Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 17 juillet 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Veuillez citer l'affaire qui est au rôle, Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.

  8   Bonjour à tous. Affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et

  9   consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 11   Une demande a été formulée aux fins d'obtenir des mesures de protection

 12   afin d'assurer la protection du témoin que nous allons entendre. Est-ce que

 13   les parties ont des questions supplémentaires ? Est-ce que c'est vous,

 14   Monsieur Hedaraly, ou Monsieur Waespi qui va intervenir ?

 15   M. HEDARALY : [interprétation] Ce sera moi.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez vu quels étaient les arguments

 17   présentés par la Défense. Si vous avez des questions supplémentaires,

 18   concentrez-les sur ces questions-là.

 19   Pour ce faire, il faut que nous passions à huis clos partiel.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes désormais à huis clos

 21   partiel, Monsieur le Président.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 28   Monsieur Hedaraly, êtes-vous prêt à commencer l'interrogatoire du témoin ?

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  1   M. HEDARALY : [interprétation] Oui.

  2   Interrogatoire principal par M. Hedaraly :

  3     M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez la parole.

  4   M. HEDARALY : [interprétation]

  5   Q.  Témoin, je vais vous demander de décliner votre identité pour qu'elle

  6   soit consignée au compte rendu au dossier.

  7   R.  Je m'appelle Marija Vecerina.

  8   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges où vous habitez aujourd'hui ?

  9   R.  J'habite à Karakaj, près de Kladovo, dans un endroit collectif.

 10   Q.  Qu'est-ce que c'est comme établissement où vous habitez ?

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly, la Chambre n'insiste

 12   pas pour obtenir des coordonnées qui ne sont pas nécessairement pertinentes

 13   pour la déposition du témoin, à moins -- à vous de voir en quoi ça

 14   risquerait d'être pertinent de savoir où elle habite.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Nous n'insistons pas non plus, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque le témoin semble avoir quelques

 18   inquiétudes, nous n'insistons pas pour savoir exactement plus de choses que

 19   ce qui nous est absolument nécessaire.

 20   Mais s'il est important de savoir où elle habite aux fins de votre

 21   interrogatoire --

 22   M. HEDARALY : [interprétation] Est-ce que je peux en discuter avec mon co-

 23   conseil ?

 24   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 25   M. HEDARALY : [interprétation]

 26   Q.  Pourriez-vous décrire à la Chambre de façon générale quel est le lieu

 27   où vous habitez, qui vit aussi dans ce lieu avec vous ?

 28   R.  Des réfugiés, des gens qui ont été chassés du Kosovo et de la Croatie.

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  1   Mais il y aussi des gens de Bosnie.

  2   Q.  Peut-on afficher la pièce 5337. Pour la Greffière d'audience, ce sera

  3   l'intercalaire 24. Ceux-ci viennent de la liste 65 ter.

  4   Vous souvenez-vous avoir fourni une déclaration préalable au bureau du

  5   Procureur le 16 octobre 2003 ?

  6   R.  Oui, je m'en souviens.

  7   Q.  Si on vous montre un document, et si vous y voyez votre signature en

  8   fin de document, est-ce bien la déclaration que vous avez faite au bureau

  9   du Procureur en 2003 ?

 10   R.  Oui.

 11   M. HEDARALY : [interprétation] Peut-on afficher la pièce 5338 à l'écran.

 12   C'est l'intercalaire 4 à Belgrade.

 13   Q.  Vous souvenez-vous avoir, le 11 juillet 2007, fourni une déclaration

 14   supplémentaire qui apportait des éclaircissements, des précisions sur votre

 15   première déclaration ?

 16   R.  Oui, je m'en souviens parfaitement.

 17   Q.  Et ce document qu'on vous montre maintenant, qui porte aussi votre

 18   signature, c'est bien la déclaration supplémentaire que vous avez faite en

 19   2007 ?

 20   R.  Oui, tout à fait.

 21   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion d'examiner ces deux déclarations au

 22   cours de la semaine qui vient de s'écouler; ce que je veux dire c'est est-

 23   ce qu'on vous les a relues dans une langue que vous comprenez ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Au paragraphe 4 de la première déclaration de 2003, on trouve une

 26   référence, il est dit ceci : lorsque la guerre en ex-Yougoslavie a

 27   commencé, mes enfants allaient toujours à l'école.

 28   Et vous avez dit que vous vouliez apporter une correction à cette partie-là

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  1   de votre déclaration; est-ce exact ?

  2   R.  Oui. Mon fils était à l'école secondaire, mais mes filles avaient déjà

  3   fini l'école secondaire quand tout a commencé.

  4   Q.  Merci. Autre correction que vous vouliez apporter c'était au paragraphe

  5   24 de cette même déclaration, vous dites que vos filles sont parties au

  6   Canada. Quand est-ce qu'elles sont parties au Canada, vos filles ?

  7   M. KEHOE : [interprétation] La déclaration dit 2003 et c'était bien, je

  8   pense, la correction que voulait apporter le témoin.

  9   M. HEDARALY : [interprétation] Excusez-moi.

 10   Q.  Témoin, je retire cette question.

 11   R.  Non, le 14 février 2001.

 12   Q.  C'est à ce moment-là qu'elles sont parties pour le Canada ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Mis à part ces deux corrections, ces deux déclarations qui vous ont été

 15   relues la semaine dernière, sont-elles le reflet fidèle de ce que vous avez

 16   dit au bureau du Procureur au moment de ces entretiens ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ces déclarations que vous avez signées contiennent-elles les meilleurs

 19   souvenirs que vous avez de ce qui s'est passé, mis à part ces deux

 20   corrections que nous venons d'évoquer ?

 21   R.  Oui. Ce que j'ai dit c'est la vérité, il n'y avait rien à ajouter.

 22   Q.  Et si les mêmes questions vous étaient posées aujourd'hui, est-ce que

 23   vous y répondriez aujourd'hui de la même façon ?

 24   R.  Oui.

 25   M. HEDARALY : [interprétation] Les pièces 5337 et 5338 de la liste 65 ter

 26   peuvent-elles être versées au dossier en application de l'article 92 ter.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris les arguments de la

 28   Défense, il n'y a pas d'objection, n'est-ce pas ?

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  1   Monsieur le Greffier, une cote.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le premier document 5337 deviendra la

  3   pièce P652, quant au document 65 ter 5338 il deviendra le document P653.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces P652 et P653 sont versées au

  5   dossier.

  6   M. HEDARALY : [interprétation] Je voudrais aussi demander le versement du

  7   document 5339 qui est une annexe à la deuxième déclaration et qui explique

  8   pourquoi il y a eu cette déclaration supplémentaire.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Ce document dont le substitut demande le

 11   versement, c'est une feuille volante. Le témoin ne l'a pas identifié comme

 12   tel, donc nous nous opposons.

 13   M. HEDARALY : [interprétation] Permettez-moi de répondre. Elle a dit qu'il

 14   y avait quelque chose qui y ressemblait. A mon avis, c'est plutôt le poids

 15   à la valeur probante à donner au document qui sera à discuter et pas sa

 16   recevabilité.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Tout d'abord, on parle du document P480 MFI.

 18   Personne n'a pu jusqu'à présent identifier ce document. Le témoin ne l'a

 19   pas non plus reconnu. Si l'Accusation trouve quelqu'un qui pourra le

 20   reconnaître, fort bien, mais pas pour le moment.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly.

 22   M. HEDARALY : [interprétation] Le fait que le témoin n'a pas pu être sûr de

 23   ce document, elle a dit cependant qu'il ressemblait beaucoup au tract

 24   qu'elle avait vu, pour nous ceci suffit pour le déclarer recevable. La

 25   valeur probante à donner au document --lorsqu'elle dira que c'était la même

 26   chose, qu'apparemment c'était un tract de l'armée de la VRS qui leur disait

 27   d'aller vers les Serbes, elle dit qu'elle avait vu ce tract et c'est bien

 28   ce que dit ce tract-ci.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que ce n'est pas vous qui

  2   avez inventé ce document. Pouvez-vous nous dire tout ce que vous voulez à

  3   propos de la raison pour laquelle vous avez présenté ce document au témoin

  4   et d'où vient ce document pour vous ?

  5   M. HEDARALY : [interprétation] Pour nous, c'est un tract envoyé par le

  6   gouvernement croate.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous l'avez obtenu où ce document ?

  8   M. HEDARALY : [interprétation] Je n'ai pas cette réponse au bout des

  9   doigts. Je ne vais pas ici m'hasarder à faire des devinettes, des

 10   supputations, je pourrais vérifier si vous le voulez.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kehoe.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Je me suis peut-être mal exprimé, c'est la

 14   pièce P480 MFI et la pièce P652 c'est la première déclaration faite par le

 15   témoin, elle a dit au paragraphe 10 qu'elle ne peut pas dire exactement ce

 16   que ce tract contient, et qu'au cours de l'entretien auquel était présent

 17   le conseil, au paragraphe 5 de la pièce 653, ce document est remontré au

 18   témoin et elle répond qu'elle n'est pas sûre si c'est une copie du tract

 19   qu'elle a vu. C'est bien possible, mais je ne suis pas sûre, dit-elle. Je

 20   pense que celui que j'ai vu avait plus de mots qui étaient écrits dessus.

 21   Mais qu'au fond ça reprend la même information.

 22   Franchement, le témoin n'est pas à même de l'identifier. Le conseil peut

 23   essayer de trouver un témoin qui lui identifiera ce document et on pourra

 24   en parler plus tard. Mais ce témoin-ci n'a pas été en mesure d'identifier

 25   le document.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Mais ce qu'elle dit ne pourra

 27   être compris que si nous examinons ce document car elle dit que c'est un

 28   document similaire même si ce n'est pas exactement le même.

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  1   Nous n'allons pas trancher la question maintenant, Monsieur Hedaraly. Ce

  2   document va recevoir une cote provisoire. La Chambre va attendre d'obtenir

  3   de vous davantage d'informations quant aux modalités d'obtention.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Il a déjà reçu une cote provisoire.

  5   C'est le document P480 MFI.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document va conserver ce statut pour

  7   le moment. Nous vous demandons de faire les recherches nécessaires,

  8   Monsieur Hedaraly.

  9   Poursuivez.

 10   M. HEDARALY : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de lire

 11   un bref résumé de ce que dit le témoin dans ses deux déclarations, il

 12   serait peut-être utile que vous disiez au témoin pourquoi nous allons faire

 13   cette lecture et de lui dire pourquoi ce qui s'y trouve dans ce résumé est

 14   déjà versé au dossier.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Vecerina, M. Hedaraly va faire

 16   lecture d'un court résumé qui synthétise ce que vous avez dit au bureau du

 17   Procureur, ce que vous dites dans ces deux déclarations.

 18   Pourquoi, c'est pour informer l'opinion publique de ce que contiennent ces

 19   deux déclarations, si ce n'était pas fait, l'opinion publique ne saurait

 20   pas du tout ce que vous avez dans le cadre de votre déposition. Attendez

 21   qu'il ait fini de présenter le résumé, il aura peut-être d'autres questions

 22   à vous poser.

 23   Vous avez la parole, Monsieur Hedaraly.

 24   M. HEDARALY : [interprétation] Merci.

 25   Marija Vecerina est une citoyenne croate d'origine serbe qui a vécu toute

 26   sa vie dans la municipalité d'Obrovac jusqu'au moment de l'opération

 27   Tempête. Le 5 août 1995, elle a quitté les montagnes où elle se trouvait

 28   avec sa famille, deux filles, un fils et deux autres parents. En route,

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  1   elles ont trouvé deux jeunes hommes qui sont partis avec elle. Ils étaient

  2   donc au nombre de huit dans la voiture. Il y avait cinq femmes et trois

  3   hommes.

  4   Au village d'Ocestovo, dans la municipalité de Knin, on a tiré sur la

  5   voiture et plusieurs passagers dont le fils du témoin ont été blessés. Les

  6   soldats de l'armée croate ont encerclé la voiture, ont forcé les passagers

  7   à en descendre et à se coucher face contre terre sur la route. Ils les ont

  8   fouillés et ont confisqué leurs effets personnels. Le groupe a été amené

  9   dans la cave d'une maison proche.

 10   Le lendemain matin, des soldats croates ont amené à la force du fusil

 11   les cinq jeunes hommes et dont les trois jeunes hommes qui s'étaient

 12   trouvés dans la voiture avec le témoin. Plusieurs minutes plus tard, elle a

 13   entendu une rafale de coups de feu. Des années plus tard, Mme Vecerina a

 14   appris que le corps de son fils avait été retrouvé dans le cimetière de

 15   Knin.

 16   Ce même jour, le 6 août, le groupe qui se trouvait encore dans la

 17   cave, dont les cinq femmes qui faisaient partie de son groupe, ont été

 18   amenées au camp des Nations Unies à Knin. Les policiers croates qui se

 19   trouvaient à l'entrée leur ont dit d'aller à l'école secondaire de Knin.

 20   Elle y a passé trois jours à cet endroit.

 21   Le 9 août 1995, elle a été transportée à Zadar dans une petite installation

 22   avant d'être transférée une fois de plus, cette fois-ci, dans une salle de

 23   sport plus grande à Zadar. Toutes ces installations étaient surveillées par

 24   des policiers.

 25   Le 16 septembre 1995, le témoin est parti en direction de la Serbie dans un

 26   convoi organisé qui est parti de Knin.

 27   Ceci termine mon résumé, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

 28   Juges.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Hedaraly.

  2   M. HEDARALY : [interprétation] J'aimerais que le micro du témoin soit un

  3   petit peu rapproché du témoin puisqu'on ne l'entend pas très bien. Merci.

  4   Q.  Madame Vecerina, je n'ai que quelques questions pour vous. Je veux tout

  5   simplement préciser quelque chose de vos déclarations. Comme je l'ai déjà

  6   lu dans le résumé, vous étiez au nombre de huit dans la voiture le 5 août;

  7   donc en tout il y avait cinq femmes et trois hommes, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Parlons d'abord des cinq femmes, c'était vous, vos deux filles et vos

 10   deux parentes.

 11   Dans votre déclaration --

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Dans votre déclaration, vous avez décrit comment vous étiez à l'école à

 14   Knin, ensuite vous avez été emmenée à Zadar, puis en Serbie.

 15   Ma question est la suivante : est-ce que vous, les cinq femmes, étiez tout

 16   le temps ensemble pendant tous ces déplacements ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Parlons maintenant de chacune de ces localités où vous vous êtes

 19   trouvée.

 20   Tout d'abord, s'agissant de l'école à Knin, vous avez dit dans votre

 21   déclaration que les policiers gardaient l'école. Ma question est la

 22   suivante : lorsque vous y étiez, pouviez-vous sortir de l'école ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Est-ce qu'on vous a expliqué pourquoi vous ne pouviez pas sortir ?

 25   R.  Ils nous gardaient. Nous n'étions pas libres, nous ne pouvions pas

 26   partir.

 27   Q.  Parlons maintenant de Zadar.

 28   Vous avez parlé de plusieurs endroits où vous étiez à Zadar, c'est au

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  1   paragraphe 12 de la deuxième déclaration. D'abord, vous avez parlé d'une

  2   petite salle de sport où vous avez passé deux jours, puis une plus grande

  3   salle de sport où vous avez passé une vingtaine de jours, puis une

  4   troisième salle de sport où vous avez passé une semaine, et vous avez dit

  5   dans votre déclaration que toutes ces salles de sport étaient gardées par

  6   la police.

  7   Ma question est la même : aviez-vous l'autorisation de sortir ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Dans quelles conditions vous aviez l'autorisation de sortir ?

 10   R.  Nous n'avions pas l'autorisation. Les policiers nous gardaient.

 11   Q.  Est-ce que quelqu'un avait l'autorisation de partir de ces

 12   installations à Zadar ?

 13   R.  Uniquement les personnes qui avaient de la famille là-bas. Donc

 14   certains sont allés rendre visite aux membres de leur famille.

 15   Q.  Est-ce qu'ils les ont ramenés chez eux en Krajina ou ils les ont

 16   emmenés quelque part ailleurs, à l'extérieur, vers une autre localité ?

 17   R.  Ils les ont emmenées chez eux, et d'autres sont rentrés juste avant

 18   qu'on ne parte.

 19   Q.  Et ceux qui sont rentrés, pourquoi sont-ils rentrés ?

 20   R.  Parce qu'ils voulaient partir, pour des raisons de sécurité.

 21   Q.  Et ma toute dernière question sur ce sujet, vous avez pris la décision

 22   de partir en Serbie avec vos filles. Pourquoi avez-vous pris la décision de

 23   partir en Serbie plutôt que de rentrer dans votre municipalité d'Obrovac,

 24   chez vous ?

 25   R.  Parce que j'avais peur pour mes filles, et nous avons pris la décision

 26   de partir.

 27   M. HEDARALY : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

 28   de trois documents directement, sans passer par le témoin. Il s'agit des

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  1   documents de la liste 65 ter 5340, il s'agit de la liste des personnes qui

  2   étaient à l'école primaire de Knin; puis 2585, il s'agit de la liste des

  3   personnes qui ont été transférées de Knin à Zadar; puis 2825, liste des

  4   personnes qui ont quitté Zadar pour aller en Serbie.

  5   S'agissant des deux premières listes, le nom des cinq personnes mentionnées

  6   dans sa déclaration y figurent. Mais s'agissant de la dernière liste, pour

  7   une raison quelconque, le nom du témoin n'y figure pas, mais le nom des

  8   quatre parentes y figurent. Et c'est pourquoi j'ai demandé au témoin si

  9   elles étaient ensemble tout le temps.

 10   Donc --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?

 12   M. KEHOE : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] 5340 deviendra la pièce P654; 2585

 14   deviendra la pièce P655, et 2825 deviendra la pièce P656.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P654, P655 et P656 sont versés au

 16   dossier.

 17   M. HEDARALY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Madame Vecerina, j'aimerais que l'on parle maintenant des trois hommes

 19   qui étaient dans votre groupe.

 20   C'était votre fils Stevo et deux jeunes hommes que vous avez trouvés sur la

 21   route, Stevo Baljak et Mile Gnjatovic. Dans votre déclaration au paragraphe

 22   14, vous mentionnez encore cinq personnes, dont trois étaient de votre

 23   groupe, donc il y en a deux que j'ai déjà mentionnées, et puis il y avait

 24   Djuro Macak et Momcilo Tisma.

 25   Est-ce exact ?

 26   R.  Oui, c'est exact. Mile Gnjatovic, nous l'avons trouvé près de Zegari,

 27   et il a emmené mon fils afin de trouver un véhicule. Ils y ont trouvé un

 28   véhicule, c'était une Lada rouge, et nous avons tous pris cette voiture.

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  1   Nous ne savions pas quel était le chemin qu'il fallait emprunter. Il

  2   faisait déjà nuit et à ce moment-là nous avons rencontré les membres de

  3   l'armée croate. Ils ont tiré sur nous et nous n'avions pas les lumières de

  4   la voiture allumées à ce moment-là.

  5   Nous nous sommes arrêtés à ce moment-là, les voitures nous ont encerclés.

  6   Ils portaient des masques. Ils nous ont injuriés, ils nous ont dit, sortez

  7   de la voiture, nous allons vous tuer tous. Ils nous ont dit, couchez vous,

  8   nous allons vous tuer tous.

  9   Ils nous ont fouillés, ils ont trouvé un peu d'argent qu'avait mon fils sur

 10   lui, et mon fils a dit, prenez tout, mais ne me tuez pas.

 11   Q.  Merci. Lorsque ce groupe de cinq jeunes hommes a été emmené de la cave,

 12   vous avez dit que quelques minutes plus tard, vous avez entendu une rafale

 13   de tirs.

 14   Avez-vous vu ce qui s'était passé ?

 15   R.  Non. Je suis partie avec eux pour voir cette voiture, et où ils

 16   allaient être emmenés. On nous a dit que les soldats allaient être emmenés

 17   en prison et les blessés à l'hôpital. Mais finalement, ils m'ont dit de

 18   rentrer parce que je risquais d'être tuée. C'est ce que j'ai fait, je suis

 19   rentrée dans la cave. Plusieurs minutes plus tard, j'ai entendu les tirs.

 20   Quelques minutes plus tard, deux femmes ont été emmenées. L'une était

 21   blessée à mon avis, et il y avait en fait un homme, aussi, et nous pensions

 22   qu'ils avaient tiré sur la voiture, et ils nous ont dit que le chauffeur a

 23   été tué dans la voiture, c'est cette femme blessée qui nous a dit que le

 24   chauffeur a été tué dans la voiture.

 25   Q.  A part ces cinq jeunes hommes qui ont été emmenés, y compris votre

 26   fils, est-ce qu'il y avait d'autres jeunes hommes dans la cave ?

 27   R.  Lorsqu'ils nous ont emmenés dans la cave, Momcilo Tisma et Djuro Macak

 28   s'y trouvaient déjà. Donc il y avait deux jeunes hommes et il y avait

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  1   plusieurs personnes âgées ainsi que d'autres femmes. Il y avait 13

  2   personnes, 13 ou 14 personnes, je ne suis pas tout à fait sûre.

  3   Q.  Juste pour préciser les choses, outre les trois hommes qui étaient avec

  4   vous et les deux que vous venez de mentionner, les cinq hommes, tous ont

  5   été emmenés dehors, est-ce qu'il y avait d'autres jeunes hommes qui étaient

  6   avec vous dans la cave mais qui n'étaient pas emmenés à l'extérieur ?

  7   R.  Non, il n'y avait pas d'autres jeunes hommes.

  8   Q.  Merci.

  9   M. HEDARALY : [interprétation] J'aimerais également demander le versement

 10   au dossier directement d'une vingtaine de documents qui sont relatifs à la

 11   mort de ces cinq personnes. Il y a quatre documents pour chacune de ces

 12   personnes, et je pourrais vous présenter toute la série. Ces corps ont été

 13   inhumés par les autorités croates le 14 août 1995, et ensuite exhumés, et

 14   l'autopsie a été menée. Il a été établi qu'on a tiré quatre personnes sur

 15   la tête, et le cinquième a été tué au cou.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à ce que ces documents

 18   soient versés au dossier directement.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit plus ou moins sur quoi ces

 20   documents portaient. En fait, je n'ai pas très bien compris de quoi il

 21   s'agit.

 22   M. HEDARALY : [interprétation] Non, le premier document est celui qui porte

 23   sur le corps qui a été inhumé, tandis que les autres sont les rapports

 24   d'autopsie qui sont liés au corps trouvés, et nous avons une liste qui

 25   identifie les victimes, et donc qui indique que l'inhumation a été faite et

 26   qui présente le rapport d'autopsie. C'est pourquoi il s'agit d'une série de

 27   quatre documents pour chacune des cinq victimes.

 28   M. KEHOE : [interprétation] J'ai examiné les documents et ce que le conseil

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  1   a dit est exact.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vous prie

  4   d'attribuer la cote à ce document.

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly, M. le Greffier

  7   va préparer une liste et il a déjà réservé 20 numéros. Il s'agit des

  8   numéros P657 jusqu'à y compris 676.

  9   M. HEDARALY : [interprétation] Il y a juste un problème dans certains cas,

 10   certains documents sont identiques, donc il faudrait qu'il y ait deux cotes

 11   de moins, parce que j'ai commis une erreur. Il devrait y avoir en fait 18

 12   pièces.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc à partir 657 jusqu'à 674. Une fois

 14   que nous aurons reçu cette liste les documents seront versés au dossier.

 15   M. HEDARALY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je n'ai plus

 16   de questions.

 17   Q.  Merci, Madame Vecerina. 

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui va d'abord interroger le témoin ?

 19   M. KEHOE : [interprétation] Ce sera moi au nom du général Gotovina.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Vecerina, Me Kehoe, qui défend

 21   les intérêts de M. Gotovina, va vous interroger tout d'abord.

 22   Maître Kehoe, vous avez la parole.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Oui, juste un instant.

 24   Contre-interrogatoire par M. Kehoe :  

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Vecerina. Je voulais vous poser

 26   plusieurs questions au sujet de votre déclaration de même qu'au sujet des

 27   informations que vous avez fournies au Procureur lors de l'interrogatoire

 28   principal. Si à un moment donné vous ne comprenez pas l'une des mes

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  1   questions, arrêtez-moi et j'essayerai de la reformuler. Vous m'avez compris

  2   ?

  3   R.  Je ne peux que vous dire ce que je sais, et puis c'est à vous de me

  4   poser des questions.

  5   Q.  Merci. 

  6   Madame Vecerina, revenons au 5 août 1995, d'après votre déclaration,

  7   ce jour-là avec votre fille vous vous occupiez du bétail lorsque votre fils

  8   Stevo est venu vous voir, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui, c'est exact.

 10   Q.  Et Stevo était membre de l'ARSK mais il était malade à ce moment-là,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui. Il était malade depuis quelques jours parce qu'il avait un mal de

 13   dents, donc il était malade.

 14   Q.  D'accord, et c'est lui qui est venu vous dire que Knin et probablement

 15   Gracac étaient tombées. Est-ce que vous vous souvenez de l'avoir dit dans

 16   la déclaration ? Au paragraphe 7, c'est P652.

 17   R.  Oui, c'est ce qui s'est produit. Oui, je m'en souviens.

 18   Q.  Oui. Est-ce que Stevo vous a dit comment il avait appris que Knin était

 19   tombée, et probablement que la même chose s'était passée avec Gracac ?

 20   R.  Dans les montagnes, nous n'avions pas de radio. Nous ne pouvions pas

 21   apprendre quoi que ce soit, et probablement que c'est en écoutant la radio

 22   Knin qu'il a appris cette nouvelle.

 23   Q.  Lorsque Stevo est venu vous voir à l'endroit où vous étiez avec votre

 24   fille, et il vous a dit à ce moment-là qu'il avait appris cette nouvelle en

 25   écoutant la radio Knin, à savoir que Knin était tombée ?

 26   R.  Oui, il me semble que c'était comme ça.

 27   Q.  Votre fils Stevo vous l'a dit, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce que Stevo vous a également dit que les habitants du village

  2   étaient déjà partis ?

  3   R.  Il a dit tout le monde est en train de fuir et il faut que nous

  4   partions nous aussi.

  5   Q.  Lorsque Stevo est venu vous voir, vous et votre fille, est-ce qu'il a

  6   apporté des vêtements pour vous et votre fille pour que vous puissiez

  7   partir tout de suite ?

  8   R.  Peut-être avait-il pris quelque chose pour lui-même, mais pour nous

  9   deux, non. Nous n'avions sur nous que qu'est-ce qui se trouvait, en fait,

 10   ce que nous avions dans les montagnes. C'est tout.

 11   Q.  Lorsque Stevo est venu vous voir, il est venu vous amener de cette

 12   région, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Je pense que vous avez également dit que lorsqu'il était venu vous

 15   chercher, il avait rencontré votre deuxième fille, Mira, et que vous êtes

 16   tous partis ensemble, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. Parce qu'elle est venue nous chercher et on a pris la route

 18   principale et nous avons rencontré notre fille sur le chemin.

 19   Q.  Vous êtes partie de la région parce que Stevo est venu vous dire qu'il

 20   fallait partir, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui. Nous avons entendu des tirs, mais cela s'était déjà produit

 22   auparavant, mais nous ne savions pas exactement de quoi il s'agissait avant

 23   qu'il ne soit venu nous voir.

 24   Q.  Est-ce que Stevo a décidé quelle était la direction qu'il fallait

 25   prendre ? Est-ce que c'est lui qui a dit où il fallait aller ?

 26   R.  Nous allions en direction de Krupa via Golubic, et c'est là que nous

 27   avons attrapé Stevan Gujko et nous allions vers Zegar. C'est là que nous

 28   avons retrouvé Mile Gnjatovic, puis nous sommes partis dans la direction de

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  1   Nadvode et Mile Gnjatovic a pris mon fils là. Il a dit : Allons voir si

  2   nous pouvons trouver un moyen de transport. Il a dit : Il reste du

  3   carburant peut-être, et ils ont trouvé une voiture abandonnée qui était là.

  4   Ils nous ont attrapés. Nous avions déjà traversé Zegar lorsqu'ils nous ont

  5   attrapés et c'est à ce moment-là que nous sommes montés, tous, dans la

  6   voiture.

  7   Q.  Excusez-moi, je vais peut-être essayer de clarifier ma question, si

  8   vous voulez me donner un instant.

  9   Si on pourrait revenir un peu en arrière. Vous avez quitté la région,

 10   le secteur parce que Stevo vous a dit de partir; c'est bien cela ?

 11   R.  Nous sommes partis parce qu'il nous a dit que Knin était tombée et

 12   qu'il était nécessaire que nous nous échappions.

 13   Q.  La direction que vous suiviez, effectivement, pour Golubic  en

 14   direction de Krupa, c'était --

 15   R.  Golubic.

 16   Q.  Excusez-moi. Excusez ma prononciation. Golubic à Krupa, vous êtes allée

 17   dans cette direction parce que -- est-ce que c'était la direction que Stevo

 18   vous avait dit de prendre ?

 19   R.  C'était parce que nous pensions que les choses seraient plus sûres pour

 20   nous là-bas, que peut-être ils n'avaient pas encore pris cet endroit. Mais

 21   malheureusement, ils ont intercepté la voiture, et --

 22   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi ce qu'a dit le témoin.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Les soldats -- il était vers 9 ou 10 heures du

 24   soir, et ils ont commencé à nous tirer dessus à ce moment-là.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas

 26   exactement comment régler cela, mais --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais voir. Un instant.

 28   Madame Vecerina, à un moment donné vous avez dit que : "Malheureusement,

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  1   ils avaient intercepté la voiture," et vous avez ajouté quelque chose que

  2   les interprètes n'ont pas entendu.

  3   Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter ce que vous avez dit après :

  4   "Malheureusement, ils ont intercepté la voiture."

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons rencontré les soldats croates.

  6   C'était une embuscade qu'ils avaient tendue à cet endroit, donc lorsque

  7   nous sommes arrivés, ils ont commencé à tirer sur notre voiture.

  8   Les soldats croates qui portaient des masques, ils nous ont demandé

  9   où on allait. On nous a dit de sortir de la voiture et ils ont blessé mon

 10   fils à la jambe, et également ma fille et une parente, Dragana. Elle a eu

 11   une légère blessure à la tête. Ils nous ont dit : Sortez de la voiture,

 12   nous allons vous tuer, tous. Nous sommes sortis de la voiture et nous

 13   sommes restés allongés sur le sol pendant environ 15 à 20 minutes. Ils ont

 14   fouillé nos poches, nos sacs, et ils les ont déchirés et ils ont trouvé un

 15   peu d'argent dans la poche de mon fils. Celui-ci a dit : Prenez tout et ne

 16   me tuez pas.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous pouviez

 18   clarifier un point, je crois que, ça je reprends de ce qui a été dit par M.

 19   Misetic, elle a utilisé un mot qui a été traduit à la ligne 14 comme étant

 20   des "masques." En fait, je crois qu'il s'agit de tenue de "camouflage."

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   Vous nous avez dit --

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ils étaient masqués. Leurs visages

 24   étaient masqués. C'est exact.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que par ailleurs ils avaient

 26   d'une quelconque autre manière une tenue de camouflage ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je pense de la peinture noire

 28   qu'ils avaient sur le visage. C'est comme ça qu'ils avaient fait ce

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  1   camouflage. Je ne sais pas exactement ce que c'était.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais en plus de la peinture, est-ce

  3   qu'ils portaient des masques en tissu ou quoi que ce soit, ou est-ce que

  4   c'était simplement que leur visage était noirci avec de la peinture ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était simplement de la peinture qu'ils

  6   avaient sur le visage, noire.

  7   M. KEHOE : [interprétation]

  8   Q.  Continuons de parler de ce qui s'est passé un petit peu. Vous avez dit,

  9   vous avez parlé du fait que Stevan Beljak et Mile avaient été ramassés avec

 10   vous, et je crois que vous avez répondu à certaines questions.

 11   R.  En fait, nous les avons rattrapés. Nous les avons rencontrés chemin

 12   faisant.

 13   Q.  Je comprends. Vous aviez huit personnes dans la voiture. Lorsque cette

 14   voiture roulait, vous avez noté au paragraphe 11 qu'on a tiré sur vos

 15   pneus; c'est bien cela ?

 16   R.  Oui. On a tiré dans les pneus et c'est comme ça que mon fils a été

 17   blessé. Ils tiraient sur les pneus pour nous arrêter.

 18   Q.  Mais juste en regardant votre déclaration, vous ne savez pas s'il

 19   s'agissait de police militaire ou de police spéciale ou de soldats croates;

 20   est-ce que vous le savez ?

 21   R.  Des soldats croates en uniforme de camouflage avec de la peinture sur

 22   le visage, du noir sur le visage. Je ne sais pas si c'était des troupes

 23   spéciales ou simplement des soldats ordinaires.

 24   Q.  Pour être un peu plus précis, et peut-être que ma dernière question

 25   n'était pas bonne, si je pourrais, est-ce que vous avez vu s'il y avait des

 26   insignes sur l'un quelconque de ces uniformes ? Est-ce qu'ils portaient des

 27   insignes ?

 28   R.  Je ne crois pas en avoir vu sur leurs uniformes, et même si j'en avais

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  1   vus, je n'aurais pas pu me rendre compte parce que j'étais en état de choc.

  2   Q.  Oui, je comprends, bien sûr.

  3   Madame, après qu'on vous ait fait sortir de la voiture avec les sept

  4   autres personnes, on vous a ensuite emmenées dans le sous-sol, dans la cave

  5   de cet immeuble, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, c'est exact, dans la cave, le sous-sol.

  7   Q.  Dans votre deuxième déclaration qui porte la cote P653, au paragraphe

  8   7, vous dites : "La maison dans laquelle nous avons été emmenés était très

  9   près de la route où on avait tiré sur notre voiture."

 10   Est-ce que c'est bien cela ?

 11   R.  Oui, c'est juste.

 12   Q.  Quelle distance y avait-il approximativement entre la voiture et cette

 13   cave; le savez-vous ?

 14   R.  Je ne sais pas exactement. Pas très loin. Peut-être, disons, 50 mètres.

 15   Je ne suis pas sûre parce qu'il faisait sombre.

 16   Q.  Je comprends, je comprends.

 17   Alors c'est le lendemain matin que les soldats sont descendus et ont

 18   fait sortir ces cinq hommes; c'est bien cela ?

 19   R.  Oui, c'est exact. Ils sont venus vers 9 heures du matin, et ils ont dit

 20   : Venez, les soldats vont aller à la prison militaire et les blessés seront

 21   amenés à l'hôpital. Ils ont pris mon fils, Stevan Baljak, et je ne sais pas

 22   si c'était Mile Gnjatovic ou Momcilo Tisma, ils l'ont emmené et je suis

 23   allée avec eux voir - j'ai vu cette voiture et - comment ils allaient

 24   placer mon fils blessé dans la voiture. Mais ils m'ont renvoyée. Ils m'ont

 25   dit : Repartez, retournez là-bas, on s'en va vous tuer. Donc je suis

 26   retournée dans le sous-sol et au bout d'un moment nous avons entendu des

 27   coups de feu.

 28   Peu de temps après, un homme et une femme sont entrés. La femme était

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  1   blessée. Je ne peux pas dire exactement. Je crois qu'il y avait peut-être

  2   deux femmes, mais dans l'état dans lequel j'étais, je ne peux pas vraiment

  3   me rappeler. Ils ont simplement dit que le chauffeur, le conducteur avait

  4   été tué.

  5   Q.  Madame Vecerina, juste pour en revenir à votre déclaration P652,

  6   paragraphe 14, la dernière ligne, il est dit : "Les soldats ont dit que la

  7   police militaire était arrivée pour régler la question."

  8   Là encore, dans votre déclaration supplémentaire --

  9   R.  Oui. Il s'agit d'un véhicule, un véhicule de la police militaire est

 10   venu, mais nous n'avons pas vu ce véhicule.

 11   Q.  Mais on vous a dit que le véhicule de la police militaire était venu

 12   pour les emmener, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui. C'est ce qu'on nous a dit, à savoir qu'un véhicule de police

 14   militaire était là, que les soldats seraient emmenés à la prison et que les

 15   blessés seraient emmenés à l'hôpital.

 16   Q.  Je voudrais vous montrer --

 17   M. KEHOE : [interprétation] Si je puis montrer au témoin la pièce 3384 de

 18   la liste 65 ter. C'est le questionnaire que vous avez rempli pour les

 19   recherches concernant les personnes portées disparues.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Mon Dieu, j'en ai rempli tellement.

 21   M. KEHOE : [interprétation]

 22   Q.  Oui, je comprends. Je vous demande de bien vouloir nous aider.

 23   Est-ce que vous pouvez lire cela, Madame, ou est-ce que vous

 24   souhaitez que je le lise pour vous ? Est-ce que ce serait plus facile ?

 25   Peut-être que je pourrais faire cela.

 26   Si nous passons au paragraphe 9. Il s'agit d'un questionnaire pour la

 27   recherche de personnes portées disparues, et cette personne qui est

 28   mentionnée, c'est votre fils, Stevo Vecerina, et au paragraphe 9, vous

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  1   écrivez qu'il se trouvait dans un groupe avec Mile Gnjatovic et une autre

  2   personne, Stevo Baljak et sa mère. Le 6 août, vers 9 heures, la police a

  3   emmené Stevo et quatre autres personnes.

  4   Vous rappelez-vous avoir donné ces renseignements, avoir rempli ceci

  5   pour le questionnaire de l'association des personnes recherchant -- pour

  6   les familles des personnes disparues de Krajina ?

  7   R.  Oui.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais maintenant

  9   demander que la pièce 3384 de la liste 65 ter soit versée au dossier.

 10   M. HEDARALY : [interprétation] Pas d'objection.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci devient la pièce D694.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D694 est admise au dossier.

 14   Veuillez poursuivre.

 15   M. KEHOE : [interprétation]

 16   Q.  Maintenant Madame, vous avez dit, dans ce document, vous parlez de la

 17   police, mais est-ce que vous vouliez dire la police militaire ?

 18   R.  Je suppose que c'est la police militaire, parce que c'est ce qu'ils ont

 19   dit. Ils ont dit : La police militaire est ici pour vous prendre, vous

 20   emmener.

 21   Q.  Incidemment, Madame, je sais que vous nous avez dit que vous

 22   connaissiez trois des personnes, mais est-ce que vous connaissiez Djuro

 23   Macak et Momcilo Tisma avant ce jour-là du 5 août ?

 24   R.  Non. Non, l'un d'entre eux était de la municipalité de Benkovac et

 25   l'autre de la municipalité de Knin. Non, je ne les connaissais pas.

 26   Q.  Quand est-ce que vous avez, pour la première fois, entendu leurs noms ?

 27   R.  Nous avons appris leurs noms pendant qu'ils se trouvaient dans la cave.

 28   Q.  Alors lorsqu'ils ont fait sortir votre fils, je crois que vous nous

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  1   avez dit que votre fils était blessé quand la voiture que vous conduisiez

  2   avait essuyée des coups de feu.

  3   Excusez-moi, vous avez dit quelque chose, Madame ? Excusez-moi.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas sûr que

  5   le témoin ait dit quelque chose --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'elle a dit quelque chose,

  7   mais ça n'a pas été interprété.

  8   Lorsque Me Kehoe a commencé à vous poser cette question, à savoir que votre

  9   fils avait été blessé, qu'avez-vous dit à ce moment-là ? Vous avez dit

 10   quelques mots.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais répondre, mais posez votre

 12   question. Allez de l'avant et je répondrai, je vous donnerai ma réponse.

 13   M. KEHOE : [interprétation]

 14   Q.  Bien.

 15   Quand on a fait sortir votre fils, est-ce qu'on l'a fait sortir parce

 16   qu'il avait été blessé, est-ce qu'on l'a mis sur une sorte de civière ?

 17   R.  Absolument pas. Pas de civière. Ils n'en avaient même pas. Ils avaient

 18   dit qu'ils allaient l'emmener à l'hôpital. Alors que nous étions dans la

 19   cave, ils ont dit que l'ambulance viendrait, mais en fait ça n'a pas eu

 20   lieu.

 21   Ils l'ont emmené entre eux, en l'encadrant, et l'ont aidé à sortir.

 22   Je les ai suivis, je voulais voir, mais ils ne m'ont pas permis de le faire

 23   et ils m'ont renvoyée.

 24   Q.  Madame Vecerina, avant qu'ils ne vous renvoient dans la cave, lorsque

 25   vous étiez en haut au moment où vous avez vu les soldats qui -- enfin, ces

 26   hommes qui emmenaient votre fils, est-ce que vous avez vu si d'autres

 27   civils se trouvaient autour de la maison avant que vous retourniez dans la

 28   cave ?

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  1   R.  Je n'en sache pas que j'ai vu quoi que ce soit.

  2   Q.  Maintenant --

  3   R.  Je n'ai rien vu.

  4   Q.  Madame, lorsque -- enfin, parlons un petit peu de cette rafale de coups

  5   de feu dont vous avez parlé lors de l'interrogatoire de tout à l'heure.

  6   Vous avez dit que vous aviez entendu des coups de feu. Est-ce que vous avez

  7   entendu d'autres coups de feu après cette série de coups de feu ?

  8   R.  Nous avons entendu -- peu de temps après que je sois retournée à la

  9   cave, nous avons entendu tirer, et peu de temps après,  un homme et une

 10   femme qui était blessée, qui avait des blessures est venue. Je ne sais pas

 11   s'il y avait une autre femme avec eux. Je crois qu'ils m'ont dit qu'ils

 12   étaient quatre dans la voiture, mais que le chauffeur avait été tué.

 13   Q.  Vous avez dit dans votre déclaration -- il s'agit de P652, paragraphe

 14   16, que : "Immédiatement après que les soldats croates" -- après les coups

 15   de feu, immédiatement après que les soldats croates aient emmené ces

 16   personnes dans la cave.

 17   Est-ce que c'est bien cela ?

 18   R.  Après cela, ils ont amené un homme et une femme. Je suis sûre que la

 19   femme était blessée, mais je ne suis pas sûre qu'il y ait eu ou non une

 20   autre femme. Tout ce que je sais c'est qu'ils ont dit que le conducteur

 21   avait été tué. Je crois qu'ils avaient dit qu'ils étaient quatre en tout.

 22   Q.  Madame, dans la conversation que vous avez pu avoir avec ces personnes

 23   qui sont venues dans la cave, vous avez compris que le coups de feu que

 24   vous avez entendu, c'était que les soldats tiraient sur leur voiture; c'est

 25   bien cela ?

 26   R.  Je ne sais pas. Nous étions dans la cave. Nous n'avons pu voir. Nous

 27   avons seulement entendu le coups de feu et nous avons supposé qu'on avait

 28   tiré sur un véhicule.

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  1   Q.  Mais est-ce qu'en fait ils vous ont dit qu'on avait tiré sur leur

  2   véhicule ?

  3   Je lis votre déclaration. Je cite : "Comme je l'ai appris de ces

  4   personnes, les soldats avaient tiré sur le véhicule dans lequel se

  5   trouvaient ces personnes en tuant un homme."

  6   Donc est-ce que ces personnes vous ont dit que les soldats avaient

  7   simplement tiré sur leur voiture ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Donc les coups de feu que vous avez entendus dans la cave, vous avez

 10   conclu que c'étaient les soldats qui tiraient sur leur voiture juste avant

 11   qu'on ne les fasse descendre dans la cave; c'est bien cela ? Est-ce que

 12   c'est bien cela, Madame ?

 13   R.  Oui, c'est ça. Il est vrai qu'on leur avait tiré dessus et que le

 14   conducteur avait été tué, que la femme avait été blessée.

 15   Q.  A partir du moment où ces personnes sont entrées jusqu'au moment où,

 16   d'après votre déclaration, je crois, on vous a dit d'aller sur la route et

 17   de vous rendre à Knin, est-ce que d'autres personnes qui étaient détenues

 18   ont quitté cette cave ?

 19   R.  De ceux qui restaient, nous sommes tous partis. Nous sommes tous

 20   sortis. Les soldats nous ont dit qu'il n'y avait pas de véhicules pour nous

 21   emmener. Ils nous ont dit : Vous devrez utiliser une charrette. Il y avait

 22   là une charrette, une carriole qu'ils avaient prise. Ils ont dit : Vous

 23   pouvez utiliser cela et vous serez emmené là-bas dans la charrette. C'est

 24   comme ça que nous avons été envoyés à Knin, sans aucune escorte.

 25   Nous avons rencontré un grand nombre de véhicules militaires et de

 26   soldats croates là-bas, et les soldats nous mettaient en joue, pointaient

 27   leurs fusils vers nous, mais nous continuions d'avancer vers Knin. Lorsque

 28   nous sommes arrivés à Knin, c'est la police croate qui nous a interceptés.

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  1   Ils nous ont interceptés là. Ils nous ont un peu provoqués

  2   verbalement. Ils nous ont dit : Restez-là, on va vous tirer dessus. On va

  3   vous tuer, tous.

  4   Q.  Madame, ce dont je parlais c'était juste le moment qui s'est écoulé

  5   entre le fait qu'on a tiré sur cette voiture et que ces gens sont revenus

  6   et le moment où vous êtes partie. Pendant ce laps de temps lorsque ce

  7   groupe est resté sans bouger dans la cave, est-ce que quelqu'un du groupe

  8   est parti ou est-ce qu'on a fait sortir quelqu'un de ce groupe ?

  9   R.  Non. Nous sommes tous partis ensemble. Les hommes -- ou les personnes

 10   qui sont arrivées et qui sont entrées dans la cave, qui sont descendues

 11   dans la cave, nous sommes tous partis ensemble vers Knin.

 12   Q.  Madame, lorsqu'on vous a fait sortie de la cave ce matin-là, combien de

 13   temps approximativement après que votre fils et les quatre autres sont

 14   sortis, qu'on a fait sortir, est-ce que vous-même et le reste du groupe

 15   êtes sortis de cette cave, combien de temps après ?

 16   R.  Dans l'ensemble, peut-être une heure s'est écoulée, puis nous sommes

 17   partis.

 18   Q.  Lorsqu'on vous a fait sortir de la cave, est-ce que vous avez vu ou

 19   est-ce que vous avez observé que les soldats croates, s'il y avait d'autres

 20   soldats de l'armée de la RSK qui étaient détenus lorsque vous êtes sortis

 21   de la cave ? Avez-vous observé quelque chose de ce genre ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Mais lorsque vous êtes sortie de la cave avec votre groupe, Madame

 24   Vecerina, vous n'avez pas vu de trace des cinq hommes qui avaient été

 25   emmenés, qu'on avait fait sortir, les cinq hommes y compris votre fils,

 26   qu'on avait fait sortir approximativement une heure plus tôt, n'est-ce pas

 27   ?

 28   R.  Non, pas de trace d'eux.

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  1   Q.  Je sais que c'est difficile, Madame. Je sais que c'est très dur. Il

  2   faut que je vous pose encore quelques questions à ce sujet.

  3   Mais lorsque vous êtes sortie de la cave, vous n'avez rien vu indiquant

  4   qu'on leur avait tiré dessus ou qu'ils avaient été tués par balle, n'est-ce

  5   pas ?

  6   R.  Non, on n'a rien vu. Nous n'avons rien vu.

  7   Q.  Madame, au paragraphe 23 de votre déclaration, vous dites que vous ne

  8   saviez pas, au paragraphe 23 de la déclaration, vous avez dit que vous ne

  9   connaissiez pas un homme nommé Zdravko Buncic, et vous avez dit cela en

 10   2003. Est-ce que vous avez rencontré M. Buncic ? Excusez-moi, Madame --

 11   R.  Rien.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux avoir

 13   un instant, s'il vous plaît.

 14   [Le conseil de la Défense se concerte]

 15   M. KEHOE : [interprétation]

 16   Q.  Madame, je vous remercie beaucoup de nous avoir donné votre temps, et

 17   je vous remercie d'avoir bien voulu déposer.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

 19   questions pour le moment.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kehoe.

 21   Les autres membres de la Défense.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie aussi.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, pourriez-vous nous

 24   dire de combien de temps vous aurez besoin, parce que nous sommes au moment

 25   où d'habitude nous suspendons l'audience.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Peut-être faudrait-il mieux suspendre la

 27   séance maintenant, et après ça j'aurais besoin, disons, d'environ 45

 28   minutes.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  2   M. KAY : [interprétation] Je n'aurai pas de questions à poser, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de questions pour la Défense de

  5   Cermak.

  6   Madame Vecerina, nous allons d'abord suspendre notre audience. Nous aurons

  7   une interruption d'environ 25 minutes, et tout à l'heure, je pense que l'on

  8   pourra conclure votre déposition lorsque nous aurons repris. Donc nous

  9   souhaiterions vous revoir dans 25 minutes.

 10   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 11   --- L'audience est reprise à 16 heures 21.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes prêt, Maître Mikulicic ?

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Vecerina, c'est maintenant Me

 15   Mikulicic qui va vous poser des questions au nom de M. Markac.

 16   Vous pouvez commencer, Maître.

 17   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci.

 18   Contre-interrogatoire par M. Mikulicic : 

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Vecerina. 

 20   Permettez-moi de saisir cette occasion pour vous exprimer mes plus

 21   vifs regrets après ce qui vous est arrivé.

 22   R.  Merci.

 23   Q.  J'aimerais vous poser quelques questions. J'essaierai d'être le plus

 24   bref possible, et essayez de vous souvenir au mieux de ce que vous avez

 25   vécu pour me répondre.

 26   R.  Oui, je vais vous dire tout ce que je sais, tout ce que j'ai vu.

 27   Q.  Madame, vous avez relaté les événements, que vous êtes allée là où se

 28   trouvait la "Serbia", vous vous étiez dit que vous vouliez aller vers

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  1   Krupa, vers Srb, et que Mile, votre fils, avait réussi à trouver une

  2   voiture. Ce véhicule, les phares avant ne marchaient pas, c'est ça ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Et il faisait nuit ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Et vous ne connaissiez pas vraiment cette route sur laquelle vous vous

  7   trouviez ?

  8   R.  Non, on ne connaissait pas cette route. Il faisait nuit, oui.

  9   Q.  Et en fait, vous avez raté la route que vous deviez prendre, c'est

 10   comme ça que vous êtes arrivé dans ce village d'Ocestovo ?

 11   R.  Ça c'est vrai, oui. Parce qu'on ne savait pas par où aller. La nuit

 12   était tombée et c'est comme ça qu'on a fini là.

 13   Q.  Madame Vecerina, savez-vous, par hasard, si les habitants de votre

 14   village ou des villages avoisinants qui sont partis plus tôt, s'ils sont

 15   partis eux aussi par la route qui passe par Ocestovo ou s'ils sont passés

 16   par une autre route ? Est-ce que vous auriez des informations à ce propos ?

 17   R.  Je ne sais pas. Les gens sont partis du mieux qu'ils ont pu. Ils ont

 18   pris tous les chemins possibles.

 19   Q.  Peu de temps avant qu'on ne commence à tirer sur la voiture dans

 20   laquelle vous vous trouviez, est-ce que votre voiture se trouvait au sein

 21   d'une colonne ou est-ce que vous étiez les seuls à vous trouver sur cette

 22   route à ce moment-là ?

 23   R.  Je ne sais pas. On n'a vu personne. Je suppose qu'on était seuls parce

 24   que c'était la nuit.

 25   Q.  Madame Vecerina, dans votre déclaration vous avez dit que votre fils et

 26   Mile avaient emporté des fusils qu'ils avaient placés dans le coffre de la

 27   voiture ?

 28   R.  Oui, c'est vrai.

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  1   Q.  Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ils avaient pris des fusils ?

  2   R.  Je ne sais pas pourquoi ni comment ils ont fait.

  3   Q.  Vous nous avez dit que vous avez passé un certain temps dans la cave de

  4   cette maison après être sortie de la voiture et qu'on vous a ensuite amenée

  5   à Knin, à cette école-là ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vais vous demander ceci, vous avez dit que vous n'avez pas du tout

  8   été escortée par les autorités croates pour aller à l'école; c'est ça ?

  9   R.  Non, pas jusqu'à l'école, mais jusqu'à Knin. Parce que l'école est un

 10   peu plus éloignée. Il y avait des policiers qui nous attendaient là et ils

 11   étaient nombreux, ils nous ont demandé où on allait et nous avons dit qu'on

 12   allait à ce camp international à cette base. Ils nous ont dit, il n'y a pas

 13   de camp, arrêtez-vous sinon on va tous vous tuer. Ils nous ont provoqué

 14   puis ils nous ont dit d'aller à l'école secondaire de Knin.

 15   Q.  Lorsque vous êtes allée à Knin, vous n'étiez pas du tout escortée, vous

 16   étiez seule. Je pense à la police ou aux soldats qui vous auraient

 17   escortée, il n'y en avait pas ?

 18   R.  C'est vrai. On n'était escorté par personne.

 19   Q.  Vous avez dit que les policiers qui surveillaient le bâtiment dans

 20   lequel vous étiez d'abord à Knin, puis à Zadar, qu'en fait, ils ont offert

 21   l'occasion à ceux qui voulaient rester en Croatie de le faire, et les ont

 22   laissés quitter l'endroit où vous étiez. Est-ce que vous, vous aviez la

 23   possibilité d'aller quelque part ?

 24   R.  Non, non. Je n'avais pas de parents proches du tout.

 25   Q.  Madame Vecerina, pourriez-vous nous parler des biens que vous aviez à

 26   Muskovci où vous habitiez avec vos deux filles et votre fils ? Est-ce que

 27   vous aviez une maison ?

 28   R.  Oui, j'avais une maison, j'avais un terrain, du bétail, et l'été, de

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  1   mai jusqu'en septembre ou octobre voire novembre, on habitait dans les

  2   montagnes avec le bétail.

  3   Q.  Après que vous ayez quitté la Croatie pour aller dans un endroit qui

  4   était encore la Yougoslavie, avez-vous demandé l'autorisation de rentrer en

  5   Croatie et de vous voir restituer vos biens ?

  6   R.  Oui, on l'a demandé, mais ça n'a rien donné.

  7   Q.  Madame Vecerina, est-il exact de dire que les autorités croates vous

  8   ont autorisé à rentrer en Croatie, que vous vous êtes même présentée en

  9   Croatie en 1998 à la maison de Modric Lilja [phon] ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Est-il exact de dire que vous avez également reçu une certaine

 12   assistance de la part des autorités croates, je parle d'une assistance

 13   financière ?

 14   R.  Oui, j'ai bien reçu quelque chose.

 15   Q.  Pourtant, vous avez décidé de rester en Serbie et de ne pas rentrer

 16   dans votre village d'origine ?

 17   R.  Bien, après un certain temps quand ça n'a donné aucun résultat, je

 18   n'étais pas sûre de vouloir rentrer.

 19   Q.  Merci des réponses que vous m'avez données, Madame. Je n'ai pas

 20   d'autres questions à vous poser.

 21   R.  Je vous remercie, Monsieur.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay. Même situation qu'avant ?

 23   M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly.

 25   M. HEDARALY : [interprétation] Je n'ai pas de questions, mais peut-être que

 26   j'aurais des informations à propos du document P480.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. Mais j'aimerais d'abord

 28   savoir s'il y a d'autres questions que les Juges veulent poser au témoin.

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  1   [La Chambre de première instance se concerte]

  2   Questions de la Cour : 

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Vecerina, j'aimerais vous poser

  4   une question. 

  5   Vous avez dit que vous aviez quitté votre maison, qu'on vous avait

  6   interpellé, que vous avez dormi dans une cave, puis qu'on vous a fait

  7   sortir, qu'on vous a dit d'aller à Knin, puis vous nous avez relaté ce qui

  8   s'est ensuite passé.

  9   Est-ce qu'à un moment donné quand tout ceci s'est passé, vous vous

 10   êtes demandé s'il était peut-être préférable de rentrer chez vous, que ce

 11   soit au moment où vous étiez dans la cave ou plus tard à Knin ?

 12   R.  Je pense que je l'aurais fait, mais à cause de mes filles, pour

 13   qu'elles soient en sécurité, elles n'étaient pas favorables à cette idée.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous me dire ceci : à quel

 15   moment avez-vous envisagé de rentrer chez vous ?

 16   R.  En 1998, c'est la première fois que je suis rentrée, c'était au début

 17   du mois de novembre, la première fois que je rentrais en Croatie. 

 18   Dans l'intervalle, j'avais tout essayé à Belgrade, j'avais été voir

 19   toutes les organisations internationales, à la recherche.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là vous parlez d'une période ultérieure.

 21   Moi, j'aimerais que nous revenions au moment où on vous a donné

 22   l'ordre de sortir de cette cave et d'aller à Knin. A ce moment-là, est-ce

 23   que vous vous êtes dit que vous aviez le choix, le choix d'aller ailleurs

 24   qu'à Knin ?

 25   R.  Non, on n'avait pas le choix. Les soldats étaient là. Ce qui veut dire

 26   qu'on n'avait pas le choix, on devait faire ce qu'ils nous avaient donné

 27   l'ordre de faire.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si à ce moment-là vous aviez eu la

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  1   possibilité de rentrer chez vous, de regagner votre maison, est-ce que vous

  2   l'auriez éventuellement fait ?

  3   R.  Mais on n'a pas eu cette possibilité.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends bien, Madame. Si on vous

  5   avait laissé ce choix, est-ce que vous seriez quand même allée à Knin ou

  6   est-ce que vous auriez pris une autre direction ?

  7   R.  On n'avait pas le choix, il nous fallait faire ce qu'on nous avait

  8   donné l'ordre de faire.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ça veut dire si on ne vous

 10   avait pas donné l'ordre d'aller à Knin vous auriez peut-être pris une autre

 11   direction ?

 12   R.  Mais aller où ? Ils nous ont donné l'ordre d'aller à Knin. Les soldats

 13   nous ont donné l'ordre d'aller à Knin.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Disons qu'on vous avait donné le choix

 15   de rentrer chez vous, est-ce que vous l'auriez fait ou est-ce que vous

 16   seriez allée à Knin ?

 17   R.  Si on avait eu la possibilité de rentrer, c'est ce qu'on aurait fait.

 18   On serait rentré, mais on n'a pas eu une telle possibilité.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Plus tard vous avez quitté Knin pour

 20   aller à Zadar, est-ce que vous aviez à ce moment-là aussi le sentiment de

 21   ne pas avoir eu le choix, qu'il vous fallait faire ce qu'on vous disait de

 22   faire, ou est-ce que vous vous êtes dite à ce moment-là que vous aviez

 23   peut-être la possibilité d'opérer un choix ?

 24   R.  On n'a pas pensé à quoi que ce soit. Je pense que c'était un matin, le

 25   8 ou le 9, ils sont venus et ils ont dit que les municipalités de Benkovac

 26   et d'Obrovac devaient aller à Zadar. Un bus est venu, il nous a emmenés et

 27   on est parti.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez quitté la Croatie. Est-ce

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  1   qu'à ce moment-là vous vous êtes dit que vous aviez le choix, le choix de

  2   rester en Croatie ou d'en partir ?

  3   R.  Ils nous ont posé la question. Ils nous ont vraiment demandé s'il y en

  4   avait parmi nous qui voulaient rester, mais il n'y a que très peu de

  5   personnes qui sont restées, certains l'ont fait mais ils n'étaient pas

  6   nombreux.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien comprise,

  8   Madame, est-ce que vous aviez le sentiment de ne pas avoir le choix

  9   jusqu'au moment où vous étiez à Zadar, et qu'à Zadar vous avez eu la

 10   possibilité de rentrer chez vous ou de quitter le pays ?

 11   R.  Oui. Dans le troisième endroit, lorsqu'on était tous rassemblés, on

 12   était venus des endroits où on avait été placés et ils ont demandé s'il y

 13   en avait parmi nous qui voulaient rester. Et il y en a quelques-uns, très

 14   peu, qui ont décidé de rester.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez discuté avec les

 16   personnes qui se trouvaient là à ce moment-là de la question de savoir

 17   pourquoi vous avez, ou eux d'ailleurs auraient décidé de partir ou de

 18   rester ?

 19   R.  Non, je ne sais pas, je ne leur ai pas parlé. C'est ce qu'ils ont dit,

 20   ils ont dit qu'ils voulaient rester.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ai-je bien compris une de vos réponses

 22   précédentes. Est-ce que vous avez discuté de cette question avec vos filles

 23   ?

 24   R.  Non, elles n'étaient pas d'accord avec cette idée, alors que pouvais-je

 25   faire ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vos filles n'avaient pas été avec

 27   vous, s'il n'y avait eu que vous, est-ce que vous --

 28   R.  Non, elles n'étaient pas en faveur de cette idée.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai bien compris, mais si vos

  2   filles n'avaient pas été avec vous, vous personnellement, comme ça

  3   spontanément, sans penser à ce que vos filles préféraient, vous, que

  4   préfériez-vous faire ? Vouliez-vous rester ou partir, si vous aviez été

  5   seule, disons ?

  6   R.  Je serais peut-être restée, mais je ne l'ai pas fait à cause de mes

  7   filles. Je suis partie avec elles.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire pourquoi vos

  9   filles préféraient partir ?

 10   R.  C'est ce qu'elles voulaient faire, parce qu'elles avaient vécu tout ce

 11   qu'elles avaient vécu.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire ? "Elles

 13   ont vécu toutes ces choses" ? Vous parlez de la situation de guerre ou de

 14   quelque chose de plus précis, par exemple, le fait que votre fils n'était

 15   plus parmi vous ou est-ce qu'il y avait autre chose ? 

 16   R.  Oui, c'est à ça que je pense exactement.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez dire la guerre, la

 18   disparition de votre fils ?

 19   R.  Oui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 21   R.  Mon fils a disparu, et puis mes filles s'étaient vues privées de leur

 22   avenir.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une question vous avait été posée,

 24   Madame, par Me Mikulicic, et vous lui avez répondu que vous aviez reçu

 25   quelque chose de la part du gouvernement croate. Pourriez-vous nous dire

 26   exactement ce que vous avez reçu, à quel moment vous avez reçu cette aide,

 27   et pourquoi vous l'avez reçue ? 

 28   Qu'est-ce que vous avez reçu tout d'abord ?

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  1   R.  Voici comment ça s'est passé. En 1999 et en 2000, j'étais à la

  2   recherche de mon fils. J'ai envoyé des messages au gouvernement, au

  3   président à Knin. Je suis allée partout pendant cette période, et je

  4   pensais que j'allais rentrer. Il y avait toujours un petit espoir qu'il

  5   soit encore en vie et ceci jusqu'en 2003. Je voulais rentrer.

  6   [La Chambre de première instance se concerte] 

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Vecerina, je n'ai pas

  8   d'autres questions à vous poser.

  9   Est-ce que les questions posées par les Juges entraînent des

 10   questions supplémentaires de la part des parties ?

 11   M. KEHOE : [interprétation] Oui, quelques-unes.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Vecerina, Me Kehoe va vous poser

 13   quelques questions supplémentaires.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Ce sera très peu.

 15   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Kehoe : 

 16   Q.  [interprétation] Vous dites que lorsque vous étiez à Zadar, il y avait

 17   des parents qui étaient venus chercher des gens, et que ces personnes

 18   avaient été autorisées à partir. Pourquoi est-ce qu'elles avaient pu partir

 19   ? Est-ce que ces parents s'étaient portés garants pour eux, en tant que

 20   citoyens croates ?

 21   R.  C'est ça.

 22   Q.  Vous-même --

 23   R.  Tout à fait.

 24   Q.  Vous, Madame, est-ce que vous aviez des documents attestant de votre

 25   citoyenneté croate à l'époque ?

 26   R.  Non, je n'avais pas de papiers, pas quand nous étions là.

 27   Q.  Est-ce que plus tard vous avez essayé d'obtenir des documents vous

 28   donnant la citoyenneté croate ?

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  1   R.  J'ai essayé en 1989 -- non, non, en 1998. La première fois, je suis

  2   allée au mois de novembre. Je ne sais plus quand exactement. Vers cette

  3   époque.

  4   Q.  Où êtes-vous allée pour obtenir ces papiers ?

  5   R.  Je suis allée à Belgrade.

  6   Q.  Lorsque vous vous êtes trouvée à Knin ou à Zadar, est-ce que vous avez

  7   essayé d'obtenir ces documents concernant la nationalité ?

  8   R.  Non. Personne ne nous en a parlé.

  9   Q.  Vous avez quitté votre village le 5, et vous vous dirigiez vers la

 10   Bosnie pour aller ensuite en Serbie, n'est-ce pas ?

 11   R.  On allait vers Srb. En tout cas, c'est ce qu'on nous a dit de faire.

 12   Mais on n'avait aucun moyen de transport. En route, on a réussi à trouver

 13   un moyen de transport, malheureusement.

 14   Q.  Qui vous a dit d'aller à Srb ?

 15   M. HEDARALY : [interprétation] Il se peut que j'aie omis quelque chose,

 16   mais est-ce que c'est encore en rapport avec les questions posées par les

 17   Juges ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe ?

 19   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, je l'avoue, je faisais un suivi

 20   sur vos questions de choix.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ça ne vous donne pas le droit

 22   d'envisager tous les choix qu'elle avait.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Oui, je comprends parfaitement.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous d'autres questions ?

 25   M. KEHOE : [interprétation] Non.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Vecerina, ainsi se termine votre

 27   déposition dans ce prétoire. La Chambre de première instance est tout à

 28   fait consciente du fait que pour vous il n'était pas difficile de vous

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  1   rappeler ces événements et nous vous remercions d'être venue et d'avoir

  2   répondu aux questions posées par l'Accusation, la Défense et la Chambre de

  3   première instance.

  4   Merci beaucoup et j'espère que vous rentrerez bientôt chez vous.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, nous pouvons arrêter la

  7   visioconférence avec Belgrade.

  8   L'INTERPRÈTE : Correction : La Chambre comprend qu'il fut pénible au témoin

  9   de se rappeler ces événements.

 10   [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, nous

 12   n'avons pas de témoins pour aujourd'hui ni pour demain.

 13   M. HEDARALY : [interprétation] Oui. Si vous voulez, je pourrais vous dire

 14   quelque chose davantage au sujet de la pièce P480.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 16   M. HEDARALY : [interprétation] C'est un document que le bureau du Procureur

 17   a reçu suite à la demande d'assistance adressée au gouvernement croate.

 18   C'est un document qui est annexé au rapport qui porte déjà la cote P484,

 19   enregistré aux fins d'identification. Egalement, P480 et P484 ont été

 20   présentés lors de la déposition de l'ambassadeur Galbraith, donc ce sont

 21   les informations que nous avons reçues. Nous demandons son versement au

 22   dossier sur la base de la déclaration du témoin. Même si elle ne l'a pas

 23   identifié, cela fait partie -- cela se réfère à sa déposition.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Le fait est qu'elle n'arrive toujours pas à le

 26   reconnaître. Si cela était enregistré aux fins d'identification lorsque

 27   l'ambassadeur Galbraith en a parlé, je ne me souviens pas de quoi il était

 28   question, et si à cette époque-là vous ne l'avez pas versé au dossier mais

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  1   simplement enregistré aux fins d'identification, j'aimerais qu'on revienne

  2   à cette question.

  3   Mais s'agissant de ce témoin d'aujourd'hui, je dois dire que nous

  4   n'avons pas suffisamment de fondement pour le verser au dossier.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez vous mettre

  6   ensemble pour voir dans quelle mesure vous accepteriez ce que nous venons

  7   d'entendre au sujet de l'origine de ce document et voir si cela va

  8   influencer votre position ?

  9   M. KEHOE : [interprétation] Oui, bien sûr. C'est tout ce que je demande. Je

 10   veux qu'on revienne, qu'on rediscute de cette question et peut-être que

 11   nous pourrions ensemble trouver une solution.

 12   Mais je ne veux pas tout simplement qu'on verse ce document au

 13   dossier sur la base de ce que ce témoin vient de dire.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document lui a été montré et elle en

 15   a parlé, mais n'en parlons pas davantage. Vous aurez l'occasion d'en parler

 16   avec le Procureur, s'agissant de la pièce P484 et P480. Nous avons

 17   également l'occasion d'entendre davantage au sujet de ces deux pièces.

 18   Est-ce que vous pourriez peut-être vous mettre d'accord avant les

 19   congés judiciaires ?

 20   M. KEHOE : [interprétation] Je pense que lundi serait la date à fixer.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. S'agissant des documents

 22   enregistrés aux fins d'identification, j'aimerais que les  parties se

 23   préparent pour une longue liste de ce genre de documents que nous rend la

 24   semaine prochaine. Parce qu'il se peut que nous ayons à parler des

 25   documents qui seront versés directement, suite à des discussions que nous

 26   avons lors de cette réunion consacrée à la présentation de documents

 27   directement.

 28   Mais avant de ce faire, j'aimerais présenter les motifs de la

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  1   décision de la Chambre portant sur la requête de l'Accusation pour entendre

  2   la déposition du témoin par visioconférence et portant sur la requête aux

  3   fins d'admettre la déclaration en application de l'article 92 ter en faveur

  4   du Témoin 172, déposée le 8 juillet 2008.

  5   La décision faisant droit à une partie de la requête portant sur la

  6   déposition du Témoin 172 via visioconférence a été rendue le 10 juillet

  7   2008. Je vous renvoie à la page du compte rendu d'audience 6 288. La

  8   Chambre reporte une partie de sa décision portant sur la requête portant

  9   sur la présentation de la déclaration du témoin en application de l'article

 10   92 ter à un moment où le témoin fera sa déposition. Au départ, il était

 11   prévu que le Témoin 172 dépose le 18 juillet 2008. Cependant, à la lumière

 12   des événements récents, il est fort peu probable que le témoin dépose ce

 13   jour, à savoir demain.

 14   La Défense de Cermak et la Défense de Markac, dans leurs réponses du

 15   9 et 10 juillet 2008 respectivement, ne se sont pas opposés à la requête.

 16   Dans sa réponse du 10 juillet, la Défense de Gotovina ne s'est pas opposée

 17   à la présentation de la déclaration en application de l'article 92 ter,

 18   mais elle s'est opposée à ce que la déposition se fasse par

 19   visioconférence.

 20   Conformément à l'article 81 bis du Règlement de procédure et de

 21   preuve du Tribunal, la Chambre peut, dans l'intérêt de la justice, ordonner

 22   que les débats se tiennent par vidéoconférence. Comme il a été décidé par

 23   cette Chambre, les conditions énoncées à l'article 81 bis sont réunies si

 24   le témoin ne peut pas venir au Tribunal, si la déposition est d'une

 25   importance telle pour la partie citant le témoin que celle-ci serait lésée,

 26   si elle devait s'en passer et si le droit de l'accusé de confronter le

 27   témoin est atteint.

 28   Le Procureur fait valoir que le témoin ne peut pas venir à La Haye pour

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  1   déposer en raison de problèmes cardiaques. La Défense de Gotovina a répondu

  2   en disant qu'il reste encore quatre à six mois à la présentation des moyens

  3   à charge et que la Chambre devrait attendre pour voir si l'état de santé du

  4   témoin est amélioré. D'après le certificat médical annexé à la requête de

  5   l'Accusation, le Témoin 172 devrait éviter des situations de stress et le

  6   voyage en avion. La Chambre, par conséquent, est convaincue que le témoin

  7   ne peut pas venir au Tribunal.

  8   Après avoir examiné la déclaration du témoin faite en 2007, la Chambre

  9   accepte que la déposition est d'une telle importance qu'il serait injuste à

 10   l'égard de l'Accusation de ne pas pouvoir le citer.

 11   L'Accusation fait valoir que la déposition du Témoin 172 par

 12   vidéoconférence ne porterait pas atteinte aux droits de l'accusé de

 13   confronter le témoin. La Défense de Gotovina a répondu en disant que lors

 14   d'une déposition récente, la Chambre a vu une déclaration selon laquelle le

 15   témoin avait agi d'une certaine manière et qu'elle s'attendrait à ce que le

 16   témoin le nie. La Défense a ajouté que la Chambre devrait avoir la

 17   possibilité d'examiner la crédibilité du témoin en sa présence.

 18   La Chambre conclut que l'hypothèse de la Défense de Gotovina  qu'il y

 19   aurait une contradiction entre la déposition du témoin et les éléments déjà

 20   présentés à la Chambre est, d'une certaine mesure, d'ordre hypothétique.

 21   Mais même si le témoin venait à contredire les éléments dont disposent déjà

 22   la Chambre, compte tenu des circonstances et, notamment, l'état de santé du

 23   témoin, la Chambre constate que l'objection de la Défense de Gotovina ne

 24   justifie ni le report de la déposition du témoin ni la demande d'entendre

 25   la déposition du témoin par vidéoconférence. La Défense de Gotovina aura

 26   largement l'occasion de contre-interroger le témoin, y compris sur l'aspect

 27   des éléments déjà mentionnés dans son objection. La Chambre, par

 28   conséquent, conclut que le droit de la Défense de Gotovina de confronter le

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  1   témoin n'a pas été atteint.

  2   Par ces motifs susmentionnés, la Chambre constate qu'il est dans l'intérêt

  3   de la justice d'entendre la déposition du Témoin 172 par vidéoconférence

  4   et, par conséquent, fait droit à la requête.

  5   Tels sont les motifs de la décision de la Chambre de première instance

  6   relatifs à la déposition du Témoin 172 par vidéoconférence.

  7   Comme nous n'allons pas avoir une audition consacrée à la déposition d'un

  8   témoin demain, vendredi le 18 juillet, à 2 heures et quart, nous aurons une

  9   audience consacrée à une requête. Ça sera demain dans le prétoire numéro

 10   III.

 11   --- L'audience est levée à 16 heures 58 et reprendra le vendredi 18 juillet

 12   2008, à 14 heures 15.

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