Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 24 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Veuillez annoncer l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

  9   tous. C'est l'affaire IT-06-90-T, Procureur contre Ante Gotovina et

 10   consorts.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Deux choses. Tout d'abord, Monsieur Galbraith, il s'est avéré qu'il serait

 13   possible de déplacer l'audience de jeudi au matin. Il n'est pas sûr que

 14   l'on aurait besoin, mais de toute façon, cela me semble qu'il serait

 15   possible de répondre favorablement à votre demande.

 16   Deuxièmement, je vous rappelle que votre déclaration solennelle que vous

 17   direz la vérité, toute la vérité et rien que la vérité est encore

 18   contraignante pour vous.

 19   Oui, Maître Kehoe.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Kuzmanovic.

 23   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Hier, vous nous avez demandé de vous

 24   donner une évaluation du temps nécessaire. Nous avons déjà hier examiné la

 25   question, et nous allons encore réexaminer la question après la journée

 26   d'aujourd'hui, mais nous pensons que nous aurons besoin au moins de deux à

 27   trois heures.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, merci. Comme vous

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  1   le savez, la Chambre avant de prendre une décision finale va réfléchir sur

  2   la question de quelle manière le temps imparti pour le contre-

  3   interrogatoire a été effectivement utilisé.

  4   Allez-y, Maître Kehoe.

  5   LE TÉMOIN: PETER WOODARD GALBRAITH [Reprise]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   Contre-interrogatoire par M. Kehoe : [Suite]

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Hier, nous sommes arrêtés hier sur la question des événements qui ont

 11   précédé l'opération Tempête, été 1995. Sur la base de votre travail dans

 12   cette zone, l'existence de la "Republika" des Serbes de Krajina ou

 13   l'existence des Serbes de Krajina avait des conséquences tout à fait

 14   néfastes sur le pays du point de vue de la sécurité et de l'économie ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire quelque chose de plus à ce sujet-là ?

 17   R.  Oui, du point de vue économique c'était néfaste. La Croatie, comme nous

 18   le savons tous, est un extrêmement beau pays dont l'atout principal est la

 19   côte, d'une beauté naturelle exceptionnelle, et d'une architecture

 20   exceptionnelle. Et pendant ces années et toutes ces années, il n'y avait

 21   pas de touristes, pas du tout. Je me souviens à un moment je suis allé à

 22   Split en juillet 1993. On ne pouvait pas y aller en voiture, on a dû

 23   prendre un bateau. Nous sommes arrivés en ville. L'électricité était coupée

 24   parce que l'armée de Republika Srpska Krajina, la RSK, avait bloqué

 25   l'arrivée -- lignes de tension.

 26   Et évidemment la situation était très difficile. Les effets négatifs

 27   étaient présents aussi dans le domaine des transports, de la circulation

 28   des personnes, des biens. Le taux de chômage était très élevé, et je dois

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  1   peut-être faire une comparaison qui vous permettra de comprendre bien la

  2   situation. A l'époque, le revenu national croate en 1998 [comme interprété]

  3   correspondait à à peu près 80 % de celui de la Slovénie.

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  Bien. Alors passons maintenant à la deuxième partie de ma question

  7   concernant l'aspect sécuritaire en Croatie. Quelle était la situation en

  8   Croatie, compte tenu du fait que la République de la Krajina se trouvait

  9   sur sa frontière ?

 10   R.  Jusqu'en 1994, le cessez-le-feu, le territoire croate était

 11   régulièrement pilonné depuis des territoires tenus par les Serbes. Par

 12   exemple, je suis allé à Karlovac, les lignes de front. C'était une ville

 13   qui était divisée, et quelques jours auparavant il y avait plusieurs obus

 14   qui étaient tombés sur la ville. L'église locale a été touchée à plusieurs

 15   reprises.

 16   Zadar aussi, une ville très importante, a été dans la portée des obus.

 17   Beograd aussi, c'est une destination touristique. Donc à partir de 1991,

 18   beaucoup de personnes ont été blessées à cause de pilonnages et beaucoup

 19   d'autres ont refusé de vivre cette vie.

 20   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 21   M. KEHOE : [interprétation]

 22   Q.  Toutes mes excuses. J'aurais dû le faire dès le début, car lorsque nous

 23   parlons la même langue, c'est souvent difficile.

 24   Pour que le problème devienne encore plus complexe en Croatie, avant les

 25   événements de juin 1995, un très grave problème relatif aux réfugiés

 26   existait également ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Pourriez-vous nous en dire quelque chose de plus, s'il vous plaît.

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  1   R.  La Croatie comptait 4 millions et demi d'habitants. Il y avait des

  2   Croates déplacés depuis 1991, environ 2 à 3 000 [comme interprété]

  3   personnes. Je ne me souviens plus exactement des chiffres. Ces personnes

  4   ont été hébergées dans des hôtels le long de la côte. La première fois où

  5   je suis allé, l'Intercontinental, l'un des plus grands hôtels de Zagreb, la

  6   moitié était remplie de réfugiés. Il s'agissait des Croates expulsés des

  7   hôtels situés sur la côte depuis quatre ans.

  8   Ensuite, en 1992, au début de la guerre en Bosnie, la Croatie a connu

  9   l'arrivée, peut-être, d'un million de personnes. C'était un énorme fardeau

 10   pour un aussi petit pays.

 11   On ne peut pas dire que la Croatie s'occupait à 100 % bien de ces

 12   réfugiés. Il y a eu quelques repatriations [phon] contre le gré de ces

 13   réfugiés. On les a renvoyés en Bosnie, mais il faut dire que la situation

 14   était très difficile à cause de la guerre.

 15   Q.  Bien. Donc il y avait des Croates déplacés à l'intérieur de la Croatie,

 16   plus les Bosniaques qui sont arrivés de Bosnie ?

 17   R.  Oui, oui. Je pense qu'on pourrait dire que les Croates déplacés, d'une

 18   manière générale, étaient mieux traités. Enfin, ils étaient citoyens de ce

 19   pays, mais le traitement à l'égard des Bosniaques pendant la guerre a été

 20   plutôt bon, même pendant la guerre entre les Musulmans et les Croates.

 21   Q.  Bien. Vous nous avez parlé un peu de M. Babic et de M. Martic.

 22   Dans l'affaire Milosevic, compte rendu page 32 110, vous avez dit : "Pour

 23   Martic," ligne 5 -- page 23 110. Vous avez dit pour Martic il est

 24   absolument hors question, la cohabitation entre les Serbes et les Croates.

 25   Il a déclaré que les Serbes et les Croates, ils ne pourraient jamais plus

 26   vivre ensemble sur un territoire faisant partie de la Croatie.

 27   Donc il vous a dit qu'une réintégration en Croatie n'était pas possible.

 28   C'est à peu près la bonne qualification de ce que vous avez dit ? J'ai bien

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  1   décrit ce que vous avez dit ?

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  [aucune interprétation]

  4   M. TIEGER : [aucune interprétation]

  5   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  6   M. TIEGER : [interprétation] Pourriez-vous nous donner la référence plus

  7   précise.

  8   M. KEHOE : [interprétation] C'est le compte rendu de l'affaire Milosevic.

  9   Toutes mes excuses.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'insiste sur les pauses, s'il vous

 11   plaît.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Toutes mes excuses au Procureur. C'est le

 13   compte rendu de l'affaire Milosevic, 23 110, lignes 5 à 8.

 14   Q.  Lors de vos pourparlers avec les Serbes de Krajina et Martic - vous

 15   l'avez dit dans votre déclaration qui se trouve, si je ne me trompe, sous

 16   vos yeux, Monsieur l'Ambassadeur, cette déclaration plutôt longue - au

 17   paragraphe 8, vous avez indiqué que les Serbes de Krajina jouaient des jeux

 18   sans fin afin d'éviter des négociations sérieuses, et que Martic semblait

 19   être la personne principale dernière ces retards ou reports sans fin.

 20   Monsieur l'Ambassadeur, pourriez-vous, avant de répondre, juste faire une

 21   petite pause.

 22   R.  Mon rôle dans tout cela, et en même temps le début de ce que l'on

 23   appelait le processus Z-4, était de participer aux négociations sur le

 24   cessez-le-feu qui ont eu lieu en mars 1994 à Zagreb avec les Russes. Les

 25   négociations se sont tenues en deux fois.

 26   En fin du deuxième round de négociations, nous avons passé un accord. Il a

 27   été décidé que des négociations sur des mesures visant à rétablir la

 28   confiance économique et autres allaient commencer à Plitvice deux semaines

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  1   plus tard. Les Croates ont soulevé la question des journalistes croates qui

  2   devaient se rendre à cet événement, parce que les journalistes serbes

  3   étaient venus depuis Krajina pour informer des négociations sur le cessez-

  4   le-feu à Zagreb, et les négociateurs on dit que : Bien, il fallait inviter

  5   ces journalistes.

  6   Ensuite, les Croates ont déposé leur liste de cinq journalistes qui

  7   devaient accompagner la délégation. C'était un tout petit groupe de

  8   journalistes pour un pays qui avait une presse développée, la radio, la

  9   télévision. Mais les Serbes ont rejeté cela parce qu'à Zagreb il n'y avait

 10   que deux Serbes. Mais c'était parce qu'ils n'avaient pas plus que deux

 11   journalistes, tout simplement, et c'est pour cette raison-là que la réunion

 12   n'a pas eu lieu. Le processus a été interrompu. Ce genre de jeux, de

 13   manœuvres, se répétait sans cesse. A mon avis, ils n'étaient pas prêts à

 14   prendre ces problèmes à bras-le-corps et à essayer de trouver une solution

 15   en politique visant à réintégrer la Krajina dans le territoire de la

 16   Croatie.

 17   A mon avis, mon sentiment était que moi aussi derrière tout ça, qu'il

 18   ne souhaitait pas le bien-être du peuple de Krajina. Il ne s'intéressait

 19   qu'à lui-même, il n'était pas très, très malin, et je pense qu'il était

 20   sous le contrôle de Milosevic, comme je l'ai déjà dit, qu'il l'a d'ailleurs

 21   nommé à son poste, qu'il lui a permis d'occuper cette fonction.

 22   Il serait peut-être mieux de dire que c'était plutôt Milosevic qui

 23   était derrière tous ces retardements parce qu'en fait Martic tout seul, il

 24   ne faisait pas le poids.

 25   Q.  Dans l'affaire Martic, je crois qu'à l'époque des négociations sur le

 26   plan Z-4 en janvier 1995, comment Martic avait même refusé de recevoir un

 27   exemplaire de la proposition; cela est-il exact ?

 28   R.  Oui, c'est exact. C'était tout à fait extraordinaire, inconcevable. On

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  1   avait là les ambassadeurs des Etats-Unis, de la Russie. Je pense que

  2   l'ambassadeur de France est le représentant de l'Union européenne. A la

  3   fois étaient là-bas un représentant spécial de l'Union européenne, puis le

  4   représentant des Nations Unies. Ils refusaient de toucher le papier sur

  5   lequel se trouvait ce plan de paix approuvé par le Conseil de sécurité.

  6   Q.  C'est Martic qui refusait de le prendre ?

  7   R.  Oui, il a refusé de le prendre.

  8   Q.  Bien. S'agissant de ce que vous avez fait début août ou plutôt fin

  9   juillet dans le cadre des négociations pour la paix, vous vous êtes rendu à

 10   Knin pour rencontrer Martic, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Que s'est-il passé ?

 13   R.  Je n'étais pas bienvenue à Knin, et Babic a alors envoyé un message me

 14   proposant de me rencontrer à Belgrade.

 15   Q.  Vous nous avez dit être allé à Belgrade pour rencontrer Babic, et il

 16   vous a dit, à cette époque là -- ou peut-être vous a-t-il dit à cette

 17   époque-là qu'il n'arrivait pas à s'entretenir avec Milosevic au sujet des

 18   négociations ?

 19   R.  Oui. Il m'a dit cela, qu'il n'arrivait pas à rencontrer Milosevic et

 20   qu'il suffisait un mot de Milosevic pour que Martic accepte la proposition.

 21   Q.  Bien. Revenons maintenant à votre déclaration, paragraphe 63. Monsieur

 22   l'Ambassadeur, au moment où vous, vous tentiez de passer cet accord de

 23   dernière minute, vous avez déclaré qu'un mot de Milosevic aurait pu faire

 24   toute la différence, mais que Milosevic n'avait pas rencontrer Rudy Perina.

 25   C'est ce que vous avez indiqué dans votre déclaration.

 26   Qui est-ce cette personne ?

 27   R.  Rudy Perina, c'était le chargé d'affaires de l'ambassade des Etats-Unis

 28   à Belgrade, donc un des plus hauts officiers américains en ex-Yougoslavie.

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  1   Nous n'avons pas à l'époque reconnu la Serbie et le Monténégro comme un

  2   Etat, donc nous n'avions pas d'ambassadeur. C'était le chargé d'affaires.

  3   Q.  Bien. Dans le cadre de ces négociations les premiers jours d'août 1995,

  4   M. Perina était-il chargé de s'entretenir avec Milosevic afin de le

  5   convaincre d'accepter cette proposition ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Mais il n'a pas réussi à le rencontrer ?

  8   R.  Oui. Il n'a pas réussi à rencontrer Milosevic jusqu'au 3 août, et à ce

  9   moment-là il était clair à tout le monde qu'une action militaire aurait des

 10   conséquences considérables sur le bien-être d'un grand nombre de la

 11   population serbe que Milosevic soi-disant défendait.

 12   Q.  Bien.

 13   Sur la base de cette chronologie sur tout qui s'est passé, vous

 14   n'avez pas pu vous rendre à Knin pour rencontrer Martic, ensuite M. Perina

 15   n'a pas pu s'entretenir avec Milosevic, alors quelle conclusion avez-vous

 16   tirée sur la base de ces événements-là ?

 17   R.  Ma conclusion a été la suivante : les perspectives de trouver une

 18   solution pacifique n'étaient pas très probables, mais qu'il fallait

 19   poursuivre, continuer.

 20   Q.  Bien. Maintenant, laissons un peu de côté les Serbes de Krajina et

 21   parlons un peu de la République de Croatie pendant cette même période de

 22   temps. Nous allons maintenant parler de quelques initiatives de paix

 23   auxquelles vous avez participé directement, comme médiateur, par exemple,

 24   pour le plan Vance-Owen, ou le plan Owen-Stoltenberg et, ce qui est le plus

 25   important, l'accord de Washington.

 26   Pendant toutes ces négociations sur tous ces plans, le président Tudjman, à

 27   votre demande, a-t-il accepté de négocier tous ces plans que je viens

 28   d'énumérer ?

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  1   R.  Oui. Il a accepté de négocier à chaque fois où on lui a demandé de le

  2   faire.

  3   Q.  Bien. Le plan qui a exigé votre grande implication était celui de

  4   Washington en mars 1994, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire quelque chose de plus sur les accords de

  7   Washington, le contexte dans lequel tout cela s'est passé ?

  8   R.  En 1993, des combats d'envergure ont éclaté entre les Croates et les

  9   Musulmans en Bosnie, et pour nous il était évident qu'il n'y avait pas de

 10   perspective de mettre fin à la guerre en Bosnie tant qu'il y a trois

 11   parties participant à ce conflit. Donc notre priorité absolue - la priorité

 12   du gouvernement des Etats-Unis -a été de mettre fin à la guerre entre les

 13   Musulmans et les Croates et cela comprenait un changement d'attitude de la

 14   part de la Croatie : d'abord, il fallait arrêter les atrocités, libérer les

 15   prisonniers, et ensuite passer un accord entre ces deux parties.

 16   Cela a nécessité une solution politique. Nous avons fait quelque chose sur

 17   la suggestion des Croates de Bosnie qui n'étaient pas sur la même ligne que

 18   ceux d'Herzégovine. Donc nous avons fait une proposition portant sur les

 19   cantons et la création d'une fédération entre les Musulmans et les Croates,

 20   et c'est ce qui faisait l'objet des négociations à Washington fin février,

 21   début mars 1994.

 22   Quand cet accord a été passé, les combats entre les deux parties ont cessé

 23   immédiatement. Les deux parties se sont alliées, et c'est grâce à cette

 24   alliance que la Bosnie-Herzégovine a pu survivre, et dans les 18 mois qui

 25   ont suivi, la guerre a été terminée. Bien sûr, cette solution n'était pas

 26   parfaite, mais elle était toujours meilleure que la guerre.

 27   Q.  Bien. D'après vous, Monsieur l'Ambassadeur, les accords de Washington

 28   ont été le facteur crucial qui a eu pour résultat le rétablissement de la

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  1   paix en ex-Yougoslavie ?

  2   R.  Oui, oui. S'il n'y avait pas eu les accords de Washington, je ne crois

  3   pas que la Bosnie ait pu survivre, il n'y aurait pas eu d'autres accords,

  4   et avant qu'il ne meure, j'ai rencontré le président Izetbegovic, qui m'a

  5   dit la même chose.

  6   Q.  Le président Tudjman a accepté les accords de Washington au nom de la

  7   République de Croatie, n'est-ce pas ?

  8   R.  Non, les accords de Washington ne lui plaisaient pas vraiment. Il n'a

  9   pas voulu accepter ces accords, mais sous la pression très forte des Etats-

 10   Unis, étant pragmatique, il a accepté cet accord, bien qu'auparavant il ait

 11   essayé de le l'honnir à plusieurs reprises.

 12   Q.  Bien. Maintenant passons à la pièce 421. Je ne sais pas si vous avez ce

 13   document sous les yeux. De toute façon, il sera affiché à l'écran.

 14   M. KEHOE : [interprétation] C'est P421 -- non, 451, toutes mes excuses. Il

 15   s'agit des extraits de ce livre, "Les Etats-Unis et la Croatie : Une

 16   histoire documentaire." Oui.

 17   R.  J'ai le livre entier, là.

 18   Q.  Oui, mais je n'ai pas l'intention de lire la totalité du livre. Ce qui

 19   m'intéresse, en fait, c'est ce que vous avez déclaré lors d'une conférence

 20   de presse le 2 juin. Page 91 de ce document. C'est la page -- le numéro est

 21   06069577.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document n'est toujours pas affiché

 23   sur nos écrans.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Je pourrais procéder, Monsieur le Président. Il

 25   s'agit d'un document P, et non pas du conseil de la Défense, D. Il s'agit

 26   de la pièce à conviction P451.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je le vois à l'écran.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci n'a pas été affiché sur le

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  1   prétoire électronique --

  2   Je crois que nous pouvons résoudre l'affaire.

  3   M. KEHOE : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur l'Ambassadeur. Reportez-vous au dernier paragraphe, s'il vous

  5   plaît. Il s'agit de votre discours en date du 2 juin 1994. Nous allons être

  6   lents.

  7   "Particulièrement, la Croatie s'est vue obligée d'abandonner l'idée

  8   d'accepter la République de Croatie en Bosnie et a décidé tout simplement

  9   de maintenir l'intégrité, l'indépendance territoriale et l'unité de cet

 10   Etat souverain. Agissant ainsi, la Croatie s'est rangée du côté du droit

 11   international et de la justice internationale. La décision prise par la

 12   Croatie était un élément-clé pour l'accord de Washington, il s'agissait

 13   d'un arrangement politique en vue de la fédération de Musulmans et de

 14   Croates, il fallait des structures de pouvoir qui permettaient une

 15   autogestion assez large à chacune des communautés, par la même occasion,

 16   les droits de l'homme en totalité de chacune de ces communautés ont été

 17   maintenus."

 18   Je vais passer maintenant à la page suivante, il s'agit du quatrième

 19   paragraphe de la même page, Monsieur l'Ambassadeur, et cela commence par :

 20   "Nous allons réitérer…"

 21   "Nous allons réitérer, l'accord portant fondation de la fédération n'aurait

 22   pas pu être possible sans pour autant faire et obtenir un tournant décisif

 23   et radical de la part du gouvernement de la Croatie. Lorsque nous avons eu

 24   des pourparlers avec la Croatie pour que la Croatie devienne notre

 25   partenaire dans ce processus pacifique, nous avons dit qu'en tant que

 26   partenaires nous étions prêts à coopérer avec la Croatie pour que celle-ci

 27   se voit intégrée le plus tôt possible dans des cadres d'arrangements

 28   économiques et de sécurité."

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  1   Monsieur l'Ambassadeur, ceci a été fait avant que l'agrément a pu être

  2   conclu ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous avez été vous-même engagé dans les pourparlers en vue du plan Z-4,

  5   vous nous avez dit hier en déposant que tant le président Tudjman au début

  6   n'avait pas pleinement accepté le plan Z-4, il était pour autant prêt à des

  7   négociations sur la base et à la lumière du document que vous lui avez

  8   présenté, n'est-ce pas ?

  9   R.  Au début, il ne se mettait pas d'accord. Mais, en fait, il avait

 10   accepté des négociations sur la base de ce document-là, et c'est tout ce

 11   que nous lui avons demandé de faire d'ailleurs.

 12   Q.  Dans ce document que vous lui avez soumis, ce document prévoyait une

 13   assez importante autonomie à l'égard des Serbes de Krajina, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui. Une très grande autonomie, oui.

 15   Q.  Pouvez-vous nous expliquer cela dans le détail.

 16   R.  Dans cette partie de la Krajina, où en 1991 il y avait une majorité

 17   constituée par les Serbes, un gouvernement à part devait exister ayant son

 18   propre parlement, de même que ses pouvoirs exécutifs qui devaient être

 19   considérés comme les autorités et le pouvoir de présider la Krajina. Ce

 20   gouvernement aurait un contrôle sur toutes les fonctions gouvernementales,

 21   sur la police, sur l'éducation, sur la culture. Il pouvait s'agir également

 22   d'un système tout à fait à part et autonome en matière de santé et en

 23   matière de prise en charge sociale. Il y aurait un drapeau à part, à côté

 24   du drapeau croate, tout comme les Etats-Unis d'Amérique pouvaient le faire.

 25   En fin de compte, la Krajina devait être démilitarisée, et nous avons même

 26   permis la possibilité, chose qui s'est révélée controversée, que la Krajina

 27   pouvait frapper sa propre monnaie, tout comme par exemple le faisait

 28   l'Ecosse, encore que là-bas il s'agit de la livre sterling encore une fois.

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  1   Q.  Et si peut-être on parlait un peu plus du président Tudjman, sans

  2   entrer dans le détail, pour voir comment ses négociations ont été menées en

  3   vue de cet accord en Slavonie orientale, ensuite à Prevlaka, et cetera, et

  4   il prenait part toujours avec Tudjman dans ces différentes négociations ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et au beau milieu de tout cela, vous avez pu parler également avec M.

  7   Babic.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Je crois que vous avez dit dans votre journal que sans égard aux

 10   efforts faits par vous à ce sujet, je crois que ceci était une entrée

 11   valable pour la date du 31 juillet, entrée faite par vous dans votre

 12   journal, il s'agit de la page 26 de votre journal, le 31 juillet, vous

 13   dites : "Je me dois de dire que les Croates auraient toutes les raisons de

 14   lever leur armée. La communauté internationale semble comprendre cela. Les

 15   Serbes ne sont pas si forts. Ils ont des parties de trois brigades qui ne

 16   s'occupent que des restants de leurs forces de Zepa alors qu'une armée

 17   professionnelle les attend à l'ouest. Ceci devrait être une belle revanche

 18   à l'encontre de Mladic. Toutes les négociations devraient s'arrêter là."

 19   Lorsque nous avons parlé de cela, Monsieur l'Ambassadeur, vous avez pu

 20   conclure que les négociations certainement avec les gens de Mladic à Genève

 21   -- excusez-moi, avec les gens de Martic, se trouvaient dans une impasse à

 22   Genève ?

 23   R.  Non, je ne pense pas comme cela, ceci en fait ne permet pas de dire

 24   qu'il s'agissait d'une référence à faire à des négociations entre la

 25   Croatie et la République de la Krajina serbe. Il s'agissait en fait de

 26   négociations en Bosnie lorsque le Groupe de contact essayait de mener des

 27   négociations, à cette époque-là on a pu sentir un premier élan de la part

 28   des Serbes de Bosnie en vue de la fédération, et pour un premier temps je

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  1   pensais que les négociations après Srebrenica et Zepa ne pouvaient finir

  2   autrement que dans une impasse. Mais ceci n'avait absolument rien à faire

  3   avec les négociations menées au sujet de la Krajina, et je pense pour ma

  4   part - peut-être que je m'abuse pensant ainsi - que la rencontre du 3 août

  5   n'était même pas encore fixée à cette époque-là.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.

  7   Q.  Nous reviendrons tout à l'heure à ce que vous venez de dire, mais en

  8   fait le 1er août à une réunion, vous avez dit au président Tudjman que vous

  9   ne pouviez pas poser de gros efforts et surtout pas d'espoir en faveur des

 10   négociations, ayant en vue de votre part les lacunes et les omissions

 11   faites par les Serbes de Krajina, n'est-ce pas ?

 12   R.  Au moment où je parle, je n'arrive pas à me rappeler si c'était

 13   justement mes propos à l'égard du président Tudjman, mais je ne devais pas

 14   poser beaucoup trop d'espoir à cet effet-là. Maintenant, quand j'y repense,

 15   je trouve qu'il serait possible de me voir peut-être avoir de telles

 16   instructions. La démarche qui était la mienne était peut-être un projet

 17   dans ce sens-là, mais je ne m'en souviens plus.

 18   Q.  Revenons à Genève, vous saviez, comme pas mal d'autres gens de la

 19   communauté internationale, vous saviez que les négociations de Genève

 20   n'étaient qu'une pure forme, parce que les Serbes de Krajina devaient

 21   refuser toute demande de la part du président Tudjman, surtout une

 22   réintégration par la Croatie de la Krajina d'une façon pacifique ?

 23   R.  Je ne pensais pas comme cela. Je supposais qu'il y avait dans une

 24   certaine mesure une possibilité de voir Babic faire réfléchir le Parlement

 25   à la proposition d'un accord pour lequel je me suis engagé en date du 2

 26   août. Mais ayant en vue la grande tragédie ressentie par la population de

 27   la Krajina, je me suis dis qu'il devait y avoir une chance, ne serait-ce

 28   que pour quelques jours, pour voir si Babic pouvait mener à bien ce qu'il

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  1   avait promis.

  2   Q.  Je vous ai fait référence aux réunions de Genève.

  3   R.  Et moi, je vous parlais du 3 août.

  4   Q.  Oui.

  5   R.  Mais j'ai voulu dire ce qui concernait Babic, il a été supposé que

  6   Babic pouvait s'entretenir avec les représentants de Genève et que

  7   publiquement il devait être accepté également ce en quoi nous voulions

  8   poser nos espoirs et ce pour quoi nous travaillions, Babic et moi.

  9   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, dans le compte rendu d'audience de l'affaire

 10   Milosevic, page 23 166, lignes 5 à 14, vous avez dit, Monsieur

 11   l'Ambassadeur : "Pour ce qui est des négociations de Genève, les Croates

 12   les utilisaient comme étant un vecteur qui permettait tout simplement de

 13   soumettre leur ultimatum final. Quant à eux, ils n'anticipaient pas une

 14   réponse positive du tout, et voilà pourquoi ils ont lancé cette attaque. Je

 15   ne pensais pas que les Croates pouvaient penser qu'il pouvait s'agir là de

 16   négociations raisonnables qui avaient un sens, à mes yeux, tout comme à

 17   d'autres diplomates à Zagreb, tout comme aux yeux de la communauté

 18   internationale tout entière, ces négociations de Genève n'étaient autre

 19   chose que pure forme, que la situation s'avérait fort dangereuse, que

 20   Tudjman allait soumettre les demandes faites déjà par lui, que les Serbes

 21   allaient refuser ces demandes, ce qui n'était autre chose qu'une excuse

 22   pour faire la guerre."

 23   Est-ce que vous l'avez dit ainsi dans l'affaire Milosevic ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Dans cet ordre d'idées, étant donné les événements tels qu'ils se

 26   déroulaient, est-ce qu'il y avait lieu de parler d'une fin des négociations

 27   avec les Serbes de Krajina, dans le paragraphe 63 de votre déclaration,

 28   vous dites : "Il y a des bases d'un certain scepticisme aux yeux des chefs

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  1   croates. Pour ma part, je voulais avoir un peu plus de temps, alors que je

  2   comprenais qu'il n'y avait plus de temps, et ils avaient raison d'être

  3   pleins de scepticisme."

  4   C'était votre conclusion, Monsieur l'Ambassadeur, après la fin de ces

  5   négociations, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, cela est correct. Mais permettez-moi de reprendre ce que j'avais

  7   dit dans le cadre de l'affaire Milosevic, il est certainement vrai et juste

  8   que les Croates envisageaient cette réunion comme un lieu et une occasion

  9   où ils pouvaient présenter les propositions pour lesquelles ils savaient

 10   qu'elles allaient être rejetées, dans ce sens-là il ne s'agissait pas de

 11   négociation du tout.

 12   Nonobstant, j'avais déjà expliqué que ceci était étroitement lié avec

 13   ce que j'ai pu dire à Babic, en effet, si les Serbes acceptaient ou s'ils

 14   avaient dit d'avoir eu l'occasion d'accepter les propos de Babic, on

 15   pouvait attendre quelques jours pour voir si le tout devait se voir

 16   réaliser.

 17   Mais la Croatie ne le percevait pas ainsi. Les Croates tout simplement ont

 18   rappelé leur représentant aux négociations. Ils savaient qu'il s'agissait

 19   d'un ultimatum plutôt, lequel ultimatum devait être refusé par les Serbes,

 20   ceci n'était autre chose que la guerre.

 21   Q.  Mais la majeure partie de ce que Tudjman a dit dans le cadre de cette

 22   demande, c'est qu'il devait y avoir lieu d'avoir une réintégration

 23   pacifique en Croatie, n'est-ce pas ?

 24   R.  C'était une exigence principale, mais pour être honnête à l'égard de la

 25   position croate, il faut dire que les Serbes n'avaient pas accepté d'autres

 26   choses, auxquelles ils avaient donné leur accord, par exemple, le pipeline,

 27   ensuite la réouverture des voies de communication à travers la Krajina,

 28   ferroviaires et routières, de sorte que les différentes zones de la Croatie

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  1   puissent être encore une fois réintégrées.

  2   Il s'agit cette fois-ci de demandes de moindre envergure.

  3   Q.  S'agit-il là de voir tout ce scepticisme-là ?

  4   R.  Pour ce qui est de leur déclaration qui parle du scepticisme, elle

  5   était beaucoup plus concrète. Cela voulait dire que les Croates étaient

  6   dans leur droit d'aboutir à un tel scepticisme et d'offrir un tel

  7   scepticisme pour voir si Babic était suffisamment habilité pour mener à

  8   bien ce à quoi il s'était mis d'accord avec moi. Brièvement, il a fallu

  9   voir s'il était en mesure de l'emporter sur Martic. Les Croates avaient du

 10   scepticisme, bien sûr, pour savoir si lui, Babic, devait l'emporter sur

 11   Martic et Milosevic.

 12   Encore une fois, je considérais qu'il fallait attendre quelques jours

 13   de plus pour voir si quelque chose devait se dérouler dans ce sens-là.

 14   Q.  Essayons d'élargir un petit peu le contexte de ce qui vient d'être dit

 15   et parlons dans un contexte un peu plus large, géographiquement parlant,

 16   lorsque vous avez essayé de mener des négociations. Je voulais voir quelle

 17   était votre perception des événements de Srebrenica, perception qui était

 18   la vôtre de Bihac.

 19   Vous en avez parlé en répondant aux questions du Procureur. Elaborez

 20   un petit peu sur ce que vous avez dit, qu'avez-vous pu observer et qu'avez-

 21   vous pu conclure sur la base de ces informations obtenues par vous à cette

 22   époque-là ?

 23   R.  Ce fut des temps extrêmement difficiles. Les forces serbes étaient en

 24   l'offensive. Elles avançaient pour prendre Srebrenica. Sept mille hommes et

 25   garçons ont disparu. Sur la base de ma propre connaissance de la région,

 26   parce que je m'y trouvais pendant deux ans et demi, j'étais presque certain

 27   que les personnes portées disparues étaient des morts.

 28   Ensuite, il y a eu l'attaque contre Zepa puis l'attaque contre Bihac.

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  1   Ces attaques ont menacé par des changements à apporter dans l'ensemble de

  2   la situation stratégique des Balkans, incident il y aurait lieu de parler

  3   d'un Etat énorme serbe qui aurait compris la Krajina et des parties des

  4   zones serbes de Bosnie. Militairement parlant, cet Etat serbe aurait été

  5   beaucoup plus puissant lorsque Bihac n'existait plus, et pratiquement il ne

  6   serait agi que d'une seule frontière à défendre.

  7   Q.  Lorsque vous en parlez, vous vous référez à des Serbes ?

  8   R.  Oui, oui, à des Serbes.

  9   Q.  Poursuivez.

 10   R.  Oui, il s'agissait de Serbes et il s'agissait évidemment de certaines

 11   dimensions humanitaires du problème. A Srebrenica, il y avait plus de 40

 12   000 personnes. Mladic a fait en sorte que 20 % de ces gens-là ont été mis à

 13   mort. Toute proportion gardée avec Bihac où il y avait 160 000 hommes, ceci

 14   voudrait dire que 32 000 hommes devaient être mis à mort, chose impensable

 15   50 ans après la Seconde Guerre mondiale, à mes yeux, et que des puissances

 16   européennes et les Etats-Unis d'Amérique l'auraient accepté, et c'est ce

 17   que nous avons craint. Une chose pouvait se passer de la sorte.

 18   La FORPRONU, dans son ensemble, se trouvait en danger et pouvait

 19   évidemment pratiquement connaître sa fin tragique. Pour parler de l'ONU, 30

 20   % des coûts ont été couverts par l'ONU - la Grande-Bretagne, la France,

 21   l'Espagne - et nos alliés avaient leurs propres soldats dans le cadre de

 22   missions poursuivies par la FORPRONU. Par conséquent, il a fallu retirer,

 23   extraire ces forces de l'OTAN. Donc la crise était énorme et grandissante,

 24   et d'après moi, je m'étais dit si l'OTAN ne devait pas sauver Bihac - or,

 25   en date du 22 juillet, on faisait mention dans une déclaration de Londres,

 26   seulement de Gorazde, non pas de Bihac - or, disais-je, si l'OTAN ne devait

 27   pas sauver Bihac, alors que la Croatie était prête à engager l'action

 28   militaire, nous avons dit que nous ne devrions pas faire d'objection à

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  1   l'égard de cette action militaire. C'était une position à moi, très forte

  2   position que j'ai présentée à mon gouvernement, et mon gouvernement a

  3   d'ailleurs accepté cette position-là.

  4   C'est ce que je disais d'ailleurs dans mes messages, j'étais tout à

  5   fait conscient du fait que l'action militaire menée par la Croatie en vue

  6   de sauver Bihac devait donner lieu à une crise humanitaire liée à la

  7   Krajina, mais ce que j'appelais, moi, la hiérarchie du mal, cette crise

  8   humanitaire devait être certainement moins grave si, par exemple, on devait

  9   voir les Serbes de Bosnie prendre Bihac et massacrer 32 000 personnes.

 10   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais qu'on présente maintenant la

 12   séquence vidéo 1D33009.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît, Maître.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'une séquence vidéo de la télévision

 15   RSK.

 16   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, avant de présenter à ce

 18   visionnement de cette séquence, j'ai donné la permission d'être présents

 19   deux mineurs à la galerie du public.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Peut-être seuls les représentants de la presse

 21   pourraient y être.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je croyais que ceci est une bonne chose,

 23   Monsieur Kehoe.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, non, j'en suis responsable.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Le commandant de l'état-major des forces armées de l'armée de

 28   Republika Srpska est une de nos vieilles connaissances. C'est la légende

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  1   des forces armées. Nous profitions de la présence du général Mladic pour

  2   qu'il nous adresse la parole pour représenter certaines questions qui sont

  3   d'ordre crucial pour le peuple serbe. Sans être beaucoup trop long, le

  4   général est à votre disposition. A vous, Mon Général.

  5   Mladic : Merci. Je voudrais profiter de la présence de vos médias

  6   pour dire mes meilleurs vœux au peuple serbe de Republika Krajina. Je suis

  7   toujours là. Je suis toujours parmi vous. Je ne vous ai jamais quitté, mais

  8   j'ai fait deux brèves pauses.

  9   Le journaliste : Mon Général, comment considérez-vous l'ensemble de

 10   la situation dans la Republika Srpska et République de Srpska Krajina ?

 11   Le Général Mladic : A mon sens, la situation est assez complexe étant

 12   donné une agression terrible qui s'est abattue sur la République Srpska et

 13   République Krajina de Serbie -- de Serbes, avec l'aide des médiateurs et

 14   moyennant les armes voulaient en obtenir un règlement dans toute cette

 15   région-là. Pour ma part, je pense que moyennant une belle organisation, et

 16   si tous les segments de la Republika Srpska et des Serbes de Krajina

 17   fonctionnent bien, on peut aboutir à un bon règlement, et je crois que les

 18   Croates ont commis une grave erreur dans cette guerre, laquelle erreur leur

 19   coûtera très cher.

 20   Le journaliste : Les Serbes ont-ils suffisamment de forces pour résister

 21   aux Croates et aux Musulmans ?

 22   Le général Mladic : Le peuple serbe dispose de suffisamment de forces, mais

 23   s'il n'y avait pas l'aide de blocs des pays occidentaux et des pays

 24   islamiques, nos ennemis auraient perdu cette guerre depuis longtemps. Toute

 25   matière de la guerre est d'abord catastrophique pour ceux qui l'ont

 26   commencée. Il s'agit de parler des formations armées croates.

 27   Une question de public : Mon Général, du point de vue stratégique, je pense

 28   que les forces croates se trouvent déployées dans des effectifs beaucoup

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  1   trop larges. Dans quelles mesures ceci peut permettre à vous-même et à nos

  2   forces de riposter ?

  3   Réponse du général : Votre curiosité de journaliste ne demande pas tout

  4   simplement une réponse avec beaucoup trop de précision. Le temps qui vient

  5   donnera des réponses à votre curiosité et à vos questions.

  6   Le rédacteur : Comment se présente la situation dans Glamoc et dans le

  7   théâtre de guerre ?

  8   Réponse du général : Les forces armées croates sont entrées dans Glamoc et

  9   Grahovo, mais je crois que nous allons les récupérer, ces territoires très

 10   vite, comme nous l'avons fait avec d'autres territoires serbes.

 11   Question du public : Ce qui nous intéresse, c'est de voir comment se

 12   présente dans la situation dans les autres théâtres de guerre qui se

 13   trouvent sous contrôle du 2e Corps d'armée. -- médias parlant de

 14   territoires serbes prétendent qu'il n'y a pas suffisamment de coordination

 15   en matière de défense en République de Krajina serbe. Il y a même des

 16   tentatives de faire régner des rumeurs comme quoi il s'agit évidemment de

 17   voir le fait que le territoire de la Krajina de serbe est vendu.

 18   Général Mladic : Je ne voudrais pas faire de commentaires pour ce qui est

 19   d'une propagande de faible intensité. A mon sens, de Kupa à Korana, de

 20   Timok à Morava du sud est un peuple uni. Le peuple serbe dans ces

 21   territoires, tout comme d'autres peuples et nations de cette planète,

 22   devrait avoir un et même intérêt, un Etat doté de toutes les structures

 23   d'Etat, et je pense que pour tout ce qui est dans différentes zones de ce

 24   territoire, pour chaque Serbe sur la planète, tous doivent être intéressés

 25   à ce qui se passe avec les citoyens qui habitent dans ce territoire et

 26   ailleurs.

 27   Le rédacteur : Merci, Mon Général. Nous avons été surpris par votre

 28   venue ici.

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  1   Le général : Des questions se font nombreuses. Cela fuse de questions

  2   et je ne sais plus comment y répondre, d'ailleurs.

  3   Quelqu'un de public : Je m'excuse, Mon Général, d'avoir posé toutes

  4   ces questions.

  5   Général Mladic : Votre question a été tout à fait bonne. Ce n'est pas

  6   une première fois de voir les Oustachi s'attaquer contre nous. Mais je

  7   crois que tous ont à réaliser ce que je devais dire, à savoir il s'agissait

  8   des erreurs commises par des individus qui ont cru qu'il y avait une fin à

  9   des hostilités et que dans chaque ligne de contact des points de douane

 10   devaient être implantés, comme on pouvait jouer des matchs de football. Or,

 11   nous avons pu voir que tant de vies ont été perdues, et j'espère que notre

 12   peuple a compris que le peuple a suffisamment de force et saura avoir

 13   suffisamment de force pour riposter à cette agression de la Croatie

 14   présente avec tous ses effectifs et formations en Bosnie-Herzégovine et en

 15   Krajina. Nous devons d'ailleurs les faire revenir là où ils se trouvaient,

 16   à leur position de départ.

 17   Mais déjà encore une fois, notre peuple doit se mettre à la défense

 18   de leurs foyers, de ses foyers pour ne pas surtout être victimes de

 19   propagande et de provocation. Grâce à nos propres forces, nous voulons

 20   créer notre Etat. Grâce à nos propres enfants, qui sont des gens bien, il y

 21   a tant de vies et sacrifices auxquels nous avons consenti. Nous devons

 22   d'abord apporter d'autres efforts pour nous maintenir lors des hostilités.

 23   Le journaliste : Jusqu'à une victoire finale ?

 24   Le général : Oui, il s'agit de cela."

 25   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 26   M. KEHOE : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, l'unification de ces forces de la RSK avec le

 28   général Mladic était quelque chose qui vous concernait parce que cela

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  1   allait avoir des incidences non seulement sur Bihac, mais sur la Croatie,

  2   n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Mais au point de vue stratégique - et je sais que vous nous avez parlé

  5   de l'aspect humanitaire - mais d'un point de vue stratégique, quelle serait

  6   l'incidence à la Croatie si Bihac avait été conquis, si les Serbes de

  7   Krajina et les Serbes de Bosnie s'étaient mis ensemble pour conquérir Bihac

  8   ?

  9   R.  Il y aurait un seul Etat occidental serbe qui aurait un commandement

 10   coordonné, unifié, un commandement militaire unifié et qui défendrait

 11   uniquement les frontières intérieures, ce qui est différent par rapport à

 12   la situation qui existait à l'époque où Bihac était pris, c'est-à-dire que

 13   si le 5e Corps à partir de Bihac attaquait d'une part et s'était mis avec

 14   l'armée bosniaque et le HVO d'autre part.

 15   C'est-à-dire que la situation stratégique pour les Serbes de Bosnie et les

 16   Serbes de Krajina aurait été bien meilleure si Bihac avait été pris.

 17   Cela concerne également les Etats-Unis, parce que cela voudrait dire que

 18   cette guerre aurait continué pendant encore une longue période. Si cette

 19   entité avait été créée, les négociations de paix, basé sur ce que la

 20   communauté internationale offrait, et pour la Croatie et pour la BiH, la

 21   Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire le plan du groupe de contact, c'est-à-dire

 22   que les chances d'aboutir à quelque chose auraient été très minimes. Donc

 23   cela aurait été une catastrophe pour la Croatie. Pour les Etats-Unis, ça

 24   aurait été également une catastrophe pour aboutir à la paix.

 25   M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier de

 26   cette séquence vidéo, s'il vous plaît, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections ?

 28   Monsieur le Greffier.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D402.

  2   M. KEHOE : [interprétation]

  3   Q.  Je sais que -- excusez-moi.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de la verser au dossier.

  5   Je pense que c'est dans votre intérêt, Maître Kehoe.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D402 est versée au dossier.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président.

  9   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je sais que dans la séquence vidéo il était

 10   question de la chute de Grahovo et de Glamoc, mais avant cette période-là,

 11   vous avez reconnu que les choses pouvaient se dérouler de la sorte et que

 12   cet événement pouvait avoir une conséquence importante pour les réfugiés,

 13   qu'un grand nombre de réfugiés allaient se retrouver peut-être en Croatie

 14   alors que la Croatie avait déjà beaucoup de réfugiés à l'intérieur de ses

 15   frontières, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. A mon avis, 160 000 Bosniaques qui habitaient à Bihac auraient été

 17   ceux qui avaient de la chance. Je parle de ceux qui auraient été expulsés,

 18   par rapport aux milliers qui auraient été tués par Mladic. Je pense que ça

 19   aurait été un fardeau important pour la Croatie et ça aurait été quelque

 20   chose d'inacceptable pour le monde entier, parce que cela voudrait dire

 21   qu'un meurtre en masse aurait eu lieu, comme c'était le cas à Srebrenica.

 22   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez déployé tous vos efforts

 23   diplomatiques pour que cet accord de Split soit signé et mis en place,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  L'accord de Split était un accord entre le gouvernement de Croatie et

 26   le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Les Etats-Unis n'ont pas joué un

 27   rôle dans la mise en place des négociations à Split, mais le gouvernement

 28   croate a demandé que j'y aille, ce que j'ai fait. Je pense que j'étais le

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  1   seul diplomate étranger, c'est-à-dire moi et mes hommes étaient les seuls

  2   diplomates étrangers à être présents lors de cette réunion, et j'ai

  3   encouragé les deux parties à coopérer. En tant que signe de notre soutien à

  4   cet accord, lorsqu'il fallait prendre la photo des gens qui signaient

  5   l'accord, l'ambassadeur Zuzul, un des hauts responsables croates, m'a

  6   demandé de figurer sur cette photographie, ce que j'ai accepté.

  7   M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais maintenant afficher à l'écran la

  8   pièce 1D33-0061.

  9   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous n'allons pas lire maintenant l'accord en

 10   entier, mais examinez s'il vous plaît le troisième [comme interprété]

 11   paragraphe, où il est fait état des attaques contre les zones protégées des

 12   Nations Unies en Bosnie-Herzégovine et les opérations conjointes menées par

 13   les Serbes de Croatie et de Bosnie contre les zones protégées des Nations

 14   Unies à Bihac.

 15   Monsieur l'Ambassadeur, cet accord a permis aux forces croates et aux

 16   forces bosniennes de fonctionner conjointement en Bosnie dans leur combat

 17   contre les Serbes, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, c'était une des grandes importances de l'accord de Split. Il

 19   représentait une demande de la part du gouvernement de Bosnie-Herzégovine

 20   qui en fonction de la charte des Nations Unies a demandé d'exercer le droit

 21   d'autodéfense et elle a demandé à la République de Croatie de lui fournir

 22   de l'aide, et dans ce sens-là c'était une situation tout à fait différente

 23   par rapport aux interventions précédentes de la part de la Croatie en

 24   Bosnie. C'était fait d'une manière légale et c'était une action conjointe

 25   contre l'agresseur.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Je demande le versement au dossier.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça sera la pièce D403.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D403 est versée au

  3   dossier.

  4   M. KEHOE : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, à votre avis, à l'époque la Croatie allait

  6   violer les frontières internationales parce que les soldats de l'ARSK

  7   traversaient la frontière depuis la Croatie pour aller en Bosnie pour mener

  8   des combats, n'est-ce pas ?

  9   R.  D'un point de vue du droit international, l'Etat a l'obligation

 10   d'empêcher que son propre territoire soit utilisé pour les attaques menées

 11   contre un autre Etat. La situation était en quelque sorte plus compliquée

 12   parce que les Nations Unies étaient présentent sur le terrain, mais je

 13   pensais que la Croatie avait l'obligation de s'assurer qu'il n'y ait pas

 14   d'attaque depuis la Croatie contre la Bosnie-Herzégovine.

 15   Q.  S'agissant de cet accord, Monsieur l'Ambassadeur, l'un des objectifs de

 16   cet accord a été de permettre au général Gotovina et aux troupes de l'armée

 17   croate de lancer l'opération Eté 1995 contre Grahovo et d'autres

 18   territoires depuis la vallée de Livno, n'est-ce pas ?

 19   R.  L'une des conséquences de cet accord était l'offensive de la vallée de

 20   Livno, oui.

 21   Q.  Est-ce que ces attaques ont été couronnées de succès dans le sens où il

 22   n'y avait plus autant de pression contre Bihac ?

 23   R.  Oui, elles ont eu un effet très positif dans le sens où il n'y avait

 24   plus autant de pression contre Bihac.

 25   Q.  Allons de l'avant. Vous connaissiez cet accord et vous saviez que les

 26   activités menées par le général Gotovina et l'armée croate allaient être le

 27   fondement pour la prise ultime de la Krajina, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui. Je savais que cela faisait partie d'un plan militaire qui voulait

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  1   dire que la Krajina allait être prise. Mais après l'offensive de la vallée

  2   de Livno, il n'était pas sûr que l'opération Tempête allait avoir tout de

  3   suite lieu, mais c'est sûr que cette opération entrait bien dans le cadre

  4   de l'opération de Livno.

  5   Comme je l'ai déjà dit hier, ainsi que dans d'autres affaires, j'étais

  6   également conscient du fait que l'opération Tempête était planifiée et

  7   qu'elle allait avoir lieu probablement.

  8   Q.  Et vous saviez également que les combats qui allaient potentiellement

  9   avoir lieu lors de la prise Grahovo, par exemple, puis la prise de Knin,

 10   vous saviez que l'objectif ultime était la défaite des Serbes, et par là,

 11   je parle des efforts conjoints de l'ARSK et des Serbes de Bosnie, n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  L'objectif ultime croate était certainement de reconquérir la région de

 14   Krajina et j'imagine d'enlever le siège de Bihac -- oui, je pense que cela

 15   serait l'objectif ultime, oui.

 16   Q.  Lorsque l'on --

 17   Parlant de l'opération Eté 1995 et la prise de Krajina, les Croates

 18   voulaient battre définitivement, détruire, l'armée de la VRS et Ratko

 19   Mladic, n'est-ce pas ?

 20   R.  Nous voulions certainement que la VRS et Ratko Mladic soient

 21   définitivement battus.

 22   Q.  Pourquoi ?

 23   R.  Nous avons -- nous étions très contents, mais nous ne l'avons pas dit

 24   publiquement, nous étions très contents que cette opération de la vallée de

 25   Livno a eu lieu parce que ça a eu un effet très négatif pour Mladic et a

 26   rendu possible la levée du siège de Bihac.

 27   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, sur la base de vos connaissances de la région à

 28   l'époque, pour battre le général Mladic et ses forces conjointes militaires

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  1   de l'ARSK et de la VRS, qu'est-ce qu'il fallait faire ?

  2   R.  Je vais un peu décomposer votre question.

  3   Q.  Oui, allez-y.

  4   R.  Je pense qu'il ne fallait pas faire beaucoup pour battre d'un point de

  5   vue militaire l'ARSK, mais pour battre l'armée serbe de Bosnie, je pense

  6   qu'il y avait deux manières de le faire. D'abord, si l'OTAN allait

  7   intervenir dans une grande envergure, à condition que le Conseil de

  8   sécurité l'autorisait, cela aurait dû avoir lieu, mais cela n'allait pas

  9   avoir lieu; ou que les forces conjointes du gouvernement bosnien et du HVO

 10   avec le soutien de la République de Croatie et les forces aériennes de

 11   l'OTAN agissent ensemble. En fait, c'est comme cela que l'armée serbe de

 12   Bosnie a été battue et c'était ce qui a permis ensuite l'accord de paix de

 13   Dayton.

 14   Q.  Ces efforts conjoints dont vous parlez, Monsieur l'Ambassadeur, vous

 15   saviez que ces opérations avaient été menées par le général Gotovina ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Revenons maintenant à l'époque tout de suite après l'accord de Split.

 18   J'ai lu votre journal de bord, Monsieur l'Ambassadeur.

 19   Je ne sais pas si vous avez votre journal de bord sous les yeux, en

 20   date du 24 juillet. J'aimerais lire ce que vous avez écrit pour le 24 et le

 21   25. Pour le 24 juillet 1995, vous dites : "La guerre semble imminente. Les

 22   Croates semblent avancer demain à 4 heures contre Bosanski Grahovo. Les

 23   Serbes disposent de l'artillerie dans le secteur sud et envisagent de

 24   riposter en pilonnant les villes croates. Le plan croate envisage de

 25   tourner à gauche à Grahovo et d'avancer vers Knin," ce qui en dernier lieu

 26   a été l'opération Tempête, n'est-ce pas, Monsieur l'Ambassadeur ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Passons maintenant au 25 juillet. Le paragraphe qui commence par :

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  1   "J'ai reçu une démarche depuis Bihac." Et vous avez passé seulement à

  2   l'ambassadeur Zuzul qui se rend compte de l'importance : "Si la Croatie se

  3   comporte bien, son comportement ne sera pas puni à cause de l'action

  4   militaire dans la Krajina qui a pour objectif de sauver Bihac."

  5   Et le 28 juillet, vous dites que les forces conjointes -- c'est-à-dire que

  6   le HVO et l'armée croate sont en train de reprendre Bosanski Grahovo et

  7   Glamoc : "Lorsque je suis rentré dans mon bureau, j'ai appris qu'ils ont

  8   pris ces territoires et nous avons également appris que les Croates

  9   envisagent de mener une offensive afin de reprendre toute la Krajina."

 10   Donc cette opération ou ce processus qui a été en plusieurs phases et que

 11   vous étiez en train de suivre et dont vous avez parlé avec les responsables

 12   croates, c'était quelque chose qui certainement était en relation avec la

 13   vallée de Livno et vous avez donné son approbation au nom des Etats-Unis ?

 14   M. TIEGER : [interprétation] Je pense qu'il faudrait poser cette question

 15   en plusieurs étapes.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse.

 17   Q.  C'était une question composite, Monsieur l'Ambassadeur. Au fond,

 18   s'agissant de ce processus, au nom des Etats-Unis vous avez mené des

 19   discussions avec les responsables croates et vous avez donné votre

 20   approbation pour les activités qu'ils ont menées depuis la vallée de Livno,

 21   puis s'agissant de la prise de Bosanski Grahovo afin d'essayer de battre

 22   les Serbes de Bosnie et les Serbes de Krajina et pour enlever la pression

 23   sur Bihac. Ai-je raison de le dire, Monsieur l'Ambassadeur ?

 24   R.  Oui, au nom des Etats-Unis j'ai suivi ce processus. Et deuxièmement,

 25   les Etats-Unis n'ont pas approuvé ces opérations dans le sens où les Etats-

 26   Unis auraient dit aux Croates de faire ceci ou cela, mais nous n'avions pas

 27   d'objection contre cette opération, et dans ce contexte, le fait que nous

 28   n'avions pas d'objection était quelque chose de très important, parce que

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  1   nous et d'autres pays, nous étions contre un grand nombre d'actions qui

  2   auraient mené à une guerre de plus grande envergure, y compris l'action

  3   militaire du 10 novembre 1994, lorsqu'il y a eu cette autre crise à Bihac.

  4   Donc je ne veux pas que les Juges aient l'impression que les Etats-Unis

  5   approuvaient cette opération militaire. Les Etats-Unis n'avaient pas

  6   d'objection contre cette opération. C'est ce que l'ambassadeur Zuzul a

  7   compris, et je pense que c'est ce que j'ai consigné dans mon journal de

  8   bord, il a compris que si la Croatie se comporte bien, la Croatie n'allait

  9   pas être punie pour cette opération militaire, à savoir qu'il n'y aurait

 10   pas de sanctions. Mais c'est une déclaration différente par rapport à la

 11   situation où l'on aurait dit qu'on approuvait d'une manière explicite cette

 12   action.

 13   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais maintenant attirer votre attention

 14   sur l'enregistrement audio de votre rencontre avec le président Tudjman en

 15   date du 1er août.

 16   Je reviendrai là-dessus plus tard, mais je pense que tout à l'heure

 17   vous avez parlé de quelque chose que je voudrais aborder maintenant avec

 18   vous, vous avez parlé des Nations Unies, lorsque vous étiez présent au

 19   moment où l'accord de Split a été signé, et où les forces allaient se

 20   mettre ensemble pour se battre contre les Serbes, et vous étiez frustré

 21   dans vos contacts avec la hiérarchie des Nations Unies à cette époque-là,

 22   n'est-ce pas ?

 23   J'aimerais maintenant attirer votre attention sur une ligne précise de

 24   votre journal de bord, en date du 12 juin, un déjeuner avec Akashi et

 25   Janvier. "Ces deux sont très opposés à l'utilisation de force."

 26   Passons maintenant au 14 : "Fred Eckhart a montré à Akashi la mauvaise

 27   presse dont il jouit." C'est dans le premier paragraphe.  Il est dit que :

 28   "Les Nations Unies ont soi-disant abandonné sa mission, et les nombreuses

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  1   citations du porte-parole de Sarajevo, Ivanko, n'a pas soutenu la thèse

  2   d'Akashi."

  3   J'aimerais maintenant vous montrer 1D33-0076.

  4   Encore une fois, Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un article du

  5  Washington Post, en date du 1er [comme interprété] juin 1995. Je ne vais pas

  6   lire tout l'article, mais comme vous pouvez le voir dans le corps de

  7   l'article : "La mission des Nations Unies a annoncé qu'elle n'allait pas

  8   mener des missions en Bosnie sans l'accord des Serbes de Bosnie, mettant en

  9   doute leur volonté de protéger les enclaves musulmanes."

 10   Passons maintenant aux "Sources occidentales". Elles ont dit que : "un

 11   projet de résolution du Conseil de sécurité circule à New York, que ce

 12   projet a été présenté par la France et la Bretagne, et que dans ce projet

 13   un accent est mis sur la mission des Nations Unies en Bosnie…" Passons

 14   maintenant à la page suivante. En haut, s'il vous plaît, la Bosnie "…doit

 15   faire uniquement ce que les Serbes souhaitent qu'elle fasse et doit

 16   abandonner ses menaces d'engager la force pour protéger les Musulmans."

 17   Et maintenant, j'aimerais vous présenter la pièce 1D33-0078.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, j'imagine que vous pouvez

 19   finir avec cette question dans deux minutes, avant la pause.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 21   Q.  J'aimerais présenter l'article avant la pause, et après la pause je

 22   vais poser la question.

 23   Parlant de M. Pomfret, il s'agit d'un article du Washington Post de deux

 24   jours plus tard, au fond, il parle de la même question, et j'aimerais

 25   maintenant mettre en exergue une citation de la deuxième page.

 26   Je cite, c'est le deuxième paragraphe : "'Les Serbes de Bosnie mènent la

 27   barque,' a dit Ivanko, le porte-parole des Nations Unies à Sarajevo. La

 28   question a été posée si les Nations Unies ont présenté des possibilités, et

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  1   il a répondu là-dessus : 'Je n'arrive pas à voir qu'il y en ait eu pour

  2   l'instant.'"

  3   Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais maintenant vous poser encore deux

  4   questions portant sur ces deux articles. J'aimerais que ces deux articles

  5   soient versés au dossier.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois, Monsieur Tieger, que vous

  7   n'avez pas d'objections.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 1D33-0076 deviendra la pièce

  9   D404.

 10   Et pour ce qui est de 1D33-0078 [comme interprété], cette pièce deviendra

 11   la pièce D405.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D404 et D405 sont versées au

 13   dossier.

 14   Nous allons faire la pause, mais avant de faire la pause, j'aimerais faire

 15   une petite décision qui peut être rendue en audition publique.

 16   Monsieur Galbraith, si vous voulez gagner dix secondes, vous pouvez sortir,

 17   mais il s'agit d'un corrigendum de la décision de la Chambre sur le

 18   versement au dossier des déclarations de sept témoins en vertu de l'article

 19   92 quater, décision en date du 16 juin 2008.

 20   Le 16 juin 2008, la Chambre a rendu la décision sur le versement au dossier

 21   des déclarations de sept témoins en vertu de l'article 92 quater.

 22   La Chambre a constaté que la page 03070010 aurait dû être incluse dans le

 23   numéro V de ce dispositif, et maintenant la décision est amendée dans le

 24   sens où cette page est incluse.

 25   C'est la fin de notre décision.

 26   Nous allons maintenant faire la pause et reprendre à 16 heures 15.

 27   --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.

 28   --- L'audience est reprise à 16 heures 20.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, avant de poursuivre, avez-

  2   vous quelque chose à dire, Monsieur Tieger ?

  3   M. TIEGER : [interprétation] Deux questions, très rapidement.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si ça porte sur le contre-

  5   interrogatoire, alors il faudra le faire, et rapidement.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Hier, nous avons fait une demande de versement

  7   de documents sans passer par le témoin. Nous avons discuté rapidement avec

  8   le Greffier et nous avons décidé que nous devrions marquer ces documents

  9   par avance. Par ailleurs, la Défense a demandé du temps pour les examiner

 10   entre-temps, donc nous pourrons leur attribuer des cotes.

 11   Deuxièmement, hier un document a été présenté, une carte. Nous

 12   n'avons pas pu trouver des références d'un document qui se rapporte à cette

 13   carte, et j'aimerais que mon confrère me marque ces passages pour qu'on

 14   règle cette question ici dans le prétoire.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Oui, et le témoin a dit qu'il ne le savait pas

 16   pour sûr.

 17   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Juste quelque chose s'agissant de cette

 18   demande de versement de documents directe.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai pu rapidement examiner ce document,

 21   et pour la plupart je n'ai pas d'objection. Mais nous avons une objection

 22   pour 3 209 sur la liste 65 ter. Ça, c'est le premier document, qui concerne

 23   une réunion en 1992 sur les transferts de population et discussions entre

 24   les Serbes et les Croates de Bosnie, pour lequel nous pensons ne pas être

 25   pertinent pour cette affaire.

 26   Merci. 

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci de nous avoir déjà, d'une

 28   certaine manière, annoncé votre position sur ces documents s'agissant de

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  1   ces demandes de versement directes sans passer par le témoin.

  2   Je propose aux parties, et j'ai déjà demandé au Greffier, d'activer

  3   des cotes à la plupart de ces documents aux fins d'identification pour

  4   qu'on puisse se retrouver, même si la décision suivra ultérieurement.

  5   Hormis cela, Maître Kehoe, la Chambre a examiné avec attention le

  6   contre-interrogatoire jusqu'à maintenant. Nous avons constaté que le

  7   contexte de l'opération Tempête a été exploré en grand détail, y compris

  8   les aspects politiques, stratégiques et tactiques qui ont conduit à ces

  9   événements.

 10   La Chambre n'ignore pas l'importance et la pertinence du contexte, mais

 11   considère également que cela n'est pas sans limite.

 12   La Défense de Gotovina a annoncé qu'elle allait avoir besoin de six

 13   heures pour contre-interroger M. Galbraith. Après avoir examiné le contre-

 14   interrogatoire jusqu'à maintenant, la Chambre pense qu'il serait bien que

 15   la Défense de Gotovina se limite au même nombre d'heures que le Procureur a

 16   utilisées, c'est-à-dire deux heures et 49 minutes. 

 17   La Chambre décide maintenant qu'elle permettrait à la Défense de

 18   Gotovina d'utiliser cinq heures pour le contre-interrogatoire. Mais nous

 19   lui conseillons vivement d'éviter des répétitions, d'utiliser effectivement

 20   le temps imparti et d'aller directement au cœur des choses, en essayant de

 21   trouver un juste équilibre entre le contexte conduisant à l'opération

 22   Tempête et les questions qui sont au cœur de cette affaire, c'est-à-dire la

 23   question de savoir si des crimes ont été commis ou pas et si l'accusé est

 24   pénalement responsable de ces crimes.

 25   Cette décision-là concerne la Défense de Gotovina. S'agissant

 26   d'autres équipes de Défense, pour l'instant nous n'avons pas pris de

 27   décision, la Chambre se réserve le droit de s'exprimer ultérieurement parce

 28   d'autres contre-interrogatoires permettront aux autres équipes de voir ce

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  1   qui se passe et de s'adapter.

  2   Allez-y.

  3   M. KEHOE : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais maintenant vous présenter le

  5   document 1D33-0068.

  6   C'est une citation d'un livre -- un extrait du livre "La complicité

  7   avec le diable," la page --

  8   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le numéro de la page.

  9   M. KEHOE : [interprétation]

 10   Q.   -- c'est la citation en bas de cette page qui continue sur la page

 11   suivante.

 12   "'Les Nations Unies disposent d'une collection entière de rapports

 13   sur les atrocités commises, et c'en est qu'une de plus, mais nous avons su

 14   que 7 000 personnes sont portées disparues, et c'était la preuve de ce qui

 15   leur est arrivé. J'étais sûr que cela allait être enterré par les Nations

 16   Unies. Dans le monde d'Akashi, la réaction à quelque chose de tel était que

 17   les Nations Unies devaient être très attentives parce que la situation

 18   était très dangereuse et pouvait conduire à une action militaire. Les

 19   Nations Unies ont toujours besoin d'une preuve, et avaient également des

 20   stratégies visant à s'assurer à ce qu'il n'y ait pas de preuve. Ils

 21   gardaient les rapports au chaud et il y avait les articles de la presse, la

 22   situation est à peu près la même pour la Bosnie. Mais en ce qui me

 23   concerne, c'était un message, preuve que le massacre a bien eu lieu.'"

 24   Monsieur l'Ambassadeur, cela concerne les discussions au sujet Srebrenica

 25   et Zepa. Pourriez-vous nous dire ce qui se passait s'agissant de votre

 26   coordination avec les Nations Unies en juin et juillet 1995 ?

 27   R.  Vous m'avez déjà demandé cela. Vous m'avez présenté un document. Vous

 28   m'avez demandé si j'ai eu des divergences avec les Nations Unies, il n'est

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  1   pas nécessaire de répéter que j'ai eu des grandes divergences par moment

  2   avec les Nations Unies et que j'ai été très frustré par la manière dont les

  3   Nations Unies se sont conduites à cette époque-là, et notamment pendant ces

  4   mois-là. Ces commentaires que vous venez de citer et qui font partie de mon

  5   journal de bord parlent suffisamment d'eux-mêmes, et je ne pense pas qu'il

  6   soit nécessaire de rajouter quoi que ce soit, sauf si vous insistez. Mais

  7   je pense que je dois dire quelque chose au sujet de ce passage du livre

  8   d'Adam Labore.

  9   Les Nations Unies -- il y a eu le massacre de -- la chute de

 10   Srebrenica, les femmes et les enfants qui ont été conduits en car jusqu'à

 11   Tuzla, et à ce moment-là, le monde se focalisait sur ça, sur les violations

 12   des droits de l'homme commises à l'encontre de ces femmes et de ces

 13   enfants. Il y a eu des personnels des Nations Unies qui se sont entretenus

 14   avec ces femmes et ces enfants. Et il y a eu parmi les personnes avec

 15   lesquelles ces personnels parlaient un homme qui avait survécu au massacre

 16   -- on ne va pas entrer dans les détails, c'est quelqu'un qui a été dans une

 17   fosse commune, qui a réussi à en sortir et à traverser le bois jusqu'à

 18   Tuzla.

 19   Tout cela a été consigné dans un rapport et traité de telle manière

 20   dans le siège des Nations Unies à Zagreb. Les responsables des Nations

 21   Unies étaient très préoccupés par cette situation, que cela allait finir

 22   dans un tiroir tout simplement. Voilà --

 23   Mais pour moi, c'était la preuve qu'il y a eu un massacre et qu'une

 24   situation semblable menaçait de se répéter à Bihac. On parle ici du 25

 25   juillet. Donc oui, on peut conclure que j'étais très frustré et que j'ai eu

 26   des divergences avec eux.

 27   Q.  Bien. Vous avez consigné dans votre journal de bord que les Nations

 28   Unies s'opposaient fermement à l'utilisation de force. Est-ce que vous

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  1   pensiez que les Nations Unies n'allaient tout simplement pas vouloir

  2   utiliser la force pour aider à la résolution de la crise de l'ex-

  3   Yougoslavie ?

  4   R.  Ce n'était pas la mission des Nations Unies, je dois l'admettre. Ils

  5   ont d'ailleurs déployé beaucoup d'efforts humanitaires qui ont permis à des

  6   centaines de milliers de personnes de survivre, par exemple, à Sarajevo.

  7   Mais ils n'avaient pas suffisamment d'effectifs, pas suffisamment de

  8   ressources, pas suffisamment de casques bleus dans les zones en conflit --

  9   et vous savez, il n'y avait pas d'Américains là-bas, et c'était une affaire

 10   délicate à discuter pour un ambassadeur américain.

 11   Mais les Nations Unies n'ont pas réussi à protéger les zones qu'ils

 12   devaient protéger, ils ne voulaient pas autoriser l'OTAN à lancer des

 13   frappes aériennes, alors que le Conseil de sécurité a donné son accord, en

 14   demandant seulement qu'avant que cela n'ait lieu, les Nations Unies

 15   devaient donner leur accord -- les Nations Unies cherchaient à rester

 16   neutres, mais ça ne pouvait pas se faire. Ils ne pouvaient pas rester

 17   neutres dans ce conflit. Les Nations Unies ont passé toute une série de

 18   résolutions, beaucoup plus que dans n'importe quel autre conflit, et la

 19   Serbie a été, dans chacune de ces résolutions, identifiée comme

 20   l'agresseur.

 21   Q.  Bien. Votre conclusion a été que les Nations Unies n'allaient pas

 22   utiliser la force pour empêcher la chute d'une autre zone protégée des

 23   Nations Unies, n'est-ce pas ? Je me réfère à la poche de Bihac.

 24   R.  Oui, c'était la conclusion à laquelle je suis arrivé, que les forces

 25   des Nations Unies se trouvant là-bas n'allaient pas défendre la poche parce

 26   qu'à la limite les Néerlandais non plus n'ont pas défendu Srebrenica, et

 27   les forces qui se trouvaient à Bihac étaient moins fortes. Ma conclusion a

 28   été qu'ils n'allaient pas défendre la poche et qu'ils n'allaient pas non

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  1   plus autoriser les frappes aériennes de l'OTAN qui pourraient sauver Bihac.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Bien. Peut-on verser ce passage du document

  3   1D33-0068.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le Greffier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D406.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D406 est versée au dossier.

  8   M. KEHOE : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je vais maintenant passer aux événements

 10   qui se sont passés quelques jours avant le début de l'opération Tempête. On

 11   passe à votre journal de bord, où vous indiquez à un moment donné que les

 12   négociations sont arrivées au point mort. Je vais maintenant vous faire

 13   entendre l'enregistrement de la réunion avec le président Tudjman, 1D33-

 14   0439. Il s'agit de la réunion à Brioni.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas sûr si j'ai pu entendre tout ce

 16   qu'il y a sur cet enregistrement qu'on va écouter maintenant, il y a un

 17   tout petit extrait qui pourrait être pertinent. Je laisserai ça au témoin,

 18   je ne sais pas sur quel passage il pourrait faire des commentaires, peut-

 19   être que le témoin aurait besoin de voir un peu plus, par exemple, les

 20   transcripts de ces enregistrements de cette réunion, et nous aussi on

 21   aimerait bien avoir la transcription intégrale de cette réunion.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Bien. Nous avons déjà donné

 23   l'enregistrement entier au Procureur, mais nous n'allons pas maintenant

 24   écouter l'intégralité de l'enregistrement.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous allez demander le

 26   versement de l'intégralité de l'enregistrement ?

 27   M. KEHOE : [interprétation] Non, juste des extraits.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais la Chambre va l'écouter et

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  1   voir si elle a besoin de plus de contexte.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, si vous avez quelques

  4   suggestions s'agissant de la nécessité d'établir le contexte de manière

  5   appropriée, vous pouvez vous adresser à la Chambre.

  6   [Diffusion de la cassette audio]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Galbraith : L'attaque contre la poche de Bihac a fait une nouvelle

  9   pression sur les forces serbes. Mais comme vous le savez, nous sommes

 10   toujours extrêmement préoccupés par le risque que la poursuite de ces

 11   actions offensives par vos forces pourrait avoir des effets négatifs en

 12   Croatie, au travers de la ligne de front. Nous sommes préoccupés par le

 13   danger réel d'une réaction exagérée de la part des Serbes, puisque cela

 14   risque de mettre les Serbes de Bosnie avec ceux de l'ex-Yougoslavie sur un

 15   même front encore plus. Zuzul a minimisé les chances d'une intervention

 16   directe de la part de la Yougoslavie, mais nous pensons que le danger en

 17   est encore très, très grand, alors notre avis, c'est qu'il vous faudrait

 18   être très attentif et essayer d'éviter l'escalade du conflit et examiner

 19   les événements qui ont eu lieu ces derniers jours afin d'essayer de trouver

 20   des nouvelles solutions.

 21   Aujourd'hui, nous ne voyons pas beaucoup de choses nous indiquant que

 22   les Serbes allaient respecter les accords passés, ils ne les ont d'ailleurs

 23   pas respectés jusqu'à maintenant, il y a beaucoup de questions que vous

 24   avez entamées avec eux, l'ouverture des chemins de fer, des routes, mais je

 25   n'ai vraiment pas l'impression qu'ils ont envie de soutenir l'action de

 26   cette organisation. Mais malgré tout cela, nous vous invitons à laisser les

 27   portes ouvertes, à donner le temps aux Serbes et leurs dirigeants pour

 28   négocier. En fonction de ce que vous direz au sujet de vos plans, Babic a

Page 5028

  1   envoyé un message par Akashi m'invitant à venir à Belgrade jeudi ou

  2   vendredi -- je ne sais pas si je vais le faire ou pas, ça dépendra, entre

  3   autres choses, de la manière dont vous voyez les choses."

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. KEHOE : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, c'est juste un extrait de conversation. Nous

  7   allons ensuite passer au passage où vous exprimez la position du

  8   gouvernement des Etats-Unis au sujet de la volonté des Serbes de Krajina de

  9   négocier à ce moment-là. Cela est-il exact ?

 10   R.  Je pense que cet enregistrement en dit suffisamment en lui-même. Mais

 11   j'aimerais quand même qu'il soit clair que ce dont on parle ici est une

 12   démarche venant de Washington, c'est-à-dire d'un document écrit dont je

 13   parle et que je passe à Tudjman, mais cela ne reflète pas nécessairement

 14   entièrement mes propres positions. Mes propres positions lors des

 15   négociations la veille, je les ai clairement indiquées dans mon journal de

 16   bord quand je dis que les négociations étaient arrivées au point mort.

 17   Q.  Bien, je comprends.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Maintenant, on va écouter l'extrait suivant.

 19   C'est 1D33-0080.

 20   [Diffusion de la cassette audio]

 21   "Galbraith : Je vais maintenant répéter quelques choses que je vous

 22   ai déjà dites auparavant, et je sais que la grande partie d'entre elles

 23   reflète votre politique. Mais je ne ferais pas mon travail si je ne les

 24   répétais pas maintenant. Tout d'abord, j'aimerais vous dire clairement que

 25   nous sommes opposés à l'action militaire, et qu'on ne vous donne pas le feu

 26   vert comme la presse semble l'indiquer --

 27   Tudjman : Non, nous l'avons pas dit.

 28   Galbraith : Bien. Je sais que vous ne l'avez pas dit, mais vous savez ce

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  1   qui se passe autour et j'aimerais bien être clair. Deuxièmement, je sais

  2   que vous n'avez pas besoin de notre conseil s'agissant des risques auxquels

  3   vous vous exposerez. Vous allez décider vous-même, mais vous ne pouvez pas

  4   vous attendre que nous allons venir vous aider si les choses ne se passent

  5   pas de la manière que vous souhaitez. Je pense que vous me comprenez très

  6   bien. Troisièmement, le traitement de la population serbe dans des zones

  7   que vous souhaitez prendre est très important, et vous savez que la

  8   Slavonie occidentale, la situation n'est pas parfaite, qu'il y a des

  9   problèmes.

 10   Tudjman : Oui, mais des problèmes mineurs.

 11   Galbraith : Oui, la situation est relativement bonne, mais -- oui, vous

 12   avez beaucoup de mérite, et je pense que cela a beaucoup contribué à

 13   l'acceptation de la part de la communauté internationale de la politique

 14   croate. Mais vous comprendrez dans ces circonstances, si nous faisons des

 15   déclarations, que nous allons toujours mettre l'action sur les problèmes,

 16   parce qu'il est impossible de les ignorer et nous allons toujours être

 17   préoccupés par des problèmes -- par exemple, nous avons bien constaté que

 18   cette situation-là est meilleure, par exemple, que ce qui s'est passé à

 19   Medak.

 20   C'est très évident, je sais que vous savez très bien que l'armée qui traite

 21   bien les civils, c'est une armée qui sait mieux se battre. Je veux dire --

 22   vous ne voulez pas avoir des meurtriers, des violeurs dans les rangs de

 23   votre armée en Bosnie. Vous savez, ce n'est pas un critère si -- la manière

 24   dont ils traitent les filles de 14 ans, s'ils ne les traitent pas bien,

 25   vous savez que vous n'avez pas affaire avec une armée professionnelle.

 26   Enfin, il est très important qu'il n'y ait pas de victimes parmi les

 27   forces des Nations Unies. Vous savez que les Serbes ont mis des chars près

 28   des postes d'observation des Nations Unies. Même si on tire depuis ces

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  1   chars, il est d'une importance cruciale que vous ne ripostiez pas.

  2   Tudjman : Oui, mais dans ce cas-là nos unités ne vont pas --

  3   Galbraith : Non, je sais que vous avez déjà réfléchi sur ces questions,

  4   mais permettez-moi de soulever le fait que nous vous invitons à ne pas le

  5   faire, et vous avez vu déjà certains documents qui expriment notre position

  6   sur la question.

  7   Tudjman : Oui, j'ai compris.

  8   Galbraith : Oui, je le sais."

  9   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 10   M. KEHOE : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, parlons-en un peu, s'il vous plaît, vous

 12   parlez de la différence qu'il y a entre ce qui s'était passé pendant

 13   l'opération Eclair et la poche de Medak. Si j'ai bien compris, vous, vous

 14   avez dit que ce qui s'était passé en Slavonie occidentale a été reconnu par

 15   la communauté internationale. Dites-nous ce qui s'était vraiment passé par

 16   là, très exactement ?

 17   R.  En Slavonie occidentale, une partie de la population était restée là

 18   bas, sous protection. Nous avons pu coopérer avec la Croatie pour pouvoir

 19   convaincre ces gens-là qu'ils avaient pu compter sur un avenir à eux après

 20   l'opération Eclair. Il y avait également certains aspects d'opération dans

 21   la Slavonie occidentale où les droits de l'homme ont été violés. Je pense

 22   par là que nous avons été devenus conscients, pour certains, aux yeux de

 23   certains, et peut-être que j'avais exagéré un petit peu lorsque j'ai dit

 24   que l'opération en Slavonie occidentale a mérité une assez importante

 25   compréhension et reconnaissance. Je veux dire que 13 années après cela je

 26   crois que j'avais un petit peu exagéré.

 27   Mais en Slavonie occidentale, 3 000 personnes environ sont restées

 28   dans leurs foyers. Il n'y a pas eu de feu mis dans ces maisons, il n'y a

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  1   pas eu de pillages non plus, lesquelles choses se sont produites plus tard

  2   en Krajina. Ce que je voulais dire, en fait, moi, c'est que j'ai voulu

  3   obtenir à ce que la Croatie respecte les droits des civils. Je l'ai dit

  4   clairement à l'intention de Tudjman, lors de nos autres rencontres plus

  5   tard. Ceci était la raison pour laquelle lui avait des réunions avec -- je

  6   suppose que pour cette raison-là nous nous sommes rencontrés avec lui à

  7   Brioni.

  8   Toutes nos conversations avec lui étaient enregistrées et tout ce que j'ai

  9   dit là-dessus, je l'ai dit également à cette occasion-là à laquelle vous

 10   faites référence.

 11   Q.  Penchons-nous maintenant sur un autre document, 65 ter 3132. Il s'agit

 12   d'un document, Monsieur l'Ambassadeur, que vous n'avez pas dans votre

 13   livre. Il s'agit d'un document qui, évidemment, a été confectionné un jour

 14   après votre rencontre.

 15   Il s'agit, Monsieur l'Ambassadeur, d'une rencontre qui a eu lieu au

 16   ministère de la Défense. Penchons-nous sur la page 3 de ce document -- ou

 17   plutôt, reportez-vous sur ce document. Familiarisez-vous avec ce document.

 18   Il s'agit d'une réunion présidée par le ministre Susak, à laquelle réunion

 19   il y avait plusieurs officiers de l'armée croate. Nous avons, par exemple,

 20   sous le numéro 25, on parle du nom d'Ante Gotovina, général de brigade.

 21   Si nous revenons à la page 3 de ce document, on verra bien que vers le

 22   milieu du document, le ministre Susak fait mention de la police militaire

 23   qui "devrait s'avérer davantage énergique dans ses actions pour prévenir

 24   toute action pénale et répréhensible. Les chefs de ZP de toutes les régions

 25   devraient faire passer à toutes les personnes l'interdiction de tout

 26   comportement sans contrôle, à savoir pillage, la mise de feu dans des

 27   maisons, et cetera, et cetera. Nous devons tout simplement prévenir que des

 28   héros de notre patrie soient traduits en justice. Il s'agit évidemment de

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  1   procéder d'un point de vue idéologique politique à ce que ceux qui

  2   travaillent dans ces domaines puissent bien traiter les membres de l'armée

  3   croate.

  4   "Evidemment, la bénédiction a été donnée à cette fin, mais voilà que

  5   rien ne devrait se passer à l'encontre de la FORPRONU."

  6   Je voudrais vous présenter un autre document, à savoir D201. Je crois

  7   qu'il était déjà versé au dossier. Il s'agit d'une partie d'un fragment

  8   d'un ordre d'attaque émis par le général Gotovina. Penchez-vous sur la page

  9   6 -- ou plutôt, le point 6, page 2. Pouvons-nous obtenir un agrandissement

 10   des points 6 et 8, s'il vous plaît.

 11   Comme je peux le noter moi-même, ce document-là a été émis un jour

 12   après votre rencontre, Monsieur le Président. Il est dit que : "Il faut

 13   éliminer tout élément négatif qui pourrait s'en suivre lors des opérations

 14   de combat, l'accent mis sur la nécessité de prévenir tout pillage, toute

 15   dévastation d'importantes habitations et de villes."

 16   "8. Il faut informer les membres des unités en matière de

 17   comportement à l'égard des civils, notamment à la lumière de ce qui se

 18   passe comme étant contraire aux conventions de Genève."

 19   Ayant vu ces deux documents, je voudrais vous poser la question

 20   suivante : est-ce bien là une réaction à laquelle vous attendiez, vous, de

 21   la part des autorités croates lorsqu'il s'agit de la démarche prise par

 22   vous et laquelle chose était présentée par vous auprès du président Tudjman

 23   le 1er octobre ou le 1er août ?

 24   R.  Oui. Malheureusement, ceci n'a pas eu lieu à cet effet-là.

 25   Q.  Oui, mais ce n'est pas là un ordre pour lequel vous avez cru que

 26   ceci devait être passé par le général Gotovina vers les échelons

 27   subalternes ?

 28   R.  Oui.

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  1   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions que ce

  2   document également soit versé au dossier -- ou plutôt, nous présentons les

  3   enregistrements audio; 1D33-0439 et 1D33-0080, au titre de l'article 65

  4   ter, et c'est le document 3135.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, avez-vous des

  6   objections ?

  7   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit de 3132.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection à soulever

  9   au sujet de ces documents, Monsieur le Président, mais on devrait prendre

 10   des réserves qu'il pourrait y avoir des fragments d'enregistrement qui

 11   devraient être accompagnés.

 12   Mais nous n'avons pas d'objection à soulever à cet égard.

 13   Non plus qu'à l'égard des autres documents.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ces transcripts ont été

 15   également mis dans le prétoire électronique ?

 16   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai lu plutôt que de les voir --

 18   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ceci a été fait.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Greffier d'audience peut obtenir les

 20   cotes ?

 21   M. KEHOE : [interprétation] Ce serait bon peut-être d'avoir ensemble

 22   ces deux documents.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, Monsieur le

 24   Greffier d'audience, il s'agit de deux enregistrements audio.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Pourrait-on les séparer ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit du

 28   document 1D33-00349 [comme interprété] qui devient la pièce à conviction

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  1   D407.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ainsi admise et versée au dossier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce à conviction D408 ensuite.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Admise et versée au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Au titre de 65 ter, il s'agit du

  6   document 03132 qui devient la pièce à conviction D409.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, la cote que vous venez de

  8   mentionner tout à l'heure n'est pas exactement la même mentionnée par M.

  9   Kehoe, à moins qu'il y ait une erreur qui s'est glissée dans le compte

 10   rendu d'audience.

 11   M. KEHOE : [interprétation] J'ai, moi, commis une erreur. Je crois

 12   que la mention faite au titre de 65 ter porte sur la pièce à conviction de

 13   3132.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 3132, très bien, ceci a été

 15   corrigé. Mais voilà que ceci était une omission de ma part. J'ai laissé

 16   passer.

 17   Y a-t-il, Monsieur Tieger, d'objections soulevées par vous ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce à conviction D409 a été admise

 20   et versée au dossier.

 21   Poursuivez, Maître.

 22   M. KEHOE : [interprétation]

 23   Q.  Dans d'autres contextes, et maintenant c'est une référence que je fais

 24   au compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic, page 23 169, dans

 25   d'autres contextes, disais-je, vous avez mentionné, soit dans la ligne 18 à

 26   20, qu'il y avait une organisation intitulée comme MPRI. Je sais que vous

 27   êtes familiarisé avec tout cela. Il s'agit d'un organisme qui était engagé

 28   à entraîner les forces armées croates, n'est-ce pas ?

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  1   R.  MPRI dispensait une certaine formation à l'intention des forces armées

  2   croates. Mais il ne s'agissait pas d'un entraînement ou d'une instruction

  3   militaire dans le sens de l'instruction de combat. Il s'agit de dire plutôt

  4   qu'eux, ils devaient respecter l'embargo mis sur l'armement.

  5   Q.  Est-ce que, comme vous l'avez dit dans l'affaire Milosevic, il

  6   s'agissait de parler évidemment d'instructions données, dispensées en

  7   matière du respect des droits de l'homme ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Allons de l'avant, toujours lors de vos conversations avec le président

 10   Tudjman, vous avez pu dire aussi qu'outre la protection des civils, vous

 11   avez requis que rien ne devait se passer à l'encontre du personnel de l'ONU

 12   ?

 13   R.  Oui, ceci était fort important.

 14   Q.  Ayant cela en vue, et conformément à cela, rien ne s'était produit.

 15   Sauf certains accidents, incidents, mais il n'y a pas eu vraiment

 16   d'attaques à l'encontre des entités ou des facilités, des installations de

 17   l'ONU ?

 18   R.  Non. Il n'y en avait pas. Un sergent danois a été tué non loin de

 19   Petrinja, chose étant perpétrée par des Serbes. Mais je ne dispose pas de

 20   détails là-dessus.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, une seconde s'il vous

 22   plaît. Je ne vois pas d'inconvénient de vous entendre dire quelque chose

 23   sur MPRI. C'est un organisme qui venait d'où ?

 24   Peut-être que vous auriez pu poser la question au témoin. La Chambre de

 25   première instance ne comprend pas très bien tout cela.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 27    Q.  Est-ce que vous pouvez élaborer cela --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'où venaient-ils ces gens là, de cet

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  1   organisme MPRI, envoyés par qui ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que ceci nécessite une explication

  3   davantage détaillée. Il s'agit d'un organisme américain privé qui consiste

  4   en anciens officiers américains et d'autres personnes qui sont prêts à

  5   dispenser une instruction donnée à des militaires, à des membres de pays

  6   tiers. Pourquoi leur force était organisée pour se voir habiliter,

  7   autoriser par le "state department," le ministère des Affaires étrangères

  8   des Etats-Unis d'Amérique, mais il s'est agi plutôt d'un accord passé entre

  9   la Croatie et cet organisme qui a son siège à Virginie, en Alexandrie.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Allez-y.

 11   M. KEHOE : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, votre requête est, en fait -- il a fallu attendre à une

 13   lumière verte, rouge ou jaune. Un feu n'a pas été donné. Personne n'a donné

 14   le feu vert pour qu'il y ait une attaque contre la Krajina ou bien s'il

 15   fallait mettre un terme à une telle attaque contre la Krajina, n'est-ce

 16   pas ? Est-ce que c'est exact ?

 17   R.  Les Juges de la Chambre de première instance ont pu exactement entendre

 18   ce que j'ai dit au président Tudjman, c'est-à-dire il s'agissait des

 19   éléments-clés au sujet de ces instructions. Je ne suis pas tout à fait sûr

 20   pour ma part que lorsqu'on parle de feu donné, que ceci aurait pu être

 21   d'utilité. Nous n'avons certainement pas dit, ne le faites pas. Nous ne

 22   leur avons pas dit non plus ne le faites pas, ou faites-le comme ceci ou

 23   comme cela.

 24   Q.  Allons maintenant vers le document au titre de 65 ter 5230, il s'agit

 25   de votre interview avec M. Goldman.

 26   Je demande la page 8, s'il vous plaît. Vers le bas de la page, nous voyons

 27   qu'une question vous a été posée comme quoi : "Est-ce que vous

 28   considèreriez vous un feu jaune, donné comme un précédent ?"

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  1   L'interlocuteur, M. Engel, disait qu'il "n'y avait pas de précédent."

  2   Et vous, quant à vous, vous dites : "Il n'y avait pas de feu, mais à mes

  3   yeux, l'absence de feu n'aurait été autre chose que feu vert."

  4   R.  Oui, les Croates sont allés de l'avant.

  5   Q.  Est-ce que sur la base de ces conversations ils avaient compris que

  6   même s'ils devaient aller de l'avant, qu'ils ne devaient  pas se voir

  7   sanctionnés, au moins si on respecte ce que vous avez dit à M. Tudjman le

  8   1er août ?

  9   R.  Oui, je crois qu'ils l'ont compris ainsi, et c'est ce que nous aurons

 10   voulu obtenir comme étant la compréhension de leur part.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Président, offrir

 12   cette pièce à conviction pour la verser au dossier au titre de 65 ter 5230.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour l'ensemble du document ?

 16   M. KEHOE : [interprétation] Pour l'ensemble du document, au titre de 65

 17   ter, ce document nous met exactement dans le contexte du cœur du problème.

 18   Je crois qu'il n'y a aucune difficulté là-dessus.  Il n'y a que 14 pages en

 19   tout.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Savons-nous qui sont ces gens-là

 21   qui répondent aux noms d'Engel et Goldman ?

 22   M. KEHOE : [interprétation] Je peux poser des questions là-dessus.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit bien d'une interview. Nous la

 24   voyons, mais cette partie --

 25   En effet, je ne vois pas d'inconvénient si une partie est censée savoir qui

 26   étaient M. Engel et Goldman. Mais peut-être M. Galbraith pourrait nous en

 27   parler sans être pris de court lorsque de telles informations nous ont été

 28   données.

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  1   M. KEHOE : [interprétation] Oui, certainement.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait de gens qui étaient du "state

  3   department," du ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis

  4   d'Amérique.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait tout un projet qui permettrait de

  7   faire l'historique de ce qui s'était passé jusqu'aux événements de Dayton.

  8   Il s'agissait d'abord de documents classés comme hautement confidentiels.

  9   Il s'agit de gens qui avaient un contrat avec le ministère des Affaires

 10   étrangères des Etats-Unis d'Amérique.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Cela me semble être clair.

 12   Procédez. Mais nous voulons savoir s'il n'y a pas d'objections du

 13   Procureur. Monsieur le Greffier d'audience…

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction D410,

 15   Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D410 est admise et versée au dossier.

 17   Monsieur Kehoe, procédez.

 18   M. KEHOE : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous saviez qu'après votre conversation avec le

 20   président Tudjman en date du 3 août, l'armée croate allait lancer une

 21   attaque ?

 22   R.  Oui, je le savais.

 23   Q.  Vous avez mentionné également dans le cadre du paragraphe 30 de votre

 24   déclaration, parlant du président Tudjman, vous dites que généralement il

 25   était précautionneux lorsqu'il s'agissait évidemment de procéder à la

 26   force, d'utiliser la force, il était prudent. Vous dites dans le paragraphe

 27   63, vers le milieu de ce paragraphe, lorsque vous parliez de votre

 28   conversation avec le président Tudjman, après une discussion menée avec

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  1   Babic, vous avez dit : "Tudjman était prudent. Plutôt, il tergiversait

  2   lorsqu'il fallait utiliser la force et notamment, avant l'opération

  3   Tempête, il voulait voir tous ses conseillers pour reconsidérer la décision

  4   prise en vue de la guerre. Il s'agissait là, évidemment, de cette

  5   précaution qui était la sienne."

  6   Parlez-moi de cela, dans ce contexte-là, Monsieur l'Ambassadeur.

  7   R.  Tudjman a connu, il a vécu la Seconde Guerre mondiale. Lui savait bien

  8   ce que c'était que la guerre, comment cela se présentait. C'était quelqu'un

  9   qui tenait au cœur l'intérêt pour aider la Croatie, tel qu'il entendait.

 10   Voilà que je distingue là lui et Milosevic, le second ayant ses propres

 11   intérêts à lui. Je pense que la décision prise en faveur d'une option de

 12   guerre aurait dû être quelque chose qui devait être bien pesé par lui-même

 13   et par son gouvernement. Je crois que parmi les officiels en Croatie, il

 14   n'y avait pas des gens qui devaient prendre les armes aussi aisément. Je

 15   dis, parlant des précautions de Tudjman, que des choses similaires

 16   apparaissaient en novembre 1994, lorsque Granic et Susak voulaient savoir,

 17   parlant à moi, l'attitude de l'Amérique au cas où la Croatie lançait une

 18   action militaire à travers la Krajina pour lever le siège de Bihac. J'ai

 19   dit que des instructions nous ont été données comme quoi nous nous y

 20   opposions fermement. Et lorsque je leur ai fait part de cette réponse-là,

 21   Tudjman m'a dit : Je suis d'accord avec vous, et en présence de Granic et

 22   de Susak, et je pense pour ma part que ceci ne faisait que refléter cette

 23   prudence qui était la sienne. Or, ce qui s'était passé juste avant

 24   l'opération Tempête et pendant les évolutions, il voulait être sûr de ne

 25   pas voir la Croatie isolée par la communauté internationale. La Croatie ne

 26   devait pas être condamnée non plus que sanctionnée. Mais il y avait une

 27   bonne stratégie qui était la sienne, il voulait peser le pour et le contre

 28   de toutes les conséquences qu'il encourait et peut-être diminuer à un point

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  1   maximal tous les risques qu'il encourait.

  2   Q.  Je sais pour ma part que vous ignoriez -- je sais que vous vous êtes

  3   familiarisé avec certains documents issus du ministère de la Défense en

  4   date du 2 août, qui émanent du général Gotovina -- excusez-moi. Mais est-ce

  5   que ceci reflétait également cette prudence, à savoir que l'ordre devait

  6   être passé vers les échelons subalternes pour que tout le monde soit au

  7   courant ?

  8   R.  Oui, je le pense.

  9   Q.  Je voudrais maintenant vous poser d'autres questions, c'est-à-dire vous

 10   renvoyer au paragraphe 59 de votre déclaration, Monsieur l'Ambassadeur.

 11   Vous dites dans la toute première phrase : "J'avais l'impression que dans

 12   l'étape initiale de l'opération, dans une certaine mesure le droit

 13   international était respecté, ce qui s'était traduit aussi par le fait que

 14   des gens ont été emmenés dans des camps où pour autant que je sache ils

 15   n'ont pas subi de mauvais traitements. Les Serbes qui ont été confinés dans

 16   ces camps ont critiqué les pilonnages dont ils étaient les victimes, mais

 17   cela prouve également qu'ils avaient la liberté d'en parler. La destruction

 18   systématique des foyers des Serbes, meurtres de personnes, et cetera, se

 19   sont rendus intensifs pendant les semaines qui ont suivi l'opération

 20   Tempête."

 21   Dans le paragraphe 43, vous parlez de pilonnage contre Knin -- je ne me

 22   propose pas de vous donner lecture de l'ensemble de ce paragraphe, mais

 23   vous parlez dans le cadre du paragraphe 43 du pilonnage contre Knin, et

 24   vous dites que c'est un pilonnage qui allait hors contrôle.

 25   Dites-moi, est-ce que vous avez conclu que l'attaque sous forme de

 26   l'opération Tempête était conforme en quelque sorte au droit international

 27   humanitaire ? Oui ou non ?

 28   R.  Pour ma part, je pense qu'il n'y a pas eu de violations majeures

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  1   du droit international humanitaire au cours de ces trois premières journées

  2   de l'opération.

  3   Q.  Il s'agit d'une opération qui était conduite sous les ordres du général

  4   Gotovina. Vous n'êtes pas sans le savoir, n'est-ce pas ?

  5   R.  Permettez-moi tout de même de m'en tenir à la déclaration faite par

  6   moi.

  7   En ce moment, après le temps qui s'est écoulé, je ne voudrais pas me

  8   trouver dans une situation où je devrais imputer des connaissances dont je

  9   disposais à ce moment-là, qui commandait quoi dans telle ou telle

 10   opération. La principale idée, c'est que j'ai pu avoir des contacts avec le

 11   général Gotovina [comme interprété] ou M. Susak. Je ne voulais pas parler

 12   de ce que le général Gotovina a fait ceci ou cela à un moment donné.

 13   Q.  Je comprends. Maintenons-nous maintenant à ce que nous avons dit au

 14   sujet du point 44, vous avez dit quelque chose au sujet du colonel Leslie.

 15   Vous avez dit : "Je comprends que mes observations permettaient d'avoir

 16   certains doutes que j'ai pu faire mettre au sujet de ces observations à

 17   cette époque-là. De même, je me souviens que j'ai tenté de porter à la

 18   connaissance du colonel Leslie que l'opération était imminente."

 19   Dites-moi un peu comment vous voyez que la conscience qui était la

 20   vôtre des choses a été ignorée ?

 21   R.  Pour autant que je m'en souvienne - le tout pour l'ONU devait être basé

 22   sur ce que disait le colonel Leslie - il y a eu un pilonnage non sélectif

 23   de Knin. Mais pour parler du personnel de l'ONU, y compris le colonel

 24   Leslie -- en temps général était dans tout ce qui était les relations entre

 25   le gouvernement croate et l'ONU. Pour ce qui est de Knin, nous n'avons pas

 26   pu avoir accès avant la chute de Krajina. Personnellement, après

 27   l'opération Tempête, je me suis rendu dans la région de Krajina. Des gens

 28   de l'ambassade s'y sont rendus, y compris l'attaché de la Défense qui lui

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  1   se déplaçait de son bureau. Toute une équipe de gens s'y trouvait, il y

  2   avait des gens qui venaient de sections politiques, militaires,

  3   humanitaires.

  4   Je voulais tout simplement couvrir tout cela pour pouvoir aboutir à

  5   une conclusion.

  6   Q.  S'il vous plaît, dites-nous, que signifie cette abréviation DART ?

  7   R.  Il s'agit de l'une des opérations humanitaires majeures dans l'ancienne

  8   Yougoslavie.

  9   En tout cas, il y avait là des gens en date des 7 et 9 août qui

 10   souhaitaient voir ce qui s'était passé à Knin, tous m'ont fait des rapports

 11   là-dessus pour dire que les dommages subis lors des pillages n'étaient pas

 12   trop importants, en fait, les bâtiments n'ont pas été endommagés, il y a eu

 13   évidemment des vitres qui ont éclatés, mais c'était tout, il n'y avait pas

 14   un effort systématique pour détruire la ville de Knin. Je voudrais faire

 15   une distinction entre le pilonnage de Knin et d'autres pilonnages qui ont

 16   eu lieu au temps de la guerre, par exemple, à Vukovar ou à Sarajevo, cela

 17   ne s'est pas produit lors d'une opération militaire lorsqu'il a fallu

 18   prendre possession de tel ou tel objectif spécifique militaire. Il ne

 19   s'agissait pas de parler de détruire comme c'était le cas de Vukovar avant

 20   de prendre la ville. Il ne s'agissait pas de pilonnage de cet ordre-là. Il

 21   ne s'agissait pas non plus de pilonnage qui aurait pu être susceptible de

 22   porter dommages comme à Dubrovnik, ce qui s'était passé en 1991. J'en étais

 23   un témoin oculaire, parce que je m'y suis rendu quelques jours plus tard.

 24   Sur la base de telles observations qui étaient celles des gens de

 25   l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique, il s'agissait d'observations de

 26   trois de nos employés qui couvraient trois différentes fonctions, y compris

 27   un militaire, qui eux étaient bien versés dans tout ce qui s'était passé à

 28   cette occasion-là -- lors de la guerre, qu'ils ont pu suivre pendant

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  1   plusieurs années. Leur expertise et les observations faites par moi-même,

  2   ce dont j'ai pu me rendre compte plus tard lorsque je me suis rendu à Knin,

  3   m'ont permis de faire preuve de doutes lorsqu'il s'agissait de parler de

  4   pilonnage en masse, ce dont parlait le colonel Leslie lorsqu'il parlait de

  5   l'opération Tempête.

  6   Q.  Il y a une dépêche là aussi que vous avez mentionnée. Je voudrais

  7   mettre tout ça dans le contexte.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Pièce à conviction D66.

  9   Q.  Probablement pas mal de temps s'est écoulé depuis que vous avez vu ce

 10   document pour une première fois, Monsieur l'Ambassadeur. Il s'agit d'un

 11   télégramme daté du 14 août. Dans un tout premier fragment, nous lisons :

 12   "Parmi les Serbes avec lesquels nous nous sommes entretenus, aucun ne s'est

 13   plaint de ce qu'ils ont subi de mauvais traitements de la part des

 14   autorités croates, les Croates ont voulu parler de la nécessité qu'il y

 15   avait à observer la défense et la protection des Serbes et de leurs

 16   propriétés."

 17   Ensuite on parle du centre de Knin : "Même si Knin a été durement

 18   pilonnée pendant les toutes premières heures des hostilités, peu nombreux

 19   sont les bâtiments ou les installations qui permettent de voir d'importants

 20   endommagements par des obus."

 21   Deux pages plus loin, s'il vous plaît, nous pouvons voir :

 22   "Les conditions qui prévalaient dans les camps sous contrôle du

 23   gouvernement croate ont été améliorées à l'intention des 250 Serbes qui se

 24   trouvaient dans un gymnase. Ils étaient en liberté, se trouvaient en

 25   sécurité, ils avaient un toit au-dessus de leur tête, ils avaient des

 26   matelas, trois repas par jour et suffisamment d'eau."

 27   Voici les informations que vous avez pu recueillir auprès de vos employés,

 28   n'est-ce pas ?

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  1   R.  Oui. Il s'agit là de l'une de ces trois équipes qui s'y sont rendues,

  2   et il y avait en fait trois dépêches que nous en avons reçues. Une dépêche

  3   du département de la Défense, une autre dépêche de la part de la section

  4   DART, équipe politique, et tous ont pu aboutir aux mêmes conclusions, de

  5   même en était-il pour les autres observations.

  6   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, revenons à la pièce à conviction P451, il

  7   s'agit de la conférence de presse que vous avez présidée vous-même, de

  8   concert avec le secrétaire, en date du 30 septembre 1995. Je crois que ceci

  9   fait partie de votre livre, Monsieur l'Ambassadeur. 

 10   En haut, vous voyez le numéro 244. Et le numéro est 0609773. Il

 11   s'agit d'une conférence de presse du 30 septembre.

 12   M. KEHOE : [interprétation] L'ERN est 06069735.

 13   Q.  Il s'agit d'une conférence de presse que vous avez donnée avec le

 14   secrétaire Shattuck le 30 septembre. Passons à la deuxième page. 

 15   En haut de la page -- il s'agit d'une conférence de presse que vous

 16   avez donnée au sujet des problèmes qui avaient lieu en Krajina, et vous

 17   dites : "Tout d'abord, nous recevons régulièrement des rapports au sujet de

 18   violations importantes des droits de l'homme qui ont eu lieu dans la région

 19   de Krajina après l'action militaire menée par la Croatie début août. Y sont

 20   compris les meurtre de civils serbes, surtout des personnes âgées, et puis

 21   le ZNG est entré, et les Serbes sont battus et maltraités, et les maisons

 22   serbes et leurs biens sont mis à feu et pillés."

 23   R.  Je veux juste préciser que ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais le

 24   secrétaire Shattuck.

 25   Q.  Oui. Passons maintenant à ce que vous avez dit dans le paragraphe 59 :

 26   "Les destructions systématiques des maisons serbes et le meurtre, et ainsi

 27   de suite, avec le temps, tout cela s'est intensifié les quelques semaines

 28   après l'opération Tempête."

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  1   A votre avis, Monsieur l'Ambassadeur, l'opération initiale de conquérir la

  2   Krajina, d'après ce que vous avez dit, était conforme au droit humanitaire,

  3   mais tout ce qui s'est passé par la suite s'est passé après l'arrivée du

  4   ZNG, n'est-ce pas ?

  5   R.  J'ai dit qu'il n'y avait pas d'importantes violations du droit

  6   humanitaire international lors des phases initiales de l'opération Tempête.

  7   Ensuite, il y a eu des cas de graves violations du droit humanitaire

  8   international, y compris destruction systématique des maisons serbes, et

  9   des cas de pillages et meurtres.

 10   Q.  S'agissant de ces personnes qui faisaient cela, est-ce que vous saviez

 11   à quelle unité ces personnes appartenaient ou quoi que ce soit d'autre ?

 12   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que l'on fait référence

 13   maintenant à quelqu'un ou à certaines entités dont on n'a pas parlé

 14   précédemment ?

 15   M. KEHOE : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez le faire.

 17   M. KEHOE : [interprétation]

 18   Q.  Est-ce que vous saviez à quelles unités appartenaient ces personnes qui

 19   ont commis ces actes ?

 20   R.  Je ne le sais pas, à mon avis je considérais le président Tudjman et

 21   les responsables croates responsables d'avoir soit permis ces activités, ce

 22   que je pensais avoir pu être empêchées, ou d'avoir ordonné même ces

 23   actions. Mais je ne pourrais certainement pas aujourd'hui vous dire quelles

 24   unités croates en étaient responsables, ou qui, qui relevait des ordres du

 25   président Tudjman ou de son ministre de la défense, en était responsable.

 26   Q.  S'agissant de ces personnes, qui auraient été membres de la HV ou pas,

 27   est-ce que vous savez s'il y avait des efforts faits au sein de la

 28   République de Croatie pour essayer de placer ces gens sous un contrôle, par

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  1   exemple de démobiliser les 70 000 soldats ?

  2   R.  Les soldats ont été mobilisés en peu de temps relativement lors de la

  3   préparation de l'opération Tempête, et une fois que l'opération Tempête a

  4   été finie, on parle maintenant d'un petit pays, bien sûr que les soldats

  5   devaient être démobilisés, mais cela ne me montrait pas la volonté de

  6   vouloir empêcher le pillage en Krajina.

  7   Q.  Est-ce que vous savez si la République de Croatie a essayé de placer

  8   ces gens sous un certain contrôle ?

  9   R.  Je pense qu'ils n'ont pas fait suffisamment de choses pour contrôler la

 10   situation, et je pense qu'en fait le leadership croate était plutôt content

 11   que les maisons serbes et leurs biens aient été détruits.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Galbraith, la question était de

 13   savoir si vous saviez qu'il y avait des efforts. Dans votre réponse, vous

 14   avez présenté vos suppositions et vous avez répété ce que vous avez dit

 15   tout à l'heure, mais Me Kehoe voulait apprendre quelles étaient vos propres

 16   connaissances. 

 17   Vous avez pu remarquer que Me Kehoe ne dispose pas d'un temps

 18   illimité. Je vous prie d'écouter attentivement ses questions et d'y

 19   répondre de manière aussi concise que possible, si vous savez si des

 20   mesures concrètes avaient été prises.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si des mesures concrètes

 22   avaient été prises.

 23   M. KEHOE : [interprétation]

 24   Q.  Pour revenir à ma question portant sur la démobilisation, cette

 25   mobilisation massive avant l'opération Tempête et ensuite la démobilisation

 26   qui a eu lieu, tout cela concernait des soldats qui n'étaient pas des

 27   soldats de métier, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, c'est exact.

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  1   Q.  Passons maintenant à un autre sujet -- je vais revenir maintenant à ce

  2   contre quoi Martic était contre, à savoir la réintégration pacifique.

  3   J'aimerais maintenant attirer votre attention sur une entrée dans votre

  4   journal de bord, je parle du 15 juin, en bas de la page, c'est à la page

  5   14.

  6   Est-ce que vous le voyez, Monsieur l'Ambassadeur ? "Si la Croatie reprenait

  7   le territoire."

  8   R.  Oui.

  9   Q.  "Si la Croatie reprenait le territoire, les Serbes de Krajina

 10   partiraient."

 11   Ensuite plus loin, passant maintenant à la date du 2 août, vous faite état

 12   de vos conversations avec M. Babic, et à la page 30 de votre journal de

 13   bord, vous parlez de l'attaque menée --

 14   R.  Oui, je vous suis.

 15   Q.  Vous avez dit à Babic que si cela allait se passer, les gens allaient

 16   s'enfuir. Et le problème est que lors de la guerre les gens quittent le

 17   territoire.

 18   Et en dernier lieu, j'aimerais passer maintenant à la séquence vidéo 1D33-

 19   0088 -- en fait, il s'agit d'un enregistrement audio. Excusez-moi.

 20   J'aimerais que l'on écoute cet extrait, et ensuite je vous poserai

 21   plusieurs questions.

 22   [Diffusion de la cassette audio]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "…j'ai dit que cela serait une grande tragédie parce qu'un grand nombre de

 25   Serbes partiraient, probablement la plupart. Et bien sûr, il y aurait des

 26   milliers de morts des deux côtés."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 28    M. KEHOE : [interprétation]

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  1   Q.  Bien sûr, il s'agit d'un extrait très court -- vous avez, à cette

  2   époque-là, conclu que toute action militaire aurait pour conséquence que

  3   Martic et les Serbes de Krajina partiraient de cette région, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui. J'ai conclu que les Serbes de Krajina partiraient.

  5   Q.  Quel était votre fondement pour donner une telle réponse ?

  6   R.  Je me suis basé sur le fait que la plupart des Serbes de Slavonie

  7   occidentale, la plupart de ces Serbes sont partis après l'opération Eclair;

  8   je l'ai également basée sur la crainte bien fondée comment pourrait être

  9   cette action militaire croate; en me fondant sur l'expérience de la poche

 10   de Medak; j'ai également tenu compte de l'attitude de Tudjman vis-à-vis des

 11   Serbes; et surtout, j'ai tenu compte de la propagande anti-croate, et

 12   c'était une propagande très véhémente de la part des dirigeants serbes, qui

 13   disaient que la Croatie de Tudjman était exactement la Croatie telle

 14   qu'elle existait lors de la Deuxième Guerre mondiale.

 15   Q.  S'agissant de l'opération Eclair, vous avez dit que les Croates se sont

 16   bien comportés lors de cette opération et qu'il y avait même un certain

 17   nombre de Serbes qui sont restés dans la région après l'opération, et

 18   qu'après ces Serbes-là ont par la suite néanmoins décidé de partir quand

 19   même.

 20   R.  Parlant des 3 000 qui ont pris la décision de rester, je pense qu'en

 21   fait ils y sont restés.

 22   Q.  Le jour où l'opération Tempête a commencé -- revenons un peu en

 23   arrière.

 24   Passons au paragraphe 81.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, l'enregistrement audio que

 26   nous venons d'entendre, est-ce que vous demandez son versement au dossier ?

 27   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un enregistrement audio,

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  1   mais à l'écran j'ai vu trois noms, et je ne sais pas ce que c'était.

  2   M. KEHOE : [interprétation] La seule personne qui a pris la parole lors de

  3   cet enregistrement était M. l'Ambassadeur.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bon de le savoir.

  5   Dans quel contexte cet enregistrement a été fait ?

  6   M. KEHOE : [interprétation] Il a été fait le 3 août 1995. C'était la

  7   dernière rencontre de l'ambassadeur avec le président Tudjman avant

  8   l'opération Tempête.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant je le comprends.

 10   Monsieur Tieger.

 11   M. TIEGER : [interprétation] A moins que j'aie mal compris quelque chose,

 12   le compte rendu de cet enregistrement a été versé au dossier.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela fait partie des

 14   transcripts de ces rencontres ?

 15   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez maintenant présenté

 17   quelque chose qui n'est pas déjà consigné dans ces transcripts ?

 18   M. KEHOE : [interprétation] Il faudrait que je le vérifie.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut vérifier pour savoir si cela a

 20   déjà été versé au dossier ou pas.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Il faudra que je le vérifie.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour l'instant, nous n'allons pas le

 23   verser au dossier. Nous allons attendre de savoir ce que vous allez dire.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'avais pas vu que vous vouliez

 26   prendre la parole, Monsieur l'Ambassadeur. Il y a tant de personnes dans le

 27   prétoire.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] M. Holbrooke a été mentionné à l'écran lorsque

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  1   nous avons écouté l'enregistrement, mais je ne sais pas pourquoi son nom a

  2   été mentionné puisqu'il n'était pas présent lors de cette réunion.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous prie, Maître  Kehoe, de

  4   bien vouloir vérifier de quoi il s'agit avant de demander son versement au

  5   dossier.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Oui. C'est une erreur s'agissant de M.

  7   Holbrooke.

  8   Q.  Merci de me l'avoir signalé, Monsieur l'Ambassadeur.

  9   Monsieur l'Ambassadeur, s'agissant de la Slavonie occidentale, un certain

 10   pourcentage des Serbes est parti même si, d'après ce que vous avez dit, le

 11   HVO s'est comporté d'une manière honorable, n'est-ce pas ?

 12   R.  Indépendamment de votre manière de présenter leur comportement, il y

 13   avait 3 000 -- comme je l'ai déjà dit, il y avait 3 000 sur environ 13 000

 14   personnes en Slavonie occidentale qui sont restées. Les 10 000 qui sont

 15   partis, je pense qu'ils sont partis avant que les Croates n'aient pris le

 16   contrôle de ce territoire, parce qu'ils avaient peur de ce qui pouvait se

 17   passer. Et un certain nombre d'entre eux sont partis après l'arrivée des

 18   Croates. Mais un grand nombre d'entre eux avaient peur de ce que les

 19   Croates pourraient faire et ils sont partis même avant.

 20   Q.  Mais un certain nombre d'entre eux sont même restés, n'est-ce pas ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Passons maintenant au paragraphe 81. Dans la première phrase, vous

 23   dites : "Je pense que Tudjman n'envisageait pas d'expulser tous les Serbes

 24   de Croatie."

 25   Le voyez-vous ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous avez dit que lorsque vous vous êtes entretenu avec le président

 28   Tudjman vous ne lui avez pas donné le feu vert, ni le feu jaune, ni le feu

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  1   rouge. Vous lui avez tout simplement transmis quelles étaient vos

  2   préoccupations. Le fait est, Monsieur l'Ambassadeur, que si vous pensiez

  3   que le président Tudjman allait ordonner l'opération Tempête afin

  4   d'expulser tous les Serbes de Krajina, vous lui auriez donné le feu rouge

  5   comme vous l'aviez déjà fait en novembre 1994, n'est-ce pas ? Et quand je

  6   dis "vous", par là, je veux dire le gouvernement des Etats-Unis.

  7   R.  Tout d'abord, en novembre 1994, lorsque nous lui avons donné le feu

  8   rouge, nous ne l'avons pas fait parce que nous pensions qu'il allait

  9   expulser les Serbes. Nous pensions en fait que cette opération allait avoir

 10   pour conséquence une escalade de la guerre.

 11   Deuxièmement, oui -- c'est une question hypothétique à laquelle je ne

 12   pourrai pas répondre, mais je peux vous donner mon propre avis, et c'est

 13   que si je pensais que Tudjman allait expulser tous les Serbes de Krajina,

 14   j'aurais fait appel à mon gouvernement de faire le feu rouge au sujet de

 15   cette opération.

 16   Q.  Et vous n'avez pas demandé à votre gouvernement de faire le feu rouge,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  Je pensais que Tudjman n'allait pas expulser les Serbes, parce que je

 19   pensais que la plupart d'entre eux allaient partir.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais que l'on précise quelque

 21   chose, Maître Kehoe. En posant votre question, vous avez fait une

 22   introduction, en disant, si vous pensiez que le président Tudjman ordonnait

 23   le début de l'opération Tempête qui aurait pour objectif l'expulsion de

 24   tous les Serbes de Krajina, par là, vous faisiez une supposition implicite

 25   que c'était l'objectif de cette opération.

 26   Tout d'abord, Monsieur Galbraith, est-ce que vous pensiez que l'objectif de

 27   l'opération Tempête était avant tout d'expulser les Serbes ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas du tout.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pensiez que cela

  2   pourrait être un effet secondaire de la prise militaire du territoire de la

  3   Krajina ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pensais pas que l'expulsion des Serbes

  5   pourrait être un effet secondaire, mais je pensais que le départ des Serbes

  6   pourrait être un effet secondaire, un dégât collatéral.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et je pense que vous avez dit tout à

  8   l'heure que vous -- en fait, on vous a demandé si cela convenait au

  9   président Tudjman ou pas.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai déjà répondu à ces questions, et

 11   pour répondre brièvement, je pense que le départ des Serbes est quelque

 12   chose qu'il espérait -- il espérait que cela allait se produire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, parfois vous faites un

 14   amalgame des choses, et parfois -- par la suite, vous recevez des réponses

 15   qui sont plutôt un mélange de plusieurs choses et non pas une réponse et

 16   une analyse claire par rapport à la question que vous vouliez poser au

 17   témoin.

 18   M. KEHOE : [interprétation]

 19   Q.  Pour revenir à la question du Juge Orie, vous ne pensiez pas que

 20   l'opération Tempête, qui a commencé le 4 août, allait avoir pour objectif

 21   d'expulser les Serbes, n'est-ce pas ?

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a répondu à cette question.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Mais je voulais revenir à votre question et à

 24   la manière dont il a répondu --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Galbraith, j'ai compris que

 26   vous avez dit que ce n'était pas l'objectif de cette opération ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas à suivre, vous employez

 28   plusieurs négations dans vos questions.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pensais pas que l'opération Tempête

  3   avait pour objectif l'expulsion des Serbes de Croatie.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  5   Veuillez poursuivre.

  6   M. KEHOE : [interprétation]

  7   Q.  Passons maintenant à un autre sujet, à savoir l'époque après

  8   l'opération Tempête. Après l'opération Tempête, les activités se sont

  9   poursuivies contre les Serbes, tout de suite après l'opération Tempête. En

 10   étiez-vous conscient ? Je parle de la HV qui a mené des opérations contre

 11   les Serbes de Bosnie qui étaient liés avec les soldats de l'ARSK ?

 12   R.  Je sais que les opérations se sont poursuivies après l'opération

 13   Tempête, mais ces opérations ont été entreprises avec le gouvernement de

 14   Bosnie-Herzégovine, et non pas contre l'armée de la République serbe de

 15   Krajina, qui a cessé d'exister.

 16   Q.  Revenons maintenant à l'importance des opérations menées contre les

 17   Serbes de Bosnie et les éléments de l'ARSK, ces opérations se sont

 18   poursuivies après l'opération Tempête, n'est-ce pas ?

 19   R.  L'armée croate a continué sa campagne militaire. Après la prise de la

 20   Krajina, elle a continué sa campagne militaire en Bosnie en se battant

 21   contre l'armée serbe de Bosnie.

 22   Q.  Revenons maintenant à votre journal de bord en date du 7 août, à la

 23   page 36, le deuxième paragraphe, au milieu de ce paragraphe, il est dit :

 24   "Un grand nombre de personnes à Washington ont applaudi les opérations

 25   menées par les Croates parce que cela avait des conséquences pour la

 26   Bosnie."

 27   Dites-nous, qui étaient les personnes à Washington qui ont soutenu les

 28   actions menées par la Croatie ?

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  1   R.  Un grand nombre de personnes à Washington ont vu d'un œil favorable les

  2   actions menées par la Croatie, et un grand nombre de personnes qui étaient

  3   membres du gouvernement de Clinton en pensaient ainsi pour des raisons que

  4   j'ai déjà présentées, parce que ces opérations ont été à l'origine du

  5   changement de la situation en Bosnie. L'ambassadeur Holbrooke, par exemple,

  6   dans son livre, a écrit que cette opération a été un tournant qui a "mis un

  7   terme à la guerre".

  8   Q.  Où ?

  9   R.  En Bosnie.

 10   Q.  Dans quel sens ?

 11   R.  Bien, les Serbes de Bosnie ont été battus. Les Serbes qui auparavant

 12   détenaient 70 % de la Bosnie tandis que la fédération ne détenait que 30 %,

 13   en octobre 1995 la fédération détenait 54 ou 55 % du territoire, et

 14   maintenant il était beaucoup plus facile d'obtenir ces accords 51 contre 49

 15   % par rapport à la situation où les Serbes détenaient 70 % du territoire.

 16   Q.  Le 7 août, vous pensiez, bien sûr, qu'après l'opération Tempête, les

 17   actions croates allaient se poursuivre en Bosnie, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, c'est ce que je pensais, c'est ce que j'espérais, et j'ai lu une

 19   recommandation à mon gouvernement de ne pas entreprendre une action

 20   quelconque pour décourager les Croates à poursuivre leur campagne.

 21   Q.  Et on pourrait dire que l'armée croate, sous le commandement du général

 22   Gotovina, a été en grande partie responsable d'avoir modifié la carte de

 23   Bosnie et d'avoir rendu possible les négociations menées à Dayton, n'est-ce

 24   pas ?

 25   R.  La campagne militaire menée par l'armée croate en Bosnie, y compris la

 26   campagne militaire menée par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine, avec

 27   les frappes aériennes de l'OTAN qui ont commencé à la fin du mois d'août

 28   ont été les trois éléments cruciaux qui ont mis un terme à la guerre en

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  1   Bosnie, et sans l'action menée par l'armée croate, cela n'aurait pas eu

  2   lieu.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Je vous prie de m'accorder un instant, s'il

  4   vous plaît, Monsieur le Président.

  5   [Le conseil de la Défense se concerte]

  6   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore des

  7   questions. Je ne sais pas si vous souhaitez qu'on fasse la pause

  8   maintenant.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est le moment pour la pause. Nous

 10   allons continuer à 18 heures cinq minutes.

 11   --- L'audience est suspendue à 17 heures 45.

 12   --- L'audience est reprise à 18 heures 06.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, veuillez commencer avec

 14   ces deux heures et quelques minutes qu'il vous reste encore.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Qui est-ce qui compte, là maintenant, Monsieur

 16   le Président ?

 17   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, s'agissant de l'offensive du HV et de l'ABiH

 18   contre les Serbes sur les territoires de Bosnie, vous vous êtes tenu

 19   informé de ce qui se passait ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous étiez au courant de l'opération Mistral et de cette action

 22   offensive contre les Serbes de Bosnie ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Bien. Je vais maintenant attirer votre attention sur votre journal de

 25   bord, 15 septembre, page 54. Le dernier paragraphe, pour le 15 septembre,

 26   juste au-dessus du titre 16 septembre.

 27   Est-ce que vous avez trouvé cela ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Pendant cette période-là, les autorités de la République de Croatie, et

  2   dans ce cas concret, le ministre Susak vous avait indiqué ici -- Susak a

  3   insisté, il voulait savoir jusqu'où ils pouvaient aller, y compris ils

  4   soulevaient la question de Banja Luka.

  5   La question qu'ils voulaient poser était de savoir ce que pensaient

  6   les Etats-Unis sur ce qu'il fallait faire, jusqu'au où il fallait pousser

  7   les Serbes de Bosnie ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  J'aimerais maintenant qu'on écoute ensemble un enregistrement en date

 10   du 1er octobre 1995. C'est le document 1D33-0081.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel enregistrement audio ?

 12   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'un extrait audio d'une réunion

 13   entre M. Tudjman et l'ambassadeur Holbrooke. On en a deux, en fait.

 14   [Diffusion de la cassette audio]

 15   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 16   "Je dirais qu'il est tout à fait possible qu'on parvienne à un

 17   cessez-le-feu dans une semaine si on le souhaite, et j'insiste que vous

 18   fassiez tout ce que vous voulez du point de vue militaire pendant cette

 19   semaine parce que la pression pour le cessez-le-feu --

 20   Tudjman : Excusez-moi, est-ce que vous pourriez être gentil…

 21   Holbrooke : Je vous demande avec insistance de tout ce que vous

 22   voulez faire du point de vue militaire, que vous le fassiez pendant la

 23   semaine prochaine en Bosnie occidentale. Autrement dit, il y aura peut-être

 24   un cessez-le-feu dans une semaine ou un peu moins, et j'espère que vous

 25   pourriez prendre Sanski Most, Prijedor et Bosanski Nova, si possible avant

 26   le cessez-le-feu. Parce que si vous avez ces trois villes avant le cessez-

 27   le-feu, on peut ensuite mener avec succès les négociations sur la carte. De

 28   toute façon, les Etats-Unis, du point de vue officiel, diront toujours

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  1   qu'il n'y a plus de place pour les actions militaires, mais d'une manière

  2   privée, et je ne souhaite pas être cité sur ce point, je vous demande avec

  3   insistance de prendre en compte le fait que la pression pour le cessez-le-

  4   feu dans une semaine sera très forte. Quand le cessez-le-feu sera mis en

  5   place, il serait très important de créer une situation qui permettra aux

  6   réfugiés de retourner."

  7   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

  8   M. KEHOE : [interprétation]

  9   Q.  Avant de vous poser des questions, j'aimerais vous laisser

 10  entendre un autre enregistrement de la réunion du 1er octobre 1995 qui porte

 11   le numéro 1D33-0082.

 12   [Diffusion de la cassette audio]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "…alors qu'il n'y ait pas de malentendu sur cette question fameuse

 15   des feux rouges, feux verts américains, parce que vous lisez beaucoup la

 16   presse. Ma position a toujours été claire : Banja Luka est une ville serbe

 17   et devait rester serbe après les négociations. Pourquoi avoir un camp de

 18   millions de réfugiés ou de 200 000 réfugiés ? Mais je n'ai jamais dit qu'il

 19   ne fallait pas prendre Sanski Most."

 20   [Fin de la diffusion de la cassette audio]

 21   M. KEHOE : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, s'agissant de ces actions offensives en Bosnie

 23   occidentale, les autorités croates essayaient d'apprendre par le biais de

 24   l'ambassadeur Holbrooke quelle était la position des Etats-Unis au sujet de

 25   ces villes pour qu'ils puissent s'approcher d'un règlement définitif de

 26   cette crise en l'ex-Yougoslavie; cela est-il exact ?

 27   R.  L'ambassadeur Holbrooke et moi-même avons discuté en privé avec des

 28   Croates au sujet de la situation militaire, et nous avons proposé, nous

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  1   leur avons dit ce que nous pensions au sujet des villes qu'il fallait

  2   prendre, c'est-à-dire Prijedor, Sanski Most, Bosanski Novi, parce que nous

  3   pensions que ces villes devaient faire partie de la fédération. Il y a eu

  4   des débats au sujet de quelques autres villes, y compris Banja Luka, et

  5   maintenant, en rétrospective, je ne suis pas sûr que nous avons fait les

  6   bons choix.

  7   Mais comme l'ambassadeur Holbrooke l'a dit dans cette conversation,

  8   cela différait un peu de la position officielle de notre gouvernement,

  9   c'est-à-dire que nous souhaitions la cessation immédiate des opérations

 10   militaires. Je suppose qu'il serait juste de dire que le gouvernement des

 11   Etats-Unis ne fonctionne pas toujours en parfaite harmonie. Mais en même

 12   temps, je ne pense pas que nous étions dans une affaire de microgestion des

 13   affaires croates, que nous étions en train de le diriger ou de leur donner

 14   des propositions sur les questions portant sur les opérations militaires.

 15   Parce que de toute façon, vous savez que Prijedor a été d'une certaine

 16   manière l'Auschwitz de Bosnie, et il fallait absolument faire quelque chose

 17   pour atteindre un règlement pacifique.

 18   Q.  Bien. Mais serait-il juste de dire que l'ambassadeur Holbrooke a

 19   encouragé, qu'il incitait les Croates à mener d'autres actions militaires,

 20   que le HV mène d'autres actions militaires afin de conquérir certaines

 21   villes, y compris Sanski Most ?

 22   R.  Nous avons écouté l'enregistrement. Je pense que c'est assez clair, et

 23   je vous ai dit quelle était notre position.

 24   Q.  Mais le HV a pris Sanski Most, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Bien. Alors pendant tout ce temps-là, l'objectif des discussions avec

 27   les autorités croates était d'enclencher une campagne militaire ayant pour

 28   objectif la défaite des Serbes de Bosnie et la possibilité de ramener tout

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  1   le monde autour d'une table de négociation, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui, la défaite des Serbes de Bosnie, qui avaient commis le génocide,

  3   de libérer les territoires où les Bosniaques et les Croates avaient vécu et

  4   d'où ils ont été expulsés d'une manière brutale. Par exemple, Prijedor

  5   était une ville à prédominance musulmane. Donc il fallait faire ce qui

  6   était possible du point de vue militaire pour qu'un règlement pacifique

  7   soit enfin conclu à Dayton.

  8   Q.  [aucune interprétation]

  9   R.  Environ 50 jours après ce que nous avons entendu, alors que la guerre

 10   avait duré pendant quatre ans.

 11   Q.  Et là, l'ambassadeur Holbrooke dit qu'il ne fallait pas prendre Banja

 12   Luka, et Banja Luka n'a pas été prise ?

 13   R.  Non, elle ne l'a pas été.

 14   Q.  Et pendant cette période-là --

 15   R.  Je dois dire que le 1er octobre, la question de Banja Luka ne se posait

 16   plus en fait, parce que le moment décisif c'était le mois de septembre.

 17   Q.  Bien. Pendant ce temps-là, pendant que les offensives étaient

 18   conduites, la personne qui en était responsable sur le terrain en Bosnie

 19   occidentale était le général Gotovina, n'est-ce pas ?

 20   R.  En ce qui me concerne, c'est l'armée croate. Je ne souhaite pas

 21   commenter le rôle du général Gotovina. Je ne peux pas dire que c'est bon ou

 22   que ce n'est pas bon. Je ne peux tout simplement pas me prononcer là-

 23   dessus, parce que de toute façon, après toutes ces années, je ne connais

 24   pas encore les détails de tout ce qui s'est passé.

 25   Q.  Bien. Alors Susak demande jusqu'où il fallait aller --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, est-ce que vous avez

 27   l'intention de demander le versement de ces enregistrements ?

 28   M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je demande le versement de 1D33-00 --

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Misetic --

  2   [Le conseil de la Défense se concerte]

  3   M. KEHOE : [interprétation] On va mettre tous ces enregistrements

  4   ensemble --

  5   M. MISETIC : [interprétation] Pour que tous les éléments soient communiqués

  6   au Procureur, il serait peut-être bien qu'on permette au Procureur de

  7   regarder l'intégralité de l'enregistrement, parce que nous leur avons

  8   communiqué l'intégralité de l'enregistrement à cause du contexte, et

  9   qu'ensuite on voit s'ils ont des objections ou pas, parce que nous

 10   demandons le versement de beaucoup de ces extraits.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Oui, merci. Je ne sais pas d'ailleurs

 13   s'il y a des transcriptions pour tout --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est important de voir, parce

 15   que vous savez, quand on voit un enregistrement on voit qui est en train de

 16   parler. Mais il serait bien de savoir, pour les enregistrements, qui dit

 17   quoi, et c'est indiqué dans les transcriptions, je l'espère.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Je pense que c'est tout à fait clair

 19   que c'était M. Holbrooke qui s'exprimait sur cet enregistrement, et je

 20   pense que le Procureur dispose de la transcription intégrale de cet

 21   enregistrement, que cela leur a été passé aujourd'hui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors nous allons laisser le

 23   versement de ces enregistrements et le débat à ce sujet jusqu'à demain.

 24   Est-ce que ça vous suffit comme temps, Monsieur Tieger ?

 25   M. TIEGER : [interprétation] Oui, oui, je vais faire de mon mieux

 26   pour être prêt demain pour ça.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien -- O.K.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Si vous permettez, non seulement les extraits

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  1   que nous avons écoutés s'agissant d'identité des personnes qui s'expriment,

  2   mais nous pouvons donner des indications au Procureur.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   M. KEHOE : [interprétation]

  5   Q.  S'agissant de l'enregistrement précédant, celui du 1er octobre, c'est

  6   l'ambassadeur Holbrooke qui parle, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Bien. Alors maintenant, revenons au général Gotovina. C'est votre

  9   journal de bord du 15 septembre. Vous faites référence ici à une réunion

 10   entre Gotovina et les commandants des 5e et 7e Corps. Vous avez trouvé cela

 11   ?

 12   R.  Non. Où est-ce que cela se trouve ?

 13   Q.  C'est l'entrée pour le 15 septembre, juste avant le début de l'entrée

 14   pour le 16 septembre.

 15   R.  Oui, je viens de le retrouver.

 16   Q.  Bien. Donc à ce moment-là, vous étiez au courant du fait que le général

 17   Gotovina a été le commandant du HV qui menait ces combats ?

 18   R.  Oui, et je sais que le général Gotovina était le commandement du HV.

 19   Mais la seule raison pour laquelle je ne souhaite pas faire des

 20   commentaires est qu'à ce moment-là je ne me souviens pas des dates, des

 21   endroits où il a pu être à une date donnée, quelles étaient ses

 22   responsabilités exactes. Je suis sûr qu'il y a des personnes autres que moi

 23   qui seraient capables de vous aider beaucoup plus. Mais je sais évidemment

 24   qu'il a joué un rôle à la tête des forces croates en Bosnie.

 25   Q.  Je comprends très bien vos préoccupations.

 26   Passons maintenant à un autre sujet dont vous avez parlé lors de

 27   l'interrogatoire principal, Monsieur l'Ambassadeur. Vous avez dit que le

 28   général Gotovina était en Bosnie et qu'il menait des activités avec le HV.

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  1   Je veux maintenant qu'on revienne à Knin et qu'on parle de ce qui s'est

  2   passé dans la zone de Knin alors que la situation évoluait dans d'autres

  3   zones du point de vue militaire. Pour cette raison-là, j'aimerais vous

  4   présenter un enregistrement vidéo du 8 août 1995. C'est le ID33-0090. Il

  5   s'agit là de M. Jarnjak, qui se trouve à Zagreb. C'est 1D33-0090. Vous

  6   savez que M. Jarnjak était ministre de l'Intérieur.

  7   On pourra peut-être maintenant faire jouer cet enregistrement.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Je salue les représentants de cette conférence et je salue le

 11   ministre, M. Ivan Jarnjak, ministre de l'Intérieur de la République de

 12   Croatie.

 13   Mesdames et Messieurs, bonsoir. Permettez-moi de vous informer de ce

 14   que fait le ministère des Affaires intérieures et de ce qu'il se propose de

 15   faire dans les régions qui sont en train d'être libérées. Dans les zones de

 16   l'Etat de Croatie libérées, c'est le système juridique et constitutionnel

 17   de la République de Croatie qui doit être imposé. Pour le faire, il faut

 18   que le ministre de l'Intérieur et ses forces y pénètrent également. Suivant

 19   les unités de HV et de la police, dans les espaces libérés de la République

 20   de Croatie, immédiatement la police civile faisait son entrée également

 21   pour établir des commissariats de la police sur pied et de la police des

 22   douanes. Suivant les consignes de la politique d'Etat en 1992, le ministère

 23   de l'Intérieur a mis sur pied la structure de l'administration de police et

 24   de commissariat de police pour l'ensemble de la République de Croatie, y

 25   compris les territoires qui viennent d'être libérés. Par conséquent,

 26   l'ensemble de ce système a été mis en place depuis 1992, et maintenant nous

 27   n'avons qu'à le mettre en œuvre. De ces commissariats de police qui ont été

 28   expulsés par agression en 1991 et 1992 dans les zones qui nous concernent,

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  1   ces commissariats étaient déplacés pour fonctionner ailleurs, délocalisés.

  2   Ces commissariats reprennent leurs zones, à savoir à Lovinac, à Drnis, à

  3   Vrlika, Kijevo, Slunj, Petrinja, Glina et Hrvatska Kostajnica. Les

  4   commissariats de police de Cetingrad, de Saborsko Plaski et de Lasinje ont

  5   été encore une fois mis en place. Du point de vue opérationnel, il y a lieu

  6   de signaler la mise en place à Hrvatska Kostajnica, Kijevo, Slunj, Donji

  7   Lapac, Strmica, Donji Srb et Licko Petrovo Selo. Des commissariats de

  8   police de douane, nous avons préparé également la mise en place de tous ces

  9   commissaires de police pour Dvor et Topusko.

 10   Conformément à la loi constitutionnelle portant sur les droits de

 11   l'homme et des libertés, sur les droits de l'homme, des communautés

 12   ethniques et des minorités ont été mises en place et ont été mises en

 13   fonction. Les administrations de police, et cela à Knin, et

 14   l'administration de Glina. Voici donc les zones qui sont censées avoir

 15   leurs statuts. Ont été évidemment mis en place des commissariats de police

 16   pour Knin, Donji Lapac, Gracac, Korenica, Benkovac et Obrovac. Il s'agit

 17   évidemment de signaler des administrations de police qui en font partie.

 18   Pour le district de Glina, existent des administrations de police de

 19   Glina, Vojnic et Hrvatska Kostajnica. Sont préparés pour être mis en place

 20   également les commissariats de police de Vrgin Most et de Dvor.

 21   Immédiatement après que l'armée de Croatie et les unités spéciales de

 22   police du ministère de l'Intérieur avaient entamé leur travail dans les

 23   zones où il y a eu fin des hostilités, les membres de ces police sont

 24   entrés dans les habitations à différentes agglomérations pour s'occuper du

 25   contrôle et de la direction, entre autres, de la circulation et des

 26   transports. Par la même occasion, avec l'établissement de stations de

 27   police et des commissariats de police, sont devenus opérationnels également

 28   tous les autres services du ministère de l'Intérieur, à savoir la

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  1   protection civile, les sapeurs pompiers. De conditions préalables ont été

  2   créées aussi pour que fassent leur entrée des services qui sont évidemment

  3   censés délivrer à des civils des documents et de papiers d'identité.

  4   De même, des travaux d'assainissement du terrain ont été entamés,

  5   lorsqu'il s'agit évidemment de petit, menu et gros bétail, de même que de

  6   protéger les propriétés dans les grandes agglomérations. Par conséquent,

  7   ces jours-ci, probablement dans les jours qui viennent, nous nous

  8   occuperons de toutes les agglomérations prises dans leur ensemble. A toutes

  9   les personnes résidant dans les zones nouvellement libérées, qui y sont

 10   restées ou qui y retourneront, qui sont réfugiés actuellement, nous nous

 11   tournons vers eux pour leur garantir leur sécurité personnelle, la sécurité

 12   de leur propriété, et nous leur garantirons l'ordre public et la paix. Je

 13   vous remercie beaucoup."

 14   Je remercie le ministre Jarnjak."

 15   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 16   M. KEHOE : [interprétation]

 17   Q.  Maintenant, je voudrais vous faire entendre un autre enregistrement,

 18   Monsieur l'Ambassadeur. S'agit-il d'un enregistrement d'une conversation

 19   qui vous concerne, vous, M. Holbrooke et le président Tudjman ? C'est le

 20   président Tudjman qui parle. En date du 19 octobre.

 21   Il s'agit de 1D33-0474. 

 22   [Diffusion de la cassette audio]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Le troisième point le concerne. Il s'agit de la question posée de savoir

 25   ce qui s'était passé en Bosnie occidentale et en Krajina. Les médias en

 26   traitent comme étant des problèmes de droits de l'homme, mais il s'agit

 27   d'un problème plus important, d'ordre politique. Il s'agit de problème de

 28   l'image de marque de la Croatie. 

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  1   Est-ce que vous avez entendu l'information de mon ministre

  2   d'Intérieur, dit le président Tudjman.

  3   Réponse : Non.

  4   Est-ce que tu as des données, des données du ministère de l'Intérieur ?

  5   Hier, le ministre de l'Intérieur a fait une déclaration comme quoi il y a

  6   40 meurtres, et 13 auteurs de meurtres ont été traduits en justice. 40

  7   meurtres ont été élucidés. Parmi eux, il y avait des Serbes et il y avait

  8   aussi des criminelles, des toxicomanes, et cetera. Il y avait également

  9   lieu de signaler 800 et quelque pillages ou vols dont 690 ont été déjà

 10   élucidés au cours de nos investigations. Il n'y avait pas plus d'une

 11   centaine de meurtres; il s'agit d'exagérations, lors des opérations,

 12   évidemment, de nettoyage, et cetera, où il y a eu des exagérations

 13   également. 

 14   Et puis, le ministre a fait état du fait qu'il a reçu un ordre de ma

 15   part qu'immédiatement après les opérations toutes les démarches devraient

 16   être prises pour prévenir tout cela, de tels cas."

 17   [Fin de la diffusion de la cassette audio] 

 18   M. KEHOE : [interprétation]

 19   Q.  Un dernier sujet. Monsieur l'Ambassadeur, avant de passer à un autre

 20   sujet, et il s'agit de la pièce à conviction P451. Il s'agit de votre

 21   livre. Là, il y a lieu de signaler la conférence de presse de vous-même et

 22   du secrétaire Shattuck en date du 30 septembre 1995. J'attire votre

 23   attention sur la page 06069735. 

 24   Je vous prie, Monsieur l'Ambassadeur, de vous pencher sur la deuxième page

 25   encore une fois, deuxième paragraphe notamment de la page deux, où il est

 26   dit : "Secondo…" La phrase commence par "Secondo." 

 27   Vous avez une copie sous vos yeux, Monsieur l'Ambassadeur, et vous

 28   pouvez vous en servir ?

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  1   R.  [aucune interprétation]

  2   Q.  Il est dit donc, de sévices auxquels les gens ont été exposés :

  3   "Secondo," dit-on, "ces sévices ne devaient pas évidemment se propager à de

  4   telles proportions si le gouvernement croate avait pris les mesures

  5   nécessaires pour les prévenir, à savoir des arrestations et arrestations

  6   des auteurs, et par le déploiement des forces de police suffisantes pour

  7   rétablir l'ordre lors de l'action militaire en cours. Les responsables

  8   croates que j'ai pu rencontrés m'ont donné toutes les garanties nécessaires

  9   pour que des démarches soient prises pour s'occuper de la situation où des

 10   violations des droits de l'homme ont eu lieu ou ont été perpétrées." 

 11   Est-ce que je peux vous faire réfléchir à la première séquence vidéo

 12   concernant le ministre Jarnjak du 8 août 1995, et je dirais que le 9 août,

 13   quant à vous, vous demandez qu'il soit limogé. Vous avez donc connu le rôle

 14   tenu par le ministre Jarnjak ?

 15   R.  Oui, bien sûr.

 16   Q.  Vous en traitez dans votre journal, lorsqu'il s'agit de débats que vous

 17   avez eus en date du 10 août. Vous saviez, quant à vous, que certainement,

 18   en résultat et retombée des conversations que vous avez menées vous-même en

 19   date du 19 octobre, le président Tudjman avait dit à Jarnjak de régler ces

 20   problèmes là-bas en Krajina, n'est-ce pas ? Monsieur l'Ambassadeur, est-ce

 21   exact ?

 22   R.  En résultat de conversations que j'ai menées le 19 octobre ?

 23   Q.  Oui. Pendant les conversations en date du 19 octobre, le président

 24   Tudjman vous a dit, à vous et à l'ambassadeur Holbrooke, qu'il avait

 25   demandé au ministre Jarnjak de résoudre tous les problèmes qui s'étaient

 26   posés à Krajina lors de l'opération Tempête, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, c'est ce que nous avons pu entendre à travers cet enregistrement

 28   audio.

Page 5072

  1   Q.  Je ne me propose pas de parler en votre nom, mais l'ambassadeur

  2   Shattuck, quant à lui, à cette conférence de presse, a dit qu'ils n'ont pas

  3   pu suffisamment rapidement déployer les effectifs de leur police civile. 

  4   Est-ce que vous y êtes ? Vous me suivez dans le texte ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  C'est un fait. Il s'agissait de votre point de vue, de la position du

  7   secrétaire Shattuck, que les Croates n'ont pas déployé suffisamment de

  8   policiers là-bas pour se rendre compte du fait de la nécessité de ne pas

  9   avoir de telles activités ?

 10   R.  Je ne peux pas parler au nom du secrétaire Shattuck. Ce n'est pas mon

 11   point de vue quant à ce problème. Mon point de vue à moi, c'est que le

 12   personnel qui se trouvait là-bas ne témoignait pas d'une volonté quelconque

 13   en vue de prévenir et empêcher pillages, meurtres et vols, et cetera.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si je peux offrir pour

 15   admettre et verser au dossier d'abord la séquence vidéo 1D33-00 [comme

 16   interprété] et puis l'enregistrement audio 1D33-0474.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, des objections ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Non.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction D411.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ainsi soit-il -- 041 [comme interprété].

 22   Et puis, certaines parties de cet enregistrement audio ?

 23   M. KEHOE : [interprétation] Je crois qu'il n'y avait qu'un seul

 24   enregistrement.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Pourrions-nous avoir la même approche de cet

 27   enregistrement audio tout comme tout à l'heure ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut-il dire que nous n'avons

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  1   toujours pas accordé une cote à cette pièce à conviction, chose faite par

  2   nous pour la pièce à conviction précédente. On vous a demandé tout à

  3   l'heure de nous fournir une réponse d'ici demain.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Oui. De même en est-il pour le compte rendu

  5   d'audience. Est-ce que nous disposons d'un compte rendu d'audience pour cet

  6   enregistrement audio ?

  7   M. KEHOE : [interprétation] Oui, en effet.

  8   Q.  Il faut le faire pour être sûr qui étaient les personnes qui avaient

  9   pris la parole. D'abord, du côté américain, M. Holbrooke ?

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Et de la partie croate, nous avons eu la parole du président Tudjman et

 12   de son interprète ?

 13   R.  M. Tudjman, oui évidemment, se retrouve en croate et en anglais; ceci a

 14   été traduit.

 15   Q.  Lorsqu'il s'agit d'activités menées par le ministère de la Défense,

 16   savez-vous quelles étaient les démarches prises par le ministère de la

 17   Défense en vue de contrôler l'ensemble de ces activités ?

 18   R.  Non, puisque je pense que ceci n'a pas été contrôlé.

 19   Q.  Et quant au ministère de l'Intérieur, savez-vous ce qui a été entrepris

 20   par le ministère de l'Intérieur pour placer sous son contrôle toutes ces

 21   activités ?

 22   R.  Si je pouvais répondre à la question de savoir ce que faisait le

 23   ministère de l'Intérieur, alors ce qu'a décrit le ministre Jarnjak lors de

 24   la conférence de presse était exact, à savoir le gouvernement croate, quant

 25   à lui, disposait d'une police, et toutes les autorités municipales mises en

 26   place depuis 1992 étaient prêtes à être déployées quant à leurs effectifs,

 27   et je m'en suis rendu compte du fait qu'à Petrinja, ils étaient capables de

 28   le faire en quelques heures seulement.

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  1   Q.  Oui, mais ils avaient des gens pour les déployer là-bas. Mais lorsque

  2   nous parlons d'investigations, d'élucidations et d'administration de

  3   certains cas criminels au pénal, vous ne savez pas ce que le ministre de

  4   l'Intérieur a fait ? Vous ne savez pas dans quels cas il y a eu des

  5   investigations menées ou des poursuites en justice ?

  6   R.  Non. J'ai peut-être des idées là-dessus, mais nous avons considéré que

  7   seul un petit nombre de ces cas perpétrés a pu être traduit en justice, et

  8   ce que le président Tudjman a expliqué dans l'enregistrement audio entendu

  9   tout à l'heure, c'est qu'il s'agissait de quelques criminels et

 10   toxicomanes. Cela me paraît absurde, et c'était une explication peu exacte.

 11   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, il nous faut bien faire en sorte qu'il n'y ait

 12   pas de chevauchement de nos voix. 

 13   Lors de vos consultations avec différents officiels et responsables

 14   de la République de Croatie, qu'il s'agisse du ministre Susak du ministère

 15   de la Défense ou du ministre Jarnjak du ministère de l'Intérieur, ces deux-

 16   là, vous ont-ils porté à votre connaissance les différentes instructions

 17   qui ont été données pour que de telles questions soient placées sous un

 18   contrôle ?

 19   R.  Certes, le ministre Susak et moi, nous nous en sommes entretenus. Mais

 20   une fois de plus, la question était de savoir quels étaient les ordres

 21   donnés ou quels étaient les ordres dont j'ai été informé. Mais l'essentiel,

 22   c'est de savoir ce qui se passait sur le terrain.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous demander d'expliciter

 24   un petit peu l'une de vos réponses de tout à l'heure.

 25   Il me semble que tout à l'heure une question vous a été posée au

 26   sujet des activités menées par le ministère de la Défense : saviez-vous

 27   quelles étaient les démarches faites par le ministère de la Défense pour

 28   placer sous son contrôle toutes les activités.

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  1   Vous avez répondu par la négative : "Je ne pense pas que ceci ait pu

  2   être contrôlé."

  3   Si quelque chose a été contrôlé, c'est qu'il devait y avoir un

  4   résultat de certains efforts faits. Etant donné qu'il n'y a eu "aucun

  5   contrôle," cette corrélation semble me confondre un petit peu. La question

  6   est de savoir si vous avez été à l'insu de quelques activités ou avez été

  7   informé de ces activités, peu importe si elles étaient efficaces, et il

  8   s'agit de quelque chose dont voulait traiter M. Kehoe.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il ne s'agit pas de

 10   savoir si ces activités étaient efficaces ou pas. Il s'agit de savoir si

 11   ces activités avaient pour intention d'assurer et de mettre en place un

 12   contrôle ou non.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais du point de vue de vos

 14   connaissances factuelles, saviez-vous s'il y avait des activités ou pas, et

 15   puis après on va voir si ces activités consistaient en efforts. Efforts en

 16   quoi et en vue de quoi ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, à cette époque-là, je n'ai pas

 18   été sans savoir que des activités ont été menées.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A savoir ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Un certain temps s'est écoulé -- ceci devait

 21   inclure, pour autant que je m'en souvienne, le déploiement des effectifs de

 22   la police - certainement, le ministère de l'Intérieur devait en être chargé

 23   - ensuite, des promesses ont été données pour que -- on devait redoubler

 24   d'efforts pour mettre un terme à des pillages, vols, et cetera; il y avait

 25   des promesses faites comme quoi des auteurs de tels pillages et autres

 26   crimes devaient être poursuivis en justice. Voilà des choses qui m'ont été

 27   données et promesses faites par des Croates au sujet de ce qui se passait

 28   en Krajina.

Page 5077

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, procédez.

  2   M. KEHOE : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, avec tout le respect que je vous porte, saviez-

  4   vous s'il y avait des ordres donnés soit par le ministre de l'Intérieur ou

  5   celui de la Défense selon lequel ordre tous les efforts devaient être faits

  6   pour mettre un terme à toute activité criminelle dans la Krajina ? Saviez-

  7   vous que de telles activités existaient ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, allons-y pas à pas à ce

  9   stade-ci. D'abord, pour ce qui est des ordres, vous parlez d'ordres, vous

 10   en faites mention, vous faites mention de deux ministères, et puis vous

 11   dites qu'il s'agit des ordres comme quoi tous les efforts devaient être

 12   faits. D'abord, voyons si l'ambassadeur Galbraith savait s'il y avait des

 13   ordres émanant du ministère de l'Intérieur.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis sûr qu'on m'a dit que le ministère de

 15   l'Intérieur avait donné des ordres.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et la même question pour le ministère de

 17   la Défense ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Oui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez sur quoi portaient

 20   ces ordres ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis sûr qu'en 1995 j'en savais bien

 22   davantage qu'aujourd'hui, mais l'essence en était qu'il fallait rendre sûre

 23   la région, arrêter les auteurs d'actes et arrêter les activités illégales

 24   au sujet desquelles le gouvernement des Etats-Unis s'en était plaint.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et cela valait pour les deux ministères,

 26   n'est-ce pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était l'essence de ces ordres. Pour ce qui

 28   est des détails, quelles étaient les activités de chaque ministère, je ne

Page 5078

  1   m'en souviens plus.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.

  3   M. KEHOE : [interprétation]

  4   Q.  Donc je vois que vous n'avez pas pu constater qu'on a fait des efforts

  5   pour mettre un terme à ces activités sur le terrain. Mais, Monsieur

  6   l'Ambassadeur, si les ordres avaient été donnés pour mettre un terme aux

  7   activités criminelles en Krajina, dans ce cas-là permettre ces activités

  8   criminelles n'était pas une politique menée par l'Etat, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je vais être un peu plus précis dans ma réponse. On m'a dit que ces

 10   ordres avaient été donnés par ces ministères.

 11   Q.  Et allant un pas en avant. Si on vous a dit et si, en fait, il y avait

 12   de tels ordres - et nous en avons des preuves dans le dossier, Monsieur le

 13   Président - dans ce cas-là, les actes d'incendie de ces maisons n'auraient

 14   pas été conformes à la politique menée par l'Etat, n'est-ce pas ?

 15   R.  Je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de dire. J'ai

 16   suffisamment d'expérience, après tant d'années passées en Croatie et ayant

 17   tant de contacts avec les responsables croates et serbes, donner des ordres

 18   et dire qu'ils ont donné des ordres et faire des promesses, ils ont fait

 19   des promesses qu'ils n'avaient pas du tout l'intention de respecter. Je ne

 20   pense pas du tout que le gouvernement croate a fait un effort important

 21   pour mettre un terme à ces destructions et pour le placer sous un contrôle

 22   jusqu'au moment où pratiquement les Serbes n'avaient plus de maisons où

 23   rentrer.

 24   Q.  Je reviens à votre dernière réponse. Si ces ordres avaient été donnés

 25   afin de mettre un terme à ces activités par les deux ministères, qu'il

 26   s'agisse du ministère de la Défense ou du ministère de l'Intérieur, ces

 27   ordres auraient été donnés contrairement à la politique d'Etat, politique

 28   menée par l'Etat, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Je ne pense pas que les ordres dont on a parlé représentaient un effort

  2   important pour arrêter cette violence et ces destructions. Parce que je

  3   pense que les dirigeants croates les plus haut placés voulaient que les

  4   biens serbes soient détruits afin que les Serbes en grand nombre ne

  5   puissent pas rentrer. Je pense que c'était cela leur politique. C'est cela

  6   le contexte dans lequel j'ai vu ces ordres. C'est ce que je peux vous dire.

  7   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous connaissiez le ministre Susak et vous

  8   connaissiez le ministre Jarnjak. Est-ce que vous êtes en train de nous dire

  9   que les ministres Jarnjak et Susak auraient émis des ordres qui étaient

 10   contraires aux souhaits du président Tudjman; oui ou non ?

 11   R.  Encore une fois, vous demandez que je fasse une supposition que ces

 12   ordres représentaient un effort sincère pour mettre un terme à ces

 13   activités et, bien sûr, qu'à cette époque-là, où ces destructions avaient

 14   lieu - je pense que c'était la mi-août, mi-septembre - je pense que les

 15   autorités croates ne voulaient pas mettre un terme à ces violences et ils

 16   voulaient qu'à un moment donné où tout était déjà détruit, oui, je pense

 17   qu'à ce moment-là ils voulaient mettre un terme à tout cela, une fois que

 18   leurs activités auraient été très critiquées. Mais il est très difficile

 19   maintenant de - Maître Kehoe, vous savez, j'ai l'impression qu'on est en

 20   train de jouer avec les mots. Ce que je veux dire - et je vous dis tout

 21   cela sur la base de ce que j'ai pu constater moi-même sur le terrain et des

 22   rapports de mon ambassade et je me base également sur bien d'autres sources

 23   - je peux vous dire que les destructions qui ont eu lieu était quelque

 24   chose que la Croatie aurait pu empêcher, mais elle a choisi de ne pas le

 25   faire, parce que cela servait l'objectif recherché par les dirigeants

 26   croates les plus haut placés.

 27   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, à la page 89, ligne 18, je vous ai demandé :

 28   "Est-ce que vous dites que les ministres Jarnjak et Susak auraient émis des

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  1   ordres contraires aux souhaits du président Tudjman; oui ou non ?"

  2   Je vais vous poser la question suivante : est-ce que vous savez si le

  3   ministre Susak ou le ministre Jarnjak avait jamais donné des ordres qui

  4   étaient contraires aux souhaits de Tudjman ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Concentrons-nous maintenant sur le commentaire dont vous avez parlé au

  7   sujet des actes d'incendie et le fait que par là on voulait empêcher les

  8   gens de rentrer. Vous avez dit aujourd'hui qu'il y avait deux ou trois --

  9   200 à 300 000 personnes déplacées à l'intérieur de Croatie ?

 10   R.  Oui, c'était dans cet ordre-là, entre 150 000 et 300 000. Il y en avait

 11   beaucoup venues des villes croates en Krajina et, bien sûr, un grand nombre

 12   de personnes venues du Slavonie orientale.

 13   Q.  Il y avait également des personnes, des réfugiés venus de Bosnie qui se

 14   sont installés en Croatie, n'est-ce pas ?

 15   R.  Il y avait également des Croates de Bosnie qui n'étaient pas réfugiés

 16   mais qui sont venus s'installer en Croatie. Oui.

 17   Q.  Dans votre journal de bord en date du 15 septembre, en bas de la page

 18   52.

 19   Le voyez-vous, Monsieur ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  En bas de cette pages, vous dites : "J'ai également constaté qu'un

 22   grand nombre d'entre eux ne voulaient pas rentrer, et maintenant on parle

 23   des Serbes de Krajina, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Au plus, 20 %. En présentant le minimum pour le nombre de ces réfugiés,

 26   j'ai dit qu'il était possible qu'il y ait moins de 20 % et que la Croatie

 27   pourrait accepter.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Une correction. Il n'est pas question de 20 %

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  1   dans le journal.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, 20 000. Je voulais dire 20 000.

  3   Moins de 20 000, et la Croatie pourrait certainement les absorber. Et ces

  4   20 000 représentent 20 %, bien sûr, des 100 000 réfugiés ou personnes

  5   déplacées à l'intérieur des frontières, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Lorsque ces actes de pillage et d'incendie étaient en train d'être

  8   commis, Monsieur l'Ambassadeur, nous avons parlé d'entre

  9   150 000 à 200 000 Croates déplacés à l'intérieur de la Croatie, et ces gens

 10   devaient être logés quelque part, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je pense qu'à ce moment-là, ces gens étaient déplacés depuis 1991, et

 12   je pense qu'en 1995 ils étaient tous logés quelque part.

 13   Je veux revenir maintenant à la question précédente. Ce chiffre de 20

 14   000 est un chiffre où on fait référence à l'estimation prudente de Sarinic

 15   portant sur le nombre de Serbes qui étaient partis. Je pense qu'en fait il

 16   y en avait beaucoup plus. Mais Sarinic a parlé de 100 000 en tout, donc 20

 17   % représente 20 000 personnes. Là, je fais référence à une conversation que

 18   j'avais eue avec Sarinic.

 19   Q.  Mais Tudjman ne vous a-t-il pas dit que 100 000 personnes étaient

 20   parties, et qu'uniquement 10 % allaient rentrer ? Et vous, vous avez dit

 21   que 20 % allaient rentrer. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 22   R.  Tudjman a dit que 10 % allaient rentrer, mais nous pensions qu'on

 23   parlait plutôt d'un chiffre de 180 000 personnes.

 24   Ici en tant que médiateur, j'ai présenté un argument à Sarinic. Il

 25   m'a dit que 20 000 personnes étaient parties. Moi, j'ai dit, bon, d'accord

 26   et où est le problème si 20 % rentrent ? J'ai accepté cela parce que ça

 27   allait être beaucoup plus persuasif si je dit à Sarinic, si 20 % de 100 000

 28   rentrent, ça va être plutôt accepté que si on lui avait dit qu'en fait

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  1   c'était 20 % de 180 000 personnes en tout, à savoir que 36 000 personnes

  2   allaient rentrer. Mais notre principe était que nous voulions que tous

  3   rentrent.

  4   Q.  Passons maintenant à la pièce P455. Il s'agit d'une transcription

  5   communiquée par le bureau du Procureur en date du 10 août 1995. Il s'agit

  6   d'un procès-verbal de l'entretien que vous avez eu avec le président

  7   Tudjman.

  8   Je ne suis pas sûr que vous l'ayez, Monsieur l'Ambassadeur, mais si vous

  9   l'avez sous les yeux, j'aimerais que vous examiniez la page 3. Maintenant,

 10   c'est affiché à l'écran. La troisième page. Là en haut de la page, c'est le

 11   président Tudjman qui a pris la parole, et il vous dit le 10 août 1995 --

 12   Les numéros que j'ai chez moi sont un petit peu différents. J'aimerais

 13   qu'on passe à la page précédente dans la version en anglais, s'il vous

 14   plaît. En bas de la page, s'il vous plaît.

 15   "Le 10 août 1995, à un moment donné, nous avions plus de 400 000 réfugiés -

 16   -"

 17   Passons maintenant à la page suivante.

 18   "-- venus des régions croates." C'est ce que l'on peut voir à la page

 19   suivante en haut.

 20   Monsieur l'Ambassadeur, qu'il s'agisse de 400 000, 300 000 réfugiés ou 200

 21   000 réfugiés, de toute façon en Croatie ils faisaient face à un problème

 22   important de logement après l'opération Tempête, n'est-ce pas ?

 23   R.  Ce problème de logement en Croatie a eu lieu au fond en 1991, et le

 24   chiffre de 400 000, il y avait des personnes qui étaient délogées suite aux

 25   combats en 1991 et qui après ont pu rentrer chez eux, parce que plus ou

 26   moins le cessez-le-feu a été instauré, et les Croates ont repris certaines

 27   zones qui avaient été conquises par la JNA en 1991.

 28   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous saviez qu'en Croatie il y avait un

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  1   problème important s'agissant de savoir où loger les réfugiés en 1995 ?

  2   R.  Bien sûr qu'il y avait un problème depuis 1991, et il existait

  3   certainement en 1995. Je vous ai dit que ces personnes étaient logées dans

  4   des hôtels.

  5   Q.  Ces centaines de milliers de personnes cherchaient où se loger. Est-ce

  6   que vous maintenez que la politique d'Etat de la République de Croatie

  7   était de détruire, brûler les maisons où en fait ils voulaient placer ces

  8   gens pour qu'ils puissent y habiter ?

  9   R.  Oui, c'était la politique menée par les plus hauts dirigeants croates.

 10   C'est ce que j'ai dit.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je vois l'heure -- et

 12   l'heure a tourné.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience. Mais avant

 15   de ce faire, il y a quelque chose que je n'ai pas très bien compris,

 16   Monsieur Galbraith. Je ne vous demande pas de répondre maintenant à la

 17   question, mais aujourd'hui nous avons parlé de 10 %. Vous avez dit que 10

 18   000 personnes, c'est 10 % de 100 000, et hier il était question des

 19   objectifs, et vous avez dit que tout d'abord vous vouliez dire que Tudjman,

 20   si l'on faisait pression sur lui, disait que peut-être 10 % des Serbes y

 21   étaient. Aujourd'hui, maintenant, la même question a été soulevée et il

 22   semblerait qu'ils s'attendaient à ce qu'ils rentrent, et non pas que

 23   c'était leur objectif. Donc, je n'ai pas très bien compris. Lorsque vous

 24   avez parlé de 10 000 personnes, à savoir 10 %, est-ce que vous vouliez dire

 25   par là que comme je l'ai compris hier, que c'était leur objectif de ne pas

 26   avoir plus de 10 %, ou est-ce que c'était leur attente réaliste ?

 27   Je vous prie de réfléchir à cette question ce soir, et nous allons

 28   reprendre nos travaux demain matin.

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  1   Je l'ai noté quelque part -- nous allons reprendre nos travaux demain à 9

  2   heures, Monsieur Galbraith, dans la salle d'audience numéro I.

  3   --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le mercredi 25

  4   juin 2008, à 9 heures 00.

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