Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 25 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  6   Monsieur le Greffier, veuillez annoncer le numéro de l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  8   Monsieur les Juges, bonjour tout le monde dans le prétoire. C'est l'affaire

  9   IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 11   Les parties ont pu remarquer qu'hier à la fin de notre audience je n'ai pas

 12   donné les instructions habituelles à notre témoin. Après notre audience,

 13   j'ai demandé au greffier de bien vouloir passer la consigne habituelle au

 14   témoin.

 15   Maître Kehoe.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Oui, le greffier nous en a informés et nous en

 17   sommes tout à fait satisfaits.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Notre position est la même.

 20   Mais je voulais vous dire que s'agissant des six enregistrements

 21   audio que nous avons écoutés hier, si j'ai bien compris, nous n'avons pas

 22   les transcriptions entières pour l'instant pour ces enregistrements audio.

 23   En tout, il y en a pour six heures, je n'ai pas pu les écouter dans leur

 24   intégralité, ça me prendra un peu de temps. Je ne pense pas qu'il y ait des

 25   objections pour les extraits que nous avons écoutés hier, mais le Procureur

 26   voudrait quand même avoir l'occasion d'écouter l'intégralité de ces

 27   enregistrements avant qu'ils ne soient versés au dossier.

 28   Compte tenu de la longueur de ces transcriptions, je demanderais d'avoir

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  1   une semaine pour lire la transcription. Je ne pourrai pas le faire

  2   aujourd'hui, bien sûr.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons quelles en sont les

  4   conséquences possibles, parce que s'il s'avère que d'autres extraits de ces

  5   enregistrements audio doivent être écoutés, dans ce cas-là, vous savez qu'à

  6   ce moment-là nous n'aurons plus le témoin ici dans le prétoire.

  7   Il faudra peut-être faire revenir le témoin. Ce n'est pas que je préconise

  8   cette possibilité. Mais nous devrons voir plus tard quelle sera la position

  9   du Procureur et nous allons agir conformément à la situation telle qu'elle

 10   se présentera.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Nous n'avons pas d'objection à ce que le Procureur les lise. Mais j'ai cru

 13   comprendre qu'on nous a demandé si les extraits que nous avons écoutés

 14   avaient été transcrits et non pas les six heures dans leur intégralité. Je

 15   pense que nous nous sommes mis d'accord avec M. Tieger que nous allons

 16   présenter juste l'extrait dans le prétoire, mais leur donner tout

 17   l'enregistrement, qu'il s'agisse d'un enregistrement vidéo ou audio, pour

 18   avoir tout à leur disposition, comme nous avons procédé hier, par exemple.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il faut bien sûr éviter les

 20   transcriptions inutiles d'enregistrements. Monsieur Tieger, vous pourriez

 21   peut-être vous contenter d'avoir juste l'enregistrement audio ou vidéo sans

 22   avoir besoin d'avoir la transcription de ce matériel. S'il s'avère qu'il y

 23   a des choses importantes à relever, dans ce cas-là, on pourra voir la

 24   transcription.

 25   Maître Kehoe, êtes-vous prêt ?

 26   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une fois le témoin introduit dans le

 28   prétoire, vous pourrez poursuivre votre contre-interrogatoire, vous avez

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  1   encore une heure et sept minutes.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Galbraith. Comme

  5   hier, je souhaite vous rappeler que vous êtes toujours tenu de respecter la

  6   déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre

  7   interrogatoire, et maintenant Me Kehoe va poursuivre le contre-

  8   interrogatoire.

  9   LE TÉMOIN: PETER WOODARD GALBRAITH [Reprise]

 10   [Le témoin répond par l'interprète]

 11   Contre-interrogatoire par M. Kehoe : [Suite]

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

 13   R.  Bonjour.

 14   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, maintenant j'aimerais que nous changions de

 15   sujet pour un instant -- pour quelques instants, et j'aimerais vous montrer

 16   plusieurs documents et vous poser quelques questions. Il s'agit de l'accord

 17   de normalisation entre la République fédérale de Yougoslavie et la

 18   République de Croatie et j'aimerais maintenant que l'on affiche la pièce

 19   1D33-0199.

 20   Sur la page de garde il est dit qu'il s'agit d'une lettre du 11

 21   septembre 1996 émanant du représentant permanent de la Croatie aux Nations

 22   Unies à l'attention du secrétaire général et c'est signé par Mario Nobilo,

 23   ambassadeur permanent, et c'est une lettre qui se réfère à la mise en place

 24   de la normalisation des relations entre la République de Croatie et la

 25   République fédérale de Yougoslavie.

 26   J'aimerais que l'on passe à la page suivante, d'abord il est fait état de

 27   l'accord lui-même. Et à la page suivante, ce qui m'intéresse c'est

 28   l'article 7, je ne vais pas lire cet article dans l'intégralité, mais si à

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  1   un moment donné vous souhaitez que je m'arrête et que vous lisiez une

  2   partie de cet article, dites-le s'il vous plaît.

  3   L'article 7, premier paragraphe : "Les parties contractuelles vont

  4   s'assurer que les conditions prévalent pour que les réfugiés et les

  5   personnes déplacées puissent rentrer d'une manière libre et en sécurité

  6   dans leurs lieux de résidence ou d'autres lieux où elles souhaitent se

  7   rendre. Les parties contractantes vont s'assurer que ces personnes

  8   regagnent leurs biens ou que ces personnes reçoivent une compensation.

  9   "2. Les parties contractantes vont s'assurer que ces réfugiés jouissent de

 10   la sécurité entière ainsi que les personnes déplacées qui souhaitent

 11   rentrer. Les parties contractantes vont aider ces personnes afin que les

 12   conditions nécessaires soient mises en place pour une vie sûre et normale.

 13   "3. Les parties contractantes vont déclarer une amnistie générale pour tous

 14   les actes commis relatifs au conflit armé, sauf les violations graves du

 15   droit humanitaire qui ont trait aux crimes de guerre."

 16   Maintenant j'aimerais que l'on passe les deux pages suivantes. A la

 17   dernière page, on voit que c'est signé à Belgrade le 23 août 1996 par M.

 18   Mate Granic, le représentant de la République de Croatie, et Milan

 19   Milutinovic, représentant de la République fédérale de Yougoslavie.

 20   Maintenant j'aimerais que l'on examine un autre document avant que je ne

 21   vous pose plusieurs questions. J'aimerais maintenant que l'on examine la

 22   pièce 1D33-0458.

 23   Je vous prie de l'agrandir un peu.

 24   Il s'agit d'un article de Chris Hedges du New York Times, du 24 août 1996,

 25   il fait état de vos commentaires au milieu de la page, Monsieur

 26   l'Ambassadeur. Au milieu de la page, il est dit : "'Il s'agit d'un

 27   changement d'ordre historique', a dit l'ambassadeur américain en Croatie,

 28   Peter W. Galbraith, 'le conflit serbe-croate'" --

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  1   R.  Excusez-moi -- oui, je l'ai retrouvé.

  2   Q.  Oui, c'est au milieu de la page. C'est le quatrième paragraphe partant

  3   d'en haut.

  4   Est-ce que vous me suivez ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  "'Le conflit serbo-croate a été au fond de la guerre en ex-Yougoslavie.

  7   La normalisation des relations entre les deux plus grands pays qui sont

  8   issus de l'ex-Yougoslavie est un facteur d'importance afin de pouvoir

  9   réaliser la stabilité dans la région.'"

 10   En bas de la page, il y a encore un commentaire émanant de vous, Monsieur

 11   l'Ambassadeur. Dans la dernière ligne il est dit : "'Il y a beaucoup de

 12   choses ici qui sont bonnes pour les Serbes ordinaires', a dit M.

 13   Galbraith."

 14   Ayant à l'esprit ces deux documents, est-ce que vous pourriez nous dire

 15   quelque chose au sujet du processus qui s'est déroulé entre la République

 16   de Croatie et la Yougoslavie avant que cet accord ne soit réalisé ?

 17   R.  Cela s'est déroulé après l'accord de paix d'Erdut et de Dayton, et les

 18   deux pays souhaitaient normaliser leurs relations, y compris d'établir des

 19   relations économiques normales, je pense que c'est ça le contexte de cet

 20   accord.

 21   S'agissant du retour des réfugiés et de l'engagement et des

 22   compensations, bien sûr il y avait beaucoup de pressions politiques en

 23   Yougoslavie pour que cela soit réalisé, mais je peux dire que la décision

 24   de Tudjman d'accepter le retour de réfugiés, du moins sur papier, était

 25   suite à une pression très importante que les Etats-Unis ont mis sur

 26   Tudjman. Nous avons imposé des sanctions en Croatie et nous avons menacé

 27   que nous allions annuler la licence MPRI, ce qui était très important pour

 28   eux, à moins qu'ils n'acceptent le retour de réfugiés et le droit de ces

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  1   citoyens croates tels que nous les voyions, d'obtenir leur citoyenneté et

  2   de regagner leur propriété.

  3   Cet accord avec la Yougoslavie n'était pas une concession de leur

  4   part, mais c'était quelque chose que la Croatie a été forcée à faire suite

  5   à des pressions des Etats-Unis.

  6   Q.  Est-ce que les Etats-Unis ont également fait pression pour que cette

  7   disposition relative à l'amnistie soit incluse dans le paragraphe 3, à

  8   savoir l'amnistie générale qui se rapporte à tous les actes commis lors du

  9   conflit armé, sauf les violations les plus graves du droit international

 10   humanitaire ?

 11   R.  L'amnistie était quelque chose sur quoi nous avons insisté pour

 12   plusieurs raisons. Tout d'abord, c'était important pour la mise en place de

 13   l'accord Erdut, parce que l'idée de l'accord Erdut était que le territoire

 14   qui autrefois était sous contrôle serbe devienne une partie normale et

 15   constituante de la Croatie, et que les Serbes puissent rester. Et si un

 16   grand nombre de personnes pouvaient être accusées d'avoir commis un acte de

 17   rébellion ou de traîtrise, dans ce cas-là, ces gens ne pourraient pas

 18   rentrer.

 19   C'est pourquoi nous voulions vraiment que des crimes tels que

 20   trahison ou rébellion soient amnistiés, ce qui est normal. Cela se fait

 21   après n'importe quelle guerre.

 22   Mais nous pensions que les crimes de guerre et les crimes tels que

 23   meurtre et viol ne soient pas inclus dans cette liste de crimes amnistiés,

 24   et que ce que nous appelions la feuille de route soit appliquée; c'est-à-

 25   dire que si quelqu'un est accusé de crime de guerre, dans ce cas-là cette

 26   personne devrait être transférée devant ce Tribunal à La Haye où il fallait

 27   déterminer s'il s'agit d'un crime de guerre ou non, et si l'on prend la

 28   décision qu'il s'agit d'un crime de guerre, dans ce cas-là, cette personne

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  1   pouvait être poursuivie en Croatie et la même chose s'appliquait à la

  2   Bosnie.

  3   Q.  J'aimerais maintenant, Monsieur l'Ambassadeur, parler de plusieurs

  4   choses de votre déclaration. Corrigez-moi si j'ai tort, mais vous n'avez

  5   jamais envisagé l'amnistie pour les meurtres et les viols, n'est-ce pas ?

  6   R.  Nous, les Etats-Unis, nous ne soutenions pas l'amnistie pour les viols

  7   et les meurtres.

  8   Q.  Je le comprends. Mais pour les crimes de moindre envergure, par exemple

  9   pour les actes d'incendie ou de pillage, vous souhaitiez que ces actes

 10   soient amnistiés, n'est-ce pas ?

 11   R.   Je ne me souviens plus de notre position par rapport à ces crimes,

 12   mais je me souviens que nous souhaitions avant tout l'amnistie pour les

 13   actes tels que trahison, rébellion, donc ces crimes de plus grande

 14   envergure, mais je ne sais pas quelle était notre position par rapport aux

 15   actes d'incendie, par exemple.

 16   Q.  Mais s'agissant des crimes de guerre, les Etats-Unis et les Nations

 17   Unies ont fait pression sur la Croatie pour limiter la poursuite des Serbes

 18   qui souhaitaient rentrer et qui risquaient d'être poursuivis pour des

 19   crimes de guerre et qu'en tout il y ait au maximum 25 personnes qui

 20   pouvaient être inculpées, n'est-ce pas ?

 21   R.  Ça, je ne me souviens pas. Je ne me souviens plus quelle était la

 22   feuille de route, mais si quelqu'un pouvait être poursuivi pour crime de

 23   guerre, dans ce cas-là, cette personne devait être transférée devant ce

 24   Tribunal, ensuite il prendrait la décision si elle pouvait être poursuivie

 25   ou pas, et s'il fallait le faire ici au Tribunal, ou en Croatie, ou en

 26   Bosnie. Mais je ne me souviens plus de ce chiffre, que le chiffre de ces

 27   personnes était limité.

 28   Q.  Vous ne vous souvenez pas qu'il s'agissait de 25 personnes au maximum ?

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  1   R.  Non.

  2   Q.  Et cette loi d'amnistie avait pour objectif et se réfère à toutes les

  3   personnes de l'ex-Yougoslavie et de la République de Croatie pour des

  4   crimes qui sont énumérés dans l'accord, n'est-ce pas ?

  5   R.  Maintenant vous parlez de l'accord entre la Croatie et la Yougoslavie.

  6   Q.  Oui. Dans le troisième paragraphe il est dit que l'amnistie générale

  7   allait être mise en place.

  8   R.  C'est un accord bilatéral.

  9   Q.  Mais s'agissant de l'amnistie générale, c'est une amnistie qui devait

 10   s'appliquer à tout le monde. Dans le paragraphe, on voit qu'il n'y a pas de

 11   différence entre les Croates, les Serbes et les Musulmans. On parle de

 12   l'amnistie générale, n'est-ce pas ?

 13   R.  Il faudrait que je revoie cette disposition précise, je ne l'ai pas

 14   lue.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Nous pouvons revoir ce document, c'est la pièce

 16   1D33-0199. Article 7, paragraphe 3.

 17   Q.  Vous voyez qu'il s'agit de l'amnistie générale, Monsieur ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Je demande le versement de la pièce 1D33-0199

 20   et également 1D33-0458.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 1D33-0199 deviendra la pièce

 24   D412 et la pièce 1D33-0458 deviendra la pièce D413.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D412 et D413 sont versées au

 26   dossier.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Avant de faire encore un commentaire --

 28   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez dit que les Etats-Unis ont mis

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  1   pression, mais également la communauté internationale a mis la pression

  2   pour que cette loi d'amnistie soit appliquée ?

  3   R.  Oui. Nous avons collaboré avec nos alliés Européens, les Russes et les

  4   Nations Unies là-dessus.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Nous avons un document que nous souhaiterions

  6   verser au dossier directement sans passer par le truchement du témoin. Il

  7   s'agit des documents internationaux portant sur l'amnistie. Il s'agit au

  8   fond des documents émanant de l'ONU, du Conseil de sécurité. Maintenant je

  9   peux passer à un autre sujet, mais j'en parlerai avant avec M. Tieger,

 10   avant de présenter ces documents à la Chambre et demander leur versement au

 11   dossier.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Nous allons entendre la

 13   position de M. Tieger au sujet de ces documents.

 14   M. KEHOE : [interprétation] D'accord.

 15   Q.  Dans le paragraphe 33, vous parlez -- donc paragraphe 33 de votre

 16   déclaration.

 17   Dans le paragraphe 33 vous dites -- est-ce que vous l'avez sous les

 18   yeux ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  "Après le combat en août contre les Serbes de Krajina, le président

 21   Tudjman néanmoins était très focalisé sur sa position qu'il ne souhaitait

 22   pas que ces Serbes rentrent. Il a expliqué que les Serbes ont choisi de ne

 23   pas être Croates, qu'il leur a offert l'occasion de rester et qu'ils sont

 24   partis. La Croatie ne pouvait pas reprendre ce groupe de personnes

 25   déloyales au sein de la Croatie."

 26   Donc après la fin de la guerre en Krajina dont nous avons parlé hier, et

 27   c'était -- donc nous avons parlé de la guerre qui a duré du mois d'août

 28   jusqu'au mois d'octobre. Maintenant j'aimerais qu'on aborde un autre sujet,

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  1   il s'agit de la pièce 1D33-0190. Encore une fois, Monsieur l'Ambassadeur,

  2   j'aimerais vous montrer toute une série de documents.

  3   R.  Il y a une faute dans le paragraphe 33. Il faudrait dire "Ils ont

  4   choisi de ne pas être 'Croatians', et non pas "Croats" en anglais.

  5   Q.  D'accord, je l'ai bien compris, merci.

  6   Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un document, d'une directive qui émane

  7   de Milan Martic qui porte la date du 4 septembre 1995. Vous voyez qu'il

  8   s'agit de la formation de l'armée de libération de la RSK et son engagement

  9   dans les opérations de combat sur le territoire de la République de Srpska.

 10   Alors, il me suffit de dire qu'il s'agit d'un ordre, un ordre qui réforme

 11   l'ARSK pour qu'elle se rallie à l'armée des Serbes de Bosnie, la VRS.

 12   Je sais que vous n'avez probablement pas vu ce document, je voulais

 13   juste attirer votre attention sur ce document.

 14   Mais ceci étant dit, j'aimerais que nous voyions une vidéo, il s'agit

 15   du document 1D33-0138 [comme interprété].

 16   Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un extrait vidéo, extrait d'un film

 17   intitulé "La chute de la Krajina" c'est une film qui a été produit à

 18   Belgrade en 2006. Le film s'intitule "Les bérets rouges."

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Parce que j'y ai réfléchi, lorsque je repense à tout cela ça me rend

 22   vraiment malade. La police nous a arrêtés, nous tous qui nous trouvions

 23   dans le centre de réception, ils nous ont flanqués dans des bus, c'était

 24   une décision absurde. Les gens ont fondamentalement été enlevés,

 25   fondamentalement ils ont été enlevés ces personnes.

 26   Lorsque nous sommes arrivés, je ne savais même pas où j'allais. Lorsque

 27   nous sommes arrivés à Erdut, les gens sortaient les têtes de la fenêtre,

 28   c'étaient des têtes rasées. Lorsque nous sommes arrivés et lorsque nous

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  1   leur avons remis tous nos documents, nous avons dû enlevés tous nos habits,

  2   nos colliers, tout, tout. Personne n'avait le droit de garder quoi que ce

  3   soit.

  4   La police les a accompagnés vers la police de la République de la RSK,

  5   ensuite ils les ont envoyés vers les centres de recrutement."

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. KEHOE : [interprétation]

  8   Q.  J'aimerais vous montrer une toute dernière chose, Monsieur, avant que

  9   je ne vous pose mes questions.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'un document de la VRS qui a été

 11   saisi, le document 1D33-0486. C'est un document qui ne se trouve pas dans

 12   le système électronique, donc j'aimerais demander à M. l'Huissier d'avoir

 13   l'amabilité de bien vouloir remettre au témoin un exemplaire papier de ce

 14   document. Je souhaiterais que ce document soit également remis aux Juges de

 15   la Chambre.

 16   Il s'agit d'un document de quatre pages, Monsieur Monkhouse, je ne pense

 17   pas que ce soit le bon document, c'est l'autre document, je pense que nous

 18   pouvons l'avoir si nous passons par le mode Sanction.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un document qui a été saisi après la

 21   chute de la Krajina, comme vous pouvez le voir au verso des pages, c'est

 22   écrit en cyrillique certes, mais vous voyez qu'il s'agit d'un document de

 23   la RSK qui porte la date du 1er janvier 1995.

 24   R.  Je m'excuse, mais le document que moi j'ai n'a pas de titre cyrillique.

 25   Q.  Non, mais je vous ai donné la version anglaise parce que je vais vous

 26   poser des questions à propos de la version anglaise.

 27   R.  Oui. Mais vous m'avez donné deux pages seulement.

 28   Q.  Oui, mais c'est bien. Il s'agit d'un document de l'ARSK qui indique

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  1   quels sont les hommes disponibles pour le service militaire d'après leur

  2   âge et leur qualification, veuillez remarquer la date du document 1er

  3   janvier 1995. Vous avez le total. Effectif total disponible pour le service

  4   militaire, vous avez différentes catégories d'âge, vous voyez que dans la

  5   première colonne vous avez donc 111 031. Vous voyez ce chiffre ?

  6   R.  Oui, je le vois.

  7   Q.  Pour ce qui est du nombre de personnes qui étaient disponibles pour le

  8   service militaire et qui étaient à la disposition de l'ARSK ou avaient

  9   intégré l'ARSK, est-ce que vous conviendrez que la République de la Croatie

 10   avait quand même raison de se poser quelques problèmes en matière de

 11   sécurité s'ils faisaient revenir un certain nombre de personnes contre

 12   lesquelles ils s'étaient battus juste deux mois auparavant. Donc

 13   conviendriez-vous quand même que la République de Croatie avait le droit de

 14   se poser quelques questions en matière de sécurité ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Mais à ce moment-là à l'époque, je sais que ce document date du mois de

 17   janvier, mais après la guerre en Krajina, la guerre continuait à faire

 18   rage, elle a continué à faire rage jusqu'au mois d'octobre, et d'ailleurs

 19   après également, donc pendant ces mois, les forces de la HV continuaient à

 20   se battre avec les forces conjointes des Serbes de Bosnie et des Serbes de

 21   la Krajina, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui. Je suppose pour certains d'entre eux.

 23   Q.  Etant donné qu'ils continuent toujours à se battre contre ces

 24   personnes, est-ce que vous continuez à maintenir que la République de la

 25   Croatie n'aurait pas dû avoir ces préoccupations en matière en sécurité, si

 26   elle se contentait de faire revenir ces personnes sans savoir qui elles

 27   étaient et ce qu'elles avaient fait ?

 28   R.  La plupart des personnes qui ont quitté la Krajina étaient des

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  1   personnes âgées, ou alors des femmes, ou alors des enfants, il ne

  2   s'agissait pas de combattants, et la République de la Croatie a empêché à

  3   ces personnes-là de revenir chez elles, et il y avait également des hommes

  4   en âge de porter les armes. Parce que je ne pense pas qu'il y avait

  5   beaucoup de personnes qui avaient l'intention de participer aux combats et

  6   qui exprimaient le souhait de revenir.

  7   Q.  Mais alors, Monsieur l'Ambassadeur, qu'en est-il de ce chiffre de 111

  8   000 personnes disponibles pour le service militaire ?

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je dois dire que j'ai quelques problèmes moi-

 11   même à comprendre ce document. J'ai quelques problèmes à identifier ou à

 12   comprendre ce qu'il est censé nous faire comprendre. Je vois qu'il s'agit

 13   d'un document de l'ARSK.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que Me Kehoe avait dit qu'il

 15   s'agissait d'un document non pas de l'ARSK, mais de la RSK.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Oui, la RSK.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ce qui me préoccupe un tant soit

 19   peu, c'est lorsque l'on parle de ces forces mixtes, forces de la RSK,

 20   anciennes forces, puis des anciennes forces de l'ARSK.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse. Je m'excuse si vous pensez que --

 22   je vais essayer plutôt de présenter mes arguments de façon un peu plus

 23   subtile, mais il n'empêche qu'au 1er janvier 1995, ce document indique qu'il

 24   y avait 111 000 personnes qui étaient disponibles pour le service

 25   militaire. Le fait est qu'il y avait un grand nombre de personnes, si,

 26   comme il est dit, il y a un grand nombre personnes qui étaient parties de

 27   la Krajina, j'aimerais savoir d'où venaient ces personnes, ces 111 000

 28   personnes qui étaient aptes pour le service militaire.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

  2   M. TIEGER : [interprétation] C'est peut-être moi qui a un problème, mais

  3   tel que la question est formulée, tel que je la comprends en tout cas moi,

  4   on a l'impression que les 111 000 personnes qui sont parties étaient des

  5   personnes qui pouvaient faire leur service militaire. Dans ce document je

  6   ne trouve véritablement pas la base de cette idée, en plus d'après ce que

  7   je comprends, c'est un document de la RSK.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons essayer d'élucider tout

  9   cela.

 10   Il semblerait que le 1er janvier 1995, la RSK avait considéré qu'il y avait

 11   111 000 personnes qui étaient disponibles et aptes au service militaire.

 12   Parmi ces personnes, il y en avait 26 000 qui avaient plus de 45 ans; il y

 13   en avait 8 000 qui avaient jusqu'à 22 ans. Vous avez toute la pyramide des

 14   âges dans le document.

 15   Alors, vous avez posé une question, Maître Kehoe, vous avez demandé où ces

 16   personnes s'étaient rendues. Mais dans un premier temps, Maître Kehoe, est-

 17   ce qu'il ne faudrait peut-être pas déterminer, si l'on sait où se sont

 18   rendues ces 111 000 personnes, mais il faudrait également savoir d'où elles

 19   venaient. Il se peut que ces personnes aient été dans des casernes; il se

 20   peut qu'elles s'adonnent à des tâches agricoles; qu'elles fassent partie du

 21   secteur industriel -- c'est une question très générale que vous avez posée,

 22   et de plus c'est une question qui est vraiment hypothétique. Avant de poser

 23   cette question à M. Galbraith, je pense qu'il faudrait peut-être se pencher

 24   un peu sur ce que nous savons à propos de ces personnes. Par exemple, parmi

 25   ce chiffre de 111 000 personnes, combien de personnes étaient déjà engagées

 26   dans des activités militaires, peut-être toutes ces personnes ou peut-être

 27   une partie seulement; d'où venaient ces personnes en plus. Nous avons

 28   entendu des éléments de preuve indiquant qu'il y avait eu un appel général

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  1   à la mobilisation. Nous savons également qu'il y a de nombreuses personnes

  2   qui étaient encore dans leurs exploitations agricoles.

  3   Par conséquent, se demander où ces personnes auraient dû aller ou où

  4   elles souhaitaient se rendre est une question qui est particulièrement une

  5   façon de se livrer à des conjectures. Je pense que M. Galbraith peut nous

  6   dire ce qu'il savait à ce sujet et il pourra également nous dire s'il a

  7   jamais réfléchi à la question, plutôt que de lui poser la question comme

  8   vous l'avez fait.

  9   Je ne sais pas si cela est une surprise pour M. Galbraith, je ne sais

 10   pas s'il a déjà réfléchi à la question.

 11   Nous allons lui demander.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je dirais en premier lieu, c'est que

 13   cela nous fournit des données intéressantes par rapport à la question que

 14   vous avez posée à la fin de l'audience hier à propos de la population,

 15   parce que si vous étudiez ce document, premièrement il faut -- ou plutôt,

 16   voyez le total qui se trouve dans le coin gauche, 111 000. Il faut ôter de

 17   ce chiffre le chiffre de 41 000 pour Vukovar, ça c'est la Slavonie

 18   orientale, et évidemment les gens ne sont pas partis.

 19   Donc il s'agit d'un chiffre de 70 000 hommes dont l'âge est compris

 20   entre -- ce que l'on peut décrire de façon très large comme des hommes en

 21   âge de porter les armes. Je ne sais pas, je vois qu'il y a une catégorie

 22   jusqu'à 22 ans, qu'est-ce que cela comprend ? Des jeunes gens ? Mais je

 23   suppose que l'on ne prend pas en considération les enfants. Si vous avez 70

 24   000 hommes en âge de porter les armes en Krajina, alors il faut savoir que

 25   la population qui aurait quitté la Krajina nous donne un chiffre qui n'est

 26   pas un chiffre de 100 000 mais de 200 000. Nous pensons que le chiffre se

 27   situait très certainement aux environs de 180 000.

 28   Deuxièmement, je ne sais absolument pas quelle est la méthode qui a

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  1   été utilisée pour compter les personnes, mais je dois vous dire que j'ai

  2   vraiment du mal à croire qu'ils avaient 70 000 hommes qui pouvaient porter

  3   les armes, parce qu'avoir 70 000 hommes sous les drapeaux, sur une

  4   population de 100 000, c'est ce qui était avancé par Tudjman, est

  5   complètement absurde. Sur une population de 200 000, c'est impossible et

  6   cela ne correspond absolument pas à ce que nous avons constaté sur le

  7   terrain.

  8   Donc je pense que le nombre de soldats doit être compris comme les

  9   "conscrits et les soldats." Puis vous avez "les soldats de réserve" et vous

 10   avez également "les sous-officiers de réserve", ce qui certainement inclut

 11   les personnes qui ont fait leur service militaire, ce qui correspond au

 12   système yougoslave. Mais cela ne signifie pas pour autant que ces personnes

 13   sont capables d'être mobilisées. Ceci étant, je n'en sais rien.

 14   Mais il y a une chose qui est absolument sûre, c'est qu'il y a

 15   beaucoup d'hommes qui faisaient partie des réservistes, c'était la plus

 16   grande catégorie, 91 000 sur ces 111 000. Je dirais que parmi ces soldats,

 17   ces réservistes, 90 % de ces personnes étaient des soldats, des hommes qui

 18   se livraient à des tâches parfaitement civiles et qui ne représentaient

 19   aucune menace militaire pour personne. Je peux également vous dire d'après

 20   mes observations que dans la région de la Krajina la vie est assez dure, et

 21   je dirais que passé un certain âge, ces types ne sont plus véritablement

 22   très en forme.

 23   M. KEHOE : [interprétation]

 24   Q.  Je vous remercie.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Je souhaiterais verser au dossier la pièce

 26   1D33-0486.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais vous

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  1   dire dans un premier temps qu'en principe je n'ai pas d'objection à

  2   soulever. Mais je souhaiterais quand même demander qu'une condition soit

  3   respectée parce que je souhaiterais pouvoir consulter mes confrères, parce

  4   que je vois qu'il s'agit d'un document qui a été capturé, donc je voudrais

  5   avoir la possibilité de consulter mes confrères et mes consœurs.

  6   Mais en principe je n'ai pas d'objection pour ce qui est de ce

  7   document.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous aurez la possibilité de

  9   revenir à la charge. Je suppose que 24 heures vous suffisent ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] Oui, tout à fait.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D414, enregistrée

 13   aux fins d'identification.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous n'avons pas vu le document

 15   original, mais je suppose que le document original va être inséré dans le

 16   système électronique bientôt --

 17   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec la disposition suivante : si le

 19   document original nous montre une réalité différente ou suscite des

 20   questions de la part des parties ou de la part des Juges, il faudra le

 21   prendre en considération. Mais en l'état des choses, ce document, pour

 22   lequel nous avons besoin d'une cote -- non, puisque la cote D414 vient de

 23   lui être attribuée, donc ce document est versé au dossier.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais également verser au dossier la

 25   vidéo des Bérets rouges, document numéro 1D33-0188.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, qu'en est-il de la

 27   vidéo ?

 28   M. TIEGER : [interprétation] J'ai une objection à ce sujet, Monsieur le

Page 5103

  1   Président, mais je n'ai pas eu le temps de véritablement bien étudier la

  2   question, en fait je ne suis pas tout à fait sûr que ce document porte

  3   précisément sur le sujet que nous traitons en l'espèce. Donc je vous

  4   demanderais une fois de plus une période de grâce de 24 heures pour me

  5   permettre de vérifier cela.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous avons vu la vidéo, Maître

  7   Kehoe, j'ai tout à fait compris ce que nous avons visionné. On voit qui est

  8   qui, il y une personne qui est tout à fait visible. C'est ce que j'ai vu en

  9   tout cas. Il s'agissait des soldats de l'ARSK qui revenaient, je suppose,

 10   en Bosnie-Herzégovine et qui étaient traités de telle façon qu'ils ne

 11   pouvaient pas décider en toute liberté de ce qu'ils souhaitaient faire. Il

 12   y a également le document, que vous avez montré un peu plus tôt, qui

 13   montrait qu'ils étaient plus ou moins forcés de se rallier aux forces

 14   armées pour pouvoir créer cette force armée conjointe.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Oui. Après l'opération Tempête, les Serbes de

 16   la Krajina qui se trouvaient à Belgrade ont été en quelque sorte

 17   rassemblés, puis ensuite envoyés à Erdut en Slovénie pour combattre la HV.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

 19   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, non, je voulais parler de la

 20   Slavonie orientale.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- vous avez parlé de la télévision de

 22   Belgrade, et d'ailleurs cela s'est passé hier une ou deux fois, parce que

 23   la Chambre ne sait pas exactement ce qu'elle regarde. D'après ce que vous

 24   avez compris, c'est ce que l'extrait vidéo nous a montré.

 25   Monsieur Tieger, je vous accorde un délai de 24 heures.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pour que la

 28   Chambre soit à même de revenir ou d'étudier la décision qu'elle vient de

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  1   prendre.

  2   Est-ce que je pourrais avoir une cote ?

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Ce sera la pièce D415, enregistrée

  4   aux fins d'identification.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La pièce D415 est versée au

  6   dossier.

  7   M. KEHOE : [interprétation] Il y a un autre document qui porte sur la

  8   formation de l'ARSK, document de M. Martic qui porte la date du 4 septembre

  9   1995. Il s'agit du document 1D33-0190.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Tieger.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D416.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La pièce D416 est versée au

 15   dossier.

 16   Maître Kehoe, la Chambre a accès à ces documents lorsqu'ils ont été

 17   enregistrés aux fins d'identification. Ceci étant, nous n'avons pas d'accès

 18   aux documents qui se trouvent dans le système électronique mais qui n'ont

 19   pas encore été versés au dossier. Par conséquent, pour pouvoir nous y

 20   retrouver dans tous ces documents, parce que très souvent vous utilisez des

 21   documents dans un contexte bien précis, la Chambre vous serait extrêmement

 22   reconnaissante de faire votre possible pour qu'une cote puisse être

 23   attribuée à ces documents, ce qui leur conférera un statut, et en tout cas

 24   ce qui nous permettra d'y avoir accès.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, pour revenir à certains des problèmes auxquels

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  1   ont dû faire face les réfugiés lorsqu'ils sont revenus, est-ce que vous

  2   saviez que la RSK avait pris leurs dossiers lorsqu'ils avaient quitté la

  3   Krajina, lorsque je parle de dossiers, je parle de leurs dossiers

  4   administratifs, de leurs données personnelles, de leurs casiers

  5   judiciaires, de leurs dossiers financiers, de leurs dossiers de

  6   communication; vous saviez cela ?

  7   R.  Non, je ne le savais pas.

  8   Q.  Mais vous saviez que pendant cette période, en tout cas avant la

  9   normalisation des relations, il n'y avait pas de relations diplomatiques et

 10   de toute façon il n'y avait pas d'autorités consulaires -- la République de

 11   Croatie n'était pas à Belgrade représentée par des autorités consulaires;

 12   est-ce que vous le saviez ?

 13   R.  Il y avait un bureau de liaison à Belgrade et à Zagreb pour établir le

 14   lien entre les deux pays -- je ne sais plus quand il a été créé ce bureau

 15   de liaison, bien entendu, les gens avaient toujours la possibilité

 16   d'essayer d'obtenir des documents dans d'autres pays lorsque cela leur

 17   était autorisé.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Comme nous n'avons pas beaucoup de temps à

 19   notre disposition, je souhaiterais présenter directement sans passer par

 20   l'entremise du témoin le rapport du comité d'Helsinki mais comme, je le

 21   répète, je n'ai plus beaucoup de temps à ma disposition, nous allons

 22   présenter cela directement.

 23   Q.  J'aimerais maintenant vous montrer quelques photos, si j'arrive à

 24   retrouver les cotes. Pour la première photo, il s'agit de la pièce 1D33-

 25   0436.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Je souhaiterais que cela soit affiché dans un

 27   premier temps.

 28   Et la photo suivante, 1D -- je m'excuse.

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  1   Q.  Avant j'aimerais vous demander si vous voyez le général Gotovina

  2   au centre de cette photographie avec un officier de l'armée américaine,

  3   est-ce que vous voyez cela, Monsieur ?

  4   R.  Je m'excuse, la qualité de la photographie n'est pas suffisamment

  5   bonne pour me permettre d'identifier les personnes, mais si vous me dites

  6   qu'il s'agit du général Gotovina, je vous crois sur parole.

  7   Q.  Vous saviez que le général Gotovina a participé au programme

  8   éducatif militaire international à Washington en septembre 1996 ?

  9   R.  Je suppose que je l'ai su à l'époque, s'il a participé à cette

 10   formation, certes, j'ai dû le savoir.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la photo

 12   suivante, je vous prie. Il s'agit de la photo 1D33-0437.

 13   Est-ce que vous pourriez agrandir cette photo, je vous prie.

 14   Q.  Vous connaissez cet endroit je suppose, vous voyez que le général

 15   Gotovina est à l'arrière, au centre de la photo.

 16   Monsieur l'Ambassadeur, lors de votre mandat en tant qu'ambassadeur en

 17   Croatie, vous saviez que le général Gotovina s'est rendu aux Etats-Unis à

 18   trois reprises, en septembre 1996, en avril 1997 et en janvier 1998. Vous

 19   saviez cela, Monsieur, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je dirais une fois de plus que de nombreuses années se sont écoulées

 21   depuis, donc je ne me souviens pas véritablement de tous ces détails, mais

 22   ce que je peux vous dire, c'est que si le général Gotovina est allé aux

 23   Etats-Unis, et manifestement il y est allé, j'étais au courant, et s'il a

 24   participé à un programme américain, j'ai dû l'approuver.

 25   Pour ce qui est du mois de janvier 1998, si cela s'est passé après le

 26   3 janvier, puisque c'est le jour de mon départ, c'est l'Ambassadeur

 27   Montgomery qui m'a remplacé.

 28   Q.  Quoi qu'il en soit, le gouvernement des Etats-Unis garde une liste des

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  1   personnes qui ont le droit de venir aux Etats-Unis, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Alors --

  4   Lorsqu'une personne telle que le général Gotovina demande à venir aux

  5   Etats-Unis, cette personne doit demander un visa, il est originaire de

  6   Croatie, les Etats-Unis ont une liste de personnes à qui ils octroient les

  7   visas et à qui ils ne les octroient pas ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment cela se passe pour

 10   l'obtention d'un visa alors ?

 11   R.  La personne demande un visa et cette personne remplit un formulaire,

 12   ledit formulaire est pris en considération conformément à la législation en

 13   matière d'immigration et il y a un certain nombre de facteurs qui

 14   envisagent l'exclusion. En général, si nous pensons que la personne a

 15   l'intention de rester en tant qu'immigrant. Mais il y a d'autres facteurs

 16   pour l'exclusion également.

 17   Q.  Bien. Je reviens sur votre témoignage dans l'affaire Prlic, il y avait

 18   Mate Boban -- est-ce que vous vous souvenez de cette situation ?

 19   R.  Oui, je m'en souviens.

 20   Q.  M. Boban n'a pas obtenu de visa pour les Etats-Unis parce que dans le

 21   système des Etats-Unis pour ce qui est des visas il était considéré dans la

 22   liste des criminels de guerre, n'est-ce pas ?

 23   R.  Nous n'avons pas une liste de personnes qui ont le droit de venir, mais

 24   nous avons une liste de personnes que nous pouvons exclure, et le consul

 25   général avait mis le nom de Mate Boban parmi la liste des personnes qui

 26   étaient soupçonnées de crimes de guerre, et c'est de ce fait qu'il n'a pas

 27   pu obtenir son visa.

 28   Q.  Je voulais d'ailleurs à ce sujet vous dire pour ce qui est de l'affaire

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  1   Prlic qu'il s'agit de la page 6 525, lignes 15 à 20 -- ou plutôt lignes 15

  2   à 25.

  3   Mais je dirais que ce genre de limites n'ont pas été utilisées pour le

  4   général Gotovina et il n'y a pas eu refus de laisser entrer le général

  5   Gotovina aux Etats-Unis ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Donc pour les années 1996 et 1997, et je comprends maintenant qu'après

  8   1998 vous n'étiez plus en Croatie, mais à votre connaissance les Etats-Unis

  9   n'ont jamais fait apparaître le nom du général Gotovina dans leur système,

 10   dans leur liste, comme étant un criminel de guerre, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, cette déclaration est exacte.

 12   Q.  J'aimerais aborder une ou deux autres choses.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Je vous en prie, accordez-moi une petite

 14   seconde.

 15   [Le conseil de la Défense se concerte]

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, procédez, Maître.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, avant de passer à un

 19   autre sujet, et sachant que mon temps est limité, conformément aux

 20   instructions que la Chambre m'a données, je voudrais demander que ces deux

 21   photos 1D33-0437 [comme interprété] soient versées au dossier.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la

 25   pièce à conviction 1D33-0437 qui devient la pièce à conviction D417 [comme

 26   interprété] et versée au dossier.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, les pièces à conviction

 28   D417 et D418 sont admises et versées au dossier.

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  1   M. KAY : [interprétation] Je peux intervenir parce que M. Kehoe se

  2   préoccupe du temps qui est à sa disposition. Je n'ai pas de questions à

  3   poser à ce témoin. Par conséquent, cela lui confère quelque peu de temps.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à revoir, s'il vous plaît, encore

  5   peut-être nous pouvons essayer de compenser, enfin en quelque sorte voir le

  6   temps entre ces deux conseils de Défense. La Chambre ne veut pas limiter de

  7   temps pour ne pas permettre suffisamment de temps pour le contre-

  8   interrogatoire, la Chambre de première instance veille sur la façon dont le

  9   temps a été exploité.

 10   M. KEHOE : [interprétation]

 11   Q.  Dans le paragraphe 52 de votre déclaration, vous parlez de pillage dans

 12   la localité de Ripac. Vous dites : "Je me suis rendu à Ripac un peu plus

 13   tard, peut-être deux ou trois semaines par la suite."

 14   Est-ce que vous suivez le texte ?

 15   R.  Oui, je vous suis. Je ne voulais pas m'immiscer enfin en quelque sorte

 16   pour dire qu'il y a eu des pillages à Ripac. Ce dont je voulais parler

 17   c'était la description de cette randonnée, de ce voyage depuis Ripac vers

 18   Donji Lapac, or les pillages ont été perpétrés sur ce parcours de Ripac à

 19   Donji Lapac et Donji Lapac même. Pour autant que je m'en souvienne, Ripac

 20   se trouve dans la zone de Bihac, en Bosnie, qui longe la frontière pour

 21   ainsi dire. Par conséquent, se trouvant sous le contrôle des autorités de

 22   Bosnie-Herzégovine. Et il n'y a pas eu de pillage là-bas.

 23   Q.  Lorsque vous parlez de Donji Lapac, vous ne savez pas s'il s'agissait

 24   d'une zone qui se trouvait sous le contrôle des forces du général Gotovina

 25   ?

 26   R.  Non, je ne le savais pas et je ne le sais pas.

 27   Q.  Un dernier sujet, je voudrais m'entretenir avec vous sur l'intérêt de

 28   la Slavonie orientale, vous avez parlé des tentatives qui étaient les

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  1   vôtres pour que la Slavonie orientale soit réintégrée par la Croatie; vous

  2   vous en souvenez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Je crois que vous avez dit aussi que la Slavonie orientale représentait

  5   des localités où les gens restaient pour y résider, y vivre ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  S'agissait-il là de parler de l'une des parties des dispositions ou des

  8   arrangements des accords d'Erdut ?

  9   R.  Oui, j'y ai été employé en négociation.

 10   Q.  Oui, vous avez assisté à ces négociations.

 11   R.  Oui, moi j'étais le négociateur. C'est Jacques Klein de l'ONU, le

 12   général qui s'est occupé de la mise en œuvre.

 13   Q.  Quand c'est que cet accord a été mis en œuvre ?

 14   R.  Le 12 novembre 1995.

 15   Q.  Je voudrais vous présenter un document, à savoir la pièce à conviction

 16   1D33-0440.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, voir afficher

 18   ce document.

 19   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un rapport d'une mission de l'OSCE

 20   en République de Croatie concernant les avancements faits par la Croatie en

 21   matière de ses obligations à l'échelle internationale en mai 1998, il

 22   s'agit d'ailleurs du mois de septembre.

 23   R.  Le 8 septembre de quelle année ?

 24   R.  De 1998.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Pourrions-nous voir la page de garde, s'il vous

 26   plaît. Puis nous passons à la page 6 du document, concrètement c'est le

 27   point 23 qui nous intéresse.

 28   Q.  Dans le paragraphe 23, Monsieur l'Ambassadeur, il est dit que :

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  1   "L'UNHCR estime que depuis août 1996 à juillet 1998, environ 16 000 d'un

  2   total de 67 000 Serbes, si je ne m'abuse pas, il s'agit de 24 % du total de

  3   résidents de la région avant la guerre avaient quitté le pays, pour la

  4   plupart en direction de la République fédérale de Yougoslavie. Les données

  5   disponibles n'indiquent guère de changement des tendances négatives pour ce

  6   qui est de ce progrès sur la base du rapport au mois de mai."

  7   Qui parle évidemment de la zone danubienne, il s'agit de la Slavonie

  8   orientale, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Ce document reflète le fait qu'il y a eu cet accord où vous avez servi

 11   d'assistant et que c'est là qui s'est opéré un véritable exode d'environ 24

 12   % du total de la population serbe, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, ceci pourrait être comparé avec ce qui s'est passé en Krajina, et

 14   là de l'ordre de 100 % d'ailleurs pour parler de cet exode.

 15   Q.  En dépit du fait que la guerre a pris fin et en dépit de vos efforts,

 16   ceci a dû faire partie de la résolution, par conséquent, 16 000 personnes,

 17   des Serbes notamment, ont quitté le pays ?

 18   R.  La position qui était la nôtre c'est que les gens devaient être libres

 19   de choisir. S'ils voulaient rester en Croatie, c'était leur droit. S'ils

 20   voulaient se rendre ailleurs, si d'autres pays étaient prêts à les

 21   recevoir, ceci aussi relevait de leur droit. Par conséquent, les gens qui

 22   ont fui la Krajina, devaient bénéficier d'endroit de retour à leur foyer, à

 23   leur propriété. L'ont-ils fait ou pas, y sont-ils parvenus ou pas, ce

 24   n'était pas évidemment notre préoccupation. Notre préoccupation consistait

 25   à voir les réfugiés bénéficier de tous les droits qu'ils leur sont

 26   garantis. Voilà notre principe.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Nous voulons offrir ce document pour être versé

 28   au dossier.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction D419.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce à conviction D419 est versée au

  6   dossier.

  7   M. KEHOE : [interprétation]

  8   Q.  Une dernière question à ce sujet, Monsieur l'Ambassadeur.

  9   Depuis août 1996 à juillet 1998, il s'agissait toujours d'une région

 10   administrée par l'ONU, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non. L'administration de l'ONU courait de janvier 1996 jusqu'au 15

 12   janvier 1998.

 13   Q.  Par conséquent, depuis le début de tous ces événements jusqu'à environ

 14   six mois avant ce rapport, il s'agissait de cette administration ?

 15   R.  Oui, pendant 18 mois notamment.

 16   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, merci beaucoup de votre temps.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 18   Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez bien respecté le temps qui

 20   vous a été d'ailleurs administré et ordonné ici à une heure sept minutes.

 21   Si nous comprenons le conseil de la Défense de M. Cermak n'a pas de

 22   questions pour ce témoin. Nous voyons maintenant le conseil de la Défense

 23   de M. Markac.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Je crois que le conseil de la Défense de M.

 25   Markac voulait solliciter une brève pause pour qu'une coordination puisse

 26   être effectuée.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet, j'en ai été saisi. Peut-

 28   être que nous pourrions marquer une pause avant que prévu, par conséquent,

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  1   nous marquer cette pause au lieu de le faire à 10 heures 30.

  2   Faisons-la maintenant, nous allons reprendre notre travail en audience à 11

  3   heures moins 25.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 09.

  5   --- L'audience est reprise à 10 heures 38.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Galbraith, vous allez

  7   maintenant être contre-interrogé par M. Kuzmanovic, conseil de la Défense

  8   de M. Markac.

  9   A vous, Maître.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Contre-interrogatoire par M. Kuzmanovic : 

 12   Q.  [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur Galbraith, je voudrais

 13   reprendre les propos qui étaient les vôtres vers la fin de la déposition de

 14   tout à l'heure en répondant aux questions posées par  M. Kehoe. Il s'agit

 15   de retour de Serbes de Krajina, autrement dit, peu importe si ces gens-là

 16   résidaient dans la Krajina ou pas, il s'agissait de retour de Serbes en

 17   Croatie. Vous avez dit, vous, que les autorités croates empêchaient les

 18   Serbes de retourner à Krajina après l'opération Tempête; est-ce exact ?

 19   R.  Je crois que la façon la plus exacte de le dire serait que les

 20   autorités croates ont tenté de rendre impossible le retour de Serbes.

 21   Q.  Mais la question est de savoir s'ils sont de retour ou pas ?

 22   R.  Oui, dans cette période-là, très peu de gens sont de retour, et cela

 23   grâce à la pression exercée par les Américains et les Européens. C'est-à-

 24   dire il y a eu des obstacles d'ordre juridique qui étaient devenus moins

 25   importants. Après la mort de M. Tudjman, lorsqu'il y a eu un nouveau

 26   président de la République, un nouveau parlement, la position de la Croatie

 27   a changé, je dirais dramatiquement et les Croates encouragent les retours.

 28   Q.  Lorsque vous dites que des gens étaient de retour, c'est de quelle

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  1   période qu'il s'agit, étant donné que c'est en août 1995 qu'il y a eu

  2   l'opération Tempête alors que votre mandat expirait en 1998 ?

  3   R.  Oui, cela est exact. En cette période-là, pendant ce laps de temps, il

  4   y a eu relativement peu de gens de retour. Il y en avait davantage qui sont

  5   retournés en 1997 qu'en 1996. Encore une fois, dois-je dire, ceci était dû

  6   à la pression exercée par nous.

  7   Q.  Voulez-vous, s'il vous plaît, vous pencher sur la pièce à conviction

  8   3D00-1310 -- excusez-moi, il s'agit de 3D00-1306.

  9   Lorsque nous verrons le document affiché, je voulais vous dire,

 10   Monsieur Galbraith, qu'il s'agit d'un rapport datant de l'an 2000, rapport

 11   du gouvernement de Croatie, dans lequel il est discuté du retour de

 12   personnes expulsées, déplacées ou réfugiées, il s'agit de leur retour en

 13   Croatie, il s'agit de personnes qui ont quitté la Croatie. Essayons de nous

 14   pencher sur le texte, je voulais vous dire qu'il s'agit d'un extrait, le

 15   document s'étendant sur 64 pages, il s'agit d'un document de l'an 2000, à

 16   droite sur l'écran, penchez-vous sur l'écran, je veux obtenir un

 17   agrandissement.

 18   Page 49, nous l'avons traduite, il s'agit d'un retour en République

 19   de Croatie, au début il est dit : "Un retour en masse de personnes

 20   déplacées de Croatie a été entamé fin été 1995," il s'agissait de quelque

 21   chose à quoi on s'attendait, Monsieur l'Ambassadeur, n'est-ce pas ? Il

 22   s'agit du retour des Croates des régions desquelles ils ont été nettoyés

 23   ethniquement au cours de cette période, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, c'est ce à quoi on s'attendait et c'était quelque chose de fort

 25   souhaitable.

 26   Q.  Je marque une pause, non pas parce qu'il y a eu un effet dramatique de

 27   ce que vous venez de dire, mais pour le bien de nos interprètes.

 28   Penchez-vous sur le second paragraphe, ce qui est dit dans le point 3 de ce

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  1   rapport, qui traite de l'automne 1995 au 5 janvier de l'an 2000 : "Un total

  2   de 41 141 Serbes sont de retour de la Yougoslavie, de la Bosnie-Herzégovine

  3   et de la République de Krajina dans leurs foyers en Croatie, à savoir 23

  4   147 personnes, un peu plus que la moitié du total, sont de retour

  5   conformément au paragraphe de retour, après le 26 juin 1998.

  6   Le président Tudjman occupait ses fonctions jusqu'à quand ?

  7   R.  Je crois qu'il est décédé le 14 décembre 1999.

  8   Q.  Fort bien. Si nous lisons ce document comme il nous en parle, lorsqu'on

  9   pense à l'an 2000, après la mort du président Tudjman, on traite de 41 141

 10   Serbes de retour, il s'agit d'un total du nombre de personnes qui sont de

 11   retour en Croatie, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Certainement, je ne voudrais pas accorder une trop grande

 13   signification à cela pour considérer cela comme quelque chose qui indique

 14   l'attitude de la Croatie, mais n'empêche --

 15   Q.  N'empêche que 41 000 personnes sont de retour et vous dites qu'il

 16   s'agit d'un chiffre relativement pas important ?

 17   R.  Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que pendant

 18   la période où j'étais là-bas, soyons précis. Lorsque les Serbes ont quitté

 19   la Croatie, la Croatie a pris toutes les dispositions nécessaires du point

 20   de vue juridique pour empêcher leur retour. Par exemple, on parlait d'un

 21   laps de temps de 30 jours, si les gens ne retournaient dans ce laps-là,

 22   leurs propriétés étaient confisquées. Sous la pression exercée par les

 23   Etats-Unis d'Amérique et l'Europe, de telles limites et de tels

 24   empêchements ont été abolis.

 25   Q.  Monsieur Galbraith, je comprends cela, mais on parle ici de 41 141 --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, dire que 10 %

 27   serait relativement peu, ou 40 % relativement peu, ou 70 % relativement

 28   peu, tout dépend de ce à quoi vous vous attendez. Nous sommes en train de

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  1   parler de chiffres, et la Chambre de première instance décidera à la fin

  2   s'il s'agit de chiffres importants, si c'est peu ou beaucoup. Si vous

  3   insistez à ce que M. Galbraith réponde à vos questions dans le sens où vous

  4   considérez quelque chose comme étant relativement petit ou peu, alors là on

  5   peut pleinement comprendre que M. Galbraith essaie d'expliquer ce qu'il

  6   veut dire. Il ne s'agit pas de se mettre d'accord avec ou de contredire ce

  7   qui pourrait être un jugement pour dire ce qui était relativement peu ou

  8   beaucoup.

  9   Procédez.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Galbraith, je ne veux pas discuter avec vous. Vous avez dit

 12   que 180 000 ont quitté les secteurs nord et sud après l'opération Tempête ?

 13   R.  Oui, telles étaient nos estimations.

 14   Q.  Sur quoi se fondaient ces estimations à vous ?

 15   R.  Les estimations se trouvaient basées sur le chiffre, tel le nombre des

 16   habitants, basé sur des estimations de l'UNHCR -- maintenant je ne me

 17   rappelle pas tous les détails s'y rapportant, mais je crois qu'il y a pas

 18   mal de données fiables là-dessus. Je me dois de dire que je suis quelque

 19   peu surpris, car conformément à ce document qui a été soumis par M. Kehoe

 20   et qui fait entendre qu'il s'agissait de 70 000 hommes aptes à porter les

 21   armes, il s'agissait d'une description assez généreuse lorsque ces gens-la

 22   étaient considérés comme appartenant à des tranches d'âges de gens aptes à

 23   porter les armes.

 24   Q.  Mais vous vous attendiez à ce qu'environ 20 % de ces résidents

 25   retournent en Croatie après l'opération Tempête, n'est-ce pas ?

 26   M. TIEGER : [interprétation] Je crois que --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous en avons déjà traité.

 28   Essayons de nous occuper des chiffres.

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  1   Du rapport, je peux voir qu'à l'an 2000, 41 000 personnes sont de retour,

  2   dont 23 147 sont de retour conformément au programme favorisant le retour

  3   après le milieu de l'année 1998. Cela veut dire que jusqu'au milieu de

  4   l'année 1998, à tout prendre, environ 18 000 personnes sont de retour,

  5   puisque nous parlons chiffres et estimations, M. Galbraith vient de faire

  6   entendre qu'il s'agissait de 10 % après le 26 juin 1998, il y a lieu de

  7   parler d'un retour plus important, c'est-à-dire d'un plus grand nombre de

  8   personnes, ce qui dépasse le chiffre total de ceux qui étaient de retour

  9   jusqu'alors. Voilà ce que nous disent les chiffres.

 10   Bien entendu, on peut procéder pour parler de pourcentages.

 11   Poursuivez.

 12   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Q.  Monsieur Galbraith, peu importe comment se présentent les pourcentages,

 14   mais ayant en vue les chiffres que nous pouvons lire dans ce document, tous

 15   ces gens-là étaient de retour avant que le président Tudjman ait quitté ses

 16   fonctions, n'est-ce pas ?

 17   R.  Si cela est exact, selon ce rapport.

 18   Q.  Oui.

 19   R.  Je peux le dire, et non pas par hasard, que cela ne veut pas dire en

 20   totalité que 41 141 personnes étaient les gens qui constituaient le total

 21   des personnes qui ont fui la Krajina.

 22   Q.  Mais il s'agit de Serbes qui sont de retour de Yougoslavie, de Bosnie-

 23   Herzégovine, il s'agit de Serbes de la République de Krajina qui sont de

 24   retour à leurs foyers, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, c'est ce qu'on peut y lire.

 26   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais offrir

 27   cette pièce à conviction pour être versée au dossier.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction D420.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D420 est versée au dossier.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, chemin faisant, disposez-vous d'informations ou

  6   de chiffres qui pourraient contredire ce que nous lisons dans ce document ?

  7   R.  Mon mandat en Croatie a expiré le 3 janvier 1998, par conséquent il

  8   s'agit d'une période où il y avait relativement moins de retours que ce

  9   dont témoignent les chiffres ici, ce sur quoi a attiré votre attention, le

 10   Président, le Juge Orie.

 11   Secundo, je ne proposais pas de suggérer qu'il n'y a pas eu de retours. Je

 12   voulais dire tout simplement que Tudjman ne voulait pas qu'il y ait de

 13   retours, mais je vous ai déjà dit que les Etats-Unis d'Amérique et des pays

 14   européens ont exercé une immense pression sur la Croatie pour qu'un retour

 15   soit permis, et si ces chiffres sont exacts, ces chiffres ne font que

 16   refléter le grand succès atteint par la diplomatie américaine et européenne

 17   et je me félicite de voir ces chiffres-là. Mais ceci aucunement ne

 18   contredit ni ne diminue ce que je viens de dire, à savoir que Tudjman,

 19   quant à lui, ne souhaitait pas le retour de ces gens-là, et il a essayé de

 20   mettre en place tous les empêchements d'ordre juridique possibles jusqu'à

 21   la destruction des propriétés des Serbes pour rendre impossible à ces

 22   derniers le retour dans leurs foyers.

 23   Q.  Nous avons entendu parler de cela, ma question n'était pas de cet

 24   ordre-là. Ma question était de savoir si vous disposiez d'informations ou

 25   de chiffres qui seraient contradictoires ou qui contesteraient ce que nous

 26   lisons dans les chiffres ?

 27   R.  Non.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, je voudrais vous

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  1   dire comme suit, lorsque vous soumettez des chiffres au témoin, vous voulez

  2   offrir votre interprétation de cela, par exemple, vous parlez de la période

  3   qui courre du 26 juin 1998 à l'an 2000, vous êtes en train de parler de

  4   cette période où le président Tudjman était encore en vie. Bien entendu,

  5   nous ne disposons pas de chiffres, mais vous voilà à inclure des

  6   suggestions, parlant chiffres, qui au moins me confondent moi-même.

  7   Essayons de clarifier cela.

  8   Monsieur Galbraith, j'ai une question à ce sujet, ce n'est pas une question

  9   à laquelle on répond par oui ou par non. Ce programme portant retour, nous

 10   n'en avons pas entendu parler jusqu'à maintenant, pas beaucoup. Dites-moi,

 11   avez-vous une connaissance quelconque au sujet de ce programme, comment a-

 12   t-il été développé et mis en place ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Très peu, parce qu'après cela j'ai quitté la

 14   Croatie.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Très peu vous dites. Mais si vous

 16   en savez quelque chose, répondez-nous.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, tout simplement pendant que j'y étais en

 18   poste, nous avons essayé de bousculer un peu la Croatie pour qu'elle prenne

 19   une attitude positive pour relancer le programme visant le retour des

 20   personnes déplacées. Pour ce qui est des mécanismes mêmes pour parler du

 21   succès de ce programme, je n'en sais pas grand-chose. Ceci a eu lieu après

 22   mon départ du pays.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne parle pas du contenu de ce

 24   programme, mais vous avez dit à deux ou trois reprises qu'une pression a

 25   été exercée sur la Croatie, et je voudrais savoir si ce programme, dont je

 26   ne connais pas grand-chose, a pu y contribuer.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais dire qu'à 100 % il est sûr et

 28   certain que les pressions exercées par les Etats-Unis d'Amérique et nos

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  1   partenaires européens consistaient en un facteur, je dirais, majeur en

  2   Croatie pour que ce programme puisse être relancé.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  4   Maître Kuzmanovic.

  5   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Sur quoi fondez-vous la déclaration qui est la vôtre, à savoir que la

  7   pression exercée par les Etats-Unis d'Amérique a pu avoir pour résultat,

  8   comme quoi c'était le principal facteur qui a agi sur la Croatie pour que

  9   celle-ci relance le programme ? Il s'agissait d'une décision parlementaire,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Les Etats-Unis d'Amérique ont fait une pression immense sur la Croatie

 12   depuis août 1995, à savoir il devait y avoir lieu de parler d'une politique

 13   mise en place rendant possible le retour de toutes les personnes qui ont

 14   droit à la citoyenneté croate, il s'agit concrètement là de parler de

 15   Serbes de Croatie.

 16   Nous l'avons fait sous forme de déclarations publiques des officiels

 17   des Etats-Unis d'Amérique, du ministère des Affaires étrangères, de moi-

 18   même -- je crois qu'il y a eu des déclarations du président Clinton dans ce

 19   contexte-là. Nous avons réduit l'assistance à la Croatie. Nous avons arrêté

 20   certains programmes d'aide dans cet ordre d'idée. Nous avons également

 21   menacé de mettre un embargo sur la licence, en faveur de la Croatie, de

 22   MPRI. Nous avons réduit nos contacts de très hauts niveaux avec Tudjman.

 23   Nous avons commencé par l'isoler. Le tout était quelque chose que la

 24   Croatie ne voulait pas avoir à subir.

 25   En réponse directe à cette initiative diplomatique pendant que

 26   j'étais en Croatie, il y a eu des changements. Au lieu de parler d'un délai

 27   de 30 jours, nous l'avons fait étendre à 90 jours. Et lorsque j'ai réagi

 28   moi-même au nom du gouvernement américain pour le faire savoir à la

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  1   Croatie, lorsque j'ai pu rencontrer l'ambassadeur Richardson à Brioni en

  2   1996, le président Tudjman a fait une déclaration pour dire que, pour

  3   emprunter une métaphore, nous lui avons tordu le bras pour permettre tout

  4   simplement le retour des Serbes.

  5   Tout simplement, la pression des Etats-Unis d'Amérique était si

  6   importante que lors des élections en l'an 2000, après la mort de Tudjman,

  7   les candidats aux élections faisaient une véritable compétition, ce qui

  8   était en lice c'était vraiment le retour des Serbes parce qu'il fallait

  9   voir la Croatie faire des progrès pour se faire intégrer par l'Union

 10   européenne et par l'OTAN.

 11   Par conséquent, il y a énormément de preuves qui nous permettent de

 12   voir qu'une pression américaine et européenne est à la base du changement

 13   de la politique de la Croatie par rapport à ce qui s'était passé en août

 14   1995 pour donner lieu à l'initiative de ce programme de retour lorsque M.

 15   Misic a été élu président en l'an 2000 et à la suite des élections

 16   législatives où l'opposition s'est vue gagnante en l'an 2000.

 17   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je voudrais qu'on nous présente maintenant

 18   le document 3D00-1212.

 19   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous n'êtes pas sans savoir ce que représente

 20   la Cour européenne des droits de l'homme ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Il s'agit d'une décision prise par la Cour européenne en octobre 2006,

 23   qui traite notamment de la loi sur la passation des pouvoirs, il s'agissait

 24   d'un délai de 30 jours étendu à 90 jours pour abolir ensuite certaines

 25   dispositions législatives.

 26   Pouvez-vous vous pencher, s'il vous plaît, sur la page 3 de cette décision,

 27   ce qui nous intéresse, c'est le point B. Ici on traite de la loi sur la

 28   confiscation et la gestion de telle ou telle propriété en des termes

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  1   temporaires.

  2   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous voir la page 3, point B,

  3   version anglaise, s'il vous plaît. En fait, page 3 de la décision, je ne

  4   sais pas si c'est la page 3 du document, mais c'est la page 3 de la

  5   décision de la Cour européenne qui m'intéresse.

  6   Voilà -- nous y voilà. Merci.

  7   J'aimerais que l'on agrandisse le paragraphe B en bas.

  8   Q.  Vous étiez très critique par rapport à cette loi sur la confiscation,

  9   "takeover act", et ici il est dit que les biens qui se trouvent sur les

 10   territoires précédemment occupés et qui appartiennent aux personnes qui ont

 11   quitté la Croatie devraient être dans la possession et sous le contrôle de

 12   l'Etat, de l'Etat croate, et conformément à cette loi les personnes

 13   déplacées venant d'autres régions pourraient utiliser ces biens abandonnés

 14   pour ainsi dire, tandis que les propriétaires de ces biens ne sont pas

 15   présents. Et si les propriétaires voulaient reprendre leurs biens, il

 16   faudrait présenter une demande pour reprendre ces biens auprès des

 17   autorités locales.

 18   Passons maintenant à la quatrième page, s'il vous plaît, conformément à

 19   cette loi : "Le ministère va compenser les dégâts subis par le propriétaire

 20   qui a soumis une demande pour reprendre ses biens avant le 30 octobre 2002,

 21   mais qui n'a pas pu reprendre ses biens avant cette date."

 22   Donc le grief en l'espèce était que cette loi sur la prise des biens, en

 23   fait : "Avait pour objectif d'empêcher les personnes d'origine serbe de

 24   rentrer dans leur foyer en Croatie."

 25   Passons maintenant à la sixième de cette décision, dans le deuxième

 26   paragraphe il est dit : "S'agissant du comportement des autorités

 27   administratives pour s'assurer que la reprise du foyer de la personne ayant

 28   déposé la requête, la cour doit d'abord s'assurer que l'Etat a un intérêt

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  1   légitime à loger les personnes déplacées dans les biens qui ont été

  2   abandonnés par les personnes qui avaient quitté la Croatie pendant la

  3   guerre. En outre, le système qui permet aux personnes de rester sur le

  4   territoire occupé précédemment, n'est pas en lui-même en contradiction avec

  5   les garanties contenues dans l'article 1 du Protocole numéro 1…"

  6   Puis, deux paragraphes plus loin.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que vous allez continuer à lire.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous vous êtes arrêté, Maître

  9   Kuzmanovic.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je poursuis : "A condition que les

 11   garanties sont présentées pour protéger les droits de propriété de la

 12   personne ayant déposée la demande. Dans ce sens, il est d'une importance

 13   cruciale de constater que la personne ayant déposé la demande, n'a jamais

 14   engagé des poursuites pour obtenir des compensations parce que sa maison a

 15   été occupée par d'autres personnes conformément à la décision prise par les

 16   autorités d'Etat."

 17   Q.  Maintenant, deux paragraphes plus loin, on parle des procédures menées

 18   en Croatie qui étaient trop longues, compte tenu des circonstances, alors

 19   que ce n'était pas nécessaire.

 20   Puis, à la page suivante, la cour, en dernier lieu, rejette la demande

 21   parce que la personne ayant déposé la requête n'a pas demandé qu'une

 22   ordonnance soit menée à bien, pour que la loi soit appliquée, n'a pas

 23   demandé la compensation et ne s'est pas adressée aux autorités judiciaires

 24   nationales.

 25   Donc là, c'était une affaire qui portait sur cette loi de la prise de

 26   possession.

 27   Vous, vous êtes très critique par rapport à cette loi, mais du moins

 28   la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas émis un jugement et n'a

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  1   pas présenté une sorte de remède pour la personne qui soi-disant s'est vu

  2   violer ses droits, n'est-ce pas ?

  3   R.  Avant de faire un commentaire, je voudrais d'abord dire quelque chose.

  4   D'abord il s'agit de la loi sur la prise des possessions et les

  5   amendements qui ont été faits, et je ne sais pas quels étaient ces

  6   amendements. Deuxièmement, les poursuites qui ont été menées, d'après ce

  7   que j'ai pu constater en observant ces documents très brièvement, il s'agit

  8   des poursuites qui ont été initiées en 2002 [comme interprété]. J'ai déjà

  9   dit qu'après la mort de Tudjman et lorsque Mesic est devenu le président et

 10   lorsque Racan est devenu le premier ministre, la Croatie a entièrement

 11   changé sa position par rapport à ce problème. Je comprends tout à fait que

 12   la Cour européenne a pu constater que les poursuites ou les affaires menées

 13   en 2003 étaient des procédures menées par un gouvernement qui avait une

 14   autre attitude et qu'en fait ce gouvernement n'avait pas violé les droits

 15   humains fondamentaux.

 16   Ce que j'ai dit tout à l'heure par rapport à cette loi sur la prise de

 17   possession, ce que j'ai dit ça s'appliquait par rapport à l'année 1995. A

 18   cette époque-là, le plan était, d'après Tudjman, de donner un délai de 30

 19   jours, sinon si les personnes ne rentraient pas sous 30 jours, tout allait

 20   être fait pour qu'ils ne puissent pas rentrer.

 21   Après cela, certaines personnes sont rentrées, ils ont essayé de regagner

 22   et de reprendre leurs possessions, mais les autorités locales ont agi de la

 23   sorte qu'en fait il n'était pas possible pour ces personnes de regagner et

 24   de reprendre leurs biens.

 25   Donc nous parlons d'une période partant de 1995 allant jusqu'en 1997, il

 26   n'y avait pas de justice, c'était une période difficile pour les gens de

 27   reprendre leurs biens, et pendant de nombreux voyages où je me suis rendu

 28   en Krajina, j'ai eu l'occasion de parler aux gens qui n'ont pas pu

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  1   reprendre leurs biens.

  2   Q.  J'aimerais demander le versement au dossier de ce document si je ne

  3   l'ai pas déjà fait.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, les décisions de la

  7   cour ne sont pas versées au dossier. Je ne m'y oppose pas, mais si vous

  8   souhaitez que la jurisprudence soit versée au dossier, il faut que ce soit

  9   une décision publique rendue par la cour.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bien sûr.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez attiré notre attention sur la

 12   jurisprudence et pour ne pas gaspiller les ressources, je voulais vous

 13   demander si vous souhaitez néanmoins quand même que cette décision soit

 14   versée au dossier.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je ne vais pas demander le

 16   versement au dossier de ces affaires et des décisions dans ces affaires.

 17   J'ai encore deux affaires auxquelles je voulais attirer votre attention.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, veuillez poursuivre.

 19   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 20   Q.  Avant de passer à l'affaire suivante, Monsieur l'Ambassadeur,

 21   j'aimerais que l'on présente la pièce sur la liste 65 ter qui porte le

 22   numéro 00956.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la décision de la Cour

 24   européenne des droits de l'homme, première section, numéro d'application

 25   35670-03, l'affaire Ceratlic [phon] contre la Croatie en date du 24 octobre

 26   2006.

 27   Veuillez poursuivre.

 28   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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  1   Q.  Il s'agit d'un décret que vous avez critiqué qui a été promulgué le 31

  2   août 1995. C'est un décret portant sur la prise temporaire ainsi que la

  3   gestion temporaire de certaines propriétés.

  4   Passons maintenant à l'article 10, sur la page 4, l'on prévoit un délai de

  5   30 jours dont vous nous avez parlé et vous avez critiqué ce délai.

  6   J'aimerais maintenant que vous lisiez ce document et dites-moi, s'il

  7   vous plaît, où dans ce document vous trouvez le terme "confiscation" ou

  8   "privation de personnes de nationalité serbe de leur citoyenneté."

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je serais vraiment surpris que ce genre

 10   de formulation figure dans de telles décisions. Si vous voulez que M.

 11   Galbraith lise le document dans son intégralité pour nous dire que ces

 12   formulations n'apparaissent pas dans le document, bien sûr, on peut le

 13   demander.

 14   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 15   Q.  La confiscation des biens et la privation de personnes de nationalité

 16   serbe de leur citoyenneté sont des termes qui ne figurent pas dans ce

 17   document, n'est-ce pas ?

 18   R.  Si vous voulez je peux lire le décret dans la totalité avant de pouvoir

 19   dire que vous avez raison ou que vous n'avez pas raison.

 20   Q.  S'il vous plaît, veuillez lire le document dans son intégralité. Il n'a

 21   que quatre pages.

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation] A moins que le Procureur n'accepte que

 23   j'aie raison lorsque je dis ce que j'ai dit tout à l'heure.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Je ne pourrais pas faire bien plus, mais je

 25   serais surpris comme le président l'a dit que ce genre de formulation

 26   figure dans le document.

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] M. Galbraith a dit qu'en vertu de ce

 28   décret les biens serbes pouvaient être confisqués.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, Maître Kuzmanovic, c'est quelque

  2   chose de différent maintenant ce que vous dites. Que ces mêmes termes

  3   apparaissent dans le document est une question tout à fait à part. Si vous

  4   résumez le document, vous n'employez pas forcément les mêmes termes tels

  5   qu'ils figurent dans le document. Bien sûr, si vous insistez je lirai les

  6   quatre pages pour voir si ces termes y apparaissent, mais je serais

  7   vraiment surpris que ce soit le cas. Passons à l'essence de ce que vous

  8   voulez dire. Je n'aimerais pas que l'on se lance dans un débat d'ordre

  9   sémantique.

 10   Sachez, je ne m'oppose pas du tout à ce qu'on lise ce document, mais

 11   posez des questions qui nous permettent d'aller vers l'essence de la chose.

 12   Veuillez poursuivre.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il a été dit que le gouvernement a fait

 14   adopter un décret en vertu duquel les biens pouvaient être confisqués.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, bien sûr, mais je

 16   vous ai déjà dit si vous ne m'avez pas compris dans ce cas-là suivez ma

 17   consigne et passez à ce qui est vraiment l'essence.

 18   Veuillez poursuivre.

 19   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous savez quelles étaient les discussions menées au sein du

 21   Parlement croate au sujet de ce décret, Monsieur l'Ambassadeur ?

 22   R.  Je ne me souviens pas quelle était la discussion menée.

 23   Q.  Si vous ne savez pas quelle est la loi, quelle est la base sur laquelle

 24   vous vous fondez pour dire que les biens étaient confisqués ?

 25   R.  Je vais dire que l'essence de ce décret était que les biens allaient

 26   être confisqués, que l'Etat croate allait confisquer les biens des

 27   personnes qui ne sont pas rentrées dans 30 jours, et que ce plan devait

 28   faire partie d'un accord global entre la Croatie et la Yougoslavie en vertu

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  1   duquel ces citoyens croates qui, d'après Tudjman, étaient des personnes qui

  2   avaient choisi de quitter la Croatie, et qu'en fait ils n'allaient rien

  3   recevoir.

  4   Notre point de vue était que la Croatie essayait de confisquer les biens

  5   des Serbes qui ont quitté la Croatie, et que la Croatie rendait impossible

  6   pour que ces personnes puissent reprendre leurs biens dans un délai aussi

  7   court. Nous pensions qu'aucun délai ne pouvait être imposé.

  8   Q.  C'est pourquoi vous avez fait pression, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui. Suite à la pression imposée par les Etats-Unis, le résultat était

 10   qu'en dernier lieu, il n'y avait plus de délai, je considère que c'était un

 11   succès de notre diplomatie.

 12   Q.  Mais je vous ai demandé si c'était suite à la pression menée par les

 13   Etats-Unis, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je vous ai dit que c'était le cas.

 15   Q.  L'amendement, le premier amendement en date du mois de septembre 1995,

 16   la pièce 3497 de la liste 65 ter a en fait prorogé le délai -- en fait je

 17   vais reformuler.

 18   La loi a été adoptée en septembre 1995, c'était une loi adoptée au sein du

 19   Parlement, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et le Parlement a choisi un autre délai différent de celui qui a été

 22   précisé dans le décret du gouvernement, n'est-ce pas ?

 23   R.  Le parti de Tudjman avait le contrôle du Parlement et le changement de

 24   date a été un changement suite aux actions menées par le gouvernement de

 25   Tudjman, et le Parlement n'a fait qu'approuver ce changement.

 26   Q.  L'article 11 de ce document de la pièce 3497 de la liste 65 ter prévoit

 27   une prorogation à 90 jours, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je ne le sais pas, mais il faudrait que je voie le document.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on examine

  2   l'article 11, s'il vous plaît.

  3   Q.  Dans la deuxième phrase on peut lire que l'on prévoit un délai de 90

  4   jours. "A partir de la date de la mise en vigueur de cette loi."

  5   R.  Permettez-moi juste de lire cela, s'il vous plaît.

  6   Est-ce que l'on peut lire l'article 5 ?

  7   Q.  Bien sûr.

  8   L'article 5 traite de la possession temporaire des personnes

  9   déplacées et des réfugiés, et la mise à leur disposition de ces  biens

 10   abandonnés. Les propriétaires de ces biens avaient le droit de demander que

 11   ces personnes soient expulsées de leurs biens une fois rentrés chez eux.

 12   Q.  De toute façon, il faudrait néanmoins que je lise le document dans son

 13   intégralité, mais j'accepte le fondement de votre question. Il est vrai que

 14   l'article 11 proroge le délai de 30 jours à 90 jours.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que ces pièces 00956 et 03497

 16   soient versées au dossier.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 00956 de la liste 65 ter

 19   deviendra la pièce D421, et la pièce 03497 de la liste 65 ter deviendra la

 20   pièce D422.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D421 et D422 sont au dossier.

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.

 23   J'aimerais maintenant que l'on affiche la pièce 00781 de la liste 65 ter à

 24   l'écran.

 25   Q.  Il s'agit d'un amendement de l'article 11 en date de janvier 1996, et

 26   il est fait état de l'accord sur la normalisation des relations entre la

 27   Croatie et la Yougoslavie. Et en vertu de cette modification, tout délai

 28   est éliminé relatif à cette loi précise.

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  1   R.  J'aimerais préciser néanmoins que ce n'était pas conformément à

  2   l'accord portant sur la normalisation parce que cela a été fait six mois

  3   avant cet accord.

  4   Q.  Mais il est dit que ce sera régulé. Et par là on veut dire dans

  5   l'avenir.

  6   R.  Je ne vois pas comment cela pouvait être régulé conformément à un

  7   accord qui n'existait pas encore à l'époque. Peut-être que l'on parle d'un

  8   certain accord quel qu'il soit.

  9   Q.  J'aimerais qu'on examine maintenant la pièce 3059 de la liste 65 ter.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que la pièce soit affichée.

 11   Q.  Il s'agit d'une loi adoptée par le Parlement qui annule la loi portant

 12   sur la confiscation temporaire ainsi que la gestion temporaire des biens,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, c'est ce que le titre indique.

 15   Q.  Est-ce que vous saviez -- en fait, non.

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Avant de ce faire j'aimerais demander le

 17   versement au dossier de la pièce 00781 et la pièce 3059 de la liste 65 ter.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 03059 deviendra la pièce D424,

 21   tandis que 00781 deviendra la pièce D423.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les deux pièces sont versées au dossier.

 23   Veuillez poursuivre, Maître Kuzmanovic.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous saviez que la cour constitutionnelle, conformément à sa

 26   décision en date du mois de septembre 1997, donc je parle de la cour

 27   constitutionnelle croate, a maintenu la loi sur la prise des biens, mais a

 28   éliminé le délai et a ajouté une disposition relative à la compensation

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  1   dans cette loi ?

  2   R.  Je ne suis pas sûr tout à fait que je connais cette décision de 1997.

  3   On est en 2008 et bien du temps s'est écoulé depuis.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche la

  5   pièce D200-1223, s'il vous plaît. En fait je me corrige, c'est plutôt 3D00-

  6   1203. Merci.

  7   Q.  Je n'ai fait traduire que quelques extraits de ce document, Monsieur

  8   Galbraith, mais vous pouvez voir qu'il était état de l'article 11 dans le

  9   quatrième paragraphe, c'est la page 6 de l'original. La cour a constaté que

 10   certaines dispositions de la loi étaient contraires à la constitution.

 11   Passons maintenant à la deuxième page de la traduction, mais si vous

 12   souhaitez lire cela jusqu'au bout, je vous le permettrai bien sûr.

 13   R.  Je viens de lire le paragraphe. Est-ce que vous souhaitez que je lise

 14   la page dans son intégralité ?

 15   Q.  A moins que vous ne le souhaitiez, mais je voulais attirer votre

 16   attention sur la deuxième page.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, que vous disiez,

 18   lisez si le besoin se présente que vous le lisiez, c'est une consigne qui

 19   peut prêter à confusion.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Passons à la deuxième page de ce document.

 21   Q.  Il est dit que l'article 11, paragraphe 1 de la loi attaquée constate

 22   que la question de reprendre les biens et de l'utilisation des biens sera

 23   réglée conformément à l'accord portant sur la normalisation des relations

 24   entre la Croatie et la Yougoslavie.

 25   D'après vous, il n'y avait pas de tel accord en 1997, n'est-ce pas ?

 26   R.  J'ai dit tout à l'heure qu'en janvier 1996 il n'y avait pas de tel

 27   accord, mais le document que nous avons vu tout à l'heure qui était en date

 28   de l'été 1996 portant sur la normalisation de relations.

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  1   Je veux dire la chose suivante : notre avis était que le droit des

  2   citoyens croates d'avoir leurs biens ne pouvait d'aucune sorte être régulé

  3   par un accord conclu entre la Croatie et la Yougoslavie. C'était une excuse

  4   que les autorités croates ont utilisée, à laquelle ils ont fait appel, mais

  5   à notre avis, les droits de ces personnes tombaient sous le coup de la

  6   constitution croate et des normes européennes des droits de l'homme.

  7   Q.  Ici il n'est pas fait état de délai, n'est-ce pas ?

  8   R.  Il n'y a pas de délai à partir du mois de janvier 1996.

  9   Q.  D'accord. En vertu de la décision de la cour constitutionnelle, les

 10   gens pouvaient être compensés pour leurs biens, n'est-ce pas ?

 11   R.  Nous pensions que les gens avaient droit de reprendre leurs biens, et

 12   si leurs biens étaient endommagés, ils avaient droit à la compensation de

 13   même que les Croates avaient droit à la compensation sir leurs biens

 14   étaient endommagés.

 15   Nous ne pensions pas que la compensation était une réponse adéquate

 16   dans le cas où les biens étaient pris et donnés à être  utilisés par

 17   quelqu'un d'autre. Je veux dire, il ne s'agissait pas seulement de

 18   personnes déplacées qui étaient déplacées depuis 1991, qui avaient le droit

 19   d'utiliser ces biens. Tudjman avait invité les Croates de la diaspora qui

 20   souhaitaient venir de l'étranger, d'Australie, de venir s'installer en

 21   Krajina. Un effort réel devait être fait pour loger ces personnes déplacées

 22   en Krajina et nous considérions que cela représentait la violation des

 23   droits de l'homme.

 24   Q.  Oui, je pense que la décision ne stipule pas que quiconque qui utilise

 25   la propriété de façon temporaire pourrait avoir le droit d'y rester et qui

 26   se contenterait de payer le propriétaire. La loi ne stipule pas que les

 27   personnes ou la loi indique que les personnes qui voulaient occuper ces

 28   propriétés seraient potentiellement expulsées, les personnes qui voulaient

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  1   récupérer leurs biens et leurs propriétés pourraient les récupérer, et s'il

  2   y avait des dégâts à la propriété ou si la propriété avait été utilisée de

  3   façon temporaire par quelqu'un, le propriétaire légitime recevrait une

  4   compensation, une indemnisation.

  5   Vous le saviez cela ?

  6   R.  Il faudrait que je lise tous ces documents. Mais ce à quoi j'ai

  7   beaucoup réfléchi, ce que j'ai analysé, c'était le système de départ qui

  8   avait été prévu en vertu duquel on confisquait la propriété qui appartenait

  9   à des "optansi" si au bout de 30 jours, sur une période de 30 à 90 jours,

 10   elle avait été occupée par ces personnes, et que ces personnes, les

 11   propriétaires auraient été indemnisés en vertu de cet accord bilatéral

 12   conclu entre la Croatie et la Yougoslavie. Finalement, ces obstacles

 13   juridiques ont en quelque sorte été édulcorés, puis éliminés.

 14   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais verser au dossier ce

 15   document.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Monsieur le Greffier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D425.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D425 est maintenant versée au

 21   dossier.

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 23   Q.  Alors le problème des réfugiés, donc le fait, par exemple, que ces

 24   réfugiés avaient été installés dans des propriétés abandonnées, c'est un

 25   problème auquel se confrontait la Croatie à l'époque, en tout cas en août

 26   1995, puis qu'il y avait une crise aiguë pour ce qui était des réfugiés.

 27   Mais cela s'est passé après le départ des Serbes de la Krajina, il y avait

 28   des Croates, par exemple, qui venaient de Banja Luka et d'autres zones

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  1   également, et qui se retrouvaient là à la suite des combats qui étaient en

  2   cours ?

  3   R.  Il y a eu d'autres réfugiés qui sont arrivés, mais je dirais

  4   qu'essentiellement le problème des réfugiés croates était un problème qui

  5   s'était posé un peu plus tôt. Je pense, par exemple, à la Croatie en 1991,

  6   je pense aux personnes qui venaient de la Bosnie, mais beaucoup plus tôt

  7   pendant la guerre.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais que l'on affiche la pièce

  9   1D33-0105.

 10   Q.  Avant que nous ne puissions examiner ce document, en attendant qu'il

 11   soit affiché, j'aimerais vous demander si vous convenez qu'après

 12   l'opération Tempête, environ 80 % de la population  qui possédait des biens

 13   dans le secteur nord s'était enfuie et avait abandonné ses biens ? Le

 14   secteur nord et le secteur sud ?

 15   R.  Vous auriez eu un chiffre beaucoup plus élevé si vous aviez inclu les

 16   Croates qui avaient été expulsés en 1991, car comme vous le savez

 17   pertinemment, il y a de nombreuses personnes qui possédaient des biens dans

 18   le secteur nord et dans le secteur sud et qui étaient Croates, mais si vous

 19   ne voulez parler que des biens qui appartenaient aux Serbes, 80 % peut-être

 20   même voire un chiffre plus important. Je n'en sais rien.

 21   Q.  Mais c'était un chiffre important, n'est-ce pas ? Un nombre important ?

 22   R.  Oui, oui, oui. Un chiffre très important, je pense que 80 % c'est une

 23   estimation faible.

 24   Q.  Bien. Ce document est un procès-verbal d'une réunion gouvernementale,

 25   il s'agit du gouvernement de la Croatie, le 23 août, et le gouvernement

 26   évoque ce décret, et j'aimerais attirer votre attention sur -- le problème

 27   c'est que les pages ne sont pas numérotées, donc je vais compter à partir

 28   de la page de garde.

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  1   Il s'agit de la page 7 pour la version anglaise, lorsque je dis page 7,

  2   j'ai compté comme si la page de garde était la première page. Voilà, c'est

  3   cela.

  4   Il s'agit d'une discussion, vous avez un long paragraphe qui commence par :

  5   "Je pense, Monsieur le Premier ministre…"

  6   Si vous prenez vers le bas, il y a une phrase, ou plutôt, juste avant le

  7   milieu de la page, voilà, je pense que vous l'avez trouvé, ça commence par

  8   les mots suivants : "L'une des tâches…"

  9   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez agrandir cette

 10   partie, ce passage pour qu'il puisse être lisible. Merci. Voilà, parfait.

 11   Q.  La discussion porte sur le logement temporaire des personnes qui

 12   reviennent et voilà ce qui est dit : "L'aspect le plus important est le

 13   logement temporaire des personnes qui reviennent indépendamment du fait

 14   qu'il s'agisse de personnes qui reviennent ou de personnes déplacées de

 15   notre pays voisin la Bosnie-Herzégovine. Je pense que vous avez parlé de

 16   cette question lors d'une réunion du cercle restreint du cabinet et que

 17   vous avez conclu un accord suivant lequel il s'agissait d'une question de

 18   droit ou d'une question de la législation relative à l'utilisation

 19   temporaire des biens abandonnés.

 20   "Je pense que si nous ne pouvons pas attendre la procédure, ce que

 21   nous ne pouvons pas faire, nous devrions adopter un décret aujourd'hui afin

 22   de fournir, afin de faire en sorte que les activités soient organisées pour

 23   faciliter le soin apporté aux personnes pour pouvoir déterminer qui viendra

 24   où, comment est-ce que ces personnes vont venir pour que nous puissions

 25   éviter une plus grande catastrophe que celle que nous avons connue au

 26   début."

 27   Ensuite, je saute une phrase et je continue.

 28   "D'après toutes ces conclusions, il est absolument manifeste que la

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  1   chose la plus essentielle, la plus importante est de coordonner au maximum

  2   les efforts des autorités civiles, des militaires et de la police afin

  3   d'assurer la sécurité des personnes et des biens et à cette fin, le préfet

  4   de la région devra avoir l'obligation de coopérer avec le ministère de la

  5   Défense ainsi que le ministère de l'Intérieur eu égard à l'établissement de

  6   contrôle conjoint dans ces secteurs, notamment tous postes de contrôle par

  7   lesquels doivent passer ces personnes."

  8   Et à la fin du document, je voudrais que soit affichée la cinquième

  9   dernière page, si vous voyez ce que je veux dire.

 10   R.  Je m'excuse, mais qui prend la parole ?

 11   Q.  Le Dr. Ivan Majdak qui était ministre à l'époque.

 12   R.  Je m'excuse mais il était ministre de quoi ?

 13   Q.  Son titre est donné comme étant ministre, le ministre Majdak, et je ne

 14   peux pas vous dire comme ça au pied levé quel était son portefeuille.

 15   Au paragraphe du milieu qui commence par les mots suivants : à propos de

 16   l'accélération de la procédure, donc là je dirais qu'il s'agit du premier

 17   ministre qui s'exprime.

 18   "Pour accélérer la procédure relative aux questions de citoyenneté, alors

 19   solution : le ministère de l'Administration devrait accélérer la procédure

 20   autant que faire se peut, ainsi que les soins de santé et l'aspect social,

 21   tels que nous les avons prévus, qui doivent être intensifiés dans les

 22   secteurs où résident la population quelle que soit leur nationalité. Des

 23   soins spéciaux devront être fournis à la population serbe. Point n'est

 24   besoin de mentionner l'importance de cette question à l'heure actuelle du

 25   point de vue politique et du point de vue humanitaire, et il faut clamer

 26   que parmi tous les libérateurs qui libèrent pour la troisième fois, ceux-ci

 27   sont les pires et cela doit être évité. Après le passage de l'armée et de

 28   la guerre, certains deviendront des héros qui seront les plus dangereux

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  1   pour la Croatie à l'heure actuelle."

  2   Puis, bon, je vous fais grâce des autres lignes, et je passe directement au

  3   paragraphe suivant.

  4   "Le décret relatif à la propriété est extrêmement important, nous

  5   sommes conscients des contingences constitutionnelles, vous connaissez mon

  6   point de vue, nous n'autoriserons pas de violence, mais nous devons faire

  7   quelque chose. Il vaut mieux essayer de trouver une solution préliminaire

  8   plutôt que d'autoriser l'anarchie à régner, nous trouverons une méthode

  9   constitutionnelle et officielle pour trouver une solution, une solution

 10   préliminaire certes qui nous permettra à aboutir à une solution définitive

 11   à ce sujet. Personne ne peut maîtriser la situation car nous n'avons pas

 12   suffisamment d'armées et de police pour maîtriser la situation dans 30 ou

 13   40 000 appartements."

 14   Peut-être que vous ne serez pas d'accord avec mon propos, Monsieur

 15   l'Ambassadeur, mais il me semble que lors de cette séance gouvernementale,

 16   ils discutent un décret relatif aux propriétés, et la teneur de la

 17   discussion visait la protection de ces biens -- la protection vis-à-vis de

 18   la destruction, quelque soit d'ailleurs la nationalité des propriétaires

 19   des biens.

 20   Etes-vous d'accord avec ce que j'avance ?

 21   R.  Il m'est très difficile d'interpréter ce document sans pour autant

 22   pouvoir le placer dans le contexte de la discussion qui avait lieu à ce

 23   moment-là. Bon, vous avez lu ce passage qui dit ce que vous avez lu.

 24   Q.  Ce que vous avancez c'est que ce décret est un moyen de confiscation

 25   des biens serbes et de privation de la population serbe de la citoyenneté

 26   croate; c'est cela ?

 27   R.  Moi ce que j'avance, c'est que le président Tudjman et ses proches ne

 28   voulaient pas que les Serbes de la Krajina reviennent. Il les considérait

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  1   comme une menace stratégique, un cancer pour la Croatie. Et le décret

  2   relatif à la confiscation des biens faisait partie ou s'inscrivait dans le

  3   cadre d'une stratégie dont le but était d'éviter d'empêcher le retour des

  4   Serbes. J'ai déjà témoigné à ce sujet.

  5   Q.  Oui, mais là c'est le premier ministre qui prend la parole pendant

  6   cette séance, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Donc c'est quelqu'un qui fait partie des proches, n'est-ce pas ?

  9   R.  Non, pas forcément d'ailleurs. Officiellement il faisait partie des

 10   proches de la garde rapprochée politique du président Tudjman, mais ce

 11   n'était pas l'un des conseillers proches de Tudjman. Par exemple, Mate

 12   Granic, qui, lui, faisait très clairement partie des proches, ne partageait

 13   pas non plus le point de vue de Tudjman pour ce qui était de la solution

 14   apportée au problème. Valentic, donc le premier ministre, ne le partageait

 15   pas ce point de vue.

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais verser ce document au

 17   dossier.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D427.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous nous rapprochons du moment ou --

 23   non en fait.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, non, normalement nous travaillons

 25   jusqu'à 12 heures 30.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est vrai. Non, non, c'est moi qui

 27   me suis trompé parce que nous n'avons pas suivi notre horaire habituel.

 28   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je m'excuse.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, c'est moi, c'est moi. C'est parce

  2   que nous n'avons pas suivi l'horaire classique pour ce matin. Donc --

  3   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je veux m'excuser.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, Monsieur

  5   le Président, mais le document 1D33-0105 devient la pièce D426 et non pas

  6   la pièce D427.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est la pièce D426 qui est versée

  8   au dossier.

  9   Maître Kuzmanovic, je crois comprendre que vous avez voulu verser au

 10   dossier les pièces D421 et D423, mais la Chambre n'a pas pu vérifier ces

 11   documents. J'ai été informé du fait qu'ils font partie des documents qui

 12   seront présentés directement.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président,

 14   je ne savais pas qu'ils avaient déjà reçu une cote.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je suppose que nous

 16   n'utilisons pas les cotes D421 et D423 parce que ce sont les cotes qui

 17   seront utilisées et reprises pour ces deux documents.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, cela ne me pose pas de problème.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Oui, je sais que tout ce que je dis vous tiens

 21   à cœur. Mais j'aimerais rectifier quelque chose. En fait c'est Me

 22   Kuzmanovic et non Me Kehoe qui a apporté une correction.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ecrivez cela sur un morceau de

 24   papier, remettez-le à la sténotypiste, et je pense que la situation pourra

 25   ainsi être réglée.

 26   Entre-temps, Maître Kuzmanovic, je dois vous dire que j'essaie de

 27   suivre votre rythme effréné parce qu'un peu plutôt, vous avez parlé de

 28   compensation.

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  1   Et lorsque vous parliez de compensation, je croyais que vous parliez

  2   de compensation et d'indemnisation pour des biens ou des propriétés que

  3   d'aucuns n'auraient plus à la suite de la législation adoptée.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, oui parce qu'il y a perte de

  5   l'utilisation en quelque sorte.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais alors après vous avez posé

  7   une question, et vous avez fait référence à une décision de la cour

  8   constitutionnelle qui fondamentalement stipulait qu'on ne pouvait pas juste

  9   avoir une compensation comme on le dit dans le jargon américain, ce qui

 10   signifie qu'ils envisageaient un mécanisme de remboursement des propriétés.

 11   Ensuite le témoin ne s'est pas véritablement intéressé à cette décision.

 12   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, mais je vais --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas la réponse qui m'intéresse,

 14   ce qui m'intéresse c'est que j'aimerais plutôt que vous, vous nous

 15   indiquiez où nous trouvons ce mécanisme de compensation ou d'indemnisation

 16   lorsqu'il y a perte de biens et de propriétés dans le document, tel que

 17   vous l'avez indiqué au témoin d'ailleurs. Bon, limitation de l'usage,

 18   d'accord je vous suis, mais pour ce qui est de l'indemnisation ou de la

 19   compensation lorsqu'il y a eu perte de biens, je souhaiterais avoir une

 20   réponse.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bien entendu vous me mettez sur la brèche,

 22   alors je ne retrouve pas cela, mais je vais le trouver.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous pourrez trouver cela pendant

 24   la pause.

 25   Mais poursuivez, Maître Kuzmanovic.

 26   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la

 27   pièce 3D00-0903 ?

 28   Q.  En attendant que ce document ne soit affiché, on vous a posé des

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  1   questions à propos de M. Majdak. Il fait partie de la liste dans le procès-

  2   verbal, de la liste des personnes donc qui sont des ministres de ce

  3   gouvernement. Je vous le dis pour votre gouverne personnelle.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Grâce à Me Mikulicic, si vous prenez la

  5   traduction qui fait l'objet de la pièce 3D -- ou plutôt D425, qui est

  6   justement la décision de la cour constitutionnelle, vous avez une

  7   traduction partielle qui a été faite, et il est dit : "Conformément à

  8   l'article 8" --

  9   Ensuite il est indiqué qu'on a pris en considération le fait que la

 10   loi ne vise pas seulement la limitation ou la contingence en matière de

 11   droits de propriété.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je ne vous ai pas posé de

 13   question à propos de perte -- ou plutôt, je ne vous ai pas parlé de limite

 14   de droits, je vous ai parlé et je vous ai posé une question à propos de la

 15   perte des biens, parce que lorsque vous avez posé la question, vous avez

 16   suggéré en quelque sorte que cette décision portait sur la compensation

 17   lorsqu'il y a eu perte du bien. Et cela je ne le trouve toujours pas.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je le trouverai, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 21   Q.  Alors nous allons revenir sur le document maintenant qui est affiché à

 22   l'écran, Monsieur l'Ambassadeur.

 23   Il s'agit d'une explication du gouvernement croate qui explique pourquoi il

 24   y a législation relative à la prise temporaire et à l'administration des

 25   biens, et ils expliquent pourquoi cela est nécessaire. C'est un très long

 26   document, nous avons seulement traduit certains extraits de ce document,

 27   mais vous verrez au tout début du document qu'il est question du fait que

 28   nombreux sont les citoyens croates de nationalité serbe qui ont quitté les

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  1   territoires libérés de la République de la Croatie. Il est indiqué qu'ils

  2   sont encore sur le territoire occupé de la Croatie, probablement dans le

  3   secteur est ou qu'ils sont passés dans le territoire de la Serbie et du

  4   Monténégro ou en République de Bosnie.

  5   Il est indiqué : "Nous pouvons comprendre qu'en dépit de tous les efforts

  6   déployés, la République de la Croatie ne peut pas entièrement protéger de

  7   façon efficace ces propriétés ainsi que les intérêts des propriétaires de

  8   ces propriétés."

  9   En fait cela revient à ce que disait le premier ministre Valentic

 10   dans cette pièce que je vous ai montrée préalablement.

 11   Il y a autre chose qui est évoqué également, le raisonnement qui

 12   sous-tend le fait que des personnes qui ne sont pas les propriétaires des

 13   propriétés en question pourraient être autorisées à occuper la propriété de

 14   façon temporaire.

 15   Puis au deuxième -- ou plutôt au troisième paragraphe, il revient à

 16   l'administration croate de posséder de façon provisoire la propriété en

 17   question et de prescrire les limites ou de prescrire les contingences qui

 18   sont imposées aux propriétaires, et je suppose qu'il s'agit des personnes

 19   qui se sont enfuies de la propriété qui sont des citoyens croates

 20   d'appartenance ethnique ou de nationalité serbe, donc qu'il y a des

 21   conditions, des conditions extrêmement strictes qui sont prévues. Vous

 22   avez, par exemple, le propriétaire qui a quitté le territoire de la

 23   République de la Croatie et qui a quitté son bien et des explications sur

 24   la façon de pouvoir récupérer ses propriétés.

 25   Vous avez au moins une explication officielle qui nous permet de

 26   comprendre le raisonnement qui sous-tend la mise en application de cette

 27   loi et il n'y a pas par écrit cette intention de priver les citoyens serbes

 28   soit de leur propriété, soit de leur citoyenneté ?

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  1   R.  Dans les extraits que vous m'avez lus, non.

  2   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais

  3   que le document 3D00-0903 soit versé au dossier.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, deux choses.

  6   Premièrement, j'avais vu une signature un peu plus tôt. J'aimerais savoir

  7   tout simplement à qui est destinée cette explication, à quel organe.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je peux vous le dire. Je peux vous le

  9   dire, parce que cela n'a pas été traduit justement. Il s'agit d'une lettre

 10   du premier ministre, M. Valentic, qui est destinée au Sabor croate le 31

 11   août 1995. Dans cette lettre, il expose sa proposition au Parlement croate,

 12   et il explique le raisonnement qui sous-tend cette législation bien

 13   précise.

 14   Si vous prenez la toute première page vous verrez qu'elle est signée

 15   par M. Mihanovic, c'est lui qui présente cela aux députés. Il présente

 16   l'information présentée par M. Valentic, donc il s'agit en fait d'un projet

 17   de décret.

 18   Vous pouvez voir la lettre de M. Mihanovic, vous pouvez voir la date

 19   et vous pouvez voir sur la version croate affichée à l'écran qu'elle porte

 20   la date du 7 septembre et le premier ministre Valentic dans sa lettre la

 21   date est la date du 31 août.

 22   Si vous le souhaitez, pendant la pause, nous pourrions --

 23   M. TIEGER : [interprétation] Alors, il y a les parties traduites du

 24   document, c'est cela que vous allez verser au dossier. Mais nous, nous

 25   aimerions pouvoir avoir la possibilité d'examiner l'ensemble du document,

 26   parce que nous voulons savoir s'il y a d'autres extraits qui devront être

 27   traduits. Je pense que la Chambre comprendra très certainement notre

 28   prudence.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je n'ai absolument aucun problème. En

  2   fait, j'aurais souhaité le versement intégral du dossier pour que tout soit

  3   exhaustif, mais nous n'avons pas traduit l'ensemble du document parce que

  4   nous n'avons pas utilisé l'ensemble du document.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suggère aux parties que ce document

  6   soit enregistré aux fins d'identification, et on pourra s'attendre à ce que

  7   cela soit remplacé par un document, en fait, par deux documents d'après ce

  8   que je comprends. Le premier document étant une lettre qui permet

  9   d'expliquer le deuxième document au Parlement, donc cela sera remplacé par

 10   deux documents, et lorsque l'Accusation aura analysé l'intégralité du

 11   document nous déciderons ensuite de la recevabilité et du versement au

 12   dossier du document entier.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Et pour que tout bien

 14   clair : il y a deux lettres; puis vous avez le projet de décret; et vous

 15   avez ensuite l'explication qui est offerte pour expliquer le projet de

 16   décret.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela inclut également une

 18   explication des dispositions précises du décret en question ?

 19   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, c'est une explication générale. Vous

 20   avez les différentes dispositions du décret. La version B/C/S du document

 21   comporte six pages.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il s'agit des notes

 23   d'explication, des notes d'explication au projet de décret.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec toute la correspondance qui est

 26   afférente. Donc, nous allons décider d'enregistrer le document aux fins

 27   d'identification, et ce document sera remplacé par les deux documents, donc

 28   l'explication et le projet de décret.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous ferons en sorte d'avoir tout le

  2   document traduit pour la Chambre de première instance, ainsi elle aura

  3   l'intégralité du document.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, nous n'allons pas le

  5   verser au dossier tant que cela n'a pas été fait.

  6   Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D427 enregistrée aux

  8   fins d'identification.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon c'est une pièce qui va

 10   rester pour le moment enregistrée aux fins d'identification.

 11   Alors, Maître Kuzmanovic, le moment est venu de faire une pause.

 12   Oui, une petite minute.

 13   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, vous avez déjà

 15   utilisé 1 heure et 21 minutes exactement. Je vous encourage vivement, si

 16   nous reprenons à 12 heures 20, au vu de ce que vous nous aviez dit au

 17   départ, puisque vous nous aviez dit que vous termineriez votre contre-

 18   interrogatoire au plus tard à la fin de cette séance, donc je vous

 19   encourage à le faire.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je ferai de mon mieux pour terminer

 21   aujourd'hui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous reprendrons à 12 heures 20.

 23   --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.

 24   --- L'audience est reprise à 12 heures 22.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, c'est à vous.

 26   M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît, juste pour

 28   informer les deux parties dans la présente affaire, les mots contenus dans

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  1   la question posée par vous ne sont pas contenus dans le document de quatre

  2   pages, strictement parlant, on ne fait pas mention de confiscation. Pour

  3   vous aider à faire économie de votre temps lorsqu'on dit que ceci est

  4   adjugé, cela veut dire que c'était une décision rendue par la Chambre de

  5   première instance.

  6   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  7   Q.  Le conseil Goran Mikulicic et M. Tieger ont un petit peu parlé de cela,

  8   et pour permettre de vous présenter quelques pièces à conviction qui

  9   devraient être marquées aux fins d'identification, tout simplement la

 10   Chambre de première instance prendra ces documents en considération.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous soumettez certaines copies

 12   papier de ces pièces à conviction, ça va. Mais en soumettant cela, cela ne

 13   veut pas dire que des précédents devraient faire partie de dossier. Par

 14   conséquent, notre personnel devrait être concerné, et cetera --

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je crois que nous allons abattre

 16   davantage d'arbres pour tout cela, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.

 19   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je voulais attirer votre attention sur le

 20   document au titre de l'article 65 ter 02706.

 21   Il s'agit là de la loi adoptée par le Parlement croate qui traite d'un

 22   programme de retour et la prise en charge de personnes expulsées, de

 23   réfugiés et de personnes déplacées, il s'agit d'une loi qui a été adoptée

 24   en juin 1998, nous en avons déjà parlé.

 25   Il s'agit de dire qu'à la page 2 de cette loi particulière -- non, excusez-

 26   moi, nous allons commencer par traiter la page 1. La première disposition

 27   de cette loi se lit comme suit : "La République de Croatie reconnaît le

 28   droit inaliénable au retour à tous les citoyens de la République de Croatie

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  1   et à toutes les catégories d'individus qui peuvent être considérés comme

  2   ayant le statut de réfugiés, conformément…" et cetera.

  3   Ne serait-ce qu'à prime abord, toutes les personnes y sont incluses, y

  4   compris les gens qui ont la nationalité serbe.

  5   Etes-vous d'accord avec moi, Monsieur l'Ambassadeur ?

  6   R.  Oui. Et dans ce sens-là, il s'agit de parler d'un changement très

  7   radical, d'une modification radicale par rapport à ce que Tudjman disait,

  8   qu'il s'agissait de gens qui ont opté eux-mêmes de quitter la Croatie et

  9   qui ne sont pas habilités à retourner dans le pays trois années plus tard.

 10   C'était d'ailleurs trois années avant l'attitude de Tudjman.

 11   Q.  Voulez-vous vous pencher sur le paragraphe 3, s'il vous plaît. On dit :

 12   "Le droit de retour, organisé ou spontané, ne dépend que de la volonté des

 13   individus."

 14   Je voulais vous parler de cela parce que ceci traite des raisons pour

 15   lesquelles les gens auraient quitté la Croatie pour différentes raisons,

 16   les raisons pour lesquelles les Serbes s'en sont allés.

 17   Etes-vous d'accord avec moi pour dire qu'un important nombre de gens sont

 18   partis lors de l'opération Tempête parce que tout simplement ils ne

 19   voulaient plus vivre dans l'Etat de Croatie. Voilà pourquoi la République

 20   de Krajina de Serbie a été créée, il s'agit de gens qui ne voulaient pas

 21   vivre en Croatie, n'est-ce pas ?

 22   R.  Certainement il devait y avoir lieu de parler d'une telle catégorie de

 23   gens.

 24   Q.  En fait, les responsables de ces gens-là voulaient leur faire

 25   comprendre que ces gens-là ne devaient pas vivre dans la République de

 26   Croatie ?

 27   R.  Oui, exception faite de Milan Babic, je pourrais répondre à cette

 28   question par oui.

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  1   Q.  Pour ce qui est des gens qui ont quitté la Croatie, conviendriez-vous

  2   de dire que les gens qui résidaient dans cette partie de la Croatie avant

  3   de quitter l'Etat de Croatie, pour la majeure partie, ces gens-là par voie

  4   référendaire ont opté pour la création de la République de Krajina serbe

  5   qui devait être une entité séparée de la Croatie ?

  6   R.  Je crois que ceci est juste, oui.

  7   Q.  Et on peut dire avec une grande certitude que les gens qui ne voulaient

  8   pas vivre en République de Croatie ne s'occupaient guère de savoir comment

  9   se présentaient les lois là-bas, si leur propriété devait leur être

 10   restituée, et cetera, tout simplement, ces gens-là ne voulaient plus vivre

 11   en Croatie ?

 12   R.  Bien au contraire. Ils souhaitaient ces gens-là pouvoir se faire

 13   restituer leur propriété. Pour la majeure partie de ces gens-là, qui

 14   étaient des gens pauvres, c'était très important. Grande était l'importance

 15   de leurs terres, de leurs foyers, de leur bétail. Même s'ils ne voulaient

 16   pas vivre en Croatie, ils voulaient voir restituer tous ces biens pour

 17   pouvoir les revendre peut-être.

 18   De même, savoir ce que les gens ressentaient en 1995, au temps de la

 19   guerre, c'est quelque chose de différent, chose que nous avons fort bien

 20   comprise, par rapport à ce que devait être leur sentiment et leur réflexion

 21   en 1998, probablement beaucoup de ces gens-là pouvaient réfléchir et

 22   reconsidérer la question de vivre en Croatie si on pouvait compter sur un

 23   tournant décisif par rapport au gouvernement croate, ce qui a été chose

 24   faite d'ailleurs, ce nationalisme croate disparaît en l'an 2000.

 25   Q.  En fait, c'est le gouvernement de Tudjman qui a décrété cette loi au

 26   sein du Sabor en vue d'assurer le retour de personnes expulsées, de

 27   réfugiés et de personnes déplacées en juin 1998 ?

 28   R.  Oui. Mais à contrecœur, je dirais, ce ne sont que les héritiers de

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  1   Tudjman qui en l'an 2000 ont vraiment embrassé cette idée portant retour

  2   des gens.

  3   Q.  Dans ce document concret portant sur le programme de retour des

  4   réfugiés, de la prise en charge de personnes portées disparues ou

  5   déplacées, ne s'agit-il pas de parler d'un cadre de travail dans lequel

  6   cadre les gens pourraient postuler au cas où ils souhaitaient rentrer ?

  7   R.  Vous vous référez à ce document de 1998 ?

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Ce document a été adopté au temps où je n'étais plus ambassadeur en

 10   Croatie, par conséquent je n'ai pas eu le temps de l'étudier.

 11   Q.  Fort bien. Passons à la page 5. En bas de page, il y a là un morceau de

 12   texte, une portion qui est en anglais que nous avons surlignée.

 13   Là on parle de la manière dont se trouvent réglementées les procédures

 14   portant retour. Il s'agit du paragraphe 1, pour ce qui est des personnes

 15   qui nécessitent des documents délivrés par la Croatie. Dans le paragraphe

 16   2, on traite de la procédure à observer à l'intention des gens qui ne sont

 17   plus titulaires de documents croates. Il s'agit de différentes catégories

 18   de personnes. Par exemple, ensuite on traite de maisons qui sont occupées,

 19   d'autres qui ne le sont pas. Il s'agit de différentes catégories de

 20   personnes qui tentent de se faire restituer leur propriété.

 21   Là on ne fait pas de distinction en matière de nationalité ?

 22   R.  Je n'ai pas eu l'occasion d'étudier ce document de façon plus

 23   approfondie. Vous me demandez d'être presque un expert, chose que je

 24   pourrais faire étant donné les connaissances dont je suis doté, mais

 25   devrais-je d'abord étudier un document, élaborer un petit peu, puis parler

 26   un peu avec des gens qu'il faudrait que je rencontre.

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je voudrais présenter ce document pour

 28   être versé au dossier.

Page 5156

  1   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction D428.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche le document

  5   3D00-1337.

  6   Q.  J'ai encore quelques documents de ce genre-là que j'aimerais traiter

  7   avec vous, Monsieur l'Ambassadeur. Il s'agit de documents issus de la Cour

  8   européenne des droits de l'homme. Il s'agit d'ailleurs du document portant

  9   la cote 69265/15 [comme interprété] pour le compte rendu d'audience. Il

 10   s'agit d'une décision rendue en janvier, le 8 janvier 2004. Il s'agit de

 11   l'affaire Kostic, l'affaire ayant été entamée au mois de mai, le 2 mai.

 12   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Passons à la page 2, et occupons-nous de

 13   l'alinéa A.

 14   Q.  Il s'agit d'un débat factuel dans le cadre de cette affaire, sans

 15   entrer dans le détail, on fait mention de lois adoptées par le Parlement

 16   croate, le Sabor, jusqu'à l'adoption de ce programme en vue du retour, en

 17   l'occurrence il s'agit de cette personne-là qui a quitté son foyer lors de

 18   l'opération Tempête en août 1995, une autre personne en a pris possession

 19   et, lui, il voulait expulser évidemment cette personne-là de son foyer. Il

 20   a été demandé donc l'expulsion de cette personne de sa maison. La cour

 21   croate a fait droit à cette sollicitation, à cette requête, il a été

 22   ordonné à cette personne-là qui a occupé la maison de Kostic de la quitter,

 23   et pendant un laps de temps de trois années qui s'est ensuivi, cet homme-là

 24   s'est adressé à la Cour européenne des droits de l'homme.

 25   R.  Puis-je avoir un aperçu de ce qui s'est passé en date du 19 janvier, à

 26   la fin de la page ?

 27   Q.  Bien sûr.

 28   R.  Il s'agit de la portion du texte en bas de page.

Page 5157

  1   Q.  Dites-moi tout simplement lorsque vous l'aurez retrouvé ?

  2   R.  Nous lisons : "Le 19 janvier 1999, la commission chargée de questions

  3   de logement a annulé --

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   R.  Oui, ça va, ça va. Vous pouvez poursuivre.

  6   Q.  Cela nous confond un peu.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de passer à la page 2, pouvons-

  8   nous voir le haut de la page, s'il vous plaît. Je voulais vérifier quelque

  9   chose.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit d'une note à moi, Monsieur le

 11   Président. Ceci peut être tout à fait ignoré. Ça ne fait pas partie de

 12   l'affaire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Procédez.

 14   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 15   Q.  La procédure a été reprise et il y avait plusieurs tentatives de voir

 16   des gens qui voulaient faire partir les gens qui ont occupé leurs maisons.

 17   Les personnes qui ne voulaient pas quitter ces maisons-là restaient pour y

 18   résider. Passons maintenant à la page 5. Le requérant exprime son grief,

 19   c'est-à-dire, lui prône le droit qui est le sien de pouvoir avoir

 20   l'usufruit de sa maison, ses droits étant violés, lui ne peut pas reprendre

 21   la possession de sa maison, et lui se considère comme étant discriminé,

 22   parce que tout simplement il est d'origine serbe.

 23   Passons à la page 6, vers le milieu du texte sur cette page-là où nous

 24   pouvons lire : "En 1998, le Parlement a adopté un programme portant sur le

 25   retour des réfugiés et des personnes déplacées, lequel programme devait

 26   garantir le retour et la reprise en possession, la possession de leurs

 27   biens, des gens et par des gens qui ont quitté la Croatie."

 28   Pourtant : "Les résidents de ces maisons qui étaient les leurs devaient

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  1   être déménagés dans d'autres contenus d'hébergement. Le gouvernement trouve

  2   qu'il faut assurer le retour des personnes dont les propriétés ont été

  3   confisquées et qui ont été allouées d'ailleurs en vue d'utilisation à

  4   d'autres personnes, par la même occasion, faudra-t-il protéger les droits

  5   des réfugiés qui, entre-temps y ont emménagé, ont emménagé dans ces

  6   maisons."

  7   Et si nous passons à la page 7, le requérant dans la section 2 se plaint

  8   d'être discriminé, d'être l'objet de discrimination du fait qu'il est

  9   d'origine serbe, et ainsi aucun ordre de délocalisation n'a été donné dans

 10   le district de Petrinja. Il s'agissait encore une fois d'une personne qui

 11   est d'origine serbe.

 12   Il a dit que le gouvernement de la Croatie a soumis également des

 13   statistiques au moyen desquelles il a été prouvé que de tels documents

 14   existaient et chose qui a été constatée par la cour en Croatie, ce que nous

 15   pourrons lire plus tard dans le texte. Quand on parle de la cour, on parle

 16   également de la Cour européenne des droits de l'homme où il est constaté

 17   que : "Le programme portant sur le retour prend en considération également

 18   toutes les personnes concernées sans discrimination aucune qui aurait été

 19   signalée par des requérants en quoi que ce soit."

 20   Ce programme de retour en 1998 n'était qu'un début, n'est-ce pas,

 21   peut-être pas très efficace, mais fallait-il procéder à une réglementation

 22   meilleure pour que les gens puissent retourner en Croatie, n'est-ce pas ?

 23   R.  Il s'agit tout simplement d'un début d'ordre procédural ?

 24   Q.  C'est une question reprise par Kuzmanovic, oui, qui prête à confusion.

 25   Dans le cas de Kostic, il s'agit de dire que le programme n'est pas

 26   discriminatoire. Il s'agit d'un programme qui est également valable et

 27   appliqué à l'intention de tous les citoyens, peu importe si c'étaient des

 28   Serbes. Les Serbes n'ont pas été objet de discrimination.

Page 5159

  1   Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que cette loi adoptée en 1998

  2   a peut-être orientée mieux les citoyens croates, de nationalité croate,

  3   également des situations ou opportunités, possibilités qui seraient

  4   meilleures que celles offertes à d'autres pour retourner en Croatie ?

  5   R.  Je me mettrai d'accord avec vous pour dire que cette loi adoptée en

  6   Croatie à l'intention des Serbes de citoyenneté croate a mieux réglementé

  7   le retour en Croatie de ces gens-là, ce qui cadre avec la déposition qui

  8   était la mienne, avec la déclaration qui était la mienne dans le sens de

  9   l'amélioration de la situation.

 10   Si on ne lit pas cette loi, si on ne l'élabore pas, si on ne traite pas de

 11   tout ce que le droit comprend, je ne peux pas évidemment déposer ici pour

 12   dire que ceci a peut-être mieux élaboré les procédures réglementaires. Mais

 13   disons que la situation a été quelque peu meilleure.

 14   Q.  Fort bien.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vais d'abord annoncer maintenant les

 16   trois autres cotes D qui nous restent encore et que je ne me propose pas

 17   d'ailleurs d'exploiter ici, lesquels documents traitent de ce sujet.

 18   Monsieur le Président, si vous voulez que je demande l'adoption de ces

 19   documents pour être versés au dossier, je le ferai par écrit, mais sachons

 20   que nous avons encore quatre documents du genre.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il s'agit déjà de quelque

 22   chose qui a été déjà connu dans l'administration du Tribunal.

 23   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous nous procurez des copies papier,

 25   format papier, je crois que ceci serait suffisant. Peut-être M. Tieger, lui

 26   aussi aimerait l'avoir.

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, nous procéderons de la sorte.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit à un moment donné que la

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  1   cour a fait référence à des statistiques. Vous avez parlé également de

  2   cela, mais est-ce que vous avez eu en vue que ces documents permettaient de

  3   dire que le requérant, lui, croyait et disait qu'il n'y avait pas de cas

  4   déjà connu, en l'occurrence que les autorités croates, dans ce laps de

  5   temps depuis 1991 à 2002, pendant quatre ans ont fait état de l'existence

  6   de 15 procédures dont huit d'entres elles les propriétaires pouvaient se

  7   faire restituer leurs biens, leurs maisons ?

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que ceci devait être fait pour

 10   qu'il y ait lieu de dresser une analyse statistique.

 11   Monsieur Tieger.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît. Je crois que M.

 13   Kuzmanovic a dit que dans le cadre du programme il n'y a pas eu de mesures

 14   discriminatoires. A lire comme ce sujet nous invite de le faire, je crois

 15   que le programme devait être mis en application également avec des chances

 16   égales pour tous. Je voulais justement attirer votre attention sur ces

 17   différences.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi aussi, à prime à bord, j'ai pensé

 19   que lorsqu'on parle de la mise en application, il devrait être dit que la

 20   loi était également appliquée à l'intention de tous. C'est une autre

 21   question de savoir si en pratique cette application de la loi se fait. Et

 22   c'est une question de savoir s'il s'agit d'une affaire qui accuse

 23   l'existence d'une discrimination. Je crois que la Cour européenne s'était

 24   limitée aussi, elle.

 25   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je crois, dans cette affaire

 26   particulière.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais dans l'affaire particulière, on n'a

 28   pas fait droit à des suggestions, elle ont été rejetées parce qu'il n'y a

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  1   pas eu pratiquement d'affaires contre les Serbes qui ont été menées à bien.

  2   Sur 15 plaintes portées, il y en avait huit auxquelles on a fait droit.

  3   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, que le

  4   programme est mis en application également à l'intention de toutes les

  5   personnes, peu importe leur nationalité. Par conséquent, il n'y a pas lieu

  6   de dire que sous une quelconque forme, le requérant a pu être objet d'une

  7   discrimination, pour que tout soit clair, pour le compte rendu d'audience.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons le faire, Maître

  9   Kuzmanovic, évidemment à titre de clarté.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

 11   qu'on nous présente la pièce à conviction 3D00-1310.

 12   Q.  Avant de traiter de ce document, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais

 13   vous poser une question concernant cet arrêté du 31 août 1995 qui a fait

 14   l'objet de vos critiques, lequel arrêté présentait un délai de 30 jours,

 15   auquel délai on a apporté des modifications.

 16   La cour constitutionnelle qui elle a pris des décisions concernant la

 17   constitutionalité de certaines portions de cette loi, dites-nous, d'après

 18   les observations qui étaient les vôtres, lorsque vous traitiez de

 19   gouvernement croate, est-ce que cette décision prise par la cour

 20   constitutionnelle l'a été parce qu'il y a eu pression des Américains ou

 21   est-ce qu'il y a eu influence de Tudjman peut-être ? Pouvez-vous répondre à

 22   cette question ?

 23   R.  Vous ne me donnez que deux possibilités de choix.

 24   Q.  Oui, mais je dois vous poser des questions, Monsieur.

 25   R.  Peut-être ce n'était ni l'un ni l'autre. Je ne peux pas dire ce qui a

 26   motivé la cour constitutionnelle.

 27   Q.  Peut-être que nous pourrions traiter de cette affaire pas à pas.

 28   La pression américaine n'a pas pu influencer la décision prise par la

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  1   cour constitutionnelle à ce sujet, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non, ceci n'était pas tout à fait clair.

  3   Q.  Mais, est-ce qu'il y a eu des pressions par les Américains contre la

  4   cour en Croatie pour apporter de telles décisions ?

  5   R.  Il y a eu lieu de parler de pressions assez significatives par les

  6   Américains sur la Croatie, on en savait long au sein des milieux

  7   gouvernementaux. Mais dire que ceci devait influencer la façon dont la cour

  8   a réagi et réfléchi, je ne saurais vous le dire. Je peux dire tout

  9   simplement que nous avons parlé de ce en quoi nous avons été soutenus par

 10   nos partenaires américains, à savoir il s'agissait de parler de principes

 11   en matière de droits de l'homme. Et il s'agit de parler des obligations

 12   auxquelles la Croatie avait consenti. Or, les cours quant à elles, sont

 13   animées souvent par ce qu'on appelle les droits de l'homme. Par conséquent,

 14   je ne saurais vous dire si ceci pourrait avoir une influence sur la

 15   décision de la cour.

 16   Q.  Est-ce que vous avez su, vous, que le président Tudjman avait pu avoir

 17   une influence à exercer sur la cour constitutionnelle pour autant que vous

 18   vous en souveniez ?

 19   R.  Pour autant que je m'en souvienne, peut-être je ne suis pas dans mon

 20   droit de le dire --

 21   Q.  Je ne voudrais pas vous voir faire des conjectures.

 22   R.  Pour autant que je sache, la cour était une institution fondée dans le

 23   cadre de la structure constitutionnelle de la Croatie se trouvant sous le

 24   contrôle du parti de Tudjman. Par conséquent, je dirais pour ma part, que

 25   Tudjman devait avoir un mot à dire au sujet des investitures, évidemment,

 26   des juges, et cetera.

 27   Mais je crois qu'on ne pourrait pas évidemment parler de la

 28   juridiction croate comme étant tout à fait indépendante, complètement

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  1   indépendante en tant qu'institution.

  2   Q.  Les Etats-Unis d'Amérique ont-ils également exercé une pression sur le

  3   gouvernement de Serbie en matière des droits de l'homme ? La question qui

  4   est la mienne, c'est de savoir quels sont les succès atteints et que vous

  5   avez remarqués par rapport à la Croatie ?

  6   R.  Nous avons pu avoir beaucoup plus d'influence à exercer sur la Croatie

  7   que sur la Serbie parce que -- d'abord, la Croatie dépendait à bien des

  8   égards des Etats-Unis d'Amérique à la lumière des événements qui nous ont

  9   menés vers le retour des territoires occupés et à la lumière des accords

 10   d'Erdut, et les Musulmans et les Croates faisaient en sorte que le tout

 11   devait être lié à ce que la Croatie devait faire pour devenir partie

 12   intégrante de l'OTAN et de l'Union européenne. Pour ce qui est de la

 13   Serbie, par contre, la Serbie présentait moins d'ambitions de ce genre-là.

 14   D'autres membres de l'ONU ont imposé des sanctions à la Serbie, du fait

 15   qu'en 1994 et 1995, les forces serbes ont été bombardées, plus tard nous

 16   avons eu la guerre au Kosovo en 1999.

 17   Par conséquent, la situation est tout à fait différente.

 18   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez dit que la Croatie a été à bien des

 19   égards dépendante des Etats-Unis d'Amérique pour traiter de cette

 20   évolution. Ne trouvez-vous pas que les Etats-Unis d'Amérique ont été

 21   entravés par la Croatie par l'opération Tempête, ce qui d'ailleurs devait

 22   se solder par Dayton ?

 23   R.  Je crois que l'opération Tempête et qui a donné lieu à la campagne de

 24   Bosnie était un moment critique; est-ce que ceci annonçait les accords de

 25   Dayton ? Non. Mais je ne dirais pas que les Etats-Unis dépendaient en quoi

 26   que ce soit de la Croatie. Ce n'était pas vraiment un domaine d'intérêt

 27   vital pour les Etats-Unis d'Amérique. Notre survie n'en dépendait guère.

 28   Nous ne faisions que souhaiter voir la guerre prendre fin, et qu'il fût

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  1   dans l'intérêt de la Croatie, comme étant un élément-clé, de voir la guerre

  2   se terminer. Lorsqu'il y a eu des négociations portant sur le cessez-le-feu

  3   entre les Musulmans et les Croates en vue de créer une fédération, nous

  4   avons pu nous rendre compte du fait que c'est la Croatie qui pouvait être

  5   le moteur de tout cela. Et nous avons pu croire que Tudjman, s'il pouvait

  6   diminuer certaines de ses impulsions nationalistes, pouvait prendre une

  7   décision positive.

  8   Je crois que tout de même les Etats-Unis d'Amérique en dépendait en quelque

  9   sorte.

 10   Q.  Est-ce que ce n'est pas l'OTAN, ce ne sont pas les Etats-Unis

 11   d'Amérique qui ont lancé cette action, mais plutôt la Croatie ?

 12   R.  L'OTAN, par des pilonnages au 30 août 1995, a ouvert le volet pour

 13   ainsi dire.

 14   Q.  En Bosnie, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. C'est à cette époque-là que l'armée croate et l'armée de la

 16   Bosnie-Herzégovine ont marqué des avancements assez importants.

 17   L'OTAN ne représentait pas les forces de l'air de la fédération. Il ne

 18   s'agissait pas de ce rôle-là. Il s'agissait tout simplement d'une riposte à

 19   la suite d'un pilonnage du marché de Sarajevo et de ces massacres, je crois

 20   que ceci a infligé d'importants dommages à des Serbes, mais également ceci

 21   n'était pas sans avoir une influence dans le rapport des forces sur le

 22   terrain.

 23   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous allons maintenant nous occuper du document

 24   daté du 2 décembre 2006.

 25   Il s'agit d'un tableau statistique qui nous présente le retour de personnes

 26   déplacées ou de minorités dans différents comtés en Croatie, vers le milieu

 27   du texte de ce document où nous pouvons lire le total des réfugiés de

 28   retour, la portion à gauche, cela présente le nombre de gens qui sont de

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  1   retour. Vers le bas de la page, vous pouvez voir le total de ces valeurs,

  2   colonne numéro deux, il s'agit cette fois-ci de présenter les réfugiés qui

  3   sont en Yougoslavie; la troisième colonne représente le retour des gens de

  4   Bosnie-Herzégovine; la quatrième colonne représente les réfugiés du secteur

  5   est; ce document datant du 2 décembre 2006 accuse que plus de 90 000

  6   personnes sont de retour en Croatie depuis la Yougoslavie.

  7   Pour moi cela voudrait dire que dans une certaine mesure, la plupart, si ce

  8   n'est toutes, de ces personnes qui sont rentrées étaient en fait Serbes,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Je pense que c'est fort probable, oui.

 11   Q.  Donc entre l'an 2000 et 2006, si je me souviens bien, à partir

 12   d'environ 41 000 personnes qui sont rentrées, on est passé à un chiffre de

 13   presque de plus 90 000 personnes qui sont rentrées de Yougoslavie en

 14   Croatie, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Vous voyez que nous avons maintenant les différentes régions et à côté

 17   du numéro 15 nous avons Sibenik Knin, c'est le secteur sud, plus de 20 000

 18   [comme interprété] personnes sont rentrées dans cette région depuis seule

 19   la Yougoslavie en 2006, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'est justement le chiffre que j'ai remarqué tout de suite.

 21   Q.  Sur la droite du document, Monsieur l'Ambassadeur, le chiffre total des

 22   personnes qui sont rentrées, où nous avons le chiffre 324 000 --

 23   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le chiffre.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 25   Q.  -- nous avons les personnes déplacées et les minorités comprises,

 26   et sur la gauche, nous avons 123 000 personnes.

 27   Puis si l'on regarde sur l'endroit du document, on voit les gens qui sont

 28   partis afin de rentrer, on parle des personnes qui soit planifient ou

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  1   organisent leur retour en Croatie, et nous avons également là la région

  2   Sibenik-Knin et on voit qu'il y a encore 1 332 personnes, et si l'on ajoute

  3   ce chiffre, en tout nous avons le chiffre de 11 000 ou 12 000 personnes qui

  4   envisagent de rentrer soit depuis la Yougoslavie, soit depuis la Bosnie-

  5   Herzégovine pour s'installer en Croatie.

  6   C'est plutôt un chiffre important, n'est-ce pas ?

  7   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je n'arrive pas à faire la distinction entre

 10   ceux qui sont rentrés et ceux qui envisagent de rentrer.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, je n'arrive pas à

 12   suivre, peut-être que je suis trop lent, prenez un peu plus de temps pour

 13   dire voilà, telle rubrique, tel chiffre parce que j'ai vraiment beaucoup de

 14   mal à vous suivre.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] D'accord, voyons d'abord la partie sur la

 16   gauche du document, en bas, où nous avons le numéro 332 701, c'est le

 17   chiffre total des personnes qui sont rentrées en date du 2 décembre 2006.

 18   Et le chiffre total des personnes qui sont rentrées, y compris les Croates

 19   et les minorités, le chiffre total dépasse 340 000 personnes, plus

 20   exactement 342 701.

 21   Q.  Pour préciser les choses, Monsieur Galbraith, les personnes qui sont

 22   rentrées de HP, ça c'est plutôt le secteur est, n'est-ce pas ? Hrvatska

 23   Podonarje [phon], c'était autrefois le secteur est, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui. Si vous me dites que c'est cela, je l'accepte, je comprends ce que

 25   ces mots veulent dire, mais si vous dites que c'est le secteur est, je

 26   l'accepte.

 27   Q.  Là, on fait état de 23 584 personnes au total qui sont rentrées depuis

 28   le HP pour s'installer en Croatie. Est-ce que vous conviendrez pour dire

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  1   que ces personnes étaient avant tout des citoyens de nationalité serbe ?

  2   R.  Oui. Si on en suit la logique, c'est exact.

  3   Q.  Si l'on ajoute les citoyens qui sont de nationalité serbe qui sont

  4   rentrés en Croatie de la colonne HP, et c'est 23 584 personnes, si l'on

  5   ajoute ce chiffre au chiffre de ceux qui sont rentrés de la Yougoslavie, ce

  6   qui représente un chiffre de presque 91 000 personnes, en tout vous avez

  7   110 000, 111 000 personnes qui sont rentrées en Croatie au plus tard en

  8   2006 et qui sont de nationalité serbe, n'est-ce pas ? Si ces chiffres sont

  9   exacts.

 10   R.  Oui. Mais il faudrait également inclure ceux qui sont rentrés de

 11   Bosnie.

 12   Q.  Oui, je voulais en parler par la suite. Mais c'étaient avant tout des

 13   Serbes, n'est-ce pas ?

 14   R.  Etant que le gouvernement croate n'a pas traité les Croates en tant que

 15   minorité, et je présume qu'il n'y avait pas beaucoup de Musulmans, je pense

 16   que ce chiffre inclut également les réfugiés serbes qui sont allés

 17   s'installer quelque part en Republika Srpska, en Bosnie.

 18   Q.  En 2006, si ces chiffres sont exacts, nous avons à peu près 120 000

 19   Serbes qui sont rentrés s'installer en République de Croatie ?

 20   R.  Oui. Et encore 10 000 qui souhaitaient rentrer ou qui étaient dans le

 21   processus de rentrer.

 22   Q.  D'accord.

 23   R.  Oui, je pense que ces chiffres semblent corrects.

 24   Q.  Vous avez raison, Monsieur l'Ambassadeur.

 25   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 26   document.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à soulever, Monsieur

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  1   le Président, mais je voudrais parler avec le conseil de la source d'où

  2   émane ce document.

  3   M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document sera versé au dossier, mais

  5   on garde la possibilité que le Procureur peut demander à la Chambre de

  6   revoir sa décision au sujet du versement.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D429.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D429 est versée au dossier.

  9   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 10   Q.  Souhaitez-vous dire quelque chose ?

 11   R.  Oui, je pense qu'il y a encore quelque chose d'intéressant au sujet de

 12   ce tableau, si l'on regarde les régions dans les anciens secteurs sud et

 13   nord.

 14   Q.  Sisak ?

 15   R.  Je regardais Sisak, Zadar, Sibenik, Knin, Lika Senj -- est-ce que

 16   Karlovac y serait aussi, Sisak également. En regardant les chiffres se

 17   référant aux minorités -- j'essaie de faire le calcul maintenant.

 18   Q.  Vous savez, c'est pour ça que je suis devenu avocat, pour éviter les

 19   calculs.

 20   R.  Donc 57. Je pense qu'en tout il y a 81 000 personnes qui sont rentrées

 21   sur un total de 180 000 qui sont parties. Et pour moi, c'est un chiffre

 22   fort encourageant.

 23   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que l'on

 25   affiche la pièce D214.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le titre de ce document n'indique pas

 27   grand-chose, et j'aimerais essayer de comprendre la chose suivante.

 28   Les noms de régions, est-ce que ce sont les noms des régions dans

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  1   lesquelles ces personnes sont rentrées ?

  2   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il y a également des exemples de

  4   régions qui ne sont pas connues, mais où les gens sont rentrés quand même ?

  5   Ce que j'essaie de comprendre, c'est ce que ce tableau veut dire

  6   précisément -- les personnes qui sont rentrées et qui étaient anciennement

  7   déplacées.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pense que ce chiffre se réfère aux

  9   Croates qui étaient déplacés pendant la guerre et qui sont rentrés.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Et puis le retour des

 11   personnes en minorité.

 12   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ça, c'est la troisième colonne.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc le total, s'agissant des minorités,

 14   des personnes qui sont rentrées, puis des personnes qui sont parties afin

 15   de rentrer.

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ce sont des personnes qui envisage de

 17   rentrer. C'est comme ça que je le comprends, qui sont parties et qui

 18   maintenant envisagent de rentrer.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Maintenant je comprends.

 20   Ensuite, nous avons les personnes qui demandent le retour ?

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite nous avons des réfugiés. C'est

 23   quoi cette catégorie ?

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ce sont des personnes réfugiées qui n'ont

 25   pas de statut de citoyenneté réglée, mais qui sont tout simplement des

 26   réfugiés. Ils ne sont pas forcément ni Croate ni Bosnien, mais ils sont

 27   réfugiés, venus de ces régions-là.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il s'agit d'un grand nombre de

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  1   personnes. D'où viennent-ils ?

  2   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Du Kosovo ou d'une autre région de l'ex-

  3   Yougoslavie.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Est-ce que cela peut inclure

  5   les personnes qui sont considérées comme réfugiés et qui ont quitté la

  6   Croatie ?

  7   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pense que ces personnes pourraient être

  8   incluses dans cette catégorie.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite nous avons ceux qui se sont

 10   installés. Et qui proviennent d'où ?

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] De n'importe où.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le total dans ce chiffre, sont

 13   incluses toutes les personnes, n'est-ce pas ?

 14   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Exactement. C'est sur la droite de ce

 15   tableau.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Maintenant je comprends

 17   comment vous avez compris ce tableau et ce que ce tableau est censé nous

 18   dire. Ce tableau a été fait en 2006.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de cette catégorie des personnes

 20   qui se sont installées.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit du mois de décembre, le 2

 22   décembre 2006.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la manière américaine d'indiquer la

 24   date m'a rendu perplexe.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] La catégorie "settlers", les personnes qui se

 26   sont installées, je pense que ce sont des personnes qui sont probablement

 27   croates que Tudjman voulait faire venir pour s'installer en Krajina au lieu

 28   de la population serbe, parce qu'au vu des régions où ils se sont

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  1   installés, c'était pour la plupart les anciens secteurs nord et sud. Ce qui

  2   est vraiment fort étrange est le fait que peu de gens souhaitaient rentrer

  3   et habiter là-bas dans ces régions-là.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

  5   Et la région de Knin est près de quel numéro ?

  6   M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est le numéro 15, Sibenik-Knin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord, je vois.

  8   Bien sûr, il ne revient pas au conseil de faire les explications mais

  9   j'imagine que M. Tieger n'avait rien contre.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je fais tout à fait confiance à Me Kuzmanovic

 11   et ce que je voulais savoir c'est quelle est la source de ce document parce

 12   que là ce que nous avons vu fait partie d'un document bien plus important.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et moi, je n'ai parlé que ce que

 14   nous avons pu voir maintenant et lire dans ce document.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'en parlerai avec mon confrère du bureau

 16   du Procureur.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche la

 19   pièce D214, s'il vous plaît.

 20   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un procès-verbal tenu lors d'une

 21   audience à huis clos du gouvernement de la République de Croatie en date du

 22   5 octobre 1995. Vous pouvez voir que plusieurs ministres ont été présents

 23   lors de cette session, tout d'abord, le premier ministre, ensuite Dr

 24   Granic, le vice-premier ministre, puis plusieurs autres vices-premiers

 25   ministres, et le ministre Jarnjak.

 26   A la deuxième page, nous pouvons voir quel était l'ordre du jour. Je veux

 27   attirer votre attention sur quelque chose, on parle ici de l'information

 28   selon laquelle dans la région de Varivode, neuf civils serbes ont été tués.

Page 5173

  1   R.  Vous me demandez si j'étais au courant de ce qui s'est passé à Varivode

  2   ?

  3   Q.  Oui.

  4   R.  A l'époque, nous en avons parlé et nous avons vraiment attiré

  5   l'attention du gouvernement croate sur cet événement.

  6   Q.  Vous pouvez voir le projet de traduction de ce document, et je vous

  7   donnerai le numéro 3D, c'est 0696.

  8   Avant que le texte ne s'affiche, je vais vous donner le résumé pour que

  9   vous compreniez le contexte. Le ministre des Affaires intérieures présente

 10   un rapport à propos de cet incident, il fait état des mesures qui ont été

 11   prises par le ministère des Affaires intérieures, et ce, après qu'une

 12   discussion a eu lieu sous l'égide du premier ministre Valentic.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est finalement le document D215 que je

 14   voudrais voir affiché à l'écran.

 15   Donc la pièce 0681.

 16   Q.  J'aimerais insister sur le fait qu'il s'agit d'une séance qui s'est

 17   tenue à huis clos, il ne s'agit pas d'une séance publique, il n'y a pas de

 18   journalistes, il n'y a personne qui fait un reportage à la télévision, donc

 19   nous n'avons pas le contexte. Il s'agit, je le répète, d'une réunion tenue

 20   à huis clos et ceux qui étaient présents, c'est les personnes dont les noms

 21   sont énumérés dans l'ordre du jour.

 22   Il est indiqué que M. Jarnjak parle et dit essentiellement qu'il espère que

 23   dans quelques jours : "Nous aurons des informations très prochainement pour

 24   que nous puissions communiquer publiquement les noms des personnes qui ont

 25   participé et commis cet acte."

 26   Il est en train d'informer le groupe présent de ce qu'il va faire et le

 27   premier ministre de la Croatie s'exprime, cela dure sur plusieurs pages,

 28   cela a son importance parce qu'il s'agit d'un huis clos --

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  1   M. TIEGER : [interprétation] Avant que cette page ne soit ôtée à l'écran,

  2   je remarque que ce qui précède, le paragraphe qui a été lu reprend un

  3   commentaire qui d'ailleurs a été fait par le témoin à propos de l'incident

  4   de Varivode, je pense qu'il serait utile que le témoin puisse en prendre

  5   connaissance.

  6   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, oui. Il s'agit des accusations plus

  7   tôt présentées par le comité Helsinki à propos de cet incident. Alors peut-

  8   être que d'une certaine façon il commençait à se rendre compte de ce qui

  9   s'était passé par rapport à l'enquête.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui se trouve juste avant ce dont vous avez

 11   donné lecture est encore plus important parce que voilà ce qui est dit :

 12   "Ce que je dis, c'est que la pression du public international, de tous les

 13   côtés, est exceptionnellement importante et c'est une tentative car nous

 14   avons publié une déclaration hier -- ou lundi, nous avons publié cette

 15   déclaration hier, nous avons réitéré la déclaration pour apporter notre

 16   réponse aux accusations proférées par le comité croate Helsinki parce que

 17   cela va certainement contribuer au climat qui règne, aux activités de

 18   campagne électorale qui ont commencé. Tout le monde essaie de transformer

 19   cette atmosphère afin qu'elle corresponde à sa propre sphère d'intérêt."

 20   Voilà, c'est un peu dur à suivre quand même.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, Monsieur Galbraith, lorsque

 22   vous commencez à lire, vous lisez de plus en plus vite. C'est une

 23   expérience que nous avons tous fait ici. Il fallait attendre que les

 24   interprètes finissent.

 25   Mais je vous inviterais quand même à ralentir votre rythme lorsque vous

 26   lisez.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cette déclaration a un peu prêté

 28   à confusion, il n'est pas facile de la comprendre, mais ce qui a son

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  1   importance ici, et cela est tout à fait conforme à mes observations, c'est

  2   cette phrase : "Je suis en train de vous dire que la pression du public

  3   international, de tous les côtés, est particulièrement importante." Ça

  4   c'était véritablement au cœur de leur préoccupation.

  5   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Nous allons voir ce que dit le premier ministre au bas de cette page, à

  7   la page suivante.

  8   Au bas de la page, le premier ministre, je vais commencer par ce qui est

  9   écrit au milieu : "Mais j'aimerais dire aux fins du compte rendu du procès-

 10   verbal et par rapport à ma propre responsabilité, qu'un Etat où des civils

 11   sont tués quels que soient les auteurs de cet événement est par conséquent

 12   un Etat qui ne peut pas intervenir…"

 13   Page suivante. "Un Etat qui ne peut pas protéger les civils, cet Etat n'a

 14   absolument aucun espoir de parvenir aux objectifs pour lesquels nous nous

 15   battons. Je comprends tout à fait que l'on retrouve plusieurs éléments, la

 16   vengeance, la violence, la portée au gain, mais nous devons prêter la plus

 17   grande importance à ceci. J'en ai parlé avec beaucoup de sérieux avec le

 18   président du pays, qui est la seule personne qui a une possibilité parce

 19   qu'il a le pouvoir et l'autorité sur les chefs d'état-major de l'armée et

 20   un gouvernement qui n'a pas d'autorité officielle, ni de facto, et je le

 21   dis personnellement, et je le dirai à chaque occasion qui s'offrira à moi,

 22   je ne pourrai pas véritablement garder ma sérénité tant que l'auteur de cet

 23   incident n'est pas sanctionné.

 24   "Cela a son importance pour toute personne qui vit dans cet Etat.

 25   Personne ne peut tuer quelqu'un, particulièrement lorsqu'il s'agit de

 26   personnes âgées innocentes. D'ailleurs je dirais qu'il n'y a absolument

 27   aucun objectif supérieur qui pourrait justifier cette action, cela ne peut

 28   pas tout simplement être oublié. Il y a autre chose qu'il convient de dire

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  1   et qui a son importance. Des événements de ce genre nous lèsent du point de

  2   vue politique et du point de vue économique. La Croatie ne pourra pas

  3   rallier le conseil de l'Europe, il n'y aura pas d'intégration dans les

  4   institutions financières internationales. Ceux d'entre vous qui allez à

  5   Washington le verront. Demain, je vais à Varsovie et je sais quel est le

  6   type de questions et de pressions qui vont être exercées là-bas."

  7   Cette déclaration se poursuit et le libellé est plutôt fort, sur le reste

  8   de la page cela se poursuit également, d'ailleurs les formules fortes qui

  9   sont employées peuvent être trouvées à la page suivante. Si vous voyez le

 10   dernier paragraphe, il termine et c'est le premier ministre Valentic qui

 11   conclut comme cela : "Par conséquent, cela est très grave, et je vous donne

 12   mon point de vue en tant que personne et en tant que premier ministre, et

 13   je répète que je suis absolument conscient du fait qu'au vu de cette

 14   situation catastrophique où vous avez des centaines de milliers de

 15   personnes qui sont déplacées, réfugiées et tuées, beaucoup de choses

 16   peuvent se passer. Mais le critère pour l'Etat que nous sommes nous

 17   permettra de voir si nous pouvons mettre un terme à ceci ou non, parce que

 18   parler d'une économie de marché, parler de démocratie alors que des gens se

 19   font tuer, cela ne peut pas exister, Mesdames et Messieurs. Essayons au

 20   moins d'introduire une administration militaire, une administration de la

 21   police là-bas, construisons ou établissons des camps, mettons des fils

 22   barbelés, mais nous ne pouvons pas avoir ce genre de cow-boys qui se

 23   déplacent et tuent les gens."

 24   On a l'impression que c'est quelque chose que vous auriez pu dire vous-

 25   même, Monsieur l'Ambassadeur.

 26   R.  Si j'avais pu m'exprimer de façon aussi éloquente que le premier

 27   ministre Valentic, je l'aurais fait. J'ai déjà déposé à ce sujet, mais je

 28   vais répéter ce que j'ai déjà dit. Il y avait de nombreuses personnes

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  1   honnêtes qui faisaient partie du gouvernement de la Croatie, qui n'aimaient

  2   pas ce qui se passait. Je vous ai déjà parlé du ministre des Affaires

  3   étrangères, M. Granic. Je n'ai pas eu beaucoup à voir avec Valentic, mais

  4   clairement, manifestement il s'agit d'une déclaration particulièrement

  5   véhémente de sa part qui prouve que c'était un homme intègre.

  6   Q.  Mais le ton de la discussion alors qu'il s'agit d'une séance à huis

  7   clos d'ailleurs, alors vous avez le premier ministre de ce pays qui

  8   s'exprime, et est-ce que vous avez l'impression qu'il s'agissait d'un

  9   gouvernement qui ne souhaitait absolument pas empêcher ce genre de chose ?

 10   R.  Il y avait des gens parmi le gouvernement qui ne voulaient pas que cela

 11   se passe, mais j'aimerais attirer votre attention sur ce qu'a dit le

 12   premier ministre Valentic un peu plus tôt dans sa déclaration. Si vous

 13   reprenez, par exemple, la page précédente --

 14   Q.  Oui, oui, bien sûr. Je pense que c'est vers le haut, là où il était

 15   question du président.

 16   R.  Oui. "J'ai parlé avec beaucoup de sérieux avec le président de ce pays

 17   qui est le seul qui a la possibilité puisque c'est lui seul qui a le

 18   contrôle et l'autorité sur les chefs d'état-major militaires, alors que le

 19   gouvernement," à savoir le premier ministre et son cabinet de ministres,

 20   "n'a pas d'autorité officielle de facto." Et avec le système croate qui

 21   existait avec le président Tudjman, c'était le président de la république

 22   qui s'occupait de sécurité nationale ainsi que le ministre de la Défense et

 23   des Affaires étrangères, et ce n'est pas le premier ministre.

 24   Q.  Mais vous conviendrez quand même avec moi que non seulement le premier

 25   ministre Valentic et le ministre des Affaires étrangères Granic, mais qu'il

 26   y avait d'autres personnes qui faisaient partie du gouvernement croate qui

 27   voulaient absolument mettre un terme à cela ?

 28   R.  Oui, il y en avait d'autres, tout à fait. D'ailleurs, cela est très

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  1   clair, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je pense que notre

  2   pression a abouti parce que nous avions des alliés au sein du gouvernement

  3   croate, parmi la population croate, parmi les organisations non

  4   gouvernementales, et je pense que la population croate, et cela on le voit

  5   très, très clairement en 2000 lors des élections et lorsqu'ils ont voté une

  6   écrasante majorité pour élire un président et un premier ministre qui

  7   envisageaient et ont permis les retours en question que nous avons pu voir

  8   sur le tableau précédent.

  9   Q.  J'aimerais vous montrer un extrait vidéo, Monsieur l'Ambassadeur, un

 10   extrait qui va durer moins de 15 secondes, je suppose.

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il y a un texte. C'est deux personnes qui

 12   parlent, quatre lignes.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Journaliste : Monsieur le Général, est-ce que les Musulmans de Bihac

 16   vont continuer à provoquer dans la région de Ribic beaucoup plus longtemps

 17   ?

 18   Ratko Mladic : Oui, et ils vont être complètement anéantis comme ils l'ont

 19   été à Srebrenica et Zepa."

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] 

 22   Q.  Il s'agit d'un extrait du général Mladic qui parle du potentiel de ce

 23   qui s'est passé à Bihac, assez semblable à ce qui s'était passé à

 24   Srebrenica et à Zepa et c'était véritablement une crainte réelle et vous

 25   avez parlé de cette crainte, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, c'était une crainte véritable. Et le voir me fait froid dans le

 27   dos, rien que de penser à ce qu'il aurait fait ou à ce qui se serait passé

 28   s'il avait réussi à prendre Bihac.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaite que cet extrait vidéo qui a

  2   été très, très court soit versé au dossier.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, le texte n'a pas été

  4   consigné au compte rendu d'audience.

  5   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce 3D00-1356.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce texte n'apparaît pas dans le compte

  7   rendu d'audience. Il ne s'agit que de deux ou trois lignes.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il y avait quatre lignes.

  9   Nous allons le diffuser à nouveau, et puis j'espère que cela pourra être

 10   consigné au compte rendu d'audience. C'est très succinct.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les interprètes peuvent

 12   interpréter à partir du texte qui a été fourni ? Et ce texte, ces sous-

 13   titres nous donnent le texte anglais, ou plutôt la traduction anglaise du

 14   texte.

 15   Alors est-ce que l'on pourrait revoir cela, je vous prie ?

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Journaliste : Mon Général, est-ce que les Musulmans de Bihac vont

 19   continuer à provoquer la défense des Serbes dans la zone de Ribic pendant

 20   beaucoup plus de temps ?

 21   Ratko Mladic : Oui, et ils le feront jusqu'à ce qu'ils soient

 22   anéantis comme ils l'ont été à Srebrenica et à Zepa."

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que cela a réglé votre problème,

 25   Monsieur le Président ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois maintenant que cela a été

 27   consigné au compte rendu d'audience. J'ai entendu que l'interprétation

 28   française avait été faite, et je pense qu'on peut suivre l'original sur la

Page 5181

  1   bande.

  2   Poursuivez.

  3   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous étiez informé d'une opération

  5   que l'ARSK allait mener à bien en conjonction avec l'armée des Serbes de

  6   Bosnie, opération que l'on a appelée opération Mac pendant cette période --

  7   opération Glaive [phon] ?

  8   R.  Le nom de code n'évoque rien. Non, je ne me souviens plus de ce dont il

  9   s'agissait, mais je savais que l'ARSK et l'armée des Serbes de Bosnie

 10   avaient attaqué Bihac conjointement.

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 13   M. TIEGER : [interprétation] J'ai remarqué qu'après que Me Kuzmanovic a

 14   versé au dossier l'extrait vidéo, il a été question du problème de

 15   traduction ou du fait que ça n'avait pas été consigné, donc on n'a jamais

 16   versé au dossier le document en question.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de me l'avoir rappelé,

 18   Monsieur Tieger. Je suppose que cela signifie que vous n'avez aucune

 19   objection ?

 20   M. TIEGER : [interprétation] Non, je n'ai pas d'objection, puisque c'est le

 21   même extrait que nous avions vu auparavant.

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, c'est exact. C'est ce que nous avions

 23   présenté lors des déclarations liminaires.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'ai l'impression que cela ressemblait à

 25   un autre extrait que nous avons vu dans d'autres contextes.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est tout l'entretien qui

 27   est versé au dossier ?

 28   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, je ne le pense pas. Je pense que nous

Page 5182

  1   avons plusieurs extraits.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plusieurs extraits. Bien. Monsieur le

  3   Greffier, qu'en est-il ?

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D430.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D430 est versée au

  6   dossier.

  7   Poursuivez, Maître Kuzmanovic.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais que soit

  9   affiché un document qui porte sur l'opération Mac, 3D00-0773. Nous avons

 10   demandé que ce document soit traduit en anglais et nous avons fait cette

 11   demande il y a un certain temps maintenant. Le document n'a pas été traduit

 12   et j'allais demander à mon conseil  -- ou mon confrère Goran de nous donner

 13   lecture de ce document en croate, qui sera traduit, ensuite je poserai les

 14   questions que je souhaite poser à ce sujet.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Bien qu'il n'appartient pas aux

 16   interprètes de fournir ce genre de traduction, mais si vous vous contentez

 17   de lire de petits extraits, en général, il n'y a pas d'objections.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous avons demandé la traduction il y a un

 19   certain temps de cela.

 20   Si vous pouviez afficher le document, ainsi vous pourriez suivre, il s'agit

 21   du document B/C/S, bien sûr.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Ce document est une information de

 23   l'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska,  notamment de sa

 24   section sécurité. Il se lit : "Réalisation des tâches de OA Mac, intitulé

 25   Mac 1." Je vais donner lecture d'une partie de ce document.

 26   "Au début du mois de juillet de l'année courante, le commandement de

 27   l'état-major principal de l'armée serbe de Krajina a rédigé une directive

 28   portant réalisation de l'opération Mac, laquelle concerne les opérations en

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  1   cours à l'encontre du 5e Corps ayant pour but de le mettre en échec.

  2   "L'opération Mac devait être entamée en date du 15 juillet, on pense à

  3   1995, comme ceci figure dans l'intitulé, pendant les toutes premières

  4   heures du matin. Pour cette opération ont été engagées et déployées les

  5   forces du commandement Pauk, "araignée", et une partie des forces des 21e

  6   et 39e Corps. Dans le cadre de l'opération (lors des préparatifs), le

  7   commandant de l'armée de Srpska Krajina a décidé l'utilisation d'agents

  8   biologiques pour intoxiquer les articles de grande consommation (farine,

  9   sucre, huile, détergents liquides pour laver la vaisselle), par le biais

 10   d'un commerce illicite, le tout devait être livré par vente au 5e Corps

 11   pour provoquer des maladies contagieuses et en masse des combattants, ce

 12   qui voulait dire que ces combattants devraient être hors effectif.

 13   L'incubation de la maladie devait se prolonger pendant cinq ou sept jours."

 14   En note de bas de page : "Une dose normale a été déjà testée sur un membre

 15   de la force oustachi, Marijanovic Goran, ce qui lui a été inoculé -- les

 16   symptômes ci-dessus mentionnés ont duré pendant six jours. Il a été pris en

 17   charge par les médecins, ce qui a probablement amoindri la durée de la

 18   réaction.

 19   "Cet agent est sous forme d'une poudre produite en Republika Srpska.

 20   Lorsque pris en grandes doses, compte tenu de la résistance de l'organisme

 21   humain, le tout pourrait avoir une issue létale. Normalement utilisé, par

 22   des doses normales, il s'agit de signaler des maux d'estomac, diarrhée,

 23   maux de tête et convulsions au niveau de l'estomac. En date du 22 juillet

 24   1995, nous n'avons pas enregistré de cas de cette maladie. Sécuriser les

 25   articles livrés par vente au 5e Corps et inoculation d'agents, qui avaient

 26   pour but de mettre à l'échec les effectifs, était fait par le centre des

 27   renseignements de la direction du renseignement de l'état-major principal

 28   de l'armée de Yougoslavie stationnée à Topusko. Lors de cette action, y ont

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  1   pris part le colonel Zimonja Nikola et le lieutenant-colonel Milan Krgovic,

  2   avec l'engagement d'un homme d'affaires qui répond au nom de Misevic Nenad

  3   de Glina."

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  5   Q.  Merci de la patience avec laquelle vous avez suivi la lecture de

  6   ce texte, Monsieur l'Ambassadeur.

  7   Ces données concernant l'opération Mac permettent-elles de rafraîchir

  8   votre mémoire en la matière, est-ce que les forces conjointes de Republika

  9   Srpska et des forces serbes ont pu planifier une telle opération ?

 10   R.  Je savais - ce dont j'ai déjà témoigné ici - qu'il y avait une

 11   opération conjointe menée par l'ARSK et des Serbes de Bosnie qui avaient

 12   l'intention de prendre Bihac, ce qui revient au même de toute évidence, ce

 13   dont on traite ici lorsqu'on parlait de mettre en échec le 5e Corps.

 14   Pour ce qui est de l'autre partie du document, il s'agit d'une tentative

 15   d'inoculer du poison à des membres du 5e Corps, je n'ai pas d'information

 16   là-dessus, pour autant que je m'en souvienne, mais en tout cas cela semble

 17   assez dramatique.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, que ce

 19   document soit versé au dossier.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il faut le marquer à titre

 22   d'identification, si nécessaire.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Ceci serait peut-être plus important,

 24   mais ceci est à la disposition de la Chambre de première instance. De toute

 25   façon, je n'ai pas d'objection. Mais si ce document doit être traduit, je

 26   crois qu'il faudrait le revoir.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois, Monsieur Kuzmanovic, que

 28   ce qui s'était passé, sauf la portion du texte qui concerne la démolition

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  1   du 5e Corps, nous avons entendu une longue histoire sur l'utilisation de

  2   poison, ce dont le témoin disait qu'il n'en savait rien. Je ne pense pas

  3   que ce soit une façon appropriée de procéder. Vous auriez dû poser d'abord

  4   la question au témoin liée à cette opération, lui demander s'il avait une

  5   connaissance quelconque sur de tels rapports portant sur des inoculations

  6   de poison pour éliminer les opposants, peut-être on devrait présenter deux

  7   ou trois détails pour rafraîchir sa mémoire, mais ceci est une tentative de

  8   faire une démonstration nouvelle.

  9   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je crois que j'ai déjà exploité beaucoup

 10   plus de temps que j'en avais --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous blâme pas d'avoir utilisé

 12   plus de deux minutes. Mais vous nous avez fait lecture d'une histoire

 13   horrible, ce dont le témoin ne savait rien. Or, vous auriez dû tout

 14   simplement procéder à explorer de concert avec le témoin, pour voir si nous

 15   pouvons entendre une déposition quelconque de ce témoin à ce sujet. Il

 16   s'agit tout simplement de tenter une démonstration, or, nombreuses étaient

 17   les circonstances dans le cadre de la présente affaire où nous avons pu

 18   voir qu'il y avait de longues explications pour savoir qui était vraiment

 19   quelqu'un, qui a été un succès, et d'autres, des personnes horribles, et

 20   cetera. Mais je ne parle ni de l'une ni de l'autre partie.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je l'aurai en vue, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais n'essayons pas d'essayer de parler

 23   de diables ou d'anges, peu importe qui le serait, essayons de nous occuper

 24   de faits. Ceci ne vous concerne pas, vous seulement, mais toutes les

 25   parties, le bureau du Procureur et toutes les équipes des conseils de la

 26   Défense.

 27   Je suis en train de regarder l'horloge, nous avons encore deux minutes, il

 28   me semble, à notre disposition.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai peut-être encore un sujet à lancer,

  2   peut-être deux minutes.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de minutes vous demandez encore,

  4   parce que je frôle le danger de me voir interpellé par mes confrères qui

  5   doivent siéger ici cet après-midi.

  6   M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est moi qu'il faut blâmer.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Procédez, Maître Kuzmanovic.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit qu'en majeure partie ces attaques ont

 10   été depuis le territoire de la République de la Croatie ?

 11   R.  Non. Pour autant que je sache, pour ce qui est des attaques contre

 12   Bihac, c'était les armées de la République Serbe.

 13   Q.  Très bien. Mais pour ce qui est du territoire croate, il s'agit de la

 14   zone protégée de Bihac. Vous avez dit que la Croatie avait pour obligation

 15   de prévenir toute attaque depuis son territoire ?

 16   R.  J'attendais la traduction de ce que vous avez dit avant de répondre par

 17   l'affirmative.

 18   Q.  Mrksic était un général de la JNA qui se trouvait dans le secteur sud

 19   de concert avec le général Mladic pour attaquer Bihac, n'est-ce pas ? Il a

 20   été -- le commandant, excusez-moi ?

 21   R.  Le général Mrksic était le commandant de l'armée de Krajina serbe qui

 22   était là-bas investi par Milosevic, il était le commandant des forces qui

 23   attaquaient Bihac.

 24   Q.  Oui. Je voudrais vous poser une autre question au sujet de Bihac,

 25   notamment concernant la présence de l'ONU dans le secteur sud.

 26   Le général Forand était le commandant des forces du secteur sud, un général

 27   canadien qui se trouvait dans le district de Knin ?

 28   R.  Oui, j'en étais conscient.

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  1   Q.  Il a déposé ici aux pages 4401, 4402, lignes 20 à 25, pour le compte

  2   rendu d'audience, par exemple, le général ne savait pas que Bihac

  3   représentait une zone protégée par l'ONU. La question que j'ai à vous poser

  4   est la suivante : vous avez eu largement des contacts pendant que vous avez

  5   été en poste en Croatie, savez-vous comment il se faisait que le commandant

  6   du secteur sud pouvait ne pas savoir que Bihac était une zone protégée ?

  7   M. TIEGER : [interprétation] Il est difficile, Monsieur le Président, de

  8   voir comment ceci pourrait mener à une conclusion quelconque, sauf à des

  9   conjectures.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Mais s'il ne le sait pas, il peut dire

 11   qu'il ne le sait pas.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'étais en train d'écouter la traduction

 13   française. Oui, la question que vous venez de poser fait référence à pas

 14   mal de pages du compte rendu d'audience, or je ne vois pas ce que cette

 15   question représente. Si vous avez compris cette question, vous pouvez y

 16   répondre simplement, Monsieur Galbraith, s'il vous plaît.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je peux dire, c'est que je serais

 18   très surpris et, je crois, sidéré de voir qu'un général commandant les

 19   forces de l'ONU ne sait pas que Bihac était une zone protégée. Je ne peux

 20   pas répondre à la question parce que, d'abord, s'agissait-il qu'il ne le

 21   savait pas parce que je ne le savais pas, moi, mais secundo, comment se

 22   fait-il qu'il n'en est pas eu connaissance.

 23   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 24   Q.  Un dernier sujet, une dernière question serait la suivante : seriez-

 25   vous d'accord avec moi pour dire qu'ayant en vue l'ensemble des solutions

 26   au problème, en Croatie et en Bosnie, que la Croatie était devenue partie

 27   prenante aux solutions, mais pas au problème ?

 28   R.  La Croatie était une victime en 1991, pour devenir une partie prenante

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  1   au problème en 1993, pour devenir partie prenante aux solutions apportées

  2   en 1995, pour devenir une partie des problèmes également immédiatement

  3   après les opérations militaires menées à la fin des années 1990, et compte

  4   tenu des modifications au sein du gouvernement en l'an 2000, la Croatie

  5   était partie prenante des solutions.

  6   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'en ai terminé, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Kuzmanovic.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Avons-nous maintenant des cotes accordées

  9   à ces éléments de preuve.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, nous avons reçu --

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'il faudra voir quelles sont

 13   les cotes marquées pour identification. Monsieur Tieger, quelle est votre

 14   position définitive ?

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 3D00 -- devient la pièce à

 16   conviction D341 marquée pour identification.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier d'audience.

 18   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je sais que M.

 20   Galbraith nous écoute, combien de temps vous faudra-t-il pour examiner

 21   supplémentairement le témoin, je vois que le conseil de la Défense de

 22   Cermak n'a pas de questions à poser à ce témoin.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Certainement, nous allons terminer -- à moins

 24   que la Chambre de première instance n'ait pas trop de questions lors de

 25   l'audience de demain.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pensez à des questions

 27   supplémentaires ou pas ?

 28   De combien de temps vous aurez besoin ?

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  1   M. TIEGER : [interprétation] Peut-être jusqu'à 45 minutes, mais on le verra

  2   d'ici ce soir.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, au cours de la nuit, on voit que

  4   les chiffres ont été grossis.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Peut-être dans l'un ou dans l'autre sens.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la Défense.

  7   Monsieur Kehoe.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. S'il faut faire des

  9   commentaires concernant le contre-interrogatoire supplémentaire, c'est tout

 10   ce que nous pouvons dire nous aussi.

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] De même en est-il avec nous.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Monsieur Galbraith,

 13   maintenant vous pouvez être assuré que nous allons en finir avec votre

 14   déposition demain, pas trop tard au cours de la matinée, parce que

 15   maintenant nous allons lever l'audience, mais pas avant de vous dire que

 16   vous ne devez parler à qui que ce soit au sujet de la déposition faite

 17   jusqu'ici et au sujet de ce que vous direz demain lors de votre déposition.

 18   Nous reprenons l'audience demain à 9 heures, salle d'audience numéro II,

 19   Monsieur le Greffier d'audience ? Le Greffier d'audience le confirme par

 20   son hochement de la tête.

 21   L'audience est levée.

 22   --- L'audience est levée à 13 heures 52 et reprendra le jeudi 26 juin

 23   2008, à 9 heures 00.

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