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1 Le mardi 24 juin 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Veuillez annoncer l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à
9 tous. C'est l'affaire IT-06-90-T, Procureur contre Ante Gotovina et
10 consorts.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
12 Deux choses. Tout d'abord, Monsieur Galbraith, il s'est avéré qu'il serait
13 possible de déplacer l'audience de jeudi au matin. Il n'est pas sûr que
14 l'on aurait besoin, mais de toute façon, cela me semble qu'il serait
15 possible de répondre favorablement à votre demande.
16 Deuxièmement, je vous rappelle que votre déclaration solennelle que vous
17 direz la vérité, toute la vérité et rien que la vérité est encore
18 contraignante pour vous.
19 Oui, Maître Kehoe.
20 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Kuzmanovic.
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Hier, vous nous avez demandé de vous
24 donner une évaluation du temps nécessaire. Nous avons déjà hier examiné la
25 question, et nous allons encore réexaminer la question après la journée
26 d'aujourd'hui, mais nous pensons que nous aurons besoin au moins de deux à
27 trois heures.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, merci. Comme vous
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1 le savez, la Chambre avant de prendre une décision finale va réfléchir sur
2 la question de quelle manière le temps imparti pour le contre-
3 interrogatoire a été effectivement utilisé.
4 Allez-y, Maître Kehoe.
5 LE TÉMOIN: PETER WOODARD GALBRAITH [Reprise]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 Contre-interrogatoire par M. Kehoe : [Suite]
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.
9 R. Bonjour.
10 Q. Hier, nous sommes arrêtés hier sur la question des événements qui ont
11 précédé l'opération Tempête, été 1995. Sur la base de votre travail dans
12 cette zone, l'existence de la "Republika" des Serbes de Krajina ou
13 l'existence des Serbes de Krajina avait des conséquences tout à fait
14 néfastes sur le pays du point de vue de la sécurité et de l'économie ?
15 R. Oui, c'est exact.
16 Q. Pourriez-vous nous dire quelque chose de plus à ce sujet-là ?
17 R. Oui, du point de vue économique c'était néfaste. La Croatie, comme nous
18 le savons tous, est un extrêmement beau pays dont l'atout principal est la
19 côte, d'une beauté naturelle exceptionnelle, et d'une architecture
20 exceptionnelle. Et pendant ces années et toutes ces années, il n'y avait
21 pas de touristes, pas du tout. Je me souviens à un moment je suis allé à
22 Split en juillet 1993. On ne pouvait pas y aller en voiture, on a dû
23 prendre un bateau. Nous sommes arrivés en ville. L'électricité était coupée
24 parce que l'armée de Republika Srpska Krajina, la RSK, avait bloqué
25 l'arrivée -- lignes de tension.
26 Et évidemment la situation était très difficile. Les effets négatifs
27 étaient présents aussi dans le domaine des transports, de la circulation
28 des personnes, des biens. Le taux de chômage était très élevé, et je dois
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1 peut-être faire une comparaison qui vous permettra de comprendre bien la
2 situation. A l'époque, le revenu national croate en 1998 [comme interprété]
3 correspondait à à peu près 80 % de celui de la Slovénie.
4 Q. [aucune interprétation]
5 R. [aucune interprétation]
6 Q. Bien. Alors passons maintenant à la deuxième partie de ma question
7 concernant l'aspect sécuritaire en Croatie. Quelle était la situation en
8 Croatie, compte tenu du fait que la République de la Krajina se trouvait
9 sur sa frontière ?
10 R. Jusqu'en 1994, le cessez-le-feu, le territoire croate était
11 régulièrement pilonné depuis des territoires tenus par les Serbes. Par
12 exemple, je suis allé à Karlovac, les lignes de front. C'était une ville
13 qui était divisée, et quelques jours auparavant il y avait plusieurs obus
14 qui étaient tombés sur la ville. L'église locale a été touchée à plusieurs
15 reprises.
16 Zadar aussi, une ville très importante, a été dans la portée des obus.
17 Beograd aussi, c'est une destination touristique. Donc à partir de 1991,
18 beaucoup de personnes ont été blessées à cause de pilonnages et beaucoup
19 d'autres ont refusé de vivre cette vie.
20 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
21 M. KEHOE : [interprétation]
22 Q. Toutes mes excuses. J'aurais dû le faire dès le début, car lorsque nous
23 parlons la même langue, c'est souvent difficile.
24 Pour que le problème devienne encore plus complexe en Croatie, avant les
25 événements de juin 1995, un très grave problème relatif aux réfugiés
26 existait également ?
27 R. Oui.
28 Q. Pourriez-vous nous en dire quelque chose de plus, s'il vous plaît.
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1 R. La Croatie comptait 4 millions et demi d'habitants. Il y avait des
2 Croates déplacés depuis 1991, environ 2 à 3 000 [comme interprété]
3 personnes. Je ne me souviens plus exactement des chiffres. Ces personnes
4 ont été hébergées dans des hôtels le long de la côte. La première fois où
5 je suis allé, l'Intercontinental, l'un des plus grands hôtels de Zagreb, la
6 moitié était remplie de réfugiés. Il s'agissait des Croates expulsés des
7 hôtels situés sur la côte depuis quatre ans.
8 Ensuite, en 1992, au début de la guerre en Bosnie, la Croatie a connu
9 l'arrivée, peut-être, d'un million de personnes. C'était un énorme fardeau
10 pour un aussi petit pays.
11 On ne peut pas dire que la Croatie s'occupait à 100 % bien de ces
12 réfugiés. Il y a eu quelques repatriations [phon] contre le gré de ces
13 réfugiés. On les a renvoyés en Bosnie, mais il faut dire que la situation
14 était très difficile à cause de la guerre.
15 Q. Bien. Donc il y avait des Croates déplacés à l'intérieur de la Croatie,
16 plus les Bosniaques qui sont arrivés de Bosnie ?
17 R. Oui, oui. Je pense qu'on pourrait dire que les Croates déplacés, d'une
18 manière générale, étaient mieux traités. Enfin, ils étaient citoyens de ce
19 pays, mais le traitement à l'égard des Bosniaques pendant la guerre a été
20 plutôt bon, même pendant la guerre entre les Musulmans et les Croates.
21 Q. Bien. Vous nous avez parlé un peu de M. Babic et de M. Martic.
22 Dans l'affaire Milosevic, compte rendu page 32 110, vous avez dit : "Pour
23 Martic," ligne 5 -- page 23 110. Vous avez dit pour Martic il est
24 absolument hors question, la cohabitation entre les Serbes et les Croates.
25 Il a déclaré que les Serbes et les Croates, ils ne pourraient jamais plus
26 vivre ensemble sur un territoire faisant partie de la Croatie.
27 Donc il vous a dit qu'une réintégration en Croatie n'était pas possible.
28 C'est à peu près la bonne qualification de ce que vous avez dit ? J'ai bien
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1 décrit ce que vous avez dit ?
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. [aucune interprétation]
4 M. TIEGER : [aucune interprétation]
5 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
6 M. TIEGER : [interprétation] Pourriez-vous nous donner la référence plus
7 précise.
8 M. KEHOE : [interprétation] C'est le compte rendu de l'affaire Milosevic.
9 Toutes mes excuses.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'insiste sur les pauses, s'il vous
11 plaît.
12 M. KEHOE : [interprétation] Toutes mes excuses au Procureur. C'est le
13 compte rendu de l'affaire Milosevic, 23 110, lignes 5 à 8.
14 Q. Lors de vos pourparlers avec les Serbes de Krajina et Martic - vous
15 l'avez dit dans votre déclaration qui se trouve, si je ne me trompe, sous
16 vos yeux, Monsieur l'Ambassadeur, cette déclaration plutôt longue - au
17 paragraphe 8, vous avez indiqué que les Serbes de Krajina jouaient des jeux
18 sans fin afin d'éviter des négociations sérieuses, et que Martic semblait
19 être la personne principale dernière ces retards ou reports sans fin.
20 Monsieur l'Ambassadeur, pourriez-vous, avant de répondre, juste faire une
21 petite pause.
22 R. Mon rôle dans tout cela, et en même temps le début de ce que l'on
23 appelait le processus Z-4, était de participer aux négociations sur le
24 cessez-le-feu qui ont eu lieu en mars 1994 à Zagreb avec les Russes. Les
25 négociations se sont tenues en deux fois.
26 En fin du deuxième round de négociations, nous avons passé un accord. Il a
27 été décidé que des négociations sur des mesures visant à rétablir la
28 confiance économique et autres allaient commencer à Plitvice deux semaines
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1 plus tard. Les Croates ont soulevé la question des journalistes croates qui
2 devaient se rendre à cet événement, parce que les journalistes serbes
3 étaient venus depuis Krajina pour informer des négociations sur le cessez-
4 le-feu à Zagreb, et les négociateurs on dit que : Bien, il fallait inviter
5 ces journalistes.
6 Ensuite, les Croates ont déposé leur liste de cinq journalistes qui
7 devaient accompagner la délégation. C'était un tout petit groupe de
8 journalistes pour un pays qui avait une presse développée, la radio, la
9 télévision. Mais les Serbes ont rejeté cela parce qu'à Zagreb il n'y avait
10 que deux Serbes. Mais c'était parce qu'ils n'avaient pas plus que deux
11 journalistes, tout simplement, et c'est pour cette raison-là que la réunion
12 n'a pas eu lieu. Le processus a été interrompu. Ce genre de jeux, de
13 manœuvres, se répétait sans cesse. A mon avis, ils n'étaient pas prêts à
14 prendre ces problèmes à bras-le-corps et à essayer de trouver une solution
15 en politique visant à réintégrer la Krajina dans le territoire de la
16 Croatie.
17 A mon avis, mon sentiment était que moi aussi derrière tout ça, qu'il
18 ne souhaitait pas le bien-être du peuple de Krajina. Il ne s'intéressait
19 qu'à lui-même, il n'était pas très, très malin, et je pense qu'il était
20 sous le contrôle de Milosevic, comme je l'ai déjà dit, qu'il l'a d'ailleurs
21 nommé à son poste, qu'il lui a permis d'occuper cette fonction.
22 Il serait peut-être mieux de dire que c'était plutôt Milosevic qui
23 était derrière tous ces retardements parce qu'en fait Martic tout seul, il
24 ne faisait pas le poids.
25 Q. Dans l'affaire Martic, je crois qu'à l'époque des négociations sur le
26 plan Z-4 en janvier 1995, comment Martic avait même refusé de recevoir un
27 exemplaire de la proposition; cela est-il exact ?
28 R. Oui, c'est exact. C'était tout à fait extraordinaire, inconcevable. On
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1 avait là les ambassadeurs des Etats-Unis, de la Russie. Je pense que
2 l'ambassadeur de France est le représentant de l'Union européenne. A la
3 fois étaient là-bas un représentant spécial de l'Union européenne, puis le
4 représentant des Nations Unies. Ils refusaient de toucher le papier sur
5 lequel se trouvait ce plan de paix approuvé par le Conseil de sécurité.
6 Q. C'est Martic qui refusait de le prendre ?
7 R. Oui, il a refusé de le prendre.
8 Q. Bien. S'agissant de ce que vous avez fait début août ou plutôt fin
9 juillet dans le cadre des négociations pour la paix, vous vous êtes rendu à
10 Knin pour rencontrer Martic, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Que s'est-il passé ?
13 R. Je n'étais pas bienvenue à Knin, et Babic a alors envoyé un message me
14 proposant de me rencontrer à Belgrade.
15 Q. Vous nous avez dit être allé à Belgrade pour rencontrer Babic, et il
16 vous a dit, à cette époque là -- ou peut-être vous a-t-il dit à cette
17 époque-là qu'il n'arrivait pas à s'entretenir avec Milosevic au sujet des
18 négociations ?
19 R. Oui. Il m'a dit cela, qu'il n'arrivait pas à rencontrer Milosevic et
20 qu'il suffisait un mot de Milosevic pour que Martic accepte la proposition.
21 Q. Bien. Revenons maintenant à votre déclaration, paragraphe 63. Monsieur
22 l'Ambassadeur, au moment où vous, vous tentiez de passer cet accord de
23 dernière minute, vous avez déclaré qu'un mot de Milosevic aurait pu faire
24 toute la différence, mais que Milosevic n'avait pas rencontrer Rudy Perina.
25 C'est ce que vous avez indiqué dans votre déclaration.
26 Qui est-ce cette personne ?
27 R. Rudy Perina, c'était le chargé d'affaires de l'ambassade des Etats-Unis
28 à Belgrade, donc un des plus hauts officiers américains en ex-Yougoslavie.
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1 Nous n'avons pas à l'époque reconnu la Serbie et le Monténégro comme un
2 Etat, donc nous n'avions pas d'ambassadeur. C'était le chargé d'affaires.
3 Q. Bien. Dans le cadre de ces négociations les premiers jours d'août 1995,
4 M. Perina était-il chargé de s'entretenir avec Milosevic afin de le
5 convaincre d'accepter cette proposition ?
6 R. Oui.
7 Q. Mais il n'a pas réussi à le rencontrer ?
8 R. Oui. Il n'a pas réussi à rencontrer Milosevic jusqu'au 3 août, et à ce
9 moment-là il était clair à tout le monde qu'une action militaire aurait des
10 conséquences considérables sur le bien-être d'un grand nombre de la
11 population serbe que Milosevic soi-disant défendait.
12 Q. Bien.
13 Sur la base de cette chronologie sur tout qui s'est passé, vous
14 n'avez pas pu vous rendre à Knin pour rencontrer Martic, ensuite M. Perina
15 n'a pas pu s'entretenir avec Milosevic, alors quelle conclusion avez-vous
16 tirée sur la base de ces événements-là ?
17 R. Ma conclusion a été la suivante : les perspectives de trouver une
18 solution pacifique n'étaient pas très probables, mais qu'il fallait
19 poursuivre, continuer.
20 Q. Bien. Maintenant, laissons un peu de côté les Serbes de Krajina et
21 parlons un peu de la République de Croatie pendant cette même période de
22 temps. Nous allons maintenant parler de quelques initiatives de paix
23 auxquelles vous avez participé directement, comme médiateur, par exemple,
24 pour le plan Vance-Owen, ou le plan Owen-Stoltenberg et, ce qui est le plus
25 important, l'accord de Washington.
26 Pendant toutes ces négociations sur tous ces plans, le président Tudjman, à
27 votre demande, a-t-il accepté de négocier tous ces plans que je viens
28 d'énumérer ?
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1 R. Oui. Il a accepté de négocier à chaque fois où on lui a demandé de le
2 faire.
3 Q. Bien. Le plan qui a exigé votre grande implication était celui de
4 Washington en mars 1994, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Pourriez-vous nous dire quelque chose de plus sur les accords de
7 Washington, le contexte dans lequel tout cela s'est passé ?
8 R. En 1993, des combats d'envergure ont éclaté entre les Croates et les
9 Musulmans en Bosnie, et pour nous il était évident qu'il n'y avait pas de
10 perspective de mettre fin à la guerre en Bosnie tant qu'il y a trois
11 parties participant à ce conflit. Donc notre priorité absolue - la priorité
12 du gouvernement des Etats-Unis -a été de mettre fin à la guerre entre les
13 Musulmans et les Croates et cela comprenait un changement d'attitude de la
14 part de la Croatie : d'abord, il fallait arrêter les atrocités, libérer les
15 prisonniers, et ensuite passer un accord entre ces deux parties.
16 Cela a nécessité une solution politique. Nous avons fait quelque chose sur
17 la suggestion des Croates de Bosnie qui n'étaient pas sur la même ligne que
18 ceux d'Herzégovine. Donc nous avons fait une proposition portant sur les
19 cantons et la création d'une fédération entre les Musulmans et les Croates,
20 et c'est ce qui faisait l'objet des négociations à Washington fin février,
21 début mars 1994.
22 Quand cet accord a été passé, les combats entre les deux parties ont cessé
23 immédiatement. Les deux parties se sont alliées, et c'est grâce à cette
24 alliance que la Bosnie-Herzégovine a pu survivre, et dans les 18 mois qui
25 ont suivi, la guerre a été terminée. Bien sûr, cette solution n'était pas
26 parfaite, mais elle était toujours meilleure que la guerre.
27 Q. Bien. D'après vous, Monsieur l'Ambassadeur, les accords de Washington
28 ont été le facteur crucial qui a eu pour résultat le rétablissement de la
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1 paix en ex-Yougoslavie ?
2 R. Oui, oui. S'il n'y avait pas eu les accords de Washington, je ne crois
3 pas que la Bosnie ait pu survivre, il n'y aurait pas eu d'autres accords,
4 et avant qu'il ne meure, j'ai rencontré le président Izetbegovic, qui m'a
5 dit la même chose.
6 Q. Le président Tudjman a accepté les accords de Washington au nom de la
7 République de Croatie, n'est-ce pas ?
8 R. Non, les accords de Washington ne lui plaisaient pas vraiment. Il n'a
9 pas voulu accepter ces accords, mais sous la pression très forte des Etats-
10 Unis, étant pragmatique, il a accepté cet accord, bien qu'auparavant il ait
11 essayé de le l'honnir à plusieurs reprises.
12 Q. Bien. Maintenant passons à la pièce 421. Je ne sais pas si vous avez ce
13 document sous les yeux. De toute façon, il sera affiché à l'écran.
14 M. KEHOE : [interprétation] C'est P421 -- non, 451, toutes mes excuses. Il
15 s'agit des extraits de ce livre, "Les Etats-Unis et la Croatie : Une
16 histoire documentaire." Oui.
17 R. J'ai le livre entier, là.
18 Q. Oui, mais je n'ai pas l'intention de lire la totalité du livre. Ce qui
19 m'intéresse, en fait, c'est ce que vous avez déclaré lors d'une conférence
20 de presse le 2 juin. Page 91 de ce document. C'est la page -- le numéro est
21 06069577.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document n'est toujours pas affiché
23 sur nos écrans.
24 M. KEHOE : [interprétation] Je pourrais procéder, Monsieur le Président. Il
25 s'agit d'un document P, et non pas du conseil de la Défense, D. Il s'agit
26 de la pièce à conviction P451.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le vois à l'écran.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci n'a pas été affiché sur le
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1 prétoire électronique --
2 Je crois que nous pouvons résoudre l'affaire.
3 M. KEHOE : [interprétation]
4 Q. Monsieur l'Ambassadeur. Reportez-vous au dernier paragraphe, s'il vous
5 plaît. Il s'agit de votre discours en date du 2 juin 1994. Nous allons être
6 lents.
7 "Particulièrement, la Croatie s'est vue obligée d'abandonner l'idée
8 d'accepter la République de Croatie en Bosnie et a décidé tout simplement
9 de maintenir l'intégrité, l'indépendance territoriale et l'unité de cet
10 Etat souverain. Agissant ainsi, la Croatie s'est rangée du côté du droit
11 international et de la justice internationale. La décision prise par la
12 Croatie était un élément-clé pour l'accord de Washington, il s'agissait
13 d'un arrangement politique en vue de la fédération de Musulmans et de
14 Croates, il fallait des structures de pouvoir qui permettaient une
15 autogestion assez large à chacune des communautés, par la même occasion,
16 les droits de l'homme en totalité de chacune de ces communautés ont été
17 maintenus."
18 Je vais passer maintenant à la page suivante, il s'agit du quatrième
19 paragraphe de la même page, Monsieur l'Ambassadeur, et cela commence par :
20 "Nous allons réitérer…"
21 "Nous allons réitérer, l'accord portant fondation de la fédération n'aurait
22 pas pu être possible sans pour autant faire et obtenir un tournant décisif
23 et radical de la part du gouvernement de la Croatie. Lorsque nous avons eu
24 des pourparlers avec la Croatie pour que la Croatie devienne notre
25 partenaire dans ce processus pacifique, nous avons dit qu'en tant que
26 partenaires nous étions prêts à coopérer avec la Croatie pour que celle-ci
27 se voit intégrée le plus tôt possible dans des cadres d'arrangements
28 économiques et de sécurité."
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1 Monsieur l'Ambassadeur, ceci a été fait avant que l'agrément a pu être
2 conclu ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous avez été vous-même engagé dans les pourparlers en vue du plan Z-4,
5 vous nous avez dit hier en déposant que tant le président Tudjman au début
6 n'avait pas pleinement accepté le plan Z-4, il était pour autant prêt à des
7 négociations sur la base et à la lumière du document que vous lui avez
8 présenté, n'est-ce pas ?
9 R. Au début, il ne se mettait pas d'accord. Mais, en fait, il avait
10 accepté des négociations sur la base de ce document-là, et c'est tout ce
11 que nous lui avons demandé de faire d'ailleurs.
12 Q. Dans ce document que vous lui avez soumis, ce document prévoyait une
13 assez importante autonomie à l'égard des Serbes de Krajina, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. Une très grande autonomie, oui.
15 Q. Pouvez-vous nous expliquer cela dans le détail.
16 R. Dans cette partie de la Krajina, où en 1991 il y avait une majorité
17 constituée par les Serbes, un gouvernement à part devait exister ayant son
18 propre parlement, de même que ses pouvoirs exécutifs qui devaient être
19 considérés comme les autorités et le pouvoir de présider la Krajina. Ce
20 gouvernement aurait un contrôle sur toutes les fonctions gouvernementales,
21 sur la police, sur l'éducation, sur la culture. Il pouvait s'agir également
22 d'un système tout à fait à part et autonome en matière de santé et en
23 matière de prise en charge sociale. Il y aurait un drapeau à part, à côté
24 du drapeau croate, tout comme les Etats-Unis d'Amérique pouvaient le faire.
25 En fin de compte, la Krajina devait être démilitarisée, et nous avons même
26 permis la possibilité, chose qui s'est révélée controversée, que la Krajina
27 pouvait frapper sa propre monnaie, tout comme par exemple le faisait
28 l'Ecosse, encore que là-bas il s'agit de la livre sterling encore une fois.
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1 Q. Et si peut-être on parlait un peu plus du président Tudjman, sans
2 entrer dans le détail, pour voir comment ses négociations ont été menées en
3 vue de cet accord en Slavonie orientale, ensuite à Prevlaka, et cetera, et
4 il prenait part toujours avec Tudjman dans ces différentes négociations ?
5 R. Oui.
6 Q. Et au beau milieu de tout cela, vous avez pu parler également avec M.
7 Babic.
8 R. Oui.
9 Q. Je crois que vous avez dit dans votre journal que sans égard aux
10 efforts faits par vous à ce sujet, je crois que ceci était une entrée
11 valable pour la date du 31 juillet, entrée faite par vous dans votre
12 journal, il s'agit de la page 26 de votre journal, le 31 juillet, vous
13 dites : "Je me dois de dire que les Croates auraient toutes les raisons de
14 lever leur armée. La communauté internationale semble comprendre cela. Les
15 Serbes ne sont pas si forts. Ils ont des parties de trois brigades qui ne
16 s'occupent que des restants de leurs forces de Zepa alors qu'une armée
17 professionnelle les attend à l'ouest. Ceci devrait être une belle revanche
18 à l'encontre de Mladic. Toutes les négociations devraient s'arrêter là."
19 Lorsque nous avons parlé de cela, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez pu
20 conclure que les négociations certainement avec les gens de Mladic à Genève
21 -- excusez-moi, avec les gens de Martic, se trouvaient dans une impasse à
22 Genève ?
23 R. Non, je ne pense pas comme cela, ceci en fait ne permet pas de dire
24 qu'il s'agissait d'une référence à faire à des négociations entre la
25 Croatie et la République de la Krajina serbe. Il s'agissait en fait de
26 négociations en Bosnie lorsque le Groupe de contact essayait de mener des
27 négociations, à cette époque-là on a pu sentir un premier élan de la part
28 des Serbes de Bosnie en vue de la fédération, et pour un premier temps je
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1 pensais que les négociations après Srebrenica et Zepa ne pouvaient finir
2 autrement que dans une impasse. Mais ceci n'avait absolument rien à faire
3 avec les négociations menées au sujet de la Krajina, et je pense pour ma
4 part - peut-être que je m'abuse pensant ainsi - que la rencontre du 3 août
5 n'était même pas encore fixée à cette époque-là.
6 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.
7 Q. Nous reviendrons tout à l'heure à ce que vous venez de dire, mais en
8 fait le 1er août à une réunion, vous avez dit au président Tudjman que vous
9 ne pouviez pas poser de gros efforts et surtout pas d'espoir en faveur des
10 négociations, ayant en vue de votre part les lacunes et les omissions
11 faites par les Serbes de Krajina, n'est-ce pas ?
12 R. Au moment où je parle, je n'arrive pas à me rappeler si c'était
13 justement mes propos à l'égard du président Tudjman, mais je ne devais pas
14 poser beaucoup trop d'espoir à cet effet-là. Maintenant, quand j'y repense,
15 je trouve qu'il serait possible de me voir peut-être avoir de telles
16 instructions. La démarche qui était la mienne était peut-être un projet
17 dans ce sens-là, mais je ne m'en souviens plus.
18 Q. Revenons à Genève, vous saviez, comme pas mal d'autres gens de la
19 communauté internationale, vous saviez que les négociations de Genève
20 n'étaient qu'une pure forme, parce que les Serbes de Krajina devaient
21 refuser toute demande de la part du président Tudjman, surtout une
22 réintégration par la Croatie de la Krajina d'une façon pacifique ?
23 R. Je ne pensais pas comme cela. Je supposais qu'il y avait dans une
24 certaine mesure une possibilité de voir Babic faire réfléchir le Parlement
25 à la proposition d'un accord pour lequel je me suis engagé en date du 2
26 août. Mais ayant en vue la grande tragédie ressentie par la population de
27 la Krajina, je me suis dis qu'il devait y avoir une chance, ne serait-ce
28 que pour quelques jours, pour voir si Babic pouvait mener à bien ce qu'il
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1 avait promis.
2 Q. Je vous ai fait référence aux réunions de Genève.
3 R. Et moi, je vous parlais du 3 août.
4 Q. Oui.
5 R. Mais j'ai voulu dire ce qui concernait Babic, il a été supposé que
6 Babic pouvait s'entretenir avec les représentants de Genève et que
7 publiquement il devait être accepté également ce en quoi nous voulions
8 poser nos espoirs et ce pour quoi nous travaillions, Babic et moi.
9 Q. Monsieur l'Ambassadeur, dans le compte rendu d'audience de l'affaire
10 Milosevic, page 23 166, lignes 5 à 14, vous avez dit, Monsieur
11 l'Ambassadeur : "Pour ce qui est des négociations de Genève, les Croates
12 les utilisaient comme étant un vecteur qui permettait tout simplement de
13 soumettre leur ultimatum final. Quant à eux, ils n'anticipaient pas une
14 réponse positive du tout, et voilà pourquoi ils ont lancé cette attaque. Je
15 ne pensais pas que les Croates pouvaient penser qu'il pouvait s'agir là de
16 négociations raisonnables qui avaient un sens, à mes yeux, tout comme à
17 d'autres diplomates à Zagreb, tout comme aux yeux de la communauté
18 internationale tout entière, ces négociations de Genève n'étaient autre
19 chose que pure forme, que la situation s'avérait fort dangereuse, que
20 Tudjman allait soumettre les demandes faites déjà par lui, que les Serbes
21 allaient refuser ces demandes, ce qui n'était autre chose qu'une excuse
22 pour faire la guerre."
23 Est-ce que vous l'avez dit ainsi dans l'affaire Milosevic ?
24 R. Oui.
25 Q. Dans cet ordre d'idées, étant donné les événements tels qu'ils se
26 déroulaient, est-ce qu'il y avait lieu de parler d'une fin des négociations
27 avec les Serbes de Krajina, dans le paragraphe 63 de votre déclaration,
28 vous dites : "Il y a des bases d'un certain scepticisme aux yeux des chefs
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1 croates. Pour ma part, je voulais avoir un peu plus de temps, alors que je
2 comprenais qu'il n'y avait plus de temps, et ils avaient raison d'être
3 pleins de scepticisme."
4 C'était votre conclusion, Monsieur l'Ambassadeur, après la fin de ces
5 négociations, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, cela est correct. Mais permettez-moi de reprendre ce que j'avais
7 dit dans le cadre de l'affaire Milosevic, il est certainement vrai et juste
8 que les Croates envisageaient cette réunion comme un lieu et une occasion
9 où ils pouvaient présenter les propositions pour lesquelles ils savaient
10 qu'elles allaient être rejetées, dans ce sens-là il ne s'agissait pas de
11 négociation du tout.
12 Nonobstant, j'avais déjà expliqué que ceci était étroitement lié avec
13 ce que j'ai pu dire à Babic, en effet, si les Serbes acceptaient ou s'ils
14 avaient dit d'avoir eu l'occasion d'accepter les propos de Babic, on
15 pouvait attendre quelques jours pour voir si le tout devait se voir
16 réaliser.
17 Mais la Croatie ne le percevait pas ainsi. Les Croates tout simplement ont
18 rappelé leur représentant aux négociations. Ils savaient qu'il s'agissait
19 d'un ultimatum plutôt, lequel ultimatum devait être refusé par les Serbes,
20 ceci n'était autre chose que la guerre.
21 Q. Mais la majeure partie de ce que Tudjman a dit dans le cadre de cette
22 demande, c'est qu'il devait y avoir lieu d'avoir une réintégration
23 pacifique en Croatie, n'est-ce pas ?
24 R. C'était une exigence principale, mais pour être honnête à l'égard de la
25 position croate, il faut dire que les Serbes n'avaient pas accepté d'autres
26 choses, auxquelles ils avaient donné leur accord, par exemple, le pipeline,
27 ensuite la réouverture des voies de communication à travers la Krajina,
28 ferroviaires et routières, de sorte que les différentes zones de la Croatie
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1 puissent être encore une fois réintégrées.
2 Il s'agit cette fois-ci de demandes de moindre envergure.
3 Q. S'agit-il là de voir tout ce scepticisme-là ?
4 R. Pour ce qui est de leur déclaration qui parle du scepticisme, elle
5 était beaucoup plus concrète. Cela voulait dire que les Croates étaient
6 dans leur droit d'aboutir à un tel scepticisme et d'offrir un tel
7 scepticisme pour voir si Babic était suffisamment habilité pour mener à
8 bien ce à quoi il s'était mis d'accord avec moi. Brièvement, il a fallu
9 voir s'il était en mesure de l'emporter sur Martic. Les Croates avaient du
10 scepticisme, bien sûr, pour savoir si lui, Babic, devait l'emporter sur
11 Martic et Milosevic.
12 Encore une fois, je considérais qu'il fallait attendre quelques jours
13 de plus pour voir si quelque chose devait se dérouler dans ce sens-là.
14 Q. Essayons d'élargir un petit peu le contexte de ce qui vient d'être dit
15 et parlons dans un contexte un peu plus large, géographiquement parlant,
16 lorsque vous avez essayé de mener des négociations. Je voulais voir quelle
17 était votre perception des événements de Srebrenica, perception qui était
18 la vôtre de Bihac.
19 Vous en avez parlé en répondant aux questions du Procureur. Elaborez
20 un petit peu sur ce que vous avez dit, qu'avez-vous pu observer et qu'avez-
21 vous pu conclure sur la base de ces informations obtenues par vous à cette
22 époque-là ?
23 R. Ce fut des temps extrêmement difficiles. Les forces serbes étaient en
24 l'offensive. Elles avançaient pour prendre Srebrenica. Sept mille hommes et
25 garçons ont disparu. Sur la base de ma propre connaissance de la région,
26 parce que je m'y trouvais pendant deux ans et demi, j'étais presque certain
27 que les personnes portées disparues étaient des morts.
28 Ensuite, il y a eu l'attaque contre Zepa puis l'attaque contre Bihac.
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1 Ces attaques ont menacé par des changements à apporter dans l'ensemble de
2 la situation stratégique des Balkans, incident il y aurait lieu de parler
3 d'un Etat énorme serbe qui aurait compris la Krajina et des parties des
4 zones serbes de Bosnie. Militairement parlant, cet Etat serbe aurait été
5 beaucoup plus puissant lorsque Bihac n'existait plus, et pratiquement il ne
6 serait agi que d'une seule frontière à défendre.
7 Q. Lorsque vous en parlez, vous vous référez à des Serbes ?
8 R. Oui, oui, à des Serbes.
9 Q. Poursuivez.
10 R. Oui, il s'agissait de Serbes et il s'agissait évidemment de certaines
11 dimensions humanitaires du problème. A Srebrenica, il y avait plus de 40
12 000 personnes. Mladic a fait en sorte que 20 % de ces gens-là ont été mis à
13 mort. Toute proportion gardée avec Bihac où il y avait 160 000 hommes, ceci
14 voudrait dire que 32 000 hommes devaient être mis à mort, chose impensable
15 50 ans après la Seconde Guerre mondiale, à mes yeux, et que des puissances
16 européennes et les Etats-Unis d'Amérique l'auraient accepté, et c'est ce
17 que nous avons craint. Une chose pouvait se passer de la sorte.
18 La FORPRONU, dans son ensemble, se trouvait en danger et pouvait
19 évidemment pratiquement connaître sa fin tragique. Pour parler de l'ONU, 30
20 % des coûts ont été couverts par l'ONU - la Grande-Bretagne, la France,
21 l'Espagne - et nos alliés avaient leurs propres soldats dans le cadre de
22 missions poursuivies par la FORPRONU. Par conséquent, il a fallu retirer,
23 extraire ces forces de l'OTAN. Donc la crise était énorme et grandissante,
24 et d'après moi, je m'étais dit si l'OTAN ne devait pas sauver Bihac - or,
25 en date du 22 juillet, on faisait mention dans une déclaration de Londres,
26 seulement de Gorazde, non pas de Bihac - or, disais-je, si l'OTAN ne devait
27 pas sauver Bihac, alors que la Croatie était prête à engager l'action
28 militaire, nous avons dit que nous ne devrions pas faire d'objection à
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1 l'égard de cette action militaire. C'était une position à moi, très forte
2 position que j'ai présentée à mon gouvernement, et mon gouvernement a
3 d'ailleurs accepté cette position-là.
4 C'est ce que je disais d'ailleurs dans mes messages, j'étais tout à
5 fait conscient du fait que l'action militaire menée par la Croatie en vue
6 de sauver Bihac devait donner lieu à une crise humanitaire liée à la
7 Krajina, mais ce que j'appelais, moi, la hiérarchie du mal, cette crise
8 humanitaire devait être certainement moins grave si, par exemple, on devait
9 voir les Serbes de Bosnie prendre Bihac et massacrer 32 000 personnes.
10 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur.
11 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais qu'on présente maintenant la
12 séquence vidéo 1D33009.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît, Maître.
14 M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'une séquence vidéo de la télévision
15 RSK.
16 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, avant de présenter à ce
18 visionnement de cette séquence, j'ai donné la permission d'être présents
19 deux mineurs à la galerie du public.
20 M. KEHOE : [interprétation] Peut-être seuls les représentants de la presse
21 pourraient y être.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je croyais que ceci est une bonne chose,
23 Monsieur Kehoe.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, non, j'en suis responsable.
25 [Diffusion de la cassette vidéo]
26 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
27 "Le commandant de l'état-major des forces armées de l'armée de
28 Republika Srpska est une de nos vieilles connaissances. C'est la légende
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1 des forces armées. Nous profitions de la présence du général Mladic pour
2 qu'il nous adresse la parole pour représenter certaines questions qui sont
3 d'ordre crucial pour le peuple serbe. Sans être beaucoup trop long, le
4 général est à votre disposition. A vous, Mon Général.
5 Mladic : Merci. Je voudrais profiter de la présence de vos médias
6 pour dire mes meilleurs vœux au peuple serbe de Republika Krajina. Je suis
7 toujours là. Je suis toujours parmi vous. Je ne vous ai jamais quitté, mais
8 j'ai fait deux brèves pauses.
9 Le journaliste : Mon Général, comment considérez-vous l'ensemble de
10 la situation dans la Republika Srpska et République de Srpska Krajina ?
11 Le Général Mladic : A mon sens, la situation est assez complexe étant
12 donné une agression terrible qui s'est abattue sur la République Srpska et
13 République Krajina de Serbie -- de Serbes, avec l'aide des médiateurs et
14 moyennant les armes voulaient en obtenir un règlement dans toute cette
15 région-là. Pour ma part, je pense que moyennant une belle organisation, et
16 si tous les segments de la Republika Srpska et des Serbes de Krajina
17 fonctionnent bien, on peut aboutir à un bon règlement, et je crois que les
18 Croates ont commis une grave erreur dans cette guerre, laquelle erreur leur
19 coûtera très cher.
20 Le journaliste : Les Serbes ont-ils suffisamment de forces pour résister
21 aux Croates et aux Musulmans ?
22 Le général Mladic : Le peuple serbe dispose de suffisamment de forces, mais
23 s'il n'y avait pas l'aide de blocs des pays occidentaux et des pays
24 islamiques, nos ennemis auraient perdu cette guerre depuis longtemps. Toute
25 matière de la guerre est d'abord catastrophique pour ceux qui l'ont
26 commencée. Il s'agit de parler des formations armées croates.
27 Une question de public : Mon Général, du point de vue stratégique, je pense
28 que les forces croates se trouvent déployées dans des effectifs beaucoup
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1 trop larges. Dans quelles mesures ceci peut permettre à vous-même et à nos
2 forces de riposter ?
3 Réponse du général : Votre curiosité de journaliste ne demande pas tout
4 simplement une réponse avec beaucoup trop de précision. Le temps qui vient
5 donnera des réponses à votre curiosité et à vos questions.
6 Le rédacteur : Comment se présente la situation dans Glamoc et dans le
7 théâtre de guerre ?
8 Réponse du général : Les forces armées croates sont entrées dans Glamoc et
9 Grahovo, mais je crois que nous allons les récupérer, ces territoires très
10 vite, comme nous l'avons fait avec d'autres territoires serbes.
11 Question du public : Ce qui nous intéresse, c'est de voir comment se
12 présente dans la situation dans les autres théâtres de guerre qui se
13 trouvent sous contrôle du 2e Corps d'armée. -- médias parlant de
14 territoires serbes prétendent qu'il n'y a pas suffisamment de coordination
15 en matière de défense en République de Krajina serbe. Il y a même des
16 tentatives de faire régner des rumeurs comme quoi il s'agit évidemment de
17 voir le fait que le territoire de la Krajina de serbe est vendu.
18 Général Mladic : Je ne voudrais pas faire de commentaires pour ce qui est
19 d'une propagande de faible intensité. A mon sens, de Kupa à Korana, de
20 Timok à Morava du sud est un peuple uni. Le peuple serbe dans ces
21 territoires, tout comme d'autres peuples et nations de cette planète,
22 devrait avoir un et même intérêt, un Etat doté de toutes les structures
23 d'Etat, et je pense que pour tout ce qui est dans différentes zones de ce
24 territoire, pour chaque Serbe sur la planète, tous doivent être intéressés
25 à ce qui se passe avec les citoyens qui habitent dans ce territoire et
26 ailleurs.
27 Le rédacteur : Merci, Mon Général. Nous avons été surpris par votre
28 venue ici.
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1 Le général : Des questions se font nombreuses. Cela fuse de questions
2 et je ne sais plus comment y répondre, d'ailleurs.
3 Quelqu'un de public : Je m'excuse, Mon Général, d'avoir posé toutes
4 ces questions.
5 Général Mladic : Votre question a été tout à fait bonne. Ce n'est pas
6 une première fois de voir les Oustachi s'attaquer contre nous. Mais je
7 crois que tous ont à réaliser ce que je devais dire, à savoir il s'agissait
8 des erreurs commises par des individus qui ont cru qu'il y avait une fin à
9 des hostilités et que dans chaque ligne de contact des points de douane
10 devaient être implantés, comme on pouvait jouer des matchs de football. Or,
11 nous avons pu voir que tant de vies ont été perdues, et j'espère que notre
12 peuple a compris que le peuple a suffisamment de force et saura avoir
13 suffisamment de force pour riposter à cette agression de la Croatie
14 présente avec tous ses effectifs et formations en Bosnie-Herzégovine et en
15 Krajina. Nous devons d'ailleurs les faire revenir là où ils se trouvaient,
16 à leur position de départ.
17 Mais déjà encore une fois, notre peuple doit se mettre à la défense
18 de leurs foyers, de ses foyers pour ne pas surtout être victimes de
19 propagande et de provocation. Grâce à nos propres forces, nous voulons
20 créer notre Etat. Grâce à nos propres enfants, qui sont des gens bien, il y
21 a tant de vies et sacrifices auxquels nous avons consenti. Nous devons
22 d'abord apporter d'autres efforts pour nous maintenir lors des hostilités.
23 Le journaliste : Jusqu'à une victoire finale ?
24 Le général : Oui, il s'agit de cela."
25 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
26 M. KEHOE : [interprétation]
27 Q. Monsieur l'Ambassadeur, l'unification de ces forces de la RSK avec le
28 général Mladic était quelque chose qui vous concernait parce que cela
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1 allait avoir des incidences non seulement sur Bihac, mais sur la Croatie,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Mais au point de vue stratégique - et je sais que vous nous avez parlé
5 de l'aspect humanitaire - mais d'un point de vue stratégique, quelle serait
6 l'incidence à la Croatie si Bihac avait été conquis, si les Serbes de
7 Krajina et les Serbes de Bosnie s'étaient mis ensemble pour conquérir Bihac
8 ?
9 R. Il y aurait un seul Etat occidental serbe qui aurait un commandement
10 coordonné, unifié, un commandement militaire unifié et qui défendrait
11 uniquement les frontières intérieures, ce qui est différent par rapport à
12 la situation qui existait à l'époque où Bihac était pris, c'est-à-dire que
13 si le 5e Corps à partir de Bihac attaquait d'une part et s'était mis avec
14 l'armée bosniaque et le HVO d'autre part.
15 C'est-à-dire que la situation stratégique pour les Serbes de Bosnie et les
16 Serbes de Krajina aurait été bien meilleure si Bihac avait été pris.
17 Cela concerne également les Etats-Unis, parce que cela voudrait dire que
18 cette guerre aurait continué pendant encore une longue période. Si cette
19 entité avait été créée, les négociations de paix, basé sur ce que la
20 communauté internationale offrait, et pour la Croatie et pour la BiH, la
21 Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire le plan du groupe de contact, c'est-à-dire
22 que les chances d'aboutir à quelque chose auraient été très minimes. Donc
23 cela aurait été une catastrophe pour la Croatie. Pour les Etats-Unis, ça
24 aurait été également une catastrophe pour aboutir à la paix.
25 M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier de
26 cette séquence vidéo, s'il vous plaît, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections ?
28 Monsieur le Greffier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D402.
2 M. KEHOE : [interprétation]
3 Q. Je sais que -- excusez-moi.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de la verser au dossier.
5 Je pense que c'est dans votre intérêt, Maître Kehoe.
6 M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D402 est versée au dossier.
8 M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je sais que dans la séquence vidéo il était
10 question de la chute de Grahovo et de Glamoc, mais avant cette période-là,
11 vous avez reconnu que les choses pouvaient se dérouler de la sorte et que
12 cet événement pouvait avoir une conséquence importante pour les réfugiés,
13 qu'un grand nombre de réfugiés allaient se retrouver peut-être en Croatie
14 alors que la Croatie avait déjà beaucoup de réfugiés à l'intérieur de ses
15 frontières, n'est-ce pas ?
16 R. Oui. A mon avis, 160 000 Bosniaques qui habitaient à Bihac auraient été
17 ceux qui avaient de la chance. Je parle de ceux qui auraient été expulsés,
18 par rapport aux milliers qui auraient été tués par Mladic. Je pense que ça
19 aurait été un fardeau important pour la Croatie et ça aurait été quelque
20 chose d'inacceptable pour le monde entier, parce que cela voudrait dire
21 qu'un meurtre en masse aurait eu lieu, comme c'était le cas à Srebrenica.
22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez déployé tous vos efforts
23 diplomatiques pour que cet accord de Split soit signé et mis en place,
24 n'est-ce pas ?
25 R. L'accord de Split était un accord entre le gouvernement de Croatie et
26 le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Les Etats-Unis n'ont pas joué un
27 rôle dans la mise en place des négociations à Split, mais le gouvernement
28 croate a demandé que j'y aille, ce que j'ai fait. Je pense que j'étais le
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1 seul diplomate étranger, c'est-à-dire moi et mes hommes étaient les seuls
2 diplomates étrangers à être présents lors de cette réunion, et j'ai
3 encouragé les deux parties à coopérer. En tant que signe de notre soutien à
4 cet accord, lorsqu'il fallait prendre la photo des gens qui signaient
5 l'accord, l'ambassadeur Zuzul, un des hauts responsables croates, m'a
6 demandé de figurer sur cette photographie, ce que j'ai accepté.
7 M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais maintenant afficher à l'écran la
8 pièce 1D33-0061.
9 Q. Monsieur l'Ambassadeur, nous n'allons pas lire maintenant l'accord en
10 entier, mais examinez s'il vous plaît le troisième [comme interprété]
11 paragraphe, où il est fait état des attaques contre les zones protégées des
12 Nations Unies en Bosnie-Herzégovine et les opérations conjointes menées par
13 les Serbes de Croatie et de Bosnie contre les zones protégées des Nations
14 Unies à Bihac.
15 Monsieur l'Ambassadeur, cet accord a permis aux forces croates et aux
16 forces bosniennes de fonctionner conjointement en Bosnie dans leur combat
17 contre les Serbes, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, c'était une des grandes importances de l'accord de Split. Il
19 représentait une demande de la part du gouvernement de Bosnie-Herzégovine
20 qui en fonction de la charte des Nations Unies a demandé d'exercer le droit
21 d'autodéfense et elle a demandé à la République de Croatie de lui fournir
22 de l'aide, et dans ce sens-là c'était une situation tout à fait différente
23 par rapport aux interventions précédentes de la part de la Croatie en
24 Bosnie. C'était fait d'une manière légale et c'était une action conjointe
25 contre l'agresseur.
26 M. KEHOE : [interprétation] Je demande le versement au dossier.
27 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça sera la pièce D403.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D403 est versée au
3 dossier.
4 M. KEHOE : [interprétation]
5 Q. Monsieur l'Ambassadeur, à votre avis, à l'époque la Croatie allait
6 violer les frontières internationales parce que les soldats de l'ARSK
7 traversaient la frontière depuis la Croatie pour aller en Bosnie pour mener
8 des combats, n'est-ce pas ?
9 R. D'un point de vue du droit international, l'Etat a l'obligation
10 d'empêcher que son propre territoire soit utilisé pour les attaques menées
11 contre un autre Etat. La situation était en quelque sorte plus compliquée
12 parce que les Nations Unies étaient présentent sur le terrain, mais je
13 pensais que la Croatie avait l'obligation de s'assurer qu'il n'y ait pas
14 d'attaque depuis la Croatie contre la Bosnie-Herzégovine.
15 Q. S'agissant de cet accord, Monsieur l'Ambassadeur, l'un des objectifs de
16 cet accord a été de permettre au général Gotovina et aux troupes de l'armée
17 croate de lancer l'opération Eté 1995 contre Grahovo et d'autres
18 territoires depuis la vallée de Livno, n'est-ce pas ?
19 R. L'une des conséquences de cet accord était l'offensive de la vallée de
20 Livno, oui.
21 Q. Est-ce que ces attaques ont été couronnées de succès dans le sens où il
22 n'y avait plus autant de pression contre Bihac ?
23 R. Oui, elles ont eu un effet très positif dans le sens où il n'y avait
24 plus autant de pression contre Bihac.
25 Q. Allons de l'avant. Vous connaissiez cet accord et vous saviez que les
26 activités menées par le général Gotovina et l'armée croate allaient être le
27 fondement pour la prise ultime de la Krajina, n'est-ce pas ?
28 R. Oui. Je savais que cela faisait partie d'un plan militaire qui voulait
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1 dire que la Krajina allait être prise. Mais après l'offensive de la vallée
2 de Livno, il n'était pas sûr que l'opération Tempête allait avoir tout de
3 suite lieu, mais c'est sûr que cette opération entrait bien dans le cadre
4 de l'opération de Livno.
5 Comme je l'ai déjà dit hier, ainsi que dans d'autres affaires, j'étais
6 également conscient du fait que l'opération Tempête était planifiée et
7 qu'elle allait avoir lieu probablement.
8 Q. Et vous saviez également que les combats qui allaient potentiellement
9 avoir lieu lors de la prise Grahovo, par exemple, puis la prise de Knin,
10 vous saviez que l'objectif ultime était la défaite des Serbes, et par là,
11 je parle des efforts conjoints de l'ARSK et des Serbes de Bosnie, n'est-ce
12 pas ?
13 R. L'objectif ultime croate était certainement de reconquérir la région de
14 Krajina et j'imagine d'enlever le siège de Bihac -- oui, je pense que cela
15 serait l'objectif ultime, oui.
16 Q. Lorsque l'on --
17 Parlant de l'opération Eté 1995 et la prise de Krajina, les Croates
18 voulaient battre définitivement, détruire, l'armée de la VRS et Ratko
19 Mladic, n'est-ce pas ?
20 R. Nous voulions certainement que la VRS et Ratko Mladic soient
21 définitivement battus.
22 Q. Pourquoi ?
23 R. Nous avons -- nous étions très contents, mais nous ne l'avons pas dit
24 publiquement, nous étions très contents que cette opération de la vallée de
25 Livno a eu lieu parce que ça a eu un effet très négatif pour Mladic et a
26 rendu possible la levée du siège de Bihac.
27 Q. Monsieur l'Ambassadeur, sur la base de vos connaissances de la région à
28 l'époque, pour battre le général Mladic et ses forces conjointes militaires
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1 de l'ARSK et de la VRS, qu'est-ce qu'il fallait faire ?
2 R. Je vais un peu décomposer votre question.
3 Q. Oui, allez-y.
4 R. Je pense qu'il ne fallait pas faire beaucoup pour battre d'un point de
5 vue militaire l'ARSK, mais pour battre l'armée serbe de Bosnie, je pense
6 qu'il y avait deux manières de le faire. D'abord, si l'OTAN allait
7 intervenir dans une grande envergure, à condition que le Conseil de
8 sécurité l'autorisait, cela aurait dû avoir lieu, mais cela n'allait pas
9 avoir lieu; ou que les forces conjointes du gouvernement bosnien et du HVO
10 avec le soutien de la République de Croatie et les forces aériennes de
11 l'OTAN agissent ensemble. En fait, c'est comme cela que l'armée serbe de
12 Bosnie a été battue et c'était ce qui a permis ensuite l'accord de paix de
13 Dayton.
14 Q. Ces efforts conjoints dont vous parlez, Monsieur l'Ambassadeur, vous
15 saviez que ces opérations avaient été menées par le général Gotovina ?
16 R. Oui.
17 Q. Revenons maintenant à l'époque tout de suite après l'accord de Split.
18 J'ai lu votre journal de bord, Monsieur l'Ambassadeur.
19 Je ne sais pas si vous avez votre journal de bord sous les yeux, en
20 date du 24 juillet. J'aimerais lire ce que vous avez écrit pour le 24 et le
21 25. Pour le 24 juillet 1995, vous dites : "La guerre semble imminente. Les
22 Croates semblent avancer demain à 4 heures contre Bosanski Grahovo. Les
23 Serbes disposent de l'artillerie dans le secteur sud et envisagent de
24 riposter en pilonnant les villes croates. Le plan croate envisage de
25 tourner à gauche à Grahovo et d'avancer vers Knin," ce qui en dernier lieu
26 a été l'opération Tempête, n'est-ce pas, Monsieur l'Ambassadeur ?
27 R. Oui.
28 Q. Passons maintenant au 25 juillet. Le paragraphe qui commence par :
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1 "J'ai reçu une démarche depuis Bihac." Et vous avez passé seulement à
2 l'ambassadeur Zuzul qui se rend compte de l'importance : "Si la Croatie se
3 comporte bien, son comportement ne sera pas puni à cause de l'action
4 militaire dans la Krajina qui a pour objectif de sauver Bihac."
5 Et le 28 juillet, vous dites que les forces conjointes -- c'est-à-dire que
6 le HVO et l'armée croate sont en train de reprendre Bosanski Grahovo et
7 Glamoc : "Lorsque je suis rentré dans mon bureau, j'ai appris qu'ils ont
8 pris ces territoires et nous avons également appris que les Croates
9 envisagent de mener une offensive afin de reprendre toute la Krajina."
10 Donc cette opération ou ce processus qui a été en plusieurs phases et que
11 vous étiez en train de suivre et dont vous avez parlé avec les responsables
12 croates, c'était quelque chose qui certainement était en relation avec la
13 vallée de Livno et vous avez donné son approbation au nom des Etats-Unis ?
14 M. TIEGER : [interprétation] Je pense qu'il faudrait poser cette question
15 en plusieurs étapes.
16 M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse.
17 Q. C'était une question composite, Monsieur l'Ambassadeur. Au fond,
18 s'agissant de ce processus, au nom des Etats-Unis vous avez mené des
19 discussions avec les responsables croates et vous avez donné votre
20 approbation pour les activités qu'ils ont menées depuis la vallée de Livno,
21 puis s'agissant de la prise de Bosanski Grahovo afin d'essayer de battre
22 les Serbes de Bosnie et les Serbes de Krajina et pour enlever la pression
23 sur Bihac. Ai-je raison de le dire, Monsieur l'Ambassadeur ?
24 R. Oui, au nom des Etats-Unis j'ai suivi ce processus. Et deuxièmement,
25 les Etats-Unis n'ont pas approuvé ces opérations dans le sens où les Etats-
26 Unis auraient dit aux Croates de faire ceci ou cela, mais nous n'avions pas
27 d'objection contre cette opération, et dans ce contexte, le fait que nous
28 n'avions pas d'objection était quelque chose de très important, parce que
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1 nous et d'autres pays, nous étions contre un grand nombre d'actions qui
2 auraient mené à une guerre de plus grande envergure, y compris l'action
3 militaire du 10 novembre 1994, lorsqu'il y a eu cette autre crise à Bihac.
4 Donc je ne veux pas que les Juges aient l'impression que les Etats-Unis
5 approuvaient cette opération militaire. Les Etats-Unis n'avaient pas
6 d'objection contre cette opération. C'est ce que l'ambassadeur Zuzul a
7 compris, et je pense que c'est ce que j'ai consigné dans mon journal de
8 bord, il a compris que si la Croatie se comporte bien, la Croatie n'allait
9 pas être punie pour cette opération militaire, à savoir qu'il n'y aurait
10 pas de sanctions. Mais c'est une déclaration différente par rapport à la
11 situation où l'on aurait dit qu'on approuvait d'une manière explicite cette
12 action.
13 Q. Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais maintenant attirer votre attention
14 sur l'enregistrement audio de votre rencontre avec le président Tudjman en
15 date du 1er août.
16 Je reviendrai là-dessus plus tard, mais je pense que tout à l'heure
17 vous avez parlé de quelque chose que je voudrais aborder maintenant avec
18 vous, vous avez parlé des Nations Unies, lorsque vous étiez présent au
19 moment où l'accord de Split a été signé, et où les forces allaient se
20 mettre ensemble pour se battre contre les Serbes, et vous étiez frustré
21 dans vos contacts avec la hiérarchie des Nations Unies à cette époque-là,
22 n'est-ce pas ?
23 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur une ligne précise de
24 votre journal de bord, en date du 12 juin, un déjeuner avec Akashi et
25 Janvier. "Ces deux sont très opposés à l'utilisation de force."
26 Passons maintenant au 14 : "Fred Eckhart a montré à Akashi la mauvaise
27 presse dont il jouit." C'est dans le premier paragraphe. Il est dit que :
28 "Les Nations Unies ont soi-disant abandonné sa mission, et les nombreuses
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1 citations du porte-parole de Sarajevo, Ivanko, n'a pas soutenu la thèse
2 d'Akashi."
3 J'aimerais maintenant vous montrer 1D33-0076.
4 Encore une fois, Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un article du
5 Washington Post, en date du 1er [comme interprété] juin 1995. Je ne vais pas
6 lire tout l'article, mais comme vous pouvez le voir dans le corps de
7 l'article : "La mission des Nations Unies a annoncé qu'elle n'allait pas
8 mener des missions en Bosnie sans l'accord des Serbes de Bosnie, mettant en
9 doute leur volonté de protéger les enclaves musulmanes."
10 Passons maintenant aux "Sources occidentales". Elles ont dit que : "un
11 projet de résolution du Conseil de sécurité circule à New York, que ce
12 projet a été présenté par la France et la Bretagne, et que dans ce projet
13 un accent est mis sur la mission des Nations Unies en Bosnie…" Passons
14 maintenant à la page suivante. En haut, s'il vous plaît, la Bosnie "…doit
15 faire uniquement ce que les Serbes souhaitent qu'elle fasse et doit
16 abandonner ses menaces d'engager la force pour protéger les Musulmans."
17 Et maintenant, j'aimerais vous présenter la pièce 1D33-0078.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, j'imagine que vous pouvez
19 finir avec cette question dans deux minutes, avant la pause.
20 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
21 Q. J'aimerais présenter l'article avant la pause, et après la pause je
22 vais poser la question.
23 Parlant de M. Pomfret, il s'agit d'un article du Washington Post de deux
24 jours plus tard, au fond, il parle de la même question, et j'aimerais
25 maintenant mettre en exergue une citation de la deuxième page.
26 Je cite, c'est le deuxième paragraphe : "'Les Serbes de Bosnie mènent la
27 barque,' a dit Ivanko, le porte-parole des Nations Unies à Sarajevo. La
28 question a été posée si les Nations Unies ont présenté des possibilités, et
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1 il a répondu là-dessus : 'Je n'arrive pas à voir qu'il y en ait eu pour
2 l'instant.'"
3 Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais maintenant vous poser encore deux
4 questions portant sur ces deux articles. J'aimerais que ces deux articles
5 soient versés au dossier.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois, Monsieur Tieger, que vous
7 n'avez pas d'objections.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 1D33-0076 deviendra la pièce
9 D404.
10 Et pour ce qui est de 1D33-0078 [comme interprété], cette pièce deviendra
11 la pièce D405.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D404 et D405 sont versées au
13 dossier.
14 Nous allons faire la pause, mais avant de faire la pause, j'aimerais faire
15 une petite décision qui peut être rendue en audition publique.
16 Monsieur Galbraith, si vous voulez gagner dix secondes, vous pouvez sortir,
17 mais il s'agit d'un corrigendum de la décision de la Chambre sur le
18 versement au dossier des déclarations de sept témoins en vertu de l'article
19 92 quater, décision en date du 16 juin 2008.
20 Le 16 juin 2008, la Chambre a rendu la décision sur le versement au dossier
21 des déclarations de sept témoins en vertu de l'article 92 quater.
22 La Chambre a constaté que la page 03070010 aurait dû être incluse dans le
23 numéro V de ce dispositif, et maintenant la décision est amendée dans le
24 sens où cette page est incluse.
25 C'est la fin de notre décision.
26 Nous allons maintenant faire la pause et reprendre à 16 heures 15.
27 --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.
28 --- L'audience est reprise à 16 heures 20.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, avant de poursuivre, avez-
2 vous quelque chose à dire, Monsieur Tieger ?
3 M. TIEGER : [interprétation] Deux questions, très rapidement.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si ça porte sur le contre-
5 interrogatoire, alors il faudra le faire, et rapidement.
6 M. TIEGER : [interprétation] Hier, nous avons fait une demande de versement
7 de documents sans passer par le témoin. Nous avons discuté rapidement avec
8 le Greffier et nous avons décidé que nous devrions marquer ces documents
9 par avance. Par ailleurs, la Défense a demandé du temps pour les examiner
10 entre-temps, donc nous pourrons leur attribuer des cotes.
11 Deuxièmement, hier un document a été présenté, une carte. Nous
12 n'avons pas pu trouver des références d'un document qui se rapporte à cette
13 carte, et j'aimerais que mon confrère me marque ces passages pour qu'on
14 règle cette question ici dans le prétoire.
15 M. KEHOE : [interprétation] Oui, et le témoin a dit qu'il ne le savait pas
16 pour sûr.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Juste quelque chose s'agissant de cette
18 demande de versement de documents directe.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai pu rapidement examiner ce document,
21 et pour la plupart je n'ai pas d'objection. Mais nous avons une objection
22 pour 3 209 sur la liste 65 ter. Ça, c'est le premier document, qui concerne
23 une réunion en 1992 sur les transferts de population et discussions entre
24 les Serbes et les Croates de Bosnie, pour lequel nous pensons ne pas être
25 pertinent pour cette affaire.
26 Merci.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci de nous avoir déjà, d'une
28 certaine manière, annoncé votre position sur ces documents s'agissant de
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1 ces demandes de versement directes sans passer par le témoin.
2 Je propose aux parties, et j'ai déjà demandé au Greffier, d'activer
3 des cotes à la plupart de ces documents aux fins d'identification pour
4 qu'on puisse se retrouver, même si la décision suivra ultérieurement.
5 Hormis cela, Maître Kehoe, la Chambre a examiné avec attention le
6 contre-interrogatoire jusqu'à maintenant. Nous avons constaté que le
7 contexte de l'opération Tempête a été exploré en grand détail, y compris
8 les aspects politiques, stratégiques et tactiques qui ont conduit à ces
9 événements.
10 La Chambre n'ignore pas l'importance et la pertinence du contexte, mais
11 considère également que cela n'est pas sans limite.
12 La Défense de Gotovina a annoncé qu'elle allait avoir besoin de six
13 heures pour contre-interroger M. Galbraith. Après avoir examiné le contre-
14 interrogatoire jusqu'à maintenant, la Chambre pense qu'il serait bien que
15 la Défense de Gotovina se limite au même nombre d'heures que le Procureur a
16 utilisées, c'est-à-dire deux heures et 49 minutes.
17 La Chambre décide maintenant qu'elle permettrait à la Défense de
18 Gotovina d'utiliser cinq heures pour le contre-interrogatoire. Mais nous
19 lui conseillons vivement d'éviter des répétitions, d'utiliser effectivement
20 le temps imparti et d'aller directement au cœur des choses, en essayant de
21 trouver un juste équilibre entre le contexte conduisant à l'opération
22 Tempête et les questions qui sont au cœur de cette affaire, c'est-à-dire la
23 question de savoir si des crimes ont été commis ou pas et si l'accusé est
24 pénalement responsable de ces crimes.
25 Cette décision-là concerne la Défense de Gotovina. S'agissant
26 d'autres équipes de Défense, pour l'instant nous n'avons pas pris de
27 décision, la Chambre se réserve le droit de s'exprimer ultérieurement parce
28 d'autres contre-interrogatoires permettront aux autres équipes de voir ce
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1 qui se passe et de s'adapter.
2 Allez-y.
3 M. KEHOE : [interprétation]
4 Q. Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais maintenant vous présenter le
5 document 1D33-0068.
6 C'est une citation d'un livre -- un extrait du livre "La complicité
7 avec le diable," la page --
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le numéro de la page.
9 M. KEHOE : [interprétation]
10 Q. -- c'est la citation en bas de cette page qui continue sur la page
11 suivante.
12 "'Les Nations Unies disposent d'une collection entière de rapports
13 sur les atrocités commises, et c'en est qu'une de plus, mais nous avons su
14 que 7 000 personnes sont portées disparues, et c'était la preuve de ce qui
15 leur est arrivé. J'étais sûr que cela allait être enterré par les Nations
16 Unies. Dans le monde d'Akashi, la réaction à quelque chose de tel était que
17 les Nations Unies devaient être très attentives parce que la situation
18 était très dangereuse et pouvait conduire à une action militaire. Les
19 Nations Unies ont toujours besoin d'une preuve, et avaient également des
20 stratégies visant à s'assurer à ce qu'il n'y ait pas de preuve. Ils
21 gardaient les rapports au chaud et il y avait les articles de la presse, la
22 situation est à peu près la même pour la Bosnie. Mais en ce qui me
23 concerne, c'était un message, preuve que le massacre a bien eu lieu.'"
24 Monsieur l'Ambassadeur, cela concerne les discussions au sujet Srebrenica
25 et Zepa. Pourriez-vous nous dire ce qui se passait s'agissant de votre
26 coordination avec les Nations Unies en juin et juillet 1995 ?
27 R. Vous m'avez déjà demandé cela. Vous m'avez présenté un document. Vous
28 m'avez demandé si j'ai eu des divergences avec les Nations Unies, il n'est
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1 pas nécessaire de répéter que j'ai eu des grandes divergences par moment
2 avec les Nations Unies et que j'ai été très frustré par la manière dont les
3 Nations Unies se sont conduites à cette époque-là, et notamment pendant ces
4 mois-là. Ces commentaires que vous venez de citer et qui font partie de mon
5 journal de bord parlent suffisamment d'eux-mêmes, et je ne pense pas qu'il
6 soit nécessaire de rajouter quoi que ce soit, sauf si vous insistez. Mais
7 je pense que je dois dire quelque chose au sujet de ce passage du livre
8 d'Adam Labore.
9 Les Nations Unies -- il y a eu le massacre de -- la chute de
10 Srebrenica, les femmes et les enfants qui ont été conduits en car jusqu'à
11 Tuzla, et à ce moment-là, le monde se focalisait sur ça, sur les violations
12 des droits de l'homme commises à l'encontre de ces femmes et de ces
13 enfants. Il y a eu des personnels des Nations Unies qui se sont entretenus
14 avec ces femmes et ces enfants. Et il y a eu parmi les personnes avec
15 lesquelles ces personnels parlaient un homme qui avait survécu au massacre
16 -- on ne va pas entrer dans les détails, c'est quelqu'un qui a été dans une
17 fosse commune, qui a réussi à en sortir et à traverser le bois jusqu'à
18 Tuzla.
19 Tout cela a été consigné dans un rapport et traité de telle manière
20 dans le siège des Nations Unies à Zagreb. Les responsables des Nations
21 Unies étaient très préoccupés par cette situation, que cela allait finir
22 dans un tiroir tout simplement. Voilà --
23 Mais pour moi, c'était la preuve qu'il y a eu un massacre et qu'une
24 situation semblable menaçait de se répéter à Bihac. On parle ici du 25
25 juillet. Donc oui, on peut conclure que j'étais très frustré et que j'ai eu
26 des divergences avec eux.
27 Q. Bien. Vous avez consigné dans votre journal de bord que les Nations
28 Unies s'opposaient fermement à l'utilisation de force. Est-ce que vous
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1 pensiez que les Nations Unies n'allaient tout simplement pas vouloir
2 utiliser la force pour aider à la résolution de la crise de l'ex-
3 Yougoslavie ?
4 R. Ce n'était pas la mission des Nations Unies, je dois l'admettre. Ils
5 ont d'ailleurs déployé beaucoup d'efforts humanitaires qui ont permis à des
6 centaines de milliers de personnes de survivre, par exemple, à Sarajevo.
7 Mais ils n'avaient pas suffisamment d'effectifs, pas suffisamment de
8 ressources, pas suffisamment de casques bleus dans les zones en conflit --
9 et vous savez, il n'y avait pas d'Américains là-bas, et c'était une affaire
10 délicate à discuter pour un ambassadeur américain.
11 Mais les Nations Unies n'ont pas réussi à protéger les zones qu'ils
12 devaient protéger, ils ne voulaient pas autoriser l'OTAN à lancer des
13 frappes aériennes, alors que le Conseil de sécurité a donné son accord, en
14 demandant seulement qu'avant que cela n'ait lieu, les Nations Unies
15 devaient donner leur accord -- les Nations Unies cherchaient à rester
16 neutres, mais ça ne pouvait pas se faire. Ils ne pouvaient pas rester
17 neutres dans ce conflit. Les Nations Unies ont passé toute une série de
18 résolutions, beaucoup plus que dans n'importe quel autre conflit, et la
19 Serbie a été, dans chacune de ces résolutions, identifiée comme
20 l'agresseur.
21 Q. Bien. Votre conclusion a été que les Nations Unies n'allaient pas
22 utiliser la force pour empêcher la chute d'une autre zone protégée des
23 Nations Unies, n'est-ce pas ? Je me réfère à la poche de Bihac.
24 R. Oui, c'était la conclusion à laquelle je suis arrivé, que les forces
25 des Nations Unies se trouvant là-bas n'allaient pas défendre la poche parce
26 qu'à la limite les Néerlandais non plus n'ont pas défendu Srebrenica, et
27 les forces qui se trouvaient à Bihac étaient moins fortes. Ma conclusion a
28 été qu'ils n'allaient pas défendre la poche et qu'ils n'allaient pas non
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1 plus autoriser les frappes aériennes de l'OTAN qui pourraient sauver Bihac.
2 M. KEHOE : [interprétation] Bien. Peut-on verser ce passage du document
3 1D33-0068.
4 M. TIEGER : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le Greffier.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D406.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D406 est versée au dossier.
8 M. KEHOE : [interprétation]
9 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je vais maintenant passer aux événements
10 qui se sont passés quelques jours avant le début de l'opération Tempête. On
11 passe à votre journal de bord, où vous indiquez à un moment donné que les
12 négociations sont arrivées au point mort. Je vais maintenant vous faire
13 entendre l'enregistrement de la réunion avec le président Tudjman, 1D33-
14 0439. Il s'agit de la réunion à Brioni.
15 M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas sûr si j'ai pu entendre tout ce
16 qu'il y a sur cet enregistrement qu'on va écouter maintenant, il y a un
17 tout petit extrait qui pourrait être pertinent. Je laisserai ça au témoin,
18 je ne sais pas sur quel passage il pourrait faire des commentaires, peut-
19 être que le témoin aurait besoin de voir un peu plus, par exemple, les
20 transcripts de ces enregistrements de cette réunion, et nous aussi on
21 aimerait bien avoir la transcription intégrale de cette réunion.
22 M. KEHOE : [interprétation] Bien. Nous avons déjà donné
23 l'enregistrement entier au Procureur, mais nous n'allons pas maintenant
24 écouter l'intégralité de l'enregistrement.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous allez demander le
26 versement de l'intégralité de l'enregistrement ?
27 M. KEHOE : [interprétation] Non, juste des extraits.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la Chambre va l'écouter et
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1 voir si elle a besoin de plus de contexte.
2 M. KEHOE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, si vous avez quelques
4 suggestions s'agissant de la nécessité d'établir le contexte de manière
5 appropriée, vous pouvez vous adresser à la Chambre.
6 [Diffusion de la cassette audio]
7 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
8 "Galbraith : L'attaque contre la poche de Bihac a fait une nouvelle
9 pression sur les forces serbes. Mais comme vous le savez, nous sommes
10 toujours extrêmement préoccupés par le risque que la poursuite de ces
11 actions offensives par vos forces pourrait avoir des effets négatifs en
12 Croatie, au travers de la ligne de front. Nous sommes préoccupés par le
13 danger réel d'une réaction exagérée de la part des Serbes, puisque cela
14 risque de mettre les Serbes de Bosnie avec ceux de l'ex-Yougoslavie sur un
15 même front encore plus. Zuzul a minimisé les chances d'une intervention
16 directe de la part de la Yougoslavie, mais nous pensons que le danger en
17 est encore très, très grand, alors notre avis, c'est qu'il vous faudrait
18 être très attentif et essayer d'éviter l'escalade du conflit et examiner
19 les événements qui ont eu lieu ces derniers jours afin d'essayer de trouver
20 des nouvelles solutions.
21 Aujourd'hui, nous ne voyons pas beaucoup de choses nous indiquant que
22 les Serbes allaient respecter les accords passés, ils ne les ont d'ailleurs
23 pas respectés jusqu'à maintenant, il y a beaucoup de questions que vous
24 avez entamées avec eux, l'ouverture des chemins de fer, des routes, mais je
25 n'ai vraiment pas l'impression qu'ils ont envie de soutenir l'action de
26 cette organisation. Mais malgré tout cela, nous vous invitons à laisser les
27 portes ouvertes, à donner le temps aux Serbes et leurs dirigeants pour
28 négocier. En fonction de ce que vous direz au sujet de vos plans, Babic a
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1 envoyé un message par Akashi m'invitant à venir à Belgrade jeudi ou
2 vendredi -- je ne sais pas si je vais le faire ou pas, ça dépendra, entre
3 autres choses, de la manière dont vous voyez les choses."
4 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
5 M. KEHOE : [interprétation]
6 Q. Monsieur l'Ambassadeur, c'est juste un extrait de conversation. Nous
7 allons ensuite passer au passage où vous exprimez la position du
8 gouvernement des Etats-Unis au sujet de la volonté des Serbes de Krajina de
9 négocier à ce moment-là. Cela est-il exact ?
10 R. Je pense que cet enregistrement en dit suffisamment en lui-même. Mais
11 j'aimerais quand même qu'il soit clair que ce dont on parle ici est une
12 démarche venant de Washington, c'est-à-dire d'un document écrit dont je
13 parle et que je passe à Tudjman, mais cela ne reflète pas nécessairement
14 entièrement mes propres positions. Mes propres positions lors des
15 négociations la veille, je les ai clairement indiquées dans mon journal de
16 bord quand je dis que les négociations étaient arrivées au point mort.
17 Q. Bien, je comprends.
18 M. KEHOE : [interprétation] Maintenant, on va écouter l'extrait suivant.
19 C'est 1D33-0080.
20 [Diffusion de la cassette audio]
21 "Galbraith : Je vais maintenant répéter quelques choses que je vous
22 ai déjà dites auparavant, et je sais que la grande partie d'entre elles
23 reflète votre politique. Mais je ne ferais pas mon travail si je ne les
24 répétais pas maintenant. Tout d'abord, j'aimerais vous dire clairement que
25 nous sommes opposés à l'action militaire, et qu'on ne vous donne pas le feu
26 vert comme la presse semble l'indiquer --
27 Tudjman : Non, nous l'avons pas dit.
28 Galbraith : Bien. Je sais que vous ne l'avez pas dit, mais vous savez ce
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1 qui se passe autour et j'aimerais bien être clair. Deuxièmement, je sais
2 que vous n'avez pas besoin de notre conseil s'agissant des risques auxquels
3 vous vous exposerez. Vous allez décider vous-même, mais vous ne pouvez pas
4 vous attendre que nous allons venir vous aider si les choses ne se passent
5 pas de la manière que vous souhaitez. Je pense que vous me comprenez très
6 bien. Troisièmement, le traitement de la population serbe dans des zones
7 que vous souhaitez prendre est très important, et vous savez que la
8 Slavonie occidentale, la situation n'est pas parfaite, qu'il y a des
9 problèmes.
10 Tudjman : Oui, mais des problèmes mineurs.
11 Galbraith : Oui, la situation est relativement bonne, mais -- oui, vous
12 avez beaucoup de mérite, et je pense que cela a beaucoup contribué à
13 l'acceptation de la part de la communauté internationale de la politique
14 croate. Mais vous comprendrez dans ces circonstances, si nous faisons des
15 déclarations, que nous allons toujours mettre l'action sur les problèmes,
16 parce qu'il est impossible de les ignorer et nous allons toujours être
17 préoccupés par des problèmes -- par exemple, nous avons bien constaté que
18 cette situation-là est meilleure, par exemple, que ce qui s'est passé à
19 Medak.
20 C'est très évident, je sais que vous savez très bien que l'armée qui traite
21 bien les civils, c'est une armée qui sait mieux se battre. Je veux dire --
22 vous ne voulez pas avoir des meurtriers, des violeurs dans les rangs de
23 votre armée en Bosnie. Vous savez, ce n'est pas un critère si -- la manière
24 dont ils traitent les filles de 14 ans, s'ils ne les traitent pas bien,
25 vous savez que vous n'avez pas affaire avec une armée professionnelle.
26 Enfin, il est très important qu'il n'y ait pas de victimes parmi les
27 forces des Nations Unies. Vous savez que les Serbes ont mis des chars près
28 des postes d'observation des Nations Unies. Même si on tire depuis ces
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1 chars, il est d'une importance cruciale que vous ne ripostiez pas.
2 Tudjman : Oui, mais dans ce cas-là nos unités ne vont pas --
3 Galbraith : Non, je sais que vous avez déjà réfléchi sur ces questions,
4 mais permettez-moi de soulever le fait que nous vous invitons à ne pas le
5 faire, et vous avez vu déjà certains documents qui expriment notre position
6 sur la question.
7 Tudjman : Oui, j'ai compris.
8 Galbraith : Oui, je le sais."
9 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
10 M. KEHOE : [interprétation]
11 Q. Monsieur l'Ambassadeur, parlons-en un peu, s'il vous plaît, vous
12 parlez de la différence qu'il y a entre ce qui s'était passé pendant
13 l'opération Eclair et la poche de Medak. Si j'ai bien compris, vous, vous
14 avez dit que ce qui s'était passé en Slavonie occidentale a été reconnu par
15 la communauté internationale. Dites-nous ce qui s'était vraiment passé par
16 là, très exactement ?
17 R. En Slavonie occidentale, une partie de la population était restée là
18 bas, sous protection. Nous avons pu coopérer avec la Croatie pour pouvoir
19 convaincre ces gens-là qu'ils avaient pu compter sur un avenir à eux après
20 l'opération Eclair. Il y avait également certains aspects d'opération dans
21 la Slavonie occidentale où les droits de l'homme ont été violés. Je pense
22 par là que nous avons été devenus conscients, pour certains, aux yeux de
23 certains, et peut-être que j'avais exagéré un petit peu lorsque j'ai dit
24 que l'opération en Slavonie occidentale a mérité une assez importante
25 compréhension et reconnaissance. Je veux dire que 13 années après cela je
26 crois que j'avais un petit peu exagéré.
27 Mais en Slavonie occidentale, 3 000 personnes environ sont restées
28 dans leurs foyers. Il n'y a pas eu de feu mis dans ces maisons, il n'y a
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1 pas eu de pillages non plus, lesquelles choses se sont produites plus tard
2 en Krajina. Ce que je voulais dire, en fait, moi, c'est que j'ai voulu
3 obtenir à ce que la Croatie respecte les droits des civils. Je l'ai dit
4 clairement à l'intention de Tudjman, lors de nos autres rencontres plus
5 tard. Ceci était la raison pour laquelle lui avait des réunions avec -- je
6 suppose que pour cette raison-là nous nous sommes rencontrés avec lui à
7 Brioni.
8 Toutes nos conversations avec lui étaient enregistrées et tout ce que j'ai
9 dit là-dessus, je l'ai dit également à cette occasion-là à laquelle vous
10 faites référence.
11 Q. Penchons-nous maintenant sur un autre document, 65 ter 3132. Il s'agit
12 d'un document, Monsieur l'Ambassadeur, que vous n'avez pas dans votre
13 livre. Il s'agit d'un document qui, évidemment, a été confectionné un jour
14 après votre rencontre.
15 Il s'agit, Monsieur l'Ambassadeur, d'une rencontre qui a eu lieu au
16 ministère de la Défense. Penchons-nous sur la page 3 de ce document -- ou
17 plutôt, reportez-vous sur ce document. Familiarisez-vous avec ce document.
18 Il s'agit d'une réunion présidée par le ministre Susak, à laquelle réunion
19 il y avait plusieurs officiers de l'armée croate. Nous avons, par exemple,
20 sous le numéro 25, on parle du nom d'Ante Gotovina, général de brigade.
21 Si nous revenons à la page 3 de ce document, on verra bien que vers le
22 milieu du document, le ministre Susak fait mention de la police militaire
23 qui "devrait s'avérer davantage énergique dans ses actions pour prévenir
24 toute action pénale et répréhensible. Les chefs de ZP de toutes les régions
25 devraient faire passer à toutes les personnes l'interdiction de tout
26 comportement sans contrôle, à savoir pillage, la mise de feu dans des
27 maisons, et cetera, et cetera. Nous devons tout simplement prévenir que des
28 héros de notre patrie soient traduits en justice. Il s'agit évidemment de
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1 procéder d'un point de vue idéologique politique à ce que ceux qui
2 travaillent dans ces domaines puissent bien traiter les membres de l'armée
3 croate.
4 "Evidemment, la bénédiction a été donnée à cette fin, mais voilà que
5 rien ne devrait se passer à l'encontre de la FORPRONU."
6 Je voudrais vous présenter un autre document, à savoir D201. Je crois
7 qu'il était déjà versé au dossier. Il s'agit d'une partie d'un fragment
8 d'un ordre d'attaque émis par le général Gotovina. Penchez-vous sur la page
9 6 -- ou plutôt, le point 6, page 2. Pouvons-nous obtenir un agrandissement
10 des points 6 et 8, s'il vous plaît.
11 Comme je peux le noter moi-même, ce document-là a été émis un jour
12 après votre rencontre, Monsieur le Président. Il est dit que : "Il faut
13 éliminer tout élément négatif qui pourrait s'en suivre lors des opérations
14 de combat, l'accent mis sur la nécessité de prévenir tout pillage, toute
15 dévastation d'importantes habitations et de villes."
16 "8. Il faut informer les membres des unités en matière de
17 comportement à l'égard des civils, notamment à la lumière de ce qui se
18 passe comme étant contraire aux conventions de Genève."
19 Ayant vu ces deux documents, je voudrais vous poser la question
20 suivante : est-ce bien là une réaction à laquelle vous attendiez, vous, de
21 la part des autorités croates lorsqu'il s'agit de la démarche prise par
22 vous et laquelle chose était présentée par vous auprès du président Tudjman
23 le 1er octobre ou le 1er août ?
24 R. Oui. Malheureusement, ceci n'a pas eu lieu à cet effet-là.
25 Q. Oui, mais ce n'est pas là un ordre pour lequel vous avez cru que
26 ceci devait être passé par le général Gotovina vers les échelons
27 subalternes ?
28 R. Oui.
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1 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions que ce
2 document également soit versé au dossier -- ou plutôt, nous présentons les
3 enregistrements audio; 1D33-0439 et 1D33-0080, au titre de l'article 65
4 ter, et c'est le document 3135.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, avez-vous des
6 objections ?
7 M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit de 3132.
8 M. TIEGER : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à soulever
9 au sujet de ces documents, Monsieur le Président, mais on devrait prendre
10 des réserves qu'il pourrait y avoir des fragments d'enregistrement qui
11 devraient être accompagnés.
12 Mais nous n'avons pas d'objection à soulever à cet égard.
13 Non plus qu'à l'égard des autres documents.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ces transcripts ont été
15 également mis dans le prétoire électronique ?
16 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai lu plutôt que de les voir --
18 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ceci a été fait.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Greffier d'audience peut obtenir les
20 cotes ?
21 M. KEHOE : [interprétation] Ce serait bon peut-être d'avoir ensemble
22 ces deux documents.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, Monsieur le
24 Greffier d'audience, il s'agit de deux enregistrements audio.
25 M. KEHOE : [interprétation] Pourrait-on les séparer ?
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit du
28 document 1D33-00349 [comme interprété] qui devient la pièce à conviction
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1 D407.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ainsi admise et versée au dossier.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce à conviction D408 ensuite.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admise et versée au dossier.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Au titre de 65 ter, il s'agit du
6 document 03132 qui devient la pièce à conviction D409.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, la cote que vous venez de
8 mentionner tout à l'heure n'est pas exactement la même mentionnée par M.
9 Kehoe, à moins qu'il y ait une erreur qui s'est glissée dans le compte
10 rendu d'audience.
11 M. KEHOE : [interprétation] J'ai, moi, commis une erreur. Je crois
12 que la mention faite au titre de 65 ter porte sur la pièce à conviction de
13 3132.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 3132, très bien, ceci a été
15 corrigé. Mais voilà que ceci était une omission de ma part. J'ai laissé
16 passer.
17 Y a-t-il, Monsieur Tieger, d'objections soulevées par vous ?
18 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce à conviction D409 a été admise
20 et versée au dossier.
21 Poursuivez, Maître.
22 M. KEHOE : [interprétation]
23 Q. Dans d'autres contextes, et maintenant c'est une référence que je fais
24 au compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic, page 23 169, dans
25 d'autres contextes, disais-je, vous avez mentionné, soit dans la ligne 18 à
26 20, qu'il y avait une organisation intitulée comme MPRI. Je sais que vous
27 êtes familiarisé avec tout cela. Il s'agit d'un organisme qui était engagé
28 à entraîner les forces armées croates, n'est-ce pas ?
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1 R. MPRI dispensait une certaine formation à l'intention des forces armées
2 croates. Mais il ne s'agissait pas d'un entraînement ou d'une instruction
3 militaire dans le sens de l'instruction de combat. Il s'agit de dire plutôt
4 qu'eux, ils devaient respecter l'embargo mis sur l'armement.
5 Q. Est-ce que, comme vous l'avez dit dans l'affaire Milosevic, il
6 s'agissait de parler évidemment d'instructions données, dispensées en
7 matière du respect des droits de l'homme ?
8 R. Oui.
9 Q. Allons de l'avant, toujours lors de vos conversations avec le président
10 Tudjman, vous avez pu dire aussi qu'outre la protection des civils, vous
11 avez requis que rien ne devait se passer à l'encontre du personnel de l'ONU
12 ?
13 R. Oui, ceci était fort important.
14 Q. Ayant cela en vue, et conformément à cela, rien ne s'était produit.
15 Sauf certains accidents, incidents, mais il n'y a pas eu vraiment
16 d'attaques à l'encontre des entités ou des facilités, des installations de
17 l'ONU ?
18 R. Non. Il n'y en avait pas. Un sergent danois a été tué non loin de
19 Petrinja, chose étant perpétrée par des Serbes. Mais je ne dispose pas de
20 détails là-dessus.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, une seconde s'il vous
22 plaît. Je ne vois pas d'inconvénient de vous entendre dire quelque chose
23 sur MPRI. C'est un organisme qui venait d'où ?
24 Peut-être que vous auriez pu poser la question au témoin. La Chambre de
25 première instance ne comprend pas très bien tout cela.
26 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
27 Q. Est-ce que vous pouvez élaborer cela --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'où venaient-ils ces gens là, de cet
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1 organisme MPRI, envoyés par qui ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que ceci nécessite une explication
3 davantage détaillée. Il s'agit d'un organisme américain privé qui consiste
4 en anciens officiers américains et d'autres personnes qui sont prêts à
5 dispenser une instruction donnée à des militaires, à des membres de pays
6 tiers. Pourquoi leur force était organisée pour se voir habiliter,
7 autoriser par le "state department," le ministère des Affaires étrangères
8 des Etats-Unis d'Amérique, mais il s'est agi plutôt d'un accord passé entre
9 la Croatie et cet organisme qui a son siège à Virginie, en Alexandrie.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Allez-y.
11 M. KEHOE : [interprétation]
12 Q. Monsieur, votre requête est, en fait -- il a fallu attendre à une
13 lumière verte, rouge ou jaune. Un feu n'a pas été donné. Personne n'a donné
14 le feu vert pour qu'il y ait une attaque contre la Krajina ou bien s'il
15 fallait mettre un terme à une telle attaque contre la Krajina, n'est-ce
16 pas ? Est-ce que c'est exact ?
17 R. Les Juges de la Chambre de première instance ont pu exactement entendre
18 ce que j'ai dit au président Tudjman, c'est-à-dire il s'agissait des
19 éléments-clés au sujet de ces instructions. Je ne suis pas tout à fait sûr
20 pour ma part que lorsqu'on parle de feu donné, que ceci aurait pu être
21 d'utilité. Nous n'avons certainement pas dit, ne le faites pas. Nous ne
22 leur avons pas dit non plus ne le faites pas, ou faites-le comme ceci ou
23 comme cela.
24 Q. Allons maintenant vers le document au titre de 65 ter 5230, il s'agit
25 de votre interview avec M. Goldman.
26 Je demande la page 8, s'il vous plaît. Vers le bas de la page, nous voyons
27 qu'une question vous a été posée comme quoi : "Est-ce que vous
28 considèreriez vous un feu jaune, donné comme un précédent ?"
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1 L'interlocuteur, M. Engel, disait qu'il "n'y avait pas de précédent."
2 Et vous, quant à vous, vous dites : "Il n'y avait pas de feu, mais à mes
3 yeux, l'absence de feu n'aurait été autre chose que feu vert."
4 R. Oui, les Croates sont allés de l'avant.
5 Q. Est-ce que sur la base de ces conversations ils avaient compris que
6 même s'ils devaient aller de l'avant, qu'ils ne devaient pas se voir
7 sanctionnés, au moins si on respecte ce que vous avez dit à M. Tudjman le
8 1er août ?
9 R. Oui, je crois qu'ils l'ont compris ainsi, et c'est ce que nous aurons
10 voulu obtenir comme étant la compréhension de leur part.
11 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Président, offrir
12 cette pièce à conviction pour la verser au dossier au titre de 65 ter 5230.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
14 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour l'ensemble du document ?
16 M. KEHOE : [interprétation] Pour l'ensemble du document, au titre de 65
17 ter, ce document nous met exactement dans le contexte du cœur du problème.
18 Je crois qu'il n'y a aucune difficulté là-dessus. Il n'y a que 14 pages en
19 tout.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Savons-nous qui sont ces gens-là
21 qui répondent aux noms d'Engel et Goldman ?
22 M. KEHOE : [interprétation] Je peux poser des questions là-dessus.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit bien d'une interview. Nous la
24 voyons, mais cette partie --
25 En effet, je ne vois pas d'inconvénient si une partie est censée savoir qui
26 étaient M. Engel et Goldman. Mais peut-être M. Galbraith pourrait nous en
27 parler sans être pris de court lorsque de telles informations nous ont été
28 données.
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1 M. KEHOE : [interprétation] Oui, certainement.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de gens qui étaient du "state
3 department," du ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis
4 d'Amérique.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait tout un projet qui permettrait de
7 faire l'historique de ce qui s'était passé jusqu'aux événements de Dayton.
8 Il s'agissait d'abord de documents classés comme hautement confidentiels.
9 Il s'agit de gens qui avaient un contrat avec le ministère des Affaires
10 étrangères des Etats-Unis d'Amérique.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Cela me semble être clair.
12 Procédez. Mais nous voulons savoir s'il n'y a pas d'objections du
13 Procureur. Monsieur le Greffier d'audience…
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction D410,
15 Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D410 est admise et versée au dossier.
17 Monsieur Kehoe, procédez.
18 M. KEHOE : [interprétation]
19 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous saviez qu'après votre conversation avec le
20 président Tudjman en date du 3 août, l'armée croate allait lancer une
21 attaque ?
22 R. Oui, je le savais.
23 Q. Vous avez mentionné également dans le cadre du paragraphe 30 de votre
24 déclaration, parlant du président Tudjman, vous dites que généralement il
25 était précautionneux lorsqu'il s'agissait évidemment de procéder à la
26 force, d'utiliser la force, il était prudent. Vous dites dans le paragraphe
27 63, vers le milieu de ce paragraphe, lorsque vous parliez de votre
28 conversation avec le président Tudjman, après une discussion menée avec
Page 5041
1 Babic, vous avez dit : "Tudjman était prudent. Plutôt, il tergiversait
2 lorsqu'il fallait utiliser la force et notamment, avant l'opération
3 Tempête, il voulait voir tous ses conseillers pour reconsidérer la décision
4 prise en vue de la guerre. Il s'agissait là, évidemment, de cette
5 précaution qui était la sienne."
6 Parlez-moi de cela, dans ce contexte-là, Monsieur l'Ambassadeur.
7 R. Tudjman a connu, il a vécu la Seconde Guerre mondiale. Lui savait bien
8 ce que c'était que la guerre, comment cela se présentait. C'était quelqu'un
9 qui tenait au cœur l'intérêt pour aider la Croatie, tel qu'il entendait.
10 Voilà que je distingue là lui et Milosevic, le second ayant ses propres
11 intérêts à lui. Je pense que la décision prise en faveur d'une option de
12 guerre aurait dû être quelque chose qui devait être bien pesé par lui-même
13 et par son gouvernement. Je crois que parmi les officiels en Croatie, il
14 n'y avait pas des gens qui devaient prendre les armes aussi aisément. Je
15 dis, parlant des précautions de Tudjman, que des choses similaires
16 apparaissaient en novembre 1994, lorsque Granic et Susak voulaient savoir,
17 parlant à moi, l'attitude de l'Amérique au cas où la Croatie lançait une
18 action militaire à travers la Krajina pour lever le siège de Bihac. J'ai
19 dit que des instructions nous ont été données comme quoi nous nous y
20 opposions fermement. Et lorsque je leur ai fait part de cette réponse-là,
21 Tudjman m'a dit : Je suis d'accord avec vous, et en présence de Granic et
22 de Susak, et je pense pour ma part que ceci ne faisait que refléter cette
23 prudence qui était la sienne. Or, ce qui s'était passé juste avant
24 l'opération Tempête et pendant les évolutions, il voulait être sûr de ne
25 pas voir la Croatie isolée par la communauté internationale. La Croatie ne
26 devait pas être condamnée non plus que sanctionnée. Mais il y avait une
27 bonne stratégie qui était la sienne, il voulait peser le pour et le contre
28 de toutes les conséquences qu'il encourait et peut-être diminuer à un point
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1 maximal tous les risques qu'il encourait.
2 Q. Je sais pour ma part que vous ignoriez -- je sais que vous vous êtes
3 familiarisé avec certains documents issus du ministère de la Défense en
4 date du 2 août, qui émanent du général Gotovina -- excusez-moi. Mais est-ce
5 que ceci reflétait également cette prudence, à savoir que l'ordre devait
6 être passé vers les échelons subalternes pour que tout le monde soit au
7 courant ?
8 R. Oui, je le pense.
9 Q. Je voudrais maintenant vous poser d'autres questions, c'est-à-dire vous
10 renvoyer au paragraphe 59 de votre déclaration, Monsieur l'Ambassadeur.
11 Vous dites dans la toute première phrase : "J'avais l'impression que dans
12 l'étape initiale de l'opération, dans une certaine mesure le droit
13 international était respecté, ce qui s'était traduit aussi par le fait que
14 des gens ont été emmenés dans des camps où pour autant que je sache ils
15 n'ont pas subi de mauvais traitements. Les Serbes qui ont été confinés dans
16 ces camps ont critiqué les pilonnages dont ils étaient les victimes, mais
17 cela prouve également qu'ils avaient la liberté d'en parler. La destruction
18 systématique des foyers des Serbes, meurtres de personnes, et cetera, se
19 sont rendus intensifs pendant les semaines qui ont suivi l'opération
20 Tempête."
21 Dans le paragraphe 43, vous parlez de pilonnage contre Knin -- je ne me
22 propose pas de vous donner lecture de l'ensemble de ce paragraphe, mais
23 vous parlez dans le cadre du paragraphe 43 du pilonnage contre Knin, et
24 vous dites que c'est un pilonnage qui allait hors contrôle.
25 Dites-moi, est-ce que vous avez conclu que l'attaque sous forme de
26 l'opération Tempête était conforme en quelque sorte au droit international
27 humanitaire ? Oui ou non ?
28 R. Pour ma part, je pense qu'il n'y a pas eu de violations majeures
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1 du droit international humanitaire au cours de ces trois premières journées
2 de l'opération.
3 Q. Il s'agit d'une opération qui était conduite sous les ordres du général
4 Gotovina. Vous n'êtes pas sans le savoir, n'est-ce pas ?
5 R. Permettez-moi tout de même de m'en tenir à la déclaration faite par
6 moi.
7 En ce moment, après le temps qui s'est écoulé, je ne voudrais pas me
8 trouver dans une situation où je devrais imputer des connaissances dont je
9 disposais à ce moment-là, qui commandait quoi dans telle ou telle
10 opération. La principale idée, c'est que j'ai pu avoir des contacts avec le
11 général Gotovina [comme interprété] ou M. Susak. Je ne voulais pas parler
12 de ce que le général Gotovina a fait ceci ou cela à un moment donné.
13 Q. Je comprends. Maintenons-nous maintenant à ce que nous avons dit au
14 sujet du point 44, vous avez dit quelque chose au sujet du colonel Leslie.
15 Vous avez dit : "Je comprends que mes observations permettaient d'avoir
16 certains doutes que j'ai pu faire mettre au sujet de ces observations à
17 cette époque-là. De même, je me souviens que j'ai tenté de porter à la
18 connaissance du colonel Leslie que l'opération était imminente."
19 Dites-moi un peu comment vous voyez que la conscience qui était la
20 vôtre des choses a été ignorée ?
21 R. Pour autant que je m'en souvienne - le tout pour l'ONU devait être basé
22 sur ce que disait le colonel Leslie - il y a eu un pilonnage non sélectif
23 de Knin. Mais pour parler du personnel de l'ONU, y compris le colonel
24 Leslie -- en temps général était dans tout ce qui était les relations entre
25 le gouvernement croate et l'ONU. Pour ce qui est de Knin, nous n'avons pas
26 pu avoir accès avant la chute de Krajina. Personnellement, après
27 l'opération Tempête, je me suis rendu dans la région de Krajina. Des gens
28 de l'ambassade s'y sont rendus, y compris l'attaché de la Défense qui lui
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1 se déplaçait de son bureau. Toute une équipe de gens s'y trouvait, il y
2 avait des gens qui venaient de sections politiques, militaires,
3 humanitaires.
4 Je voulais tout simplement couvrir tout cela pour pouvoir aboutir à
5 une conclusion.
6 Q. S'il vous plaît, dites-nous, que signifie cette abréviation DART ?
7 R. Il s'agit de l'une des opérations humanitaires majeures dans l'ancienne
8 Yougoslavie.
9 En tout cas, il y avait là des gens en date des 7 et 9 août qui
10 souhaitaient voir ce qui s'était passé à Knin, tous m'ont fait des rapports
11 là-dessus pour dire que les dommages subis lors des pillages n'étaient pas
12 trop importants, en fait, les bâtiments n'ont pas été endommagés, il y a eu
13 évidemment des vitres qui ont éclatés, mais c'était tout, il n'y avait pas
14 un effort systématique pour détruire la ville de Knin. Je voudrais faire
15 une distinction entre le pilonnage de Knin et d'autres pilonnages qui ont
16 eu lieu au temps de la guerre, par exemple, à Vukovar ou à Sarajevo, cela
17 ne s'est pas produit lors d'une opération militaire lorsqu'il a fallu
18 prendre possession de tel ou tel objectif spécifique militaire. Il ne
19 s'agissait pas de parler de détruire comme c'était le cas de Vukovar avant
20 de prendre la ville. Il ne s'agissait pas de pilonnage de cet ordre-là. Il
21 ne s'agissait pas non plus de pilonnage qui aurait pu être susceptible de
22 porter dommages comme à Dubrovnik, ce qui s'était passé en 1991. J'en étais
23 un témoin oculaire, parce que je m'y suis rendu quelques jours plus tard.
24 Sur la base de telles observations qui étaient celles des gens de
25 l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique, il s'agissait d'observations de
26 trois de nos employés qui couvraient trois différentes fonctions, y compris
27 un militaire, qui eux étaient bien versés dans tout ce qui s'était passé à
28 cette occasion-là -- lors de la guerre, qu'ils ont pu suivre pendant
Page 5045
1 plusieurs années. Leur expertise et les observations faites par moi-même,
2 ce dont j'ai pu me rendre compte plus tard lorsque je me suis rendu à Knin,
3 m'ont permis de faire preuve de doutes lorsqu'il s'agissait de parler de
4 pilonnage en masse, ce dont parlait le colonel Leslie lorsqu'il parlait de
5 l'opération Tempête.
6 Q. Il y a une dépêche là aussi que vous avez mentionnée. Je voudrais
7 mettre tout ça dans le contexte.
8 M. KEHOE : [interprétation] Pièce à conviction D66.
9 Q. Probablement pas mal de temps s'est écoulé depuis que vous avez vu ce
10 document pour une première fois, Monsieur l'Ambassadeur. Il s'agit d'un
11 télégramme daté du 14 août. Dans un tout premier fragment, nous lisons :
12 "Parmi les Serbes avec lesquels nous nous sommes entretenus, aucun ne s'est
13 plaint de ce qu'ils ont subi de mauvais traitements de la part des
14 autorités croates, les Croates ont voulu parler de la nécessité qu'il y
15 avait à observer la défense et la protection des Serbes et de leurs
16 propriétés."
17 Ensuite on parle du centre de Knin : "Même si Knin a été durement
18 pilonnée pendant les toutes premières heures des hostilités, peu nombreux
19 sont les bâtiments ou les installations qui permettent de voir d'importants
20 endommagements par des obus."
21 Deux pages plus loin, s'il vous plaît, nous pouvons voir :
22 "Les conditions qui prévalaient dans les camps sous contrôle du
23 gouvernement croate ont été améliorées à l'intention des 250 Serbes qui se
24 trouvaient dans un gymnase. Ils étaient en liberté, se trouvaient en
25 sécurité, ils avaient un toit au-dessus de leur tête, ils avaient des
26 matelas, trois repas par jour et suffisamment d'eau."
27 Voici les informations que vous avez pu recueillir auprès de vos employés,
28 n'est-ce pas ?
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1 R. Oui. Il s'agit là de l'une de ces trois équipes qui s'y sont rendues,
2 et il y avait en fait trois dépêches que nous en avons reçues. Une dépêche
3 du département de la Défense, une autre dépêche de la part de la section
4 DART, équipe politique, et tous ont pu aboutir aux mêmes conclusions, de
5 même en était-il pour les autres observations.
6 Q. Monsieur l'Ambassadeur, revenons à la pièce à conviction P451, il
7 s'agit de la conférence de presse que vous avez présidée vous-même, de
8 concert avec le secrétaire, en date du 30 septembre 1995. Je crois que ceci
9 fait partie de votre livre, Monsieur l'Ambassadeur.
10 En haut, vous voyez le numéro 244. Et le numéro est 0609773. Il
11 s'agit d'une conférence de presse du 30 septembre.
12 M. KEHOE : [interprétation] L'ERN est 06069735.
13 Q. Il s'agit d'une conférence de presse que vous avez donnée avec le
14 secrétaire Shattuck le 30 septembre. Passons à la deuxième page.
15 En haut de la page -- il s'agit d'une conférence de presse que vous
16 avez donnée au sujet des problèmes qui avaient lieu en Krajina, et vous
17 dites : "Tout d'abord, nous recevons régulièrement des rapports au sujet de
18 violations importantes des droits de l'homme qui ont eu lieu dans la région
19 de Krajina après l'action militaire menée par la Croatie début août. Y sont
20 compris les meurtre de civils serbes, surtout des personnes âgées, et puis
21 le ZNG est entré, et les Serbes sont battus et maltraités, et les maisons
22 serbes et leurs biens sont mis à feu et pillés."
23 R. Je veux juste préciser que ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais le
24 secrétaire Shattuck.
25 Q. Oui. Passons maintenant à ce que vous avez dit dans le paragraphe 59 :
26 "Les destructions systématiques des maisons serbes et le meurtre, et ainsi
27 de suite, avec le temps, tout cela s'est intensifié les quelques semaines
28 après l'opération Tempête."
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1 A votre avis, Monsieur l'Ambassadeur, l'opération initiale de conquérir la
2 Krajina, d'après ce que vous avez dit, était conforme au droit humanitaire,
3 mais tout ce qui s'est passé par la suite s'est passé après l'arrivée du
4 ZNG, n'est-ce pas ?
5 R. J'ai dit qu'il n'y avait pas d'importantes violations du droit
6 humanitaire international lors des phases initiales de l'opération Tempête.
7 Ensuite, il y a eu des cas de graves violations du droit humanitaire
8 international, y compris destruction systématique des maisons serbes, et
9 des cas de pillages et meurtres.
10 Q. S'agissant de ces personnes qui faisaient cela, est-ce que vous saviez
11 à quelle unité ces personnes appartenaient ou quoi que ce soit d'autre ?
12 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que l'on fait référence
13 maintenant à quelqu'un ou à certaines entités dont on n'a pas parlé
14 précédemment ?
15 M. KEHOE : [interprétation] Je vais reformuler ma question.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez le faire.
17 M. KEHOE : [interprétation]
18 Q. Est-ce que vous saviez à quelles unités appartenaient ces personnes qui
19 ont commis ces actes ?
20 R. Je ne le sais pas, à mon avis je considérais le président Tudjman et
21 les responsables croates responsables d'avoir soit permis ces activités, ce
22 que je pensais avoir pu être empêchées, ou d'avoir ordonné même ces
23 actions. Mais je ne pourrais certainement pas aujourd'hui vous dire quelles
24 unités croates en étaient responsables, ou qui, qui relevait des ordres du
25 président Tudjman ou de son ministre de la défense, en était responsable.
26 Q. S'agissant de ces personnes, qui auraient été membres de la HV ou pas,
27 est-ce que vous savez s'il y avait des efforts faits au sein de la
28 République de Croatie pour essayer de placer ces gens sous un contrôle, par
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1 exemple de démobiliser les 70 000 soldats ?
2 R. Les soldats ont été mobilisés en peu de temps relativement lors de la
3 préparation de l'opération Tempête, et une fois que l'opération Tempête a
4 été finie, on parle maintenant d'un petit pays, bien sûr que les soldats
5 devaient être démobilisés, mais cela ne me montrait pas la volonté de
6 vouloir empêcher le pillage en Krajina.
7 Q. Est-ce que vous savez si la République de Croatie a essayé de placer
8 ces gens sous un certain contrôle ?
9 R. Je pense qu'ils n'ont pas fait suffisamment de choses pour contrôler la
10 situation, et je pense qu'en fait le leadership croate était plutôt content
11 que les maisons serbes et leurs biens aient été détruits.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Galbraith, la question était de
13 savoir si vous saviez qu'il y avait des efforts. Dans votre réponse, vous
14 avez présenté vos suppositions et vous avez répété ce que vous avez dit
15 tout à l'heure, mais Me Kehoe voulait apprendre quelles étaient vos propres
16 connaissances.
17 Vous avez pu remarquer que Me Kehoe ne dispose pas d'un temps
18 illimité. Je vous prie d'écouter attentivement ses questions et d'y
19 répondre de manière aussi concise que possible, si vous savez si des
20 mesures concrètes avaient été prises.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si des mesures concrètes
22 avaient été prises.
23 M. KEHOE : [interprétation]
24 Q. Pour revenir à ma question portant sur la démobilisation, cette
25 mobilisation massive avant l'opération Tempête et ensuite la démobilisation
26 qui a eu lieu, tout cela concernait des soldats qui n'étaient pas des
27 soldats de métier, n'est-ce pas ?
28 R. Oui, c'est exact.
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1 Q. Passons maintenant à un autre sujet -- je vais revenir maintenant à ce
2 contre quoi Martic était contre, à savoir la réintégration pacifique.
3 J'aimerais maintenant attirer votre attention sur une entrée dans votre
4 journal de bord, je parle du 15 juin, en bas de la page, c'est à la page
5 14.
6 Est-ce que vous le voyez, Monsieur l'Ambassadeur ? "Si la Croatie reprenait
7 le territoire."
8 R. Oui.
9 Q. "Si la Croatie reprenait le territoire, les Serbes de Krajina
10 partiraient."
11 Ensuite plus loin, passant maintenant à la date du 2 août, vous faite état
12 de vos conversations avec M. Babic, et à la page 30 de votre journal de
13 bord, vous parlez de l'attaque menée --
14 R. Oui, je vous suis.
15 Q. Vous avez dit à Babic que si cela allait se passer, les gens allaient
16 s'enfuir. Et le problème est que lors de la guerre les gens quittent le
17 territoire.
18 Et en dernier lieu, j'aimerais passer maintenant à la séquence vidéo 1D33-
19 0088 -- en fait, il s'agit d'un enregistrement audio. Excusez-moi.
20 J'aimerais que l'on écoute cet extrait, et ensuite je vous poserai
21 plusieurs questions.
22 [Diffusion de la cassette audio]
23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
24 "…j'ai dit que cela serait une grande tragédie parce qu'un grand nombre de
25 Serbes partiraient, probablement la plupart. Et bien sûr, il y aurait des
26 milliers de morts des deux côtés."
27 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
28 M. KEHOE : [interprétation]
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1 Q. Bien sûr, il s'agit d'un extrait très court -- vous avez, à cette
2 époque-là, conclu que toute action militaire aurait pour conséquence que
3 Martic et les Serbes de Krajina partiraient de cette région, n'est-ce pas ?
4 R. Oui. J'ai conclu que les Serbes de Krajina partiraient.
5 Q. Quel était votre fondement pour donner une telle réponse ?
6 R. Je me suis basé sur le fait que la plupart des Serbes de Slavonie
7 occidentale, la plupart de ces Serbes sont partis après l'opération Eclair;
8 je l'ai également basée sur la crainte bien fondée comment pourrait être
9 cette action militaire croate; en me fondant sur l'expérience de la poche
10 de Medak; j'ai également tenu compte de l'attitude de Tudjman vis-à-vis des
11 Serbes; et surtout, j'ai tenu compte de la propagande anti-croate, et
12 c'était une propagande très véhémente de la part des dirigeants serbes, qui
13 disaient que la Croatie de Tudjman était exactement la Croatie telle
14 qu'elle existait lors de la Deuxième Guerre mondiale.
15 Q. S'agissant de l'opération Eclair, vous avez dit que les Croates se sont
16 bien comportés lors de cette opération et qu'il y avait même un certain
17 nombre de Serbes qui sont restés dans la région après l'opération, et
18 qu'après ces Serbes-là ont par la suite néanmoins décidé de partir quand
19 même.
20 R. Parlant des 3 000 qui ont pris la décision de rester, je pense qu'en
21 fait ils y sont restés.
22 Q. Le jour où l'opération Tempête a commencé -- revenons un peu en
23 arrière.
24 Passons au paragraphe 81.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, l'enregistrement audio que
26 nous venons d'entendre, est-ce que vous demandez son versement au dossier ?
27 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un enregistrement audio,
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1 mais à l'écran j'ai vu trois noms, et je ne sais pas ce que c'était.
2 M. KEHOE : [interprétation] La seule personne qui a pris la parole lors de
3 cet enregistrement était M. l'Ambassadeur.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bon de le savoir.
5 Dans quel contexte cet enregistrement a été fait ?
6 M. KEHOE : [interprétation] Il a été fait le 3 août 1995. C'était la
7 dernière rencontre de l'ambassadeur avec le président Tudjman avant
8 l'opération Tempête.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant je le comprends.
10 Monsieur Tieger.
11 M. TIEGER : [interprétation] A moins que j'aie mal compris quelque chose,
12 le compte rendu de cet enregistrement a été versé au dossier.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela fait partie des
14 transcripts de ces rencontres ?
15 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez maintenant présenté
17 quelque chose qui n'est pas déjà consigné dans ces transcripts ?
18 M. KEHOE : [interprétation] Il faudrait que je le vérifie.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut vérifier pour savoir si cela a
20 déjà été versé au dossier ou pas.
21 M. KEHOE : [interprétation] Il faudra que je le vérifie.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour l'instant, nous n'allons pas le
23 verser au dossier. Nous allons attendre de savoir ce que vous allez dire.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'avais pas vu que vous vouliez
26 prendre la parole, Monsieur l'Ambassadeur. Il y a tant de personnes dans le
27 prétoire.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Holbrooke a été mentionné à l'écran lorsque
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1 nous avons écouté l'enregistrement, mais je ne sais pas pourquoi son nom a
2 été mentionné puisqu'il n'était pas présent lors de cette réunion.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous prie, Maître Kehoe, de
4 bien vouloir vérifier de quoi il s'agit avant de demander son versement au
5 dossier.
6 M. KEHOE : [interprétation] Oui. C'est une erreur s'agissant de M.
7 Holbrooke.
8 Q. Merci de me l'avoir signalé, Monsieur l'Ambassadeur.
9 Monsieur l'Ambassadeur, s'agissant de la Slavonie occidentale, un certain
10 pourcentage des Serbes est parti même si, d'après ce que vous avez dit, le
11 HVO s'est comporté d'une manière honorable, n'est-ce pas ?
12 R. Indépendamment de votre manière de présenter leur comportement, il y
13 avait 3 000 -- comme je l'ai déjà dit, il y avait 3 000 sur environ 13 000
14 personnes en Slavonie occidentale qui sont restées. Les 10 000 qui sont
15 partis, je pense qu'ils sont partis avant que les Croates n'aient pris le
16 contrôle de ce territoire, parce qu'ils avaient peur de ce qui pouvait se
17 passer. Et un certain nombre d'entre eux sont partis après l'arrivée des
18 Croates. Mais un grand nombre d'entre eux avaient peur de ce que les
19 Croates pourraient faire et ils sont partis même avant.
20 Q. Mais un certain nombre d'entre eux sont même restés, n'est-ce pas ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Passons maintenant au paragraphe 81. Dans la première phrase, vous
23 dites : "Je pense que Tudjman n'envisageait pas d'expulser tous les Serbes
24 de Croatie."
25 Le voyez-vous ?
26 R. Oui.
27 Q. Vous avez dit que lorsque vous vous êtes entretenu avec le président
28 Tudjman vous ne lui avez pas donné le feu vert, ni le feu jaune, ni le feu
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1 rouge. Vous lui avez tout simplement transmis quelles étaient vos
2 préoccupations. Le fait est, Monsieur l'Ambassadeur, que si vous pensiez
3 que le président Tudjman allait ordonner l'opération Tempête afin
4 d'expulser tous les Serbes de Krajina, vous lui auriez donné le feu rouge
5 comme vous l'aviez déjà fait en novembre 1994, n'est-ce pas ? Et quand je
6 dis "vous", par là, je veux dire le gouvernement des Etats-Unis.
7 R. Tout d'abord, en novembre 1994, lorsque nous lui avons donné le feu
8 rouge, nous ne l'avons pas fait parce que nous pensions qu'il allait
9 expulser les Serbes. Nous pensions en fait que cette opération allait avoir
10 pour conséquence une escalade de la guerre.
11 Deuxièmement, oui -- c'est une question hypothétique à laquelle je ne
12 pourrai pas répondre, mais je peux vous donner mon propre avis, et c'est
13 que si je pensais que Tudjman allait expulser tous les Serbes de Krajina,
14 j'aurais fait appel à mon gouvernement de faire le feu rouge au sujet de
15 cette opération.
16 Q. Et vous n'avez pas demandé à votre gouvernement de faire le feu rouge,
17 n'est-ce pas ?
18 R. Je pensais que Tudjman n'allait pas expulser les Serbes, parce que je
19 pensais que la plupart d'entre eux allaient partir.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais que l'on précise quelque
21 chose, Maître Kehoe. En posant votre question, vous avez fait une
22 introduction, en disant, si vous pensiez que le président Tudjman ordonnait
23 le début de l'opération Tempête qui aurait pour objectif l'expulsion de
24 tous les Serbes de Krajina, par là, vous faisiez une supposition implicite
25 que c'était l'objectif de cette opération.
26 Tout d'abord, Monsieur Galbraith, est-ce que vous pensiez que l'objectif de
27 l'opération Tempête était avant tout d'expulser les Serbes ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pensiez que cela
2 pourrait être un effet secondaire de la prise militaire du territoire de la
3 Krajina ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pensais pas que l'expulsion des Serbes
5 pourrait être un effet secondaire, mais je pensais que le départ des Serbes
6 pourrait être un effet secondaire, un dégât collatéral.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et je pense que vous avez dit tout à
8 l'heure que vous -- en fait, on vous a demandé si cela convenait au
9 président Tudjman ou pas.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai déjà répondu à ces questions, et
11 pour répondre brièvement, je pense que le départ des Serbes est quelque
12 chose qu'il espérait -- il espérait que cela allait se produire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, parfois vous faites un
14 amalgame des choses, et parfois -- par la suite, vous recevez des réponses
15 qui sont plutôt un mélange de plusieurs choses et non pas une réponse et
16 une analyse claire par rapport à la question que vous vouliez poser au
17 témoin.
18 M. KEHOE : [interprétation]
19 Q. Pour revenir à la question du Juge Orie, vous ne pensiez pas que
20 l'opération Tempête, qui a commencé le 4 août, allait avoir pour objectif
21 d'expulser les Serbes, n'est-ce pas ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a répondu à cette question.
23 M. KEHOE : [interprétation] Mais je voulais revenir à votre question et à
24 la manière dont il a répondu --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Galbraith, j'ai compris que
26 vous avez dit que ce n'était pas l'objectif de cette opération ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas à suivre, vous employez
28 plusieurs négations dans vos questions.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pensais pas que l'opération Tempête
3 avait pour objectif l'expulsion des Serbes de Croatie.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
5 Veuillez poursuivre.
6 M. KEHOE : [interprétation]
7 Q. Passons maintenant à un autre sujet, à savoir l'époque après
8 l'opération Tempête. Après l'opération Tempête, les activités se sont
9 poursuivies contre les Serbes, tout de suite après l'opération Tempête. En
10 étiez-vous conscient ? Je parle de la HV qui a mené des opérations contre
11 les Serbes de Bosnie qui étaient liés avec les soldats de l'ARSK ?
12 R. Je sais que les opérations se sont poursuivies après l'opération
13 Tempête, mais ces opérations ont été entreprises avec le gouvernement de
14 Bosnie-Herzégovine, et non pas contre l'armée de la République serbe de
15 Krajina, qui a cessé d'exister.
16 Q. Revenons maintenant à l'importance des opérations menées contre les
17 Serbes de Bosnie et les éléments de l'ARSK, ces opérations se sont
18 poursuivies après l'opération Tempête, n'est-ce pas ?
19 R. L'armée croate a continué sa campagne militaire. Après la prise de la
20 Krajina, elle a continué sa campagne militaire en Bosnie en se battant
21 contre l'armée serbe de Bosnie.
22 Q. Revenons maintenant à votre journal de bord en date du 7 août, à la
23 page 36, le deuxième paragraphe, au milieu de ce paragraphe, il est dit :
24 "Un grand nombre de personnes à Washington ont applaudi les opérations
25 menées par les Croates parce que cela avait des conséquences pour la
26 Bosnie."
27 Dites-nous, qui étaient les personnes à Washington qui ont soutenu les
28 actions menées par la Croatie ?
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1 R. Un grand nombre de personnes à Washington ont vu d'un œil favorable les
2 actions menées par la Croatie, et un grand nombre de personnes qui étaient
3 membres du gouvernement de Clinton en pensaient ainsi pour des raisons que
4 j'ai déjà présentées, parce que ces opérations ont été à l'origine du
5 changement de la situation en Bosnie. L'ambassadeur Holbrooke, par exemple,
6 dans son livre, a écrit que cette opération a été un tournant qui a "mis un
7 terme à la guerre".
8 Q. Où ?
9 R. En Bosnie.
10 Q. Dans quel sens ?
11 R. Bien, les Serbes de Bosnie ont été battus. Les Serbes qui auparavant
12 détenaient 70 % de la Bosnie tandis que la fédération ne détenait que 30 %,
13 en octobre 1995 la fédération détenait 54 ou 55 % du territoire, et
14 maintenant il était beaucoup plus facile d'obtenir ces accords 51 contre 49
15 % par rapport à la situation où les Serbes détenaient 70 % du territoire.
16 Q. Le 7 août, vous pensiez, bien sûr, qu'après l'opération Tempête, les
17 actions croates allaient se poursuivre en Bosnie, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, c'est ce que je pensais, c'est ce que j'espérais, et j'ai lu une
19 recommandation à mon gouvernement de ne pas entreprendre une action
20 quelconque pour décourager les Croates à poursuivre leur campagne.
21 Q. Et on pourrait dire que l'armée croate, sous le commandement du général
22 Gotovina, a été en grande partie responsable d'avoir modifié la carte de
23 Bosnie et d'avoir rendu possible les négociations menées à Dayton, n'est-ce
24 pas ?
25 R. La campagne militaire menée par l'armée croate en Bosnie, y compris la
26 campagne militaire menée par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, avec
27 les frappes aériennes de l'OTAN qui ont commencé à la fin du mois d'août
28 ont été les trois éléments cruciaux qui ont mis un terme à la guerre en
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1 Bosnie, et sans l'action menée par l'armée croate, cela n'aurait pas eu
2 lieu.
3 M. KEHOE : [interprétation] Je vous prie de m'accorder un instant, s'il
4 vous plaît, Monsieur le Président.
5 [Le conseil de la Défense se concerte]
6 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore des
7 questions. Je ne sais pas si vous souhaitez qu'on fasse la pause
8 maintenant.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est le moment pour la pause. Nous
10 allons continuer à 18 heures cinq minutes.
11 --- L'audience est suspendue à 17 heures 45.
12 --- L'audience est reprise à 18 heures 06.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, veuillez commencer avec
14 ces deux heures et quelques minutes qu'il vous reste encore.
15 M. KEHOE : [interprétation] Qui est-ce qui compte, là maintenant, Monsieur
16 le Président ?
17 Q. Monsieur l'Ambassadeur, s'agissant de l'offensive du HV et de l'ABiH
18 contre les Serbes sur les territoires de Bosnie, vous vous êtes tenu
19 informé de ce qui se passait ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous étiez au courant de l'opération Mistral et de cette action
22 offensive contre les Serbes de Bosnie ?
23 R. Oui.
24 Q. Bien. Je vais maintenant attirer votre attention sur votre journal de
25 bord, 15 septembre, page 54. Le dernier paragraphe, pour le 15 septembre,
26 juste au-dessus du titre 16 septembre.
27 Est-ce que vous avez trouvé cela ?
28 R. Oui.
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1 Q. Pendant cette période-là, les autorités de la République de Croatie, et
2 dans ce cas concret, le ministre Susak vous avait indiqué ici -- Susak a
3 insisté, il voulait savoir jusqu'où ils pouvaient aller, y compris ils
4 soulevaient la question de Banja Luka.
5 La question qu'ils voulaient poser était de savoir ce que pensaient
6 les Etats-Unis sur ce qu'il fallait faire, jusqu'au où il fallait pousser
7 les Serbes de Bosnie ?
8 R. Oui.
9 Q. J'aimerais maintenant qu'on écoute ensemble un enregistrement en date
10 du 1er octobre 1995. C'est le document 1D33-0081.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel enregistrement audio ?
12 M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'un extrait audio d'une réunion
13 entre M. Tudjman et l'ambassadeur Holbrooke. On en a deux, en fait.
14 [Diffusion de la cassette audio]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
16 "Je dirais qu'il est tout à fait possible qu'on parvienne à un
17 cessez-le-feu dans une semaine si on le souhaite, et j'insiste que vous
18 fassiez tout ce que vous voulez du point de vue militaire pendant cette
19 semaine parce que la pression pour le cessez-le-feu --
20 Tudjman : Excusez-moi, est-ce que vous pourriez être gentil…
21 Holbrooke : Je vous demande avec insistance de tout ce que vous
22 voulez faire du point de vue militaire, que vous le fassiez pendant la
23 semaine prochaine en Bosnie occidentale. Autrement dit, il y aura peut-être
24 un cessez-le-feu dans une semaine ou un peu moins, et j'espère que vous
25 pourriez prendre Sanski Most, Prijedor et Bosanski Nova, si possible avant
26 le cessez-le-feu. Parce que si vous avez ces trois villes avant le cessez-
27 le-feu, on peut ensuite mener avec succès les négociations sur la carte. De
28 toute façon, les Etats-Unis, du point de vue officiel, diront toujours
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1 qu'il n'y a plus de place pour les actions militaires, mais d'une manière
2 privée, et je ne souhaite pas être cité sur ce point, je vous demande avec
3 insistance de prendre en compte le fait que la pression pour le cessez-le-
4 feu dans une semaine sera très forte. Quand le cessez-le-feu sera mis en
5 place, il serait très important de créer une situation qui permettra aux
6 réfugiés de retourner."
7 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
8 M. KEHOE : [interprétation]
9 Q. Avant de vous poser des questions, j'aimerais vous laisser
10 entendre un autre enregistrement de la réunion du 1er octobre 1995 qui porte
11 le numéro 1D33-0082.
12 [Diffusion de la cassette audio]
13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
14 "…alors qu'il n'y ait pas de malentendu sur cette question fameuse
15 des feux rouges, feux verts américains, parce que vous lisez beaucoup la
16 presse. Ma position a toujours été claire : Banja Luka est une ville serbe
17 et devait rester serbe après les négociations. Pourquoi avoir un camp de
18 millions de réfugiés ou de 200 000 réfugiés ? Mais je n'ai jamais dit qu'il
19 ne fallait pas prendre Sanski Most."
20 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
21 M. KEHOE : [interprétation]
22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, s'agissant de ces actions offensives en Bosnie
23 occidentale, les autorités croates essayaient d'apprendre par le biais de
24 l'ambassadeur Holbrooke quelle était la position des Etats-Unis au sujet de
25 ces villes pour qu'ils puissent s'approcher d'un règlement définitif de
26 cette crise en l'ex-Yougoslavie; cela est-il exact ?
27 R. L'ambassadeur Holbrooke et moi-même avons discuté en privé avec des
28 Croates au sujet de la situation militaire, et nous avons proposé, nous
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1 leur avons dit ce que nous pensions au sujet des villes qu'il fallait
2 prendre, c'est-à-dire Prijedor, Sanski Most, Bosanski Novi, parce que nous
3 pensions que ces villes devaient faire partie de la fédération. Il y a eu
4 des débats au sujet de quelques autres villes, y compris Banja Luka, et
5 maintenant, en rétrospective, je ne suis pas sûr que nous avons fait les
6 bons choix.
7 Mais comme l'ambassadeur Holbrooke l'a dit dans cette conversation,
8 cela différait un peu de la position officielle de notre gouvernement,
9 c'est-à-dire que nous souhaitions la cessation immédiate des opérations
10 militaires. Je suppose qu'il serait juste de dire que le gouvernement des
11 Etats-Unis ne fonctionne pas toujours en parfaite harmonie. Mais en même
12 temps, je ne pense pas que nous étions dans une affaire de microgestion des
13 affaires croates, que nous étions en train de le diriger ou de leur donner
14 des propositions sur les questions portant sur les opérations militaires.
15 Parce que de toute façon, vous savez que Prijedor a été d'une certaine
16 manière l'Auschwitz de Bosnie, et il fallait absolument faire quelque chose
17 pour atteindre un règlement pacifique.
18 Q. Bien. Mais serait-il juste de dire que l'ambassadeur Holbrooke a
19 encouragé, qu'il incitait les Croates à mener d'autres actions militaires,
20 que le HV mène d'autres actions militaires afin de conquérir certaines
21 villes, y compris Sanski Most ?
22 R. Nous avons écouté l'enregistrement. Je pense que c'est assez clair, et
23 je vous ai dit quelle était notre position.
24 Q. Mais le HV a pris Sanski Most, n'est-ce pas ?
25 R. Oui.
26 Q. Bien. Alors pendant tout ce temps-là, l'objectif des discussions avec
27 les autorités croates était d'enclencher une campagne militaire ayant pour
28 objectif la défaite des Serbes de Bosnie et la possibilité de ramener tout
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1 le monde autour d'une table de négociation, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, la défaite des Serbes de Bosnie, qui avaient commis le génocide,
3 de libérer les territoires où les Bosniaques et les Croates avaient vécu et
4 d'où ils ont été expulsés d'une manière brutale. Par exemple, Prijedor
5 était une ville à prédominance musulmane. Donc il fallait faire ce qui
6 était possible du point de vue militaire pour qu'un règlement pacifique
7 soit enfin conclu à Dayton.
8 Q. [aucune interprétation]
9 R. Environ 50 jours après ce que nous avons entendu, alors que la guerre
10 avait duré pendant quatre ans.
11 Q. Et là, l'ambassadeur Holbrooke dit qu'il ne fallait pas prendre Banja
12 Luka, et Banja Luka n'a pas été prise ?
13 R. Non, elle ne l'a pas été.
14 Q. Et pendant cette période-là --
15 R. Je dois dire que le 1er octobre, la question de Banja Luka ne se posait
16 plus en fait, parce que le moment décisif c'était le mois de septembre.
17 Q. Bien. Pendant ce temps-là, pendant que les offensives étaient
18 conduites, la personne qui en était responsable sur le terrain en Bosnie
19 occidentale était le général Gotovina, n'est-ce pas ?
20 R. En ce qui me concerne, c'est l'armée croate. Je ne souhaite pas
21 commenter le rôle du général Gotovina. Je ne peux pas dire que c'est bon ou
22 que ce n'est pas bon. Je ne peux tout simplement pas me prononcer là-
23 dessus, parce que de toute façon, après toutes ces années, je ne connais
24 pas encore les détails de tout ce qui s'est passé.
25 Q. Bien. Alors Susak demande jusqu'où il fallait aller --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, est-ce que vous avez
27 l'intention de demander le versement de ces enregistrements ?
28 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je demande le versement de 1D33-00 --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Misetic --
2 [Le conseil de la Défense se concerte]
3 M. KEHOE : [interprétation] On va mettre tous ces enregistrements
4 ensemble --
5 M. MISETIC : [interprétation] Pour que tous les éléments soient communiqués
6 au Procureur, il serait peut-être bien qu'on permette au Procureur de
7 regarder l'intégralité de l'enregistrement, parce que nous leur avons
8 communiqué l'intégralité de l'enregistrement à cause du contexte, et
9 qu'ensuite on voit s'ils ont des objections ou pas, parce que nous
10 demandons le versement de beaucoup de ces extraits.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
12 M. TIEGER : [interprétation] Oui, merci. Je ne sais pas d'ailleurs
13 s'il y a des transcriptions pour tout --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est important de voir, parce
15 que vous savez, quand on voit un enregistrement on voit qui est en train de
16 parler. Mais il serait bien de savoir, pour les enregistrements, qui dit
17 quoi, et c'est indiqué dans les transcriptions, je l'espère.
18 M. MISETIC : [interprétation] Je pense que c'est tout à fait clair
19 que c'était M. Holbrooke qui s'exprimait sur cet enregistrement, et je
20 pense que le Procureur dispose de la transcription intégrale de cet
21 enregistrement, que cela leur a été passé aujourd'hui.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors nous allons laisser le
23 versement de ces enregistrements et le débat à ce sujet jusqu'à demain.
24 Est-ce que ça vous suffit comme temps, Monsieur Tieger ?
25 M. TIEGER : [interprétation] Oui, oui, je vais faire de mon mieux
26 pour être prêt demain pour ça.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien -- O.K.
28 M. KEHOE : [interprétation] Si vous permettez, non seulement les extraits
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1 que nous avons écoutés s'agissant d'identité des personnes qui s'expriment,
2 mais nous pouvons donner des indications au Procureur.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
4 M. KEHOE : [interprétation]
5 Q. S'agissant de l'enregistrement précédant, celui du 1er octobre, c'est
6 l'ambassadeur Holbrooke qui parle, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Bien. Alors maintenant, revenons au général Gotovina. C'est votre
9 journal de bord du 15 septembre. Vous faites référence ici à une réunion
10 entre Gotovina et les commandants des 5e et 7e Corps. Vous avez trouvé cela
11 ?
12 R. Non. Où est-ce que cela se trouve ?
13 Q. C'est l'entrée pour le 15 septembre, juste avant le début de l'entrée
14 pour le 16 septembre.
15 R. Oui, je viens de le retrouver.
16 Q. Bien. Donc à ce moment-là, vous étiez au courant du fait que le général
17 Gotovina a été le commandant du HV qui menait ces combats ?
18 R. Oui, et je sais que le général Gotovina était le commandement du HV.
19 Mais la seule raison pour laquelle je ne souhaite pas faire des
20 commentaires est qu'à ce moment-là je ne me souviens pas des dates, des
21 endroits où il a pu être à une date donnée, quelles étaient ses
22 responsabilités exactes. Je suis sûr qu'il y a des personnes autres que moi
23 qui seraient capables de vous aider beaucoup plus. Mais je sais évidemment
24 qu'il a joué un rôle à la tête des forces croates en Bosnie.
25 Q. Je comprends très bien vos préoccupations.
26 Passons maintenant à un autre sujet dont vous avez parlé lors de
27 l'interrogatoire principal, Monsieur l'Ambassadeur. Vous avez dit que le
28 général Gotovina était en Bosnie et qu'il menait des activités avec le HV.
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1 Je veux maintenant qu'on revienne à Knin et qu'on parle de ce qui s'est
2 passé dans la zone de Knin alors que la situation évoluait dans d'autres
3 zones du point de vue militaire. Pour cette raison-là, j'aimerais vous
4 présenter un enregistrement vidéo du 8 août 1995. C'est le ID33-0090. Il
5 s'agit là de M. Jarnjak, qui se trouve à Zagreb. C'est 1D33-0090. Vous
6 savez que M. Jarnjak était ministre de l'Intérieur.
7 On pourra peut-être maintenant faire jouer cet enregistrement.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
10 "Je salue les représentants de cette conférence et je salue le
11 ministre, M. Ivan Jarnjak, ministre de l'Intérieur de la République de
12 Croatie.
13 Mesdames et Messieurs, bonsoir. Permettez-moi de vous informer de ce
14 que fait le ministère des Affaires intérieures et de ce qu'il se propose de
15 faire dans les régions qui sont en train d'être libérées. Dans les zones de
16 l'Etat de Croatie libérées, c'est le système juridique et constitutionnel
17 de la République de Croatie qui doit être imposé. Pour le faire, il faut
18 que le ministre de l'Intérieur et ses forces y pénètrent également. Suivant
19 les unités de HV et de la police, dans les espaces libérés de la République
20 de Croatie, immédiatement la police civile faisait son entrée également
21 pour établir des commissariats de la police sur pied et de la police des
22 douanes. Suivant les consignes de la politique d'Etat en 1992, le ministère
23 de l'Intérieur a mis sur pied la structure de l'administration de police et
24 de commissariat de police pour l'ensemble de la République de Croatie, y
25 compris les territoires qui viennent d'être libérés. Par conséquent,
26 l'ensemble de ce système a été mis en place depuis 1992, et maintenant nous
27 n'avons qu'à le mettre en œuvre. De ces commissariats de police qui ont été
28 expulsés par agression en 1991 et 1992 dans les zones qui nous concernent,
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1 ces commissariats étaient déplacés pour fonctionner ailleurs, délocalisés.
2 Ces commissariats reprennent leurs zones, à savoir à Lovinac, à Drnis, à
3 Vrlika, Kijevo, Slunj, Petrinja, Glina et Hrvatska Kostajnica. Les
4 commissariats de police de Cetingrad, de Saborsko Plaski et de Lasinje ont
5 été encore une fois mis en place. Du point de vue opérationnel, il y a lieu
6 de signaler la mise en place à Hrvatska Kostajnica, Kijevo, Slunj, Donji
7 Lapac, Strmica, Donji Srb et Licko Petrovo Selo. Des commissariats de
8 police de douane, nous avons préparé également la mise en place de tous ces
9 commissaires de police pour Dvor et Topusko.
10 Conformément à la loi constitutionnelle portant sur les droits de
11 l'homme et des libertés, sur les droits de l'homme, des communautés
12 ethniques et des minorités ont été mises en place et ont été mises en
13 fonction. Les administrations de police, et cela à Knin, et
14 l'administration de Glina. Voici donc les zones qui sont censées avoir
15 leurs statuts. Ont été évidemment mis en place des commissariats de police
16 pour Knin, Donji Lapac, Gracac, Korenica, Benkovac et Obrovac. Il s'agit
17 évidemment de signaler des administrations de police qui en font partie.
18 Pour le district de Glina, existent des administrations de police de
19 Glina, Vojnic et Hrvatska Kostajnica. Sont préparés pour être mis en place
20 également les commissariats de police de Vrgin Most et de Dvor.
21 Immédiatement après que l'armée de Croatie et les unités spéciales de
22 police du ministère de l'Intérieur avaient entamé leur travail dans les
23 zones où il y a eu fin des hostilités, les membres de ces police sont
24 entrés dans les habitations à différentes agglomérations pour s'occuper du
25 contrôle et de la direction, entre autres, de la circulation et des
26 transports. Par la même occasion, avec l'établissement de stations de
27 police et des commissariats de police, sont devenus opérationnels également
28 tous les autres services du ministère de l'Intérieur, à savoir la
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1 protection civile, les sapeurs pompiers. De conditions préalables ont été
2 créées aussi pour que fassent leur entrée des services qui sont évidemment
3 censés délivrer à des civils des documents et de papiers d'identité.
4 De même, des travaux d'assainissement du terrain ont été entamés,
5 lorsqu'il s'agit évidemment de petit, menu et gros bétail, de même que de
6 protéger les propriétés dans les grandes agglomérations. Par conséquent,
7 ces jours-ci, probablement dans les jours qui viennent, nous nous
8 occuperons de toutes les agglomérations prises dans leur ensemble. A toutes
9 les personnes résidant dans les zones nouvellement libérées, qui y sont
10 restées ou qui y retourneront, qui sont réfugiés actuellement, nous nous
11 tournons vers eux pour leur garantir leur sécurité personnelle, la sécurité
12 de leur propriété, et nous leur garantirons l'ordre public et la paix. Je
13 vous remercie beaucoup."
14 Je remercie le ministre Jarnjak."
15 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
16 M. KEHOE : [interprétation]
17 Q. Maintenant, je voudrais vous faire entendre un autre enregistrement,
18 Monsieur l'Ambassadeur. S'agit-il d'un enregistrement d'une conversation
19 qui vous concerne, vous, M. Holbrooke et le président Tudjman ? C'est le
20 président Tudjman qui parle. En date du 19 octobre.
21 Il s'agit de 1D33-0474.
22 [Diffusion de la cassette audio]
23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
24 "Le troisième point le concerne. Il s'agit de la question posée de savoir
25 ce qui s'était passé en Bosnie occidentale et en Krajina. Les médias en
26 traitent comme étant des problèmes de droits de l'homme, mais il s'agit
27 d'un problème plus important, d'ordre politique. Il s'agit de problème de
28 l'image de marque de la Croatie.
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1 Est-ce que vous avez entendu l'information de mon ministre
2 d'Intérieur, dit le président Tudjman.
3 Réponse : Non.
4 Est-ce que tu as des données, des données du ministère de l'Intérieur ?
5 Hier, le ministre de l'Intérieur a fait une déclaration comme quoi il y a
6 40 meurtres, et 13 auteurs de meurtres ont été traduits en justice. 40
7 meurtres ont été élucidés. Parmi eux, il y avait des Serbes et il y avait
8 aussi des criminelles, des toxicomanes, et cetera. Il y avait également
9 lieu de signaler 800 et quelque pillages ou vols dont 690 ont été déjà
10 élucidés au cours de nos investigations. Il n'y avait pas plus d'une
11 centaine de meurtres; il s'agit d'exagérations, lors des opérations,
12 évidemment, de nettoyage, et cetera, où il y a eu des exagérations
13 également.
14 Et puis, le ministre a fait état du fait qu'il a reçu un ordre de ma
15 part qu'immédiatement après les opérations toutes les démarches devraient
16 être prises pour prévenir tout cela, de tels cas."
17 [Fin de la diffusion de la cassette audio]
18 M. KEHOE : [interprétation]
19 Q. Un dernier sujet. Monsieur l'Ambassadeur, avant de passer à un autre
20 sujet, et il s'agit de la pièce à conviction P451. Il s'agit de votre
21 livre. Là, il y a lieu de signaler la conférence de presse de vous-même et
22 du secrétaire Shattuck en date du 30 septembre 1995. J'attire votre
23 attention sur la page 06069735.
24 Je vous prie, Monsieur l'Ambassadeur, de vous pencher sur la deuxième page
25 encore une fois, deuxième paragraphe notamment de la page deux, où il est
26 dit : "Secondo…" La phrase commence par "Secondo."
27 Vous avez une copie sous vos yeux, Monsieur l'Ambassadeur, et vous
28 pouvez vous en servir ?
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1 R. [aucune interprétation]
2 Q. Il est dit donc, de sévices auxquels les gens ont été exposés :
3 "Secondo," dit-on, "ces sévices ne devaient pas évidemment se propager à de
4 telles proportions si le gouvernement croate avait pris les mesures
5 nécessaires pour les prévenir, à savoir des arrestations et arrestations
6 des auteurs, et par le déploiement des forces de police suffisantes pour
7 rétablir l'ordre lors de l'action militaire en cours. Les responsables
8 croates que j'ai pu rencontrés m'ont donné toutes les garanties nécessaires
9 pour que des démarches soient prises pour s'occuper de la situation où des
10 violations des droits de l'homme ont eu lieu ou ont été perpétrées."
11 Est-ce que je peux vous faire réfléchir à la première séquence vidéo
12 concernant le ministre Jarnjak du 8 août 1995, et je dirais que le 9 août,
13 quant à vous, vous demandez qu'il soit limogé. Vous avez donc connu le rôle
14 tenu par le ministre Jarnjak ?
15 R. Oui, bien sûr.
16 Q. Vous en traitez dans votre journal, lorsqu'il s'agit de débats que vous
17 avez eus en date du 10 août. Vous saviez, quant à vous, que certainement,
18 en résultat et retombée des conversations que vous avez menées vous-même en
19 date du 19 octobre, le président Tudjman avait dit à Jarnjak de régler ces
20 problèmes là-bas en Krajina, n'est-ce pas ? Monsieur l'Ambassadeur, est-ce
21 exact ?
22 R. En résultat de conversations que j'ai menées le 19 octobre ?
23 Q. Oui. Pendant les conversations en date du 19 octobre, le président
24 Tudjman vous a dit, à vous et à l'ambassadeur Holbrooke, qu'il avait
25 demandé au ministre Jarnjak de résoudre tous les problèmes qui s'étaient
26 posés à Krajina lors de l'opération Tempête, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, c'est ce que nous avons pu entendre à travers cet enregistrement
28 audio.
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1 Q. Je ne me propose pas de parler en votre nom, mais l'ambassadeur
2 Shattuck, quant à lui, à cette conférence de presse, a dit qu'ils n'ont pas
3 pu suffisamment rapidement déployer les effectifs de leur police civile.
4 Est-ce que vous y êtes ? Vous me suivez dans le texte ?
5 R. Oui.
6 Q. C'est un fait. Il s'agissait de votre point de vue, de la position du
7 secrétaire Shattuck, que les Croates n'ont pas déployé suffisamment de
8 policiers là-bas pour se rendre compte du fait de la nécessité de ne pas
9 avoir de telles activités ?
10 R. Je ne peux pas parler au nom du secrétaire Shattuck. Ce n'est pas mon
11 point de vue quant à ce problème. Mon point de vue à moi, c'est que le
12 personnel qui se trouvait là-bas ne témoignait pas d'une volonté quelconque
13 en vue de prévenir et empêcher pillages, meurtres et vols, et cetera.
14 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si je peux offrir pour
15 admettre et verser au dossier d'abord la séquence vidéo 1D33-00 [comme
16 interprété] et puis l'enregistrement audio 1D33-0474.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, des objections ?
18 M. TIEGER : [interprétation] Non.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction D411.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ainsi soit-il -- 041 [comme interprété].
22 Et puis, certaines parties de cet enregistrement audio ?
23 M. KEHOE : [interprétation] Je crois qu'il n'y avait qu'un seul
24 enregistrement.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
26 M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous avoir la même approche de cet
27 enregistrement audio tout comme tout à l'heure ?
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut-il dire que nous n'avons
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1 toujours pas accordé une cote à cette pièce à conviction, chose faite par
2 nous pour la pièce à conviction précédente. On vous a demandé tout à
3 l'heure de nous fournir une réponse d'ici demain.
4 M. TIEGER : [interprétation] Oui. De même en est-il pour le compte rendu
5 d'audience. Est-ce que nous disposons d'un compte rendu d'audience pour cet
6 enregistrement audio ?
7 M. KEHOE : [interprétation] Oui, en effet.
8 Q. Il faut le faire pour être sûr qui étaient les personnes qui avaient
9 pris la parole. D'abord, du côté américain, M. Holbrooke ?
10 R. [aucune interprétation]
11 Q. Et de la partie croate, nous avons eu la parole du président Tudjman et
12 de son interprète ?
13 R. M. Tudjman, oui évidemment, se retrouve en croate et en anglais; ceci a
14 été traduit.
15 Q. Lorsqu'il s'agit d'activités menées par le ministère de la Défense,
16 savez-vous quelles étaient les démarches prises par le ministère de la
17 Défense en vue de contrôler l'ensemble de ces activités ?
18 R. Non, puisque je pense que ceci n'a pas été contrôlé.
19 Q. Et quant au ministère de l'Intérieur, savez-vous ce qui a été entrepris
20 par le ministère de l'Intérieur pour placer sous son contrôle toutes ces
21 activités ?
22 R. Si je pouvais répondre à la question de savoir ce que faisait le
23 ministère de l'Intérieur, alors ce qu'a décrit le ministre Jarnjak lors de
24 la conférence de presse était exact, à savoir le gouvernement croate, quant
25 à lui, disposait d'une police, et toutes les autorités municipales mises en
26 place depuis 1992 étaient prêtes à être déployées quant à leurs effectifs,
27 et je m'en suis rendu compte du fait qu'à Petrinja, ils étaient capables de
28 le faire en quelques heures seulement.
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1 Q. Oui, mais ils avaient des gens pour les déployer là-bas. Mais lorsque
2 nous parlons d'investigations, d'élucidations et d'administration de
3 certains cas criminels au pénal, vous ne savez pas ce que le ministre de
4 l'Intérieur a fait ? Vous ne savez pas dans quels cas il y a eu des
5 investigations menées ou des poursuites en justice ?
6 R. Non. J'ai peut-être des idées là-dessus, mais nous avons considéré que
7 seul un petit nombre de ces cas perpétrés a pu être traduit en justice, et
8 ce que le président Tudjman a expliqué dans l'enregistrement audio entendu
9 tout à l'heure, c'est qu'il s'agissait de quelques criminels et
10 toxicomanes. Cela me paraît absurde, et c'était une explication peu exacte.
11 Q. Monsieur l'Ambassadeur, il nous faut bien faire en sorte qu'il n'y ait
12 pas de chevauchement de nos voix.
13 Lors de vos consultations avec différents officiels et responsables
14 de la République de Croatie, qu'il s'agisse du ministre Susak du ministère
15 de la Défense ou du ministre Jarnjak du ministère de l'Intérieur, ces deux-
16 là, vous ont-ils porté à votre connaissance les différentes instructions
17 qui ont été données pour que de telles questions soient placées sous un
18 contrôle ?
19 R. Certes, le ministre Susak et moi, nous nous en sommes entretenus. Mais
20 une fois de plus, la question était de savoir quels étaient les ordres
21 donnés ou quels étaient les ordres dont j'ai été informé. Mais l'essentiel,
22 c'est de savoir ce qui se passait sur le terrain.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous demander d'expliciter
24 un petit peu l'une de vos réponses de tout à l'heure.
25 Il me semble que tout à l'heure une question vous a été posée au
26 sujet des activités menées par le ministère de la Défense : saviez-vous
27 quelles étaient les démarches faites par le ministère de la Défense pour
28 placer sous son contrôle toutes les activités.
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1 Vous avez répondu par la négative : "Je ne pense pas que ceci ait pu
2 être contrôlé."
3 Si quelque chose a été contrôlé, c'est qu'il devait y avoir un
4 résultat de certains efforts faits. Etant donné qu'il n'y a eu "aucun
5 contrôle," cette corrélation semble me confondre un petit peu. La question
6 est de savoir si vous avez été à l'insu de quelques activités ou avez été
7 informé de ces activités, peu importe si elles étaient efficaces, et il
8 s'agit de quelque chose dont voulait traiter M. Kehoe.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il ne s'agit pas de
10 savoir si ces activités étaient efficaces ou pas. Il s'agit de savoir si
11 ces activités avaient pour intention d'assurer et de mettre en place un
12 contrôle ou non.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais du point de vue de vos
14 connaissances factuelles, saviez-vous s'il y avait des activités ou pas, et
15 puis après on va voir si ces activités consistaient en efforts. Efforts en
16 quoi et en vue de quoi ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, à cette époque-là, je n'ai pas
18 été sans savoir que des activités ont été menées.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A savoir ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Un certain temps s'est écoulé -- ceci devait
21 inclure, pour autant que je m'en souvienne, le déploiement des effectifs de
22 la police - certainement, le ministère de l'Intérieur devait en être chargé
23 - ensuite, des promesses ont été données pour que -- on devait redoubler
24 d'efforts pour mettre un terme à des pillages, vols, et cetera; il y avait
25 des promesses faites comme quoi des auteurs de tels pillages et autres
26 crimes devaient être poursuivis en justice. Voilà des choses qui m'ont été
27 données et promesses faites par des Croates au sujet de ce qui se passait
28 en Krajina.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, procédez.
2 M. KEHOE : [interprétation]
3 Q. Monsieur l'Ambassadeur, avec tout le respect que je vous porte, saviez-
4 vous s'il y avait des ordres donnés soit par le ministre de l'Intérieur ou
5 celui de la Défense selon lequel ordre tous les efforts devaient être faits
6 pour mettre un terme à toute activité criminelle dans la Krajina ? Saviez-
7 vous que de telles activités existaient ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, allons-y pas à pas à ce
9 stade-ci. D'abord, pour ce qui est des ordres, vous parlez d'ordres, vous
10 en faites mention, vous faites mention de deux ministères, et puis vous
11 dites qu'il s'agit des ordres comme quoi tous les efforts devaient être
12 faits. D'abord, voyons si l'ambassadeur Galbraith savait s'il y avait des
13 ordres émanant du ministère de l'Intérieur.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis sûr qu'on m'a dit que le ministère de
15 l'Intérieur avait donné des ordres.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la même question pour le ministère de
17 la Défense ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Oui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez sur quoi portaient
20 ces ordres ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis sûr qu'en 1995 j'en savais bien
22 davantage qu'aujourd'hui, mais l'essence en était qu'il fallait rendre sûre
23 la région, arrêter les auteurs d'actes et arrêter les activités illégales
24 au sujet desquelles le gouvernement des Etats-Unis s'en était plaint.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cela valait pour les deux ministères,
26 n'est-ce pas ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était l'essence de ces ordres. Pour ce qui
28 est des détails, quelles étaient les activités de chaque ministère, je ne
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1 m'en souviens plus.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.
3 M. KEHOE : [interprétation]
4 Q. Donc je vois que vous n'avez pas pu constater qu'on a fait des efforts
5 pour mettre un terme à ces activités sur le terrain. Mais, Monsieur
6 l'Ambassadeur, si les ordres avaient été donnés pour mettre un terme aux
7 activités criminelles en Krajina, dans ce cas-là permettre ces activités
8 criminelles n'était pas une politique menée par l'Etat, n'est-ce pas ?
9 R. Je vais être un peu plus précis dans ma réponse. On m'a dit que ces
10 ordres avaient été donnés par ces ministères.
11 Q. Et allant un pas en avant. Si on vous a dit et si, en fait, il y avait
12 de tels ordres - et nous en avons des preuves dans le dossier, Monsieur le
13 Président - dans ce cas-là, les actes d'incendie de ces maisons n'auraient
14 pas été conformes à la politique menée par l'Etat, n'est-ce pas ?
15 R. Je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de dire. J'ai
16 suffisamment d'expérience, après tant d'années passées en Croatie et ayant
17 tant de contacts avec les responsables croates et serbes, donner des ordres
18 et dire qu'ils ont donné des ordres et faire des promesses, ils ont fait
19 des promesses qu'ils n'avaient pas du tout l'intention de respecter. Je ne
20 pense pas du tout que le gouvernement croate a fait un effort important
21 pour mettre un terme à ces destructions et pour le placer sous un contrôle
22 jusqu'au moment où pratiquement les Serbes n'avaient plus de maisons où
23 rentrer.
24 Q. Je reviens à votre dernière réponse. Si ces ordres avaient été donnés
25 afin de mettre un terme à ces activités par les deux ministères, qu'il
26 s'agisse du ministère de la Défense ou du ministère de l'Intérieur, ces
27 ordres auraient été donnés contrairement à la politique d'Etat, politique
28 menée par l'Etat, n'est-ce pas ?
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1 R. Je ne pense pas que les ordres dont on a parlé représentaient un effort
2 important pour arrêter cette violence et ces destructions. Parce que je
3 pense que les dirigeants croates les plus haut placés voulaient que les
4 biens serbes soient détruits afin que les Serbes en grand nombre ne
5 puissent pas rentrer. Je pense que c'était cela leur politique. C'est cela
6 le contexte dans lequel j'ai vu ces ordres. C'est ce que je peux vous dire.
7 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous connaissiez le ministre Susak et vous
8 connaissiez le ministre Jarnjak. Est-ce que vous êtes en train de nous dire
9 que les ministres Jarnjak et Susak auraient émis des ordres qui étaient
10 contraires aux souhaits du président Tudjman; oui ou non ?
11 R. Encore une fois, vous demandez que je fasse une supposition que ces
12 ordres représentaient un effort sincère pour mettre un terme à ces
13 activités et, bien sûr, qu'à cette époque-là, où ces destructions avaient
14 lieu - je pense que c'était la mi-août, mi-septembre - je pense que les
15 autorités croates ne voulaient pas mettre un terme à ces violences et ils
16 voulaient qu'à un moment donné où tout était déjà détruit, oui, je pense
17 qu'à ce moment-là ils voulaient mettre un terme à tout cela, une fois que
18 leurs activités auraient été très critiquées. Mais il est très difficile
19 maintenant de - Maître Kehoe, vous savez, j'ai l'impression qu'on est en
20 train de jouer avec les mots. Ce que je veux dire - et je vous dis tout
21 cela sur la base de ce que j'ai pu constater moi-même sur le terrain et des
22 rapports de mon ambassade et je me base également sur bien d'autres sources
23 - je peux vous dire que les destructions qui ont eu lieu était quelque
24 chose que la Croatie aurait pu empêcher, mais elle a choisi de ne pas le
25 faire, parce que cela servait l'objectif recherché par les dirigeants
26 croates les plus haut placés.
27 Q. Monsieur l'Ambassadeur, à la page 89, ligne 18, je vous ai demandé :
28 "Est-ce que vous dites que les ministres Jarnjak et Susak auraient émis des
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1 ordres contraires aux souhaits du président Tudjman; oui ou non ?"
2 Je vais vous poser la question suivante : est-ce que vous savez si le
3 ministre Susak ou le ministre Jarnjak avait jamais donné des ordres qui
4 étaient contraires aux souhaits de Tudjman ?
5 R. Non.
6 Q. Concentrons-nous maintenant sur le commentaire dont vous avez parlé au
7 sujet des actes d'incendie et le fait que par là on voulait empêcher les
8 gens de rentrer. Vous avez dit aujourd'hui qu'il y avait deux ou trois --
9 200 à 300 000 personnes déplacées à l'intérieur de Croatie ?
10 R. Oui, c'était dans cet ordre-là, entre 150 000 et 300 000. Il y en avait
11 beaucoup venues des villes croates en Krajina et, bien sûr, un grand nombre
12 de personnes venues du Slavonie orientale.
13 Q. Il y avait également des personnes, des réfugiés venus de Bosnie qui se
14 sont installés en Croatie, n'est-ce pas ?
15 R. Il y avait également des Croates de Bosnie qui n'étaient pas réfugiés
16 mais qui sont venus s'installer en Croatie. Oui.
17 Q. Dans votre journal de bord en date du 15 septembre, en bas de la page
18 52.
19 Le voyez-vous, Monsieur ?
20 R. Oui.
21 Q. En bas de cette pages, vous dites : "J'ai également constaté qu'un
22 grand nombre d'entre eux ne voulaient pas rentrer, et maintenant on parle
23 des Serbes de Krajina, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. Au plus, 20 %. En présentant le minimum pour le nombre de ces réfugiés,
26 j'ai dit qu'il était possible qu'il y ait moins de 20 % et que la Croatie
27 pourrait accepter.
28 M. TIEGER : [interprétation] Une correction. Il n'est pas question de 20 %
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1 dans le journal.
2 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, 20 000. Je voulais dire 20 000.
3 Moins de 20 000, et la Croatie pourrait certainement les absorber. Et ces
4 20 000 représentent 20 %, bien sûr, des 100 000 réfugiés ou personnes
5 déplacées à l'intérieur des frontières, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Lorsque ces actes de pillage et d'incendie étaient en train d'être
8 commis, Monsieur l'Ambassadeur, nous avons parlé d'entre
9 150 000 à 200 000 Croates déplacés à l'intérieur de la Croatie, et ces gens
10 devaient être logés quelque part, n'est-ce pas ?
11 R. Je pense qu'à ce moment-là, ces gens étaient déplacés depuis 1991, et
12 je pense qu'en 1995 ils étaient tous logés quelque part.
13 Je veux revenir maintenant à la question précédente. Ce chiffre de 20
14 000 est un chiffre où on fait référence à l'estimation prudente de Sarinic
15 portant sur le nombre de Serbes qui étaient partis. Je pense qu'en fait il
16 y en avait beaucoup plus. Mais Sarinic a parlé de 100 000 en tout, donc 20
17 % représente 20 000 personnes. Là, je fais référence à une conversation que
18 j'avais eue avec Sarinic.
19 Q. Mais Tudjman ne vous a-t-il pas dit que 100 000 personnes étaient
20 parties, et qu'uniquement 10 % allaient rentrer ? Et vous, vous avez dit
21 que 20 % allaient rentrer. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?
22 R. Tudjman a dit que 10 % allaient rentrer, mais nous pensions qu'on
23 parlait plutôt d'un chiffre de 180 000 personnes.
24 Ici en tant que médiateur, j'ai présenté un argument à Sarinic. Il
25 m'a dit que 20 000 personnes étaient parties. Moi, j'ai dit, bon, d'accord
26 et où est le problème si 20 % rentrent ? J'ai accepté cela parce que ça
27 allait être beaucoup plus persuasif si je dit à Sarinic, si 20 % de 100 000
28 rentrent, ça va être plutôt accepté que si on lui avait dit qu'en fait
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1 c'était 20 % de 180 000 personnes en tout, à savoir que 36 000 personnes
2 allaient rentrer. Mais notre principe était que nous voulions que tous
3 rentrent.
4 Q. Passons maintenant à la pièce P455. Il s'agit d'une transcription
5 communiquée par le bureau du Procureur en date du 10 août 1995. Il s'agit
6 d'un procès-verbal de l'entretien que vous avez eu avec le président
7 Tudjman.
8 Je ne suis pas sûr que vous l'ayez, Monsieur l'Ambassadeur, mais si vous
9 l'avez sous les yeux, j'aimerais que vous examiniez la page 3. Maintenant,
10 c'est affiché à l'écran. La troisième page. Là en haut de la page, c'est le
11 président Tudjman qui a pris la parole, et il vous dit le 10 août 1995 --
12 Les numéros que j'ai chez moi sont un petit peu différents. J'aimerais
13 qu'on passe à la page précédente dans la version en anglais, s'il vous
14 plaît. En bas de la page, s'il vous plaît.
15 "Le 10 août 1995, à un moment donné, nous avions plus de 400 000 réfugiés -
16 -"
17 Passons maintenant à la page suivante.
18 "-- venus des régions croates." C'est ce que l'on peut voir à la page
19 suivante en haut.
20 Monsieur l'Ambassadeur, qu'il s'agisse de 400 000, 300 000 réfugiés ou 200
21 000 réfugiés, de toute façon en Croatie ils faisaient face à un problème
22 important de logement après l'opération Tempête, n'est-ce pas ?
23 R. Ce problème de logement en Croatie a eu lieu au fond en 1991, et le
24 chiffre de 400 000, il y avait des personnes qui étaient délogées suite aux
25 combats en 1991 et qui après ont pu rentrer chez eux, parce que plus ou
26 moins le cessez-le-feu a été instauré, et les Croates ont repris certaines
27 zones qui avaient été conquises par la JNA en 1991.
28 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous saviez qu'en Croatie il y avait un
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1 problème important s'agissant de savoir où loger les réfugiés en 1995 ?
2 R. Bien sûr qu'il y avait un problème depuis 1991, et il existait
3 certainement en 1995. Je vous ai dit que ces personnes étaient logées dans
4 des hôtels.
5 Q. Ces centaines de milliers de personnes cherchaient où se loger. Est-ce
6 que vous maintenez que la politique d'Etat de la République de Croatie
7 était de détruire, brûler les maisons où en fait ils voulaient placer ces
8 gens pour qu'ils puissent y habiter ?
9 R. Oui, c'était la politique menée par les plus hauts dirigeants croates.
10 C'est ce que j'ai dit.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je vois l'heure -- et
12 l'heure a tourné.
13 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience. Mais avant
15 de ce faire, il y a quelque chose que je n'ai pas très bien compris,
16 Monsieur Galbraith. Je ne vous demande pas de répondre maintenant à la
17 question, mais aujourd'hui nous avons parlé de 10 %. Vous avez dit que 10
18 000 personnes, c'est 10 % de 100 000, et hier il était question des
19 objectifs, et vous avez dit que tout d'abord vous vouliez dire que Tudjman,
20 si l'on faisait pression sur lui, disait que peut-être 10 % des Serbes y
21 étaient. Aujourd'hui, maintenant, la même question a été soulevée et il
22 semblerait qu'ils s'attendaient à ce qu'ils rentrent, et non pas que
23 c'était leur objectif. Donc, je n'ai pas très bien compris. Lorsque vous
24 avez parlé de 10 000 personnes, à savoir 10 %, est-ce que vous vouliez dire
25 par là que comme je l'ai compris hier, que c'était leur objectif de ne pas
26 avoir plus de 10 %, ou est-ce que c'était leur attente réaliste ?
27 Je vous prie de réfléchir à cette question ce soir, et nous allons
28 reprendre nos travaux demain matin.
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1 Je l'ai noté quelque part -- nous allons reprendre nos travaux demain à 9
2 heures, Monsieur Galbraith, dans la salle d'audience numéro I.
3 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le mercredi 25
4 juin 2008, à 9 heures 00.
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