Page 5085
1 Le mercredi 25 juin 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.
6 Monsieur le Greffier, veuillez annoncer le numéro de l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
8 Monsieur les Juges, bonjour tout le monde dans le prétoire. C'est l'affaire
9 IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et consorts.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
11 Les parties ont pu remarquer qu'hier à la fin de notre audience je n'ai pas
12 donné les instructions habituelles à notre témoin. Après notre audience,
13 j'ai demandé au greffier de bien vouloir passer la consigne habituelle au
14 témoin.
15 Maître Kehoe.
16 M. KEHOE : [interprétation] Oui, le greffier nous en a informés et nous en
17 sommes tout à fait satisfaits.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
19 M. TIEGER : [interprétation] Notre position est la même.
20 Mais je voulais vous dire que s'agissant des six enregistrements
21 audio que nous avons écoutés hier, si j'ai bien compris, nous n'avons pas
22 les transcriptions entières pour l'instant pour ces enregistrements audio.
23 En tout, il y en a pour six heures, je n'ai pas pu les écouter dans leur
24 intégralité, ça me prendra un peu de temps. Je ne pense pas qu'il y ait des
25 objections pour les extraits que nous avons écoutés hier, mais le Procureur
26 voudrait quand même avoir l'occasion d'écouter l'intégralité de ces
27 enregistrements avant qu'ils ne soient versés au dossier.
28 Compte tenu de la longueur de ces transcriptions, je demanderais d'avoir
Page 5086
1 une semaine pour lire la transcription. Je ne pourrai pas le faire
2 aujourd'hui, bien sûr.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons quelles en sont les
4 conséquences possibles, parce que s'il s'avère que d'autres extraits de ces
5 enregistrements audio doivent être écoutés, dans ce cas-là, vous savez qu'à
6 ce moment-là nous n'aurons plus le témoin ici dans le prétoire.
7 Il faudra peut-être faire revenir le témoin. Ce n'est pas que je préconise
8 cette possibilité. Mais nous devrons voir plus tard quelle sera la position
9 du Procureur et nous allons agir conformément à la situation telle qu'elle
10 se présentera.
11 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
12 Nous n'avons pas d'objection à ce que le Procureur les lise. Mais j'ai cru
13 comprendre qu'on nous a demandé si les extraits que nous avons écoutés
14 avaient été transcrits et non pas les six heures dans leur intégralité. Je
15 pense que nous nous sommes mis d'accord avec M. Tieger que nous allons
16 présenter juste l'extrait dans le prétoire, mais leur donner tout
17 l'enregistrement, qu'il s'agisse d'un enregistrement vidéo ou audio, pour
18 avoir tout à leur disposition, comme nous avons procédé hier, par exemple.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il faut bien sûr éviter les
20 transcriptions inutiles d'enregistrements. Monsieur Tieger, vous pourriez
21 peut-être vous contenter d'avoir juste l'enregistrement audio ou vidéo sans
22 avoir besoin d'avoir la transcription de ce matériel. S'il s'avère qu'il y
23 a des choses importantes à relever, dans ce cas-là, on pourra voir la
24 transcription.
25 Maître Kehoe, êtes-vous prêt ?
26 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une fois le témoin introduit dans le
28 prétoire, vous pourrez poursuivre votre contre-interrogatoire, vous avez
Page 5087
1 encore une heure et sept minutes.
2 M. KEHOE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Galbraith. Comme
5 hier, je souhaite vous rappeler que vous êtes toujours tenu de respecter la
6 déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre
7 interrogatoire, et maintenant Me Kehoe va poursuivre le contre-
8 interrogatoire.
9 LE TÉMOIN: PETER WOODARD GALBRAITH [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Contre-interrogatoire par M. Kehoe : [Suite]
12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.
13 R. Bonjour.
14 Q. Monsieur l'Ambassadeur, maintenant j'aimerais que nous changions de
15 sujet pour un instant -- pour quelques instants, et j'aimerais vous montrer
16 plusieurs documents et vous poser quelques questions. Il s'agit de l'accord
17 de normalisation entre la République fédérale de Yougoslavie et la
18 République de Croatie et j'aimerais maintenant que l'on affiche la pièce
19 1D33-0199.
20 Sur la page de garde il est dit qu'il s'agit d'une lettre du 11
21 septembre 1996 émanant du représentant permanent de la Croatie aux Nations
22 Unies à l'attention du secrétaire général et c'est signé par Mario Nobilo,
23 ambassadeur permanent, et c'est une lettre qui se réfère à la mise en place
24 de la normalisation des relations entre la République de Croatie et la
25 République fédérale de Yougoslavie.
26 J'aimerais que l'on passe à la page suivante, d'abord il est fait état de
27 l'accord lui-même. Et à la page suivante, ce qui m'intéresse c'est
28 l'article 7, je ne vais pas lire cet article dans l'intégralité, mais si à
Page 5088
1 un moment donné vous souhaitez que je m'arrête et que vous lisiez une
2 partie de cet article, dites-le s'il vous plaît.
3 L'article 7, premier paragraphe : "Les parties contractuelles vont
4 s'assurer que les conditions prévalent pour que les réfugiés et les
5 personnes déplacées puissent rentrer d'une manière libre et en sécurité
6 dans leurs lieux de résidence ou d'autres lieux où elles souhaitent se
7 rendre. Les parties contractantes vont s'assurer que ces personnes
8 regagnent leurs biens ou que ces personnes reçoivent une compensation.
9 "2. Les parties contractantes vont s'assurer que ces réfugiés jouissent de
10 la sécurité entière ainsi que les personnes déplacées qui souhaitent
11 rentrer. Les parties contractantes vont aider ces personnes afin que les
12 conditions nécessaires soient mises en place pour une vie sûre et normale.
13 "3. Les parties contractantes vont déclarer une amnistie générale pour tous
14 les actes commis relatifs au conflit armé, sauf les violations graves du
15 droit humanitaire qui ont trait aux crimes de guerre."
16 Maintenant j'aimerais que l'on passe les deux pages suivantes. A la
17 dernière page, on voit que c'est signé à Belgrade le 23 août 1996 par M.
18 Mate Granic, le représentant de la République de Croatie, et Milan
19 Milutinovic, représentant de la République fédérale de Yougoslavie.
20 Maintenant j'aimerais que l'on examine un autre document avant que je ne
21 vous pose plusieurs questions. J'aimerais maintenant que l'on examine la
22 pièce 1D33-0458.
23 Je vous prie de l'agrandir un peu.
24 Il s'agit d'un article de Chris Hedges du New York Times, du 24 août 1996,
25 il fait état de vos commentaires au milieu de la page, Monsieur
26 l'Ambassadeur. Au milieu de la page, il est dit : "'Il s'agit d'un
27 changement d'ordre historique', a dit l'ambassadeur américain en Croatie,
28 Peter W. Galbraith, 'le conflit serbe-croate'" --
Page 5089
1 R. Excusez-moi -- oui, je l'ai retrouvé.
2 Q. Oui, c'est au milieu de la page. C'est le quatrième paragraphe partant
3 d'en haut.
4 Est-ce que vous me suivez ?
5 R. Oui.
6 Q. "'Le conflit serbo-croate a été au fond de la guerre en ex-Yougoslavie.
7 La normalisation des relations entre les deux plus grands pays qui sont
8 issus de l'ex-Yougoslavie est un facteur d'importance afin de pouvoir
9 réaliser la stabilité dans la région.'"
10 En bas de la page, il y a encore un commentaire émanant de vous, Monsieur
11 l'Ambassadeur. Dans la dernière ligne il est dit : "'Il y a beaucoup de
12 choses ici qui sont bonnes pour les Serbes ordinaires', a dit M.
13 Galbraith."
14 Ayant à l'esprit ces deux documents, est-ce que vous pourriez nous dire
15 quelque chose au sujet du processus qui s'est déroulé entre la République
16 de Croatie et la Yougoslavie avant que cet accord ne soit réalisé ?
17 R. Cela s'est déroulé après l'accord de paix d'Erdut et de Dayton, et les
18 deux pays souhaitaient normaliser leurs relations, y compris d'établir des
19 relations économiques normales, je pense que c'est ça le contexte de cet
20 accord.
21 S'agissant du retour des réfugiés et de l'engagement et des
22 compensations, bien sûr il y avait beaucoup de pressions politiques en
23 Yougoslavie pour que cela soit réalisé, mais je peux dire que la décision
24 de Tudjman d'accepter le retour de réfugiés, du moins sur papier, était
25 suite à une pression très importante que les Etats-Unis ont mis sur
26 Tudjman. Nous avons imposé des sanctions en Croatie et nous avons menacé
27 que nous allions annuler la licence MPRI, ce qui était très important pour
28 eux, à moins qu'ils n'acceptent le retour de réfugiés et le droit de ces
Page 5090
1 citoyens croates tels que nous les voyions, d'obtenir leur citoyenneté et
2 de regagner leur propriété.
3 Cet accord avec la Yougoslavie n'était pas une concession de leur
4 part, mais c'était quelque chose que la Croatie a été forcée à faire suite
5 à des pressions des Etats-Unis.
6 Q. Est-ce que les Etats-Unis ont également fait pression pour que cette
7 disposition relative à l'amnistie soit incluse dans le paragraphe 3, à
8 savoir l'amnistie générale qui se rapporte à tous les actes commis lors du
9 conflit armé, sauf les violations les plus graves du droit international
10 humanitaire ?
11 R. L'amnistie était quelque chose sur quoi nous avons insisté pour
12 plusieurs raisons. Tout d'abord, c'était important pour la mise en place de
13 l'accord Erdut, parce que l'idée de l'accord Erdut était que le territoire
14 qui autrefois était sous contrôle serbe devienne une partie normale et
15 constituante de la Croatie, et que les Serbes puissent rester. Et si un
16 grand nombre de personnes pouvaient être accusées d'avoir commis un acte de
17 rébellion ou de traîtrise, dans ce cas-là, ces gens ne pourraient pas
18 rentrer.
19 C'est pourquoi nous voulions vraiment que des crimes tels que
20 trahison ou rébellion soient amnistiés, ce qui est normal. Cela se fait
21 après n'importe quelle guerre.
22 Mais nous pensions que les crimes de guerre et les crimes tels que
23 meurtre et viol ne soient pas inclus dans cette liste de crimes amnistiés,
24 et que ce que nous appelions la feuille de route soit appliquée; c'est-à-
25 dire que si quelqu'un est accusé de crime de guerre, dans ce cas-là cette
26 personne devrait être transférée devant ce Tribunal à La Haye où il fallait
27 déterminer s'il s'agit d'un crime de guerre ou non, et si l'on prend la
28 décision qu'il s'agit d'un crime de guerre, dans ce cas-là, cette personne
Page 5091
1 pouvait être poursuivie en Croatie et la même chose s'appliquait à la
2 Bosnie.
3 Q. J'aimerais maintenant, Monsieur l'Ambassadeur, parler de plusieurs
4 choses de votre déclaration. Corrigez-moi si j'ai tort, mais vous n'avez
5 jamais envisagé l'amnistie pour les meurtres et les viols, n'est-ce pas ?
6 R. Nous, les Etats-Unis, nous ne soutenions pas l'amnistie pour les viols
7 et les meurtres.
8 Q. Je le comprends. Mais pour les crimes de moindre envergure, par exemple
9 pour les actes d'incendie ou de pillage, vous souhaitiez que ces actes
10 soient amnistiés, n'est-ce pas ?
11 R. Je ne me souviens plus de notre position par rapport à ces crimes,
12 mais je me souviens que nous souhaitions avant tout l'amnistie pour les
13 actes tels que trahison, rébellion, donc ces crimes de plus grande
14 envergure, mais je ne sais pas quelle était notre position par rapport aux
15 actes d'incendie, par exemple.
16 Q. Mais s'agissant des crimes de guerre, les Etats-Unis et les Nations
17 Unies ont fait pression sur la Croatie pour limiter la poursuite des Serbes
18 qui souhaitaient rentrer et qui risquaient d'être poursuivis pour des
19 crimes de guerre et qu'en tout il y ait au maximum 25 personnes qui
20 pouvaient être inculpées, n'est-ce pas ?
21 R. Ça, je ne me souviens pas. Je ne me souviens plus quelle était la
22 feuille de route, mais si quelqu'un pouvait être poursuivi pour crime de
23 guerre, dans ce cas-là, cette personne devait être transférée devant ce
24 Tribunal, ensuite il prendrait la décision si elle pouvait être poursuivie
25 ou pas, et s'il fallait le faire ici au Tribunal, ou en Croatie, ou en
26 Bosnie. Mais je ne me souviens plus de ce chiffre, que le chiffre de ces
27 personnes était limité.
28 Q. Vous ne vous souvenez pas qu'il s'agissait de 25 personnes au maximum ?
Page 5092
1 R. Non.
2 Q. Et cette loi d'amnistie avait pour objectif et se réfère à toutes les
3 personnes de l'ex-Yougoslavie et de la République de Croatie pour des
4 crimes qui sont énumérés dans l'accord, n'est-ce pas ?
5 R. Maintenant vous parlez de l'accord entre la Croatie et la Yougoslavie.
6 Q. Oui. Dans le troisième paragraphe il est dit que l'amnistie générale
7 allait être mise en place.
8 R. C'est un accord bilatéral.
9 Q. Mais s'agissant de l'amnistie générale, c'est une amnistie qui devait
10 s'appliquer à tout le monde. Dans le paragraphe, on voit qu'il n'y a pas de
11 différence entre les Croates, les Serbes et les Musulmans. On parle de
12 l'amnistie générale, n'est-ce pas ?
13 R. Il faudrait que je revoie cette disposition précise, je ne l'ai pas
14 lue.
15 M. KEHOE : [interprétation] Nous pouvons revoir ce document, c'est la pièce
16 1D33-0199. Article 7, paragraphe 3.
17 Q. Vous voyez qu'il s'agit de l'amnistie générale, Monsieur ?
18 R. Oui, c'est exact.
19 M. KEHOE : [interprétation] Je demande le versement de la pièce 1D33-0199
20 et également 1D33-0458.
21 M. TIEGER : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 1D33-0199 deviendra la pièce
24 D412 et la pièce 1D33-0458 deviendra la pièce D413.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D412 et D413 sont versées au
26 dossier.
27 M. KEHOE : [interprétation] Avant de faire encore un commentaire --
28 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez dit que les Etats-Unis ont mis
Page 5093
1 pression, mais également la communauté internationale a mis la pression
2 pour que cette loi d'amnistie soit appliquée ?
3 R. Oui. Nous avons collaboré avec nos alliés Européens, les Russes et les
4 Nations Unies là-dessus.
5 M. KEHOE : [interprétation] Nous avons un document que nous souhaiterions
6 verser au dossier directement sans passer par le truchement du témoin. Il
7 s'agit des documents internationaux portant sur l'amnistie. Il s'agit au
8 fond des documents émanant de l'ONU, du Conseil de sécurité. Maintenant je
9 peux passer à un autre sujet, mais j'en parlerai avant avec M. Tieger,
10 avant de présenter ces documents à la Chambre et demander leur versement au
11 dossier.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Nous allons entendre la
13 position de M. Tieger au sujet de ces documents.
14 M. KEHOE : [interprétation] D'accord.
15 Q. Dans le paragraphe 33, vous parlez -- donc paragraphe 33 de votre
16 déclaration.
17 Dans le paragraphe 33 vous dites -- est-ce que vous l'avez sous les
18 yeux ?
19 R. Oui.
20 Q. "Après le combat en août contre les Serbes de Krajina, le président
21 Tudjman néanmoins était très focalisé sur sa position qu'il ne souhaitait
22 pas que ces Serbes rentrent. Il a expliqué que les Serbes ont choisi de ne
23 pas être Croates, qu'il leur a offert l'occasion de rester et qu'ils sont
24 partis. La Croatie ne pouvait pas reprendre ce groupe de personnes
25 déloyales au sein de la Croatie."
26 Donc après la fin de la guerre en Krajina dont nous avons parlé hier, et
27 c'était -- donc nous avons parlé de la guerre qui a duré du mois d'août
28 jusqu'au mois d'octobre. Maintenant j'aimerais qu'on aborde un autre sujet,
Page 5094
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5095
1 il s'agit de la pièce 1D33-0190. Encore une fois, Monsieur l'Ambassadeur,
2 j'aimerais vous montrer toute une série de documents.
3 R. Il y a une faute dans le paragraphe 33. Il faudrait dire "Ils ont
4 choisi de ne pas être 'Croatians', et non pas "Croats" en anglais.
5 Q. D'accord, je l'ai bien compris, merci.
6 Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un document, d'une directive qui émane
7 de Milan Martic qui porte la date du 4 septembre 1995. Vous voyez qu'il
8 s'agit de la formation de l'armée de libération de la RSK et son engagement
9 dans les opérations de combat sur le territoire de la République de Srpska.
10 Alors, il me suffit de dire qu'il s'agit d'un ordre, un ordre qui réforme
11 l'ARSK pour qu'elle se rallie à l'armée des Serbes de Bosnie, la VRS.
12 Je sais que vous n'avez probablement pas vu ce document, je voulais
13 juste attirer votre attention sur ce document.
14 Mais ceci étant dit, j'aimerais que nous voyions une vidéo, il s'agit
15 du document 1D33-0138 [comme interprété].
16 Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un extrait vidéo, extrait d'un film
17 intitulé "La chute de la Krajina" c'est une film qui a été produit à
18 Belgrade en 2006. Le film s'intitule "Les bérets rouges."
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Parce que j'y ai réfléchi, lorsque je repense à tout cela ça me rend
22 vraiment malade. La police nous a arrêtés, nous tous qui nous trouvions
23 dans le centre de réception, ils nous ont flanqués dans des bus, c'était
24 une décision absurde. Les gens ont fondamentalement été enlevés,
25 fondamentalement ils ont été enlevés ces personnes.
26 Lorsque nous sommes arrivés, je ne savais même pas où j'allais. Lorsque
27 nous sommes arrivés à Erdut, les gens sortaient les têtes de la fenêtre,
28 c'étaient des têtes rasées. Lorsque nous sommes arrivés et lorsque nous
Page 5096
1 leur avons remis tous nos documents, nous avons dû enlevés tous nos habits,
2 nos colliers, tout, tout. Personne n'avait le droit de garder quoi que ce
3 soit.
4 La police les a accompagnés vers la police de la République de la RSK,
5 ensuite ils les ont envoyés vers les centres de recrutement."
6 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
7 M. KEHOE : [interprétation]
8 Q. J'aimerais vous montrer une toute dernière chose, Monsieur, avant que
9 je ne vous pose mes questions.
10 M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'un document de la VRS qui a été
11 saisi, le document 1D33-0486. C'est un document qui ne se trouve pas dans
12 le système électronique, donc j'aimerais demander à M. l'Huissier d'avoir
13 l'amabilité de bien vouloir remettre au témoin un exemplaire papier de ce
14 document. Je souhaiterais que ce document soit également remis aux Juges de
15 la Chambre.
16 Il s'agit d'un document de quatre pages, Monsieur Monkhouse, je ne pense
17 pas que ce soit le bon document, c'est l'autre document, je pense que nous
18 pouvons l'avoir si nous passons par le mode Sanction.
19 [Diffusion de la cassette vidéo]
20 Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un document qui a été saisi après la
21 chute de la Krajina, comme vous pouvez le voir au verso des pages, c'est
22 écrit en cyrillique certes, mais vous voyez qu'il s'agit d'un document de
23 la RSK qui porte la date du 1er janvier 1995.
24 R. Je m'excuse, mais le document que moi j'ai n'a pas de titre cyrillique.
25 Q. Non, mais je vous ai donné la version anglaise parce que je vais vous
26 poser des questions à propos de la version anglaise.
27 R. Oui. Mais vous m'avez donné deux pages seulement.
28 Q. Oui, mais c'est bien. Il s'agit d'un document de l'ARSK qui indique
Page 5097
1 quels sont les hommes disponibles pour le service militaire d'après leur
2 âge et leur qualification, veuillez remarquer la date du document 1er
3 janvier 1995. Vous avez le total. Effectif total disponible pour le service
4 militaire, vous avez différentes catégories d'âge, vous voyez que dans la
5 première colonne vous avez donc 111 031. Vous voyez ce chiffre ?
6 R. Oui, je le vois.
7 Q. Pour ce qui est du nombre de personnes qui étaient disponibles pour le
8 service militaire et qui étaient à la disposition de l'ARSK ou avaient
9 intégré l'ARSK, est-ce que vous conviendrez que la République de la Croatie
10 avait quand même raison de se poser quelques problèmes en matière de
11 sécurité s'ils faisaient revenir un certain nombre de personnes contre
12 lesquelles ils s'étaient battus juste deux mois auparavant. Donc
13 conviendriez-vous quand même que la République de Croatie avait le droit de
14 se poser quelques questions en matière de sécurité ?
15 R. Non.
16 Q. Mais à ce moment-là à l'époque, je sais que ce document date du mois de
17 janvier, mais après la guerre en Krajina, la guerre continuait à faire
18 rage, elle a continué à faire rage jusqu'au mois d'octobre, et d'ailleurs
19 après également, donc pendant ces mois, les forces de la HV continuaient à
20 se battre avec les forces conjointes des Serbes de Bosnie et des Serbes de
21 la Krajina, n'est-ce pas ?
22 R. Oui. Je suppose pour certains d'entre eux.
23 Q. Etant donné qu'ils continuent toujours à se battre contre ces
24 personnes, est-ce que vous continuez à maintenir que la République de la
25 Croatie n'aurait pas dû avoir ces préoccupations en matière en sécurité, si
26 elle se contentait de faire revenir ces personnes sans savoir qui elles
27 étaient et ce qu'elles avaient fait ?
28 R. La plupart des personnes qui ont quitté la Krajina étaient des
Page 5098
1 personnes âgées, ou alors des femmes, ou alors des enfants, il ne
2 s'agissait pas de combattants, et la République de la Croatie a empêché à
3 ces personnes-là de revenir chez elles, et il y avait également des hommes
4 en âge de porter les armes. Parce que je ne pense pas qu'il y avait
5 beaucoup de personnes qui avaient l'intention de participer aux combats et
6 qui exprimaient le souhait de revenir.
7 Q. Mais alors, Monsieur l'Ambassadeur, qu'en est-il de ce chiffre de 111
8 000 personnes disponibles pour le service militaire ?
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
10 M. TIEGER : [interprétation] Je dois dire que j'ai quelques problèmes moi-
11 même à comprendre ce document. J'ai quelques problèmes à identifier ou à
12 comprendre ce qu'il est censé nous faire comprendre. Je vois qu'il s'agit
13 d'un document de l'ARSK.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que Me Kehoe avait dit qu'il
15 s'agissait d'un document non pas de l'ARSK, mais de la RSK.
16 M. TIEGER : [interprétation] Oui, la RSK.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
18 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ce qui me préoccupe un tant soit
19 peu, c'est lorsque l'on parle de ces forces mixtes, forces de la RSK,
20 anciennes forces, puis des anciennes forces de l'ARSK.
21 M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse. Je m'excuse si vous pensez que --
22 je vais essayer plutôt de présenter mes arguments de façon un peu plus
23 subtile, mais il n'empêche qu'au 1er janvier 1995, ce document indique qu'il
24 y avait 111 000 personnes qui étaient disponibles pour le service
25 militaire. Le fait est qu'il y avait un grand nombre de personnes, si,
26 comme il est dit, il y a un grand nombre personnes qui étaient parties de
27 la Krajina, j'aimerais savoir d'où venaient ces personnes, ces 111 000
28 personnes qui étaient aptes pour le service militaire.
Page 5099
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
2 M. TIEGER : [interprétation] C'est peut-être moi qui a un problème, mais
3 tel que la question est formulée, tel que je la comprends en tout cas moi,
4 on a l'impression que les 111 000 personnes qui sont parties étaient des
5 personnes qui pouvaient faire leur service militaire. Dans ce document je
6 ne trouve véritablement pas la base de cette idée, en plus d'après ce que
7 je comprends, c'est un document de la RSK.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons essayer d'élucider tout
9 cela.
10 Il semblerait que le 1er janvier 1995, la RSK avait considéré qu'il y avait
11 111 000 personnes qui étaient disponibles et aptes au service militaire.
12 Parmi ces personnes, il y en avait 26 000 qui avaient plus de 45 ans; il y
13 en avait 8 000 qui avaient jusqu'à 22 ans. Vous avez toute la pyramide des
14 âges dans le document.
15 Alors, vous avez posé une question, Maître Kehoe, vous avez demandé où ces
16 personnes s'étaient rendues. Mais dans un premier temps, Maître Kehoe, est-
17 ce qu'il ne faudrait peut-être pas déterminer, si l'on sait où se sont
18 rendues ces 111 000 personnes, mais il faudrait également savoir d'où elles
19 venaient. Il se peut que ces personnes aient été dans des casernes; il se
20 peut qu'elles s'adonnent à des tâches agricoles; qu'elles fassent partie du
21 secteur industriel -- c'est une question très générale que vous avez posée,
22 et de plus c'est une question qui est vraiment hypothétique. Avant de poser
23 cette question à M. Galbraith, je pense qu'il faudrait peut-être se pencher
24 un peu sur ce que nous savons à propos de ces personnes. Par exemple, parmi
25 ce chiffre de 111 000 personnes, combien de personnes étaient déjà engagées
26 dans des activités militaires, peut-être toutes ces personnes ou peut-être
27 une partie seulement; d'où venaient ces personnes en plus. Nous avons
28 entendu des éléments de preuve indiquant qu'il y avait eu un appel général
Page 5100
1 à la mobilisation. Nous savons également qu'il y a de nombreuses personnes
2 qui étaient encore dans leurs exploitations agricoles.
3 Par conséquent, se demander où ces personnes auraient dû aller ou où
4 elles souhaitaient se rendre est une question qui est particulièrement une
5 façon de se livrer à des conjectures. Je pense que M. Galbraith peut nous
6 dire ce qu'il savait à ce sujet et il pourra également nous dire s'il a
7 jamais réfléchi à la question, plutôt que de lui poser la question comme
8 vous l'avez fait.
9 Je ne sais pas si cela est une surprise pour M. Galbraith, je ne sais
10 pas s'il a déjà réfléchi à la question.
11 Nous allons lui demander.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je dirais en premier lieu, c'est que
13 cela nous fournit des données intéressantes par rapport à la question que
14 vous avez posée à la fin de l'audience hier à propos de la population,
15 parce que si vous étudiez ce document, premièrement il faut -- ou plutôt,
16 voyez le total qui se trouve dans le coin gauche, 111 000. Il faut ôter de
17 ce chiffre le chiffre de 41 000 pour Vukovar, ça c'est la Slavonie
18 orientale, et évidemment les gens ne sont pas partis.
19 Donc il s'agit d'un chiffre de 70 000 hommes dont l'âge est compris
20 entre -- ce que l'on peut décrire de façon très large comme des hommes en
21 âge de porter les armes. Je ne sais pas, je vois qu'il y a une catégorie
22 jusqu'à 22 ans, qu'est-ce que cela comprend ? Des jeunes gens ? Mais je
23 suppose que l'on ne prend pas en considération les enfants. Si vous avez 70
24 000 hommes en âge de porter les armes en Krajina, alors il faut savoir que
25 la population qui aurait quitté la Krajina nous donne un chiffre qui n'est
26 pas un chiffre de 100 000 mais de 200 000. Nous pensons que le chiffre se
27 situait très certainement aux environs de 180 000.
28 Deuxièmement, je ne sais absolument pas quelle est la méthode qui a
Page 5101
1 été utilisée pour compter les personnes, mais je dois vous dire que j'ai
2 vraiment du mal à croire qu'ils avaient 70 000 hommes qui pouvaient porter
3 les armes, parce qu'avoir 70 000 hommes sous les drapeaux, sur une
4 population de 100 000, c'est ce qui était avancé par Tudjman, est
5 complètement absurde. Sur une population de 200 000, c'est impossible et
6 cela ne correspond absolument pas à ce que nous avons constaté sur le
7 terrain.
8 Donc je pense que le nombre de soldats doit être compris comme les
9 "conscrits et les soldats." Puis vous avez "les soldats de réserve" et vous
10 avez également "les sous-officiers de réserve", ce qui certainement inclut
11 les personnes qui ont fait leur service militaire, ce qui correspond au
12 système yougoslave. Mais cela ne signifie pas pour autant que ces personnes
13 sont capables d'être mobilisées. Ceci étant, je n'en sais rien.
14 Mais il y a une chose qui est absolument sûre, c'est qu'il y a
15 beaucoup d'hommes qui faisaient partie des réservistes, c'était la plus
16 grande catégorie, 91 000 sur ces 111 000. Je dirais que parmi ces soldats,
17 ces réservistes, 90 % de ces personnes étaient des soldats, des hommes qui
18 se livraient à des tâches parfaitement civiles et qui ne représentaient
19 aucune menace militaire pour personne. Je peux également vous dire d'après
20 mes observations que dans la région de la Krajina la vie est assez dure, et
21 je dirais que passé un certain âge, ces types ne sont plus véritablement
22 très en forme.
23 M. KEHOE : [interprétation]
24 Q. Je vous remercie.
25 M. KEHOE : [interprétation] Je souhaiterais verser au dossier la pièce
26 1D33-0486.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
28 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais vous
Page 5102
1 dire dans un premier temps qu'en principe je n'ai pas d'objection à
2 soulever. Mais je souhaiterais quand même demander qu'une condition soit
3 respectée parce que je souhaiterais pouvoir consulter mes confrères, parce
4 que je vois qu'il s'agit d'un document qui a été capturé, donc je voudrais
5 avoir la possibilité de consulter mes confrères et mes consœurs.
6 Mais en principe je n'ai pas d'objection pour ce qui est de ce
7 document.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous aurez la possibilité de
9 revenir à la charge. Je suppose que 24 heures vous suffisent ?
10 M. TIEGER : [interprétation] Oui, tout à fait.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D414, enregistrée
13 aux fins d'identification.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous n'avons pas vu le document
15 original, mais je suppose que le document original va être inséré dans le
16 système électronique bientôt --
17 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec la disposition suivante : si le
19 document original nous montre une réalité différente ou suscite des
20 questions de la part des parties ou de la part des Juges, il faudra le
21 prendre en considération. Mais en l'état des choses, ce document, pour
22 lequel nous avons besoin d'une cote -- non, puisque la cote D414 vient de
23 lui être attribuée, donc ce document est versé au dossier.
24 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais également verser au dossier la
25 vidéo des Bérets rouges, document numéro 1D33-0188.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, qu'en est-il de la
27 vidéo ?
28 M. TIEGER : [interprétation] J'ai une objection à ce sujet, Monsieur le
Page 5103
1 Président, mais je n'ai pas eu le temps de véritablement bien étudier la
2 question, en fait je ne suis pas tout à fait sûr que ce document porte
3 précisément sur le sujet que nous traitons en l'espèce. Donc je vous
4 demanderais une fois de plus une période de grâce de 24 heures pour me
5 permettre de vérifier cela.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous avons vu la vidéo, Maître
7 Kehoe, j'ai tout à fait compris ce que nous avons visionné. On voit qui est
8 qui, il y une personne qui est tout à fait visible. C'est ce que j'ai vu en
9 tout cas. Il s'agissait des soldats de l'ARSK qui revenaient, je suppose,
10 en Bosnie-Herzégovine et qui étaient traités de telle façon qu'ils ne
11 pouvaient pas décider en toute liberté de ce qu'ils souhaitaient faire. Il
12 y a également le document, que vous avez montré un peu plus tôt, qui
13 montrait qu'ils étaient plus ou moins forcés de se rallier aux forces
14 armées pour pouvoir créer cette force armée conjointe.
15 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Après l'opération Tempête, les Serbes de
16 la Krajina qui se trouvaient à Belgrade ont été en quelque sorte
17 rassemblés, puis ensuite envoyés à Erdut en Slovénie pour combattre la HV.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --
19 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, non, je voulais parler de la
20 Slavonie orientale.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- vous avez parlé de la télévision de
22 Belgrade, et d'ailleurs cela s'est passé hier une ou deux fois, parce que
23 la Chambre ne sait pas exactement ce qu'elle regarde. D'après ce que vous
24 avez compris, c'est ce que l'extrait vidéo nous a montré.
25 Monsieur Tieger, je vous accorde un délai de 24 heures.
26 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pour que la
28 Chambre soit à même de revenir ou d'étudier la décision qu'elle vient de
Page 5104
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5105
1 prendre.
2 Est-ce que je pourrais avoir une cote ?
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Ce sera la pièce D415, enregistrée
4 aux fins d'identification.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La pièce D415 est versée au
6 dossier.
7 M. KEHOE : [interprétation] Il y a un autre document qui porte sur la
8 formation de l'ARSK, document de M. Martic qui porte la date du 4 septembre
9 1995. Il s'agit du document 1D33-0190.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Tieger.
11 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D416.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La pièce D416 est versée au
15 dossier.
16 Maître Kehoe, la Chambre a accès à ces documents lorsqu'ils ont été
17 enregistrés aux fins d'identification. Ceci étant, nous n'avons pas d'accès
18 aux documents qui se trouvent dans le système électronique mais qui n'ont
19 pas encore été versés au dossier. Par conséquent, pour pouvoir nous y
20 retrouver dans tous ces documents, parce que très souvent vous utilisez des
21 documents dans un contexte bien précis, la Chambre vous serait extrêmement
22 reconnaissante de faire votre possible pour qu'une cote puisse être
23 attribuée à ces documents, ce qui leur conférera un statut, et en tout cas
24 ce qui nous permettra d'y avoir accès.
25 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.
27 M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie.
28 Q. Monsieur l'Ambassadeur, pour revenir à certains des problèmes auxquels
Page 5106
1 ont dû faire face les réfugiés lorsqu'ils sont revenus, est-ce que vous
2 saviez que la RSK avait pris leurs dossiers lorsqu'ils avaient quitté la
3 Krajina, lorsque je parle de dossiers, je parle de leurs dossiers
4 administratifs, de leurs données personnelles, de leurs casiers
5 judiciaires, de leurs dossiers financiers, de leurs dossiers de
6 communication; vous saviez cela ?
7 R. Non, je ne le savais pas.
8 Q. Mais vous saviez que pendant cette période, en tout cas avant la
9 normalisation des relations, il n'y avait pas de relations diplomatiques et
10 de toute façon il n'y avait pas d'autorités consulaires -- la République de
11 Croatie n'était pas à Belgrade représentée par des autorités consulaires;
12 est-ce que vous le saviez ?
13 R. Il y avait un bureau de liaison à Belgrade et à Zagreb pour établir le
14 lien entre les deux pays -- je ne sais plus quand il a été créé ce bureau
15 de liaison, bien entendu, les gens avaient toujours la possibilité
16 d'essayer d'obtenir des documents dans d'autres pays lorsque cela leur
17 était autorisé.
18 M. KEHOE : [interprétation] Comme nous n'avons pas beaucoup de temps à
19 notre disposition, je souhaiterais présenter directement sans passer par
20 l'entremise du témoin le rapport du comité d'Helsinki mais comme, je le
21 répète, je n'ai plus beaucoup de temps à ma disposition, nous allons
22 présenter cela directement.
23 Q. J'aimerais maintenant vous montrer quelques photos, si j'arrive à
24 retrouver les cotes. Pour la première photo, il s'agit de la pièce 1D33-
25 0436.
26 M. KEHOE : [interprétation] Je souhaiterais que cela soit affiché dans un
27 premier temps.
28 Et la photo suivante, 1D -- je m'excuse.
Page 5107
1 Q. Avant j'aimerais vous demander si vous voyez le général Gotovina
2 au centre de cette photographie avec un officier de l'armée américaine,
3 est-ce que vous voyez cela, Monsieur ?
4 R. Je m'excuse, la qualité de la photographie n'est pas suffisamment
5 bonne pour me permettre d'identifier les personnes, mais si vous me dites
6 qu'il s'agit du général Gotovina, je vous crois sur parole.
7 Q. Vous saviez que le général Gotovina a participé au programme
8 éducatif militaire international à Washington en septembre 1996 ?
9 R. Je suppose que je l'ai su à l'époque, s'il a participé à cette
10 formation, certes, j'ai dû le savoir.
11 M. KEHOE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la photo
12 suivante, je vous prie. Il s'agit de la photo 1D33-0437.
13 Est-ce que vous pourriez agrandir cette photo, je vous prie.
14 Q. Vous connaissez cet endroit je suppose, vous voyez que le général
15 Gotovina est à l'arrière, au centre de la photo.
16 Monsieur l'Ambassadeur, lors de votre mandat en tant qu'ambassadeur en
17 Croatie, vous saviez que le général Gotovina s'est rendu aux Etats-Unis à
18 trois reprises, en septembre 1996, en avril 1997 et en janvier 1998. Vous
19 saviez cela, Monsieur, n'est-ce pas ?
20 R. Je dirais une fois de plus que de nombreuses années se sont écoulées
21 depuis, donc je ne me souviens pas véritablement de tous ces détails, mais
22 ce que je peux vous dire, c'est que si le général Gotovina est allé aux
23 Etats-Unis, et manifestement il y est allé, j'étais au courant, et s'il a
24 participé à un programme américain, j'ai dû l'approuver.
25 Pour ce qui est du mois de janvier 1998, si cela s'est passé après le
26 3 janvier, puisque c'est le jour de mon départ, c'est l'Ambassadeur
27 Montgomery qui m'a remplacé.
28 Q. Quoi qu'il en soit, le gouvernement des Etats-Unis garde une liste des
Page 5108
1 personnes qui ont le droit de venir aux Etats-Unis, n'est-ce pas ?
2 R. Non.
3 Q. Alors --
4 Lorsqu'une personne telle que le général Gotovina demande à venir aux
5 Etats-Unis, cette personne doit demander un visa, il est originaire de
6 Croatie, les Etats-Unis ont une liste de personnes à qui ils octroient les
7 visas et à qui ils ne les octroient pas ?
8 R. Non.
9 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment cela se passe pour
10 l'obtention d'un visa alors ?
11 R. La personne demande un visa et cette personne remplit un formulaire,
12 ledit formulaire est pris en considération conformément à la législation en
13 matière d'immigration et il y a un certain nombre de facteurs qui
14 envisagent l'exclusion. En général, si nous pensons que la personne a
15 l'intention de rester en tant qu'immigrant. Mais il y a d'autres facteurs
16 pour l'exclusion également.
17 Q. Bien. Je reviens sur votre témoignage dans l'affaire Prlic, il y avait
18 Mate Boban -- est-ce que vous vous souvenez de cette situation ?
19 R. Oui, je m'en souviens.
20 Q. M. Boban n'a pas obtenu de visa pour les Etats-Unis parce que dans le
21 système des Etats-Unis pour ce qui est des visas il était considéré dans la
22 liste des criminels de guerre, n'est-ce pas ?
23 R. Nous n'avons pas une liste de personnes qui ont le droit de venir, mais
24 nous avons une liste de personnes que nous pouvons exclure, et le consul
25 général avait mis le nom de Mate Boban parmi la liste des personnes qui
26 étaient soupçonnées de crimes de guerre, et c'est de ce fait qu'il n'a pas
27 pu obtenir son visa.
28 Q. Je voulais d'ailleurs à ce sujet vous dire pour ce qui est de l'affaire
Page 5109
1 Prlic qu'il s'agit de la page 6 525, lignes 15 à 20 -- ou plutôt lignes 15
2 à 25.
3 Mais je dirais que ce genre de limites n'ont pas été utilisées pour le
4 général Gotovina et il n'y a pas eu refus de laisser entrer le général
5 Gotovina aux Etats-Unis ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Donc pour les années 1996 et 1997, et je comprends maintenant qu'après
8 1998 vous n'étiez plus en Croatie, mais à votre connaissance les Etats-Unis
9 n'ont jamais fait apparaître le nom du général Gotovina dans leur système,
10 dans leur liste, comme étant un criminel de guerre, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, cette déclaration est exacte.
12 Q. J'aimerais aborder une ou deux autres choses.
13 M. KEHOE : [interprétation] Je vous en prie, accordez-moi une petite
14 seconde.
15 [Le conseil de la Défense se concerte]
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, procédez, Maître.
18 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, avant de passer à un
19 autre sujet, et sachant que mon temps est limité, conformément aux
20 instructions que la Chambre m'a données, je voudrais demander que ces deux
21 photos 1D33-0437 [comme interprété] soient versées au dossier.
22 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la
25 pièce à conviction 1D33-0437 qui devient la pièce à conviction D417 [comme
26 interprété] et versée au dossier.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, les pièces à conviction
28 D417 et D418 sont admises et versées au dossier.
Page 5110
1 M. KAY : [interprétation] Je peux intervenir parce que M. Kehoe se
2 préoccupe du temps qui est à sa disposition. Je n'ai pas de questions à
3 poser à ce témoin. Par conséquent, cela lui confère quelque peu de temps.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à revoir, s'il vous plaît, encore
5 peut-être nous pouvons essayer de compenser, enfin en quelque sorte voir le
6 temps entre ces deux conseils de Défense. La Chambre ne veut pas limiter de
7 temps pour ne pas permettre suffisamment de temps pour le contre-
8 interrogatoire, la Chambre de première instance veille sur la façon dont le
9 temps a été exploité.
10 M. KEHOE : [interprétation]
11 Q. Dans le paragraphe 52 de votre déclaration, vous parlez de pillage dans
12 la localité de Ripac. Vous dites : "Je me suis rendu à Ripac un peu plus
13 tard, peut-être deux ou trois semaines par la suite."
14 Est-ce que vous suivez le texte ?
15 R. Oui, je vous suis. Je ne voulais pas m'immiscer enfin en quelque sorte
16 pour dire qu'il y a eu des pillages à Ripac. Ce dont je voulais parler
17 c'était la description de cette randonnée, de ce voyage depuis Ripac vers
18 Donji Lapac, or les pillages ont été perpétrés sur ce parcours de Ripac à
19 Donji Lapac et Donji Lapac même. Pour autant que je m'en souvienne, Ripac
20 se trouve dans la zone de Bihac, en Bosnie, qui longe la frontière pour
21 ainsi dire. Par conséquent, se trouvant sous le contrôle des autorités de
22 Bosnie-Herzégovine. Et il n'y a pas eu de pillage là-bas.
23 Q. Lorsque vous parlez de Donji Lapac, vous ne savez pas s'il s'agissait
24 d'une zone qui se trouvait sous le contrôle des forces du général Gotovina
25 ?
26 R. Non, je ne le savais pas et je ne le sais pas.
27 Q. Un dernier sujet, je voudrais m'entretenir avec vous sur l'intérêt de
28 la Slavonie orientale, vous avez parlé des tentatives qui étaient les
Page 5111
1 vôtres pour que la Slavonie orientale soit réintégrée par la Croatie; vous
2 vous en souvenez ?
3 R. Oui.
4 Q. Je crois que vous avez dit aussi que la Slavonie orientale représentait
5 des localités où les gens restaient pour y résider, y vivre ?
6 R. Oui.
7 Q. S'agissait-il là de parler de l'une des parties des dispositions ou des
8 arrangements des accords d'Erdut ?
9 R. Oui, j'y ai été employé en négociation.
10 Q. Oui, vous avez assisté à ces négociations.
11 R. Oui, moi j'étais le négociateur. C'est Jacques Klein de l'ONU, le
12 général qui s'est occupé de la mise en œuvre.
13 Q. Quand c'est que cet accord a été mis en œuvre ?
14 R. Le 12 novembre 1995.
15 Q. Je voudrais vous présenter un document, à savoir la pièce à conviction
16 1D33-0440.
17 M. KEHOE : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, voir afficher
18 ce document.
19 Q. Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un rapport d'une mission de l'OSCE
20 en République de Croatie concernant les avancements faits par la Croatie en
21 matière de ses obligations à l'échelle internationale en mai 1998, il
22 s'agit d'ailleurs du mois de septembre.
23 R. Le 8 septembre de quelle année ?
24 R. De 1998.
25 M. KEHOE : [interprétation] Pourrions-nous voir la page de garde, s'il vous
26 plaît. Puis nous passons à la page 6 du document, concrètement c'est le
27 point 23 qui nous intéresse.
28 Q. Dans le paragraphe 23, Monsieur l'Ambassadeur, il est dit que :
Page 5112
1 "L'UNHCR estime que depuis août 1996 à juillet 1998, environ 16 000 d'un
2 total de 67 000 Serbes, si je ne m'abuse pas, il s'agit de 24 % du total de
3 résidents de la région avant la guerre avaient quitté le pays, pour la
4 plupart en direction de la République fédérale de Yougoslavie. Les données
5 disponibles n'indiquent guère de changement des tendances négatives pour ce
6 qui est de ce progrès sur la base du rapport au mois de mai."
7 Qui parle évidemment de la zone danubienne, il s'agit de la Slavonie
8 orientale, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Ce document reflète le fait qu'il y a eu cet accord où vous avez servi
11 d'assistant et que c'est là qui s'est opéré un véritable exode d'environ 24
12 % du total de la population serbe, n'est-ce pas ?
13 R. Oui, ceci pourrait être comparé avec ce qui s'est passé en Krajina, et
14 là de l'ordre de 100 % d'ailleurs pour parler de cet exode.
15 Q. En dépit du fait que la guerre a pris fin et en dépit de vos efforts,
16 ceci a dû faire partie de la résolution, par conséquent, 16 000 personnes,
17 des Serbes notamment, ont quitté le pays ?
18 R. La position qui était la nôtre c'est que les gens devaient être libres
19 de choisir. S'ils voulaient rester en Croatie, c'était leur droit. S'ils
20 voulaient se rendre ailleurs, si d'autres pays étaient prêts à les
21 recevoir, ceci aussi relevait de leur droit. Par conséquent, les gens qui
22 ont fui la Krajina, devaient bénéficier d'endroit de retour à leur foyer, à
23 leur propriété. L'ont-ils fait ou pas, y sont-ils parvenus ou pas, ce
24 n'était pas évidemment notre préoccupation. Notre préoccupation consistait
25 à voir les réfugiés bénéficier de tous les droits qu'ils leur sont
26 garantis. Voilà notre principe.
27 M. KEHOE : [interprétation] Nous voulons offrir ce document pour être versé
28 au dossier.
Page 5113
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
2 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction D419.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce à conviction D419 est versée au
6 dossier.
7 M. KEHOE : [interprétation]
8 Q. Une dernière question à ce sujet, Monsieur l'Ambassadeur.
9 Depuis août 1996 à juillet 1998, il s'agissait toujours d'une région
10 administrée par l'ONU, n'est-ce pas ?
11 R. Non. L'administration de l'ONU courait de janvier 1996 jusqu'au 15
12 janvier 1998.
13 Q. Par conséquent, depuis le début de tous ces événements jusqu'à environ
14 six mois avant ce rapport, il s'agissait de cette administration ?
15 R. Oui, pendant 18 mois notamment.
16 Q. Monsieur l'Ambassadeur, merci beaucoup de votre temps.
17 M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le
18 Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez bien respecté le temps qui
20 vous a été d'ailleurs administré et ordonné ici à une heure sept minutes.
21 Si nous comprenons le conseil de la Défense de M. Cermak n'a pas de
22 questions pour ce témoin. Nous voyons maintenant le conseil de la Défense
23 de M. Markac.
24 M. KEHOE : [interprétation] Je crois que le conseil de la Défense de M.
25 Markac voulait solliciter une brève pause pour qu'une coordination puisse
26 être effectuée.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet, j'en ai été saisi. Peut-
28 être que nous pourrions marquer une pause avant que prévu, par conséquent,
Page 5114
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5115
1 nous marquer cette pause au lieu de le faire à 10 heures 30.
2 Faisons-la maintenant, nous allons reprendre notre travail en audience à 11
3 heures moins 25.
4 --- L'audience est suspendue à 10 heures 09.
5 --- L'audience est reprise à 10 heures 38.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Galbraith, vous allez
7 maintenant être contre-interrogé par M. Kuzmanovic, conseil de la Défense
8 de M. Markac.
9 A vous, Maître.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Contre-interrogatoire par M. Kuzmanovic :
12 Q. [interprétation] Monsieur l'Ambassadeur Galbraith, je voudrais
13 reprendre les propos qui étaient les vôtres vers la fin de la déposition de
14 tout à l'heure en répondant aux questions posées par M. Kehoe. Il s'agit
15 de retour de Serbes de Krajina, autrement dit, peu importe si ces gens-là
16 résidaient dans la Krajina ou pas, il s'agissait de retour de Serbes en
17 Croatie. Vous avez dit, vous, que les autorités croates empêchaient les
18 Serbes de retourner à Krajina après l'opération Tempête; est-ce exact ?
19 R. Je crois que la façon la plus exacte de le dire serait que les
20 autorités croates ont tenté de rendre impossible le retour de Serbes.
21 Q. Mais la question est de savoir s'ils sont de retour ou pas ?
22 R. Oui, dans cette période-là, très peu de gens sont de retour, et cela
23 grâce à la pression exercée par les Américains et les Européens. C'est-à-
24 dire il y a eu des obstacles d'ordre juridique qui étaient devenus moins
25 importants. Après la mort de M. Tudjman, lorsqu'il y a eu un nouveau
26 président de la République, un nouveau parlement, la position de la Croatie
27 a changé, je dirais dramatiquement et les Croates encouragent les retours.
28 Q. Lorsque vous dites que des gens étaient de retour, c'est de quelle
Page 5116
1 période qu'il s'agit, étant donné que c'est en août 1995 qu'il y a eu
2 l'opération Tempête alors que votre mandat expirait en 1998 ?
3 R. Oui, cela est exact. En cette période-là, pendant ce laps de temps, il
4 y a eu relativement peu de gens de retour. Il y en avait davantage qui sont
5 retournés en 1997 qu'en 1996. Encore une fois, dois-je dire, ceci était dû
6 à la pression exercée par nous.
7 Q. Voulez-vous, s'il vous plaît, vous pencher sur la pièce à conviction
8 3D00-1310 -- excusez-moi, il s'agit de 3D00-1306.
9 Lorsque nous verrons le document affiché, je voulais vous dire,
10 Monsieur Galbraith, qu'il s'agit d'un rapport datant de l'an 2000, rapport
11 du gouvernement de Croatie, dans lequel il est discuté du retour de
12 personnes expulsées, déplacées ou réfugiées, il s'agit de leur retour en
13 Croatie, il s'agit de personnes qui ont quitté la Croatie. Essayons de nous
14 pencher sur le texte, je voulais vous dire qu'il s'agit d'un extrait, le
15 document s'étendant sur 64 pages, il s'agit d'un document de l'an 2000, à
16 droite sur l'écran, penchez-vous sur l'écran, je veux obtenir un
17 agrandissement.
18 Page 49, nous l'avons traduite, il s'agit d'un retour en République
19 de Croatie, au début il est dit : "Un retour en masse de personnes
20 déplacées de Croatie a été entamé fin été 1995," il s'agissait de quelque
21 chose à quoi on s'attendait, Monsieur l'Ambassadeur, n'est-ce pas ? Il
22 s'agit du retour des Croates des régions desquelles ils ont été nettoyés
23 ethniquement au cours de cette période, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, c'est ce à quoi on s'attendait et c'était quelque chose de fort
25 souhaitable.
26 Q. Je marque une pause, non pas parce qu'il y a eu un effet dramatique de
27 ce que vous venez de dire, mais pour le bien de nos interprètes.
28 Penchez-vous sur le second paragraphe, ce qui est dit dans le point 3 de ce
Page 5117
1 rapport, qui traite de l'automne 1995 au 5 janvier de l'an 2000 : "Un total
2 de 41 141 Serbes sont de retour de la Yougoslavie, de la Bosnie-Herzégovine
3 et de la République de Krajina dans leurs foyers en Croatie, à savoir 23
4 147 personnes, un peu plus que la moitié du total, sont de retour
5 conformément au paragraphe de retour, après le 26 juin 1998.
6 Le président Tudjman occupait ses fonctions jusqu'à quand ?
7 R. Je crois qu'il est décédé le 14 décembre 1999.
8 Q. Fort bien. Si nous lisons ce document comme il nous en parle, lorsqu'on
9 pense à l'an 2000, après la mort du président Tudjman, on traite de 41 141
10 Serbes de retour, il s'agit d'un total du nombre de personnes qui sont de
11 retour en Croatie, n'est-ce pas ?
12 R. Oui. Certainement, je ne voudrais pas accorder une trop grande
13 signification à cela pour considérer cela comme quelque chose qui indique
14 l'attitude de la Croatie, mais n'empêche --
15 Q. N'empêche que 41 000 personnes sont de retour et vous dites qu'il
16 s'agit d'un chiffre relativement pas important ?
17 R. Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que pendant
18 la période où j'étais là-bas, soyons précis. Lorsque les Serbes ont quitté
19 la Croatie, la Croatie a pris toutes les dispositions nécessaires du point
20 de vue juridique pour empêcher leur retour. Par exemple, on parlait d'un
21 laps de temps de 30 jours, si les gens ne retournaient dans ce laps-là,
22 leurs propriétés étaient confisquées. Sous la pression exercée par les
23 Etats-Unis d'Amérique et l'Europe, de telles limites et de tels
24 empêchements ont été abolis.
25 Q. Monsieur Galbraith, je comprends cela, mais on parle ici de 41 141 --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, dire que 10 %
27 serait relativement peu, ou 40 % relativement peu, ou 70 % relativement
28 peu, tout dépend de ce à quoi vous vous attendez. Nous sommes en train de
Page 5118
1 parler de chiffres, et la Chambre de première instance décidera à la fin
2 s'il s'agit de chiffres importants, si c'est peu ou beaucoup. Si vous
3 insistez à ce que M. Galbraith réponde à vos questions dans le sens où vous
4 considérez quelque chose comme étant relativement petit ou peu, alors là on
5 peut pleinement comprendre que M. Galbraith essaie d'expliquer ce qu'il
6 veut dire. Il ne s'agit pas de se mettre d'accord avec ou de contredire ce
7 qui pourrait être un jugement pour dire ce qui était relativement peu ou
8 beaucoup.
9 Procédez.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
11 Q. Monsieur Galbraith, je ne veux pas discuter avec vous. Vous avez dit
12 que 180 000 ont quitté les secteurs nord et sud après l'opération Tempête ?
13 R. Oui, telles étaient nos estimations.
14 Q. Sur quoi se fondaient ces estimations à vous ?
15 R. Les estimations se trouvaient basées sur le chiffre, tel le nombre des
16 habitants, basé sur des estimations de l'UNHCR -- maintenant je ne me
17 rappelle pas tous les détails s'y rapportant, mais je crois qu'il y a pas
18 mal de données fiables là-dessus. Je me dois de dire que je suis quelque
19 peu surpris, car conformément à ce document qui a été soumis par M. Kehoe
20 et qui fait entendre qu'il s'agissait de 70 000 hommes aptes à porter les
21 armes, il s'agissait d'une description assez généreuse lorsque ces gens-la
22 étaient considérés comme appartenant à des tranches d'âges de gens aptes à
23 porter les armes.
24 Q. Mais vous vous attendiez à ce qu'environ 20 % de ces résidents
25 retournent en Croatie après l'opération Tempête, n'est-ce pas ?
26 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous en avons déjà traité.
28 Essayons de nous occuper des chiffres.
Page 5119
1 Du rapport, je peux voir qu'à l'an 2000, 41 000 personnes sont de retour,
2 dont 23 147 sont de retour conformément au programme favorisant le retour
3 après le milieu de l'année 1998. Cela veut dire que jusqu'au milieu de
4 l'année 1998, à tout prendre, environ 18 000 personnes sont de retour,
5 puisque nous parlons chiffres et estimations, M. Galbraith vient de faire
6 entendre qu'il s'agissait de 10 % après le 26 juin 1998, il y a lieu de
7 parler d'un retour plus important, c'est-à-dire d'un plus grand nombre de
8 personnes, ce qui dépasse le chiffre total de ceux qui étaient de retour
9 jusqu'alors. Voilà ce que nous disent les chiffres.
10 Bien entendu, on peut procéder pour parler de pourcentages.
11 Poursuivez.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Monsieur Galbraith, peu importe comment se présentent les pourcentages,
14 mais ayant en vue les chiffres que nous pouvons lire dans ce document, tous
15 ces gens-là étaient de retour avant que le président Tudjman ait quitté ses
16 fonctions, n'est-ce pas ?
17 R. Si cela est exact, selon ce rapport.
18 Q. Oui.
19 R. Je peux le dire, et non pas par hasard, que cela ne veut pas dire en
20 totalité que 41 141 personnes étaient les gens qui constituaient le total
21 des personnes qui ont fui la Krajina.
22 Q. Mais il s'agit de Serbes qui sont de retour de Yougoslavie, de Bosnie-
23 Herzégovine, il s'agit de Serbes de la République de Krajina qui sont de
24 retour à leurs foyers, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est ce qu'on peut y lire.
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais offrir
27 cette pièce à conviction pour être versée au dossier.
28 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
Page 5120
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction D420.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D420 est versée au dossier.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur l'Ambassadeur, chemin faisant, disposez-vous d'informations ou
6 de chiffres qui pourraient contredire ce que nous lisons dans ce document ?
7 R. Mon mandat en Croatie a expiré le 3 janvier 1998, par conséquent il
8 s'agit d'une période où il y avait relativement moins de retours que ce
9 dont témoignent les chiffres ici, ce sur quoi a attiré votre attention, le
10 Président, le Juge Orie.
11 Secundo, je ne proposais pas de suggérer qu'il n'y a pas eu de retours. Je
12 voulais dire tout simplement que Tudjman ne voulait pas qu'il y ait de
13 retours, mais je vous ai déjà dit que les Etats-Unis d'Amérique et des pays
14 européens ont exercé une immense pression sur la Croatie pour qu'un retour
15 soit permis, et si ces chiffres sont exacts, ces chiffres ne font que
16 refléter le grand succès atteint par la diplomatie américaine et européenne
17 et je me félicite de voir ces chiffres-là. Mais ceci aucunement ne
18 contredit ni ne diminue ce que je viens de dire, à savoir que Tudjman,
19 quant à lui, ne souhaitait pas le retour de ces gens-là, et il a essayé de
20 mettre en place tous les empêchements d'ordre juridique possibles jusqu'à
21 la destruction des propriétés des Serbes pour rendre impossible à ces
22 derniers le retour dans leurs foyers.
23 Q. Nous avons entendu parler de cela, ma question n'était pas de cet
24 ordre-là. Ma question était de savoir si vous disposiez d'informations ou
25 de chiffres qui seraient contradictoires ou qui contesteraient ce que nous
26 lisons dans les chiffres ?
27 R. Non.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, je voudrais vous
Page 5121
1 dire comme suit, lorsque vous soumettez des chiffres au témoin, vous voulez
2 offrir votre interprétation de cela, par exemple, vous parlez de la période
3 qui courre du 26 juin 1998 à l'an 2000, vous êtes en train de parler de
4 cette période où le président Tudjman était encore en vie. Bien entendu,
5 nous ne disposons pas de chiffres, mais vous voilà à inclure des
6 suggestions, parlant chiffres, qui au moins me confondent moi-même.
7 Essayons de clarifier cela.
8 Monsieur Galbraith, j'ai une question à ce sujet, ce n'est pas une question
9 à laquelle on répond par oui ou par non. Ce programme portant retour, nous
10 n'en avons pas entendu parler jusqu'à maintenant, pas beaucoup. Dites-moi,
11 avez-vous une connaissance quelconque au sujet de ce programme, comment a-
12 t-il été développé et mis en place ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Très peu, parce qu'après cela j'ai quitté la
14 Croatie.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Très peu vous dites. Mais si vous
16 en savez quelque chose, répondez-nous.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, tout simplement pendant que j'y étais en
18 poste, nous avons essayé de bousculer un peu la Croatie pour qu'elle prenne
19 une attitude positive pour relancer le programme visant le retour des
20 personnes déplacées. Pour ce qui est des mécanismes mêmes pour parler du
21 succès de ce programme, je n'en sais pas grand-chose. Ceci a eu lieu après
22 mon départ du pays.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne parle pas du contenu de ce
24 programme, mais vous avez dit à deux ou trois reprises qu'une pression a
25 été exercée sur la Croatie, et je voudrais savoir si ce programme, dont je
26 ne connais pas grand-chose, a pu y contribuer.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais dire qu'à 100 % il est sûr et
28 certain que les pressions exercées par les Etats-Unis d'Amérique et nos
Page 5122
1 partenaires européens consistaient en un facteur, je dirais, majeur en
2 Croatie pour que ce programme puisse être relancé.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
4 Maître Kuzmanovic.
5 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
6 Q. Sur quoi fondez-vous la déclaration qui est la vôtre, à savoir que la
7 pression exercée par les Etats-Unis d'Amérique a pu avoir pour résultat,
8 comme quoi c'était le principal facteur qui a agi sur la Croatie pour que
9 celle-ci relance le programme ? Il s'agissait d'une décision parlementaire,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Les Etats-Unis d'Amérique ont fait une pression immense sur la Croatie
12 depuis août 1995, à savoir il devait y avoir lieu de parler d'une politique
13 mise en place rendant possible le retour de toutes les personnes qui ont
14 droit à la citoyenneté croate, il s'agit concrètement là de parler de
15 Serbes de Croatie.
16 Nous l'avons fait sous forme de déclarations publiques des officiels
17 des Etats-Unis d'Amérique, du ministère des Affaires étrangères, de moi-
18 même -- je crois qu'il y a eu des déclarations du président Clinton dans ce
19 contexte-là. Nous avons réduit l'assistance à la Croatie. Nous avons arrêté
20 certains programmes d'aide dans cet ordre d'idée. Nous avons également
21 menacé de mettre un embargo sur la licence, en faveur de la Croatie, de
22 MPRI. Nous avons réduit nos contacts de très hauts niveaux avec Tudjman.
23 Nous avons commencé par l'isoler. Le tout était quelque chose que la
24 Croatie ne voulait pas avoir à subir.
25 En réponse directe à cette initiative diplomatique pendant que
26 j'étais en Croatie, il y a eu des changements. Au lieu de parler d'un délai
27 de 30 jours, nous l'avons fait étendre à 90 jours. Et lorsque j'ai réagi
28 moi-même au nom du gouvernement américain pour le faire savoir à la
Page 5123
1 Croatie, lorsque j'ai pu rencontrer l'ambassadeur Richardson à Brioni en
2 1996, le président Tudjman a fait une déclaration pour dire que, pour
3 emprunter une métaphore, nous lui avons tordu le bras pour permettre tout
4 simplement le retour des Serbes.
5 Tout simplement, la pression des Etats-Unis d'Amérique était si
6 importante que lors des élections en l'an 2000, après la mort de Tudjman,
7 les candidats aux élections faisaient une véritable compétition, ce qui
8 était en lice c'était vraiment le retour des Serbes parce qu'il fallait
9 voir la Croatie faire des progrès pour se faire intégrer par l'Union
10 européenne et par l'OTAN.
11 Par conséquent, il y a énormément de preuves qui nous permettent de
12 voir qu'une pression américaine et européenne est à la base du changement
13 de la politique de la Croatie par rapport à ce qui s'était passé en août
14 1995 pour donner lieu à l'initiative de ce programme de retour lorsque M.
15 Misic a été élu président en l'an 2000 et à la suite des élections
16 législatives où l'opposition s'est vue gagnante en l'an 2000.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je voudrais qu'on nous présente maintenant
18 le document 3D00-1212.
19 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous n'êtes pas sans savoir ce que représente
20 la Cour européenne des droits de l'homme ?
21 R. Oui.
22 Q. Il s'agit d'une décision prise par la Cour européenne en octobre 2006,
23 qui traite notamment de la loi sur la passation des pouvoirs, il s'agissait
24 d'un délai de 30 jours étendu à 90 jours pour abolir ensuite certaines
25 dispositions législatives.
26 Pouvez-vous vous pencher, s'il vous plaît, sur la page 3 de cette décision,
27 ce qui nous intéresse, c'est le point B. Ici on traite de la loi sur la
28 confiscation et la gestion de telle ou telle propriété en des termes
Page 5124
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5125
1 temporaires.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pouvons-nous voir la page 3, point B,
3 version anglaise, s'il vous plaît. En fait, page 3 de la décision, je ne
4 sais pas si c'est la page 3 du document, mais c'est la page 3 de la
5 décision de la Cour européenne qui m'intéresse.
6 Voilà -- nous y voilà. Merci.
7 J'aimerais que l'on agrandisse le paragraphe B en bas.
8 Q. Vous étiez très critique par rapport à cette loi sur la confiscation,
9 "takeover act", et ici il est dit que les biens qui se trouvent sur les
10 territoires précédemment occupés et qui appartiennent aux personnes qui ont
11 quitté la Croatie devraient être dans la possession et sous le contrôle de
12 l'Etat, de l'Etat croate, et conformément à cette loi les personnes
13 déplacées venant d'autres régions pourraient utiliser ces biens abandonnés
14 pour ainsi dire, tandis que les propriétaires de ces biens ne sont pas
15 présents. Et si les propriétaires voulaient reprendre leurs biens, il
16 faudrait présenter une demande pour reprendre ces biens auprès des
17 autorités locales.
18 Passons maintenant à la quatrième page, s'il vous plaît, conformément à
19 cette loi : "Le ministère va compenser les dégâts subis par le propriétaire
20 qui a soumis une demande pour reprendre ses biens avant le 30 octobre 2002,
21 mais qui n'a pas pu reprendre ses biens avant cette date."
22 Donc le grief en l'espèce était que cette loi sur la prise des biens, en
23 fait : "Avait pour objectif d'empêcher les personnes d'origine serbe de
24 rentrer dans leur foyer en Croatie."
25 Passons maintenant à la sixième de cette décision, dans le deuxième
26 paragraphe il est dit : "S'agissant du comportement des autorités
27 administratives pour s'assurer que la reprise du foyer de la personne ayant
28 déposé la requête, la cour doit d'abord s'assurer que l'Etat a un intérêt
Page 5126
1 légitime à loger les personnes déplacées dans les biens qui ont été
2 abandonnés par les personnes qui avaient quitté la Croatie pendant la
3 guerre. En outre, le système qui permet aux personnes de rester sur le
4 territoire occupé précédemment, n'est pas en lui-même en contradiction avec
5 les garanties contenues dans l'article 1 du Protocole numéro 1…"
6 Puis, deux paragraphes plus loin.
7 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que vous allez continuer à lire.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous vous êtes arrêté, Maître
9 Kuzmanovic.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je poursuis : "A condition que les
11 garanties sont présentées pour protéger les droits de propriété de la
12 personne ayant déposée la demande. Dans ce sens, il est d'une importance
13 cruciale de constater que la personne ayant déposé la demande, n'a jamais
14 engagé des poursuites pour obtenir des compensations parce que sa maison a
15 été occupée par d'autres personnes conformément à la décision prise par les
16 autorités d'Etat."
17 Q. Maintenant, deux paragraphes plus loin, on parle des procédures menées
18 en Croatie qui étaient trop longues, compte tenu des circonstances, alors
19 que ce n'était pas nécessaire.
20 Puis, à la page suivante, la cour, en dernier lieu, rejette la demande
21 parce que la personne ayant déposé la requête n'a pas demandé qu'une
22 ordonnance soit menée à bien, pour que la loi soit appliquée, n'a pas
23 demandé la compensation et ne s'est pas adressée aux autorités judiciaires
24 nationales.
25 Donc là, c'était une affaire qui portait sur cette loi de la prise de
26 possession.
27 Vous, vous êtes très critique par rapport à cette loi, mais du moins
28 la Cour européenne des droits de l'homme n'a pas émis un jugement et n'a
Page 5127
1 pas présenté une sorte de remède pour la personne qui soi-disant s'est vu
2 violer ses droits, n'est-ce pas ?
3 R. Avant de faire un commentaire, je voudrais d'abord dire quelque chose.
4 D'abord il s'agit de la loi sur la prise des possessions et les
5 amendements qui ont été faits, et je ne sais pas quels étaient ces
6 amendements. Deuxièmement, les poursuites qui ont été menées, d'après ce
7 que j'ai pu constater en observant ces documents très brièvement, il s'agit
8 des poursuites qui ont été initiées en 2002 [comme interprété]. J'ai déjà
9 dit qu'après la mort de Tudjman et lorsque Mesic est devenu le président et
10 lorsque Racan est devenu le premier ministre, la Croatie a entièrement
11 changé sa position par rapport à ce problème. Je comprends tout à fait que
12 la Cour européenne a pu constater que les poursuites ou les affaires menées
13 en 2003 étaient des procédures menées par un gouvernement qui avait une
14 autre attitude et qu'en fait ce gouvernement n'avait pas violé les droits
15 humains fondamentaux.
16 Ce que j'ai dit tout à l'heure par rapport à cette loi sur la prise de
17 possession, ce que j'ai dit ça s'appliquait par rapport à l'année 1995. A
18 cette époque-là, le plan était, d'après Tudjman, de donner un délai de 30
19 jours, sinon si les personnes ne rentraient pas sous 30 jours, tout allait
20 être fait pour qu'ils ne puissent pas rentrer.
21 Après cela, certaines personnes sont rentrées, ils ont essayé de regagner
22 et de reprendre leurs possessions, mais les autorités locales ont agi de la
23 sorte qu'en fait il n'était pas possible pour ces personnes de regagner et
24 de reprendre leurs biens.
25 Donc nous parlons d'une période partant de 1995 allant jusqu'en 1997, il
26 n'y avait pas de justice, c'était une période difficile pour les gens de
27 reprendre leurs biens, et pendant de nombreux voyages où je me suis rendu
28 en Krajina, j'ai eu l'occasion de parler aux gens qui n'ont pas pu
Page 5128
1 reprendre leurs biens.
2 Q. J'aimerais demander le versement au dossier de ce document si je ne
3 l'ai pas déjà fait.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, les décisions de la
7 cour ne sont pas versées au dossier. Je ne m'y oppose pas, mais si vous
8 souhaitez que la jurisprudence soit versée au dossier, il faut que ce soit
9 une décision publique rendue par la cour.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bien sûr.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez attiré notre attention sur la
12 jurisprudence et pour ne pas gaspiller les ressources, je voulais vous
13 demander si vous souhaitez néanmoins quand même que cette décision soit
14 versée au dossier.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je ne vais pas demander le
16 versement au dossier de ces affaires et des décisions dans ces affaires.
17 J'ai encore deux affaires auxquelles je voulais attirer votre attention.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, veuillez poursuivre.
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
20 Q. Avant de passer à l'affaire suivante, Monsieur l'Ambassadeur,
21 j'aimerais que l'on présente la pièce sur la liste 65 ter qui porte le
22 numéro 00956.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la décision de la Cour
24 européenne des droits de l'homme, première section, numéro d'application
25 35670-03, l'affaire Ceratlic [phon] contre la Croatie en date du 24 octobre
26 2006.
27 Veuillez poursuivre.
28 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
Page 5129
1 Q. Il s'agit d'un décret que vous avez critiqué qui a été promulgué le 31
2 août 1995. C'est un décret portant sur la prise temporaire ainsi que la
3 gestion temporaire de certaines propriétés.
4 Passons maintenant à l'article 10, sur la page 4, l'on prévoit un délai de
5 30 jours dont vous nous avez parlé et vous avez critiqué ce délai.
6 J'aimerais maintenant que vous lisiez ce document et dites-moi, s'il
7 vous plaît, où dans ce document vous trouvez le terme "confiscation" ou
8 "privation de personnes de nationalité serbe de leur citoyenneté."
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je serais vraiment surpris que ce genre
10 de formulation figure dans de telles décisions. Si vous voulez que M.
11 Galbraith lise le document dans son intégralité pour nous dire que ces
12 formulations n'apparaissent pas dans le document, bien sûr, on peut le
13 demander.
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
15 Q. La confiscation des biens et la privation de personnes de nationalité
16 serbe de leur citoyenneté sont des termes qui ne figurent pas dans ce
17 document, n'est-ce pas ?
18 R. Si vous voulez je peux lire le décret dans la totalité avant de pouvoir
19 dire que vous avez raison ou que vous n'avez pas raison.
20 Q. S'il vous plaît, veuillez lire le document dans son intégralité. Il n'a
21 que quatre pages.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] A moins que le Procureur n'accepte que
23 j'aie raison lorsque je dis ce que j'ai dit tout à l'heure.
24 M. TIEGER : [interprétation] Je ne pourrais pas faire bien plus, mais je
25 serais surpris comme le président l'a dit que ce genre de formulation
26 figure dans le document.
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] M. Galbraith a dit qu'en vertu de ce
28 décret les biens serbes pouvaient être confisqués.
Page 5130
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, Maître Kuzmanovic, c'est quelque
2 chose de différent maintenant ce que vous dites. Que ces mêmes termes
3 apparaissent dans le document est une question tout à fait à part. Si vous
4 résumez le document, vous n'employez pas forcément les mêmes termes tels
5 qu'ils figurent dans le document. Bien sûr, si vous insistez je lirai les
6 quatre pages pour voir si ces termes y apparaissent, mais je serais
7 vraiment surpris que ce soit le cas. Passons à l'essence de ce que vous
8 voulez dire. Je n'aimerais pas que l'on se lance dans un débat d'ordre
9 sémantique.
10 Sachez, je ne m'oppose pas du tout à ce qu'on lise ce document, mais
11 posez des questions qui nous permettent d'aller vers l'essence de la chose.
12 Veuillez poursuivre.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il a été dit que le gouvernement a fait
14 adopter un décret en vertu duquel les biens pouvaient être confisqués.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, bien sûr, mais je
16 vous ai déjà dit si vous ne m'avez pas compris dans ce cas-là suivez ma
17 consigne et passez à ce qui est vraiment l'essence.
18 Veuillez poursuivre.
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
20 Q. Est-ce que vous savez quelles étaient les discussions menées au sein du
21 Parlement croate au sujet de ce décret, Monsieur l'Ambassadeur ?
22 R. Je ne me souviens pas quelle était la discussion menée.
23 Q. Si vous ne savez pas quelle est la loi, quelle est la base sur laquelle
24 vous vous fondez pour dire que les biens étaient confisqués ?
25 R. Je vais dire que l'essence de ce décret était que les biens allaient
26 être confisqués, que l'Etat croate allait confisquer les biens des
27 personnes qui ne sont pas rentrées dans 30 jours, et que ce plan devait
28 faire partie d'un accord global entre la Croatie et la Yougoslavie en vertu
Page 5131
1 duquel ces citoyens croates qui, d'après Tudjman, étaient des personnes qui
2 avaient choisi de quitter la Croatie, et qu'en fait ils n'allaient rien
3 recevoir.
4 Notre point de vue était que la Croatie essayait de confisquer les biens
5 des Serbes qui ont quitté la Croatie, et que la Croatie rendait impossible
6 pour que ces personnes puissent reprendre leurs biens dans un délai aussi
7 court. Nous pensions qu'aucun délai ne pouvait être imposé.
8 Q. C'est pourquoi vous avez fait pression, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. Suite à la pression imposée par les Etats-Unis, le résultat était
10 qu'en dernier lieu, il n'y avait plus de délai, je considère que c'était un
11 succès de notre diplomatie.
12 Q. Mais je vous ai demandé si c'était suite à la pression menée par les
13 Etats-Unis, n'est-ce pas ?
14 R. Je vous ai dit que c'était le cas.
15 Q. L'amendement, le premier amendement en date du mois de septembre 1995,
16 la pièce 3497 de la liste 65 ter a en fait prorogé le délai -- en fait je
17 vais reformuler.
18 La loi a été adoptée en septembre 1995, c'était une loi adoptée au sein du
19 Parlement, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Et le Parlement a choisi un autre délai différent de celui qui a été
22 précisé dans le décret du gouvernement, n'est-ce pas ?
23 R. Le parti de Tudjman avait le contrôle du Parlement et le changement de
24 date a été un changement suite aux actions menées par le gouvernement de
25 Tudjman, et le Parlement n'a fait qu'approuver ce changement.
26 Q. L'article 11 de ce document de la pièce 3497 de la liste 65 ter prévoit
27 une prorogation à 90 jours, n'est-ce pas ?
28 R. Je ne le sais pas, mais il faudrait que je voie le document.
Page 5132
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on examine
2 l'article 11, s'il vous plaît.
3 Q. Dans la deuxième phrase on peut lire que l'on prévoit un délai de 90
4 jours. "A partir de la date de la mise en vigueur de cette loi."
5 R. Permettez-moi juste de lire cela, s'il vous plaît.
6 Est-ce que l'on peut lire l'article 5 ?
7 Q. Bien sûr.
8 L'article 5 traite de la possession temporaire des personnes
9 déplacées et des réfugiés, et la mise à leur disposition de ces biens
10 abandonnés. Les propriétaires de ces biens avaient le droit de demander que
11 ces personnes soient expulsées de leurs biens une fois rentrés chez eux.
12 Q. De toute façon, il faudrait néanmoins que je lise le document dans son
13 intégralité, mais j'accepte le fondement de votre question. Il est vrai que
14 l'article 11 proroge le délai de 30 jours à 90 jours.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que ces pièces 00956 et 03497
16 soient versées au dossier.
17 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 00956 de la liste 65 ter
19 deviendra la pièce D421, et la pièce 03497 de la liste 65 ter deviendra la
20 pièce D422.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D421 et D422 sont au dossier.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
23 J'aimerais maintenant que l'on affiche la pièce 00781 de la liste 65 ter à
24 l'écran.
25 Q. Il s'agit d'un amendement de l'article 11 en date de janvier 1996, et
26 il est fait état de l'accord sur la normalisation des relations entre la
27 Croatie et la Yougoslavie. Et en vertu de cette modification, tout délai
28 est éliminé relatif à cette loi précise.
Page 5133
1 R. J'aimerais préciser néanmoins que ce n'était pas conformément à
2 l'accord portant sur la normalisation parce que cela a été fait six mois
3 avant cet accord.
4 Q. Mais il est dit que ce sera régulé. Et par là on veut dire dans
5 l'avenir.
6 R. Je ne vois pas comment cela pouvait être régulé conformément à un
7 accord qui n'existait pas encore à l'époque. Peut-être que l'on parle d'un
8 certain accord quel qu'il soit.
9 Q. J'aimerais qu'on examine maintenant la pièce 3059 de la liste 65 ter.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que la pièce soit affichée.
11 Q. Il s'agit d'une loi adoptée par le Parlement qui annule la loi portant
12 sur la confiscation temporaire ainsi que la gestion temporaire des biens,
13 n'est-ce pas ?
14 R. Oui, c'est ce que le titre indique.
15 Q. Est-ce que vous saviez -- en fait, non.
16 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Avant de ce faire j'aimerais demander le
17 versement au dossier de la pièce 00781 et la pièce 3059 de la liste 65 ter.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
19 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce 03059 deviendra la pièce D424,
21 tandis que 00781 deviendra la pièce D423.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les deux pièces sont versées au dossier.
23 Veuillez poursuivre, Maître Kuzmanovic.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
25 Q. Est-ce que vous saviez que la cour constitutionnelle, conformément à sa
26 décision en date du mois de septembre 1997, donc je parle de la cour
27 constitutionnelle croate, a maintenu la loi sur la prise des biens, mais a
28 éliminé le délai et a ajouté une disposition relative à la compensation
Page 5134
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5135
1 dans cette loi ?
2 R. Je ne suis pas sûr tout à fait que je connais cette décision de 1997.
3 On est en 2008 et bien du temps s'est écoulé depuis.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche la
5 pièce D200-1223, s'il vous plaît. En fait je me corrige, c'est plutôt 3D00-
6 1203. Merci.
7 Q. Je n'ai fait traduire que quelques extraits de ce document, Monsieur
8 Galbraith, mais vous pouvez voir qu'il était état de l'article 11 dans le
9 quatrième paragraphe, c'est la page 6 de l'original. La cour a constaté que
10 certaines dispositions de la loi étaient contraires à la constitution.
11 Passons maintenant à la deuxième page de la traduction, mais si vous
12 souhaitez lire cela jusqu'au bout, je vous le permettrai bien sûr.
13 R. Je viens de lire le paragraphe. Est-ce que vous souhaitez que je lise
14 la page dans son intégralité ?
15 Q. A moins que vous ne le souhaitiez, mais je voulais attirer votre
16 attention sur la deuxième page.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, que vous disiez,
18 lisez si le besoin se présente que vous le lisiez, c'est une consigne qui
19 peut prêter à confusion.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Passons à la deuxième page de ce document.
21 Q. Il est dit que l'article 11, paragraphe 1 de la loi attaquée constate
22 que la question de reprendre les biens et de l'utilisation des biens sera
23 réglée conformément à l'accord portant sur la normalisation des relations
24 entre la Croatie et la Yougoslavie.
25 D'après vous, il n'y avait pas de tel accord en 1997, n'est-ce pas ?
26 R. J'ai dit tout à l'heure qu'en janvier 1996 il n'y avait pas de tel
27 accord, mais le document que nous avons vu tout à l'heure qui était en date
28 de l'été 1996 portant sur la normalisation de relations.
Page 5136
1 Je veux dire la chose suivante : notre avis était que le droit des
2 citoyens croates d'avoir leurs biens ne pouvait d'aucune sorte être régulé
3 par un accord conclu entre la Croatie et la Yougoslavie. C'était une excuse
4 que les autorités croates ont utilisée, à laquelle ils ont fait appel, mais
5 à notre avis, les droits de ces personnes tombaient sous le coup de la
6 constitution croate et des normes européennes des droits de l'homme.
7 Q. Ici il n'est pas fait état de délai, n'est-ce pas ?
8 R. Il n'y a pas de délai à partir du mois de janvier 1996.
9 Q. D'accord. En vertu de la décision de la cour constitutionnelle, les
10 gens pouvaient être compensés pour leurs biens, n'est-ce pas ?
11 R. Nous pensions que les gens avaient droit de reprendre leurs biens, et
12 si leurs biens étaient endommagés, ils avaient droit à la compensation de
13 même que les Croates avaient droit à la compensation sir leurs biens
14 étaient endommagés.
15 Nous ne pensions pas que la compensation était une réponse adéquate
16 dans le cas où les biens étaient pris et donnés à être utilisés par
17 quelqu'un d'autre. Je veux dire, il ne s'agissait pas seulement de
18 personnes déplacées qui étaient déplacées depuis 1991, qui avaient le droit
19 d'utiliser ces biens. Tudjman avait invité les Croates de la diaspora qui
20 souhaitaient venir de l'étranger, d'Australie, de venir s'installer en
21 Krajina. Un effort réel devait être fait pour loger ces personnes déplacées
22 en Krajina et nous considérions que cela représentait la violation des
23 droits de l'homme.
24 Q. Oui, je pense que la décision ne stipule pas que quiconque qui utilise
25 la propriété de façon temporaire pourrait avoir le droit d'y rester et qui
26 se contenterait de payer le propriétaire. La loi ne stipule pas que les
27 personnes ou la loi indique que les personnes qui voulaient occuper ces
28 propriétés seraient potentiellement expulsées, les personnes qui voulaient
Page 5137
1 récupérer leurs biens et leurs propriétés pourraient les récupérer, et s'il
2 y avait des dégâts à la propriété ou si la propriété avait été utilisée de
3 façon temporaire par quelqu'un, le propriétaire légitime recevrait une
4 compensation, une indemnisation.
5 Vous le saviez cela ?
6 R. Il faudrait que je lise tous ces documents. Mais ce à quoi j'ai
7 beaucoup réfléchi, ce que j'ai analysé, c'était le système de départ qui
8 avait été prévu en vertu duquel on confisquait la propriété qui appartenait
9 à des "optansi" si au bout de 30 jours, sur une période de 30 à 90 jours,
10 elle avait été occupée par ces personnes, et que ces personnes, les
11 propriétaires auraient été indemnisés en vertu de cet accord bilatéral
12 conclu entre la Croatie et la Yougoslavie. Finalement, ces obstacles
13 juridiques ont en quelque sorte été édulcorés, puis éliminés.
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais verser au dossier ce
15 document.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
17 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Monsieur le Greffier.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D425.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D425 est maintenant versée au
21 dossier.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
23 Q. Alors le problème des réfugiés, donc le fait, par exemple, que ces
24 réfugiés avaient été installés dans des propriétés abandonnées, c'est un
25 problème auquel se confrontait la Croatie à l'époque, en tout cas en août
26 1995, puis qu'il y avait une crise aiguë pour ce qui était des réfugiés.
27 Mais cela s'est passé après le départ des Serbes de la Krajina, il y avait
28 des Croates, par exemple, qui venaient de Banja Luka et d'autres zones
Page 5138
1 également, et qui se retrouvaient là à la suite des combats qui étaient en
2 cours ?
3 R. Il y a eu d'autres réfugiés qui sont arrivés, mais je dirais
4 qu'essentiellement le problème des réfugiés croates était un problème qui
5 s'était posé un peu plus tôt. Je pense, par exemple, à la Croatie en 1991,
6 je pense aux personnes qui venaient de la Bosnie, mais beaucoup plus tôt
7 pendant la guerre.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais que l'on affiche la pièce
9 1D33-0105.
10 Q. Avant que nous ne puissions examiner ce document, en attendant qu'il
11 soit affiché, j'aimerais vous demander si vous convenez qu'après
12 l'opération Tempête, environ 80 % de la population qui possédait des biens
13 dans le secteur nord s'était enfuie et avait abandonné ses biens ? Le
14 secteur nord et le secteur sud ?
15 R. Vous auriez eu un chiffre beaucoup plus élevé si vous aviez inclu les
16 Croates qui avaient été expulsés en 1991, car comme vous le savez
17 pertinemment, il y a de nombreuses personnes qui possédaient des biens dans
18 le secteur nord et dans le secteur sud et qui étaient Croates, mais si vous
19 ne voulez parler que des biens qui appartenaient aux Serbes, 80 % peut-être
20 même voire un chiffre plus important. Je n'en sais rien.
21 Q. Mais c'était un chiffre important, n'est-ce pas ? Un nombre important ?
22 R. Oui, oui, oui. Un chiffre très important, je pense que 80 % c'est une
23 estimation faible.
24 Q. Bien. Ce document est un procès-verbal d'une réunion gouvernementale,
25 il s'agit du gouvernement de la Croatie, le 23 août, et le gouvernement
26 évoque ce décret, et j'aimerais attirer votre attention sur -- le problème
27 c'est que les pages ne sont pas numérotées, donc je vais compter à partir
28 de la page de garde.
Page 5139
1 Il s'agit de la page 7 pour la version anglaise, lorsque je dis page 7,
2 j'ai compté comme si la page de garde était la première page. Voilà, c'est
3 cela.
4 Il s'agit d'une discussion, vous avez un long paragraphe qui commence par :
5 "Je pense, Monsieur le Premier ministre…"
6 Si vous prenez vers le bas, il y a une phrase, ou plutôt, juste avant le
7 milieu de la page, voilà, je pense que vous l'avez trouvé, ça commence par
8 les mots suivants : "L'une des tâches…"
9 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez agrandir cette
10 partie, ce passage pour qu'il puisse être lisible. Merci. Voilà, parfait.
11 Q. La discussion porte sur le logement temporaire des personnes qui
12 reviennent et voilà ce qui est dit : "L'aspect le plus important est le
13 logement temporaire des personnes qui reviennent indépendamment du fait
14 qu'il s'agisse de personnes qui reviennent ou de personnes déplacées de
15 notre pays voisin la Bosnie-Herzégovine. Je pense que vous avez parlé de
16 cette question lors d'une réunion du cercle restreint du cabinet et que
17 vous avez conclu un accord suivant lequel il s'agissait d'une question de
18 droit ou d'une question de la législation relative à l'utilisation
19 temporaire des biens abandonnés.
20 "Je pense que si nous ne pouvons pas attendre la procédure, ce que
21 nous ne pouvons pas faire, nous devrions adopter un décret aujourd'hui afin
22 de fournir, afin de faire en sorte que les activités soient organisées pour
23 faciliter le soin apporté aux personnes pour pouvoir déterminer qui viendra
24 où, comment est-ce que ces personnes vont venir pour que nous puissions
25 éviter une plus grande catastrophe que celle que nous avons connue au
26 début."
27 Ensuite, je saute une phrase et je continue.
28 "D'après toutes ces conclusions, il est absolument manifeste que la
Page 5140
1 chose la plus essentielle, la plus importante est de coordonner au maximum
2 les efforts des autorités civiles, des militaires et de la police afin
3 d'assurer la sécurité des personnes et des biens et à cette fin, le préfet
4 de la région devra avoir l'obligation de coopérer avec le ministère de la
5 Défense ainsi que le ministère de l'Intérieur eu égard à l'établissement de
6 contrôle conjoint dans ces secteurs, notamment tous postes de contrôle par
7 lesquels doivent passer ces personnes."
8 Et à la fin du document, je voudrais que soit affichée la cinquième
9 dernière page, si vous voyez ce que je veux dire.
10 R. Je m'excuse, mais qui prend la parole ?
11 Q. Le Dr. Ivan Majdak qui était ministre à l'époque.
12 R. Je m'excuse mais il était ministre de quoi ?
13 Q. Son titre est donné comme étant ministre, le ministre Majdak, et je ne
14 peux pas vous dire comme ça au pied levé quel était son portefeuille.
15 Au paragraphe du milieu qui commence par les mots suivants : à propos de
16 l'accélération de la procédure, donc là je dirais qu'il s'agit du premier
17 ministre qui s'exprime.
18 "Pour accélérer la procédure relative aux questions de citoyenneté, alors
19 solution : le ministère de l'Administration devrait accélérer la procédure
20 autant que faire se peut, ainsi que les soins de santé et l'aspect social,
21 tels que nous les avons prévus, qui doivent être intensifiés dans les
22 secteurs où résident la population quelle que soit leur nationalité. Des
23 soins spéciaux devront être fournis à la population serbe. Point n'est
24 besoin de mentionner l'importance de cette question à l'heure actuelle du
25 point de vue politique et du point de vue humanitaire, et il faut clamer
26 que parmi tous les libérateurs qui libèrent pour la troisième fois, ceux-ci
27 sont les pires et cela doit être évité. Après le passage de l'armée et de
28 la guerre, certains deviendront des héros qui seront les plus dangereux
Page 5141
1 pour la Croatie à l'heure actuelle."
2 Puis, bon, je vous fais grâce des autres lignes, et je passe directement au
3 paragraphe suivant.
4 "Le décret relatif à la propriété est extrêmement important, nous
5 sommes conscients des contingences constitutionnelles, vous connaissez mon
6 point de vue, nous n'autoriserons pas de violence, mais nous devons faire
7 quelque chose. Il vaut mieux essayer de trouver une solution préliminaire
8 plutôt que d'autoriser l'anarchie à régner, nous trouverons une méthode
9 constitutionnelle et officielle pour trouver une solution, une solution
10 préliminaire certes qui nous permettra à aboutir à une solution définitive
11 à ce sujet. Personne ne peut maîtriser la situation car nous n'avons pas
12 suffisamment d'armées et de police pour maîtriser la situation dans 30 ou
13 40 000 appartements."
14 Peut-être que vous ne serez pas d'accord avec mon propos, Monsieur
15 l'Ambassadeur, mais il me semble que lors de cette séance gouvernementale,
16 ils discutent un décret relatif aux propriétés, et la teneur de la
17 discussion visait la protection de ces biens -- la protection vis-à-vis de
18 la destruction, quelque soit d'ailleurs la nationalité des propriétaires
19 des biens.
20 Etes-vous d'accord avec ce que j'avance ?
21 R. Il m'est très difficile d'interpréter ce document sans pour autant
22 pouvoir le placer dans le contexte de la discussion qui avait lieu à ce
23 moment-là. Bon, vous avez lu ce passage qui dit ce que vous avez lu.
24 Q. Ce que vous avancez c'est que ce décret est un moyen de confiscation
25 des biens serbes et de privation de la population serbe de la citoyenneté
26 croate; c'est cela ?
27 R. Moi ce que j'avance, c'est que le président Tudjman et ses proches ne
28 voulaient pas que les Serbes de la Krajina reviennent. Il les considérait
Page 5142
1 comme une menace stratégique, un cancer pour la Croatie. Et le décret
2 relatif à la confiscation des biens faisait partie ou s'inscrivait dans le
3 cadre d'une stratégie dont le but était d'éviter d'empêcher le retour des
4 Serbes. J'ai déjà témoigné à ce sujet.
5 Q. Oui, mais là c'est le premier ministre qui prend la parole pendant
6 cette séance, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Donc c'est quelqu'un qui fait partie des proches, n'est-ce pas ?
9 R. Non, pas forcément d'ailleurs. Officiellement il faisait partie des
10 proches de la garde rapprochée politique du président Tudjman, mais ce
11 n'était pas l'un des conseillers proches de Tudjman. Par exemple, Mate
12 Granic, qui, lui, faisait très clairement partie des proches, ne partageait
13 pas non plus le point de vue de Tudjman pour ce qui était de la solution
14 apportée au problème. Valentic, donc le premier ministre, ne le partageait
15 pas ce point de vue.
16 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais verser ce document au
17 dossier.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
19 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D427.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous nous rapprochons du moment ou --
23 non en fait.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, non, normalement nous travaillons
25 jusqu'à 12 heures 30.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est vrai. Non, non, c'est moi qui
27 me suis trompé parce que nous n'avons pas suivi notre horaire habituel.
28 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je m'excuse.
Page 5143
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, c'est moi, c'est moi. C'est parce
2 que nous n'avons pas suivi l'horaire classique pour ce matin. Donc --
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je veux m'excuser.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre, Monsieur
5 le Président, mais le document 1D33-0105 devient la pièce D426 et non pas
6 la pièce D427.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est la pièce D426 qui est versée
8 au dossier.
9 Maître Kuzmanovic, je crois comprendre que vous avez voulu verser au
10 dossier les pièces D421 et D423, mais la Chambre n'a pas pu vérifier ces
11 documents. J'ai été informé du fait qu'ils font partie des documents qui
12 seront présentés directement.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président,
14 je ne savais pas qu'ils avaient déjà reçu une cote.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je suppose que nous
16 n'utilisons pas les cotes D421 et D423 parce que ce sont les cotes qui
17 seront utilisées et reprises pour ces deux documents.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, cela ne me pose pas de problème.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
20 M. KEHOE : [interprétation] Oui, je sais que tout ce que je dis vous tiens
21 à cœur. Mais j'aimerais rectifier quelque chose. En fait c'est Me
22 Kuzmanovic et non Me Kehoe qui a apporté une correction.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ecrivez cela sur un morceau de
24 papier, remettez-le à la sténotypiste, et je pense que la situation pourra
25 ainsi être réglée.
26 Entre-temps, Maître Kuzmanovic, je dois vous dire que j'essaie de
27 suivre votre rythme effréné parce qu'un peu plutôt, vous avez parlé de
28 compensation.
Page 5144
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5145
1 Et lorsque vous parliez de compensation, je croyais que vous parliez
2 de compensation et d'indemnisation pour des biens ou des propriétés que
3 d'aucuns n'auraient plus à la suite de la législation adoptée.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, oui parce qu'il y a perte de
5 l'utilisation en quelque sorte.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais alors après vous avez posé
7 une question, et vous avez fait référence à une décision de la cour
8 constitutionnelle qui fondamentalement stipulait qu'on ne pouvait pas juste
9 avoir une compensation comme on le dit dans le jargon américain, ce qui
10 signifie qu'ils envisageaient un mécanisme de remboursement des propriétés.
11 Ensuite le témoin ne s'est pas véritablement intéressé à cette décision.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, mais je vais --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas la réponse qui m'intéresse,
14 ce qui m'intéresse c'est que j'aimerais plutôt que vous, vous nous
15 indiquiez où nous trouvons ce mécanisme de compensation ou d'indemnisation
16 lorsqu'il y a perte de biens et de propriétés dans le document, tel que
17 vous l'avez indiqué au témoin d'ailleurs. Bon, limitation de l'usage,
18 d'accord je vous suis, mais pour ce qui est de l'indemnisation ou de la
19 compensation lorsqu'il y a eu perte de biens, je souhaiterais avoir une
20 réponse.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bien entendu vous me mettez sur la brèche,
22 alors je ne retrouve pas cela, mais je vais le trouver.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous pourrez trouver cela pendant
24 la pause.
25 Mais poursuivez, Maître Kuzmanovic.
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la
27 pièce 3D00-0903 ?
28 Q. En attendant que ce document ne soit affiché, on vous a posé des
Page 5146
1 questions à propos de M. Majdak. Il fait partie de la liste dans le procès-
2 verbal, de la liste des personnes donc qui sont des ministres de ce
3 gouvernement. Je vous le dis pour votre gouverne personnelle.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Grâce à Me Mikulicic, si vous prenez la
5 traduction qui fait l'objet de la pièce 3D -- ou plutôt D425, qui est
6 justement la décision de la cour constitutionnelle, vous avez une
7 traduction partielle qui a été faite, et il est dit : "Conformément à
8 l'article 8" --
9 Ensuite il est indiqué qu'on a pris en considération le fait que la
10 loi ne vise pas seulement la limitation ou la contingence en matière de
11 droits de propriété.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je ne vous ai pas posé de
13 question à propos de perte -- ou plutôt, je ne vous ai pas parlé de limite
14 de droits, je vous ai parlé et je vous ai posé une question à propos de la
15 perte des biens, parce que lorsque vous avez posé la question, vous avez
16 suggéré en quelque sorte que cette décision portait sur la compensation
17 lorsqu'il y a eu perte du bien. Et cela je ne le trouve toujours pas.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je le trouverai, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
21 Q. Alors nous allons revenir sur le document maintenant qui est affiché à
22 l'écran, Monsieur l'Ambassadeur.
23 Il s'agit d'une explication du gouvernement croate qui explique pourquoi il
24 y a législation relative à la prise temporaire et à l'administration des
25 biens, et ils expliquent pourquoi cela est nécessaire. C'est un très long
26 document, nous avons seulement traduit certains extraits de ce document,
27 mais vous verrez au tout début du document qu'il est question du fait que
28 nombreux sont les citoyens croates de nationalité serbe qui ont quitté les
Page 5147
1 territoires libérés de la République de la Croatie. Il est indiqué qu'ils
2 sont encore sur le territoire occupé de la Croatie, probablement dans le
3 secteur est ou qu'ils sont passés dans le territoire de la Serbie et du
4 Monténégro ou en République de Bosnie.
5 Il est indiqué : "Nous pouvons comprendre qu'en dépit de tous les efforts
6 déployés, la République de la Croatie ne peut pas entièrement protéger de
7 façon efficace ces propriétés ainsi que les intérêts des propriétaires de
8 ces propriétés."
9 En fait cela revient à ce que disait le premier ministre Valentic
10 dans cette pièce que je vous ai montrée préalablement.
11 Il y a autre chose qui est évoqué également, le raisonnement qui
12 sous-tend le fait que des personnes qui ne sont pas les propriétaires des
13 propriétés en question pourraient être autorisées à occuper la propriété de
14 façon temporaire.
15 Puis au deuxième -- ou plutôt au troisième paragraphe, il revient à
16 l'administration croate de posséder de façon provisoire la propriété en
17 question et de prescrire les limites ou de prescrire les contingences qui
18 sont imposées aux propriétaires, et je suppose qu'il s'agit des personnes
19 qui se sont enfuies de la propriété qui sont des citoyens croates
20 d'appartenance ethnique ou de nationalité serbe, donc qu'il y a des
21 conditions, des conditions extrêmement strictes qui sont prévues. Vous
22 avez, par exemple, le propriétaire qui a quitté le territoire de la
23 République de la Croatie et qui a quitté son bien et des explications sur
24 la façon de pouvoir récupérer ses propriétés.
25 Vous avez au moins une explication officielle qui nous permet de
26 comprendre le raisonnement qui sous-tend la mise en application de cette
27 loi et il n'y a pas par écrit cette intention de priver les citoyens serbes
28 soit de leur propriété, soit de leur citoyenneté ?
Page 5148
1 R. Dans les extraits que vous m'avez lus, non.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais
3 que le document 3D00-0903 soit versé au dossier.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, deux choses.
6 Premièrement, j'avais vu une signature un peu plus tôt. J'aimerais savoir
7 tout simplement à qui est destinée cette explication, à quel organe.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je peux vous le dire. Je peux vous le
9 dire, parce que cela n'a pas été traduit justement. Il s'agit d'une lettre
10 du premier ministre, M. Valentic, qui est destinée au Sabor croate le 31
11 août 1995. Dans cette lettre, il expose sa proposition au Parlement croate,
12 et il explique le raisonnement qui sous-tend cette législation bien
13 précise.
14 Si vous prenez la toute première page vous verrez qu'elle est signée
15 par M. Mihanovic, c'est lui qui présente cela aux députés. Il présente
16 l'information présentée par M. Valentic, donc il s'agit en fait d'un projet
17 de décret.
18 Vous pouvez voir la lettre de M. Mihanovic, vous pouvez voir la date
19 et vous pouvez voir sur la version croate affichée à l'écran qu'elle porte
20 la date du 7 septembre et le premier ministre Valentic dans sa lettre la
21 date est la date du 31 août.
22 Si vous le souhaitez, pendant la pause, nous pourrions --
23 M. TIEGER : [interprétation] Alors, il y a les parties traduites du
24 document, c'est cela que vous allez verser au dossier. Mais nous, nous
25 aimerions pouvoir avoir la possibilité d'examiner l'ensemble du document,
26 parce que nous voulons savoir s'il y a d'autres extraits qui devront être
27 traduits. Je pense que la Chambre comprendra très certainement notre
28 prudence.
Page 5149
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je n'ai absolument aucun problème. En
2 fait, j'aurais souhaité le versement intégral du dossier pour que tout soit
3 exhaustif, mais nous n'avons pas traduit l'ensemble du document parce que
4 nous n'avons pas utilisé l'ensemble du document.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suggère aux parties que ce document
6 soit enregistré aux fins d'identification, et on pourra s'attendre à ce que
7 cela soit remplacé par un document, en fait, par deux documents d'après ce
8 que je comprends. Le premier document étant une lettre qui permet
9 d'expliquer le deuxième document au Parlement, donc cela sera remplacé par
10 deux documents, et lorsque l'Accusation aura analysé l'intégralité du
11 document nous déciderons ensuite de la recevabilité et du versement au
12 dossier du document entier.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Et pour que tout bien
14 clair : il y a deux lettres; puis vous avez le projet de décret; et vous
15 avez ensuite l'explication qui est offerte pour expliquer le projet de
16 décret.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela inclut également une
18 explication des dispositions précises du décret en question ?
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, c'est une explication générale. Vous
20 avez les différentes dispositions du décret. La version B/C/S du document
21 comporte six pages.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il s'agit des notes
23 d'explication, des notes d'explication au projet de décret.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec toute la correspondance qui est
26 afférente. Donc, nous allons décider d'enregistrer le document aux fins
27 d'identification, et ce document sera remplacé par les deux documents, donc
28 l'explication et le projet de décret.
Page 5150
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous ferons en sorte d'avoir tout le
2 document traduit pour la Chambre de première instance, ainsi elle aura
3 l'intégralité du document.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, nous n'allons pas le
5 verser au dossier tant que cela n'a pas été fait.
6 Monsieur le Greffier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D427 enregistrée aux
8 fins d'identification.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon c'est une pièce qui va
10 rester pour le moment enregistrée aux fins d'identification.
11 Alors, Maître Kuzmanovic, le moment est venu de faire une pause.
12 Oui, une petite minute.
13 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, vous avez déjà
15 utilisé 1 heure et 21 minutes exactement. Je vous encourage vivement, si
16 nous reprenons à 12 heures 20, au vu de ce que vous nous aviez dit au
17 départ, puisque vous nous aviez dit que vous termineriez votre contre-
18 interrogatoire au plus tard à la fin de cette séance, donc je vous
19 encourage à le faire.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je ferai de mon mieux pour terminer
21 aujourd'hui.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous reprendrons à 12 heures 20.
23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 02.
24 --- L'audience est reprise à 12 heures 22.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, c'est à vous.
26 M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît, juste pour
28 informer les deux parties dans la présente affaire, les mots contenus dans
Page 5151
1 la question posée par vous ne sont pas contenus dans le document de quatre
2 pages, strictement parlant, on ne fait pas mention de confiscation. Pour
3 vous aider à faire économie de votre temps lorsqu'on dit que ceci est
4 adjugé, cela veut dire que c'était une décision rendue par la Chambre de
5 première instance.
6 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Q. Le conseil Goran Mikulicic et M. Tieger ont un petit peu parlé de cela,
8 et pour permettre de vous présenter quelques pièces à conviction qui
9 devraient être marquées aux fins d'identification, tout simplement la
10 Chambre de première instance prendra ces documents en considération.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous soumettez certaines copies
12 papier de ces pièces à conviction, ça va. Mais en soumettant cela, cela ne
13 veut pas dire que des précédents devraient faire partie de dossier. Par
14 conséquent, notre personnel devrait être concerné, et cetera --
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je crois que nous allons abattre
16 davantage d'arbres pour tout cela, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
19 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je voulais attirer votre attention sur le
20 document au titre de l'article 65 ter 02706.
21 Il s'agit là de la loi adoptée par le Parlement croate qui traite d'un
22 programme de retour et la prise en charge de personnes expulsées, de
23 réfugiés et de personnes déplacées, il s'agit d'une loi qui a été adoptée
24 en juin 1998, nous en avons déjà parlé.
25 Il s'agit de dire qu'à la page 2 de cette loi particulière -- non, excusez-
26 moi, nous allons commencer par traiter la page 1. La première disposition
27 de cette loi se lit comme suit : "La République de Croatie reconnaît le
28 droit inaliénable au retour à tous les citoyens de la République de Croatie
Page 5152
1 et à toutes les catégories d'individus qui peuvent être considérés comme
2 ayant le statut de réfugiés, conformément…" et cetera.
3 Ne serait-ce qu'à prime abord, toutes les personnes y sont incluses, y
4 compris les gens qui ont la nationalité serbe.
5 Etes-vous d'accord avec moi, Monsieur l'Ambassadeur ?
6 R. Oui. Et dans ce sens-là, il s'agit de parler d'un changement très
7 radical, d'une modification radicale par rapport à ce que Tudjman disait,
8 qu'il s'agissait de gens qui ont opté eux-mêmes de quitter la Croatie et
9 qui ne sont pas habilités à retourner dans le pays trois années plus tard.
10 C'était d'ailleurs trois années avant l'attitude de Tudjman.
11 Q. Voulez-vous vous pencher sur le paragraphe 3, s'il vous plaît. On dit :
12 "Le droit de retour, organisé ou spontané, ne dépend que de la volonté des
13 individus."
14 Je voulais vous parler de cela parce que ceci traite des raisons pour
15 lesquelles les gens auraient quitté la Croatie pour différentes raisons,
16 les raisons pour lesquelles les Serbes s'en sont allés.
17 Etes-vous d'accord avec moi pour dire qu'un important nombre de gens sont
18 partis lors de l'opération Tempête parce que tout simplement ils ne
19 voulaient plus vivre dans l'Etat de Croatie. Voilà pourquoi la République
20 de Krajina de Serbie a été créée, il s'agit de gens qui ne voulaient pas
21 vivre en Croatie, n'est-ce pas ?
22 R. Certainement il devait y avoir lieu de parler d'une telle catégorie de
23 gens.
24 Q. En fait, les responsables de ces gens-là voulaient leur faire
25 comprendre que ces gens-là ne devaient pas vivre dans la République de
26 Croatie ?
27 R. Oui, exception faite de Milan Babic, je pourrais répondre à cette
28 question par oui.
Page 5153
1 Q. Pour ce qui est des gens qui ont quitté la Croatie, conviendriez-vous
2 de dire que les gens qui résidaient dans cette partie de la Croatie avant
3 de quitter l'Etat de Croatie, pour la majeure partie, ces gens-là par voie
4 référendaire ont opté pour la création de la République de Krajina serbe
5 qui devait être une entité séparée de la Croatie ?
6 R. Je crois que ceci est juste, oui.
7 Q. Et on peut dire avec une grande certitude que les gens qui ne voulaient
8 pas vivre en République de Croatie ne s'occupaient guère de savoir comment
9 se présentaient les lois là-bas, si leur propriété devait leur être
10 restituée, et cetera, tout simplement, ces gens-là ne voulaient plus vivre
11 en Croatie ?
12 R. Bien au contraire. Ils souhaitaient ces gens-là pouvoir se faire
13 restituer leur propriété. Pour la majeure partie de ces gens-là, qui
14 étaient des gens pauvres, c'était très important. Grande était l'importance
15 de leurs terres, de leurs foyers, de leur bétail. Même s'ils ne voulaient
16 pas vivre en Croatie, ils voulaient voir restituer tous ces biens pour
17 pouvoir les revendre peut-être.
18 De même, savoir ce que les gens ressentaient en 1995, au temps de la
19 guerre, c'est quelque chose de différent, chose que nous avons fort bien
20 comprise, par rapport à ce que devait être leur sentiment et leur réflexion
21 en 1998, probablement beaucoup de ces gens-là pouvaient réfléchir et
22 reconsidérer la question de vivre en Croatie si on pouvait compter sur un
23 tournant décisif par rapport au gouvernement croate, ce qui a été chose
24 faite d'ailleurs, ce nationalisme croate disparaît en l'an 2000.
25 Q. En fait, c'est le gouvernement de Tudjman qui a décrété cette loi au
26 sein du Sabor en vue d'assurer le retour de personnes expulsées, de
27 réfugiés et de personnes déplacées en juin 1998 ?
28 R. Oui. Mais à contrecœur, je dirais, ce ne sont que les héritiers de
Page 5154
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5155
1 Tudjman qui en l'an 2000 ont vraiment embrassé cette idée portant retour
2 des gens.
3 Q. Dans ce document concret portant sur le programme de retour des
4 réfugiés, de la prise en charge de personnes portées disparues ou
5 déplacées, ne s'agit-il pas de parler d'un cadre de travail dans lequel
6 cadre les gens pourraient postuler au cas où ils souhaitaient rentrer ?
7 R. Vous vous référez à ce document de 1998 ?
8 Q. Oui.
9 R. Ce document a été adopté au temps où je n'étais plus ambassadeur en
10 Croatie, par conséquent je n'ai pas eu le temps de l'étudier.
11 Q. Fort bien. Passons à la page 5. En bas de page, il y a là un morceau de
12 texte, une portion qui est en anglais que nous avons surlignée.
13 Là on parle de la manière dont se trouvent réglementées les procédures
14 portant retour. Il s'agit du paragraphe 1, pour ce qui est des personnes
15 qui nécessitent des documents délivrés par la Croatie. Dans le paragraphe
16 2, on traite de la procédure à observer à l'intention des gens qui ne sont
17 plus titulaires de documents croates. Il s'agit de différentes catégories
18 de personnes. Par exemple, ensuite on traite de maisons qui sont occupées,
19 d'autres qui ne le sont pas. Il s'agit de différentes catégories de
20 personnes qui tentent de se faire restituer leur propriété.
21 Là on ne fait pas de distinction en matière de nationalité ?
22 R. Je n'ai pas eu l'occasion d'étudier ce document de façon plus
23 approfondie. Vous me demandez d'être presque un expert, chose que je
24 pourrais faire étant donné les connaissances dont je suis doté, mais
25 devrais-je d'abord étudier un document, élaborer un petit peu, puis parler
26 un peu avec des gens qu'il faudrait que je rencontre.
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je voudrais présenter ce document pour
28 être versé au dossier.
Page 5156
1 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction D428.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche le document
5 3D00-1337.
6 Q. J'ai encore quelques documents de ce genre-là que j'aimerais traiter
7 avec vous, Monsieur l'Ambassadeur. Il s'agit de documents issus de la Cour
8 européenne des droits de l'homme. Il s'agit d'ailleurs du document portant
9 la cote 69265/15 [comme interprété] pour le compte rendu d'audience. Il
10 s'agit d'une décision rendue en janvier, le 8 janvier 2004. Il s'agit de
11 l'affaire Kostic, l'affaire ayant été entamée au mois de mai, le 2 mai.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Passons à la page 2, et occupons-nous de
13 l'alinéa A.
14 Q. Il s'agit d'un débat factuel dans le cadre de cette affaire, sans
15 entrer dans le détail, on fait mention de lois adoptées par le Parlement
16 croate, le Sabor, jusqu'à l'adoption de ce programme en vue du retour, en
17 l'occurrence il s'agit de cette personne-là qui a quitté son foyer lors de
18 l'opération Tempête en août 1995, une autre personne en a pris possession
19 et, lui, il voulait expulser évidemment cette personne-là de son foyer. Il
20 a été demandé donc l'expulsion de cette personne de sa maison. La cour
21 croate a fait droit à cette sollicitation, à cette requête, il a été
22 ordonné à cette personne-là qui a occupé la maison de Kostic de la quitter,
23 et pendant un laps de temps de trois années qui s'est ensuivi, cet homme-là
24 s'est adressé à la Cour européenne des droits de l'homme.
25 R. Puis-je avoir un aperçu de ce qui s'est passé en date du 19 janvier, à
26 la fin de la page ?
27 Q. Bien sûr.
28 R. Il s'agit de la portion du texte en bas de page.
Page 5157
1 Q. Dites-moi tout simplement lorsque vous l'aurez retrouvé ?
2 R. Nous lisons : "Le 19 janvier 1999, la commission chargée de questions
3 de logement a annulé --
4 Q. [aucune interprétation]
5 R. Oui, ça va, ça va. Vous pouvez poursuivre.
6 Q. Cela nous confond un peu.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de passer à la page 2, pouvons-
8 nous voir le haut de la page, s'il vous plaît. Je voulais vérifier quelque
9 chose.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit d'une note à moi, Monsieur le
11 Président. Ceci peut être tout à fait ignoré. Ça ne fait pas partie de
12 l'affaire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Procédez.
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
15 Q. La procédure a été reprise et il y avait plusieurs tentatives de voir
16 des gens qui voulaient faire partir les gens qui ont occupé leurs maisons.
17 Les personnes qui ne voulaient pas quitter ces maisons-là restaient pour y
18 résider. Passons maintenant à la page 5. Le requérant exprime son grief,
19 c'est-à-dire, lui prône le droit qui est le sien de pouvoir avoir
20 l'usufruit de sa maison, ses droits étant violés, lui ne peut pas reprendre
21 la possession de sa maison, et lui se considère comme étant discriminé,
22 parce que tout simplement il est d'origine serbe.
23 Passons à la page 6, vers le milieu du texte sur cette page-là où nous
24 pouvons lire : "En 1998, le Parlement a adopté un programme portant sur le
25 retour des réfugiés et des personnes déplacées, lequel programme devait
26 garantir le retour et la reprise en possession, la possession de leurs
27 biens, des gens et par des gens qui ont quitté la Croatie."
28 Pourtant : "Les résidents de ces maisons qui étaient les leurs devaient
Page 5158
1 être déménagés dans d'autres contenus d'hébergement. Le gouvernement trouve
2 qu'il faut assurer le retour des personnes dont les propriétés ont été
3 confisquées et qui ont été allouées d'ailleurs en vue d'utilisation à
4 d'autres personnes, par la même occasion, faudra-t-il protéger les droits
5 des réfugiés qui, entre-temps y ont emménagé, ont emménagé dans ces
6 maisons."
7 Et si nous passons à la page 7, le requérant dans la section 2 se plaint
8 d'être discriminé, d'être l'objet de discrimination du fait qu'il est
9 d'origine serbe, et ainsi aucun ordre de délocalisation n'a été donné dans
10 le district de Petrinja. Il s'agissait encore une fois d'une personne qui
11 est d'origine serbe.
12 Il a dit que le gouvernement de la Croatie a soumis également des
13 statistiques au moyen desquelles il a été prouvé que de tels documents
14 existaient et chose qui a été constatée par la cour en Croatie, ce que nous
15 pourrons lire plus tard dans le texte. Quand on parle de la cour, on parle
16 également de la Cour européenne des droits de l'homme où il est constaté
17 que : "Le programme portant sur le retour prend en considération également
18 toutes les personnes concernées sans discrimination aucune qui aurait été
19 signalée par des requérants en quoi que ce soit."
20 Ce programme de retour en 1998 n'était qu'un début, n'est-ce pas,
21 peut-être pas très efficace, mais fallait-il procéder à une réglementation
22 meilleure pour que les gens puissent retourner en Croatie, n'est-ce pas ?
23 R. Il s'agit tout simplement d'un début d'ordre procédural ?
24 Q. C'est une question reprise par Kuzmanovic, oui, qui prête à confusion.
25 Dans le cas de Kostic, il s'agit de dire que le programme n'est pas
26 discriminatoire. Il s'agit d'un programme qui est également valable et
27 appliqué à l'intention de tous les citoyens, peu importe si c'étaient des
28 Serbes. Les Serbes n'ont pas été objet de discrimination.
Page 5159
1 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que cette loi adoptée en 1998
2 a peut-être orientée mieux les citoyens croates, de nationalité croate,
3 également des situations ou opportunités, possibilités qui seraient
4 meilleures que celles offertes à d'autres pour retourner en Croatie ?
5 R. Je me mettrai d'accord avec vous pour dire que cette loi adoptée en
6 Croatie à l'intention des Serbes de citoyenneté croate a mieux réglementé
7 le retour en Croatie de ces gens-là, ce qui cadre avec la déposition qui
8 était la mienne, avec la déclaration qui était la mienne dans le sens de
9 l'amélioration de la situation.
10 Si on ne lit pas cette loi, si on ne l'élabore pas, si on ne traite pas de
11 tout ce que le droit comprend, je ne peux pas évidemment déposer ici pour
12 dire que ceci a peut-être mieux élaboré les procédures réglementaires. Mais
13 disons que la situation a été quelque peu meilleure.
14 Q. Fort bien.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vais d'abord annoncer maintenant les
16 trois autres cotes D qui nous restent encore et que je ne me propose pas
17 d'ailleurs d'exploiter ici, lesquels documents traitent de ce sujet.
18 Monsieur le Président, si vous voulez que je demande l'adoption de ces
19 documents pour être versés au dossier, je le ferai par écrit, mais sachons
20 que nous avons encore quatre documents du genre.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il s'agit déjà de quelque
22 chose qui a été déjà connu dans l'administration du Tribunal.
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous nous procurez des copies papier,
25 format papier, je crois que ceci serait suffisant. Peut-être M. Tieger, lui
26 aussi aimerait l'avoir.
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, nous procéderons de la sorte.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit à un moment donné que la
Page 5160
1 cour a fait référence à des statistiques. Vous avez parlé également de
2 cela, mais est-ce que vous avez eu en vue que ces documents permettaient de
3 dire que le requérant, lui, croyait et disait qu'il n'y avait pas de cas
4 déjà connu, en l'occurrence que les autorités croates, dans ce laps de
5 temps depuis 1991 à 2002, pendant quatre ans ont fait état de l'existence
6 de 15 procédures dont huit d'entres elles les propriétaires pouvaient se
7 faire restituer leurs biens, leurs maisons ?
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que ceci devait être fait pour
10 qu'il y ait lieu de dresser une analyse statistique.
11 Monsieur Tieger.
12 M. TIEGER : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît. Je crois que M.
13 Kuzmanovic a dit que dans le cadre du programme il n'y a pas eu de mesures
14 discriminatoires. A lire comme ce sujet nous invite de le faire, je crois
15 que le programme devait être mis en application également avec des chances
16 égales pour tous. Je voulais justement attirer votre attention sur ces
17 différences.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi aussi, à prime à bord, j'ai pensé
19 que lorsqu'on parle de la mise en application, il devrait être dit que la
20 loi était également appliquée à l'intention de tous. C'est une autre
21 question de savoir si en pratique cette application de la loi se fait. Et
22 c'est une question de savoir s'il s'agit d'une affaire qui accuse
23 l'existence d'une discrimination. Je crois que la Cour européenne s'était
24 limitée aussi, elle.
25 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je crois, dans cette affaire
26 particulière.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais dans l'affaire particulière, on n'a
28 pas fait droit à des suggestions, elle ont été rejetées parce qu'il n'y a
Page 5161
1 pas eu pratiquement d'affaires contre les Serbes qui ont été menées à bien.
2 Sur 15 plaintes portées, il y en avait huit auxquelles on a fait droit.
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, que le
4 programme est mis en application également à l'intention de toutes les
5 personnes, peu importe leur nationalité. Par conséquent, il n'y a pas lieu
6 de dire que sous une quelconque forme, le requérant a pu être objet d'une
7 discrimination, pour que tout soit clair, pour le compte rendu d'audience.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons le faire, Maître
9 Kuzmanovic, évidemment à titre de clarté.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
11 qu'on nous présente la pièce à conviction 3D00-1310.
12 Q. Avant de traiter de ce document, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais
13 vous poser une question concernant cet arrêté du 31 août 1995 qui a fait
14 l'objet de vos critiques, lequel arrêté présentait un délai de 30 jours,
15 auquel délai on a apporté des modifications.
16 La cour constitutionnelle qui elle a pris des décisions concernant la
17 constitutionalité de certaines portions de cette loi, dites-nous, d'après
18 les observations qui étaient les vôtres, lorsque vous traitiez de
19 gouvernement croate, est-ce que cette décision prise par la cour
20 constitutionnelle l'a été parce qu'il y a eu pression des Américains ou
21 est-ce qu'il y a eu influence de Tudjman peut-être ? Pouvez-vous répondre à
22 cette question ?
23 R. Vous ne me donnez que deux possibilités de choix.
24 Q. Oui, mais je dois vous poser des questions, Monsieur.
25 R. Peut-être ce n'était ni l'un ni l'autre. Je ne peux pas dire ce qui a
26 motivé la cour constitutionnelle.
27 Q. Peut-être que nous pourrions traiter de cette affaire pas à pas.
28 La pression américaine n'a pas pu influencer la décision prise par la
Page 5162
1 cour constitutionnelle à ce sujet, n'est-ce pas ?
2 R. Non, ceci n'était pas tout à fait clair.
3 Q. Mais, est-ce qu'il y a eu des pressions par les Américains contre la
4 cour en Croatie pour apporter de telles décisions ?
5 R. Il y a eu lieu de parler de pressions assez significatives par les
6 Américains sur la Croatie, on en savait long au sein des milieux
7 gouvernementaux. Mais dire que ceci devait influencer la façon dont la cour
8 a réagi et réfléchi, je ne saurais vous le dire. Je peux dire tout
9 simplement que nous avons parlé de ce en quoi nous avons été soutenus par
10 nos partenaires américains, à savoir il s'agissait de parler de principes
11 en matière de droits de l'homme. Et il s'agit de parler des obligations
12 auxquelles la Croatie avait consenti. Or, les cours quant à elles, sont
13 animées souvent par ce qu'on appelle les droits de l'homme. Par conséquent,
14 je ne saurais vous dire si ceci pourrait avoir une influence sur la
15 décision de la cour.
16 Q. Est-ce que vous avez su, vous, que le président Tudjman avait pu avoir
17 une influence à exercer sur la cour constitutionnelle pour autant que vous
18 vous en souveniez ?
19 R. Pour autant que je m'en souvienne, peut-être je ne suis pas dans mon
20 droit de le dire --
21 Q. Je ne voudrais pas vous voir faire des conjectures.
22 R. Pour autant que je sache, la cour était une institution fondée dans le
23 cadre de la structure constitutionnelle de la Croatie se trouvant sous le
24 contrôle du parti de Tudjman. Par conséquent, je dirais pour ma part, que
25 Tudjman devait avoir un mot à dire au sujet des investitures, évidemment,
26 des juges, et cetera.
27 Mais je crois qu'on ne pourrait pas évidemment parler de la
28 juridiction croate comme étant tout à fait indépendante, complètement
Page 5163
1 indépendante en tant qu'institution.
2 Q. Les Etats-Unis d'Amérique ont-ils également exercé une pression sur le
3 gouvernement de Serbie en matière des droits de l'homme ? La question qui
4 est la mienne, c'est de savoir quels sont les succès atteints et que vous
5 avez remarqués par rapport à la Croatie ?
6 R. Nous avons pu avoir beaucoup plus d'influence à exercer sur la Croatie
7 que sur la Serbie parce que -- d'abord, la Croatie dépendait à bien des
8 égards des Etats-Unis d'Amérique à la lumière des événements qui nous ont
9 menés vers le retour des territoires occupés et à la lumière des accords
10 d'Erdut, et les Musulmans et les Croates faisaient en sorte que le tout
11 devait être lié à ce que la Croatie devait faire pour devenir partie
12 intégrante de l'OTAN et de l'Union européenne. Pour ce qui est de la
13 Serbie, par contre, la Serbie présentait moins d'ambitions de ce genre-là.
14 D'autres membres de l'ONU ont imposé des sanctions à la Serbie, du fait
15 qu'en 1994 et 1995, les forces serbes ont été bombardées, plus tard nous
16 avons eu la guerre au Kosovo en 1999.
17 Par conséquent, la situation est tout à fait différente.
18 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez dit que la Croatie a été à bien des
19 égards dépendante des Etats-Unis d'Amérique pour traiter de cette
20 évolution. Ne trouvez-vous pas que les Etats-Unis d'Amérique ont été
21 entravés par la Croatie par l'opération Tempête, ce qui d'ailleurs devait
22 se solder par Dayton ?
23 R. Je crois que l'opération Tempête et qui a donné lieu à la campagne de
24 Bosnie était un moment critique; est-ce que ceci annonçait les accords de
25 Dayton ? Non. Mais je ne dirais pas que les Etats-Unis dépendaient en quoi
26 que ce soit de la Croatie. Ce n'était pas vraiment un domaine d'intérêt
27 vital pour les Etats-Unis d'Amérique. Notre survie n'en dépendait guère.
28 Nous ne faisions que souhaiter voir la guerre prendre fin, et qu'il fût
Page 5164
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5165
1 dans l'intérêt de la Croatie, comme étant un élément-clé, de voir la guerre
2 se terminer. Lorsqu'il y a eu des négociations portant sur le cessez-le-feu
3 entre les Musulmans et les Croates en vue de créer une fédération, nous
4 avons pu nous rendre compte du fait que c'est la Croatie qui pouvait être
5 le moteur de tout cela. Et nous avons pu croire que Tudjman, s'il pouvait
6 diminuer certaines de ses impulsions nationalistes, pouvait prendre une
7 décision positive.
8 Je crois que tout de même les Etats-Unis d'Amérique en dépendait en quelque
9 sorte.
10 Q. Est-ce que ce n'est pas l'OTAN, ce ne sont pas les Etats-Unis
11 d'Amérique qui ont lancé cette action, mais plutôt la Croatie ?
12 R. L'OTAN, par des pilonnages au 30 août 1995, a ouvert le volet pour
13 ainsi dire.
14 Q. En Bosnie, n'est-ce pas ?
15 R. Oui. C'est à cette époque-là que l'armée croate et l'armée de la
16 Bosnie-Herzégovine ont marqué des avancements assez importants.
17 L'OTAN ne représentait pas les forces de l'air de la fédération. Il ne
18 s'agissait pas de ce rôle-là. Il s'agissait tout simplement d'une riposte à
19 la suite d'un pilonnage du marché de Sarajevo et de ces massacres, je crois
20 que ceci a infligé d'importants dommages à des Serbes, mais également ceci
21 n'était pas sans avoir une influence dans le rapport des forces sur le
22 terrain.
23 Q. Monsieur l'Ambassadeur, nous allons maintenant nous occuper du document
24 daté du 2 décembre 2006.
25 Il s'agit d'un tableau statistique qui nous présente le retour de personnes
26 déplacées ou de minorités dans différents comtés en Croatie, vers le milieu
27 du texte de ce document où nous pouvons lire le total des réfugiés de
28 retour, la portion à gauche, cela présente le nombre de gens qui sont de
Page 5166
1 retour. Vers le bas de la page, vous pouvez voir le total de ces valeurs,
2 colonne numéro deux, il s'agit cette fois-ci de présenter les réfugiés qui
3 sont en Yougoslavie; la troisième colonne représente le retour des gens de
4 Bosnie-Herzégovine; la quatrième colonne représente les réfugiés du secteur
5 est; ce document datant du 2 décembre 2006 accuse que plus de 90 000
6 personnes sont de retour en Croatie depuis la Yougoslavie.
7 Pour moi cela voudrait dire que dans une certaine mesure, la plupart, si ce
8 n'est toutes, de ces personnes qui sont rentrées étaient en fait Serbes,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Je pense que c'est fort probable, oui.
11 Q. Donc entre l'an 2000 et 2006, si je me souviens bien, à partir
12 d'environ 41 000 personnes qui sont rentrées, on est passé à un chiffre de
13 presque de plus 90 000 personnes qui sont rentrées de Yougoslavie en
14 Croatie, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Vous voyez que nous avons maintenant les différentes régions et à côté
17 du numéro 15 nous avons Sibenik Knin, c'est le secteur sud, plus de 20 000
18 [comme interprété] personnes sont rentrées dans cette région depuis seule
19 la Yougoslavie en 2006, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'est justement le chiffre que j'ai remarqué tout de suite.
21 Q. Sur la droite du document, Monsieur l'Ambassadeur, le chiffre total des
22 personnes qui sont rentrées, où nous avons le chiffre 324 000 --
23 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le chiffre.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
25 Q. -- nous avons les personnes déplacées et les minorités comprises,
26 et sur la gauche, nous avons 123 000 personnes.
27 Puis si l'on regarde sur l'endroit du document, on voit les gens qui sont
28 partis afin de rentrer, on parle des personnes qui soit planifient ou
Page 5167
1 organisent leur retour en Croatie, et nous avons également là la région
2 Sibenik-Knin et on voit qu'il y a encore 1 332 personnes, et si l'on ajoute
3 ce chiffre, en tout nous avons le chiffre de 11 000 ou 12 000 personnes qui
4 envisagent de rentrer soit depuis la Yougoslavie, soit depuis la Bosnie-
5 Herzégovine pour s'installer en Croatie.
6 C'est plutôt un chiffre important, n'est-ce pas ?
7 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
9 M. TIEGER : [interprétation] Je n'arrive pas à faire la distinction entre
10 ceux qui sont rentrés et ceux qui envisagent de rentrer.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, je n'arrive pas à
12 suivre, peut-être que je suis trop lent, prenez un peu plus de temps pour
13 dire voilà, telle rubrique, tel chiffre parce que j'ai vraiment beaucoup de
14 mal à vous suivre.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] D'accord, voyons d'abord la partie sur la
16 gauche du document, en bas, où nous avons le numéro 332 701, c'est le
17 chiffre total des personnes qui sont rentrées en date du 2 décembre 2006.
18 Et le chiffre total des personnes qui sont rentrées, y compris les Croates
19 et les minorités, le chiffre total dépasse 340 000 personnes, plus
20 exactement 342 701.
21 Q. Pour préciser les choses, Monsieur Galbraith, les personnes qui sont
22 rentrées de HP, ça c'est plutôt le secteur est, n'est-ce pas ? Hrvatska
23 Podonarje [phon], c'était autrefois le secteur est, n'est-ce pas ?
24 R. Oui. Si vous me dites que c'est cela, je l'accepte, je comprends ce que
25 ces mots veulent dire, mais si vous dites que c'est le secteur est, je
26 l'accepte.
27 Q. Là, on fait état de 23 584 personnes au total qui sont rentrées depuis
28 le HP pour s'installer en Croatie. Est-ce que vous conviendrez pour dire
Page 5168
1 que ces personnes étaient avant tout des citoyens de nationalité serbe ?
2 R. Oui. Si on en suit la logique, c'est exact.
3 Q. Si l'on ajoute les citoyens qui sont de nationalité serbe qui sont
4 rentrés en Croatie de la colonne HP, et c'est 23 584 personnes, si l'on
5 ajoute ce chiffre au chiffre de ceux qui sont rentrés de la Yougoslavie, ce
6 qui représente un chiffre de presque 91 000 personnes, en tout vous avez
7 110 000, 111 000 personnes qui sont rentrées en Croatie au plus tard en
8 2006 et qui sont de nationalité serbe, n'est-ce pas ? Si ces chiffres sont
9 exacts.
10 R. Oui. Mais il faudrait également inclure ceux qui sont rentrés de
11 Bosnie.
12 Q. Oui, je voulais en parler par la suite. Mais c'étaient avant tout des
13 Serbes, n'est-ce pas ?
14 R. Etant que le gouvernement croate n'a pas traité les Croates en tant que
15 minorité, et je présume qu'il n'y avait pas beaucoup de Musulmans, je pense
16 que ce chiffre inclut également les réfugiés serbes qui sont allés
17 s'installer quelque part en Republika Srpska, en Bosnie.
18 Q. En 2006, si ces chiffres sont exacts, nous avons à peu près 120 000
19 Serbes qui sont rentrés s'installer en République de Croatie ?
20 R. Oui. Et encore 10 000 qui souhaitaient rentrer ou qui étaient dans le
21 processus de rentrer.
22 Q. D'accord.
23 R. Oui, je pense que ces chiffres semblent corrects.
24 Q. Vous avez raison, Monsieur l'Ambassadeur.
25 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce
26 document.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
28 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à soulever, Monsieur
Page 5169
1 le Président, mais je voudrais parler avec le conseil de la source d'où
2 émane ce document.
3 M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document sera versé au dossier, mais
5 on garde la possibilité que le Procureur peut demander à la Chambre de
6 revoir sa décision au sujet du versement.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D429.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D429 est versée au dossier.
9 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
10 Q. Souhaitez-vous dire quelque chose ?
11 R. Oui, je pense qu'il y a encore quelque chose d'intéressant au sujet de
12 ce tableau, si l'on regarde les régions dans les anciens secteurs sud et
13 nord.
14 Q. Sisak ?
15 R. Je regardais Sisak, Zadar, Sibenik, Knin, Lika Senj -- est-ce que
16 Karlovac y serait aussi, Sisak également. En regardant les chiffres se
17 référant aux minorités -- j'essaie de faire le calcul maintenant.
18 Q. Vous savez, c'est pour ça que je suis devenu avocat, pour éviter les
19 calculs.
20 R. Donc 57. Je pense qu'en tout il y a 81 000 personnes qui sont rentrées
21 sur un total de 180 000 qui sont parties. Et pour moi, c'est un chiffre
22 fort encourageant.
23 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que l'on
25 affiche la pièce D214.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le titre de ce document n'indique pas
27 grand-chose, et j'aimerais essayer de comprendre la chose suivante.
28 Les noms de régions, est-ce que ce sont les noms des régions dans
Page 5170
1 lesquelles ces personnes sont rentrées ?
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et il y a également des exemples de
4 régions qui ne sont pas connues, mais où les gens sont rentrés quand même ?
5 Ce que j'essaie de comprendre, c'est ce que ce tableau veut dire
6 précisément -- les personnes qui sont rentrées et qui étaient anciennement
7 déplacées.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pense que ce chiffre se réfère aux
9 Croates qui étaient déplacés pendant la guerre et qui sont rentrés.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Et puis le retour des
11 personnes en minorité.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ça, c'est la troisième colonne.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc le total, s'agissant des minorités,
14 des personnes qui sont rentrées, puis des personnes qui sont parties afin
15 de rentrer.
16 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ce sont des personnes qui envisage de
17 rentrer. C'est comme ça que je le comprends, qui sont parties et qui
18 maintenant envisagent de rentrer.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Maintenant je comprends.
20 Ensuite, nous avons les personnes qui demandent le retour ?
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite nous avons des réfugiés. C'est
23 quoi cette catégorie ?
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ce sont des personnes réfugiées qui n'ont
25 pas de statut de citoyenneté réglée, mais qui sont tout simplement des
26 réfugiés. Ils ne sont pas forcément ni Croate ni Bosnien, mais ils sont
27 réfugiés, venus de ces régions-là.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il s'agit d'un grand nombre de
Page 5171
1 personnes. D'où viennent-ils ?
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Du Kosovo ou d'une autre région de l'ex-
3 Yougoslavie.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Est-ce que cela peut inclure
5 les personnes qui sont considérées comme réfugiés et qui ont quitté la
6 Croatie ?
7 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pense que ces personnes pourraient être
8 incluses dans cette catégorie.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite nous avons ceux qui se sont
10 installés. Et qui proviennent d'où ?
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] De n'importe où.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le total dans ce chiffre, sont
13 incluses toutes les personnes, n'est-ce pas ?
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Exactement. C'est sur la droite de ce
15 tableau.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Maintenant je comprends
17 comment vous avez compris ce tableau et ce que ce tableau est censé nous
18 dire. Ce tableau a été fait en 2006.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de cette catégorie des personnes
20 qui se sont installées.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit du mois de décembre, le 2
22 décembre 2006.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la manière américaine d'indiquer la
24 date m'a rendu perplexe.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] La catégorie "settlers", les personnes qui se
26 sont installées, je pense que ce sont des personnes qui sont probablement
27 croates que Tudjman voulait faire venir pour s'installer en Krajina au lieu
28 de la population serbe, parce qu'au vu des régions où ils se sont
Page 5172
1 installés, c'était pour la plupart les anciens secteurs nord et sud. Ce qui
2 est vraiment fort étrange est le fait que peu de gens souhaitaient rentrer
3 et habiter là-bas dans ces régions-là.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.
5 Et la région de Knin est près de quel numéro ?
6 M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est le numéro 15, Sibenik-Knin.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord, je vois.
8 Bien sûr, il ne revient pas au conseil de faire les explications mais
9 j'imagine que M. Tieger n'avait rien contre.
10 M. TIEGER : [interprétation] Je fais tout à fait confiance à Me Kuzmanovic
11 et ce que je voulais savoir c'est quelle est la source de ce document parce
12 que là ce que nous avons vu fait partie d'un document bien plus important.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et moi, je n'ai parlé que ce que
14 nous avons pu voir maintenant et lire dans ce document.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'en parlerai avec mon confrère du bureau
16 du Procureur.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche la
19 pièce D214, s'il vous plaît.
20 Q. Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit d'un procès-verbal tenu lors d'une
21 audience à huis clos du gouvernement de la République de Croatie en date du
22 5 octobre 1995. Vous pouvez voir que plusieurs ministres ont été présents
23 lors de cette session, tout d'abord, le premier ministre, ensuite Dr
24 Granic, le vice-premier ministre, puis plusieurs autres vices-premiers
25 ministres, et le ministre Jarnjak.
26 A la deuxième page, nous pouvons voir quel était l'ordre du jour. Je veux
27 attirer votre attention sur quelque chose, on parle ici de l'information
28 selon laquelle dans la région de Varivode, neuf civils serbes ont été tués.
Page 5173
1 R. Vous me demandez si j'étais au courant de ce qui s'est passé à Varivode
2 ?
3 Q. Oui.
4 R. A l'époque, nous en avons parlé et nous avons vraiment attiré
5 l'attention du gouvernement croate sur cet événement.
6 Q. Vous pouvez voir le projet de traduction de ce document, et je vous
7 donnerai le numéro 3D, c'est 0696.
8 Avant que le texte ne s'affiche, je vais vous donner le résumé pour que
9 vous compreniez le contexte. Le ministre des Affaires intérieures présente
10 un rapport à propos de cet incident, il fait état des mesures qui ont été
11 prises par le ministère des Affaires intérieures, et ce, après qu'une
12 discussion a eu lieu sous l'égide du premier ministre Valentic.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est finalement le document D215 que je
14 voudrais voir affiché à l'écran.
15 Donc la pièce 0681.
16 Q. J'aimerais insister sur le fait qu'il s'agit d'une séance qui s'est
17 tenue à huis clos, il ne s'agit pas d'une séance publique, il n'y a pas de
18 journalistes, il n'y a personne qui fait un reportage à la télévision, donc
19 nous n'avons pas le contexte. Il s'agit, je le répète, d'une réunion tenue
20 à huis clos et ceux qui étaient présents, c'est les personnes dont les noms
21 sont énumérés dans l'ordre du jour.
22 Il est indiqué que M. Jarnjak parle et dit essentiellement qu'il espère que
23 dans quelques jours : "Nous aurons des informations très prochainement pour
24 que nous puissions communiquer publiquement les noms des personnes qui ont
25 participé et commis cet acte."
26 Il est en train d'informer le groupe présent de ce qu'il va faire et le
27 premier ministre de la Croatie s'exprime, cela dure sur plusieurs pages,
28 cela a son importance parce qu'il s'agit d'un huis clos --
Page 5174
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5175
1 M. TIEGER : [interprétation] Avant que cette page ne soit ôtée à l'écran,
2 je remarque que ce qui précède, le paragraphe qui a été lu reprend un
3 commentaire qui d'ailleurs a été fait par le témoin à propos de l'incident
4 de Varivode, je pense qu'il serait utile que le témoin puisse en prendre
5 connaissance.
6 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, oui. Il s'agit des accusations plus
7 tôt présentées par le comité Helsinki à propos de cet incident. Alors peut-
8 être que d'une certaine façon il commençait à se rendre compte de ce qui
9 s'était passé par rapport à l'enquête.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui se trouve juste avant ce dont vous avez
11 donné lecture est encore plus important parce que voilà ce qui est dit :
12 "Ce que je dis, c'est que la pression du public international, de tous les
13 côtés, est exceptionnellement importante et c'est une tentative car nous
14 avons publié une déclaration hier -- ou lundi, nous avons publié cette
15 déclaration hier, nous avons réitéré la déclaration pour apporter notre
16 réponse aux accusations proférées par le comité croate Helsinki parce que
17 cela va certainement contribuer au climat qui règne, aux activités de
18 campagne électorale qui ont commencé. Tout le monde essaie de transformer
19 cette atmosphère afin qu'elle corresponde à sa propre sphère d'intérêt."
20 Voilà, c'est un peu dur à suivre quand même.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, Monsieur Galbraith, lorsque
22 vous commencez à lire, vous lisez de plus en plus vite. C'est une
23 expérience que nous avons tous fait ici. Il fallait attendre que les
24 interprètes finissent.
25 Mais je vous inviterais quand même à ralentir votre rythme lorsque vous
26 lisez.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que cette déclaration a un peu prêté
28 à confusion, il n'est pas facile de la comprendre, mais ce qui a son
Page 5176
1 importance ici, et cela est tout à fait conforme à mes observations, c'est
2 cette phrase : "Je suis en train de vous dire que la pression du public
3 international, de tous les côtés, est particulièrement importante." Ça
4 c'était véritablement au cœur de leur préoccupation.
5 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
6 Q. Nous allons voir ce que dit le premier ministre au bas de cette page, à
7 la page suivante.
8 Au bas de la page, le premier ministre, je vais commencer par ce qui est
9 écrit au milieu : "Mais j'aimerais dire aux fins du compte rendu du procès-
10 verbal et par rapport à ma propre responsabilité, qu'un Etat où des civils
11 sont tués quels que soient les auteurs de cet événement est par conséquent
12 un Etat qui ne peut pas intervenir…"
13 Page suivante. "Un Etat qui ne peut pas protéger les civils, cet Etat n'a
14 absolument aucun espoir de parvenir aux objectifs pour lesquels nous nous
15 battons. Je comprends tout à fait que l'on retrouve plusieurs éléments, la
16 vengeance, la violence, la portée au gain, mais nous devons prêter la plus
17 grande importance à ceci. J'en ai parlé avec beaucoup de sérieux avec le
18 président du pays, qui est la seule personne qui a une possibilité parce
19 qu'il a le pouvoir et l'autorité sur les chefs d'état-major de l'armée et
20 un gouvernement qui n'a pas d'autorité officielle, ni de facto, et je le
21 dis personnellement, et je le dirai à chaque occasion qui s'offrira à moi,
22 je ne pourrai pas véritablement garder ma sérénité tant que l'auteur de cet
23 incident n'est pas sanctionné.
24 "Cela a son importance pour toute personne qui vit dans cet Etat.
25 Personne ne peut tuer quelqu'un, particulièrement lorsqu'il s'agit de
26 personnes âgées innocentes. D'ailleurs je dirais qu'il n'y a absolument
27 aucun objectif supérieur qui pourrait justifier cette action, cela ne peut
28 pas tout simplement être oublié. Il y a autre chose qu'il convient de dire
Page 5177
1 et qui a son importance. Des événements de ce genre nous lèsent du point de
2 vue politique et du point de vue économique. La Croatie ne pourra pas
3 rallier le conseil de l'Europe, il n'y aura pas d'intégration dans les
4 institutions financières internationales. Ceux d'entre vous qui allez à
5 Washington le verront. Demain, je vais à Varsovie et je sais quel est le
6 type de questions et de pressions qui vont être exercées là-bas."
7 Cette déclaration se poursuit et le libellé est plutôt fort, sur le reste
8 de la page cela se poursuit également, d'ailleurs les formules fortes qui
9 sont employées peuvent être trouvées à la page suivante. Si vous voyez le
10 dernier paragraphe, il termine et c'est le premier ministre Valentic qui
11 conclut comme cela : "Par conséquent, cela est très grave, et je vous donne
12 mon point de vue en tant que personne et en tant que premier ministre, et
13 je répète que je suis absolument conscient du fait qu'au vu de cette
14 situation catastrophique où vous avez des centaines de milliers de
15 personnes qui sont déplacées, réfugiées et tuées, beaucoup de choses
16 peuvent se passer. Mais le critère pour l'Etat que nous sommes nous
17 permettra de voir si nous pouvons mettre un terme à ceci ou non, parce que
18 parler d'une économie de marché, parler de démocratie alors que des gens se
19 font tuer, cela ne peut pas exister, Mesdames et Messieurs. Essayons au
20 moins d'introduire une administration militaire, une administration de la
21 police là-bas, construisons ou établissons des camps, mettons des fils
22 barbelés, mais nous ne pouvons pas avoir ce genre de cow-boys qui se
23 déplacent et tuent les gens."
24 On a l'impression que c'est quelque chose que vous auriez pu dire vous-
25 même, Monsieur l'Ambassadeur.
26 R. Si j'avais pu m'exprimer de façon aussi éloquente que le premier
27 ministre Valentic, je l'aurais fait. J'ai déjà déposé à ce sujet, mais je
28 vais répéter ce que j'ai déjà dit. Il y avait de nombreuses personnes
Page 5178
1 honnêtes qui faisaient partie du gouvernement de la Croatie, qui n'aimaient
2 pas ce qui se passait. Je vous ai déjà parlé du ministre des Affaires
3 étrangères, M. Granic. Je n'ai pas eu beaucoup à voir avec Valentic, mais
4 clairement, manifestement il s'agit d'une déclaration particulièrement
5 véhémente de sa part qui prouve que c'était un homme intègre.
6 Q. Mais le ton de la discussion alors qu'il s'agit d'une séance à huis
7 clos d'ailleurs, alors vous avez le premier ministre de ce pays qui
8 s'exprime, et est-ce que vous avez l'impression qu'il s'agissait d'un
9 gouvernement qui ne souhaitait absolument pas empêcher ce genre de chose ?
10 R. Il y avait des gens parmi le gouvernement qui ne voulaient pas que cela
11 se passe, mais j'aimerais attirer votre attention sur ce qu'a dit le
12 premier ministre Valentic un peu plus tôt dans sa déclaration. Si vous
13 reprenez, par exemple, la page précédente --
14 Q. Oui, oui, bien sûr. Je pense que c'est vers le haut, là où il était
15 question du président.
16 R. Oui. "J'ai parlé avec beaucoup de sérieux avec le président de ce pays
17 qui est le seul qui a la possibilité puisque c'est lui seul qui a le
18 contrôle et l'autorité sur les chefs d'état-major militaires, alors que le
19 gouvernement," à savoir le premier ministre et son cabinet de ministres,
20 "n'a pas d'autorité officielle de facto." Et avec le système croate qui
21 existait avec le président Tudjman, c'était le président de la république
22 qui s'occupait de sécurité nationale ainsi que le ministre de la Défense et
23 des Affaires étrangères, et ce n'est pas le premier ministre.
24 Q. Mais vous conviendrez quand même avec moi que non seulement le premier
25 ministre Valentic et le ministre des Affaires étrangères Granic, mais qu'il
26 y avait d'autres personnes qui faisaient partie du gouvernement croate qui
27 voulaient absolument mettre un terme à cela ?
28 R. Oui, il y en avait d'autres, tout à fait. D'ailleurs, cela est très
Page 5179
1 clair, et c'est l'une des raisons pour lesquelles je pense que notre
2 pression a abouti parce que nous avions des alliés au sein du gouvernement
3 croate, parmi la population croate, parmi les organisations non
4 gouvernementales, et je pense que la population croate, et cela on le voit
5 très, très clairement en 2000 lors des élections et lorsqu'ils ont voté une
6 écrasante majorité pour élire un président et un premier ministre qui
7 envisageaient et ont permis les retours en question que nous avons pu voir
8 sur le tableau précédent.
9 Q. J'aimerais vous montrer un extrait vidéo, Monsieur l'Ambassadeur, un
10 extrait qui va durer moins de 15 secondes, je suppose.
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il y a un texte. C'est deux personnes qui
12 parlent, quatre lignes.
13 [Diffusion de la cassette vidéo]
14 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
15 "Journaliste : Monsieur le Général, est-ce que les Musulmans de Bihac
16 vont continuer à provoquer dans la région de Ribic beaucoup plus longtemps
17 ?
18 Ratko Mladic : Oui, et ils vont être complètement anéantis comme ils l'ont
19 été à Srebrenica et Zepa."
20 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
22 Q. Il s'agit d'un extrait du général Mladic qui parle du potentiel de ce
23 qui s'est passé à Bihac, assez semblable à ce qui s'était passé à
24 Srebrenica et à Zepa et c'était véritablement une crainte réelle et vous
25 avez parlé de cette crainte, n'est-ce pas ?
26 R. Oui, c'était une crainte véritable. Et le voir me fait froid dans le
27 dos, rien que de penser à ce qu'il aurait fait ou à ce qui se serait passé
28 s'il avait réussi à prendre Bihac.
Page 5180
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaite que cet extrait vidéo qui a
2 été très, très court soit versé au dossier.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, le texte n'a pas été
4 consigné au compte rendu d'audience.
5 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce 3D00-1356.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce texte n'apparaît pas dans le compte
7 rendu d'audience. Il ne s'agit que de deux ou trois lignes.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il y avait quatre lignes.
9 Nous allons le diffuser à nouveau, et puis j'espère que cela pourra être
10 consigné au compte rendu d'audience. C'est très succinct.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les interprètes peuvent
12 interpréter à partir du texte qui a été fourni ? Et ce texte, ces sous-
13 titres nous donnent le texte anglais, ou plutôt la traduction anglaise du
14 texte.
15 Alors est-ce que l'on pourrait revoir cela, je vous prie ?
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
18 "Journaliste : Mon Général, est-ce que les Musulmans de Bihac vont
19 continuer à provoquer la défense des Serbes dans la zone de Ribic pendant
20 beaucoup plus de temps ?
21 Ratko Mladic : Oui, et ils le feront jusqu'à ce qu'ils soient
22 anéantis comme ils l'ont été à Srebrenica et à Zepa."
23 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que cela a réglé votre problème,
25 Monsieur le Président ?
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois maintenant que cela a été
27 consigné au compte rendu d'audience. J'ai entendu que l'interprétation
28 française avait été faite, et je pense qu'on peut suivre l'original sur la
Page 5181
1 bande.
2 Poursuivez.
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
4 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que vous étiez informé d'une opération
5 que l'ARSK allait mener à bien en conjonction avec l'armée des Serbes de
6 Bosnie, opération que l'on a appelée opération Mac pendant cette période --
7 opération Glaive [phon] ?
8 R. Le nom de code n'évoque rien. Non, je ne me souviens plus de ce dont il
9 s'agissait, mais je savais que l'ARSK et l'armée des Serbes de Bosnie
10 avaient attaqué Bihac conjointement.
11 Q. [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] J'ai remarqué qu'après que Me Kuzmanovic a
14 versé au dossier l'extrait vidéo, il a été question du problème de
15 traduction ou du fait que ça n'avait pas été consigné, donc on n'a jamais
16 versé au dossier le document en question.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de me l'avoir rappelé,
18 Monsieur Tieger. Je suppose que cela signifie que vous n'avez aucune
19 objection ?
20 M. TIEGER : [interprétation] Non, je n'ai pas d'objection, puisque c'est le
21 même extrait que nous avions vu auparavant.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, c'est exact. C'est ce que nous avions
23 présenté lors des déclarations liminaires.
24 M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'ai l'impression que cela ressemblait à
25 un autre extrait que nous avons vu dans d'autres contextes.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est tout l'entretien qui
27 est versé au dossier ?
28 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, je ne le pense pas. Je pense que nous
Page 5182
1 avons plusieurs extraits.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plusieurs extraits. Bien. Monsieur le
3 Greffier, qu'en est-il ?
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D430.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D430 est versée au
6 dossier.
7 Poursuivez, Maître Kuzmanovic.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. J'aimerais que soit
9 affiché un document qui porte sur l'opération Mac, 3D00-0773. Nous avons
10 demandé que ce document soit traduit en anglais et nous avons fait cette
11 demande il y a un certain temps maintenant. Le document n'a pas été traduit
12 et j'allais demander à mon conseil -- ou mon confrère Goran de nous donner
13 lecture de ce document en croate, qui sera traduit, ensuite je poserai les
14 questions que je souhaite poser à ce sujet.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Bien qu'il n'appartient pas aux
16 interprètes de fournir ce genre de traduction, mais si vous vous contentez
17 de lire de petits extraits, en général, il n'y a pas d'objections.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous avons demandé la traduction il y a un
19 certain temps de cela.
20 Si vous pouviez afficher le document, ainsi vous pourriez suivre, il s'agit
21 du document B/C/S, bien sûr.
22 M. MIKULICIC : [interprétation] Ce document est une information de
23 l'état-major principal de l'armée de la Republika Srpska, notamment de sa
24 section sécurité. Il se lit : "Réalisation des tâches de OA Mac, intitulé
25 Mac 1." Je vais donner lecture d'une partie de ce document.
26 "Au début du mois de juillet de l'année courante, le commandement de
27 l'état-major principal de l'armée serbe de Krajina a rédigé une directive
28 portant réalisation de l'opération Mac, laquelle concerne les opérations en
Page 5183
1 cours à l'encontre du 5e Corps ayant pour but de le mettre en échec.
2 "L'opération Mac devait être entamée en date du 15 juillet, on pense à
3 1995, comme ceci figure dans l'intitulé, pendant les toutes premières
4 heures du matin. Pour cette opération ont été engagées et déployées les
5 forces du commandement Pauk, "araignée", et une partie des forces des 21e
6 et 39e Corps. Dans le cadre de l'opération (lors des préparatifs), le
7 commandant de l'armée de Srpska Krajina a décidé l'utilisation d'agents
8 biologiques pour intoxiquer les articles de grande consommation (farine,
9 sucre, huile, détergents liquides pour laver la vaisselle), par le biais
10 d'un commerce illicite, le tout devait être livré par vente au 5e Corps
11 pour provoquer des maladies contagieuses et en masse des combattants, ce
12 qui voulait dire que ces combattants devraient être hors effectif.
13 L'incubation de la maladie devait se prolonger pendant cinq ou sept jours."
14 En note de bas de page : "Une dose normale a été déjà testée sur un membre
15 de la force oustachi, Marijanovic Goran, ce qui lui a été inoculé -- les
16 symptômes ci-dessus mentionnés ont duré pendant six jours. Il a été pris en
17 charge par les médecins, ce qui a probablement amoindri la durée de la
18 réaction.
19 "Cet agent est sous forme d'une poudre produite en Republika Srpska.
20 Lorsque pris en grandes doses, compte tenu de la résistance de l'organisme
21 humain, le tout pourrait avoir une issue létale. Normalement utilisé, par
22 des doses normales, il s'agit de signaler des maux d'estomac, diarrhée,
23 maux de tête et convulsions au niveau de l'estomac. En date du 22 juillet
24 1995, nous n'avons pas enregistré de cas de cette maladie. Sécuriser les
25 articles livrés par vente au 5e Corps et inoculation d'agents, qui avaient
26 pour but de mettre à l'échec les effectifs, était fait par le centre des
27 renseignements de la direction du renseignement de l'état-major principal
28 de l'armée de Yougoslavie stationnée à Topusko. Lors de cette action, y ont
Page 5184
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 5185
1 pris part le colonel Zimonja Nikola et le lieutenant-colonel Milan Krgovic,
2 avec l'engagement d'un homme d'affaires qui répond au nom de Misevic Nenad
3 de Glina."
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
5 Q. Merci de la patience avec laquelle vous avez suivi la lecture de
6 ce texte, Monsieur l'Ambassadeur.
7 Ces données concernant l'opération Mac permettent-elles de rafraîchir
8 votre mémoire en la matière, est-ce que les forces conjointes de Republika
9 Srpska et des forces serbes ont pu planifier une telle opération ?
10 R. Je savais - ce dont j'ai déjà témoigné ici - qu'il y avait une
11 opération conjointe menée par l'ARSK et des Serbes de Bosnie qui avaient
12 l'intention de prendre Bihac, ce qui revient au même de toute évidence, ce
13 dont on traite ici lorsqu'on parlait de mettre en échec le 5e Corps.
14 Pour ce qui est de l'autre partie du document, il s'agit d'une tentative
15 d'inoculer du poison à des membres du 5e Corps, je n'ai pas d'information
16 là-dessus, pour autant que je m'en souvienne, mais en tout cas cela semble
17 assez dramatique.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, que ce
19 document soit versé au dossier.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il faut le marquer à titre
22 d'identification, si nécessaire.
23 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Ceci serait peut-être plus important,
24 mais ceci est à la disposition de la Chambre de première instance. De toute
25 façon, je n'ai pas d'objection. Mais si ce document doit être traduit, je
26 crois qu'il faudrait le revoir.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois, Monsieur Kuzmanovic, que
28 ce qui s'était passé, sauf la portion du texte qui concerne la démolition
Page 5186
1 du 5e Corps, nous avons entendu une longue histoire sur l'utilisation de
2 poison, ce dont le témoin disait qu'il n'en savait rien. Je ne pense pas
3 que ce soit une façon appropriée de procéder. Vous auriez dû poser d'abord
4 la question au témoin liée à cette opération, lui demander s'il avait une
5 connaissance quelconque sur de tels rapports portant sur des inoculations
6 de poison pour éliminer les opposants, peut-être on devrait présenter deux
7 ou trois détails pour rafraîchir sa mémoire, mais ceci est une tentative de
8 faire une démonstration nouvelle.
9 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je crois que j'ai déjà exploité beaucoup
10 plus de temps que j'en avais --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous blâme pas d'avoir utilisé
12 plus de deux minutes. Mais vous nous avez fait lecture d'une histoire
13 horrible, ce dont le témoin ne savait rien. Or, vous auriez dû tout
14 simplement procéder à explorer de concert avec le témoin, pour voir si nous
15 pouvons entendre une déposition quelconque de ce témoin à ce sujet. Il
16 s'agit tout simplement de tenter une démonstration, or, nombreuses étaient
17 les circonstances dans le cadre de la présente affaire où nous avons pu
18 voir qu'il y avait de longues explications pour savoir qui était vraiment
19 quelqu'un, qui a été un succès, et d'autres, des personnes horribles, et
20 cetera. Mais je ne parle ni de l'une ni de l'autre partie.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je l'aurai en vue, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais n'essayons pas d'essayer de parler
23 de diables ou d'anges, peu importe qui le serait, essayons de nous occuper
24 de faits. Ceci ne vous concerne pas, vous seulement, mais toutes les
25 parties, le bureau du Procureur et toutes les équipes des conseils de la
26 Défense.
27 Je suis en train de regarder l'horloge, nous avons encore deux minutes, il
28 me semble, à notre disposition.
Page 5187
1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai peut-être encore un sujet à lancer,
2 peut-être deux minutes.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de minutes vous demandez encore,
4 parce que je frôle le danger de me voir interpellé par mes confrères qui
5 doivent siéger ici cet après-midi.
6 M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est moi qu'il faut blâmer.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Procédez, Maître Kuzmanovic.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit qu'en majeure partie ces attaques ont
10 été depuis le territoire de la République de la Croatie ?
11 R. Non. Pour autant que je sache, pour ce qui est des attaques contre
12 Bihac, c'était les armées de la République Serbe.
13 Q. Très bien. Mais pour ce qui est du territoire croate, il s'agit de la
14 zone protégée de Bihac. Vous avez dit que la Croatie avait pour obligation
15 de prévenir toute attaque depuis son territoire ?
16 R. J'attendais la traduction de ce que vous avez dit avant de répondre par
17 l'affirmative.
18 Q. Mrksic était un général de la JNA qui se trouvait dans le secteur sud
19 de concert avec le général Mladic pour attaquer Bihac, n'est-ce pas ? Il a
20 été -- le commandant, excusez-moi ?
21 R. Le général Mrksic était le commandant de l'armée de Krajina serbe qui
22 était là-bas investi par Milosevic, il était le commandant des forces qui
23 attaquaient Bihac.
24 Q. Oui. Je voudrais vous poser une autre question au sujet de Bihac,
25 notamment concernant la présence de l'ONU dans le secteur sud.
26 Le général Forand était le commandant des forces du secteur sud, un général
27 canadien qui se trouvait dans le district de Knin ?
28 R. Oui, j'en étais conscient.
Page 5188
1 Q. Il a déposé ici aux pages 4401, 4402, lignes 20 à 25, pour le compte
2 rendu d'audience, par exemple, le général ne savait pas que Bihac
3 représentait une zone protégée par l'ONU. La question que j'ai à vous poser
4 est la suivante : vous avez eu largement des contacts pendant que vous avez
5 été en poste en Croatie, savez-vous comment il se faisait que le commandant
6 du secteur sud pouvait ne pas savoir que Bihac était une zone protégée ?
7 M. TIEGER : [interprétation] Il est difficile, Monsieur le Président, de
8 voir comment ceci pourrait mener à une conclusion quelconque, sauf à des
9 conjectures.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Mais s'il ne le sait pas, il peut dire
11 qu'il ne le sait pas.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'étais en train d'écouter la traduction
13 française. Oui, la question que vous venez de poser fait référence à pas
14 mal de pages du compte rendu d'audience, or je ne vois pas ce que cette
15 question représente. Si vous avez compris cette question, vous pouvez y
16 répondre simplement, Monsieur Galbraith, s'il vous plaît.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je peux dire, c'est que je serais
18 très surpris et, je crois, sidéré de voir qu'un général commandant les
19 forces de l'ONU ne sait pas que Bihac était une zone protégée. Je ne peux
20 pas répondre à la question parce que, d'abord, s'agissait-il qu'il ne le
21 savait pas parce que je ne le savais pas, moi, mais secundo, comment se
22 fait-il qu'il n'en est pas eu connaissance.
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
24 Q. Un dernier sujet, une dernière question serait la suivante : seriez-
25 vous d'accord avec moi pour dire qu'ayant en vue l'ensemble des solutions
26 au problème, en Croatie et en Bosnie, que la Croatie était devenue partie
27 prenante aux solutions, mais pas au problème ?
28 R. La Croatie était une victime en 1991, pour devenir une partie prenante
Page 5189
1 au problème en 1993, pour devenir partie prenante aux solutions apportées
2 en 1995, pour devenir une partie des problèmes également immédiatement
3 après les opérations militaires menées à la fin des années 1990, et compte
4 tenu des modifications au sein du gouvernement en l'an 2000, la Croatie
5 était partie prenante des solutions.
6 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'en ai terminé, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Kuzmanovic.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Avons-nous maintenant des cotes accordées
9 à ces éléments de preuve.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, nous avons reçu --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'il faudra voir quelles sont
13 les cotes marquées pour identification. Monsieur Tieger, quelle est votre
14 position définitive ?
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 3D00 -- devient la pièce à
16 conviction D341 marquée pour identification.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier d'audience.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je sais que M.
20 Galbraith nous écoute, combien de temps vous faudra-t-il pour examiner
21 supplémentairement le témoin, je vois que le conseil de la Défense de
22 Cermak n'a pas de questions à poser à ce témoin.
23 M. TIEGER : [interprétation] Certainement, nous allons terminer -- à moins
24 que la Chambre de première instance n'ait pas trop de questions lors de
25 l'audience de demain.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pensez à des questions
27 supplémentaires ou pas ?
28 De combien de temps vous aurez besoin ?
Page 5190
1 M. TIEGER : [interprétation] Peut-être jusqu'à 45 minutes, mais on le verra
2 d'ici ce soir.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, au cours de la nuit, on voit que
4 les chiffres ont été grossis.
5 M. TIEGER : [interprétation] Peut-être dans l'un ou dans l'autre sens.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la Défense.
7 Monsieur Kehoe.
8 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. S'il faut faire des
9 commentaires concernant le contre-interrogatoire supplémentaire, c'est tout
10 ce que nous pouvons dire nous aussi.
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] De même en est-il avec nous.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Monsieur Galbraith,
13 maintenant vous pouvez être assuré que nous allons en finir avec votre
14 déposition demain, pas trop tard au cours de la matinée, parce que
15 maintenant nous allons lever l'audience, mais pas avant de vous dire que
16 vous ne devez parler à qui que ce soit au sujet de la déposition faite
17 jusqu'ici et au sujet de ce que vous direz demain lors de votre déposition.
18 Nous reprenons l'audience demain à 9 heures, salle d'audience numéro II,
19 Monsieur le Greffier d'audience ? Le Greffier d'audience le confirme par
20 son hochement de la tête.
21 L'audience est levée.
22 --- L'audience est levée à 13 heures 52 et reprendra le jeudi 26 juin
23 2008, à 9 heures 00.
24
25
26
27
28