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1 Le jeudi 20 novembre 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes
7 présentes.
8 Madame la Greffière d'audience, veuillez citer le numéro de l'affaire.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-06-
10 90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et consorts.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.
12 J'ai été informé du fait que les parties souhaitent soulever d'autres
13 questions liées à la communication. Vous auriez l'occasion de ce faire un
14 peu plus tard au cours de la journée aujourd'hui, à moins que ce soit
15 urgent.
16 M. MISETIC : [interprétation] Je ne pense pas que nous savons de quoi il
17 s'agit.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, j'ai été mal informé.
19 Monsieur Waespi.
20 M. WAESPI : [interprétation] Oui. En fait, M. Russo est ici juste pour la
21 première session et malheureusement pas après 6 heures. M. Theunens a
22 offert de remettre son rapport d'expert, ce qui a déclenché des réponses de
23 la part de la Défense par e-mail ce matin.
24 Je souhaite simplement clarifier un certain nombre de points à ce
25 sujet.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. M. Theunens est ici. Je ne suggère
27 pas si M. Russo est disponible en ce moment -- enfin, vous avez besoin de
28 combien de temps ? Trois minutes ou cinq minutes ?
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1 M. WAESPI : [interprétation] Je préfère ne pas répondre à cette question.
2 Mais nous pouvons faire cela au début de la deuxième session, si ceci vous
3 convient plus.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je ne sais pas à quel
5 point ce sera approprié pour M. Theunens que l'on traite des questions de
6 communication apparemment déclenchées par son geste aimable et la
7 proposition de M. Theunens de fournir les versions précédentes.
8 Nous le ferons au début de la deuxième session. Mais la raison pour
9 laquelle d'habitude je prévois les questions de procédure à la fin est
10 parce que vous êtes alors limité dans le temps. Les mêmes limites
11 s'appliqueront au début de la deuxième session.
12 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, est-ce que vous pouvez
14 nous dire, à votre avis, il vous faudra encore combien de temps par rapport
15 à la question que vous avez commencée à aborder, conformément à la demande
16 de la Chambre, à savoir la question de l'expertise, du champ de l'expertise
17 et d'autres points liés à la méthodologie.
18 M. WAESPI : [interprétation] Je pense qu'il me faudra encore environ une
19 demi-heure.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une demi-heure. Dans ce cas-là, nous
21 donnerons l'occasion à la Défense de traiter de cela avant de nous pencher
22 sur le fond du rapport.
23 Monsieur Waespi, poursuivez.
24 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 LE TÉMOIN: REYNAUD THEUNENS [Reprise]
26 [Le témoin répond par l'interprète]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.
28 Interrogatoire principal par M. Waespi : [Suite]
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.
2 R. Bonjour, Monsieur Waespi, Madame et Messieurs les Juges.
3 Q. Avant d'entrer dans le détail de votre méthodologie, je souhaite que
4 l'on en termine pour ce qui est de votre CV. Nous ne l'avons pas vraiment
5 examiné de près.
6 M. WAESPI : [interprétation] Peut-on présenter à l'écran la pièce 6100 en
7 vertu de l'article 65 ter.
8 Q. Bien sûr, vous connaissez votre propre CV. Est-ce que vous souhaitez
9 ajouter quelque chose ou clarifier quelque chose par rapport à ce CV que
10 vous y verrez à l'écran sous peu ?
11 R. Monsieur le Président, c'est le CV qui a été annexé au rapport soumis
12 en décembre 2007. Un petit point seulement, comme j'ai dit hier, entre-
13 temps j'ai déposé dans l'affaire Vojislav Seselj; c'est en février 2007.
14 J'ai déposé sur la base d'un rapport d'expert intitulé "Le rôle du SRS/SJP,
15 volontaires dans le conflit en Croatie et en Bosnie-Herzégovine." Puis,
16 comme mentionné hier, le 12 septembre -- ou plutôt, le 13 septembre, j'ai
17 parlé lors d'une conférence à Oslo portant sur le rôle de l'expertise
18 militaire dans les accusations au pénal. Cette conférence a été assistée
19 aussi par M. Cayley.
20 Q. Merci, Monsieur Theunens.
21 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser au
22 dossier cet élément de preuve, s'il vous plaît.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience. Il n'y a
24 pas d'objections, d'après ce que je vois.
25 Madame la Greffière d'audience.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira, Monsieur le Président, de
27 la pièce à conviction P1112.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P1112 est versée au dossier.
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1 M. WAESPI : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
2 Q. Puis un dernier point concernant l'époque où vous faisiez partie du
3 ministère belge de la Défense. Est-ce que vous avez acquis des
4 connaissances aussi au sujet de la police spéciale qui a été déployée en
5 Croatie alors que vous faisiez partie du ministère de la Défense belge ?
6 R. Effectivement, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Nous
7 avons pris en considération les activités, de manière très générale, de la
8 police spéciale et les activités des Brigades de Gardes, de même que d'une
9 unité connue comme la 1ère Garde ou la Garde présidentielle, dans le cadre
10 de l'examen des forces armées croates à l'égard des UNPF [comme
11 interprété].
12 Q. Merci, Monsieur Theunens. Nous allons parler maintenant de la
13 méthodologie plus en détail.
14 Hier, vous avez décrit les sources sur lesquelles vous vous êtes affilié et
15 auxquelles vous avez eu accès. Est-ce que vous pourriez nous dire, et je
16 sais que vous avez décrit dans vos dépositions précédentes, en tant
17 qu'expert, les détails de cela, mais veuillez encore une fois nous
18 expliquer le processus et comment vous avez intégré ces sources dans votre
19 rapport ?
20 R. Madame et Messieurs les Juges, la méthodologie que j'ai appliquée
21 s'appelle normalement le cycle de renseignement. Le cycle de renseignement
22 couvre quatre phases. Tout d'abord, l'examen direct; ensuite, la troisième
23 phase est le traitement; et la dernière, diffusion. Il s'agit là des phases
24 discrètes, autrement dit, des phases qui se déroulent de manière simultanée
25 et qui sont en interaction les unes avec les autres.
26 Si vous le souhaitez, je peux entrer dans plus de détails concernant ces
27 phases.
28 Q. Oui, s'il vous plaît. Et veuillez d'abord traiter de la direction, et
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1 ensuite vous allez nous parler du recueil et du traitement et pour terminer
2 de la diffusion.
3 Commençons par la direction, dans cette affaire concrètement.
4 R. Madame, Messieurs les Juges, dans cette affaire, la direction englobait
5 les listes que j'ai reçues et dont il a été question hier; d'abord, la
6 liste en dix points, et ensuite, la liste en 17 points. Dans la réponse,
7 j'ai proposé une table, un projet de table des matières. Lorsque ce projet
8 a été approuvé par M. Tieger, j'ai utilisé ce cadre-là afin de concentrer
9 mes efforts dans ce sens, et c'est ce qui est impliqué par le terme
10 direction.
11 S'agissant de la phase du recueil, comme le mot le dit, j'ai commencé à
12 recueillir les documents. Nous avons mentionné, par exemple, hier, quels
13 étaient les documents, le type de documents que j'ai examinés, et bien sûr
14 c'est la direction qui donnait l'orientation à ce recueil.
15 Lors de la phase du traitement, les informations sont transformées en
16 renseignement. Autrement dit, lors de la phase de traitement, il faut faire
17 cinq pas. Tout d'abord, les informations recueillies sont mises en
18 corrélation, autrement dit, organisées selon l'équipe ou selon le sujet de
19 manière électronique ou sous forme imprimée. Deuxièmement, le deuxième pas
20 qui est un pas très important dans ce contexte, c'est le pas qui correspond
21 à l'évaluation.
22 Lors de l'évaluation de la phase du traitement, les informations seront
23 évaluées de deux points de vue. Tout d'abord, la fiabilité de la source; et
24 deuxièmement, la crédibilité des informations contenues. Une source fiable
25 peut fournir des informations peu crédibles et vice versa. Encore une fois,
26 si vous souhaitez avoir plus de détails, je peux vous donner des détails de
27 la signification de cela. Mais au fond, la fiabilité concerne les aspects
28 tels que quelle est la relation entre la source et l'information, quelle
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1 est la réputation de la source, si la source a un intérêt particulier par
2 rapport à l'information, et ainsi de suite. La crédibilité de l'information
3 traite de la question de savoir si les informations sont corroborées par
4 d'autres sources et si ces informations sont conformes à ce que l'on sait
5 déjà. Car on ne part jamais de zéro.
6 Lors de la phase suivante ou du pas suivant, les informations seront
7 analysées, autrement dit, nous passons en revue les informations
8 nouvellement recueillies afin d'identifier les faits pertinents pour une
9 interprétation ultérieure.
10 D'après la doctrine de l'analyse, elle est suivie par l'intégration,
11 autrement dit -- ou plutôt, l'intégration ne peut pas vraiment être
12 dissociée de l'analyse, car mentalement ça se passe plus ou moins en même
13 temps. L'information est organisée de façon systématique, mais c'est un
14 processus mental. Après l'analyse et l'intégration, nous allons interpréter
15 les informations afin de déterminer là l'importance de ces informations par
16 rapport à ce que nous savons déjà.
17 Donc c'est pour ce qui est de la phase du traitement.
18 La dernière phase, la phase de la diffusion, correspond au fond au fait que
19 les informations analysées, qui deviennent des renseignements en raison du
20 processus mental que je viens de décrire, ces informations-là seront
21 présentées de façon appropriée en vertu de la doctrine.
22 Pour conclure, ce cycle de renseignement est quelque chose que j'ai d'abord
23 appris au sein de l'Académie militaire. Ceci s'applique dans la plupart des
24 forces armées ou des services de renseignements même si j'ai réalisé, par
25 exemple, qu'aux Etats-Unis il y a une petite différence dans
26 l'identification des pas différents, et aussi d'autres différences. Mais au
27 fond, le processus revient toujours plus ou moins à la même chose
28 conformément à ce que j'ai mentionné, surtout étant donné que le traitement
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1 est un processus mental, ce qui est bien sûr déterminé par la formation,
2 l'éducation et l'expérience de l'analyste.
3 Q. Merci, Monsieur Theunens. Vous venez de mentionner le fait que vous
4 avez appliqué la méthodologie d'un analyste de renseignements. D'après
5 votre expérience d'expert dans d'autres affaires, lors de la rédaction des
6 projets de documents, est-ce que vous voyez des différences dans les
7 analyses effectuées par un analyste ou par un témoin expert ?
8 R. Madame, Messieurs les Juges, traditionnellement, un analyste de
9 renseignements, la personne va examiner ce qui s'est passé et essayer de
10 prédire éventuellement ce qui risque de se passer à l'avenir. Or, ici, le
11 rôle est presque le contraire. Ici, l'analyste se penche sur les
12 informations dans le cadre du cycle de renseignements afin d'expliquer
13 certaines choses.
14 Donc je dirais que traditionnellement, l'analyste de renseignements
15 concerne les prévisions alors qu'ici, mon rôle d'analyste militaire au sein
16 du bureau du Procureur concerne la description ou les explications. Mais à
17 mon avis, le même processus mental s'applique.
18 Q. Je vais maintenant vous donner quelques exemples ou situations
19 concrètes.
20 Comment avez-vous déterminé la pertinence des documents qui devaient être
21 inclus dans le rapport et quels étaient les critères que vous avez utilisés
22 afin de les inclure ou de ne pas les inclure ?
23 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai comparé les
24 activités que j'ai décrites hier, les activités professionnelles que
25 j'effectuais avant de commencer à travailler pour le Tribunal.
26 Particulièrement dans cette affaire, je me suis dit que ma situation était
27 très avantageuse, car j'avais un nombre énorme de documents de première
28 main, pour ainsi dire. Je veux dire par là que j'avais un privilège unique
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1 de pouvoir examiner les documents qui ont été élaborés par l'organisation
2 même qui avait mené les activités, par exemple, la région militaire de
3 Split, les unités subordonnées de la région militaire de Split, les ordres
4 signés, par exemple, par le général Gotovina ou par les généraux Cermak ou
5 Markac. Or, c'est rarement le cas dans le service de Renseignements
6 traditionnel, car rarement on a des documents originaux, et le plus
7 souvent, l'on est obligés de travailler avec les sources qui peuvent être
8 secondaires ou même de troisième ou quatrième main.
9 Donc ces sources de première main et les documents militaires d'origine
10 étaient très intéressants du point de vue de la fiabilité des sources.
11 En ce qui concerne la crédibilité des informations, compte tenu du volume
12 des documents lorsque certains événements étaient couverts non pas par un
13 seul document, mais parfois par 10, 15 et même plus de documents, les
14 documents ont été produits, provenaient de sources différentes. Par
15 exemple, vous pouviez avoir un rapport du Groupe opérationnel du
16 commandement de la région militaire de Split concernant un événement alors
17 qu'en même temps, il y avait un rapport de l'officier chargé des
18 renseignements et de la sécurité qui traite du même événement, ou même un
19 rapport soumis par le chef du département chargé des affaires politiques
20 encore une fois, portant sur le même événement, mais d'un autre angle.
21 Comme je l'ai dit, c'était presque un luxe incroyable pour un analyste dans
22 le cadre de son travail.
23 Q. Est-ce que vous vous êtes jamais retrouvé confronté à une situation
24 dans laquelle les documents donnaient des informations contradictoires ou
25 bien ne permettaient pas de tirer une conclusion claire ?
26 R. Effectivement, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, et
27 ceci ressort visiblement de la deuxième partie du rapport, lorsque j'ai
28 traité des relations professionnelles entre le commandement de la région
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1 militaire de Split, général Gotovina, et le commandant de la garnison de
2 Knin pendant l'opération Tempête, le général Cermak.
3 Les documents que j'appellerais des documents de fait, autrement dit, les
4 documents qui traitent de la situation en août 1995 à Knin, ne m'ont pas
5 permis de tirer une conclusion claire pour ce qui est de la subordination
6 du général Cermak à Gotovina tel que ceci est présenté dans les documents
7 du commandement de la garnison que j'examinais et sur lesquels je me suis
8 penché dans la première partie du rapport. J'ai essayé de décrire les
9 conclusions que j'ai pu tirer sur la situation lorsque j'ai dit que la
10 situation n'est pas aussi nette que ce à quoi on pourrait s'attendre
11 d'après la doctrine. J'aurais tendance de les décrire en tant que tels dans
12 la deuxième partie du rapport.
13 Q. Au cours de votre travail, avez-vous développé ou formé des opinions au
14 sujet de l'authenticité des documents ou au sujet de certaines catégories
15 de ces documents ?
16 R. Effectivement, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges.
17 Visiblement, je ne suis pas en mesure de mener une quelconque enquête de
18 médecine légale, car je n'ai pas les moyens de ce faire. Mais encore une
19 fois, en appliquant la méthodologie que j'ai expliquée et en raison du fait
20 que des sources différentes traitaient du même événement d'une manière
21 semblable, non pas seulement pendant la même période, mais parfois même
22 dans les rapports émanant d'une date ultérieure qui décrivait le même
23 événement de la manière semblable, c'est important du point de vue de la
24 corroboration des informations. Puis un autre élément important est le fait
25 que les documents militaires sont numérotés, et, par exemple, le bureau du
26 Procureur possède les registres de ces documents, comme c'est le cas par
27 exemple dans les armées que je connais. C'est-à-dire lorsqu'un document est
28 reçu, il est enregistré comme courrier entrant, et lorsqu'il est envoyé, il
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1 est enregistré comme courrier sortant. Je pouvais comparer effectivement
2 les numéros que j'ai pu trouver sur les documents qui étaient aussi
3 disponibles dans ces registres de courrier entrant et sortant. Donc
4 c'étaient certains des critères que j'ai pu appliquer afin de vérifier
5 l'authenticité des documents auxquels j'avais accès.
6 Q. Dès hier, vous nous avez dit, je crois, que vous ne faisiez pas partie
7 de l'enquête lancée au sujet de l'affaire Gotovina. Est-ce exact ?
8 R. Oui, c'est exact.
9 Q. Vous n'avez pas participé aux interviews des témoins dans l'affaire
10 Gotovina.
11 R. C'est exact.
12 M. WAESPI : [interprétation] Afin de terminer, Monsieur le Président,
13 Madame, Messieurs les Juges, je souhaite que l'on traite du rapport lui-
14 même et demander au témoin d'identifier la structure.
15 Peut-on présenter, s'il vous plaît, la pièce dont le numéro 65 ter est
16 6098. Il s'agit là de la première partie du rapport.
17 Q. Nous allons voir et je pense que nous le connaissons tous, nous savons
18 qu'il contient une page de garde, ensuite les 14 pages qui viennent
19 correspondent à la table des matières. Il s'agit des pages 2 à 14 sous
20 forme électronique.
21 Est-ce que vous pourriez nous expliquer la structure en utilisant la table
22 des matières, aussi brièvement que possible.
23 R. Monsieur le Président, le rapport se divise en deux parties. La
24 première partie est ce que j'appellerais la partie de jure, qui a pour but
25 d'apporter des éléments d'information fondamentaux au sujet de la doctrine
26 mise en œuvre au sein des forces armées croates à l'époque des événements.
27 Dans cette partie du rapport, il est question de divers aspects tels que la
28 structure, le commandement et le contrôle des forces armées, c'est-à-dire
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1 le commandement civil, plutôt, puis le commandement et le contrôle au sein
2 des forces armées, la planification et l'organisation des combats ainsi que
3 la discipline militaire et le droit militaire.
4 Dans la deuxième partie du rapport --
5 Q. Je me permets de vous interrompre à ce stade. Avant de parler de la
6 deuxième partie du rapport, dans les pages 15 à 17 du prétoire
7 électronique, qui correspondent à la première partie du rapport, nous
8 trouvons un chapitre dont le titre est "Etendue" ou "Portée." Pourriez-vous
9 nous expliquer de quoi traitent les quelques pages de ce chapitre ?
10 R. Le chapitre intitulé "Portée" ou "Etendue" explique la structure
11 globale du rapport. Pour l'essentiel, c'est dans ce chapitre qu'on trouve
12 l'explication de ce que j'ai déjà dit au sujet de la première partie du
13 rapport. Au moment où j'allais commencer à parler de la deuxième partie du
14 rapport, j'en aurais parlé également, il s'agit des diverses catégories de
15 sources utilisées pour rédiger le rapport.
16 M. WAESPI : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page
17 suivante du prétoire électronique, car on y voit ce chapitre "Portée" ou
18 "Etendue." Puis maintenant, passons au chapitre suivant qui correspond aux
19 pages 18 à 41 dans le prétoire électronique et qui a pour titre "Synthèse
20 globale."
21 Q. Pourriez-vous expliquer quel est l'objet poursuivi dans ce chapitre
22 intitulé "Synthèse globale" et en quoi ce chapitre est en rapport avec le
23 corps de votre rapport ?
24 R. Monsieur le Président, la synthèse globale a deux objets. Premièrement,
25 résumer les principaux aspects abordés dans le rapport. Ce qui en découle
26 logiquement, c'est le deuxième objet de ce chapitre, qui consiste à
27 présenter les conclusions tirées par moi après consultation des documents
28 que j'ai eus à ma disposition. Lorsque je dis "conclusions", je parle bien
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1 de conclusions militaires, autrement dit, du sens à donner aux différents
2 documents que j'ai consultés d'un point de vue militaire.
3 Vous l'avez peut-être remarqué, je me suis efforcé d'organiser les
4 chapitres du rapport d'une façon comparable, à savoir que chaque chapitre
5 du rapport commence par un sous-titre qui s'intitule "Synthèse" dans lequel
6 je présente les aspects principaux qui seront abordés dans le chapitre en
7 question et qui sont ensuite repris et eux-mêmes synthétisés dans la
8 synthèse globale.
9 Q. Je vous remercie, Monsieur Theunens.
10 M. WAESPI : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Président, si vous
11 souhaitez enregistrer aux fins d'identification la première partie du
12 rapport ou si je devrais passer au document suivant dans la liste 65 ter,
13 qui est la deuxième partie du rapport.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le rapport a été déposé globalement
15 et maintenant, vous semblez vouloir le diviser en deux parties.
16 M. WAESPI : [interprétation] Non, pas nécessairement. Je demande simplement
17 ce qu'il en est de la liste 65 ter. Est-ce qu'il conviendrait d'octroyer un
18 numéro aux fins d'enregistrement pour identification du premier chapitre ou
19 si on peut ne donner qu'un seul numéro aux deux parties ensemble.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense en fait qu'il est préférable
21 d'enregistrer aux fins d'identification, ne serait-ce que pour pouvoir
22 ouvrir le document dans le prétoire électronique. Les Juges ont les numéros
23 65 ter. Donc dès lors qu'on veut afficher un document à l'écran, je
24 préfèrerais qu'ensuite on ne donne qu'un seul numéro de pièce à conviction
25 à l'ensemble du rapport.
26 M. WAESPI : [interprétation] La deuxième partie est le numéro 6099 de la
27 liste 65 ter, et j'en demande d'ailleurs l'affichage sur les écrans.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, vous avez demandé il y
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1 a quelques instants le versement au dossier du CV du témoin, et je remarque
2 à présent que le CV n'est évoqué nulle part dans les écritures déposées
3 avec le rapport, il n'est pas mentionné dans la table des matières du
4 rapport. Si je regarde les différents documents enregistrés par le greffe
5 avec octroi de numéros, je vois un CV de deux pages. Je crois qu'on le
6 retrouve aux pages 3 899 et 3 900 avec le même numéro ERN que celui du
7 document admis il y a un instant. Donc est-ce que le curriculum vitae est
8 un document distinct ou est-ce qu'il est partie intégrante du rapport ? En
9 effet, il a fait partie du document déposé lorsque la demande de dépôt a
10 été faite pour le rapport.
11 M. WAESPI : [interprétation] Oui, je crois qu'il est important que les
12 qualifications de l'expert qui apparaissent dans ce curriculum vitae soient
13 facilement accessibles, et je comprends bien votre décision du 18 décembre.
14 Donc pour l'instant, le curriculum vitae fait partie du rapport, mais --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il fait partie du rapport, mais nous
16 pouvons libérer le numéro de pièce qui a été affecté au curriculum vitae à
17 lui seul, et ensuite reconnaître le dépôt du rapport en application de la
18 décision du 19 décembre 2007. Le rapport se compose d'une première et d'une
19 deuxième partie ainsi que du curriculum vitae; c'est bien ça ?
20 M. WAESPI : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je propose que nous libérions la
22 cote qui vient d'être affectée au curriculum vitae, car n'oublions pas que
23 le curriculum vitae a été admis au dossier alors que le rapport n'est pour
24 l'instant qu'enregistré aux fins d'identification.
25 Par conséquent, il est sans doute préférable, puisque le curriculum
26 vitae a été admis et que je ne vois aucune raison pour le moment de revenir
27 sur cette réalité, d'affecter le numéro suivant de pièce à conviction au
28 rapport, lui-même composé de deux parties. Le rapport a deux numéros 65
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1 ter, mais une seule cote en tant que pièce à conviction.
2 Madame la Greffière, quelle est la cote qui sera affectée au rapport ?
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le rapport devient la pièce à
4 conviction P1113, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est enregistré aux fins
6 d'identification et conserve ce statut pour le moment.
7 Veuillez procéder, Monsieur Waespi.
8 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur le Témoin, vous souhaitez vous expliquer quant à la nature de
10 la deuxième partie du rapport, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges. Donc dans la
12 deuxième partie du rapport, je me suis concentré sur les événements
13 survenus dans la zone de responsabilité de la région militaire de Split
14 entre la fin du mois de juillet et la fin du mois d'octobre 1995. Par
15 ailleurs, dans cette deuxième partie, j'ai jugé utile également d'apporter
16 quelques éléments d'explication définissant le contexte dans lequel s'est
17 créé ce qu'il est convenu d'appeler un Etat serbe auto-déclaré, c'est-à-
18 dire l'Etat connu sous le sigle de RSK, République de Krajina serbe, ainsi
19 que l'existence de ses forces armées. Le déploiement des forces de maintien
20 de la paix des Nations Unies en avril 1992 et le mandat des Nations Unies
21 est également expliqué ainsi que, bien sûr, les éléments pertinents
22 définissant le contexte de la présence des Nations Unies qui est liée à
23 l'intervention de la police spéciale à l'intérieur et aux environs de la
24 zone de responsabilité de la région militaire de Split pendant le mois
25 d'août 1995. J'explique également, dans cette deuxième partie du rapport,
26 le commandement de la garnison de Knin pendant et après l'opération
27 Tempête.
28 Q. Je vous remercie, Monsieur Theunens.
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1 M. WAESPI : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter
2 numéro 6099. Il s'agit d'un addendum qui compte 42 pages, Monsieur le
3 Président.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pour le moment, le rapport se verra
5 affecté une cote en tant que pièce à conviction; et l'addendum une autre
6 cote.
7 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez,
8 je crois comprendre que le document 65 ter numéro 6099 représente la
9 deuxième partie du rapport.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est la deuxième partie du
11 rapport, en tout cas c'est ce qu'on peut voir à l'écran.
12 M. WAESPI : [interprétation] C'est exact. Le bon numéro est le numéro 6100.
13 Je remercie Me Kehoe.
14 Q. Monsieur Theunens, pourquoi avez-vous rédigé un addendum à votre
15 rapport ?
16 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, après avoir déposé
17 le rapport en décembre 2007, j'ai poursuivi mes recherches dans diverses
18 bases de données, notamment dans la base de données contenant les
19 traductions afin de voir si des documents pertinents par rapport à mon
20 sujet de recherche étaient devenus disponibles. Par ailleurs, Alan Tieger
21 m'a remis un exemplaire papier d'une liste de documents que l'Accusation
22 souhaitait que je lise. Je ne me souviens plus de la date exacte avec
23 certitude, mais je crois que c'était en avril 2008. J'ai donc compulsé les
24 documents qui figuraient dans cette liste et je leur ai appliqué la même
25 méthodologie que celle que j'avais appliquée à la rédaction de mon rapport
26 dans le but d'intégrer au rapport des documents que je considérais
27 pertinents. Ces documents sont des documents que j'ai découverts au cours
28 de mes recherches ou qui étaient mentionnés dans la liste fournie par
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1 l'Accusation, et j'ai intégré ces documents dans un addendum au rapport.
2 Dans l'introduction de l'addendum, j'indique que l'addendum englobe un
3 certain nombre de documents auxquels j'ai eu accès après le mois de
4 décembre 2007. Il y a d'ailleurs un point que j'aimerais préciser, à savoir
5 que j'ai également intégré dans cet addendum un certain nombre de documents
6 qui avaient été mis à ma déposition avant décembre 2007. Mais je l'ai fait
7 parce que j'ai considéré que ces documents plus anciens étaient néanmoins
8 pertinents, car ils pouvaient apporter un nouvel éclairage, de nouvelles
9 explications quant au sens à donner aux nouveaux documents.
10 Q. Je vous remercie, Monsieur Theunens.
11 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande
12 l'enregistrement aux fins d'identification de cet addendum.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, quelle sera la cote
14 de l'addendum.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] L'addendum devient la pièce à
16 conviction P1114, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
18 M. WAESPI : [interprétation]
19 Q. Finalement --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'addendum est donc admis au dossier. Il
21 a le statut de document enregistré aux fins d'identification, statut qu'il
22 conservera pour le moment.
23 M. WAESPI : [interprétation]
24 Q. Enfin, Monsieur Theunens, j'aimerais que nous parlions du document 65
25 ter numéro 6151, je vous prie.
26 Avez-vous eu l'occasion de relire votre rapport et de rédiger après lecture
27 de votre rapport un document intitulé corrigendum ?
28 R. Oui, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges. C'est bien ce
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1 que j'ai fait. Le corrigendum se divise en deux parties, pour l'essentiel.
2 Une partie est le corps du texte, et l'autre partie est constituée de notes
3 en bas de page dans lesquelles je me suis efforcé de mettre en exergue
4 toutes les erreurs de frappe que l'on pouvait malheureusement encore
5 trouver dans la version initiale du rapport déposée en décembre 2007 ainsi
6 qu'un certain nombre de modifications de traductions. Par exemple, si je
7 prends un document particulier, le journal de guerre de la région militaire
8 de Split qui a été versé au dossier de la présente affaire en tant que
9 pièce à conviction P71, je crois que c'est M. Morris ou M. Shakhmetov qui
10 m'ont informé du fait que la traduction initiale était incomplète -- une
11 version amendée de cette traduction, complète cette fois-ci, dans laquelle
12 on trouve tous les numéros de page des documents de référence, a été
13 intégré dans les notes en bas de page du corrigendum.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Theunens, vous parlez du
15 corrigendum et vous avez rappelé tout à l'heure que vous aviez déposé dans
16 l'affaire Seselj en 2007. Est-ce que c'est bien la date que vous souhaitiez
17 évoquer ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] 2008, Monsieur le Président, toutes mes
19 excuses.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
21 Veuillez procéder, Monsieur Waespi.
22 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais
23 demander l'enregistrement de ce document aux fins d'identification.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, ce document
26 corrigendum devient la pièce à conviction P1115, enregistrée aux fins
27 d'identification.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
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1 Ce document conservera le statut de document enregistré aux fins
2 d'identification pour le moment.
3 Veuillez procéder, Monsieur Waespi.
4 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie. Ceci met un point final à
5 mon interrogatoire principal du témoin quant à son domaine d'expertise et à
6 la méthodologie appliquée par lui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Theunens, comme je vous l'ai
8 déjà expliqué, nous avons divisé votre déposition en plusieurs parties.
9 Hier, nous avons atteint la fin de la première partie de votre déposition.
10 Nous sommes maintenant dans la deuxième partie de celle-ci, donc la Défense
11 va pouvoir vous contre-interroger sur les questions évoquées dans cette
12 deuxième partie jusqu'à présent par M. Waespi ou vous poser toute autre
13 question portant sur le même domaine.
14 Maître Kehoe.
15 M. KEHOE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Contre-interrogatoire par M. Kehoe :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.
18 R. Bonjour, Maître Kehoe.
19 Q. D'abord, quelques questions préliminaires, Monsieur Theunens. Vous avez
20 dit que M. Tieger vous avait remis une liste de documents avant que vous ne
21 déposiez l'addendum qui vient d'être enregistré aux fins d'identification
22 sous la cote P1114. Pourriez-vous nous dire combien de documents figuraient
23 dans cette liste à peu près ?
24 R. Si je me souviens bien, la liste concernait 30 à 40 documents, mais je
25 n'en suis pas tout à fait sûr.
26 Q. A quelle date à peu près vous a-t-elle été remise ?
27 R. Je crois que c'était en avril, mais encore une fois, puisque je
28 travaille dans plusieurs affaires en même temps, il est possible qu'elle
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1 m'ait été remise au mois de mars. Mais je crois savoir que vous avez reçu
2 un exemplaire de cette liste, donc vous pouvez vérifier.
3 Q. Je comprends bien, Monsieur. Je vous pose tout de même la question.
4 R. D'accord.
5 Q. Revenons maintenant sur votre curriculum vitae, vous avez le grade de
6 commandant dans les forces militaires belges, n'est-ce pas ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Comment se situe ce grade dans l'ensemble des grades de l'armée belge ?
9 Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est des grades hiérarchiquement
10 inférieurs et supérieurs au vôtre ?
11 R. C'est un grade qui se situe entre celui de capitaine et de commandant.
12 Q. Ce n'était pas ma question. J'aimerais que vous nous décriviez les
13 niveaux hiérarchiques inférieurs et supérieurs.
14 R. D'accord. On commence par second lieutenant, donc à partir du bas, puis
15 premier lieutenant, capitaine, commandant, lieutenant-colonel, colonel.
16 Général de brigade, mais c'est un grade qui ne s'applique qu'au sein des
17 organismes internationaux. Puis nous avons les généraux de division,
18 généraux de corps d'armée et deux généraux, le chef d'état-major de la
19 Défense, le général quatre étoiles et le roi qui est le commandant suprême
20 des forces armées.
21 Q. Monsieur Theunens, pendant votre carrière militaire, quelle était
22 l'unité la plus importante que vous ayez commandée ?
23 R. La plus importante -- vous voulez dire celle dont les effectifs étaient
24 les plus importants ou la plus importante du point de vue des équipements…
25 Q. Du point de vue des effectifs.
26 R. D'accord. J'ai été commandant en exercice d'une compagnie pendant des
27 manœuvres de chars avec sous mes ordres environ 80 hommes.
28 Q. Dans de telles circonstances, vous étiez commandant en exercice; c'est
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1 bien ça ?
2 R. C'est exact.
3 Q. D'accord. Laissons de côté votre commandement de 80 hommes dans le
4 cadre de manœuvres. En dehors de cela, quelle a été l'unité la plus
5 importante du point de vue des effectifs dont vous ayez eu un commandement
6 plein et entier en tant que supérieur hiérarchique ?
7 R. Un commandant en exercice exerce un commandement plein et entier, car
8 autrement il n'est pas commandant. Mais le poste que j'occupais auparavant
9 était celui de commandant de peloton dans lequel j'étais responsable de 15
10 hommes.
11 Q. D'accord. Vous étiez commandant de peloton, responsable de 15 hommes,
12 et lorsque vous avez été commandant en exercice, vous étiez responsable de
13 80 hommes; c'est bien ça ?
14 R. Non. C'est lorsqu'on est commandant de char ou commandant en exercice
15 d'une formation responsable des chars qu'on a sous ses ordres 80 hommes.
16 Q. Passons maintenant en revue votre passé militaire, Monsieur.
17 D'ailleurs, avant d'en arriver là, combien de temps avez-vous été
18 commandant en exercice ?
19 R. Je pense que la durée la plus longue a été d'une ou deux semaines, mais
20 ceci s'est passé à plusieurs reprises.
21 Q. Donc -- à combien de reprises cela s'est-il passé ?
22 R. Je pense que cela a eu lieu trois ou quatre fois. Voilà ce qui se
23 passait : le commandant de compagnie suivant des cours de français, c'est
24 une obligation pour quelqu'un dont la langue maternelle est le néerlandais,
25 et c'est vrai également pour quelqu'un dont la langue maternelle est le
26 français qui a obligation d'apprendre le néerlandais avant d'atteindre le
27 deuxième niveau de l'école de l'état-major.
28 Q. D'accord. Est-il permis de dire que les postes que vous avez occupés
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1 étaient des postes en temps de paix et pas en temps de guerre, n'est-ce pas
2 ?
3 R. En effet. Mais si vous me le permettez, j'aimerais expliquer -- ajouter
4 quelques mots d'explication au sujet des principes appliqués en temps de
5 paix et en temps de guerre en disant qu'ils sont identiques.
6 Q. Concentrons-nous maintenant sur votre parcours académique
7 universitaire. Vous avez dit à plusieurs reprises au cours de
8 l'interrogatoire principal que vous aviez étudié l'histoire et la science
9 militaire ainsi que la physique, la chimie et la psychologie. Vous
10 considérez-vous un expert dans ces diverses disciplines ou simplement
11 quelqu'un qui a suivi des cours dans ces matières à l'Académie militaire ?
12 R. Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il m'appartient de déterminer
13 si je suis expert ou pas. Je peux relater mon expérience professionnelle et
14 expliquer pourquoi mon expérience est pertinente eu égard à la rédaction du
15 rapport qui m'a été demandé, mais je ne pense pas qu'il m'appartient de
16 déterminer si je suis expert ou pas.
17 Q. Monsieur Theunens, ma question consistait à vous demander si vous
18 estimiez que vous étiez expert dans ces matières simplement parce que vous
19 aviez suivi des cours dans ces matières ?
20 R. La réponse est -- bien, je ne pense pas qu'il m'appartient de
21 déterminer si je suis expert ou pas parce que --
22 Q. Excusez-moi. Est-ce que vous avez des difficultés à répondre à ma
23 question ? Je vous demande simplement si vous estimiez --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
25 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
27 Me Kehoe aimerait savoir, je pense, Monsieur Theunens, si en fonction des
28 cours que vous avez suivis dans d'autres matières vous vous considérez
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1 expert dans ces domaines. La première question était : est-ce que vous vous
2 êtes considéré à quelque moment que ce soit comme expert en chimie, par
3 exemple.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] La chimie n'était pas mon point le plus fort,
5 je dois l'avouer.
6 M. KEHOE : [interprétation] Vous n'êtes pas le seul.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question consistait simplement à vous
8 demander si vous vous estimiez expert en chimie, car je pense que pour
9 certains juristes ce n'est pas une chose facile.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président, ce que
11 vous voulez dire. Manifestement, je ne me considère pas comme expert en
12 chimie simplement sur la base des quelques cours de chimie que j'ai suivis,
13 car à mon avis, le mot "expert" ne signifie pas simplement qu'on a un
14 diplôme universitaire dans telle ou telle matière, mais qu'on a également
15 acquis une expérience professionnelle dans la matière en question. Si vous
16 le souhaitez, je peux m'expliquer plus avant sur ce sujet.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si Me Kehoe souhaite des explications
18 complémentaires, il vous les demandera.
19 Veuillez procéder, Maître Kehoe.
20 M. KEHOE : [interprétation]
21 Q. Soyons un peu plus direct, Monsieur Theunens, et parlons un peu de vos
22 connaissances spécialisées en matière d'artillerie.
23 Vous nous avez dit hier, et vous l'avez dit aux Juges ainsi qu'à ceux
24 qui vous écoutaient dans ce prétoire, ceci figure en page 12 179 du compte
25 rendu d'audience à partir de la ligne 5 de cette page. Si vous le
26 souhaitez, je peux vous lire ce que vous avez dit hier, Monsieur Theunens,
27 vous avez dit que vous aviez suivi un cours de balistique. Est-ce que ce
28 cours était délivré à l'Académie militaire ?
Page 12224
1 R. C'est exact, Monsieur le Président. Ça c'est le premier élément de
2 réponse.
3 Q. Alors que vous étiez sous-officier, je crois ceci est indiqué à la
4 ligne 9 de la même page, vous avez indiqué avoir suivi un cours d'une
5 semaine dans le domaine de l'observation avancée, n'est-ce pas ?
6 R. C'est exact, Monsieur le Président.
7 Q. Une école d'observation avancée dispense une formation destinée aux
8 hommes qui travailleront dans l'artillerie, c'est-à-dire que c'est une
9 école où l'on enseigne comment déterminer les distances sur la gauche ou
10 sur la droite. C'est, pour l'essentiel, ce qui s'y passe, n'est-ce pas ?
11 R. C'est, pour l'essentiel, le souvenir que j'ai de ce cours. Je veux
12 dire, on y dispense des informations sur les différents types de tirs, le
13 commandement et le contrôle, les rapports existants entre l'unité qui
14 apporte un appui au tir et les demandes présentées par cette unité pour
15 l'appui en question. Mais dans la pratique, c'est bien ce que vous dites.
16 Q. La dernière fois - ceci commence à la même page, Monsieur le Président,
17 ligne 21, dernier point - vous avez suivi un cours d'état-major où on vous
18 a enseigné l'usage de différents types d'armes pendant une année, n'est-ce
19 pas ?
20 R. Oui. Comme je l'ai dit, on y enseignait également l'organisation de
21 l'appui de la part de l'artillerie au niveau des brigades, ce que je
22 considère comme très important s'agissant de l'artillerie. D'ailleurs, j'en
23 traite dans mon rapport.
24 Q. Vous n'avez jamais commandé un groupe d'artilleurs, ou un corps, ou une
25 division ou une brigade d'artilleurs, n'est-ce pas ?
26 R. Non, Monsieur le Président.
27 Q. Est-ce un fait, Monsieur, que vous n'êtes pas un expert en matière
28 d'artillerie ?
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1 R. C'est exact, Monsieur le Président, mais j'ai une objection, à savoir
2 que je n'ai jamais tenté de donner l'impression que j'étais expert en la
3 matière dans mon rapport.
4 Dans mon rapport, je n'ai traité d'aucune question technique, à
5 savoir du point de savoir si les cibles visées étaient correctes ou pas, et
6 s'il y avait des dommages collatéraux ou des dommages regrettables
7 explicables statistiquement. Cela n'est pas mon domaine d'expertise, et je
8 n'ai fait aucun effort pour formuler la moindre conclusion dans ce domaine.
9 Q. Mais dans votre rapport, Monsieur Theunens, est-ce que vous n'avez pas
10 proposé votre avis d'expert au sujet de l'attaque d'artillerie visant Knin
11 et d'autres villes dans la région de Krajina en disant qu'il s'agissait de
12 tir aveugle ?
13 R. Pourriez-vous m'indiquer la page de mon rapport où j'exprime cet avis
14 d'expert ?
15 M. KEHOE : [interprétation] Page 108.
16 Q. Je crois que c'est la deuxième partie de votre rapport.
17 R. Madame, Messieurs les Juges, ce que j'ai écrit -- en fait, je vais vous
18 donner lecture de la phrase : "Les devoirs de l'artillerie et du district
19 militaire de Split incluent," et ensuite j'ouvre la parenthèse, ce qui
20 signifie que je cite un document, document d'ailleurs dont il est question
21 un peu plus tôt dans le rapport, et je cite : "faire subir des tirs
22 d'artillerie aux villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac."
23 Ensuite, j'ajoute moi-même : "sans indiquer quelles étaient les cibles
24 exactes dans ces villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac."
25 Je n'ai pas utilisé cette expression, "tir aveugle." J'ai tout
26 simplement essayé de citer exactement l'ordre. Puis ensuite, j'ai comparé
27 ledit ordre avec ce que j'avais appris lors de mon cours d'état-major au
28 niveau de la brigade, et pour chaque cible, nous avons eu une description
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1 précise. Je sais pertinemment que les forces armées croates n'utilisent pas
2 forcément les mêmes références que nous, mais au moins il devrait y avoir
3 une description, une description des bataillons ennemis ou du centre
4 logistique. Ce que j'entends par une description, c'est une identification
5 précise de la cible qui dépasse, en quelque sorte, le nom d'une ville,
6 qu'elle soit importante ou que ce soit une bourgade.
7 Q. Continuez votre lecture. Poursuivez votre lecture après l'endroit où
8 vous vous êtes interrompu.
9 R. Oui.
10 Q. "Le fait que les ordres des unités subordonnées, l'ordre du Groupe
11 opérationnel Zapad [comme interprété] pour l'attaque du 3 août 1995," et
12 ensuite, 'faire subir des tirs d'artillerie à Benkovac, Obrovac, Gracac,
13 qui ont été pris en considération lors de la préparation de ce rapport, et
14 là il n'y a pas d'informations relatives aux cibles.'"
15 Il s'agit de votre avis, de votre point de vue. "Cela suggère que le
16 commandant du district militaire de Split et ses commandants subordonnés
17 considèrent ces villes contrôlées par les Serbes comme autant de cibles
18 militaires qu'ils peuvent engager avec leurs tirs d'artillerie."
19 D'ailleurs, à la page suivante, à la page 181, vous citez un ordre ou
20 un rapport du général de brigade Ademi, qui adresse cela au général
21 Gotovina, et voilà ce qui est dit, je cite : "Cette conclusion est
22 corroborée par un rapport," et il y a le numéro du rapport, "le général de
23 brigade Rahim Ademi, chef d'état-major du district militaire de Split et le
24 commandant du Groupe opérationnel Livno envoie, le 7 mai 1995, cela au
25 général Gotovina, commandant du district militaire de Split. Ademi indique
26 au général Gotovina dans son rapport que : "Conformément à votre
27 commandement, nous sommes tout à fait prêts à ouvrir le feu sur Knin en
28 quatre heures. Vous avez le rapport d'Ademi destiné à Gotovina qui ne
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1 mentionne pas quelles sont les cibles militaires qui vont être visées."
2 Monsieur Theunens, en incluant ces paragraphes dans votre rapport, et
3 ces citations, vous essayez en quelque sorte de suggérer à la Chambre que
4 les villes de Knin et d'Obrovac, de Benkovac et de Gracac, et logiquement
5 de Knin également, ont essuyé des tirs aveugles.
6 R. Monsieur le Président, je ne pense pas que c'est ainsi que l'on puisse
7 interpréter ce que j'ai écrit. Mais avant de répondre à votre question,
8 j'aimerais attirer l'attention de la Chambre de première instance sur le
9 document de la liste 65 ter --
10 Q. Je m'excuse, Monsieur, mais j'aimerais que vous répondiez à ma
11 question.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a commencé par ces mots :
13 "Afin de répondre à la question…" ensuite, il a estimé qu'il était
14 pertinent pour, justement, répondre à votre question, d'attirer notre
15 attention sur un certain document. Il a tout à fait le droit de le faire.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 A la page 185, je cite le registre opérationnel de la 4e Brigade des
18 Gardes. Il s'agit de l'une des Brigades des Gardes du district militaire de
19 Split. Il s'agit du document 4681 de la liste 65 ter. J'ai inclus des
20 citations que je considère pertinentes dans le contexte de l'utilisation de
21 l'artillerie par le district militaire de Split pendant l'opération
22 Tempête, et cela se trouve à la page 185. Si vous prenez ce qui est écrit
23 en dernier lieu sur cette page, je cite, pour le 4 août, à 10 heures 38, et
24 je vais vous en donner lecture de cette citation : "Le commandant de
25 brigade nous a demandé de ne plus pilonner Knin, étant donné que nos
26 troupes s'y trouvent déjà."
27 Je mentionne cela parce que j'ai essayé de vous expliquer cela lorsque je
28 vous parlais de ma méthodologie. Il ne faut pas considérer les documents de
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1 façon isolée. Puis deuxièmement, pour répondre à la question que vous
2 m'avez posée, je dirais que je n'ai pas analysé l'utilisation de
3 l'artillerie, à savoir je n'ai pas analysé le fait de savoir si Knin avait
4 été pilonné ou non. Tout ce que j'ai fait, c'est que j'ai repris des
5 informations qui se trouvaient incluses dans des ordres donnés par
6 Gotovina, donnés par ses unités subordonnées, et vous avez également lu un
7 peu plus tôt un rapport qui émanait de son chef d'état-major où la
8 possibilité de pilonnage de ces villes était évoquée. Je vous ai donné
9 lecture de ce qui se trouvait dans le journal de bord de la 4e Brigade des
10 Gardes, qui indiquait qu'effectivement Knin était pilonné, ou plutôt, que
11 Knin essuyait des tirs d'artillerie. Je n'ai suggéré nulle part que Knin
12 avait fait l'objet de pilonnage aveugle. C'est une différence extrêmement
13 importante entre ce que vous essayez d'avancer ici et ce qui figure dans le
14 rapport.
15 M. KEHOE : [interprétation]
16 Q. Monsieur Theunens, procédons par étape. Voyons la page 185 où il est
17 question justement de cesser de pilonner Knin. Il y un ordre qui vise à ce
18 que l'on cesse de pilonner la zone de Knin, parce que les troupes de la HV
19 se trouvent dans cette ville, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, tout à fait, à 10 heures 38.
21 Q. Reprenez la page 180. Vous êtes en train de nous dire maintenant, qu'à
22 la page 180, qu'au bas de la page 180, et que dans votre paragraphe qui se
23 trouve à la page suivante, à la page 181, vous êtes en train de nous parler
24 de cette information qui était envoyée par le général de brigade Ademi au
25 général Gotovina. Mais vous êtes en train de nous dire que compte tenu de
26 cette information, vous n'êtes pas en train d'essayer de suggérer à
27 l'intention de la Chambre de première instance que les villes de la région
28 de la Krajina essuyaient des tirs aveugles, conformément à l'ordre du
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1 général Gotovina.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.
3 M. WAESPI : [interprétation] Je pense qu'il a répondu à cette question
4 auparavant.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin n'a pas répondu par oui ou par
6 non. Je ne sais pas si c'est une question qui appelle ce genre de réponse.
7 Mais pourriez-vous peut-être, Monsieur, préciser votre point de vue à ce
8 sujet. Si vous voulez répondre par oui ou par non, cela n'est pas un
9 problème, mais si vous ne pouvez pas le faire, essayez de répondre
10 succinctement.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais essayer de vous répondre
12 brièvement, Monsieur le Président. Je ne vais pas vous répondre par un oui
13 ou par un non.
14 Mais ce que j'aimerais dire, c'est que dans le rapport il est indiqué que
15 l'artillerie du district militaire de Split peut être utilisée sur ces
16 municipalités. Pour ce qui est de savoir si l'on fait ou non, je n'ai pas
17 disposé des renseignements me permettant de déterminer si ces cibles
18 avaient été justement visées. D'ailleurs, cela ne faisait pas partie de la
19 portée de mon rapport en quelque sorte. Donc je pense qu'il y a une
20 différence extrêmement importante entre ce qu'ils pouvaient faire et ce
21 qu'ils ont fait dans la réalité. C'est pour cela que je fais référence aux
22 citations que l'on trouve dans le journal de bord de la 4e Brigade des
23 Gardes.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le rapport nous indique ce qu'ils
25 pouvaient faire, je suppose que sur la base des documents que vous avez
26 étudiés, vous avez trouvé qu'il y avait des limites à ce qu'ils pouvaient
27 faire. Cela était concis dans ces documents et c'est ce que vous avez
28 exprimé dans votre rapport; c'est cela ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Parce
2 que dans le rapport, je mentionne quel est le point de vue du commandant du
3 district militaire de Split par rapport au pilonnage de Knin, et ce, en
4 fonction du déploiement des armes, puisqu'il faut savoir qu'il avait
5 planifié cela dans le cadre de sa participation à l'opération Tempête.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kehoe.
7 M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi d'enchaîner à la suite de votre
8 question, Monsieur le Président.
9 Q. Mais que souhaitiez-vous suggérer à la Chambre de première instance
10 lorsque vous dites que cet ordre bien précis ne donne pas d'autres
11 renseignements précis à propos des cibles.
12 Qu'est-ce que vous suggériez par cette phrase ?
13 R. Je pense avoir déjà répondu à cette question, Madame, Messieurs les
14 Juges, mais je peux tout à fait répéter ce que j'ai dit. Compte tenu de mes
15 compétences dans le domaine de la planification des tirs d'artillerie, d'un
16 côté, et par ailleurs compte tenu des documents émanant du district
17 militaire de Split, documents que j'ai analysés, je m'attendais à trouver
18 des renseignements beaucoup plus détaillés à propos des cibles bien
19 précises qui devaient être visées dans ces villes.
20 Il y a, à titre d'illustration, des exemples de ce genre d'informations
21 relatives aux cibles. Vous les trouvez à la page 187 de mon rapport. C'est
22 exactement ce que j'ai appris lors de ma formation militaire. Nous avons un
23 numéro pour la cible, puis une description de la cible. Il s'agit d'une
24 description physique de la cible et de l'identification de la personne qui
25 peut viser la cible en question.
26 Point n'est besoin d'être un expert dans le domaine de l'artillerie pour
27 savoir qu'il s'agit d'information de base nécessaire afin d'autoriser ceux
28 qui vont effectuer les tirs à savoir sur quoi ils vont tirer comme cible.
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1 Vous avez ces listes peut-être qui existent pour les villes de Knin,
2 Benkovac et Drvar. C'est ce à quoi je m'attendais. Mais les informations
3 auraient dû être incluses dans l'ordre, ou en tout cas la description
4 aurait dû être beaucoup précise que ce que je vous ai lue au début, que
5 nous avons lue donc à propos des villes de Knin, de Benkovac, d'Obrovac et
6 de Drvar.
7 Q. Je suppose que l'on ne vous a pas montré certains des documents
8 relatifs aux cibles, n'est-ce pas ?
9 R. Il se peut que parmi les documents que M. Tieger m'a remis, il se peut
10 qu'il y ait ce type de listes, mais il faut savoir que ce que j'inclus à la
11 page 187 est justement l'un des documents pertinents à ce sujet, documents
12 que j'ai trouvés lors de mes recherches. Là, vous voyez qu'il est indiqué
13 que ces cibles doivent être visées par les unités d'artillerie ou peuvent
14 être visées par les unités d'artillerie du district militaire de Split.
15 Q. Donc vous avez obtenu des cibles de la part du bureau du Procureur ?
16 R. J'ai procédé à mes propres recherches. Il se peut que j'aie reçu des
17 documents du bureau du Procureur, mais j'ai également fait mes propres
18 recherches. Il ne s'agit pas seulement de recevoir des documents; il s'agit
19 également d'identifier les documents en question.
20 Q. Donc la réponse à ma question -- ou plutôt, nous reviendrons là-dessus
21 dans un petit moment.
22 Pour revenir à votre domaine de compétence, vous avez rassemblé ces
23 documents et vous avez compilé ces renseignements, et je pense également à
24 vos antécédents professionnels, mais cela ne vous transforme pas en expert
25 dans le domaine de l'artillerie, n'est-ce pas ?
26 R. Je pense avoir déjà répondu à cette question. Je ne suis pas un expert
27 en artillerie. Je n'ai jamais prétendu être un expert en artillerie. Mais
28 je pense, toutefois, que ma formation militaire et mon domaine de
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1 compétence me permettent de tirer les conclusions que j'ai avancées dans
2 mon rapport à propos de la planification et du choix des cibles qui se
3 trouvent indiqués dans les rapports dont nous avons parlé.
4 Q. Voilà. Je voulais juste m'assurer que n'étiez pas un expert
5 d'artillerie.
6 Au vu de votre grade, compte tenu de votre expérience au sein de
7 l'armée belge, et vous nous avez dit que vous n'avez jamais eu d'expérience
8 à un haut niveau pour ce qui était du commandement et du contrôle, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Madame, Messieurs les Juges, hier j'ai répondu à une question semblable
11 qui m'avait été posée par M. Waespi. J'avais expliqué qu'effectivement, je
12 n'ai pas exercé moi-même ce commandement et ce contrôle. Mais j'ai
13 travaillé pour l'état-major général des forces armes belges durant un
14 exercice qui était organisé au niveau de l'état-major de la brigade, et
15 j'ai travaillé au niveau du commandement de force, et je pense à des
16 opérations de maintien de la paix des Nations Unies, des opérations assez
17 importantes, puis ensuite il y avait cette force conjointe qui était en
18 quelque sorte dirigée par l'OTAN par la suite. Donc je pense que je suis
19 tout à fait à même de comprendre ce que signifient le commandement et le
20 contrôle à différents niveaux et comment les mettre en application.
21 Q. J'aimerais savoir si vous vous considérez comme un expert du
22 commandement et du contrôle à haut niveau ?
23 R. J'estime que je suis à même de fournir des conclusions
24 professionnelles, je suis à même d'avancer des conclusions professionnelles
25 sur les thèmes qui figurent dans mon rapport.
26 Q. Mais ce n'est pas ma question, Monsieur. Ma question est très simple,
27 en fait. J'aimerais savoir si vous vous considérez comme un expert des
28 questions relatives au commandement et au contrôle, et ce à haut niveau.
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1 R. Alors, j'aimerais savoir quel critère je devrais utiliser.
2 Q. Nous allons venir sur quelque chose et vous me direz quels sont les
3 critères que vous avez utilisés, parce que ce que nous allons faire
4 maintenant, c'est que nous allons demander l'affichage de la pièce 1D62-
5 0001. Il s'agit du projet d'article dont vous nous avez -- ou plutôt, de
6 cet article provisoire dont vous nous avez parlé hier.
7 M. KEHOE : [interprétation] Malheureusement, il n'y a pas de traduction de
8 ce document jusqu'à présent, Monsieur le Président.
9 Q. Mais voilà ce projet d'article que vous avez rédigé vous-même, Monsieur
10 Theunens. Il s'agit du rôle de l'expert militaire. Vous reconnaissez cela,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Oui, tout à fait.
13 Q. C'est l'article dont vous avez parlé hier lors de l'interrogatoire
14 principal de mon estimé confrère ?
15 R. Oui, oui, c'est exact.
16 M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous affichons la
17 page 6 de ce document.
18 Alors, voyez qu'il y a une rubrique ou un chapitre intitulé "Rôle de
19 l'expert militaire lors du procès." J'aimerais trouver la référence juste.
20 Voilà. Voyez, il est question -- voyez, c'est ce chapitre mis en
21 application. Est-ce qu'on pourrait faire défiler le document vers le bas,
22 je vous prie.
23 Q. Donc, vous remarquez que le bureau du Procureur fait en général appel à
24 deux types d'experts militaire, les experts militaires extérieurs au bureau
25 du Procureur et les experts militaires qui travaillent pour le bureau du
26 Procureur, et vous dites : "Les experts militaires qui ne travaillent pas
27 pour le bureau du Procureur sont des spécialistes de plusieurs aspects, ce
28 qui signifie qu'ils doivent avoir une connaissance technique détaillée, un
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1 domaine de compétence dans le domaine par exemple de l'artillerie, de la
2 logistique ou des tireurs embusqués."
3 Pour ce qui est justement de l'artillerie, vous reconnaissez que le
4 bureau du Procureur a fait appel à un expert qui ne travaille pas pour le
5 bureau du Procureur, pour tout ce qui est question d'artillerie, n'est-ce
6 pas, dans cette affaire ?
7 R. Oui, j'en ai entendu parler.
8 Q. Alors, nous allons maintenant aborder la question des experts du bureau
9 du Procureur. Voilà ce que vous dites : "Des officiers supérieurs qui ont
10 une expérience à haut niveau du commandement et du contrôle," et entre
11 crochets vous écrivez : "Commandant général de brigade ou officier
12 supérieur ayant de préférence une expérience opérationnelle dans la zone du
13 conflit."
14 Dans votre article vous parlez donc du grade général de brigade ou de grade
15 supérieur, et ce, afin de pouvoir aborder les questions de commandement et
16 de contrôle à un haut niveau. Pourquoi est-ce que vous avez inclus cela
17 dans votre article, alors ?
18 R. Parce que dans cet article, j'ai essayé de décrire toutes les
19 expériences auxquelles j'ai assisté au TPIY, et ce, dans un certain nombre
20 d'affaires. Cela dépend un tant soit peu de la teneur du procès, mais je
21 pense à la situation où l'Accusation et la Défense convoquent un général
22 pour qu'il témoigne à propos de questions très, très précises pour ce qui
23 est du commandement et du contrôle; ce général analysera des questions
24 particulièrement pointues, et ne fera pas référence -- enfin, je ne faisais
25 pas référence aux nombreux documents que j'ai consultés et analysés pour
26 pouvoir parler de cet aspect du commandement et du contrôle.
27 Q. Oui, mais n'est-il pas exact, Monsieur Theunens, que la raison pour
28 laquelle un officier supérieur doit être convoqué est parce que vous avez
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1 rédigé que vous vouliez avoir quelqu'un qui a une expérience à haut niveau
2 du commandement et du contrôle ? Est-ce que ce n'est pas plutôt cela ?
3 R. Madame, Messieurs les Juges, vous savez, ce n'est pas moi qui décide de
4 la personne qui est convoquée par le Procureur. Je pense en fait que -- et
5 cela était utilisé dans de nombreux procès ici. Vous avez un général qui
6 vient témoigner et qui explique comment les choses auraient dû se passer au
7 niveau du commandement. Vous avez également l'analyste du bureau du
8 Procureur à qui l'on demande d'analyser les documents. Je pense que c'est
9 une approche efficace, mais ça, c'est mon point de vue personnel.
10 Je le répète, ce n'est pas moi qui détermine, qui convoque qui.
11 Q. Mais si vous êtes ici pour parler de ces questions relatives au
12 commandement et au contrôle dans votre rapport, est-ce que vous savez
13 pourquoi le bureau du Procureur a un autre expert qui n'a rien à voir avec
14 vous, qui figure sur la liste de témoins et qui va justement parler de ces
15 questions de commandement et de contrôle ? Est-ce que vous savez pourquoi ?
16 R. Ecoutez, la réponse logique serait de vous demander de poser la
17 question à la personne qui décide en la matière.
18 Q. Nous allons poursuivre. Donc, nous allons déterminer que vous n'étiez
19 pas officier supérieur, que vous n'avez pas d'expérience à un niveau
20 supérieur du commandement et du contrôle, et que vous n'aviez pas
21 d'expérience opérationnelle dans la zone du conflit, n'est-ce pas ? Le mot
22 important ou les mots importants sont "expérience opérationnelle dans une
23 zone de conflit," et peut-être que vous pourriez indiquer à la Chambre ce
24 que vous entendiez par l'adjectif "opérationnel," et vous pourriez peut-
25 être expliquer également à la Chambre pourquoi vous n'avez pas cette
26 expérience.
27 R. Ecoutez, là je suis un peu perdu.
28 Q. Lorsque vous parliez de cet expert, lorsque vous avez rédigé votre
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1 article, vous faites référence à un expert qui va s'exprimer à propos des
2 questions de commandement et de contrôle et vous indiquer qu'il faut
3 chercher un officier supérieur ayant une expérience du commandement et du
4 contrôle, et ce, à haut niveau. De préférence, dites-vous quelqu'un qui a
5 une expérience opérationnelle dans une zone de conflit ?
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je pense que cela faisait
7 partie de sa réponse précédente, parce que d'après ce que je comprends dans
8 cet article que vous avez rédigé, vous avez indiqué quels étaient vos
9 desideratas si vous veniez à être partie prenante dans un procès. C'est
10 ainsi en tout cas que je comprends cet article, et vous indiquez ce qui a
11 déjà été fait par le bureau du Procureur au TPIY.
12 Donc, Maître Kehoe, je l'avais pensé, mais je m'étais abstenu de faire tout
13 commentaire. Mais soyons bien clairs à propos de la description du témoin,
14 puisque apparemment c'est une pratique qu'il constate, qu'il a observé,
15 qu'il constatait. C'est la seule partie du texte que j'ai lu. Je n'ai pas
16 lu l'intégralité de cet article, mais je pense qu'il faudrait peut-être que
17 vous jetiez les bases afin de nous indiquer si cela est bien ce que le
18 témoin souhaiterait faire.
19 M. KEHOE : [interprétation] Je vous demande juste une petite minute.
20 [Le conseil de la Défense se concerte]
21 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
22 M. KEHOE : [interprétation] Le problème en fait -- je reviens à la réponse
23 qui a été apportée par M. Theunens, puisque M. Theunens nous a dit qu'il
24 faudrait peut-être que je pose la question au bureau du Procureur. Alors
25 là, on tourne un peu en rond parce qu'il nous dit que c'est ainsi que les
26 choses devraient être faites.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas -- non, il ne vous dit pas
28 que c'est ainsi que les choses devraient être faites. Il vous dit que c'est
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1 ainsi que les choses sont faites. Donc, ce n'est pas la même chose. Il y a
2 une différence entre ce que le bureau du Procureur devrait faire et ce que
3 fait le bureau du Procureur. Puis je pense qu'il faudrait peut-être se
4 concentrer un tant soit peu -- bon, je m'abstiens de tout commentaire, mais
5 je souhaiterais que vous soyez très précis, parce que vous avez montré un
6 document au témoin. C'est le seul document que la Chambre voie ou analyse.
7 Si le témoin dit : "Voilà comment les choses sont faites," si vous voulez
8 savoir pourquoi, posez la question à ceux qui prennent les décisions. Le
9 témoin ne répond pas cela pour éviter de répondre à votre question, mais
10 cela ne fait absolument pas partie de son article. Le témoin ne décrit pas
11 ce qui devrait être fait. En tout cas, d'après ma lecture, il décrit tout
12 simplement ce qui est fait. C'est ainsi que je lis l'article. Vous posez
13 votre question et visiblement vous avez compris autre chose. Donc, il se
14 peut que l'on ne soit pas d'accord à propos de ce qui est écrit, mais peut-
15 être qu'il faudrait demander au témoin ce qui est fait, en règle générale.
16 Demandez-lui s'il s'agit d'une description de la pratique qui est retenue
17 en règle générale.
18 Poursuivez, Maître Kehoe.
19 M. KEHOE : [interprétation]
20 Q. Est-ce que vous savez pourquoi le bureau du Procureur fait appel à des
21 experts qui ne travaillent pas pour le bureau du Procureur pour toutes ces
22 questions de commandement et de contrôle ?
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.
24 M. WAESPI : [interprétation] Objection. J'aimerais savoir quelle est la
25 pertinence de cette question.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, si le témoin peut répondre à
27 cette question, il pourrait nous le dire s'il a la réponse. Pour ce qui est
28 des conclusions à tirer, ça c'est une autre paire de manches.
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1 Est-ce que vous savez pourquoi le bureau du Procureur agit comme il le
2 fait, comme vous l'avez décrit ? Si vous le savez, dites-nous-le, Monsieur
3 Theunens, si vous savez.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Et pour préciser
5 ma réponse précédente, je dirais qu'il y a une note en bas de page. C'est
6 la note en bas de page numéro 36, qui se trouve à la fin de la phrase citée
7 par Me Kehoe. Et si vous vous référez à cette note en bas de page, vous
8 verrez que c'est une observation que je fais compte tenu de mes
9 constatations dans d'autres procès. Hadzihasanovic, par exemple, Strugar,
10 et cetera, et cetera. Alors pour revenir à cette dernière question qui
11 vient d'être posée, je pense qu'il faudrait passer à la page suivante de
12 l'article, car je dirais que d'un côté, et cela est le fruit de mes
13 observations, le bureau du Procureur souhaite toujours présenter des moyens
14 de preuve militaires de façon structurée et de façon efficace afin de
15 faciliter la tâche de la Chambre de première instance lorsqu'elle devra
16 évaluer ces documents. Mais si je prends pour exemple un certain nombre de
17 procès, et si je prends en compte mon expérience au sein de cette
18 organisation, je dirais qu'il y a un certain nombre d'analystes qui
19 travaillent pour le bureau du Procureur et qui peuvent être utilisés pour
20 cette tâche. Mais de surcroît, le bureau du Procureur peut considérer
21 également qu'il est utile, dans certains procès à connotation militaire, de
22 faire appel à des personnes de l'extérieur qui ont un domaine d'expertise,
23 de compétence très, très précis, tels que, par exemple, l'artillerie, le
24 commandement et le contrôle, et autres.
25 M. KEHOE : [interprétation]
26 Q. J'aimerais revenir à ce que je vous avais demandé. Je ne vous pose pas
27 la question à propos de ce qu'ils font. J'aimerais savoir pourquoi le
28 bureau du Procureur choisit de faire appel à des experts de l'extérieur
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1 pour les questions de commandement et de contrôle.
2 R. Ecoutez, je ne souhaiterais surtout pas vous manquer de courtoisie,
3 mais je pense qu'il appartient aux juristes hors classe, avec les autres
4 juristes qui travaillent dans un procès, de déterminer quels sont les
5 témoins qui seront convoqués, quels sont les moyens de preuve qui seront
6 présentés. Ils sont beaucoup mieux placés que moi pour déterminer si tel ou
7 tel témoin qui est compétent dans le domaine du commandement et du
8 contrôle, doit être convoqué ou non.
9 Q. Mais lors de vos conversations avec les juristes hors classe pour le
10 bureau du Procureur, est-ce que vous avez jamais parlé du fait que vous,
11 vous aviez une certaine formation et des diplômes qui feraient en sorte que
12 -- je ne sais pas, est-ce que vous avez parlé de cela ? Est-ce qu'il est
13 considéré que vous n'aviez pas suffisamment d'expertise ou de compétence
14 dans le domaine du commandant et du contrôle à haut niveau, est-ce que
15 c'est la raison pour laquelle ils ont fait appel à un autre expert ?
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, il y a deux questions, Monsieur
17 Theunens. La première question consiste à savoir s'ils en ont parlé avec
18 vous, s'ils ont parlé du fait que vous n'aviez pas les diplômes, la
19 formation pour fournir un avis d'expert sur les questions à haut niveau de
20 commandement et de contrôle.
21 Est-ce qu'ils en ont parlé avec vous, Monsieur Theunens ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Cela n'a pas fait
23 l'objet de discussions.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors si cela n'a pas été discuté avec
25 vous, est-ce qu'on vous a communiqué les raisons pour lesquelles le bureau
26 du Procureur souhaitait faire appel à un expert externe qui va,
27 apparemment, parler de ces questions ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Cela ne m'a pas été expliqué. Les raisons
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1 ne m'ont pas été expliquées.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
3 Et je vous en prie, Maître Kehoe.
4 M. KEHOE : [interprétation] Je ne sais pas --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais je pense qu'en fait, nous
6 devrions avoir une pause d'abord.
7 Après la pause, M. Russo -- parce que vous aviez déjà demandé trois
8 minutes, mais vous en aviez utilisé quatre, donc --
9 M. RUSSO : [interprétation] Non, mais je peux en parler après la pause.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, nous allons faire la
11 pause et vous pourrez arriver un peu plus tard.
12 [Le témoin quitte la barre]
13 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.
14 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que je donne l'occasion à M. Russo
16 de parler, la Chambre a pris en considération le temps qu'elle accorderait
17 à la Défense pour traiter de cela en ce moment, et la Chambre est arrivée à
18 la conclusion que le même temps que M. Waespi a pris pour traiter de
19 l'expertise et de la méthodologie devrait être donné à la Défense, à la
20 Défense dans son ensemble. Je ne sais pas si vous avez eu des discussions
21 entre vous quelle équipe de la Défense allait traiter de cela. D'après ce
22 qui se passait par le passé, apparemment la Défense Cermak n'a pas abordé
23 la question de la qualification en janvier dernier. La Défense Markac s'est
24 ralliée à tout ce qui a été soulevé par la Défense Gotovina à l'égard des
25 qualifications du témoin. La Chambre a, par conséquent, pris en
26 considération les positions des parties prises par le passé de même que la
27 manière dont le contre-interrogatoire est mené en ce moment et est arrivée
28 à la conclusion que nous avons besoin exactement du même temps pour la
Page 12242
1 Défense dans son ensemble que le temps pris par M. Waespi.
2 Maître Kay.
3 M. KAY : [interprétation] Je ne souhaite vous interrompre, mais j'allais
4 traiter de cela dans mon contre-interrogatoire de ce témoin, car je
5 considère qu'il s'agit là d'une question qui nous concerne en ce moment.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr, nous devons faire une
7 distinction entre les qualifications de ce témoin en tant qu'expert, et si
8 oui ou non nous pouvons accepter le rapport ou s'il faut considérer que
9 c'est un rapport d'expert. Bien sûr, une autre question c'est la question
10 de savoir si un expert a tiré de bonnes conclusions sur la base des
11 documents qu'il avait, et bien sûr, ça va être abordé lors du contre-
12 interrogatoire. Je n'essaie pas du tout suggérer que l'une des parties
13 devrait seulement traiter de la question de la méthodologie ou de
14 l'expertise, mais jusqu'à présent, c'est que nous traitions de cela de
15 manière assez générale, même si de temps en temps cette question surgit.
16 M. KAY : [interprétation] Est-ce que je peux traiter des questions
17 maintenant plutôt que plus tard ? Ça me paraît plus logique.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, s'il existe des questions
19 générales, et si votre Défense diffère de la Défense Gotovina dans ce
20 qu'elle a soulevé, et bien sûr la Chambre a pris en considération cela. Au
21 moins, la Défense Cermak n'a pas soumis d'arguments indiquant que ce témoin
22 n'est pas qualifié en tant que témoin expert, et je pense que c'est l'un
23 des points centraux des arguments de la Défense Gotovina auxquels s'est
24 ralliée la Défense Markac.
25 Nous allons prendre cela en considération. Bien sûr, si vous souhaitez
26 soulever les questions liées à l'expertise et aux qualifications, sans dire
27 qu'il n'est pas qualifié en tant qu'expert pour soumettre un rapport, mais
28 si vous souhaitez néanmoins contester son rapport sur la base, par exemple,
Page 12243
1 des documents insuffisants, à partir du moment où il ne s'agit pas là d'une
2 attaque directe aux qualifications de M. Theunens en tant qu'expert, bien
3 sûr, il y a une différence entre les parties.
4 M. KAY : [interprétation] Oui. Méthodologiquement, nous avons toujours
5 considéré que les approches sont différentes. Bien sûr, nous allons traiter
6 des deux éléments, mais la méthodologie est un élément dont nous sommes
7 conscients et nous souhaitons l'aborder avec ce témoin.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la méthodologie n'est pas quelque
9 chose que vous avez mentionné spécifiquement dans les écritures en vertu de
10 94 bis. Il était question seulement des qualifications du témoin.
11 Nous allons continuer, mais nous souhaitons poser des limites au temps,
12 normalement pour ce qui est des qualifications du témoin en tant qu'expert.
13 M. KAY : [interprétation] Bien sûr, j'abandonne en ce moment certains
14 points que j'allais aborder puisque Me Kehoe l'a fait, mais il me reste
15 encore quelques questions à soulever.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas devant moi le temps exact
17 que vous avez pris, Monsieur Waespi, mais le Greffe va me le dire.
18 M. KEHOE : [interprétation] En ce qui concerne le temps, et j'apprécie les
19 préoccupations de la Chambre dans ce domaine, j'ai consulté mon éminent
20 collègue Me Kay afin d'éviter des duplications, et pendant la pause, nous
21 en avons parlé --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Jusqu'à maintenant, M. Waespi a
23 pris une heure 40 [comme interprété] minutes à traiter de ses questions,
24 disons du deuxième sujet. Vous avez utilisé jusqu'à maintenant 45 minutes,
25 Maître Kehoe.
26 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Pour le compte
28 rendu d'audience, je pense que nous n'avons pas traité des sujets couverts
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1 par Me Kehoe ou Me Kay, et je pense qu'il nous faudra encore environ dix
2 minutes pour traiter de la police spéciale.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, soyons tout à fait
4 pratiques. Il vous faudra encore combien de temps ?
5 M. KEHOE : [interprétation] Honnêtement, je pense que pas plus qu'une
6 dizaine de minutes.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc moins d'une demi-heure, de toute
8 façon.
9 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, pour traiter de la
11 méthodologie, vous aurez besoin de combien de temps ?
12 M. KAY : [interprétation] Je peux traiter de cela en 20 minutes.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vingt minutes.
14 L'analyse ?
15 M. MIKULICIC : [interprétation] Dix minutes.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dix minutes. Approximativement, ceci
17 correspond à l'heure que la Chambre allait allouer aux équipes de la
18 Défense. Bien sûr, maintenant, ça va être distribué entre les Défenses
19 différentes.
20 Monsieur Russo.
21 M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Compte tenu du
22 rythme des événements hier et aujourd'hui, lorsqu'il a été demandé à M.
23 Theunens de produire le projet de rapport, le bureau du Procureur souhaite
24 avoir quelques clarifications concernant la position de la Chambre. D'après
25 la manière dont le bureau du Procureur comprend les choses, la décision de
26 la Chambre de première instance est exprimée de deux façons. Tout d'abord,
27 le bureau du Procureur n'est pas dans l'obligation de communiquer les
28 projets de rapports d'experts qui ne sont pas contestés.
Page 12245
1 La deuxième position est qu'une partie qui retient un expert afin de
2 rédiger un rapport pour un procès n'a pas de droit de possession sur les
3 projets de textes de cet expert si l'expert lui-même souhaite fournir les
4 rapports. Autrement dit, les experts ont le droit de remettre le rapport
5 aux parties s'ils le souhaitent.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais d'abord traiter du premier
7 volet.
8 Le bureau du Procureur n'a pas l'obligation de communiquer les
9 projets de rapports d'experts qui ne sont pas contestés.
10 La Chambre n'a pas pris de décision sur une demande de communication
11 de cela puisque ce témoin a dit à la Chambre que ça ne lui pose pas du tout
12 un problème de partager les versions précédentes de son rapport d'expert à
13 qui que ce soit, et je dirais en réalité que la requête qui a été déposée -
14 -
15 M. MISETIC : [interprétation] Nous la retirerons.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous la retirerez. Donc il n'y a pas de
17 décision à ce sujet.
18 Hier, vous vous en souvenez peut-être, Monsieur Russo, la Chambre a
19 dit que sur la base de ce qui a été présenté, la Chambre a décidé qu'elle
20 ne pouvait pas donner un ordre portant sur la communication. Ça pourrait
21 vous donner une idée puisqu'il est tout à fait possible que ceci dépende de
22 plusieurs circonstances pour savoir si, à un moment donné, il y aurait
23 l'obligation de communication. Sur la base de ce qui a été entendu ici
24 hier, la Chambre n'a pas conclu qu'il y avait une telle obligation qui
25 aurait eu pour résultat une ordonnance de la Chambre portant sur la
26 communication de ces documents.
27 Ça, c'est le premier aspect. Puis la deuxième position portait sur le
28 fait qu'une partie qui retient un expert afin qu'il rédige un rapport pour
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1 un procès n'a pas de droit de possession sur les projets de cet expert, et
2 vous avez dit si l'expert lui-même est prêt à remettre les rapports.
3 Autrement dit, quelles que soient les revendications qui pourraient
4 être faites par des parties qui engagent un expert, que les experts eux-
5 mêmes doivent essayer de remettre -- en fait, ce n'est pas tout à fait
6 clair, ce que vous avez essayé de dire.
7 M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, d'après la manière dont
8 le bureau du Procureur comprend les choses, la Chambre de première instance
9 a demandé au témoin si le témoin trouverait cela difficile de fournir les
10 projets de rapports. Le témoin a dit que non, et la Chambre lui a demandé
11 par conséquent de le faire.
12 La question de la Chambre au témoin est de savoir si oui ou non il
13 était prêt à fournir les projets de rapports, ce qui laisse à conclure que
14 le témoin a le droit et l'autorité à remettre le rapport à la Chambre. Mon
15 intention en demandant la clarification était de savoir si la Chambre,
16 quelle que soit la position de l'Accusation, considère que le témoin expert
17 a le droit de remettre le rapport à celui qu'il choisit.
18 M. MISETIC : [interprétation] Puis-je, Monsieur le Président ?M. LE JUGE
19 ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.M. MISETIC :
20 [interprétation] Nous parlons beaucoup sur le plan hypothétique. Nous
21 pouvons avoir une situation lors d'un procès où l'une ou l'autre des
22 parties pourrait empêcher un expert de remettre quelque chose à l'autre
23 partie. Mais nous parlons vraiment des situations trop hypothétiques
24 maintenant --
25 M. LE JUGE ORIE : [chevauchement]
26 M. MISETIC : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais devoir consulter mes collègues.
28 Apparemment, la question soulevée par M. Russo est la question de savoir si
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1 une partie qui invite un expert et qui lui demande de rédiger un rapport,
2 si cette partie est en mesure d'interdire au témoin de fournir les versions
3 précédentes de son rapport si lui-même ne voit pas de problème de les
4 remettre, ces versions précédentes. Donc si le niveau du contrôle d'une
5 partie qui engage un expert qui reste, bien sûr, indépendant puisqu'il
6 fonde ses opinions sur la base de ses qualifications d'expert et non pas
7 sur la base des instructions, en ce qui concerne le contenu du rapport. Je
8 pense que ce que vous souhaitez soulever, c'est qu'une partie peut dire
9 j'ai engagé cet expert. Il est prêt à fournir sa version précédente, mais
10 maintenant, la partie A ou la partie B dit à cet expert qu'il ne peut pas
11 le faire. Si j'ai bien compris, vous niez un tel pouvoir de la part de la
12 partie qui a engagé l'expert.
13 M. RUSSO : [interprétation] Nous avons demandé, en fait, la clarification
14 de la Chambre, et si telle est la position de la Chambre, nous nous
15 attendrions à ce que ça s'applique aux deux parties, et ceci nous
16 satisferait, bien sûr.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La Chambre va prendre cela en
18 considération.
19 M. RUSSO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai dit hier, je pense, plusieurs
21 choses qui peuvent compliquer les choses encore un peu plus --
22 M. MISETIC : [interprétation] Puis-je --
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et c'est conformément à la manière
24 dont vous avez présenté cela.
25 Oui, Maître Misetic.
26 M. MISETIC : [interprétation] Encore une fois, je pense qu'il n'y a pas de
27 requête par écrit en suspens, et je pense que les faits qui sont à la base
28 ne sont pas clairs. Je souhaite éviter la situation dans laquelle la
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1 Chambre de première instance dirait que nous ne pourrions pas contacter un
2 témoin de façon indépendante pour obtenir les projets d'écriture.
3 Donc sans entrer dans des scénarios hypothétiques, je suggère que
4 l'on trouve une solution entre nous à l'égard de ce problème, s'il surgit.
5 De toute façon, les parties peuvent soumettre des requêtes par écrit et
6 demander une réponse de la part de la Chambre de première instance.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien sûr, M. Russo peut toujours
8 demander des instructions de la Chambre, mais il vaut mieux le faire par
9 écrit. Je vois maintenant ce qu'apparemment vous demander. Comme je l'ai
10 dit, les choses peuvent être encore plus complexes que ce que vous avez
11 présenté et, bien sûr, dans ce cas-là, la Défense aura l'opportunité de
12 répondre. Puis vous pouvez aussi traiter de cela non pas en demandant des
13 instructions, mais en attendant le témoin expert suivant.
14 Mais c'est à vous de décider --
15 M. RUSSO : [interprétation] Je vais prendre cela en considération.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 S'il n'y a pas d'autres questions à soulever, je souhaite que l'on
18 fasse introduire M. Theunens dans le prétoire de nouveau.
19 M. RUSSO : [interprétation] Dans ce cas-là, je demande la permission de me
20 retirer.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr, Monsieur Russo.
22 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
23 [Le témoin vient à la barre]
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Theunens, nous allons
26 continuer.
27 Monsieur Kehoe.
28 M. KEHOE : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
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1 Q. Monsieur Theunens, je souhaite que l'on parle de la première partie de
2 votre rapport que vous avez décrite en tant que partie de jure de votre
3 rapport. Je n'ai pas la terminologie exacte, mais je pense que vous avez
4 décrit cela comme compilation des lois et réglementations de la République
5 de Croatie et de l'armée croate aussi; est-ce que c'est plus ou moins
6 correct ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous-même, vous n'avez jamais fait d'étude de droit, mis à part un
9 cours que vous avez suivi à l'Académie ?
10 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je pense que vous
11 n'avez pas besoin d'avoir un diplôme en droit pour comprendre la
12 constitution et les Lois relatives à la défense --
13 Q. Veuillez répondre à la question, s'il vous plaît. J'ai demandé si vous
14 avez fait les études de droit ?
15 R. J'essaie de répondre, Monsieur le Président.
16 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé au témoin
17 de répondre à la question.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La question était de savoir si vous
19 avez jamais étudié le droit, mis à part un cours que vous avez suivi à
20 l'Académie.
21 Cette question vous permet tout d'abord de nous dire si vous avez
22 suivi un autre cours, mis à part le cours que vous avez pris à l'Académie;
23 puis deuxièmement, ceci vous permet aussi de nous expliquer si d'une
24 quelconque autre manière vous avez pris connaissance des questions qui
25 concernent directement le droit.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce que j'ai décrit hier
27 en tant que cours en droit durait plusieurs années. Il y avait la première,
28 deuxième, troisième et quatrième année. Lors du cours de l'état-major -- au
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1 niveau des brigades, nous avons eu des cours sur les Lois relatives au
2 confit armé, donc je pense que je suis qualifié à analyser les
3 constitutions, les Lois relatives à la défense et la législation qui est
4 liée.
5 M. KEHOE : [interprétation]
6 Q. Monsieur Theunens, vous n'êtes pas un expert juridique ?
7 R. Monsieur le Président, si vous me permettez, une Loi relative à la
8 défense, la constitution est censée s'adresser aux citoyens d'un pays. La
9 Loi sur la défense s'adresse au personnel militaire, et en particulier aux
10 officiers. Je ne pense pas que tous les citoyens d'un pays ont un diplôme
11 en matière du droit --
12 M. KEHOE : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
14 M. KEHOE : [interprétation] Non, non.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, si vous allez poser ce
16 genre de questions, veuillez le faire assez brièvement.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
18 D'après la manière dont je comprends les choses, la Loi relative à la
19 défense s'adresse au personnel militaire ou au moins les officiers quelle
20 que soit leur formation précédente, et ils doivent être en mesure de
21 comprendre les obligations et les devoirs déterminés par la Loi sur la
22 défense.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Kehoe.
24 M. KEHOE : [interprétation]
25 Q. Je souhaite vous montrer une partie de votre déposition dans l'affaire
26 Martic, page 1 011, ligne 18.
27 M. KEHOE : [interprétation] Je souhaite que l'on présente cela par le biais
28 du logiciel Sanction.
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1 Q. A la ligne 18, avez-vous dit à la Chambre de première instance dans
2 l'affaire Martic : "Je ne suis pas un expert juridique" ?
3 R. Oui, c'est ce qui est écrit dans le compte rendu.
4 Q. C'est un fait ?
5 R. Oui, comme c'est écrit.
6 Q. Or, vous avez pris une décision portant sur les lois à inclure dans
7 votre rapport et celles que vous n'alliez pas inclure dans votre rapport
8 même si vous n'avez pas eu d'expertise en matière du droit; est-ce exact ?
9 R. Si la question porte de savoir si j'ai fait une sélection des lois et
10 des règlements, la réponse est exacte, oui, j'ai fait une telle sélection.
11 Q. Vous avez une telle sélection alors que vous n'étiez pas expert en
12 matière du droit, et après cette sélection que vous avez faite des lois,
13 vous avez appliqué les faits à ces lois afin de rédiger votre rapport,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, comme j'ai essayé
16 d'expliquer, à mon avis, il n'est pas nécessaire d'être un expert en
17 matière du droit afin de comprendre une constitution ou la Loi relative à
18 la défense afin d'analyser dans quelles mesures ces dispositions juridiques
19 s'appliquaient ou pas au cours d'une opération militaire.
20 Q. Donc il suffirait de dire que la Chambre de première instance devrait
21 simplement recevoir un lot de ces documents sélectionnés de même que des
22 pièces jointes et ensuite, il revient à la Chambre de première instance de
23 se fonder à son expertise. Ne s'agit-il pas là de la manière dont la
24 Chambre de première instance devrait traiter de cette situation ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je ne pense pas qu'il
26 revient à ce témoin de nous dire comment cette Chambre de première instance
27 doit traiter de certaines questions.
28 Je vais vous rappeler qu'à des occasions différentes, des textes
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1 juridiques ont été présentés aux témoins qui ont eu beaucoup moins de
2 formation et expérience juridique, et pourtant, on leur a demandé sans
3 hésitation de nous expliquer quelle était leur signification, et ainsi de
4 suite.
5 Or, ce témoin nous a expliqué quels étaient les cours en matière du droit
6 qu'il a suivis et il nous a expliqué également quelles étaient ses
7 connaissances en matière de certains domaines juridiques. Si après cela
8 vous lui demandez, Est-ce que vous êtes un expert en matière du droit ?
9 C'est la même chose que si vous demandiez à quelqu'un, Est-ce que vous êtes
10 expert en matière de la musique ? La personne peut dire qu'il l'est ou
11 qu'il ne l'est pas en fonction de la manière dont il comprend les choses.
12 Peut-être il joue très bien un instrument et peut se considérer comme un
13 expert, et quelqu'un d'autre, non. Vous pouvez demander à Arthur
14 Rubenstein, qui pourrait dire qu'il est un très bon musicien, et d'autres
15 diraient que non. En ce qui concerne la manière dont le témoin a développé
16 ses connaissances, son expérience et ses capacités lui permettant d'aider
17 la Chambre à mieux comprendre certains aspects, il ne faut pas procéder
18 pour constater cela en disant : Est-ce que vous êtes un expert juridique ?
19 S'il doit répondre par un oui ou un non, c'est une simplification qui
20 n'aide pas la Chambre à arriver à un jugement sur la question de savoir
21 s'elle doit, oui ou non, accepter l'aide de cet expert.
22 M. KEHOE : [interprétation] J'apprécie vos instructions, Monsieur le
23 Président, et je m'adresse simplement au paragraphe 29 de la décision de la
24 Chambre, où vous avez dit, Monsieur le Président, qu'il fallait se limiter
25 aux questions aux domaines dont lesquelles les opinions d'un témoin sont
26 pertinentes par opposition aux champs d'expertise. D'après ce paragraphe 22
27 [comme interprété], et aussi paragraphe 25, je me suis dit qu'il faut
28 démarquer de façon claire que de l'avis de la Chambre il s'agit de deux
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1 domaines tout à fait différents. C'est la raison pour laquelle j'ai exploré
2 cela avec le témoin.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est certainement important de savoir,
4 par conséquent, si le témoin est spécialisé en matière des lois sur les
5 impôts ou d'autres questions juridiques dans le passé, mais demander, est-
6 ce que vous êtes un expert juridique, c'est trop vaste.
7 Mais ne perdons plus de temps là-dessus. Poursuivez.
8 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous allons
9 maintenant parler concrètement d'autres domaines, d'autres disciplines, et
10 je donne la parole à M. Misetic.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
12 M. MISETIC : [interprétation] Merci.
13 Contre-interrogatoire par M. Misetic :
14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.
15 R. Bonjour, Maître Misetic.
16 Q. Monsieur Theunens, s'agissant de la doctrine militaire, est-ce que vous
17 avez jamais publié quelque chose sur la discipline militaire ?
18 R. Non, Monsieur le Président. La seule chose que j'ai faite en dehors de
19 mes devoirs d'officier, c'était il y a quelques mois, j'ai fait une
20 conférence au sein du bureau du Procureur devant les stagiaires portant sur
21 le rôle du militaire dans l'établissement de l'état de droit.
22 Q. Mais ce sujet ne traitait pas spécifiquement de la discipline militaire
23 ?
24 R. Si vous consultez la littérature sur le rôle des militaires par rapport
25 à l'établissement de l'état de droit, nous pouvons voir qu'il est considéré
26 que les officiers professionnels ou des universitaires vont faire un
27 commentaire allant du sens que des forces disciplinées peuvent être
28 utilisées afin d'établir l'état de droit. Donc, la discipline militaire
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1 était quelque chose de tout à fait indispensable.
2 Q. Est-ce qu'en dehors de ce séminaire vous avez jamais donné des cours ou
3 parlé en public dans d'autres lieux sur la question de la discipline
4 militaire ?
5 R. J'en ai parlé très souvent à mes soldats quand j'étais commandant de
6 peloton, ainsi qu'aux officiers cadets de mon unité. Je leur parlais de
7 l'importance de la discipline et des raisons pour lesquelles il leur
8 fallait faire certaines choses, alors qu'à première vue ces choses
9 pouvaient ne pas apparaître comme très agréables ou attirantes à leurs
10 yeux. Manifestement, tout cela avait à voir avec l'application de la
11 discipline.
12 Q. Je vous parle plutôt de ce que vous avez pu faire dans votre capacité
13 universitaire ou professionnelle. Est-ce que vous avez donné des cours ?
14 Est-ce que vous avez fait des discours en public sur le sujet de la
15 discipline militaire ?
16 R. Non. Non, Monsieur le Président.
17 Q. S'agissant de votre rôle de commandant de peloton, est-ce que vous avez
18 des connaissances bien précises de la discipline militaire qu'un commandant
19 de peloton de l'armée belge n'avait pas ?
20 R. J'espère que tous les officiers, qu'ils soient belges ou d'une autre
21 armée d'un autre pays, connaissent bien la discipline militaire, mais je
22 n'ai pas de talents particuliers dans le domaine que personne d'autre
23 n'aurait. Si j'en juge à ce que je voie parmi mes compagnons officiers.
24 Q. Pouvez-vous nous dire ou citer des textes que vous auriez lus au cours
25 des dix dernières années et dont le sujet principal est la discipline
26 militaire. Je ne parle pas de textes ayant un rapport éloigné avec la
27 question, mais de textes dont le sujet central est la discipline militaire.
28 R. Je trouve qu'un certain nombre de notes en bas de page de mon rapport
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1 ont un lien avec cette question. Par exemple, FM 100-5 traite de la
2 conception des opérations militaires qui doivent se mener dans la
3 discipline, et ce sujet est abordé dans le septième chapitre de mon
4 rapport.
5 Q. J'ai fait une erreur. J'aurais dû être plus précis. Ce dont je parle
6 c'est d'études universitaires, de textes de la littérature académique,
7 d'articles spécialisés qui traitent de la discipline militaire comme sujet
8 central ?
9 R. Monsieur le Président, je crois que nous avons peut-être un vécu un peu
10 différent, et ma réponse sera donc sans doute un peu particulière. Je vais
11 reformuler.
12 Je préfère parfois lire un règlement de discipline militaire plutôt
13 qu'un article spécialisé sur le sujet, parce que j'ai une expérience très
14 pratique de l'application des règlements de discipline militaire --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Theunens, je me permettrais de
16 vous interrompre.
17 La question qui vous était posée était une question de fait, à savoir
18 est-ce que vous avez lu des documents au cours des dix dernières années --
19 enfin, Maître Kehoe, excusez-moi. Peut-être pourriez-vous relire la
20 question au compte rendu d'audience de façon à ce que nous ne perdions pas
21 de temps. Mais la question était très factuelle.
22 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, une objection. J'élève
23 une objection par rapport au fait d'être confondu avec Me Misetic, car je
24 suis beaucoup plus beau que lui.
25 M. MISETIC : [interprétation] Son objection ne pourra jamais être aussi
26 forte que la mienne, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Je vois que notre procès-
28 verbaliste s'était rendu compte de la confusion. Vous voyez à quel point
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1 l'aide des sténotypistes est importante. Je vais me donner quelques nuits
2 de sommeil. Ce serait une bonne chose pour vous, Maître Kehoe, qu'on vous
3 appelle Me Misetic, et pour vous, Maître Misetic, qu'on vous appelle Me
4 Kehoe.
5 J'aimerais bien qu'on m'appelle M. le Juge Président, si cela ne crée
6 aucune confusion.
7 Est-ce que vous pourriez répondre à la question, Monsieur le Témoin.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, excusez-moi pour
9 la mauvaise formulation du début de ma réponse.
10 Pour me préparer à cette conférence sur l'état de droit, j'ai
11 effectivement lu un certain nombre d'articles spécialisés qui étaient
12 parus, par exemple, dans des revues militaires, dans le magazine de
13 l'académie militaire, en particulier, qui est destiné aux officiers de haut
14 rang. Je n'ai pas relu ces documents avant de venir ici, mais si vous le
15 souhaitez je peux me les procurer durant la prochaine pause. Vous y
16 trouverez un article très complet sur l'importance de la discipline
17 militaire par rapport à l'application de l'état de droit par les forces
18 militaires.
19 M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander au témoin --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le témoin est d'accord pour apporter
21 ces documents, ce sera apprécié, Monsieur Theunens.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faudrait simplement que j'aie
23 l'autorisation de me rendre dans mon bureau.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe -- un instant, un instant.
25 Vous pouvez aller les chercher, Monsieur Theunens.
26 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Q. Monsieur Theunens, quand pour la première fois avez-vous commencé à
28 étudier le code croate de discipline militaire de 1995 ?
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1 R. La première fois, c'était en janvier 2007, juste après qu'on m'a confié
2 la mission de rédiger mon rapport.
3 Q. Est-ce que vous avez été aidé par qui que ce soit pour interpréter le
4 code croate ou est-ce que votre interprétation du code repose uniquement
5 sur votre lecture personnelle ?
6 R. Je n'ai reçu l'aide de personne pour lire, interpréter et analyser le
7 code de discipline militaire croate de 1992.
8 Q. Etes-vous allé en Croatie et avez-vous enquêté vous-même dans les
9 archives croates pour trouver des documents relatifs à la discipline
10 militaire dans l'armée croate ?
11 R. Non, je ne l'ai pas fait, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
12 Juges, et je peux expliquer pourquoi si vous le souhaitez.
13 Q. Bien sûr.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si Me Misetic s'intéresse à de telles
15 explications, il vous les demandera. Apparemment, c'est le cas.
16 Oui, Maître Misetic, veuillez procéder.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné ma situation, à savoir que j'avais
18 été chargé de rédiger un rapport, il m'a été dit clairement à ce moment-là
19 aussi que ce n'est pas à moi qu'il appartenait d'enquêter ou de faire des
20 recherches et que j'étais tenu par certaines obligations par rapport aux
21 documents traités par des analystes du renseignement militaire qui
22 travaillaient dans la présente affaire. Donc, j'ai obtempéré et je vous ai
23 donné un exemple hier. Pendant mes recherches, je n'ai trouvé aucun
24 document militaire traitant précisément des lois de la guerre. C'est une
25 des questions que j'ai abordée avec mes deux collègues, parce que ce sont
26 ces deux collègues qui allaient dans les archives et qui rédigeaient les
27 demandes d'assistance adressées au gouvernement croate.
28 M. MISETIC : [interprétation]
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1 Q. Est-il permis de dire que ce que vous savez de la discipline militaire
2 se limite à la lecture des documents qui étaient en votre possession au
3 bureau du Procureur ?
4 R. C'est exact. J'ajouterais que lorsque j'ai relu des décisions relatives
5 à la discipline militaire et à son application, ou à des jugements ou
6 arrêts en appel relatifs à la discipline militaire, il était toujours fait
7 référence, ou en tout cas, fréquemment fait référence au code de
8 discipline, qui est effectivement le code que j'ai étudié.
9 Q. S'agissant -- et dites-moi si je me trompe, mais si j'ai bien compris
10 ce que vous avez dit hier, quand il y avait des lacunes dans les documents
11 que possédait le bureau du Procureur et qui étaient relatifs au droit
12 croate, vous vous tourniez vers d'autres sources afin d'essayer de
13 reconstituer le domaine en question du droit, par exemple, la Loi de la
14 République fédérale socialiste de Yougoslavie ou le droit militaire
15 américain, n'est-ce pas ?
16 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'aimerais mieux
17 remplacer le mot "droit" par "règlements militaires", mais pour le reste,
18 votre observation est exacte. J'ai tiré des citations des lois de la RSFY,
19 mais je ne les ai pas confondues avec les lois croates. Lorsque je les
20 cite, ce sont bien des règlements de la République socialiste fédérative de
21 Yougoslavie, et je cite également des règlements militaires américains, le
22 cas échéant, mais uniquement pour démontrer le caractère universel des
23 relations existant entre les deux.
24 Q. Lorsque vous avez utilisé des règlements militaires de la RSFY ou des
25 règlements militaires américains, et que vous ne trouviez pas certaines
26 choses dans les règlements croates correspondants à l'époque, est-ce que
27 vous avez pu lire les textes de lois croates ? Non, je vais reformuler.
28 Lorsqu'il y avait des lacunes, comment est-ce que vous les combliez
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1 si vous n'aviez pas le texte du règlement croate sous les yeux, ou est-ce
2 que vous l'aviez mais qu'il n'était pas en votre possession au bureau du
3 Procureur; c'est bien ça ?
4 R. C'est exact.
5 Q. Je vous remercie.
6 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'en ai
7 terminé.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay.
9 M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous serez maintenant, Monsieur
11 Theunens, contre-interrogé par Me Kay, conseil de M. Cermak.
12 Contre-interrogatoire par M. Kay :
13 Q. [interprétation] A quelle date avez-vous commencé votre travail sur la
14 présente affaire ?
15 R. Si je me souviens bien, c'était en décembre 2006, mais je ne me
16 rappelle pas le jour exact. Si ma mémoire est bonne, il y avait eu une
17 réunion informelle entre Douglas Marks Moore et Alan Tieger au sujet d'un
18 appui éventuel en l'espèce, puis en janvier nous avons commencé à discuter
19 de la mission qui serait la mienne et j'ai entamé mon travail sur la
20 rédaction de ce rapport. Mon travail en l'espèce s'est limité à rédiger ce
21 rapport.
22 Q. Donc tout a commencé en janvier 2007, à peu près.
23 R. C'est exact.
24 Q. A en juger par les documents que vous avez reçus, je me posais la
25 question de savoir si vous aviez reçu un exemplaire de l'acte d'accusation
26 ?
27 R. On ne m'a pas remis un exemplaire de l'acte d'accusation, mais j'ai
28 décidé par moi-même de lire cet acte d'accusation pour mieux comprendre la
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1 période et les événements survenus dans cette période, ainsi que d'autres
2 sujets que je considérais pertinents.
3 Q. Vous avez parlé des mémoires préalables au procès de la Défense. Est-ce
4 que vous avez eu sous les yeux le mémoire préalable au procès de
5 l'Accusation ?
6 R. J'ai vérifié encore une fois hier soir les documents qui se trouvaient
7 sur mon bureau, et effectivement, j'y ai trouvé un exemplaire du mémoire
8 préalable au procès de la Défense, ainsi qu'un mémoire préalable au procès
9 de l'Accusation. Tout cela, je l'avais dans le bureau du Procureur, mais je
10 n'ai pas de souvenir précis de l'avoir lu, le mémoire de l'Accusation. Mais
11 je me souviens d'avoir lu le mémoire de la Défense.
12 Q. Vous nous avez dit que vous faisiez partie d'une équipe d'analystes
13 militaires et que le groupe que vous constituiez travaillait pour le bureau
14 du Procureur de ce Tribunal, n'est-ce pas ?
15 R. La situation a évolué au fil des années, mais sur le papier nous sommes
16 toujours une équipe, alors qu'en fait chaque analyste est désormais affecté
17 à une équipe pour le procès, de façon à ce que nous ayons l'occasion
18 d'échanger entre nous nos expériences tirées des différents procès. Mais je
19 peux vous dire que mon interaction avec les autres membres de l'équipe a
20 été très limitée. Si vous le souhaitez, je peux m'expliquer sur le sujet.
21 Q. Je vous en prie, allez-y.
22 R. D'abord, j'ai été très occupé par mon travail dans un autre procès.
23 Puis aussi, parce que cette affaire est très spécifique, je n'ai
24 d'interactions qu'avec deux analystes, Dai Morris et Andrei Shakhmetov.
25 J'ai expliqué qu'ils étaient les analystes préposés à la présente affaire.
26 Mais si vous souhaitez, je peux expliciter l'interaction que j'ai eue avec
27 eux. Ils me fournissent des tableaux. Je les interroge au sujet du fait que
28 les archives auraient été mentionnées ou pas, puis je leur pose des
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1 questions concrètes, bien pratiques, au sujet des traductions disponibles
2 et de questions de ce genre.
3 Q. Vous nous avez dit que vous n'aviez pas interrogé de témoins. Est-ce
4 qu'il y avait d'autres membres de l'équipe qui ont interrogé des témoins de
5 l'Accusation en l'espèce ?
6 R. Je suppose que oui.
7 Q. Est-ce que vous savez quels interrogatoires ils ont menés ?
8 R. Au fil des années, nous avons évidemment communiqué les uns avec les
9 autres. Par le passé, j'ai entendu dire, par exemple, que Dai Morris avait
10 participé à des missions chargées d'interrogatoires. Je ne suis pas sûr du
11 rôle qu'il a joué au cours de ces interrogatoires, est-ce qu'il les a menés
12 ou est-ce qu'il a simplement apporté son aide aux interrogatoires en
13 question. Je n'ai pas non plus un souvenir très précis de l'identité de la
14 ou des personnes qu'il aurait pu interroger.
15 Q. Savez-vous si le contenu de ces interrogatoires a été révélé ?
16 R. Non, je ne le sais pas.
17 Q. La portée, le champ couvert par votre rapport, est-ce que vous
18 conviendriez que ce champ que vous couvriez dans votre rapport, c'est la
19 structure des forces armées de la République de Croatie en 1995, ainsi que
20 dans des périodes antérieures, dès lors que ces périodes étaient
21 pertinentes ?
22 R. J'ajouterais simplement un petit point, mais en dehors de cela, ma
23 réponse est affirmative, oui. Mais après avoir lu les textes législatifs
24 croates relatifs à la police spéciale et comme celle-ci n'est pas
25 identifiée comme composante des forces armées croates ou comme faisant
26 partie des forces armées croates, je tiens à souligner que j'ai également
27 passé en revue la structure de commandement et de contrôle de la police
28 spéciale croate.
Page 12263
1 Q. C'est ce qui allait faire l'objet de ma question suivante. Et j'ai
2 délibérément séparé les deux sujets. Votre rapport couvre également la
3 structure des éléments civils du gouvernement croate, n'est-ce pas ?
4 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, je parle du
5 commandement et du contrôle exercés sur les forces armées ce qui, bien sûr,
6 nous amène à parler du commandement suprême, c'est-à-dire du président de
7 la république. Je traite également du ministère de la Défense et des
8 rapports éventuels avec la police et j'apporte quelques éléments
9 d'informations de base sur le ministère de l'Intérieur et autres forces
10 policières. Mais dans mon rapport, je centre mon attention sur la police
11 spéciale.
12 Q. Vous traitez également des pouvoirs civils de Knin, n'est-ce pas ?
13 R. En effet, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, j'ai
14 traité du rôle joué par le général Cermak en sa qualité de commandant de la
15 garnison de Knin, de la caserne de Knin entre le 6 août et le mois de
16 novembre. Si vous souhaitez que je sois plus précis sur la date de fin de
17 son commandement, je devrais vérifier, mais je sais que c'était en novembre
18 1995. Et la conclusion qui j'ai tirée à ce sujet, c'est que le général
19 Cermak n'était pas simplement le commandant de la garnison, mais exerçait
20 des pouvoirs qui, normalement, auraient été attendus d'une autorité civile,
21 purement civile.
22 Q. Les documents que vous avez examinés pour rédiger votre rapport se
23 répartissent, disons, de façon générale et assez grossière en trois
24 catégories. C'est délibérément que je ne rentre pas davantage dans le
25 détail, car pour l'instant nous ne traitons que de questions générales.
26 Vous vous êtes appuyé sur les documents que possédait le bureau du
27 Procureur, n'est-ce pas ?
28 R. C'est exact pour 95 % des documents que j'ai consultés. Pour le reste,
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1 notamment les règlements militaires américains, je les ai recherchés sur
2 internet; après quoi, ces documents ont été versés au dossier et après la
3 fin de mon travail, ils sont désormais disponibles au bureau du Procureur.
4 Q. Puisque nous parlons du champ d'application de votre rapport et de la
5 méthode que vous avez utilisée, de votre méthodologie, suis-je en droit de
6 dire que cette méthodologie repose sur les éléments de connaissance acquis
7 par vous pendant vos recherches; c'est bien ça ?
8 R. Non, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, ceci n'est pas
9 exact. La méthodologie que j'ai appliquée, je l'ai déjà expliqué, s'appuie
10 également sur des éléments de connaissance que je possédais avant de
11 rejoindre le bureau du Procureur du Tribunal, donc avant 2001 ainsi que sur
12 des éléments de connaissance acquis par moi avant d'entamer la rédaction de
13 ce rapport, à savoir avant le mois de janvier 2007.
14 Q. Vous ne possédiez pas de documents préexistants qui auraient pu
15 constituer le cœur même de votre rapport, n'est-ce pas ?
16 R. Si ce que vous voulez dire c'est que je ne disposais pas de toute une
17 série de documents directement liés ou traités au sujet dans mon rapport,
18 je dirais que c'est exact. Mais pour ma part, j'aimerais que l'on distingue
19 bien entre la possession physique d'un certain nombre documents d'une part,
20 et la possession d'un certain nombre d'éléments de connaissance ou même
21 d'une connaissance spécialisée sur certains sujets.
22 Q. C'est la première fois que vous traitez de ces sujets de toute votre
23 carrière, n'est-ce pas, et ceci aux fins de rédiger votre rapport ?
24 R. Non, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, il y a
25 certains aspects de mon rapport que j'ai eu à traiter également lorsque je
26 travaillais en tant que responsable du renseignement militaire au sein de
27 la FORPRONU/Quartier général de l'UNPF. Je l'ai fait notamment pendant les
28 mois d'août et septembre 1995, et j'ai également eu à travailler sur
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1 certains aspects abordés dans mon rapport sous une forme différente; donc
2 pas dans le cadre de la rédaction d'un rapport d'expert, mais dans le cadre
3 de la préparation de réunion d'informations ou de la rédaction
4 d'appréciations écrites pendant que je travaillais pour le ministère belge
5 de la Défense à Belgrade.
6 Q. Je ne parle pas ici des anciens règlements de la JNA ou de quoi que ce
7 soit ce genre, mais l'objet que je poursuivais dans ma question portait sur
8 le champ d'application de votre rapport qui concerne, n'est-ce pas, la
9 République de Croatie.
10 C'est la raison pour laquelle j'ai un peu synthétisé les choses comme je
11 l'ai fait. Mais laissons cela de côté. Est-il permis de dire que les lois
12 et règlements que vous produisez dans votre rapport ainsi que les ordres,
13 les décisions et autres documents auxquels il est fait référence dans les
14 notes en bas de page de votre rapport vous ont été soumis pour la première
15 fois alors que vous aviez commencé vos recherches en janvier 2007 ?
16 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la question est
17 posée en termes véritablement très généraux.
18 Je me souviens, et ça c'est simplement un exemple que je voudrais
19 vous donner, je me souviens alors que je servais au sein de l'ATNUSO, à
20 savoir l'Autorité Transitoire des Nations Unies chargée de la Slavonie
21 orientale dans la période allant de juillet 1996 à mai 1997, j'ai été
22 chargé de rédiger un texte au sujet du renseignement militaire au sein de
23 nos bataillons subordonnés et du commandement militaire. Donc je me suis
24 demandé si je pourrais obtenir des renseignements au sujet de la structure
25 politique et militaire de la Croatie.
26 Là j'ai pris contact avec des membres du bureau des affaires politiques du
27 quartier général de l'ATNUSO ainsi qu'avec les représentants des affaires
28 civiles afin d'obtenir, par exemple, des exemplaires de la constitution,
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1 des documents relatifs à la structure de l'armée et des magasines
2 militaires, par exemple. Et j'ai utilisé tous ces éléments d'information
3 pour rédiger une espèce de guide portant sur les structures politiques et
4 militaires croates qui a été revu par des personnes compétentes en affaires
5 au sein du département chargé des affaires politiques au QG de l'ATNUSO et
6 ensuite envoyé aux bataillons faisant partie des forces du maintien de la
7 paix l'ATNUSO.
8 Donc, désolé d'avoir été si long, Monsieur le Président, Madame, Messieurs
9 les Juges, je voulais simplement démontrer par un exemple que j'avais déjà
10 travaillé sur ces questions avant de travailler pour le TPIY.
11 Q. Conviendrez-vous avez moi que ces documents sont de nature très
12 générale comme le sont les ordres et commandements intérieurs et tous les
13 documents produits par les unités, bataillons, brigades; mais que vous
14 n'aviez pas eu l'occasion de voir de tels documents auparavant ?
15 R. Monsieur le Président, c'est exact que je n'ai pas vu, par exemple,
16 l'ordre précis relatif à l'attaque de Kozjak en 1995 par la région
17 militaire de Split. Mais j'aimerais appeler votre attention sur le fait que
18 ces documents sont tous établis dans le respect de certains modèles, et je
19 les connaissais étant donné que j'avais une formation militaire au sein de
20 l'armée belge.
21 Certains des documents dont je parle qui sont tous établis selon un
22 modèle bien déterminé, du point de vue de la présentation et de la façon de
23 présenter les choses dans le corps du texte, j'en ai vu également dans le
24 cadre du travail que j'ai accompli dans d'autres affaires. Avant mon
25 travail en Belgique par exemple, j'ai eu sous les yeux un journal de guerre
26 et j'en ai compris toute l'importance. Dans le cadre de mon travail dans le
27 procès Vukovar, le journal de guerre a occupé une place tout à fait
28 centrale parmi les éléments de preuve qui ont pu m'aider à en comprendre
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1 l'importance, ainsi que le rôle joué par la région militaire de Split dans
2 l'opération Tempête, avant et après l'opération Tempête.
3 Q. Ce sont des documents très généraux que vous connaissez bien. Votre
4 expertise n'est pas censée être générale mais précise dans le cadre de la
5 rédaction de ce rapport. Est-ce que vous n'êtes pas d'accord là-dessus ?
6 R. Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.
7 Q. Je vais la reformuler. Pour l'essentiel, les documents que vous
8 produisez pour rédiger votre rapport et en accompagnement de votre rapport,
9 vous ont permis d'apprendre en travaillant quelle était la structure et le
10 mode de fonctionnement des forces armées croates, ainsi que des structures
11 politiques civiles croates, n'est-ce pas ?
12 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, toutes les réponses
13 que j'ai faites depuis quelques minutes démontrent à mon avis le contraire,
14 mais je vais essayer de reformuler également. Mon curriculum vitae est un
15 document public, et à un certain moment j'ai été nommé au poste de chef de
16 l'état-major de la Défense en Belgique, et les membres de cet état-major
17 m'ont nommé à mon poste parce que quelqu'un a considéré que j'étais capable
18 non seulement de fournir un certain nombre de renseignements pendant les
19 réunions d'information, mais également de traiter des questions précises
20 dont l'état-major a à s'occuper d'une façon plus approfondie. Donc, je
21 pense que j'ai sur la structure politique et militaire une connaissance
22 plus approfondie. J'ai également des connaissances au sujet du rôle joué
23 par la communauté internationale dans le conflit, pour ne prendre qu'un
24 exemple. Donc encore une fois, ce n'est pas en janvier 2007 que j'ai
25 découvert les choses et que j'ai découvert qu'il existait une armée croate
26 ou une police spéciale croate, ainsi que des casernes, des garnisons, et
27 des journaux opérationnels de guerre.
28 Quand j'ai lu le journal de guerre qui est la pièce à conviction P71
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1 pour la première fois, et que j'ai vu des entrées dans ce journal qui
2 évoquaient des réunions de travail, je savais exactement ce qu'étaient ces
3 réunions de travail. Dans un certain sens, j'ai participé à de telles
4 réunions, pas seulement au sein de la FORPRONU mais également quand j'étais
5 stationné en Allemagne. Je connais l'importance de telles réunions. Ce
6 qu'on y dit, ce qu'on n'y dit pas, pour quelle raison on dit ou on ne dit
7 pas certaines choses, et également l'importance des propos formulés par le
8 commandant, mais ça, je ne parle de cela qu'à titre d'exemple. Si vous
9 voulez, je peux vous donner d'autres détails complémentaires.
10 Q. Ce n'était pas l'objet de ma question. Il est incontestable que vous
11 savez produire, organiser et reconnaître du point de vue de leur valeur les
12 documents qui vous sont remis, Monsieur Theunens. Cela ne pose pas
13 problème. La question qui se pose, c'est de savoir si vous êtes expert ou
14 suffisamment expert dans certaines matières pour être habilité à conseiller
15 la Chambre sur un certain nombre de sujets que vous abordez dans votre
16 rapport. Notamment il est permis de se poser la question de savoir si vous
17 aviez des connaissances sur ces sujets avant de commencer la rédaction du
18 rapport, ou si vous avez fait votre apprentissage dans ces domaines pendant
19 que vous avez travaillé à la rédaction du rapport.
20 Vous êtes arrivé avec un certain niveau de connaissance et
21 d'expérience. Cela ne fait aucun doute. Vous avez eu une éducation
22 élémentaire au sein des forces militaires belges, ainsi qu'un entraînement
23 élémentaire au sein de ces forces armées, et vous avez fait votre travail
24 d'analyste que vous avez déjà décrit. Mais la question porte sur un point
25 central qui est le système croate. Vous avez expliqué quelle méthode vous
26 avez utilisé pour étudier les documents qu'on vous a proposés, mais est-ce
27 qu'au sujet de ce système croate vous n'étiez pas en train de faire votre
28 apprentissage pendant que vous travaillez à la rédaction du rapport ?
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1 R. Je crains de devoir être répétitif et de souligner des choses que j'ai
2 déjà indiquées. Je souligne une nouvelle fois qu'il n'est pas exact que
3 quelqu'un m'a mis des documents sous les yeux. Ce qui est exact, c'est que
4 j'ai reçu des tableaux et j'ai fait mes propres recherches. Il me serait
5 difficile de définir exactement, mais je dirais que 30 % des documents que
6 je cite dans mon rapport ont été découverts grâce à ce travail de recherche
7 personnelle que j'ai effectué. Donc, je n'ai pas trouvé moi-même tous les
8 documents cités dans le rapport, mais tout de même un certain nombre. Je
9 m'intéressais principalement au fait de savoir si tel ou tel document était
10 pertinent. Une fois que la pertinence était établie, j'appliquais la
11 méthode que j'ai décrite tout à l'heure. Mais ma méthode implique d'abord
12 des connaissances préalables.
13 Et encore une fois j'ai fait des réunions d'information à la FORPRONU
14 destinées au commandant des forces de la FORPRONU, et je suppose -- je
15 m'arrête pour le compte rendu d'audience -- je suppose qu'il fallait des
16 connaissances préalables pour ce faire. Je ne connais pas les critères
17 applicables, mais je pense qu'il est pertinent que la Chambre soit au
18 courant de cela.
19 M. KAY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kay.
21 Maître Mikulicic.
22 M. MIKULICIC : [interprétation] Bonjour.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Mikulicic est le conseil de M.
24 Markac, et il vous contre-interrogera également.
25 Contre-interrogatoire par M. Mikulicic :
26 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Theunens.
27 R. Bonjour, Maître Mikulicic.
28 Q. D'après ce que vous avez dit ici, vous avez durant votre parcours
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1 éducatif suivi un certain nombre de cours et produit un certain nombre de
2 cours en Belgique et ailleurs.
3 Mais je ne trouve nulle part mention du fait que vous ayez suivi des
4 cours qui auraient pu vous donner une connaissance très précise des forces
5 de police spéciale, n'est-ce pas ?
6 R. Je crois qu'il y a deux éléments à la question. Alors le premier
7 élément, c'est est-ce que j'ai suivi des cours sur ce sujet sur la police
8 spéciale croate, et là ma réponse est non.
9 Puis deuxième partie de la question, est-ce que j'avais des connaissances
10 ou est-ce que j'ai des connaissances particulières sur la police spéciale,
11 et sans entrer dans les détails encore une fois, nous en avons parlé à huis
12 clos hier. Je suis en mesure de dire que j'avais des connaissances
13 relatives à la doctrine, au mandat, au rôle, aux missions, aux déploiements
14 et à d'autres questions liées à la police spéciale croate avant de
15 travailler pour le TPIY, avant d'y être engagé en 2001.
16 Q. Vous nous avez dit aussi que vous aviez suivi plusieurs cours de
17 physiques et de chimie, et pour autant vous ne vous considérez pas un
18 expert dans ce domaine.
19 Vous considérez-vous comme un expert dans le domaine de la police spéciale
20 ?
21 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, il ne m'appartient
22 pas de déterminer si je suis expert ou pas dans tel ou tel domaine, mais ce
23 que je crois, c'est qu'au fil des années et en dehors du TPIY également,
24 mais aussi pendant mon travail pour le TPIY, j'ai acquis des connaissances
25 suffisantes pour me permettre d'avoir une bonne connaissance de la police
26 spéciale croate, une connaissance qui me suffit pour traiter des questions
27 que j'ai abordées dans mon rapport.
28 Q. Monsieur Theunens, lorsque je vous ai demandé si vous vous considérez
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1 comme un expert, je faisais référence à la question qui vous a été posée
2 par M. Waespi un peu plus tôt aujourd'hui, question qui figure à la page
3 47, à ligne 23. Il vous a posé la question suivante. Il vous a demandé si
4 vous avez une expérience des structures civiles, et vous avez répondu, et
5 je cite : "Manifestement, en fonction du travail que je menais à bien au
6 TPIY, je n'ai pas ce domaine de compétence."
7 Donc, j'aimerais savoir si vous convenez que les forces de la police
8 spéciale font partie du ministère de l'Intérieur, et appartiennent à la
9 catégorie de la structure civile ?
10 R. Madame, Messieurs les Juges, effectivement, la police spéciale fait
11 partie du ministère de l'Intérieur. La police spéciale est -- la hiérarchie
12 de la police spéciale suit les grades militaires, pour ceux en tout cas qui
13 sont utilisés pour la hiérarchie. Au vu des documents que j'ai analysés,
14 c'est le même genre de structure qui est utilisée pour les forces de police
15 spéciale lors d'opérations spéciales, en tout cas pendant et après
16 l'opération Tempête.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je dois vous avouer
18 que j'ai quelques problèmes à trouver cette référence à la page 47.
19 S'agissait-il d'aujourd'hui ou d'hier ?
20 M. MIKULICIC : [interprétation] Il s'agissait du 19 novembre, donc hier.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hier, oui.
22 M. MISETIC : [interprétation] Page 47, lignes 11 à 18.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
24 M. MIKULICIC : [interprétation]
25 Q. Monsieur Theunens, si je vous ai bien compris, vous ne vous considérez
26 pas comme expert des structures civiles même si la police spéciale fait
27 partie de cette structure civile. Toutefois, vous vous considérez quand
28 même suffisamment expert pour présenter votre point de vue d'expert sur la
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1 thématique de la police spéciale; est-ce exact ou est-ce contradictoire ?
2 Est-ce que c'est bien votre point de vue ?
3 R. Non, non, vous avez très bien résumé ce que je m'évertuais de dire, et
4 je ne vois absolument aucune contradiction là-dedans.
5 Q. Très bien. Avez-vous lu des études professionnelles portant sur la
6 police spéciale, leurs objectifs, leurs buts, leur structure, l'utilisation
7 qui est faite des unités de la police spéciale en temps de paix et en temps
8 de guerre, lors de combats ? Le cas échéant, est-ce que vous pourriez nous
9 dire quels sont ces ouvrages ?
10 R. Je suppose que vous me posez une question à propos de documents et
11 d'études auxquels je ne fais pas référence dans mon rapport ?
12 Q. J'aimerais que vous m'indiquiez ce que vous saviez auparavant sur la
13 police spéciale avant de rédiger votre rapport. Est-ce que vous avez lu des
14 articles, des ouvrages, des études portant sur les objectifs et les
15 utilisations de la police spéciale ? Le cas échéant, est-ce que vous
16 pourriez nous dire de quel type d'ouvrages il s'agit ?
17 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, avant de venir
18 travailler pour le TPIY, je travaillais pour le ministère belge de la
19 Défense, et dans ce contexte, j'ai étudié et j'ai analysé des
20 renseignements qui correspondent justement à la question qui m'a été posée
21 par Me Mikulicic. Qui plus est, lors de ma mission auprès de la FORPRONU
22 ainsi qu'auprès de l'ATNUSO, nous avions accès à la presse croate,
23 notamment à des revues militaires ainsi qu'à d'autres revues qui portaient
24 précisément sur le rôle de la police spéciale.
25 Q. Mais, Monsieur Theunens, est-ce que vous êtes en train de me dire, en
26 fait, que vous avez obtenu vos compétences et votre expertise en lisant ces
27 articles de presse qui portaient sur le rôle de la police spéciale ?
28 R. Maître Mikulicic, j'aimerais vous renvoyer à la première partie de ma
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1 réponse.
2 Q. Mais vous-même, avez-vous écrit une étude, par exemple, sur le rôle et
3 les objectifs de la police spéciale ?
4 R. Madame, Messieurs les Juges, je pense que je vous avais parlé du
5 document que j'avais compilé lors de ma mission auprès de l'ATNUSO. Il
6 s'agissait justement des structures militaires et civiles en Croatie, il y
7 était également question de la police spéciale.
8 Pendant que je faisais partie des forces armées belges, en fait,
9 c'était moi qui était chargé de fournir tous les renseignements de base aux
10 observateurs qui venaient d'être nouvellement nommés la MOCE, mais qui
11 étaient envoyés à des fins de déploiement. Pendant ces séances
12 d'informations, je ne parlais pas seulement des aspects militaires,
13 politiques ou historiques, mais je parlais également de la police spéciale
14 de façon assez générale, toutefois.
15 Q. Mais vous nous avez dit au départ que dans plusieurs affaires devant ce
16 Tribunal, vous avez comparu en tant que témoin expert.
17 J'aimerais savoir si vous avez jamais comparu en tant que témoin
18 expert devant ce Tribunal ou devant tout autre tribunal pour témoigner du
19 rôle de la police spéciale ?
20 R. Non, Monsieur le Président, c'est la première fois.
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions à poser.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mikulicic.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons maintenant faire une pause
25 et nous reprendrons après la pause. Monsieur Waespi, ce sera donc la
26 troisième partie du rapport d'expert.
27 Nous allons reprendre à 17 heures 50.
28 --- L'audience est suspendue à 17 heures 29.
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1 --- L'audience est reprise à 17 heures 56.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, veuillez
3 poursuivre.
4 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Tout d'abord, j'ai vu que M. Theunens a apporté quelques livres et
6 articles qui pourraient remplacer les articles disciplinaires que mon
7 collègue Me Misetic a mentionnés.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est ce que vous avez
9 apporté, Monsieur Theunens ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous souhaitez recopier
12 les titres ou simplement les examiner ?
13 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, et je peux les
14 rendre avant la fin de la journée.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, même si fait sous surveillance
16 judiciaire.
17 M. MISETIC : [interprétation] Exact, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Le premier livre est très intéressant dans ce
20 contexte.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Vous pouvez attirer
22 l'attention de celui qui est plus intéressant, concrètement parlant, que
23 l'autre.
24 Poursuivez, Monsieur Waespi.
25 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 Interrogatoire principal par M. Waespi : [Suite]
27 Q. [interprétation] Le premier sujet que je souhaite aborder concerne le
28 commandement et le contrôle.
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1 M. WAESPI : [interprétation] Le rapport, s'il vous plaît, veuillez
2 présenter le rapport qui est maintenant P1013, marqué aux fins
3 d'identification. Je m'intéresse au sommaire exécutif, il s'agit de la page
4 22 en anglais, et je pense que c'est la deuxième traduction, page B en
5 B/C/S.
6 Q. Vous avez parlé du commandement et du contrôle et de la discipline
7 militaire aux paragraphes 3 à 5 et 18 de ce résumé exécutif.
8 Je souhaite que l'on traite ensemble de ces deux questions, car il y
9 a un lien entre les deux.
10 S'agissant de la discipline militaire, au paragraphe 18 de votre
11 résumé, vous offrez les opinions suivantes. Il s'agit de la deuxième
12 phrase, troisième ligne, et je cite : "En 1995, un système juridique visant
13 à appliquer la discipline militaire et la justice militaire existe au sein
14 des forces armées croates."
15 La dernière phrase de ce paragraphe 18, c'est à la page suivante en
16 anglais. Je cite : "Un passage à revue de la correspondance entre le
17 commandement de la région militaire de Split et les unités subordonnées
18 montre que le système disciplinaire décrit ci-dessus a été appliqué par le
19 général Ante Gotovina dans sa zone de responsabilité avant l'opération
20 Tempête."
21 Maintenant, je souhaite que l'on traite de la base de ces conclusions. Mais
22 tout d'abord, je souhaite vous demander si vous maintenez ces conclusions ?
23 R. Oui, je maintiens ces deux conclusions, Monsieur le Président.
24 Q. Nous allons examiner d'abord les quatre documents que vous appelez
25 règlements et qui donnent les bases de la doctrine.
26 M. WAESPI : [interprétation] Je souhaite examiner, et j'espère, Monsieur le
27 Président, que vous avez la liste des sujets et des pièces à conviction
28 devant vous. Il s'agit de l'intercalaire 8, pièce 3049 en vertu de 65 ter.
Page 12277
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, la Chambre n'a rien
2 devant elle qui ait encore le statut des documents 65 ter. Si ceci n'est
3 pas soit marqué aux fins d'identification ou versé au dossier -- j'ai vu
4 cette liste des dix et 17 points, mais je pense --
5 M. WAESPI : [interprétation] C'est un sujet différent. Je l'ai remise il y
6 a une semaine au conseil de la Défense et à la Chambre. Il s'agit là de la
7 liste des sujets et des documents qui seront utilisés par le bureau du
8 Procureur lors de la déposition de vive voix de Reynaud Theunens. Je
9 m'attendais à ce que ceci soit remis à la Chambre. Excusez-moi si --
10 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre l'a reçu. Vous pouvez
12 poursuivre. Nous aurons ça à l'écran tout à l'heure.
13 M. WAESPI : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. C'est
14 un document utile car --
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
17 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est utile car
18 ceci fait référence aux notes en bas de page et aux numéros de pages du
19 rapport d'expert. Et dans chacune des pièces à conviction, je vais traiter
20 des points mentionnés.
21 Q. Dans la première pièce à conviction, sans entrer dans les détails, M.
22 Theunens, expliquez-nous de quoi il s'agit dans ce règlement.
23 R. Monsieur le Président, il s'agit de la Loi relative à la défense du
24 mois de juillet 1993 de la République de Croatie, et la loi relative à la
25 défense établit les forces armées, le commandement et contrôle sur les
26 forces armées, au sein des forces armées, de même que les devoirs et
27 obligations du personnel militaire et la structure des forces armées.
28 Q. Merci.
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1 M. WAESPI : [interprétation] Passons maintenant à l'article 49. Il s'agit
2 là de la page 39 sous forme électronique en anglais, et 18 en B/C/S.
3 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les autres principes du
4 commandement et du contrôle sur la base de votre examen des documents et
5 sur la base de votre expertise au sein de l'armée croate ?
6 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, l'article 49
7 définit deux principes du commandement et du contrôle au sein des forces
8 armées croates, à savoir l'unité du commandement. Autrement dit, il y a un
9 seul commandant à la fois, et le deuxième principe porte sur l'obligation
10 d'exécuter les décisions et les commandements et les ordres des supérieurs
11 hiérarchiques. Bien sûr, l'obligation d'exécuter les décisions ou de les
12 mettre en œuvre implique que les subordonnés sont tenus responsables de
13 leur mise en œuvre, comme ressort clairement du deuxième paragraphe de cet
14 article.
15 Q. Merci.
16 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on maintenant
17 passer à l'article 39. Ça veut dire un peu en arrière.
18 Q. Est-ce que vous pourriez expliquer l'importance de l'article 39 pour ce
19 qui est du commandement et du contrôle ?
20 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, cet article
21 concerne le commandement et le contrôle dans la mesure dans laquelle,
22 lorsque les membres des forces armées effectuent les opérations conjointes,
23 il est dit que toujours et dans toutes les circonstances, ils doivent
24 respecter les règles du droit international de la guerre et du traitement
25 humain des personnes blessées et des prisonniers, et la protection de la
26 population, de même que d'autres dispositions de cette loi.
27 Deci est lié à l'article dont j'ai déjà parlé dans la section "Commandement
28 et contrôle," où il est dit que les ordres qui peuvent aboutir au crime ne
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1 seront pas exécutés.
2 Q. Merci, Monsieur Theunens.
3 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite que l'on
4 verse au dossier ce document. Il s'agit d'un document très volumineux, je
5 pense, d'environ 100 pages, mais nous croyons qu'il s'agit là d'un document
6 important, et je suis sûr que la Défense pourrait le penser aussi. Donc
7 plutôt que de me limiter à quelques articles, je suggère que l'ensemble du
8 document soit versé au dossier.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que M. Waespi est réaliste dans
10 ce qu'il anticipe ?
11 M. KEHOE : [interprétation] Théoriquement, je n'ai pas de problème à ce que
12 l'on verse au dossier cette loi. Je ne suis pas sûr de la pertinence de la
13 plus grande partie, mais je n'ai pas d'objection.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, dans cette situation, je me rallie à
15 ce qui a été dit par mon collègue du bureau du Procureur.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, pas d'objection. Bien sûr, à chaque
17 fois, nous essayons de tenir les pièces à conviction afin de les limiter à
18 un volume qui est plus abordable plutôt que de détruire trop de forêt. Il
19 n'y a pas d'objection et j'invite l'Accusation à prendre en considération
20 avec la Défense si nous avons vraiment besoin des 100 pages ou bien
21 seulement de trois à quatre pages. Par conséquent, par exemple, si vous
22 pouvez vous pencher sur la page de garde et puis peut-être une ou deux
23 autres pages afin de placer les choses dans leur contexte, et peut-être
24 aussi la table des matières.
25 Est-ce que vous pouvez prendre cela en considération, Monsieur Waespi
26 ? Pour le moment, il n'y a pas d'objection. Est-ce que nous pouvons
27 attendre de vous cela, peut-être encore cette semaine, si vous pouvez
28 proposer une version réduite ? Sinon, je vais oublier.
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1 Madame la Greffière, nous avons déjà versé au dossier ce document, le
2 document qui aura quel numéro ?
3 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction
4 numéro P1116.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P1116 est versée au dossier.
6 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Alors
7 nous allons passer à la pièce D32. Il s'agit en fait du règlement de
8 services des forces armées, et je souhaiterais que l'article 4 soit
9 affiché.
10 Q. J'aimerais vous poser une première question. J'aimerais savoir dans un
11 premier temps quel est le lien entre ce document-ci et le document
12 précédent ?
13 R. Madame, Messieurs les Juges, le règlement de services dans la HV ainsi
14 que dans d'autres forces armées sont beaucoup plus détaillés que la Loi
15 relative à la défense. Bien entendu, il faut qu'il y ait une certaine
16 cohérence, une certaine cohérence entre les différents documents, mais là,
17 vous verrez qu'il y a des informations détaillées pour ce qui est des
18 relations entre les différents membres des forces armées. Vous avez
19 également certains aspects de l'organisation qui sont pris en
20 considération, par exemple les casernes, les garnisons, les missions
21 spécifiques des commandants, et cetera, et cetera.
22 Q. Je vous remercie, Monsieur Theunens. Quelle est l'importance, si tant
23 est qu'il ait une importance, de l'article 4 pour le commandement et le
24 contrôle ?
25 R. Vous voyez que l'article 4 énumère les devoirs d'un commandant qui
26 peuvent être placés dans un certain nombre de catégories : la formation, la
27 préparation au combat, la discipline et vous avez également la logistique,
28 la préparation des forces armées.
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1 Lorsque vous regardez le troisième alinéa, il est indiqué que les
2 commandants des unités de l'armée croate sont responsables de la discipline
3 militaire au sein de leurs unités.
4 Q. Je vous remercie, Monsieur Theunens.
5 M. WAESPI : [interprétation] Nous allons passer au troisième règlement. Il
6 s'agit d'un nouveau document, le document 5690 de la liste 65 ter, et je
7 souhaiterais que l'article 241 soit affiché.
8 Q. Est-ce que vous pourriez, dans un premier temps, nous expliquer quel
9 est le lien entre ce document-ci et les deux autres documents précédents ?
10 R. Alors, comme l'indique la page de garde, il s'agit d'un amendement
11 apporté au règlement de service que nous avons vu précédemment, là il
12 s'agit en fait de prendre en considération les Brigades de Gardes. Vous
13 avez une définition des Brigades de Gardes dans cet amendement, vous avez
14 également les devoirs des membres des Brigade de Gardes, vous avez
15 également les devoirs de leurs commandants, notamment dans le domaine du
16 droit humanitaire international.
17 Q. L'article 241 -- en fait, j'aimerais savoir quelle est l'importance de
18 cet article ?
19 R. L'article 241 nous donne une définition des Brigades de Garde. Comme
20 cela est indiqué dans l'article, les Brigades de Gardes sont la composante
21 professionnelle des forces armées croates. L'article définit également ou
22 stipule que les Brigades de Gardes sont équipées du matériel et des armes
23 les plus sophistiqués et que des conditions bien précises sont imposées à
24 l'effectif des Brigades de Gardes, non seulement aux commandants, mais
25 également aux soldats.
26 Q. Nous allons maintenant étudier l'article 245. Je souhaiterais vous
27 demander si cela nous permet de comprendre ce que vous avez appelé les
28 conditions spéciales pour les membres et commandants des Brigades de Gardes
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1 ?
2 R. Oui, tout à fait, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Ce
3 sont des conditions qui sont décrites dans les cinq premières lignes de cet
4 article 245. Par exemple, à la troisième ligne, vous voyez qu'il est
5 question du profil d'un membre de la Brigade des Gardes, la personne doit
6 conjuguer à la fois une intelligence supérieure, une endurance physique, un
7 contrôle et une maîtrise d'elle-même, le sens de l'initiative, une volonté
8 de fer.
9 Vous avez également, au troisième paragraphe, la définition des
10 devoirs de ce qu'on appelle les gardiens, à savoir il s'agit d'un terme
11 générique qui désigne un membre d'une Brigade des Gardes. Vous voyez en
12 fait que, juste avant la page 5, il est indiqué que les membres des
13 Brigades des Gardes doivent être un exemple pour les autres membres des
14 forces armées et qu'ils doivent avoir un comportement exemplaire ou doivent
15 agir de façon exemplaire.
16 Q. Très brièvement, nous en avons beaucoup entendu parler, mais j'aimerais
17 savoir en fait comment est-ce que la Brigade des Gardes a été utilisée,
18 est-ce qu'ils ont participé à l'opération Oluja ?
19 R. Je suppose que vous -- votre question vise le district militaire de
20 Split, n'est-ce pas ?
21 Q. Oui.
22 R. Vous avez donc deux Brigades des Gardes qui ont opéré sous le général
23 Gotovina pendant l'opération Oluja. Vous aviez la première qui était en
24 fait la 4e Brigade des Gardes, qui -- Vous avez également la deuxième qui
25 était la 7e Brigade des Gardes qui, même avant l'opération Tempête, a
26 parfois été subordonnée au commandement du district militaire de Split.
27 Pendant l'opération Tempête, cette 7e Brigade des Gardes a à nouveau été
28 rattachée au district militaire de Split, même si elle appartenait à un
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1 autre district militaire.
2 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
3 demander le versement de cette pièce au dossier.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objections.
5 Oui, Madame la Greffière.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P1117.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P1117 est versée au dossier.
8 M. WAESPI : [interprétation]
9 Q. Pour ce qui est du dernier de ces quatre règlements, il s'agit d'une
10 pièce à conviction qui a déjà été versée au dossier, la pièce P1007, il
11 s'agit du code de discipline militaire. C'est l'article 26 qui m'intéresse
12 plus particulièrement. Il s'agit de la page 9 pour la version anglaise et
13 de la page 4 pour la version en B/C/S. Voilà ce qui est indiqué par cet
14 article : "Les commandants des unités imposeront des mesures disciplinaires
15 aux personnes ayant enfreint le règlement si ces personnes ne sont pas
16 membres de leur unité organique si de telles mesures sont requises pour le
17 maintien de l'ordre et de la discipline." Il est ensuite indiqué que : "Il
18 s'agit des commandants des unités, des institutions, des garnisons,
19 casernes, camps, institutions médicales, vaisseaux, ports, et cetera, et
20 cetera." Puis il est indiqué : "La mesure disciplinaire imposée sera
21 envoyée à l'officier supérieur de la personne ayant commis l'infraction."
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.
23 M. MISETIC : [interprétation] Je voulais juste remarquer que pour l'article
24 26, nous n'avons pas encore de traduction complète. Je pense en fait que
25 nous avions examiné cela par l'entremise d'un témoin qui était présent ici.
26 Il y a un mot qui fait défaut dans la traduction anglaise.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais être très franc avec vous,
28 Maître Misetic, je ne sais absolument pas de quel mot il s'agit. Mais je
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1 suppose que M. Waespi va accepter ce que vous avez avancé. Donc est-ce que
2 vous pourriez peut-être éclairer notre lanterne, Maître Misetic ?
3 M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez faire défiler le
4 document vers la droite dans la version originale en anglais -- voilà,
5 voilà, c'est cela -- vers la droite. Quatrième ligne, la phrase commence
6 par "ako" : "Ako su one potre i nuzne [phon]" et les mots "i nuzne [phon]"
7 n'ont pas été repris dans la traduction anglaise.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, maintenant, effectivement, cela
9 évoque quelque chose dans mon esprit. Alors oui, d'après ce que vous nous
10 dites maintenant, Maître Misetic, effectivement, cela évoque quelque chose
11 dans mon esprit. Je pense que dans la traduction anglaise, il faudrait
12 avoir "sont requises pour maintenir l'ordre et la discipline."
13 M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas comment les interprètes ou
14 comment le service de traduction va interpréter ce mot bien précis, mais je
15 pense en fait qu'il y a quand même un certain sentiment d'urgence dans le
16 mot.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que vous pourriez répondre à
18 la question qui vous avait été posée, Monsieur Theunens. Si besoin, la
19 question pourra vous être répétée.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Non, je me souviens de la question. Je
21 pense que c'est un article absolument essentiel, et j'aimerais indiquer
22 qu'il ne s'agit pas seulement d'un devoir imposé au commandant, mais c'est
23 également un privilège qui lui est conféré. Parce que cela signifie que
24 s'il fonctionne avec ses forces organiques sans sa zone de responsabilité
25 et qu'un membre d'une autre unité enfreint la discipline - qu'il s'agisse
26 d'une infraction grave ou non, d'ailleurs - il a le droit d'agir. Le droit
27 d'agir est important parce que s'il n'a pas la possibilité d'agir contre la
28 personne ayant enfreint la discipline, il y a un article du code de la
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1 discipline militaire qui indique quelle est l'importance de la discipline
2 militaire et pourquoi elle existe. C'est l'article 7 qui se trouve à la
3 page numéro 3 de la version anglaise qui, je pense, vous expliquera
4 parfaitement ma réponse.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors si cela vous est utile, est-ce que
6 l'on pourrait afficher l'article 7. Vous nous avez dit qu'il s'agissait de
7 la page…
8 LE TÉMOIN : [interprétation] De la page 3 pour le texte anglais.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, de la page 3.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de l'article 7.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons le voir bientôt.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Il nous suffit juste d'avoir l'article 7.
13 Cet article explique quels sont les trois objectifs de la discipline
14 militaire. Dans un premier temps, il s'agit d'indiquer à la personne qui a
15 enfreint la discipline de façon très claire qu'elle a commis une infraction
16 et que, par conséquent, des mesures sont prises pour empêcher que la même
17 personne ne commette à nouveau cette infraction.
18 Deuxièmement, il s'agit d'une mission d'éducation vis-à-vis des autres
19 membres des forces armées parce que les soldats vivent dans des groupes
20 assez clos. Les unités militaires opèrent avec ce qu'on appelle l'esprit de
21 corps, mais il faut qu'il y ait une cohésion au sein de cette unité, la
22 cohésion est nécessaire pour que l'unité fonctionne.
23 Puis troisièmement, l'objectif est de faire en sorte de faire respecter les
24 intérêts et la discipline des forces armées.
25 Par conséquent, si un commandant se rend compte que des membres de
26 l'armée qui ne font pas partie de son unité, mais sont dans sa zone,
27 commettent une infraction à la discipline, il va dans son intérêt de faire
28 en sorte que la discipline soit restaurée le plus rapidement possible et
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1 qu'au moins des mesures soient prises aussi rapidement que possible pour
2 permettre de restaurer cette discipline. Parce que sinon, le risque est que
3 d'autres membres de l'unité se livrent aux mêmes activités. Parce qu'en
4 fait, vous vous en rendez compte de cela lorsque vous êtes en contact
5 direct avec les soldats. Lorsque vous autorisez à un soldat d'arriver en
6 retard, le lendemain, c'est tout le peloton qui arrive en retard. Lorsque
7 vous fermez les yeux si un soldat n'est pas rasé de près ou si son uniforme
8 n'est pas très net, le lendemain matin, la plupart des autres feront la
9 même chose.
10 Donc une fois de plus, il va dans l'intérêt du commandant de faire en sorte
11 que la discipline soit respectée non seulement parmi ses propres soldats,
12 mais également parmi des soldats qui opèrent dans sa zone, mais qui sont en
13 contact étroit avec ses propres soldats.
14 Q. Nous allons maintenant étudier l'article 106 qui figure à la page 25 de
15 la version anglaise dans le prétoire électronique ainsi qu'à la page 10 en
16 version B/C/S.
17 Cet article stipule, et je cite : "En temps de guerre, les décisions
18 relatives à des infractions secondaires de la discipline militaire seront
19 prises immédiatement et au plus tard 24 heures à partir du moment où l'on a
20 appris que l'acte avait été commis."
21 Alors j'aimerais savoir quelle est l'importance de cette phrase pour le
22 commandement et le contrôle ?
23 R. Cela souligne la responsabilité du commandant. Bien entendu, en temps
24 de guerre, il y a une certaine pression qui est exercée sur les soldats. Il
25 y a des objectifs qui doivent être atteints. Il faut que la discipline soit
26 maintenue afin justement de faire en sorte que ces objectifs qui ont été
27 imposés par le commandement supérieur soient atteints.
28 L'article 106 doit être pris conjointement avec l'article 105. Dans
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1 l'article 105, il est question des infractions alors que dans l'article
2 106, il est question d'infractions secondaires ou mineures de la discipline
3 militaire. Cette différence, je la reprends dans mon rapport à la page 169.
4 M. KAY : [interprétation] Je regarde l'article 106, je ne vois pas cela
5 dans le compte rendu d'audience, mais il est question d'infractions
6 secondaires. Je ne pense pas que M. Waespi ait lu cela et je pense que cela
7 est important, c'est une question technique, là il ne s'agit pas de résumer
8 des documents généraux. Je sais que j'ai moi-même été coupable de ce défaut
9 par le passé, mais là je pense que c'est une question technique et je
10 souhaiterais que cela soit corrigé.
11 M. WAESPI : [interprétation] Oui, oui, je m'excuse et je vous remercie,
12 Maître Kay.
13 Q. J'aimerais poser une toute dernière question à propos de l'article 106.
14 Alors quelle est l'importance - enfin, si tant est que cela ait une
15 importance, d'ailleurs - quelle est l'importance lorsque l'on lit que les
16 décisions doivent être prises immédiatement et au plus tard 24 heures après
17 le moment où on a appris l'incident ?
18 R. La raison principale qui explique cette obligation, c'est qu'en temps
19 de guerre, les événements se passent en continu, 24 heures sur 24, 7 jours
20 sur 7. Ce n'est pas comme en temps de paix où les soldats se livrent à des
21 exercices ou sont dans leurs casernes de 9 heures à 5 heures, et après ils
22 entrent chez eux. Là ils opèrent en continu, et du fait de cette
23 continuité, il faut réagir très rapidement en cas de manquement à la
24 discipline.
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, de vous
26 interrompre. Mais pour que tout soit bien précis, il faudrait que l'on
27 demande au témoin si à ce moment-là la guerre avait été proclamée en
28 Croatie.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'interroge et je me demande si c'est
2 une question que vous ne pourriez peut-être pas soulever pendant le contre-
3 interrogatoire -- mais je ne sais pas, peut-être, Monsieur Waespi -- peut-
4 être qu'il serait plus judicieux de suivre la déposition de ce témoin et
5 nous verrons s'il y a un problème eu égard à la proclamation de la guerre.
6 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, mais parce que cela a un rapport avec
8 la mise en vigueur de cette loi.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais écoutez, nous allons entendre le
10 témoin ou peut-être que lorsque les questions lui seront posées, cela
11 deviendra clair pour nous.
12 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
13 Q. J'aimerais savoir si l'article 106 était un article qui était valable
14 et qui a été utilisé avant et pendant l'opération Oluja ?
15 R. Là maintenant, je ne me souviens pas si l'état de guerre avait été
16 officiellement déclaré en Croatie, je ne sais pas s'il existait
17 officiellement pendant l'opération Tempête. Je sais qu'il avait été
18 proclamé en 1991. Je pense qu'à la fin de 1991, cette proclamation était
19 nulle et non avenue, n'était plus imposée. Mais je ne me souviens plus, en
20 fait, quand est-ce que cet état de guerre a été réimposé en 1995.
21 Donc stricto sensu, et certes, si l'état de guerre n'avait pas été
22 proclamé, donc on pourrait avancer que ces deux articles n'étaient pas en
23 application. Mais les mesures militaires qui correspondent à la déclaration
24 d'un état de guerre - et je pense, par exemple, à la préparation au combat,
25 la mobilisation des unités - se sont autant de mesures qui ont été prises
26 avant l'opération Tempête. D'ailleurs, elles font l'objet de la deuxième
27 partie du rapport. De ce fait, je conclurais que même si officiellement ces
28 articles auraient pu ne pas être appliqués, les commandants - et j'entends
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1 par cela tous les commandants à tous les niveaux - avaient tout intérêt à
2 faire en sorte que soient respectées les dispositions de cet article
3 pendant l'opération Tempête.
4 Q. Merci, Monsieur Theunens. Nous allons maintenant passer à la mise en
5 application de cette doctrine.
6 Alors nous allons maintenant consulter un document qui a déjà été versé au
7 dossier, le document P1020. Il s'agit d'un document en date du 6 mars.
8 Alors sans pour autant entrer dans le fond du document, est-ce que vous
9 pourriez nous dire de quoi il s'agit ?
10 R. Monsieur le Président, il s'agit d'un exemple de la mise en application
11 de l'article 106 du code de discipline militaire de l'année 1992. Nous
12 voyons que le général Gotovina transmet un rapport, à savoir le rapport du
13 72e Bataillon de la Police militaire. Il s'agit d'une infraction à la
14 circulation routière, infraction commise par un membre de la 7e Brigade des
15 Gardes. Nous voyons que Gotovina transmet ce rapport au commandant du poste
16 militaire 3112 à Varazdin, ce qui correspond au commandant de la 7e Brigade
17 des Gardes.
18 Q. Est-ce que nous pouvons établir un lien entre ce document et l'article
19 106 [comme interprété] dont nous avons débattu il y a un petit moment ?
20 R. Oui, tout à fait, Monsieur le Président, car la 7e Brigade des Gardes
21 n'est pas une unité organique du district militaire de Split. Elle
22 appartient, cette brigade, au district militaire de Bjelovar, qui se trouve
23 au nord-ouest de la Croatie. Le général Gotovina a estimé qu'il ne
24 s'agissait pas d'une question urgente pour maintenir la discipline dans sa
25 zone de responsabilité, et c'est pour cela qu'il a transmis ce document au
26 commandant organique de l'auteur de l'infraction. Mais ceci étant dit, il
27 demande au commandant de la 7e Brigade des Gardes de le tenir informé des
28 mesures qu'il aura prises.
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14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
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1 Q. Je vous remercie, Monsieur Theunens.
2 Nous allons maintenant passer à un nouveau document, le document 5575 de la
3 liste 65 ter.
4 Il s'agit d'un rapport relatif à une personne ayant enfreint le code de la
5 circulation routière. Vous voyez que cela était signé par le général de
6 brigade, Ivan Korade, la date étant la date du 25 avril 1995, et cela est
7 adressé au département des affaires juridiques du commandement du district
8 militaire de Split.
9 J'aimerais savoir quelle est la pertinence ou l'importance de ce
10 document, Monsieur Theunens, si tant est que ce document ait une importance
11 ?
12 R. Il s'agit de la réponse du commandant de la 7e Brigade des Gardes à la
13 demande formulée par le général Gotovina dans le document précédent. Le
14 général de brigade, Korade, informe le général Gotovina de la mesure
15 disciplinaire qu'il a prise à la suite de cette infraction de la
16 circulation routière. Il y avait ce rapport qui avait été déposé par le 72e
17 Bataillon de la Police militaire à propos de cette infraction de la
18 circulation routière, commise par un membre de la 7e Brigade des Gardes.
19 M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
20 dossier de ce document.
21 M. MISETIC : [interprétation] Je ne suis toujours pas sûr d'avoir compris
22 pourquoi est-ce que cela nous est présenté dans le contexte de l'article
23 26. Quelle est la base ? Voilà pour ce qui est de ma mise en garde. Est-ce
24 que nous pourrions avoir de meilleurs éléments. Parce que d'après ce que je
25 comprends de la déposition de ce témoin, le commandant du district
26 militaire de Split pouvait prendre des mesures disciplinaires à l'encontre
27 des unités qui lui étaient subordonnées. Je ne vois pas où cela a eu lieu,
28 et j'aimerais que l'on présente davantage d'éléments pour que je comprenne
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1 la base de tout cela.
2 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, oui, oui -- ce n'est
4 pas une objection claire et nette, mais Monsieur Waespi, certes, si vous
5 suivez la suggestion avancée par Me Misetic, cela serait d'une grande
6 utilité pour la Chambre.
7 M. WAESPI : [interprétation]
8 Q. Monsieur Theunens, est-ce que vous pouvez nous expliquer la relation
9 entre ce document et l'article 26 ?
10 R. Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Lorsque je vous ai donné
11 lecture de la deuxième ligne de l'article 26 -- enfin, je vais commencer
12 par la première. Il est question des commandants des unités, et cetera, et
13 cetera, qui imposeront des mesures disciplinaires aux personnes ayant
14 commis des infractions, personnes qui ne sont pas membres de leur unité
15 organique… et cetera, et cetera, puis ensuite vous avez la question de
16 savoir s'il s'agit d'une question urgente ou non.
17 Alors là, nous avons une personne qui a commis une infraction, qui
18 n'est pas membre d'une unité organique du district militaire de Split. La
19 7e Brigade des Gardes ne faisait pas partie du district militaire de Split
20 au moment de cette infraction. Elle avait été rattachée temporairement au
21 district militaire de Split. Mais du point de vue de la structure, elle ne
22 faisait pas partie du district militaire de Split.
23 Du point de vue de la structure - et je m'excuse de mon anglais - la
24 7e Brigade des Gardes relevait du district militaire de Bjelovar, qui se
25 trouve au nord-ouest de la Croatie, à savoir le long de la frontière avec
26 la Hongrie.
27 M. MISETIC : [interprétation] J'ai toujours la même objection, car
28 j'aimerais savoir si le général Gotovina a imposé une mesure disciplinaire
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1 à l'unité subordonnée ? Parce que j'avais soulevé une objection à propos de
2 la base de ceci, et je n'ai toujours pas obtenu une réponse à ma question.
3 J'aimerais savoir où est la mesure disciplinaire imposée par le général
4 Gotovina ?
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, est-ce que vous vouliez
6 juste présenter cela à titre d'exemple, pour nous montrer comment
7 l'information avait été relayée et dans quelle mesure cela correspond au
8 champ d'application de l'article 26. Puisque apparemment, c'est cela qui
9 pose problème. Le témoin nous a fourni une explication. Il nous a indiqué
10 qu'il s'agissait de quelqu'un qui ne faisait pas partie d'une unité qui
11 appartenait au district militaire de Split.
12 M. MISETIC : [interprétation] Oui, j'aimerais que l'on nous explique si
13 cette référence à un district militaire différent suit l'article 26, si le
14 général Gotovina a pris des mesures disciplinaires. Mais si tel n'est pas
15 le cas, je ne vois pas pourquoi est-ce que cela a été ajouté à la liste 65
16 ter, et je ne vois pas non plus pourquoi cela a été versé au dossier.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.
18 M. WAESPI : [interprétation] Premièrement, je pense -- nous nous étions mis
19 d'accord à propos des documents qui font partie de notre liste, et je
20 voudrais présenter une requête orale pour que ce document soit ajouté à
21 notre liste 65 ter. Deuxièmement, nous avançons que le général Gotovina
22 exerçait ou avait une compétence disciplinaire qui lui avait été attribuée
23 temporairement pour ses unités. Ça, c'est un exemple, justement, que
24 j'avance. Je ne voudrais surtout pas commencer à témoigner moi-même, mais
25 c'est ce que le témoin nous a expliqué.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Visiblement, c'est la première phase de
27 cette information qui est relayée, d'après ce que je comprends.
28 M. WAESPI : [interprétation] Oui, c'est exact, parce qu'il lui incombe de
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1 faire cela. Cela relève de ses prérogatives.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En tout cas, c'est ce que M. Ivan Korade
3 pense.
4 M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas ce que M. Korade a envisagé à
5 l'époque.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi juste le temps de lire tout
7 le document.
8 Donnez-moi le temps, donnez-moi le temps.
9 M. MISETIC : [interprétation] Oui, je m'excuse, Monsieur le
10 Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, le commandement de la
12 région militaire de Split est informé de la nature de la mesure
13 disciplinaire imposée à un membre de la 7e Brigade des Gardes. Apparemment,
14 c'est ce que dit ce document.
15 Monsieur Waespi, la question soulevée par Me Misetic consiste à
16 demander si ce document est pertinent eu égard à la position avancée par
17 l'Accusation, à savoir que la région militaire de Split, qui a reçu ce
18 renseignement, était compétente pour imposer une mesure disciplinaire à un
19 membre d'une unité non organique.
20 M. MISETIC : [interprétation] Ma position est la suivante, Monsieur le
21 Président, et je crois que nous avons été très près de discuter de cela
22 précédemment déjà, peut-être pas avec ce document, mais avec un témoin
23 précédent qui a participé aux événements survenus ici. Vous pouvez lire
24 dans le rapport soumis par la police militaire que ce n'est pas un ordre
25 donné par le général Gotovina à une autre section de l'armée croate et
26 qu'on lui demande de rendre compte quant aux mesures prises.
27 Je ne vois pas en quoi ceci n'aurait pas de rapport avec l'article 26, si
28 un commandant prend une mesure disciplinaire contre une unité subordonnée.
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1 Mon objection porte sur l'absence de fondement susceptible d'étayer
2 l'affirmation que ce témoin a fournie. Le témoin pourrait s'expliquer sur
3 les transferts de pouvoir qui ont lieu eu égard à cette mesure
4 disciplinaire.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Normalement, nous demandons au témoin de
6 quitter le prétoire lorsqu'une discussion juridique de cette nature a lieu.
7 Vous voyez bien que c'est la pertinence de ce document qui est en cause
8 dans le débat qui oppose l'Accusation et la Défense. Est-ce que vous
9 pourriez nous aider sur ce point, Monsieur Theunens.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer, Monsieur le Président. Mais
11 il serait peut-être utile d'avoir sous les yeux les dispositions de
12 l'article 26. Je ne sais pas si c'est techniquement faisable.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez déjà commencé à fournir
14 des explications. Apparemment, vous avez un bon souvenir des dispositions
15 de l'article 26.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. Deuxième
17 paragraphe de l'article 26 [comme interprété], dans des situations où un
18 officier, évoqué au paragraphe 1, c'est-à-dire commandant organique, de
19 l'unité a décidé qu'il n'était pas nécessaire de punir le responsable d'une
20 infraction qui n'appartient pas à son unité, le problème peut être soumis à
21 l'officier supérieur de l'homme responsable de l'infraction pour qu'il
22 tranche.
23 Encore une fois, si nous résumons l'article 26, celui-ci prévoit que le
24 commandant peut prendre des mesures disciplinaires contre des membres
25 d'unités qui ne relèvent pas, organiquement, de sa responsabilité. Ceci au
26 cas où il y a urgence à prendre des mesures disciplinaires en question, ou
27 bien lorsque l'officier a la possibilité d'imposer lui-même ces mesures.
28 S'il considère, je parle du commandant, que la question n'est pas urgente,
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1 il peut en référer et renvoyer le problème au commandant organique de
2 l'unité à laquelle appartient le responsable de l'infraction.
3 Ici, manifestement, le problème n'était pas urgent. Il s'agit d'une
4 infraction au code de la route dans la région militaire de Split. Gotovina,
5 n'étant pas le commandant organique de l'unité, décide de transmettre le
6 problème au commandant organique de l'unité, c'est-à-dire au commandant de
7 la 7e Brigade des Gardes.
8 J'espère que ceci explique le problème.
9 M. WAESPI : [interprétation] Puis-je ajouter un mot, Monsieur le Président
10 ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, pour autant que vous ne témoignez
12 pas, Monsieur Waespi.
13 M. WAESPI : [interprétation] C'est juste un commentaire de suivi sur le
14 document précédent. Je vous renvoie à la pièce P1020. Aucune objection en
15 soi à ce document. Le fondement était établi. Si vous voulez vous former un
16 point de vue réaliste, je vous renvoie toutefois à ce document.
17 M. MISETIC : [interprétation] Quand la pièce à conviction est accueillie de
18 cette façon, je ne suis pas surpris de voir que l'Accusation propose un
19 commentaire contraire.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le moment, ce document est
21 enregistré aux fins d'identification. Nous l'examinerons et verrons s'il
22 est suffisamment pertinent pour être versé au dossier.
23 Madame la Greffière, un numéro a déjà été affecté à ce document ? Je pense
24 non. Non, ce n'est pas le cas. Alors, pourriez-vous le faire, je vous prie.
25 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1118,
26 enregistrée aux fins d'identification.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document conservera ce statut pour le
28 moment.
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1 Veuillez procéder.
2 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 Q. Passons maintenant à l'examen de la pièce P1014.
4 Pourriez-vous rapidement expliquer de quoi traite ce document et quelle en
5 est sa signification, pour autant qu'il en ait une ?
6 R. Je ne crois pas que ce soit un document en P, une pièce de
7 l'Accusation, mais je me trompe peut-être.
8 Q. Je pense qu'il s'agirait des neufs pièces de l'Accusation, donc la cote
9 commence par un P ?
10 R. Excusez-moi, je suis désolé.
11 Là encore, nous voyons une nouvelle forme d'application de l'article
12 26, puisqu'ici le commandant non organique considère que l'infraction à la
13 discipline commise par des membres d'une unité temporairement subordonnée à
14 lui, à son commandement, est d'une gravité telle qu'il est tenu de prendre
15 des mesures disciplines immédiates.
16 Le commandant non organique, c'est le général Gotovina. L'unité qui
17 lui est temporairement subordonnée, unité dont il n'est pas le commandant
18 organique, c'est le 2e Bataillon d'infanterie de la 9e Brigade des Gardes.
19 Cette unité est également connue comme 84e Bataillon des Gardes. Ce n'est
20 pas écrit dans le document, mais c'est le cas.
21 Ce document indique ce qui suit : Nous vous envoyons ci-joint des ordres
22 impliquant des mesures imposées par la région militaire de Split aux
23 membres suivants du 2e Bataillon d'infanterie de l'armée croate de la 9e
24 Brigade des Gardes.
25 Donc la région militaire de Split n'est pas l'entité commandant
26 organiquement cette unité, à savoir la 2e Brigade d'infanterie. Nous voyons
27 d'après l'intitulé, d'après l'en-tête en haut à gauche et d'après l'annexe
28 qui se trouve en troisième page de la version anglaise --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document était téléchargé dans le
2 prétoire électronique et ne compte que deux pages dans sa version
3 électronique. J'espère que nous parlons bien du même document. Je vais
4 vérifier.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est bien le bon document.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est le bon document. Celui qui
7 était affiché tout à l'heure était un autre document.
8 Veuillez poursuivre. Vous avez dit troisième page.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais la page affichée est la bonne page. Le
10 format du téléchargement électronique est peut-être différent du format que
11 j'ai sur papier.
12 Si nous nous rendons à la dernière page de ce document, nous voyons qu'il
13 est signé par le général Gotovina, commandant de la région militaire de
14 Split, qui soumet ce document à un certain nombre de personnes et,
15 notamment à la 9e Brigade des Gardes, à l'attention du 2e Bataillon
16 d'infanterie de la 9e Brigade des Gardes.
17 Si nous revenons à la première page du document maintenant, nous voyons que
18 le général Gotovina a imposé une mesure disciplinaire à un membre du 2e
19 Bataillon de la 9e Brigade des Gardes, et on trouve le libellé de cette
20 mesure disciplinaire imposée par le général Gotovina au milieu de la page.
21 Il s'agit d'une mesure consistant de mis aux arrêts d'une durée de dix
22 jours.
23 A mon avis, ceci est bien une forme d'application de l'article 26,
24 car le commandant de la région militaire de Split a imposé une mesure
25 disciplinaire au responsable d'une infraction qui fait partie d'une unité
26 qui n'est pas organiquement sous son commandement pour violation de la
27 discipline sous la forme d'un acte d'indiscipline qu'il considère
28 important. C'est en raison de cela, de la gravité de l'acte, qu'il estime
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1 urgent de prendre de telles mesures.
2 M. WAESPI : [interprétation]
3 Q. Passons au document suivant, document 65 ter, numéro 2425. Ce document
4 porte la date du 20 juillet 1995.
5 Je vous demande, Monsieur Theunens une nouvelle fois, quelle est la
6 signification de ce document ?
7 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, nous voyons ici un
8 exemple d'application de la discipline militaire, et ceci illustre
9 également l'application de la conception de conscience de la situation dont
10 je traite dans mon rapport. Le commandant est bien entendu responsable de
11 l'application de la discipline militaire, et afin de garantir qu'il remplit
12 bien cette obligation, ce commandant, le commandant de la région militaire
13 de Split, demande à ses unités de lui communiquer des renseignements quant
14 au nombre de procédures disciplinaires et de mesures disciplinaires qui ont
15 été prises au cours du premier semestre de 1995.
16 En page 2 du document, dans sa version anglaise, on trouve les
17 destinataires de ce document. Les unités sont identifiées par leurs numéros
18 de postes militaires. Par exemple, le cinquième destinataire, numéro 2233,
19 ce numéro, c'est le numéro du poste militaire du 72e Bataillon de Police
20 militaire, ce qui indique que le 72e Bataillon de la Police militaire est
21 bien une unité organique dépendant de la région militaire de Split. Dans
22 les pages suivantes du document, on trouve le modèle de présentation et les
23 informations que les unités subordonnées de la région militaire de Split
24 sont tenues de fournir au commandement de cette même région militaire.
25 Q. Je vous remercie, Monsieur Theunens.
26 M. WAESPI : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président, le
27 versement de ce document au dossier.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vois pas d'objection.
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1 Madame la Greffière.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la
3 pièce P1119.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P1119 est admise au dossier.
5 M. WAESPI : [interprétation] Peut-être pouvons-nous, Monsieur le Président,
6 examiner encore un document avant la suspension.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelque chose d'autre au sujet d'un
8 document précédent. On ne cesse de confondre quelque peu les numéros de
9 pages, et cetera. Le document dans lequel il était question de la mise aux
10 arrêts de dix jours. Quel était ce document, quel était son numéro ?
11 M. WAESPI : [interprétation] Je crois que c'était la pièce P1114.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois qu'il y a une traduction
13 anglaise qui compte deux pages alors que le document original en compte
14 sept. Donc il me semble qu'il doit y avoir une erreur.
15 M. WAESPI : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce englobe plusieurs documents.
17 Apparemment, la lettre de couverture annonce trois affaires, trois cas, et
18 ensuite suivent trois documents de deux pages dans lesquels nous trouvons
19 mention, dans l'un des trois en tout cas, d'une mesure disciplinaire qui a
20 été imposée à un homme. Mais dans le prétoire électronique, semble-t-il,
21 c'est une autre traduction qui a été téléchargée. Enfin, Monsieur Waespi,
22 je ne tiens pas beaucoup à me donner une image de comptable.
23 M. WAESPI : [interprétation] Oui, je vais vérifier d'ici à demain quelle
24 est la situation exacte de cette pièce.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie, faites-le.
26 M. WAESPI : [interprétation] Le document suivant, si je ne me trompe,
27 devrait être la pièce P1113. Il s'agit d'un document qui est déjà une pièce
28 à conviction en l'espèce.
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1 Q. Encore une fois, Monsieur Theunens, en vous appuyant sur l'analyse que
2 vous avez faite des documents qui vous ont été soumis, je vous demande
3 quelle est la signification de cet ordre qui date du 29 août 1995.
4 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, cette série de
5 documents fournit un bon exemple de situations dans lesquelles le
6 commandant de la région militaire de Split fait usage de son pouvoir à la
7 tête de la région militaire pour ordonner l'application de mesures
8 destinées à établir la responsabilité criminelle de certains. Il est
9 question ici d'occupation illégale de logements ou d'appartements relevant
10 de la propriété publique. Et en première page, au premier paragraphe, nous
11 voyons que le commandant de la région militaire de Split ordonne de mettre
12 en place une commission chargée d'enquêter. Cette commission doit compter
13 un certain nombre de membres dont fait partie le commandant en second du
14 72e Bataillon de la Police militaire, et puis le commandant de la région
15 militaire de Split décide des tâches qui seront confiées à cette
16 commission.
17 Q. J'aimerais vous interroger d'abord une nouvelle fois au sujet de la
18 page de garde. Nous y lisons que l'ordre a été émis suite à un ordre
19 provenant du chef du Grand quartier général de l'armée de Croatie. Alors,
20 est-ce que M. Gotovina aurait pu émettre cet ordre de son plein gré ou est-
21 ce qu'il le fait suite au pouvoir qui lui est délégué par son supérieur
22 hiérarchique ?
23 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, une telle
24 conclusion ne peut pas être tirée de la lecture de ce document. Mais je
25 crois savoir sur la base de la lecture d'autres documents qu'en effet, un
26 commandant de région militaire a pouvoir de mettre en place, de créer une
27 commission de cette nature.
28 M. MISETIC : [interprétation] Objection, absence de fondement, Monsieur le
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1 Président. Ce document n'a pas été communiqué avec le rapport d'expert ou à
2 quelqu'autre moment par l'Accusation dans les 800 pages de documents qui
3 ont été communiqués à la Défense.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, je suppose que
5 l'absence de fondement concerne la deuxième partie de la réponse, et pas la
6 deuxième partie de la réponse du témoin dans laquelle il déclare que nous
7 ne pouvons pas tirer cette conclusion à la lecture de ce document.
8 M. MISETIC : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez apporter des
10 éléments complémentaires ?
11 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je reviens sur ce que
12 j'ai dit au sujet des 800 pages communiquées avec le rapport. Donc, mon
13 objection repose sur l'absence de communication de ce document précis.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas en mémoire les 800 pages en
15 question pour être sûr que celui-ci n'en fait pas partie.
16 M. WAESPI : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie -- je
17 vais interroger le témoin.
18 Q. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer que le commandant d'une région
19 militaire a pouvoir de créer une commission de cette nature même s'il n'a
20 pas reçu un ordre de son supérieur pour ce faire ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être la première question pourrait
22 également valoir que vous y répondiez. Est-ce que vous exprimez un avis de
23 même nature à quelqu'endroit dans votre rapport d'expert ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je fonde ma conclusion
25 sur la série de documents --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel est votre problème, Maître Misetic
27 ?
28 M. MISETIC : [interprétation] Je demande d'abord qu'il réponde à votre
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1 première question.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ma première question consistait à
3 demander si une telle conclusion apparaissait où que ce soit dans votre
4 rapport d'expert.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. La conclusion en
6 question n'apparaît nulle part dans mon rapport d'expert. Je n'ai pas
7 traité précisément de cette question. Je n'ai pas écrit très précisément
8 qu'un commandant de région militaire était habilité à créer une commission
9 chargée d'enquêter sur des questions disciplinaires.
10 M. MISETIC : [interprétation] Mon objection tient toujours, Monsieur le
11 Président. Je crois qu'il y a de très nombreux autres documents qui
12 pourraient être évoqués à l'appui de ce point.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.
14 M. WAESPI : [interprétation] Les documents ont tous été communiqués. J'en
15 suis tout à fait certain.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais apparemment le problème qui se
17 pose à Me Misetic, c'est que sur la base des documents communiqués, vous
18 pouvez tirer des conclusions autres que celle que l'on trouve dans le
19 rapport d'expert.
20 Donc, la conclusion n'est pas étayée par le rapport d'expert. Je suppose
21 que c'est là que réside le problème.
22 M. WAESPI : [interprétation] Je pense que notre position consistera à dire
23 qu'il y a des questions que l'expert que vous avez face à vous peut aborder
24 oralement, sans que cette question soit traitée par écrit nécessairement
25 dans son rapport. C'est tout à fait normal. Nous estimons que le fondement
26 qui a été présenté suffit, puisqu'il vous a dit que ce document faisait
27 partie des documents sur lesquels il a fondé sa doctrine et son avis. Donc,
28 je suppose que cela suffit.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre va réfléchir à la question,
2 mais pas aujourd'hui. Est-ce que ceci est une question à laquelle vous
3 pouvez répondre, Monsieur Theunens ? Nous vous le dirons demain.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, même consigne que celle que je
6 vous ai faite hier. Vous ne devez parler à personne de votre déposition,
7 c'est-à-dire de ce que vous avez dit dans votre déposition jusqu'à présent,
8 ou de ce que vous avez l'intention de dire à l'avenir.
9 M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais m'assurer --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Theunens, Me Misetic souhaite
11 que nous revenions en audience publique.
12 M. MISETIC : [interprétation] Et que ce soit consigné au compte rendu.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au compte rendu, oui.
14 Dans l'intervalle, je pense que des exemplaires ont été mis à disposition
15 avec l'accord de la Chambre de première instance. Nous comprenons tout à
16 fait que seul l'Accusation est capable de faire ces photocopies. Donc, s'il
17 y avait un malentendu ou si un problème se posait, dites-le-nous.
18 Nous suspendons l'audience jusqu'à demain matin à 9 heures dans cette même
19 salle d'audience.
20 --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le vendredi 21
21 novembre 2008, à 9 heures 00.
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