Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 14 janvier 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vous prie

  7   d'annoncer le numéro de l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

  9   toutes et à tous. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre

 10   Ante Gotovina et consorts.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Monsieur Konings, j'aimerais vous rappeler que la déclaration solennelle

 13   faite hier au début de votre déposition est toujours valable.

 14   Monsieur Russo, pouvez-vous reprendre l'interrogatoire principal.

 15   M. RUSSO : [interprétation] Oui.

 16   Tout d'abord, Monsieur le Greffier, j'aimerais que l'on affiche la pièce

 17   P1259, enregistrée aux fins d'identification.

 18   LE TÉMOIN: HARRY KONINGS [Reprise]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   Interrogatoire principal par M. Russo : [Suite]

 21   Q.  [interprétation] Colonel Konings, aujourd'hui j'aimerais que l'on

 22   commence en parlant de certains principes que vous avez énumérés dans votre

 23   rapport s'agissant de cibles et de planification d'opérations d'artillerie

 24   dans les zones peuplées par les civils.

 25   Passons à la quatrième partie de votre rapport. C'est dans le deuxième

 26   intercalaire, Colonel. C'est en bas de la page 4 de la version en anglais

 27   et c'est à la page 10 de la version en B/C/S.

 28   Ici, vous parlez des tirs d'artillerie dans les zones civiles, et vous

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  1   dites :

  2   "Sur la base de l'intention des commandants supérieurs et de leurs

  3   lignes directrices et des résultats du processus de la prise de décision,

  4   nous avons un 'high pay-off targets,'" comme vous le dites en anglais.

  5   Qu'est-ce que c'est ?

  6   R.  C'est très important pour avoir une issue positive de votre opération.

  7   Il est important de battre la cible afin que l'opération soit

  8   couronnée de succès.

  9   Q.  Et le simple fait qu'un commandant identifie une cible en tant que

 10   cible qui est très importante, qui a un bon rendu, est-ce que cela

 11   automatiquement veut dire que l'on peut viser cette cible avec des tirs

 12   d'artillerie ?

 13   R.  Non. Cela veut tout simplement dire que cette cible a une grande

 14   importance pour votre opération, et ce genre de cibles "high pay-off," donc

 15   qui sont très importantes, sont sur la liste de ces cibles à très grande

 16   importance, donc qui sont très importantes pour l'opération de l'ennemi. Et

 17   une fois que vous avez désigné quelles étaient ces cibles, il faut choisir

 18   un système d'armes appropriées pour mener à bien l'opération et réaliser

 19   l'objectif visé.

 20   Q.  Et le processus de la prise de décision et le choix de ces cibles qui

 21   sont très importantes, sauriez-vous dire aux Juges si ce processus est

 22   réalisé à un niveau très élevé, au plus haut niveau opérationnel ou à un

 23   autre niveau, de manière générale ?

 24   R.  Le processus de la prise de décision a lieu à tout niveau de

 25   commandement au sein d'une organisation militaire. Cela part depuis le

 26   niveau stratégique, donc c'est un niveau très élevé et qui est lié au

 27   niveau politique, et il va jusqu'au niveau tactique.

 28   Et même un chef de section doit prendre ses propres décisions, même si cela

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  1   se fait de manière très rapide. Et donc par conséquent, cela n'est pas

  2   formalisé par écrit. Mais s'agissant des divisions, des brigades et des

  3   bataillons, vous avez un processus de prise de décision et vous avez à ce

  4   niveau-là également un processus de choix de cibles. Donc en allant du

  5   niveau de la brigade vers le haut, ce processus est plus formalisé, et cela

  6   se fait lors des réunions formelles et officieuses, tandis qu'à un niveau

  7   plus bas, par rapport au niveau du bataillon, cela se passe de manière très

  8   rapide et de manière officieuse. Mais de toute façon, l'issue est la même.

  9   Q.  Merci. Et si cette cible très importante qui est identifiée par le

 10   commandant se trouve dans une zone habitée par les civils, pourriez-vous

 11   expliquer aux Juges quelles sont les décisions que le commandement doit

 12   prendre avant de décider d'attaquer cette cible avec les tirs d'artillerie

 13   ?

 14   R.  Avant de prendre la décision d'attaquer une telle cible, donc au milieu

 15   d'une zone peuplée par les civils, vous devez être absolument sûr que la

 16   valeur de cette cible pour votre opération est telle que combattre une

 17   telle cible avec n'importe quel système d'arme se fait de manière

 18   proportionnée et que le risque de dégâts collatéraux est acceptable.

 19   D'habitude, c'est une décision qui est prise à un très, très haut niveau.

 20   Cela ne se fait pas au niveau, par exemple, du commandant de la brigade, du

 21   moins pas dans les pays de l'OTAN.

 22   Une fois que vous avez choisi cette cible et vous avez trouvé que c'est une

 23   cible très importante, il faut voir quelle est la nature de cette cible,

 24   quel est le terrain, quels sont les éléments de cette cible; s'agit-il

 25   d'une grande cible, d'une petite cible, et quelle est la meilleure manière

 26   de procéder pour viser cette cible; faut-il la détruire entièrement pour la

 27   mettre hors combat ou la neutraliser, ou suffit-il de la neutraliser de

 28   manière temporaire uniquement.

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  1   Et ce qui est aussi très important, c'est de savoir à quelle distance se

  2   trouvent les civils; quels sont les bâtiments construits dans cette zone,

  3   quelle est l'infrastructure. C'est une des choses les plus importantes

  4   qu'il faut avoir à l'esprit en décidant quel est le système d'arme qu'il

  5   faut employer. Parce que bien sûr vous pouvez utiliser n'importe quel

  6   système d'arme, mais vous devez savoir qu'une fois que vous commencez à

  7   utiliser l'artillerie dans une zone peuplée par les civils qu'il existe un

  8   très haut risque que vous ayez des dégâts collatéraux, et c'est une

  9   décision qui relève d'une grande importance stratégique.

 10   Q.  Merci. Et dans la dernière phrase de ce paragraphe 4 a, vous dites :

 11   "Les pièces d'artillerie peuvent être utilisées uniquement où il existe une

 12   distance suffisante entre les zones d'impacts attendus et la population

 13   civile afin d'éviter toutes pertes humaines."

 14   J'aimerais que vous expliquiez aux Juges comment un commandant peut

 15   s'assurer qu'effectivement il existe une distance suffisante pour préserver

 16   la population ?

 17   R.  Le commandant doit tenir compte de tous les paramètres avant d'utiliser

 18   quelle est l'artillerie qui sera employée ou s'il procédera aux frappes

 19   aériennes et quel type de munition il emploiera; s'agit-il de munitions

 20   guidées ou non.

 21   Et comme nous avons dit déjà hier, s'agissant d'artillerie traditionnelle,

 22   donc qui n'est pas guidée, vous savez que ce type de munition a un certain

 23   niveau de non-précision à cause du système d'arme utilisé ou à cause des

 24   munitions mêmes utilisées. Et dans ce cas-là, vous avez des dégâts

 25   collatéraux. Je dois vous rappeler que les projectiles d'artillerie

 26   produisent des milliers d'éclats qui peuvent s'éparpiller à plusieurs

 27   centaines de mètres.

 28   S'agissant, par exemple, d'une mission qui a cours en Afghanistan, je peux

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  1   vous dire que lorsque vous avez une cible visée et si vous avez des civils

  2   à une distance de 500 mètres par rapport à cette cible, vous n'avez pas le

  3   droit d'utiliser les systèmes d'artillerie réguliers. Vous pouvez

  4   uniquement employer ce type d'armes, et c'est le commandant le plus haut

  5   placé qui peut prendre cette décision, si l'importance de la cible est

  6   telle - et c'est le commandant Isof lui-même qui prend la décision, donc

  7   c'est le commandant le plus haut placé. Donc cela vous donne une idée de

  8   quelle manière il faut procéder lorsqu'il s'agit de cibles militaires à

  9   l'intérieur d'une zone civile, peuplée par les civils. Donc c'est un

 10   processus complexe. Il faut tenir compte de tous les paramètres et de tous

 11   les facteurs que je vous ai énumérés tout à l'heure.

 12   Q.  Merci. Pourriez-vous expliquer aux Juges s'agissant de cette distance

 13   sûre, de quelle manière ce paramètre s'applique lorsque vous avez des

 14   cibles mobiles à l'intérieur d'une zone peuplée par les civils ?

 15   R.  Je ne vois pas de différence, parce qu'il n'y a pas de différence.

 16   Parce que si la cible se déplace à l'intérieur de la zone peuplée par les

 17   civils, le même critère de distance de 500 mètres est de vigueur. Prenons

 18   comme exemple l'Afghanistan, mais vous devez avoir donc à l'esprit que si

 19   la cible se déplace, cette distance de 500 mètres se déplace également.

 20   Donc la situation devient plus complexe et il y a plus de risques qu'il y

 21   ait de dégâts collatéraux et vous n'êtes pas tout à fait sûr quelle sera

 22   l'issue des tirs d'artillerie. Il faut que le personnel soit très

 23   expérimenté et que vous ayez des observateurs sur place qui suivent la

 24   cible en train de se déplacer. Je ne serais pas favorable à l'emploi

 25   d'artillerie dans une zone peuplée lorsque vous avez une cible qui se

 26   déplace, une cible mobile.

 27   Q.  Merci. J'aimerais que l'on passe maintenant à la mise en application de

 28   ces principes dont nous avons parlé et que l'on les applique à ce qui nous

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  1   intéresse en l'espèce. Paragraphe 16 de votre rapport, Colonel Konings,

  2   c'est à la page 14 en anglais, page 32 en B/C/S, et on nous a demandé

  3   d'apporter des commentaires au sujet d'un certain nombre d'ordres et de

  4   rapports en l'espèce, et j'aimerais les examiner maintenant avec vous.

  5   Au paragraphe 16 a, vous citez une partie de l'ordre donné par Gotovina, il

  6   s'agit d'un ordre donné aux groupes de roquettes où il est dit que :

  7   "Les villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac soient

  8   exposées aux tirs d'artillerie."

  9   Au milieu du dernier paragraphe de votre rapport, qui figure à la page 33

 10   en B/C/S, vous parlez de cette formulation employée dans l'ordre du général

 11   Gotovina, et vous dites :

 12   "Cette partie de l'ordre donne le feu vert au commandant d'employer

 13   l'harcèlement au maximum en visant de manière arbitraire lesdites villes.

 14   Il y aura, par conséquent, la peur parmi les gens, la peur sera semée ainsi

 15   que des pertes humaines auront lieu. L'infrastructure en sera détruite et

 16   la population sera forcée à partir. Et ainsi les troupes ennemies ne

 17   pourront pas exécuter leur mission de manière appropriée. Cela veut dire

 18   que la population civile est visée afin de forcer les unités militaires de

 19   se retirer ou même de se rendre."

 20   J'aimerais que vous expliquiez aux Juges comment se fait-il que vous ayez

 21   tiré une telle conclusion sur la base de l'ordre du général Gotovina

 22   lorsqu'il a décidé de viser les villes par les tirs d'artillerie.

 23   R.  Je dois vous rappeler ce dont nous venons de parler, à savoir le

 24   processus de décider quelle est la cible visée. Vous devez décider quelles

 25   sont les meilleures armes à être utilisées, tenant compte du fait quelle

 26   est la cible visée. Une fois que vous avez décidé quel est l'objectif visé,

 27   vous devez décider quels sont les systèmes d'armes qui seront employés afin

 28   de viser les cibles ennemies. Et dans les ordres que j'ai cités et dans une

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  1   certaine mesure, il est clairement dit de quelle manière le soutien

  2   d'artillerie doit être employé, où il est dit qu'il faut tirer sur la ligne

  3   de front, tirer les postes de commandement, les communications et les

  4   positions où se trouve l'artillerie ennemie. Donc à mon avis c'est une

  5   explication normale, militaire, lorsque vous dites pourquoi vous souhaitez

  6   employer l'artillerie.

  7   Dans les cibles qui sont énumérées dans cet ordre, à mon avis, il

  8   s'agit de cibles militaires régulières qui peuvent être visées avec

  9   l'artillerie. Mais dans la même phrase, vous pouvez trouver également qu'il

 10   faut pilonner la ville de Knin. Et on m'a demandé d'examiner donc ce cas

 11   particulier de la ville de Knin.

 12   Il n'y a pas eu d'explication supplémentaire pour voir quelle est la

 13   partie de la ville qui doit être visée, quelles sont les cibles militaires

 14   qui doivent être visées. Rien n'est dit. Il y a juste une phrase

 15   supplémentaire qui n'apporte pas d'explication suffisante. Et le pilonnage,

 16   à mon avis, cela veut dire lancer les obus contre une ville, y compris tous

 17   les risques impliqués, à savoir les dégâts collatéraux, à savoir de pouvoir

 18   tuer les gens, les blesser, neutraliser ou détruire l'infrastructure de la

 19   ville. Et au cours des cinq mois que j'ai passés à Sarajevo, la même chose

 20   s'est passée et la ville était pilonnée sans qu'il y ait eu un objectif

 21   militaire valable. Et à mon avis, le seul objectif de cette action était de

 22   semer la peur chez les gens, de faire régner le chaos et le désordre et de

 23   forcer les troupes ennemies de se rendre, parce que la population civile

 24   était en colère, dans un état de chaos. Donc c'était une sorte de

 25   harcèlement. Et ne pas apporter des détails pour expliquer pourquoi il faut

 26   procéder au pilonnage de la ville, je ne peux que tirer la conclusion que

 27   c'est un ordre militaire bizarre dans le cadre d'une opération militaire

 28   qui, dans une plus grande mesure, ressemble à un ordre de l'OTAN que

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  1   j'aurais pu écrire moi-même.

  2   Q.  A votre avis, Colonel Konings, un commandant raisonnable, est-ce qu'il

  3   allait donner un tel ordre si son intention est de tirer uniquement les

  4   cibles militaires à l'intérieur de la ville ?

  5   M. KEHOE : [interprétation] Objection. Il faut préciser quel est le

  6   standard appliqué lorsqu'on parle d'un commandant raisonnable. Dans quel

  7   pays, dans quel contexte on parle d'un tel commandant ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Je pense que Me Kehoe ici souhaite avoir des

 10   informations supplémentaires. Il pourra poser cette question lui-même par

 11   la suite.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je pense qu'afin de pouvoir

 13   comprendre la réponse du témoin, il faut comprendre comment vous entendez

 14   l'expression "le commandant raisonnable".

 15   M. RUSSO : [interprétation]

 16   Q.  Colonel Konings, pourriez-vous nous dire quel est le standard appliqué

 17   pour savoir ce que c'est un commandant raisonnable qui donne des ordres à

 18   l'artillerie ?

 19   R.  Nous en avons déjà parlé hier et aujourd'hui, et nous avons compris que

 20   l'artillerie n'est pas la meilleure manière d'attaquer les zones habitées

 21   par les civils tout d'abord, et pour détruire ou même neutraliser une

 22   infrastructure plus importante. L'artillerie est très bien lorsqu'on

 23   l'emploie pour combattre les cibles non blindées ou les simples soldats.

 24   Mais nous devons avoir à l'esprit que lorsqu'on emploie l'artillerie il y a

 25   tout un aspect, toute une incidence morale, à savoir qu'il y a un effet

 26   psychologique qui se dégage chez les gens suite à l'emploi de l'artillerie,

 27   et cela dépasse toute compréhension.

 28   Il faut donc avoir cela à l'esprit et cela est une incidence. En

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  1   fait, je ne dirais pas qu'uniquement un commandant raisonnable, mais tout

  2   commandant doit avoir à l'esprit qu'il existe toujours une incidence

  3   psychologique importante lorsqu'on emploie ce type d'arme, surtout

  4   lorsqu'il s'agit d'une zone où il y a beaucoup de civils qui ne sont pas

  5   protégés et qui ne se rendent pas compte de ce qui se passe autour d'eux et

  6   où il y a des obus qui tombent pendant une heure, toutes les heures ou

  7   toutes les deux heures ou toutes les 24 heures, donc cela a une incidence

  8   néfaste pour la population. Et le commandant militaire doit avoir à

  9   l'esprit qu'il faut minimiser les risques contre la population civile tout

 10   d'abord. C'est pourquoi le commandant doit utiliser la force militaire

 11   uniquement contre les cibles militaires.

 12   Et s'il y a des cibles civiles qui se trouvent dans cette zone, il

 13   n'y a qu'une chose qu'on peut faire à mon avis, c'est agir de manière

 14   proportionnée, ce qui veut dire qu'il faut éviter de faire subir des pertes

 15   parmi les membres de la population civile.

 16   Q.  Merci. Compte tenu des questions que je vous ai posées aujourd'hui et

 17   hier et ayant à l'esprit les principes que vous avez énumérés dans votre

 18   rapport et dans l'annexe de votre rapport, dites-nous : est-ce que cela est

 19   fait conformément aux normes de l'OTAN ou compte tenu des normes d'un

 20   certain pays en particulier ou de plusieurs pays ? Pourriez-vous

 21   l'expliquer, s'il vous plaît.

 22   R.  Il faut avoir à l'esprit que je suis un officier de l'armée royale

 23   néerlandaise, donc j'ai fait ma formation aux Pays-Bas. La norme la plus

 24   importante que j'ai à l'esprit lorsque j'ai écrit ce rapport est la manière

 25   néerlandaise de penser. Donc ça c'est la chose la plus importante.

 26   Mais étant donné que nous sommes un petit pays à l'intérieur de

 27   l'OTAN, nous devons nous fier aux aspects d'agir et à la pratique au sein

 28   de l'OTAN. Donc pour répondre à votre question, ma manière de réfléchir, et

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  1   c'est même reflété dans notre doctrine néerlandaise, donc ça c'est une

  2   combinaison de ma formation faite aux Pays-Bas et il faut avoir à l'esprit

  3   que j'ai une certaine expérience au sein de l'OTAN, que j'ai travaillé au

  4   sein d'un certain nombre d'équipes au sein de l'OTAN.

  5   M. RUSSO : [interprétation] Si vous n'avez rien contre, je passerai

  6   maintenant à ma question suivante.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  8   M. RUSSO : [interprétation]

  9   Q.  Compte tenu de ces normes dont vous avez parlé, à votre avis, Colonel

 10   Konings, un commandant raisonnable, est-ce qu'il viserait une ville avec

 11   des tirs d'artillerie s'il a uniquement à l'esprit de viser les cibles

 12   militaires ?

 13   R.  Je m'attendrais à ce qu'il y ait une précision détaillée pour dire

 14   quelles sont les cibles à l'intérieur de la ville de Knin qu'il faut viser

 15   avec les tirs d'artillerie. L'ordre que nous avons ici, qui a été donné,

 16   est tellement d'ordre général qu'il peut apporter tant de confusion au sein

 17   de la chaîne hiérarchique militaire, et moi-même, je ne donnerais jamais un

 18   tel ordre sans apporter des précisions supplémentaires à mes commandants,

 19   surtout sans apporter des précisions aux commandants d'artillerie, et à

 20   tous les autres commandants d'ailleurs, pour voir quel est l'objectif visé

 21   dans la ville de Knin et pourquoi on emploie l'artillerie. Et il faut

 22   préciser le terme de "pilonnage de la ville de Knin."

 23   Q.  Merci. A votre avis, un commandant raisonnable, est-ce qu'il laisserait

 24   à ses commandants subordonnés de voir comment il faut appliquer cet ordre

 25   comme mis en application sans déterminer au préalable quelles sont les

 26   cibles qu'il faut viser dans la ville ?

 27   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi. S'agit-il de précision légale

 28   parce que j'aimerais que l'on nous précise quelles sont les références

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  1   auxquelles on se réfère lorsqu'on pose cette question.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo.

  3   M. RUSSO : [interprétation] Je pense que Me Kehoe pourra aborder cette

  4   question dans le cadre du contre-interrogatoire. Je pose tout simplement la

  5   question de savoir qu'est-ce qu'un commandant raisonnable pourrait faire en

  6   l'espèce.

  7   M. KEHOE : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous avez demandé au témoin de nous

  9   donner son opinion. Peut-être que vous pourriez dire : D'habitude comment

 10   l'on procède, et nous avons entendu le témoin nous dire quel était un

 11   commandant raisonnable, et il semblerait qu'un commandant raisonnable c'est

 12   un mélange de plusieurs facteurs qu'il faut avoir à l'esprit. Donc vous

 13   avez posé la question. Il est évident qu'il s'agit d'un mélange de

 14   différents concepts, ce qui laisse à désirer.

 15   Peut-être qu'on pourrait quand même poser d'autres questions Peut-

 16   être vous pourriez demander au témoin de nous dire ce qui était d'habitude

 17   fait là-bas et ce que le témoin considère comme étant un commandement

 18   raisonnable.

 19   Veuillez poursuivre.

 20   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Colonel Konings, à votre avis, ce type d'ordre qui a été donné aux

 22   commandants subordonnés sans qu'il y ait eu de précisions supplémentaires

 23   et où on leur a tout simplement dit qu'ils pouvaient mettre en application

 24   l'ordre comme ils voulaient le faire --

 25   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, je souhaite demander une

 26   clarification, et je m'excuse de vous avoir interrompu. Mais je crois,

 27   Monsieur le Président, que vous posez votre question par rapport à

 28   l'expérience et non pas aux conclusions juridiques. Je fais référence aux

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  1   lignes 18 à 25.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je pense qu'il a demandé cette

  3   question au sujet de l'expérience, donc cette interruption n'était pas

  4   nécessaire et essayons de ne pas interrompre sans que ce soit nécessaire.

  5   Monsieur Russo, peut-être vous pourriez répéter votre question.

  6   M. RUSSO : [interprétation] Oui, certainement.

  7   Q.  Je vais simplement vous relire ma question : 

  8   Dans votre expérience, est-ce que ce type d'ordre, l'ordre de

  9   soumettre des villes sous des tirs d'artillerie, est-ce qu'un ordre est

 10   donné aux commandants subordonnés sans autre explication ou précision ou

 11   est-ce que cet ordre leur donne l'autorité de l'exécuter comme bon leur

 12   semble ?

 13   R.  Comme je vous l'ai déjà expliqué, tout d'abord je suis membre des

 14   forces armées néerlandaises; deuxièmement, nous opérons en collaboration

 15   étroite avec d'autres forces de l'OTAN. Je dirais qu'il n'est pas approprié

 16   de donner un tel ordre sans autre explication ni de laisser le choix au

 17   commandant de brigade ou d'autres commandants subordonnés dans la chaîne de

 18   commandement de son exécution.

 19   Un tel type d'ordre demanderait un tel niveau de clarification de

 20   sorte que tous les malentendus soient évités et devrait comporter une

 21   explication des règles d'ouverture du feu indiquant quelles sont les cibles

 22   militaires qui peuvent être attaquées dans la ville, quels sont les effets

 23   souhaités, et s'il faut l'atteindre par le biais de l'utilisation de

 24   l'artillerie. Et l'adjoint du commandant dans la chaîne de commandement

 25   doit donner l'ordre d'attaquer une telle cible militaire au sein de la zone

 26   civile, car je n'ai de cesse de répéter que l'artillerie est peut-être le

 27   pire des systèmes à utiliser au sein de la zone peuplée par des civils. Et

 28   il faut que ce soit fait de manière très pondérée et très modérée.

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  1   Donc afin de résumer, votre question est compliquée et ma réponse est

  2   un peu longue, mais aux Pays-Bas, lorsqu'un tel ordre serait donné, il

  3   demanderait beaucoup de clarification et il ne serait pas possible de le

  4   donner de telle manière.

  5   Q.  Merci. Maintenant, je souhaite que l'on examine la manière dont l'ordre

  6   du général Gotovina a été transmis, puis je demanderai certains de vos

  7   commentaires.

  8   M. RUSSO : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Greffier d'audience,

  9   peut-on montrer la pièce D9730 [comme interprété].

 10   Q.  Colonel Konings, vous avez à l'écran un ordre en annexe portant sur

 11   l'artillerie et se référant à l'ordre du général Gotovina. C'est le chef

 12   d'artillerie du général qui l'a rédigé, et dans la section 1 B, nous avons

 13   les directions portant sur les formations de l'artillerie et les groupes

 14   d'artillerie et de roquettes déployés dans trois groupes opérationnels

 15   différents.

 16   M. RUSSO : [interprétation] Peut-on passer à la page 3 maintenant, section

 17   3. Il s'agit de la page 3 en B/C/S aussi.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Dans cet ordre il est indiqué cinq groupes

 19   opérationnels différents.

 20   M. RUSSO : [interprétation] De toute façon vous pouvez voir dans la section

 21   3 qu'il est indiqué que l'artillerie et les groupes d'artillerie et de

 22   roquettes doivent accomplir certaines missions, et puis il est indiqué

 23   aussi "Pilonner les villes de Drvar, Knin, Benkovac, Obrovac et Gracac."

 24   Monsieur le Greffier d'audience, peut-on montrer maintenant la pièce à

 25   conviction dont le numéro 65 ter est 2211, s'il vous plaît.

 26   Q.  Il s'agit là d'un ordre d'attaque pour un des groupes opérationnels qui

 27   ont reçu l'ordre d'être formés dans l'ordre précédent. Il s'agit d'ordre

 28   des attaques du groupe opérationnel Zadar, ce qui a été soutenu par le

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  1   groupe d'artillerie TS-5.

  2   M. RUSSO : [interprétation] Maintenant nous allons passer à la page 8 de

  3   cet ordre, et en B/C/S il s'agit de la page 4.

  4   Q.  Ici, encore une fois, vous pouvez voir, Colonel Konings, dans la partie

  5   qui porte sur les tâches des groupes d'artillerie, encore une fois vous

  6   pouvez y trouver certaines instructions spécifiques qui sont données.

  7   Ensuite l'ordre, je cite :

  8   "D'ouvrir le feu contre les villes de Benkovac et Obrovac."

  9   M. RUSSO : [interprétation] Et si pour finir l'on peut examiner la pièce

 10   P1201, s'il vous plaît.

 11   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez attribuer une

 13   cote, car le Greffe a du mal à afficher ce document sous forme

 14   électronique.

 15   M. RUSSO : [interprétation] Oui. Le numéro 65 ter est 2209.

 16   Q.  Il s'agit là de l'annexe concernant l'artillerie du groupe opérationnel

 17   de Zadar suite à l'ordre d'attaque que nous avons donné et qui a été rédigé

 18   par le groupe opérationnel Zadar, le chef d'artillerie. Et ici nous passons

 19   maintenant à la partie 3, c'est vers la fin de la page 3 en anglais et de

 20   la page 2 en B/C/S. Vous allez voir qu'il y est dit -- enfin si on parcourt

 21   cette partie du texte et que l'on passe à la page suivante en anglais, nous

 22   allons voir ici les tâches spécifiques pour l'artillerie, et ensuite un

 23   autre ordre où il est dit : 

 24   "Soumettre les villes suivantes sous les tirs d'artillerie :

 25   Benkovac, Obrovac et Gracac."

 26   Donc Colonel Konings, il s'agit ici de l'ordre du général Gotovina au

 27   niveau de la région militaire de Split qui demande d'ouvrir le feu

 28   d'artillerie sur certaines villes. Nous voyons dans ce même ordre qu'il est

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  1   transmis aux chefs d'artillerie et aux groupes d'artillerie et de roquettes

  2   au sein des groupes opérationnels. Et nous avons vu l'ordre du groupe

  3   opérationnel qui avait reçu ce même ordre, c'est-à-dire d'ouvrir les tirs

  4   contre les villes. Et encore une fois c'est transmis aux unités

  5   d'artillerie sans autre clarification et explication.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Je souhaite que l'on ne pose pas de questions

  7   directrices. J'y fais objection.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Je n'ai pas encore posé ma question.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez décrit ce que l'on ne voit pas

 11   ici effectivement. Ceci crée un effet de suggestion au moins et vous

 12   comprenez que vous êtes en train d'attirer l'attention sur ce qui ne figure

 13   pas dans le texte. Maintenant c'est le témoin qui doit se débrouiller pour

 14   trouver ce qui est dans le texte et ce qui n'y est pas. Donc veuillez

 15   limiter vos références au texte de l'ordre au lieu de parler de ce qui n'y

 16   figure pas.

 17   M. KEHOE : [interprétation]

 18   Q.  Si vous examinez ce texte, est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît,

 19   émettre un commentaire là-dessus devant la Chambre et nous dire si, d'après

 20   vous, ceci est conforme à ce à quoi vous vous attendriez de voir dans les

 21   ordres portant sur les opérations d'artillerie dans les zones peuplées par

 22   des civils.

 23   R.  Tout d'abord, lorsque vous rédigez des ordres qui sont donnés, dans ce

 24   cas-là aux unités d'artillerie ou ce que je préfère appeler les unités

 25   d'appui feu, vous devez mentionner et clarifier quel est l'effet souhaité

 26   lorsque vous utilisez ces systèmes d'armes contre les cibles précisées.

 27   Donc vous devez énoncer les effets souhaités, sinon le commandant de

 28   l'unité d'artillerie ne peut pas faire le choix par rapport à l'utilisation

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  1   de certains types de munition ou la manière dont il est nécessaire de

  2   procéder au tir.

  3   Donc il est nécessaire de mentionner les effets pour permettre au

  4   commandant de décider de la manière dont il va utiliser les systèmes

  5   d'armes, et ceci n'est pas valable seulement pour l'artillerie mais aussi

  6   pour les mortiers et le soutien aérien rapproché. Le même type de munitions

  7   peut être utilisé par des systèmes différents.

  8   Donc dans ce genre d'ordre, les termes tels que "neutraliser le poste

  9   de commandement" ou "détruire le poste de commandement" ou "attaquer les

 10   positions de l'ennemi à tel et tel endroit" doivent être précisés en disant

 11   :  Avec cet effet, je demanderais que l'on spécifie les termes, les

 12   conditions dans lesquelles l'on ouvrira les tirs ou pilonnera une ville,

 13   dans quel but, pour atteindre quel effet, quels résultats, que la période

 14   est indiquée; quels sont les types de munitions à utiliser.

 15   Et c'est ça qui manque. Je pense qu'il est crucial d'indiquer ce que

 16   vous souhaitez atteindre par rapport aux cibles militaires et aussi de

 17   clarifier vos intentions si vous attaquez certaines cibles militaires au

 18   sein de la zone peuplée par des civils. Donc vous avez intérêt à expliquer

 19   aux commandants subordonnés ce que vous souhaitez atteindre par ce biais.

 20   Et les commandants subordonnés sont tenus de le savoir. C'est ce que l'on

 21   appelle le commandant de mission.

 22   Q.  Merci.

 23   M. RUSSO : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier de

 24   la pièce 2211 en vertu de l'article 65 ter. Il s'agit de l'ordre du Groupe

 25   opérationnel Zadar d'ordre d'attaque.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1263.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est versée au dossier.

  2   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Je souhaite informer la Chambre que je ne vais pas demander le versement au

  4   dossier de la pièce 2209 en vertu de l'article 65 ter, car je crois qu'une

  5   cote lui a été attribuée déjà.

  6   Peut-on passer maintenant à la pièce P1259, marquée aux fins

  7   d'identification.

  8   Q.  Encore une fois, Colonel Konings, est-ce que vous pourriez vous pencher

  9   de nouveau sur votre rapport d'expert, section 13 --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, même si vous ne demandez

 11   pas une cote, il serait bien d'indiquer la cote pour que les personnes

 12   présentes puissent retrouver le document, donc sur la base du numéro 65

 13   ter.

 14   M. RUSSO : [interprétation] Oui, bien sûr. Si j'ai bien compris, la pièce

 15   dont le numéro 65 ter est 2209 a reçu la cote P1201.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 17   M. RUSSO : [interprétation]

 18   Q.  Dans la section 13 de votre rapport, page 13 en anglais et 31 en B/C/S,

 19   vous dites, je cite :

 20   "Les tirs non corrigés ne doivent pas être utilisés dans les zones peuplées

 21   par des civils."

 22   Puis je souhaite que l'on se penche sur la partie 8F de votre rapport, qui

 23   figure à la page 8 en anglais et 18 en B/C/S.

 24   Si l'on examine la section 8F, vous y dites, je cite :

 25   "L'utilisation de l'artillerie et des mortiers contre les cibles dans les

 26   zones peuplées par des civils sans que ces cibles soient placées sous

 27   l'observation d'un observateur avancé ne doit pas se faire à moins que la

 28   cible est au-delà de la distance des dégâts collatéraux décrits et que l'on

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  1   connaît l'emplacement exact."

  2   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience, peut-on

  3   maintenant montrer la pièce 4600 en vertu de l'article 65 ter.

  4   Q.  Colonel Konings, il s'agit là du rapport du 134e Régiment de Domobrani.

  5   C'était l'une des unités qui a participé à l'opération Tempête, et je

  6   souhaite que vous examiniez la page 2 de votre classeur, intercalaire 10.

  7   Et à la page 2 dans la dernière section, section B, et en B/C/S il

  8   s'agit de la page 1.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Excusez-moi. Apparemment à l'écran, je

 10   vois deux versions en B/C/S.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est mieux.

 12   M. RUSSO : [interprétation]

 13   Q.  Ici, au haut de la version en anglais, donc c'est le début de la

 14   section B, vous allez voir, je cite :

 15   "Au cours des quelques premières heures, nous n'avons pas eu d'appui du

 16   Groupe opérationnel de Zadar si ce n'est pour le pilonnage de la zone

 17   générale de Benkovac, sans observation, et le message à 5 heures 30 avait

 18   le contenu suivant : 'Est-ce que quoi que ce soit est en train de tomber

 19   sur Benkovac ?'"

 20   Colonel Konings, je suppose qu'à l'époque Benkovac était une zone peuplée

 21   par des civils --

 22   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, les zones peuplées par des civils

 23   avec des structures militaires à l'intérieur.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que jusqu'à maintenant les

 25   questions portaient seulement sur les cibles dans les zones dans lesquelles

 26   existait la population civile, ce qui n'excluait pas des cibles militaires

 27   dans cette zone. Mis à part cela, je ne pense pas que le témoin ait des

 28   connaissances à ce sujet.

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  1   M. RUSSO : [interprétation] Exactement, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc supposons que les civils y étaient

  3   et que les cibles militaires ne sont pas exclues non plus.

  4   Poursuivez.

  5   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Si l'on part de cette supposition, Monsieur le Témoin, et si vous

  7   examinez ce que je viens de vous lire de ce rapport, est-ce que vous

  8   considérez que si l'on a utilisé l'artillerie contre Benkovac sans

  9   observation, qu'il s'agissait de l'utilisation appropriée de l'artillerie ?

 10   R.  Comme je l'ai déjà dit, si l'on part de la supposition que c'était une

 11   zone peuplée par des civils et que dans cette zone on avait établi un

 12   certain nombre de cibles militaires, moi j'aurais préféré, en tant que

 13   commandant militaire, savoir tout d'abord -- je vais reformuler.

 14   J'aimerais placer cette zone sous l'observation afin de pouvoir voir si

 15   j'ai atteint les effets que je souhaitais atteindre. Mais si je n'ai aucune

 16   idée si j'ai atteint mes objectifs avec mes systèmes d'armement, je ne peux

 17   pas adopter des conclusions et passer à la phase suivante.

 18   C'est la raison pour laquelle les commandants font tout ce qu'ils peuvent

 19   afin d'observer et suivre la situation pour pouvoir savoir quels sont les

 20   effets de l'utilisation des systèmes d'armement sur le terrain. Et ce qui

 21   m'intéresserait en particulier, ce serait surtout si c'est une zone où il y

 22   a une combinaison des civils et des cibles militaires, je souhaiterais

 23   avoir des informations concernant ce qui se passe dans cette zone pour que

 24   si les choses échappent au contrôle je puisse mettre fin à mes actions.

 25   Donc si l'on procède au pilonnage d'une zone sans aucune observation, pour

 26   le moins, il n'est pas approprié à mon avis. Ça peut provoquer beaucoup de

 27   dégâts, beaucoup de dégâts au niveau de l'infrastructure et des gens que

 28   vous ne souhaitez pas atteindre.

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  1   Q.  Merci.

  2   M. RUSSO : [interprétation] Je propose maintenant le versement au dossier

  3   de la pièce 4600 en vertu de l'article 65 ter.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1264.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P1264 est versé au dossier.

  8   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Je souhaite que l'on passe maintenant à l'annexe de votre rapport

 10   d'expert, et je vais vous demander d'expliquer un certain nombre de points

 11   à la Chambre.

 12   Votre annexe est dans l'intercalaire 3, et il s'agit de la pièce P1260,

 13   marqué aux fins d'identification.

 14   Avant de passer à mes questions, Colonel Konings, je souhaite que

 15   vous expliquiez tout d'abord à la Chambre quelle était la méthodologie que

 16   vous avez appliquée pour créer cette annexe. Vous le dites en partie dans

 17   l'introduction de l'annexe, mais veuillez nous dire de quelle manière vous

 18   vous êtes mis à répondre aux questions que le bureau du Procureur vous a

 19   posées, quels étaient les matériels que vous avez passés en revue ?

 20   R.  Comme M. Russo l'a déjà dit, j'ai reçu des informations concernant la

 21   situation à Knin et aux alentours. J'ai abordé ces informations en essayant

 22   d'appliquer le même type d'analyse que celle appliquée au sein de l'OTAN.

 23   Bien sûr, je l'ai fait de manière simplifiée, et voici comment ça se passe.

 24   Vous tenez compte de tous les faits autour de vous, vous essayez de vous

 25   expliquer l'ensemble de l'environnement opérationnel. Donc vous vous

 26   penchez sur tous les acteurs actifs dans la zone. Je veux parler à la fois

 27   de l'ennemi, des forces utilisées, de la population, de votre propre force,

 28   la géographie de la zone.

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  1   Vous vous penchez aussi sur les facteurs tels que les conditions

  2   climatiques et l'infrastructure, puis vous examinez aussi quelles sont les

  3   cibles militaires qui existent dans la région, quel est le lien entre

  4   l'ennemi et quelle est leur valeur, s'il est nécessaire de les combattre en

  5   utilisant l'artillerie ou avec le soutien aérien rapproché ou par le biais

  6   d'autres moyens dont je dispose.

  7   Donc j'ai essayé de construire mes réponses pour le bureau du

  8   Procureur autour de ce type d'analyse que l'on applique dans le cadre de

  9   toute opération militaire.

 10   Q.  Merci de cette explication.

 11   Nous allons maintenant commencer par la section 2 a 1. Dans la version en

 12   anglais il s'agit de la page 1 et en B/C/S aussi. Et dans cette partie vous

 13   avez dit qu'un élément de votre analyse incluait le fait que Knin était une

 14   cible de haute valeur et qu'il était important pour l'armée croate de le

 15   capturer. Et vous dites que ceci est reflété dans "l'ordre opérationnel de

 16   l'armée croate."

 17   Peut-on maintenant brièvement examiner la pièce P1125, qui figure dans

 18   l'intercalaire 6 de votre classeur, Colonel Konings.

 19   Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, examiner la pièce P1125 et

 20   clarifier devant la Chambre si un cet ordre du général Gotovina est l'ordre

 21   opérationnel auquel vous avez fait référence dans votre annexe ?

 22   R.  Oui, c'est l'ordre auquel j'ai fait référence.

 23   Q.  Est-ce que vous pourriez expliquer à la Chambre ce que vous avez trouvé

 24   dans cet ordre opérationnel offensif qui vous a poussé à conclure que Knin

 25   était une cible de haute valeur ?

 26   R.  Vous avez différents endroits qui sont fascinants pour la ville de

 27   Knin. Par exemple, vous avez un groupe important qui travaille le long de

 28   l'axe qui mène vers Bosansko Grahovo, ensuite vous avez des troupes qui

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  1   travaillent le long de l'axe qui vise à couper les communications qui

  2   mènent à Knin pour encercler Knin.

  3   Donc on voit bien qu'on essaie de couper Knin, de l'encercler, de

  4   couper toutes les communications, et on voit très bien que c'est une cible

  5   très précieuse, et que ceci infligerait un coup dur à l'ennemi et c'est un

  6   facteur crucial dans l'opération Tempête.

  7   Q.  Dans la section 2 c de votre addendum, donc c'est la pièce P1260,

  8   intercalaire 3 de votre dossier.

  9   Dans la section 2 c, vous avez énuméré les cibles militaires telles

 10   qu'elles se présentaient en essayant d'analyser à chaque fois la qualité de

 11   ces cibles, de voir s'il s'agit de véritables cibles militaires, et vous

 12   allez pouvoir nous expliquer ce que vous pensez de chacune de ces cibles.

 13   Mais pour commencer je vais vous demander d'examiner avec moi la cible qui

 14   se trouve à la page 2 en B/C/S et la page 1 en anglais, c'est la deuxième

 15   section.

 16   Et on peut lire :

 17   "La liste des cibles contient un mélange des cibles militaires et non

 18   militaires. La plupart des cibles militaires se trouvent tout près dans

 19   endroits habités par la population civile et c'est pour cela que ces cibles

 20   ne sont pas acceptables pour une attaque directe, pour une attaque avec

 21   tout support indirect de feu."

 22   Dans est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi vous dites cela et

 23   pourquoi vous dites qu'il n'est pas acceptable de tirer sur ces cibles par

 24   les armes d'artillerie ?

 25   R.  Tout d'abord, on a déjà parlé hier des éclats d'obus qui peuvent aller

 26   très loin. Ils ont une portée très grande, les explosions, et c'est quelque

 27   chose qui relève la balistique et c'est quelque chose que vous ne pouvez

 28   pas interdire quand on utilise les projectiles d'artillerie.

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  1   Et donc vous avez la possibilité évidemment de viser une cible et de

  2   toucher votre cible, mais vous avez aussi une grande probabilité des dégâts

  3   collatéraux aussi bien aux biens meubles et immeubles qu'aux personnes.

  4   Donc on a parlé aussi aujourd'hui de cet effet psychologique que vous

  5   infligez sur la population sur laquelle vous tirez avec les armes

  6   d'artillerie, et là je ne parle pas seulement de la population qui habitait

  7   tout près, mais aussi de la population qui habite dans les contrées plus

  8   lointaines.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans votre rapport, Monsieur Konings,

 10   vous avez décrit la zone couverte par les éclats d'obus émanant des

 11   projectiles de 120 millimètres, donc il s'agit là de 1 600 mètres carrés,

 12   et ceci peut aller jusqu'à 2 100 mètres carrés, si le projectile explose à

 13   trois mètres de hauteur. Donc vous nous donnez toutes ces évaluations, tous

 14   ces chiffres.

 15   Mais est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la zone la plus vaste

 16   couverte par les projectiles d'artillerie, parce que là si on parle des

 17   projectiles de calibre de 203 millimètres, est-ce que vous pourriez nous

 18   dire quelle serait la zone couverte par ces types de projectiles de ce

 19   calibre-là ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas les chiffres exacts pour cela.

 21   Moi, j'ai cité l'exemple du projectile de 120 millimètres parce que c'est

 22   les projectiles qui sont utilisés le plus souvent. Je suis sûr qu'avec

 23   l'utilisation des projectiles de 203 millimètres, cette zone serait encore

 24   plus large, donc plus elle ira au-delà des 1 600 mètres carrés que vous

 25   venez de décrire.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne pouvez pas être plus précis,

 27   est-ce que vous ne pensez pas qu'à cause de cela cette zone sera trois fois

 28   plus grande ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est difficile de vous le préciser. Je

  2   n'ai pas les chiffres sous la main, en tout cas cette zone sera bien plus

  3   vaste, bien plus importante; mais comme je n'ai pas étudié cela je ne

  4   pourrais être plus précis.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que vous allez pouvoir étudier

  6   cela pendant la pause, puis peut-être que les parties pourraient nous aider

  7   là-dessus aussi, parce que là nous avons les chiffres pour les armes, pour

  8   les projectiles de calibre de 120 millimètres mais pas pour les plus gros.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'aurais besoin d'un petit peu de temps pour

 10   vérifier cela. Effectivement, je pourrais vérifier cela auprès des

 11   différentes sources dans l'armée hollandaise. Mais j'aurais besoin quand

 12   même de quelques jours pour vérifier cela.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que les parties possèdent ces

 14   informations et pourraient nous les communiquer.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Pour que tout ceci soit bien clair et bien

 16   précis, c'est le radius qui est important. C'est pas le nombre de mètres

 17   carrés de la surface concernée.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela dépend si les projectiles tombent

 19   sous un angle de 80 [comme interprété] degrés, parce que dans ce cas-là il

 20   n'a pas besoin de monter, de descendre, donc c'est les cas les plus

 21   faciles.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il doit exister des tableaux -- par

 24   exemple dans les situations idéales, dans les situations de tir idéales, je

 25   voudrais connaître quelles sont les zones couvertes au maximum, évidemment,

 26   donc les plus grandes zones dont on peut parler.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais vous savez là, vous nous donnez un

 28   exemple qui ne se produit pratiquement jamais, les projectiles ne tombent

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  1   jamais sous un angle de 90 degrés.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je sais mais il faut qu'on commence

  3   par quelque chose, il faut qu'on parle d'une hypothèse.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on parle par exemple de 16 000 [comme

  5   interprété] mètres carrés, évidemment que ce n'est pas vraiment les 1 600

  6   mètres carrés strictement parlant. C'est juste pour vous donner une idée,

  7   un ordre de grandeur. Je sais que ce n'est pas très clair, mais par

  8   exemple, la portée des armes de type DPICM, on peut dire que quand elles

  9   percutent, les éclats peuvent couvrir un terrain qui est aussi grand qu'un

 10   terrain de football. Mais vous pouvez imaginer que de toute façon les

 11   éclats ne vont pas s'arrêter à la fin du terrain de football, ils volent

 12   dans un modèle complètement irrégulier. C'est une illustration que l'on

 13   fait pour donner une idée de la largeur, du nombre de mètres carrés. Parce

 14   que évidemment vous allez avoir les éclats d'obus qui vont voler encore

 15   plus loin.

 16   Et par exemple en Afghanistan, nous décidons toujours d'avoir à peu près

 17   500 mètres de distance par rapport à toute cible civile parce que vous avez

 18   là moins de 1 % de chance qu'un éclat d'obus d'un projectile de 155

 19   millimètres vole au-delà de cette distance de sécurité de 500 mètres. Donc,

 20   c'est pour cela que nous utilisons cette distance, 500 mètres par rapport à

 21   la cible. Evidemment qu'il doit exister des tableaux d'analyse qui doivent

 22   vous donner à peu près les distances de sécurité pour chaque type de

 23   projectile. Et je peux essayer de les retrouver.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose cette question parce que

 25   j'ai entendu différents chiffres par rapport à différents types de

 26   projectiles. J'ai du mal à faire le lien entre 1 600 mètres carrés et 2 100

 27   mètres carrés parce que s'il s'agit là d'un cercle -- donc là il s'agirait

 28   d'un radius de moins de 100 mètres, bien, bien plus restreint que cela. Et

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  1   si vous dites que c'est là que tombent la plupart des éclats d'obus ou

  2   c'est là qu'ils atterissent, j'essaie de comprendre parce que d'un autre

  3   côté je sais qu'un terrain de football, il a plus que 5 000 mètres carrés,

  4   donc vous vous parlez d'un terrain, d'un espace qui fait la moitié d'un

  5   terrain de football.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Un éclat d'obus, il peut voler plusieurs

  7   centaines de mètres. Cela dépend aussi de l'éclat, du type d'éclat, de la

  8   façon dont il a explosé, de l'angle de l'impact, de toute une série de

  9   circonstances théoriques qu'il s'agit de prendre en compte. Et c'est pour

 10   cela que l'OTAN -- parce qu'on ne peut pas prévoir tout cela. Justement

 11   parce qu'on ne peut pas prévoir tout cela, l'OTAN a choisi de toujours

 12   respecter cette distance de 500 mètres par rapport à la cible.

 13   Parce que vous savez, les éclats d'obus, ils peuvent partir dans tous

 14   les sens, ils peuvent aller très, très loin - je l'ai vu à Sarajevo - j'ai

 15   vu des éclats d'obus tomber bien au-delà des distances que vous trouvez

 16   habituellement dans les tableaux.

 17   Donc quand on parle de 1 600 mètres, 2 100 mètres carrés, là c'est

 18   vraiment quand on parle des éclats d'obus qui sont au top de la force

 19   létale mortelle, mais il peut y avoir d'autres éclats qui vont aller bien

 20   plus loin.

 21   Vous ne pouvez pas le prévoir et c'est pour cela qu'il faut éviter

 22   d'utiliser l'artillerie dans une zone habitée par les civils à moins

 23   d'avoir d'extrêmement bonnes raisons de le faire, à moins que la cible

 24   militaire soit tellement précieuse que vous ne pouvez pas faire autrement

 25   que de l'attaquer.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maintenant nous sommes allés

 27   au-delà de ma question.

 28   Monsieur Russo, vous pouvez poursuivre.

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  1   M. RUSSO : [interprétation]

  2   Q.  Vous avez parlé de cette distance que vous respectez dans l'OTAN, et je

  3   voudrais vous demander si c'est la distance que vous utilisez pour les

  4   armes d'artillerie guidée ou non guidée ?

  5   R.  Nous respectons cette distance dans le cas de l'utilisation des

  6   munitions de l'artillerie non guidée.

  7   Q.  Avant de discuter des cibles au cas par cas, je voudrais vous montrer

  8   une photographie aérienne de Knin, c'est une photo interactive, et vous

  9   allez pouvoir l'observer sur vos écrans. Il s'agit de la pièce 65 ter 4776.

 10   Q.  Monsieur Konings, est-ce que vous reconnaissez cette carte aérienne de

 11   Knin que l'on voit sur l'écran ?

 12   R.  Oui, en effet.

 13   Q.  Est-ce que vous avez utilisé quand vous avez effectué votre analyse qui

 14   se trouve dans l'addendum de votre rapport, est-ce que vous avez utilisé

 15   une carte similaire ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Je voudrais informer les Juges du fait que les petits points rouges que

 18   l'on voit sur la carte correspondent aux repères à partir desquels ont été

 19   prises différentes photos, et nous avons l'intention d'ailleurs de montrer

 20   un certain nombre de ces photos au fur et à mesure. J'espère qu'il n'y aura

 21   pas d'objection.

 22   Donc, on va commencer par la caserne du nord, et on en parle dans le

 23   paragraphe 2 de l'addendum.

 24   Donc vous avez dit que la caserne nord, c'est une cible militaire.

 25   Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la valeur de cette cible

 26   d'après les informations que vous aviez ?

 27   R.  Tout d'abord, les informations que j'ai reçues indiquaient qu'il allait

 28   y avoir une certaine présence là d'un QG extrêmement important, et cela

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  1   fait de cette caserne une cible militaire très précieuse. Donc c'était mon

  2   évaluation.

  3   Mais mis à part, on m'a dit qu'il y avait très peu de soldats à

  4   l'intérieur, très peu de troupes. Il n'y avait pas de troupes de combat,

  5   pas de troupes de réserve. Juste quelques unités de logistique. Et il ne

  6   m'a pas été confirmé que le QG du corps était présent là-bas. Donc ce sont

  7   les informations que j'ai reçues.

  8   Q.  Alors pourquoi vous dites dans votre addendum, dans votre document,

  9   qu'on n'aurait pas dû l'attaquer avec les armes d'artillerie ?

 10   R.  J'en suis arrivé à cette conclusion pour différentes raisons. Tout

 11   d'abord, il y a des quartiers résidentiels tout autour de la caserne, et au

 12   premier jour de l'attaque, dans la ville il y avait encore à peu près

 13   15 000 personnes.

 14   Ensuite, dans la caserne, dans les -- enfin, on peut dire que les

 15   bâtiments mêmes de la caserne étaient une construction très solide.

 16   C'étaient des bâtiments en briques, et donc il fallait utiliser un grand

 17   nombre de projectiles d'artillerie pour s'y attaquer, et ceci évidemment

 18   aurait mis en danger la population aux alentours.

 19   Puis finalement, puisque vous n'êtes pas sûr que le commandant du

 20   corps est là, il faudrait être sûr qu'il est là. Il faudrait être

 21   absolument sûr qu'il est dans un bâtiment de la caserne, et vous auriez dû

 22   en plus savoir dans quel bâtiment il se trouvait exactement. Et sans doute

 23   que -- enfin c'était logique d'imaginer que son QG ne se trouvait pas tout

 24   près du toit, au dernier étage, à un endroit très exposé de la caserne,

 25   sans doute qu'il se trouvait dans un endroit bien plus protégé, voire

 26   caché.

 27   Et pour toutes ces raisons, il n'était pas conseillé d'attaquer cette

 28   caserne avec des armes d'artillerie.

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  1   Q.  Merci, Mon Colonel. Maintenant nous allons examiner cette photo, la

  2   photo de la caserne. Pourriez-vous nous dire quel impact un projectile

  3   d'artillerie aurait eu sur cet immeuble ?

  4   R.  Quel effet aurait eu un projectile d'artillerie, il aurait explosé. Je

  5   ne suis même pas sûr qu'il aurait vraiment percé les murs du bâtiment, à

  6   moins d'utiliser des projectiles renforcés. Mais peut-être qu'il aurait

  7   percuté et percé les murs, mais ce n'est pas une certitude.

  8   Même si le projectile avait vraiment détruit -- enfin pas détruit,

  9   mais percé les murs du bâtiment, il aurait fallu énormément de projectiles,

 10   peut-être plus qu'une centaine, pour détruire vraiment une partie de ce

 11   bâtiment. Et si le QG se trouve au rez-de-chaussée ou au sous-sol de ce

 12   bâtiment, vous n'aurez pas touché le QG ou vous ne l'aurez pas endommagé

 13   par les feux d'artillerie.

 14   Donc les dégâts que vous auriez infligés, ce serait des dégâts

 15   superficiels et pas vraiment les vrais dégâts précis. Parce que les

 16   projectiles d'artillerie qui sont utilisés en 1995 n'étaient pas adaptés de

 17   toute façon, et il fallait en utiliser vraiment beaucoup pour obtenir quoi

 18   que ce soit.

 19   Q.  Si l'on regarde cette photo que l'on voit maintenant, si les

 20   projectiles d'artillerie avaient été tirés sur les bâtiments qu'on vient de

 21   voir, est-ce que vous pouvez nous dire quels auraient été les dégâts

 22   collatéraux infligés aux bâtiments que l'on voit ici et qui se trouvent de

 23   l'autre côté de la rue ?

 24   R.  Tout dépend de la distance qui sépare les deux bâtiments et à quelle

 25   distance exactement sont tombés les projectiles, mais évidemment, il y

 26   aurait eu des éclats d'obus qui auraient endommagé ce bâtiment. Ils ne

 27   l'auraient pas détruit, non, mais il y aurait eu des dégâts et du danger

 28   évidemment pour les habitants de ce bâtiment parce que vous auriez eu les

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  1   vitres brisées qui auraient pu, par exemple, blesser les personnes qui se

  2   trouvaient dans cette pièce, ou peut-être même des éclats d'obus qui

  3   auraient pu tuer des gens.

  4   Donc quand on tire sur un bâtiment comme les bâtiments de la caserne,

  5   évidemment vous avez aussi l'effet psychologique néfaste sur les habitants,

  6   les gens qui habitent à proximité de la caserne.

  7   Q.  Maintenant nous allons parler de la caserne Senjak.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, est-ce que l'on peut

  9   revenir, s'il vous plaît, sur la caserne du nord pour un instant.

 10   M. RUSSO : [interprétation] Est-ce que vous voulez voir la photo ou la

 11   carte ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi un instant, je vais voir.

 13   Monsieur Konings, pourriez-vous nous dire quelle est la distance qui sépare

 14   le bâtiment de l'autre côté de la rue et les bâtiments où se trouvait peut-

 15   être le QG ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que la distance est de moins que 100

 17   mètres.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Russo.

 19   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Maintenant nous allons parler de la caserne Senjak. C'est ce que l'on

 21   voit maintenant sur l'écran.

 22   Vous en parlez dans le paragraphe 3 de votre rapport. Vous avez dit

 23   que cela était aussi, d'après vous, une cible militaire. Mais est-ce que

 24   vous pourriez nous expliquer quelle était la valeur de la cible ?

 25   R.  Tout d'abord, j'ai besoin d'examiner les informations dont je

 26   disposais. Vous me permettez un instant, s'il vous plaît.

 27   Oui, donc je le vois. D'après ce que j'ai appris, la caserne de

 28   Senjak, c'était le QG de la logistique des arrières avec 40 soldats qui s'y

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  1   trouvaient pendant l'attaque d'artillerie. On y trouvait la boulangerie,

  2   les dépôts de vêtements et de nourriture, et quelques bureaux. Si vous

  3   regardez toute l'opération, 40 soldats chargés de la logistique ou relevant

  4   d'une unité de la logistique ne peuvent pas mettre en danger une force

  5   assaillante qui est en train d'attaquer la ville.

  6   Et pour cette raison-là, j'en suis arrivé à la conclusion que là, en

  7   effet, il s'agit d'une cible militaire, mais qui n'avait pas une grande

  8   valeur.

  9   Q.  Donc est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi vous considériez qu'il

 10   ne fallait pas attaquer ce bâtiment avec les armes d'artillerie ?

 11   R.  C'est un peu le même cas que tout à l'heure, parce qu'il s'agit d'un

 12   bâtiment qui se trouve au milieu de quartiers résidentiels. On m'a dit

 13   qu'il y avait 15 000 personnes qui se trouvaient à Knin, des civils qui se

 14   trouvaient à Knin ce jour-là. Donc si vous commencez à attaquer la caserne,

 15   vous courez un grand risque d'endommager aussi, nuire à la population

 16   civile aux alentours.

 17   Et puis, quand on attaque -- je dois dire qu'attaquer cette cible

 18   militaire, c'est une cible d'une petite valeur et ceci n'apporte rien au

 19   succès de l'opération. Là à nouveau, il s'agit des bâtiments solides, donc

 20   si vous voulez vraiment détruire ces bâtiments, il faut tirer 40

 21   projectiles ou plus. Et en faisant cela vous mettez en danger aussi bien

 22   les bâtiments que les gens aux alentours ou à l'intérieur.

 23   Q.  Si ce jour-là, s'il y avait eu des camions qui transportaient de la

 24   marchandise ou même des armes pour les transporter dans cette caserne, et

 25   ceci le 4 août, est-ce que ceci aurait changé votre opinion quant à

 26   l'utilité d'une attaque d'artillerie ?

 27   R.  Oui, ceci pourrait changer un petit peu. Mais de l'autre côté, il faut

 28   vraiment peser le pour et le contre, parce que d'un côté vous avez la

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  1   possibilité d'attaquer cet endroit parce que les camions y apportent des

  2   armes, mais de l'autre côté, vous avez la possibilité d'infliger des dégâts

  3   à la population civile. Et là il faut vraiment bien peser sa décision.

  4   J'aurais peut-être vérifié si les camions allaient rester là-bas - parce

  5   que s'ils restent là-bas, ils ne vont pas être utilisés par les troupes -

  6   ou s'il fallait les déplacer ailleurs. Et dans le cas où on les déplace

  7   ailleurs, peut-être que j'aurais attendu pour les attaquer là à l'extérieur

  8   des quartiers résidentiels et je les aurais détruits.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   M. RUSSO : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais revenir un instant sur la

 12   dernière photo.

 13   Je vous ai demandé, Monsieur Konings, quelle serait la distance,

 14   d'après vous, qui sépare ces deux bâtiments. Vous avez dit moins que 100

 15   mètres, et vous nous avez dit qu'il ne fallait pas attaquer avec les armes

 16   d'artillerie ce bâtiment.

 17   Vous nous avez dit tout à l'heure aussi que si la zone couverte par

 18   les mortiers de 120 -- enfin les projectiles de 120 millimètres

 19   correspondraient à peu près à 2 000 mètres carrés. Si j'étais en mesure de

 20   toucher vraiment ce bâtiment avec une précision de plus ou moins 40 mètres,

 21   ce qui veut dire qu'il nous reste 60 mètres de distance, dans ce cas, il

 22   faudrait que je prenne en compte ce qui reste, les 60 mètres, qui

 23   correspondrait, quand on s'exprime en cercle, à 10 000 mètres carrés. Donc

 24   comment est-ce que je ferais ? J'essayerais de trouver un projectile de 120

 25   millimètre. Pour vraiment réussir à blesser ou tuer les gens, j'aurais

 26   besoin d'une zone bien plus large pour avoir un vrai impact, parce que là

 27   je ne parle pas d'un éclat d'obus isolé qui part plus loin.

 28   Donc si vous prenez ce radius de 60 mètres, j'ai besoin d'une zone de

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  1   10 000 mètres, ce qui est cinq fois plus grand que la zone de 2 000 mètres

  2   que vous avez décrite. Est-ce que vous pourriez m'expliquer quels sont les

  3   risques réels qu'une personne soit blessée ou tuée à cette distance-là, la

  4   distance de 60 mètres ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Là, nous sommes vraiment dans les hypothèses

  6   tout à fait théoriques. Si vous devez attaquer cette caserne, si vous

  7   pensez que c'est une cible militaire valable et vous savez de quelle façon

  8   est bâti ce bâtiment, pour abattre ce bâtiment, pour l'endommager, il vous

  9   faut utiliser beaucoup de projectiles, plus qu'un projectile.

 10   Ça veut dire qu'il ne va pas y avoir une explosion, mais plusieurs

 11   explosions qui vont tomber sur le bâtiment, mais aussi autour du bâtiment.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous interrompre un instant.

 13   J'essaie d'être un commandant qui prend beaucoup de précautions, et puisque

 14   je sais qu'il y a des civils qui habitent d'un côté du bâtiment, et je vise

 15   d'une distance de 60 à 80 mètres dans la direction opposée avec l'intention

 16   d'ajuster les tirs, et je fais cela, bien sûr, une fois que j'ai vu où le

 17   projectile tombe exactement.

 18   Est-ce que vous pouvez tenir compte de cela ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, évidemment, vous pouvez faire cela aussi.

 20   Vous pouvez continuer à tirer sur le côté sûr du bâtiment par rapport à

 21   l'endroit où habite la population civile évidemment. Vous pouvez le faire,

 22   mais l'effet que vous allez avoir par rapport aux dégâts infligés au

 23   bâtiment que vous visez, il sera moindre, pas aussi bon. Et c'est le risque

 24   que vous prenez.

 25   C'est une possibilité, effectivement. Je dois à nouveau vous rappeler

 26   que vous avez tout de même l'effet psychologique qui est là, peu importe si

 27   les projectiles tombent exactement sur le bâtiment, un petit peu à gauche,

 28   un petit peu à droite, plus près ou plus loin. La population civile sera

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  1   effrayée et vous allez provoquer une situation chaotique dans la ville ou

  2   dans ces quartiers; parce qu'ils ne savent pas vraiment quelles sont les

  3   cibles, sur quoi on tire. Et le commandant doit absolument avoir cela à

  4   l'esprit quand il doit décider d'utiliser ou non les armes d'artillerie, et

  5   ceci évidemment en ayant à l'esprit la valeur de la cible militaire.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Nous allons prendre une pause à présent.

  8   --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.

  9   --- L'audience est reprise à 16 heures 17.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, vous pouvez poursuivre.

 11   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  J'aimerais que l'on parle maintenant du QG de l'armée de la RSK, vous

 13   en avez parlé dans le sous-paragraphe c de votre annexe. Donc c 7. C'est le

 14   paragraphe -- ou plutôt c'est cette installation qui se trouve entre le

 15   point rouge en haut et le point rouge qui figure en bas.

 16   Dans votre annexe, Colonel Konings, vous n'avez pas dit que vous le

 17   considériez en tant que cible militaire. Donc d'abord, est-ce que vous

 18   pensez que le QG de l'armée de l'ARSK est une cible militaire ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et sur la base des informations que vous aviez à votre disposition,

 21   pourriez-vous dire aux Juges quelle est l'importance de cette cible

 22   militaire, et quelle était son importance le 4 août ?

 23   R.  Le QG au sein du ministère de la Défense était à mon avis une cible

 24   d'une grande importance et attaquer une telle cible ou essayer de la

 25   neutraliser ou détruire me semble un acte militaire régulier.

 26   Q.  Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que cette cible

 27   n'aurait pas dû être attaquée par tirs d'artillerie le 4 août ?

 28   R.  Mais je reviens maintenant à ce dont nous avons parlé tout à l'heure.

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  1   Il s'agissait d'une zone où il y avait beaucoup d'infrastructures et un

  2   grand risque qu'il y ait des civils présents sur place.

  3   D'autre part, l'immeuble que j'ai vu où se trouvaient le QG et le

  4   ministère de la Défense, c'est un immeuble qui me semble être très fort,

  5   une construction très forte à plusieurs étages. Et si vous souhaitez

  6   obtenir un certain effet - et moi je ne sais pas quel était les forces

  7   croates souhaitaient obtenir, je ne disposais pas de telles informations -

  8   je pense qu'il était très peu probable, voire impossible de détruire un tel

  9   immeuble en employant l'artillerie, à moins d'employer plus de 100

 10   projectiles, et même avec une telle force je pense que vous n'auriez pas pu

 11   détruire un tel immeuble. Une partie de l'immeuble aurait été neutralisée,

 12   il y aurait beaucoup de dégâts mais était donné que le QG ne se trouvait

 13   pas en haut de l'immeuble mais il se trouvait dans le sous-sol au rez-de-

 14   chaussée, je pense qu'il était impossible de toucher cette cible en

 15   employant l'artillerie.

 16   Q.  Merci. Et en examinant la photographie de l'immeuble et compte tenu de

 17   la proximité à d'autres immeubles dans les alentours, pourriez-vous dire

 18   aux Juges quel était le risque en employant l'artillerie contre le QG, quel

 19   était le risque que les projectiles touchent les immeubles qui se trouvent

 20   de l'autre côté de la rue ou plus loin dans la rue ?

 21   R.  Comme vous pouvez le voir sur cette photographie, il s'agit d'une rue

 22   qui n'est pas très large. Je pense qu'il s'agit de moins de 40 ou 50

 23   mètres. C'est une rue à deux voies.

 24   Et les projectiles qui n'ont pas touché le QG risquaient de produire

 25   beaucoup de dégâts à l'infrastructure, et surtout de provoquer beaucoup de

 26   pertes humaines. Surtout compte tenu du fait que certains immeubles étaient

 27   relativement élevés, l'explosion allait être encore plus importante que

 28   lorsque vous avez une explosion en plein air. Et j'ai pu le voir à Sarajevo

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  1   où par exemple un ou deux projectiles étaient tombés entre deux immeubles,

  2   entre deux immeubles donc qui étaient élevés et ont tué 40 personnes sur

  3   place. Donc là, il ne s'agissait que d'un seul projectile.

  4   Donc certes, le QG et le ministère de la Défense étaient une cible de

  5   grande importance, mais compte tenu du fait qu'il y avait un grand risque

  6   que la population civile soit touchée, et compte tenu du fait qu'il était

  7   impossible de causer des dégâts structurels importants à cet immeuble, je

  8   pense que l'emploi d'artillerie n'était pas la chose appropriée à faire.

  9   Q.  Merci. Revenant à votre rapport, c'est dans le chapitre 1 c vous dites

 10   que l'un des objectifs d'artillerie est de :

 11   "Détruire le système de commandement et de contrôle des forces ennemies et

 12   sa capacité d'exécuter des opérations pendant une longue période ?"

 13   La destruction ou la neutralisation d'un poste de commandement tel que le

 14   QG, est-ce que cela aurait entravé le système de fonctionnement et de

 15   commandement et de contrôle de l'armée de la RSK ?

 16   R.  Je suis sûr que cela aurait une influence sur les capacités de l'armée

 17   si le QG est touché par les tirs d'artillerie.

 18   Mais je ne sais pas quelle était l'incidence morale du fait que le QG

 19   plus haut placé a été détruit. Parce que si vous détruisez, si vous tuez un

 20   commandant placé ou un ministre ou un président, bien sûr que cela a une

 21   incidence sur le moral des troupes. Mais tout dépend de la situation, et

 22   tout dépend du pays en question, cela peut même parfois avoir un effet

 23   opposé, à savoir que les gens, les troupes peuvent être encore plus

 24   déterminés de se battre. Donc là, on se lance dans des conjectures.

 25   Q.  Colonel Konings, si un ou plusieurs ou deux obus touchent cet immeuble,

 26   à votre avis, est-ce que cela aurait entravé le système de fonctionnement,

 27   de commandement et de contrôle de l'armée de la RSK ?

 28   R.  Il est difficile à dire. J'imagine que la plus grande partie de

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  1   l'infrastructure du QG de l'ARSK ne se trouvait pas à l'étage supérieur, à

  2   savoir dans le grenier ou au dernier étage. Donc on aurait pu détruire par

  3   exemple certains équipements tels que des moyens de communication par radio

  4   qui se trouvent aux étages supérieurs, oui, cela aurait pu être détruit.

  5   Mais certainement ils avaient un double système de communication, ils

  6   employaient également les lignes téléphoniques par fil. Donc ils n'auraient

  7   pas été entravés dans leur système de fonctionnement, de communication.

  8   Q.  Merci. Parlons maintenant du bureau de poste et de télégraphe de la

  9   RSK. Vous en parlez dans le chapitre 2 c 14 de votre annexe.

 10   Je vais essayer de le retrouver.

 11   Dans l'annexe, vous dites qu'il ne s'agissait pas d'une cible militaire et

 12   que cette cible n'aurait pas dû être visée, attaquée par l'artillerie. Est-

 13   ce que vous avez pris en considération le fait que l'armée de l'ARSK aurait

 14   pu utiliser les installations de communication qui se trouvaient dans ce

 15   bâtiment ?

 16   R.  Oui. C'est quelque chose à quoi j'ai pensé. Mais à mon avis, au départ

 17   il s'agit d'une structure civile; donc un bureau de poste relève de la vie

 18   civile dans une société.

 19   Et les détruire alors qu'il n'y avait pas de présence militaire et

 20   que cela n'était pas utilisé à des fins militaires, je pense que ce n'était

 21   pas une bonne chose à faire. Pour moi, il s'agissait d'une attaque contre

 22   une cible civile.

 23   Outre cela, le commandant doit tenir compte du fait que si vous pouvez

 24   détruire une telle infrastructure, vous êtes en train de détruire une

 25   partie importante d'une société; parce que par la suite vous pouvez peut-

 26   être avoir envie d'utiliser cette infrastructure vous-même.

 27   Et une fois que le conflit est fini, et nous espérons toujours que le

 28   conflit sera fini un jour, il faut tenir compte du fait que vous avez

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  1   détruit une partie d'infrastructure importante. Donc il faut tenir compte

  2   de cela également.

  3   Le fait que ces installations peuvent être utilisées par l'armée,

  4   cela ne veut pas forcément dire qu'effectivement il s'agit d'une cible

  5   militaire. Outre cela, cette zone est une zone où se trouvaient les maisons

  6   civiles, les maisons normales qui se trouvaient à proximité, vraiment tout

  7   près; ce qui veut dire qu'il y aurait beaucoup de dégâts collatéraux. Et je

  8   pense que vous ne pouvez pas effectivement détruire de manière importante

  9   cette installation, ce bâtiment. Effectivement vous pouvez détruire ce qui

 10   se trouve en haut à l'étage supérieur sur le toit, mais je pense que vous

 11   ne pourrez pas détruire les lignes téléphoniques.

 12   Q.  Compte tenu de la taille du bâtiment, et vous pouvez voir qu'il y a des

 13   voitures qui se trouvent devant et qu'il y a d'autres bâtiments à

 14   proximité, est-ce que vous pouvez toucher uniquement ce bâtiment par des

 15   tirs d'artillerie sans toucher les bâtiments qui se trouvent à côté ?

 16   R.  Je pense que cela est impossible. Tout dépend de la précision du

 17   système dont vous disposez. Mais je pense qu'en employant un système moyen,

 18   on emploie les munitions de calibre entre 105 et 155, et je pense qu'il

 19   existe un grand risque que vous touchiez ou que vous causiez des dégâts à

 20   l'un des bâtiments qui se trouvent à gauche ou à droite par rapport au

 21   bureau de poste.

 22   Q.  Merci. S'agissant du centre de communication ferroviaire, vous en

 23   parlez dans le chapitre 2c 13. Je pense que c'est ça, le bâtiment-là que

 24   vous pouvez voir à l'écran. Je n'ai pas la photographie du bâtiment même.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, on ne

 26   peut pas en fait savoir que le curseur se déplace.

 27   M. RUSSO : [interprétation] Pourrait-on dire qu'il s'agit d'un bâtiment qui

 28   se trouve immédiatement au sud par rapport à la gare ferroviaire

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  1   principale. Donc ça, c'est le premier bâtiment lorsque vous traversez la

  2   rue, qui est à gauche par rapport au point rouge.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut dire qu'on va en fait

  4   dans la direction sud ?

  5   M. RUSSO : [interprétation] Oui, c'est exact.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayez de le décrire de nouveau.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Oui. En allant de la gare ferroviaire centrale,

  8   vers l'ouest, là-bas se trouve un point rouge, et si l'on procède vers le

  9   nord, on arrive à la première rue, et ce bâtiment se trouve de l'autre côté

 10   de la rue, immédiatement de l'autre côté de la rue. Je pense que c'est ça

 11   le bâtiment qui a été indiqué en tant que centre de communication

 12   ferroviaire.

 13   Q.  Colonel Konings, est-ce que vos réponses seraient identiques s'agissant

 14   de l'emploi d'artillerie contre ce bâtiment ?

 15   R.  Je pense que je n'ai rien à ajouter compte tenu de ma réponse

 16   précédente.

 17   Q.  Merci. Passons maintenant au centre d'approvisionnement en électricité

 18   de la RSK. Vous en parlez au paragraphe 2 c 16. C'est le bâtiment que nous

 19   pouvons voir maintenant à l'écran.

 20   Je vous prie de dire aux Juges pourquoi vous dites qu'il ne s'agit pas

 21   d'une cible militaire et qu'il ne fallait pas l'attaquer à l'aide

 22   d'artillerie.

 23   R.  A mon avis, compte tenu de la description que j'avais à ma disposition,

 24   il s'agissait tout simplement d'une cible civile. C'est un bâtiment ou

 25   c'était une infrastructure civile qui fournissait de l'électricité. Parce

 26   que vous savez, l'armée peut avoir ses propres moyens de s'approvisionner

 27   en électricité.

 28   Je pense qu'il ne fallait pas détruire cette installation qui

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  1   fournissait de l'électricité dans toute la région. Le commandant militaire

  2   n'aurait pas dû le faire parce que cela voulait dire que la population

  3   allait être niée de la possibilité de s'approvisionner en électricité pour

  4   mener une vie normale. Donc il s'agissait d'une installation civile,

  5   exclusivement civile, et non pas militaire.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, j'aimerais poser

  7   plusieurs questions de précision.

  8   Et c'est une question que j'adresse à vous aussi. Vous dites qu'il

  9   n'était pas nécessaire d'un point de vue militaire de le faire. Mais même

 10   si cela n'est pas nécessaire d'un point de vue militaire, cela peut

 11   apporter néanmoins un certain avantage d'une autre manière si on détruit ce

 12   bâtiment.

 13   Mais supposons que ce bâtiment ait été endommagé par d'autres moyens

 14   d'attaque, et peut-être l'armée donc peut utiliser cette installation, tout

 15   à l'heure vous avez, par exemple, parlé de la compagnie téléphonique et

 16   vous dites que l'armée aurait pu l'utiliser, mais cela n'aurait rien

 17   changé.

 18   Mais supposons qu'il n'y avait pas beaucoup d'information à ce sujet

 19   et que les lignes téléphoniques étaient fréquemment utilisées par l'armée

 20   dans ce contexte précis et que l'approvisionnement en électricité était

 21   également utilisé.

 22   Est-ce que vous allez dire qu'il est interdit de faire cela ou que

 23   cela n'apporte pas suffisamment d'avantages, lorsque vous dites qu'il

 24   n'était pas nécessaire de le faire d'un point de vue militaire ? Je ne

 25   comprends pas quels étaient les critères que vous avez utilisés en

 26   répondant aux questions posées. Parce qu'ici, nous ne parlons pas de la

 27   meilleure manière militaire d'investir Knin, mais nous parlons de l'acte

 28   d'accusation qui a été dressé contre trois personnes parce que ces trois

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  1   personnes auraient commis des crimes.

  2   Je ne comprends pas tout à fait ce qu'on essaie d'obtenir là et qu'il

  3   faut tenir compte du fait que tout cela avait un effet psychologique sur la

  4   population civile. J'essaie de simplement comprendre quel est le "focus" de

  5   vos questions, Monsieur Russo, et Monsieur Konings, vous comprendrez

  6   certainement qu'ici il ne s'agit pas d'un cours d'école à l'académie

  7   militaire pour apprendre quelle est la meilleure manière de procéder, mais

  8   il faut tenir compte du fait que nous avons ici trois personnes qui sont

  9   inculpées d'avoir commis des crimes.

 10   J'aimerais que l'on se concentre là-dessus et qu'on ne mélange pas

 11   les choses, et voir quelle était la meilleure manière de procéder. J'essaie

 12   de voir ce qui était permis et ce qui n'était pas permis de faire. Si l'on

 13   dit il n'était plus possible d'employer les lignes téléphoniques, bien sûr,

 14   s'il fallait dire que, par exemple, toutes les lignes téléphoniques par fil

 15   auraient dû être détruites, dans ce cas-là, pour rendre cette attaque

 16   acceptable, dans ce cas-là, je ne vous suis pas, je ne vous comprends pas.

 17   J'aimerais que les questions et les réponses se concentrent davantage sur

 18   ce qui nous préoccupe avant tout dans ce prétoire.

 19   Monsieur Russo.

 20   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aimerais poser

 21   plusieurs questions au témoin pour jeter les bases de ma manière de

 22   procéder.

 23   Q.  Colonel Konings, afin d'attaquer une cible à l'aide d'artillerie --

 24   non, je vais procéder autrement. A votre avis, compte tenu des lois et

 25   coutumes de la guerre, est-il interdit d'attaquer une installation qui

 26   n'est pas utilisée à des fins militaires ?

 27   R.  Franchement, je ne peux pas vous répondre. Je ne sais pas si cela est

 28   interdit ou si cela n'est pas interdit. Je ne suis pas un juriste. J'essaie

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  1   de vous expliquer comment nous aux Pays-Bas et au sein de l'OTAN nous

  2   approchons, nous traitons les questions que vous m'avez posées. Il existe,

  3   malheureusement, suffisamment d'exemples où l'on peut voir que tout type de

  4   centres d'approvisionnement en électricité ou de cibles civiles sont

  5   attaqués par une armée. Mais je souhaite vous dire que la population civile

  6   pour nous a une priorité. Quelle que soit l'opération, vous la faites en

  7   essayant de ne pas causer des pertes humaines au sein d'une population dans

  8   la zone de vos opérations. Et c'est pourquoi les forces armées

  9   néerlandaises et les forces de l'OTAN ont leurs conseillers juridiques qui

 10   sont là pour vous dire ce que vous pouvez faire et ce que vous n'avez pas

 11   le droit de faire.

 12   S'agissant de ce centre d'approvisionnement en électricité, je souhaite

 13   dire que tous les exemples, toutes les cibles dont nous parlons maintenant

 14   présentent un mélange de ce qui était partiellement utilisé par l'armée,

 15   occupé par l'armée à l'intérieur d'une zone civile. Un grand nombre de ces

 16   problèmes d'infrastructures que nous traitons ici, il faut savoir que ces

 17   infrastructures étaient censées être utilisées par les civils. Et lorsque

 18   vous attaquez une zone, une cible militaire, c'est une attaque valable,

 19   mais toutes les cibles qui se trouvent dans une zone, je pense qu'on ne

 20   peut pas toutes les attaquer, parce qu'on ne peut pas dire que toutes les

 21   cibles à l'intérieur d'une zone présentent une grande valeur.

 22   Et dans toute la ville de Knin il y avait moins de 500 soldats. Il n'y

 23   avait pas de lignes de défense, il n'y avait pas de positions prises, il

 24   n'y avait pas de troupes de combat.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais permettez-moi de vous arrêter un

 26   instant. Lorsque vous dites qu'il n'y avait pas plus de 500 soldats, est-ce

 27   que vous vous référez aux faits qui vous ont été présentés ou --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc lorsque vous avez formé votre

  2   opinion, tiré des conclusions, vous aviez à l'esprit que dans cette ville

  3   il y avait moins de 500 soldats.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour être tout à fait précis, je dois dire que

  5   lorsque je dis quelque chose ici, je me réfère aux informations que

  6   l'Accusation m'avait présentées. Donc j'avais étudié ces informations et,

  7   comme je l'avais déjà dit, j'étais à Knin à un moment donné; mais je

  8   n'étais pas à Knin au moment de ces événements. J'étais à Sarajevo mais ça

  9   c'est tout à fait une autre ville. J'ai tiré un certain nombre de

 10   conclusions compte tenu de mon expérience à Sarajevo. Mais c'est tout à

 11   fait différent.

 12   Ce que j'essaie de vous expliquer maintenant c'est que la combinaison entre

 13   le fait que ces cibles militaires n'avaient pas beaucoup de valeur,

 14   beaucoup d'importance, et qu'un grand nombre de ces cibles militaires se

 15   trouvaient dans une zone peuplée par les civils, et compte tenu du fait que

 16   le premier jour de l'attaque il y avait encore 15 000 personnes qui étaient

 17   là-bas, tout cela veut dire qu'il était fort probable et qu'il fallait

 18   tirer la conclusion qu'il ne fallait pas employer l'artillerie dans cette

 19   zone parce qu'elle ne pouvait pas être efficace, elle ne pouvait pas être

 20   précise et parce que il n'y avait pas suffisamment de valeur militaire dans

 21   cette zone.

 22   Et lorsque vous dites supposons que ce centre d'approvisionnement en

 23   électricité allait être utilisé par l'armée, je pense que sur un plan

 24   juridique il est interdit de détruire cette installation.

 25   Si la destruction de ce centre d'approvisionnement en électricité allait

 26   être utilisé par l'armée, et si cela allait causer la chute des forces de

 27   défense de Knin en quelques heures et cela aurait épargné beaucoup de

 28   misère à la population, dans ce cas-là, oui, il fallait peut-être procéder

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  1   de la sorte. C'est vrai. Mais lorsque vous détruisez un centre

  2   d'approvisionnement en électricité, il faut tenir compte que pendant une

  3   longue période la population va être privée de cette électricité. C'est ce

  4   que j'ai essayé de vous expliquer.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  6   Veuillez poursuivre, Monsieur Russo.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

  8   Q.  Nous allons maintenant passer au rond-point, et vous en parlez dans la

  9   section 2 c 28 de votre addendum.

 10   Est-ce que vous pourriez expliquer à la Chambre la raison pour laquelle

 11   vous dites que ce rond-point n'est pas acceptable en tant que cible

 12   d'artillerie ?

 13   R.  Je dois répéter certaines choses. Tout d'abord, d'après les

 14   informations que j'ai reçues, il n'y a pas de preuve directe indiquant une

 15   présence militaire le long de ce rond-point mais, bien sûr, il pouvait être

 16   utilisé par les troupes militaires pour le traverser.

 17   Deuxièmement, encore une fois il s'agit d'une zone densément peuplée, et le

 18   rond-point n'est pas très large. Donc si l'on utilise l'artillerie contre

 19   un tel rond-point, il est tout à fait possible d'atteindre l'un des

 20   bâtiments ou des personnes qui se trouvent aux alentours.

 21   Lorsqu'un rond-point ou une intersection est utilisé par les forces

 22   militaires pour traverser cet endroit, le statut change car je peux

 23   imaginer que ça pourrait être la question suivante. Mais compte tenu des

 24   circonstances, et s'agissant de ce rond-point, au moment du passage des

 25   troupes je n'aurais pas utilisé l'artillerie afin de les détruire en raison

 26   de la possibilité d'infliger des pertes et des dégâts aux gens et

 27   structures aux alentours.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, où se trouve exactement

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  1   ce rond-point dont il est question ? Est-ce qu'on pourrait montrer cela à

  2   l'écran. Moi je m'attends à voir un rond-point de forme circulaire.

  3   M. RUSSO : [interprétation] Je comprends. C'est la partie que je montre

  4   avec le curseur en ce moment.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois ce que vous dites.

  6   M. RUSSO : [interprétation] Si vous pouvez me suivre, ça c'est la route

  7   principale, et ici nous avons le rond-point, dont partent deux autres

  8   routes, celle-ci et celle-là.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois.

 10   M. RUSSO : [interprétation]

 11   Q.  Colonel Konings, est-ce que vous pourriez expliquer à la Chambre de

 12   première instance s'il y avait un quelconque avantage militaire à gagner si

 13   l'on utilisait l'artillerie contre ce rond-point au moment où les forces

 14   ennemies n'y sont pas présentes ?

 15   R.  Ça dépend de ce que vous souhaitez atteindre en utilisant l'artillerie

 16   contre le rond-point. Si vous voulez neutraliser totalement ce rond-point

 17   afin qu'aucun véhicule militaire ne puisse l'utiliser, ça pourrait être

 18   l'effet souhaité. Mais dans ce cas-là ça dépend entièrement de la manière

 19   dont la surface du rond-point a été construite et quelles sont les

 20   munitions à utiliser. La route goudronnée ou en béton va être endommagée

 21   par l'explosion d'un obus de 120 ou 150 millimètres, mais non pas d'une

 22   manière qui la rendrait non praticable. Ça ne détruirait pas une

 23   intersection ou un rond-point par le biais de l'artillerie, il faudrait

 24   utiliser un grand nombre de munitions. Et apparemment souvent les tracteurs

 25   étaient utilisés pour passer.

 26   Puis deuxièmement, dans cette zone, ces troupes trouveraient certainement

 27   une autre route en déviant pour se déplacer à travers la ville.

 28   Donc si l'on détruit ou neutralise un rond-point en utilisant

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  1   l'artillerie, ça reste l'une des possibilités mais vous auriez besoin de

  2   beaucoup de munitions. Et ça dépend aussi de la structure de la surface, et

  3   moi je m'y opposerais car en réalité il serait nécessaire d'utiliser

  4   beaucoup de munitions dans cette zone peuplée par les civils.

  5   Q.  Merci. Nous allons passer maintenant à l'usine de Tvik, et vous en

  6   traitez dans la section c 20.

  7   Par rapport à l'usine Tvik, vous dites que :

  8   "Il n'est pas du tout conseillé de viser cette zone avec l'artillerie

  9   puisque ça peut provoquer beaucoup de dégâts collatéraux à la population

 10   civile. Même si la production de munitions pourrait être une raison de ce

 11   faire. Cependant, les informations dans l'annexe A décrivent apparemment

 12   que probablement aucune activité ne s'y déroulait, n'y était remarquée

 13   avant l'attaque."

 14   Est-ce que vous pouvez d'abord expliquer à la Chambre pourquoi la

 15   production de munitions serait une raison d'attaquer avec l'artillerie

 16   l'usine Tvik ?

 17   R.  Une usine de munitions est clairement une cible militaire importante en

 18   fonction de ce qui y est produit et de la question de savoir si la

 19   production est en cours à ce moment-là. Dans ce cas-là, ce serait une

 20   véritable cible militaire sans aucun doute.

 21   Q.  Et si cette structure produisait les munitions, mais si ces munitions

 22   n'étaient pas activement déplacées à l'extérieur de cette installation et

 23   envoyées aux troupes ennemies le 4 août, est-ce que vous pouvez expliquer à

 24   la Chambre quelle serait la valeur militaire de l'attaque d'artillerie

 25   contre cette structure ?

 26   M. KEHOE : [interprétation] Je ne vois pas de fondement de cette question.

 27   M. RUSSO : [interprétation] Je pose une question hypothétique.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a beaucoup d'hypothèses présentes

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  1   dans la déposition de ce témoin.

  2   M. RUSSO : [interprétation] Mis à part cela, il n'y a pas eu d'éléments de

  3   preuve indiquant que les munitions y étaient produites, mais aussi que rien

  4   n'y était produit.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Au contraire. Peu avant l'attaque, en juillet

  6   1995, nous avons une séquence vidéo qui montre que les généraux de l'armée

  7   de la République serbe de Krajina traversent cette région et parlent de

  8   l'usine Tvik qui fournit l'armée en fournitures ou matériel militaire.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il n'est pas nécessaire de

 10   répéter la question de savoir si l'usine était active ou pas et ce qui

 11   était produit là-dedans exactement.

 12   Monsieur Russo, bien sûr, une question me vient à l'esprit, et cela se

 13   reproduit, à savoir s'il y a pas eu de transport de munitions produites -

 14   supposons simplement que les munitions étaient produites là-bas - est-ce

 15   que -- ou plutôt peut-être nous devrions demander au témoin.

 16   Est-ce que vous deviez attendre de voir des mouvements indiquant la

 17   production pour savoir, ou est-ce que vous pourriez dire : Eh bien, si je

 18   sais que la production de munitions est en cours, je préfère ne pas

 19   attendre qu'ils se déplacent vers les lignes de front en camion.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est le genre d'éléments à prendre en

 21   considération lorsque l'on parle des cibles, et surtout des cibles de

 22   munitions, vous essayez de prendre en considération tous les facteurs avant

 23   de décider si vous allez l'attaquer ou pas par la suite.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Y compris la question de savoir si

 25   les transports sont en cours ou pas.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Y compris cela. Cela peut être l'un des

 27   facteurs, donc il serait nécessaire de décider de rendre impossible à cette

 28   usine de produire des munitions.

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  1   Mais il faudrait savoir exactement ce qui y était produit et dans

  2   quelle quantité, quelle est la destination; et dans ce cas-là, quelle est

  3   la probabilité selon laquelle les dégâts provoqués seront appropriés, car

  4   si vous tirez sur une usine de munitions, vous pouvez provoquer une énorme

  5   explosion, ce qui peut provoquer beaucoup de dégâts dans les environs.

  6   Et compte tenu de tout cela, et à mon avis aussi, compte tenu de

  7   l'information que l'Accusation m'a fournie indiquant qu'il n'y a pas eu de

  8   production ni de transport de munitions, et compte tenu de l'ampleur de

  9   l'ensemble de l'opération, je dirais que, puisqu'il s'agissait là d'un

 10   environnement civil, il ne serait pas conseillé d'attaquer cette zone avec

 11   l'artillerie, car vous pouvez avoir beaucoup de dégâts collatéraux dus à

 12   une explosion secondaire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Russo.

 14   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

 15   Q.  Nous allons parler maintenant de la gare ferroviaire, la gare

 16   principale, et aussi les cours devant les gares principales. Vous en avez

 17   parlé dans la sous-section 2 c 23. Est-ce que vous pouvez expliquer à la

 18   Chambre pourquoi ces endroits n'auraient pas dû être attaqués par

 19   l'artillerie ?

 20   R.  Bien sûr, nous nous concentrons ici sur l'artillerie. Mais je souhaite

 21   répéter qu'en soi ce genre de structure ferroviaire constitue des

 22   installations civiles. Si vous les détruisez, ceci ne sert plus à qui que

 23   ce soit, ni à vous ni à qui que ce soit après l'opération. Et c'est un fait

 24   que vous devez prendre en considération lorsque vous décidez de la question

 25   de savoir si vous allez attaquer une telle localité ou pas.

 26   Mis à part cela, lorsque vous commencez à utiliser l'artillerie contre un

 27   tel endroit, il vous faudra beaucoup de munitions afin de neutraliser la

 28   structure à moins de cibler les endroits où les rails se rejoignent, et que

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  1   vous pouvez viser de manière ciblée. Mais dans ce cas-là, l'artillerie

  2   n'est pas facile pour atteindre cet objectif.

  3   Je ne dis pas qu'il est impossible d'attaquer ces emplacements avec

  4   l'artillerie, mais je dis qu'il est très difficile d'arriver au niveau de

  5   destruction qui ne procurerait pas des dégâts au niveau des installations

  6   civiles qui auraient pu être nécessaires pour les civils et utilisées soit

  7   par vous-même ou soit par les civils par la suite ou qui que ce soit

  8   d'autre.

  9   Q.  Nous allons parler maintenant de la section portant sur les mortiers de

 10   l'ARSK. Il s'agit de la sous-section c 5, et vous avez dit que ceci se

 11   situait à l'école que nous voyons ici.

 12   Or, vous dites que le fait de cibler ce peloton de mortier avec

 13   l'artillerie était une possibilité, mais non pas vraiment une véritable

 14   priorité.

 15   Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ceci n'était pas une haute

 16   priorité ?

 17   R.  Un peloton de mortier est une petite cible en soi et les mortiers

 18   opèrent à une distance mutuelle de quelques mètres. Donc, il est possible

 19   de considérer, à mon avis, puisque ce serait une cible pointue.

 20   Deuxièmement, les mortiers sont légers lorsque l'on tire sur eux. Lorsque

 21   les mortiers essuient les tirs, ils se déplacent à un autre endroit.

 22   Troisièmement, un peloton de mortier ou une section de mortier dans

 23   l'ensemble du contexte de l'opération, si j'étais commandant de brigade, je

 24   ne me préoccuperais pas vraiment d'une section de mortier. Je n'utiliserais

 25   pas mon artillerie afin de les neutraliser, car mon artillerie constitue

 26   une possession précieuse, et j'en ai besoin pour l'ensemble de l'opération.

 27   Donc je ne vois pas de valeur réelle d'une section de mortier dans le cadre

 28   de l'ensemble de l'opération. Donc j'aurais pu plutôt imaginer un

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  1   emplacement où il y a tout un bataillon d'artillerie.

  2   Q.  Bien. Nous allons parler maintenant de la caserne sud, et vous en

  3   parlez dans la section c 4. Il s'agit de cette zone-là.

  4   Vous avez identifié cela en tant que l'un des peu nombreuses cibles

  5   militaires acceptables, et veuillez expliquer à la Chambre pourquoi.

  6   R.  D'après les informations que j'ai reçues, apparemment c'est une zone

  7   forestière sans présence directe des civils, donc il s'agit là de peu de

  8   zones que vous pouvez cibler avec l'artillerie. Puisque je n'ai pas vu

  9   l'infrastructure elle-même, et je ne sais donc pas comment les bâtiments

 10   ont été construits; s'il s'agit du brique ou du béton, et cetera, ce que je

 11   peux dire c'est que si vous souhaitez détruire les troupes à l'intérieur de

 12   la caserne, l'artillerie n'est pas le moyen le plus approprié.

 13   Mais tous les autres facteurs rendent cela une cible d'artillerie

 14   plus appropriée que toutes les autres mentionnées jusqu'à présent.

 15   Q.  Et compte tenu des informations que vous avez fournies au sujet de

 16   l'utilisation de cette structure, est-ce que vous pouvez dire à la Chambre

 17   de première instance, à votre avis, quelle serait la valeur de l'attaque de

 18   cette structure, en particulier avec l'artillerie ?

 19   R.  D'après les informations qu'on m'a données, il s'agissait d'une

 20   structure de stockage des armes légères, des médicaments, et des vêtements,

 21   avec seulement cinq soldats au moment de l'attaque. Encore une fois, cela

 22   m'indique que cette structure ne contribuait pas réellement de façon

 23   importante à la défense de la ville de Knin, et en tant que commandant de

 24   la force attaquante, je ne me préoccuperais pas de la possibilité selon

 25   laquelle ces cinq soldats auraient pu menacer ma propre opération. Et c'est

 26   la raison pour laquelle je n'aurais pas utilisé mon artillerie, qui est une

 27   valeur précieuse pour moi afin d'essayer de neutraliser quelques éléments

 28   de cette caserne.

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  1   Q.  Colonel Konings, si l'on prend en considération le fait que les forces

  2   de l'ONU utilisaient le reste de cette structure le jour de l'attaque, est-

  3   ce que vous pourriez nous dire de quelle manière ceci affecterait votre

  4   évaluation de la question de savoir s'il était approprié ou pas d'utiliser

  5   des tirs d'artillerie contre cet entrepôt ?

  6   R.  C'est une question très difficile pour moi. Je ne sais pas comment les

  7   forces de l'ONU étaient vues. Officiellement, il s'agissait des forces du

  8   maintien de la paix, mais d'après ma propre expérience, l'on ne nous

  9   considérait jamais en tant que telles.

 10   Donc je ne pense pas que je puisse fournir une réponse appropriée à

 11   cela. La présence des forces de l'ONU aurait dû suffire pour ne pas

 12   utiliser l'artillerie contre cette structure, car les forces de l'ONU ne

 13   participaient pas au conflit et devaient être considérées comme une force

 14   indépendante et impartiale qui ne devait pas subir des attaques de quelque

 15   artillerie que ce soit. Et l'utilisation de l'artillerie dans la zone à

 16   proximité directe des forces de l'ONU comportait ce risque. Mais je pense

 17   que c'est une question très difficile, donc je ne dirai plus rien à ce

 18   sujet.

 19   Q.  Parlons maintenant du poste de police dont vous parlez dans la

 20   section c 17.

 21   Pourriez-vous expliquer à la Chambre de première instance pour quelle

 22   raison vous dites que c'est une cible sans aucune valeur militaire ?

 23   R.  D'après les informations dont je disposais, il a été dit qu'il y avait

 24   environ dix policiers, peut-être ils faisaient partie des forces militaires

 25   occupant Knin, mais je vois toujours aucune valeur ajoutée si l'on

 26   considère qu'une dizaine de policiers qui n'avaient pas de système

 27   d'armement supplémentaire pouvaient défendre la ville de Knin de manière

 28   appropriée. Donc, je ne me préoccuperais encore une fois pas de ces

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  1   soldats. Je ne les verrais pas comme risque.

  2   Donc il serait difficile de considérer cela comme une cible militaire

  3   puisque ça n'avait aucune valeur pour l'ensemble de l'opération.

  4   Q.  Merci.

  5   Compte tenu de l'emplacement du poste de police, qui correspond au point

  6   rouge que l'on voit à l'écran, et compte tenu de sa proximité aux zones des

  7   alentours, qui sont des zones civiles, est-ce que vous pouvez expliquer à

  8   la Chambre de première instance quelle est votre évaluation du risque par

  9   rapport à la population civile si l'on procède aux tirs d'artillerie.

 10   R.  Encore une fois, je ne peux pas dire exactement quelle est la

 11   probabilité, mais il est probable que vous allez provoquer des dégâts aux

 12   installations et personnes civiles dans la région. Encore une fois, cela

 13   dépend de l'effet souhaité, si vous souhaitez détruire l'ensemble du poste

 14   de police ou le neutraliser, car si vous souhaitez le détruire, vous

 15   devriez utiliser un grand nombre de munitions avec un haut pourcentage de

 16   chances que certains des projectiles tombent non pas sur le bâtiment, mais

 17   dans la zone peuplée. Et si l'on souhaite neutraliser, c'est un autre

 18   effet, et il faudrait utiliser moins de projectiles.

 19   Mais je ne peux rien dire de plus précis.

 20   Q.  Merci. Parlons maintenant du bureau du président de la RSK et du

 21   bâtiment de la radio et de la télévision de Knin. Vous en parlez dans la

 22   section c 5 de votre addendum.

 23   Il s'agit de ce que l'on voit à la photo, c'est-à-dire la structure avec

 24   une grande tour.

 25   Vous avez identifié cela en tant que cible de grande valeur, mais est-ce

 26   que vous pouvez dire à la Chambre pourquoi vous considériez qu'il ne

 27   fallait pas l'attaquer avec l'artillerie le 4 août.

 28   R.  Ceci a été décrit en tant que bureau du président et son état-major.

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  1   Donc je peux très bien comprendre que l'on considère que c'est une cible à

  2   haute valeur, car la perte ou l'élimination d'un président d'Etat ou d'un

  3   pays, ça peut avoir pour résultat l'écroulement de l'état ou l'interruption

  4   des activités en cours.

  5   Mais ici, le point crucial réside dans le fait qu'il s'agit là d'une

  6   cible à haute valeur, mais qui est utilisée aussi par des civils, dans le

  7   cas de la radio et TV Knin, même si cela peut être utilisé pour la

  8   propagande.

  9   Donc la raison principale et la plus importante d'attaquer ce bâtiment, et

 10   je ne dis pas d'attaquer avec l'artillerie, ce serait afin d'éliminer le

 11   président. Et si l'on s'attaque au bâtiment au cas où le président était

 12   déjà mort, si l'on s'attaque contre le président avec l'artillerie, cela

 13   nous ramène aux arguments que j'ai déjà utilisés. C'est un bâtiment

 14   puissant. Le président ne sera pas à l'étage le plus élevé, mais dans la

 15   zone protégée. Alors que les biens des civils seront les plus menacés. Si

 16   l'on souhaite éliminer la présidence tout en évitant les dégâts

 17   collatéraux, il serait nécessaire d'avoir des projectiles guidés, des

 18   projectiles d'artillerie guidés. A mon avis, en 1995 ils n'étaient pas

 19   disponibles à n'importe quelle armée du monde.

 20   Donc le choix d'utiliser l'artillerie contre ce bâtiment n'est pas un

 21   bon choix si l'on souhaite atteindre cet effet-là, si l'on souhaite

 22   éliminer un président. Et si vous souhaitez faire cela, il y a d'autres

 23   moyens mais il s'agit là d'une décision politique des parties

 24   belligérantes. Et il ne me revient pas à moi de faire de commentaire au

 25   sujet de ce choix en soit.

 26   Q.  Merci. Nous allons parler maintenant du bâtiment résidentiel comportant

 27   des appartements, il s'agit de la section c 11.

 28   Je crois qu'il s'agit là d'un des deux bâtiments résidentiels. Corrigez-moi

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  1   si je me trompe, mais je pense que c'est celui qui se trouve à la fin.

  2   Mais de toute façon, est-ce que vous pourriez expliquer à la Chambre la

  3   raison pour laquelle vous dites que ce bâtiment résidentiel, même si le

  4   président de la RSK y était, n'est pas acceptable en tant que cible

  5   d'artillerie ?

  6   R.  C'est la même chose que ce que je n'ai de cesse de répéter, c'est

  7   encore une fois la combinaison de plusieurs facteurs. Encore une fois c'est

  8   un bâtiment fort. Et vous ne savez pas si le président y est présent; et

  9   s'il y a est, il ne sera pas à l'étage supérieur, mais ailleurs. Et compte

 10   tenu de la zone et du fait qu'il s'agit là d'un bâtiment résidentiel, la

 11   probabilité d'infliger des blessures, des dégâts, et des meurtres aux

 12   civils est élevée. Donc vous n'avez pas la certitude de la présence du

 13   président dans cette zone, et même si vous étiez sûrs, ça ne veut pas dire

 14   qu'il faudrait utiliser l'artillerie contre ce bâtiment. Il existe d'autres

 15   moyens si vous acceptez le risque de tuer des civils. Mais encore une fois,

 16   il vous faudrait un système, des projectiles guidés qui provoquent bien

 17   moins de dégâts collatéraux et qui sont beaucoup plus précis. Mais comme je

 18   l'ai déjà dit, pour autant que je le sache pendant cette période ces

 19   systèmes n'étaient pas disponibles.

 20   Q.  Merci.

 21   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, en ce moment je souhaite

 22   proposer le versement au dossier de cette présentation des photos de Knin

 23   dont le numéro est 4776 en vertu de 65 ter.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1265, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

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  1   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Maintenant, je voudrais me concentrer sur certaines réponses que vous

  3   avez données dans l'addendum. Il s'agissait donc de réponses aux questions

  4   posées par le bureau du Procureur, et ceci se trouve au niveau du troisième

  5   paragraphe. Ce sont donc les réponses que vous avez données.

  6   Et dans cette section, dans la première partie, la première question, on

  7   vous a demandé si un commandant raisonnable, s'il aurait utilisé

  8   l'artillerie au cours de l'attaque sur Knin vu les informations que vous

  9   aviez, réponse que vous donnez :

 10   "L'utilisation de l'artillerie avait l'air d'être disproportionnée surtout

 11   au cours des 90 premières minutes de l'attaque. Parce qu'on se serait

 12   attendu à ce que les troupes entrent immédiatement après ce barrage

 13   d'artillerie, et de toute façon la ville a été prise 24 heures plus tard."

 14   Et je voudrais donc que vous m'expliquiez pourquoi vous avez dit cela ?

 15   R.  Au cours d'une opération militaire nous avons ce qu'on appelle les feux

 16   de préparation qui ont un rôle dans toute la manœuvre et dans toute

 17   l'opération. Et on utilise cela -- si vous utilisez l'artillerie, vous

 18   faites cela pour que vos propres troupes puissent avancer et participer à

 19   l'opération.

 20   Donc ça veut dire que vous procédez aux feux de préparation, et vous devez

 21   en même temps être en contact avec ce qui se passe avec le reste des

 22   troupes de l'opération. Il faut qu'il y ait donc un contact suite à ces

 23   feux de préparation. Parce que si la période est trop longue, l'ennemi va

 24   pouvoir avoir la possibilité de se replier sur ses positions et de

 25   reconstruire sa propre défense, une autre défense.

 26   Donc ici il y avait un feu de préparation assez long d'ailleurs, assez

 27   intense de 90 minutes, ensuite il ne se passe rien mis à part quelques tirs

 28   d'artillerie à des intervalles irréguliers et ensuite les troupes entrent

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  1   la ville -- c'est à cause de tout cela que j'ai écrit ce que j'ai écrit

  2   dans l'addendum.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous poser une question.

  4   Pourquoi, vous vous attendiez-vous à ce que les troupes du HV entrent dans

  5   la ville immédiatement après les feux de préparation ?

  6   Parce que vous avez de toute façon commencé en disant que ces tirs

  7   d'artillerie du début étaient les feux d'artillerie et vous répondez donc

  8   pour dire que s'il s'agissait là bel et bien d'un feu de préparation,

  9   normalement les troupes auraient dû entrer.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais que se passe-t-il si là il ne

 12   s'agissait pas d'un feu de préparation, si c'était autre chose ? Parce que

 13   vous avez fondé ou construit votre réponse là-dessus.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand vous regardez ce qui s'est passé pendant

 15   cette période grâce aux informations qui m'ont été fournies, vous allez

 16   voir que c'était assez structuré parce que pendant 90 minutes il y avait un

 17   véritable barrage d'artillerie avec des multiples tirs. Donc je me suis dit

 18   que normalement il devait y avoir un ordre pour qu'il y ait les feux

 19   préparatoires pour affaiblir les défenses dans la ville.

 20   Et normalement quand vous avez ces cas de figures-là, vous vous attendez à

 21   ce que les troupes proprement dit entrent dans la ville, parce que si vous

 22   ne le faites pas, qu'est-ce que vous allez faire ? Vous avez utilisé

 23   l'artillerie mais vous avez en même temps donné la possibilité à l'ennemi

 24   de se regrouper et de reconstruire une défense, et cetera, de se

 25   réorganiser.

 26   Et donc dans ce cas-là, je ne vois pas pourquoi on aurait tiré de cette

 27   façon sur la ville, à savoir des tirs prolongés d'artillerie, alors que

 28   dans la ville de toute façon il n'y avait pas des troupes, il y avait très

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  1   peu de troupes qui pouvaient opposer une résistance valable. Donc pour moi,

  2   ce qui s'est passé là-bas c'est assez bizarre, je dois dire.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

  4   M. RUSSO : [interprétation]

  5   Q.  Colonel Konings, on va en rester avec la même réponse, la réponse dans

  6   la section 3 A i, où vous avez dit que :

  7   "L'utilisation de feux d'artillerie contre la ville de Knin n'avait pas

  8   vraiment de logique, ne répondait pas à une logique militaire à proprement

  9   dit, que son efficacité était assez limitée et qu'on aurait pu très bien

 10   l'éviter en utilisant des troupes pour entrer tout simplement dans la

 11   ville."

 12   Est-ce que vous pouvez nous dire sur la base de quoi vous dites qu'il

 13   n'y avait pas de défense dans la ville ?

 14   R.  D'après les informations que j'ai reçues, il y avait apparemment pas de

 15   lignes de défense dans la ville, il y avait pas de point de contrôle. Donc,

 16   moi je base cela sur les informations qui m'ont été fournies par le bureau

 17   du Procureur.

 18   Aussi, le nombre de soldats présents dans la ville, leur expérience,

 19   qualifications, et cetera, il y en avait moins que 500, il s'agissait que

 20   très peu de soldats, souvent de la logistique, du personnel administratif,

 21   quelques personnes faisant partie du QG. Vu toutes les informations, ils ne

 22   pouvaient pas organiser une vraie ligne de défense dans la ville. Il y

 23   avait aussi des cibles militaires dans la ville mais leur valeur était très

 24   limitée, et à cause de tous ces facteurs, je dois dire aussi que

 25   l'utilisation de l'artillerie a été aussi très limitée du point de vue de

 26   son efficacité à cause de la qualité de la construction des immeubles, des

 27   quartiers résidentiels tout autour, et cetera. Je me dis que, finalement,

 28   les forces croates auraient pu attaquer d'une autre manière, ils n'avaient

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  1   pas besoin d'attaquer par le biais de l'artillerie, sur la base des

  2   informations, encore une fois, fournies par le bureau du Procureur.

  3   Q.  Est-ce que votre opinion serait différente si vous saviez qu'à un

  4   moment donné, le 4 août, donc c'était le premier jour de l'artillerie, les

  5   unités de l'armée de la Republika Srpska qui se trouvaient sur les lignes

  6   de front autour de la ville étaient redéployées autour de Knin pour

  7   défendre la ville ?

  8   R.  Evidemment, une opération peut changer de cours à tout moment; les

  9   commandants militaires doivent prendre cela en compte. Si la situation

 10   avait changé, évidemment, vous devez prendre des mesures.

 11   Je n'ai pas reçu ces informations du bureau du Procureur, mais si

 12   cela s'était effectivement produit, ce qu'il fallait faire c'est prendre

 13   les mesures adéquates, analyser la situation, la nouvelle situation, et

 14   planifier conformément à cela, la nouvelle situation. C'est tout à fait

 15   logique.

 16   Q.  Et si ces unités s'étaient déployées autour de Knin, à l'extérieur de

 17   Knin, est-ce que vous pensez que dans ce cas-là il aurait été utile de

 18   tirer sur les cibles qui se trouvent dans la ville ?

 19   R.  Je dois encore ajouter que vu la nature des cibles telles que décrites

 20   sur la base des informations aussi données par le bureau du Procureur,

 21   telles que décrites par le bureau du Procureur, ce n'était pas vraiment des

 22   cibles valables. Donc si vous changez les positions de la défense, si vous

 23   avez l'ennemi qui est en train de changer ses positions, les positions de

 24   défense, la première chose que vous faites c'est d'attaquer avec

 25   l'artillerie, soit pour l'empêcher de se redéployer, soit pour le

 26   neutraliser, pour continuer votre attaque.

 27   Q.  Par rapport à ce que vous avez dit, à savoir que les troupes de combat

 28   auraient dû être utilisées pour prendre le contrôle de Knin, est-ce que

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  1   vous avez pris en compte les difficultés que représentent les combats

  2   rapprochés, même si l'ennemi n'avait que très peu d'éléments dans la ville,

  3   surtout parce que là il s'agit de zones résidentielles ? 

  4   R.  Oui, évidemment. J'ai pris ça en compte et, évidemment, vous avez des

  5   difficultés à cause de la présence des civils, mais à cause de cela, les

  6   autres systèmes doivent être utilisés différemment. Vous avez là une

  7   situation extrêmement difficile, même pour les militaires de carrière. Je

  8   sais qu'entrer dans une ville, c'est très difficile, c'est une situation

  9   qui est toujours très difficile.

 10   Cela étant dit, je ne dis pas qu'il fallait l'éviter. Parfois, vous

 11   devez le faire pour prendre le contrôle d'une ville. Mais vu les

 12   informations dont je disposais, à savoir qu'il n'y avait que très peu de

 13   soldats, de troupes de la RSK dans la ville et qu'il n'y avait pas vraiment

 14   de point de contrôle routier, il n'y avait pas vraiment de ligne de défense

 15   dans la ville, évidemment, les 400 soldats qui étaient présents dans la

 16   ville auraient pu essayer de défendre la ville à partir de certains

 17   endroits bien organisés. Mais cela étant dit, si face à eux se trouve une

 18   force avec des unités mécanisées, avec 2 000 personnes, des chars

 19   d'infanterie, et cetera, je pense que la force assaillante aurait pu

 20   prendre ces risques, encourant finalement peu de risques quant aux dégâts

 21   éventuels de leur côté. Et en faisant cela, vous auriez évité des dégâts

 22   importants, des destructions importantes que vous avez quand vous utilisez

 23   des feux d'artillerie. Et vous savez, quand on est militaire, il faut

 24   accepter la possibilité qu'il y ait des morts et des blessés de votre côté

 25   aussi, parmi vos rangs. Ce n'est pas vraiment le métier le plus facile du

 26   monde. Il faut compter avec ça, il faut faire avec.

 27   Q.  Merci. Maintenant, vous dites dans le 3 a i :

 28   "La 4e Brigade de la Garde qui a reçu l'ordre de prendre le contrôle de la

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  1   ville avait à peu près 1 900 personnes et c'était une grande unité capable

  2   de combattre, de prendre le contrôle de la ville en minimisant les

  3   problèmes infligés aux civils."

  4   Vous avez parlé de cela aussi tout à l'heure quand vous avez dit que d'un

  5   côté vous avez une force serbe avec à peu près de 2 000 soldats, et face à

  6   eux se trouvent à peu près 500 soldats. Je voudrais que vous expliquiez aux

  7   Juges d'où vous tenez l'information quant au nombre de soldats de la 4e

  8   Brigade de la Garde.

  9   R.  C'est le bureau du Procureur qui m'a fourni cette information.

 10   M. RUSSO : [interprétation] Je vais demander que l'on montre la pièce 65

 11   ter 4684.

 12   Q.  Donc, Colonel, je voudrais vous dire que ceci se trouve à

 13   l'intercalaire 11 de votre dossier, et je voudrais vous demander d'examiner

 14   les lignes 1 à 4. C'est immédiatement sur la gauche. Donc, les lignes 1 à

 15   4.

 16   Colonel, est-ce que vous reconnaissez ce document comme le document qui

 17   vous a été fourni par le bureau du Procureur ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que les informations dont vous disposez viennent de ce document-

 20   là quand vous parlez de 1 900 personnes qui composaient la 4e Brigade de la

 21   Garde ?

 22   R.  Oui, effectivement.

 23   M. RUSSO : [interprétation] Je voudrais demander que cette pièce soit

 24   versée au dossier.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1266.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P1266 est versée au dossier.

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  1   Je regarde l'heure et je me demande si le moment n'est pas opportun --

  2   M. RUSSO : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une

  4   pause, et nous allons reprendre nos travaux à 6 heures moins 10 minutes.

  5   --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

  6   --- L'audience est reprise à 17 heures 54.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, vous pouvez poursuivre.

  8   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Mais

  9   avant de passer au thème suivant, je voudrais qu'il soit clair, parce que

 10   si j'ai bien compris il y avait peut-être quelques problèmes par rapport

 11   aux sites que nous avons vus au cours de la dernière présentation vidéo.

 12   Alors on parle de la pièce P1261 MFI, et il s'agit de sites qui ont été

 13   indiqués au colonel Konings, y compris les annexes qui se trouvent dans la

 14   carte de Knin, et je voudrais dire qu'il s'agit d'un numéro qui correspond

 15   à chacun de ces sites, et là il s'agit quand même de faits hypothétiques.

 16   C'est le bureau du Procureur qui a fourni au témoin des faits

 17   hypothétiques, des hypothèses.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 19   M. RUSSO : [interprétation]

 20   Q.  Colonel, maintenant je voudrais vous demander d'examiner différents

 21   documents d'artillerie dont vous parlez concrètement dans votre addendum.

 22   M. RUSSO : [interprétation] Je voudrais donc demander que l'on présente la

 23   pièce 65 ter 4511.

 24   Q.  Colonel, vous allez vous rappeler que ce document, c'était un rapport

 25   régulier du groupe d'artillerie TS-4. Donc là il s'agit d'un rapport du 4

 26   août à 13 heures. C'est quelque chose qui figure dans l'addendum au point 6

 27   a.

 28   Je vais vous demander de monter la deuxième page de cela, et donc à 6

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  1   heures 30 on dit que cinq projectiles d'un canon de 130 millimètres a été

  2   tiré sur l'hôpital de Knin.

  3   Est-ce que vous pensez que là il s'agissait d'une utilisation légale de

  4   l'artillerie ?

  5   R.  Honnêtement, je suis convaincu qu'en aucun cas il ne faut tirer avec

  6   les armes d'artillerie sur un hôpital.

  7   Q.  Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?

  8   R.  Parce qu'un hôpital c'est une institution civile protégée, et il ne

  9   faut pas qu'un hôpital, quel qu'il soit, soit l'objet des tirs, quels

 10   qu'ils soient.

 11   Q.  Et si on parle de l'hypothèse qu'il y avait un char d'ennemi ou des

 12   troupes d'ennemis qui étaient localisées à proximité de l'hôpital, est-ce

 13   que ceci aurait changé votre point de vue ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?

 16   R.  Tout d'abord, ceci reste un hôpital, ceci a été un hôpital, ceci reste

 17   un hôpital, à savoir une institution civile qui recueille les blessés et

 18   les malades, et c'est là qu'ils sont soignés. Le fait qu'il y ait un char

 19   ou une unité de l'ennemi à proximité de l'hôpital, ça aussi c'est

 20   complètement illégal, parce qu'en faisant cela, vous placez - vous faites

 21   cela exprès d'ailleurs - les systèmes d'armes à proximité d'un endroit

 22   protégé et vous pouvez quand même imaginer que l'ennemi va essayer de

 23   neutraliser votre système d'armes.

 24   De l'autre côté, à partir du moment où vous commencez à agir sur les chars

 25   d'ennemis ou d'autres systèmes d'armes à proximité d'un hôpital, que vous

 26   allez peut-être vous lancer dans une aventure dans laquelle vous ne vouliez

 27   pas vous lancer, parce que vous allez endommager cette institution, ce

 28   bâtiment qui est protégé, parce qu'il peut y avoir des dégâts et vous ne

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  1   devez absolument pas faire la même erreur que l'erreur qui a été faite par

  2   l'ennemi qui a délibérément placé éventuellement les armes, chars, et

  3   cetera, à proximité de l'hôpital.

  4   Et puis de toute façon je sais que c'est une question hypothétique que vous

  5   nous posez là, mais de toute façon un char ne va pas vraiment mettre en

  6   danger votre opération.

  7   Q.  Si en vérité ce groupe d'artillerie avait tiré sur quelque chose à

  8   proximité de l'hôpital, est-ce que vous vous attendiez à ce que ceci soit

  9   inscrit dans le rapport d'artillerie ?

 10   R.  Chaque feu d'artillerie, il faut le documenter, il faut que le

 11   commandement sache pourquoi on a utilisé ces tirs d'artillerie. Le

 12   commandant doit savoir ce qu'on a réussi à faire ou non avec ces tirs, quel

 13   que soit l'objectif. Donc pour réussir l'opération, il faut savoir ce qu'on

 14   a réussi à faire en utilisant l'artillerie parce que c'est essentiel. Parce

 15   que si vous n'avez pas réussi à faire ce que vous vouliez faire, vous allez

 16   peut-être vous dire que vous avez besoin de tirer à nouveau ou de choisir

 17   un autre système d'arme pour aboutir à l'effet auquel vous vouliez aboutir.

 18   Donc à partir du moment où vous avez ce rapport, ce rapport qui indique les

 19   résultats de chacun des tirs d'artillerie, c'est quelque chose qui est très

 20   important pour la réussite de toute l'opération et pour évaluer d'ailleurs

 21   cette réussite.

 22   Q.  Est-ce que le manque d'information dans le rapport concernant ces

 23   projectiles, est-ce que cela vous dit quoi que ce soit au sujet des

 24   véritables objectifs de ces tirs ?

 25   R.  Dans ce rapport on ne parle pas seulement de l'hôpital, c'est un résumé

 26   des différents tirs effectués à différentes heures à partir de différentes

 27   pièces d'artillerie contre un endroit ou une cible donnée. Donc cela ne

 28   vous donne pas plus de détails que cela. Donc je ne vois pas quelle est la

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  1   valeur ajoutée de ce document.

  2   Q.  On va voir ce qui est écrit à 8 heures, où l'on peut lire que six

  3   projectiles d'un char de T130 millimètres ont été tirés sur un quartier

  4   résidentiel de Knin. Je voudrais vous demander si vous considérez que cela

  5   est une utilisation légale de l'artillerie.

  6   R.  Comme je l'ai déjà dit, cela ne me dit pas grand-chose. Tout ce que je

  7   vois c'est qu'on a tiré six obus sur les quartiers résidentiels de Knin. On

  8   ne voit pas pourquoi, on ne voit pas les résultats; donc je n'ai pas

  9   suffisamment d'informations à ce sujet. Tout ce que je sais c'est que c'est

 10   un quartier résidentiel, et là je peux en conclure que c'est probablement

 11   une zone où il y a encore des civils qui s'y trouvent, qui y travaillent,

 12   qui y habitent. Donc il se peut qu'il y ait des dégâts collatéraux. Mais ce

 13   document, concrètement, ne me dit rien à ce sujet.

 14   En même temps, il se pouvait qu'il y ait des véhicules de l'ennemi qui se

 15   trouvaient dans la zone résidentielle et que c'est eux qui ont provoqué les

 16   tirs de ces six projectiles. Donc je ne dispose pas de ces informations.

 17   Q.  Et si effectivement, s'il y avait des troupes de l'ennemi dans la zone

 18   résidentielle, est-ce que celles-ci auraient justifié l'utilisation de tirs

 19   d'artillerie ?

 20   R.  Quand vous dites vraiment que c'est à l'intérieur d'une zone

 21   résidentielle, non, on ne peut pas utiliser l'artillerie contre de tels

 22   objectifs. De toute façon, il y a toute une série de facteurs qu'il faut

 23   prendre en compte avant de décider d'utiliser ou non l'artillerie.

 24   Donc c'est très difficile de me lancer dans des hypothèses à partir du très

 25   peu d'information que vous me fournissez.

 26   Q.  On va maintenant voir ce qui est écrit à 12 heures 20, c'est la

 27   troisième page en anglais. Et on peut lire que huit projectiles d'un char

 28   de T130 millimètres ont été tirés "sur Knin".

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  1   Est-ce que vous pensez que ceci est légal, tout simplement de tirer avec

  2   des armes d'artillerie sur une ville en général ?

  3   M. KEHOE : [interprétation] Le document a déjà dit que c'est un document où

  4   on énumère tout simplement le nombre de projectiles sortant, avec les

  5   heures, et c'est ce que le témoin a dit. Donc là on ajoute des

  6   informations, et c'est justement le Procureur qui le fait.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin aurait peut-être répondu de la

  8   même façon à la question comme à la question précédente.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Il y a un autre problème, parce que là il y a

 10   un problème de traduction. Et c'est par rapport à l'original, à 12 heures

 11   20.

 12   Je pense que c'est l'entrée au-dessus où il est dit dix projectiles émanant

 13   d'un T130.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans l'original, je vois qu'il y a deux

 15   entrées pour 12 heures 20.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Oui. Et c'est à la deuxième entrée.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est la deuxième dont nous parlons

 18   où il est fait état de huit projectiles.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Et je peux vous donner lecture de ce qui y

 20   est.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous prie de le faire, nous

 22   entendrons l'interprétation.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Oui. "A 12 heures 20 à partir d'un T130, huit

 24   projectiles lancés sur un pont à Knin."

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, juste un instant.

 26   Oui, me semble-t-il. Il y a un problème de traduction, Monsieur Russo. Je

 27   vous prie de reformuler votre question et de reformuler votre référence à

 28   cette entrée où l'on fait état de ce pont à Knin.

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  1   M. RUSSO : [interprétation] Je vais poser une autre question et entrer à

  2   cette entrée à 12 heures 20, l'autre entrée pour 12 heures 20.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est où l'on parle de quatre

  4   projectiles ?

  5   M. RUSSO : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc peut-on avoir la page précédente.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Non, excusez-moi. C'est juste au-dessus de

  8   cette entrée dont Me Misetic vient de donner lecture dans la version en

  9   anglais.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et en anglais c'est à la page

 11   précédente, n'est-ce pas ?

 12   M. RUSSO : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Allez-y.

 14   M. RUSSO : [interprétation]

 15   Q.  Colonel Konings, il est dit qu'à 12 heures 20, quatre projectiles ont

 16   été tirés à partir d'un T130 millimètres contre Kistanje. Je vous prie de

 17   nous dire si à votre avis il s'agit d'un emploi légal d'artillerie, à

 18   savoir que l'on a tiré contre une ville en général.

 19   R.  Cibler une ville sans préciser quelle est la cible précise à

 20   l'intérieur de la ville qui est visée, je pense que ce n'est pas la manière

 21   dont il faut employer l'artillerie. La question de savoir si c'était légal

 22   ou pas, je pense que je ne suis pas à même de vous le dire. Je pense qu'il

 23   existe un grand risque qu'un bâtiment ou que les civils soient touchés; et

 24   je sais que c'est contre le droit humanitaire que de faire cela.

 25   Et je dois dire néanmoins que dire tout simplement que quatre

 26   projectiles ont été lancés contre Kistanje, pour moi, cela ne me dit pas

 27   beaucoup, comme je l'ai déjà dit. Je ne sais pas quelle était l'intention.

 28   J'imagine que cela a un lien avec l'ordre opérationnel, à savoir qu'il

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  1   fallait pilonner les villes. Mais cette information ne figure pas ici, et

  2   je ne peux pas dire quoi que ce soit d'autre, si ce n'est me lancer dans

  3   des conjectures.

  4   Q.  Et c'est précisément la question que je souhaite vous poser maintenant,

  5   Colonel Konings, les entrées qui figure dans ces rapports, est-ce que ces

  6   entrées correspondent à votre interprétation de l'ordre du général

  7   Gotovina, à savoir qu'il fallait employer les tirs d'artillerie ?

  8   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'ordre général. Vous voyez

 10   dans la dernière réponse que le témoin essaie de comprendre ce qui figure

 11   dans ce document, il dit : Je ne sais pas si c'était legal ou pas. Et, deux

 12   secondes plus tard, il dit : Ouvrir le feu est, dans de telles

 13   circonstances, un acte contre le droit humanitaire.

 14   Donc, nous avons deux choses. D'abord, qu'est-ce que ces entrées nous

 15   disent d'un point de vue factuel et ensuite, la question qu'on peut poser,

 16   que ce soit pour le témoin qu'il puisse répondre ou pas, est de savoir si

 17   cela était interdit en vertu du droit international humanitaire.

 18   Mais je n'ai pas vu d'ordre du général Gotovina où il est dit qu'il fallait

 19   procéder au pilonnage des villes. Je pense que trois villes ont été

 20   mentionnées, mais soyez un peu plus précis dans vos citations.

 21   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord

 22   que ce document 4511 de la liste 65 ter soit versé au dossier.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1267.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est versée au dossier.

 27   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

 28   J'aimerais que l'on affiche maintenant un document de la liste 65 ter qui

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  1   porte la référence 4512.

  2   Q.  Il s'agit d'un rapport émanant du même groupe d'artillerie et, comme

  3   vous pouvez le voir, il s'agit d'un rapport qui a été établi à 20 heures le

  4   4 août. Et à la première page, nous voyons l'entrée qui est en date ou

  5   plutôt, qui est à l'heure de 13 heures 05 [comme interprété]. Et, voilà.

  6   Nous avons la même chose en B/C/S, et il est dit que huit projectiles

  7   émanant d'un T-130 ont été lancés contre Knin. Donc, c'était à 13 heures

  8   30. Et je pense que c'est une traduction correcte de ce que nous pouvons

  9   lire en B/C/S.

 10   Donc, j'ai la même question pour vous, est-ce que vous considérez

 11   qu'ouvrir le feu contre Knin était un emploi légal de l'artillerie, d'après

 12   votre compréhension du droit humanitaire international ?

 13   M. KEHOE : [interprétation] Si vous me le permettez --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je pense que j'ai demandé

 15   à M. Russo de faire la distinction nette entre les deux choses.

 16   Tout d'abord, est-ce que vous disposez des informations qui vous

 17   permettraient de comprendre cette entrée où il est dit que huit projectiles

 18   ont été lancés d'un T-130 contre Knin.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je vous l'ai déjà dit, ce type

 20   d'information ne me dit pas grand-chose. Il est dit tout simplement que

 21   huit projectiles ont été lancés contre Knin mais je ne vois pas où l'on a

 22   tiré ni ce qui s'était passé. Si ces projectiles ont été lancés contre une

 23   zone résidentielle, dans ce cas-là, ça me dit beaucoup plus. Mais il faut

 24   savoir, ou bien que le QG a été visé ou que le président, et cetera.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais s'il n'y a pas de détails, de

 26   précisions à part ce que nous pouvons lire dans ce document, est-ce que

 27   vous pourriez tirer une conclusion au sujet de l'emploi d'artillerie de

 28   cette manière ? Donc ça, c'est une question hypothétique que je vous pose

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  1   maintenant.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Huit projectiles se réfèrent forcément à une

  3   petite cible. Et comme j'ai déjà essayé de vous expliquer, vous ne pouvez

  4   pas obtenir grand-chose ou neutraliser quelque chose avec si peu de

  5   projectiles, à moins que ce soit une petite cible. Et Knin est une grande

  6   ville, et je ne peux pas savoir où ces projectiles étaient tombés ni ce que

  7   l'on essayait d'obtenir.

  8   Je ne veux pas me lancer à des conjectures et dire qu'elle était la

  9   cible visée avec ces projectiles.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et si un tel ordre a été donné, dans

 11   quelle mesure ç'aurait été bizarre d'employer huit projectiles contre Knin

 12   ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous avez un ordre hypothétique de la

 14   sorte, dans ce cas-là, vous assumez forcément le risque que ces projectiles

 15   allaient tomber dans une zone habitée exclusivement par les civils. Et pour

 16   moi, je dirais qu'il s'agit d'un feu de harcèlement qui n'a que pour

 17   objectif de produire un effet psychologique auprès de la population civile.

 18   Mais si vous spécifiez à quelle fin étaient employés ces huit projectiles,

 19   dans ce cas-là, c'est autre chose. Mais il faut savoir que vous assumez

 20   néanmoins tous les risques dont nous avons parlé tout à l'heure. Mais c'est

 21   une décision prise par un commandant, et je vous ai dit qu'au sein de

 22   l'OTAN, il n'y a que le commandant le plus haut placé qui peut prendre une

 23   telle décision.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kehoe.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Juste pour préciser quelque chose. Peut-être

 26   que j'ai mal compris ce que vous avez dit au sujet de l'ordre à la page 80,

 27   lignes 2 et 3; mais là, il s'agit d'un rapport et non pas d'un ordre. Donc,

 28   je ne suis pas sûr à quoi vous pensiez lorsque vous avez employé le terme

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  1   d'ordre, si vous pensiez à ce document ou à --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je parlais d'une situation

  3   hypothétique et si ce que nous pouvons lire dans ce document pouvait être

  4   traduit dans un ordre hypothétique, par exemple.

  5   Le document en lui-même ne nous dit pas qui a donné cet ordre, si c'était

  6   une erreur ou quoi que ce soit. Donc, il n'y a pas de malentendu à ce

  7   sujet.

  8   Monsieur Russo.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

 10   Q.  Colonel Konings, vous avez répondu à la question du Juge Orie au sujet

 11   d'un ordre de pilonner ou d'ouvrir le feu contre une ville et vous avez dit

 12   que vous diriez que ce serait un feu de harcèlement. Et d'après vous, le

 13   feu de harcèlement, est-ce que c'est légal d'après votre compréhension du

 14   droit humanitaire international ?

 15   M. KEHOE : [interprétation] Le témoin nous a déjà dit qu'il n'est pas

 16   juriste et qu'il n'a pas d'opinion à ce sujet.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il nous a donné plusieurs

 18   opinions au sujet du droit. Certes, il n'est pas juriste, mais nous pouvons

 19   lui demander si dans le cadre de sa formation ou dans le cadre de son

 20   expérience professionnelle, s'il a jamais eu l'occasion de tirer une

 21   conclusion au sujet du fait si c'était permis ou pas. C'est une question

 22   factuelle.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends maintenant votre question.

 24   Dans le cadre de ma formation et dans le cadre de mon expérience

 25   professionnelle, formuler un ordre comme vous l'aviez tout à l'heure,

 26   ouvrir le feu, lancer huit projectiles de manière arbitraire contre une

 27   ville sans préciser quoi que ce soit, à mon avis, dans notre armée, c'est

 28   interdit parce que vous pouvez viser uniquement les cibles militaires et

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  1   vous ne pouvez pas employer l'artillerie de cette manière, compte tenu des

  2   dégâts collatéraux, et cetera, et cetera. Nous en avons déjà parlé. Et cela

  3   n'est pas permis d'après le droit humanitaire. Dans mon pays, dans mon

  4   armée, on nous a appris qu'on ne pouvait pas employer l'artillerie à cette

  5   fin et de cette manière.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Russo.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Merci.

  8   Q.  Colonel Konings, revenant à votre rapport - pas besoin de revenir

  9   vraiment, d'en donner lecture - mais dans le chapitre 16, il est dit que le

 10   général Gotovina a dit qu'il fallait : 

 11   "Viser par des tirs d'artillerie les villes de Drvar, Knin, Benkovac,

 12   Obrovac et Gracac."

 13   Compte tenu de ce que vous pouvez lire maintenant à l'écran et compte

 14   tenu du document que nous avons vu tout à l'heure, est-ce que cela, tout ce

 15   que nous avons lu, correspond à cet ordre ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Je pense que là on demande au témoin de se

 18   lancer à des conjectures, lui demandant d'émettre une opinion d'expert

 19   alors que là, en fait, on ne peut que se lancer à des conjectures sans

 20   avoir de fondement pour ce faire.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais juste relire la question.

 22   Son opinion au sujet du fait si cela a été conforme ne requiert pas

 23   ce type d'expertise de la part du témoin; et le fait que d'une part nous

 24   avons eu l'information qu'il fait partie d'un ordre tandis que l'autre fait

 25   partie d'un rapport où il est dit que les projectiles ont été tirés.

 26   Monsieur Russo, j'essaie de comprendre ce qui se passe. Si vous dites

 27   que l'on a tiré contre Knin ou que l'on a tiré contre trois villes, si l'on

 28   veut établir -- s'il y a une concordance entre les deux, tout ce qu'on peut

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  1   dire c'est qu'en fait il n'y a pas de détails donnés, pas de précisions

  2   données dans les deux. Et je dirais que c'est ça qui correspond entre les

  3   deux documents.

  4   M. RUSSO : [interprétation] Mais le témoin a dit dans son rapport que ce

  5   type de formulation, à son avis, veut dire que les commandants avaient le

  6   feu vert d'ouvrir le feu de harcèlement.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  8   M. RUSSO : [interprétation] Et il a déjà répondu à votre question à ce

  9   sujet en disant que, d'après lui, cela correspond à un feu de harcèlement.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, juste un instant.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, cette question et les

 13   réponses que le témoin pourrait apporter ne seraient pas utiles à la

 14   Chambre de première instance.

 15   Veuillez poursuivre.

 16   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. S'agissant de ce

 17   rapport, peut-on maintenant passer à l'entrée à 15 heures, où il st dit que

 18   18 projectiles ont été lancés à partir d'un T-130 millimètres en direction

 19   de Knin en général. Et passons à la page suivante.

 20   Q.  Excusez-moi, en fait, non il faut qu'on reste à la première page. A

 21   votre avis, d'après vous, l'emploi d'artillerie contre une zone civile, de

 22   manière générale, est-ce que c'est un acte légal ou pas ?

 23   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il est dit quelque chose

 25   au sujet de la ville ? Nous savons que Knin n'est pas seulement une ville…

 26   M. RUSSO : [interprétation] Mais cette une zone peuplée par les civils.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'est une municipalité également.

 28   Demandons au témoin --

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  1   A la lecture de ce texte, comment vous comprenez cette entrée, Monsieur, où

  2   il est dit :

  3   "A des intervalles irréguliers, en tout 18 projectiles ont été lancés à

  4   présent d'un T-130 millimètres en direction de Knin en général."

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] A être tout à fait honnête, et d'ailleurs

  6   c'est mon devoir, quand on dit régulièrement ou à des intervalles

  7   réguliers, pour moi c'est déjà un pas vers les feux incessants. Parce que

  8   quand vous utilisez l'artillerie de façon très caractéristique, vous tirez

  9   avec différentes armes contre différents objectifs. Et quand vous avez 18

 10   projectiles tirés contre différentes cibles à des intervalles irréguliers,

 11   pour moi, là, il s'agit d'une utilisation de l'artillerie improvisée, pour

 12   ainsi dire, contre la ville de Knin en général, où il peut y avoir des

 13   cibles militaires, mais aussi où habitent des civils.

 14   Parce que quand vous faites cela, quand vous tirez 18 projectiles à

 15   des intervalles irréguliers contre une zone, on ne peut pas dire qu'il n'y

 16   a pas de civils. Ceci indique que là, vous utilisez l'artillerie pour faire

 17   peur. Et il n'y a pas de preuve pour cela. C'est juste un rapport. Je le

 18   sais, mais il devait y avoir un ordre, et on a un ordre d'ailleurs. Et dans

 19   l'ordre, c'est écrit "placer la ville de Knin sous le feu d'artillerie",

 20   sans donner d'objectifs, sans les définir, sans être plus précis.

 21   Et je dois revenir à ma propre expérience. J'ai passé six mois dans

 22   la ville de Sarajevo et on a vécu exactement la même situation, c'est-à-

 23   dire qu'il n'y avait pas de cibles militaires, et la seule raison pour

 24   l'utilisation de l'artillerie de cette sorte, de cette façon, c'était pour

 25   faire peur à la population qu'elle fuie, pour qu'ils aient peur, pour

 26   aboutir à une situation chaotique; tout ce que vous voulez. Je dois le dire

 27   parce que c'est à quoi cela me fait penser quand on voit que 18 projectiles

 28   ont été tirés sur le territoire de Knin en général à des intervalles

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  1   irréguliers.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

  3   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et

  4   pour l'instant, je vais demander que la pièce 65 ter 4512 soit versée au

  5   dossier.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce P1268.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P1268 est versée au dossier.

 10   Vous pouvez poursuivre.

 11   M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Cette

 12   fois-ci, il y a un document que je voudrais directement verser au dossier.

 13   Il s'agit d'un rapport très similaire pour la journée suivante, c'est-à-

 14   dire la journée du 5 août.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?

 16   M. KEHOE : [interprétation] On ne m'a pas dit qu'on allait demander le

 17   versement direct de cela, donc je vais demander que l'on marque cette pièce

 18   aux fins d'identification, et ensuite on va décider.

 19   M. RUSSO : [interprétation] Nous l'avons tout de même fourni dans le cadre

 20   de la liste avec les documents MFI.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, je pense qu'on vous a

 22   donné des instructions claires quant à la demande de verser les documents

 23   directement par les avocats.

 24   M. RUSSO : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 26   M. RUSSO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, effectivement.

 27   Je pense que là il s'agit des documents où il n'y a pas de préjudice, et

 28   quand vous avez encouragé le Procureur à les présenter directement, et par

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  1   rapport au témoin qu'on a ici, j'essaie de le faire tout simplement.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, le contexte a été défini

  3   par le biais des documents relatifs à la veille ?

  4   M. RUSSO : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.

  6   M. KEHOE : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, dans ce cas-là, on va attribuer une

  8   cote MFI.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1269 MFI.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, et le document va garder ce

 11   statut pour l'instant.

 12   M. RUSSO : [interprétation] J'ai un autre document. Là, il s'agit aussi de

 13   l'artillerie, et nous demandons aussi à le verser directement. Il s'agit du

 14   rapport du Groupe opérationnel de Sibenik qui était le groupe opérationnel

 15   auquel appartenait ce groupe d'artillerie. Et là on va parler de dégâts

 16   causés par les activités de combat. Et donc, je souhaiterais aussi que ce

 17   document soit un document MFI.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, si c'est un document

 19   MFI, de toute façon ceci va figurer dans nos ordinateurs. Ensuite, on va

 20   voir s'il y a des objections.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Je vous dirais ce qu'il en est, Monsieur le

 22   Président, si j'ai des objections ou non.

 23   M. RUSSO : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, donc quelle est la

 25   cote qui va être attribuée à ce document ?

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P1270.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Kehoe et les

 28   autres conseils de la Défense, pourriez-vous nous dire d'ici demain ce

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  1   qu'il en est de ce document, et s'il y a des objections, donc oui ou non ?

  2   Il s'agit du document 1269.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, vous pouvez poursuivre.

  5   M. RUSSO : [interprétation] Je voudrais à présent examiner les cibles du

  6   HV, et à cette fin je vais demander qu'on nous présente le document 65 ter

  7   6119. Il se trouve dans la section 6 c, page 7 en anglais, 11 en B/C/S.

  8   Q.  Donc, on va voir cette liste, et vous allez voir que la première cible

  9   que l'on voie c'est l'église de Knin. Je vais vous demander de nous dire si

 10   par le fait de votre expérience une église peut être considérée légalement

 11   comme une cible militaire.

 12   R.  D'après mon expérience, j'ai été interpellé quand j'ai vu cette liste

 13   pour la première fois, et quand j'ai vu que vous trouvez même une église

 14   parmi les cibles, parce que l'église, c'est une institution sociale,

 15   culturelle, civile. Il ne faudrait absolument tirer sur une église. C'est

 16   de toute façon une institution qui ne devrait jamais représenter une cible.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Je pense qu'il faudrait demander tout d'abord -

 18   - il faudrait que le Procureur précise de quelle église il s'agit.

 19   M. RUSSO : [interprétation] Mais dans ma question, j'ai demandé tout

 20   simplement si l'on peut tirer sur n'importe quelle église. Moi, je n'ai pas

 21   fait de distinction.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous considérez que quelque

 23   soit les circonstances, tirer sur une église en tant que cible en temps de

 24   guerre, que c'est quelque chose qui n'est pas acceptable ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour commencer, il faut savoir de quoi il

 26   s'agit. Une église de toute façon ne devrait jamais figurer sur une liste

 27   de cibles pour commencer. Et si l'église se trouve sur une telle liste, il

 28   doit y avoir de très, très bonnes raisons pour cela, des raisons

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  1   militaires, parce que la possibilité de départ, c'est qu'une église ne doit

  2   jamais figurer en tant qu'objectif militaire en tant que cible.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous m'avez répondu de façon

  4   extrêmement générale.

  5   La question qui se pose est de savoir est-ce que c'est vraiment une liste

  6   de cibles du HV ? Monsieur Kehoe, permettez-moi d'examiner le document, de

  7   voir de quoi il s'agit. Donc, qu'est-ce qui est écrit là ? Les tableaux des

  8   cibles identifiées --

  9   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a une raison quelconque

 11   que -- vous n'avez pas posé la question au témoin de toute façon ?

 12   M. RUSSO : [interprétation] Je dois dire que c'est un document que nous

 13   avons reçu du gouvernement croate dans le cadre de la demande de

 14   coopération. Donc, c'est un document très clair. C'est la liste de cibles.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc de l'armée croate.

 16   M. RUSSO : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a d'autres informations ?

 18   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut en discuter  -- tout

 20   d'abord, Monsieur le Témoin, est-ce que vous, vous êtes au courant de cette

 21   liste de cibles et de cette église qui s'y trouve ? Est-ce que vous avez

 22   une quelconque connaissance à ce sujet ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai pas de connaissance au sujet de

 24   cette église, l'église qui s'y trouve. En revanche, ce que je peux vous

 25   dire, je peux vous dire quelque chose sur la liste des cibles en général.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, vous nous l'avez dit. Vous

 27   avez dit que la possibilité de départ indique que l'église ne devrait pas

 28   figurer comme cible.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-il nécessaire de demander au témoin

  3   de quitter le prétoire ? Parce que ce document, il y a apparemment quelques

  4   informations que vous voulez ajouter.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Peut-être que ça va être utile. M. LE JUGE ORIE

  6   : [interprétation] Monsieur Russo, vous nous avez dit que c'est un document

  7   qui vous a été communiqué suite à la demande de coopération. Vous l'avez

  8   reçu du gouvernement croate.

  9   Monsieur Kehoe.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Oui, oui, effectivement. Il y a un petit peu

 11   plus d'information pour que tout ceci soit bien clair, et pour aider les

 12   Juges, parce que là nous sommes dans le cadre d'une discussion hautement

 13   hypothétique, et si j'ai bien compris un lieu de culte ne devrait pas

 14   représenter une cible.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   C'est au sujet de l'église ?

 17   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander aux parties de discuter

 19   à ce sujet, parce que Monsieur Kehoe, vous ne pouvez pas, avec tout le

 20   respect que je vous dois, témoigner là-dessus. Donc, je vais vous demander

 21   d'en discuter avec M. Russo, de voir s'il y a quelque chose de très

 22   particulier par rapport à cette église qui serait utile de communiquer aux

 23   Juges quand il s'agit donc de discuter de ces documents, et d'entendre ce

 24   que le témoin a à dire au sujet de ce document.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. RUSSO : [interprétation] On va poursuivre et on va continuer à analyser

 27   cette liste, et vous allez voir la troisième cible d'en bas, l'hôpital.

 28   Q.  Et là, je vous pose la même question. Vu votre expérience et votre

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  1   formation, est-ce que vous pensez qu'il est envisageable de faire figurer

  2   un hôpital parmi la liste de cibles ?

  3   R.  Je vous réponds simplement, non.

  4   Q.  Merci.

  5   M. RUSSO : [interprétation] Maintenant, je vais demander, Monsieur le

  6   Président, que la pièce 65 ter 6119 soit versée au dossier.

  7   M. KEHOE : [interprétation] M. Misetic vient de me dire quelque chose. S'il

  8   s'agit de la traduction --

  9   M. MISETIC : [interprétation] Je pense que le bureau du Procureur doit

 10   vérifier la traduction de ce document, parce que les coordonnés de chacune

 11   des cibles ne correspondent pas; et dans l'anglais il y a une coordonnée

 12   qui manque, et le résultat de cela, c'est que tous les autres numéros sont

 13   faux.

 14   Donc, je pense qu'il faut corriger cela.

 15   M. RUSSO : [interprétation] Mais ce n'est pas les coordonnées qui nous

 16   intéressent. C'est à cause de l'hôpital qui figure parmi la liste des

 17   cibles que nous demandons le versement.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais c'est peut-être important

 19   parce que les coordonnées de l'hôpital sont importantes. Et justement j'ai

 20   voulu poser la question au témoin de savoir ce que les coordonnées

 21   représentent exactement, parce que d'habitude dans un pays bas vous avez

 22   besoin de deux coordonnées. Mais on a pratiquement les mêmes coordonnées

 23   sous la lettre Z, ce qui indiquerait peut-être qu'il y a une élévation,

 24   n'est-ce pas ?

 25   Est-ce que j'ai raison ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et les coordonnées que l'on trouve ici,

 28   le système utilisé, est-ce que c'est un "grid system" ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ce n'est peut-être pas le même système

  2   que le système que nous utilisons à l'OTAN, mais de toute façon ces

  3   systèmes se ressemblent. Ils vous donnent avec précision toutes les

  4   coordonnées, l'endroit exact où se trouve quelque chose.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On va prendre en

  6   considération cela.

  7   M. KEHOE : [interprétation] Oui, très bien.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là je n'ai pas besoin de

  9   poser de questions.

 10   M. RUSSO : [interprétation] Mais je ne vois pas pourquoi alors l'original

 11   ne serait pas versé au dossier. On va attendre la traduction.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. S'il s'agit juste de la traduction,

 13   oui, effectivement. Mais il s'agit vraiment de mettre les bons chiffres aux

 14   bons endroits.

 15   Donc il n'y a pas d'objection que le document tel quel soit versé à

 16   condition, bien sûr, que la version en langue anglaise soit corrigée.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous nous

 19   donner la cote pour ce document.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1271.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P1271 est versé au dossier, mais on

 22   attend encore de recevoir une meilleure traduction de ce document.

 23   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Peut-on présenter maintenant la pièce dont le numéro 65 ter est 6210.

 25   Q.  Colonel Konings, en haut de ce document il est indiqué "Préparation en

 26   artillerie" et la durée de 630 [comme interprété] minutes et vous avez déjà

 27   déposé devant la Chambre au sujet de ce que le terme "Feux préparatifs

 28   d'artillerie" indique. Et je souhaite que l'on examine maintenant les

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  1   cibles de la préparation d'artillerie.

  2   M. RUSSO : [interprétation] Peut-on passer à la quatrième ligne -- ou

  3   plutôt la deuxième du bas du document.

  4   Q.  Et si vous pouvez voir, il y a une cible qui est indiquée comme un pâté

  5   d'immeubles résidentiels, et veuillez faire un commentaire sur la question

  6   de savoir si c'est une cible appropriée ou pas sans que l'on ait d'autres

  7   informations.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit purement d'une demande de conjecture

  9   sans que l'on donne ces références avec les cotes pour qu'il puisse le

 10   trouver lui-même car les cotes existent dans le document.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, il existe des

 12   spécifications supplémentaires telles que les cotes ou les coordonnées.

 13   Je ne pense pas qu'il soit utile de poser cette question en demandant

 14   si ça veut dire un bâtiment ou une maison. Car si avant on n'avait pas

 15   d'occasion de mieux comprendre ce sur quoi on tirait, peut-être il serait

 16   possible au moins si l'on comprend les coordonnées de voir s'il s'agissait

 17   d'un immeuble où résidaient les civils ou les officiers ou les policiers.

 18   Donc je ne pense pas qu'il soit utile de demander si la description

 19   en tant que telle qui accompagne apparemment ces cotes soit acceptable ou

 20   pas.

 21   M. RUSSO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Dans ce cas-là,

 22   je vais passer à la troisième page du document.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux demander si

 24   l'Accusation a eu l'occasion d'identifier les emplacements exacts ici pour

 25   que l'on puisse savoir ce que l'on souhaite savoir.

 26   M. RUSSO : [interprétation] On va vous fournir cela.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et dans ce cas-là, nous saurons

 28   peut-être un peu plus que ce que l'on sait maintenant.

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  1   Poursuivez, s'il vous plaît.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Une autre question -- excusez-moi, Monsieur le

  3   Président, à l'égard de ce document. Si j'ai bien compris, le bureau du

  4   Procureur a un exemplaire du document qui n'a pas été expurgé et que l'on

  5   vient de voir et qui comporte des lignes en noir. C'était la page

  6   précédente.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La page précédente. Est-ce que vous

  8   avez un exemplaire, Monsieur Russo ?

  9   M. RUSSO : [interprétation] Je vais vérifier si nous pouvons le faire.

 10   Peut-être il y a des parties qui auraient été surlignées et que nous avons

 11   photocopiées. Mais nous allons sortir l'original. Mais en même temps, je ne

 12   sais pas si ceci figure sur l'original aussi, mais je vais le sortir.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On va essayer de trouver un tel

 14   exemplaire et aussi le mettre à disposition sous forme électronique.

 15   M. RUSSO : [interprétation] Peut-on élargir un peu la version en anglais ?

 16   Q.  Encore une fois, la deuxième cible énumérée, vous verrez, Colonel

 17   Konings, c'est un hôpital, et je suppose que votre opinion au sujet de la

 18   manière appropriée ou pas reste la même concernant cette liste de cibles.

 19   M. KEHOE : [interprétation] J'ai la même objection car nous parlons de la

 20   référence comportant les cotes, et je pense que le témoin devrait répondre

 21   en fonction de cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre ne pense pas que le témoin

 23   changera d'avis.

 24   Mais encore une fois, Monsieur Russo, ici au moins apparemment nous

 25   avons l'occasion de réellement identifier sur le terrain ce dont il est

 26   question. Et par conséquent, si c'est un hôpital, peut-être nous pourrions

 27   apprendre si c'est un hôpital qui fonctionnait encore ou si c'est le

 28   bâtiment qui était utilisé en tant qu'hôpital il y a 20 ans, et qui

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  1   s'appelle encore hôpital, ou si c'est un hôpital réellement, ce que

  2   représente cet emplacement en réalité ce serait utile.

  3   M. RUSSO : [interprétation] Oui, certainement nous allons établir un lien

  4   entre cela et les éléments de preuve supplémentaires afin d'établir devant

  5   la Chambre où était situé cet hôpital en particulier.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je peux conclure que vous avez déjà

  7   déployé des efforts et que vous avez déjà essayé de constater quel était

  8   l'hôpital.

  9   M. RUSSO : [interprétation] Oui, effectivement. Mais je ne souhaite pas

 10   déposer moi-même.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ça a été fait, donc au moins vous

 12   avez une impression que c'était réellement un hôpital.

 13   M. RUSSO : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. KEHOE : [interprétation] En l'absence du témoin, je souhaite que l'on

 15   traite de cette question, ces coordonnées ont été présentées par le

 16   Procureur, et lorsque l'on dit que c'est en fait l'hôpital, je souhaite que

 17   l'on établisse un fondement de bonne foi par rapport à cette déclaration.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, je souhaite que les parties se

 19   rassemblent et voient si elles sont d'accord sur le système des cotes et

 20   des coordonnées utilisées ici, et aussi de traiter brièvement pour savoir

 21   si leurs conclusions sont les mêmes -- vous avez un avis là-dessus,

 22   Monsieur Russo. Car si les parties peuvent être d'accord sur le fait que X

 23   79300 et Y 9141 [comme interprété] et Z 230 est un emplacement spécifique,

 24   pourquoi ne pas y mettre un accord ? Pourquoi ne pas le présenter devant la

 25   Chambre afin de permettre à la Chambre soit de comprendre ou peut-être ne

 26   pas comprendre ce dont il est question.

 27   Je veux dire, Monsieur Russo --

 28   M. RUSSO : [interprétation] Oui, je le ferai avec le plus grand plaisir.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Car si j'ai bien compris, le témoin

  2   ne peut pas nous aider avec cela.

  3   Poursuivez.

  4   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite toutefois

  5   proposer le versement au dossier de la pièce dont le numéro 65 ter est

  6   6120.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et si l'on suppose que vous pourrez

  8   présenter un original entièrement visible, il n'y a pas d'objection ?

  9   M. KEHOE : [interprétation] Non. Si on a un original sans les expurgations,

 10   nous n'aurons pas d'objection.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1272.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P1272 est versé au dossier mais le

 14   bureau du Procureur va se charger de trouver un original lisible et le

 15   mettre à notre disposition.

 16   M. RUSSO : [interprétation] Je viens d'être informé du fait qu'il s'agit

 17   des parties surlignées. Donc, nous pouvons présenter une version plus

 18   lisible.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Poursuivez, Monsieur Russo.

 20   M. RUSSO : [interprétation] Merci. Peut-on maintenant présenter la pièce

 21   6128 en vertu de l'article 65 ter.

 22   Q.  Colonel Konings, c'est une carte chiffrée avec les informations

 23   différentes contenues dans les tableaux, y compris le tableau que vous

 24   voyez là, et nous y avons aussi la liste des cibles identifiées sur la

 25   carte.

 26   M. RUSSO : [interprétation] Peut-on présenter maintenant la traduction en

 27   anglais. Peut-on passer à la page 8 dans la traduction en anglais.

 28   Encore une fois, je souhaite simplement dire que le bureau du Procureur a

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  1   reçu cette carte en réponse à une requête des documents émanant des

  2   archives militaires croates.

  3   Q.  Sur cette liste des cibles, vous verrez aux numéros 10, 11, et je crois

  4   21, qu'il s'agit des postes médicaux, et je souhaite que vous nous disiez,

  5   à votre avis, s'il est approprié d'inclure les stations médicales sur la

  6   liste des cibles.

  7   R.  Tout d'abord, ma réponse sera très brève. Tout d'abord, il n'est

  8   pas indiqué s'il s'agit d'une station médicale civile ou militaire, mais

  9   peu importe, il s'agit des installations qui même dans le cadre d'une

 10   organisation militaire ne doivent pas être ciblées. Les personnes blessées

 11   y sont soignées et donc, il est interdit de les cibles, et certainement, il

 12   ne faut pas les mettre sur la liste d'artillerie.

 13   M. KEHOE : [interprétation] C'est une carte de 1993. Il s'agit d'un

 14   exercice d'entraînement qui a eu lieu en 1993, et ça n'a rien à voir avec

 15   l'opération Tempête.

 16   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, si c'est la

 17   position de la Défense.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je ne pense pas qu'il y ait

 19   en réalité une pertinence ou peut-être ça peut être impertinent pour dire

 20   que parfois les cartes continuent à être valides, parfois ce n'est pas le

 21   cas. Mais, bien sûr, la Chambre sera assistée si elle reçoit plus

 22   d'informations au sujet de cette carte. Et, bien sûr, dans la mesure dans

 23   laquelle les parties peuvent se mettre d'accord pour dire que cette carte a

 24   été établie, élaborée en 1993. Enfin, je ne sais pas.

 25   M. RUSSO : [interprétation] Dans le titre sur la carte, il est indiqué

 26   "Posko 93". J'accepte, et je suis d'accord pour dire qu'effectivement ça a

 27   été créé en 1993 pour un entraînement. Mais nous avons une information

 28   supplémentaire émanant du gouvernement croate indiquant que cette carte a

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  1   été utilisée dans l'opération Tempête.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, il faut que vous

  3   partagiez cette information avec la Défense, et la Chambre souhaite pouvoir

  4   explorer cette question de manière supplémentaire au cours de la

  5   présentation des éléments de preuve.

  6   M. RUSSO : [interprétation] D'accord, Monsieur le Président. Nous avons

  7   fourni un journal qui a été fourni à la Défense aussi, le 26 novembre par

  8   courriel, mais de toute façon, je serais heureux de réunir avec la Défense

  9   afin d'en traiter.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Je souhaite soulever deux points concernant

 11   cela et aussi les questions qui vont dans cette direction, mais peut-être

 12   il vaut mieux le faire en l'absence du témoin.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Konings, oui.

 14   Nous devons rester ici encore quelques minutes mais vous êtes libre de

 15   partir. Mais d'abord, je vais vous donner des instructions de ne pas parler

 16   avec qui que ce soit au sujet de votre déposition jusqu'à présent et la

 17   suite, et nous souhaitons vous retrouver ici à 2 heures et quart dans ce

 18   même prétoire.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 20   [Le témoin se retire]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de soulever ce point, on vous a

 22   dit que c'était une page. Mais c'est une page de la traduction ?

 23   M. RUSSO : [interprétation] Page 8, c'est dans la traduction en anglais,

 24   sur la carte, si c'est ça votre question.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'était ma question.

 26   Et, en réalité, dans l'original, c'est un document d'une page. Donc, dans

 27   l'original, nous pouvons voir ce qui s'y trouve dans la liste des cibles

 28   dans la traduction.

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  1   M. RUSSO : [interprétation] Si la Chambre peut voir, il y a plusieurs

  2   casiers dans le texte sur la carte.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lesquels, Monsieur Russo ?

  4   M. RUSSO : [interprétation] Je ne suis pas sûr mais c'est à droite de la

  5   carte.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Ceci a été traduit, y compris le texte qui

  8   figure en haut de la carte. Tout ceci a été traduit en anglais.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de trouver cela ici, en

 10   haut, à droite. C'est la partie en haut à droite du tableau. Merci.

 11   Maître Kehoe.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Je pense que sur la carte il est indiqué 1993.

 13   Si on peut montrer cela à l'écran. Donc, nous savons que ceci n'était pas

 14   pendant l'opération Tempête. Je ne sais pas si c'était utilisé comme base

 15   ou pas mais par la suite. Mais clairement, en haut, à gauche, nous voyons

 16   qu'il est dit que le général Gotovina avait le grade de brigadier, et ce

 17   n'était certainement pas le cas lors de l'opération Tempête.

 18   Mais je pense qu'une question plus vaste maintenant concerne non pas

 19   seulement l'année 1993 en haut, à droite, mais aussi par rapport à la

 20   déposition de cet expert, je dois dire qu'il n'y a pas eu d'élément de

 21   preuve indiquant que la HV ciblait les structures médicales ou des écoles,

 22   et ainsi de suite. Et si on soumet une liste des cibles, il ne faut pas

 23   oublier que ces cibles n'ont pas été visées et ainsi, on induit le témoin

 24   en erreur.

 25   Donc, si l'on donne les coordonnées pour faire conclure que l'hôpital de

 26   Knin a été pilonné, mais nous savons d'après les dépositions d'un grand

 27   nombre de témoins qui sont venus déposer ici, que cet hôpital n'a pas du

 28   tout été pilonné. Or, M. Russo soumet tout un nombre d'éléments devant ce

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  1   témoin en indiquant que tel avait été le cas.

  2   M. RUSSO : [interprétation] C'est un argument maintenant.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, ne parlez pas en même

  4   temps.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.

  6   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si vous ajoutez quelque chose je

  8   vais donner l'occasion à M. Russo de brièvement répondre, mais je souhaite

  9   que l'on respecte certaines limites dans le temps.

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 11   Si nous examinons la page 98, ligne 12, la question dans le compte rendu

 12   d'audience, il est dit : "Maintenant, vous pouvez voir sur cette liste de

 13   cibles, Colonel Konings, les cibles 10, 11 et 28" et si l'on agrandit la

 14   carte, ceci est présenté comme des stations médicales. Mais rien n'y est

 15   indiqué sur la carte pour indiquer cela, car en B/C/S, il est écrit

 16   "Stacionar u skoli", ce qui ne correspond pas du tout à cette traduction.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc c'est un problème de traduction. Il

 18   est écrit que c'est une station à l'école. Et il n'y a pas de mot "médical"

 19   d'après ce que j'ai compris.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] 10 et 11, c'est écrit "stacionar u skoli";

 21   et 28, juste "stacionar".

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que je fasse agrandir cela pour

 23   voir.

 24   Monsieur Russo, apparemment il y a un problème de traduction.

 25   M. RUSSO : [interprétation] Oui, certainement. Mais je pense que sur

 26   l'ensemble de la liste des cibles, il y a en réalité quelques entrées

 27   portant sur les dispensaires. Nous allons vérifier, peut-être les numéros

 28   sont erronés.

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  1   Mais mis à part cela, je ne suis pas sûr ce à quoi je dois répondre. Je ne

  2   suis pas sûr si c'est une objection à cette pièce à conviction que M. Kehoe

  3   soulevait.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Je vais clarifier. Quand il s'agit des attaques

  5   d'artillerie sur l'hôpital, le Procureur sait que ça ce ne sont pas les

  6   coordonnées, les cotes de l'hôpital de Knin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'est autre chose, d'accord, mais

  8   nous n'avons pas besoin de décider tout de suite.

  9   Vous pouvez vous asseoir et voir dans quelles mesures vous pouvez vous

 10   mettre d'accord sur la signification de ces cotes et ces coordonnées. Et si

 11   vous n'arrivez pas à un résultat suite à ces discussions, nous allons

 12   trancher. De toute façon, on va essayer de voir si l'on peut s'en tenir aux

 13   faits, dans la mesure du possible, par rapport aux informations concrètes

 14   qui se trouvent dans ce document.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] M. Russo a été très précis par rapport aux

 16   points 10, 11, et 28. Dans la traduction, on peut lire  "les dispensaires";

 17   dans l'original, on ne parle pas des dispensaires.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais très bien. On a déjà dit qu'ils

 19   étaient stationnés à l'école.

 20   Mais il faudrait que l'on voie s'il y a une signification particulière de

 21   ce mot et pourquoi ce mot a été traduit comme il a été traduit.

 22   Donc vous devrez demander des éclaircissements, une nouvelle traduction.

 23   Peut-être avez-vous déjà inclus ces références à d'autres dispensaires,

 24   donc il ne faudrait pas qu'on se retrouve dans la même situation. Donc

 25   essayez de vérifier cela. Puis vous devez peut-être vérifier avec M.

 26   Kuzmanovic, et Monsieur Kehoe, évidemment, dans quelles mesures vous pouvez

 27   arriver à un accord.

 28   M. RUSSO : [interprétation] Très bien, je vais demander que cette pièce

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  1   6128 soit versée au dossier, même si je ne suis pas tout à fait sûr au

  2   sujet de la portée des objections. Parce que le témoin a bien dit, quand

  3   quelque chose figure sur la liste des cibles et sur la carte, que l'on tire

  4   ou non là-dessus, sur cette cible, ce n'est pas important. Ce qui est

  5   important, c'est qu'on a prévu de tirer là-dessus. On n'a pas besoin de

  6   prouver qu'on ait ou qu'on n'ait pas tiré là-dessus, et que finalement un

  7   projectile a percuté cet endroit. Ce n'est absolument pas important. Ce

  8   n'est absolument pas important. Ce n'est pas important de savoir si les

  9   projectiles ont vraiment percuté l'hôpital.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Là se pose une question très, très

 11   intéressante, parce que le Procureur sait que quand il a visité Knin, ils

 12   ont bien vu que l'église orthodoxe était entière alors que l'église

 13   catholique était détruite avant les débuts de l'opération, et on n'a jamais

 14   dit cela au témoin.

 15   M. RUSSO : [interprétation] Effectivement, on ne l'a pas dit, parce que ce

 16   n'est pas pertinent.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez quoi. Moi, je pense que vous

 18   avez besoin d'une soirée, là. Les deux, tous les deux, pour réfléchir. Et

 19   puis demain on verra où on en est. Cela va nous donner la possibilité de

 20   nous remettre de toutes ces émotions.

 21   Parce que quand M. Kehoe fait : Oh mon dieu, oh mon dieu, alors qu'on est

 22   en train de parler des églises, même dans ce contexte, je pense que ce

 23   n'est vraiment pas approprié.

 24   Nous levons la séance, et je m'excuse auprès des interprètes et auprès de

 25   toutes les personnes présentes dans ce prétoire, parce que nous avons

 26   dépassé de dix minutes le temps qui nous a été alloué.

 27   --- L'audience est levée à 19 heures 10 et reprendra le jeudi 15 janvier

 28   2009, à 14 heures 15.