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1 Le mercredi 16 juillet 2008
2 [Audience publique]
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.
7 Monsieur le Greffier, veuillez en appeler le numéro de l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Monsieur, Monsieur le
9 Président. Bonjour à tout le monde. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le
10 Procureur contre Ante Gotovina et consorts.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
12 Avant de vous donner la parole, Maître Misetic, pour poursuivre le contre-
13 interrogatoire, j'ai quelques questions d'ordre procédural que j'aimerais
14 rapidement aborder. Tout d'abord passons à huis clos partiel.
15 Madame Rehn, vous ne comprendrez pas de quoi je parle de toute façon, donc
16 pas besoin de demander qu'on vous fasse sortir du prétoire.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
18 [Audience à huis clos partiel]
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11 [Audience publique]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Il y
13 avait également une demande aux fins de savoir le plus
14 vite possible afin d'avoir des informations au sujet du document présenté
15 au sujet de la déposition de Mme Rehn. Je regarde la liste fournie par M.
16 le Greffier, il s'agit de la liste de toutes les demandes en souffrance
17 portant ces documents, tout d'abord le numéro 142. Je ne sais pas si vous
18 avez à votre disposition cette liste.
19 Le premier, 142, est déjà versé au dossier. Il s'agit de la cote D669, donc
20 maintenant c'est réglé; puis le deuxième, 2710, a déjà été versé au dossier
21 en tant que P639, et si je m'abuse, Mme Mahindaratne; puis 147, 4312 a déjà
22 été versé au dossier sous pli scellé; puis P643.
23 Il reste encore 144, c'est 2820 de la liste 65 ter; puis 145, ce qui est
24 4102; 146, ce qui est 4128; nous avons déjà parlé de 147; puis 148, 4232.
25 J'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas besoin d'observer la
26 confidentialité, donc il s'agit d'une erreur, parce que je vois que la case
27 de confidentialité a été cochée, donc ça peut être admis, n'est-ce pas ?
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un document public.
2 Puis nous avons 149, c'est 4367; puis 150, 4371; 151, 4394; 152,
3 4450; 153, 4453; 154 est le numéro 5318 de la liste 65 ter; et puis 155 et
4 3332.
5 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je viens d'apprendre que même si nous
7 avons parlé du document 4312, la décision finale n'a pas été prise aux fins
8 d'admettre cette pièce qui est affichée au numéro 147 de la liste. La
9 Chambre verse au dossier les numéros que je viens d'énumérer, à partir de
10 144 jusqu'à y compris 155; et 147 est versé sous pli scellé; tous les
11 autres documents sont versés au dossier en tant que documents publics. Les
12 cotes ont déjà été assignées, P640 jusqu'à P642 y compris, ce sont des
13 documents publics; puis P643 sous pli scellé; P644 jusqu'à P651 y compris,
14 tous versés au dossier en tant que documents publics.
15 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'aimerais juste attirer votre
16 attention sur le document qui est maintenant enregistré sous la cote P650.
17 Il s'agit du numéro 5318 de la liste 65 ter. Ce document a déjà été versé
18 au dossier, et j'ai attiré votre attention hier là-dessus, sous la cote
19 P477. Je le dis pour les besoins du compte rendu d'audience.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela m'a échappé. Madame
21 Mahindaratne, excusez-moi.
22 Monsieur le Greffier, la cote P650 est annulée et sera utilisée
23 ultérieurement.
24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Rehn, il y a certaines formalités
26 auxquelles nous devons prêter attention de temps en temps et merci d'avoir
27 fait preuve de patience. Je souhaite également vous rappeler que vous êtes
28 tenue de respecter la déclaration solennelle faite au début de votre
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1 déposition.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, vous pouvez poursuivre.
4 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 LE TÉMOIN: ELISABETH REHN [Reprise]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 Contre-interrogatoire par M. Misetic : [Suite]
8 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Rehn.
9 R. Bonjour.
10 Q. J'aimerais attirer votre attention sur les pages 2 et 3 de votre
11 déclaration, où vous parlez des choses que vous avez vues vous-même. A la
12 deuxième page, le dernier paragraphe, au milieu, vous dites : "Y étaient
13 comprises plusieurs visites que j'ai rendues au secteur sud et j'ai pu
14 observer l'armée croate piller les biens civils."
15 Je vais m'arrêter là. Est-ce que vous vous souvenez où vous avez vu
16 l'armée croate en train de piller ? Dans quelle ville et quand ?
17 R. Comme je l'ai dit dans mon rapport, dans plusieurs notes il a été
18 consigné que lors des visites, plusieurs villages ont été mis en cause, et
19 je ne me souviens plus malheureusement de leurs noms. Ma première visite
20 était dans le secteur nord en octobre 1995, et je m'y suis rendue avec deux
21 observateurs des Nations Unies, un Norvégien et Kényan. Ils m'ont montré
22 ce qui s'était passé sur le terrain. Il y avait une femme paralysée qui a
23 été frappée par une balle à travers la fenêtre --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre,
25 mais je pense que Me Misetic s'intéresse exclusivement au secteur sud, donc
26 étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps --
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends. Excusez-moi. Parce
28 que pour moi, ce que j'ai vécu représentante une totalité.
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1 S'agissant du secteur sud, je me suis rendue plusieurs fois à Knin et
2 dans les villages qui se trouvent dans les environs. Je ne me souviens pas
3 de leurs noms. Malheureusement, je ne me souviens pas de leurs noms et
4 c'est déjà bien que j'arrive à me rappeler mon propre nom. Donc cela s'est
5 passé à plusieurs reprises. Je suis allée plusieurs fois.
6 Je dois également vous rappeler quelle était ma méthode de travail. Dans
7 les rapports nous avons mentionné les personnes haut placées que nous avons
8 rencontrées, les hommes politiques et d'autres. Mais la plupart des gens
9 que j'ai rencontrés étaient les gens que j'ai rencontrés dans la rue et
10 j'ai parlé aux Croates et à quelques Serbes qui étaient rentrés. Ces actes
11 de pillage sont quelque chose que j'ai pu voir à Knin et dans les villages
12 dans les environs.
13 M. MISETIC : [interprétation]
14 Q. Juste pour préciser quelque chose. Est-ce que ce sont des informations
15 que vous avez apprises d'autrui ou bien vous étiez présente sur place au
16 moment où les militaires pillaient les maisons ?
17 R. J'ai vu de mes propres yeux les militaires en train de piller. Et comme
18 je me suis corrigée dans la deuxième déclaration, si je ne m'abuse, bien
19 sûr, je ne pourrais pas dire qu'ils étaient membres de l'armée, parce que
20 j'ai appris dans d'autres régions de l'ex-Yougoslavie que ce genre de
21 vêtements étaient utilisés chaque fois que les gens pouvaient mettre la
22 main dessus. Donc il se pouvait que c'était des civils qui portaient un
23 uniforme militaire. Mais d'autre part, il y avait des véhicules qui
24 indiquent qu'il était fort probable que c'était des membres de l'armée.
25 Q. D'accord. Est-ce que c'est quelque chose que vous auriez consigné dans
26 votre rapport, par exemple, que vous avez vu de vos propres yeux des
27 camions militaires ?
28 R. Je pense que c'est consigné dans l'un de mes rapports, et je l'ai
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1 également dit dans ma déclaration. Parce que vous pouviez voir partout des
2 camions et que les hommes étaient en train de prendre différents objets.
3 Ils prenaient des cadres, des fenêtres, amenaient des réfrigérateurs, et
4 ainsi de suite. Donc cela s'est passé à plusieurs reprises lorsque j'y
5 étais.
6 Q. Bon. Je ne parle pas maintenant du procès-verbal ou de votre
7 déclaration, mais je parle de vos rapports envoyés au secrétaire général.
8 Si vous avez vu de vos propres yeux les soldats en train de piller et les
9 camions militaires, c'est quelque chose que vous auriez consigné dans l'un
10 de vos rapports, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, bien sûr. Dans les rapports nous disions toujours "nous," donc
12 nous parlions au nom d'une équipe et je ne parlais pas en mon propre nom,
13 mais je ne faisais que partie d'une équipe.
14 Q. D'accord. Dans le douzième paragraphe vous avez dit : "Presque chacune
15 de ces maisons serbes était vandalisée, il était écrit dessus "Chetnik."
16 Où est-ce que c'était ?
17 R. C'était surtout à Knin et dans les environs. Et il était évident que le
18 peuple croate nourrissait une haine énorme à l'encontre des Serbes. Ils ne
19 voulaient pas qu'ils rentrent. Et sur chaque maison croate, en revanche, il
20 y avait le drapeau croate qui était mis sur place.
21 Q. Donc vous vous souvenez que pratiquement sur chacune des maisons serbes
22 il était écrit "Chetnik" à Knin ?
23 R. Il serait une exagération que de dire que c'était sur chacune des
24 maisons. Il m'était impossible de savoir quelles étaient les maisons qui
25 étaient précédemment occupées par les Serbes. Mais il y en avait beaucoup
26 où il était écrit en rouge "Chetnik."
27 Q. Dans votre déclaration, vous dites : "Je me souviens que nous devions
28 faire attention en nous rendant dans les villages serbes, parce qu'on nous
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1 a dit qu'il y avait des engins piégés dans les maisons serbes afin
2 d'empêcher les Serbes d'y rentrer."
3 Qui est-ce qui vous a dit cela ?
4 R. Ce sont des gens de mon équipe qui me l'ont dit. Lorsque je parle de
5 "mon équipe," je pense au personnel de la Commission des Nations Unies
6 chargée des droits de l'homme. Mais j'ai également parlé aux membres de
7 l'armée et mon commandant chargé de la sécurité c'était un Finlandais qui
8 m'accompagnait, s'intéressait, bien entendu. Il voulait absolument protéger
9 ma sécurité, donc il pensait qu'il fallait que je fasse attention et qu'il
10 ne fallait pas que je tombe sur un de ces engins piégés. Donc il a appris
11 ces informations de la police et de l'armée.
12 C'était une mise en garde très claire. Je me souviens que je suis allé dans
13 une maison et qu'on m'avait dit qu'il fallait faire attention, parce que
14 c'était une maison où voulaient rentrer les Serbes, mais on ne leur avait
15 pas permis de rentrer. Ils étaient obligés de vivre dans une grange avec
16 des animaux. C'était une situation fort peut agréable. Et lorsque je me
17 suis rendue dans cette maison, on m'a dit qu'il fallait que je fasse très
18 attention.
19 Q. Donc vous ne savez pas quelles étaient les maisons où se trouvaient les
20 engins piégés; mais c'est quelque chose qu'on vous a dit tout simplement ?
21 R. Non, bien sûr, parce que si j'avais marché sur un de ces engins piégés,
22 oui, dans ce cas-là, j'aurais su qu'il y en avait un, mais je ne l'ai pas
23 fait.
24 Q. Mais je vous demande de savoir s'il y a des exemples. Est-ce que vous
25 avez appris par la suite des informations selon lesquelles il y avait des
26 engins piégés dans les maisons.
27 R. Oui. J'ai appris cette information, et ce sont surtout les gens
28 travaillant pour les Nations Unies qui ont attiré mon attention sur ces
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1 engins piégés. J'ai rencontré un couple, qui, tout de suite après être
2 entré dans la maison, une bombe a été jetée dans leur maison et l'homme a
3 fini à l'hôpital tandis que la femme était grièvement blessée. C'est elle
4 qui m'a parlé de quelle manière les voisins les traitaient.
5 Q. Et ces maisons avec des engins piégés se trouvaient dans quel village
6 ou quelle ville ?
7 R. Comme je vous ai dit, c'était dans la région de Knin, mais je ne me
8 souviens pas des noms de ces villages.
9 Q. Est-ce que vous vous rappelez le nom de l'organisation de l'agence des
10 Nations Unies qui vous a fourni cette information ?
11 R. Comme je vous ai dit, je ne me souviens pas, parce que tous les membres
12 des organisations internationales échangeaient ce genre d'information entre
13 eux. Il y avait des agences des Nations Unies qui étaient sur place, il y
14 avait des gens qui travaillaient pour les droits de l'homme et ils ont
15 appris de la part de la police et de l'armée qu'il y avait des risques pour
16 leur sécurité. Donc c'était une information qui circulait entre les
17 agences, et nous savions tous ce qui se passait sur place. Egalement, les
18 organismes de l'Union européenne ont participé à ces discussions, en
19 étaient au courant.
20 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner le nom d'une personne à laquelle
21 nous pourrions nous adresser pour savoir d'où provenait ces informations ?
22 R. J'imagine que ceux qui travaillaient à cette époque-là au sein des
23 équipes pourraient trouver le nom de ces personnes.
24 Q. Dans votre équipe ?
25 R. Oui.
26 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner le nom des personnes qui ont
27 travaillé dans votre équipe ?
28 R. Bien sûr. Il y avait Roman Wieruszewski. Donc Mamadi Diakite, que nous
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1 avons déjà mentionné. Puis une personne qui était Sasa Milosevic, qui a
2 travaillé pour le secrétariat local, ainsi que Susan Ashoor, puis Ravinder
3 Joshi. Puis parfois il y avait des gens venant d'autres régions où se
4 trouvait notre mission en Bosnie-Herzégovine, et au Kosovo et de Belgrade,
5 et ainsi de suite. C'était une bonne équipe, les gens s'entraidaient.
6 Q. Vous avez parlé de Sasa Milosevic. Est-ce qu'il faisait partie du
7 comité serbe d'Helsinki ?
8 R. Pas à ma connaissance. Il a travaillé pour nous, c'était quelqu'un du
9 coin, un assistant secrétaire. Peut-être que maintenant il travaille là,
10 mais en tout cas, je n'ai pas eu de ces nouvelles depuis je suis partie.
11 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, peut-on afficher la
12 pièce 1D40-0081.
13 Q. Madame Rehn, ceci concerne une partie de votre rapport du 7 novembre
14 1995, premier paragraphe. Il est question de quelques milliers de Serbes,
15 de Croates qui sont affamés et qui attendent de rentrer. Vous en avez parlé
16 hier, me semble-t-il.
17 R. Oui.
18 Q. Ici, il s'agit d'un article publié le 22 septembre 1995, il porte sur
19 cette question : "Un policier croate a empêché neuf serbes âgés de rentrer
20 chez eux dans la Krajina de Croatie, dit le comité d'Helsinki pour les
21 droits de l'homme, vendredi. Ce groupe a été arrêté à Terezino Polje en
22 Croatie du nord-est, à la frontière avec la Hongrie, a dit le comité, mais
23 on ne sait pas exactement quand s'est produit l'incident."
24 Ensuite il est dit ceci : "'Nous avons envoyé des lettres au
25 gouvernement croate, ainsi qu'au bureau croate des réfugiés à propos de ce
26 groupe, mais nous n'avons pas reçu de réponse, a dit M. Petar Mrkalj,
27 directeur de l'antenne croate du comité d'Helsinki."
28 Ceci a été dit le 22 septembre. Dans votre rapport du 7 novembre
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1 1995, au paragraphe 41, vous parlez de cette question de Serbes, de Croates
2 qui se trouvent à la frontière avec la Hongrie. En annexe, il est dit que
3 le jeudi 12 octobre vous avez rencontré Petar Mrkalj, mentionné ici dans
4 cet article.
5 R. Oui.
6 Q. Je vous demande ceci : tout du moins à partir du 22 septembre
7 1995, M. Mrkalj dit à l'agence France-Presse que le nombre de Serbes qui se
8 trouvent en Hongrie et qui ont renvoyés, repoussés, s'élève à neuf.
9 Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez parlé de plusieurs milliers de
10 Serbes qui se trouvaient à cette frontière ?
11 R. Ce sont des informations que j'ai obtenues des chefs de mon
12 bureau, notamment aussi des personnes qui travaillaient en Slavonie
13 orientale. Il m'est aisé d'imaginer qu'il y avait à la frontière un chiffre
14 qui n'est peut-être pas tout à fait exact, mais que ces gens attendaient en
15 Hongrie. Je suis tout à fait d'accord avec vous, Monsieur l'Avocat, ce
16 n'est pas exact.
17 Mais ce sont des chiffres que j'ai obtenus de mon personnel qui m'ont
18 dit qu'il y avait des gens qui attendaient en Hongrie et s'il ne s'agissait
19 pas de milliers de personnes, c'était des personnes qui attendaient
20 d'obtenir leurs papiers. Tout a été lié au droit immobilier, au titre de
21 propriété. Ce n'était pas tant une question qui consistait à obtenir la
22 confirmation de la nationalité. Vous avez tout à fait raison, je l'ai dit
23 aussi, il faut aller à Belgrade pour obtenir des pièces d'identité. Mais
24 les délais permis pour revendiquer ces titres de propriété, ces délais
25 étaient très courts. Il fallait donc examiner la situation de ces gens qui
26 attendaient quelque part pour pouvoir rentrer chez eux.
27 Q. Vous nous dites maintenant que vous n'êtes pas sûre du nombre de
28 personnes qui se trouvaient en Hongrie --
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1 R. Non, je sais qu'ils étaient en Hongrie. Alors pour ce qui est de
2 savoir si c'était à la frontière, là, je pense, que ce chiffre est exagéré.
3 Car quand on parle de la frontière - bon, ce sont des gens qui sont là à
4 attendre au poste-frontière, au poste de contrôle - donc il y en avait neuf
5 comme c'est dit ici, c'est certain. Mais en Hongrie même, il y en avait bon
6 nombre qui attendaient l'autorisation de revenir.
7 Q. Et là de nouveau il nous faudra contacter votre personnel pour savoir
8 d'où viennent ces chiffres ?
9 R. Oui, tout à fait. S'il y a des choses que je n'ai pas vues moi-même, il
10 faut que vous en parliez avec mon personnel. Je dois vous rappeler une fois
11 de plus, il s'agissait d'une mission avec un rapporteur spécial, et même
12 les rapporteurs spéciaux n'ont pas effectué de visites dans le pays dont
13 ils font rapport parce qu'ils n'ont pas eu l'autorisation d'y aller. Mais
14 ici, moi, je suis allée très souvent sur place.
15 Pour ce qui est des autres renseignements, ils ont été recueillis par
16 mon personnel. Nous en avons ensuite discuté, et je me suis assurée que
17 c'était des informations vérifiées, que nous pouvions consigner dans un
18 rapport. Parce que l'idée de ce rapport c'est de sensibiliser les
19 gouvernements que nous consultions. Je pense que c'est une bonne méthode.
20 Permettez-moi de dire ceci : je pense que nous avons accompli notre mission
21 grâce à beaucoup de bonnes réponses, très solides, très détaillées,
22 obtenues des gouvernements, et ceci a permis de prendre des mesures.
23 Q. Merci, Madame. Je ne veux pas vous offenser --
24 R. Vous savez, j'ai vu des gens plus coincés que vous dans ma vie.
25 Q. Je vais vous demander de peut-être nous fournir des questions plus
26 concises.
27 R. Oui, c'est dans mon intérêt aussi.
28 Q. C'est ce que j'allais dire.
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1 M. MISETIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document,
2 Monsieur le Président.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une cote, Monsieur le Greffier.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D688, qui est versé au
6 dossier.
7 M. MISETIC : [interprétation]
8 Q. Page 4 de votre déclaration. Vous faites référence au rapport du
9 secrétaire général de décembre 1995."Page 5, on dit que le nombre estimé de
10 maisons détruites est de 5 000 et ceci vient des informations obtenues par
11 les organisations internationales dont mon bureau, mon office. Je suis
12 allée moi-même dans beaucoup de ces maisons dans la Krajina."
13 Ces 5 000 maisons, c'était pour les deux secteurs, nord et
14 sud ?
15 R. Je suppose.
16 M. MISETIC : [interprétation] Prenons ce rapport qui porte la cote P477,
17 477. Page 4.
18 Q. Paragraphe 14, voici ce que dit le secrétaire général dans ce rapport :
19 "Il n'est pas possible de donner le chiffre exact, le nombre exact de
20 maisons détruites par le feu dans les anciens secteurs nord et sud, même si
21 l'estimation globale dépasse les 5 000. Partant d'observations faites par
22 des équipes qui patrouillaient toute la Krajina, la MOCE estime que dans
23 des zones rurales, 60 % des maisons de l'ancien secteur sud et 30 % des
24 maisons de l'ancien secteur nord ont été détruites par le feu. Des
25 observateurs militaires des Nations Unies ont visité 389 villages du
26 secteur sud et ont découvert que sur 21 744 maisons, 16 857 maisons avaient
27 été détruites par le feu ou avaient subi des dégâts; même si ce chiffre
28 englobe des dégâts provoqués avant l'opération Tempête."
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1 Le secrétaire général, tout comme vous dans votre rapport, vous partez de 5
2 000 maisons détruites au lieu de vous baser sur le chiffre donné par les
3 observateurs militaires, de 16 877. Pourquoi ? Est-ce que c'est parce que
4 partant des chiffres des observateurs militaires vous ne saviez pas quelles
5 étaient les maisons détruites avant ou après l'opération Tempête ?
6 R. Effectivement, c'est pour cela que nous avons fait preuve de beaucoup
7 de prudence pour veiller à ne jamais exagérer, à gonfler des chiffres. Il
8 était très difficile de procéder à une estimation quelle qu'elle soit pour
9 savoir ce qui avait causé la destruction de maisons pendant l'opération
10 Tempête. Vous l'avez dit à fort juste titre. Certaines maisons avaient été
11 détruites auparavant, même si des experts en police scientifique, en
12 médecine légale, savent quand quelque chose a été détruit, incendié, si
13 c'est aujourd'hui ou plusieurs années de cela.
14 Q. Lors de la rédaction de votre rapport, vous aviez déjà la possibilité
15 de consulter l'analyse de la MOCE sur le nombre d'édifices ou de maisons
16 détruites par le feu ou de maisons qui avaient été endommagées avant de
17 préparer votre rapport ?
18 R. Oui, bien entendu.
19 Q. Et si je vous ai bien compris, vous ne vous êtes pas servis de ces
20 chiffres parce que vous ne vouliez pas exagérer ?
21 R. Oui, car nous ne savions pas exactement ce qui avait été provoqué par
22 l'opération Tempête ou s'il y avait des choses qui avaient été détruites
23 avant. Je crois m'en souvenir. Je pense qu'au sein de la communauté
24 internationale, nous avions décidé de retenir ce chiffre de plus ou moins 5
25 000 parce que ça montrait que c'était quand même beaucoup de maisons parce
26 que 5 000 maisons, vous savez, ça fait vraiment beaucoup, énormément de
27 destructions. Donc je pense que ça a été là la raison.
28 Q. Fort bien. Paragraphe 14 du rapport du secrétaire général, est-ce que
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1 ceci ravive vos souvenirs, est-ce que ça vous rappelle les conversations à
2 propos de l'utilisation de 5 000, donc est-ce que c'était pour les deux
3 secteurs nord et sud; c'est bien cela ?
4 R. Vous savez, je vous mentirais si je vous disais que je m'en souviens,
5 mais je trouve que c'est tout à fait possible.
6 Q. Merci.
7 M. MISETIC : [interprétation] Poursuivant l'examen de ce rapport -- non,
8 excusez-moi.
9 Q. Nous devons revenir au rapport du 7 novembre 1995.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous en avez terminé de ces chiffres car
11 j'aurais quelques questions à poser ?
12 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit, Madame, que vous ne
14 vouliez pas gonfler les chiffres. Ici, nous avons un nombre, on parle de 5
15 000, puis de plus de 15 000. Est-ce que vous estimiez que le chiffre plus
16 élevé était exagéré, ou était-ce que vous vouliez donner des chiffres
17 plutôt prudents pour éviter le risque de l'exagération ? Laquelle des deux
18 options retenez-vous ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais plutôt que c'était pour éviter le
20 risque de l'exagération, c'est ça qui nous faisait peur, car nous voulions
21 être modestes, si j'ose dire, dans nos propos. Je pense que ça a donné une
22 base plus solide à toutes sortes de revendications, si on ne pouvait pas
23 soupçonner qu'il y avait des exagérations dans ce que nous disions. Mais je
24 dois dire que ces chiffres ne me font pas sonner la sonnette d'alarme dans
25 ma tête, si vous voulez. Vous savez, ces rapports sont truffés de détails,
26 bien sûr, ils ne sont pas des plus récents, mais ceci ne m'alarme pas.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous comprends, Madame.
28 Poursuivez, Maître Misetic.
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1 M. MISETIC : [interprétation] Prenons la pièce P639, page 6.
2 Q. Paragraphe 11, on parle de "La suspension provisoire de la loi
3 constitutionnelle sur les droits de l'homme et la liberté, les droits des
4 communautés ethniques et nationales ou les minorités en République de
5 Croatie …"
6 Vers le milieu du texte, c'est dit : "La décision portant suspension
7 des articles garantissant le statut particulier des districts où habitent
8 surtout des minorités nationales, créer des institutions spéciales pour
9 l'éducation et assure une représentation proportionnelle au parlement, dans
10 le gouvernement et dans l'appareil judiciaire, mais assortit d'un point
11 d'interrogation l'attitude des autorités croates à l'égard des minorités
12 nationales en général et de la minorité serbe en particulier."
13 Paragraphe 12 : "Le rapporteur spécial note avec inquiétude que
14 l'article 60 de cette loi établissant le tribunal provisoire des droits de
15 l'homme a été abrogé provisoirement."
16 Puis nous avons la loi constitutionnelle, on dit : "Même si cette loi
17 n'a jamais été vraiment appliquée, elle permettait cependant de garantir
18 certains droits importants aux minorités nationales."
19 Je vous demande ceci, on dit : "N'a jamais été pleinement appliquée,"
20 est-ce que vous vous souvenez s'il y a une partie quelconque de cette loi
21 qui n'a jamais été mise en application ?
22 R. Non, je ne me souviens pas.
23 Q. Est-ce que vous savez qu'en vertu de la loi, il devait y avoir des
24 districts spéciaux qui devaient être créés surtout dans ce qui avaient été
25 les secteurs nord et sud à l'intention de la communauté serbe de souche ?
26 R. C'est bien possible; mais je vous le rappelle, je ne me souviens plus
27 exactement de ce qui était voulu par cette loi.
28 Q. Vous avez eu des conversations avec des interlocuteurs croates, vous
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1 souvenez-vous si quelqu'un vous a dit qu'il n'était pas possible
2 d'appliquer cette loi à la suite de l'opération Tempête parce que la
3 population serbe était partie ?
4 R. Je crois avoir copié toutes les lettres qui m'ont été écrites et ça n'a
5 pas été mentionné dans ces lettres.
6 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait qu'en vertu de cette loi,
7 toutes les institutions à l'échelon local, au niveau de ce qu'on appelait
8 Kotar ou de la région de l'administration de la police, on devait avoir la
9 même composition ethnique que celle qu'il y avait dans la population en
10 1991 ?
11 R. J'espère que c'était l'idée. Moi-même je représente une minorité dans
12 mon propre pays, et je sais parfaitement bien l'importance qu'il y a à bien
13 défendre et de bien ancrer dans le marbre de la loi les droits des
14 minorités.
15 Q. Oui, simplement je vais vous donner des chiffres. Si une ville
16 particulière comptait 70 % de Serbes, 30 % de Croates, savez-vous que cette
17 loi exigeait qu'il y ait sept policiers du poste de police qui soient
18 Serbes et trois Croates ?
19 R. Oui, oui. C'est tout à fait dans le droit fil, d'autres lois concernant
20 les minorités, y compris la mienne.
21 Q. Pour les enseignants, s'il y avait 70 % de Serbes, il fallait que sept
22 enseignants sur dix soient Serbes ?
23 R. Oui, oui, je comprends bien ce que vous voulez dire, et quand les
24 Serbes sont partis, il n'était plus d'actualité d'appliquer la loi. D'un
25 autre côté, si on suspendait son application, ça voulait dire qu'on
26 comptait sur le retour rapide des Serbes.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de revenir à la question
28 précédente. Me Misetic vous a demandé si vous étiez au courant du fait que
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1 c'était une composante de la loi. Si j'ai bien compris votre réponse, vous
2 avez dit que ce serait logique parce que ceci reflète ce qu'on trouve
3 ailleurs aussi. Mais la question n'était pas celle-là, c'était plutôt de
4 savoir si vous saviez que cette loi contenait ces dispositions.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce que nous en avons, bien entendu,
6 discuté. Il fallait rétablir un équilibre entre les majorités et les
7 minorités dans les instances officielles.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous étiez au courant de
9 l'existence de ces dispositions dans cette loi ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
12 M. MISETIC : [interprétation]
13 Q. Même au cours de cette brève période, lorsque la sécurité dans le
14 secteur nord et sud était mauvaise, cette loi ajoutait un facteur qui
15 compliquait davantage encore les choses. En vertu de la loi, il fallait que
16 dans toutes les institutions il y ait des Serbes qui participent à tous les
17 échelons du gouvernement dans ces
18 régions ? Vous êtes d'accord avec moi là-dessus.
19 R. Oui. C'est pour cela aussi nous n'avons pas adopté un libellé trop
20 musclé. Nous disons que nous constatons avec inquiétude.
21 Q. Article 60 de la loi, c'est à cela que vous faisiez référence, est-ce
22 que vous savez que ce genre de tribunal n'a jamais vu le jour ?
23 R. Oui.
24 Q. Et vous savez que si ce tribunal n'a jamais vu le jour, c'est parce que
25 dans la loi même il fallait qu'il y ait un accord international entre les
26 républiques de l'ex-Yougoslavie pour que ce tribunal soit créé ?
27 R. Oui. Je pense que c'est le cas. Je le savais à l'époque.
28 Pour moi, ce volet-là des droits était fortement axé sur le bureau de
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1 l'ombudsman, j'étais fort contente qu'il y ait un ombudsman, je vous l'ai
2 dit hier et ça a été fait parce que j'ai insisté.
3 Q. Vous vous souvenez que dans certains documents présentés par l'acte
4 d'accusation, la Croatie vous a dit qu'elle n'allait pas établir un
5 tribunal séparé, provisoire parce qu'elle allait bientôt adhérer au conseil
6 de l'Europe et elle estimait, par conséquent, qu'il y avait déjà la cour
7 européenne des droits de l'homme qui devait avoir compétence ?
8 R. Oui. Et je l'ai déjà dit à ce Tribunal, c'est pour ça que nous faisons
9 part de notre préoccupation et ceci nous préoccupait effectivement, car à
10 l'époque, nous ne savions pas ce qu'il allait en être de cette situation,
11 comment elle allait évoluer.
12 Q. Merci.
13 M. MISETIC : [interprétation] Page 14.
14 Q. Paragraphe 37 : "…le rapporteur spécial a eu des discussions avec les
15 autorités croates concernant la loi récemment adoptée à propos de la prise
16 de contrôle provisoire et de la gestion de certains établissements. Cette
17 loi permet aux autorités croates de contrôler certains 'biens abandonnés'
18 qui peuvent être donnés à des Croates déplacés à l'intérieur du pays à des
19 réfugiés pour qu'ils en aient 'une utilisation temporaire.'"
20 "Cette loi concerne surtout la situation qui s'est présentée dans les
21 anciens secteurs et on parle des propriétaires."
22 M. MISETIC : [interprétation] Page suivante.
23 Q. Paragraphe 38, on trouve une analyse assez brève du droit croate,
24 dernière phrase, il est dit : "Cependant, cette loi sur les prises de
25 contrôle temporaires et la gestion des propriétés constitue une
26 confiscation de facto."
27 Sur quoi vous êtes-vous basée pour conclure que cette loi équivalait à une
28 confiscation dans les faits ?
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1 R. Je me suis, dans une large mesure, appuyée sur mon propre vécu, j'ai
2 parlé à beaucoup de gens surtout dans le secteur sud aux alentours de Knin.
3 En effet, ceux qui avaient essayé de rentrer chez eux qui étaient déjà là
4 parmi les Serbes, ils avaient déjà trouvé leurs maisons occupées par
5 d'autres. Je comprends parfaitement bien que le gouvernement croate était
6 confronté à beaucoup de problèmes, il y avait ceux qui s'étaient échappés,
7 qui avaient fui la Bosnie-Herzégovine, les Croates de Bosnie-Herzégovine
8 qui devaient bien être logés quelque part, il y avait beaucoup de réfugiés.
9 Mais ce qui était tout à fait inacceptable c'est qu'il y a eu des
10 situations où vous aviez des Croates qui avaient un appartement, une maison
11 à Zagreb, qui pouvaient obtenir une résidence secondaire qui était la
12 maison qui avait été abandonnée par un Serbe. Ça j'en ai fait l'expérience
13 personnellement, j'ai parlé à ces gens; et je dois dire que je n'ai pas été
14 particulièrement bien accueillie par ceux qui occupaient ces maisons.
15 J'ai trouvé cela inacceptable. S'il y avait un dédommagement pour la perte
16 du bien, bon, ça pouvait être encore être une tractation, mais--
17 Q. Fort bien. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que la confiscation
18 c'est une saisie faite par le gouvernement sans compensation, sans
19 dédommagement ?
20 R. Oui, c'est ce que c'est une confiscation; mais nous, nous estimons
21 qu'il n'y avait pas de fondement à opérer ce genre de confiscation. Je vous
22 l'ai déjà dit, je ne suis pas avocat, je ne suis pas juriste et tous ces
23 concepts, je dirais, posent problème parce qu'il faut avoir étudié le droit
24 pour bien les maîtriser.
25 Mais ce qui nous a vraiment préoccupés, c'est le fait que les gens ne
26 pouvaient plus rentrer chez eux, se réinstaller chez eux, parce que la
27 maison était occupée par quelqu'un d'autre et ils ne pouvaient aucunement
28 espérer pouvoir revenir s'ils n'avaient pas de dédommagement.
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1 Q. Vous parlez de confiscation de facto. Vous vouliez dire que ce n'était
2 pas une confiscation de jure ?
3 R. Apparemment.
4 Q. Connaissez-vous la différence entre la mise sous séquestre et la
5 confiscation ?
6 R. Non.
7 Q. D'accord.
8 M. MISETIC : [interprétation] Peut-on avoir le document de la liste 65 ter
9 2502.
10 Q. Il s'agit ici d'une analyse juridique de cette loi, il se peut que vous
11 ayez reçu ce document, puisque vous vous apprêtiez à rédiger ce rapport par
12 Sasa Milosevic. Vous avez parlé de ce monsieur déjà. Il fait partie des
13 destinataires de ce courrier électronique. Nous le voyons au document. Vous
14 le voyez ?
15 R. Oui.
16 Q. Apparemment, c'est une analyse juridique du décret sur la loi sur le
17 droit des propriétés. C'est M. Wieruszewski qui a reçu, mais aussi M.
18 Markhov l'a reçue le 23 octobre 1995.
19 Voyez la rubrique au-dessus, on voit courrier électronique, le 6 octobre
20 1995, transmis à Sasa Milosevic qui fait partie de votre personnel, et
21 apparemment c'est le comité d'Helsinki de Belgrade qui l'envoie.
22 Est-ce que vous vous souvenez si l'analyse dans votre rapport qui est faite
23 sur le plan du droit se base sur ce document qui vient du comité
24 d'Helsinki, transmis à M. Milosevic, puis à M. Wieruszewski dans l'attente
25 de votre rapport ?
26 R. Je n'ai aucun souvenir de ce document. Je me demande si je ne l'ai
27 jamais vu.
28 M. MISETIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document,
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1 Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, le premier point
4 c'est que nous n'avons pas été avisé que ce document allait être présenté
5 pour versement au dossier, par conséquent, je n'ai pas été en mesure de
6 l'examiner. Pourrais-je avoir un instant pour le faire. Est-ce que ceci
7 pourrait être repris plus tard.
8 M. MISETIC : [interprétation] C'est un document 65 ter, Monsieur le
9 Président, et je supposais que --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en tant que tel, un document 65 ter
11 ne veut pas dire que vous allez l'utiliser comme élément de preuve. Je
12 pense que la règle c'est qu'au commencement du contre-interrogatoire, vous
13 informez la partie adverse de ce à quoi elle peut s'attendre en ce qui
14 concerne les documents qui vont être utilisés au cours du contre-
15 interrogatoire. Donc le fait d'être au courant d'un document en tant que
16 tel, on peut le supposer, mais le fait d'être au courant du fait qu'il va
17 être utilisé à ce moment-là, ça on ne peut pas le supposer d'avance.
18 M. MISETIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Excusez-
19 moi. Je pense que c'était simplement, donc indépendamment de ceci, les sept
20 premières lignes --
21 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, en fait, je suis en
22 train de regarder le rapport tel qu'il apparaît en e-court et il leur a été
23 communiqué.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, si tel est le cas,
25 nous avons perdu une minute sans bonne raison.
26 M. MISETIC : [interprétation] Il s'agit du numéro 14 sur la liste e-court.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas
28 d'objection à ce que ce document soit versé au dossier. Je prends le temps
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1 de le regarder rapidement et je présente mes excuses si j'ai retardé les
2 débats.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui.
4 Maître Misetic, l'exemplaire de la version qui a été numérisée je pense que
5 peut-être - là, je m'adresse à Mme Mahindaratne - il y a une partie de la
6 marge qu'on ne voit pas, et puisque nous voyons ici le nom de Sasa
7 Milosevic une ou deux fois peut-être dans l'original, et quelques lignes
8 plus bas de l'origine -- Sasa Milosevic. Peut-être qu'il pourrait l'avoir
9 transmis.
10 Pourrions-nous avoir, s'il vous plaît, un exemplaire de ce document de
11 façon à ce que nous soyons mieux en mesure de comprendre ce que c'est que
12 ce document, d'où il vient et de quoi il parle.
13 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Mais oui, Monsieur le Président, au
14 cours de la suspension de la séance, je vais m'en occuper.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je pense que nous devrions lui
16 donner une cote pour identification pour le moment. C'est au compte rendu.
17 Il n'y a pas d'objection contre l'admission, mais la Chambre souhaiterait
18 voir ce document, qu'on voie bien la gauche et la droite. Et ceci indique
19 également -- ceci veut dire, Madame Mahindaratne, qu'il s'agit donc de la
20 deuxième page sur huit pages. Je ne sais pas de quelle série il s'agit et
21 je ne sais pas si ceci est pertinent pour les sept pages restantes.
22 Monsieur le Greffier, ce serait le numéro…?
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro D689, recevra une cote
24 pour identification, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
26 Veuillez poursuivre, Monsieur Misetic.
27 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Q. Madame Rehn, passons à la page 4 de votre déclaration, au deuxième
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1 paragraphe. Là encore, vous parlez du rapport du secrétaire général, je
2 crois, qui est celui du 18 octobre 1995. Et vous relevez qu'il est dit que
3 : "Les autorités croates ont donné des avertissements contre le retour des
4 Serbes dans leurs maisons de la Krajina à cause d'une situation incertaine
5 au point de vue sécurité. Ils ont dit qu'un retour en masse devait attendre
6 une solution politique finale, un règlement politique final."
7 Alors, en octobre, vous avez eu des conversations avec le HCR, n'est-ce pas
8 ?
9 R. [inaudible]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ça voulait dire oui ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Excusez-moi. Je regardais le texte avec
12 tant d'attention que je faisais simplement un geste de la tête.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas une critique.
14 M. MISETIC : [interprétation]
15 Q. Madame Rehn, vous êtes au courant du fait que le haut commissaire pour
16 les réfugiés était Mme Sadako Ogata à ce moment-là ?
17 R. Oui. Nous avions beaucoup coopéré à l'époque.
18 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait que Mme Ogata, est-ce que vous
19 connaissiez quelle était sa position en ce qui concerne les retours en
20 masse ?
21 R. Non, je ne peux pas me rappeler ça. Je ne m'en souviens pas.
22 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous, s'il
23 vous plaît, avoir le document 1D40-0054 à l'écran, s'il vous plaît.
24 Q. Vous allez voir tout en haut du document qu'il y a là une déclaration
25 faite par Mme Ogata, le 10 octobre 1995, qui traite de la situation
26 humanitaire, des problèmes humanitaires. Il s'agit d'un groupe de travail
27 qui s'en occupe pour la conférence internationale sur l'ex-Yougoslavie.
28 M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que vous pourrez passer, s'il vous
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1 plaît, à la page 3.
2 Q. Au bas de ce paragraphe, on voit : "Permettez-moi maintenant de
3 développer sur les questions de paix et du retour des réfugiés."
4 Puis il y a une introduction.
5 M. MISETIC : [interprétation] Si nous pouvons aller à la page suivante,
6 s'il vous plaît.
7 Q. Au deuxième paragraphe, on dit : "De façon à pouvoir effectuer
8 l'opération de retour, je dois souligner l'importance du fait d'avoir des
9 principes humanitaires internationaux bien reconnus, reconnus sur le plan
10 international. Pour commencer, il faut que ce soit des retours volontaires.
11 Deuxièmement, les personnes ne doivent pas être utilisées comme des pions.
12 L'intérêt de chaque réfugié doit être la force qui motive tout processus de
13 rapatriement et non pas des considérations politiques."
14 Le paragraphe suivant dit : "Deuxièmement, le rapatriement doit avoir lieu
15 de façon organisée et par degré. Il faut qu'il ait lieu dans la dignité. Il
16 faut prêter attention au fait d'assurer, par exemple, un hébergement
17 adéquat et des services essentiels qui soient disponibles au lieu où ils
18 reviendront."
19 Puis le paragraphe suivant : "J'envisage le processus de rapatriement qui
20 aura lieu en gros en trois phases. La première devait être le retour des
21 personnes déplacées au sein de la Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Et au
22 cours de cette période postérieure à cette première période de
23 réinstallation, il est vraisemblable qu'il y aura également des mouvements
24 de population à la suite d'ajustements territoriaux entre les parties."
25 Est-ce que ceci rafraîchit votre mémoire sur la façon dont on discutait de
26 la question et ces groupes de travail sur l'ex-Yougoslavie, et Mme Ogata
27 pouvait avoir discuté de ceci en ce qui concerne le processus selon lequel
28 les réfugiés devraient revenir ?
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1 R. Il n'y a en fait aucun type de contradiction entre sa politique et ce
2 dont j'ai rendu compte ou ce sur quoi j'ai fait rapport.
3 Q. Mais je ne parle --
4 R. Quelque chose que je trouve très important à mentionner, c'est le
5 retour, le caractère volontaire, et ça c'est vraiment très important. Mais
6 j'ai rencontré des réfugiés serbes en dehors de Belgrade, qui étaient dans
7 des camps aux conditions vraiment terribles et qui voulaient sans aucun
8 doute revenir chez eux. Donc toujours, mes rapports sont basés sur ce que
9 je sais des personnes ordinaires, de la véritable population, non pas sur
10 la façon de les déplacer simplement comme quelque chose, comme si on jouait
11 avec des objets. Je ne dis pas que Mme Ogata fait cela, mais je pense que
12 c'était très important que quoi que j'aie pu dire dans les rapports, il y
13 avait les sentiments véritablement au niveau le plus élémentaire. Il ne
14 s'agissait pas de haute politique ou de personnes politiques ni
15 d'organisations internationales. Je dois également rappeler qu'un
16 rapporteur spécial est quelqu'un de totalement indépendant des
17 organisations des Nations Unies.
18 Q. Mais vous ne devriez jamais supposer que je vous pose une question
19 parce que je penserais qu'elle est en contradiction avec ce que vous avez
20 dit. Ce que je vous demande concerne la position du gouvernement croate
21 telle qu'elle est en fait présentée dans votre propre déclaration de
22 témoin.
23 R. Oui. Et c'est une très bonne chose. Mme Ogata a plus particulièrement
24 mentionné ce fait, à savoir que les retours doivent être volontaires, la
25 sécurité doit être garantie, et c'est ça que les autorités croates
26 n'étaient pas prêtes à offrir. Ils n'étaient pas prêts à donner cette
27 garantie à ce moment-là.
28 Q. Quelle garantie ?
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1 R. La garantie de la sécurité, à ce moment-là, pour ceux qui
2 retourneraient chez eux.
3 Q. Parce que la situation de sécurité n'avait toujours pas --
4 R. Et spécialement parce que les Croates, là, ne voulaient pas leur
5 permettre de revenir.
6 Q. Bien. Et bien --
7 R. C'était les voisins qui ne voulaient pas qu'ils reviennent.
8 Q. Bien. Maintenant, je vous pose la question en ce qui concerne la
9 question du gouvernement croate disant que les retours en masse devaient
10 attendre un règlement politique pour que la situation du point de vue
11 sécurité soit améliorée. Et ceci, évidemment, était compatible avec ce que
12 disait le HCR dans des groupes de travail sur l'ex-Yougoslavie, n'est-ce
13 pas ?
14 R. Oui, mais de cette façon qu'ils ne pouvaient pas fournir et peut-être
15 ils ne voulaient pas fournir une situation de sécurité suffisamment forte
16 pour, ce qui reviendrait simplement parce qu'ils ne voulaient pas aller
17 contre les vœux de leur propre population, c'est-à-dire le peuple serbe qui
18 vivait là, et ils ne voulaient pas que ces gens-là reviennent. C'est tout à
19 fait une question de règlement politique, comme vous l'avez dit. Ils ne
20 voulaient la régler. Je connais si bien les politiques, les personnalités
21 politiques, j'en été moi-même une. Donc ils regardaient à l'égard de leur
22 population, de leurs électeurs, vraiment qu'est-ce que l'on veut faire. Et
23 dans ce cas, leur propre population, c'est-à-dire le peuple croate qui se
24 trouvait dans les villages, dans la ville de Knin, et ainsi de suite, ils
25 ne voulaient pas de ces retours.
26 Q. Madame Rehn, je pense que nous avons examiné cela hier, mais après que
27 le règlement politique ait été réalisé, au moment où vous avez présenté
28 votre dernier rapport vous avez dit qu'il y avait des raisons d'optimisme à
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1 la lumière de ce que le gouvernement croate avait fait après le règlement
2 politique, après qu'il ait été réalisé; est-ce que c'est exact ?
3 R. Oui, plusieurs années ou quelques années plus tard et aujourd'hui, bien
4 entendu, ils vont être membres bientôt de l'Union européenne; ce qui est un
5 développement merveilleux.
6 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais présenter
7 ce document du HCR comme élément de preuve.
8 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D690, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le D690 est admis au dossier comme
12 élément de preuve.
13 Maître Misetic, lorsque Mme Rehn a dit que le gouvernement et les voisins,
14 avant de dire que vous n'avez pas fait d'objection, vous avez dit que "les
15 voisins," --
16 M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas pour le compte rendu.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le compte rendu ne rend pas compte de
18 cela. Ensuite, le mot "voisins" également n'y paraît pas. Vous avez répété
19 une réponse et ce n'est pas comme ça qu'on devrait procéder. Si vous
20 regardez, ces mots manquent au compte rendu. Le mot qu'on trouve là, -- je
21 crois qu'il y a le mot en tous les cas, "voisins," ne se trouve pas là.
22 M. MISETIC : [interprétation] Je pense que nous voulons parler de la page
23 28, ligne 17, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous regardez à la page 28, ligne 18,
25 on voit, ça se lit --
26 M. MISETIC : [interprétation] Je vois.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là vous avez dit "voisins."
28 M. MISETIC : [interprétation] Oui, je comprends.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'il vaut mieux que ça ne
2 soit pas au compte rendu, parce que ça répète une partie de la réponse,
3 qui, apparemment, est particulièrement heureuse ou non par rapport à un
4 commentaire.
5 M. MISETIC : [interprétation] Vous avez inséré le mot "gouvernement
6 croate," qui n'est pas dans le compte rendu que je regarde. Elle a dit "les
7 Croates…"
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] "Les Croates."
9 M. MISETIC : [interprétation] C'est la raison pour laquelle je voulais
10 éclaircir ce point de façon à ce que par la suite il n'y ait pas de
11 malentendu. Je voulais clarifier ce que le mot "Les Croates" voulait dire.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelques lignes avant cela il est
13 question des "autorités croates," donc là il y a une référence très claire
14 qui était faite même si le mot "autorités" n'était pas --
15 M. MISETIC : [interprétation] Non, encore là, je veux dire je ne pense pas
16 que -- le texte dit, je cite : "Les autorités croates n'étaient pas prêtes
17 à donner ces garanties de sécurité," et elle ajoute : "…tout
18 particulièrement, parce que les Croates là ne voulaient pas qu'ils viennent
19 ou qu'ils reviennent."
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, vous avez demandé : "Quelle
21 garantie ?" C'est une référence très claire à la ligne précédente
22 concernant les garanties --
23 M. MISETIC : [interprétation] Je fais une distinction, Monsieur le
24 Président, entre la possibilité de fournir des garanties de sécurité et le
25 fait de ne pas vouloir d'aucuns --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors restons-en là. Mais peut-être
27 en ne répétant pas la question on pourrait éviter ce type de risque.
28 Veuillez poursuivre où vous avez demandé ce que ceci pourrait vouloir dire,
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1 ceci ou cela. Donc veuillez poursuivre.
2 M. MISETIC : [interprétation] Très bien.
3 Q. Madame Rehn, j'ai noté dans votre curriculum vitae que vous étiez
4 également présidente d'un groupe de travail sur démocratisation et droits
5 de l'homme de 2004 à 2005 chargé d'un pacte de stabilité pour l'Europe du
6 sud-est; est-ce que c'est exact ?
7 R. Oui.
8 Q. Et en tant que présidente de ce groupe ou de cette table ronde de
9 droits humains ou de démocratisation, est-ce que ceci voudrait dire que
10 vous aviez participé à des questions des droits humains dans l'ensemble de
11 la Yougoslavie ?
12 R. Non. L'Europe du sud-est, donc l'Albanie, la Moldavie et d'autres
13 étaient incluses là-dedans. Le pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est
14 a été créé en 1998 à Sarajevo, et il y avait trois tables qui s'occupaient
15 de cela, l'une pour la démocratie, ainsi de suite. Donc à l'époque j'avais
16 couvert l'ensemble de la région Europe du sud-est et, bien sûr, également
17 la Croatie.
18 Q. Bien. Et ceci était en 2004 ?
19 R. Je pense que j'ai commencé en 2003 et que je l'avais quitté au début de
20 2005.
21 M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous présente le
22 document 1D40-0059.
23 Q. Vous notez que sur la page de couverture il y a là une réunion du
24 Conseil de sécurité du 5 septembre 2002.
25 M. MISETIC : [interprétation] Et page suivante.
26 Q. Dans la colonne de droite il y a trois paragraphes vers le bas, on dit
27 : "A la réunion, le Conseil de sécurité entendra un briefing de M. Hedi
28 Annabi, secrétaire général adjoint pour les opérations de maintien de la
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1 paix.
2 "Je donne maintenant la parole à M. Annabi."
3 M. MISETIC : [interprétation] Pourrait-on maintenant voir la page 5.
4 Q. Troisième paragraphe vers le bas, exposé de M. Annabi au Conseil de
5 sécurité, qui dit - nous parlons maintenant des retours en masse des
6 réfugiés au Kosovo - et il est dit : "Dans ce contexte, les déclarations
7 faites par les Serbes du Kosovo, concernant les personnes déplacées, qu'ils
8 ont l'intention de bloquer aux points de traverser, aux points des lignes
9 frontières administratives avec le Kosovo plus tard, ce mois, parce que
10 s'ils ne sont pas autorisés à retourner en masse sont une cause de
11 préoccupation. Bien que l'impatience des personnes déplacées à l'intérieur
12 est compréhensible, étant donné la situation qui est encore délicate, des
13 relations intercommunales, toute action dans ce sens serait
14 contreproductive et pourrait être dommageable au processus de retour. Il ne
15 peut pas y avoir de retour en masse qui est artificiel.
16 "La MINUK doit procéder de façon organisée sur la base du droit des
17 individus à retourner là-bas de façon à ce que ceci puisse être réalisé.
18 Ceci nécessite des préparatifs prudents sur le terrain de façon à s'assurer
19 que l'infrastructure physique, c'est-à-dire les maisons, l'emploi, l'accès
20 aux services publics soit bien en place pour accueillir ceux qui rentreront
21 chez eux. Nécessite également de traiter soigneusement les relations avec
22 les communautés voisines Kosovo Albanie, de façon à diminuer les incidents
23 potentiels qui auraient trait à ces retours."
24 Maintenant, étant quelqu'un qui s'est occupée non seulement la
25 Croatie, mais également de l'ex-Yougoslavie et plus tard s'est occupée même
26 après ce rapport concernant les droits de l'homme dans l'ex-Yougoslavie,
27 vous avez été au courant du fait qu'il y avait une politique de retour
28 spécifique structurée pour que des Serbes reviennent au Kosovo et que les
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1 Nations Unies elles-mêmes étaient opposées à une politique de retour en
2 masse des Serbes au Kosovo; c'est bien cela ?
3 R. Je crois que nous nous écartons beaucoup de la situation dont devaient
4 traiter mes rapports, lorsque nous parlons des retours des Serbes au
5 Kosovo. Parce que ce que j'ai appris tout au moins en étudiant les conflits
6 dans le monde avec d'autres missions que j'ai dû accomplir pour l'ONU, un
7 conflit n'est pas analogue à un autre et il n'est pas similaire. Et j'ai
8 beaucoup de respect pour M. Steiner, qui est un ami, mais on peut faire
9 référence à tout exposé de personnes importantes. Donc ceci c'est peut-être
10 une question qui, certainement, était très importante ou jugée importante
11 en ce qui concerne le Kosovo après l'intervention et les bombardements et
12 tout ce qui s'est passé.
13 Mais je ne vois pas qu'il doive y avoir une contradiction quelconque, parce
14 que je n'ai pas demandé, moi, qu'il y ait des retours en masse.
15 Personnellement, j'ai demandé qu'on assure la sécurité et que les retours
16 soient volontaires. S'il y avait un très grand nombre, d'accord. Je crois
17 que nous avons les mêmes principes.
18 Q. Ma question encore une fois : est-ce que vous étiez au courant, lorsque
19 vous travailliez sur le pacte de stabilité de la politique des Nations
20 Unies concernant les retours en masse ?
21 R. Oui, bien sûr, j'étais au courant. C'était en 2002, oui, j'ai commencé
22 en 2003, il y avait d'autres personnes qui étaient des dirigeants de la
23 mission de la MINUK au Kosovo.
24 M. MISETIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document au
25 dossier du Conseil de sécurité, s'il vous plaît.
26 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D691, Monsieur le
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1 Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D691 est admis au dossier comme élément
3 de preuve.
4 M. MISETIC : [interprétation] J'en aurai terminé juste à la suspension
5 d'audience, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon à entendre.
7 M. MISETIC : [interprétation]
8 Q. Je voudrais également maintenant, à cause de ce que vous savez des
9 événements de la situation au Kosovo, demander qu'on nous présente le
10 document 1D40-0484.
11 Madame Rehn, voilà un rapport de l'OSCE de décembre 1999 qui porte pour
12 titre : "Comme on l'a vu, comment ça a été raconté." Ceci c'est la deuxième
13 partie d'une analyse de l'OSCE de ce qui s'est passé entre le mois de juin
14 et le mois d'octobre 1999 au Kosovo après que les Nations Unies et l'OTAN
15 soient entrés au Kosovo. Je vais vous lire quelques passages de
16 l'introduction.
17 M. MISETIC : [interprétation] Ce document lui-même fait environ 400 pages,
18 donc nous ne l'avons pas téléchargé, l'ensemble du document comme élément
19 de preuve, bien qu'il soit disponible pour le Tribunal et si l'Accusation
20 souhaite le consulter.
21 Pourrait-on passer à la page 3, s'il vous plaît.
22 Q. Bien qu'il s'agisse d'un rapport de l'OSCE, le représentant spécial du
23 secrétaire général, M. Bernard Kouchner a préparé l'introduction. Il était
24 représentant du secrétaire général au Kosovo pendant cette période.
25 Vous noterez au début que M. Kouchner dit : "Le présent rapport est une
26 lecture qui décrit les violations des droits de l'homme détaillées par la
27 division des droits de l'homme de l'OSCE pour la période concernant juin à
28 octobre 1999 comprend des exécutions, des enlèvements, des tortures, des
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1 traitements cruels, inhumains et dégradants, des arrestations arbitraires,
2 des tentatives de limiter la liberté d'expression."
3 La dernière phrase du paragraphe dit : "De telles violations aussi étendues
4 des droits humains ont leur importance pour tout un chacun ici aux Nations
5 Unies, pour l'administration intérim au Kosovo. Nous nous efforçons de
6 créer, de rétablir l'état de droit et le respect pour les droits humains et
7 de faire plus pour essayer d'atteindre les racines et les causes de ces
8 abus."
9 Le bas de la page c'est : "Dans de nombreux cas documentés dans ce rapport
10 de l'OSCE, il y a des indications graves que les auteurs de violations des
11 droits humains sont soit des membres de l'ancienne UCK, des personnes qui
12 se font passer pour des membres de l'ancienne UCK ou des membres d'autres
13 groupes albanais armés."
14 "Dans de nombreux cas, jusqu'à présent, il a été impossible d'identifier
15 exactement ceux qui étaient responsables."
16 M. MISETIC : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.
17 Q. M. Kouchner, dans ce premier paragraphe, troisième phrase dit : "La
18 MINUK et nous-mêmes prenons des mesures concrètes, des mesures pratiques
19 pour empêcher des violations. Néanmoins, la police civile internationale
20 des Nations Unies et la KFOR ont besoin d'augmenter des activités qui sont
21 déjà très importantes au Kosovo, qui sont fréquentes et visibles. Avec des
22 patrouilles fréquentes et visibles et de développer des liens plus proches
23 avec la communauté qui aideront à empêcher des violations et accroître la
24 possibilité d'arrêter ceux qui sont suspectés d'avoir commis des violations
25 des droits humains."
26 M. MISETIC : [interprétation] Puis, deux pages plus loin, pas la page
27 suivante mais celle d'après.
28 Q. Le haut de la page dit : "L'héritage au point de vue de violations des
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1 droits de l'homme qui s'est passé avant, pendant et après le conflit est un
2 héritage très lourd. Réussir à dire par rapport à la guerre est quelque
3 chose de difficile, mais les problèmes sont multipliés ici aux racines des
4 conflits sont essentiellement le fait de ne pas avoir tenu compte, c'est le
5 fait d'avoir méprisé systématiquement et massivement les droits de l'homme.
6 Ce rapport souligne maintenant à quel point la tâche est difficile. Les
7 craintes de vengeance, les craintes, en général, sont particulièrement
8 étendues au Kosovo après ce conflit. Ces craintes de vengeance, ces
9 craintes ont conduit au fait qu'il y a des violations des droits de l'homme
10 qui se poursuivent."
11 Puis au dernier paragraphe : "Nous sommes fortement préoccupés par la
12 situation des minorités. Si l'on regarde les tendances dans la criminalité,
13 on voit une amélioration. Il y a une baisse partant de 50 meurtres au cours
14 de chacune des premières semaines, il n'y a plus que trois meurtres au
15 cours de la semaine dernière et ça on ne peut pas l'ignorer."
16 Je m'arrête là.
17 M. Kouchner, au Kosovo, six mois après que l'ONU soit entré au Kosovo, il
18 dit : "Il y a une baisse passant de 50 meurtres au cours de chacune des
19 premières semaines à trois meurtres la semaine dernière et on ne saurait
20 l'ignorer."
21 Est-ce que vous êtes au courant du fait qu'en Croatie le taux de meurtre --
22 est-ce que vous connaissez ce qu'il était dans le secteur sud en août 1995
23 ?
24 R. Non, pas après avoir entendu -- pas sans avoir un type de statistiques
25 ici devant moi et là encore, je dois dire que toutes les situations varient
26 les unes des autres.
27 Q. Bien. Est-ce que vous me permettrez --
28 R. Oui.
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1 Q. Je voudrais continuer sur ce point, comme ça on peut en terminer par --
2 R. Ce passage au Kosovo était évidemment très, très troublant mais peut-
3 être surprenant.
4 Q. Poursuivons, Madame Rehn.
5 Ça poursuit : "Il n'est pas juste de faire des comparaisons avec la
6 situation qui existait avant ou après la guerre. A ce moment-là, et pendant
7 au moins une décennie, il y a eu une politique systématique par
8 d'apartheid, dans laquelle il y avait un statut sub-humain ou un statut de
9 sous-communauté pour les Albanais au Kosovo. Ceci n'est plus le cas
10 aujourd'hui. Peut-être que la situation semble toujours aussi mauvaise pour
11 le Serbes ou les Rom qui vivent dans la crainte et qui ne peuvent pas avoir
12 liberté d'aller et venir librement ou trouver une façon de protéger leurs
13 enfants, mais ça n'est plus une question de politique. Tous les partis au
14 Kosovo, tous les dirigeants, les Serbes et les Albanais ont déclaré quelle
15 était leur position en faveur d'une société multiethnique et de la
16 coexistence entre toutes les communautés.
17 "Les crimes que nous voyons maintenant sont le fait d'individus. Aucun
18 parti politique n'a revendiqué la responsabilité. Leurs représentants du
19 Conseil transitoire au Kosovo ont condamné ces abus à chaque fois qu'ils
20 ont eu lieu, et ont exprimé eux-mêmes leur préoccupation concernant ces
21 actes d'intolérance. On ne peut pas exclure la possibilité qu'il y ait
22 volontiers un double langage, mais nous ne pouvons pas le présupposer non
23 plus."
24 Je terminerai en posant cette question : M. Kouchner parle de la façon dont
25 les dirigeants parlaient des défauts, des carences d'une société
26 multiethnique et de la coexistence entre toutes les communautés; au début
27 de mon contre-interrogatoire, nous avons présenté un enregistrement de ce
28 que le président Tudjman vous a dit le 4 décembre 1995. Est-ce que vous
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1 seriez d'accord avec moi que ce que le président Tudjman concernait la
2 réconciliation entre les Serbes et les Croates; c'est bien cela ?
3 R. Oui.
4 Q. Seriez-vous d'accord avec moi que c'est naturellement M. Kouchner qui
5 le dit, bien sûr, mais qu'il était possible qu'il se soit trouvé dans un
6 double langage et que cette possibilité ne puisse être exclue, mais que
7 nous ne devrions pas la présupposer ? Est-ce que vous seriez d'accord avec
8 ça ?
9 R. Oui. C'est très similaire à ce que j'ai ressenti avec mes discussions
10 avec le président Tudjman et les membres du gouvernement de la Croatie.
11 Q. Je vous remercie, Madame Rehn. Merci d'avoir répondu à mes questions.
12 M. MISETIC : [interprétation] Je demande maintenant que ceci soit versé au
13 dossier comme élément de preuve.
14 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
15 Je voudrais simplement demander que la Défense veuille bien télécharger la
16 page couverture du document de façon à ce que nous puissions avoir un
17 document complet à notre disposition.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
19 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, franchement, lorsque
20 je l'ai téléchargé, je n'avais pas de page de couverture, et maintenant sur
21 le site de l'OSCE, j'ai essayé de le trouver pendant le week-end. Je vais
22 essayer de le retrouver. C'est en tous les cas sur internet ou ça devait y
23 être.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une objection contre
25 l'admission ?
26 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non, Monsieur le Président, il n'y a
27 pas d'objection.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça devient la pièce D692.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
3 Madame Rehn, Me Misetic vous a arrêtée lorsque vous avez exprimé votre
4 surprise concernant la comparaison qui a été faite. Si vous voulez ajouter
5 quoi que ce soit à cela, vous êtes libre de le faire.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, parce
7 que j'étais -- oui, c'est vrai, j'étais un peu surprise. Parce que, comme
8 je le disais, chaque situation, chaque conflit, malheureusement, présente
9 des analogies en ce qui concerne les souffrances des civils, mais il faut
10 dire également qu'ils sont très différents. Et lorsque le ministre Kouchner
11 aujourd'hui était le premier à s'occuper de la MINUK, il était très clair
12 qu'il était très troublé concernant la situation et qu'il avait entendu
13 parler également toutes ces paroles aimables des différentes parties en
14 cause.
15 Bien sûr, si nous devions prendre les choses à la lettre aujourd'hui,
16 tant d'années plus tard, il pourrait y avoir un autre ton dans cela. Il y a
17 tant de situations différentes que je suis simplement surprise que la
18 justice au Kosovo soit évoquée dans ce procès. Je pourrais avoir de très,
19 très nombreux rapports de moi-même sur la situation ici maintenant et plus
20 tôt, et je crois que ça n'a pas lieu d'être pour le présent procès.
21 Je voulais simplement exprimer ma surprise.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
23 Nous allons suspendre la séance, mais pas avant que j'aie fait verser
24 officiellement au dossier le D692. Nous reprendrons à 11 heures.
25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
26 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me
28 permettez, pendant la pause j'ai examiné le courriel envoyé par la Défense,
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1 il s'agit d'un document de huit pages et, en fait, il y a sept pages de ce
2 courriel. Je n'ai pas d'objection à son admission, à son versement au
3 dossier. Cela dit, nous avons téléchargé les documents dans le système et
4 il semblerait que le document n'y est pas, et nous sommes en train
5 d'examiner l'original pour avoir de meilleures copies.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les parties peuvent se mettre
7 d'accord sur le fait de savoir qui l'a envoyé et quand, à qui, cela serait,
8 bien entendu, très utile.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas très bien compris dans le
10 courriel s'il s'agissait d'un courriel envoyé depuis le bureau du comité
11 d'Helsinki à Belgrade, mais peut-être que Me Misetic pourrait nous le dire.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est un e-mail, mais il y a
13 également une copie de cet e-mail qui a été apparemment envoyé par la
14 télécopie et qui porte la date du 28 octobre. Donc essayons de l'analyser
15 et de savoir comment ces communications se sont déroulées, et ensuite nous
16 nous concentrerons davantage sur la teneur.
17 J'aimerais que les parties m'en informent, m'informent s'il y a un accord
18 là-dessus.
19 Je regarde à droite, oui, Maître Kay, vous êtes le suivant.
20 M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Rehn, c'est Me Kay, le conseil de
22 M. Cermak qui va vous contre-interroger.
23 M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Contre-interrogatoire par M. Kay :
25 Q. [interprétation] Madame Rehn, nous allons maintenant examiner un
26 certain nombre de documents qui représentent une série de mesures prises
27 par les ministères compétents de Croatie afin de mettre un terme à la
28 commission des crimes, et ceci est pertinent pour un de vos rapports
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1 présentés.
2 M. KAY : [interprétation] Et ce n'est pas la peine de l'afficher, mais
3 j'aimerais que les Juges tiennent compte de la cote P639, page 11,
4 paragraphe 31.
5 Q. Tout d'abord, j'aimerais que l'on examine la pièce D49. Il s'agit d'un
6 document qui porte la date du 18 août 1995 émanant du ministre adjoint de
7 l'Intérieur et le document a été envoyé par le ministre Josko Maric.
8 Tout d'abord, l'avez-vous jamais rencontré ?
9 R. Non, je ne m'en souviens pas. Il est possible, mais je ne m'en souviens
10 pas. Je vous ai dit que j'ai une très mauvaise mémoire lorsqu'il s'agit des
11 noms. Si je voyais son visage, peut-être que je pourrais me le rappeler.
12 Q. Je comprends tout à fait. C'est lui qui a envoyé ce document et il a
13 travaillé au sein du ministère de l'Intérieur et il a également travaillé
14 avec le MUP, le poste de police.
15 M. KAY : [interprétation] Passons maintenant à la deuxième page.
16 Q. A la page 2 de ce document, vous pouvez voir qu'il est dit qu'il a reçu
17 des informations portant sur les actes d'incendie des maisons, que des
18 biens ont été enlevés, et il dit que ces actes ont été commis par des
19 personnes portant l'uniforme de l'armée croate. Par la suite, il parle du
20 fait que ces personnes étaient ou n'étaient pas membres de l'armée croate.
21 Comme vous pouvez le lire, il dit que ces actes ont une incidence négative
22 sur le plan politique en République de Croatie.
23 M. KAY : [interprétation] Passons maintenant à la troisième page.
24 Q. Parce qu'il a donné un ordre dans lequel il a dit aux chefs
25 d'administration de police de - et je précise que la Chambre connaît très
26 bien la structure des postes de police et des chefs d'administration de
27 police en Croatie. Mais ma question : connaissiez-vous la structure interne
28 au sein de la police en
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1 Croatie ?
2 R. Bien sûr, nous le connaissions, et cette lettre a été envoyée avant que
3 je n'aie pris mes fonctions là-bas le 18 août. Donc bien sûr, nous avons
4 parlé de la manière dont fonctionnait le ministère de l'Intérieur et quelle
5 était la structure au sein de ce ministère.
6 Q. D'accord. Nous allons examiner toute une série maintenant de documents
7 allant d'août à septembre. Peu importe les dates précises. Il s'agit des
8 ordres qui sont pertinents. Lorsque vous y rédigez vos rapports, il faut
9 savoir que ces ordres étaient déjà mis en vigueur. Et vous pouvez voir
10 qu'il s'agit d'un ordre dans lequel on veut organiser une rencontre avec la
11 police militaire.
12 Et dans le deuxième paragraphe on dit que les actes de pillage et
13 d'incendie n'ont pas été enquêtés et qu'il faut mettre un terme à ce genre
14 d'activité.
15 Dans le troisième paragraphe on parle de la police militaire et des points
16 de contrôle, des patrouilles mixtes composées de membres de la police
17 civile et militaire qui devraient être organisées.
18 Puis on parle également dans le quatrième paragraphe des enquêtes sur
19 les lieux et que toutes sortes d'enquêtes opérationnelles et médico-légales
20 doivent être organisées.
21 Puis dans le cinquième paragraphe, il est dit que si la police
22 militaire ne peut pas mener à bien les tâches précisées dans le quatrième
23 paragraphe, la police civile doit le faire indépendamment du fait que
24 l'auteur de ces actes porte un uniforme militaire ou pas.
25 Puis passons maintenant à la quatrième page. On parle de la communication
26 de cet ordre à toutes les parties pertinentes. Dans ce rapport dont je vous
27 ai parlé tout à l'heure, vous avez appris de la part des autorités croates
28 les plus haut placées que des mesures avaient été prises pour empêcher la
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1 commission des crimes, n'est-ce pas ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Merci. Passons maintenant à un autre document. Comme j'ai dit, il
4 s'agit d'une série de sept documents, pour que vous ayez une meilleure
5 perspective des événements.
6 M. KAY : [interprétation] Il s'agit du document D584 enregistré aux fins
7 d'identification. En date du 19 août 1995, sinon, c'est 4595 de la liste 65
8 ter, si cette référence est plus simple.
9 Q. Nous allons examiner le document qui porte la date du 19 août émanant
10 d'une de ces administrations de police, le destinataire est le MUP et le
11 ministre adjoint, à savoir M. Moric. Dans ce document, on se réfère au
12 document précédent qu'on vient d'examiner. Le document envoyé par le chef
13 de l'administration de la police de Zadar, le chef évoque la réunion tenue
14 entre les représentants de la police militaire et l'administration de la
15 police Zadar-Knin. On peut constater que la police militaire a souligné
16 qu'une action coordonnée à tous les points de contrôle n'est pas possible,
17 parce qu'il n'y a pas suffisamment d'hommes qui pourraient y être de
18 faction.
19 Et la deuxième page de ce document est tout simplement la conclusion de ce
20 qui vient d'être dit.
21 Etiez-vous informée de la coordination entre la police militaire et la
22 police locale ?
23 R. Cela est possible, mais je ne suis pas tout à fait sûre. Il est
24 intéressant, compte tenu des dates, qu'ils avaient déjà pris des mesures et
25 organisé des réunions avant d'avoir reçu la lettre du MUP.
26 Q. Oui. Et c'est pertinent pour les affaires et les questions que vous
27 avez évoquées auprès du gouvernement, n'est-ce pas ?
28 M. KAY : [interprétation] Passons maintenant à un autre document, à savoir
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1 D50.
2 Q. C'est un document qui porte la date du 22 août, émanant du MUP, plus
3 précisément de M. Moric, ministre adjoint, une fois encore envoyé aux
4 administrations de police. On s'y réfère à la télécopie du 18 août.
5 M. KAY : [interprétation] Passons maintenant à la deuxième page pour voir
6 la teneur de ce document.
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, il n'est pas dit
8 qu'il s'agissait de "postes de police," mais "d'administrations de police."
9 Il est important que nous ayons une terminologie précise.
10 M. KAY : [interprétation] Je suis très reconnaissant à mon éminente
11 consoeur.
12 Q. A la deuxième page, vous pouvez voir qu'on y fait état des maisons qui
13 ont été brûlées, que les biens ont été saisis d'une manière illégale. M.
14 Moric a envoyé cette lettre à la police militaire et il y décrit l'ampleur
15 de ces phénomènes. L'administration de la police militaire a envoyé un
16 ordre aux bataillons de police militaire leur ordonnant de se mettre en
17 contact avec le MUP et les postes de police afin de résoudre ces problèmes.
18 Et l'on demande qu'un système de surveillance et d'information soit mis en
19 place entre la police et la police militaire. Le voyez-vous ?
20 R. Oui.
21 Q. Puis nous avons une série de questions portant sur ces questions afin
22 de savoir dans quelle mesure ces missions ont été menées à bien. Vous êtes
23 d'accord avec moi, n'est-ce pas, que ce genre de mesures est justement ce
24 que vous auriez approuvé à cette époque-là ?
25 R. Oui. Toutes ces mesures demandées sont exactement ce que nous
26 souhaitions.
27 Q. Oui. Passons maintenant à la troisième page, où nous avons des
28 informations portant sur des enquêtes. On dit qu'en fait il faut informer
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1 au sujet de ces enquêtes. Et je pense que votre réponse serait identique, à
2 savoir qu'à votre point de vue c'était quelque chose d'important.
3 R. Oui, c'est exact.
4 Q. Est-ce que quelqu'un dans votre équipe vous a informée de ces mesures
5 précises lorsque vous êtes arrivée le 27 septembre ?
6 R. C'est tout à fait possible, mais je ne pourrais pas le confirmer, parce
7 que c'était la première fois que je me suis rendue dans une région en
8 guerre -- oui, avant, j'étais ministre de la Défense, mais ce n'est pas
9 exactement la même chose. Là, j'étais confrontée à la réalité de ces
10 événements, et je suis sûre que l'on m'avait dit quelles étaient les choses
11 qui étaient demandées, et cela a été répété lors de mes réunions avec les
12 représentants des autorités. Mais bien sûr, je n'ai pas eu accès à ces
13 lettres et à toutes ces informations qui y figurent.
14 Q. Mais l'on peut dire que dans vos rapports au secrétaire général, vous
15 n'avez pas eu ces informations, vous n'avez pas présenté tous ces détails ?
16 R. Non. Ils n'y figurent pas. Nous avons relaté ce que nous avons pu voir
17 se produire dans les villages, et ces ordres de toute façon n'ont jamais
18 été entièrement exécutés.
19 Q. Merci.
20 M. KAY : [interprétation] Le document suivant est sous pli scellé, Monsieur
21 le Président. Il faut prendre des mesures pour l'observer.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il ne faut pas le montrer au
23 public ou bien la déposition doit être à huis clos partiel également ?
24 M. KAY : [interprétation] La déposition peut être disponible pour le grand
25 public.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc le document suivant
27 est ?
28 M. KAY : [interprétation] P502.
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1 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
2 M. KAY : [interprétation]
3 Q. Le document que vous voyez à l'écran, Madame Rehn, est un document que
4 je ne vais pas examiner en détail maintenant avec vous. Vous comprenez
5 qu'il s'agit d'un document sous pli scellé. Vous comprenez pourquoi je
6 procède de cette manière ?
7 R. Oui. Voilà, maintenant je vois la version en anglais.
8 Q. Ce n'est pas la peine d'entrer dans les détails, mais vous pouvez y
9 lire que s'agissant des points de contrôle, la coordination, les
10 patrouilles, ce sont des questions évoquées dans ce document.
11 R. Oui.
12 Q. Ainsi que la coopération. Ce sont des mesures que vous auriez
13 approuvées, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Merci.
16 M. KAY : [interprétation] Nous n'avons plus besoin de dire davantage sur ce
17 document. Je sais que la Chambre connaît très bien ce document.
18 Passons maintenant au document D589, enregistré aux fins d'identification.
19 Il s'agit du document 1302 de la liste 65 ter, et ce document n'est pas
20 sous pli scellé.
21 Q. Il porte la date du 28 août émanant de l'administration de la police
22 Zadar-Knin envoyé au ministre adjoint, M. Moric, qui était impliqué dans
23 toute une série d'ordres émanant du MUP, et ce document porte sur le
24 traitement des personnes portant l'uniforme militaire dans les zones
25 libérées et l'on y fait état d'un grand nombre de personnes portant
26 l'uniforme de l'armée croate, portant des armes et conduisant des
27 véhicules.
28 M. KAY : [interprétation] Passons maintenant à la deuxième page.
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1 Q. En haut de la page, on dit que ces personnes sont probablement en
2 connivence avec les amis et membres de leurs familles lorsqu'ils prennent
3 ces biens et les amènent. Sur la base des rapports écrits émanant des
4 présidents des municipalités, on peut constater qu'il s'agit des gens qui
5 falsifient des documents. Le voyez-vous ?
6 R. Oui.
7 Q. Etes-vous d'accord pour dire que le gouvernement de Croatie, à cette
8 époque-là, faisait face à une situation dans des zones libérées et qu'il
9 était très difficile de gérer les problèmes administratifs afin d'imposer
10 l'état de droit ?
11 R. Bien sûr que cela leur était difficile, et il était difficile de savoir
12 qui était véritablement membre de l'armée et qui tout simplement portait un
13 uniforme militaire. Je l'avais déjà dit lors de mes déclarations
14 précédentes et lors de ma déposition aujourd'hui et hier. Il est toujours
15 difficile d'administrer une région après le conflit.
16 Q. Oui. Et cela dépend, bien sûr, des ressources dont dispose le
17 gouvernement, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Allons un peu plus loin dans la page, il est dit qu'il est nécessaire
20 que la police locale ou les personnes compétentes soient présentes lors des
21 réunions que le général Cermak a tenu avec les représentants de l'ONURC, la
22 police civile des Nations Unies et d'autres organisations internationales
23 afin de s'assurer que la police est informée de tous les accords.
24 Passons maintenant à la troisième page, il n'y a que deux lignes, mais il
25 faut toujours terminer ses phrases. Donc les informer des accords conclus
26 ce qui devrait rendre possible pour eux d'organiser et de planifier les
27 tâches qui relèvent de leur compétence.
28 Vous êtes d'accord avec moi que le ministère croate essayait de faire face
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1 aux problèmes ?
2 R. Oui, c'est sûr qu'ils essayaient de le faire.
3 M. KAY : [interprétation] Nous avons encore deux documents, P499, une fois
4 encore sous pli scellé. Ce n'est pas la peine d'examiner plus en détail ce
5 document.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne faut pas l'afficher à l'écran,
7 mais pas la peine de passer en audience à huis clos partiel.
8 Veuillez poursuivre.
9 M. KAY : [interprétation] Oui. Merci.
10 Q. Nous pouvons tous examiner ce document. Je pense que vous pouvez de le
11 voir à l'écran.
12 R. Oui, maintenant je le vois.
13 Q. Je ne vais pas l'examiner en détail.
14 R. Oui, oui, je comprends.
15 Q. Il porte la date du 1er septembre. Et qu'il y a des problèmes avec la
16 police militaire. Passons maintenant à la deuxième page, on fait état de
17 ces problèmes et vous pouvez lire que certaines personnes portent
18 l'uniforme de l'armée croate et qu'il y a des unités qui procèdent au
19 ratissage du terrain afin de détecter les unités paramilitaires qui étaient
20 encore là. Ce n'est pas la peine de poursuivre.
21 C'est un document que probablement vous n'avez pas vu, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, je ne l'ai pas vu.
23 Q. Cela montre qu'il y avait toute une suite d'ordres qui émanaient du
24 niveau du ministère ?
25 R. Oui, c'est exact et cela montre qu'il y avait des actions qui étaient
26 prises.
27 Q. J'ai pris un instantané tout simplement.
28 M. KAY : [interprétation] Il y a encore un autre document, D596. C'est
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1 encore un document qui a été enregistré aux fins d'identification. C'est un
2 document 2D04-0216. La traduction porte la cote 1A. C'est bien ça. Je
3 m'habitue maintenant à lire les documents en B/C/S.
4 Ce document porte la date du 19 septembre, il est adressé aux
5 administrations de police. Vous voyez Zadar-Knin, puis Knin, et ce document
6 renvoie à un télégramme précédent que la Chambre connaît bien. La référence
7 au fait que le 15 septembre la police militaire n'est plus présente aux
8 postes de contrôle d'entrée et de sortie de la zone libérée. S'agissant des
9 activités de la police militaire, elles comprendront des patrouilles en
10 voiture, il y a des contrôles obligatoires, rapports à faire
11 obligatoirement à "nos" postes de contrôle, est-il dit, donc au poste du
12 MUP, et la nécessité d'établir des communications radio est mentionné.
13 Prenons la page 2, c'est toujours le ministre adjoint, M. Moric, qui a
14 signé cette lettre qui parle, il dit ceci : "Il faut garder, conserver les
15 postes de contrôle précédents même s'ils sont situés ailleurs…"
16 C'est que des personnes avaient trouvé des moyens de contourner ces postes
17 de contrôle et si c'est le cas, dit-il, il faut déplacer ces postes de
18 contrôle, il faut des patrouilles en voiture et à pied pour effectuer les
19 tâches habituelles de la police.
20 Dernier document que je vous demande d'examiner, où se trouvent des
21 informations des actions qui répondraient à vos desiderata, n'est-ce pas ?
22 R. Oui, ce serait bizarre si je disais le contraire, parce
23 qu'effectivement c'est tout ce que nous voulions voir s'effectuer en
24 pratique.
25 Q. Précisément, nous avons vu des documents qui viennent du niveau le plus
26 élevé et qui descendent jusqu'aux échelons les plus élémentaires. Dans cet
27 examen rapide des documents, nous sommes descendus jusqu'au niveau à
28 l'échelon des postes de police de terrain, ce n'est pas simplement des
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1 envois de documents d'un ministère à l'autre. Vous comprenez ça ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce qu'on vous a parlé de ces mesures au cours des réunions que vous
4 avez eues?
5 R. Lorsque j'ai rencontré les ministres, je ne me souviens pas qu'ils
6 aient évoqué des modalités aussi pratiques que celle-ci, ça aurait été
7 utile qu'ils soient beaucoup plus précis parce qu'ils ont dit : "Nous
8 faisons tout ce que nous pouvons, nous donnons des ordres aux postes de
9 police, ainsi de suite. Tout le monde sait ce qu'il doit faire", ont-ils
10 dit. Mais bien entendu, là vous me présentez des documents directs et la
11 plupart de ces lettres sont de la plus grande confidentialité. Donc il est
12 fort certain qu'ils ne voulaient pas me les montrer, même si ça avait été
13 dans leur propre intérêt.
14 Q. La Chambre a été saisi des éléments de preuve, ceci est une infime
15 portion, je vous parle de plusieurs centaines de documents, c'est pour ça
16 que je vous parlais presque d'un instantané, d'un aperçu. Il aurait été
17 sans doute utile à l'époque qu'on vous présente, pas moi, mais que
18 quelqu'un vous présente ce que le système faisait, ce qui vous aurait
19 permis d'en faire rapport, n'est-ce pas ?
20 R. Bien sûr, nous avons reçu des vues d'ensemble au niveau du ministère.
21 Mais pour nous, bien entendu, ce qui comptait le plus c'est que ces ordres
22 soient strictement, rigoureusement appliqués et la tendance était très
23 claire. Chaque agent de police - est-ce qu'il y avait des femmes dans les
24 forces de police, je ne sais plus - en tout cas, que chacun applique les
25 ordres en dépit des pressions éventuellement exercées par des concitoyens
26 croates du village.
27 Q. Ce matin vous avez parlé du problème que posaient les voisins ?
28 R. Oui.
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1 Q. Vous serez d'accord avec moi, c'est un problème qu'il est difficile de
2 régler ?
3 R. Tout à fait. Bien souvent je l'ai dit, les agents de police sont des
4 êtres humains avec leurs failles et leurs points forts aussi et il s'agit
5 ici de choses qui sont difficiles à maîtriser, à aborder quand on vit dans
6 un même quartier.
7 Q. Merci.
8 M. KAY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le
9 Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Kay.
11 Donnez-moi un instant, s'il vous plaît.
12 Maître Kuzmanovic, êtes-vous prêt ?
13 Madame Rehn, c'est maintenant Me Kuzmanovic qui défend M. Markac qui va
14 vous interroger.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
16 Contre-interrogatoire par M. Kuzmanovic :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.
18 Je vais aborder bon nombre de documents et je vais vous demander de faire
19 preuve de patience pendant qu'ils s'affichent. Gardez ceci à l'esprit
20 lorsque je vous pose des questions et lorsque vous y répondez.
21 Avant d'aborder les documents, permettez-moi quelques questions de
22 suivi à la suite de ce que vous avez déjà déclaré dans le cadre de votre
23 déposition. Vous avez dit que lors d'une des visites que vous avez
24 effectuées en Croatie, vous avez personnellement observé des actes de
25 pillage; est-ce exact ?
26 R. Oui.
27 Q. Qui était en votre compagnie dans votre groupe lorsque vous avez fait
28 ces observations ?
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1 R. Lors de ma première visite, c'était au secteur nord et j'ai compris
2 maintenant que je ne suis pas censée en parler.
3 Q. C'est exact.
4 R. Puis à la visite suivante, j'avais avec moi Roman Wieruszewski; l'agent
5 chargé de ma sécurité, et de Laukkala qui était alors dans l'armée
6 finlandaise. Nous avions avec nous un interprète, je ne me souviens plus du
7 nom de l'interprète. Il y avait un chauffeur, c'était peut-être Sasa
8 Milosevic, mais c'était peut-être quelqu'un d'autre, mais nous étions
9 toujours en équipe, nous avions toujours une équipe des droits de l'homme.
10 Q. Est-ce que vous avez fait rapport de vos observations à un poste de
11 police local qui aurait pu mener une enquête à la suite de ce rapport ?
12 R. Je ne l'ai pas fait directement, je n'ai pas présenté de rapport moi-
13 même car c'était le personnel qui devait le faire. Mais je l'ai mentionné,
14 bien entendu, chaque fois que j'ai rencontré l'administration au niveau
15 ministériel.
16 Q. Lorsque vous avez procédé à ces observations, lorsque vous faisiez une
17 visite en Croatie, n'est-il pas vrai de dire, qu'en tout cas au moment où
18 ça s'est passé, vous n'en avez pas fait rapport à quelque autorité de
19 police que ce soit ?
20 R. J'ai rencontré des agents de police, j'ai toujours rencontré la police
21 pendant mes visites et j'en ai parlé. Mais je ne pourrais pas vous faire
22 ici même une liste énumérant les actes que j'ai effectués, c'est-à-dire les
23 rapports que j'aurais présentés. En tout cas, chaque fois que nous avons vu
24 quelque chose, il y a un rapport qui a été fait après et qui était porté à
25 l'attention des autorités croates à divers échelons. Mais je le répète, il
26 me faut vous rappeler que mon travail - moi je vivais en Finlande - j'ai
27 fait ces visites d'inspection financées par la commission des droits de
28 l'homme, et après ça je suis rentrée en Finlande. Donc je n'étais pas sur
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1 place pour prendre des mesures, j'étais un rapporteur et je faisais rapport
2 de ce que j'avais vu.
3 Q. Merci. Avant de venir déposer à La Haye, avez-vous rencontré d'autres
4 personnes que des représentants du bureau du Procureur à propos de votre
5 déposition d'aujourd'hui ?
6 R. Bien entendu, lorsque j'ai été appelée la première fois en 2005, j'ai
7 parlé avec un agent chargé de ma sécurité qui travaille désormais comme
8 chef de la sécurité dans une entreprise privée. Nous en avons parlé, et
9 nous avons comparé les impressions que nous avions recueillies à l'époque.
10 Q. Comment s'appelait-il ?
11 R. Il s'appelle Heljo Laukkala, vous avez son nom dans les documents.
12 Q. Avez-vous parlé à quelqu'un d'autre ?
13 R. Bien sûr, j'ai parlé de cela avec ma famille, avec mes enfants et mes
14 petits-enfants, pas avec mon arrière-petite-fille parce qu'elle était trop
15 petite à l'époque.
16 Q. Pendant le contre-interrogatoire de Me Misetic, vous avez eu une
17 discussion sur ce qui s'était passé au Kosovo. J'ai une question à vous
18 poser à ce propos. Un rapport vous a été lu ou une partie de ce rapport qui
19 disait que la criminalité avait baissé de 50 meurtres par semaine jusqu'à
20 peu près trois par semaine au cours d'une période de six mois. Est-ce que
21 vous saviez qu'à ce moment-là les autorités chargées du maintien de la paix
22 et de l'ordre public au Kosovo c'était la MINUK et la KFOR ?
23 R. Bien sûr que je le sais, parce qu'il y a eu des conseils du secrétaire
24 général qui portaient sur la façon de renforcer les actions de la MUNIK.
25 Bien sûr, après toutes ces années, j'ai fait un rapport sur le Kosovo et je
26 sais bien effectivement ce qui s'est passé là-bas.
27 Q. Vous savez effectivement que la MUNIK et la KFOR étaient fort bien
28 équipées, bien formées ?
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1 R. Oui, parce que j'ai été plusieurs fois avec le contingent finlandais.
2 Q. Pendant l'interrogatoire principal vous avez fait part de vos
3 impressions quant à savoir si le président Tudjman s'intéressait à la
4 détresse des Serbes qui voulaient rentrer en Croatie, et vous avez pensé
5 qu'il ne s'intéressait pas à la question.
6 J'ai une question à vous poser à ce propos quant à savoir si le
7 président Tudjman s'intéressait ou pas au retour des Serbes en Croatie, ils
8 sont rentrés de toute façon. En tout cas, il y a 41 000 Serbes en tout qui
9 sont rentrés à partir de janvier 2000, n'est-ce pas ?
10 R. Je pense que ce qui s'est passé en 1995 ne peut pas se comparer à ce
11 qui s'est passé jusqu'en 2000, car à cette époque-là quand je faisais
12 rapport il n'y avait pas une volonté très claire qui se manifestait afin
13 que les Serbes reviennent en Croatie. Nous devons tous être reconnaissants.
14 C'est peut-être que mon rapport sur la situation après l'opération Tempête
15 en Croatie a peut-être de façon minime, peut-être, mais a quand même
16 contribué à ce que les autorités réagissent.
17 Q. Je comprends.
18 R. Parce que, bien sûr, qu'il a dû y avoir des retours au pays jusqu'en
19 2000, et ça n'a rien à voir avec le climat qui régnait en 1995.
20 Q. Mais que vous conviendrez que la question de savoir si le président
21 Tudjman ne s'intéressait ou pas au retour des Serbes, ils sont quand même
22 rentrés au nombre de 41 000 ?
23 R. Oui, sur 180 000.
24 Q. Savez-vous combien de Serbes il y a aujourd'hui en
25 Croatie ?
26 R. Je ne sais pas, aucune idée, car maintenant je travaille dans un
27 domaine tout à fait différent, en tout cas dans une région tout à fait
28 autre du monde.
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1 Q. Est-ce que vous seriez surprise d'apprendre que depuis 1995 il y a
2 quelque 120 000 Serbes qui sont rentrés en Croatie ?
3 R. Je suis très contente d'entendre ce que vous dites.
4 Q. Je voudrais maintenant consulter quelques documents avec vous.
5 Manifestement, vous avez écrit plusieurs rapports --
6 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Sur quoi s'est appuyé le conseil pour
7 poser cette question ?
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous avons eu la déposition de M.
9 Galbraith et c'était la pièce qui porte la cote D420.
10 Q. On a longuement discuté, Madame Rehn, de diverses choses, par exemple,
11 d'une amnistie à l'intention des personnes qui avaient participé au conflit
12 en Croatie, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous saviez qu'à partir d'octobre 1996 jusqu'en juin 1998 il
15 y a eu près de 19 000 personnes qui ont bénéficié d'une amnistie de la part
16 du président Tudjman ?
17 R. Je n'avais pas ces chiffres. Rappelez-vous que moi aussi j'ai quitté ce
18 poste du rapporteur spécial fin 1997 lorsque je suis allée en Bosnie-
19 Herzégovine.
20 Q. Et saviez-vous qu'il y a eu des décrets adoptés par le président
21 Tudjman en faveur d'amnistie avant l'opération Tempête ?
22 R. Non, je n'ai pas connaissance de ces documents.
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pour ne pas perdre de temps, Monsieur le
24 Président, et ne pas aborder ces documents, nous préparons des conclusions
25 juridiques que nous présenterons en prétoire à propos de l'amnistie. Ça
26 représente beaucoup de documents et il faut un certain temps pour en faire
27 la traduction, mais je voulais dire, nous allons faire une proposition de
28 versement ici même au prétoire.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, bien sûr, il faudra
2 donner la parole à l'Accusation pour voir si elle s'y oppose, mais je
3 constate que nous passons beaucoup de temps sur la question de l'amnistie
4 ici. Alors que moi, je comprends la déposition de Mme Rehn comme disant
5 que, bien sûr, si des Serbes voulaient rentrer et s'ils craignaient qu'ils
6 soient l'objet d'enquêtes, d'instructions ou de poursuites, parce qu'ils
7 auraient été membres des forces armées de l'ARSK, que c'était là une des
8 préoccupations, mais qu'il y en avait une autre; c'est que ceux qui
9 n'auraient pas bénéficié d'une amnistie et qu'on soupçonnait d'avoir commis
10 des crimes de guerre, que ce soit des Serbes ou des Croates, bien, qu'ils
11 allaient être poursuivis. Et je relève qu'on a en fait déplacé l'axe
12 principal des questions, en tout cas telles que moi, je le voyais.
13 Mme Rehn se préoccupait surtout qu'il n'y ait pas d'enquêtes,
14 d'instructions ni de poursuites diligentées contre des Croates qui étaient
15 soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre, et que c'était là une
16 préoccupation un peu différente de celle qu'avaient les Serbes qui
17 craignaient d'être poursuivis, parce qu'ils avaient été loyaux à leur
18 propre gouvernement ou n'avaient pas été dans les rangs de la bonne armée,
19 que c'était là une préoccupation quelque peu différente.
20 Les raisons de ces craintes, de cette peur de rentrer, ici en
21 l'espèce, ne semblent pas tout à fait être la même chose que cette autre
22 problématique qui est de savoir si on a déployé suffisamment d'efforts, si
23 on en a fait assez pour enquêter et poursuivre des personnes soupçonnées
24 d'avoir commis des crimes de guerre.
25 M. MISETIC : [interprétation] Nous en avons parlé hier soir puisque ceci a
26 été évoqué au prétoire hier, et nous ne voyons pas du tout quelle est la
27 nature de la question, et c'est toujours cru aujourd'hui.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je vais poser la question à Mme
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1 Rehn. Est-ce que pour vous ce sont deux problèmes distincts, séparés ?
2 Pourriez-vous nous dire quelle est la préoccupation qui vous gêne le plus ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est que, ici, dans le cas précis de
4 l'opération Tempête, je voulais savoir ce qui était arrivé à ceux qui
5 étaient partis. Mon inquiétude - et je n'avais pas de mandat pour parler de
6 ce qui s'était passé avant, de bien ou de mal, avant de ce que les Serbes
7 avaient fait à la Croatie, lorsqu'ils avaient pris le contrôle dans cette
8 région de la Krajina - moi, je tenais à savoir ce qui était arrivé aux
9 Serbes pendant l'opération Tempête lorsqu'ils avaient peur de rester. Peut-
10 être qu'ils auraient pu rester, mais ils avaient peur, ils craignaient pour
11 leurs vies, ils ont donc pris la fuite vers des pays voisins. Ils étaient
12 au nombre de 180 000, on ne saura jamais exactement combien ils étaient. Et
13 je voulais savoir quelles étaient les peurs qu'ils avaient à l'idée de
14 rentrer chez eux. Avaient-ils peur de leurs voisins proches, mais avaient-
15 ils aussi des craintes pour leur sécurité ?
16 Puis cette question de la loi portant sur l'amnistie, elle n'a pas été
17 comprise. Les Serbes n'ont pas compris qui était touché par l'amnistie et
18 qu'ils n'étaient pas -- ça ce n'était pas clair, donc effectivement il
19 s'agit de deux choses différentes. Vous avez tout à fait raison, Monsieur
20 le Juge. Mais si ceci sème la confusion, et bien la confusion règne
21 partout.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je ne pense pas qu'il
23 convienne de procéder à un échange entre nous maintenant.
24 M. MISETIC : [interprétation] Le problème c'est que puisque le témoin est
25 encore ici, s'il y avait un problème on pourrait profiter de sa présence
26 pour tirer le problème au clair. Peut-être pourrons-nous en discuter avant
27 la prochaine pause de façon à ce qu'elle ne soit pas présente dans ce
28 prétoire. Parce que, ici, je pense qu'on parle de torchons et de
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1 serviettes. Nous ne voulons pas savoir quels étaient les motifs du témoin
2 ou de la communauté internationale, c'est qu'il y a eu une loi générale
3 d'amnistie qui avait été adoptée.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais parlons-en plus tard en l'absence
5 du témoin. Je ne pense pas vous avoir mal compris. Vous dites que c'est
6 comme si c'étaient des torchons et des serviettes, peut-être oui, mais moi,
7 je pensais que le témoin parlait, elle, des torchons, et que vous, vous
8 êtes passé aux serviettes. Enfin, c'est là mon inquiétude à moi.
9 Peut-être que nous aurons plus tard l'occasion de voir quelle est la nature
10 de mon problème, mais nous le ferons en l'absence du témoin.
11 M. MISETIC : [interprétation] Fort bien.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Kuzmanovic.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] La seule chose que j'aimerais ajouter
14 c'est que nous parlons ici de façon abstraite encore. Ces propositions
15 seront plus claires lorsque nous les déposerons. Nous allons le faire le
16 plus vite possible.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de problème. Vous aurez sans doute
18 déjà constaté que le témoin a souligné fort bien que même si elle ne
19 connaît pas le côté abstrait, elle veut voir aussi des aspects concrets.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Puis le témoin a dit qu'elle n'était pas
21 juriste. C'est la raison pour laquelle je voulais simplement vous
22 l'indiquer.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tant mieux pour elle sans doute.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je n'aurais pas le temps de tout étudier
25 maintenant pour être vraiment tout à fait au courant.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et j'espère que nous n'allons pas avoir
27 tous ces documents dans la demi-heure qui vient.
28 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, pas du tout.
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1 Prenons la pièce P39 [comme interprété].
2 Q. Ce document va bientôt s'afficher, mais c'est votre rapport du 7
3 novembre 1995, rapport que vous présentez aux Nations Unies. J'ai quelques
4 questions à vous poser à propos de ce document.
5 N'est-il pas vrai que chaque fois que vous présentiez un rapport concernant
6 la Croatie pendant la durée de mandat, la Croatie vous a envoyé une réponse
7 écrite ?
8 R. Oui, tout à fait. Je l'ai déjà dit. C'était là une des raisons pour
9 lesquelles nous faisons ces rapports, nous voulions obtenir des
10 gouvernements de l'ex-Yougoslavie une réaction positive.
11 Q. Conviendrez-vous avec moi, qu'en tout cas, en ce qui vous concerne, le
12 gouvernement croate a réagi de façon positive à vos rapports ?
13 R. Oui, tout à fait. Et je les en ai d'ailleurs grandement félicités dans
14 mes rapports, je leur savais gré de leur coopération.
15 Q. Page six du rapport. Dites-moi si vous avez cette page sous les yeux.
16 Si vous avez une copie sur support papier, Madame Rehn, c'est peut-être
17 plus facile de la consulter, puisque ça dure un certain temps si on voit
18 les pages à l'écran.
19 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est à l'intercalaire 5.
20 M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis prête.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
23 Q. Page 6, paragraphe 13. Dans votre premier rapport, vous donnez un
24 aperçu de ce qui s'est passé dans les anciens secteurs nord et sud avant
25 l'opération Tempête, n'est-ce pas, pour placer le contexte historique ?
26 R. Oui.
27 Q. Milieu de ce paragraphe 13, je lis : "Tout d'abord, presque toute la
28 population croate a été forcée de partir, de quitter les deux anciens
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1 secteurs à la suite de violations graves des droits de l'homme commises à
2 leur encontre par les autorités serbes installées de facto. Deuxièmement,
3 des réfugiés serbes et des personnes déplacées venant d'autres parties de
4 la Croatie sont venus s'installer dans ces territoires.
5 En dépit de tous les efforts faits ni la force de protection des Nations
6 Unies, la FORPRONU, en Yougoslavie, ni l'opération de restauration de la
7 confiance des Nations Unies, l'ONURC, n'a été à même de permettre le retour
8 des réfugiés et personnes déplacées croates sur ces territoires, et tout
9 comme une présence internationale n'a pas permis de fournir une protection
10 efficace à la population non-serbe qui restait dans cette zone."
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est vous qui lisez toujours tellement
12 lent, ce qui veut dire que les interprètes parviennent à vous suivre.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
14 Q. Le gouvernement croate a répondu dans le document P684. Je veux que
15 nous voyions ce document, le document P684.
16 Est-ce que Mme le Procureur pourrait me donner l'intercalaire, ce qui
17 permettrait au témoin de lire.
18 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Vous parlez de P640 ?
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui. J'avais dit 684, mais je pense que
20 c'est 640 -- ou c'est plutôt 648. Oui, je suis peu dyslexique. Excusez-moi.
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est l'intercalaire 16.
22 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
27 Q. Prenez le sixième paragraphe, page 2, me semble-t-il. Après vous avoir
28 entendue, nous comprenons mieux que vous êtes surtout intéressée à ce qui
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1 s'est passé pendant et après l'opération Tempête, mais le gouvernement
2 croate répond ceci. Il dit qu'il y avait plus de 600 civils qui avaient été
3 tués par des paramilitaires serbes pendant le mandat FORPRONU au moment où
4 il n'y avait pratiquement sur le plan technique pas de guerre.
5 R. Oui, c'est ce qui est dit ici. Et n'oubliez pas non plus que le
6 rapporteur spécialisé c'est Tadeusz Mazowiecki, et personne d'autre, pas
7 Mme Rehn.
8 Q. Oui, je l'avais compris. Revenons à votre rapport à vous. Je vais
9 essayer de ne pas trop sauter d'un document à un autre, mais nous avons ici
10 une réponse à votre rapport. Votre rapport, c'était le P639, et nous avons
11 ici le document P648, qui est une réponse du gouvernement croate.
12 Maintenant, prenons la page 8, paragraphe 22. On discute des informations
13 fournies par les autorités croates le 30 août, information indiquant que
14 durant l'opération Tempête, 526 Serbes ont été tués dont 116 étaient des
15 civils; 211 soldats et policiers croates ainsi que 42 civils croates ont
16 été tués; 907 personnes ont été placées en détention pour interrogatoire,
17 et 704 personnes sont toujours en détention sur ce nombre.
18 Nous avons une comparaison qui me pousse à vous poser cette question : est-
19 ce que vous aviez les informations qui auraient tendance à réfuter ce que
20 disent les autorités croates à propos du nombre des personnes tuées pendant
21 l'opération croate, comme on l'a au paragraphe 22 ?
22 R. Je ne peux pas vous dire du tout si c'est faux ou juste parce que ce
23 sont des informations que nous avons reçues. Je n'ai pas les chiffres au
24 bout des doigts. Ce qui était intéressant ici, c'est que nous avons soulevé
25 ces questions sans jamais recevoir de réponse définitive de la part des
26 autorités croates.
27 Q. Si je vous indique ceci c'est que pendant ce mandat de la FORPRONU de
28 l'ONURC, c'est qu'il n'y a pas eu de combat, mais il y a eu quand même
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1 beaucoup de civils tués. Et pendant les opérations militaires pendant
2 l'occupation serbe, et qu'en combat armé, comme le dit le paragraphe 22, en
3 tout cas du côté croate, moins de personnes ont été tuées pendant cette
4 période pendant la guerre.
5 Je vous demande ceci : s'agissant du nombre de personnes tuées, vous avez
6 dit, je pense, ne pas avoir d'autres informations à votre disposition pour
7 confirmer ou réfuter ce nombre.
8 R. Pendant le temps où j'étais là pour ce qui est de ce qui s'est passé
9 avant, là je n'ai pas demandé à obtenir ces chiffres.
10 Q. Merci.
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pourrions-nous revoir le document P648,
12 s'il vous plaît.
13 Q. La première page du document P648 est en fait une lettre de
14 couverture de transmission. Le premier ministre adjoint, ministre des
15 Affaires étrangères, M. Mate Granic. Est-ce que vous avez eu l'occasion de
16 rencontrer M. Granic, Madame Rehn ?
17 R. Nous avons rendu compte de plusieurs réunions avec M. Granic.
18 Q. Oui. Je voulais simplement dire -- vous saviez qui c'était, n'est-ce
19 pas ?
20 R. Oui, absolument. Je l'ai rencontré plusieurs fois.
21 Q. L'avant-dernier paragraphe de sa lettre indique : "Je me prévaux de la
22 possibilité de réaffirmer l'engagement constant de mon gouvernement à
23 l'égard du développement général du système démocratique, de la primauté du
24 droit et des droits humains en Croatie."
25 Ayant eu l'occasion de rencontrer M. Granic et de lui parler, est-ce que
26 vous pensez qu'effectivement c'était ses sentiments quand il a écrit cela ?
27 R. M. Granic avait une très bonne équipe de collaborateurs autour de lui,
28 et je me rappelle très bien que Mme Simunovic, en particulier, était très
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1 attachée aux droits humains, c'était son assistante pour la question des
2 droits humains. Je crois qu'il s'efforçait et voulait faire que les choses
3 se passent comme il fallait. Je ne suis pas sûre qu'il pouvait réaliser
4 tout ce qu'il promettait.
5 Mais comme je l'ai dit, nous nous sommes réunis plusieurs fois, il était
6 toujours disponible lorsque j'ai demandé qu'on se réunisse et c'est là une
7 situation que j'ai beaucoup appréciée. Nous avions un véritable dialogue.
8 Q. Est-ce qu'il vous a semblé, de votre point de vue en traitant avec le
9 Dr Granic, que le gouvernement croate, par son ministre des Affaires
10 étrangères, était engagé à essayer d'améliorer les choses et faire qu'elles
11 soient correctes ?
12 R. J'ai dit plus tôt et je dis à nouveau que lorsque j'ai insisté pour que
13 l'on renouvelle dans le système quelque chose comme l'ombudsman, ça a
14 immédiatement été accepté et on a fait progresser la situation. Il y a eu
15 également d'autres mesures qui ont été prises et je dois dire que la façon
16 dont ils ont réagi à mes rapports était toujours positive, apportait
17 quelque chose de nouveau par rapport à ce qui était dit dans mes rapports.
18 Vous devez vous rappeler que quelqu'un qui rend compte sur les droits
19 humains doit être totalement objectif et neutre et regarder simplement si
20 vraiment les choses se passent comme cela.
21 Q. C'est entendu. Mais avec ça, vous avez besoin de déterminer l'intention
22 de quelqu'un, ce qu'il essaie de faire aussi, n'est-ce pas ?
23 R. Excusez-moi. Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit ?
24 Q. Oui. Lorsque vous regardez et que vous évaluez ce que fait un pays,
25 vous essayez de voir quelle est l'intention des personnes qui essaient
26 d'accomplir ces objectifs, n'est-ce pas ?
27 R. Oui, bien sûr, je regarde l'intention, mais encore plus les résultats.
28 Q. Bien sûr. Mais comme nous pouvons le dire, tout au moins en ce qui
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1 concerne le retour des réfugiés dont nous en avons entendu parler, les
2 résultats ont été importants avec le temps, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. Mais pas pendant la période allant de 1995 à 1997.
4 Q. [inaudible]
5 R. Et c'est cette période-là que je couvrais.
6 Q. Compris. Le paragraphe 10 de votre -- ou plus exactement de la réponse
7 de M. Granic -- en fait, excusez-moi, pas le paragraphe 10. Le paragraphe
8 16.
9 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Là encore pour le compte rendu, il s'agit
10 du P648.
11 Q. Au paragraphe 17, M. Granic donne des renseignements statistiques
12 concernant les dommages qu'a subis la Croatie pendant le guerre et
13 l'occupation, et aussi parle dans une certaine mesure des incendies qui ont
14 eu lieu sur le territoire après l'opération Tempête.
15 Alors, à ce moment-là tout au moins, il n'y a pas de chiffre précis, vous
16 avez parlé de certains chiffres concernant le nombre de maisons qui avaient
17 été détruites dans le territoire. Mais il n'y a pas de chiffre précis que
18 vous puissiez nous donner pour savoir combien de domiciles ont été détruits
19 à la suite soit d'incendies criminels, soit de comportement des personnes
20 après la guerre ?
21 R. Oui. Nous avons toujours cette estimation de 5 000 dont nous avons déjà
22 parlé.
23 Q. Vous voyez ici que le gouvernement croate cite un chiffre différent,
24 qui, je le suppose, vous trouverez que c'est un chiffre relativement bas, à
25 savoir qu'il y avait certaines maisons qui ont pris feu comme conséquence
26 des opérations de guerre, tout au moins à cette date -- il y en a 715 qui
27 étaient en partie ou totalement détruites, mais qui auraient été incendiées
28 volontairement. A l'évidence, il y a une grande différence entre 715 et 5
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1 000, mais est-ce que vous seriez d'accord avec moi qu'un chiffre précis
2 devrait être quelque part entre les deux ?
3 R. C'est possible, c'est très possible. Mais je ne veux pas prendre de
4 point de vue bien arrêté sur ce point, car il était impossible pour moi de
5 vérifier sur place, comme c'est maintenant le cas, pour le savoir quand on
6 a traité de ces questions.
7 Q. Bien. Madame Rehn, quand vous faisiez votre tournée, est-ce que vous
8 avez pris des photographies ou quoi que ce soit de ce que vous avez vu ?
9 R. Il y a beaucoup de photographies.
10 Q. Que vous avez prises ?
11 R. Ce sont des photos prises à titre privé, oui, en particulier le
12 commandant qui s'occupait de ma sécurité a pris des photos.
13 Q. Est-ce que vous savez si oui ou non c'était une politique de votre part
14 en tant que rapporteur spécial de prendre des photographies de ces zones
15 dans lesquelles vous aviez été envoyée pour les utiliser à des fins
16 officielles ?
17 R. Ces photos sont prises à titre tout à fait privé, et elles n'ont pas
18 été utilisées pour d'autre but. C'est de la documentation concernant une
19 période de ma vie.
20 Q. Je comprends ça, Madame Rehn. Je vous demandais simplement s'il y avait
21 une politique officielle sur le point de savoir si oui ou non un rapporteur
22 spécial devrait photographier --
23 R. Non.
24 Q. Bien.
25 R. Certainement pas, tout au moins on ne m'a rien dit à ce sujet.
26 Simplement à cause de la liberté dont jouit le rapporteur spécial, il y a
27 eu vraiment des cas comme en Bosnie-Herzégovine où je suis allée contre les
28 ordres explicites de la mission des Nations Unies d'aller dans un endroit
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1 qui était dangereux et j'ai même des photos de là-bas.
2 Q. Madame Rehn, seriez-vous d'accord avec moi que tout au moins au cours
3 de la période que vous avez passée en Croatie, personne ne vous a empêchée
4 d'aller voir ce que vous vouliez vraiment voir ?
5 R. Je dois dire que c'était un vrai luxe d'être rapporteur spécial sur les
6 droits humains dans l'ensemble de ce territoire, parce que même en Serbie-
7 et-Monténégro, j'ai eu le droit d'aller où je voulais. J'ai obtenu cette
8 autorisation directement du président Milosevic, et c'est quelque chose que
9 mon prédécesseur n'avait pas.
10 Q. Bien sûr, je comprends cela. Je vous ai posé ma question plus
11 précisément concernant la Croatie.
12 R. Oui, bien sûr. Je voulais simplement dire clairement qu'il n'y avait
13 pas de limitations ou de limites pour moi dans le territoire correspondant
14 à mon mandat.
15 Q. Si vous jetez un coup d'eau, Madame Rehn, au paragraphe 18 de la pièce
16 P648, là encore, M. Granic dans sa réponse à votre rapport fournit des
17 renseignements statistiques concernant des actes criminels de vol.
18 Et il note dans la dernière phrase : "…certaines données du rapporteur
19 spécial sont impossibles à vérifier parce qu'elles sont incomplètes et
20 vagues."
21 Serait-il juste de dire que cette observation concernant votre rapport du
22 point de vue de la vérification est exacte ou non ?
23 R. Il y a eu des cas, comme le cas de Grubori, où il y a eu des
24 destructions de beaucoup de choses, parce c'était très clair du point de
25 vue de la vérification. Nous avons échangé de la correspondance, et je n'ai
26 jamais pu obtenir ni obtenir jusqu'aujourd'hui une explication quelconque
27 de qui étaient les auteurs. Donc ceci portait un petit peu atteinte à la
28 compétence ou à l'exactitude --
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1 Q. Oui, je comprends.
2 R. -- de ce qu'il dit.
3 Q. Je comprends votre réponse. Mais ma question avait trait aux actes
4 criminels, notamment de vols aggravés, qui sont notés au paragraphe 18, et
5 rien d'autre. Il est vrai, n'est-ce pas, qu'en ce qui concerne les 1 054
6 actes criminels de vol qui ont été enregistrés dans les territoires
7 libérés, il y avait certaines données du reporteur spécial qui étaient
8 impossibles à vérifier parce qu'elles étaient incomplètes et vagues; c'est
9 exact ?
10 R. C'est tout à fait possible, parce que comme je l'ai dit si souvent
11 avant, ces données ont été recueillies par mon personnel à l'occasion des
12 discussions avec d'autres organes de l'ONU et d'autres organes avec ce
13 qu'ils ont appris eux-mêmes, et il est possible que dans certains cas il
14 ait été difficile de pouvoir obtenir des confirmations de l'administration.
15 Q. Si vous allez à la page suivante, Madame Rehn -- excusez-moi.
16 R. Vous pouvez me dire ce que vous voulez.
17 Q. Bien. Paragraphe 22, il est question là du fait que M. Granic, dans sa
18 réponse, aurait dit qu'il y a quelque 3 millions de mines terrestres qui
19 sont éparpillées dans toute la Croatie.
20 Je veux dire, c'est un obstacle important dans de nombreux cas pour
21 permettre à une population de revenir, n'est-ce pas ?
22 R. Oui. C'est quelque chose que j'ai pu ressentir moi-même lorsque je me
23 déplaçais.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pourrions-nous maintenant voir la pièce
25 P650.
26 Q. Madame Rehn, voici votre rapport de décembre 1995. C'est votre deuxième
27 rapport, n'est-ce pas ?
28 R. Ça doit être ça, oui.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, pour le compte
2 rendu, bien qu'il ait été marqué en tant que P650, il s'agit d'un document
3 qui est une pièce qui a déjà été présentée pour versement au dossier sous
4 la cote P477, et ceci a été corrigé ce matin. Donc le numéro de pièce est
5 le P477.
6 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie pour cela. Je vous suis
7 reconnaissant. Comme je l'ai dit, les chiffres ne sont pas mon fort.
8 Q. Pourrions-nous maintenant aller à la page --
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Vous pouvez le retrouver, Madame Rehn,
10 à l'intercalaire 19.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Madame le Procureur.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, maintenant je l'ai.
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
15 Q. Merci. Pourriez-vous maintenant regarder la page 5, et au paragraphe
16 18, en fait vous citez la réponse de M. Granic dans le rapport proprement
17 dit, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Il y avait des renseignements complémentaires que vous notez au
20 paragraphe 19, qui indique : "Le 16 novembre," je regarde la quatrième
21 ligne et la cinquième ligne du paragraphe 19.
22 "Le 16 novembre, un fonctionnaire supérieur de la police croate a rendu
23 compte aux Nations Unies que trois soldats croates avaient été arrêtés à
24 propos de pillage, intimidation, harcèlement de civils dans le secteur. Ces
25 trois avaient été transférés au quartier général militaire de Karlovac. Les
26 observateurs des Nations Unies avaient été témoins d'incidents dans
27 lesquels des biens avaient été confisqués de personnes se livrant au
28 pillage par des membres de la police croate."
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1 Maintenant, qu'est-ce qui vous a été dit par les observateurs militaires de
2 l'ONU ? Est-ce que vous pourriez me donner un peu plus de précisions sur ce
3 que les observateurs de l'ONU ont fait et dont vous parlez ici ?
4 R. Non. Je ne peux pas vous dire parce que ça pouvait être d'un organe ou
5 d'un autre. Toutes les organisations différentes opéraient sur place, donc
6 je ne peux pas vous donner un éclaircissement précis sur qui c'était
7 exactement.
8 Q. Paragraphe 20, vous avez noté, à la troisième ligne du bas, en allant
9 vers la deuxième ligne du bas : "Les autorités croates ont fait des efforts
10 pour confisquer et rendre des propriétés, mais il semble que ceci ait été
11 insuffisant pour régler le problème compte tenu de sa magnitude."
12 Pourriez-vous nous donner une indication de ce que vous vouliez dire par le
13 fait que ça avait été insuffisant ?
14 R. Au paragraphe précédent, il est question du fait que des biens avaient
15 été confisqués des mains de personnes se livrant au pillage par des membres
16 de la police croate, mais rien de plus n'a eu lieu à ce moment-là; et si ma
17 mémoire me sert correctement, ce qui est arrivé à ces biens en fin de
18 compte était très peu clair pour nos observateurs.
19 Q. Bien. Donc vous parliez là d'un cas précis, et pas de quelque chose
20 général ?
21 R. Non, je pense que c'est tout à fait général.
22 Q. Bien. Je vous remercie.
23 Pourrions-nous aller maintenant à la page 10 de ce rapport; regardez le
24 paragraphe 41, s'il vous plaît.
25 R. Oui.
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19 [Audience à huis clos partiel]
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23 [Audience publique]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
25 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis sur
26 le point de commencer sur un autre thème, et je ne sais pas si le moment ne
27 serait pas bon pour suspendre l'audience, c'est peut-être un peu tôt.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner une
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1 indication du temps dont vous avez encore besoin de façon à ce que nous
2 puissions nous-mêmes voir si nous devrions suspendre la séance maintenant
3 ou dans dix minutes.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aurais besoin d'environ 20 minutes
5 à une demi-heure tout au plus.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, de combien de
7 temps avez-vous besoin ?
8 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai besoin de
9 15 à 20 minutes pour le moment.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous aviez donné une estimation du
13 temps nécessaire hier, Monsieur Kuzmanovic, et c'était --
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pensais que c'était entre une heure et
15 une heure et demie si je ne me trompe.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'une heure à une heure et demie.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je sais que --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi.
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je sais que vous savez combien de temps
20 j'ai déjà utilisé, donc je ne voudrais pas --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vais vérifier ce point, bien
22 entendu nous souhaiterions conclure le --
23 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Mais certainement.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- la déposition de Mme Rehn, enfin ça
25 dépend de savoir combien de questions vous auriez encore à poser.
26 Donc il n'est pas nécessaire pour le moment de poursuivre, parce que vous
27 n'auriez pas terminé avant la suspension d'audience. Toutefois, Maître
28 Misetic, je vois que vous demandez la parole. Vous avez une autre question
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1 à l'esprit.
2 M. MISETIC : [interprétation] Oui. Avant que le témoin ne parte, il y a une
3 question qui doit être posée concernant un problème.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc nous allons tout d'abord
5 demander à l'huissier d'escorter Mme Rehn hors de la salle d'audience et
6 nous allons passer deux ou trois minutes sur cette question, puis nous
7 reprendrons dans environ 20 minutes, et après cela, Maître Kuzmanovic, vous
8 serez très encouragé à voir si vous pouvez terminer en 25 minutes et pas
9 plus, s'il vous plaît.
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président, j'ai
11 compris.
12 [Le témoin quitte la barre]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, nous parlons de cette
14 question en l'absence -- en ce qui me concerne, je vois qu'il y a deux
15 questions qui se posent pour le contre-interrogatoire.
16 M. MISETIC : [interprétation] C'était pour clarifier certains points, qui,
17 pour moi, sont confus.
18 A la page 18, lignes 3 à 25 du compte rendu d'hier, Mme Mahindaratne a
19 essayé de présenter au témoin la question de savoir si l'amnistie générale
20 était censée couvrir seulement les actes de rébellion ou tous les crimes
21 commis qui avaient un rapport avec le conflit armé, et le but de mon
22 contre-interrogatoire était de démontrer, par le biais du témoin, que cet
23 acte avait pour but d'être aussi large que possible, de couvrir tous les
24 crimes, le nombre le plus large possible de crimes. Le fait qu'à la suite
25 il y a eu cette question de motif politique qui était à la base pour la
26 communauté internationale, était de voir si on pouvait avoir une couverture
27 aussi vaste que possible. C'était mon intention lors du contre-
28 interrogatoire, le point principal était que c'était l'intention d'avoir
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1 une loi qui ait une portée aussi vaste que possible.
2 Les autres questions ont maintenant été présentées lorsque nous avons
3 parlé des torchons et des serviettes, je pense que c'étaient des torchons,
4 des torchons et des serviettes, des serviettes sur la base des questions
5 que j'ai évoquées dans mon contre-interrogatoire. Les autres questions que
6 la Chambre de première instance a eues, moi, je ne suis pas tout à fait au
7 clair de savoir si la communication n'a pas donné lieu à des malentendus et
8 j'ai l'intention de montrer cela, les questions qui ont été évoquées.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il se peut qu'il y ait eu une confusion
10 lors de la séquence de l'interrogatoire. Je pensais que la loi d'amnistie
11 suivait expressément les préoccupations qu'il n'y ait pas de poursuites
12 pour les crimes de guerre, maintenant il est clair que les crimes de guerre
13 - à ce que je comprends comme étant des crimes de guerre, des crimes contre
14 l'humanité, des crimes internationaux - étaient exclus de la loi d'amnistie
15 en tout état de cause. Dans quelle mesure est-ce que les vols et autres
16 crimes ou délits de droits communs étaient exclus, ça c'est, bien entendu,
17 une autre question.
18 Mais je pense que le témoin a exprimé certaines préoccupations concernant
19 des crimes internationaux comme ne devant pas faire l'objet de poursuite,
20 et que cette question était de savoir exactement ce que couvrait
21 l'amnistie. Ça c'est un autre point. Dans toute la mesure où ceci est
22 clair, je n'ai pas d'autres problèmes.
23 M. MISETIC : [interprétation] Je suis d'accord qu'aussi longtemps que ceci
24 est clair, nous pourrons parler de cette question parce que le point
25 concernant les crimes internationaux dans ce contexte est également un
26 point qui devra être développé par la suite au cours du procès, et pour ce
27 qui est du classement de ceci, de savoir qui dans le système croate était
28 responsable de prendre la décision sur le point de savoir si quelque chose
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1 était un crime international plutôt qu'un crime de caractère national.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
3 M. MISETIC : [interprétation] Il y a toutes ces questions qu'il faudra
4 développer.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et qui doit être poursuivi pour des
6 crimes qui auraient été commis, dans quel contexte et dans quelle période.
7 M. MISETIC : [interprétation] C'est exact. C'est exact, Monsieur le
8 Président.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, si je pouvais
10 simplement expliquer les raisons pour lesquelles j'ai exploré cette
11 question avec le témoin c'était basé sur la présentation qui avait été
12 faite directement par la Défense. Nous avons été alertés sur ces arguments
13 et c'est la raison pour laquelle j'ai posé des questions au témoin sur ce
14 point.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
16 Pour le moment, je ne pense qu'il y ait beaucoup de confusion, même
17 pas une petite confusion sur ce point. Donc nous pouvons en rester là en ce
18 qui me concerne pour le moment.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne les membres de la
21 Chambre, nous allons suspendre la séance et nous reprendrons à une heure
22 moins dix.
23 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
24 --- L'audience est reprise à 12 heures 54.
25 [Le témoin vient à la barre]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, veuillez poursuivre.
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
28 J'aimerais qu'on affiche le document P600. C'est le numéro de la liste 65
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1 ter 309. Mais je suis quasiment sûr qu'il s'agit de la pièce P600. Peut-
2 être que M. le Greffier pourrait le vérifiez.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est à l'intercalaire 3.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la deuxième
5 page.
6 Q. Madame Rehn, c'est encore une réponse de la part du ministre Granic et
7 du gouvernement croate s'agissant de votre rapport au Conseil de sécurité.
8 Allons deux pages plus loin, à la page 4, nous avons la réponse à la
9 quatrième page s'agissant des mesures prises contre les personnes et
10 groupes ayant commis des crimes dans les zones libérées après l'opération
11 Tempête.
12 Et à la cinquième page dans ce même chapitre, dans le premier paragraphe.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] En bas à droite, il est indiqué que c'est
14 la page "3" mais en fait c'est la page 5 du document. C'est la cinquième
15 page du document. Merci.
16 Q. Nous avons des données statistiques fournies suite à votre rapport sur
17 des -- il est dit les procédures judiciaires sont en cours devant les
18 tribunaux militaires et civils contre 1 005 personnes qui sont accusées
19 d'avoir commis des crimes pendant ou après l'opération Tempête. Puis il est
20 fait état des phases dans lesquelles ces procédures se trouvent, où elles
21 se trouvent -- où elles ont lieu, je veux dire, et également nous avons une
22 annexe, je ne sais pas si c'est annexé à ce document de la liste 65 ter ou
23 bien du document de la liste des moyens à charge.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la dernière
25 page à savoir la page 10 de la pièce P600.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, le document que j'ai
27 sous les yeux, oui, je vois qu'il y a une erreur.
28 Veuillez poursuivre.
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1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce qu'il y a
2 encore une page après cette page que nous voyons maintenant qui est
3 annexée ? Oui. Si oui, j'aimerais que l'on l'affiche, s'il vous plaît.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que je vois c'est un document
5 qui a 31 pages.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
7 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Dans ce cas-là le document dans sa version
8 dont je dispose n'est pas intégral. J'aimerais que l'on affiche le document
9 3D00-1588. Non, excusez-moi, en fait j'aimerais que l'on reste avec le
10 document qui est déjà affiché.
11 Donc passons à la page 7.
12 Q. Il est fait état du retour des réfugiés et personnes déplacées, il est
13 dit le 10 janvier 1996, il y avait un peu moins de 3 000 demandes pour le
14 retour sur un total de 4 500 Serbes qui étaient partis, puis il est décrit
15 comment ce processus se déroule, qu'il y a tous les jours 50 dossiers qui
16 sont traités.
17 Passons maintenant à la huitième page, dans le premier paragraphe, la
18 quatrième ligne, il est dit, en fait le Dr Granic dit qu'il y a 180 000
19 personnes déplacées en Croatie même et 192 500 réfugiés qui résident à
20 l'heure actuelle sur le territoire de la République de Croatie. Donc outre
21 les dossiers des Serbes qui souhaitent rentrer, ils ont en plus plusieurs
22 centaines de milliers de personnes déplacées et réfugiés en Croatie, donc
23 c'est une situation difficile, n'est-ce pas, Madame Rehn ?
24 R. Oui. J'ai déjà dit dans mes déclarations que vous devez vous rendre
25 compte qu'il y avait un grand nombre de réfugiés et personnes déplacées en
26 Croatie.
27 Q. En dépit du fait qu'il y avait des obstacles d'ordre bureaucratique
28 pour que les réfugiés serbes rentrent, ils avaient déjà de grandes
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1 difficultés par rapport aux gens qui étaient déjà en Croatie, n'est-ce pas
2 ?
3 R. Oui, je l'ai déjà dit.
4 Q. Sur la même page, il est dit que le gouvernement croate a annulé le
5 délai que les Serbes devaient observer pour pouvoir rentrer et regagner
6 leurs biens. Donc du moins, de ce point de vue, cet obstacle d'ordre
7 bureaucratique a été supprimé, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. [aucune interprétation]
10 R. Mais il n'est pas dit combien de ces cas ont été terminés.
11 Q. Je veux dire que ce délai a été annulé, qu'il n'y en avait plus, qu'il
12 a été aboli. Donc à partir de cette date, le 17 janvier 1996, il n'y avait
13 plus de délai.
14 Et vous n'avez pas d'informations selon lesquelles ce ne serait pas le cas,
15 n'est-ce pas ?
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Me Kuzmanovic est en train de déposer
17 pour les besoins du compte rendu d'audience. Il a dit qu'il a --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas qu'il est en
19 train de déposer. Il émet son opinion personnelle au sujet de l'information
20 dont il dispose. La Chambre va, bien sûr, ignorer cela et ne va pas le
21 traiter en tant que déposition, mais même si nous n'avons pas à notre
22 disposition cette loi, dans sa version du 17 janvier 1996, cela nous aide à
23 mieux comprendre ce que Me Kuzmanovic est en train de dire, même s'il pose
24 des questions suggestives au témoin.
25 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, bien sûr, que je ne le considère pas
26 comme preuve, mais je pense que cette preuve est déjà versée au dossier. Je
27 ne pourrais pas vous donner la cote D de ce document, mais je le ferai
28 avant la fin du jour. On en a déjà parlé lors de la déposition de M.
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1 Galbraith.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Savoir s'il y avait un effet
3 rétroactif --
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Evidemment.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- s'agissant de l'abolition de ce
6 délai. Je ne m'en souviens pas précisément pour l'instant.
7 Maître Kuzmanovic, veuillez poursuivre.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
9 Q. Pour finir sur ce sujet, Madame Rehn. Vous ne saviez absolument pas
10 qu'il y avait un délai à part le nouveau délai qui a été fixé suite à cette
11 loi, n'est-ce pas ?
12 R. Dans mes rapports, à plusieurs reprises j'ai parlé de ce délai de 90
13 jours. Donc il est évident que l'une des choses que j'ai surtout critiquée
14 s'agissant des autorités croates était justement ce délai de 90 jours.
15 Q. Saviez-vous qu'à un moment donné le parlement croate a promulgué une
16 loi qui avait pour objectif d'abolir ce délai ?
17 R. Je ne le sais pas. Mais bien sûr, j'ai eu la réponse du gouvernement
18 croate et le document que nous avons sous nos yeux est un document qui en
19 traite. Donc je devais le savoir à l'époque.
20 Q. Je vous remercie.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Passons à la page 10 du même document,
22 s'il vous plaît.
23 Q. Aujourd'hui et hier, nous avons parlé de la loi d'amnistie. Et dans le
24 premier paragraphe, il est dit que : "Le président Tudjman, en éliminant
25 les accusations criminelles à l'encontre de 455 personnes d'origine serbe
26 détenues pendant et tout de suite après l'opération Tempête, le président
27 Tudjman leur a octroyé le pardon. Il y avait des personnes qui étaient
28 accusées de crimes devant les cours militaires à Zagreb, Split, Karlovac,
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1 d'avoir commis la rébellion armée."
2 Est-ce que cela vous précise la question d'amnistie promulguée par le
3 président Tudjman le 31 décembre 1995 ?
4 R. Bien sûr que j'en étais au courant, mais ce qui m'inquiétait était la
5 réaction des Serbes qui voulaient rentrer, parce que eux ne comprenaient
6 pas très bien la situation. Ils ne savaient pas ce qui allait leur arriver
7 et s'ils allaient être accusés une fois de retour ou pas.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] 3D00-1749. Je demande à ce qu'on affiche
9 ce document à l'écran, s'il vous plaît, Monsieur le Greffier.
10 Nous avons une traduction qui n'est pas dans sa phase finale de ce
11 document. Et une fois la traduction finie, nous la présenterons pour
12 pouvoir montrer sur quoi portait cette loi d'amnistie générale et quels
13 étaient les actes qui étaient amnistiés. Je demande son versement au
14 dossier.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne.
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
18 M. MISETIC : [interprétation] Excusez-moi, mais je pense que nous avons
19 versé cette loi en tant que pièce D680.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] La même loi, mon confrère ?
21 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, cela m'a échappé.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, j'imagine que vous
24 retirez votre demande.
25 Veuillez poursuivre.
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche 3D00-1588.
27 C'est encore une réponse de la part du gouvernement croate. Le document est
28 déjà versé au dossier, mais ce qui n'était pas versé au dossier sont les
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1 dernières cinq pages de ce document 3D, à savoir un aperçu des enquêtes
2 criminelles.
3 J'aimerais que l'on affiche la cinquième page avant la fin.
4 Q. C'est un document rédigé par le Dr Granic en réponse à votre rapport,
5 et cette réponse porte la date du 14 mars 1996. J'aimerais attirer votre
6 attention sur cet aperçu des enquêtes criminelles qui sont en cours. Nous
7 avons un tableau indiquant qui sont les auteurs des actes criminels et de
8 quels actes il s'agit qui ont eu lieu après l'opération Tempête. Ensuite,
9 nous avons encore sur les pages qui suivent, nous avons indiqué quelles
10 sont les actions qui ont été prises.
11 Est-ce que vous vous souvenez avoir reçu cet aperçu ?
12 R. Oui. Je pense que c'est inclus dans un des documents que nous avons
13 sous les yeux.
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Madame Mahindaratne, je ne sais pas si ce
15 tableau a été annexé à la version originale de cette pièce ?
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est le tableau
17 numéro 1.
18 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je ne demande pas son
19 versement en tant que pièce à conviction à part. Je voulais juste m'assurer
20 que c'était déjà versé au dossier.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que cet aperçu est
22 présenté plus en détail par la suite, et ce n'est pas ce que j'ai trouvé
23 dans le document.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, vous avez raison. Ce que je voulais
25 dire, c'est que cet aperçu est annexé au rapport. Je me suis mal exprimé.
26 Q. Dans cet aperçu, comme nous avons déjà pu voir, il est montré qu'il y a
27 1 005 enquêtes criminelles qui sont indiquées en bas de la première page de
28 cet aperçu.
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1 R. Oui.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le bas de la
3 page.
4 Q. Ensuite on indique quel genre d'enquêtes criminelles sont en cours.
5 Puis, entre autres, il est indiqué quelle est la situation s'agissant
6 de l'ancien secteur sud. Il est dit qu'il y a 28 personnes qui sont
7 inculpées d'avoir commis des crimes et qu'il s'agit du délit de vols
8 qualifiés.
9 Saviez-vous quel était le nombre total de personnes qui étaient soit
10 accusées soit condamnées à cette époque-là, à part de ce que nous avons pu
11 voir dans les rapports présentés ?
12 R. Je ne me souviens pas de cela, parce que cela était une manière de
13 répondre aux demandes que j'ai présentées aux autorités et, bien sûr, que
14 le bureau du rapporteur spécial souhaitait disposer de ces chiffres pour
15 connaître la situation précise, mais maintenant je ne pourrais pas vous
16 dire si j'ai appris quelque chose par la suite et ce que c'était.
17 Q. J'ai bien compris, mais s'agissant de Sibenik, Zadar, les tribunaux là-
18 bas ont également eu affaire aux affaires qui avaient trait au secteur sud,
19 n'est-ce pas. Le saviez-vous ?
20 R. Oui, j'ai ce document maintenant sous les yeux.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce P638,
22 s'il vous plaît.
23 Q. C'est votre rapport qui porte la date du 14 mars 1996, Madame Rehn.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que mon éminente consoeur pourrait
25 indiquer à quel intercalaire se trouve ce rapport.
26 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] L'intercalaire 4.
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
28 Q. Madame Rehn, j'aimerais que vous examiniez la page 19, paragraphe 73,
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1 il est fait état du nombre de réfugiés serbes pour lesquels l'approbation a
2 été faite. Il y a 2 100 sur 5 600 demandes qui ont été reçues. Il est
3 indiqué qu'il y a encore plus de Serbes de Croatie qui souhaiteraient
4 rentrer en Croatie. D'après votre expérience, même si ce processus a
5 commencé lentement au départ, au fur et à mesure il s'est accéléré, n'est-
6 ce pas, à l'époque où vous étiez le rapporteur spécial ?
7 R. Il a commencé immédiatement, mais lentement, et tout cela dépendait de
8 la résistance que présentaient les villageois s'agissant du retour des
9 Serbes.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, juste pour les
11 besoins du compte rendu d'audience, pour qu'il n'y ait pas de confusion,
12 vous avez parlé de la pièce P638, mais ce document en fait porte la cote
13 D669.
14 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
15 J'aimerais que l'on affiche la pièce P645.
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est à l'intercalaire 13, Madame Rehn.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
18 Q. Je sais que vous aviez quelques inquiétudes à propos d'expulsion
19 d'appartements appartenant au ministère de la Défense. Regardez le
20 paragraphe 25 de ce rapport, c'est la réponse du gouvernement croate que
21 nous y trouvons s'agissant de la procédure à suivre. Dites-moi quand vous
22 aurez retrouvé le texte.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, est-ce qu'il y a eu
24 des communications entre les parties quant à la pertinence de l'expulsion
25 d'appartements de l'armée ? En effet, je pensais que c'était quelque chose
26 qui n'était pas vraiment très important pour la thèse de l'Accusation ?
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas pour des appartements militaires.
28 J'essayais de démontrer un autre aspect, un autre volet de la question,
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1 mais nous n'avons pas parlé d'appartements militaires.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel que soit notre avis sur la
3 question, ça ne va pas faire de différence; c'est exact ?
4 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui.
5 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pensais que la question des
6 appartements militaires, des expulsions des personnes qui s'y trouvaient
7 n'était pas une chose contestée, si c'est le cas je ne vais pas insister.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas non plus à des fins de
9 démonstration. Vous pourriez vous en passer --
10 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Tout ce que je peux faire, Monsieur le
11 Président, c'est faire comprendre qu'on parle de violence dans le rapport.
12 Et dans le procès-verbal, M. Jarnjak parlait du fait que la police civile
13 pouvait s'occuper de la question plutôt que la police militaire, c'est ce
14 que j'essayais de démontrer, c'est tout.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est la compétence de la police
16 qui est la question posée ici, et pas ce qui s'est passé; c'est bien cela ?
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est exact.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. A vous de juger, Maître
19 Kuzmanovic, dites-nous si vous estimez qu'il est utile de sonder davantage
20 cette question de l'expulsion d'appartements militaires.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, nous allons vous faire ceci sous
22 forme de requête déposée en prétoire.
23 Je voulais vous rappeler les différentes lois et délais prévus versés
24 par le truchement du témoin Galbraith : nous avions la pièce D422 qui
25 parlait d'un délai de 90 jours; D425 c'est la cour constitutionnelle qui
26 rend cela anticonstitutionnel; puis la pièce D424 -- D425 et D422 sont les
27 deux pièces concernées.
28 Prenons maintenant la pièce P640.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Intercalaire 6.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.
3 Q. Paragraphe 50. Dites-moi quand vous êtes prête.
4 R. Oui, fidèle au poste.
5 Q. Paragraphe 50 : "D'après l'office croate des personnes déplacées et des
6 réfugiés, quelque 12 000 réfugiés serbes ont reçu l'autorisation de rentrer
7 dans le pays à la date du 12 octobre 1996, surtout dans le cadre de la
8 réunion familiale ou de la preuve de la citoyenneté."
9 Par rapport à votre rapport précédent on a augmenté de plusieurs milliers
10 là ?
11 R. Oui.
12 Q. Ce qui veut dire que les obstacles bureaucratiques même s'ils
13 existaient toujours diminuaient ?
14 R. Effectivement, ça s'améliorait sans arrêt, des pas ont été franchis
15 dans le bon sens, dans la bonne direction.
16 Q. Nous avons d'autres informations --
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vais passer à la pièce P651.
18 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Intercalaire 21 [comme interprété].
19 M. KUZMANOVIC : [interprétation]
20 Q. C'est votre dernier rapport du 14 janvier 1998, paragraphe 29, page 9,
21 merci de faire preuve d'autant de patience lorsque vous essayez de trouver
22 votre chemin dans les documents.
23 R. J'ai déjà vu ce document.
24 Q. Au paragraphe 29, vous dites ici : "Après plus deux ans d'observation
25 des tendances en Croatie en matière du droit de l'homme, le rapporteur
26 spécial estime que même s'il y a encore beaucoup de choses à faire, il y a
27 de bonnes raisons de faire preuve d'optimisme quant à l'avenir."
28 Un peu plus loin, vous parlez d'information statistique obtenue du
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1 gouvernement croate "…à compter d'octobre 1997," dites-vous, "il y a eu en
2 tout 5 580 procédures pénales qui ont été enclenchées dans le cadre des
3 opérations militaires exécutées dans les anciens secteurs sud et nord," et
4 dans les lignes suivantes vous dites quel est le stade auquel se trouvent
5 ces procédures.
6 Dans votre rapport final, celui-ci, est-ce que votre interlocuteur était
7 encore Granic des Affaires étrangères ?
8 R. Lorsque j'ai quitté ces fonctions de rapporteur spécial, il est certain
9 que je me concentrais sur la nouvelle mission qui m'avait été donnée, qui
10 était une mission donnée directement par les Nations Unies en tant que SIG
11 pour la Bosnie-Herzégovine. Mais j'étais le chef de la mission
12 internationale pour la Bosnie-Herzégovine et en tant que tel j'ai été
13 invité par le président Tudjman et était présent M. Granic, et ça c'était
14 fait en 1998/1999.
15 Q. Le président Tudjman était toujours président de Croatie, à l'époque ?
16 R. Oui. Sinon, il ne nous aurait pas invité.
17 Q. Je voulais aborder un dernier sujet avec vous.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'espère que ça ne prendra pas plus
19 d'une ou deux minutes.
20 Je vous ai dit 25 minutes, vous en avez maintenant utilisé 29 déjà.
21 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'essaie de voir quels sont les documents
22 D que j'ai. 3D00-1689.
23 Q. Je sais qu'on vous a posé une question à propos de la nature des actes
24 d'amnistie. Ici, nous avons une traduction partielle de ce document qui
25 fait 47 pages, fait par le président Tudjman.
26 On voit que quelqu'un est accusé d'insurrection armée et qu'il va être
27 dispensé de poursuites au pénal; nous avons ensuite une autre personne, un
28 certain M. Babic, qui lui aussi sera exempté et dispensé alors qu'il était
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1 accusé d'insurrection armée.
2 J'espère que ceci dissipe la confusion qui régnait peut-être chez vous
3 quant à la nature des chefs d'accusation retenus.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je demande le versement de ce document et
5 j'en ai ainsi terminé.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie. Merci de me fournir ces
7 informations.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas vérifié toute
9 la traduction, mais quand on dit que quelqu'un est dispensé de "poursuites
10 pénales," c'est un peu surprenant. Il faudrait un autre document.
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je suppose qu'il y aura un document
12 portant sur les "poursuites".
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Il faudra vérifier la
14 terminologie.
15 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je demande le versement.
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle cote ?
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] D693.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est versé au dossier.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci de m'avoir accordé ces quelques
21 minutes supplémentaires.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
23 M. MISETIC : [interprétation] Excusez-moi de poser une question d'ordre
24 administratif. Nous avons essayé de repérer ce sujet dont parlait Me
25 Kuzmanovic. Ce qui devait être 3D00-1588, je ne sais pas si cette pièce a
26 déjà été versée au dossier par l'Accusation.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Ce tableau est en annexe à la pièce
28 versée par l'Accusation. Je ne me souviens pas de la page exacte.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un document de 33 pages ?
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un tableau avec une explication. Je
4 pense que le tableau c'était le tableau numéro 1 en annexe.
5 M. MISETIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir la cote de tout le
6 numéro ?
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] P600.
8 M. MISETIC : [interprétation] Merci.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semblait que c'était le tableau
10 numéro 1 et dans la pièce même c'est la vingt-sixième page sur un total de
11 33 [comme interprété].
12 Madame Mahindaratne, vous avez des questions supplémentaires ?
13 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous essayer de terminer en 30
15 [comme interprété] minutes, de cette façon on aura peut-être l'occasion de
16 poser des question si elles n'ont pas encore été posées au témoin.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, je voudrais que soit affiché la
18 pièce D669.
19 Nouvel interrogatoire par Mme Mahindaratne :
20 Q. [interprétation] Madame Rehn, beaucoup de questions vous ont été posées
21 sur l'amnistie générale. Si vous voulez voir le document dans le classeur,
22 il se trouve à l'intercalaire 4.
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Greffier va nous montrer la
24 page 19, j'en suis sûre. Ne perdons pas de temps.
25 Q. Prenez le paragraphe 72, voici ce que vous y dites : "Le 30 décembre
26 1995, le président de la Croatie a émis un décret amnistiant 451 Serbes de
27 Krajina accusés de 'rébellion armée' pour leur soutien militaire présumé à
28 ce qu'on a appelé la 'République de la Krajina serbe.' Cette décision du
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1 gouvernement croate a été appréciée par le Conseil de sécurité dans une
2 déclaration faite par le président le 8 janvier 1996. Néanmoins, le
3 rapporteur spécial estime qu'une amnistie générale, qui n'a pas encore été
4 décrétée, c'est une condition sine qua non pour que les Serbes de Croatie
5 puissent revenir, car sinon ils vont craindre d'être poursuivis, parce
6 qu'ils auraient servi dans l'armée de la soi-disant 'République de la
7 Krajina serbe.'"
8 Veuillez également prendre la page 26, paragraphe 109. Vous y faites des
9 recommandations, notamment celle-ci : "Afin de renforcer la confiance et
10 d'assurer la sécurité, les autorités croates devraient accroître le nombre
11 de projets de suivi policiers et de projets humanitaires dans les anciens
12 secteurs. Il faudrait décréter une amnistie générale pour tous ceux qui
13 ont combattu dans ce qu'on a appelé l'armée de la 'République serbe de
14 Krajina' et assurer le retour des Serbes de Croatie que sont réfugiés
15 aujourd'hui en République fédérale de Yougoslavie."
16 Vous et la communauté internationale, qui voyez-vous comme étant
17 bénéficiaire de cette amnistie générale que vous proposiez ? Pourriez-vous
18 être brève parce que j'ai peu de temps.
19 R. Je serai très brève. C'est aussi de mon intérêt d'être concise. A mon
20 avis, il est bien clair que nous avons pensé aux Serbes qui s'étaient
21 échappés pour une raison ou pour une autre pendant l'opération Tempête, et
22 qui fallait faire en sorte qu'il n'y ait pas d'obstacle pour que ceux-ci
23 puissent bénéficier d'une amnistie générale. En fait, cela visait les
24 Serbes. Bien sûr, ce qui a été évoqué pour cette loi devait être la même
25 pour toutes les nationalités, c'est bien clair. Mais pour ma part, je
26 pensais aux Serbes.
27 Q. Quels que groupe que ce soit pour ceux qui en bénéficieraient, est-ce
28 que vous aviez l'intention que les actes que visait l'amnistie pourraient
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1 avoir trait à des crimes de droit commun tels que le vol ou le pillage ?
2 Est-ce que c'était ça l'intention, ou est-ce que vous aviez l'intention que
3 ce soit des poursuites pour participation --
4 M. MISETIC : [interprétation] C'est une question directrice, Monsieur le
5 Président, là encore.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Très bien, j'en reste là, Monsieur le
8 Président. J'ai maintenant posé ma question.
9 M. MISETIC : [interprétation] La question était déjà directrice, donc je
10 vais demander qu'elle soit biffée ou au moins reformulée.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais voir.
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Est-ce que je pourrais la reformuler,
13 Monsieur le Président ?
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, un instant, s'il vous plaît.
15 Oui, allez-y, Madame Mahindaratne.
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
17 Q. Est-ce que vous avez compris cette amnistie générale comme visant une
18 amnistie également pour les poursuites concernant des crimes et délits de
19 droit commun tel que le vol ?
20 R. C'est très difficile pour moi-même de --
21 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous objectez encore à cette question ?
23 M. MISETIC : [interprétation] De quoi veut-elle exactement parler ? Je veux
24 dire, maintenant il faut que nous sachions -- cette loi n'a pas été adoptée
25 avant le mois d'août. Donc elle l'interroge en contre-interrogatoire avec
26 un document qui est du mois de mars. Elle lui demande son avis concernant
27 une loi qui n'a pas été adoptée avant six mois plus tard.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui -- maintenant vous voulez parler de
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1 la loi elle-même.
2 Qu'est-ce que vous aviez à l'esprit en ce qui concernait l'amnistie à ce
3 moment-là, à savoir que l'objectif devait être d'empêcher qu'il y ait des
4 poursuites contre les personnes qui avaient activement participé ou qui
5 avaient été membres des forces armées, qu'on appelait souvent les forces
6 rebelles; ou est-ce que l'objectif devait être plus vaste et comprendre pas
7 seulement ces personnes ou ces forces du type rébellion, mais aller au-delà
8 pour s'appliquer également à des crimes de droit commun tel que le vol et
9 autres crimes de ce genre ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, pour
11 avoir éclairci les choses pour moi. La question est tout à fait claire
12 maintenant pour moi. Avec ma formation démocratique, il aurait été
13 impossible pour moi de demander une amnistie pour des délits de droit
14 commun. Il s'agissait d'une question concernant juste ceux qui avaient
15 participé aux combats dans la Krajina.
16 Donc mon opinion, tout au moins, c'est que je parlais, en particulier, moi,
17 d'exclure, bien sûr, des crimes du point de vue de l'amnistie. Il
18 s'agissait de la guerre -- de combats qui avaient eu lieu, et il ne fallait
19 pas parce qu'on était simple soldat être poursuivi pour cette raison.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors, bien sûr --
21 LE TÉMOIN : [interprétation] De sorte que --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc le fait d'avoir été un soldat dans
23 le --
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- dans l'armée qui n'était pas la
26 bonne, dans l'armée de la rébellion.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, dans l'armée qui n'était pas la bonne. Il
28 y avait plusieurs armées.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Monsieur le Greffier, pourrais-je rapidement vous demander la présentation
3 du document P639 ?
4 Q. Madame Rehn, ceci est à l'intercalaire 5, il s'agit de votre rapport du
5 7 novembre. Vous regardez le paragraphe 41, où on pose une question
6 concernant votre rapport dans le paragraphe 4, et il est dit : "Toutefois,
7 le rapporteur spécial a fait remarquer que quelques milliers de réfugiés
8 serbes de Croatie attendaient déjà en Hongrie de pouvoir revenir et étaient
9 empêchés de le faire à cause de différentes mesures bureaucratiques mises
10 en place par les fonctionnaires."
11 A l'époque où vous avez écrit ce rapport, est-ce que vous avez reçu ces
12 renseignements, notamment est-ce que ces personnes étaient là et
13 attendaient depuis un certain temps ? Est-ce que vous avez perçu que
14 c'était depuis un certain temps ? C'était ça les renseignements ? Est-ce
15 que c'étaient des renseignements du moment ou -- est-ce que vous pouvez
16 donner un cadre temporel ?
17 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question
18 directrice et il y a quatre possibilités pour le témoin pour choisir l'une
19 des possibilités qu'elles souhaitent prendre.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si vous mentionnez toutes les
21 possibilités, alors vous êtes encore en train de poser une question
22 directrice concernant les possibilités qui s'ouvrent, en même temps c'est
23 la raison pour laquelle vous ne devriez pas diriger le témoin.
24 Madame Mahindaratne --
25 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, c'était parce
26 que je manquais de temps, et je voulais simplement restreindre les choses -
27 -
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bon, plus vous donnez de
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1 possibilités, plus vous perdrez du temps. Essayez de reformuler la
2 question. Je veux dire, s'il y a mal, le mal est déjà fait. Nous n'allons
3 pas supprimer ça du compte rendu.
4 Dans la mesure où vous avez compris la question de Mme Mahindaratne,
5 pourriez-vous donner une réponse brève ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. J'ai reçu les renseignements de
7 diverses sources de mon personnel, ainsi que d'autres qui étaient des
8 réfugiés serbes de Croatie et qui attendaient, qui essayaient d'obtenir la
9 permission de revenir chez eux, et demander leur propriété. Je ne peux pas
10 dire s'ils étaient là tout le temps ou depuis un certain temps ou si
11 quelque chose s'était passé juste à ce moment-là où ils avaient, par
12 exemple, traversé les frontières vers la Hongrie et attendu de pouvoir
13 revenir en Croatie. Je suis désolée, je ne peux pas répondre à cela.
14 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
15 Q. Madame Rehn, vous avez pris vos fonctions de rapporteur spécial le 27
16 septembre 1995, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. On vous a posé des questions concernant le droit relatif aux biens et à
19 la propriété. Même page, si vous regardez au paragraphe 38, vous parlez du
20 droit applicable aux biens, à la propriété. Au paragraphe 39, vous dites :
21 "Il reste peu clair de savoir ce qu'est le statut de ces biens ou
22 propriétés quand les 90 jours seront échus, bien qu'il ait été stipulé que
23 la propriété de biens non revendiqués fera l'objet d'une loi spéciale."
24 Est-ce que vous avez jamais compris sur ce qui s'est passé si un
25 propriétaire n'était pas revenu dans les 90 jours qui étaient prévus et
26 qu'il réclamait un bien ou une propriété, ce qui devait arriver à ces biens
27 ou ces propriétés ?
28 R. C'est quelque chose qui me préoccupait beaucoup sur ce qui allait
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1 arriver à ces biens ou propriétés, parce que nous savions que les autorités
2 croates avaient besoin non seulement de biens, mais également de maisons
3 pour ces nombreuses centaines de milliers de personnes déplacées et
4 également de réfugiés en Croatie. Mais bien sûr, pour nous il était
5 important de savoir que les gens pouvaient se fonder sur le fait qu'ils
6 n'avaient pas perdu leur droit concernant leur propriété. Je ne peux pas
7 simplement répondre à ceci de cette manière, mais je peux dire que nous
8 étions préoccupés.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une toute
10 dernière question.
11 Q. Que se passait-il si les demandeurs ou les propriétaires revenaient
12 dans les trois mois, est-ce que comme vous ils étaient au courant de cette
13 loi, d'après vos renseignements, est-ce qu'on leur rendait leurs biens ou
14 leur propriété immédiatement, est-ce qu'il y avait d'autres conditions qui
15 étaient exigées ?
16 R. Au niveau des principes et de la théorie, ils devaient récupérer leur
17 bien ou leur propriété. Mais comme je l'ai décrit, il y avait des cas, et
18 j'ai été témoin de cela moi-même, dans lesquels des personnes étaient
19 revenues, qui avaient des droits à ces biens ou à ces propriétés, mais
20 quelqu'un d'autre habitait leur domicile, et ils ne pouvaient pas les faire
21 partir parce que ceux-là n'avaient aucun endroit où aller. Donc c'était une
22 situation compliquée dans l'ensemble.
23 Q. Et je vous lis cette dernière phrase. Vous dites : "En outre, même si
24 le propriétaire revenait dans le délai prévu, le bien ou la propriété
25 n'était pas rendu tant que le ressortissant croate auquel cette propriété
26 était prise recevait une autre maison appropriée qu'il puisse posséder et
27 utiliser."
28 R. Oui.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
2 M. MISETIC : [interprétation] Le témoin a donné sa réponse, elle n'était
3 pas satisfaite de la réponse, maintenant elle est en train de lire le
4 rapport.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas entendu la question de Mme
6 Mahindaratne. Je ne sais pas quelle question elle voulait poser. Elle a dit
7 qu'elle allait lire la dernière phrase, et c'est ça qu'elle a fait, et donc
8 j'attends que la question suive. Mais je ne sais pas ce que concerne cette
9 question, si le témoin se rappelle avoir lu ce texte avant ou si c'est elle
10 qui l'a rédigé. Je n'ai pas entendu la question encore.
11 Quelle serait votre question, Madame Mahindaratne ?
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Et ceci sera la toute dernière.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez comprendre que Me Misetic va
14 objecter très fortement à une question qui serait -- c'est la réponse que
15 vous-même vous donneriez, parce qu'à ce moment-là ce ne serait pas une
16 question directrice, ce serait un exemple classique de question directrice.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non, Monsieur le Président, j'avais une
18 question, mais Me Misetic ne m'a pas donné la possibilité.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors posez votre question et on
20 s'attend à ce que ce ne soit pas une question directrice.
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
22 Q. Madame Rehn, quelle était la base sur laquelle vous avez rendu compte
23 qu'il y avait des biens qui devaient être rendus au propriétaire si
24 l'occupant croate avait une autre propriété qui était convenable ?
25 Maintenant, quelle était la base ? Est-ce que c'était inclus dans cette loi
26 ou est-ce que c'était basé --
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant vous commencez à poser des
28 questions directrices, Madame Mahindaratne.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je pourrais --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous étiez en train de le faire et vous
3 demandez quelle est la base de cela, puis vous commencez à faire plusieurs
4 propositions au témoin, et évidemment c'est quelque chose qui ne peut pas
5 plaire à Me Misetic.
6 M. MISETIC : [interprétation] Oui, j'ai un peu l'impression de surgir comme
7 un diable qui sort de sa boîte, Monsieur le Président.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais je dois dire que moi-même je m'y
9 suis prise en ce sens que cette législation précise et ce qui allait se
10 passer ensuite n'était pas clair pour moi, et je comptais sur cela pour
11 voir le moment où un appartement aurait été rendu à son légitime
12 propriétaire. Ils devaient l'obtenir. Mais je n'étais pas sûr que ça se
13 passait dans tous les cas. C'est la réponse que je peux donner. Ce n'est
14 certainement pas une réponse satisfaisante, mais je ne veux pas faire une
15 déclaration différente.
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Ceci conclut mes questions
17 supplémentaires, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Gwaunza a une question --
21 Maître Misetic.
22 M. MISETIC : [interprétation] Deux brèves questions, et je peux le faire en
23 moins d'une minute, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je pense que nous allons maintenant
25 donner la priorité aux Juges.
26 M. MISETIC : [interprétation] Bien.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et nous verrons ensuite s'il reste du
28 temps.
Page 6699
1 Juge Gwaunza.
2 Questions de la Cour :
3 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Oui, Madame Rehn, si je pouvais vous
4 référer à votre rapport du 7 novembre 1995.
5 R. Oui.
6 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] A la page 9, paragraphe 25, plus
7 particulièrement le paragraphe 25(c), vous avez dit : "Le 12 août, il a été
8 rapporté qu'un certain nombre de personnes âgées avaient été brûlées et
9 mises à mort dans le village de Komic [phon]."
10 Je voulais simplement vous demander si vous avez davantage de détails
11 concernant cet incident.
12 R. Madame le Juge, je suis désolée, mais je ne me rappelle pas davantage à
13 ce sujet. Il y a eu plusieurs meurtres, plusieurs meurtres brutaux pendant
14 cette période en ce qui concerne des civils. Bien sûr, nous avons essayé de
15 nous renseigner plus particulièrement à ce sujet. Je l'ai mentionné mais
16 personne d'autre n'était intéressé à cela, l'affaire de Grubori plusieurs
17 fois. C'est quelque chose -- je n'ai jamais obtenu les réponses voulues.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Rehn, je peux vous dire que dans
19 cette salle d'audience l'incident de Grubori a reçu beaucoup d'attention
20 jusqu'à présent. C'est simplement que --
21 R. Ceci me réconforte beaucoup.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien.
23 Juge Gwaunza.
24 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Oui. Je vous remercie.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous n'avons pas d'autres
26 questions, puisque Me Misetic a promis qu'il aurait besoin d'une minute
27 pour deux questions.
28 Maître Misetic, c'est à vous.
Page 6700
1 M. MISETIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je
2 suis reconnaissant.
3 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Misetic :
4 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Rehn, est-ce que c'était votre
5 intention en préconisant une loi d'amnistie générale que le gouvernement de
6 la Croatie, en 1996, puisse poursuivre des Serbes, disons, pour avoir volé
7 un réfrigérateur ou brûlé une maison en 1991 et 1995 ?
8 R. Ils ne pourraient certainement pas être en mesure de poursuivre, je
9 pense que j'ai déjà répondu à cette question, que ma démocratie nordique
10 vraiment ne permettait pas qu'il y ait amnistie pour des actes criminels.
11 Q. Donc votre réponse c'est que vous croyez que oui le gouvernement croate
12 pourrait continuer à exercer des poursuites contre des Serbes pour le vol
13 d'un réfrigérateur, par exemple ?
14 R. [inaudible]
15 Q. Est-ce que c'est un oui ?
16 R. Oui. J'ai déjà répondu à cette question.
17 Q. Donc ma dernière question maintenant pour vous. Est-ce que vous pensez,
18 s'il y avait eu un cas, que les Serbes auraient ressenti une différence
19 matérielle dans leur possibilité de revenir en Croatie et de ne pas avoir à
20 faire face à des poursuites du gouvernement croate pour les mettre en
21 prison dès leur retour ?
22 R. Oui, absolument, parce que c'était une partie importante de cela. Mais
23 ce qui les préoccupait, c'était la liste qui était présentée. Parce que
24 quand on n'est pas sur une liste et qu'on a fait partie de combats en tant
25 que combattant ordinaire, on peut vraiment là être préoccupé de ce qu'il va
26 vous arriver. Je pense que nous devons oublier la question des actes
27 criminels ou délictuels civils. Nous devons nous concentrer sur ceci et sur
28 ce qui s'est passé pendant l'opération Tempête et les combats.
Page 6701
1 Q. Nous avons ici des questions plus vastes à traiter. Donc la question
2 c'est que vous venez d'évoquer les listes. Est-ce que vous vous rappelez
3 que la communauté internationale, et plus particulièrement les Nations
4 Unies, auraient dit au gouvernement croate de compiler une liste de 25
5 Serbes qui pourraient être poursuivis pour crimes de guerre et que pour le
6 reste ils devaient être considérés comme bénéficiant d'une immunité de
7 toute poursuite devant les juridictions croates; est-ce que c'est exact ?
8 R. Je parle en ce qui me concerne personnellement. Je pense que là encore
9 il faut qu'on fasse une différence entre le rapporteur spécial et ses
10 compétences, et non en tant que représentant la communauté internationale à
11 un haut niveau, les Nations Unies et ses décisions, et cetera. Je trouve
12 que c'est très important, il faut garder ceci à l'esprit, lorsque, moi, ça
13 me place en tant que témoin dans une situation délicate pour répondre à des
14 questions au nom des Nations Unies et de la communauté internationale, dans
15 le contexte de ce qu'un rapporteur spécial doit avoir pour remplir sa
16 mission.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, vous avez utilisé 300 %
18 de votre temps.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'en ai pris effectivement.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Bien sûr, Me Misetic n'a pas
21 demandé une minute pour poser des questions, mais nous allons également
22 entendre les réponses.
23 Maître Kuzmanovic.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de
25 questions en ce concerne ceci. Mais la loi elle-même, pour le D428, qui est
26 maintenant déposé au dossier, il y a une traduction en anglais, donc la
27 Chambre peut elle-même décider si --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et nous n'allons pas demander au
Page 6702
1 témoin d'interpréter des textes juridiques.
2 Madame Rehn, tout au moins, ceci conclut votre déposition devant cette
3 Chambre. Je souhaiterais vous remercier d'être venue à La Haye et d'avoir
4 répondu aux très, très nombreuses questions qui vous ont été posées par les
5 parties, et pas si nombreuses que ça par les Juges. Je vous souhaite un bon
6 voyage de retour chez vous.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Cela a
8 été un plaisir de pouvoir travailler avec le Tribunal.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, pourriez-vous, s'il
10 vous plaît, escorter Mme Rehn hors de la salle d'audience.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il reste une petite question de
13 procédure que je souhaite évoquer brièvement. Cet après-midi -- pour
14 l'après-midi du vendredi, il y a une audience qui a été prévue, et
15 apparemment pour des questions pratiques, le greffe a demandé si l'accusé
16 voulait être présent ou pas. Ceci n'est pas pris à l'initiative de la
17 Chambre parce que la Chambre considère qu'une audience au titre de
18 l'article 54 bis du Règlement pour la même audience, à moins qu'il y ait
19 des demandes précises qui soient présentées quant à l'état de -- nous avons
20 examiné la question de cette audience comme étant une audience ordinaire.
21 Dans l'intervalle, la Chambre a été informée du fait que les accusés
22 renonçaient à leur droit d'être présents, et d'après ce que j'ai compris,
23 ils préfèrent ne pas être présents, et il y a un accusé qui a choisi d'être
24 présent. Donc je dis ceci pour le compte rendu, que l'on se renseigne sur
25 cette question pour laquelle la Chambre n'a pas agi spontanément, mais je
26 comprends qu'il pourrait y avoir des raisons pratiques pour cela et que ça
27 puisse créer une situation dans laquelle l'un des accusés pourrait dire :
28 "J'étais au courant [comme interprété] du fait que l'autre viendrait,
Page 6703
1 enfin, quel que ce soit. Vous pouvez envisager ou réenvisager, je ne vous
2 encourage pas à le faire. Mais si vous voulez réexaminer votre choix d'être
3 présent ou de ne pas être présent, veuillez faire savoir cela le plus tôt
4 possible au greffe, compte tenu des incidences pratiques. Ceci, si
5 possible, pas plus tard que demain.
6 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc nous allons lever la séance jusqu'à
8 demain 17 juillet et ce sera à deux heures et quart de l'après-midi.
9 Monsieur le Greffier, ce sera dans la salle d'audience numéro II où nous
10 entendrons une déposition par vidéoconférence. Nous avons les motifs pour
11 lesquels la décision demandée quant à une déposition par vidéoconférence
12 pour le témoin 172, nos motifs sont prêts. Mais je comprends que pour
13 toutes sortes de raisons pratiques, nous n'entendrons pas cette déposition
14 quoiqu'il arrive ce vendredi, donc je ne veux pas davantage prendre de
15 temps pour les interprètes et les sténographes pour le moment, mais les
16 motifs sont prêts.
17 Je lève l'audience jusqu'à demain, deux heures et quart,
18 14 heures 15. La séance est levée.
19 --- L'audience est levée à 13 heures 53 et reprendra le jeudi 17 juillet
20 2008, à 14 heures 15.
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