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1 (Jeudi 23 janvier 2003.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 08.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, veuillez
5 donner le numéro de l'affaire.
6 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-29-T, le Procureur contre
7 Stanislav Galic.
8 M. le Président (interprétation): Bonjour à tous. Merci, Madame la
9 Greffière.
10 Bonjour à tous, donc, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du
11 prétoire.
12 Est-ce que la défense est prête à poursuivre l'interrogatoire du témoin,
13 M. Moroz?
14 Monsieur l'Huissier, dans ces conditions, je vais vous demander de faire
15 entrer le témoin.
16 Je souhaiterais informer les parties que, étant donné que le témoin a
17 décidé qu'il allait s'exprimer en anglais dans le cadre de sa déposition,
18 il y aura quand même un interprète en cabine qui sera là au cas où il y
19 aurait un problème. Il y aura un deuxième interprète également disponible,
20 mais pas dans le prétoire, et qui pourra venir aider… venir à la rescousse
21 du premier interprète si le témoin s'exprime finalement en russe.
22 (Le témoin, M. Sergey Moroz, est introduit dans le prétoire.)
23 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Moroz.
24 M. Moroz (interprétation): Bonjour.
25 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant poursuivre votre
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1 interrogatoire principal. Je souhaiterais vous rappeler que vous êtes
2 toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au
3 début de votre déposition.
4 Maître Pilipovic, vous avez maintenant la parole.
5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Sergey Moroz, par Me Pilipovic.)
6 Mme Pilipovic (interprétation): Bonjour, Monsieur Moroz.
7 Hier, à la fin de l'audience, vous nous avez expliqué comment, en tant que
8 chef de la mission chargée de procéder à des réparations, vous organisiez
9 votre travail, et je crois que vous avez dit que vous aviez des contacts
10 aussi bien avec les autorités civiles que militaires sur place. Est-ce que
11 je vous ai bien compris?
12 M. Moroz (interprétation): Ce n'est pas tout à fait cela. Parce que je
13 n'étais pas chef de section; moi, j'étais commandant de mission. Parce que
14 dans notre section, vous aviez cinq commandants de mission qui exécutaient
15 les ordres du chef de section.
16 Question: Je dois dire que je n'ai pas dit "secteur" parce que je savais
17 que vous travailliez au sein d'une section chargée du Génie et que vous
18 étiez commandant de mission. Il y a donc dû y avoir une erreur dans la
19 traduction, puisque vous suivez le transcript sur l'écran. Mais ne perdons
20 pas plus de temps.
21 Vous aviez donc des contacts aussi bien avec les responsables civils que
22 les commandants militaires. Et je voudrais savoir sur quelle base vous
23 aviez des contacts avec les commandants civils… les commandants militaires
24 et les responsables civils.
25 Réponse: J'avais très peu de contacts, en fait, avec les commandants
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1 militaires locaux. Et on me… Ce n'est que par le biais des officiers de
2 liaison qui contactaient les deux parties belligérantes que je pouvais
3 obtenir la permission de procéder à des missions, dans le cadre du génie.
4 Ce n'est qu'après que les deux parties avaient donné leur feu vert pour
5 que l'on procède à ces réparations, qu'à ce moment-là j'obtenais la
6 permission de mon patron pour aller procéder aux réparations nécessaires.
7 Pour ce qui est des autorités civiles, j'avais plus de contacts avec
8 elles. Parce que le matin, avant d'aller en mission ou à la mission,
9 j'allais à l'entreprise qui était autorisée à contribuer aux travaux de
10 réparation; il s'agissait d'une entreprise qui s'occupait des égouts, de
11 l'approvisionnement en eau de Sarajevo, de l'électricité, etc. Et je
12 contactais les responsables de ces entreprises pour se mettre d'accord sur
13 les réparations d'éventuels bâtiments ou installations. Je me faisais
14 accompagner de membres de ces entreprises et ensuite, j'allais sur place
15 pour procéder aux réparations nécessaires.
16 Question: Merci. Donc, en fait, vous nous dites que vos contacts se
17 faisaient principalement avec les autorités civiles, dans le cadre de
18 votre mission?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Donc, après avoir donné des instructions ou reçu les
21 instructions de la part des représentants de ces entreprises, vous alliez
22 sur le terrain. Mais je voudrais savoir comment vous procédiez pour
23 engager des ouvriers; je voudrais savoir s'il y en avait des deux côtés.
24 Quand vous dites "les deux côtés", est-ce que vous parlez du côté serbe et
25 du côté musulman?
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1 Réponse: Quand je dis "engager"… enfin, je ne dirais pas "engager",
2 justement. Parce que généralement, les autorités civiles souhaitaient
3 rétablir une vie normale pour les civils et c'est eux qui prenaient
4 l'initiative de demander à la Forpronu d'organiser de telles missions.
5 C'est pourquoi, généralement, le chef d'une telle entreprise, l'entreprise
6 concernée, savait ce qu'il convenait de faire; il savait quel type de
7 matériel il fallait nous donner pour ce type de mission et il savait
8 quelles étaient les pièces que l'on devait utiliser dans le cadre de ces
9 missions. Et avant ce type de mission, il demandait souvent à la Forpronu
10 de fournir des pièces détachées dont il ne disposait pas, à ce moment
11 précis.
12 Question: Monsieur le Témoin, quand vous alliez sur le terrain pour des
13 réparations, je voudrais savoir si vous constituiez des équipes de travail
14 mixtes; est-ce que cela se révélait nécessaire?
15 Réponse: Oui, ça arrivait. Il arrivait que l'on constitue, en effet, des
16 équipes, et généralement pour deux raisons.
17 Parfois, l'une des parties belligérantes fournissait des pièces
18 nécessaires aux réparations et la partie en question souhaitait s'assurer
19 que ces pièces ou ces équipements étaient véritablement utilisés dans le
20 cadre des réparations concernées. Ça, c'était une des raisons de leur
21 participation.
22 La deuxième raison, c'est que la majorité de ces réparations, de ces
23 missions se faisaient sur la ligne de front, directement. Et pendant les
24 périodes où les tirs étaient très nourris, les ouvriers craignaient et
25 leurs responsables craignaient qu'il y ait des tirs. Si bien que l'on
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1 annonçait tout à fait clairement qu'il allait venir une équipe mixte sur
2 les lieux, et à ce moment-là les commandants militaires de l'endroit
3 informaient leurs soldats de la chose pour éviter qu'il y ait des tirs
4 sporadiques.
5 La deuxième raison, donc, a trait à la sécurité.
6 Question: Merci. Vous venez de nous dire que vous procédiez à des
7 réparations sur la ligne de front, là où il y avait souvent des tirs et
8 des échanges de tirs. Pouvez-vous nous dire avec quelle fréquence, pendant
9 votre séjour, vous êtes allé à ces réparations? Ce que je veux savoir,
10 c'est si vous sortiez quotidiennement ou une fois par semaine?
11 Réponse: Pour la mission, on peut dire que je sortais chaque jour. Et si
12 j'ai bien compris, vous me demandez si ces missions étaient souvent
13 troublées ou dérangées par des tirs? Avec quelle fréquence. C'est bien ce
14 que vous me demandez?
15 Mme Pilipovic (interprétation): Oui.
16 M. Moroz (interprétation): Je ne dirais pas que ces missions étaient
17 souvent annulées, en raison de tirs. Généralement, cela se passait une
18 fois tous les 15 jours. Bien entendu, pendant l'année que j'ai passé à
19 Sarajevo, il y a eu des périodes qui étaient plus denses, où les missions
20 étaient plus souvent annulées, et puis des périodes qui étaient suivies
21 par des périodes plus apaisées, comme par exemple au cours de l'été 1994;
22 je ne me souviens pas qu'au cours de cette période il y ait eu des
23 missions annulées.
24 M. le Président (interprétation): Je signale aux fins du compte rendu
25 d'audience, que le témoin a dit "cancellation" en anglais, c'est-à-dire
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1 "annulation" et non pas "consolidation".
2 M. Moroz (interprétation): Oui, c'est cela, je parlais d'annulation.
3 Mme Pilipovic (interprétation): Donc si je vous entends bien, une fois que
4 vous commenciez à travailler à un endroit précis, il arrivait parfois que
5 vous deviez arrêter les travaux à cause d'échange de tirs?
6 Réponse: Oui, vous avez bien compris; car notre priorité c'était la
7 sécurité des ouvriers.
8 Question: Quand il y avait des tirs, est-ce que vous étiez en mesure de
9 déterminer d'où provenaient ces tirs, et qui était à l'origine de ces
10 tirs? Qui avait commencé à tirer?
11 Réponse: Eh bien, à quelques reprises, les missions ont dû être annulées
12 parce qu'il y avait des échanges de tirs de mortier; des obus qui
13 entraient et qui sortaient de la zone. Mais nous, il faut dire que l'on
14 était entre les deux; parce qu'on se trouvait sur la ligne de front, et il
15 y avait les cibles visées des deux côtés qui étaient un peu plus en
16 profondeur par rapport à nous, donc on était au milieu. A plusieurs
17 reprises, nous avons essuyé des tirs, on nous a tirés dessus, et cela est
18 indéniable. On nous a tirés dessus donc, mais j'ai eu l'impression qu'en
19 fait, c'était pas vraiment la Forpronu qui était visée; l'objectif,
20 c'était simplement d'annuler la mission, parce qu'on voyait bien que les
21 impacts de balles étaient proches des soldats de la Forpronu. Donc en
22 fait, on nous tirait dessus pour nous faire peur et pour nous contraindre
23 à annuler la mission.
24 Pour ce qui est du deuxième volet de votre question, relatif à l'origine
25 des tirs, j'aurais beaucoup de mal à vous répondre. Parce que les tirs
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1 provenaient toujours de zones neutres, dirons-nous: soit d'endroits ou de
2 directions d'où aussi bien l'une partie belligérante que l'autre, aurait
3 pu tirer. Donc, je ne suis pas en mesure de vous dire avec certitude si
4 c'étaient des soldats serbes ou des soldats musulmans qui avaient tiré.
5 Question: Pouvez-vous nous dire, et vous comprenez bien de quelle partie
6 et côté nous parlons, je voudrais savoir de quel côté vous avez procédé au
7 plus grand nombre de réparations des systèmes d'approvisionnement en
8 électricité? Quelles sont les zones où vous vous rendiez le plus souvent?
9 Réponse: Oui, je peux vous répondre. Parce que les entreprises n'étaient
10 pas toutes situées sur les mêmes territoires. Si l'on prend, par exemple,
11 la société chargée des égouts, c'était une société musulmane parce qu'elle
12 se trouvait dans la ville, sur le territoire de la ville. La société
13 chargée de l'électricité employait uniquement des ouvriers serbes parce
14 qu'elle se trouvait en territoire serbe.
15 Mais parfois, il y avait des ouvriers musulmans qui travaillaient en
16 territoire serbe ou vice-versa, c'est surtout sur le territoire serbe
17 qu'il y avait le plus grand nombre de réparations, des systèmes
18 d'approvisionnement en électricité parce qu'il s'agissait de réparation de
19 pylônes. Je ne sais pas pourquoi mais c'est surtout sur le territoire
20 serbe que l'on constatait des dégâts au niveau des pylônes. Il fallait
21 souvent réparer les lignes, et il me semble que c'était surtout à Vogosca
22 que c'était, à côté de l'usine "Volkswagen". A côté de l'usine
23 "Volkswagen", il y avait un transformateur, et à côté, c'est là que le
24 plus souvent, les lignes étaient coupées.
25 Question: Vous nous dites que les pylônes étaient le plus souvent
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1 endommagés du côté serbe. Avez-vous été en mesure de déterminer dans
2 quelles circonstances ces pylônes étaient endommagés, et si cela
3 entraînait des coupures de courant dans certaines zones de la ville?
4 Réponse: S'il était nécessaire de réparer les pylônes, le plus souvent,
5 c'était parce que des obus de mortier avaient explosé à côté des pylônes.
6 A ce moment-là, les ouvriers démontaient les pylônes qui avaient été
7 endommagés, et puis ils reconstruisaient un nouveau pylône. Il s'agissait
8 là d'un travail assez difficile, qui durait le plus souvent une semaine,
9 voire même plus. Bien entendu, les dégâts occasionnés à ces pylônes
10 entraînaient des coupures d'électricité pour la ville parce que toutes les
11 lignes électriques vers la ville venaient du côté serbe.
12 Question: Dans votre réponse précédente, vous nous avez dit également que
13 c'est à Vogosca que vous procédiez à la plupart des réparations, il y
14 avait le plus de dégâts s'agissant des lignes d'approvisionnements qui
15 étaient coupées. Est-ce que vous savez quel était l'impact de la mise hors
16 service de ces lignes à Vogosca?
17 Réponse: La conséquence principale, c'est qu'une bonne partie de la ville
18 se retrouvait, à ce moment-là, sans électricité pendant toute la durée des
19 réparations.
20 Question: Est-ce que vous savez ce qui occasionnait ces dégâts, les dégâts
21 de ces câbles à Vogosca, qu'il y avait ensuite les conséquences que vous
22 venez de nous décrire, à savoir des coupures d'électricité?
23 Réponse: Parfois, c'était dû à des échanges de tirs, des tirs d'armes
24 genre fusils. A ce moment-là, les dégâts n'étaient pas très importants, il
25 y avait simplement un câble qui était coupé. Mais il y avait aussi les
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1 tirs de mortiers qui venaient de la partie musulmane, en direction de
2 l'usine "Volkswagen". Cela, j'en suis sûr, parce que souvent les ouvriers
3 musulmans me disaient qu'il circulait des rumeurs dans la ville au sujet
4 de cette usine selon laquelle cette usine comportait un atelier de
5 production d'armes.
6 Moi, au cours de ma mission, je me suis rendu dans cette usine, et je n'ai
7 vu aucune activité dans cette usine, quelle qu'elle soit, parce que cette
8 usine avait été très endommagée.
9 Question: Merci. Monsieur Moroz, durant vos missions, avez-vous eu
10 l'occasion de garantir la sécurité ou plutôt est-ce qu'il y a eu des
11 pénuries d'eau? Et avez-vous été amené à réagir à ces moments-là?
12 Réponse: Oui, cela m'est arrivé. J'ai eu un certain nombre de missions de
13 ce genre dans la zone d'Ilidza, je crois. Ce n'était pas loin de la
14 rivière, et il y avait des puits… des endroits où on pompait l'eau. Les
15 pompes projetaient l'eau dans un réservoir qui se trouvait placé sur la
16 colline la plus élevée à côté de Sarajevo et depuis ce réservoir -si je me
17 souviens bien, c'était une zone appelée "Mojmilo"-, eh bien depuis ce
18 réservoir, l'eau parvenait à la ville.
19 Question: Monsieur Moroz, pendant votre séjour là-bas, à votre
20 connaissance y a-t-il eu des problèmes dans certains quartiers de la
21 ville? La population civile a-t-elle eu des problèmes d'approvisionnement
22 en eau? Et, si oui, pourriez-vous nous dire où la population civile
23 pouvait trouver de l'eau lorsque les réservoirs ne fonctionnaient pas et
24 que les pompes ne fonctionnaient pas non plus?
25 Réponse: Le système d'approvisionnement en eau a été organisé de la
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1 manière suivante: des pompes à eau pompaient l'eau dans la zone d'Ilidza,
2 et envoyaient l'eau à Mojmilo. Puis, des officiers de ma section
3 surveillaient la situation dans le réservoir donné.
4 Le matin et le soir, l'un des officiers se rendait près du réservoir, le
5 fermait ou l'ouvrait. Il y avait des valves spéciales, et ceci permettait
6 donc à la ville de recevoir l'eau. Le soir, nous fermions le réservoir,
7 tout simplement pour assurer qu'il y ait une certaine quantité d'eau
8 préservée dans le réservoir dans la nuit; puis, le lendemain matin, on le
9 rouvrait.
10 Lorsque les pompes à eau ne fonctionnaient pas -tout simplement parfois,
11 parce qu'il n'y avait pas de pièces de rechange, de pièces détachées, et
12 parfois aussi parce qu'il y avait une coupure d'électricité-, eh bien, à
13 ces moments-là, il n'y avait pas d'eau dans ce réservoir, il n'y avait pas
14 d'eau dans la ville. Cependant, je ne pourrais pas dire qu'il n'y avait
15 pas absolument pas d'eau pour les civils, car ce réservoir était situé
16 très haut; les tuyaux d'eau, les conduites d'eau étaient assez longues et
17 il y avait de l'eau dans ces conduits. Ainsi donc, dans la partie basse de
18 la ville, il y avait toujours, toujours au niveau zéro, de l'eau; il y
19 avait toujours de l'eau dans la ville.
20 Le seul problème pour les civils, c'était qu'ils étaient obligés de
21 prendre de l'eau dans des petits récipients et de monter ces récipients
22 dans leurs appartements. Donc, bien entendu, c'était difficile pour
23 certains ou pour nombre d'entre eux. Il n'empêche qu'il y a toujours eu de
24 l'eau potable à la disposition de la population dans la ville.
25 Je...
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1 Question: Monsieur Moroz, peut-on abréger, s'il vous plaît, à cause du
2 temps?
3 Réponse: Je m'excuse.
4 Question: Ma question est la suivante: saviez-vous personnellement que,
5 dans certains quartiers de la ville, les civils attendaient dans des files
6 pour s'approvisionner en eau quand il y avait pénurie d'eau, quand il y
7 avait coupure d'électricité, quand les installations ne fonctionnaient
8 pas? Donc savez-vous où ils attendaient pour s'approvisionner en eau? Est-
9 ce que vous connaissiez ces endroits?
10 Réponse: Sur-le-champ, je ne pourrais pas vous citer ces endroits de
11 manière précise. Mais ce que j'ai vu, c'est un certain nombre d'endroits
12 dans la ville où l'eau était plus souvent disponible. Généralement,
13 c'étaient des endroits plutôt bas, dans la ville.
14 Question: Vos souvenirs vous permettent-ils de nous répondre, de nous dire
15 donc quels sont ces endroits? Vous souvenez-vous de cela?
16 Réponse: J'ai vu l'un de ces endroits qui n'était pas loin du bâtiment des
17 PTT; malheureusement, je ne me rappelle pas le nom de la rue. Aussi, je
18 sais qu'un certain nombre d'endroits se trouvaient dans la vieille ville,
19 pas loin de la rivière.
20 Question: Lorsque vous évoquez quelques autres endroits dans la vieille
21 ville, ces autres endroits dont vous vous souvenez dans la vieille ville,
22 pourriez-vous préciser où exactement, dans la vieille ville, ces endroits
23 se trouvaient, les endroits où la population pouvait venir
24 s'approvisionner en eau?
25 Réponse: Je pourrais vous montrer cela dans la ville mais là, je ne
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1 retrouve pas les noms des rues ou des endroits. Ce que je sais, en plus de
2 cela, c'est qu'il y avait un grand réservoir près de la brasserie; je le
3 sais, puisque je suis allé à la brasserie pour passer un accord au nom du
4 Bataillon ukrainien, pour que le Bataillon ukrainien puisse
5 s'approvisionner en eau depuis ce réservoir, puisqu'on manquait grandement
6 d'eau au sein du Bataillon ukrainien dans la caserne de Tito. Donc, on a
7 passé un accord pour qu'une citerne, un camion-citerne puisse, tous les
8 jours, fournir de l'eau depuis la brasserie au Bataillon ukrainien. Mais
9 je ne sais pas si les civils pouvaient venir prendre de l'eau à la
10 brasserie.
11 Question: Monsieur Moroz, vous venez de mentionner la brasserie; c'est
12 donc l'endroit où vous vous êtes approvisionné en eau?
13 Réponse: Oui, la brasserie.
14 Question: Durant votre séjour, avez-vous entendu dire que cette brasserie
15 a été pilonnée, ou la zone où elle se situe?
16 Réponse: Franchement, lorsque je suis allé à la brasserie, eh bien, je
17 n'ai pas repéré de dommages importants sur le bâtiment; je ne m'en
18 souviens pas. Et je n'ai pas entendu dire que la brasserie a été pilonnée.
19 Mme Pilipovic (interprétation): Pouvez-vous nous dire si vous avez entendu
20 dire, si vous avez appris qu'à proximité de cette brasserie ou au sein de
21 cette brasserie, il y a eu un atelier de fabrication de munitions?
22 Mme Mahindaratne (interprétation): Objection. Question directive.
23 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Pilipovic, encore une fois,
24 je souligne qu'à partir du moment où l'on a déjà posé une question
25 directive à un témoin, le mal est fait; il est difficile de réparer cela.
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1 Par conséquent, je vous demanderai de ne plus poser ce genre de question,
2 puisque la Chambre pourrait interdire la réponse et on pourrait perdre
3 ainsi des informations importantes qui ne seraient donc plus fournies à la
4 Chambre pour des problèmes de procédure. Donc ceci ne devrait pas se
5 répéter.
6 Je pose la question au témoin au sujet des activités de la brasserie: en
7 savez-vous quelque chose? Savez-vous quoi que ce soit au sujet des
8 activités de cette brasserie?
9 M. Moroz (interprétation): J'y suis allé à deux reprises. Je n'ai vu
10 aucune activité à la brasserie.
11 M. le Président (interprétation): Qui que ce soit d'autre vous aurait
12 peut-être dit qu'il y avait d'autres activités, à la brasserie, que celle
13 de produire de la bière?
14 M. Moroz (interprétation): Des travailleurs musulmans de la compagnie de
15 distribution d'eau m'ont dit, pour ce qui est de la vieille ville –et là,
16 je ne peux pas préciser l'endroit-, qu'il y avait donc, là-bas, des
17 ateliers de fabrication de munitions.
18 M. le Président (interprétation): Mais ils n'ont pas parlé de la brasserie
19 en particulier?
20 M. Moroz (interprétation): Non, pas de la brasserie.
21 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre, Maître Pilipovic.
22 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur Moroz, sur la base de vos
23 réponses précédentes, j'en conclus que vous avez eu l'occasion d'être en
24 contact à la fois avec la partie serbe et avec la partie musulmane.
25 Pourriez-vous qualifier cette coopération pour ce qui est de l'une comme
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1 de l'autre partie?
2 M. Moroz (interprétation): La coopération, je pense, était très efficace
3 puisque la plupart des missions auxquelles j'ai participé ont été menées
4 avec succès. Nous avons réussi à remettre en état de nombreuses
5 installations s'agissant soit des lignes d'électricité, soit des conduites
6 d'eau ou d'autres. Et aussi, pour ce qui est des travailleurs, je dois
7 dire qu'ils ont tous travaillé normalement; de manière générale, ils ont
8 fait de leur mieux pour remettre en état les installations où ils ont
9 travaillé, donc normalement. C'est parce que les deux parties en
10 souffraient si ces installations ne fonctionnaient pas.
11 M. le Président (interprétation): Page 11, ligne 20, pour ce qui est du
12 transcript, il est dit: "Je peux préciser l'endroit" à l'endroit où le
13 témoin a dit: "Je ne peux pas préciser l'endroit". Ce qui est beaucoup
14 plus logique dans le contexte. Je vous prie de poursuivre.
15 M. Moroz (interprétation): Pour autant que je m'en souvienne, c'était
16 uniquement pendant une période. C'était l'hiver 1994, en janvier-février;
17 à ce moment-là, la situation était très tendue sur la ligne de front, les
18 échanges de tir étaient très fréquents. A plusieurs reprises, les ouvriers
19 musulmans ont évité de se rendre sur la ligne de front, et ce, en se
20 servant de différents prétextes; ils m'ont souvent mis en garde de ne pas
21 me rendre dans tel ou tel secteur de la ville parce que la partie
22 musulmane était en train de préparer une attaque.
23 Question: En répondant à ma question qui concernait la coopération, pour
24 ainsi dire, avec les parties belligérantes, j'aimerais savoir aussi la
25 chose suivante: vous rappelez-vous personnellement des gens avec qui vous
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1 avez été le plus souvent en contact pendant cette période-là? Donc lorsque
2 vous procédiez à ces réparations?
3 Réponse: Eh bien, j'essaierai de me rappeler les noms. Cependant, j'émets
4 cette réserve que beaucoup de temps s'est passé et qu'aussi je peux mal
5 prononcer… il peut m'arriver de mal prononcer les noms. Je me souviens
6 donc de Velimir Radunovic -ou quelque chose de ce genre-, le chef d'équipe
7 des ouvriers serbes pour ce qui est de l'électricité, et il était à la
8 tête de l'équipe qui réparait les pylônes.
9 Puis, très souvent j'ai été en contact avec le président adjoint de la
10 compagnie des tramways, puisque nous avons aussi réparé des lignes de
11 tramways dans la ville. Je pense que son prénom était Muhamed, mais je ne
12 me rappelle pas de son nom de famille.
13 Plusieurs fois, je me suis rendu à la compagnie de distribution de gaz, du
14 côté serbe. Le nom de la personne que j'ai rencontrée… à qui j'ai parlé
15 était, me semble-t-il, Krajisnik. Du moins, je me souviens très bien qu'il
16 maîtrisait parfaitement le russe; il avait fait des études en Union
17 soviétique.
18 Je me souviens donc de ces gens-là, mais je ne me souviens pas de leurs
19 noms.
20 Mme Pilipovic (interprétation): Merci. Monsieur Moroz, en répondant à ma
21 question, vous venez de nous dire que vous étiez aussi chargé des
22 réparations des lignes de tramways et aussi de l'usine de gaz. Alors,
23 pendant la période allant de 1993 jusqu'au mois d'octobre 1994, j'aimerais
24 savoir si les tramways ont circulé dans Sarajevo? Le savez-vous?
25 M. Moroz (interprétation): Eh bien, après mon arrivée à Sarajevo, en
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1 octobre 1994, le plus grand projet de l'ensemble de la section
2 d'ingénierie était de réparer les lignes de tramways. Nous avons commencé
3 ce travail en décembre.
4 M. le Président (interprétation): Vous venez de dire que vous êtes arrivé
5 en octobre 1994.
6 M. Moroz (interprétation): En octobre 1993, excusez-moi.
7 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.
8 M. Moroz (interprétation): Donc nous nous sommes mis à réparer les lignes
9 de tramways, et ceci a été fait et terminé au printemps 1994. Je ne me
10 rappelle pas exactement le mois, mais il faisait plutôt beau déjà à ce
11 moment-là, donc c'est le moment où le premier tramway a pu circuler de
12 nouveau sur cette ligne.
13 Pendant l'hiver, nous avons interrompu des travaux de rénovation de temps
14 à autre, et ce, pour diverses raisons. Il n'empêche que ceci a été un
15 projet conséquent.
16 Question: Pendant votre mission à Sarajevo, donc jusqu'au mois d'octobre
17 1994, avez-vous appris personnellement que l'on tirait sur des tramways et
18 que ceci a occasionné des dégâts? Avez-vous eu ce genre d'information? Et
19 si oui, de la part de qui ou de quelle source?
20 Réponse: Eh bien, il y a eu un accord spécial passé entre les deux parties
21 belligérantes consistant à ne pas tirer sur les tramways. Pendant
22 plusieurs semaines, lorsque l'on a remis en circulation un premier
23 tramway, chaque voiture de chaque élément du tramway était accompagnée par
24 un APC; ce véhicule circulait à côté du tramway, en longeant la ligne du
25 tramway, tout simplement pour protéger les voitures.
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1 Mais, pour autant que je m'en souvienne, il n'y a pas eu de tirs pendant
2 ces quelques semaines au début. Puis, on a décidé de ne plus escorter les
3 tramways. Et je ne me souviens pas qu'il y ait eu de cas où qui que ce
4 soit aurait été tué ou blessé parmi les passagers.
5 Question: Merci, Monsieur Moroz.
6 Vous nous avez également dit que vous étiez en contact avec des
7 représentants de l'entreprise de distribution de gaz. Est-ce que je dois
8 mettre cela en relation avec la distribution de gaz à Sarajevo?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous-même, quel genre d'information avez-vous eu au sujet de la
11 distribution du gaz dans la ville? D'où ce gaz parvenait-il à la ville?
12 Réponse: J'ai reçu un ordre de la part de mon chef, l'ordre m'enjoignant à
13 me rendre tout d'abord dans la compagnie de gaz située dans la ville. Et
14 j'ai eu une conversation avec le chef de cette compagnie, je ne me
15 rappelle pas son nom. Il fallait que je détermine pour quelles raisons il
16 n'y avait pas de gaz en ville. Alors, la première réponse que l'on a eue
17 était de dire que la Russie a réduit ses livraisons de gaz à la Bosnie.
18 Une deuxième réponse consistait à dire que ces installations de gaz ont
19 été endommagées à divers endroits, et que c'était à cause de cela que la
20 pression a diminué.
21 Après, je me suis rendu du côté serbe et j'ai parlé à cet homme que j'ai
22 déjà mentionné, Krajisnik, il a confirmé l'information que j'avais
23 précédemment eue, à savoir qu'il y a eu une réduction considérable dans
24 les livraisons de gaz, qu'il y avait des lignes endommagées mais qu'il y
25 avait aussi une baisse de pression, et qu'il était à cause de cela très
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1 difficile d'identifier les endroits où il y avait des fuites de gaz. C'est
2 donc uniquement à deux reprises que j'ai mené ce genre de mission, je n'en
3 ai pas eu d'autres de ce genre.
4 Question: Monsieur Moroz, durant votre mission, vous est-il arrivé, à
5 divers endroits où vous avez été amené à intervenir lorsque vous avez
6 travaillé, avez-vous pu constater qu'il n'y avait pas de courant ou d'eau
7 parce que quelqu'un a délibérément fermé, pour ainsi dire, une source soit
8 d'électricité soit d'eau?
9 Réponse: Personnellement, non. De manière générale, c'était le chef de la
10 section qui se rendait personnellement sur place pour constater l'état des
11 conduites ou des lignes de gaz. Et très souvent, il revenait de très
12 mauvaise humeur car du côté musulman les puits étaient fermés, il y avait
13 de l'eau dans le réservoir de Mojmilo mais quelque part, à mi-chemin vers
14 la ville, eh bien, les conduites étaient coupées ou fermées; et c'est la
15 raison pour laquelle les civils ne pouvaient pas avoir de l'eau. Pour nous
16 tous, c'était très étrange, inexplicable.
17 Question: Vous venez de me parler de l'eau, vous avez répondu à ma
18 question pour ce qui est de l'eau. Saviez-vous à quels endroits on a fermé
19 ces réservoirs qui permettaient l'approvisionnement de la population
20 civile en eau?
21 Réponse: C'est de la part de mon chef que j'ai eu cette information.
22 C'était quelque part à mi-chemin entre Mojmilo, entre la colline de
23 Mojmilo et la vieille ville, quelque part le long de cette ligne mais je
24 ne sais pas où exactement. Il y avait un certain nombre de puits, des
25 dizaines de puits et, à chaque fois… En fait, il disait qu'à chaque fois
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1 qu'il se rendait sur place pour vérifier, il trouvait un autre puits
2 fermé.
3 Question: Monsieur Moroz, pendant votre séjour là-bas, vous est-il arrivé
4 de recevoir des protestations, des protestations disant qu'il y avait une
5 coupure de courant, puisque l'une des parties avaient délibérément coupé
6 le courant? Avez-vous reçu ce genre de protestations, les avez-vous
7 vérifiées et qu'avez-vous pu établir?
8 Réponse: Ainsi donc, pour autant que je m'en souvienne, c'était notre
9 section G2 qui recevait toutes ces protestations; par la suite, elle en
10 informait mon chef. Mais très souvent, après avoir reçu ce genre de
11 protestation, on se mettait en contact avec les deux parties afin de
12 trouver les raisons des coupures d'électricité.
13 Pour autant que je m'en souvienne, pratiquement toujours, la raison que
14 l"on donnait était le fait que les lignes étaient endommagées. Et
15 généralement, le lendemain, enfin au cours des jours suivants, je me
16 rendais pour voir les pylônes ou plutôt pour réparer les pylônes ou autre
17 chose. Je ne peux pas dire que c'était délibéré, que c'était délibérément
18 qu'on a provoqué des dégâts sur un poste de transformation ou autre chose,
19 puisque nous avons toujours pu constater des dégâts sur place.
20 Question: Monsieur Moroz, j'ai compris que pendant votre séjour, votre
21 mission qui a duré un an, vous vous êtes également rendu dans la partie de
22 la ville où était située la brasserie; vous avez dit aussi que vous êtes
23 allé sur le terrain, que vous êtes allé réparer des dégâts sur les lignes
24 de tramway. Puis-je en conclure que vous avez eu la possibilité de vous
25 rendre dans les quartiers de la ville sous le contrôle de l'une et de
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1 l'autre partie?
2 Réponse: Vous avez tout à fait raison.
3 Question: Dans la partie de la ville qui s'est trouvée sous le contrôle de
4 l'armée, pour ainsi dire, musulmane de l'armée de Bosnie-Herzégovine,
5 j'aimerais savoir s'il vous est arrivé de circuler librement dans cette
6 zone et quelle est la situation qui prévalait? Tout d'abord, vous est-il
7 arrivé de voir des hommes armés dans cette partie de la ville?
8 Réponse: Pendant la première moitié de ma mission, la première moitié de
9 la période que j'ai passée là-bas, il a été interdit au personnel des
10 Nations Unies de circuler en ville pendant que l'on n'était pas de
11 service. Mais le matin, tous les matins, je partais sur le terrain pour
12 exercer mes fonctions et je circulais en ville.
13 J'ai également beaucoup circulé à l'extérieur de la ville, et c'est la
14 raison pour laquelle j'ai pu voir la situation. J'ai vu des gens dans la
15 rue, j'ai vu des soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans la vieille
16 ville. Et j'en ai vu également du côté serbe; j'ai vu des soldats serbes.
17 J'ai vu cela au cours de ma mission.
18 Question: Pouvez-vous nous dire ce qui suit? Vous venez de dire que vous
19 voyiez des soldats en ville et également du côté bosnien. Je vous demande
20 si ces soldats portaient des armes, des uniformes; et, si oui, quel était
21 l'aspect de ces uniformes?
22 Réponse: Bien sûr, j'ai vu des soldats musulmans durant nos missions, car
23 pas mal de ces missions se menaient à l'intérieur de la vieille ville,
24 donc dans ces rues très étroites, et il arrivait très souvent que des
25 soldats s'approchent de nous pour nous parler. Ils étaient très fiers des
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1 armes qu'ils possédaient, donc il nous les montrait, lorsqu'il s'agissait
2 d'armes automatiques.
3 Je dois dire que, pendant toute la durée de mon séjour, la situation a
4 évolué. A mon arrivée, la situation était très diverse, s'agissant des
5 uniformes et des armes dont disposaient ces hommes. La plupart du temps,
6 ils étaient habillés à moitié en civils, à moitié en militaires. Mais plus
7 tard, lorsque j'ai quitté la région, ces soldats portaient de très bons
8 uniformes, tout à fait semblables à ceux que l'on trouve dans les armées
9 européennes, des uniformes de camouflage sans doute envoyés d'Europe.
10 S'agissant des armes dont ils disposaient, ils disposaient à ce moment-là
11 d'armes légères récentes et, pour autant que j'aie pu le comprendre, il
12 s'agissait sans doute d'armes allemandes. Je parle bien sûr d'armes
13 automatiques.
14 Question: Monsieur Moroz, lorsque vous nous avez parlé de la situation des
15 soldats dans cette partie de la ville, vous avez dit un certain nombre de
16 choses. Je vous demande si, durant votre séjour, vous avez également vu
17 des civils en ville; et si oui, à quel endroit? Et puis, je vous demande
18 également si vous avez eu la possibilité, l'occasion de parler à ces
19 civils, le cas échéant?
20 Réponse: Oui, bien sûr, nous voyions de très nombreux civils un peu
21 partout en ville. Mais j'ajouterai simplement que leur nombre était plus
22 limité dans les lieux les plus dangereux; et les lieux les plus dangereux
23 de la ville étaient ce qu'on appelait "la rue principale".
24 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je suis désolée,
25 j'interromps car je n'entends pas l'interprétation.
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1 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas d'où vient le problème
2 d'interprétation? Est-ce que maintenant vous pouvez m'entendre dans une
3 langue que vous comprenez?
4 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas où votre écoute s'est
6 arrêtée, Madame Pilipovic, mais je peux vous lire ce qui était écrit sur
7 le compte rendu d'audience en anglais.
8 Le témoin a dit -je cite-: "Eh bien, je voyais évidemment de nombreux
9 civils en ville, un peu partout en ville. J'ajouterai simplement que, dans
10 les lieux les plus dangereux, leur nombre était plus limité. Le lieu le
11 plus dangereux de la ville était la rue principale, comme on l'appelait."
12 (Fin de citation.)
13 L'interruption s'est produite à ce moment-là.
14 M. Moroz (interprétation): C'est ce que l'on appelait "la rue des snipers"
15 entre nous. Et je connaissais très bien cette rue, car c'est là que
16 passaient les tramways, j'avais beaucoup de travail en rapport avec les
17 tramways.
18 Question: Vous nous avez dit que vous aviez vu des civils en ville.
19 Pouvez-vous nous dire comment ils étaient habillés?
20 Réponse: Eh bien, je ne vois rien de particulier à dire à ce sujet. Ils
21 étaient habillés comme le sont tous les civils.
22 Question: Monsieur Moroz, vous venez de dire il y a un instant que, dans
23 une certaine rue où vous vous trouviez, fréquemment la circulation des
24 civils était plus limitée en raison de l'action des tireurs embusqués.
25 Pouvez-vous nous dire ce que vous savez de l'activité des tireurs
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1 embusqués dans ces quartiers de la ville ou, pour être plus précis
2 d'ailleurs, dans cette rue fréquentée par vous?
3 Réponse: Il ne s'agit pas uniquement d'activités de tireurs embusqués,
4 mais également de pilonnages au mortier. Eh bien, toutes sortes de rumeurs
5 circulaient au sujet d'activités de tireurs embusqués. Et il est arrivé
6 également que nos missions soient raccourcies, mais je ne crois pas que
7 cela était dû aux tireurs embusqués; car nous étions tout à fait à
8 découvert, si un tireur embusqué avait voulu nous prendre pour cible, il
9 aurait sans aucun doute réussi. J'en suis convaincu.
10 Il m'arrivait souvent, après une mission, que les commandants me demandent
11 en provenance de quelle partie les tirs étaient venus. Et je dois dire
12 qu'il était très difficile de déterminer la provenance d'un coup de feu de
13 tireurs embusqués, car le bruit des coups de feu venait d'un peu partout
14 en ville. Et, en général, on nous tirait dessus à partir de la zone neutre
15 ou à partir d'une zone située sur la ligne de front. C'est en raison de
16 tout cela que je ne peux pas vous dire avec certitude quelle était la
17 partie qui tirait.
18 Question: Monsieur Moroz, vous nous avez parlé également du fait que des
19 représentants des Nations Unies ont été pris pour cible de coups de feu.
20 Avez-vous eu personnellement connaissance d'un cas de tir sur un membre de
21 la Forpronu?
22 Réponse: Oui, absolument, c'était assez fréquent. Je vous ai dit que nos
23 missions étaient raccourcies par moment, et qu'on prenait également pour
24 cible ceux qui y participaient.
25 Question: Vous nous avez dit que cela ne se passait pas uniquement dans
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1 cette rue, n'est-ce pas? Vous avez dit aussi qu'il n'y avait pas
2 uniquement des tirs de tireurs embusqués, mais des pilonnages au mortier,
3 vous rappelez-vous avoir dit cela?
4 Réponse: Oui, je m'en souviens.
5 Question: Personnellement, au cours de votre séjour avez-vous eu
6 connaissance d'une quelconque activité de mortier? Et si oui, de quoi
7 s'agit-il exactement, pouvez-vous nous le dire?
8 Réponse: Eh bien, pour autant que je m'en souvienne, notre mission n'a
9 jamais été prise pour cible par des mortiers. En général, ce qui arrivait,
10 c'est que nous nous trouvions au milieu d'un échange de tirs des deux
11 parties. Mais les mortiers tiraient surtout la nuit. Le plus souvent, aux
12 abords du bâtiment de la poste où je passais la nuit, c'étaient des
13 soldats musulmans qui tiraient des obus de mortier, et ensuite, cela
14 provoquait la riposte des soldats serbes. Durant l'hiver, en tout cas, les
15 tirs de mortiers se produisaient la nuit, pratiquement un jour sur deux.
16 Et puis la même chose est valable pour la caserne de Tito où était
17 stationné le Bataillon ukrainien; les soldats et les officiers m'ont dit,
18 à plusieurs reprises, qu'il était difficile pour eux de dormir en raison
19 des échanges de tirs.
20 Mme Pilipovic (interprétation): Vous nous avez parlé de deux endroits pour
21 lesquels vous avez dit savoir...
22 M. le Président (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre, mais le
23 compte rendu d'audience en anglais n'est pas tout à fait clair dans la
24 dernière période.
25 J'aimerais demander au témoin de répéter une partie de sa réponse qui ne
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1 me paraît pas tout à fait claire. Vous avez dit -je cite-: "Très souvent
2 aux abords du bâtiment de la poste où je me trouvais moi-même la nuit, des
3 soldats musulmans tiraient…"
4 M. Moroz (interprétation): … au mortier.
5 M. le Président (interprétation): Oui, ce qui est écrit c'est "au
6 mortier". Mais je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que vous vouliez
7 dire. Est-ce que vous vouliez parler de véhicules motorisés ou de
8 mortiers?
9 M. Moroz (interprétation): Non, non, je parlais de mortiers.
10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
11 Veuillez poursuivre, Maître Pilipovic.
12 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que
13 vous avez eu l'occasion de confirmer que des tirs de mortier… que des
14 mortiers tiraient aux abords du bâtiment de la poste, et que c'étaient des
15 soldats musulmans qui tiraient. Alors, pouvez-vous nous maintenant nous
16 dire quel type de mortiers était utilisé à cet endroit, et à quelle
17 fréquence se produisaient ces tirs de mortier.
18 Je crois vous avoir entendu parler de l'hiver. Je suppose que vous parliez
19 de janvier et février 1994. Je vous demande si, dans cette période, vous
20 pouvez nous dire à quelle fréquence se produisaient ces tirs de mortier?
21 M. Moroz (interprétation): Bien sûr. Je suis au courant puisque c'est là
22 que j'habitais, et les bruits étaient très importants, les explosions sont
23 très importantes lorsqu'un mortier tire.
24 Donc, nous tous qui étions là entendions très bien ce qui se passait. En
25 général, cela se passait la nuit, et donc je n'ai pas vu, de mes yeux, de
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1 quoi il retournait; mais en me fondant sur le bruit, je dirai que ces
2 mortiers n'étaient pas de très grande taille.
3 En général, on entendait quelques tirs suivis d'une période de silence. Et
4 puis, au bout de cinq ou dix minutes, la partie serbe répliquait. C'est ce
5 qui se passait la plupart du temps, notamment durant l'hiver.
6 Pratiquement, toutes les nuits ou en tout cas une nuit sur deux, à peu
7 près.
8 M. le Président (interprétation): Page 21, ligne 18, j'appelle votre
9 attention, Maître Pilipovic et Monsieur le Témoin, sur ce qu'on lit à cet
10 endroit. Nous lisons sur le compte rendu d'audience, en anglais, que les
11 soldats musulmans tiraient au mortier sur le bâtiment de la poste?
12 M. Moroz (interprétation): Non, non, non, à partir de...
13 M. le Président (interprétation): "A partir de"? Très bien, je ne sais pas
14 quelle était la question posée par vous, Maître Pilipovic, en BCS, mais
15 apparemment, la réponse ne reproduit pas exactement ce qu'a répondu le
16 témoin. Mais je suppose que maintenant tout est clair.
17 M. Moroz (interprétation): Je devrais sans doute apporter quelques
18 précisions. J'ai parlé des abords du bâtiment de la poste parce que
19 c'était un territoire fermé, fermé par une clôture dans lequel personne ne
20 pénétrait.
21 M. le Président (interprétation): Oui. Merci pour cet éclaircissement.
22 Vous pouvez poursuivre, Maître Pilipovic.
23 En fait, je me rends compte que nous sommes à 10 minutes de la pause donc,
24 d'après mes calculs, vous disposez encore d'une vingtaine de minutes. Est-
25 ce que cela vous suffira? Enfin, veuillez procéder.
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1 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
2 Monsieur Moroz, vous nous avez dit également savoir que les soldats
3 musulmans ouvraient le feu la nuit au mortier et tiraient y compris sur
4 des membres du Bataillon ukrainien. Pouvez-vous nous dire quels
5 renseignements vous avez obtenu à ce sujet? D'où venaient les tirs de
6 mortier la nuit?
7 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Président, je crois qu'il y
8 a un malentendu de l'interprétation. Je lis au compte rendu d'audience en
9 anglais: "Les mortiers tiraient la nuit sur les membres du Bataillon
10 ukrainien."
11 M. le Président (interprétation): Est-ce vraiment ce qu'a dit le témoin ou
12 pas? Maître Pilipovic, s'il y a un doute, pourriez-vous poser la question
13 au témoin pour qu'il précise?
14 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vais poser
15 la question.
16 Monsieur Moroz, vous nous avez dit avoir des informations au sujet des
17 tirs de mortier qui se produisaient la nuit. Et vous avez dit, n'est-ce
18 pas, avoir obtenu ces renseignements y compris de membres du Bataillon
19 ukrainien, c'est bien cela?
20 M. Moroz (interprétation): Oui.
21 Mme Pilipovic (interprétation): De qui receviez-vous ce genre de
22 renseignement portant sur les tirs de mortier, ce genre d'incident?
23 M. Moroz (interprétation): La plupart des militaires qui escortaient nos
24 missions provenaient du Bataillon ukrainien. En général, les officiers se
25 tenaient à côté de moi, nous parlions ensemble, nous parlions de la vie
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1 dans la ville de Sarajevo, et souvent, ils se plaignaient auprès de moi de
2 ces pilonnages réguliers au mortier.
3 Question: Avez-vous reçu des informations quant à l'origine des tirs de
4 mortier de l'armée de Bosnie-Herzégovine?
5 Réponse: Eh bien, je redis que cela provenait des abords de la caserne de
6 Tito ou des abords de cette clôture dont j'ai parlé tout à l'heure. A 20
7 mètres, 50 mètres de distance sans doute, pas plus.
8 Question: Monsieur Moroz, pouvez-vous nous dire si, pendant la période que
9 vous avez passée à Sarajevo pour la mission à laquelle vous participiez,
10 vous avez éventuellement appris que des incidents ont eu lieu qui ont
11 provoqué la mort de civils? Est-ce que vous avez été informé d'incidents
12 de ce genre?
13 Réponse: J'ai su qu'il arrivait de temps en temps que des civils trouvent
14 la mort au cours d'échanges de coups de feu. Un jour, j'ai aidé un homme
15 qui avait été atteint par une balle, non loin de l'endroit où nous nous
16 trouvions; donc, nous l'avons transporté à l'hôpital dans un blindé de
17 transport de troupes.
18 Question: Aviez-vous des renseignements ou avez-vous constaté
19 personnellement, pendant la durée de votre séjour, que des incidents se
20 sont produits -des pilonnages notamment- qui auraient provoqué la mort de
21 civils?
22 Réponse: Oui, il est arrivé à plusieurs reprises que j'entende parler de
23 la mort de civils adultes ou même, parfois, d'enfants qui sont morts en
24 raison d'échanges de coups de feu.
25 Question: Mais vous rappelez-vous personnellement, pendant la durée de
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1 votre séjour, un tel incident, incident au sujet duquel vous auriez obtenu
2 des renseignements et qui aurait provoqué la mort de civils? Toujours
3 pendant la durée de votre séjour, c'est-à-dire entre octobre 1993 et
4 octobre 1994.
5 Réponse: L'incident le plus grave est celui de l'explosion survenue sur le
6 marché.
7 Question: Pouvez-vous nous dire quels sont les renseignements dont vous
8 disposez personnellement au sujet de cette explosion survenue sur le
9 marché de Markale? Et si vous disposez de tels renseignements, pouvez-vous
10 nous dire de qui vous les tenez et quelle est leur nature exacte?
11 Réponse: Ma réponse risque d'être un peu longue.
12 D'abord, je dois dire que j'ai vu les résultats de cette explosion à la
13 télévision, une vingtaine ou une trentaine de minutes après l'événement;
14 tout cela, donc, en direct, diffusé à la télévision locale. Le lendemain,
15 je devais participer à une mission non loin du marché, donc je me suis
16 rendu sur le marché pour voir l'endroit où s'était produite l'explosion.
17 Donc à la télévision, on a parlé de tirs de mortier. Et une fois que j'ai
18 vu ce que j'ai vu, de mes yeux, sur le marché, j'ai commencé à trouver
19 très bizarre que l'on puisse identifier la cause de l'explosion comme
20 étant un tir de mortier, puisque le lieu était à l'intérieur de la ville.
21 Donc à cet endroit, les bâtiments sont assez hauts et, d'après moi,
22 l'explosion n'aurait pas pu se produire à l'endroit où elle s'est produite
23 si elle avait été provoquée par un obus, étant donné la trajectoire
24 normale d'un obus.
25 Ensuite, une équipe d'inspection a été mise sur pied par les Nations
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1 Unies. Un mois plus tard, à peu près, j'ai parlé avec un officier russe
2 dont je ne suis pas sûr de me rappeler le nom précisément; mais, en tout
3 cas, c'était un officier russe qui faisait partie de cette commission
4 d'enquête.
5 (L'interprète pense que le nom de la personne russe serait Alexei
6 Roumeltsov.)
7 Il m'a dit qu'il était impossible de déterminer avec précision l'origine
8 de l'explosion, mais que ce qui était exclu par les membres de cette
9 commission d'enquête, c'était un tir de mortier provenant de la partie
10 serbe; qu'il était impossible d'être plus précis, mais que ce qui était
11 exclu était donc un tir de mortier de la partie serbe.
12 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je pense que
13 l'heure de la pause est arrivée.
14 M. le Président (interprétation): Et vous aurez encore besoin de combien
15 de temps, Maître Pilipovic?
16 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je vais voir avec
17 mon confrère. Nous aurons sans doute encore quelques petites questions;
18 une dizaine, une quinzaine de minutes, pas plus, nous seront nécessaires.
19 M. le Président (interprétation): Dix minutes, donc ce sera à peu près le
20 temps dont vous disposerez.
21 Maintenant, nous suspendons l'audience jusqu'à 11 heures, pour la pause.
22 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 11 heures 05.)
23 (Questions relatives à la procédure.)
24 M. le Président (interprétation): Je souhaite rappeler à la défense qu'il
25 convient qu'elle nous communique des informations sur le moment où la
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1 revue de détails des différents thèmes sera communiquée.
2 Maître Pilipovic, hier, je vous ai demandé de me faire part de cette
3 information tout de suite, dès le début de l'audience, or nous sommes déjà
4 en milieu de matinée.
5 Mme Pilipovic (interprétation): La défense est prête, je me suis mise
6 d'accord avec mon collègue qui va nous dire quand le moment sera venu pour
7 la défense de faire connaître sa position.
8 M. le Président (interprétation): Est-ce que les parties sont arrivées à
9 un accord sur le moment concerné?
10 Mais la Chambre a demandé à la défense de lui faire savoir quand elle
11 pense pouvoir être en mesure de fournir ces informations. Plus tard, peut-
12 être, pourra-t-on entendre le point de vue de l'accusation à ce sujet.
13 Mais d'abord, il conviendrait de savoir à quelle date et à quel moment
14 ceci va se produire.
15 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, si nous parlons du "very soon"
16 que vous mentionniez hier...
17 M. le Président (interprétation): Oui.
18 M. Piletta-Zanin: La défense vous le dit directement, nous en avons
19 conféré hier avec Me Pilipovic, nous avons pris bonne note de cette
20 décision qui est indiquée comme une décision. Nous en remercions la
21 Chambre.
22 La défense, cependant, campe sur ses positions, et déposera incessamment,
23 entre ce soir et demain, une requête en vue d'être autorisée à appeler de
24 cette décision, puisqu'il s'agit d'une décision selon les Articles 72 et
25 73 notamment. Cela vous parviendra peut-être ce soir, sinon demain matin.
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1 Par conséquent, c'est la raison pour laquelle nous ne nous sommes pas
2 déterminés encore sur cette matière.
3 Notamment, Monsieur le Président, je peux vous le dire, puisque la défense
4 continue à retenir… elle a pris tout à fait bonne note de la décision,
5 mais à retenir, c'est le droit absolu de tout accusé devant cette autorité
6 de garder le silence jusqu'à la fin, et cela y compris jusqu'à l'audition
7 de ses témoins experts. Et le fait que tel accusé pourrait être réentendu
8 après cela...
9 M. le Président (interprétation): Maître, je ne vous ai pas demandé si la
10 défense souhaitait interjeter appel de cette décision. On verra ce qui se
11 passe. Mais vous venez pendant 15 lignes de vous exprimer, alors que je
12 vous demandais simplement de nous dire quand vous serez en mesure de
13 fournir cette information, et maintenant, vous dites que vous ne souhaitez
14 pas fournir cette information. Très bien. Si vous souhaitez faire appel,
15 c'est votre droit.
16 Je souhaiterais simplement vous rappeler qu'hier on vous a demandé de
17 faire savoir à la Chambre quand vous lui communiqueriez les informations
18 qu'elle vous a demandées de communiquer. Si vous dites: "Je ne vais pas le
19 vous le dire", voilà, c'est une réponse des plus claires. La Chambre devra
20 décider ce qu'il convient qu'elle fasse, mais, comme je crois vous l'avoir
21 dit auparavant, nous ne sommes pas ici pour nous lancer dans des débats et
22 faire concours d'éloquence.
23 Bien entendu, vous pouvez demander une certification afin de pouvoir
24 interjeter appel. Si vous n'êtes pas d'accord, vous pouvez faire ce que
25 vous souhaitez. Mais le moment n'est pas venu de se lancer dans des
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1 discussions.
2 Je vous demande simplement à quel moment vous communiquerez ces
3 informations à la Chambre?
4 M. Piletta-Zanin: Je réponds. Nous ne pouvons pas -et non pas nous ne
5 voulons pas-, nous ne pouvons pas le faire. Si vous me demandez pourquoi,
6 je vous l'expliquerai, mais je crois que chacun a compris. Merci.
7 M. le Président (interprétation): Donc vous n'allez pas nous indiquer
8 quand vous fournirez à l'accusation les informations dont la Chambre a
9 décidé que vous deviez les communiquer à l'accusation. Vous faites
10 référence à l'Article 63, je n'ai pas très bien compris pourquoi puisqu'il
11 s'agit là d'interroger un accusé. De quoi s'agit-il?
12 M. Piletta-Zanin: J'ai dû mentionner ou 72 ou 73. Nous sommes...
13 M. le Président (interprétation): Bien, bien, maintenant, c'est clair.
14 Je vais maintenant demander à l'huissier de bien vouloir faire entrer le
15 témoin.
16 (Le témoin, M. Sergey Moroz, est introduit dans le prétoire.)
17 Maître Pilipovic, vous pouvez continuer.
18 Mme Pilipovic (interprétation): C'est mon co-conseil qui va poursuivre
19 l'interrogatoire du témoin.
20 M. le Président (interprétation): Allez-y, Maître Piletta-Zanin.
21 (Interrogatoire principal du témoin, M. Sergey Moroz, par M. Piletta-
22 Zanin.)
23 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, bonjour.
24 J'aimerais revenir sur ce que vous avez indiqué tout à l'heure, notamment
25 en page 6, ligne 4. Vous avez indiqué que, très souvent, les bombardements
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1 intervenaient sur la partie de la ville aux mains de la présidence, de
2 l'intérieur de la ville elle-même. Est-ce que vous vous en souvenez?
3 M. Moroz (interprétation): Je ne me souviens pas avoir parlé de la
4 présidence.
5 Question: Oui, c'est exact, mais c'est la façon dont nous appelons les
6 forces musulmanes, parfois. Donc vous ne nous en avez pas parlé, mais vous
7 souvenez-vous avoir déclaré que ces bombardements intervenaient
8 fréquemment du côté des forces dites "musulmanes"?
9 Réponse: Oui, oui. J'ai dit qu'il est arrivé que les forces musulmanes
10 procèdent à des tirs de mortiers à partir des environs du bâtiment des
11 PTT, le quartier général de la Forpronu à Sarajevo et la caserne Tito où
12 était le Bataillon ukrainien.
13 Question: La chose que j'aurais voulu que vous nous précisiez, c'est ceci:
14 si vous étiez en mesure de définir quels étaient les calibres utilisés
15 lors de ces tirs, est-ce qu'il n'y avait qu'un seul calibre, plusieurs? Si
16 oui, lesquels?
17 Réponse: Vu le bruit produit, je dirai que ce n'étaient pas des calibres
18 très importants.
19 Question: Est-ce que vous pouvez faire référence techniquement à des
20 calibres spécifiquement, en termes de millimètres?
21 Réponse: Non, non.
22 Question: Merci. J'aimerais que vous nous précisiez une réponse donnée par
23 rapport à des tirs intervenus dans le voisinage des PTT.
24 Première question: savez-vous s'il existait autour du lieu-dit "Bâtiment
25 PTT" un périmètre quelconque? Et dans l'affirmative, que pourriez-vous
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1 nous en dire?
2 Réponse: Oui, il y avait une clôture qui entourait le bâtiment des PTT, et
3 c'était gardé. C'est-à-dire que nul de l'extérieur ne pouvait entrer à
4 l'exception des personnels de l'ONU, personne d'autre n'avait le droit
5 d'entrer dans cette zone.
6 Question: Bien, je vous pose la question suivante. Vous avez dit avoir
7 entendu des tirs dans le voisinage de ce "Bâtiment PTT", est-ce que cela
8 était normal, est-ce que cela était anormal, pourquoi?
9 Réponse: C'était courant pendant une certaine période, au cours de l'été
10 et du début du printemps de 1994. Plus tard, je ne me souviens pas que
11 cela se soit produit avec fréquence.
12 Question: Ma question est la suivante. Ce n'est pas une question sur le
13 temps, c'est une question sur le caractère normal ou anormal, c'est-à-dire
14 acceptable ou inacceptable de ces tirs. Le fait de tirer à partir de lieux
15 situés proche des PTT était-il régulier ou irrégulier? C'est ma question.
16 Réponse: Je dirai que c'était régulier.
17 Question: "Regular or irregular"?
18 Réponse: Régulier. Régulier, régulier.
19 M. Piletta-Zanin: Par régulier, j'entendais en français "acceptable" sur
20 le plan du droit, sur le plan des dispositions, et non pas fréquent. Donc
21 j'aimerais que vous soyez certain de ma question.
22 En d'autres termes, les forces musulmanes avaient-elles le droit de tirer
23 depuis des lieux situés à côté des PTT?
24 Mme Mahindaratne (interprétation): Objection, Monsieur le Président.
25 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, il s'agit là d'une
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1 question d'ordre juridique. Il convient de déterminer en premier lieu
2 quelles sont les connaissances du témoin qui pourraient lui permettre de
3 répondre à une telle question.
4 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, est-ce que vous étiez informé des
5 possibilités non seulement techniques, mais aussi administratives,
6 juridiques, qu'avaient les parties d'ouvrir le feu à partir de certains
7 endroits proches, de certains types d'immeubles, comme par exemple des
8 hôpitaux, des bâtiments officiels UN, etc.? Qu'en savez-vous?
9 M. Moroz (interprétation): Très franchement, je n'ai connaissance d'aucun
10 accord relatif à certaines zones sur lesquelles on ne devait pas tirer. La
11 seule exception à cette règle, c'était la zone de l'aéroport où il y a eu
12 un certain nombre de réunions, et donc pour éviter…
13 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre car je ne crois
14 pas qu'il s'agisse là, Maître Piletta-Zanin, de l'information que vous
15 souhaitez obtenir du témoin.
16 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez une opinion personnelle sur la
17 question suivante: est-ce que, du point de vue militaire, il est
18 acceptable de tirer à partir d'un endroit qui se trouvait à proximité du
19 bâtiment des PTT?
20 M. Moroz (interprétation): Mon opinion est la suivante: du point de vue
21 militaire, il était inutile de procéder à des tirs de mortier à partir de
22 cette zone.
23 M. le Président (interprétation): Mais en dehors de la question de
24 l'utilité, est-ce que ceci était interdit ou pas?
25 M. Moroz (interprétation): Apparemment, non, ils avaient le droit de tirer
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1 à partir de cette zone. Personne ne l'avait interdit, il n'existait aucun
2 accord… enfin à ma connaissance, il n'existait aucun accord entre la
3 Forpronu et les Musulmans pour qu'il n'y ait pas de tirs à partir de cet
4 endroit.
5 M. le Président (interprétation): Oui, mais en dehors de tout accord sur
6 la base du droit de la guerre, est-ce que cela n'aurait pas été interdit,
7 même sans accord?
8 M. Moroz (interprétation): Tout est possible en amour et dans la guerre.
9 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas bien compris. Est-ce que
10 vous aviez une opinion sur le caractère de ces tirs, à partir d'un endroit
11 se trouvant à côté du bâtiment des PTT par l'une des factions
12 belligérantes, quelle qu'elle soit? Est-ce que ça vous paraissait
13 acceptable?
14 M. Moroz (interprétation): Je peux simplement donner mon opinion sur
15 l'objectif de ces tirs.
16 M. le Président (interprétation): Et pas sur leur légalité?
17 M. Moroz (interprétation): Non.
18 M. Piletta-Zanin: Je change de sujet.
19 Témoin, vous nous avez dit vous être déplacé fréquemment en ville et avoir
20 vu des civils en indiquant qu'ils étaient vêtus comme partout ailleurs.
21 Comme, simplement, Sarajevo, ce n'était pas partout ailleurs. Ma question
22 est la suivante: lorsque vous voyiez, à cette époque des civils, avaient-
23 ils des pièces d'habillement disparates? Avaient-ils des types de
24 vêtements que l'on ne s'attendrait pas à trouver sur eux? Que sais-je?
25 Auriez-vous remarqué quelque chose de particulier?
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1 M. Moroz (interprétation): Il n'y avait rien d'inhabituel que je pourrais
2 vous rapporter maintenant. Donc les gens étaient habillés normalement.
3 Question: D'accord. J'aimerais que, sur cette question de la vie civile à
4 Sarajevo, vous nous fassiez part de votre commentaire sur la façon dont
5 les gens vivaient à l'époque de votre séjour à Sarajevo. C'est-à-dire:
6 allaient-ils au restaurant, étaient-ils fréquemment sur des endroits
7 publics où ils pouvaient discuter -qu'en sais-je?-, ce type-là de vie
8 sociale dans la rue?
9 Réponse: J'ai bien compris votre question.
10 A ma grande surprise, pendant les cessez-le-feu, la vie publique reprenait
11 dès le lendemain, pratiquement. Donc, en quelques jours seulement, pendant
12 les cessez-le-feu on voyait ouvrir des dizaines de cafés, les gens
13 recommençaient à travailler; en ville, la vie reprenait de manière plutôt
14 intense.
15 Question: (Hors micro) …c'est-à-dire des civils, vous donnaient
16 l'impression d'une population qui n'aurait pas été, dans son comportement,
17 comparable à d'autres populations partout ailleurs en Europe?
18 Réponse: Je peux vous dire que j'ai eu le sentiment que, pendant les
19 cessez-le-feu, les gens faisaient de leur mieux pour oublier la guerre
20 dans laquelle ils étaient plongés. C'est pourquoi les gens essayaient de
21 se comporter normalement, de s'habiller comme ils le faisaient avant la
22 guerre.
23 M. Piletta-Zanin: Merci. Dernière question...
24 M. le Président (interprétation): Maître… Ah oui! Bien. C'est justement ce
25 que je voulais vous demander.
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1 M. Piletta-Zanin: Dernière question: vous est-il arrivé de voir des
2 armements en ville, quelle que soit leur nature? Et si oui, quoi et où?
3 M. Moroz (interprétation): Eh bien, j'ai eu des contacts étroits avec les
4 civils dans la vieille ville. Parce que les rues étaient étroites et
5 c'était là une zone sûre, où l'on pouvait se déplacer en sécurité.
6 S'agissant des armements, je vous ai déjà dit que, pendant la première
7 partie de mon séjour, j'ai constaté que les armements étaient plutôt
8 obsolètes du côté musulman, je veux dire dans la ville. Parfois, c'étaient
9 des fusils de la Deuxième Guerre mondiale.
10 (L'interprète signale qu'il s'agit de fusils de chasse),
11 Mais juste avant mon départ de Sarajevo, j'ai pu constater que les soldats
12 portaient de nouveaux uniformes et qu'ils avaient de nouvelles armes
13 légères.
14 M. Piletta-Zanin: Merci.
15 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Piletta-Zanin.
16 Madame Mahindaratne, êtes-vous prête à contre-interroger le témoin?
17 Mme Mahindaratne (interprétation): Oui.
18 Mais auparavant, je souhaiterais signaler, aux fins du compte rendu
19 d'audience, que le témoin a déposé au sujet du marché de l'explosion à
20 Markale et, contrairement aux instructions données par les Juges, la
21 défense n'avait pas, dans son résumé 65ter, signalé que le témoin
22 déposerait au sujet de cet incident.
23 M. le Président (interprétation): Certes. Autant que je m'en souvienne, en
24 effet, on n'a pas précisé que l'on évoquerait Markale, dans ces documents.
25 Mme Mahindaratne (interprétation): Bien.
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1 M. le Président (interprétation): Mais il faut aussi dire que le témoin en
2 a parlé dans une de ses réponses, sans qu'on lui ait posé une question
3 précise à ce sujet; ça aussi, il faut le signaler aux fins du compte rendu
4 d'audience.
5 Vous pouvez entamer le contre-interrogatoire, Madame.
6 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Sergey Moroz, par Mme Mahindaratne.)
7 Mme Mahindaratne (interprétation): Vous avez déclaré vous être entretenu
8 avec l'observateur militaire des Nations Unies russe, qui vous a fourni
9 des informations au sujet d'une enquête menée au sujet du pilonnage du
10 marché de Markale?
11 M. Moroz (interprétation): Oui.
12 Mme Mahindaratne (interprétation): Pouvez-vous nous donner les noms et
13 prénoms de cet officier russe? Et pouvez-vous, s'il vous plaît, épeler ce
14 nom?
15 M. Moroz (interprétation): Je vous ai dit que c'était ce dont je me
16 souvenais, parce qu'il y a beaucoup de temps qui s'est écoulé depuis. Il
17 est possible que je ne me souvienne pas de l'orthographe exacte du nom,
18 mais il me semble qu'il s'appelait Alexeï Rumyantsev. Il est resté dans
19 cette zone en tant qu'observateur militaire des Nations Unies pendant
20 quelques mois, et j'imagine que l'on pourrait trouver son nom dans les
21 dossiers, parce que je vous ai dit qu'il m'avait dit lui-même qu'il
22 appartenait à l'équipe chargée de l'enquête.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur, je vais vous demander de
24 regarder l'écran que vous avez sous les yeux. Page 35, ligne 8, on voit le
25 nom orthographié. Est-ce que cela correspond à ce que vous vouliez nous
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1 dire? S'il y a une différence, est-ce que vous pouvez nous épeler le nom?
2 M. Moroz (interprétation): Alexei, c'est comme cela que cela s'écrit. Mais
3 sinon, c'est R-U-M-Y-A-N-T-S-E-V, pour le nom de famille.
4 M. le Président (interprétation): Vous pouvez poursuivre, Madame
5 Mahindaratne.
6 Mme Mahindaratne (interprétation): Est-ce que vous connaissez son grade?
7 M. Moroz (interprétation): Autant que je m'en souvienne, il était
8 commandant.
9 Question: Au moment où il menait cette enquête, est-ce que c'était là son
10 grade déjà?
11 Réponse: Je vous ai dit que, autant que je m'en souvienne, il était
12 commandant, mais il aurait aussi pu être aussi capitaine. Mais il me
13 semble bien qu'il était commandant.
14 Question: Est-ce qu'il travaillait dans le cadre d'une enquête spécifique
15 menée peut-être par les Nations Unies au sujet de cet incident? Est-ce
16 qu'il vous a informé de cela?
17 Réponse: A ma connaissance, l'équipe de l'UNMO avait mis en place une
18 enquête de sa propre initiative. Il ne s'agissait pas là d'une enquête
19 menée par la Forpronu, c'était quelque chose de différent.
20 Question: Est-ce qu'il vous a expliqué les raisons de ces conclusions dont
21 vous nous avez fait part puisqu'il vous avait dit -vous nous l'avez
22 rapporté- qu'il estimait qu'il ne pouvait s'agir de mortiers qui avaient
23 explosé au marché? Est-ce qu'il vous a expliqué pourquoi il en était
24 arrivé à cette conclusion?
25 Réponse: En premier lieu, je dois vous dire que, lors de cette
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1 conversation à bâtons rompus, il nous a dit qu'un rapport avait été envoyé
2 à New York. Cette conversation a eu lieu donc après la fin officielle de
3 l'enquête, une fois que le rapport avait été envoyé à New York. Si je me
4 souviens bien, il a dit que la trajectoire de l'obus était tel que
5 l'explosion...
6 Je me reprends. La trajectoire de l'obus de mortier, on peut la calculer.
7 Si par exemple, elle avait été tirée du côté serbe, on aurait pu calculer
8 cela. Et les calculs courants dans le domaine de l'artillerie, ces calculs
9 ont montré qu'un tel obus n'aurait pu toucher l'endroit où il y avait eu
10 lieu l'explosion. Est-ce que vous comprenez bien ce que je suis en train
11 de vous dire?
12 Question: Monsieur, pourriez-vous répéter, encore une fois, ce que vous
13 avez dit? Vous a-t-il dit que ce projectile n'aurait pas pu venir du côté
14 serbe?
15 Réponse: Oui, oui. A en juger d'après sa trajectoire possible, c'était
16 cela la première raison. Une deuxième raison était la suivante: la
17 direction des fragments, après l'explosion sur l'asphalte, montrait aussi
18 que l'obus n'a pas pu provenir du côté serbe.
19 Puis un deuxième point: il y a eu tant d'éclats d'obus ou de fragments que
20 le nombre de victimes a été très élevé, et ceci ne pouvait donc pas être
21 dû à un obus de mortier.
22 Question: Etes-vous en train de nous dire que, selon lui, ceci ne pouvait
23 pas être un obus de mortier, ou bien qu'il n'a pas pu provenir du côté
24 serbe?
25 Réponse: Les deux. Si ceci avait été un obus de mortier, il n'aurait pas
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1 pu provenir du côté serbe. Mais l'explosion a été de telle nature, elle a
2 été beaucoup plus importante que ne l'aurait été l'explosion d'un obus de
3 mortier quel qu'il soit.
4 Question: Vous a-t-il dit donc de quoi il s'est agi?
5 Réponse: Non, il supposait qu'il s'agissait d'un engin explosif spécifique
6 qui a été apporté à l'endroit du marché.
7 Question: Etes-vous au courant du fait qu'une enquête a été menée par les
8 Nations Unies au sujet de cette explosion?
9 Réponse: Oui, à peu près un mois après l'explosion.
10 Mme Mahindaratne (interprétation): Savez-vous qu'une équipe d'experts,
11 d'experts d'artillerie et experts en matière de mortier, faisait partie de
12 cette équipe d'enquêteurs qui a enquêté au sujet de cette explosion?
13 M. Moroz (interprétation): Très franchement, je n'ai pas lu les documents
14 officiels. La seule chose que je puisse vous dire, c'est ce que j'ai
15 entendu de la personne qui y a participé, et je n'ai pas de raison de ne
16 pas lui faire confiance.
17 M. le Président (interprétation): J'interromps un instant, Madame
18 Mahindaratne, pour demander une précision.
19 Vous nous avez dit que c'était un commandant ou un capitaine?
20 M. Moroz (interprétation): Oui.
21 M. le Président (interprétation): Très bien, vous n'avez pas tout à fait
22 précisé. Ceci, c'était peut-être un commandant. Vous a-t-il fait part de
23 ses impressions personnelles ou vous a-t-il plutôt parlé des résultats de
24 l'enquête, telle qu'elle a été menée, et des résultats qui ont été
25 communiqués aux Nations Unies puisque vous avez dit qu'un rapport des
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1 Nations Unies a été envoyé à New York?
2 M. Moroz (interprétation): Oui.
3 M. le Président (interprétation): Donc il vous parlait des résultats de
4 l'enquête, des résultats officiels, de ce qui était dans le rapport, ou
5 vous a-t-il dit des choses en plus de son opinion personnelle, etc.?
6 M. Moroz (interprétation): Bien sûr, je ne lui ai pas posé des questions
7 comme vous le faites maintenant, puisque je n'ai pas imaginé une seconde à
8 l'époque que j'allais déposer ici.
9 M. le Président (interprétation): Très bien. Mais peut-être pourriez-vous
10 nous dire quelle a été votre impression? Est-ce qu'il vous a communiqué la
11 teneur de ce rapport? Enfin, vous a-t-il communiqué les résultats de
12 l'enquête ou autre chose?
13 M. Moroz (interprétation): Eh bien, c'était les deux. C'était à la fois
14 les résultats qui figuraient dans le rapport et aussi son point de vue
15 personnel.
16 M. le Président (interprétation): Et cette opinion personnelle
17 correspondait-elle à ce qui figurait dans le rapport, ou bien était-ce
18 quelque chose qui complétait le rapport ou bien était différent du
19 rapport?
20 M. Moroz (interprétation): Je dirai que c'étaient ses commentaires, ses
21 commentaires personnels qui ne faisaient pas partie du rapport. Par
22 exemple, lorsque je lui ai demandé quelles étaient les raisons de cette
23 explosion, il m'a dit que c'était un engin spécifique qui a été apporté
24 sur place.
25 M. le Président (interprétation): Oui, mais au sujet des deux points
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1 précis que vous venez de mentionner: premièrement, que si ceci avait été
2 un obus de mortier, il n'aurait jamais pu provenir du côté serbe ou d'une
3 position serbe, quelle qu'elle soit…
4 M. Moroz (interprétation): Oui.
5 M. le Président (interprétation): …et un deuxième point, à savoir que les
6 conséquences de cette explosion sur le marché n'auraient jamais pu être
7 provoquées par un obus de mortier; eh bien, au sujet de ces deux points
8 précis, aviez-vous l'impression que c'était une manière de vous
9 transmettre ce qui figurait dans le rapport?
10 M. Moroz (interprétation): Oui.
11 M. le Président (interprétation): Ce n'était pas sa position personnelle?
12 M. Moroz (interprétation): Non.
13 M. le Président (interprétation): Mais vous aviez l'impression qu'il vous
14 a donné ses conclusions comme étant des conclusions officielles qui ont
15 été fournies à New York?
16 M. Moroz (interprétation): J'ai l'impression que cela faisait partie du
17 rapport officiel, puisqu'en tant que militaire, et à en juger d'après
18 l'enquête qui a été menée, cela aurait été normalement les deux questions
19 principales que tout expert aurait posé.
20 M. le Président (interprétation): Il n'a pas manifesté un désaccord, quel
21 qu'il soit, au sujet de cela?
22 M. Moroz (interprétation): Non.
23 M. le Président (interprétation): Vous aviez donc l'impression que
24 c'étaient les résultats officiels du rapport?
25 M. Moroz (interprétation): Oui. Il n'y a pas eu de désaccord.
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1 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de ces
2 éclaircissements. Vous pouvez poursuivre.
3 Mme Mahindaratne (interprétation): Cet homme, était-ce un expert, était-ce
4 un expert des Nations Unies dans un domaine quel qu'il soit, dans le
5 domaine de l'artillerie, un expert en matière de mortiers?
6 M. Moroz (interprétation): Je ne sais pas. Je pense plutôt que non. Ce
7 n'était pas quelqu'un qui faisait partie de l'artillerie.
8 Question: Pour revenir à ma question, Monsieur, savez-vous qu'une équipe
9 d'experts des Nations Unies a mené une enquête au sujet de cette
10 explosion? Vous le savez?
11 Réponse: Oui. J'étais dans une section du Génie, et j'ai entendu des
12 conversations au sujet de cela. Et franchement, cette explosion a eu des
13 effets très importants, un impact très important sur l'évolution de la
14 situation, aussi bien à l'intérieur de la ville qu'à l'extérieur de
15 Sarajevo. Et l'attention de l'ensemble du personnel des Nations Unies
16 était attirée sur cette explosion.
17 Question: Monsieur, savez-vous qu'il y avait une personne du nom de
18 Rumyantsev, un lieutenant-colonel, un russe qui a fait partie de cette
19 équipe? L'initiale de son prénom est "N".
20 Réponse: Eh bien, tout d'abord, ce n'était pas un lieutenant-colonel, il
21 l'est peut-être aujourd'hui. Je ne sais pas. Je vous ai dit qu'il était
22 commandant.
23 Question: Vous êtes d'accord sur le fait que c'est bien la même personne,
24 la personne qui vous a parlé au sujet d'une équipe d'experts qui a conduit
25 une enquête au sujet de cette explosion?
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1 Réponse: Du moins, c'est ce qu'il m'a dit.
2 Question: Monsieur, savez-vous qu'un rapport a été rédigé après l'enquête,
3 un rapport contenant les résultats de l'enquête. Et que ce rapport a été
4 communiqué ou transmis à New York?
5 Réponse: C'est ce qu'il m'a dit.
6 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur, savez-vous aussi que ce
7 rapport qui a été rédigé par des experts contient également le nom de la
8 personne que vous avez cité, donc ce lieutenant-colonel Rumyantsev
9 -excusez-moi, si je prononce mal- et qu'il est dit dans ce rapport que
10 l'explosion a été provoquée par un obus de mortier conventionnel de 120
11 millimètres et que cette bombe a explosé après avoir touché le sol? Savez-
12 vous, Monsieur, que c'est cela qui figure dans le rapport?
13 M. Moroz (interprétation): Non.
14 M. le Président (interprétation): Madame Mahindaratne, le témoin n'a pas
15 déposé, pour autant que je m'en souvienne, qu'il a vu un rapport ou un
16 document quel qu'il soit à ce sujet. Donc, bien sûr, si vous voulez lui
17 poser des questions-là dessus. Mais il n'est pas clair...
18 M. Moroz (interprétation): Je sais qu'il y a eu un certain nombre
19 d'équipes qui ont travaillé sur place, des équipes d'experts qui ont
20 enquêté sur cette explosion, c'étaient des équipes autonomes, enfin
21 séparées. Pour autant que je m'en souvienne, il y a eu une équipe de la
22 Forpronu et une équipe des observateurs militaires des Nations Unies. Donc
23 je vous ai parlé d'une conversation que j'ai eue avec l'officier qui était
24 observateur militaire et peut-être que maintenant nous parlons d'un autre
25 rapport d'expert.
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1 M. le Président (interprétation): Avez-vous jamais vu un document?
2 M. Moroz (interprétation): Non.
3 M. le Président (interprétation): Avez-vous discuté de la teneur de ce
4 genre de documents, mis à part la conversation que vous avez mentionnée
5 avec la personne que vous avez notifiée comme s'appelant Rumyantsev?
6 M. Moroz (interprétation): Non.
7 M. le Président (interprétation): Vu des rapports?
8 M. Moroz (interprétation): Non.
9 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.
10 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur, j'avance que la personne dont
11 vous avez cité le nom, à savoir le lieutenant-colonel Rumyantsev, a signé
12 et a rédigé ce rapport ensemble avec un certain nombre d'autres d'experts
13 qui ont mené une enquête sur cette explosion. Un rapport qui en arrive à
14 la conclusion que c'est un obus de mortier qui a explosé, et qui précise
15 aussi la trajectoire ainsi que la direction de laquelle l'obus est arrivé.
16 M. Moroz (interprétation): Eh bien, je ne sais rien au sujet de cette
17 signature qui figure dans ce rapport. La seule chose que je vous ai dite,
18 c'est que, pendant cette conversation à bâtons rompus que nous avons eue,
19 il m'a dit ce que je vous ai déjà relaté. C'est tout. Je ne peux rien
20 ajouter à cela.
21 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur, j'avance que cette même
22 personne qui a signé le document officiel, et qui y fait part des
23 résultats de l'enquête; et que ceci est contraire à ce que vous venez de
24 déposer ici, d'affirmer ici. Et que ceci est inacceptable.
25 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce qui est inacceptable? La
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1 déposition du témoin?
2 Mme Mahindaratne (interprétation): La déposition du témoin, Monsieur le
3 Président, puis-je reformuler?
4 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie.
5 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur, j'avance que lorsque vous
6 dites, en déposant, que cette même personne qui a signé le rapport qui
7 contient des conclusions qui sont contraires à ce que vous venez de
8 déposer, à savoir que cette personne vous a dit que ceci n'a pas pu être
9 un projectile de mortier, un obus de mortier, et qu'il n'a pas pu provenir
10 du territoire serbe; eh bien, que ceci est inacceptable, que votre
11 déposition est inacceptable.
12 M. Piletta-Zanin: Le mot "inacceptable" a un sens purement moral; je crois
13 que cela résultait de votre intervention. Le répéter deux fois ne nous
14 paraît ici…
15 M. le Président (interprétation): Permettez-moi d'intervenir.
16 Madame Mahindaratne vous demande la chose suivante: elle affirme qu'elle a
17 du mal à croire que cette même personne, pour laquelle Mme Mahindaratne
18 dit qu'elle a signé rapport comportant des conclusions contraires, donc
19 que cette même personne vous aurait relaté des résultats différents, ou
20 plutôt contraires, de cette enquête. Donc elle vous demande de réagir à
21 cela.
22 M. Moroz (interprétation): Premièrement, je ne sais pas s'il a signé
23 quelque chose…
24 M. le Président (interprétation): Oui.
25 M. Moroz (interprétation): …puisque je n'ai vu aucun rapport. Ça, c'est un
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1 premier point.
2 Un deuxième point: je ne vois pas pour quelle raison il m'aurait raconté
3 des choses contraires à ce qui figure dans le rapport, un rapport sur
4 lequel il aurait travaillé avec son équipe. Je ne vous ai parlé que de
5 notre conversation. Je ne peux ni approuver, ni réfuter ce qu'il a dit, ce
6 qu'il m'a dit. Mais je ne vois pas pour quelle raison il m'aurait dit des
7 choses contraires à la vérité.
8 M. le Président (interprétation): Ou bien la raison pour laquelle vous
9 diriez des choses différentes de la vérité.
10 Donc je suppose que vous avez répondu aux questions au sujet de cette
11 conversation que vous avez eue au mieux que vous avez pu, d'après vos
12 souvenirs?
13 M. Moroz (interprétation): Oui.
14 M. le Président (interprétation): Donc je pense que nous avons épuisé le
15 sujet. Je vous prie de poursuivre.
16 Mme Mahindaratne (interprétation): Je me réfère à présent au document
17 P2261, version anglaise P2261A. Il s'agit du rapport qui a déjà versé au
18 dossier en tant que pièce à conviction de l'accusation.
19 M. le Président (interprétation): Ceci a déjà été versé au dossier?
20 Mme Mahindaratne (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
21 M. le Président (interprétation): Je vous prie de poursuivre.
22 Mme Mahindaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
23 Monsieur le Témoin, vous avez déposé au sujet de l'allée des snipers et
24 vous avez dit que c'était une zone très dangereuse. Pouvez-vous nous
25 préciser pour quelle raison vous l'avez qualifiée de "très dangereuse"?
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1 M. Moroz (interprétation): C'est une zone à découvert qui se trouve au
2 fond de la vallée, et elle s'est trouvée exposée à tout tir provenant des
3 collines. Donc ces collines étaient des endroits où se trouvaient des
4 positions aussi bien des soldats musulmans que des soldats serbes.
5 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie?
6 M. Piletta-Zanin: Il faut être aussi précis que possible. Ce n'était pas
7 mon souvenir, que le témoin avait spécifiquement mentionné ce que l'on
8 connaît comme étant la rue dite "snipers alley".
9 M. le Président (interprétation): Oui?
10 Maître Piletta-Zanin, il a utilisé le terme allemand. Il a dit "snipers
11 strasse".
12 M. Piletta-Zanin: Oui, tout à fait. Je prends note. Merci.
13 M. le Président (interprétation): Et je sais que vous êtes plutôt du sud
14 et qu'il est du nord…, que je suis du nord.
15 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce qu'il y a eu
16 ouverture de feu de snipers depuis les collines en direction de cette rue?
17 M. Moroz (interprétation): Je souhaite être très prudent lorsqu'on emploie
18 le terme de "coup de feu de snipers", puisqu'il y a eu parfois des coups
19 de feu de fusils qui étaient des fusils simples; parfois, c'étaient des
20 coups de feu de mortiers. Je dirais plutôt que c'étaient des tirs.
21 Donc là, si l'on juge d'après le nom de la rue, la "snipers strasse", eh
22 bien, on ne peut pas affirmer à 100% que c'étaient des coups de feu de
23 snipers. Donc lorsque l'on emploie ce terme-là de "sniper", on implique,
24 on sous-entend que c'est quelqu'un… c'est un tireur très précis. Et je ne
25 pense pas qu'il y a eu beaucoup d'activités de snipers. C'est un soldat
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1 sur cent qui peut être un sniper. Ce ne sont pas les snipers qui peuvent,
2 à eux seuls, faire la guerre.
3 Question: Très bien. Donc on emploiera le terme de "tirs".
4 Réponse: Tirs.
5 Question: Donc des tirs provenant des collines?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Pouvez-vous dire de quelles collines nous parlons? Quelles sont
8 les collines auxquelles était exposée "l'allée des snipers"?
9 Réponse: Cette rue se situe au fond de la vallée. Et si vous allez du
10 bâtiment des PTT vers la vieille ville, le long du côté droit, eh bien,
11 sur votre droite vous avez une colline qui surplombe cette trajectoire.
12 Vous pourriez peut-être me communiquer une carte pour que je puisse vous
13 montrer les collines?
14 Question: Monsieur, "l'allée des snipers", si je puis utiliser ce terme…
15 Réponse: Oui.
16 Question: … s'étend de l'est vers l'ouest, ou l'inverse, en traversant la
17 ville de Sarajevo?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Alors, vous avez dit qu'il y a eu parfois ouverture de feu de
20 snipers depuis des zones neutres?
21 Réponse: Oui.
22 Mme Mahindaratne (interprétation): Quelle est la direction à laquelle vous
23 vous référez lorsque vous utilisez les termes "zones neutres"? C'était
24 plutôt au sud?
25 M. Moroz (interprétation): Eh bien, très souvent…
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1 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin?
2 M. Piletta-Zanin: J'objecte en ce sens que le témoin a précisé tout à
3 l'heure qu'il ne parlait pas de "sniping" en tant que tel, mais de
4 "shots", de tirs, simplement. Donc lui reposer la question en visant ce
5 terme de "sniper" paraît contraire…
6 M. le Président (interprétation): Oui, oui.
7 Mme Mahindaratne (interprétation): J'essaierai de faire au mieux, d'être
8 plus efficace.
9 Alors, vous nous avez dit que cette rue que vous avez appelé "snipers
10 strasse" s'est trouvée exposée?
11 M. Moroz (interprétation): La population locale l'a appelée "l'avenue des
12 snipers", et non pas "snipers strasse".
13 M. le Président (interprétation): Oui, en venant du bâtiment des PTT et en
14 se dirigeant vers la vieille ville, était-ce vers l'est? Cela laisserait
15 entendre que le bâtiment des PTT était à l'ouest de la vieille ville.
16 M. Moroz (interprétation): Attendez, j'essaie d'imaginer cela.
17 M. le Président (interprétation): Oui.
18 M. Moroz (interprétation): Si vous êtes dans la ville, vous vous ne posez
19 jamais la question si c'est l'est, l'ouest, etc. Donc si le bâtiment des
20 PTT est à l'est...
21 M. le Président (interprétation): Non, les PTT, pour autant que la Chambre
22 en a été informée, est à l'ouest.
23 M. Moroz (interprétation): A l'ouest.
24 M. le Président (interprétation): A l'ouest de la vieille ville. Je
25 reformule ma question. Vous avez dit que cette rue était exposée d'un
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1 certain côté. Et vous avez dit: "Si on allait du bâtiment des PTT vers la
2 vieille ville, c'était donc sur la droite".
3 M. Moroz (interprétation): Oui, sur la droite.
4 M. le Président (interprétation): Pour préciser cela: c'est dans la
5 direction de la rivière ou à l'opposé?
6 M. Moroz (interprétation): Depuis la rivière, du côté de la rivière.
7 M. le Président (interprétation): Cela explique la situation.
8 Je vous prie de poursuivre, Madame Mahindaratne.
9 Mme Mahindaratne (interprétation): Lorsque vous avez employé le terme
10 "zone neutre", pensiez-vous, à ce moment-là, à la zone qui s'étend vers la
11 rivière?
12 M. Moroz (interprétation): Oui.
13 Question: Donc ce serait au sud, n'est-ce pas?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Monsieur, les tirs -si vous préférez donc ce mot-là-, les tirs
16 provenaient de la ligne de confrontation, au sud?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Monsieur, les lignes de tramways, elles étaient situées sur
19 "l'allée des snipers"?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Par conséquent, seriez-vous d'accord avec moi pour confirmer que
22 les tramways, eux aussi, se sont trouvés exposés à la menace des tirs
23 depuis cette direction?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Avez-vous eu connaissance de ce genre d'incident où des tramways
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1 ont été pris pour cibles?
2 Réponse: Non. Ce que je vous ai dit c'est que, pendant les premières
3 semaines après la remise en service des tramways, tous les tramways ont
4 été escortés par des APC.
5 Pour ce qui est de l'accord du cessez-le-feu, les tramways… il n'a pas été
6 violé pour ce qui est des tramways. Et la décision a été prise que les
7 tramways devraient circuler normalement, sans escorte, puisqu'il n'y a pas
8 eu de problème, il n'y a pas eu de tramways qui auraient été touchés.
9 Peut-être y en a-t-il eu, mais moi je n'ai pas eu connaissance de cela.
10 Question: Vous dites que les tramways n'ont pas été pris pour cible. Vous
11 vous référez à cette période après l'accord, au sujet des lignes de
12 tramways?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Et avant cela, est-ce qu'on a tiré sur des tramways, puisque
15 c'est la raison pour laquelle on a été amené à conclure cet accord, n'est-
16 ce pas?
17 Réponse: Voyez-vous, la compagnie des tramways n'a pas fonctionné, ne
18 fonctionnait pas au moment où je suis arrivé à Sarajevo puisqu'il n'y
19 avait pas de courant. A cause des coupures d'électricité, les tramways ne
20 pouvaient pas fonctionner.
21 Juste avant que l'on ne remette en état la ligne, lorsque tout a été
22 réparé et que tout était prêt pour que l'on puisse remettre en circulation
23 les tramways, il y a eu un accord passé par les deux côtés de ne pas
24 tirer. Pour autant que je le sache, cet accord a été respecté.
25 Question: Pour quelle raison a-t-on signé cet accord? Pourquoi était-il
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1 nécessaire de passer un accord?
2 Réponse: Parce que c'était en temps de guerre.
3 Question: Et parce qu'on tirait sur des tramways.
4 Réponse: On ne tirait pas sur des tramways, parce qu'à ce moment-là, les
5 tramways ne circulaient. Ce que je peux dire, c'est que l'on tirait sur
6 cette rue. Mais les tramways, on n'a pas tiré sur eux, puisqu'il n'y en
7 avait pas.
8 Question: Vous avez dit, Monsieur, qu'un accord a été passé entre les
9 parties de ne pas tirer sur des tramways. A quel moment?
10 Réponse: C'était au printemps 1994. Je ne peux pas préciser le mois.
11 C'était au printemps, j'en suis sûr. Peut-être au mois d'avril, au mois de
12 mai, quelque chose du genre.
13 Question: Les deux parties étaient-elles d'accord sur ce texte, sur cet
14 accord?
15 Réponse: Oh oui!
16 Question: Lorsque je dis "les deux parties", je parle du Corps Romanija
17 Sarajevo d'une part, pour l'armée serbe et des forces de la présidence,
18 d'autre part, pour les Bosniens.
19 Réponse: Voyez-vous, moi, je n'ai pas eu cet accord sous les yeux mais je
20 sais qu'il a existé, c'est sûr. Et la pratique en vigueur voulait que,
21 lorsqu'un accord de cessez-le-feu était signé, il le soit toujours par les
22 deux parties.
23 Et pour ce qui concerne la partie serbe, elle craignait que la partie
24 musulmane ne provoque des coups de feu. Et très franchement, il y avait
25 des raisons de nourrir de telles craintes.
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1 Question: Monsieur, cet accord n'était-il pas un accord auquel
2 participaient également les Nations Unies?
3 Réponse: En effet, oui.
4 Question: Vous avez déclaré qu'une fois que les lignes de tram ont été
5 remises en état, donc une fois que le tram a fonctionné, pendant les deux
6 premières semaines de fonctionnement, ces trams étaient escortés par les
7 Nations Unies. Pour quelle raison étaient-ils escortés de la sorte?
8 Qu'est-ce que les Nations Unies s'efforçaient de protéger?
9 Réponse: C'était simplement pour éviter toute provocation. Parce que s'il
10 y avait eu des coups de feu sporadiques, ils auraient pu faire des
11 victimes, des dizaines de victimes.
12 Question: Qui conduisait ces tramways?
13 Réponse: Des gens de la région. C'étaient des chauffeurs locaux.
14 Question: Donc, Monsieur, lorsque vous parlez de victimes -parce que vous
15 avez utilisé le terme-, à qui pensiez-vous?
16 Réponse: Excusez-moi, je n'aurais peut-être pas dû parler de "victimes";
17 j'aurais dû dire "des morts et des blessés".
18 Question: Mais vous pensiez à qui, en disant cela? Aux gens qui étaient
19 dans les trams?
20 Réponse: Oui, oui.
21 Question: Merci. Vous avez parlé de postes de transformation électriques
22 et de pylônes électriques, lorsque vous avez parlé des travaux de
23 réparation auxquels vous avez participé.
24 Connaissez-vous le poste de transformation qui correspond au nom de "Buca
25 Potok"? Et je vous prie de m'excuser si je prononce mal.
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1 Réponse: Bien sûr, je me souviens du lieu qui s'appelait Buca Potok. Par
2 ailleurs, il y avait plusieurs postes de transformation autour de la
3 ville, parce que les lignes électriques entraient dans Sarajevo en
4 provenance de différents lieux. Alors, il est possible que je me sois
5 rendu dans ce poste de transformation, mais je n'en suis pas sûr.
6 Question: Mais, Monsieur, en tant que dirigeant de la mission destinée à
7 réparer les lignes d'électricité, ne connaissiez-vous pas le fait qu'un
8 poste de transformation fournissait de l'électricité à Sarajevo à partir
9 de Buca Potok et que c'était, en fait, le seul poste qui alimentait la
10 ville?
11 Réponse: Non, non. Non, ce n'était pas le seul poste. Je vous l'ai déjà
12 dit, il y en avait plusieurs, quatre ou cinq sans doute. Et si vous me
13 donnez d'autres renseignements, peut-être pourrais-je mieux me souvenir et
14 mieux reconnaître le poste dont vous parlez, en rapport avec le travail
15 accompli par la mission dont je faisais partie.
16 Question: Savez-vous, au moins, quel était le principal poste de
17 transformation qui alimentait la ville? Et si je puis vous aider, je vous
18 demanderai si vous connaissez le nom du poste de Raljevo?
19 Réponse: Raljevo? Eh bien, voyez-vous, je ne suis pas ingénieur en
20 électricité, donc je ne peux pas déterminer quelle est la ligne électrique
21 qui est plus puissante que les autres, et je ne peux pas déterminer quelle
22 ligne alimentait quel quartier de la ville. Moi, lorsqu'il y avait une
23 panne quelque part, je recevais l'ordre de me rendre sur place pour
24 procéder aux réparations.
25 Apparemment, je serais allé au poste de transformation de Raljevo. Mais
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1 pourriez-vous me donner d'autres détails, peut-être?
2 Question: Monsieur, conviendrez-vous avec moi que le poste de Raljevo
3 était le poste principal alimentant en électricité la ville de Sarajevo?
4 Réponse: Eh bien, je vous ai dit que je n'étais pas expert en la matière,
5 donc je ne sais pas exactement. Il est fort probable que ce poste ait
6 alimenté une partie de la ville, mais je ne suis pas expert en la matière.
7 Question: Conviendriez-vous avec moi que, si l'alimentation en électricité
8 était interrompue pour Sarajevo, cela entraînait une coupure de
9 l'alimentation en eau et également une impossibilité de fonctionnement
10 pour les tramways?
11 Réponse: Eh bien, oui, bien entendu, une coupure d'électricité avait
12 toutes sortes d'incidences sur les différents quartiers de la ville. Et
13 sans électricité, il est tout à fait clair qu'un tramway ne peut pas
14 avancer.
15 Mais une fois que les lignes de tramway ont été remises en fonctionnement,
16 je ne me rappelle pas qu'il y ait eu des périodes prolongées, ou même des
17 périodes de quelques jours seulement, pendant lesquelles les tramways
18 n'ont pas fonctionné. Autrement dit, la plupart de temps, il y avait
19 suffisamment d'électricité, à ce moment-là, pour permettre aux tramways de
20 fonctionner.
21 Question: Vous avez déclaré avoir participé à la réparation ou à la
22 restauration des lignes de tramway. Pouvez-vous nous dire quelle était la
23 nature exacte du travail que vous avez accompli?
24 Réponse: En raison des opérations de guerre, pratiquement tout ce qui
25 était une ligne de tramway, autrement dit les câbles notamment qui
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1 faisaient fonctionner les tramways ont tous été pratiquement détruits.
2 Quant aux pylônes sur lesquels se trouvaient et s'appuyaient ces câbles,
3 ils ont été endommagés en grand nombre, sinon tous détruits. Et donc, les
4 personnes qui intervenaient devaient vérifier, les uns après les autres,
5 tous les pylônes; vérifier également les câbles et, le cas échéant,
6 installer de nouveaux câbles. Ce sont des câbles épais.
7 Donc voilà, on fixait les câbles sur les pylônes et, une fois que les
8 communications par câbles aériens ont été restaurées, il a fallu réparer
9 également les câbles souterrains. Et ensuite, les tramways ont pu
10 recommencer à fonctionner. Donc cela était un travail assez important.
11 Question: Est-ce que vous avez dû réparer les lignes de tramway en tant
12 que telles?
13 Réponse: Lorsque je dis "lignes de tramway", je parle de l'ensemble de
14 l'infrastructure, c'est-à-dire les éléments souterrains et aériens de la
15 structure.
16 Question: Donc lorsque vous parlez de lignes de tramway, vous dites que
17 les éléments souterrains, ainsi que les câbles électriques qui permettent
18 aux tramways de circuler ont dû être réparés?
19 Réponse: Oui, bien sûr.
20 Question: Qu'en était-il des tramways en tant que tels?
21 Réponse: Pendant la guerre, les tramways, les voitures ont été garées dans
22 des entrepôts, dans des garages de la société responsable des transports
23 en ville, des transports urbains; et pour autant que je le sache, ils
24 n'ont pas été gravement endommagés.
25 Question: Lorsque vous avez commencé les travaux de réparation, quels
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1 étaient les dommages subis par les lignes de tramways? Qu'avez-vous pu
2 voir?
3 Réponse: Toutes les lignes électriques étaient sectionnées. Donc les
4 câbles gisaient sur le sol, les pylônes électriques avaient subi des
5 dommages également. Et voilà, c'est tout.
6 Mme Mahindaratne (interprétation): Pouvez-vous préciser ce que vous voulez
7 dire lorsque vous parlez de "dommages subis par les pylônes"?
8 M. le Président (interprétation): Madame Mahindaratne, le témoin a déjà
9 dit, dans sa déposition, que les pylônes avaient été tous endommagés, et
10 certains détruits complètement. Donc je me demandais simplement combien de
11 fois vous voulez poser la même question pour, peut-être, arriver à
12 demander au témoin combien de boulons ont dû être utilisés pour les
13 réparations.
14 Mme Mahindaratne (interprétation): Très bien, Monsieur le Président. Je
15 vais avancer plus rapidement dans cette série de questions.
16 M. le Président (interprétation): Oui, pas la peine de faire accélérer le
17 tramway, mais peut-être avancez plus rapidement dans vos questions.
18 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez dit que
19 des travaux de réparation avaient également été faits sur des lignes de
20 tramways. Quel genre de dommages avaient subi ces lignes? Je ne parle pas
21 des câbles électriques ou des pylônes électriques, mais des lignes de
22 tramways en tant que telles, donc des lignes sur lesquels les tramways
23 circulent.
24 M. le Président (interprétation): Vous voulez sûrement parler des rails?
25 Mme Mahindaratne (interprétation): Oui, je voulais parler effectivement
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1 des rails.
2 M. le Président (interprétation): Les termes que vous utilisiez risquaient
3 de créer une certaine confusion.
4 M. Moroz (interprétation): Pour autant que je m'en souvienne, il y avait
5 deux ou trois endroits où les rails avaient été endommagés par des obus de
6 mortier et donc les ouvriers ont dû découper cette portion de rails
7 endommagés, et installer de nouveaux rails.
8 Question: Les rails avaient donc subi des tirs de mortier?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous avez dit que les tramways, les voitures n'avaient pas été
11 endommagées. Mais y a-t-il eu tout de même quelques dommages subis par ces
12 voitures, ces tramways en tant que tels?
13 Donc pour aller plus vite, je vous demanderais d'ailleurs si vous avez vu
14 des impacts de balles sur la carrosserie de ces tramways? Avez-vous vu des
15 dommages dus à des tirs?
16 Réponse: Eh bien, je n'ai pas inspecté les wagons, les voitures durant les
17 travaux de réparation sur le tramway. Mais lorsque ces tramways sont
18 sortis des dépôts du transport urbain, ils étaient en bon état; on n'y
19 trouvait aucune trace d'impact de balle ou de fragment d'obus.
20 Question: Vous n'avez pas inspecté les tramways avant les réparations?
21 Réponse: Non.
22 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Président, ceci met fin au
23 contre-interrogatoire du témoin.
24 M. le Président (interprétation): Merci, Madame Mahindaratne.
25 Avez-vous d'autres questions? Maître Piletta-Zanin, avez-vous d'autres
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1 questions?
2 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Sergey Moroz, par
3 Me Piletta-Zanin.)
4 M. Piletta-Zanin: Quelques questions.
5 Pour reprendre les tramways: à la toute dernière réponse donnée, Monsieur
6 le Témoin, vous avez dit que vous n'aviez pas examiné avant ces voitures.
7 Mais ma question est la suivante: avez-vous vu sur les voitures qui
8 sortaient, c'est-à-dire sur les tramways qui sortaient des garages, des
9 traces de réparation de carrosserie qui auraient correspondues à de tels
10 chocs, mortiers ou traces de balles, tel qu'indiqué par l'accusation?
11 M. Moroz (interprétation): Lors de la cérémonie qui a marqué la mise en
12 fonctionnement du tramway, j'ai été l'un des premiers passagers à monter à
13 bord, évidemment. J'ai remarqué que certains éléments du wagon avaient été
14 fraîchement repeints. Mais je ne saurais dire si c'était dû à un impact de
15 balle ou à quelque chose de ce genre. Apparemment, ces tramways n'avaient
16 pas été utilisés depuis des années, donc certains éléments ont été brossés
17 et nettoyés.
18 Question: Sur la question de la remise en état et du re-fonctionnement des
19 tramways, vous avez déclaré, en page 50, ligne 6, par rapport à des
20 provocations, et au sentiment qu'en éprouvaient alors les forces serbes ou
21 les Serbes, vous avez déclaré ceci -je cite maintenant-:
22 (avec interprétation): "Très franchement, il y avait des raisons de
23 nourrir de telles craintes".
24 (sans interprétation): Vous souvenez-vous de cette réponse?
25 Réponse: Excusez-moi, je vais relire parce que j'ai eu des interruptions
Page 18184
1 dans l'interprétation.
2 (Le témoin relit le transcript.)
3 Question: Au demeurant, c'est la page 50, ligne 6.
4 Réponse: Oui, j'ai relu. Maintenant, je me souviens de ce que je voulais
5 dire par-là.
6 M. Piletta-Zanin: Ma question est la suivante.
7 Monsieur le Président, j'ai l'impression d'avoir un effet d'écho dans mon
8 micro. Je ne sais pas si...
9 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas, mais moi je vous entends
10 bien.
11 M. Piletta-Zanin: C'est parfait.
12 M. le Président (interprétation): Peut-être y a-t-il repassage dans le
13 micro. Est-ce que… C'est peut-être parce que vous...
14 M. Piletta-Zanin: C'est parfait.
15 Témoin, ma question est la suivante: que vouliez-vous indiquer...
16 (Mme Philpott intervient.)
17 M. Piletta-Zanin: Très bien. Merci, Madame.
18 Que vouliez-vous indiquer, Monsieur le Témoin, lorsque vous exprimez cette
19 opinion: "Franchement, ils avaient des raisons de craindre cela"?
20 M. Moroz (interprétation): Oui, je me souviens maintenant de ce que je
21 voulais dire par-là, de ce que je voulais dire quand j'ai dit cela.
22 La partie serbe reprochait très souvent à la partie musulmane le fait que
23 des tireurs embusqués musulmans se servent de la zone neutre, ou même
24 pénètrent sur le territoire serbe pour tirer à partir du territoire serbe
25 sur des citoyens, sur des civils, et même les tuer, simplement pour
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1 provoquer une riposte des tirs, et donc reprocher des atrocités à la
2 partie serbe.
3 Personnellement, je ne peux pas ni confirmer ni infirmer cela, mais j'ai
4 eu une conversation avec un officier de la Forpronu que j'ai rencontré en
5 février, parce que je crois que c'était en février après l'arrivée du
6 Bataillon russe. Donc oui, en février 1994.
7 Le Bataillon russe avait un certain nombre de points de contrôle qui se
8 trouvaient au bord de la rivière, donc sur la rive sud. Cette fois-ci, je
9 sais que c'est le sud. Et cet officier qui était lieutenant, je crois me
10 souvenir de son nom de famille, c'était Chervonenko; c'est un nom
11 ukrainien, donc je m'en souviens.
12 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous l'épeler ou essayer de
13 l'épeler?
14 M. Moroz (interprétation): Ce sera un cauchemar!
15 M. le Président (interprétation): Oui, mais pourriez-vous peut-être
16 regarder l'écran, page 57, ligne 9, et nous dire si l'orthographe est à
17 peu près correcte. Sinon, il faudra tout de même que vous essayiez de
18 l'épeler.
19 M. Moroz (interprétation): Bien sûr, l'orthographe n'est pas bonne. Donc
20 j'épelle: C-H-E-R-V-O-N-E-N-K-O. C'est bon, l'orthographe est bonne.
21 Donc j'ai rencontré cet officier à l'occasion d'une de mes missions, et
22 j'avais besoin d'informations de sa part pour trouver exactement
23 l'emplacement d'un problème sur une conduite.
24 Une fois le travail accompli, j'ai eu une conversation avec lui, et je
25 l'ai interrogé au sujet des tirs qui se produisaient à l'endroit où il se
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1 trouvait. Il m'a dit quelque chose d'assez intéressant. Le Bataillon russe
2 était équipé de matériel permettant la vision nocturne, notamment des
3 jumelles; et lui-même ainsi que ses hommes voyaient la nuit des soldats
4 musulmans pénétrer dans la zone de neutralité, et même au-delà. Et le
5 lendemain, des tirs nourris provenaient de cette direction.
6 Il m'a dit que des mouvements de ce genre, de la part de soldats équipés
7 de carabines utilisées par les tireurs embusqués, il m'a donc dit que des
8 mouvements de ce genre étaient fréquents, réguliers, se produisant
9 pratiquement toutes les nuits. C'est la raison pour laquelle je vous ai
10 dit que la partie serbe avait des raisons d'exiger que tous les accords de
11 cessez-le-feu soient signés par toutes les parties belligérantes.
12 M. Piletta-Zanin: Je vais vous prier de préciser simplement ceci: vers
13 quelle direction ces personnes infiltrées tiraient-elles? Vous avez dit
14 qu'elles tiraient alors, ou que le lendemain on voyait que cela tirait;
15 mais vers quelle direction?
16 Mme Mahindaratne (interprétation): Objection, Monsieur le Président. Ce
17 sujet n'a pas été évoqué au cours du contre-interrogatoire.
18 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin demande un
19 éclaircissement, une précision par rapport à la réponse déjà fournie par
20 le témoin afin d'éviter toute confusion. Il a le droit de le faire.
21 Monsieur le Témoin, pourriez-vous préciser votre réponse au sujet de ces
22 soldats, d'où venaient-ils, où allaient-ils -donc de quel endroit vers
23 quel endroit- et d'où provenaient les tirs constatés?
24 M. Moroz (interprétation): Cet officier russe m'a dit que les soldats en
25 question partaient de la vieille ville, traversaient la rivière et se
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1 dirigeaient vers le sud et jusqu'à la colline. Or, c'était la zone tenue
2 par les forces serbes, la zone où l'on trouvait les positions des forces
3 serbes. Et pendant la journée, les tirs dont j'ai parlé étaient dirigés
4 vers la vieille ville.
5 Question: J'aimerais peut-être un éclaircissement, mais peut-être y
6 reviendrons-nous plus tard.
7 A une question que l'on vous a posée sur les dommages effectués aux rails
8 des installations de tramways, vous avez dit: "En trois ou quatre
9 endroits". J'aurais voulu que vous précisiez.
10 Lorsque vous dites: "Trois ou quatre endroits", est-ce que c'est une façon
11 de dire, comme on peut dire "un ou deux", etc.? Ou bien est-ce que vous
12 nous dites qu'il n'y avait que trois, peut-être quatre endroits, au
13 maximum, qui avaient nécessité des réparations au niveau du sol et des
14 installations de rails elles-mêmes?
15 Réponse: Il me semble que j'ai dit "quatre ou cinq endroits".
16 Question: Merci.
17 Réponse: Et j'insiste en disant qu'effectivement, c'est quatre ou cinq
18 endroits.
19 M. Piletta-Zanin: (Hors micro)… un certain nombre de questions, tout à
20 l'heure, sur la… -je ne sais pas si je dois dire "schiessers strasse" ou
21 "snipers strasse"- mais "l'allée des tireurs". Et en relation à ces
22 questions, j'aimerais que vous nous précisiez quelque chose. Quelle est,
23 tout d'abord, la longueur de cette allée? Que couvre-t-elle dans Sarajevo,
24 d'est en ouest ou d'ouest en est, comme vous voulez?
25 Mme Mahindaratne (interprétation): Objection, Monsieur le Président.
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1 M. Moroz (interprétation): Quelques kilomètres.
2 Mme Mahindaratne (interprétation): Il a été question de "l'allée des
3 snipers" effectivement; mais en dépit de cela, je ne suis pas sûr que le
4 conseil de la défense soit autorisé à interroger le témoin au sujet de la
5 topographie de cette "allée des snipers", car ce n'est pas un sujet qui a
6 été abordé au cours du contre-interrogatoire.
7 M. le Président (interprétation): J'ai cru comprendre, en fait, que Me
8 Piletta-Zanin demandait au témoin quelle était la distance, la distance
9 dont il parlait lorsqu'il a parlé d'allée des snipers. Dans le cadre des
10 informations déjà fournies par lui au sujet du bâtiment des PTT et de sa
11 localisation, toutes les parties, ainsi que la Chambre, connaissent à peu
12 près la situation en question dans la vieille ville. Donc il faut une
13 réponse à la question.
14 M. Piletta-Zanin: (Hors micro)… logiquement, entre -à tout le moins- le
15 PTT building et la vieille ville, pouvez-vous nous indiquer, au moment de
16 votre séjour à Sarajevo, si, au sud de cette allée se trouvait seulement
17 une force ou se trouvaient plusieurs forces dans ce conflit?
18 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, est-ce qu'une
19 réponse très claire n'a pas été faite à ce sujet par le témoin, lorsqu'il
20 a dit "vers le sud"; il a parlé aussi de la zone de neutralité et "pour
21 aller dans la zone de neutralité, on a besoin"… Alors, je me demande
22 vraiment…
23 M. Piletta-Zanin: Si c'est si clair pour la Chambre, cela le sera aussi
24 pour la défense. Merci beaucoup.
25 Vous avez parlé, dans une des réponses que vous avez données à
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1 l'accusation, de provocations. Vous avez cité un exemple qui était par
2 ouï-dire, mais celui de cette infiltration de soldats, la nuit, de l'autre
3 côté des lignes. Lorsque vous parlez de provocations, pensiez-vous
4 également à d'autres choses? Auriez-vous d'autres exemples à nous fournir?
5 M. Moroz (interprétation): Eh bien, lorsque j'ai parlé d'infiltration de
6 soldats, je parlais d'infiltration et je considère, pour ma part, qu'une
7 infiltration est une provocation. Et puis, pilonner au mortier à partir
8 d'un lieu proche d'un bâtiment de la Forpronu simplement pour provoquer
9 une riposte, moi, j'appelle encore ça "une provocation". D'ailleurs, il y
10 a eu un incident au cours duquel c'est moi qui ai été la cible d'une
11 provocation de ce genre et, hélas, les responsables de la Forpronu ont
12 participé également à cet incident.
13 Nous avons donc continué les réparations des lignes de tramway, dans le
14 but de permettre aux tramways de circuler sur toute la longueur de la rue.
15 Parce qu'au printemps 1994, c'est seulement une partie de la ligne de
16 tramway qui a été remise en fonctionnement. Et ensuite, nous avons,
17 lentement mais sûrement, poursuivi les travaux sur d'autres lignes.
18 D'ailleurs…
19 Un instant, un instant. Excusez-moi mais, par erreur, j'ai éteint l'écran.
20 M. le Président (interprétation): Même si ce n'est pas vous qui avez
21 besoin de lire le compte rendu d'audience en anglais.
22 M. Moroz (interprétation): Mais, de toute façon, ça n'allait pas.
23 Alors, je reprends: au début de l'été 1994, si je ne m'abuse, je
24 travaillais à un endroit qui était tout près du bâtiment de la Poste.
25 C'était au bout d'une ligne de tramway, c'est-à-dire à l'endroit où tous
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1 les tramways font demi-tour pour repartir en sens inverse. Et sur toute la
2 longueur de ce qu'il est convenu "snipers strasse", il y avait un certain
3 nombre de croisements, de carrefours, endroits particulièrement dangereux
4 qui étaient donc protégés par des containers. Et l'endroit dont je parle,
5 je veux dire ce terminus des trams, il était protégé également par deux
6 couches, et même quelquefois -à certains endroits- trois couches de
7 containeurs.
8 Et pendant ma mission à cet endroit, un certain jour, j'ai vu une équipe
9 de français qui utilisaient des engins élévateurs pour déplacer ces
10 containers et en placer à l'endroit où nous travaillions. Nous étions
11 accompagnés par un certain nombre d'équipes de médias qui avaient des
12 minibus; il y avait CNN, AP et peut-être d'autres équipes de télévision.
13 La situation était assez bizarre, parce que cette équipe de Français était
14 conduite par le général Soubirou. Et j'ai trouvé cela bizarre, parce qu'un
15 déplacement de containers ne me paraissait pas une tâche suffisamment
16 importante pour exiger la présence d'un général.
17 Donc le travail a commencé; il a duré 10 ou 15 minutes pendant lesquels un
18 certain nombre de containers ont été déplacés. Et immédiatement, des coups
19 de feu ont commencé à être tirés en provenance de la partie serbe, tirs
20 d'armes légères. J'ai donc annulé le travail, je suis allé dans le
21 bâtiment de la poste, et moi, j'ai trouvé tout cela assez bizarre,
22 l'arrivée d'un Bataillon français pour déplacer des containers, et puis
23 ensuite, que tout cela provoque une riposte de tirs.
24 Et, franchement, c'est tout le travail de mes hommes qui a été interrompu,
25 et mes hommes ont été mis en danger. Donc je suis allé voir des officiers
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1 de liaison, je leur ai demandé ce qui se passait, et ils m'ont dit que des
2 négociations étaient en cours entre la Forpronu et la partie serbe depuis
3 plusieurs semaines parce que la partie musulmane avait demandé à la
4 Forpronu de permettre le déplacement de ces containers.
5 Très franchement, je ne sais pas quel était l'objet de cette demande. Les
6 commandants locaux serbes se sont opposé à cette requête au motif que,
7 juste derrière les containers, commençait une zone neutre, assez vaste,
8 dans laquelle on trouvait des maisons d'un à deux étages, qui étaient
9 inhabitées parce qu'elles avaient été gravement endommagées. Et la partie
10 serbe craignait qu'il y ait, à cet endroit, infiltration des tireurs
11 embusqués musulmans, toujours dans le but de se livrer à des provocations.
12 Donc l'autorisation de déplacer les containers n'a pas été donnée, et des
13 avertissements ont été lancés quant au fait qu'en cas de déplacement de
14 containers, ceux qui les déplaceraient seraient pris pour cible. Ces
15 avertissements ont été multiples.
16 Franchement, j'ai commencé à me sentir anxieux parce que j'avais été mis
17 en danger délibérément, intentionnellement. Et une trentaine de minutes
18 après l'incident, lorsque je suis arrivé dans la salle de télévision, les
19 images de l'incident avaient déjà été diffusées par toutes les télévisions
20 internationales. Et il était question, dans ces émissions, d'une attaque
21 serbe contre les forces de la Forpronu. Moi, je considère qu'il s'agissait
22 d'une provocation pure et simple.
23 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, habituellement…
24 Cette réponse très longue m'a un peu étonné, mais enfin…
25 M. Piletta-Zanin: Rien ne garantit la longueur de la réponse à la
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1 question.
2 M. le Président (interprétation): Si la réponse n'est pas trop longue,
3 essayez.
4 M. Piletta-Zanin: Vous avez déclaré ceci en relation à Markale: "que
5 l'attention de tout le personnel UN…". Je vous cite en anglais:
6 (avec interprétation): "L'attention de tous les responsables des Nations
7 Unies a été appelée sur l'explosion."
8 (sans interprétation): Avez-vous jamais eu l'opportunité au niveau
9 d'autres autorités UN d'entendre quelque commentaire que ce soit que vous
10 pourriez rapprocher de ce que ce capitaine ou major à l'époque vous aurait
11 déclaré?
12 M. Moroz (interprétation): Je ne me rappelle aucun commentaire officiel ou
13 officieux à ce sujet. Parce qu'un mois s'était écoulé entre l'événement et
14 ma conversation avec cet officier russe, et en situation de guerre, un
15 mois c'est long. Un mois plus tard, l'attention était déjà déplacée sur
16 d'autres questions.
17 M. le Président (interprétation): Suspension pendant 20 minutes. Reprise à
18 13 heures.
19 Il y aura peut-être des questions des Juges. Il y aura certainement des
20 questions des Juges, en effet.
21 Donc suspension jusqu'à 13 heures.
22 (L'audience, suspendue à 12 heures 40, est reprise à 13 heures 05.)
23 (Questions relatives à la procédure.)
24 M. le Président (interprétation): On m'a informé que les parties
25 souhaitent s'adresser à la Chambre. Est-ce bien exact, Maître Piletta-
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1 Zanin?
2 M. Piletta-Zanin: Je ne sais pas. Mais en ce qui concerne la défense, oui.
3 M. le Président (interprétation): Etant donné que M. Ierace est debout, je
4 vais lui donner la parole afin qu'il nous fasse son exposé.
5 M. Ierace (interprétation): Nous n'avons pas encore reçu la notification
6 de la défense au sujet de l'identité de l'ordre de comparution des témoins
7 pour la semaine prochaine. J'imagine qu'il y a un problème. Parce qu'après
8 les cinq prochains témoins confirmés, on entre dans la liste des témoins
9 qu'il va falloir convoquer, et ensuite, il y a les experts. J'imagine qu'à
10 ce stade, il est peu probable que les témoins convoqués soient disponibles
11 la semaine prochaine ou même la semaine d'après.
12 Mais, nonobstant ce fait, l'accusation souhaiterait ardemment savoir
13 l'identité des témoins qui vont suivre les cinq témoins suivants, en
14 partant du principe que l'ordre de comparution ne va pas changer. Ceci est
15 particulièrement vrai, parce que le contre-interrogatoire des experts
16 requiert beaucoup de préparations.
17 De surcroît, il y a un certain nombre de questions à résoudre en dehors de
18 la question de l'admissibilité que nous avons évoquée dans nos écritures.
19 Je fais référence ici aux traductions des annexes, et aussi de l'absence
20 d'annexes.
21 Je comprends bien, Monsieur le Président, que la Chambre de première
22 instance est en train de travailler à la réponse à cette requête.
23 Je me demande si une solution ne pourrait pas être trouvée de la manière
24 suivante. Si la Chambre de première instance a identifié un ou plusieurs
25 experts qui pourraient être cités à la barre par la défense, sous
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1 certaines conditions ou sans aucune condition, à ce moment-là peut-être,
2 ces noms pourraient-ils nous être donnés, ceci nous permettrait de
3 commencer à travailler.
4 M. le Président (interprétation): Une réponse brève à votre question. Il
5 faut que l'accusation soit prête au contre-interrogatoire de tous les
6 témoins experts.
7 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
8 Deuxième question que je souhaiterais évoquer; ceci a trait à l'éventuelle
9 déposition de l'accusé. Il y a peut-être une question que l'on a oubliée
10 de mentionner à ce jour: il s'agit de signifier à l'accusation les pièces
11 à conviction qui pourraient être versées au dossier par le biais du
12 témoin.
13 D'autre part, il y a la question du temps dont on aurait besoin la défense
14 pour interroger l'accusé au principal. Mais il y a surtout la question des
15 pièces à conviction. Je me demande comment on pourrait résoudre cette
16 question d'une manière qui n'aille pas à l'encontre de la décision de la
17 Chambre de première instance qui nous a été communiquée hier, et qui veut
18 que la défense puisse prendre sa décision au dernier moment, si elle
19 décide d'appeler à la barre l'accusé après les témoins sur les faits.
20 Nous estimons qu'une possibilité est de demander à la défense d'identifier
21 les pièces à conviction à l'avance, si elle souhaite interroger l'accusé
22 et présenter ses pièces par son truchement. Il y a là le délai de sept
23 jours qui est valable avant de citer à la barre le dernier témoin sur les
24 faits.
25 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, avant de passer à un
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1 autre sujet, peut-être devrions-nous écouter ce qu'a à nous dire Me
2 Piletta-Zanin.
3 M. Piletta-Zanin: Nous avons reconsidéré la chose. Et afin de montrer la
4 plus grande loyauté, alors même que nous estimons sur le fond ce que vous
5 savez que nous pensons, nous allons dès demain remettre à l'accusation un
6 résumé qui sera, par conséquent, peut-être un premier résumé de ce que
7 pourrait être -j'utilise bien le conditionnel "pourrait être"- une
8 éventuelle déposition du Général Galic.
9 Je prends note maintenant que l'accusation veut -et cela paraît logique-
10 qu'on lui fournisse également la liste des pièces. Je constate qu'elle ne
11 nous l'a pas demandé avant. Et, en tout état de cause, cela nous demandera
12 plus de temps que pour un résumé, puisque nous travaillons toujours sur le
13 mode hypothétique. Mais nous nous efforcerons de faire aussi bien que nous
14 le pourrons.
15 M. le Président (interprétation): Si vous fournissez à l'accusation, d'ici
16 demain, un résumé de ce que pourrait être la déposition du Général Galic,
17 eh bien, l'essentiel pour la préparation du contre-interrogatoire, c'est
18 de ne pas -quand arrive le moment du contre-interrogatoire- se trouver
19 confronté à des éléments qui n'ont rien à voir avec ce qui était indiqué
20 dans les résumés.
21 Comme je l'ai dit, hier, la Chambre demande que vous fournissiez aussi
22 rapidement que possible une liste détaillée ou un examen détaillé des
23 domaines que vous souhaitez aborder pendant cet interrogatoire. Si vous
24 êtes en train de préparer ce document, je voudrais que vous gardiez une
25 chose à l'esprit: ce serait peut-être moins grave si, dans ce document, il
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1 y avait des éléments sur lesquels vous n'allez finalement pas interroger
2 l'accusé, que le contraire. Parce que cela créerait beaucoup plus de
3 difficultés s'il y avait dans ce document des éléments, ou s'il manquait
4 dans ce document des éléments que vous aborderiez ensuite en interrogeant
5 le Général Galic.
6 S'agissant de la période des sept jours pour les pièces à conviction, il
7 s'agit là d'une règle qui s'applique généralement ici.
8 Jusqu'à présent, nous avons simplement parlé de la question de savoir si
9 le Général Galic allait ou non figurer sur la liste des témoins. La
10 Chambre n'a pas eu l'occasion d'y réfléchir encore; aux pièces à
11 conviction, je veux dire. Donc je pense qu'il conviendrait, en préparant
12 le document que nous venons d'évoquer, de fournir une liste des pièces à
13 conviction, au moins une liste des pièces à conviction que vous
14 souhaiteriez utiliser au cours de l'interrogatoire principal.
15 Et troisièmement, si vous décidiez finalement de ne pas citer à la barre
16 le Général Galic, vous auriez quand même à vous préparer comme si vous
17 alliez l'interroger.
18 M. Piletta-Zanin: Je fais référence à la première partie de votre
19 observation. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé d'un premier résumé;
20 pour la bonne et simple raison que ce document devrait être soumis, en
21 toute logique, au Général Galic. Si nous le voulons pour demain, il est
22 évident qu'il ne sera pas le résultat d'une discussion élaborée entre le
23 général Galic et ses conseils.
24 Par conséquent, que Me Ierace me comprenne bien: ce qu'il aura sera le
25 début du commencement de quelque chose, suffisamment précis pour qu'il
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1 puisse commencer à travailler, mais certainement pas exhaustif.
2 M. le Président (interprétation): Si c'est un commencement, il faut que ce
3 soit un commencement digne de ce nom. Si vous nous dites que ce n'est pas
4 la version exhaustive, il faut quand même qu'il soit bien clair…, qu'une
5 chose soit bien claire, à savoir que la version exhaustive ne devra pas
6 différer de trop forte manière de la version qui aura été fournie
7 précédemment.
8 Dans les jours à venir, nous souhaiterions être informés, s'il y des
9 difficultés, de toute difficulté éventuelle entre les parties. Parce que,
10 malheureusement, nous n'avons pas de temps à gaspiller ou à perdre en
11 désaccords sur des questions de procédure. Il faut que nous employions au
12 mieux le temps qui nous reste pour ce procès.
13 M. Piletta-Zanin: Je donne un exemple; c'est un fait important. La défense
14 s'est toujours interrogée sur la notion de campagne. C'est une des clefs
15 essentielles de cette affaire. J'ai écrit à l'accusation en lui posant des
16 questions précises, en disant: "Ceci s'est passé, cela s'est passé. Est-ce
17 que c'est une campagne?". J'attends sa réponse afin de pouvoir savoir si,
18 oui ou non, je devrais pouvoir faire porter l'examen en principal -s'il
19 devait intervenir- sur ce type de question. Je dois dire que jamais
20 l'accusation ne m'a répondu sur le fond de savoir si certains
21 comportements des forces musulmanes ont été constitutifs, à ses yeux,
22 d'une campagne; notamment, le fait de prendre des citoyens et les
23 contraindre de force à des travaux sur la ligne de front. J'en attends
24 possiblement la réponse dans les mêmes délais. Merci.
25 M. le Président (interprétation): Mais sur la base de quel Article du
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1 Règlement exigez-vous cette réponse de la part de l'accusation?
2 M. Piletta-Zanin: Je ne l'exige strictement sur aucune base du Règlement
3 autre que celle qui veut qu'il y ait généralement une coopération entre
4 les parties. C'est tout.
5 M. le Président (interprétation): Je vous entends bien.
6 Monsieur Ierace, avez-vous des commentaires à faire suite à l'intervention
7 de Me Piletta-Zanin et suite à ce que, moi, j'ai déclaré?
8 M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je me ne me
9 souviens pas de cette lettre, je ne sais pas si je l'ai reçue ou non.
10 Peut-être Me Piletta-Zanin pourrait-il nous fournir un exemplaire de cette
11 lettre? Et s'agissant des exemples qu'il nous a donnés, en tout cas, je
12 peux lui dire que non, non, il ne s'agit pas d'une campagne. Et si les
13 autres questions sont semblables, je pourrai lui répondre immédiatement.
14 Monsieur le Président, vu l'ordre de comparution des témoins tel qu'il se
15 présente actuellement, j'imagine que, pour les cinq témoins dont on nous a
16 donné les noms et qui vont être interrogés, s'il n'y a pas de témoin
17 convoqué, à ce moment-là, on passe tout de suite à l'éventualité d'une
18 déposition du Général Galic. Il est possible, à ce moment-là, qu'il ne
19 dépose pas. Dans ce cas-là, on va tout de suite passer aux experts et ça
20 pourrait même se passer la semaine prochaine?
21 M. le Président (interprétation): Oui, mais là, il s'agit un petit peu de
22 conjectures, Monsieur le Procureur.
23 La Chambre a étudié la question des témoins à convoquer. La Chambre est
24 préoccupée et souhaite ardemment que tous les témoins que la défense
25 souhaite entendre puissent comparaître ici.
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1 Certes, une ordonnance pourrait permettre de résoudre la question de
2 manière officielle, mais la Chambre s'est interrogée de savoir s'il
3 existait d'autres moyens d'obtenir ce qui est essentiel pour la défense, à
4 savoir la comparution de ces témoins ici-même. Mais vu les contraintes de
5 temps, on ne sait pas exactement comment les choses vont évoluer.
6 Je pense qu'il est bon que nous ayons conscience du fait qu'au moment… que
7 c'est très bientôt qu'on va entendre le dernier témoin sur les faits et
8 qu'on commencera à entendre les experts; c'est pourquoi j'insiste sur le
9 fait qu'il faut continuer à se préparer à ces auditions. Mais
10 l'incertitude plane, s'agissant des témoins pour lesquels on a demandé des
11 citations à comparaître, et cette incertitude pourrait donner lieu à des
12 spéculations sur les 15 jours d'audience à venir. Peut-être devrions-nous
13 réfléchir plus amplement sur ces questions avant de prendre des décisions
14 quelles qu'elles soient.
15 M. Ierace (interprétation): J'allais attirer votre attention sur deux
16 points.
17 Premier lieu: étant donné que le Général Galic va peut-être déposer la
18 semaine prochaine et étant donné que la défense a dit qu'elle pourrait
19 nous fournir son résumé demain, bien que vous ayez demandé à ce que ce
20 résumé soit consistant, il ne s'agira pas de la version définitive, bien
21 entendu. Donc est-ce qu'on pourrait fixer au moins la date butoir de lundi
22 pour que l'accusation reçoive le résumé 65ter définitif au sujet du
23 Général Galic, au cas où il déposerait?
24 Deuxièmement, est-ce qu'il ne serait pas approprié que la défense nous
25 indique l'ordre de comparution des témoins experts qu'elle souhaite citer
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1 à la barre? Ceci nous serait utile pour nos préparatifs. Nous devons
2 consulter nos propres experts pour examiner les rapports des témoins de la
3 défense. Il serait bon que la défense puisse nous indiquer demain quel
4 sera son prochain expert. Ensuite, peut-être pourrait-elle nous donner la
5 semaine prochaine l'ordre de comparution des autres témoins experts. Cela
6 nous serait fort utile. Nous vous en serions reconnaissants.
7 M. le Président (interprétation): Est-ce que la défense serait en mesure
8 de donner l'ordre de comparution des témoins experts?
9 M. Piletta-Zanin: Si vous m'y autorisez, d'abord deux mots sur ce qu'a dit
10 M. Ierace.
11 M. le Président (interprétation): Allez-y.
12 M. Piletta-Zanin: Merci. Première chose: ce sera pratiquement impossible
13 de donner, dès lundi ou lundi au plus tard, un résumé définitif. Il
14 convient que je puisse m'entretenir à fond, dans le détail, avec le
15 Général Galic dans une langue qui n'est pas la mienne; cela prend du
16 temps, et je ne pense pas que l'on puisse faire ce travail dans un aussi
17 bref délai. Première chose!
18 M. le Président (interprétation): Oui, Maître, je vais répondre en
19 quelques mots à votre intervention.
20 Généralement, vous donnez le résumé des déclarations des témoins au début
21 de la présentation des moyens à décharge, donc c'est vous qui fournissez
22 ces résumés. Or, nous nous approchons du moment où éventuellement le
23 Général Galic va déposer. Nous sommes très près de ce cette date.
24 Dans le système de common law, il arrive parfois que l'on se réserve le
25 droit de citer à la barre l'accusé. A ce moment-là, le conseil de la
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1 défense se voit dire, par la Chambre, qu'il n'est pas inhabituel de tirer
2 un certain nombre de conclusions du fait que la défense souhaite d'abord
3 entendre tous les témoins avant de fournir son résumé. Or, cela vous ne me
4 l'avez pas entendu dire. Vous n'avez jamais entendu la Chambre tenir de
5 tels propos.
6 Mais nous dire, maintenant alors, que le conseil de la défense principal
7 de votre équipe est de langue maternelle BCS, vous entendre dire que vu
8 les problèmes linguistiques et étant donné que le Général Galic pourrait
9 être appelé à témoigner dans un délai très bref, vous entendre dire que
10 vous avez besoin de plus de temps, là, ça va un peu loin!
11 Est-ce que vous souhaitez répondre à cela?
12 M. Piletta-Zanin: Non, je ne répondrai pas à cela. Merci. Nous allons
13 consulter sur la question de l'ordre des témoins, et apporter réponse le
14 plus rapidement possible. Merci.
15 M. le Président (interprétation): Oui, mais l'ordre de comparution des
16 témoins experts, quand pourriez-vous nous donner des informations
17 s'agissant de l'ordre de comparution de vos experts?
18 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je pense que cela
19 pourra se faire lundi. Mais, tout d'abord, il va falloir que je prenne
20 contact avec nos témoins experts, je ne pourrais le faire avant samedi,
21 car demain nous travaillons.
22 M. le Président (interprétation): Oui, bien entendu, il faut établir ses
23 priorités. Mais vous avez peut-être déjà votre petite idée, vous avez
24 peut-être décidé qu'il vaudrait mieux faire comparaître tel ou tel témoin
25 expert avant tel ou tel autre. J'aimerais au moins que vous en discutiez
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1 avec la partie adverse de façon que, même si au bout du compte le résultat
2 est différent, l'accusation ait une idée de la manière dont vous allez
3 présenter votre cause. Je ne m'attends pas, bien entendu, à ce que, si
4 vous nous annoncez un ordre -l'ordre des témoins étant A, B, C, D, E, F-
5 vous commenciez finalement par F. Non. Mais je pense qu'il pourrait y
6 avoir des discussions constructives entre les parties, et que vous
7 pourriez nous donner votre réponse définitive lundi.
8 M. Piletta-Zanin: Sur les éventuelles citations à comparaître d'autres
9 témoins, ce que je veux uniquement indiquer à la Chambre, c'est que nous
10 avons essayé de parler à certaines personnes que nous voulions faire
11 venir, la réponse que j'ai reçue à une reprise a été: "Dans un si court
12 délai, vous rêvez!".
13 M. le Président (interprétation): Je vous entends bien.
14 Monsieur l'Huissier, s'il vous plaît, veuillez faire entrer le témoin dans
15 le prétoire.
16 Nous souhaiterions en terminer de l'audition de témoin aujourd'hui, il
17 nous reste 20 minutes.
18 M. Ierace (interprétation): Puis-je me retirer, Monsieur le Président?
19 M. le Président (interprétation): Oui.
20 (Le témoin, M. Sergey Moroz, est introduit dans le prétoire.)
21 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez dû
22 attendre car nous avons dû débattre d'un certain nombre de questions de
23 procédure. Excusez-nous.
24 Tout d'abord, M. le Juge Nieto-Navia va vous poser un certain nombre de
25 questions avant les autres Juges.
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1 M. Moroz (interprétation): Oui.
2 (Question de M. le Juge Nieto-Navia au témoin, M. Sergey Moroz.)
3 M. Nieto-Navia (interprétation): Merci.
4 Vous avez évoqué un incident au cours de l'été 1994. Vous avez parlé de
5 containers, etc. . En dehors de cet incident, je voudrais savoir si les
6 ouvriers qui réparaient les lignes de tramways ont été pris pour cibles
7 par des tireurs isolés ou par d'autres armes pendant qu'ils effectuaient
8 les réparations?
9 M. Moroz (interprétation): Autant que je m'en souvienne, c'est uniquement
10 pendant la réparation du tramway que j'ai dû annuler la mission, c'est le
11 seul incident de ce type.
12 M. Nieto-Navia (interprétation): Merci, plus de question.
13 M. le Président (interprétation): Monsieur le Juge El Mahdi a également
14 quelques questions à vous poser.
15 (Questions de M. le Juge El Mahdi au témoin, M. Sergey Moroz.)
16 M. El Mahdi (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
17 (sans interprétation): Monsieur le Témoin, suite à votre réponse à
18 l'honorable Juge Nieto Navia, vous avez dit que c'est un seul incident qui
19 est survenu dans la rue que l'on appelle "l'allée des snipers". Mais,
20 d'après mes notes, en réponse à une question qui vous a été posée, vous
21 avez répondu -je vous cite en anglais-: "Et généralement, nous étions pris
22 pour cible depuis la zone neutre, dans la zone qui constituait la ligne de
23 front". Vous, dans ce contexte, vous parliez de "snipers strasse".
24 Alors, je ne sais pas si je vous comprends bien. Vous étiez sujet aux tirs
25 à plusieurs reprises pendant vos travaux, ou bien c'était le seul incident
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1 dont vous nous avez raconté qu'on a retiré les containers et que vous avez
2 été visé, sur vous, de la zone dite "neutre", si je me rappelle bien?
3 M. Moroz (interprétation): Je vous ai dit que c'est le seul incident au
4 cours duquel, en tant que commandant de mission, j'ai dû annuler les
5 missions, j'ai dû annuler tous les travaux, et où j'ai décidé d'évacuer
6 les ouvriers de cette zone, du fait des tirs nourris d'armes légères, une
7 fois que les containers ont été déplacés.
8 Mais il y a également eu parfois, à d'autres reprises, des tirs; il y a
9 parfois eu des pilonnages. Mais à ce moment-là, je n'ai pas annulé les
10 missions; nous nous interrompions et nous reprenions ensuite le travail,
11 mais je n'ai pas eu à évacuer la totalité de l'équipe de la zone où on
12 procédait aux travaux.
13 Question: Je vous remercie de ces explications.
14 Donc vous confirmez ce que vous avez… au moins ce que le transcript dit,
15 que "habituellement, on nous a pris pour cible". C'était normal, vous
16 étiez souvent la cible des tirs?
17 Réponse: Je ne dirais pas que c'était fréquent. Il y a eu des cas où…
18 Question: Vous avez utilisé le terme "usually".
19 Réponse: Pourriez-vous me rappeler le contexte? Ce serait peut-être mieux,
20 pour que je puisse bien comprendre.
21 Question: Il s'agissait de l'allée… On vous posait la question: "Est-ce
22 que c'étaient uniquement des tirs de sniper, "bullets?", et vous avez dit:
23 "Non, ce n'était pas seulement l'activité des snipers, mais c'étaient
24 aussi des mortiers, pilonnage par mortiers. Et, généralement, on nous
25 prenait pour cible depuis la zone neutre".
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1 Réponse: Pour ce qui est de notre équipe, je ne peux pas dire que l'on
2 nous a pris pour cible, que ce soient des snipers ou des mortiers, qu'ils
3 nous aient pris pour cible depuis la zone neutre, puisque l'explosion et
4 le bruit des ricochets venaient généralement d'un endroit proche, mais pas
5 exactement dans la zone où nous travaillions.
6 Et puisque j'avais des ordres stricts, s'il y avait des tirs dirigés sur
7 notre équipe, je devais annuler notre mission; comme je vous l'ai dit: une
8 fois, il m'est arrivé de le faire.
9 Question: Un autre sujet, pour une clarification. C'était à propos de
10 l'approvisionnement en eau. Je vous cite en anglais:
11 (avec interprétation): "Généralement, c'était le chef de section qui se
12 rendait personnellement sur le terrain pour examiner l'état des lignes.
13 Et, généralement, il rentrait de ces missions de mauvaise humeur puisque,
14 du côté musulman, ces lignes avaient été coupées".
15 Réponse: Fermées, pas coupées. Je me suis mal exprimé.
16 Question: C'est la partie musulmane qui fermait l'eau?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Pour quelle raison? Qu'est-ce qu'ils y gagnaient? D'après vous,
19 qui fermait l'eau? Est-ce que c'est du sabotage? Est-ce que...
20 Réponse: La plupart des puits… Je crois que pratiquement tous les puits
21 étaient situés du côté musulman. Ainsi, donc, je ne peux pas être sûr de
22 l'objectif, du but de ces fermetures; mais habituellement, le jour où un
23 puits était fermé, la Forpronu recevait des plaintes de la part de la
24 partie musulmane disant que les Serbes avaient coupé l'eau,
25 l'approvisionnement en eau à Sarajevo.
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1 Question: (Inaudible)… fermé à partir de la zone sous contrôle de l'armée
2 musulmane?
3 Réponse: Oui. Oui.
4 Question: Et à quelle fréquence cet incident ou ces incidents auraient été
5 effectués?
6 Réponse: Non, non, bien plus souvent qu'une fois; des dizaines de fois
7 pendant mon service là-bas, et en particulier pendant la première moitié
8 de mon séjour, en hiver, printemps 1994.
9 Question: Vous avez parlé des dommages subis par les services publics; je
10 veux dire électricité, eau, gaz, etc. Est-ce que vous pouvez nous dire la
11 cadence de ces dommages? Je veux dire: est-ce que… Vous avez passé une
12 année à Sarajevo, d'octobre 1993 jusqu'à octobre 1994. Est-ce que cette
13 cadence était en augmentant, c'est-à-dire les incidents augmentaient, en
14 rythme, ou baissaient, ou diminuaient? Je parle des dommages effectués sur
15 les services publics, sous-entendus: électricité principalement, et eau et
16 gaz.
17 Réponse: Compte tenu de la nature de mes fonctions ou de mon travail, eh
18 bien, je n'ai pas toujours fait la même chose pendant toute la durée de
19 mon séjour.
20 Pendant la première partie de ma mission, j'ai participé à des missions de
21 réparation urgentes, enfin, qui avait un caractère d'urgence. Pendant la
22 deuxième partie de mon séjour, eh bien, j'ai été appelé à résoudre des
23 problèmes différents un peu sur le long terme: donc la remise en état des
24 pompes ou la réparation des postes de transformations électriques. Donc
25 si, au début, nous réparions des pylônes qui avaient été endommagés par
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1 des pilonnages, eh bien, ma mission consistait simplement à me rendre sur
2 les lieux et d'inspecter leur état.
3 Donc la situation à l'été 1994 et à l'automne 1994 est devenue plus calme,
4 il y avait beaucoup moins d'échanges de tirs. Mais il y a eu des semaines
5 où il n'y a absolument pas eu d'activités militaires.
6 Question: Il n'y aura pas eu de dommages affectant les...
7 Réponse: Oui, mais beaucoup d'installations avaient été endommagées avant.
8 Question: Durant la période où vous étiez présent à Sarajevo, c'est-à-dire
9 d'octobre 1993 à octobre 1994, enfin, les dommages effectués, je
10 m'intéresse plus aux dommages, pas aux réparations. Les dommages
11 effectués. Je ne sais pas si je suis clair. Enfin, les dommages qui ont...
12 Allez-y, s'il vous plaît. Merci.
13 Réponse: Voyez-vous, il y avait par exemple quatre ou cinq lignes
14 électriques qui arrivaient à Sarajevo, et deux -si je me souviens bien-
15 étaient opérationnelles. C'était donc très important pour la ville.
16 Lorsqu'il y avait des dommages, eh bien, c'était important de les réparer
17 le plus vite possible. En été et en automne 1994, lorsque la situation à
18 l'intérieur de la ville et à l'extérieur de Sarajevo est devenue plus
19 calme, eh bien, il y avait des projets qui consistaient à remettre en état
20 les lignes restantes qui avaient été sérieusement endommagées. Et ces
21 travaux de réparation exigeaient beaucoup plus de travail.
22 Question: Ces dommages étaient plus effectués avant, qu'après?
23 Réponse: Oui, oui.
24 Question: Avant, n'est-ce pas?
25 Réponse: Oui, oui, vous avez raison.
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1 M. El Mahdi (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
2 (Questions de M. le Président au témoin, M. Sergey Moroz.)
3 M. le Président (interprétation): Moi aussi, j'ai quelques questions à
4 vous poser. Je vous prierai de me fournir des réponses brèves, si j'ai
5 besoin de plus de détails, je vous demanderai des compléments
6 d'information.
7 Vous avez dit que lorsque vous vous rendiez en mission, parfois, du côté
8 musulman, on vous mettait en garde parce qu'ils vous disaient que des
9 activités de combat risquaient d'intervenir qui pourraient mettre en péril
10 votre mission. Avez-vous compris ces mises en garde comme quelque chose
11 qui visait à empêcher ces travaux de réparation, Ou plutôt était-ce parce
12 qu'ils étaient préoccupés par votre sécurité, ou la sécurité de ceux qui
13 allaient travailler sur ces réparations?
14 M. Moroz (interprétation): Je suis sûr que les informations se répandaient
15 très vite dans la ville de Sarajevo. Tous ceux qui vivaient dans la ville
16 connaissaient très bien la situation qui prévalait. Lorsque les ouvriers
17 avaient peur de se rendre quelque part où il fallait conduire des
18 réparations, ils avaient des raisons valables d'avoir peur. Par exemple,
19 ils savaient quelque chose, et ils savaient qu'ils se trouveraient exposés
20 aux tirs.
21 Question: Je vais vous poser ma question autrement.
22 Lorsque cette information mettrait fin ou empêcherait qu'il y ait une
23 action de réparation, eh bien, son effet serait-il avant tout qu'il n'y
24 aurait pas de réparation, ou bien que les gens sauraient que ces travaux
25 de réparation seraient dangereux?
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1 Réponse: C'est là deuxième partie qui serait plutôt la vérité.
2 Question: Vous avez dit qu'il y a eu beaucoup de missions dans la vieille
3 partie de la ville. De quel genre de dommages s'agissait-il?
4 Réponse: C'étaient des conduites d'eau, leur réparation, ou leur remise en
5 état, et aussi le nettoyage des canalisations, des égouts. Parce que le
6 système d'évacuation d'eau se trouvait très vite bouché.
7 Question: Et les conduites d'eau ont subi quel genre de dommages, en
8 particulier?
9 Réponse: Des dommages dus aux pilonnages par mortier, parce qu'à cause des
10 détonations il y a eu des mouvements de terrain, ceci a endommagé des
11 conduites.
12 Question: Pas directement les tuyaux eux-mêmes, mais c'était dû au
13 mouvement du terrain?
14 Réponse: C'est cela.
15 Question: Vous nous avez dit aussi que, en apparence, les gens semblaient
16 oublier la guerre aussitôt qu'un cessez-le-feu leur permettait de
17 commencer à se déplacer plus librement. Vous nous avez également dit que
18 les parties avaient à signer des accords de cessez-le-feu. Pendant la
19 totalité de la période que vous avez passée à Sarajevo -autrement dit, à
20 peu près un an-, pendant combien de temps, d'après vos estimations, les
21 gens n'ont pas pensé à la guerre, semblaient avoir oublié la guerre?
22 Réponse: Eh bien, pendant la deuxième partie de mon séjour, ce genre de
23 période, les périodes de cessez-le-feu sont devenues plus longues.
24 Parfois, ceci a duré deux voire plusieurs semaines. Pendant la première
25 partie de mon séjour, généralement, ceci n'a pas duré plus d'une semaine.
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1 Question: Oui.
2 Réponse: Quelques jours.
3 Question: Et pendant combien de temps, il n'y a pas eu de cessez-le-feu?
4 Pouvez-vous nous donner une estimation? Par exemple, pendant la première
5 partie de votre séjour, il y avait un cessez-le-feu pendant une semaine,
6 deux semaines, trois semaines, trois ou quatre; pouvez-vous nous donner
7 une estimation? Et aussi pour la deuxième période?
8 Réponse: Je dirai que j'ai été ravi en voyant que les gens, dans la ville
9 et aussi aux alentours, profitaient de tous moments sans penser à la
10 guerre. Et c'était le cas même pendant qu'il y avait des échanges de feu;
11 pendant quelques heures, ils essayaient de sortir de chez eux pour
12 s'installer dans des cafés.
13 Question: Je comprends mais j'essaie de savoir à peu près quel était le
14 rapport entre ces périodes. Donc le cessez-le-feu, d'après ce que vous
15 avez dit, ne durait généralement pas longtemps pendant la première période
16 de votre séjour. J'aimerais savoir à peu près quelle était l'alternance
17 entre ces cessez-le-feu et les périodes de combat?
18 Réponse: Voyez-vous, d'après mes impressions, pendant la première moitié
19 de mon séjour là-bas, il y a eu moins de cessez-le-feu mais on les a plus
20 souvent annoncés, plus souvent violés, et par les deux parties.
21 Question: Oui mais, entre l'annonce d'un cessez-le-feu jusqu'à un autre,
22 il s'est passé combien de temps?
23 Réponse: Eh bien, quelques semaines, deux ou trois semaines.
24 Question: Et donc, c'était à peu près deux semaines pendant lesquelles il
25 n'y en a pas eus, et cela reprenait?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Vers la fin de votre mission, vous avez dit que les cessez-le-
3 feu ont duré jusqu'à deux semaines. Pendant combien de temps, il n'y a pas
4 eu de cessez-le-feu?
5 Réponse: En été, l'automne 1994, jusqu'à mon départ, il n'y a pratiquement
6 pas eu d'échanges de feu. Très rarement a-t-on pu entendre un coup de feu
7 partir à proximité de Sarajevo. C'est tout.
8 Question: Une autre question, si les interprètes m'autorisent à le faire.
9 Une question de plus.
10 Vous avez dit qu'il est arrivé qu'il y ait des blessés ou des morts lors
11 des échange de tirs, et vous avez mentionné un cas en particulier, alors
12 j'aimerais savoir un peu plus à ce sujet.
13 Je pense que vous nous avez dit que vous avez emmené quelqu'un à
14 l'hôpital. Pourriez-vous nous dire quand vous avez compris ce qui s'est
15 passé?
16 Réponse: Je suis parti à bord d'un APC du bâtiment des PTT vers le
17 Bataillon ukrainien, en empruntant "l'allée des snipers". C'est là que
18 j'ai remarqué que des gens, qui se tenaient juste derrière des maisons, me
19 faisaient des signes, essayaient d'arrêter l'APC.
20 Question: Tout d'abord, vous n'étiez pas sur les lieux lorsque la personne
21 a été blessée?
22 Réponse: Non.
23 Question: Que vous ont-ils dit?
24 Réponse: Lorsque je me suis arrêté, ils m'ont montré un homme, de l'autre
25 côté du carrefour; il gisait juste à côté d'un vélo. Et les gens m'ont
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1 expliqué, m'ont dit qu'il avançait juste à côté de l'APC, le long de cette
2 rue, protégé par l'APC contre d'éventuels tirs. Très franchement, ni moi
3 ni celui qui était au volant de l'APC, n'étions au courant de cela,
4 puisque nous étions à l'intérieur du véhicule, et que l'APC était fermé.
5 Eh bien, lorsque l'APC a accéléré, est devenu trop rapide, l'homme qui
6 faisait du vélo n'a pas pu nous suivre et il s'est trouvé exposé aux coups
7 de feu du côté sud. Et donc, c'est à la tête qu'il a été touché par un
8 sniper. Nous avons vu que l'homme respirait. Il faisait plutôt froid, et
9 on voyait donc l'air qui sortait de sa bouche.
10 Question: Permettez-moi de vous interrompre. Lorsque vous êtes arrivé sur
11 les lieux, y a-t-il eu d'autres coups de feu?
12 Réponse: Non.
13 Question: Vous nous avez dit que cet homme a été tué lors d'un échange de
14 feux et, si j'essaie d'interpréter correctement votre déposition, vous
15 nous dites qu'il y a eu un coup de feu plutôt qu'un échange de feux?
16 Réponse: Cette fois-ci, c'est clair que cela a été un coup de feu de
17 sniper.
18 Question: Ce n'était pas un échange de tirs entre les parties?
19 Réponse: Cette fois-ci, non.
20 Question: Une fois, vous avez été présent. Et l'autre fois, comment
21 l'avez-vous appris?
22 Réponse: Un certain nombre de fois, ce que j'ai vu, ce sont des tirs qui
23 partaient des deux côtés. Et en retour au bâtiment des PTT, j'ai entendu
24 que, dans cette zone, on avait annoncé un certain nombre de morts.
25 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de m'avoir fourni ces
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1 réponses. Je n'ai pas d'autres questions à vous poser.
2 Oui, Maître Piletta-Zanin?
3 M. Piletta-Zanin: Une question si vous m'y autorisez?
4 M. le Président (interprétation): Oui, si cette question découle de ce que
5 je viens de demander? Oui?
6 (Question supplémentaire de Me Piletta-Zanin au témoin, M. Sergey Moroz.)
7 M. Piletta-Zanin: Age du cycliste, s'il vous plaît?
8 M. Moroz (interprétation): Oui, je vous en prie, posez votre question.
9 M. Piletta-Zanin: C'est fait: âge du cycliste?
10 M. le Président (interprétation): Ah oui, je vois, vous avez demandé au
11 témoin quel était l'âge du cycliste?
12 M. Moroz (interprétation): Il me semble qu'il avait la cinquantaine.
13 M. le Président (interprétation): La cinquantaine: 5 et 0? Pas 5?
14 M. Moroz (interprétation): C'est cela.
15 M. le Président (interprétation): Puisqu'il semblerait qu'il n'y a pas
16 d'autres questions, Monsieur Moroz, votre déposition devant ce Tribunal
17 est terminée. Je tiens à vous remercier d'avoir fait ce long voyage pour
18 vous rendre à La Haye et répondre aux questions des deux parties et de la
19 Chambre. Je vous souhaite un bon retour chez vous.
20 M. Moroz (interprétation): Je vous remercie. J'espère que ma déposition
21 aura été utile.
22 M. le Président (interprétation): Nous lèverons la séance mais, avant
23 cela, je tiens à remercier les interprètes ainsi que les techniciens
24 encore une fois d'avoir eu la patience de rester un peu plus longtemps.
25 Nous levons la séance jusqu'à demain matin, à 9 heures, dans le même
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1 prétoire.
2 (L'audience est levée à 13 heures 58.)
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