Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 10084

  1   Le mercredi 8 octobre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges, il

  8   s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et

  9   consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 11   Monsieur Hedaraly, est-ce que l'Accusation est prête à convoquer son témoin

 12   suivant ?

 13   M. HEDARALY : [interprétation] Oui, l'Accusation souhaiterait faire

 14   comparaître le Témoin 52 à Zagreb par vidéoconférence.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons voir si le lien a bel

 16   et bien été établi avec Zagreb.

 17   Oui, je peux vous voir à Zagreb. Je vois visiblement le témoin ainsi que le

 18   représentant du greffe.

 19   Est-ce que vous pourriez indiquer à la Chambre de première instance qui se

 20   trouve dans la salle à Zagreb.

 21   M. LE GREFFIER [à Zagreb] : [interprétation] Bonjour, Monsieur le

 22   Président, Madame, Monsieur les Juges. Je vous dirais que tout le matériel

 23   a été installé. Nous sommes maintenant installés à Zagreb, nous pouvons

 24   commencer à entendre la déposition du témoin.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Urukalo, pourriez-vous nous dire

 26   si vous m'entendez dans une langue que vous comprenez ? Si vous regardez

 27   votre écran, vous allez voir qui s'adresse à vous, Madame.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Dois-je me lever ?

Page 10085

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous me voyez ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois un homme, je vois ce monsieur à

  3   l'écran.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis l'un des Juges. Je siège avec

  5   deux autres Juges dans cette affaire. Vous pouvez me voir, je porte cette

  6   robe rouge ainsi que les deux autres Juges. Est-ce que cela est clair pour

  7   vous, Madame ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien clair.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'allez pas entendre ma voix parce

 10   que je ne parle pas votre langue, par conséquent, ce que je vous dis est

 11   traduit, donc vous allez entendre la voix de quelqu'un d'autre, mais cette

 12   personne va vous traduire exactement ce que je dis. Est-ce que vous m'avez

 13   bien compris ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'entends que la voix de cette femme,

 15   maintenant.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette femme est en train de traduire

 17   dans votre langue ce que je suis en train de vous dire. De même, ce que

 18   vous allez nous dire nous sera traduit également, donc même si nous ne

 19   parlons pas la même langue, nous pouvons grâce aux interprètes comprendre

 20   ce que vous nous dites et vous pouvez comprendre ce que nous allons vous

 21   dire. Est-ce que tout est clair maintenant ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, c'est clair. Ce que vous venez de me

 23   dire, je l'ai bien compris.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez nous voir sur votre écran et

 25   nous, nous pouvons vous voir sur nos écrans grâce à la caméra qui se trouve

 26   dans la pièce où vous vous trouvez, donc nous pouvons vous voir et vous

 27   pouvez nous voir; est-ce que cela est clair ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

Page 10086

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien que vous soyez à Zagreb, vous êtes

  2   dans un prétoire puisque nous pouvons vous voir dans le prétoire et vous

  3   êtes sur le point de commencer votre déposition en audience publique.

  4   Est-ce que vous m'avez bien compris ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par la suite, des questions vont vous

  7   être posées, ce n'est pas moi qui vous poserai les questions, mais je vous

  8   dirai qui vous posera les questions. Vous serez invitée ou priée de

  9   répondre à ces questions. Mais avant que vous ne commenciez votre

 10   déposition, le Règlement en vigueur dans ce Tribunal stipule que vous devez

 11   prononcer une déclaration solennelle en vertu de laquelle vous allez dire

 12   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai déjà dit et je peux le répéter une

 14   centaine de fois. J'ai déjà dit ça.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, de toute façon nous devons procéder

 16   par étape.

 17   Etant donné que vous ne pouvez pas lire --

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas lire.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le sais donc c'est pour cela que

 20   je vais vous dire quels sont les mots que vous devez prononcer dans le

 21   cadre de la déclaration solennelle.

 22   Alors pourriez-vous répéter les mots que je vais prononcer et je vais le

 23   faire lentement. Est-ce que vous pouvez répéter les mots suivants.

 24   Je déclare solennellement --

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Allez-y, allez-y.

 26   Pourriez-vous répéter les mots que je prononce. Je vais les prononcer

 27   lentement et je vous invite à répéter ces mots, ces mots qui sont les

 28   suivants : Je déclare solennellement …

Page 10087

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Mon Dieu, qu'est-ce qui m'arrive. Je déclare

  2   solennellement.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, que je dirai la vérité.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Que je dirai la vérité, la vérité d'ailleurs

  5   c'est ce que je vais dire parce que je suis là pour ça.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous également répéter les mots

  7   suivants : toute la vérité et rien que la vérité.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, ce que j'avais à dire je l'ai dit,

  9   qu'est-ce que je peux vous faire. 

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cet après-midi vous allez répondre aux

 11   questions qui vont vous être posées, et vous allez également nous dire la

 12   vérité, toute la vérité ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais dire au nom de la Défense que nous

 15   acceptons cette déclaration comme une déclaration légitime.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Regardez votre écran, je vous prie,

 17   Madame, et vous allez voir M. Hedaraly. M. Hedaraly va vous poser des

 18   questions. M. Hedaraly travaille pour le bureau du Procureur.

 19   Essayez de bien prêter attention à ses questions et essayez d'y répondre à

 20   ses questions.

 21   Vous allez le voir. Il ne porte pas de robe rouge mais une robe noire.

 22   Monsieur Hedaraly, je vous en prie.

 23   M. HEDARALY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   LE TÉMOIN: DRAGINJA URUKALO [Assermentée]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   [Le témoin dépose par vidéoconférence]

 27   Interrogatoire principal par M. Hedaraly : 

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Urukalo.

Page 10088

  1   R.  Bonjour.

  2   Q.  Avant que nous ne commencions, est-ce que vous pourriez décliner votre

  3   identité pour le compte rendu d'audience.

  4   R.  Vous avez mon nom et mon prénom déjà.

  5   Q.  Oui, je le sais. J'aimerais juste vous demander de le confirmer à

  6   l'intention de la Chambre.

  7   R.  Draginja Urukalo. Qu'est-ce que je peux vous dire d'autre ?

  8   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez confirmer que votre date de naissance

  9   est le 15 décembre 1922 ?

 10   R.  Oui.

 11   M. HEDARALY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce

 12   5495 de la liste 65 ter à l'écran, il s'agit de l'intercalaire numéro 1

 13   pour le représentant du Greffier à Zagreb.

 14   Q.  Madame Urukalo, le représentant du greffier est en train de vous

 15   montrer un document. Est-ce que vous pourriez regarder le coin inférieur

 16   droit du document et nous dire si c'est bien vous qui avez apposé cette

 17   croix à cet endroit du document ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Hier, avez-vous eu la possibilité d'examiner cette déclaration, et ce

 20   que j'entends en fait, j'aimerais savoir si cette déclaration vous a été

 21   relue de votre langue ?

 22   R.  On me l'a lue.

 23   Q.  Et quand cette déclaration vous a été lue, est-ce qu'elle reprenait

 24   fidèlement ce que vous avez dit aux membres du bureau du Procureur lorsque

 25   vous les avez rencontrés en 2003 ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et la déclaration qui vous a été relue, est-ce qu'elle correspond à la

 28   vérité ?

Page 10089

  1   R.  Oui, c'est la vérité. Ce que j'ai dit, je l'ai dit, et c'était ce dont

  2   j'avais le souvenir.

  3   Q.  Et si on vous posait des questions semblables à celles qui vous ont été

  4   posées, et dont les réponses se trouvent dans la déclaration, est-ce que

  5   vous apporteriez les mêmes réponses si ces questions vous étaient posées

  6   aujourd'hui devant la Chambre ?

  7   R.  Pourquoi je ne le ferais pas ? Ce que j'ai dit, je l'ai dit, qu'est-ce

  8   qu'il y a d'autre ? Je l'ai dit une fois et ça suffit.

  9   M. HEDARALY : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais que

 10   la pièce 5495 de la liste 65 ter soit versée au dossier conformément à

 11   l'article 92 ter.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

 13   Monsieur le Greffier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P964.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P964 est versée au dossier.

 16   M. HEDARALY : [interprétation]

 17   Q.  Madame Urukalo, j'ai quelques questions à vous poser et je vais poser

 18   ces questions pour préciser certains éléments qui figurent dans votre

 19   déclaration que vous avez examinée hier.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Ma première question porte sur le paragraphe 3 de votre déclaration, il

 22   est fait référence à des personnes qui sont parties du village le vendredi

 23   soir. J'aimerais vous poser la question suivante, Madame.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que quelqu'un vous a dit pourquoi ces personnes sont parties ?

 26   R.  Personne ne me l'a dit. Qu'est-ce que j'en savais, qui m'aurait dit ça,

 27   j'ai simplement vu que les gens s'enfuyaient, que les tracteurs partaient,

 28   et moi je suis restée à la maison, et je voulais aller nulle part. Parce

Page 10090

  1   que tout est parti, tout a été détruit, le blé, les cultures, tout, moi,

  2   j'en avais un petit peu, alors qu'est-ce que je pouvais faire ? Je ne

  3   savais rien, qui était là et pourquoi. Moi, je ne connaissais pas ces gens.

  4   Q.  Au paragraphe suivant, vous décrivez comment les soldats croates sont

  5   entrés dans votre village. Est-ce que cela s'est passé le vendredi ou le

  6   lendemain, à savoir le samedi ?

  7   R.  C'était après. Ce n'était pas tout de suite le vendredi parce qu'ils

  8   étaient tous partis, et ça c'était après, après quand toute cette armée a

  9   surgi.

 10   Q.  Est-ce que vous savez si cela s'est passé le lendemain ou plusieurs

 11   jours après le départ de ces personnes ?

 12   R.  C'était après qu'ils sont arrivés ceux-là, un jour ou deux plus tard.

 13   Après le vendredi, après ceux qui sont partis, l'armée a fait irruption

 14   dans le village tout de suite le samedi, j'étais à la maison.

 15   Q.  Lorsqu'ils sont arrivés, vous dites dans votre déclaration qu'ils

 16   tiraient partout. Est-ce qu'ils vous ont dit quelque chose ou est-ce que

 17   vous leur avez dit quelque chose ?

 18   R.  Ils tiraient des coups de feu. Qu'est-ce qu'ils nous auraient dit ? Ils

 19   circulaient dans le village et ils tiraient partout, et quand les gens

 20   étaient là et qu'ils tiraient, les gens essayaient de s'abriter quelque

 21   part. Qui allait parler ? Ils ne faisaient que tirer. Après ils faisaient

 22   irruption dans les maisons et ils hurlaient. Je n'aime pas ces écouteurs,

 23   je n'aime pas ce que j'ai sur la tête. J'aime bien voir. 

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bizarre tout ça pour moi.

 26   M. HEDARALY : [interprétation] Je ne sais pas, peut-être qu'il faudrait

 27   baisser ou augmenter le volume. Je ne sais pas si c'est ça le problème.

 28   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 4, vous faites référence au fait

Page 10091

  1   que certains des soldats vous ont appelé une mère chetnik. Et je crois

  2   comprendre que vous avez apporté une correction à cette déclaration

  3   aujourd'hui ?

  4   R.  Non. Ce n'est pas qu'ils m'ont dit que j'étais la mère d'un Chetnik,

  5   c'est qu'eux ils m'ont dit que j'étais une pute chetnik, c'est ça que j'ai

  6   dit et c'est ça qu'ils m'ont dit. Vous, maintenant, vous parlez de la mère.

  7   Il ne manquait plus que ça.

  8   Q.  Merci. J'aimerais maintenant que nous parlions de ce qu'ont fait les

  9   soldats, et je sais que cela risque d'être pénible, donc si vous avez

 10   besoin d'une interruption, n'hésitez pas à le demander aux Juges, parce que

 11   je veux m'assurer de bien comprendre la chronologie des événements.

 12   Dans votre déclaration, vous faites référence au fait qu'un soldat vous a

 13   forcée à vous déshabiller. Est-ce qu'il s'agit des mêmes soldats que ceux

 14   qui vous ont traitée de pute chetnik ?

 15   R.  Qu'est-ce que je peux en savoir ? Il y en avait qui entrait, il y en

 16   avait qui sortait. Je me souviens de certaines choses quand je les vois,

 17   voyez-vous, mais on ne peut pas exiger que je sois aussi intelligente. Qui

 18   est-ce qui peut savoir ça ?

 19   Q.  Combien de soldats croates sont entrés dans le village ce jour-là ?

 20   R.  C'est moi qui aurais dû les compter, qui est-ce qui aurait pu les

 21   compter ? Qui est-ce qui aurait pu compter ? Il y en avait qui arrivait,

 22   d'autres qui partaient. Qu'est-ce que je peux savoir combien ils étaient ?

 23   Q.  Est-ce qu'il s'agissait d'un groupe important, est-ce qu'ils étaient

 24   plus qu'une dizaine, est-ce qu'ils étaient juste quelques-uns ?

 25   R.  Mon Dieu. Mon Dieu. Comment j'aurais pu ? Qui est-ce qui pouvait les

 26   compter, Monsieur ? Qui est-ce qui aurait dû les compter ? Qu'est-ce que

 27   j'en sais combien ils étaient ? Moi, j'étais là avec mes soucis à moi, je

 28   ne les ai pas comptés, et je ne peux même pas vous dire comment j'aurais pu

Page 10092

  1   les compter. Je ne le sais pas. Ce n'est pas facile.

  2   Q.  Nous allons parler de Dusan Urukalo, votre voisin. Est-ce que vous

  3   savez quel âge il avait à l'époque ? Est-ce qu'il était plus jeune que vous

  4   ou plus âgé que vous ?

  5   R.  Plus vieux que moi. Lui est mort, le pauvre. Sa femme aussi est morte.

  6   Q.  D'accord.

  7   M. HEDARALY : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce

  8   5497 de la liste 65 ter à l'écran.

  9   Monsieur le Greffier à Zagreb, je m'adresse à vous, il s'agit d'une série

 10   de deux photographies qui figurent à l'intercalaire 4.

 11   Q.  Madame Urukalo, est-ce que vous voyez les photographies qui se trouvent

 12   devant vous ?

 13   R.  Je les vois.

 14   Q.  Est-ce que cela représente la cour qui se trouve derrière votre maison

 15   ?

 16   R.  Oui. A partir de la rue, devant la maison, ce panier de basket-ball,

 17   quand ils nous ont faits déshabiller il a fallu que je joue. Il ne me

 18   restait que mes chaussures et mes sous-vêtements, et le pauvre homme a dû

 19   se mettre complètement nu.

 20   M. HEDARALY : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander le versement

 21   au dossier de la pièce 5497 [comme interprété], Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends pas d'objections.

 23   Monsieur le Greffier.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce P965.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P965 est versée au dossier.

 26   M. HEDARALY : [interprétation]

 27   Q.  Madame Urukalo, je souhaiterais maintenant que parlions de l'arrivée de

 28   votre petit-fils au village. Lorsqu'il est arrivé, est-ce que les autres

Page 10093

  1   soldats étaient encore là ?

  2   R.  Ils ont traversé le village et sont partis dans le village vers notre

  3   coopérative. Ils ont circulé dans le village vers Marici, qu'est-ce que

  4   j'en sais. Il y en avait trois que je n'ai pas reconnus. Ils ne voulaient

  5   même pas parler avec moi, et moi je n'ai fait mal à personne.

  6   Q.  Lorsque votre petit-fils est arrivé, est-ce qu'il est arrivé tout seul

  7   ou est-ce qu'il était avec d'autres soldats ?

  8   R.  Seul, il est venu seul. Comme on dit, dans cette auto de l'armée, je ne

  9   sais pas comment ça s'appelle. Il est venu me voir, moi. Il n'a rien fait

 10   de mal à personne. Il y avait des voisins, il n'y avait que des vieux parmi

 11   les voisins et ils ont tous été tués, abattus, ceux qui étaient avec moi.

 12   Q.  Combien de temps après le départ des autres soldats ou quand après le

 13   départ des autres soldats est arrivé votre petit-fils ?

 14   R.  Qu'est-ce que je sais, combien de temps de temps s'était passé. Pas

 15   beaucoup. On ne pouvait pas arriver dans le village. Il  avait à peine

 16   atteint le milieu du village quand ils sont arrivés.

 17   Q.  Lorsque votre petit-fils est arrivé, est-ce que vous étiez encore

 18   dévêtue ?

 19   R.  Quand je l'ai vu entrer avec un fusil, je n'avais pas pu m'habiller, ça

 20   m'a affolée. Je ne savais même plus comment m'habiller. Quand il est entré,

 21   j'étais tellement paniquée que je ne l'ai pas reconnu. Voilà ce qui s'est

 22   passé. Lui, il s'est approché de moi, et il m'a dit qu'il allait les

 23   chercher, et moi j'ai refusé. J'ai refusé qu'il aille les poursuivre pour

 24   chercher qui avait fait ça.

 25   Q.  Est-ce que vous lui avez dit ce qui s'était passé ?

 26   R.  Je ne sais pas. J'étais tellement affolée, je ne sais pas ce que je lui

 27   ai raconté.

 28   Q.  Est-ce que vous vous souvenez s'il vous a demandé ce qui s'était passé

Page 10094

  1   lorsqu'il a vu que vous n'aviez pas de vêtements ?

  2   R.  Il m'a demandé. Il m'a vue complètement dévêtue, et il a vu que je

  3   pleurais. Il m'a demandé, évidemment.

  4   Q.  Est-ce que vous avez parlé à votre petit-fils récemment ?

  5   R.  Ça fait longtemps que je n'ai pas parlé avec lui, mon Dieu. Peut-être

  6   la dernière fois, c'était quand il est venu me voir en dépit de son père et

  7   de sa mère, qui ne voulaient pas.

  8   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi son père et sa mère lui interdisent de

  9   venir vous rendre visite ?

 10   R.  Parce qu'ils ont fait toutes sortes de choses chez moi. Ils ont tout

 11   emporté; mon bétail, deux vaches, des veaux, des cochons, et tout le blé,

 12   27 têtes de bétail en tout. Ils n'osent plus venir chez moi. Ils n'ont pas

 13   le courage.

 14   Q.  Est-ce que vous savez si votre petit-fils sait que vous avez mentionné

 15   son nom dans votre déclaration ?

 16   R.  Mais le pauvre, comment est-ce qu'il ne le saurait pas ? C'est peut-

 17   être pour ça qu'ils ne viennent plus me voir. Evidemment, j'ai dû dire son

 18   nom quand j'ai fait ma déclaration. Il n'y avait rien d'autre que je

 19   pouvais dire.

 20   Q.  Lorsque vous dites "c'est pour cela qu'ils ne viennent pas me rendre

 21   visite," est-ce que c'est quelque chose qu'ils vous ont dit ?

 22   R.  Peut-être que c'est pour ça qu'ils ne viennent pas me rendre visite.

 23   Qu'est-ce que j'en sais ? Je ne sais pas moi. Tout ce que je sais, c'est

 24   qu'ils ne viennent pas me voir.

 25   Q.  Est-ce qu'ils vous ont jamais expliqué pourquoi ils ne viennent pas

 26   vous rendre visite ?

 27   R.  Non, il ne me l'a pas dit. Comment est-ce qu'il aurait pu savoir,

 28   puisqu'ils n'étaient pas venus avec lui ? Comment il pouvait le savoir ?

Page 10095

  1   Q.  Dans votre déclaration, vous mentionnez le fait que votre petit-fils a

  2   écrit quelque chose sur les murs de votre maison lorsqu'il est venu dans le

  3   village; est-ce exact ?

  4   R.  Oui. Ça, c'est écrit. C'est écrit quelque part. Il a écrit : Ne touchez

  5   pas la grand-mère.

  6   Q.  Je vous montrerai la pièce qui se trouve à l'intercalaire 3 dans le

  7   classeur de Zagreb et qui correspond à la pièce 5496 de la liste 65 ter.

  8   Est-ce que vous pourriez confirmer qu'il s'agit bien du mur de votre maison

  9   qui se trouve maintenant à l'écran ?

 10   R.  Oui. Je vois. Oui, c'est ça.

 11   Q.  Je ne sais pas dans quelle mesure nous pouvons voir cela à l'écran,

 12   mais la Défense conviendra qu'il s'agit de --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, ce n'est pas très, très lisible ou

 14   visible, mais avec quelques efforts --

 15   M. HEDARALY : [interprétation] Non, mais je pense que --

 16   M. MISETIC : [interprétation] Je n'ai rien sur ma photographie.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais à l'écran vous pouvez voir

 18   qu'il y a effectivement des lettres. Le témoin nous a dit quels sont les

 19   mots qui sont apparemment écrits.

 20   M. HEDARALY : [interprétation] Oui, mais le problème vient du fait qu'elle

 21   est analphabète, donc elle ne peut pas exactement vous dire ce qui y est

 22   écrit.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 24   M. HEDARALY : [interprétation] J'ai la déclaration de la personne qui a

 25   pris la photographie, donc je peux vous lire les mots qui se trouvent sur

 26   ce mur.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ça. Je suis illettrée et je ne sais pas.

 28   M. HEDARALY : [interprétation] Que --

Page 10096

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je supposer que, sans compter sur

  2   le témoin, les parties vont se mettre d'accord à propos de ce qui est

  3   écrit. Je peux déchiffrer. Je vois que ça commence par un N, puis ensuite

  4   il y a un E. C'est un peu difficile. Il y a N, E, R ou R, I, R --

  5   M. HEDARALY : [interprétation] Je pense qu'il est indiqué : Ne touchez pas,

  6   et ensuite HV 142, puis ensuite occupé --

  7   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais avoir une petite minute pour

  8   pouvoir consulter cela. Je suis d'accord avec tout ce qui vient d'être dit,

  9   mais je n'arrive pas à déchiffrer les derniers mots.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas la peine

 11   d'importuner le témoin avec ceci, parce que de toute façon elle ne peut pas

 12   nous aider à ce sujet.

 13   Monsieur Hedaraly.

 14   M. HEDARALY : [interprétation] Oui, je souhaiterais demander le versement

 15   au dossier de la pièce 5496 de la liste 65 ter, et j'ai plus de questions à

 16   poser.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objections.Monsieur le

 18   Greffier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce P966.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La pièce P966 est versée au

 21   dossier.

 22   M. HEDARALY : [interprétation]

 23   Q.  Je vous remercie, Madame Urukalo. Je n'ai plus de questions à vous

 24   poser, mais il se peut que d'autres personnes souhaitent vous poser des

 25   questions.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Urukalo, est-ce que vous me voyez

 27   à nouveau ? Je suis la personne qui apparaît à votre écran et qui porte

 28   cette robe rouge.

Page 10097

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous vois.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'autres questions vont maintenant vous

  3   être posées par les conseils de la Défense. Donc il ne s'agit pas de la

  4   même personne à qui vous venez de parler. Il ne s'agit pas de M. Hedaraly,

  5   bien qu'ils soient habillés comme lui.

  6   J'aimerais savoir ce qu'il en est -- oui, Maître Misetic.

  7   Le premier conseil de la Défense va maintenant vous poser quelques

  8   questions. Il s'agit de Me Misetic. Regardez votre écran, vous allez le

  9   voir maintenant, et il va vous poser quelques questions.

 10   Maître Misetic.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Contre-interrogatoire par M. Misetic : 

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame Urukalo.

 14   R.  Bonjour.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce

 16   1D00-0410.

 17   Q.  Madame Urukalo, est-ce que vous vous souvenez être allée chez un

 18   notaire public le 15 novembre 1995, et vous avez ainsi autorisé votre fils

 19   Dane Siklic et votre belle-fille Slavka Siklic à gérer et s'occuper de vos

 20   biens ?

 21   R.  Ils m'ont tirée jusqu'à Sibenik pour que je leur donne par écrit tout

 22   ce que j'avais dans la maison. Ils m'ont trompée, moi, une pauvre vieille,

 23   pour en profiter, eux.

 24   Q.  Quelques --

 25   R.  Ils ont fait ce que personne d'autre n'aurait fait.

 26   Q.  Il s'agissait de votre bétonneuse et de cet instrument de labour.

 27   R.  Oui. Oui. L'instrument de labour, oui.

 28   Q.  [hors micro]

Page 10098

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, la première partie de

  2   votre question n'a pas été reprise dans le compte rendu d'audience, parce

  3   que l'interprétation n'était pas terminée. Donc n'oubliez pas de faire un

  4   temps d'arrêt.

  5   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi aussi, je n'ai pas compris les deux

  7   dernières questions. Je les ai ratées.

  8   M. MISETIC : [interprétation] Je dirais juste aux fins du compte rendu

  9   d'audience qu'à la ligne 22, la question était : Est-ce qu'ils ont aussi

 10   pris votre bétonneuse ainsi que l'instrument avec lequel vous labouriez ? A

 11   la page 15, ligne première, la question était : Est-ce qu'ils ont également

 12   pris certaines têtes de votre bétail ?

 13   Q.  Madame Urukalo, nous allons reprendre et commencer par le bétail. Est-

 14   ce qu'ils ont pris certaines de vos bêtes ?

 15   R.  Ils ont tout emporté, tout ce que j'avais. C'est pour ça qu'ils n'ont

 16   plus le courage de venir chez moi. Ils m'ont dit que je devais avoir 100

 17   marks allemands qu'ils allaient me donner, mais je n'ai jamais vu le

 18   moindre sou venant d'eux, mon Dieu.

 19   Q.  Pour ce qui est de ces têtes de bétail, il y avait Des moutons, des

 20   vaches, des veaux ainsi que des cochons ?

 21   R.  Deux vaches, deux veaux, deux cochons qui étaient gros comme des loups.

 22   Ce que je regrette le plus, c'est qu'ils m'ont pris quatre cochons qui

 23   appartenaient à mon témoin de mariage. Il était censé aller dans un autre

 24   village, pas le village où il a servi de témoin au mariage.

 25   Q.  Je ne sais pas si la Cour aimerait que je traduise le terme "kum" ?

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela est le signe d'une relation

 27   spéciale telle qu'avec un parrain, par exemple.

 28   M. MISETIC : [interprétation]

Page 10099

  1   Q.  Madame Urukalo, lorsqu'ils vous ont conduite à Sibenik, est-ce que vous

  2   vous souvenez avoir mis votre empreinte digitale sur un document dans le

  3   bureau du notaire publique le 15 novembre 1995 ?

  4   R.  Mais tout ce qu'ils m'ont dit de faire, moi, pauvre que je suis, je

  5   l'ai fait, et maintenant voilà ce qui se passe. On me reproche.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que vous avez fait ce qu'ils

  7   vous ont demandé de faire, puis vous avez ajouté quelque chose, Madame.

  8   Est-ce que vous pourriez répéter ce que vous avez ajouté.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Qu'est-ce que je vais répéter ? Tout ce

 10   qu'ils me demandaient, tout ce qu'ils disaient au notaire, qu'est-ce que je

 11   savais, moi, qu'est-ce que je pouvais rendre à qui que ce soit, à mes

 12   enfants, parce que tout ce qu'on me disait, il fallait que je le fasse.

 13   Quand il a écrit sur le papier les chaises et la table de la cuisine, alors

 14   il n'y a plus rien, il n'y a plus d'espoir. Comment rendre l'espoir ? On

 15   l'attendait comme un ministre, quand il est arrivé dans ma maison.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

 17   demander que la pièce 1D00-0410 soit attribuée une cote.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mon Dieu, pauvre de moi, pourquoi est-ce que

 19   je suis née.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.M. LE GREFFIER

 21   : [interprétation] Cela devient la pièce D838.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D838 est versée au dossier.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que nous

 24   pourrions avoir la pièce 1D00-0414.

 25   Page 2 de la version anglaise, je vous prie. Dans un premier temps, la

 26   première page, pour que la Chambre puisse voir cette première page. Il

 27   s'agit d'une déclaration de témoin de la Défense, témoin à décharge. Il

 28   s'agit de la déclaration du petit-fils de Mme Urukalo; Joska Siklic. Alors

Page 10100

  1   j'aimerais que l'on affiche la page suivante.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous l'intention de verser ce

  3   document au dossier ?

  4   M. MISETIC : [interprétation] Non, mais je pense qu'il est beaucoup plus

  5   juste de présenter le document au témoin, ensuite, si nous devons convoquer

  6   M. Siklic, au moins sa déclaration aura été présentée au témoin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  8   M. MISETIC : [interprétation]

  9   Q.  Madame Urukalo, votre petit-fils Joska a fait une déclaration également

 10   à propos de ce qui s'est passé le 6 août. Il a dit qu'il est arrivé le 6

 11   août et que lui-même ainsi que d'autres membres du 6e Régiment de la Garde

 12   nationale sont arrivés dans votre hameau, il s'agit du paragraphe 7, et que

 13   vous lui avez offert ce dont vous disposiez, à savoir essentiellement du

 14   jambon fumé, du vin et du schnaps.

 15   C'est ce que vous vous souvenez de cela, de cette journée du 6 août ?

 16   R.  Oui, puisqu'il venait tous les jours. Il n'est pas venu seul

 17   jusqu'à ce qu'il soit chassé.

 18   Q.  Lorsque vous dites "qu'il a été chassé", qu'est-ce que vous voulez dire

 19   exactement, vous voulez dire que quelqu'un le conduisait chez vous tous les

 20   jours; c'est cela ?

 21   R.  Il venait seul, il avait sa voiture à lui. Il a une voiture encore

 22   aujourd'hui.

 23   Q.  Aux paragraphes 8 et 9 de sa déclaration, voilà ce qu'il dit : "Pendant

 24   mon séjour là-bas, je n'ai observé aucun sévice et personne n'a fait

 25   référence à des sévices.

 26   "Ma grand-mère n'a jamais mentionné à ce moment-là qu'elle avait fait

 27   l'objet de sévice de la part des soldats de la HV. Ma grand-mère ne m'a

 28   jamais dit" --

Page 10101

  1   R.  Maintenant, il est obligé de mentir. Je ne l'aurais pas dit, c'est

  2   peut-être eux qui l'ont dit, personne n'aurait rien su de cela si ça ne

  3   s'était pas passé comme ça. Maintenant c'est le moment, sa grand-mère, sa

  4   grand-mère de sa famille, mon Dieu.

  5   Q.  Voilà ce qu'il dit : "Ma grand-mère ne m'a jamais dit qu'on l'avait

  6   forcée à se déshabiller et à ne garder que ses sous-vêtements et n'a pas

  7   mentionné en plus le fait qu'elle a dû jouer au basket avec quelqu'un."

  8   R.  Moi, je vais te dire, j'espère qu'il était sain d'esprit quand il a dit

  9   une chose pareille, c'est moi qui te le dis.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Page suivante, je vous prie.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je prie Dieu pour que personne d'autre ne vive

 12   la même chose une nouvelle fois, eux ils n'ont qu'à avoir honte, mais ce

 13   qui s'est passé s'est passé.

 14   M. MISETIC : [interprétation]

 15   Q.  Au paragraphe 15, --

 16   R.  C'est eux qui se mettent là-dedans et après ils se plaignent.

 17   Q.  Au paragraphe 15, voilà ce qu'il dit : "Ma famille s'est occupée de ma

 18   grand-mère pendant toute cette période. Elle nous a autorisés à gérer ses

 19   biens, ce qu'elle a par la suite certifié dans un bureau de notaire public

 20   le 15 novembre 1995."

 21   Est-ce que votre famille s'est occupée de vous à partir de l'opération

 22   Tempête jusqu'au 15 novembre 1995 ?

 23   R.  Puisqu'on a été chassé.

 24   Q.  Qu'est-ce qu'ils vous ont forcée à faire ?

 25   R.  Elle a tout emporté -- ils ont tout enlevé, tout ce que j'avais dans ma

 26   maison. Ils n'ont rien laissé quand ils sont venus me voir. Pour eux,

 27   j'aurais aussi bien pu être morte. J'aurais pu souhaiter la même chose pour

 28   eux, alors ils voyaient un petit peu comment je me sens maintenant.

Page 10102

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 10103

  1   Q.  J'aimerais vous poser une dernière question, votre petit-fils a

  2   également dit : "Je n'ai rien écrit sur les murs de la maison de ma grand-

  3   mère et je ne vois pas pourquoi j'aurais dû le faire."

  4   Est-ce que vous savez qui a écrit cela sur le mur de votre maison ?

  5   R.  Mais c'est personne d'autre que sa main à lui. Il n'y a pas besoin de

  6   faire semblant, vous voyez comment ils nous mentent, voilà.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président --

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils n'ont qu'à venir et mettre le feu,

  9   d'ailleurs c'est ce qui va se passer, après tout ce qu'il m'a fait, il faut

 10   le finir.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Au vu de la décision rendue par la Chambre,

 12   je pense aux décisions qui ont été prises précédemment, nous n'allons pas

 13   demander le versement au dossier de cette pièce à conviction. J'en ai

 14   terminé.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 16    Qu'en est-il des autres équipes de la Défense.

 17   M. KAY : [interprétation] Je n'ai pas de questions.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai pas de questions non plus.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly.

 20   M. HEDARALY : [interprétation] Je n'ai pas de questions supplémentaires à

 21   poser.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Urukalo…

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Urukalo, il se peut que les Juges

 25   aient une ou deux questions à vous poser.

 26   Dans un premier temps, nous avons Mme le Juge Gwaunza qui a une, voire

 27   plusieurs questions à vous poser. Il s'agit de Mme le Juge Gwaunza et vous

 28   allez la voir sur votre écran.

Page 10104

  1   Questions de la Cour : 

  2   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Vous dites qu'on vous a traînée

  3   jusqu'au bureau du notaire public pour que vous signiez, pour que votre

  4   propriété passe à votre fils. Alors j'aimerais vous poser une question,

  5   est-ce que vous n'auriez pas pu tout simplement refusé de vous y rendre et

  6   de signer ?

  7   R.  Mais ce n'est pas moi qui l'ai voulu, c'est lui qui m'a convaincue et

  8   qui m'a emmenée pour le faire, et il l'a fait parce qu'il le voulait. Parce

  9   qu'après ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient de moi. Qu'il ait honte.

 10   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire

 11   quand est-ce qu'ils vous ont pris la propriété de votre maison ?

 12   R.  Chaque fois qu'il venait, il emportait quelque chose. Qu'est-ce que je

 13   peux en savoir, je ne peux pas me rappeler tout ça. J'ai mal au cœur déjà

 14   quand j'entends ce qu'on me dit, qu'on me le rappelle.

 15   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Urukalo, j'aimerais vous poser

 17   une question également.

 18   Nous avons vu la photographie de votre maison avec ces mots qui étaient à

 19   peine visibles, et j'ai l'impression que cela a été couvert d'une couche de

 20   peinture blanche. Est-ce que vous avez vu cela ?

 21   R.  A la chaux, à la chaux ça a été recouvert. On a mis du blanc pour qu'on

 22   ne le voie plus sur la maison. Quand les soldats sont venus, ils m'ont dit

 23   que je pouvais me torcher le cul avec, que ça n'avait aucune validité, que

 24   ça ne valait rien. Moi, je ne voulais plus le voir. Voilà tout ce que j'ai

 25   vécu, tout ce que j'ai dû vivre.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est vous qui avez passé à

 27   la chaux ces mots, est-ce que c'est vous-même qui avez fait cela ?

 28   R.  Non, non, ce n'est pas moi qui l'ai fait. Je ne sais plus, peut-être

Page 10105

  1   que c'est mon petit-fils qui l'a fait, qui a passé ça à la chaux pour que

  2   ça ne se voie plus, parce que cette fameuse tempête, elle a été terminée,

  3   il ne fallait plus le voir. Ils ont fait tellement de choses qu'ils

  4   auraient même pu tuer mon fils. Il y a la moitié du monde qui le connaît.

  5   Il ne leur a rien fait. Il était chauffeur, il travaillait très dur dans la

  6   maison, lui et ma fille. Ce n'est pas lui qui a fait du mal, mais il a

  7   attrapé un pickpocket dans un grand magasin. On a écrit là-dessus dans les

  8   journaux. Il a été attrapé le soir.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vos autres enfants continuent

 10   à venir vous rendre visite ?

 11   R.  Comment est-ce que moi je pourrais leur rendre visite, je ne peux pas

 12   bouger, moi. J'ai peur avec les bagages, avec les sacs, avec tout. Moi,

 13   j'ai tiré avec moi tout ce que j'ai pu tirer, et tous ceux qui m'ont vu

 14   disent oui, tu as tout retiré. Maintenant, on me jette de la honte. Les

 15   étables et les cochons et tout, ils m'ont tout pris, tout ce qu'il y avait

 16   sur terre. Je les ai aidés. Je les ai toujours aidés. Mon mari est mort et

 17   il a travaillé 23 ans. Il nous a aidés à l'étranger.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Urukalo, je n'ai plus de

 19   questions à vous poser, étant donné que M. Hedaraly n'a plus de questions à

 20   vous poser, nous en avons terminé avec votre déposition.

 21   Madame Urukalo, je comprends parfaitement qu'il ne vous a certainement pas

 22   été facile à votre âge d'être venue témoigner. Je vous remercie vivement

 23   d'être venue --

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pouvez me croire, ça n'a pas été facile,

 25   croyez-moi, ce n'était pas facile, je suis triste, et plus que triste. Sur

 26   ces vieux jours, si vieille vivre quelque chose qui n'était pas nécessaire

 27   pour moi, et que moi, pauvre de moi on me maltraite.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Urukalo, j'aimerais une fois de

Page 10106

  1   plus vous remercier d'être venue et j'aimerais vous remercier d'avoir

  2   répondu à ces questions --

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Grand merci à vous aussi.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous en avez terminé avec cette

  5   déposition. Nous allons donc mettre un terme à cette vidéoconférence.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci à vous aussi.

  7   [Fin de la déposition du témoin par vidéoconférence]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Hedaraly.

  9   M. HEDARALY : [interprétation] Je pense que le témoin suivant est à temps,

 10   il est là; M. Margetts est également présent. Je ne sais pas, nous pouvons

 11   poursuivre ou faire une pause maintenant.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons eu une heure d'audience.

 13   Peut-être qu'il serait en effet plus judicieux de faire une pause un peu

 14   prématurée et nous reprendrons après.

 15   Nous reprendrons à 15 heures 35.

 16   --- L'audience est suspendue à 15 heures 12.

 17   --- L'audience est reprise à 15 heures 45.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites entrez le témoin.

 19   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Buhin.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous rappelle que vous êtes toujours

 23   tenu de respecter la déclaration solennelle faite au début de votre

 24   déposition.

 25   Maître Mikulicic, je vois l'heure et j'ai à l'esprit ce que vous avez dit

 26   hier.

 27   Veuillez poursuivre.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Je l'aurai à l'esprit aussi.

Page 10107

  1   LE TÉMOIN: STJEPAN BUHIN [Reprise]

  2   [Le témoin répond par l'interprète]

  3   Contre-interrogatoire par M. Mikulicic : [Suite]

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Buhin.

  5   R.  Bonjour.

  6   Q.  Je ne sais pas s'il faut dire Buhin ou Buhin. Je ne voudrais pas mal

  7   prononcer votre nom.

  8   R.  Buhin est la prononciation régulière, mais étant donné que j'ai grandi

  9   à Vukovar, je me suis habitué à l'autre manière de prononcer mon nom. Peu

 10   importe.

 11   Q.  Hier, nous avons, à la fin de la journée, parlé au sujet de Grubori, et

 12   maintenant j'aimerais néanmoins vous poser encore quelques questions à ce

 13   sujet.

 14   Tout d'abord, est-ce que vous saviez que dès que l'incident survenu à

 15   Grubori a été signalé, M. Mihic, le chef du poste de police à Knin, et M.

 16   Romanic, le chef de l'administration de la police, s'étaient rendus sur les

 17   lieux du crime, sur le terrain ?

 18   R.  Je ne le savais pas. Tout ce que je sais, c'est qu'une patrouille a été

 19   dépêchée et qu'elle n'a pas réussi à retrouver le hameau de Grubori.

 20   Q.  Vous avez dit que vous vous êtes rendu à la base de l'ONU pour avoir un

 21   certain nombre d'entretiens là-bas. Est-ce que vous pourriez nous dire

 22   quand est-ce que cela s'est passé par rapport au jour où l'incident survenu

 23   à Grubori vous a été signalé ? Nous avons vu hier que vous l'avez appris le

 24   25 dans l'après-midi.

 25   Quand est-ce que vous vous êtes rendu à la base de l'ONU ?

 26   R.  Le 26, le matin, vers 9 heures, moi et mon collègue Baric nous nous

 27   sommes rendus à la base et nous avons eu un entretien avec les policiers de

 28   l'ONU.

Page 10108

  1   Q.  Quelle était la raison pour laquelle vous vous êtes rendus là-bas, vous

  2   et votre collègue Baric ?

  3   R.  Eux, ils nous ont dit qu'il y avait des cadavres à Grubori, et nous

  4   avons supposé qu'ils s'étaient rendus sur place et que c'était eux qui

  5   pouvaient nous emmener là-bas pour nous montrer où étaient les cadavres.

  6   Q.  Et quel était le résultat de votre entretien ? Est-ce qu'ils ont

  7   effectivement confirmé qu'ils s'étaient rendus sur les lieux ? De quoi

  8   avez-vous parlé ?

  9   R.  Oui. Ils ont confirmé qu'ils s'étaient rendus sur place et qu'ils

 10   étaient prêts à nous y emmener. Nous nous sommes mis d'accord que nous

 11   allions nous retrouver vers une heure l'après-midi, et ils nous ont donné

 12   trois heures pour nous organiser pour prévoir l'arrivée d'un juge

 13   d'instruction de Zadar et pour que nous puissions organiser une équipe pour

 14   dresser le constat, afin de nous rendre ensemble sur les lieux.

 15   Q.  Mais cela ne s'est jamais produit, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui, comme je vous l'ai dit, vers 12 heures, à midi donc, nous avions

 17   eu un entretien avec M. Sacic. M. Moric nous a contactés par téléphone, et

 18   cette idée a été abandonnée, même si entre-temps, nous nous sommes mis

 19   d'accord avec M. Cetina comment procéder.

 20   Q.  Merci. Dans votre déclaration, c'est la pièce P963 --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, on me signale qu'il

 22   faut vous approcher du micro.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais essayer.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voulais vous demander quelque chose

 25   au sujet de votre dernière réponse, Monsieur Buhin.

 26   Quelle idée a été abandonnée ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Cet accord que nous avons conclu, à savoir

 28   qu'un juge d'instruction et une équipe d'enquête allaient se rendre à Knin.

Page 10109

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc on a abandonné l'idée selon

  2   laquelle une équipe d'enquête allait être envoyée sur les lieux. Et vous

  3   dites : "Même, si entre-temps, on s'était mis d'accord avec M. Cetina que

  4   tout allait être réalisé."

  5   D'une part, vous dites que l'idée a été abandonné, mais d'autre part vous

  6   avez convenu que vous vous êtes mis d'accord que tout allait être réalisé.

  7   Comment dois-je comprendre votre réponse ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je m'étais mis d'accord avec M.

  9   Cetina qu'un juge d'instruction et une équipe allaient venir sur les lieux,

 10   et vers midi lorsque M. Moric a téléphoné il a dit que moi et M. Baric nous

 11   n'allions pas nous mêler des affaires de la police judiciaire. Il me l'a

 12   dit à moi personnellement. Du coup, moi, j'ai arrêté de m'intéresser à

 13   cette affaire. Je n'ai pas contacté la police de l'ONU ni qui que ce soit

 14   au sujet de cette affaire.

 15   C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai dit que nous avions abandonné ce

 16   qui était convenu.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A partir de ce moment-là, vous dites que

 18   l'idée avait été abandonnée d'envoyer une équipe d'enquête. C'est ce que

 19   vous dites ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. A partir de ce moment-là, à partir du

 21   moment où M. Moric m'a appelé par téléphone, moi, je ne m'occupais plus de

 22   l'événement survenu à Grubori et je n'étais plus en contact avec la police

 23   de l'ONU.

 24   Je n'ai pas suivi cette affaire à partir de ce jour-là. Je ne sais pas ce

 25   qui s'était passé par la suite.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'idée d'envoyer une équipe d'enquête

 27   qui avait été abandonnée ou pas, vous dites que vous, vous êtes retiré

 28   vous-même et que vous n'aviez plus rien à faire avec cette affaire. Le fait

Page 10110

  1   de savoir si cette idée ait été abandonnée ou pas, est-ce que vous le savez

  2   si elle a été abandonnée ou pas ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai dit que nous avons abandonné l'idée

  4   convenue lors de la rencontre avec la police de l'ONU, et que la police

  5   régulière allait se rendre sur les lieux. Mais tous les autres accords sont

  6   restés au niveau des contacts entre M. Cetina et la police.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Mikulicic.

  8   M. MIKULICIC : [interprétation]

  9   Q.  Si je vous ai bien compris, lorsque vous dites que cette idée a été

 10   abandonnée, vous voulez dire que l'idée selon laquelle vous-même vous

 11   deviez être engagé en espèce, et après avoir parlé de la chose avec M.

 12   Moric, il a été conclu selon ses consignes, que c'était la police

 13   judiciaire qui devait s'en charger et non pas la police régulière, n'est-ce

 14   pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Merci de votre explication.

 17   Une autre chose, est-ce que vous saviez que ce jour même, le jour où

 18   l'incident est survenu à Grubori, une réunion a été organisée par l'ONU

 19   avec les locaux dans l'école de Plavno au sujet d'un certain nombre de

 20   problèmes de sécurité qui prévalaient dans la vallée de Plavno ? Le saviez-

 21   vous ?

 22   R.  Je ne m'en souviens pas. Mais probablement je n'en étais pas informé.

 23   Q.  D'accord. Monsieur Buhin, dans votre déclaration, c'est à la page 5,

 24   l'avant-dernier paragraphe de la pièce P963, vous avez dit que par la

 25   suite, et c'est à la page 6, au deuxième paragraphe de la version en

 26   anglais, vous avez appris que les meurtres commis à Grubori n'avaient pas

 27   été traités en tant qu'affaire criminelle.

 28   Quand est-ce que vous avez appris cela ?

Page 10111

  1   R.  Je l'ai appris une fois que je suis rentré travailler au sein du

  2   ministère de l'Intérieur à Zagreb lorsque j'en ai parlé avec mes collègues

  3   de la police judiciaire qui s'étaient chargés de l'affaire.

  4   Q.  Avez-vous appris, ou plutôt, est-ce qu'aujourd'hui vous savez que

  5   l'enquête au sujet de l'événement survenu à Grubori est une affaire qui

  6   n'est toujours pas close au sein du bureau du Procureur à Sibenik ?

  7   R.  Je ne le sais pas. Je n'ai pas de connaissance à ce sujet.

  8   Q.  Vous avez dans votre déclaration parlé des meurtres survenus dans le

  9   village de Gosic, et vous avez dit même que vous y étiez rendu

 10   personnellement avec M. Romanic et d'autres personnes.

 11   Cet incident, ainsi que l'incident de Varivode, a fait l'objet d'une

 12   enquête conjointe de la police judiciaire militaire et de la police

 13   judicaire du ministère de l'Intérieur. Le savez-vous ?

 14   R.  Je me souviens de cet incident, mais s'agissant des détails, je sais

 15   qu'un constat a été dressé sur les lieux. Mais je ne me souviens pas des

 16   détails. Je ne sais pas qui y avait participé.

 17   Q.  Nous avons déjà examiné un certain nombre de pièces à ce sujet.

 18   J'attire votre attention à la pièce D802, qui montre qu'une action a été

 19   engagée, une action au sujet de Varivode, dans le cadre de laquelle il

 20   était fixé quelles étaient les missions confiées à la police militaire et

 21   quelles étaient les missions confiées à la police civile.

 22   A ce sujet, vous avez dit que personne ne vous avait appelé pour déposer au

 23   sujet des meurtres survenus à Gosic. Vous n'étiez pas un témoin oculaire de

 24   ces événements, n'est-ce pas ?

 25   R.  Non. Avec les membres de la police régulière, je m'étais rendu sur les

 26   lieux. Nous avons établi un périmètre conformément aux règlements de la

 27   police régulière, et tout le reste a été réalisé par les membres de la

 28   police judiciaire.

Page 10112

  1   Q.  Vous n'avez pas participé à l'enquête criminelle, n'est-ce pas ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Conviendrez-vous, Monsieur Buhin, qu'il n'est pas habituel qu'un membre

  4   de la police soit appelé à déposer dans une affaire s'il n'était pas

  5   oculaire d'un événement, ou s'il n'avait pas de connaissances pertinentes

  6   en l'espèce. En conviendrez-vous ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Le fait que vous n'ayez pas été appelé pour déposer au sujet des

  9   meurtres survenus à Varivode et Gosici, il n'y a rien d'inhabituel là-

 10   dedans, n'est-ce pas ?

 11   R.  Non, je n'ai pas été surpris et je ne vois pas pourquoi je serais

 12   appelé à déposer.

 13   Q.  Merci. Par la suite, je me réfère à votre déclaration dans laquelle

 14   vous avez dit que le gouvernement croate, par le biais du ministère de

 15   l'Intérieur, a confié une tâche à la police, à savoir de protéger les biens

 16   et les gens. Est-ce que vous vous en souvenez ?

 17   R.  Oui. Ce sont des tâches de base confiées à la police régulière.

 18   Q.  C'est à la page 7 en anglais, le troisième paragraphe.

 19   Lors de votre déposition, vous avez dit que la police avait rencontré

 20   un certain nombre de problèmes parce qu'il n'y avait pas suffisamment de

 21   gens, compte tenu du terrain qui était partiellement miné, parce qu'elle ne

 22   connaissait pas suffisamment bien le terrain, parce que les membres de la

 23   police n'avaient pas suffisamment d'expérience, n'étaient pas suffisamment

 24   bien formés. Donc il est évident que la police devait fixer un certain

 25   nombre de priorités, si je ne m'abuse; c'est cela, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui. Compte tenu de notre nombre et des équipements techniques et

 27   d'autres circonstances, c'est exactement ce que nous devions faire.

 28   Q.  Brièvement, quelles étaient ces priorités ?

Page 10113

  1   R.  C'était d'abord sécuriser les installations d'importance fondamentale

  2   qui se trouvaient sur le terrain, puis sécuriser les installations où

  3   étaient cantonnés les membres de la police, puis le bâtiment appartenant au

  4   poste de police et à l'administration de la police, puis établir les points

  5   de contrôle pour contrôler les voies routières principales. Puis le peu de

  6   policiers qui nous restaient étaient utilisés pour organiser les

  7   patrouilles, et ils procédaient uniquement à des patrouilles spécifiques et

  8   ne patrouillaient pas de manière générale.

  9   Q.  Lorsque vous parlez des installations vitales, est-ce que vous parlez

 10   des bâtiments, des biens culturels et religieux et des usines, et cetera ?

 11   R.  Oui, parce que justement à Kistanje, il se trouve un monastère qui

 12   n'était pas endommagé, et nous y avons placé un certain nombre de policiers

 13   pour le sécuriser. Puis il y a une école qui se trouve à Kistanje qui

 14   n'était pas endommagée. Nous y avons placé un certain nombre de policiers

 15   également. A Kistanje se trouvait une usine, je ne me souviens plus de

 16   laquelle il s'agissait, puis nous avons sécurisé également plusieurs

 17   bâtiments importants.

 18   Q.  D'après vos souvenirs, avez-vous eu l'occasion de retrouver un certain

 19   nombre de dépôts où se trouvaient les équipements militaires de l'armée de

 20   la Republika Srpska Krajina ?

 21   R.  Non, mais nous n'avons pas eu l'occasion de découvrir de dépôts. Par la

 22   suite, nous avons découvert un dépôt utilisé par les policiers de Martic,

 23   et nous l'avons sécurisé.

 24   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que par la suite on a trouvé un certain

 25   nombre de munitions et d'armes ?

 26   R.  Je ne m'en souviens pas.

 27   Q.  Dans le préambule, nous avons parlé des tâches de base qui vous étaient

 28   confiées, et c'était justement de mettre en place la politique du

Page 10114

  1   gouvernement croate, politique que le gouvernement croate voulait mener par

  2   le biais de la police, et cetera.

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais j'aimerais maintenant qu'on passe à

  4   huis clos partiel, parce que j'aimerais vous montrer la pièce P501. Il

  5   s'agit d'une pièce versée sous pli scellé.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation]

  8   Q.  Comme vous vous en rappellerez --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, une seconde.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 11   le Président.

 12   [Audience à huis clos partiel]

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 10115

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Page 10115 expurgée. Audience à huis clos partiel.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 

Page 10116

  1   [Audience publique]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Greffier.

  3   M. MIKULICIC : [interprétation]

  4   Q.  Conviendrez-vous avec moi que moyennant ces consignes, c'est l'idée à

  5   laquelle vous avez fait référence qui était mise en œuvre, à savoir que le

  6   gouvernement chargeait le MUP de toutes les missions relatives à la défense

  7   des biens individuels ?

  8   R.  Oui. C'était les missions les plus importantes qui relevaient également

  9   des diverses dispositions de la Loi sur les affaires intérieures.

 10   Q.  Est-ce qu'à un certain moment durant votre travail vous auriez appris

 11   que le gouvernement de la République de Croatie, par le truchement du

 12   ministère de l'Intérieur, avait pris des mesures ou entrepris des actions

 13   visant à dissimuler ou couvrir des crimes de quelque nature que ce soit, ou

 14   auriez-vous trouvé peut-être un élément susceptible de vous fournir ce

 15   genre d'indication ?

 16   R.  Non, jamais.

 17   Q.  Monsieur Buhin, avez-vous communiqué officiellement avec le général

 18   Markac dans quelque situation que ce soit ?

 19   R.  Non, je n'ai jamais communiqué avec lui oralement. Nous nous sommes

 20   simplement rencontrés dans les bureaux du ministère où nous nous croisions.

 21   Je le connaissais de vue et nous n'avons jamais communiqué ensemble.

 22   Q.  Je vous remercie de vos réponses.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

 24   questions pour le témoin.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je remercie, Maître Mikulicic.

 26   Monsieur Buhin, vous allez maintenant être contre-interrogé par Me

 27   Misetic, conseil de M. Gotovina, en tout cas dès le moment où il aura

 28   installé le mobilier dont il a besoin pour ce faire.

Page 10117

  1   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   Contre-interrogatoire par M. Misetic : 

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Buhin.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  J'aimerais commencer par revenir sur un sujet déjà abordé hier. Vous

  6   rappelez-vous que Me Kay vous a demandé si M. le ministre Jarnjak ne

  7   s'était jamais trouvé à Knin, et que vous avez répondu qu'à votre

  8   connaissance il ne s'était plus trouvé à Knin après l'opération Tempête

  9   pendant la durée de votre séjour à Knin. Ceci est-il exact ?

 10   R.  Exact.

 11   Q.  Etiez-vous présent lorsque la plaque a été apposée à Knin le 6 août en

 12   l'honneur de la direction de la police de Knin ?

 13   R.  Je me souviens seulement du fait que cela ne s'est pas passé le 6. Deux

 14   ou trois jours plus tard M. Moric est arrivé. Il avait sur lui les plaques

 15   que nous avons apposées. Je ne me souviens plus si avant mon arrivée la

 16   plaque de "la direction de la police" était déjà apposée sur le bâtiment de

 17   la police.

 18   Q.  D'accord.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais que l'on

 20   diffuse, à l'intention du témoin, la vidéo qui constitue la pièce D227.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Monsieur le Chef, permettez-moi de vous remettre ceci, qui est une

 24   plaque sur laquelle sont écrits les mots 'République de Croatie,  ministère

 25   de l'Intérieur, direction de la police de Knin.' La Loi constitutionnelle

 26   sur les minorités ethniques prévoit que Knin constitue un district et

 27   qu'une direction de la police soit créée à Knin.

 28   Etant donné que selon la même loi il n'existe pas encore l'assemblée

Page 10118

  1   qui devrait proposer la nomination du chef de la police au nom du

  2   gouvernement de Croatie, vous êtes nommé au poste de chef de la police en

  3   exercice jusqu'aux élections, après quoi l'assemblée proposera le nom d'un

  4   chef au gouvernement de la République de Croatie. Jusqu'à cette date,

  5   j'agis au nom de la constitution de la République de Croatie et en

  6   application des lois de la police en créant les autorités civiles de Knin

  7   et dans le secteur où vous remplissiez vos responsabilités, la direction de

  8   la police. Vous êtes associé à la direction de la police de Zadar.

  9   Je vous félicite."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]  

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le mot félicite a été interprété.

 12   Veuillez poursuivre, Maître.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Q.  Monsieur Buhin, vous rappelez-vous avoir assisté à cette cérémonie ?

 15   R.  Je suis très certain de ne pas y avoir assisté. Ceci c'est sans doute

 16   passé dans les premières heures de la matinée du 6 août, avant l'arrivée

 17   sur les lieux de M. Baric et de moi-même à Knin. C'est la raison pour

 18   laquelle cette cérémonie n'est pas restée dans ma mémoire.

 19   Q.  D'accord. Est-il exact dans ces conditions que M. Romanic était déjà à

 20   Knin lorsque vous y êtes arrivé ?

 21   R.  Exact. C'est lui qui a reçu des mains de M. Jarnjak la plaque sur

 22   laquelle étaient écrits les mots  "Direction de la police". 

 23   Q.  D'accord. J'aimerais également parler avec vous du sujet dont vous avez

 24   discuté avec M. Margetts qui concerne le moment où les civils ont commencé

 25   à revenir à Knin. J'aimerais d'abord vous soumettre une série de documents,

 26   après quoi je vous poserais des questions au sujet de ces documents.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je demande l'affichage

 28   sur les écrans de la pièce P352, je vous prie.

Page 10119

  1   Q.  Monsieur Buhin, ceci est un rapport de situation émanant du secteur sud

  2   des Nations Unies chargé de Knin, en date du 6 août 2003. Si nous passons à

  3   la page 6 de ce rapport, parce que la page que vous voyez maintenant est la

  4   page de garde, page 6 de la version anglaise dont je demande l'affichage,

  5   c'est le paragraphe F qui m'intéresse.

  6   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je tiens à préciser

  7   que ceci ne faisait pas partie des documents qui nous ont été communiqués.

  8   M. MISETIC : [interprétation] Il aurait dû vous être communiqué. Nous

  9   allons vérifier, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vérifiez, entre-temps vous

 11   pourriez poursuivre.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

 13   Q.  Au paragraphe F, ce rapport des Nations Unies en date du 6 août, cela

 14   se trouve environ au milieu du paragraphe, stipule ce qui suit, je cite :

 15   "D'autres civils, et notamment des véhicules automobiles portant

 16   l'immatriculation de Split sont vus à Knin, où un sentiment de normalité

 17   est revenu."

 18   Ça, c'était le 6 à 20 heures 30.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais maintenant

 20   l'affichage de la pièce P806.

 21   Mon commis aux audiences m'informe que le document dont il était

 22   question tout à l'heure a été communiqué à l'Accusation. Il s'agit du

 23   document numéro 50 sur la liste de pièces communiquées à l'Accusation.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que M. Margetts vérifie, vous

 25   pouvez poursuivre.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur Buhin, ceci est un rapport des représentants de la Communauté

 28   européenne chargés de suivre l'évolution des événements. Il porte la date

Page 10120

  1   du 8 août 1995.

  2   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais que nous nous penchions sur la

  3   page 2 de ce document, paragraphe 4(a).

  4   Q.  Le 8 août, la Mission de vérification de la Communauté européenne écrit

  5   ce qui suit : "Des représentants de la population locale et des membres de

  6   l'armée de Croatie continuent à piller à grande échelle et un convoi de

  7   pilleurs a été vu en train de vider des objets hors de la ville. Les

  8   personnes déplacées sont déjà en train de revenir dans leurs anciennes

  9   maisons."

 10   Donc ça c'est le 8, en date du 8.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais maintenant

 12   que nous passions à la pièce P933, je vous prie.

 13   Q.  En première page de ce document, en dessous de l'intitulé "Situation

 14   militaire," nous voyons un paragraphe, et je rappelle que ce document est

 15   un rapport de la Mission de vérification de la Communauté européenne en

 16   date du 9 août 1995.

 17   Nous lisons donc dans ce paragraphe, je cite : "Il semble que Knin devienne

 18   pour la première fois un centre d'attraction touristique important; une

 19   circulation intensive ayant été constatée sur la route principale reliant à

 20   Knin à Drnis."

 21   Passons maintenant à la dernière page de ce document, je vous prie, sous

 22   l'intitulé "Questions humanitaires," vers le milieu du paragraphe en

 23   question.

 24   Nous lisons au sujet de Drnis, je cite : "Nous avons constaté la même

 25   évolution à Drnis. De nombreux civils se trouvent dans la ville, et

 26   apparemment ils recherchent des biens immobiliers leur ayant appartenu

 27   précédemment."

 28   Monsieur Buhin, on vous a posé des questions au sujet du moment où

Page 10121

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 10122

  1   les civils ont commencé à revenir dans la région, et je viens de vous

  2   soumettre trois documents qui ont été versés au dossier par l'Accusation,

  3   et qui émanent de sources liées aux Nations Unies et à la Communauté

  4   Européenne. Ces trois documents indiquent que des civils avaient commencé à

  5   revenir à Knin dans l'ancien secteur sud des Nations Unies quelques jours à

  6   peine après la fin de l'opération Tempête. Ceci correspond-il à vos

  7   souvenirs ?

  8   R.  Oui, ce dont je me souviens le mieux, c'est que l'arrivée la plus

  9   importante de civils a eu lieu lorsque le premier train venant de Zagreb

 10   est entré dans la ville. Après quoi, une ligne ferroviaire régulière a

 11   circulé et des civils sont arrivés régulièrement à Knin en provenance de

 12   Zagreb et de Split.

 13   J'ai un peu de mal à me rappeler les détails, mais à la lecture de

 14   ces rapports, je constate que très certainement des civils arrivaient, qui

 15   possédaient des laissez-passer, ou qui avaient franchi les postes de

 16   contrôle, ou emprunté les routes principales qui n'étaient plus contrôlées

 17   par la police. Le secteur était assez vaste et les membres de la population

 18   locale connaissaient bien les grandes routes ainsi que les routes

 19   secondaires. En tout cas, les routes qui n'étaient pas contrôlées par la

 20   police étaient empruntées intensément et la police des Nations Unies

 21   surveillait la situation et en rendait compte dans des rapports. Donc bien

 22   sûr il y a eu des cas correspondant à ce qui est indiqué ici. 

 23   Q.  Je reviendrai sur la question du train dans un instant. Mais il y a

 24   autre chose que je voulais vous demander. Ces rapports évoquent des

 25   personnes déplacées qui rentraient dans leurs anciennes maisons et évoquent

 26   également, s'agissant de Drnis, le fait que la Mission de vérification de

 27   la Communauté européenne a apparemment constaté que ces civils auraient

 28   recherché des biens immobiliers leur ayant appartenu précédemment. Est-ce

Page 10123

  1   que c'était quelque chose qui se produisait fréquemment dans le secteur des

  2   personnes qui revenaient à la recherche de leurs biens immobiliers ou de

  3   leurs propriétés, et quel problème cela posait-il vis-à-vis de la police

  4   s'agissant de la prévention des pillages ?

  5   R.  C'était quelque chose qui se passait fréquemment, en effet. Il

  6   s'agissait de personnes qui tentaient de retrouver leurs biens le plus

  7   rapidement possible, et en tout cas ce qu'ils pouvaient sauver en dehors de

  8   ce qu'ils avaient emporté avec eux, lorsqu'ils étaient partis dans ces

  9   centres de réfugiés.

 10   Des problèmes ont été vécus aux postes de contrôle en raison de cela parce

 11   que ces personnes étaient incapables de prouver ce qu'elles avaient emporté

 12   ou ce qu'elles avaient emporté leur appartenaient effectivement. Pour

 13   résoudre ce problème, ces personnes essayaient d'emprunter des routes

 14   secondaires où il y avait moins de circulation afin de parvenir à passer,

 15   ce qui posait un gros problème à la police.

 16   Q.  Si quelqu'un a un poste de contrôle voyait arriver une personne

 17   déplacée ou un réfugié qui lui disait que les articles qui se trouvaient

 18   dans sa voiture étaient en fait des biens qui lui appartenaient par le

 19   passé et qui lui avaient été volés pendant l'occupation, comment est-ce que

 20   l'officier de police responsable pouvait savoir si la personne en question

 21   était en train de dérober ces objets ou si ces objets appartenaient

 22   effectivement à cette personne ? Quelles mesures prenait dans ce cas-là, de

 23   façon régulière, l'officier de police concerné ?

 24   R.  Les officiers de police n'avaient aucun moyen de déterminer si les

 25   biens étaient des biens volés ou s'ils avaient auparavant appartenu à

 26   l'individu en question. Personne n'était habilité à délivrer à un citoyen

 27   un quelconque reçu concernant des objets si ces objets devaient sortir de

 28   la région. Le plus souvent, il était recommandé aux personnes en question

Page 10124

  1   de rester non loin de leurs propriétés afin d'en assurer la protection, et

  2   il leur était dit que c'est dans une période ultérieure que ces personnes

  3   auraient la possibilité d'établir que les biens en question leur avaient

  4   été éventuellement volés.

  5   Q.  D'accord. S'agissant du train, je vous indique que les parties

  6   impliquées dans la présente affaire sont convenues que la date où le train

  7   a de nouveau circulé normalement, c'est-à-dire la date de l'arrivée du

  8   président Tudjman à Knin, est celle du 26 août 1995.

  9   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant vous montrer un

 10   document qui est la pièce 1D00-5423 [comme interprété]. Il s'agit d'une

 11   vidéo.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 14   "Sasa Kopljar : Maintenant c'est Knin et notre collègue Denis Latin vous

 15   parle de Knin. Bonsoir, Denis.

 16   Denis Latin : Bonsoir, Sasa. Bonsoir la Croatie depuis Knin.

 17   Sasa Kopljar : C'est le jour de l'Assomption de la Vierge Marie. Est-ce que

 18   cette fête a été célébrée dans les dix jours seulement qui nous séparent de

 19   la libération de Knin ?

 20   Denis Latin : Je dois dire que c'était un événement remarquable à Knin

 21   aujourd'hui. Nous estimons que deux à trois milles personnes se sont rendus

 22   à Knin aujourd'hui. Je pense que les images parlent le mieux, montrant les

 23   images de la télévision quelques instants.

 24   Plus de 500 réfugiés de Knin sont arrivés avec le premier train qui est

 25   parti de Split à destination de Knin, et l'Assomption de la Vierge Marie a

 26   également donné la possibilité à d'autres de fêter ce jour dans les rues de

 27   la ville.

 28   Après la messe célébrée dans les ruines de l'église Saint-Ante, la plupart

Page 10125

  1   des citoyens de Knin se sont dirigés vers leurs maisons qu'ils ont décidé à

  2   ne plus jamais quitter." 

  3   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  4   M. MISETIC : [interprétation]

  5   Q.  Monsieur Buhin, vous venez de voir des images qui montraient un train

  6   arrivant de Split à Knin le 15 août, et apparemment à bord de ce train se

  7   trouvaient de très nombreux civils. Vous rappelez-vous qu'un service

  8   ferroviaire reliant Split à Knin fonctionnait effectivement avant l'arrivée

  9   du train de la liberté à bord duquel se trouvait le président Tudjman le 26

 10   août ?

 11   R.  En cet instant, j'éprouve également quelques hésitations, car d'après

 12   les images que nous venons de voir, on peut penser que la circulation

 13   ferroviaire avait commencé déjà avant. Or, dans mon souvenir, le premier

 14   train n'a circulé que le jour où le président Tudjman se trouvait à bord du

 15   train. Mais maintenant, d'après les images, je vois que la circulation

 16   ferroviaire avait dû être rétablie déjà bien avant.

 17   Q.  Les personnes qui se trouvaient à bord du train venant de Split, dans

 18   le commentaire de la diffusion vidéo, nous avons entendu qu'il se trouvait

 19   environ 500 personnes à bord du train. Le journaliste, pour sa part, parle

 20   de 2 à 3 000 personnes qui se trouvaient à Knin ce jour-là. Mais il n'est

 21   pas exact, n'est-ce pas, que toutes ces personnes avaient besoin d'un

 22   laissez-passer pour entrer à Knin ?

 23   R.  De toute façon, toutes ces personnes n'auraient pas pu obtenir un

 24   laissez-passer. Il est exact que parmi ces personnes, il y en avait qui

 25   venaient sans laissez-passer.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 27   versement au dossier de la vidéo qui constitue la pièce 1D00-0423.

 28   M. MARGETTS : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

Page 10126

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

  3   devient la pièce D839.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D839 est admise en tant

  5   qu'élément de preuve.

  6   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je saisis l'occasion

  7   pour indiquer que le document dont nous parlions tout à l'heure était bien

  8   dans le classeur, mais qu'il était difficile à trouver. Je vous remercie.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je demande maintenant

 10   l'affichage sur les écrans de la pièce D661, je vous prie.

 11   Q.  Monsieur Buhin, ce que nous voyons sur nos écrans porte l'intitulé

 12   d'ordre de travail provenant du 6e poste de police de Benkovac, en date des

 13   11 à 12 septembre 1995. Donc, c'est un document qui identifie une

 14   patrouille. On voit dans ce document le nom de Stefan Ljutic.

 15   Veuillez d'abord nous expliquer ce qu'est un ordre de travail eu égard à

 16   une patrouille.

 17   R.  C'est le formulaire normal que l'on appelle un ordre travail, que tout

 18   officier de police ou tout membre d'une patrouille reçoit avant de partir

 19   vers le lieu où il est censé travailler.

 20   Q.  D'accord. Alors penchons-nous sur cet ordre de travail, document

 21   distribué aux membres de la patrouille. On voit l'énumération des missions

 22   confiées à la patrouille, et au troisième point de cette énumération, nous

 23   lisons, je cite : "Procéder à la vérification et à l'inspection de toute

 24   personne ou véhicule suspect (véhicule portant l'immatriculation de l'armée

 25   de la République de Croatie en particulier) et transmettre la note

 26   officielle qui s'impose."

 27   Et plus loin, nous lisons, je cite : "Les personnes prises en train de

 28   transporter des objets ou d'autres articles doivent être remises au poste

Page 10127

  1   de police pour enquête criminelle."

  2   Maintenant, tournons la page. Il s'agit d'un paragraphe de cet ordre de

  3   travail qui concerne une autre patrouille apparemment, ou en tout cas, la

  4   description de ce que la patrouille a fait dans le cadre des fonctions qui

  5   lui sont assignées.

  6   Et nous lisons ce que disent les membres de la patrouille pour la date du

  7   12 septembre, je cite : "A 20 heures 30, sur la route reliant Biljane

  8   Gornje à Atlagica Kula, nous avons rencontré Pero Ostric qui a été emmené

  9   au poste de police pour enquête ultérieure, en coopération avec les

 10   responsables de la police militaire. Le véhicule à bord duquel il se

 11   trouvait a été confisqué, et le document confirmant cette confiscation est

 12   fourni ci-joint."

 13   Alors, selon le libellé de l'ordre de travail, la police devait arrêter

 14   toute personne ou tout véhicule suspect, y compris des véhicules portant la

 15   plaque d'immatriculation de l'armée de Croatie, n'est-ce pas ?

 16   R.  La personne qui rédigeait les missions pour la patrouille manquait

 17   probablement d'expérience, parce que cette personne n'aurait pas pu confier

 18   cette mission à la police civile pour qu'elle vérifie les véhicules portant

 19   des plaques d'immatriculation de l'armée croate. Ça, c'est dans un premier

 20   temps.

 21   Deuxièmement, nous voyons que la police a agi rapidement, parce qu'en fait,

 22   ils ont fait arrêter ce véhicule qui était de type Zastava 750. Il

 23   s'agissait d'une voiture de particulier. Ils ont été en mesure de

 24   déterminer que cela était conduit par une personne portant l'uniforme

 25   militaire, et avec la police militaire, une enquête a été diligentée.

 26   Q.  Donc, je peux avancer donc que quelqu'un qui faisait partie de l'armée

 27   croate et qui portait l'uniforme pouvait être arrêté par la police si cette

 28   personne commettait un acte criminel. Cette personne pouvait donc être

Page 10128

  1   arrêtée et conduite au poste de police local du MUP pour être ensuite

  2   transférée à la police militaire. Il s'agissait bien de la procédure

  3   idoine, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir la pièce D97,

  6   je vous prie.

  7   Q.  Il s'agit d'un rapport envoyé par le ministre Jarnjak le 2 octobre

  8   1995. C'est un rapport qui est destiné au ministère public, au procureur,

  9   M. Hranjski.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir la page 2, je

 11   vous prie.

 12   Q.  Voyez qu'il s'agit de statistiques qui portent sur la période comprise

 13   entre le 22 août et le 2 octobre 1995. Il s'agit donc de statistiques

 14   établies par les administrations de la police. Vous avez dans un premier

 15   temps les profils des auteurs de crimes. Voyez pour Zadar-Knin, il est

 16   question de 192 enquêtes sur le terrain --

 17   M. MISETIC : [interprétation] Un petit moment.

 18   [Le conseil de la Défense se concerte]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il s'agit du document qui

 20   a posé problème un peu plus tôt avec les trois --

 21   M. MISETIC : [interprétation] Nous sommes en train de vérifier cela,

 22   Monsieur le Président.

 23   [Le conseil de la Défense se concerte]

 24   M. MISETIC : [interprétation] On me dit que la version exacte se trouve

 25   dans le prétoire électronique. Il va falloir établir le lien pour ce qui

 26   est de la traduction --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous avons déjà eu ce problème

 28   auparavant, effectivement.

Page 10129

  1   M. MISETIC : [interprétation]

  2   Q.  Voyez, dans la version croate, les auteurs de ces crimes ont été

  3   identifiés à Zadar-Knin, 28 membres de la HV, 194 civils, et il y a une

  4   personne coupable d'abus d'uniforme.

  5   En fait, la police pouvait tout à fait identifier des auteurs de crimes

  6   même s'il se trouvait qu'il s'agissait de membres de la HV, n'est-ce pas ?

  7   R.  Je ne peux pas véritablement avancer cela parce que s'il était établi

  8   que l'auteur du crime faisait partie de l'armée croate, la police militaire

  9   était convoquée, et c'est ensuite la police militaire qui se chargeait de

 10   cette affaire.

 11   Alors peut-être que dans certains cas, pour des raisons

 12   professionnelles ou pour d'autres raisons, ils travaillaient conjointement

 13   pour voir quels étaient les crimes qui avaient été commis par l'auteur des

 14   crimes en tant que membre de l'armée et quels étaient les crimes qui

 15   étaient commis par une personne civile.

 16   Q.  Est-ce que nous pouvons passer à la pièce D809.

 17   M. MISETIC : [interprétation] Je me permets de vous demander

 18   l'autorisation de procéder au changement pour ce qui est de la pièce D97, à

 19   savoir remplacer la traduction anglaise actuelle par la traduction anglaise

 20   corrigée.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, faites donc et nous nous en

 22   réjouissons d'ailleurs.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Q.  Alors voilà, il s'agit là d'un rapport d'enquête judiciaire déposé par

 25   M. Kardum, la date étant la date du 1er septembre 1995. Si vous regardez

 26   cette page, Monsieur, vous voyez qu'il s'agit d'un rapport d'enquête

 27   judiciaire établi à l'encontre de Nino Starcevic, qui a été identifié par

 28   M. Kardum, il s'agit d'un soldat dont le nom faisait partie des registres

Page 10130

  1   militaires de Zadar. 

  2   M. MISETIC : [interprétation] Si vous tournez la page.

  3   Q.  Veuillez parcourir cela, il semblerait que M. Starcevic a participé au

  4   vol d'un véhicule qui lui a été confisqué et un rapport d'enquête

  5   judiciaire a ainsi été déposé.

  6   En fait, les membres du ministère de l'Intérieur pouvaient déposer des

  7   rapports d'enquête judiciaire à l'encontre de personnes identifiées comme

  8   étant des membres de la HV, n'est-ce pas ?

  9   R.  Je ne peux pas avancer cela, car d'après ce que je sais, tout cela

 10   aurait dû être fait par la police militaire. Mais il se peut que je me

 11   trompe parce que je ne suis pas un expert versé dans les règles et les

 12   devoirs de la police judiciaire.

 13   Q.  Bien.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher la pièce

 15   D486, je vous prie.

 16   Q.  Il s'agit d'un rapport établi par Cedo Romanic en date du 21 septembre

 17   1995. Veuillez lire ce rapport, et indiquez-moi lorsque vous aurez terminé

 18   votre lecture.

 19   R.  J'ai fini ma lecture.

 20   Q.  Il s'agit d'un incident à un poste de contrôle, un officier de police a

 21   tiré deux salves de mitraillette contre un véhicule qui était conduit par

 22   Miroslav Lucin, parce qu'il a essayé de s'enfuir du poste de contrôle en

 23   conduisant. 

 24   M. Romanic, par le biais de cette lettre, indique qu'il a été fait usage de

 25   la force, que cette mesure était appropriée. Convenez-vous que des

 26   officiers de police pouvaient faire usage de la force pour appréhender un

 27   commandant de la HV pour l'empêcher de commettre un crime ?

 28   R.  A cette époque, c'était acceptable. A l'heure actuelle, il faut savoir

Page 10131

  1   que nous avons davantage de ressources, les communications sont meilleures,

  2   et je suis sûr que la police agirait de façon différente. La police

  3   essaierait de suivre le véhicule en question jusqu'à un endroit où il

  4   serait possible de l'arrêter et de s'acquitter de leur tâche de policier.

  5   Il ne faut pas oublier que c'était le début de la guerre, que les

  6   gens avaient la gâchette facile. La police a fait cela car l'objectif était

  7   de l'arrêter. Face à une personne si agressive qui avait dit qu'elle

  8   faisait partie de la police, elle aurait peut-être pu agir de façon encore

  9   plus grave, donc c'est la raison pour laquelle à ce moment donné cette

 10   mesure prise était acceptable.

 11   Q.  Pour ce qui est de --

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, est-ce que nous

 13   pourrions entendre de la part du témoin une réponse apparemment à la

 14   question que vous avez posée. Parce qu'en fait il ne s'agit pas de savoir

 15   quel type de force pouvait être utilisé contre une personne dans certaines

 16   circonstances, j'avais cru comprendre que vous lui avez demandé ce qu'il

 17   avait à dire à propos d'un officier de police qui prenait des mesures

 18   contre un militaire même si ce militaire avait une fonction de

 19   commandement.

 20   M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais à la ligne 17 je pense qu'il a

 21   répondu, page 46, ligne 17.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Voilà comment j'ai compris la

 23   réponse du témoin. Il a dit quel type de force peut être utilisé,

 24   maintenant il serait suivi, et cetera, et cetera. J'avais cru comprendre

 25   que vous lui avez demandé si quelqu'un qui faisait tout simplement partie

 26   de la police civile pouvait agir de cette façon à l'encontre de quelqu'un

 27   qui se trouvait en position de commandement militaire.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

Page 10132

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, il y a un problème.

  2   M. MARGETTS : [interprétation] Oui, et il faut savoir contre qui est

  3   dirigée cette mesure, parce qu'il y avait deux personnes qui avaient un

  4   statut différent.

  5   M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne souhaiterais pas que l'on discute

  7   de ce genre de chose en présence du témoin. Si vous posez une question et

  8   que le témoin répond en 30 secondes à la question, la Chambre apprécierait

  9   particulièrement le fait que la réponse fournie ait un lien avec la

 10   question que vous avez posée. En tout cas, cela nous permettrait de mieux

 11   comprendre.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 13   M. MARGETTS : [interprétation] Je souhaiterais que l'on précise la teneur

 14   du document plutôt que de nous donner une idée partielle à propos de ce

 15   document.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Je lui ai demandé de lire l'intégralité du

 17   document, alors je ne sais pas comment est-ce qu'il pourrait mieux nous

 18   préciser cela, mais je souhaiterais toutefois que l'on demande au témoin

 19   d'ôter ses écouteurs.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Il est indiqué de façon très, très claire

 22   dans la version en croate, et je pense également à la version anglaise,

 23   mais je vais vous le dire, il est dit que "le commandant d'état-major

 24   Miroslav Lucin a eu une altercation avec les policiers mentionnés ci-

 25   dessus, les a insultés, les a empêchés d'accomplir leur fonction. Puis il

 26   s'est assis."

 27   En fait il n'y a pas de point, il s'agit d'une seule phrase.

 28   Puisqu'il s'agit d'une seule et même phrase le sujet est le commandant

Page 10133

  1   Miroslav Lucin.

  2   Donc je suis absolument persuadé que la phrase fait référence au

  3   commandant et on utilise ce pronom personnel "il", voilà d'où vient le

  4   problème.

  5   M. MARGETTS : [interprétation] Notre problème c'est que c'est un document

  6   qui pose problème. Parce que la voiture est conduite par Dragomir Zepina,

  7   qui est civil, au départ la personne qui est assise à côté du conducteur

  8   est un commandant de la police militaire. Là nous avons une action

  9   conjointe menée contre des personnes qui représentent des instances

 10   différentes. Ce n'est pas aussi clair que cela, ce n'est pas tout

 11   simplement quelqu'un de la police civile contre un auteur de délit qui fait

 12   partie de l'armée --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, si nous voyons toute la

 14   chronologie des événements, il y a une voiture civile, une voiture de

 15   particulier qui est conduite, et d'ailleurs la personne en question, M.

 16   Zepina, comment est-il décrit --

 17   M. MARGETTS : [interprétation] Oui, je pourrais peut-être vous expliquer.

 18   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 19   M. MARGETTS : [interprétation] Nous voyons ici qu'il y a la police

 20   militaire et la police civile qui agissent de concert contre un auteur de

 21   délit militaire et un auteur de délit civil. Si la question qui est posée

 22   indique qu'il y a une mesure conjointe qui a été prise contre différentes

 23   personnes, cela me convient tout à fait.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Ce qui est important c'est qu'il parle de

 25   mesures conjointes qui ont été prises et que les deux ont été conduits au

 26   poste de police de Benkovac.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois d'où vient le problème. Il

 28   y a une voiture qui arrive près d'un poste de contrôle, à son bord il y a

Page 10134

  1   apparemment deux personnes, si vous lisez de façon soigneuse, visiblement

  2   il y en a une qui est civile parmi ces personnes, et il y a l'autre

  3   personne qui est un commandant, un militaire. Des mesures sont prises, et à

  4   partir de ces mesures qui sont prises on peut envisager la possibilité

  5   qu'il s'agissait d'un poste de contrôle mixte, parce qu'il est dit que le

  6   représentant du 6e poste de police de Benkovac et le membre du 72e Bataillon

  7   de la Police militaire de Benkovac ont opéré sur le site.

  8   Je suppose, Monsieur Margetts, que lorsqu'il est question du site, il est

  9   question du poste de contrôle, cela d'ailleurs étant une interprétation

 10   parmi tant d'autre. Donc ce que M. Margetts indique c'est qu'il se peut

 11   qu'il y ait eu un poste de contrôle mixte, et il y a deux personnes qui

 12   arrivent, un militaire et apparemment un civil, il semblerait a priori

 13   qu'il s'agisse également d'une voiture civile, ensuite il y a des mesures

 14   qui sont prises. Le problème de M. Margetts vient du fait que vous avez

 15   présenté cela au témoin à titre d'exemple, vous lui avez présenté cela

 16   comme une illustration de la façon dont la police civile pouvait prendre

 17   des mesures contre un commandant militaire. Est-ce que j'ai trop précisé

 18   cela ?

 19   M. MARGETTS : [interprétation] Non, c'est tout à fait cela. C'est justement

 20   là où je voulais en venir. Deuxièmement, on ne sait pas très bien à quelle

 21   heure ou quand cette personne avait des liens avec les militaires. Je ne

 22   vois pas de référence à un uniforme militaire; je vois qu'il y a un

 23   conducteur qui semble être à bord d'un véhicule civil.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Non, ce n'est pas ainsi que je vois les

 25   choses.

 26   Je pense que l'on a mal interprété ce qui a été dit. Il n'y a pas de

 27   référence au poste de contrôle conjoint. Ce qui s'est avéré c'est qu'une

 28   fois que la personne a été détenue, ils auraient pu appeler la police

Page 10135

  1   militaire sur les lieux.

  2   Moi, je lis la version croate.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle ligne exactement lisez-vous ?

  4   M. MISETIC : [interprétation] Il s'agit du troisième paragraphe. Cela a été

  5   traduit par les termes "ont opéré sur le site", mais dans le document

  6   d'origine, il est question des lieux du crime, et vous avez les personnes

  7   qui ont pris des mesures. Vous avez le lieu du crime, vous avez un pneu de

  8   voiture contre lequel on a tiré, vous avez la police militaire de la HV et

  9   la police civile qui arrive sur les lieux en question.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ça c'est également une

 11   interprétation de votre part. Nous avons demandé au témoin de lire un

 12   document, vous voyez, il y a trois juristes éminents qui semblent ne pas

 13   être d'accord --

 14   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais quand même dire quelque chose --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être mais --laissez-moi finir

 16   quand même. Il y a visiblement un désaccord à propos de ce que nous indique

 17   ce document. Vous demandez au témoin de le lire le document et vous ne

 18   savez pas quelle va être son interprétation du document, donc je pense que

 19   cela pourrait susciter beaucoup de confusion, on ne saura pas si l'on parle

 20   de la même chose. Bien entendu, il aura lu la version croate, mais il va

 21   peut-être avoir lu quelque chose de tout à fait différent de ce que j'ai

 22   lu, de ce que M. Margetts a lu et de ce que vous avez lu, et c'est quelque

 23   chose qu'il faut éviter coûte que coûte.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Je comprends tout à fait le point de vue

 27   exprimé par M. Margetts, évidemment nous pensons qu'il a tort. J'ai

 28   présenté au témoin, avant de lui montrer ce document, un ordre de service

Page 10136

  1   où il est indiqué précisément que ce poste de police doit arrêter les

  2   véhicules où il y a des plaques d'immatriculation de la HV. Ensuite, le

  3   témoin nous dit que c'est quelqu'un d'autre qui a rédigé l'ordre et que ces

  4   personnes ne savaient pas ce qu'elles rédigeaient.

  5   Je comprends tout à fait que M. Margetts veuille complètement disséquer le

  6   document, mais je souhaiterais présenter le document au témoin, puisqu'il

  7   est policier il peut interpréter, en fait j'aimerais lui poser la question

  8   suivante : est-ce que vous pouviez faire usage de la force pour tirer sur

  9   un pneu de voiture conduite par un membre de l'armée croate. Dans les

 10   questions supplémentaires il pourrait lui poser la question à propos des

 11   voitures civiles et non pas des voitures militaires.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais cela exige une analyse telle

 13   qu'elle n'est peut-être pas requise pour le témoin, je n'en sais rien, je

 14   pense que le témoin doit pouvoir se sentir libre de décrire toutes les

 15   circonstances pour lesquelles cela serait acceptable ou non, mais cela nous

 16   prendrait une demi-heure au moins.

 17   M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais toute personne qui porte un

 18   uniforme militaire ne pouvait pas être arrêtée par la police. C'est ce

 19   qu'ils ont avancé. C'est ce qu'ils avancent jusqu'à présent.

 20   M. MARGETTS : [interprétation] Je pense que je suis peut-être mieux placé

 21   pour expliquer notre point de vue.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais s'ils peuvent prouver que lorsque

 23   quelqu'un portait un uniforme militaire on ne pouvait pas faire usage de la

 24   force contre lui --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans toutes les circonstances --

 26   M. MISETIC : [interprétation] -- alors je n'insisterai pas.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Margetts va avoir la possibilité de

 28   nous le dire.

Page 10137

  1   M. MARGETTS : [interprétation] Ce n'est pas la question des uniformes

  2   militaires qui est pertinente dans ce document.

  3   Il n'y a pas de référence dans ce document hormis le fait que la

  4   personne est identifiée comme faisant partie de l'armée. Les personnes

  5   savaient à quel moment ces mesures ont été prises, qu'elles fassent ou non

  6   partie de l'armée. Pour ce qui est de l'utilisation de l'uniforme

  7   militaire, il y a des moyens de preuve considérables, et d'ailleurs j'en ai

  8   pour preuve différents documents qui ont montré comment la police de base

  9   fonctionnait et agissait.

 10   Je pense que ce témoin a des moyens de preuve importants à nous

 11   donner à ce sujet, d'où le problème parce que ce document enduit en erreur

 12   le témoin et ne nous permet pas de trouver des moyens de preuve qui

 13   seraient pertinents en l'espèce.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Le fait qu'il a un certain point de vue

 15   à propos de ce document ne signifie pas que je ne peux pas présenter cela

 16   au témoin.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Il l'a fait avec son carnet de bord. En fait,

 19   il a présenté des journaux, des carnets de bord de personnes à ce témoin

 20   alors qu'il n'était absolument pas préoccupé par ces questions.

 21   [Le conseil de la Défense se concerte]

 22   [La Chambre de première instance se concerte]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, la Chambre est d'avis

 24   que pour ce qui est du document et des questions que vous avez posées au

 25   témoin, le risque de confusion est beaucoup trop important pour vous

 26   permettre de continuer de la sorte.

 27    Ce qui ne signifie pas que vous ne pouvez pas poser des questions à

 28   propos des éléments de fond que vous voulez soulever, mais pas sur la base

Page 10138

  1   de ce document qui, de façon très factuelle, nous donne une description de

  2   la situation. Poursuivez, en tenant compte de ce que je viens de dire.

  3   M. MISETIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Buhin, pour arrêter quelqu'un qui est en train de commettre un

  5   crime, et j'inclus dans ma question des membres de la HV, si la police

  6   militaire ne se trouvait pas aux côtés de la police, de la police de métier

  7   sur les lieux d'un crime alors qu'un crime était commis, la police avait le

  8   droit de faire usage de la force pour empêcher les membres de la HV de

  9   commettre des crimes, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  Maintenant --

 12   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je lui demander

 13   si dans ce document telle chose et telle chose --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites abstraction du document.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Bien.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hier, des questions hypothétiques ont

 17   été posées. Je n'avais pas encouragé ce genre d'exercice, mais si vous

 18   décrivez de façon claire une situation hypothétique, nous aimerions

 19   entendre la réponse du témoin. Mais il ne faut pas que cela prête à

 20   confusion.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc dans ces circonstances,

 23   exceptionnellement, je vous y autorise.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Oui. 

 25   Q.  Je vais vous poser une question fondamentale.

 26   Est-ce que vous saviez qu'a un moment donné aux alentours du 5 [comme

 27   interprété] septembre, il n'y a plus eu de postes de contrôle mixtes avec

 28   la police militaire, il n'y avait plus que le MUP qui contrôlait les postes

Page 10139

  1   de contrôle ? Est-ce que vous le saviez, cela ?

  2   R. Je ne sais pas quand est-ce que cela a été fait, mais je sais que

  3   cela a été fait.

  4   Q.  Si le MUP était de faction seul à un poste de contrôle et qu'un membre

  5   de la HV à bord d'une voiture particulière refusait de s'arrêter à un poste

  6   de contrôle du MUP, il est vrai, n'est-ce pas, que les officiers du MUP

  7   avaient le droit de faire usage de la force, si nécessaire, pour arrêter

  8   cette personne au poste de contrôle ?

  9   R.  C'est vrai. D'autant plus que la police ne savait absolument pas,

 10   n'avait aucune façon de savoir ce qui était transporté dans les véhicules,

 11   de savoir quelles étaient les intentions des conducteurs. Donc les

 12   véhicules devaient être arrêtés coûte que coûte et une vérification devait

 13   être faite.

 14   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant aborder un nouveau

 15   sujet.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien entendu, mais maintenant il y

 17   a quelque chose qui m'est passé par l'esprit. Vous avez une voiture civile

 18   qui arrive à un poste de contrôle, mais comment est-ce qu'on sait qu'à son

 19   bord se trouve un militaire ?

 20   M. MISETIC : [interprétation] Je vais lui poser la question.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   M. MISETIC : [interprétation]

 23   Q.  Si un véhicule s'approche d'un poste de contrôle, toutes les personnes

 24   qui conduisaient ce genre de véhicule civil devaient s'arrêter au poste de

 25   contrôle, même les personnes qui portaient l'uniforme militaire, n'est-ce

 26   pas ?

 27   R.  Oui. Oui, les gens devaient présenter leurs documents d'identité pour

 28   voir s'ils faisaient bien partie de l'armée ou s'il s'agissait de personnes

Page 10140

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 10141

  1   tout simplement qui portaient des uniformes militaires.

  2   Q.  Donc le document d'identité prouve à l'officier au poste de contrôle

  3   que la personne fait bien partie de la HV, puis par ailleurs, l'officier

  4   voit dans le véhicule des biens qui, d'après lui, sont des biens qui ont

  5   été volés. Donc cet officier était autorisé à arrêter le membre de la HV in

  6   situ, de le conduire au poste de police local, ensuite il devait attendre

  7   l'arrivée de la police militaire pour que la police militaire prenne la

  8   relève; c'est cela ?

  9   R.  Oui, c'est tout à fait cela.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Misetic.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Merci.

 12   Monsieur le Président, je ne sais pas quand vous envisagez d'avoir la

 13   pause.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai oublié de regarder l'heure. Voyons,

 15   je pense qu'il faudrait faire une pause dans une dizaine de minutes.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez décider vous-même quel est

 18   le moment propice pour ce faire.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Merci.

 20   Q.  Monsieur Buhin, parlant de ces certificats, tels que vous les avez

 21   appelés dans votre déclaration, vous avez dit qu'ils étaient peut-être

 22   falsifiés. Est-ce que vous vous souvenez de votre déposition à ce sujet ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Tout d'abord, vous personnellement, avez-vous jamais vu un véhicule

 25   militaire à bord duquel il s'y trouvait des biens pour lesquels vous

 26   pensiez que c'étaient des biens volés ? Je parle de vous personnellement ?

 27   R.  Moi, personnellement, non, je n'en ai jamais vu.

 28   Q.  Personnellement, avez-vous jamais vu que la police militaire a permis à

Page 10142

  1   un véhicule militaire de passer alors que l'on disposait d'un certificat

  2   falsifié ?

  3   R.  Non. Je n'étais jamais présent lors d'une occasion pareille.

  4   Q.  Dans ce cas-là, je suppose que là vous parlez de quelque chose que des

  5   policiers qui étaient placés sous vos ordres vous avaient signalé ?

  6   R.  Oui. Je l'ai appris moi-même en parlant avec des policiers qui se

  7   trouvaient aux points de contrôle, qu'on avait vu un camion qui avait

  8   l'indication HV, qu'il était arrêté aux points de contrôle et qu'on l'a

  9   laissé passer par la suite. On supposait qu'à bord de ce camion se

 10   trouvaient des équipements qui n'appartenaient pas à l'armée, mais il

 11   s'agit là que des conjectures qu'on était en train de faire. Ce n'étaient

 12   que des rumeurs qui circulaient à l'époque, parce qu'il était très

 13   difficile de dire à quoi servaient ces biens pour l'armée croate.

 14   Q.  A votre niveau et vos subordonnés, vous ne pouviez pas vérifier s'il y

 15   avait de la vérité dans ces rumeurs, n'est-ce pas ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Vous ou vos subordonnés, vos policiers subordonnés, est-ce que vous

 18   savez que les véhicules de la HV servaient à fournir de soutien logistique

 19   pour toutes sortes d'activités qui d'habitude sont des activités civiles,

 20   des activités que procédait le gouvernement dans les zones nouvellement

 21   libérées ?

 22   R.  Je ne peux pas vous dire avec certitude que nous le savions. On le

 23   supposait, on supposait que c'était utilisé à cette fin.

 24   Q.  Vous étiez dans le secteur. Peut-on dire que l'institution qui avait le

 25   plus de capacités logistiques au sein du gouvernement croate à l'époque,

 26   dans ce secteur, était effectivement l'armée croate ?

 27   R.  Personne d'autre n'aurait pu le faire à l'époque, de toute façon.

 28   Q.  Donc l'armée était impliquée dans les travaux tels que déblayer les

Page 10143

  1   routes, n'est-ce pas ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  L'armée procédait au déblayage des villes suite à des actions

  4   militaires, n'est-ce pas, pour enlever les débris et les déchets ?

  5   R.  Partiellement, la protection civile s'en chargeait, mais l'armée était

  6   utilisée à cette fin aussi.

  7   Q.  Vous avez dit tout à l'heure que vous pensiez que le général Cermak

  8   avait, entre autres, comme fonction de rétablir les infrastructures dans le

  9   secteur, n'est-ce pas ?

 10   R.  Je pensais que sa fonction englobait beaucoup de choses et qu'il devait

 11   aider à ce que l'on normalise la vie dans la ville.

 12   Q.  Cela comprenait aider le gouvernement civil dans les tâches que le

 13   gouvernement civil ne pouvait pas accomplir à l'époque, étant donné qu'il

 14   manquait de moyens logistiques, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui. Bien sûr que oui.

 16   Q.  Saviez-vous que le général Cermak, en essayant d'aider les autorités

 17   civiles, avait à sa disposition des camions et d'autres équipements pour

 18   aider le gouvernement civil à rétablir la vie normale dans la région ?

 19   R.  Les membres de l'armée étaient les seuls qui avaient un plus grand

 20   nombre de moyens et de véhicules à leur disposition. Les autorités civiles

 21   n'en disposaient pas autant.

 22   Q.  Ce qu'on transportait à bord de ces véhicules, les policiers ne

 23   pouvaient pas le savoir, n'est-ce pas, à moins qu'ils n'aient vérifié eux-

 24   mêmes ce qui se trouvait à bord de ces véhicules et pour quelle raison,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Mes dernières questions portent sur la pièce D48.

 28   En attendant son affichage à l'écran, conviendrez-vous que si aux points de

Page 10144

  1   contrôle les membres de la police permettaient aux camions appartenant à la

  2   HV qui avaient à bord des biens volés, si l'on permettait à ces véhicules

  3   de traverser les points de contrôle, cela constituerait un acte criminel

  4   commis par les membres de la police militaire croate, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Dans sa lettre adressée à Lausic, le 17 août, M. Moric indique

  7   différents problèmes rencontrés avec les membres de la HV. M. Margetts vous

  8   a posé des questions au sujet de cette lettre et vous a demandé si

  9   certaines choses évoquées dans cette lettre étaient effectivement des

 10   choses que vous aviez signalées à Zagreb, et vous avez accepté que c'était

 11   effectivement le cas.

 12   S'il y avait un problème, à savoir que les membres de la police militaire

 13   aux points de contrôle aidaient des gens à piller des biens dans le

 14   secteur, c'est quelque chose que vous auriez signalé à M. Moric pour que

 15   lui puisse en rendre compte à M. Lausic, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Merci, Monsieur Buhin. Je n'ai plus de questions pour vous.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

 19   M. MARGETTS : [interprétation] J'ai juste quelques questions pour les

 20   questions supplémentaires, si vous me permettez. Ça prendra entre cinq et

 21   dix minutes.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous proposez que vous posiez

 23   d'abord vos questions et qu'on lève la séance pour aujourd'hui.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, nous souhaiterions

 26   d'abord faire la pause, parce que nous aurons peut-être des questions. De

 27   toute façon, il faudra faire la pause.

 28   J'ai du mal à voir l'heure. Nous allons reprendre à 17 heures 40.

Page 10145

  1   --- L'audience est suspendue à 17 heures 16.

  2   --- L'audience est reprise à 17 heures 45.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

  4   J'ai entendu le canal B/C/S sur le canal 4. Je n'entends plus maintenant,

  5   j'imagine que le problème a été résolu. Veuillez poursuivre.

  6   M. MARGETTS : [hors micro]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a encore un problème, Monsieur

  8   Margetts.

  9   M. MARGETTS : [interprétation] Je vais répéter.

 10   Monsieur le Greffier, je vous prie d'afficher la pièce D233.

 11   Nouvel interrogatoire par M. Margetts : 

 12   Q.  [interprétation] Monsieur Buhin, hier soir, Me Mikulicic vous a posé

 13   une question au sujet des missions confiées aux équipes de la protection

 14   civile chargées des travaux sanitaires. Vous avez parlé du déminage, et

 15   vous avez parlé brièvement des techniciens membres de la police

 16   scientifique et du rôle des équipes chargées des travaux sanitaires.

 17   Là, vous avez un ordre en date du 5 août 1995 qui émane de Zdravko Zidovec,

 18   qui traite des mesures hygiéniques et sanitaires. Je vous prie de le lire

 19   et de me le dire quand vous aurez terminé la lecture.

 20   R.  J'ai terminé la lecture.

 21   Q.  Merci. Une question toute brève. Avez-vous déjà vu cet ordre ou les

 22   éléments qui figurent dans cet ordre ? Est-ce que ces éléments vous ont été

 23   communiqués au préalable ?

 24   R.  Je ne l'ai jamais vu auparavant. Mais j'ai appris que c'était la

 25   manière dont il fallait procéder.

 26   Q.  Aux points 1 à 4 est déterminée quelle est la procédure qu'il fallait

 27   adopter et comment les équipes chargées des travaux sanitaires devaient

 28   réaliser ces missions.

Page 10146

  1   R.  Oui, précisément. Mais je ne pourrais pas vous dire si effectivement

  2   cela était suivi à la lettre dans tous les cas.

  3   Q.  Merci, Monsieur Buhin. Passons maintenant à un autre sujet.

  4   Aujourd'hui, Me Misetic a parlé avec vous au sujet du retour des civils

  5   dans le secteur. En répondant à l'une de ses questions, vous avez dit que

  6   les civils qui disposaient d'une sorte de laissez-passer pouvaient

  7   traverser les points de contrôle.

  8   A l'époque, en août 1995, aviez-vous peur des terroristes ou de ceux qui

  9   s'opposaient à ce que le gouvernement croate investisse le territoire ?

 10   M. MISETIC : [interprétation] Il n'y a pas de lien entre mes questions et

 11   la présence de terroristes. On indique faussement la teneur de sa

 12   déposition au sujet de ces laissez-passer. Je pense que le témoin a dit

 13   précisément le contraire de ce que le Procureur vient de dire.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne fais pas droit à votre objection.

 15   La question porte sur le contrôle des personnes qui rentraient ou qui se

 16   déplaçaient dans le secteur. Vous pouvez poursuivre, Monsieur Margetts.

 17   M. MARGETTS : [interprétation]

 18   Q.  Monsieur Buhin, à l'époque, en août 1995, aviez-vous peur de la

 19   présence éventuelle des terroristes ou de ceux qui s'opposaient au contrôle

 20   qu'exerçait le gouvernement croate sur le territoire ?

 21   R.  Oui, bien sûr que c'était quelque chose qui me préoccupait.

 22   Q.  Est-ce que c'est justement une des raisons pour lesquelles ces laissez-

 23   passer étaient délivrés, que les civils étaient enregistrés ?

 24   R.  Je pense que oui.

 25   Q.  Peut-on dire alors qu'entre autres, le rôle de la police régulière

 26   était de surveiller et de savoir qui était présent sur le territoire ?

 27   R.  Oui. Lorsqu'on procédait à l'identification d'une personne, il fallait

 28   savoir si cette personne était enregistrée ou si c'était quelqu'un qui

Page 10147

  1   était resté sur place après les opérations militaires.

  2   Q.  Et aux points de contrôle, vous tâchiez de le faire, et dans le

  3   secteur, de manière générale, vous essayiez d'établir qui était présent ?

  4   R.  Aux points de contrôle, s'agissant des personnes qui entraient et qui

  5   sortaient, on procédait aux vérifications et aux contrôles; et par le biais

  6   des patrouilles dans le secteur, l'on procédait à vérifier les documents

  7   appartenant aux personnes que l'on soupçonnait pour quoi que ce soit.

  8   Q.  Merci, Monsieur Buhin. Je n'ai plus de questions.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Juste quelques questions.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'habitude, ce sont les Juges qui posent

 12   des questions et ensuite, vous verrez si nos questions suscitent d'autres

 13   questions.

 14   Monsieur Buhin, Mme le Juge Gwaunza a une question pour vous.

 15   Questions de la Cour : 

 16   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] J'aimerais que l'on revienne à votre

 17   déclaration, page 5 de la version en anglais, le quatrième paragraphe. Je

 18   ne sais pas quel serait le paragraphe dans l'autre version.

 19   Dans ce paragraphe, au milieu :"Après que l'armée a libéré Knin, certains

 20   d'entre eux sont partis en Bosnie. Une fois rentrés, ces soldats ont

 21   procédé aux actes de pillage et d'incendie." Ma question est la suivante :

 22   lorsqu'ils sont rentrés, saviez-vous si quoi que ce soit avait été

 23   entrepris pour les empêcher à piller et à incendier ?

 24   R.  Les premiers jours, c'était très difficile de faire, parce qu'il y

 25   avait un grand nombre de personnes en uniforme de l'armée croate, parce

 26   qu'il y avait peu de policiers. Il était quasiment impossible de contrôler

 27   la situation. Ce n'est qu'après sept ou dix jours qu'on a commencé à

 28   contrôler la situation d'une manière un peu plus stricte.

Page 10148

  1   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Merci, mais la première partie de ma

  2   question portait sur le fait de savoir quand est-ce qu'ils sont rentrés.

  3   R.  Excusez-moi. Pourriez-vous répéter votre question ?

  4   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Oui. Vous dites dans votre

  5   déclaration : "Après que l'armée a libéré Knin, certains membres de l'armée

  6   sont partis en Bosnie." Ensuite, vous dites : "Une fois qu'ils sont

  7   rentrés," j'imagine que vous parlez de ces mêmes soldats, "une fois de

  8   retour, ces soldats se sont livrés aux actes de pillage et d'incendie."

  9   Alors, ma question est la suivante : quand est-ce qu'ils sont rentrés ?

 10   R.  Je ne peux pas vous dire quand, mais c'était cinq ou dix ou 15 jours

 11   plus tard. Je ne pourrais pas vous donner une date précise.

 12   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Merci. J'ai encore une question

 13   relative au dernier paragraphe sur cette même page. Vers la fin de ce

 14   paragraphe, ici, vous parlez des policiers qui sont rentrés et vous dites :

 15   "Certains d'entre eux ont pris la retraite à cause des erreurs qu'ils

 16   avaient commises." Ma question est la suivante : quelles étaient ces

 17   erreurs ?

 18   R.  D'après ce que je sais, ils n'entreprenaient pas de mesures qu'ils

 19   étaient censés entreprendre. Il s'agit des régions de Glina et Petrina.

 20   Mais je ne connais pas très bien les détails de ces événements.

 21   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Kinis a encore quelques

 23   questions pour vous.

 24   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Monsieur Buhin, tout d'abord, j'ai une

 25   question générale. Je vous prie de nous expliquer la différence entre un

 26   registre policier et un registre des casiers judiciaires, et comment on les

 27   tenait.

 28   R.  Le registre est quelque chose qui existe dans chaque poste de police et

Page 10149

  1   dans chaque administration de la police. L'on y consigne la date et l'heure

  2   à laquelle une information a été signalée, puis la teneur de cette

  3   information, dans une rubrique distincte, l'on indique quelles sont les

  4   mesures prises à ce sujet.

  5   S'agissant du casier criminel, c'est un registre à part au sein de la

  6   police judiciaire.

  7   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Compte tenu de votre réponse,

  8   j'aimerais que l'on précise quelque chose. Comment pouviez-vous déterminer

  9   si un incident signalé à la police comportait des éléments criminels si

 10   vous n'avez pas pu examiner au préalable ledit incident ?

 11   R.  C'était impossible à confirmer.

 12   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Alors la question qui se pose est de

 13   savoir quelle était la procédure qui vous permettait de rendre compte du

 14   fait que tel ou tel incident correspondait à un crime, et que tel autre

 15   incident ne correspondait pas à un crime ?

 16   R.  Après réception de l'information ou après tout autre façon qui

 17   permettait d'apprendre qu'un acte criminel avait été commis, une patrouille

 18   était envoyée sur les lieux, ou même un représentant du poste de police,

 19   pour vérifier ce qui s'était passé. C'est seulement après le rapport du

 20   policier ou de la patrouille concernée que d'autres actes étaient entrepris

 21   selon le fait qu'on avait déterminé qu'il s'agissait d'un acte criminel ou

 22   pas.

 23   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Toujours dans le même ordre d'idée, je

 24   demanderais à M. le Greffier d'afficher sur les écrans votre déclaration

 25   écrite, page 4 de la version anglaise, premier paragraphe en haut de la

 26   page.

 27   Dans ce paragraphe, vous dites : "Je recevais régulièrement des

 28   renseignements au sujet des crimes commis chaque jour. Si la chose était

Page 10150

  1   possible, nous envoyions sur place des policiers et rendions compte", et

  2   cetera, et cetera.

  3   Ma question est la suivante : pourriez-vous expliquer à la Chambre quel est

  4   le sens exact des mots que vous utilisez ici lorsque vous dites "si la

  5   chose était possible" ?

  6   R.  Etant donné qu'il était question des circonstances qui prévalaient

  7   immédiatement après les combats sur un terrain qui n'était pas bien connu

  8   par les policiers et qui pouvait éventuellement être miné, il y a eu des

  9   cas où il était difficile, sinon pratiquement impossible de se rendre

 10   immédiatement sur les lieux pour procéder aux constations d'usage. Il

 11   arrivait parfois que nous ayons besoin de prendre d'autres mesures aux fins

 12   de vérifier que l'équipe de déminage s'était bien rendue sur les lieux, ou

 13   que des personnes connaissant le terrain étaient sur place. C'est à cela

 14   que je pensais lorsque j'ai dit cela.

 15   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Oui, je comprends bien. Je comprends

 16   que dans certaines circonstances il peut y avoir des raisons qui

 17   éventuellement entravent le travail de la police et que la police soit

 18   placée dans l'impossibilité de réagir immédiatement.

 19   Mais est-ce que vos mots pourraient signifier, et si je me trompe

 20   veuillez me le dire, je vous prie, est-ce que les mots employés par vous

 21   pourraient signifier qu'il arrivait parfois que la police n'intervienne pas

 22   dans une situation donnée, qu'elle n'intervienne pas du tout ?

 23   R.  La police procédait toujours aux constatations et vérifications

 24   d'usage. Nous ne renoncions pas. La seule question qui se posait était de

 25   savoir s'il était possible de le faire immédiatement après les faits ou

 26   d'attendre que d'autres mesures soient prises dans l'intervalle.

 27   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Cela signifie que vous êtes en mesure

 28   de confirmer ici devant le Tribunal que dans tous les cas où un rapport

Page 10151

  1   était reçu indiquant qu'un acte criminel avait été commis, une action

  2   policière s'ensuivait. Ce que je viens de dire est-il exact ?

  3   R.  Exact.

  4   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] A présent, j'ai encore une question à

  5   vous poser. S'agissant de la pièce D49, et Monsieur le Greffier, je vous

  6   demanderais de bien vouloir afficher ce document sur les écrans.

  7   Si je ne me trompe, ce document est l'ordre émanant de Joska Moric le 18

  8   août 1995.

  9   Ma question est la suivante et elle concerne le deuxième paragraphe de ce

 10   texte dans lequel nous lisons : "A compter d'aujourd'hui, tout incendie

 11   volontaire de maisons ou acte de pillage doit faire l'objet d'une enquête

 12   sur les lieux." 

 13   Avez-vous respecté cet ordre ?

 14   R.  Je pense que oui. Je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas enquêté au

 15   sujet d'un cas quelconque.

 16   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Oui, mais lorsque nous nous penchons

 17   sur les registres de la police et que nous comparons ce document avec

 18   d'autres éléments de preuve reçus par la Chambre depuis le début de la

 19   présente affaire, nous pourrions aboutir à une conclusion un peu

 20   différente, à savoir qu'en réalité tous les incendies impliquant des actes

 21   de pillage n'ont pas toujours fait l'objet d'une enquête sur les lieux.

 22   Ceci a d'ailleurs été confirmé parce que vous l'avez dit vous-même en

 23   indiquant que la police judiciaire n'avait pas toujours entrepris les actes

 24   nécessaires au vu de tels incidents, faute d'effectifs. Comment expliquez-

 25   vous cette situation en réalité ? En tant que coordinateur, quelles étaient

 26   exactement les fonctions qui vous incombaient en vue d'assurer l'exécution

 27   de cet ordre, et quelles mesures avez-vous réellement prises à cette fin ?

 28   R.  Je n'ai pas le souvenir de ces problèmes, mais ce sont des problèmes

Page 10152

  1   qui relèvent de l'action de la police judiciaire et qui ne relevaient pas

  2   de ma responsabilité. En tout cas, pour autant que je le sache, chaque fois

  3   que des informations étaient reçues par la police de base, elle réagissait

  4   et envoyait des hommes sur le terrain, et la police judiciaire était elle

  5   aussi dûment informée.

  6   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Monsieur Buhin, si les éléments

  7   d'information dont je dispose sont exacts, et je parle de votre déposition

  8   et également de la déposition de M. Kardum en particulier, il n'a parfois

  9   reçu aucune information au sujet d'un acte criminel tel qu'incendie

 10   volontaire ou pillage commis à Knin, donc je me demande comment il était

 11   possible que les observateurs internationaux aient constaté que de tels

 12   incidents avaient eu lieu alors que la police n'aurait rien constaté de son

 13   côté ?

 14   R.  Je ne voudrais pas contester les affirmations de M. Kardum. Ce que je

 15   sais c'est que nous avons agi comme nous le devions en réaction à tous les

 16   rapports, à toutes les informations reçues, et pour autant que je le sache,

 17   il n'y avait aucune raison de ne pas agir suite à une information relative

 18   à un tel incident.

 19   Je n'exclus pas la possibilité qu'il y ait eu des cas de ce genre lorsque

 20   nous étions incapables de réagir physiquement à de tels rapports ou de

 21   telles informations, mais en tout cas chaque fois qu'un officier de police

 22   avait constaté un incident, une action était entreprise comme il se doit.

 23   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Je vous remercie.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Buhin, j'aimerais vous donner

 25   lecture de certaines parties de la déclaration écrite qui vous a été

 26   soumise mais qui n'a pas été versée au dossier. Il s'agit de la note

 27   officielle qui a été placée sous vos yeux, celle qui a été établie le 13

 28   octobre 2001. La question qui m'intéresse est la situation prévalant à

Page 10153

  1   Grubori. Dans ce document, nous trouvons une indication de ce que vous

  2   auriez écrit dans un rapport, et nous lisons ce qui suit :

  3   "Il", ce qui veut dire vous, "a désigné les patrouilles de police qui

  4   devaient se rendre sur les lieux de l'incident. Peu de temps après, il a

  5   reçu un appel téléphonique de Joska Moric, assistant du ministre, qui

  6   l'appelait depuis le quartier général du MUP à Zagreb, et qui lui a dit

  7   qu'il n'était pas nécessaire d'envoyer sur les lieux de l'incident des

  8   patrouilles de police car des membres de la police spéciale y seraient

  9   envoyés à leur place."

 10   Un peu plus loin dans le texte, nous lisons : "Il a le souvenir

 11   d'avoir fait remarquer qu'un officier de police devait dans tous les cas

 12   être envoyé sur les lieux d'un incident afin de vérifier la véracité des

 13   rapports des représentants des Nations Unies."

 14   Un peu plus bas dans le texte, nous lisons qu'il a écrit qu'après que

 15   vous ayez reçu la consigne de respecter les ordres de ne pas envoyer des

 16   officiers de police sur les lieux de l'incident : "Il a respecté cet ordre

 17   et aucune patrouille de police n'a été envoyée sur les lieux de l'incident,

 18   mais que toutefois déterminer si des membres de la police spéciale se sont

 19   rendus sur les lieux de l'incident ou pas, il n'est pas en mesure de le

 20   dire."

 21   Pourriez-vous me dire si ce dont je viens de donner lecture rend bien

 22   compte de ce que vous avez déclaré, et je vous demanderais, si tel n'est

 23   pas le cas, d'expliquer aux Juges de la Chambre dans quelle mesure le texte

 24   dont je viens de donner lecture s'écarte de ce que vous avez dit.

 25   R.  Ceci n'est qu'une interprétation personnelle de quelqu'un qui se

 26   trouvait dans le voisinage au moment des faits.

 27   M. Moric s'est contenté de me dire en quelques mots que je n'avais

 28   pas besoin de faire le travail de la police judiciaire, mais qu'il fallait

Page 10154

  1   que je fasse le travail correspondant à mes attributions et, que pour le

  2   reste, je devais laisser cela à d'autres, c'est-à-dire aux représentants de

  3   la police judiciaire. En tout cas, je pense qu'il avait à l'esprit la

  4   police judiciaire.

  5   J'ai constaté qu'il n'était pas nécessaire que nous continuions à

  6   nous occuper de cela, donc nous sommes passés à d'autres missions qui nous

  7   attendaient ce jour-là, nous avons cessé d'agir en tant que police de base

  8   au sujet des événements de Grubori. Voilà.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que j'aimerais que vous nous disiez

 10   ce n'est pas si telle ou telle chose ne s'est pas produite, mais ce qui,

 11   dans le texte dont j'ai donné lecture, ne correspond pas à vos propos. Vous

 12   avez dit notamment que ceci était l'interprétation personnelle de quelqu'un

 13   et que, puisqu'il a été question d'envoyer la police spéciale sur place,

 14   vous avez pensé ne pas avoir besoin d'y aller. En tout cas, c'est de cette

 15   façon que les choses ont été rapportées.

 16   Est-ce que vous êtes en train de dire qu'à l'époque vous auriez dit

 17   ou affirmé que la police judiciaire serait envoyée sur les lieux, ou

 18   plutôt, comme c'est écrit ici, que c'était la police spéciale qui y serait

 19   envoyée ?

 20   R.  Il est certain qu'après 13 ans je n'ai pas un souvenir totalement

 21   précis de chaque mot prononcé par moi. J'ai le souvenir de l'incident et de

 22   ce qui s'est passé en réaction à cet incident, pour l'essentiel.

 23   J'ai donné mon accord au sujet de la procédure dans mes contacts avec M.

 24   Ivica Cetina, et j'étais sûr que la procédure serait respectée. Mais c'est

 25   seulement l'appel de M. Moric qui a mis un terme à l'action entreprise par

 26   la police de base, mais je pensais que la police judiciaire allait

 27   continuer le travail et prendre toutes les mesures nécessaires.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans cette déclaration écrite, nous

Page 10155

  1   lisons noir sur blanc ce que vous auriez dit, à savoir que dans une

  2   conversation téléphonique, M. Moric vous aurait dit qu'il n'était pas

  3   nécessaire d'envoyer sur les lieux les membres de la police de base parce

  4   que les membres de la police spéciale y seraient envoyés à leur place.

  5   Est-ce bien ce que M. Moric vous a dit et ce que vous avez rapporté à la

  6   personne qui vous a interrogé le 13 octobre 2001 ?

  7   R.  Cet entretien de 2001 a eu lieu, lui aussi, plusieurs années plus tard.

  8   Je ne me rappelle pas mot pour mot les mots que j'ai pu échanger avec M.

  9   Moric, mais il y a un détail dont je me souviens, à savoir qu'il a parlé de

 10   la police spéciale.

 11   D'après mes souvenirs, il a dit qu'il savait où se trouvaient les cadavres

 12   et que le travail serait fait.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant l'entretien de 2001, avez-vous

 14   dit que vous ne saviez pas si des membres de la police spéciale se sont

 15   effectivement rendus sur les lieux de l'incident ou pas ?

 16   R.  Vous me parlez de l'entretien avec les enquêteurs du Tribunal de La

 17   Haye ou de l'entretien avec M. Moric, s'il vous plaît ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je parle à présent de l'entretien qui a

 19   donné lieu à l'établissement d'une note officielle le 13 octobre 2001, note

 20   officielle établie par Ivica Vesel, un policier. C'est le document qui vous

 21   a été montré rapidement pendant votre interrogatoire.

 22   R.  Au sujet de cette note officielle, j'ai déjà dit que je maintiens

 23   qu'elle a été rédigée de façon non professionnelle, car ma conversation

 24   avec l'homme que j'avais en face de moi a été très brève et qu'il n'a rien

 25   noté par écrit à ce moment-là. En fait, j'ai eu l'impression qu'il

 26   s'agissait simplement d'un entretien préparatif ou théorique destiné à

 27   répondre à des exigences formelles pour préparer mon entretien à venir avec

 28   les enquêteurs des Nations Unies.

Page 10156

  1   J'affirme que cette note a été établie par l'homme qui l'a rédigée sur la

  2   base de ses souvenirs et du peu qu'il savait de la situation.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il aurait su à l'époque que vous ne

  4   saviez pas si la police spéciale s'était rendue sur les lieux ? Est-ce bien

  5   ce que vous nous dites ? Parce que c'est ce qui est écrit dans le document

  6   dont je viens de donner lecture. Il y est question de vous, et nous lisons

  7   : "Mais s'agissant du fait de savoir si les membres de la police spéciale

  8   ont été envoyés sur les lieux de l'incident, il ne sait pas," et le pronom

  9   "il" fait référence à vous.

 10   Comment est-ce que cet homme, M. Vesel, aurait pu savoir si vous saviez ou

 11   si vous ne saviez pas que la police spéciale avait été envoyée sur place ?

 12   R.  Tout cela ce sont des hypothèses de la part de cet homme. Il ressort de

 13   la lecture de cette note que j'étais informé du contenu du rapport déjà la

 14   veille. Tant que je n'ai pas lu les documents du registre et que je n'ai

 15   pas été convaincu que le rapport était arrivé au moment où il est arrivé,

 16   je pensais qu'il était arrivé deux jours après dans la matinée.

 17   Donc ce simple détail montre que la note a été rédigée par M. Vesel à

 18   partir d'autres sources.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. "D'autres sources" qui lui auraient

 20   dit ce dont vous vous souveniez ou ce dont vous ne vous souveniez pas ?

 21   R.  Ou encore il est possible qu'il ait parlé à des collègues de la police

 22   judiciaire qui connaissaient mieux les détails de l'incident que moi, car

 23   cet incident faisait déjà beaucoup parler à ce moment-là; à moins qu'il ait

 24   découvert certains documents relatifs à l'incident. Car je n'ai pas

 25   rapporté tout ce qui est écrit ici.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que vous savez de quelles

 27   sources il s'agirait ? Est-ce que vous connaissez par exemple les noms de

 28   personnes qui ont été interrogées par M. Vesel et qui lui auraient donné

Page 10157

  1   ces informations que, d'après vous, il aurait utilisées ?

  2   R.  M. Vesel travaille pour la police judiciaire, il travaille au QG au

  3   ministère de l'Intérieur. Les collègues qui travaillent avec lui --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai posé une question très

  5   précise, Monsieur. Est-ce que vous pouvez me donner les noms des personnes

  6   qui ont été interrogées et qui auraient fourni à M. Vesel des

  7   renseignements à propos de ce que vous saviez et de ce que vous ne saviez

  8   pas ?

  9   R.  Je ne connais pas le nom de ces personnes.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous des renseignements concrets

 11   par rapport à ce qu'il a rédigé ici, avez-vous des renseignements concrets

 12   indiquant qu'il aurait interrogé d'autres personnes ?

 13   R.  Je ne dispose d'aucune information, mais manifestement il y avait

 14   beaucoup de renseignements à propos de ce qui se passait.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous dites qu'il est évident dans

 16   quel objectif cette note ou ce document était préparé, parce que je pense

 17   que vous avez dit que le but était de vous préparer à l'audition avec le

 18   TPIY; est-ce bien exact ?

 19   R.  Non, non, en fait, je ne sais pas très bien pourquoi ce document a été

 20   compilé, et c'est moi qui ai demandé que cela soit fait pour que justement

 21   je puisse me préparer à cette audition avec les enquêteurs. Je pense que ce

 22   n'est pas ce qui a été fait, à mon avis, mais ce qui a été fait c'était

 23   justement d'organiser une audition officielle afin de répondre à cette

 24   exigence que j'avais présentée.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous expliquer

 26   quel était l'objectif d'être interrogé par un officier croate du MUP afin

 27   de vous préparer pour cette audition au TPIY ?

 28   Monsieur Margetts.

Page 10158

  1   M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je regardais

  2   juste les dates qui figurent sur la déclaration du TPIY.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est ce que je fais moi aussi.

  4   Monsieur Buhin, attendez, je vais essayer de retrouver…

  5   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Pourrions-nous avoir accès à ce document ?

  6   Puisque ce n'est pas un document qui est une pièce à conviction, il n'a pas

  7   été versé au dossier, nous n'avons aucun moyen de le consulter.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il a été téléchargé. Il a un

  9   numéro, une cote 65 ter.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bien.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, si vous voulez avoir un

 12   exemplaire papier. J'ai demandé un document papier, parce que les Juges

 13   n'ont pas accès aux documents qui ne sont pas enregistrés aux fins

 14   d'identification, et je pense que j'ai d'ores et déjà annoncé que nous

 15   envisagerions ce que l'on fera de ce document à une date ultérieure.

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, mais si vous pouviez

 17   nous donner la cote de la liste 65 ter.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne l'aie pas. Je viens de la

 19   demander.

 20   M. MARGETTS : [interprétation] On vient de m'informer qu'il s'agit de la

 21   pièce 2786 de la liste 65 ter.

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Buhin, vous nous dites que vous

 24   aviez demandé qu'un entretien soit mené à bien pour que vous puissiez vous

 25   préparer à votre audition avec le TPIY.

 26   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit, effectivement.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous n'aviez pas été interrogé par

 28   des enquêteurs du TPIY avant l'entretien que vous avez eu avec M. Vesel ?

Page 10159

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 10160

  1   R.  Non. Cet entretien avec M. Vesel a eu lieu quelques jours avant mon

  2   audition avec les représentants du Tribunal à La Haye.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais cette note de service, cette

  4   note officielle, stipule que bien qu'elle ait été compilée le 1er octobre

  5   2001, elle précise toutefois que l'entretien a eu lieu le 9 octobre 2001;

  6   alors que dans votre déclaration de témoin, nous voyons que la date des

  7   entretiens - je parle des entretiens en 2001 - sont les dates suivantes :

  8   le 15 et 16 septembre.

  9   R.  Oui, mais cela confirme une fois de plus ce que j'ai déjà déclaré, à

 10   savoir que cette note a été écrite par la suite lorsque quelqu'un l'a

 11   demandée, l'a réclamée. M. Vesel ne se souvenait même pas, d'ailleurs il

 12   n'a même pas essayé de se souvenir de la date à laquelle nous nous étions

 13   entretenus.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que vous lui avez parlé

 15   alors ? Vous dites il ne se souvenait pas et d'ailleurs il n'a même pas

 16   essayé de se souvenir de la date à laquelle nous nous sommes parlés.

 17   Comment savez-vous cela ?

 18   R.  Je le sais parce qu'il a mis la mauvaise date sur ses notes. Nous

 19   avons commencé à parler, et lorsque je me suis rendu compte qu'il n'était

 20   pas capable, ou qu'il n'était pas à même plutôt, de m'aider à me préparer

 21   pour mon audition avec les représentants du TPIY, nous n'avons pas parlé

 22   pendant très longtemps.

 23   La conversation s'est arrêtée, et de toute façon cette personne n'a pas

 24   pris de note pendant l'entretien.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord, mais comment est-ce que

 26   vous savez qu'il a donné la mauvaise date pour cet entretien ? Est-ce que,

 27   vous, vous vous souvenez précisément de l'autre date, de la date à laquelle

 28   l'entretien a eu lieu ?

Page 10161

  1   R.  Non, je ne suis pas en mesure de vous le dire, mais je suis assez sûr

  2   et certain que cela s'est passé avant mon audition avec les représentants

  3   du TPIY.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc si je comprends bien votre

  5   déposition, vous nous dites, en d'autres termes, que M. Vesel vous a

  6   interrogé; qu'il a juste écrit ce que d'autres lui avaient dit plutôt que

  7   ce que vous lui avez dit, parce que l'entretien a été trop bref; et que

  8   c'était tout simplement pour une question de formalité que cet entretien a

  9   eu lieu, bien que vous, vous ayez demandé à avoir cet entretien afin de

 10   pouvoir vous préparer à une audition ou à un entretien qui, si nous pensons

 11   que les dates sont exactes, avait déjà eu lieu quelques semaines

 12   auparavant.

 13   C'est véritablement ce que vous nous dites, Monsieur Buhin ?

 14   R.  Oui, oui. Dans la mesure où j'ai pu vous suivre.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il y a quelque chose qui n'est pas

 16   clair, dites-le-moi. Parce que vous répondez, mais je remarque qu'il y a

 17   une certaine réserve dans votre réponse.

 18   Vous avez eu quelques problèmes à me suivre apparemment ?

 19   R.  J'ai essayé de suivre vos propos, Monsieur le Président, et vous avez

 20   d'ailleurs bien résumé la situation.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous diriez que j'ai résumé

 22   de façon exacte cette partie de votre déposition à laquelle j'ai fait

 23   référence ?

 24   R.  Oui, oui, c'est cela. C'est exact.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez si d'autres

 26   personnes ont été interrogées par des représentants du bureau du Procureur

 27   afin d'être interrogées par les autorités de la police croate, et ce, avant

 28   ou après que des déclarations aient été fournies par des témoins potentiels

Page 10162

  1   ?

  2   R.  Je sais que j'ai plusieurs collègues de la police qui ont eu des

  3   entretiens avec des représentants du TPIY. Je ne suis pas informé du fait

  4   qu'ils aient eu des entretiens avec les représentants de la police croate.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes la seule personne. En ce qui

  6   vous concerne, vous êtes la seule personne avoir eu ce genre d'entretien

  7   avec la police croate ?

  8   R.  D'après ce que je sais, j'ai été le premier à être invité à répondre

  9   aux questions posées par les représentants du TPIY. Je dois dire que

 10   j'appréhendais beaucoup cet entretien. Je ne savais pas ce que je devrais

 11   dire, je ne savais pas comment est-ce que cela évoluerait. C'est pour cela

 12   que j'ai demandé l'aide de la police croate, des autorités croates. C'est

 13   probablement la raison pour laquelle j'ai été le seul, parce que j'étais le

 14   premier.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que vous ne saviez pas quelle

 16   tournure cela allait prendre et ce que vous devriez dire. Vous êtes un

 17   officier de police formé et vous êtes juriste de formation, juriste

 18   spécialisé, qui plus est, dans le droit pénal, et vous nous dites que vous

 19   ne saviez pas ce qui allait se passer pendant l'entretien. Puis-je me

 20   permettre d'avancer une suggestion. Je pense que la seule chose que

 21   d'aucuns peuvent faire dans ce genre de situation c'est de dire la vérité

 22   aux questions qui sont posées, non ?

 23   R.  Tout à fait. Toutefois, j'étais le premier et j'avais une certaine

 24   appréhension. Je ne savais pas comment cela allait se passer, je ne savais

 25   pas si j'allais être appréhendé ou si mes propos allaient être présentés à

 26   quelqu'un d'autre. C'est pour cela que je voulais qu'un représentant de la

 27   police ou un représentant d'autres instances du gouvernement croate soit à

 28   mes côtés.

Page 10163

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je peux tout à fait comprendre que

  2   vous avez essayé d'obtenir des orientations à propos de ce qui pourrait se

  3   passer, mais ce que nous voyons c'est quand même une note de service

  4   officielle, qui porte apparemment sur le fond de la question et absolument

  5   pas sur les questions que vous venez de soulever.

  6   R.  C'est précisément pour cette raison que j'ai dit que l'entretien que

  7   j'ai eu avec ce collègue de la police judiciaire a été très, très bref.

  8   Parce que je me suis rendu compte qu'il n'était pas à même de me fournir

  9   l'aide que je cherchais à obtenir. Notre conversation fut très brève, et

 10   ensuite nous nous sommes séparés.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ensuite il commence à écrire un

 12   document de trois pages dans lequel il fait référence, entre autres, à

 13   apparemment ce que vous lui auriez dit à propos de l'incident de Grubori.

 14   Il a tout simplement inventé tout cela, ou il a obtenu cela d'autres

 15   sources, comme vous le dites ?

 16   R.  Je pense qu'il a obtenu cette information d'autres sources. Il n'a pas

 17   obtenu tous ces renseignements de moi.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais passer à autre chose.

 19   Vous nous avez dit que vous n'avez, vous personnellement, jamais vu des

 20   objets ou biens volés transportés dans des véhicules de la HV. Vous avez

 21   également expliqué qu'il vous a été indiqué ce qui avait été vu aux postes

 22   de contrôle, et vous nous avez expliqué qu'il était extrêmement difficile

 23   de déterminer s'il s'agissait de biens qui pouvaient être utilisés en toute

 24   légitimité par les forces croates ou s'il s'agissait de biens volés.

 25   Vous nous avez expliqué - il me semble que cela s'est passé hier - ce qui

 26   faisait l'objet de rapports, et je parle des biens qui se trouvaient dans

 27   ces véhicules, il s'agissait de portes, de fenêtres, de différents types

 28   d'électroménagers, et vous avez ajouté à cela tout ce que l'on peut charger

Page 10164

  1   à bord d'un camion.

  2   Apparemment, ce sont les rapports qui vous ont été présentés. Vous nous

  3   avez dit qu'il s'agissait juste de rumeurs, de bruits qui courraient à

  4   propos de biens volés qui étaient transportés. Est-ce que vous pourriez

  5   m'expliquer pourquoi vous avez estimé qu'il s'agissait juste de rumeurs, de

  6   bruits qui courraient, notamment lorsque l'on pense aux rapports qui vous

  7   étaient présentés ?

  8   R.  Alors, compte tenu de ce qui était consigné au niveau des postes de

  9   contrôle, il y a de nombreux cas de confiscation de différents objets.

 10   D'après l'information dont nous disposions, il s'agissait d'objets volés

 11   que d'aucuns essayaient de faire sortir de la zone.

 12   Par ailleurs, la situation était telle que tous les véhicules qui passaient

 13   par les postes de contrôle, je pense par exemple à des véhicules de l'armée

 14   croate, n'étaient pas forcément des véhicules qui transportaient des objets

 15   nécessaires à l'armée croate. Ça, c'est ce que l'on croyait à l'époque. Il

 16   faut savoir que les besoins de l'armée croate étaient assez importants et

 17   il n'y a absolument pas de moyens de preuve fondamentaux à cet égard.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je vais relire votre réponse.

 19   Ce qui ne peut pas être corroboré d'aucune manière ? Vous dites que l'avis

 20   selon lequel tous ces biens n'étaient pas destinés à l'utilisation

 21   militaire, est-ce que c'est cela qui ne pouvait pas être corroboré, d'après

 22   vous ?

 23   R.  Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous dites que les fenêtres, les

 25   portes et ce genre de matériel, tout ce qu'on pouvait charger à bord d'un

 26   camion, vous pensiez qu'il y avait une explication raisonnable et que

 27   l'armée croate souhaitait avoir de nouvelles portes et nouvelles fenêtres

 28   dans ses bâtiments.

Page 10165

  1   Est-ce que c'est ainsi qu'il faut que je comprenne votre réponse ?

  2   R.  Non. Vous m'avez mal compris.

  3   J'ai dit que l'on emportait de cette région tout ce qu'on pouvait emporter,

  4   y compris les fenêtres, les portes et d'autres biens. Je n'ai pas dit que

  5   c'était transporté à bord des camions militaires. Mais j'ai dit qu'on a

  6   essayé de les emporter de la région dont nous étions chargés de la

  7   sécurité. Le plus souvent, c'était fait par les civils qui souhaitaient

  8   utiliser ce matériel pour réparer leurs propres bâtiments.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais lorsque je vous ai posé une

 10   question hier à ce sujet, il était évident que c'était une question posée

 11   dans le contexte des véhicules militaires. Et je vous ai demandé ce que

 12   vous pouviez voir à une distance de 20 ou 30 mètres où se trouvait un point

 13   de contrôle militaire. Vous aviez dit que vous ne pouviez pas le savoir

 14   parce que les voitures n'étaient pas visibles. Ensuite, je vous ai, dans ce

 15   même contexte, posé une autre question, et vous avez dit ce qui avait été

 16   remarqué à bord de ces camions et ce dont on vous avait présenté des

 17   comptes rendus, mais que vous ne l'aviez pas vu vous-même.

 18   Mais vous diriez que ces équipements ménagers, portes, fenêtres qui

 19   se trouvaient à bord des véhicules civils, tout cela se trouvait à bord de

 20   véhicules civils ?

 21   R.  Précisément. Parce que nous pouvions vérifier ce qui se trouvait à bord

 22   de ces véhicules. Je ne peux pas vous parler des choses que nous n'avons

 23   pas vues.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne répèterai pas des questions que je

 25   vous ai déjà posées à ce sujet.

 26   Une dernière chose.

 27   Vous avez dit que la police militaire refusait d'avoir des points de

 28   contrôle mixtes. Vous avez dit que c'était une des choses qui étaient à

Page 10166

  1   l'origine de l'ordre selon lequel il fallait ériger des points de contrôle

  2   mixtes et de s'engager dans des patrouilles mixtes. Je pense que c'était le

  3   même ordre en date du 19 août émanant de M. Moric.

  4   Est-ce que vous vous le rappelez ?

  5   R.  Oui. Cela s'est passé après cet ordre et après des réunions entre M.

  6   Moric et M. Lausic.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. S'agissant de ces points de

  8   contrôle qui n'étaient pas des points de contrôle mixtes, vous avez dit que

  9   parfois les points de contrôle étaient à une distance de 20 ou 30 mètres.

 10   Etait-ce la situation avant le 19 août ?

 11   R.  Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agissant de ces efforts afin d'avoir

 13   des points de contrôle mixtes, on vous a posé une question, et il a été dit

 14   que la police militaire n'avait pas suffisamment de personnel pour avoir

 15   des points de contrôle mixtes. Donc, vous vous souvenez qu'il n'y avait pas

 16   suffisamment d'hommes qui pouvaient être de faction à tous ces points de

 17   contrôle mixtes.

 18   Est-ce que vous vous en souvenez ?

 19   R.  Oui, je me souviens très bien de cette problématique. Mais on parlait

 20   de toute la région de Kotar-Knin. Sur les routes principales, l'on tâchait

 21   d'avoir ces points de contrôle mixtes, et sur les routes moins importantes,

 22   il n'y avait que les membres de la police civile qui étaient de faction.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vos points de contrôle étaient des

 24   points de contrôle mixtes, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui. Après le 19 août, et après que cette information ait été envoyée

 26   par MM. Moric et Lausic.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais lorsque vous dites que vous n'aviez

 28   pas suffisamment d'hommes pour être de faction aux points de contrôle

Page 10167

  1   mixtes…

  2   R.  Là où, jusqu'au 19 août, il y avait des points de contrôle distincts de

  3   la police militaire et de la police civile, ces points de contrôle ont été

  4   rejoints. Il n'y avait plus de points de contrôle séparés. Si la police

  5   militaire ne pouvait pas être de faction à un point de contrôle, c'était la

  6   police civile qui s'en chargeait.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce sens-là, ce n'étaient plus des

  8   points de contrôle mixtes; parce que j'essaie de comprendre la chose

  9   suivante : si la police militaire -- en fait, je vais reformuler.

 10   Vous avez dit là où les points de contrôle étaient déjà placés, mais placés

 11   à une petite distance, là, les points de contrôle civils et militaires

 12   étaient fusionnés, tandis que là où il n'y avait pas un point de contrôle

 13   militaire à proximité, étant donné qu'il n'y avait pas suffisamment

 14   d'hommes, là, c'était un point de contrôle civil exclusivement. Donc, il

 15   n'y avait que la police civile qui était de faction à ce genre de point de

 16   contrôle.

 17   R.  C'est exact.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire quel était le

 19   pourcentage de points de contrôle communs après ce changement d'attitude de

 20   politique, quel est le pourcentage de vos propres points de contrôle qui

 21   étaient des points de contrôle mixtes avec la police militaire après le 19

 22   août ? Etait-ce 50 % ou 25 % ou 80 %. Je ne vous demande pas d'avancer un

 23   chiffre précis, mais donnez-nous juste un ordre d'idée.

 24   R.  Je ne pourrais pas avancer un chiffre précis parce qu'il s'agit d'une

 25   région vaste, et je ne m'en souviens plus. Mais d'après mes souvenirs,

 26   entre 60 et 70 % des points de contrôle étaient des points de contrôle

 27   mixtes ou communs.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de votre réponse.

Page 10168

  1   Maître Misetic.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Misetic : 

  4   Q.  [interprétation] Monsieur Buhin, j'aimerais que l'on revienne à la

  5   question posée par M. Margetts, s'agissant des registres portant sur des

  6   personnes qui étaient dans la zone, peut-être une suggestion a été avancée

  7   que peut-être vous étiez à même de surveiller tous le civils qui étaient

  8   entrés dans la zone. Je vous ai montré une séquence vidéo où l'on voyait

  9   500 personnes à bord d'un train, alors que déjà il y avait entre 2 à 3 000

 10   personnes à Knin en date du 15 août.

 11   Est-ce que la police avait des registres au sujet de tous les civils qui

 12   étaient entrés dans la région ?

 13   R.  C'était physiquement impossible. Uniquement à l'époque où les premiers

 14   civils ont commencé à rentrer, l'on délivrait les laissez-passer. Et au fur

 15   et à mesure que leur nombre augmentait, nous avons abandonné cette

 16   procédure de délivrer les laissez-passer, tout simplement parce que ce

 17   n'était pas faisable.

 18   Q.  Bien que vous ayez été préoccupé par les attaques terroristes, vous

 19   vous voulez dire que vous saviez tout ce qui se passait au sujet des civils

 20   dans le secteur ?

 21   R.  Nous étions préoccupés par les terroristes et par ceux qui étaient

 22   auteurs de crimes. Mais l'on ne vérifiait et contrôlait que les personnes

 23   que l'on soupçonnait d'avoir commis quelque chose ou que l'on soupçonnait

 24   d'être sur le point de commettre quelque chose. Il n'y a que ces personnes-

 25   là que l'on vérifiait.

 26   Q.  Bien sûr, nous n'avons pas établi quelle était la date à laquelle par

 27   exemple un grand nombre de civils étaient arrivés. Vous avez parlé du train

 28   liberté; je vous ai montré d'autres rapports.

Page 10169

  1   Mais peu importe quelle était la date à laquelle cela a commencé, peut-on

  2   dire que le territoire libéré était au fond un territoire libre de même

  3   que, par exemple, le territoire littoral ?

  4   R.  Une fois que nous avons arrêté de délivrer les laissez-passer, c'était

  5   peut-être avant le passage du premier train de Zagreb à Knin -- excusez-

  6   moi.

  7   Pourriez-vous répéter votre question.

  8   Q.  Je vais reformuler.

  9   A partir de quel moment le territoire libéré a commencé à être traité comme

 10   n'importe quel autre partie de la Croatie telle que, par exemple, le

 11   littoral en termes de liberté de circulation ?

 12   R.  A partir du jour où on a annulé les laissez-passer.

 13   Q.  Le Juge Gwaunza vous a posé une question au sujet du retour des soldats

 14   de l'armée croate qui rentraient de Bosnie et qui procédaient aux actes de

 15   pillage et d'incendie.

 16   Est-ce que c'étaient les soldats dont vous avez parlé au début de

 17   votre déposition cette semaine qui étaient démobilisés ?

 18   R.  Oui. D'après ce qui a été confirmé par la suite parmi les auteurs de

 19   crimes, il y avait des soldats démobilisés.

 20   Q.  Oui. Mais vous avez parlé des soldats qui étaient rentrés de Bosnie et

 21   qui avaient commis des crimes. Est-ce que vous dites que ces gens sont

 22   rentrés de Bosnie, qu'ils ont été démobilisés et qu'ensuite ils ont commis

 23   ces crimes ?

 24   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, pour que la

 25   déposition soit utile, il faut présenter cela par étape. Je ne vois pas

 26   quelle est la base sur laquelle on pose cette question.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Jusqu'à présent, cette question a été

 28   formulée d'une manière si générique que l'on ne pourrait pas mais --

Page 10170

  1   Vous pouvez poursuivre, mais suivez la consigne de M. Margetts, si

  2   vous voulez.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  Je vais répéter ma question. Est-ce que vous êtes en train de dire que

  5   ces gens qui sont rentrés de Bosnie étaient démobilisés et qu'ensuite ils

  6   ont commis ces actes criminels en tant que soldats démobilisés ?

  7   R.  Je ne peux que vous dire ce que m'ont dit mes collègues du ministère

  8   qui procédaient aux enquêtes criminelles. Et ils m'ont dit qu'il y avait de

  9   tels cas où ces gens, une fois démobilisés, étaient rentrés chez eux dans

 10   leurs villages et villes dévastés, et le plus souvent tout simplement ils

 11   prenaient quelque chose qu'ils trouvaient dans une maison à côté pour

 12   l'utiliser dans leurs propres maisons.

 13   Q.  Vous avez dit "ces gens qui étaient démobilisés." Vous dites que ces

 14   gens étaient démobilisés une fois qu'ils étaient rentrés de Bosnie ? C'est

 15   bien que cela que vous avez dit ?

 16   R.  Je ne peux pas affirmer la partie qui concerne "une fois rentrés de

 17   Bosnie". Les gens qui étaient membres des unités militaires étaient ensuite

 18   démobilisés et ils étaient rentrés chez eux. Mais je ne pourrais pas vous

 19   dire de quel front ils étaient rentrés.

 20   Q.  Mais dans votre déclaration lorsque vous avez dit que les soldats

 21   rentraient de Bosnie, où est-ce que vous avez pris qu'il s'agissait de

 22   soldats qui rentraient de Bosnie ?

 23   R.  Je ne m'en souviens pas. Probablement le général Cermak, lors des

 24   premières réunions de coordination, il nous avait promis que l'armée allait

 25   être envoyée de Knin à d'autres lignes de front, et par la suite j'ai

 26   appris que certains soldats étaient envoyés en Bosnie, et compte tenu de ce

 27   contexte, j'ai mentionné la Bosnie également. Mais je n'ai pas de

 28   connaissances concrètes à ce sujet.

Page 10171

  1   Q.  Donc vous n'avez pas de connaissances précises selon lesquelles les

  2   soldats rentrés du front en Bosnie avaient commis des crimes ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  S'agissant des portes et des fenêtres à bord des camions, vous avez

  5   précisé votre déposition d'hier, mais la Chambre a vu un grand nombre

  6   d'éléments de preuve au sujet des fenêtres brisées lors de l'opération

  7   Tempête, et d'autres dégâts occasionnés à des bâtiments lors de ces

  8   opérations.

  9   Ces portes et fenêtres, est-ce que vous savez si l'armée croate avait

 10   participé au transport du matériel qui servait à reconstruire les bâtiments

 11   endommagés lors de l'opération militaire ? Est-ce que vous savez que

 12   l'armée croate avait participé au transport et à la livraison de tels biens

 13   ?

 14   R.  Nous n'avons jamais parlé de nouvelles portes ou fenêtres. Il arrivait

 15   que certaines personnes rentraient chez eux dans leurs foyers, et ils

 16   constataient qu'il y avait des fenêtres et des portes brisées, et ils

 17   allaient en chercher dans d'autres maisons. Mais s'agissant du fait que

 18   l'armée croate transportait ces biens, je n'ai pas d'informations à ce

 19   sujet.

 20   Q.  Merci, Monsieur Buhin.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Mikulicic, j'ai une petite

 23   question de suivi s'agissant des questions de Me Misetic.

 24   Monsieur Buhin, vous avez parlé de soldats démobilisés qui revenaient sur

 25   leur lieu d'origine. Une fois qu'ils étaient démobilisés, une fois qu'ils

 26   étaient rentrés dans leurs villages, à partir de leur retour, est-ce qu'ils

 27   relevaient de la compétence de la police civile, la police classique, ou

 28   est-ce qu'ils relevaient encore de la compétence de la police militaire ?

Page 10172

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas vous le dire avec précision,

  2   mais je pense qu'une grande partie des soldats démobilisés ont repris leur

  3   vie de civils, donc ils étaient traités en tant que civils.

  4   Mais il faudrait peut-être souligner qu'à ce moment-là l'uniforme de

  5   la HV était particulièrement prisé, et que les gens ont continué à le

  6   porter même après leur démobilisation et qu'il y avait de nombreuses

  7   personnes qui se promenaient ainsi à Zagreb, alors que cela n'était

  8   absolument pas nécessaire. C'était tout simplement une question d'image,

  9   c'était en vogue. C'est cela qui était populaire.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vois que nous avons des

 11   statistiques intéressantes à propos de l'abus de port d'uniforme et à

 12   propos des civils et des militaires.

 13   Je n'ai plus de questions.

 14   Maître Mikulicic.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais essayer d'être très bref, Monsieur

 16   le Président.

 17   Je souhaiterais que la pièce D527 soit affichée à l'écran.

 18   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Mikulicic : 

 19   Q.  [interprétation] Monsieur Buhin, j'aimerais juste vous poser une ou

 20   deux questions, ce sont les réponses que vous avez apportées au Président

 21   de la Chambre de première instance qui me poussent à vous poser ces

 22   questions.

 23   Nous avons un document qui est maintenant affiché et il s'agit d'un décret

 24   relatif à l'organisation provisoire et au travail du ministère de

 25   l'Intérieur de la République de Croatie.

 26   C'est l'article 27 de ce document qui m'intéresse, et le numéro

 27   d'identification est le numéro 3D00-1514.

 28   Nous allons voir, Monsieur Buhin, l'article qui régule la structure

Page 10173

  1   du secteur de la police spéciale et ce, dans le cadre du ministère de

  2   l'Intérieur. L'article 27 stipule que le secteur de la police spéciale est

  3   composé de huit branches : il y a un département de contrôle interne; une

  4   unité de combat antiterroriste; ainsi qu'une unité d'antiterrorisme

  5   spéciale; une unité de force aérienne. Vous avez également l'unité de la

  6   force aérienne Lucko. Au numéro 5, vous avez le département de la

  7   propagande psychologique; au numéro 6, le département de la logistique

  8   police; vous avez le département pour l'utilisation et l'entraînement des

  9   canidés et des chevaux; ainsi qu'un centre de formation.

 10   Comme vous le voyez, Monsieur Buhin, il s'agit de la structure de la

 11   police spéciale et nous ne voyons absolument nulle part une unité pénale,

 12   une unité chargée des enquêtes criminelles. Etes-vous d'accord ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Monsieur Buhin, pendant vos longues années de service en tant

 15   qu'officier de police, avez-vous jamais vu --

 16   L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise demande au conseil de la

 17   Défense de répéter sa question.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mikulicic, les interprètes

 19   n'ont pas suivi votre question. Pourriez-vous la répéter ?

 20   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui.

 21   Q.  Monsieur Buhin, bien sûr, je parle très vite parce que l'heure de la

 22   fin est déjà terminée.

 23   J'aimerais savoir si vous n'avez jamais vu ou entendu parler de

 24   membres de la police spéciale qui se sont jamais occupés d'enquête

 25   criminelle ?

 26   R.  Non, je n'ai jamais vu cela et je n'en ai jamais entendu parler.

 27   Q.  Lorsque M. Vesel, dans sa note de service, rédige qu'il vous a

 28   apparemment parlé ou, plutôt, que vous lui avez dit qu'une unité de la

Page 10174

  1   police spéciale serait diligentée sur les lieux de l'événement pour mener à

  2   bien une enquête, c'est quelque chose qui n'est absolument pas logique au

  3   vu de votre travail au sein de la police, de votre expérience et de vos

  4   connaissances ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez confirmer que vous n'avez jamais rien dit de la

  7   sorte ?

  8   R.  Bien, je n'en suis pas sûr.

  9   Q.  Monsieur Buhin, vous aviez demandé d'avoir cette conversation avec M.

 10   Vesel, est-ce que vous avez parlé de l'incident du village de Grubori ?

 11   Est-ce que vous en avez parlé ?

 12   R.  J'ai probablement mentionné que nous allions également parler de cela,

 13   mais je n'en ai pas parlé en détail avec lui.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mikulicic.

 16   Monsieur Margetts. Je regarde l'horloge et je n'ai d'ailleurs même pas

 17   encore demandé aux interprètes et aux autres si nous pouvions poursuivre,

 18   j'aurais dû leur demander. A moins -- je ne sais pas, si c'est quelque

 19   chose d'urgent ou si c'est quelque chose que vous pouvez régler en une

 20   minute, je vous demanderais de prendre cela en considération. Est-ce qu'il

 21   faut absolument que nous continuions.

 22   M. MARGETTS : [interprétation] Non, ce n'est pas un besoin absolu. Je

 23   pourrais régler la question en deux ou trois minutes. Si j'avais une à deux

 24   minutes à ma disposition.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux à trois minutes. Je regarde vers la

 26   cabine des interprètes. Si je regarde de très près l'horloge et que je

 27   limite M. Margetts à deux minutes et demie -- je n'ai toujours pas de

 28   réponse de la part des interprètes. Vous savez, parfois, qui ne dit mot

Page 10175

  1   consent. 

  2   Deux minutes et demie et je serai très strict, Monsieur Margetts.

  3   M. MARGETTS : [interprétation] Merci. Et merci aux interprètes.

  4   Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Margetts : 

  5   Q.  [interprétation] Monsieur Buhin, vous avez répondu aux questions posées

  6   par le Président de la Chambre, et vous avez fait un distinguo entre les

  7   véhicules militaires et les véhicules civils, vous avez dit que les portes

  8   et les fenêtres étaient placées à bord d'un camion. La question vous avait

  9   été posée.

 10   Et vous avez répondu : Oui, tout à fait. Nous pouvions les contrôler

 11   et nous pouvions voir ce qu'ils transportaient. Nous ne pouvions rien dire

 12   à propos de ceux que nous ne pouvions pas voir parce qu'on ne pouvait pas

 13   voir ce qu'ils transportaient.

 14   Lorsque vous parlez de "ceux-là", est-ce que vous faisiez référence à

 15   des véhicules militaires ?

 16   R.  Oui, c'est ce que je voulais dire.

 17   Q.  Alors, comment est-ce que vous compreniez la situation ? Qui pouvait

 18   contrôler les mouvements des véhicules militaires ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ce sont mes questions, en

 20   fait, qui vous poussent à poser ces questions ? Moi, je me suis abstenu de

 21   poser d'autres questions. Parce que si vous examinez le compte rendu

 22   d'audience à propos de ce qui lui a été demandé, ce qu'il pouvait voir, ce

 23   qu'il ne pouvait pas voir, les camions qui étaient ouverts, ceux qui

 24   n'étaient pas ouverts, et cetera, moi, j'ai pensé que j'étais suffisamment

 25   informé. Je n'ai pas, justement, posé de questions pour savoir qui étaient

 26   les autorités compétentes qui pouvaient régler la question. Cette question

 27   n'émane certainement des questions que moi, j'ai posées.

 28   M. MARGETTS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

Page 10176

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Buhin, nous en avons terminé

  2   avec votre déposition. Je vous remercie vivement d'être venu à La Haye et

  3   d'avoir répondu aux nombreuses questions qui vous ont été posées par les

  4   parties ainsi que par les Juges. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience et nous

  7   reprendrons demain, 9 octobre, à 14 heures 15 dans la salle d'audience

  8   numéro III.

  9   --- L'audience est levée à 19 heures 11 et reprendra le jeudi 9 octobre

 10   2008, à 14 heures 15.

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28