obtenu mon doctorat de la faculté de médecine, j'ai

16 effectué ma formation obligatoire à Sarajevo. Après quoi, j'ai effectué

17 mon service militaire dans le service médical, à l'hôpital militaire

18 Meljine qui se trouve dans l'ancienne République socialiste du Monténégro.

19 Après cela, ayant achevé mon service militaire, je me suis présenté à un

20 concours pour entrer dans l'armée, et j'ai eu un poste dans la garnison de

21 Sarajevo, ou plus exactement l'infirmerie de la garnison à Sarajevo.

22 Question: Pourriez-vous nous dire quand vous avez commencé à exercer vos

23 fonctions dans la garnison de Sarajevo?

24 Réponse: En août 1978.

25 Question: Je vous remercie. Est-ce que l'armée nationale yougoslave avait

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1 un hôpital militaire à Sarajevo même à l'époque?

2 Réponse: Oui, c'était le cas.

3 Question: Y avait-il la présence d'un hôpital militaire de l'armée dès le

4 début de 1992?

5 Réponse: Oui, c'est bien le cas.

6 Question: Et Docteur, nous vous avons déjà entendu dans cette Chambre dans

7 ce prétoire, que vers mai 1992, ou en mai 1992, la guerre a commencé à

8 Sarajevo. Quels sont très brièvement vos souvenirs de ce qui se passait à

9 l'époque à Sarajevo au commencement de mai 1992?

10 Réponse: Voilà, la situation était difficile dans la ville de Sarajevo.

11 Mais les difficultés de la situation avaient commencé tout à fait au début

12 de l'année 1992. Cette situation était instable, il y avait des tensions,

13 et on avait comme une attente, une incertitude et une insécurité qui était

14 ressentie. Telle était la situation commencée au mois de janvier, qui

15 s'est poursuivie en février et en mars, et tout ceci a finalement

16 constitué une cascade, s'est aggravé.

17 Question: Y a-t-il eu une époque où le conflit est devenu en quelque sorte

18 un conflit ouvert, d'une certaine manière, conflit déclaré?

19 Réponse: Des conflits individuels, isolés étaient fréquents, en

20 particulier au mois d'avril. Mais je crois, pour autant que j'ai pu le

21 voir et d'après mes souvenirs, autant que je me souvienne, c'étaient des

22 conflits isolés, et par la suite, il y a eu une véritable escalade,

23 véritable aggravation vers le 6 avril. Et les tensions se sont accentuées,

24 la situation s'est considérablement aggravée, et en mai, une situation

25 véritablement différente s'est produite, qui évoquait véritablement une

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1 situation de guerre manifeste. La guerre était manifeste à partir de ce

2 moment-là.

3 Question: Quand vous dites: "une situation de guerre est devenue

4 manifeste", pourriez-vous nous dire si ceci avait quelque chose à voir

5 avec des bombardements d'artillerie?

6 Réponse: Oui, c'est bien cela, c'est le cas. Mais les bombardements, le

7 pilonnage par l'artillerie de la ville pendant cette période, étaient

8 beaucoup moins intenses qu'ils n'allaient l'être par la suite.

9 Question: Je vous prie de m'excuser. Nous parlons d'avril et du début du

10 mois de mai 1992, donc s'est prolongé au mois de mai 1992.

11 Et ce pilonnage s'est-il poursuivi jusqu'à la fin de l'année 1992?

12 Réponse: Oui, c'est le cas. Et il s'est aggravé, il y a eu escalade.

13 Question: Et à cette époque en mai, quelle était la situation, le statut

14 de l'hôpital de l'armée à Sarajevo où vous étiez? Est-ce que c'était

15 toujours un hôpital militaire?

16 Réponse: L'hôpital militaire avait le statut qui était le sien, en gros

17 jusqu'au 12 ou 14 mai, je ne me souviens plus très bien. Après

18 l'écoulement, d'après le temps qui s'est écoulé, je ne me souviens plus

19 des dates exactes, mais l'armée nationale ou d'après leur propre volonté

20 avait quitté l'hôpital. A partir de cette date, l'hôpital militaire a

21 changé de nom, de titre, et est devenu l'hôpital d'Etat.

22 Question: Est-ce qu'il est tombé sous un contrôle militaire différent ou

23 une autre administration civile lorsqu'il a changé de statut?

24 Réponse: C'était sous l'administration civile. La direction de l'hôpital

25 était constituée par des civils, des médecins qui avaient travaillé à

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1 l'hôpital avant cette période et qui y étaient restés, qui ont continué à

2 y exercer.

3 Question: En fait, est-ce que c'est bien cela que vous avez fait vous-

4 même, Docteur? Est-ce que vous êtes resté?

5 Réponse: Oui, c'est ce que j'ai fait, mais je n'étais pas membre de la

6 direction.

7 Question: Docteur, si vous me permettez, je voudrais maintenant faire un

8 pas en avant: en septembre 1992, l'hiver de 1992 à 1993, à l'époque,

9 quelle était la situation en ce qui concerne les bombardements ou

10 pilonnages, ou les tirs et les effets que ceux-ci peuvent avoir eu sur

11 l'hôpital ou autour de l'hôpital?

12 Réponse: Avec le temps qui passait, la situation en ville est devenue de

13 plus en plus compliquée, au sens tout à fait négatif de l'expression. Le

14 pilonnage de la ville est devenu de plus en plus fréquent, et les tirs

15 isolés de tireurs embusqués ont commencé en même temps. Et comme

16 conséquence directe de cela, on a vu de plus en plus de victimes de plus

17 en plus rapidement, des victimes de plus en plus nombreuses du fait des

18 tireurs isolés et des tirs de mortier, des projectiles de mortier et de

19 leurs effets de dispersion.

20 Question: Je reviendrai sur des questions à ce sujet plus tard. Je

21 voudrais vous demander entre-temps si, en 1992, à savoir de septembre 1992

22 et par la suite, les bâtiments de l'hôpital ont subi des dommages du fait

23 de ces tirs.

24 Réponse: Oui, cela a été le cas. L'hôpital lui-même, les bâtiments de

25 l'hôpital plusieurs fois ont reçu des tirs directs de certains types de

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1 projectiles, de sorte que la façade de l'hôpital, les fenêtres, les

2 vitres, tout ceci a été endommagé, brisé, détruit. Et on peut le voir sur

3 les photographies prises à l'époque: tous les étages de l'hôpital –et il y

4 en avait 12-, ont été d'une façon ou d'une autre dévastés, endommagés.

5 Question: Lorsque vous parlez de la façade de l'hôpital, dans quelle

6 direction était orientée cette façade? Pourriez-vous dire ce qu'il y avait

7 en face, devant elle?

8 Réponse: La façade la plus large de l'hôpital était orientée vers le nord

9 et le sud; la façade la plus étroite allait regarder l'Ouest et l'Est. La

10 partie Sud, la façade Sud de l'hôpital a été essentiellement endommagée,

11 bien qu'il y ait eu des dommages subis sur le côté Est et Ouest de

12 l'hôpital également.

13 Par la suite, après 1992, la façade Nord a aussi été endommagée mais moins

14 que les autres, dans une moindre mesure.

15 Question: Vers quelle direction étaient orientées les façades? Pouvez-vous

16 nous dire ce qu'il y avait dans les zones qui étaient en face des

17 différents points cardinaux?

18 Réponse: Le côté Sud de l'hôpital, d'une façon générale, regarde les

19 montagnes de Trebevic qui se trouvent dans le voisinage immédiat de la

20 ville. Et nous pouvons aussi mentionner, en face de l'hôpital, le

21 cimetière juif et, un peu plus à l'ouest, un autre établissement avec une

22 légère élévation qui s'appelle Vrace.

23 Question: Pourriez-vous nous dire dans quel district, dans quel quartier

24 le cimetière juif est situé?

25 Réponse: Le cimetière juif est situé à la même altitude que l'hôpital, de

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1 l'autre côté de la rivière Miljacka, et au début de la pente du mont

2 Trebenic.

3 Question: Et ces zones auxquelles vous vous êtes référé, qui font face à

4 l'hôpital, qui les occupaient à la fin de 1992? Qui ou quelles forces

5 tenaient la zone du cimetière juif et de cette partie de Trebevic dont on

6 vient de parler?

7 Réponse: C'étaient les forces de l'armée de la Republika Srpska.

8 Question: Et à quelle distance environ, en ligne droite à partir de

9 l'hôpital, se trouvaient les lignes de séparation, de confrontation,

10 d'affrontement? Est-ce que vous vous souvenez de cela à la fin de 1992?

11 Réponse: Je dirais qu'elles se trouvaient de 300 à 400 mètres à vol

12 d'oiseau.

13 Question: Je crois que vous avez dit que c'était du côté Sud de l'hôpital?

14 Réponse: Oui, du côté de la façade Sud.

15 Question: Y avait-il d'autres lignes d'affrontement, de confrontation près

16 de l'hôpital, du côté Est, Ouest ou Nord?

17 Réponse: Oui, bien sûr, il y en avait parce que la ville de Sarajevo n'est

18 pas une ville grande du point de vue étendue. C'est surtout dans la partie

19 de la vieille ville, du centre de la ville et des parties qui sont plus

20 proches de la vieille ville. De sorte que, du point de vue pratique, vers

21 l'Est se trouve en quelque sorte l'extrémité de la ville qui est encerclée

22 par un cercle de montagnes; et de sorte que, très certainement à l'est de

23 l'hôpital, il y avait des affrontements, des conflits militaires qui

24 étaient en cours, qui avaient lieu.

25 Question: Y avait-il d'autres zones de conflits militaires aussi proches

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1 que cela de l'hôpital, que celles auxquelles vous venez de vous référer,

2 où se trouvait le cimetière juif à environ 300 mètres ou 400 mètres de

3 l'hôpital?

4 M. Mandilovic (interprétation): Pourriez-vous reformuler votre question,

5 je ne suis pas bien sûr de l'avoir comprise.

6 M. Blaxill (interprétaiton): Je vais dire les choses autrement. Vous vous

7 êtes référé aux lignes qui se trouvaient au sud de l'hôpital comme étant à

8 300 ou 400 mètres. Y avait-il d'autres lignes de confrontation aussi

9 proches de l'hôpital que celles-là?

10 M. Piletta-Zanin: Je dois faire objection, Monsieur le Président, pour les

11 mêmes raisons que celles exposées tout à l'heure par mon honorable

12 confrère.

13 Il conviendrait qu'on soit cette fois, à chaque fois parfaitement sûrs du

14 temps, c'est-à-dire que, si l'on veut poser une question, qu'on limite

15 parfaitement le temps, qu'on sache dans quelle période de temps il est

16 fait référence. Merci.

17 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, si je regarde la

18 ligne 15 de la page 47, elle me dit que les questions concernent la fin de

19 1992. Voulez vous dire que nous avons besoin de précisions

20 supplémentaires?

21 M. Piletta-Zanin: Je veux dire par là que c'est un enchaînement de

22 questions et j'aimerais, s'agissant d'un autre côté, qu'on sache s'il

23 s'agit bien de la même période. C'est tout, merci.

24 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, vérifier

25 s'il s'agit bien de la même période?

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1 M. Blaxill (interprétation): Je parle exclusivement de la période qui va

2 de septembre 1992 au printemps 1993. Toutes les questions ont trait à

3 cette période et cette période seule.

4 Ayant dit cela, il y a une question que je voudrais poser à titre

5 personnel.

6 Comme vous étiez resté dans la ville jusqu'en septembre 1992, avez-vous eu

7 l'impression que vous pouviez à tout moment quitter la ville si vous le

8 vouliez?

9 M. Mandilovic (interprétation): Je ne crois pas que j'aurais pu quitter la

10 ville quand je le voulais. Je n'avais pas envie de le faire. Même si

11 j'avais eu envie de le faire, je ne crois pas que j'aurais pu le faire.

12 Question: Pourriez-vous nous donner une indication des raisons pour

13 lesquelles vous aviez ce sentiment?

14 Réponse: Je pense que c'est parce qu'on ne pouvait pas quitter la ville en

15 toute sécurité, même il n'y avait pas de sécurité du tout.

16 Question: Je vous remercie. Nous parlons de l'hiver 1992/1993. Pouvez-vous

17 nous dire quelles étaient les conditions, en tant que chirurgien exerçant

18 dans cet hôpital, pour en fait remplir vos fonctions? Quelle était la

19 situation en ce qui concerne… Est-ce que vous pourriez vous procurer… ...

20 Et vos conditions de travail à l'époque?

21 Réponse: D'une façon générale, la situation à l'hôpital était difficile.

22 Et la question peut se diviser en deux parties.

23 Premièrement, il n'y avait pas d'électricité et les autres éléments dont

24 nous avions besoin pour que l'hôpital fonctionne -par exemple,

25 combustible, l'eau, l'électricité. Or, c'était un aspect vital pour le

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1 fonctionnement normal d'un hôpital. Sans électricité, on ne peut pas

2 utiliser le matériel de pointe. Vous avez un générateur mais sans

3 combustible pour le mettre en route, le générateur ne fonctionnera pas non

4 plus. Quant à l'eau, c'est un problème distinct et nous savons à quel

5 point l'eau est importante du point de vue de l'hygiène, de sorte qu'il y

6 avait trois éléments essentiels vitaux qui étaient considérablement

7 réduits. Voilà l'une des parties de la question.

8 L'autre partie, c'est les instruments médicaux et les médicaments. Des

9 blessures compliquées devaient être soignées quotidiennement, et il

10 fallait aussi des traitements post opératoires avec l'utilisation de

11 médicaments. Il est certain que, quand on n'a pas des quantités

12 suffisantes de médicaments nécessaires, le traitement sera beaucoup plus

13 difficile, ou même les chances de traiter avec succès le patient sont

14 réduites.

15 En ce qui concerne le matériel, le matériel est quelque chose qu'on doit

16 utiliser quotidiennement, et il faut réparer le matériel ou le renouveler

17 de façon régulière, et nous n'étions pas en mesure de le faire vu les

18 conditions qui existaient à l'époque. De sorte que, lorsque que l'on

19 procédait à un diagnostic, on était considérablement gênés...

20 M. Piletta-Zanin: Le témoin n'a toujours pas répondu à l'antépénultième

21 question de l'accusation.

22 M. le Président (interprétation): Quelle question avez-vous à l'esprit,

23 Maître Piletta-Zanin?

24 M. Piletta-Zanin: J'entends celle de M. Blaxill, formulée, Monsieur le

25 Président -je pense que c'est l'antépénultième d'ailleurs-, formulée en

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1 ligne, entre le bas et le haut de la page 48, Monsieur le Président, ou

2 pour être plus précis page 48.

3 M. Nieto-Navia (interprétation): J'ai remarqué cela, mais est-ce qu'il

4 appartient à l'accusation de répondre à cela?

5 M. le Président (interprétation): Si un témoin ne répond pas à une

6 question, bien sûr, la défense est en mesure par le contre-examen de

7 reposer la question et d'avoir la réponse qu'il estime devoir obtenir.

8 Mais, d'une façon générale, les témoins généralement répondre aux

9 questions de ceux qui procèdent à leur interrogatoire.

10 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Blaxill.

11 M. Blaxill (interprétation): Peut-être pourrais-je revenir à cette

12 question dans un autre contexte plus tard pour éclairer les choses,

13 Monsieur le Président? Je vous remercie.

14 Docteur, vous parliez du matériel et de tous les problèmes que vous

15 éprouviez pour, notamment, des diagnostics. En tant que chirurgien, vous

16 avez dû sans doute suivre des procédures chirurgicales. Quelles étaient

17 les difficultés immédiates auxquelles vous aviez à faire face pour opérer?

18 Est-ce que vous aviez la possibilité d'opérer dans le groupe opératoire,

19 en salle d'opération?

20 M. Mandilovic (interprétation): Les salles d'opérations, pour les

21 interventions chirurgicales, nous les utilisions de façon aussi

22 rationnelle que possible.

23 Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que l'on éteignait les

24 groupes électrogènes et, à ce moment-là, l'ensemble de l'hôpital était

25 dans l'obscurité. Et lorsqu'un patient arrivait ou plusieurs patients ou

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1 plusieurs personnes blessées, on rallumait le groupe électrogène; à ce

2 moment-là nous avions l'électricité dont nous avions besoin pour faire nos

3 interventions chirurgicales, mais le minimum nécessaire. Et une fois qu'on

4 avait achevé l'opération, on couperait le groupe électrogène pour que, à

5 partir de ce moment-là, on ait pu avoir une rationalisation maximale et

6 une économie d'énergie maximale.

7 En revanche, ceci s'appliquait aussi aux médicaments. Nous avions une

8 réduction et une rationalisation maximale en la matière, dans l'hôpital.

9 L'hôpital avait encore des médicaments après le départ de l'armée

10 nationale, mais ces médicaments, avec l'écoulement du temps, ont été

11 utilisés progressivement, de sorte que l'hôpital a été obligé ou allait

12 fatalement devoir survivre uniquement sur la base de l'aide humanitaire

13 qui serait apportée.

14 Bien sûr, l'aide humanitaire n'était jamais suffisante et ne peut jamais

15 être satisfaisante du point de vue de la qualité. En principe, elle ne

16 permet de faire face qu'à des normes minimales.

17 Question: Docteur, indépendamment des difficultés spécifiques que vous

18 venez d'évoquer, est-ce que le pilonnage ou les dommages causés à

19 l'hôpital vous ont obligé à prendre des mesures particulières pour les

20 interventions chirurgicales ou les soins apportés aux malades à

21 l'intérieur de l'hôpital, à l'intérieur de l'immeuble?

22 Réponse: Bien sûr. L'hôpital, comme je l'ai dit dès le départ, a douze

23 étages. Et tous les étages étaient utilisés pour les patients. Enfin, le

24 quatrième étage en l'occurrence était les salles d'opération, le troisième

25 pour le service stérile et également le service pour les naissances; et

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1 dans l'aile sud, on avait dû transférer pour des raisons de sécurité dans

2 l'aile nord.

3 Et à certaines périodes de pilonnage particulièrement fort, tous les

4 patients, quels qu'ils fussent, seraient emmenés au rez-de-chaussée dans

5 les vestiaires du personnel que nous avions nettoyés, préparés, où l'on

6 avait mis les lits d'hôpital et du matériel. Et, de la sorte, on avait

7 préparé de façon improvisée des salles d'hôpital avec 10, 15 ou 20

8 patients qui pouvaient y être hospitalisés.

9 Question: Après l'hiver 1992 jusqu'à 1993, et tout au long de l'année

10 1993, y a-t-il eu des modifications des conditions de travail à l'hôpital,

11 à la fois du point de vue de votre matériel et des fournitures et des

12 questions de sécurité, quant à l'endroit où il vous était possible de

13 travailler, d'effectuer vos fonctions dans l'hôpital?

14 Réponse: Non. A la fin de 1992 et l'ensemble de 1993, c'étaient des

15 moments très difficiles. La situation n'a pas changé de façon

16 significative, de sorte que le régime ou le traitement des patients et

17 notre travail n'ont pratiquement subi aucune modification.

18 Question: Ce qui, dans ce contexte particulier dont nous parlons, m'amène

19 à l'hiver 1993 jusqu'au printemps 1994. Quelles étaient les conditions

20 pour traiter les patients au cours de la période en question?

21 Réponse: En allant au-delà dans le temps, je crois pouvoir dire que

22 l'année 1994 avait fourni des perspectives plus optimistes. C'est du moins

23 mon opinion. Il s'est passé quand même beaucoup de temps, mais il me

24 semble que la situation s'était améliorée sur un plan logistique du fait

25 de l'ouverture de ce que l'on appelait les "voies bleues": à savoir à

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1 partir du moment où, depuis l'aéroport, depuis le moment où la piste de

2 l'aéroport a été remise en état de fonctionnement, et à partir du moment

3 où l'assistance sous forme de médicaments a pu être acheminée vers la

4 ville.

5 Question: Mais avant cela, Docteur, je suppose qu'il vous a fallu

6 travailler pendant les mois de l'hiver, vers la fin 1993 et au tout début

7 1994? Pouvez-vous nous dire quelles avaient été les conditions à ce

8 moment-là, pour ce qui est de l'approvisionnement?

9 Réponse: J'ai compris votre question, mais cela était très difficile, très

10 pénible. A voir d'aujourd'hui, il est difficile de s'imaginer qu'il n'y

11 avait pas de chauffage dans ces pièces d'hospitalisation des patients; il

12 n'y avait pas de chauffage dans le bloc opératoire, donc une température

13 qui était analogue à celle qu'il y avait dehors. Les choses ne s'étaient

14 pas améliorées au niveau des combustibles, des autres sources d'énergie.

15 Et cette période était véritablement, véritablement très pénible.

16 Question: Docteur, je voudrais vous demander maintenant quelque chose au

17 sujet de ces temps difficiles. Pourriez-vous, je vous prie, revenir vers

18 la période de fin 1992 et début 1993, et nous dire le nombre de patients

19 qu'il y avait d'admis en moyenne par jour à l'époque?

20 Réponse: Est-ce que…attention, je voudrais que les choses soient tout à

21 fait claires pour répondre de façon précise à votre question.

22 L'hôpital en sa qualité d'établissement public travaillait, a fonctionné

23 pendant toute la guerre. L'hôpital était donc tenu de procéder à

24 l'admission de toute sorte de patients: des patients malades, des patients

25 blessés, des blessés suite à des conflits armés. Donc pour être tout à

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1 fait précis, nous pouvons parler de trois catégories de patients: les

2 patients réguliers, habituels, qui ont des maladies chroniques, ou

3 occasionnelles; des patients qui avaient des blessures qui n'avaient rien

4 à voir avec la guerre, et ils avaient les blessures dues à la guerre -il

5 est donc difficile de parler de chiffres, mais le nombre était

6 certainement considérable. Il est certain que tous les jours, par ce qui

7 constituait les structures de l'hôpital, partout, toutes les infirmeries

8 de l'hôpital, parce qu'un hôpital est constitué de services spécialisés,

9 et aux travers de ces services spécialisés, il passait quotidiennement des

10 centaines de patients.

11 Question: Vous nous disiez tout à l'heure que vous receviez toute sorte de

12 patients, toute catégorie de patients. Je voudrais que vous nous disiez si

13 vos patients étaient des civils et des militaires. Est-ce qu'il y avait

14 des blessés civils et des blessés militaires?

15 Réponse: Oui. En effet.

16 Question: Pourriez-vous me dire quel était le rapport entre le nombre de

17 civils blessés suite aux activités de combat, et le nombre de soldats qui

18 avaient été traités à l'hôpital?

19 Réponse: Pour être tout à fait précis, je dirais que si l'on ne compte pas

20 les patients malades qui sont venus à l'hôpital pour une assistance

21 quelconque, mais sans blessures, sans blessures dues au combat, le rapport

22 des civils et des soldats à ce moment-là, selon moi, était certainement de

23 l'ordre de 80 par rapport à 20. Et il se peut même que le pourcentage ait

24 été quelque peu supérieur à ce dernier en faveur des civils.

25 Question: Mais parlant de ces civils, quel type de blessures devaient être

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1 traitées? Pouvez-vous nous dire quelle était la source ou l'élément qui

2 avait occasionné ces blessures?

3 Réponse: Ces blessures avaient uniquement été la conséquence de traces ou

4 effets de projectiles variés, et les blessures qui étaient les plus

5 fréquentes étaient celles occasionnées par des obus de mortier. Mais il y

6 a également eu des blessures occasionnées par des munitions classiques.

7 Question: Je crains qu'il s'agisse là d'une expression que je ne suis pas

8 en mesure de comprendre. Quand vous dites "munitions classiques",

9 qu'entendez-vous, Docteur?

10 Réponse: Je ne suis pas un expert militaire, mais j'entends quelque chose

11 de particulier sous ces termes-là. Quand j'utilise ces termes, j'entends

12 des blessures dues à des armes d'infanterie.

13 Question: Merci. Veuillez me dire si vous-même vous opériez sur une base

14 quotidienne des gens pendant les périodes dont nous sommes en train de

15 discuter?

16 Réponse: Je pourrais en effet parler d'opérations quotidiennes.

17 Question: Pouvez-vous nous donner une idée si vous vous rappelez de votre

18 charge de travail quotidienne pendant que vous étiez censé opérer à

19 l'hôpital?

20 Réponse: Je pense qu'il serait préférable de parler comme suit: les

21 pilonnages de la ville n'ont pas toujours été les mêmes, ou plutôt de la

22 même intensité. J'entends qu'il y a eu des journées pénibles et moins

23 pénibles. Il y a eu des périodes dans une journée qui étaient plus

24 pénibles que d'autres. Ce qui fait que la charge au travail est

25 difficilement exprimable. Il est certain toutefois que, pendant les phases

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1 de pilonnage plus intenses, il y avait eu un nombre de blessés plus

2 important. Et quand vous aviez des situations de grands afflux de blessés,

3 les soins à leur dispenser pouvaient durer douze, voire quinze heures. Il

4 se pouvait que, suite à cette période-là, vienne une période d'accalmie,

5 mais cela n'est pas règle. Il nous arrivait de continuer à travailler

6 autant qu'il le fallait en attendant cette période d'accalmie.

7 En substance, il convient de dire qu'il n'y a pas eu d'intensité pareille,

8 et cela dépendait des pilonnages. Et le nombre des blessés n'avait pas

9 toujours été donc le même.

10 Question: Pouvez-vous me dire, Docteur, si vous vous rappelez de la relève

11 la plus longue que vous ayez faite, avec vos chirurgiens à l'hôpital?

12 Combien d'heures avez-vous travaillé d'un coup, d'affilée, en traitant vos

13 patients?

14 Réponse: Eh bien, je pense, vous savez comment les choses se passent,

15 certaines choses sont oubliées. Certaines choses sont refoulées dans la

16 mémoire, mais je crois que nous avons travaillé de la manière la plus

17 intense pendant les massacres bien connus à Sarajevo. Je pense qu'il

18 s'agissait là de journées difficiles, non seulement pour ceux qui étaient

19 blessés, mais pour nous également qui étions censés donner ou fournir un

20 maximum, tenir des heures et des heures durant sans pause. Il nous

21 arrivait par exemple de travailler pendant quinze heures sans

22 interruption. Et je me souviens par exemple que le chef chirurgien, le

23 chirurgien en chef, avait travaillé à un moment de massacres de ce genre

24 pendant 24 heures, sans un seul instant de répit. C'était quelque chose de

25 véritablement exceptionnel.

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1 Question: Vous venez justement de vous servir d'un terme, le terme de

2 "massacre". Vous souvenez-vous d'une période ou d'une date concrète à

3 laquelle vous attribueriez ce terme et, si vous vous en souvenez, pouvez-

4 vous nous dire ce qui s'est passé?

5 Réponse: Je ne me souviens pas de la date, mais je sais qu'il y a eu

6 quelques massacres. Il y a eu ce massacre de la rue Vase Miskina. Cela

7 avait été appelé aussi "le massacre des gens qui faisaient la queue pour

8 le pain".

9 Ensuite, il y a eu des massacres au marché Markale 1 et Markale 2. Il y a

10 eu des massacres encore dans d'autres parties de la ville, vers Dobrinja.

11 Cela a été enregistré à d'autres endroits. Mais je n'ai pas été en mesure

12 ou en position de suivre de manière intense ou précise toutes ces choses-

13 là. Je n'ai pas les dates en question, mais je crois que cela a été

14 certainement recensé par d'autres services.

15 Question: Vous souvenez-vous de la référence que vous venez de faire, la

16 rue Vase Miskina? Savez-vous nous dire ce que les victimes de ce massacre

17 faisaient au moment des blessures?

18 Réponse: Eh bien, cela s'est fait de bonne heure le matin. Les gens

19 attendaient la distribution du pain en provenance de sources humanitaires.

20 M. Blaxill (interprétaiton): Vous avez également parlé de Markale 1. De

21 quoi vous souvenez-vous, ne serait-ce qu'à peu près? De quoi s'agissait-il

22 au juste?

23 M. Mandilovic (interprétation): Je n'avais pas été là-bas. Mais lors des

24 analyses et des récits ultérieurs, à en juger d'après l'afflux des

25 blessés, on pouvait voir qu'il s'agissait probablement d'un pilonnage de

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1 cette partie du centre ville, au sens restreint du terme.

2 Si l'on en jugeait d'après les blessures, la gravité des blessures, on

3 pouvait voir et constater qu'il s'agissait de blessures dues à des effets

4 dévastateurs d'obus.

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Blaxill, je voudrais que nous

6 fassions une pause. Il s'agirait peut-être du bon moment, du moment

7 opportun.

8 M. Blaxill (interprétation): C'est un très bon moment, Monsieur le

9 Président.

10 Justement je voulais faire passer un enregistrement vidéo. Mes éminents

11 confrères en ont une copie. C'est un enregistrement très bref. Peut-être

12 serait-il bon de faire la pause maintenant et de voir l'enregistrement

13 après?

14 M. le Président (interprétation): C'est parfait, nous allons procéder à

15 une pause de 20 minutes et nous reprendrons à 17 heures 50.

16 Veuillez faire sortir le témoin du prétoire.

17 Je voudrais également que M. Galic soit escorté hors du prétoire.

18 (Le témoin, M. Milan Mandilovic, est reconduit hors du prétoire.)

19 (L'accusé est reconduit hors du prétoire.)

20 (L'audience, suspendue à 17 heures 33, est reprise à 17 heures 50.)

21 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

22 (Questions relatives à la procédure: versement au dossier du clip vidéo.)

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Blaxill, avant la pause vous

24 nous aviez parlé d'un enregistrement vidéo. Dois-je comprendre,

25 conformément au Règlement dont j'ai parlé plus tôt dans la journée, que

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1 vous avez l'intention de verser au dossier cet enregistrement?

2 M. Blaxill (interprétation): En fait, oui, mais nous proposerions une

3 chose technique qui serait peut-être plus convenable pour la Chambre.

4 Nous proposerions d'abord une identification de l'enregistrement, et une

5 fois que l'on fera défiler un certain nombre de ces enregistrements, nous

6 pourrions placer tous ces clips sur un DVD, sur une disquette et le tout

7 placé sur une disquette DVD reprendrait tous les segments d'enregistrement

8 vidéo que nous aurions marqués, identifiés pour versement au dossier.

9 M. le Président (interprétation): Donc, nous pourrions dire qu'il serait

10 plus pratique de placer sur une liste les enregistrements vidéo qu'on nous

11 a fait passer, et que ce sera donc annoté avec des numéros

12 d'identification. Il ne sera donc pas nécessaire de nous fournir des

13 enregistrements vidéo individuels, mais une fois que vous serez sorti de

14 ce contenu de la vidéo, il faudra l'identifier et la proposer pour

15 versement au dossier par la suite?

16 M. Blaxill (interprétation): C'est précisément notre intention. Pour ce

17 qui est d'aujourd'hui, nous en resterions à cette portion d'enregistrement

18 vidéo, et je crois que mon éminent confrère M. Ierace voudrait s'adresser

19 à la Chambre à ce sujet, un peu plus tard.

20 M. le Président (interprétation): Juste un moment, je vous prie.

21 (Les Juges se consultent.)

22 Monsieur Ierace, allez-y.

23 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, nous voudrions demander

24 des lignes directrices de votre part. Je crois savoir qu'il y aura un

25 certain nombre d'enregistrements vidéo qui seront présentés aux différents

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1 témoins, et ce qui nous préoccupe, c'est si nous ne faisons pas cette

2 démarche de compilation, il se pourrait que nous ayons vingt ou trente

3 enregistrements vidéo et que chacun comporte un petit fragment d'une

4 minute à deux. C'est la raison pour laquelle cette proposition va au-delà

5 de l'enregistrement vidéo initial ou d'ouverture. Nous pourrions donc

6 placer des numéros d'identification pour tous les clips et, au moment

7 opportun, placer l'ensemble sur un enregistrement vidéo ou une disquette

8 DVD, et chaque clip pourrait avoir un message disant de quoi il s'agit, et

9 un numéro d'identification. Et si la Chambre de première instance préfère

10 que les clips soient versés de façon séparée, nous pouvons bien entendu le

11 faire comme nous l'aurions fait aujourd'hui.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce que la défense a une opinion

13 quelconque concernant la nature technique de cette présentation des

14 enregistrements vidéo et de la proposition qui vient de nous être faite

15 par le Bureau du Procureur?

16 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je vous remercie.

17 Vous me prenez littéralement au pied levé, c'est-à-dire au débotté:

18 j'aurais voulu que nous puissions en conférer avec la défense en général,

19 simplement parce que, si l'idée est bonne, il ne faut pas qu'elle produise

20 des résultats qui seraient moins bons que ce que l'on veut atteindre. Il

21 se peut qu'il y ait des éléments dans une totalité de cassettes qui soient

22 nécessaires à pouvoir être reproduits pour d'autres témoins, et pas

23 seulement des fragments.

24 Donc je proposerais que nous voyions peut-être plus tard cette question,

25 quand nous aurions pu en conférer avec le conseil de la défense, s'il vous

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1 plaît, merci.

2 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, nous devons

3 prendre une décision tout de suite concernant l'enregistrement vidéo.

4 C'est une partie d'enregistrement vidéo que nous avons vue pendant les

5 propos liminaires.

6 Ce que je voudrais vous proposer, et on pourrait peut-être revenir à la

7 chose par la suite, nous pourrions peut-être parler de toutes les scènes

8 et à vous de voir avec l'accusation s'il vous sera possible de voir toute

9 la vidéo dans son ensemble. Et peut-être après en avoir discuté avec le

10 Bureau du Procureur, vous saurez nous dire si vous trouvez nécessaire d'en

11 reparler dans cette salle d'audience. Donc voir si toute la vidéo doit

12 être visionnée, ou si vous voulez vous voulez faire jouer quelques autres

13 segments de cet enregistrement vidéo.

14 Bien entendu, en votre qualité de défense, vous pouvez également proposer

15 pour versement au dossier tout clip vidéo que vous souhaitez présenter.

16 Mais pour le moment, je voudrais m'en tenir à la suggestion de

17 l'accusation. Je voudrais que nous identifiions par un numéro le clip que

18 l'on nous passera maintenant. Et par la suite, cela pourrait devenir une

19 partie intégrante d'une compilation vidéo sur bande, ou sur DVD qui serait

20 versée au dossier. Mais cela n'est pas nécessaire en ce moment, car si

21 nous attribuons un nom, une appellation, une identification quelconque au

22 clip de ce jour pour l'identifier, nous pourrons le verser par la suite,

23 et les deux parties en présence pourront donc parler du contexte de chaque

24 enregistrement vidéo. Je crois que nous pourrons revenir par la suite à ce

25 que vous venez de dire.

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1 M. Piletta-Zanin: Rien d'autre à ajouter en l'état. Merci.

2 M. le Président (interprétation): Merci.

3 Le Procureur, avez-vous quelques commentaires à formuler?

4 M. Ierace (interprétation): Non, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation): Je voudrais maintenant que nous

6 attribuions un nom ou une identification au clip que vous allez nous

7 passer.

8 M. Blaxill (interprétation): En effet, il s'agit d'un clip qui parle de

9 l'hôpital d'Etat. Je voudrais que l'on donne un intitulé: "Hôpital d'Etat-

10 Mandilovic". Je pense que cela pourra permettre d'identifier le témoin.

11 M. le Président (interprétation): Oui. Madame la Greffière. Nous ne

12 pouvons pas donc lui donner une désignation définitive, mais je crois que

13 cela pourra convenir pour le moment.

14 M. Blaxill (interprétation): Le témoin arrive, Monsieur le Président.

15 M. le Président (interprétation): Certes.

16 (Le témoin, M. Milan Mandilovic, est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Poursuivez, Monsieur Blaxill.

18 (Reprise de l'interrogatoire principal du témoin, M. Milan Mandilovic, par

19 M. Blaxill.)

20 M. Blaxill (interprétation): Docteur Mandilovic, à cette étape-ci, je vous

21 saurais gré si vous voudriez bien examiner ce clip vidéo que nous allons

22 vous présenter, et je vous poserai par la suite quelques questions

23 concernant ce que vous avez vu.

24 Pourrait-on faire passer ce clip vidéo?

25 (Intervention technique.)

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1 (Diffusion du clip vidéo.)

2 Interprète: Intitulé: "Hôpital français ou hôpital d'Etat".

3 M. Blaxill (interprétation): Nous pouvons arrêter ici, Monsieur le

4 Président.

5 (Fin de la diffusion du clip vidéo.)

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Blaxill, j'ai remarqué que la

7 qualité de cette séquence vidéo -je présume qu'il s'agit de la même vidéo

8 que vous nous avez montrée lors des propos liminaires-, mais j'ai

9 l'impression que celle-ci est de moindre qualité. S'il est possible, je

10 vous suggérerais peut-être de présenter ce clip vidéo de nouveau.

11 M. Blaxill (interprétation): Oui, certainement, s'il était possible peut-

12 être d'améliorer la qualité. J'étais justement en train de parler avec mes

13 collègues pour savoir de quelle façon nous pourrions peut-être améliorer

14 la qualité. Mais si jamais, lundi, le témoin est encore en train de

15 témoigner, nous pourrions peut-être montrer une copie un peu plus claire.

16 Si vous croyez, toutefois, que de passer cet extrait vidéo de nouveau vous

17 serait utile, nous pourrons certainement le faire.

18 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, qu'en

19 pensez-vous?

20 (La Greffière s'entretient avec M. le Président.)

21 Si j'ai bien compris, il y a quelques problèmes techniques qui ne peuvent

22 pas être résolus ce soir. De cette façon, je suggère que l'on accorde la

23 possibilité à l'accusation de faire passer cette séquence vidéo de nouveau

24 lundi. Je ne sais pas si l'ordre des témoins devra être changé quelque peu

25 pour cette raison.

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1 Monsieur Blaxill, donc, je présume que vous allez préparer quelques

2 questions pour la vidéo, mais vous pouvez procéder immédiatement, si vous

3 le désirez.

4 M. Blaxill (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 Docteur Mandilovic, dû à certains problèmes techniques, nous allons passer

6 à d'autres questions. Je ne vais pas vous poser de questions, donc,

7 reliées à la vidéo.

8 Docteur, je voudrais vous poser une question couvrant la période de la fin

9 de l'année 1992 jusqu'en 1994. Pourriez-vous nous dire si, dans l'hôpital

10 de l'Etat, il y avait une présence militaire? Et par là, j'entends: y

11 avait-il une présence de soldats armés à l'intérieur même de l'hôpital?

12 M. Mandilovic (interprétation): A l'hôpital, il n'y a jamais eu de soldats

13 présents. Les soldats qui se présentaient à l'hôpital, indépendamment du

14 fait que s'ils venaient parce qu'ils étaient blessés ou qu'ils viennent

15 simplement visiter les personnes qui étaient blessées, ces derniers

16 devaient toujours remettre leurs armes à l'extérieur de l'enceinte de

17 l'hôpital, dans une pièce destinée à ceci.

18 Question: Merci. Docteur, vous avez fait référence à certaines personnes

19 blessées par des petits calibres, des armes de petit calibre. Est-ce que

20 vous avez également pu observer que des armes de petit calibre aient pu

21 atteindre l'hôpital lui-même?

22 Réponse: Je crois que oui, parce que toutes les fenêtres qui se trouvaient

23 sur l'hôpital étaient pratiquement complètement cassées. Je ne sais pas si

24 l'on peut l'apercevoir sur cette séquence vidéo que nous avons vue, car

25 elle n'est peut-être pas assez précise, mais sur de meilleures photos nous

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1 pouvons voir que la façade Sud complète d'hôpital, ainsi que la façade Est

2 et en partie la façade Ouest avaient été touchées par des projectiles

3 d'armes d'infanterie.

4 Question: Et est-ce que ces impacts de balles qui ont endommagé l'hôpital

5 et qui ont touché l'hôpital, est-ce que cela s'est poursuivi au cours du

6 mois de septembre 1992 et jusqu'au début 1993?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Et est-ce que cela s'est poursuivi également pendant l'année

9 1994?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Pourriez-vous nous donner une idée, si vous le savez, quant à la

12 provenance de ces calibres, petits calibres?

13 Réponse: Selon la logique des choses, la provenance ne pouvait être que du

14 côté sud-est et sud-ouest.

15 Question: Pourriez-vous nous donner les noms d'endroits qui se trouvaient

16 sur ces positions desquelles vous estimez que les tirs pouvaient provenir?

17 Réponse: Je ne pourrais pas vous donner des noms avec précision, mais j'ai

18 l'impression que les tirs provenaient du mont Trebevic, du cimetière juif

19 et d'une partie surélevée du mont de Grbavica qui s'appelait Vragraca(?),

20 je crois. Ce sont les localités qui pouvaient convenir aux côtés sud, sud-

21 est et sud-ouest, donc ce sont les angles depuis lesquels les tirent

22 pouvaient provenir.

23 Question: Du meilleur de votre souvenir, Docteur, est-il jamais arrivé que

24 les tirs se fassent sentir lorsque les malades se faisaient entrer dans

25 l'hôpital?

Page 1035

1 Réponse: Eh bien, devant l'hôpital même il n'était pas possible de toucher

2 un patient. Il n'était pas possible de toucher la personne parce que les

3 bâtiments qui se trouvent devant l'hôpital -c'étaient deux bâtiments assez

4 élevés- empêchent une bonne vue. Donc les patients se faisaient emmener

5 devant l'hôpital et étaient toujours blessés devant l'hôpital parce que

6 c'était un résultat de pilonnage.

7 Question: Qu'est-ce que vous croyez en tant que chirurgien oeuvrant dans

8 l'hôpital de Sarajevo: croyez-vous que le plus grand danger représentait

9 le pilonnage ou les tirs embusqués individuels?

10 Réponse: Le danger était plus grand lorsqu'il s'agissait de pilonnage.

11 Question: Pourriez-vous en faire la différence? Pourquoi est-ce que le

12 pilonnage représentait un plus grand danger que les tirs embusqués?

13 Réponse: Eh bien, voyez-vous, il vous était possible de savoir d'où

14 provenaient les tirs embusqués, il était possible de connaître ces

15 endroits. Et donc il fallait se protéger pour ne pas se trouver exposé au

16 côté sud.

17 Alors que les projectiles d'obus, il était absolument impossible de se

18 sauver de ces derniers parce qu'ils venaient de façon parabolique, ils

19 tombaient sur l'asphalte et leur destruction était beaucoup plus

20 importante qu'une balle simple.

21 Question: Et est-ce que des mesures avaient été prises dans la ville pour

22 protéger les civils des tirs embusqués?

23 Réponse: Oui, certainement, des mesures avaient été entreprises. Les

24 grands carrefours qui étaient ouverts vers le côté sud étaient recouverts

25 soit de vieilles épaves de voitures, de carrosseries ou de toute sorte de

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1 matériaux improvisés. Mais il était toujours certain qu'il était

2 impossible, enfin, ces derniers pouvaient protéger ces constructions,

3 protégeaient les civils de tirs embusqués.

4 Question: Donc lorsqu'on parle d'obus, de pilonnage sur la ville, ce genre

5 d'abri était complètement inutile, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui. Un vol parabolique était absolument tel qu'il n'était pas

7 possible de se protéger, nulle part.

8 Question: Au cours, pendant cette période, donc je parle de la fin du mois

9 de septembre 1992 jusqu'à la première moitié de 1994, y a-t-il eu des

10 victimes parmi les patients qui étaient blessés de nouveau, une fois déjà

11 admises à l'hôpital?

12 Réponse: Oui, il y a eu quelques incidents de personnes blessées, de

13 patients blessés de nouveau, de patients -et également il y avait des

14 blessés parmi notre personnel de l'hôpital. C'est la raison pour laquelle

15 nous descendions les patients plus bas dans les sous-sols pour ne pas

16 qu'ils soient exposés aux tirs embusqués.

17 Je ne peux pas vous donner le chiffre exact, le nombre exact de personnes.

18 Il y a certainement des données quelque part surtout consignées dans

19 l'hôpital, mais il est certain qu'il est arrivé à au moins dix reprises

20 que de tels événements se produisent.

21 Question: Docteur, selon vous, d'après l'expérience que vous avez eue au

22 sein de cet hôpital -et je crois que vous avez parlé du rapport qui

23 existait entre les soldats qui se faisaient traiter et les civils-, que

24 pouvez-vous dire quant au nombre de victimes civiles que vous avez pu

25 observer dans la ville? Et pourquoi pensez-vous qu'un si grand nombre de

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1 victimes a pu être emmené? Pourquoi y a-t-il eu un si grand nombre de

2 victimes, en d'autres mots?

3 Réponse: Vous savez, Sarajevo est une ville relativement grande de taille,

4 avec un nombre de citoyens assez élevé. Il était absolument impossible de

5 garder toute cette population dans les caves: ces gens avaient un certain

6 besoin de se déplacer, ils avaient besoin d'aller soit travailler, de se

7 procurer de l'aide humanitaire, de se procurer des denrées alimentaires.

8 Donc il leur était impossible de ne pas se déplacer. La population se

9 déplaçait.

10 A chaque fois que ces gens se déplaçaient, pour chaque obus qui tombait,

11 selon la logique des choses, cet obus pouvait causer une destruction. Vous

12 savez, c'est une ville tout autour de vous où se trouve du béton, de

13 l'asphalte. Et à chaque fois qu'un obus heurte ces trottoirs, il éclatait

14 de nouveau. Et il était très difficile de se sauver de ce genre d'éclat

15 d'obus, des fragmentations d'obus, lorsque vous vous trouviez à

16 l'extérieur des caves. Et c'est la raison pour laquelle il y a eu un grand

17 nombre de civils, de blessés qui avaient été emmenés à l'hôpital.

18 Les soldats se trouvaient à l'extérieur des lignes. Ils se trouvaient

19 probablement dans les tranchées, de sorte qu'ils étaient plus protégés, si

20 vous voulez et, en réalité, ils étaient en nombre inférieur. C'est la

21 raison pour laquelle nous arrivons à un si grand nombre de civils blessés.

22 Question: Docteur Mandilovic, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît,

23 quels étaient les effets psychologiques que le pilonnage et les tirs

24 embusqués ont eu sur les personnes vivant à Sarajevo? Je parle de vos

25 collègues et des personnes avec lesquelles vous avez eu des contacts.

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1 Qu'est-ce que vous avez pu observer?

2 Réponse: Certainement. La population était exposée à des conditions de vie

3 très difficiles, cela a duré sur une très longue période de temps. Le

4 pilonnage était destructif, il était permanent; les répercussions se

5 faisaient sentir sur la santé mentale de l'homme se trouvant entouré par

6 tous ces éléments.

7 Je peux dire qu'au début les choses que nous pouvions apercevoir le plus,

8 les sentiments que nous pouvions déceler le plus chez les gens, c'est la

9 peur, la crainte. Certaines phobies ont commencé à se développer, les

10 névroses ont commencé à se faire sentir, donc tous ces états mentaux qui

11 étaient causés par un état complètement non naturel qui s'est fait sentir

12 sur une longue période de temps.

13 Question: Maintenant, j'aimerais que l'on parle simplement en termes

14 ordinaires. Pourriez-vous résumer quelle était la façon dont les gens se

15 comportaient de façon quotidienne? Comment est-ce que la vie se déroulait

16 sous ce pilonnage constant et ces tirs embusqués?

17 Réponse: Eh bien, vous savez, d'abord il y a une phase d'optimisme: on

18 croit toujours que le tout va passer. Puisque les choses ne se terminent

19 jamais, la peur commence à augmenter avec toutes les autres répercussions

20 qui se font sentir pour, finalement, se terminer en une phase pessimiste

21 et une indignation profonde, de sorte que la population devenait

22 complètement abêtie par tout ce qui arrivait autour d'elle, et devenait

23 plutôt abrutie.

24 Question: D'après vous, est-ce que vous pourriez nous dire, s'agissant des

25 attaques sur l'hôpital, quels ont été les effets que cela a eu sur l'état

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1 mental des patients qui se trouvaient à l'hôpital? Est-ce que vous avez pu

2 remarquer quelque chose concernant cela?

3 Réponse: Vous savez, quand on attaque une installation médicale, un

4 hôpital, un hôpital en temps de guerre, cela a toujours un poids

5 particulier de gravité, non seulement sur le personnel travaillant à

6 l'hôpital -qui en réalité n'est même plus important si vous voulez-, mais

7 cela a une importance particulièrement grave sur les patients qui, de

8 nouveau, revivent un traumatisme important. Pour simplifier les choses, on

9 fait face à une duplicité du traumatisme.

10 Donc vous avez un homme contusionné, blessé qui se trouve dans un hôpital

11 où il devrait pouvoir bénéficier d'une paix, d'un calme, et de nouveau,

12 cet homme, ce patient est exposé à une situation dangereuse.

13 Question: Docteur, est-ce que votre famille était avec vous à Sarajevo,

14 pendant la guerre?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Pourriez-vous nous dire où ils habitaient?

17 Réponse: Dans notre appartement.

18 Question: Et votre famille est constituée de combien de membres de

19 famille?

20 Réponse: Ma femme, mon enfant.

21 Question: Et comment vous sentiez-vous, sur une base quotidienne, avec

22 votre femme et votre enfant se trouvant à l'appartement, alors que vous

23 vous dirigiez à l'hôpital pour y travailler? Est-ce que vous-même,

24 personnellement, quel était l'effet que cela a eu sur vous, eu égard aux

25 pilonnages et aux tirs embusqués?

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1 M. Mandilovic (interprétation): Vous savez, c'est un état qui est très

2 difficile à exprimer, c'est un état de peur permanente non pas pour sa

3 propre vie, mais pour la famille et pour les autres: pour les amis et les

4 connaissances. Donc cela devient de plus en plus pénible, d'autant plus

5 qu'au cours d'une grande partie de la guerre, il n'y avait pas de liens

6 téléphoniques. Donc, après une attaque par exemple, il n'était pas

7 possible d'appeler la maison pour savoir si tout le monde allait bien.

8 Voici une pression additionnelle qui, lorsque l'on parle de ces choses-là,

9 aujourd'hui, après tant d'années, il est un peu difficile d'exprimer le

10 tout et d'essayer de vous faire comprendre comment cela se déroulait.

11 M. Blaxill (interprétaiton): Docteur, vous avez parlé de la peur que les

12 gens ressentaient. Je ne suis pas un expert, mais pour moi, la peur, la

13 crainte peut avoir plusieurs niveaux: de la peur la plus petite vers la

14 peur la plus atroce. Pourriez-vous nous donner un niveau de peur, le degré

15 de cette peur, de cette crainte que pouvait ressentir la population de la

16 ville de Sarajevo?

17 Mme Pilipovic (interprétation): C'est une question très délicate. Monsieur

18 le Président, la défense fait objection à la question posée par mon

19 éminent confrère. Etant donné le champ de spécialisation du médecin, il

20 s'agissait d'un oto-rhino-laryngologiste, mon collègue lui pose une

21 question quant à l'évaluation des niveaux de la peur. Cela n'est pas dans

22 le champ de compétence d'un médecin qui n'est pas un spécialiste dans ce

23 domaine en particulier.

24 M. le Président (interprétation): Désirez-vous répliquer?

25 M. Blaxill (interprétation): Certainement, Monsieur le Président.

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1 Un médecin est néanmoins un médecin, donc il n'y a absolument pas une

2 tendance de la part de l'accusation ni par le Dr Mandilovic de le

3 présenter ou de se présenter comme étant un expert psychologue ou

4 psychiatre. Mais, étant donné qu'il traitait beaucoup de personnes au

5 cours de la guerre, il est un médecin. Les médecins sont des

6 professionnels qui peuvent observer et qui peuvent avoir certainement

7 quelques connaissances de base quant aux sentiments ressentis par les

8 hommes.

9 C'est une simple question que j'ai posée, quant à son observation du

10 niveau de la peur qu'il a pu observer chez les gens, ou qu'il a pu

11 ressentir lui-même. Et je crois que cela est quelque chose qui peut être

12 ressenti par n'importe quelle personne qui n'est pas un professionnel dans

13 le domaine, donc il est possible de pouvoir dire si une personne est

14 heureuse, très heureuse, ou plus ou moins heureuse.

15 Donc nous posons une question à ce médecin simplement parce qu'il a traité

16 des malades dans cet hôpital, pendant la période, et nous lui posons des

17 questions, à savoir s'il a pu observer certaines choses. Mais nous ne

18 prétendons pas du tout qu'il s'agit d'un témoin expert qui peut parler de

19 la psychologie des gens.

20 (Les Juges se consultent.)

21 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, votre objection est

22 rejetée.

23 Le Dr Mandilovic n'est pas cité à la barre en tant que témoin expert, pour

24 parler de sa spécialisation en tant que médecin. La question qui est posée

25 au Dr Mandilovic est telle qu'elle consiste à demander à n'importe quel

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1 être humain de faire une évaluation eu égard à ses observations.

2 Donc, Docteur Mandilovic, vous pouvez répondre à cette question.

3 M. Mandilovic (interprétation): La peur, en tant que forme de comportement

4 humain, est quelque chose qu'il est très difficile d'évaluer et d'y

5 accorder, attribuer, des degrés de peur. Je voudrais peut-être simplifier

6 les choses en disant que lorsqu'on travaille et on vit dans une peur

7 constante et telle qu'il est nécessaire de dire que de temps en temps

8 cette peur peut accroître ou diminuer, il est certain que, lorsque tout

9 près de vous quelques obus tombent et éclatent, il est certain qu'à ce

10 moment-là la peur se multiplie, accroît, c'est à ce moment-là que l'on

11 réagit de façons tout à fait diverses. On peut paniquer, on peut se sentir

12 de toutes sortes de façons.

13 Mais il est certain que pendant les phases d'accalmie ou de paix, cette

14 peur diminue, car il est impossible pour l'homme d'être dans une peur

15 constate. C'est une phase, vous savez, dans laquelle l'homme devient

16 indigné. Il arrive que l'homme soit tellement épuisé, que l'esprit soit

17 tellement surchargé d'avoir cette peur permanente que l'on passe à cette

18 phase d'indignation.

19 Question: Merci, Docteur Mandilovic. Il y a peut-être une dernière

20 question que je voudrais vous poser.

21 Dans un autre champ -je sais que vous n'êtes ni psychologue ni psychiatre,

22 mais je vous demanderai de dire quelque chose sur le comportement des

23 gens- est-ce que vous avez pu remarquer qu'après la guerre, aujourd'hui

24 après plusieurs années, y a-t-il des problèmes chez les gens, des

25 problèmes mentaux?

Page 1043

1 M. Mandilovic (interprétation): Oui. Je crois qu'il y a des répercussions

2 sur la population qui vit à Sarajevo aujourd'hui, plus particulièrement

3 sur les personnes qui ont passé toute la guerre dans cette ville. Ce sont

4 mes impressions personnelles, elles ne sont peut-être pas justes. Mais je

5 crois qu'il existe un grand nombre, un bon pourcentage de névroses, de

6 neurasthénies chez les gens de mon entourage plus rapproché. Très souvent,

7 je peux entendre des gens parler de peurs illogiques, des tendances, par

8 exemple, à avoir des réactions surprenantes, violentes et tumultueuses.

9 Ces gens expriment un grand degré d'intolérance et ainsi de suite. Il est

10 certain qu'outre les problèmes mentaux il y a également des problèmes

11 physiologiques qui se font ressentir chez la population.

12 M. Blaxill (interprétaiton): Merci. Si je puis avoir seulement quelques

13 instants, Monsieur le Président.

14 Cela met fin à mon contre-interrogatoire et aux questions supplémentaires.

15 Je vous remercie.

16 Merci, Docteur Mandilovic.

17 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Blaxill.

18 Et je réitère que vous aurez la possibilité de faire passer la vidéo lundi

19 prochain et dans l'entrefaite, en fait cela... Je donne la possibilité à

20 Me Pilipovic de contre-interroger le Dr Mandilovic.

21 M. Piletta-Zanin: La défense vous remercie, Monsieur le Président.

22 Mais, avant que Me Pilipovic puisse continuer, j'aimerais, ici, soulever

23 un point qui est en relation immédiate avec le contre-interrogatoire.

24 Nous aimerions soumettre au témoin une pièce qui est une des propres

25 pièces d'ores et déja transmises par l'accusation, non pas au titre de

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1 preuve mais au titre d'autres documents.

2 Simplement, il ne m'est pas possible matériellement d'extraire cette pièce

3 des dix mètres linéaires de classeurs que j'ai évoqués l'autre jour.

4 Je peux, certes, la retrouver car j'ai, dans l'intervalle, retrouvé

5 quelques compétences informatiques sur mon ordinateur, mais on n'a pas

6 autorisé la défense à bénéficier d'un système de print, d'impression.

7 Je peux donner les références de cette pièce, mais un système doit

8 impérativement être trouvé pour, si nous nous voulons soumettre ces

9 pièces, pouvoir les produire. Merci.

10 M. le Président (interprétation): Je vais essayer de trouver la solution à

11 ce problème.

12 Juste un instant, s'il vous plaît.

13 (Le Président consulte la Greffière.)

14 Maître Piletta-Zanin, pourriez-vous faire copier le document que vous

15 souhaitez montrer, le faire copier sur une disquette remise au Greffe?

16 M. Piletta-Zanin: Je ne suis pas un grand expert, mais donner la référence

17 à l'accusation et que l'accusation fasse cela; puisque c'est son disque,

18 je le fais volontiers.

19 La référence de la pièce est la pièce suivante: il s'agit, dans la

20 dernière liste que j'ai obtenue, de la pièce portant numéro: 1002, 1-0-0-

21 2, et qui porte comme numéros marqués sur la pièce elle-même les numéros:

22 0-0-4-7-8-8-0-1. Je répète pour la traduction: 0-0-4-7-8-8-0-1. Merci.

23 M. le Président (interprétation): J'ai une dernière question à poser.

24 Avez-vous indiqué à l'accusation que vous souhaitiez que ce document soit

25 utilisé au cours du contre-interrogatoire ou pas? Sans cela, on aurait pu

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1 éviter tous ces retards.

2 M. Piletta-Zanin: Je vous remercie de cette question, mais évidemment, les

3 pièces que nous allons produire vont toujours dépendre de ce que les

4 témoins vont indiquer, et nous ne savons jamais à l'avance quelles pièces

5 nous allons devoir produire.

6 Donc je n'ai pas eu le temps de l'indiquer à l'accusation, mais je veux

7 bien répéter le numéro de la pièce si vous le souhaitez.

8 M. le Président (interprétation): Parfois, on peut prévoir l'évolution des

9 choses.

10 Je voudrais bien dire très clairement que je voudrais qu'on ne perde plus

11 de temps sur ces problèmes pratiques afin que nous soyons en mesure, plus

12 tard, de voir si ceci aurait pu être évité.

13 Mais, une fois encore, j'insiste auprès des parties pour qu'elles

14 résolvent la plupart des problèmes pratiques en dehors de ce prétoire de

15 façon à ne pas perdre de temps.

16 Est-ce que l'accusation peut produire le document à brève échéance?

17 M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Nous sommes en

18 train de nous efforcer de faire une copie du document à mesure que je

19 parle.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

21 Maître Pilipovic, vous pouvez poursuivre avec le contre-interrogatoire.

22 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Milan Mandilovic, par Me Pilipovic.)

23 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur Mandilovic, bonsoir.

24 M. Mandilovic (interprétation): Bonsoir.

25 Question: Pourriez-vous me confirmer le fait d'avoir, en date du 11

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1 février 2000, fait une déclaration en qualité de témoin aux enquêteurs du

2 Tribunal?

3 Réponse: J'ai fait, en effet, une déclaration, mais je ne me souviens pas

4 du tout de la date. Je ne peux pas vous confirmer celle que vous avez

5 donnée.

6 Question: Pourriez-vous nous confirmer qu'en date du 5 février 2001 et du

7 2 octobre 2001 vous avez eu des entretiens avec les enquêteurs du

8 Tribunal?

9 Réponse: J'ai eu des entretiens avec les enquêteurs du Tribunal, mais je

10 ne suis pas du tout certain pour ce qui est de vous confirmer les dates.

11 Question: Merci.

12 Vous avez commencé votre exposé en disant que vous êtes arrivé à Sarajevo

13 à l'âge de 4 ans. Donc, depuis 1953, vous vivez à Sarajevo avec les

14 vôtres.

15 Réponse: Je n'arrive plus à me souvenir si c'était en 1953 ou 1954, mais

16 c'est à peu près cela.

17 Question: C'est donc vers ces années-là que vous avez déménagé là-bas et

18 vous vivez à Sarajevo tout le temps?

19 Réponse: Oui, c'est cela.

20 Question: Vous avez tout le temps vécu et travaillé à Sarajevo?

21 Réponse: C'est cela.

22 Question: Merci.

23 En répondant à l'une des questions de mon collègue concernant la situation

24 à Sarajevo, vous avez dit que la situation était difficile depuis l'année

25 1992, et que la situation s'était dégradée au fur et à mesure.

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1 Je voudrais que vous nous disiez ce que vous sous-entendez par là?

2 Réponse: Quand je dis que la situation était de plus en plus difficile en

3 1992, je ne parlais pas de la situation de guerre. Je sous-entendais une

4 situation détériorée au niveau de la vie, c'est-à-dire au niveau des

5 tensions politiques qui se manifestaient tant au niveau de la ville qu'au

6 niveau de l'Etat tout entier.

7 Question: Je vais vous poser des questions concrètes sur la ville de

8 Sarajevo étant donné que vous y avez résidé.

9 Vous nous avez dit qu'il y avait eu des tensions politiques. Dites-nous

10 entre qui ces tensions politiques sont survenues et à quel niveau?

11 Réponse: Quand vous avez plusieurs partis politiques, il doit forcément y

12 avoir des tensions. Cela est clair.

13 Question: Voulez-vous dire par là que, jusque-là, les relations à Sarajevo

14 avaient été harmonieuses et que l'on ne pouvait remarquer des différences

15 ou divergences de points de vue dans la vie conjointe?

16 Réponse: Je suis d'accord à ce sujet-là.

17 Avant la mise en place d'un système pluripartite, la situation était bien

18 plus stable.

19 Question: Et à votre avis, quels sont les partis politiques qui avaient

20 substantiellement influé sur ces tensions?

21 Réponse: C'étaient les partis nationalistes, ou les principaux partis

22 nationalistes de Bosnie-Herzégovine, et de Sarajevo aussi bien.

23 Question: Donc vous seriez d'accord avec moi pour dire que la formation de

24 partis nationalistes avait été la cause de tous les conflits ultérieurs à

25 Sarajevo?

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1 Réponse: C'est une question politique, et désormais même historique.

2 Excusez-moi, mais je ne suis vraiment pas compétent en la matière, désolé.

3 Question: Merci. Vous nous avez dit qu'en début 1992 il y avait eu des

4 incidents et des conflits individuels.

5 Réponse: Quand avez-vous demandé? Quelle date?

6 Question: Vous avez parlé de début 1992, mais vous n'avez pas dit février,

7 mars, ou avril, donc j'ai compris qu'il s'agissait du début de l'année

8 1992, et vous avez parlé d'incidents et de conflits individuels,

9 particuliers. Je voudrais que vous nous disiez de quels incidents et

10 conflits vous parliez. Réponse: Je parlais d'incidents et conflits sur un

11 plan politique. Personnellement, je n'avais eu ni des conflits, ni des

12 situations d'incidents quels qu'ils soient, pour ce qui me concerne.

13 Question: Mais avez-vous eu vent de conflits physiques dans le courant du

14 mois de mars à Sarajevo?

15 Réponse: Dans mon environnement, non. Je n'ai aucune connaissance de la

16 chose.

17 Question: Dans quelle partie de Sarajevo avez-vous résidé, étant donné que

18 vous travailliez à l'hôpital militaire?

19 Réponse: La municipalité de Novo Sarajevo.

20 Question: Et dites-nous sur le territoire de quelle municipalité se

21 trouvait l'hôpital?

22 M. Mandilovic (interprétation): Municipalité centre.

23 Mme Pilipovic (interprétation): Vous nous avez dit que l'explosion de ce

24 conflit était survenue en date du 6 avril et que cela avait commencé à

25 s'accroître.

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1 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, Docteur Mandilovic, je

2 voudrais vous demander de suivre l'écran devant vous et d'attendre que les

3 phrases ou les lettres finissent de se dérouler ou défiler sous vos yeux,

4 parce que sinon les interprètes ne seront pas en mesure de vous suivre de

5 façon aussi rapide. Et comme vous vous comprenez parfaitement l'un

6 l'autre, il s'agit aussi de permettre la traduction.

7 M. Mandilovic (interprétation): Je m'excuse.

8 Mme Pilipovic (interprétation): J'étais en train de vous demander, je me

9 reprends, au sujet du conflit qui avait éclaté le 6 avril, et son

10 accroissement au fur et à mesure.

11 Réponse: Oui, pour autant que je puisse m'en souvenir, c'était le début du

12 mois d'avril, et il y avait des manifestations un peu partout dans la

13 ville. Chacun voulait faire partie du jeu politique, en faire partie, et

14 se faire remarquer. Il est difficile d'en parler maintenant, mais la

15 situation en avril sort des cadres de la situation normale, usuelle, en

16 raison de ces sessions permanentes du parlement, au centre-ville, à

17 l'assemblée, à Marijin Dvor, des assemblées de citoyens qui attendent des

18 solutions, et c'était précisément la situation au sujet de laquelle

19 j'avais estimé qu'elle n'était pas normale. C'était cela que j'avais à

20 l'esprit.

21 Question: Au mois d'avril, vous vous rendiez quotidiennement à votre poste

22 de travail, n'est-ce pas?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Pourriez-vous me dire si à l'hôpital où vous travailliez il

25 avait été possible de remarquer des incidents, des situations

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1 conflictuelles entre les gens au sein de l'hôpital? Ou encore cela ne se

2 manifestait-il pas, étant donné qu'il s'agissait d'un hôpital militaire,

3 celui de l'armée populaire yougoslave?

4 Réponse: La situation avait été la suivante. Il n'y a pas eu de véritables

5 conflits sérieux. Ce qui pouvait être remarqué au mois d'avril, c'est que

6 les cadres, les cadres bosniens quittaient l'hôpital et s'en allaient chez

7 eux.

8 Question: Et pourriez-vous nous dire pourquoi, si nous sommes tombés

9 d'accord pour dire qu'il n'y a pas eu d'incidents, pourquoi ces cadres

10 bosniens ont-ils quitté l'hôpital? Avez-vous quelques connaissances à ce

11 sujet-là?

12 Réponse: Ils quittaient l'hôpital probablement par peur, par peur de voir

13 se réitérer la situation, se renouveler la situation de la Slovénie ou de

14 la Croatie où des guerres avaient éclaté. Je pense que c'est la raison

15 pour laquelle ils avaient quitté leur poste de travail.

16 Question: Mais à titre concret, avez-vous pu remarquer que quelqu'un au

17 niveau du personnel s'était mis à manifester une attitude particulière, à

18 l'égard de ce que vous avez désigné par cadres bosniens? Est-ce que

19 quelqu'un avait amené ces gens-là en situation d'avoir à craindre une

20 guerre?

21 Réponse: Non, je n'ai pas remarqué une chose de ce genre.

22 Question: Dans votre déposition auprès des enquêteurs du Tribunal, en date

23 du 11 février de l'an 2000, et je me réfère à la page 4 de la version BCS,

24 vous avez dit ce qui suit: "Lorsque la JNA s'est retirée de l'hôpital

25 d'Etat, il s'agissait d'un départ organisé, ils ont laissé les équipements

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1 et les médicaments. L'hôpital avait été encerclé par des forces

2 patriotiques et il avait été convenu que les équipements restent sur

3 place." Fin de citation.

4 Pouvez-vous nous dire quand cela s'est fait?

5 Réponse: C'est bien ce que j'ai dit, mais je vous prie de préciser votre

6 question quant aux dates.

7 Question: Je vous demande quand est-ce que cela s'est passé?

8 Réponse: Vous voulez dire: quand est-ce que la JNA a quitté l'hôpital?

9 Question: J'entends: quand est-ce que l'hôpital a été encerclé par des

10 forces patriotiques? Et quand est-ce qu'il a été convenu que les

11 équipements soient laissés sur place?

12 Réponse: Laissez-moi vous dire ce qui suit. Avec la direction de

13 l'hôpital, il y a eu des négociations au niveau des structures de la

14 ville.

15 Je crois que même le Ministre de l'intérieur était venu pour négocier afin

16 que les choses se fassent de façon civilisée.

17 Croyez-moi que je n'en sais pas trop long parce que je n'ai pas participé

18 à ces négociations. Je détiens seulement une information de seconde main.

19 Question: Qui est-ce qui était directeur de cet hôpital?

20 Réponse: Le colonel docteur Tomislav Dosan(?) était directeur de cet

21 hôpital militaire.

22 Question: Qui était le Ministre aux négociations?

23 Réponse: Le Ministre aux négociations était Jusuf Pucina.

24 Question: Quand est-ce que l'hôpital a été encerclé par des forces

25 patriotiques? Et sauriez-vous nous dire qui étaient ces forces

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1 patriotiques?

2 Réponse: S'agissant de ces forces patriotiques, sur place, dans mon

3 environnement à moi, je ne les avais jamais vues, mais c'est l'ambiance

4 qui s'était installée dans l'hôpital et on avait l'impression que

5 l'hôpital se trouvait encerclé.

6 Il se peut qu'il soit probable, avec le recul que j'ai, du fait du temps

7 qui s'est écoulé, j'ai l'impression que c'est la situation en Slovénie et

8 en Croatie qui a fait que les gens se sentent ainsi, étant donné que là-

9 bas les hôpitaux et les installations militaires avaient été encerclés par

10 des entités civiles.

11 Question: Les cadres bosniens qui ont quitté l'hôpital, comme vous l'avez

12 dit, ont-ils quitté l'hôpital avant ou après l'événement?

13 Réponse: Quel événement?

14 Question: Avant que l'hôpital ne soit encerclé par des forces patriotiques

15 ou après?

16 Réponse: Laissez-moi vous dire que les cadres bosniens sont partis de

17 façon successive.

18 Ne croyez pas que j'ai voulu dire par là que tous les cadres bosniens ont

19 quitté l'hôpital, mais pendant le mois d'avril les cadres bosniens ont

20 quitté au fur et à mesure, à titre individuel.

21 Et l'accord, dont j'ai parlé tout à l'heure, est un accord qui a été

22 établi au mois de mai, avant le départ des cadres de la JNA de l'hôpital.

23 Question: Vous nous avez dit qu'après un moment, ou au bout d'un certain

24 temps, les cadres bosniens étaient revenus à l'hôpital?

25 Réponse: Oui, pratiquement après le départ des cadres de la JNA, de

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1 l'armée populaire yougoslave, les cadres bosniens et autres avaient

2 commencé à regagner leur poste à l'hôpital, tout doucement, et ont repris

3 leurs activités professionnelles, celles qui avaient été les leurs avant

4 leur départ.

5 Question: Est-il exact de dire qu'après l'accord établi tous les

6 équipements et le matériel indispensable au fonctionnement de l'hôpital

7 étaient restés sur place?

8 Réponse: C'est exact.

9 Question: Après la signature de cet accord, y a-t-il eu un changement de

10 cadres dirigeants de l'hôpital? Je crois que vous nous avez dit qu'il y a

11 eu constitution d'un organisme ou d'une instance dont vous n'avez pas fait

12 partie.

13 Réponse: C'est exact.

14 Après le départ de l'armée populaire yougoslave, l'hôpital a continué à

15 exercer ses activités; mais pour que les activités puissent se dérouler,

16 il fallait bien une direction de l'hôpital. Dans cette première phase,

17 nous avons donc eu une sorte de triumvirat, si vous me permettez le terme,

18 où il y avait autant de Serbes que de Croates que de Bosniens.

19 Question: Qui à ce moment-là était directeur de l'hôpital?

20 Réponse: Il y avait un organe collégial de direction. La personne qui

21 avait été, opérationnellement, parlant chargée de réaliser ces décisions-

22 là avait été le docteur Bakir Nakac.

23 Question: Avait-il travaillé à l'hôpital auparavant?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Savez-vous nous dire s'il avait quitté l'hôpital? Et, si oui,

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1 quand?

2 Réponse: Je crois qu'il avait quitté l'hôpital quelque part en avril, mais

3 je ne me souviens plus exactement, je ne me souviens plus de la date.

4 Question: Vous nous avez dit qu'en avril 1992 il y avait eu des pilonnages

5 de temps à autres, occasionnels.

6 Réponse: En avril, vous avez dit?

7 Question: Oui.

8 Réponse: Oui.

9 Question: Veuillez nous dire quels sont les sites, selon vos souvenirs,

10 qui avaient été pilonnés?

11 Réponse: D'après mes souvenirs, je pense qu'il y a eu surtout des

12 pilonnages et des tirs dans le secteur sud de la ville. Je pense que cela

13 coïncide, je ne peux pas être tout à fait certain, mais il me semble que

14 cela avait eu lieu pendant des combats au niveau de l'école de police à

15 Vrace; c'est de là que l'on pouvait entendre des tirs nourris si je puis

16 m'exprimer ainsi.

17 Question: Et vous avez parlé de combats: mais combats entre qui et qui?

18 Réponse: Je n'en sais rien, je n'étais pas là-bas, je n'étais jamais là-

19 bas.

20 Question: Mais savez-vous nous dire si, en avril, il y a eu des pilonnages

21 et des combats à Ilidza, et s'il y a eu pilonnage de l'hôpital?

22 Réponse: Non. Quel hôpital? L'institut de thérapeutique physique?

23 Question: Oui.

24 Réponse: Je n'ai pas de connaissances à ce sujet. Je sais que cet institut

25 qu'il a fini par brûler, mais de là à savoir quand, je ne sais vraiment

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1 pas, je ne sais pas à quel moment cela avait brûlé.

2 Question: Y a-t-il eu des incidents quelconques caractéristiques pour ce

3 qui concerne la ville de Sarajevo dans le cadre des conflits en ville, au

4 cours du mois de mai?

5 Réponse: Dès le mois de mai il y a déjà eu pas mal de tirs, surtout autour

6 de la ville; ça je m'en souviens bien.

7 Maintenant, pour ce qui est de la ville même, la situation était grave,

8 cela avait été un problème d'Etat. Je crois que le 2 ou 3 mai 1992, il y a

9 eu un incident avec le Président Izetbegovic où il y a eu cette situation

10 pénible avec le commandement du 2e District militaire, où il y a eu des

11 échanges, et ainsi de suite. Mais ça, c'est une chose que je sais d'après

12 les médias. Ce sont des choses qui se sont passées au-delà de mes

13 connaissances immédiates et au-delà des connaissances de mon

14 environnement, de mon entourage immédiat.

15 Question: Mais vous aviez travaillé à l'époque à l'hôpital militaire?

16 Réponse: J'ai quitté l'hôpital militaire en date du 2 mai.

17 Question: En 1992, n'est-ce pas?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et quand êtes-vous revenu?

20 Réponse: Je ne sais plus si c'était le 14, le 15 ou le 16, mais c'est au

21 cours de la deuxième quinzaine du mois de mai.

22 Question: Et avez-vous dû quitter l'hôpital le 2 mai?

23 Réponse: Qu'entendez-vous par là?

24 Question: Vous nous avez dit que vous avez quitté l'hôpital.

25 Réponse: Oui, oui, mais je n'ai pas dû le faire, personne ne m'a chassé,

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1 personne n'a pointé une arme sur moi et m'a dit: "Sors de là!".

2 Question: Ce n'est pas ce que je voulais dire. Ce que je voulais vous

3 demander, c'était juste de tirer au clair ce qui concerne la période où

4 vous n'avez pas été à l'hôpital, parce que vous nous avez dit, tout à

5 l'heure, que vous aviez travaillé tout le temps à l'hôpital.

6 Réponse: Oui, tout le temps, si vous faites exception de ces dix à douze

7 jours. Donc, si vous faites abstraction de ces dix à douze jours, j'ai

8 pratiquement travaillé tout le temps. Si vous prenez en considération

9 cette période-là, je dirai que j'ai eu une interruption.

10 Question: Etiez-vous en congés?

11 Réponse: Vous plaisantez!

12 Mme Pilipovic (interprétation): Non. Est-ce que vous pouvez répondre?

13 M. Mandilovic (interprétation): Oui, je peux répondre.

14 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, nous approchons des 7

15 heures. Je voudrais que vous nous fassiez une évaluation du temps que vous

16 pensez être nécessaire pour votre contre-interrogatoire; c'était ma

17 première question.

18 Et ma deuxième question: j'essaie de trouver un moment opportun, dans les

19 deux ou trois minutes qui viennent, pour mettre un terme à votre contre-

20 interrogatoire pour aujourd'hui.

21 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, pour mon contre-

22 interrogatoire, j'ai besoin d'encore une heure et demie. Mais je pense,

23 par contre, que le moment est opportun pour mettre un terme à mon contre-

24 interrogatoire à présent, et reprendre lundi.

25 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Pilipovic.

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1 Nous allons lever la séance jusqu'à lundi et nous allons reprendre lundi à

2 9 heures du matin. Et nous travaillerons jusqu'à 13 heures 45 de l'après-

3 midi.

4 Je demanderai maintenant à M. l'huissier de raccompagner le témoin hors du

5 prétoire.

6 (Le témoin, M. Milan Mandilovic, est reconduit hors du prétoire.)

7 Y a-t-il peut-être une autre question que vous voudriez soulever, Monsieur

8 Ierace? Et vous n'avez pas besoin du témoin?

9 M. Ierace (interprétation): Non, Monsieur le Président, je n'ai pas besoin

10 du témoin.

11 J'ai, Monsieur le Président, retrouvé le document que M. Piletta-Zanin

12 avait identifié par des numéros, une numérotation; donc le 00478801. Je

13 suis en mesure de lui remettre des copies.

14 M. le Président (interprétation): Je vous prie de le faire.

15 Monsieur Piletta-Zanin, vous savez que, d'après notre système, il faut

16 prénuméroter le document si vous voulez proposer ce document pour

17 versement au dossier.

18 Maintenant, j'aimerais que l'on raccompagne le général Galic hors du

19 prétoire.

20 (L'accusé est reconduit hors du prétoire.)

21 Je remercie tous et toutes de nous avoir aidé du côté technique et je

22 remercie les interprètes.

23 Je vous salue, et je vous souhaite un bon week-end en vous disant à lundi

24 9 heures du matin.

25 (L'audience est levée à 19 heures.)