Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 29 mai 2009

  2   [Déclaration liminaire de la Défense Markac]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Markac est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 11.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous présente nos excuses pour ce

  8   retard tardif, on avait quelques questions pratiques dont on voulait

  9   s'occuper.

 10   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

 12   toutes les personnes présentes dans ce prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-

 13   06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et consorts.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais tout d'abord traiter de

 15   quelques questions de procédure. Hier soir, c'était assez tard, Monsieur

 16   Mikulicic, il y a eu une demande de la part de la Défense Markac demandant

 17   que M. Markac ne vienne pas aujourd'hui dans le prétoire pour des raisons

 18   personnelles. Nous avons accordé ce droit à M. Markac qui donc n'est pas

 19   présent aujourd'hui.

 20   Les parties, on leur a demandé de se mettre d'accord sur la pertinence et

 21   le volume des éléments à verser en vertu de l'article 92 ter.

 22   Monsieur Misetic, est-ce qu'un accord a été fait à ce sujet ?

 23   M. HEDARALY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 24   M. MISETIC : [interprétation] C'est notre témoin, donc laissez-moi en

 25   premier --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Misetic.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Nous, nous sommes d'accord que la Défense

 28   Gotovina va verser la déclaration préalable en tant que document 92 ter.

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  1   Nous allons aussi verser les extraits du procès Milosevic, de sa déposition

  2   dans son procès, et nous allons envoyer un e-mail aux parties sous sa forme

  3   PDF pour que ceci soit plus facile à lire. Et il s'agit là de 30 à 40

  4   pages.

  5   Il y a un point de désaccord, à savoir que nous sommes inquiets du

  6   fait qu'avec l'attestation 92 ter, bien, dans cette mesure-là nous

  7   demandons aussi à verser le transcript en entier de l'affaire Milosevic

  8   pour mettre en contexte sa déposition, car il y a eu des corrections au

  9   compte rendu d'audience, et maintenant en versant tout ceci au dossier, ces

 10   corrections vont pouvoir être prises en compte.

 11   C'est pour cette raison que j'ai demandé que l'on ajoute le compte

 12   rendu d'audience de l'affaire Milosevic, qui soit clarifie, soit contredit

 13   quelques éléments se trouvant dans la déclaration 92 bis de ce témoin.

 14   Parce qu'on ne voudrait pas que le témoin soit récusé en quelque sorte par

 15   ce qui est écrit dans ce transcript de l'affaire Milosevic.

 16   C'est pour cela que nous avons demandé de verser l'intégralité de ce

 17   compte rendu. Le Procureur n'était pas d'accord là-dessus, donc nous

 18   souhaitons tout de même réserver le droit d'ajouter cela dans le versement

 19   au dossier en vertu de l'article 92 ter.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly.

 21   M. HEDARALY : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, hier

 22   nous avons discuté avec la Défense Gotovina, ils étaient d'accord de verser

 23   36 pages du transcript de l'affaire Milosevic. Je ne les ai pas lues,

 24   puisque M. Misetic avait à l'époque proposé de les envoyer par e-mail.

 25   Normalement il s'agissait de 36 pages.

 26   En ce qui concerne ce dernier point qui a été soulevé par M. Misetic, bien,

 27   nous considérons qu'à partir du moment où le témoin  a certifié que ce

 28   qu'il a dit dans l'affaire Milosevic correspond à la vérité, bien, ceci

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  1   s'applique au compte rendu en entier de cette déposition. Et nous pouvons

  2   donc verser uniquement des portions de ce compte rendu, ce qui nous évite

  3   toute récusation éventuelle ou des difficultés.

  4   Moi, j'ai dit à M. Misetic je n'ai rien [inaudible] question pratique, mais

  5   je lui ai dit quel était mon point de vue. Je n'ai pas vraiment compris

  6   quel était son problème. Mais ceci ne nous pose pas de problème, ceci ne me

  7   pose pas de problème que le témoin dans sa déclaration couvre l'intégralité

  8   du compte rendu d'audience de l'affaire Milosevic et que certaines

  9   positions[comme interprété] de ce compte rendu soient versées avec 92 ter.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, cette attestation va couvrir un

 11   champ plus large que ce qui va figurer au compte rendu d'audience --

 12   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- donc nous allons en accepter tout

 14   cela.

 15   Attendez que je vérifie.

 16   Il semblerait que si l'on ne dit rien d'autre à ce sujet, que tout va

 17   bien se passer, et si ce n'est pas le cas, bien, on va vous aider pour vous

 18   remettre sur le droit chemin.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Cela ne me pose pas de problème. J'ai voulu

 20   tout simplement m'assurer que vous étiez d'accord avec cela. Donc si vous

 21   acceptez la procédure telle quelle, bien, je l'accepte bien évidemment.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, à partir du moment où le témoin

 23   s'engage à dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité, et ceci

 24   s'applique à tout, bien, il n'y a pas de problème. Je pense que ceci ne

 25   viole le droit de qui que ce soit. C'est ce que je pense à première vue.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc là, nous avons un accord

 28   qui est couché au compte rendu d'audience.

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  1   Nous allons entendre quelles sont les pages, donc 36 pages apparemment, si

  2   j'ai bien compris.

  3   Et maintenant, le prochain point à l'ordre du jour, à savoir Monsieur

  4   Waespi, votre argument par rapport au sauf-conduit qui est demandé pour le

  5   témoin AG-20.

  6   M. WAESPI : [interprétation] Cela ne me pose pas de problème, pas au bureau

  7   du Procureur, en tout cas.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Bien, nous allons vous

  9   communiquer notre décision en temps voulu. Nous avons déjà entendu les

 10   autres équipes de la Défense qui ont renoncé à leur droit de répondre à

 11   cette requête.

 12   Maintenant, Monsieur Mikulicic, c'est à vous de commencer votre propos

 13   liminaire.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Bonjour, Monsieur le Président, bonjour à toutes les personnes ici

 16   présentes. Je voudrais tout d'abord m'excuser de vous avoir informé très

 17   tardivement de la demande formulée par mon client. Je vous remercie de

 18   l'avoir prise en compte.

 19   Monsieur le Président, avec votre permission, je vais parler en croate,

 20   c'est ma langue maternelle, et je pense que je m'exprimerai mieux en

 21   parlant croate. Je vous remercie.

 22   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, dans l'acte d'accusation

 23   qui a été dressé à son encontre, mon client a été mis en accusation par le

 24   Procureur en tant qu'auteur présumé des actes criminels les plus graves, et

 25   notamment cinq chefs, crimes contre l'humanité relevant de l'article 5 du

 26   Statut du Tribunal; et dans quatre chefs, infraction grave aux droits et

 27   coutumes de la guerre relevant de l'article 3 du Statut du Tribunal.

 28   Mon client est également accusé avec d'autres coaccusés d'avoir participé

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  1   dans le cadre de la commission des crimes qui lui sont imputés à une

  2   entreprise criminelle commune, aux côtés de plusieurs coauteurs dont

  3   certains sont identifiés par leurs noms, mais d'autres sont désignés dans

  4   l'acte d'accusation par les termes personnes connues et inconnues. Je dois

  5   dire que depuis 35 ans que je pratique le droit, c'est la première fois que

  6   je vois des accusations formulées de la sorte. C'est la première fois que

  7   je trouve de telles désignations dans un acte d'accusation. Mais il n'est

  8   jamais trop tard pour apprendre. Même si la tâche de la Défense est rendue

  9   un peu plus ardue s'agissant de préparer, exposer de façon convaincante et

 10   raisonnable la thèse qui lui permettra de contrer celle du Procureur

 11   puisqu'on lui oppose une collaboration avec des personnes inconnues, la

 12   Défense montrera dans la suite des débats qu'une collaboration de ce genre

 13   n'a tout simplement jamais existé. Elle le fera sans prétendre de découvrir

 14   le nom de ces coauteurs inconnus, car nous affirmons tout simplement qu'ils

 15   n'existent pas.

 16   Le général Markac est une personne de haute valeur morale, un professionnel

 17   consciencieux, un mari et un père investi, un membre respectable de la

 18   communauté. C'est quelqu'un dont la réputation est sans tache sur le plan

 19   personnel et professionnel, une personne dénouée du moindre préjugé

 20   politique, religieux, racial ou autre, qui eut pu servir de catalyseur ou

 21   de mobile à un présumé comportement criminel. J'affirme de la façon la plus

 22   ferme qui soit que le client n'a commis acte criminel. Nous le démontrerons

 23   pendant la présentation de nos moyens de preuve à décharge devant les Juges

 24   de cette Chambre.

 25   La Défense montrera que les charges retenues dans l'acte d'accusation

 26   ne reposent sur aucun élément de preuve pertinent ou véritable et que la

 27   norme de droit selon laquelle un doute raisonnable doit exister pour qu'une

 28   personne puisse être condamnée au titre de sa responsabilité pénale

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  1   individuelle n'a pas été respectée à l'issue de la procédure menée jusqu'à

  2   présent devant cette Chambre.

  3   Dans son acte d'accusation, le Procureur englobe toutes les charges

  4   retenues contre l'accusé dans l'expression fourre-tout d'entreprise

  5   criminelle commune. Cette façon de structurer son acte d'accusation place

  6   le Procureur dans une position privilégiée apparemment puisqu'il n'a plus

  7   besoin de se fatiguer, pour ainsi dire, à apporter la preuve de l'existence

  8   d'un lien entre l'acte criminel et l'action de l'accusé. Cette approche

  9   large avait une raison très simple d'après la Défense; le manque de moyens

 10   de preuve pertinents qui indiquerait qu'il existe un lien entre l'accusé et

 11   les actes qui auraient été perpétrés et leurs auteurs.

 12   L'ex-Yougoslavie socialiste avait une façon assez comparable de

 13   structurer ces actes d'accusation quand il s'agissait de poursuivre les

 14   dissidents politiques. En effet, ces actes d'accusation débutaient par un

 15   préambule dans lequel était décrite l'intention criminelle de l'accusé,

 16   désireux de détruire le système des valeurs socialistes, puis détaillait

 17   dans la suite du texte de cet acte d'accusation la série d'événements qui

 18   aurait résulté de l'intention criminelle que l'accusé était censé avoir

 19   nourri dès le départ.

 20   Il va de soi que la désintégration de l'ex-Yougoslavie a fait

 21   disparaître de telles normes et une telle pratique en droit pénal. Le

 22   nouveau système pénal entré en vigueur après la désintégration de l'ex-

 23   Yougoslavie et adopté par les pays qui en découlent, ils ont adopté des

 24   têtes législatives à un système judiciaire conforme à la doctrine la plus

 25   évoluée, qui s'applique dans le monde entier, le système judiciaire

 26   démocratique. Car il s'agit d'insister sur la responsabilité pénale

 27   individuelle sans présomption de culpabilité. Il s'agit uniquement

 28   d'établir une responsabilité pénale établie de façon objective.

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  1   Je suis sûr que les Juges de la Chambre de première instance vont

  2   utiliser les mêmes critères. C'est pour cela que je suis convaincu que ces

  3   incriminations qui se trouvent dans l'acte d'accusation portant sur la

  4   participation à entreprise criminelle commune, qui sont exprimées

  5   globalement, tout simplement ne correspondent ni aux faits ni aux tendances

  6   de l'évolution du droit pénal contemporain et de la jurisprudence.

  7   Au cours de la présentation de nos moyens de preuve, nous allons démontrer

  8   qu'il n'est pas possible et qu'il est complètement erroné de faire des

  9   conclusions sur les motifs du comportement de l'accusé en fondant la

 10   conclusion portant sur l'existence du mens rea uniquement sur les

 11   conséquences, ou plutôt, sur le fait qu'en réalité, pendant la période

 12   concernée, sur le territoire concerné par l'acte d'accusation, il y a eu

 13   davantage de crimes de commis. Nous exposerons tous les efforts déployés

 14   par l'Etat et l'administration croate pour prévenir, juger et sanctionner

 15   les auteurs de ces actes criminels.

 16   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, pour examiner la

 17   responsabilité pénale individuelle d'une personne, il importe aux yeux de

 18   la Défense d'accorder une attention particulière au contexte historique et

 19   sociologique dans lequel a évoqué cet auteur présumé d'acte criminel et

 20   dans lequel les crimes ont été commis. La Défense montrera que l'Etat de

 21   Croatie a bien pris en compte le contexte général qui sous-tendait les

 22   événements de l'époque. Elle montrera que cet Etat a déployé d'énormes

 23   efforts pour avoir créer un nouveau système judiciaire dans le territoire

 24   nouvellement libéré et qu'une telle démarche de la part de l'Etat croate ne

 25   peut en aucun cas être considérée comme ayant été motivée par la volonté de

 26   mettre en pratique le prétendu plan criminel auquel le général Markac est

 27   censé avoir participé d'après l'acte d'accusation.

 28   La Défense montrera que dans la période qui intéresse la Chambre,

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  1   l'Etat de Croatie a consenti des efforts énormes sur le plan financier et

  2   en matière d'organisation, alors même que la guerre lui imposait une

  3   situation économique particulièrement dégradée. Ceci a été provoqué par les

  4   actions de l'ex-JNA et les rebelles serbes. Je vais vous donner un exemple

  5   qui date de 1999. La Croatie a enregistré un déficit de 236,4 milliards de

  6   kuna, soit près de 32 milliards d'euros, correspondant aux dommages de

  7   guerre. L'Etat croate a financièrement subvenu aux besoins d'un très grand

  8   nombre de personnes déplacées et de réfugiés, de sorte qu'il a dû prendre

  9   en charge au début de l'année 1992 sur le territoire libre de la République

 10   de Croatie, plus de 500 personnes déplacées et réfugiées. Par la suite ce

 11   nombre a même atteint 750 000 personnes déplacées et réfugiées.

 12   Selon le recensement de 1991, la Croatie avait une population de 4,5

 13   millions de personnes. Ceci illustre l'importance proportionnelle d'un tel

 14   afflux de réfugiés et de personnes déplacées par rapport à l'ensemble de la

 15   population. Tout cela s'est passé à un moment où 26,5 % du territoire de la

 16   République de Croatie était occupé alors que celle-ci déployait d'immenses

 17   efforts pour créer et équiper ses forces militaires et policières en dépit

 18   du blocus strict décrété par la communauté internationale sur les

 19   approvisionnements en équipement militaire et en armes. De surcroît, tout

 20   cela s'est passé au moment où la République de Croatie s'efforçait de

 21   mettre en place un gouvernement dans le territoire qui avait été

 22   internationalement reconnu comme le sien. Etant membre de l'ONU, la

 23   République de Croatie devait, en vertu du droit international, créer un

 24   système judiciaire national propre dans le territoire internationalement

 25   reconnu comme le sien. Elle devait aussi, sur ce territoire national, faire

 26   respecter les droits, l'ordre public, la paix et instaurer les conditions

 27   d'existence égales pour tous ses citoyens, comme pour tous les

 28   ressortissants d'autres pays résidant sur son territoire.

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  1   La Défense va donc montrer qu'à l'occasion de la libération des territoires

  2   occupés de la République de Croatie, ses forces armées ont agi au nom et

  3   avec l'autorisation de cet Etat souverain internationalement reconnu.

  4   Dans les territoires libérés, la République Croatie, où la population

  5   locale serbe avait créé, au mépris de la constitution, se qui ressemblait

  6   fort à un Etat, un quasi Etat. La République de Croatie a mis en place son

  7   propre ordre constitutionnel sur ce territoire, son propre système

  8   judiciaire national et international en respectant le droit international.

  9   Ce système englobait tous les droits et devoirs décrits dans la

 10   constitution de la République croate, ainsi que dans les textes

 11   internationaux adoptés et ratifiés par elle. Comme elle a déjà annoncé, la

 12   Défense montrera que, ce faisant, la République de Croatie a respecté le

 13   principe de proportionnalité prévu par les droits international et

 14   national, eu égard à l'engagement des forces armées en cas d'urgence. Ce

 15   qui prouve les faits qu'elle n'a pas recouru à la force dans les

 16   territoires où les dirigeants de ce qui est convenu d'appeler la République

 17   serbe de la Krajina ont accepté une réintégration pacifique qui s'est

 18   achevée à la fin de l'année 1997.

 19   La Défense décrira les efforts diplomatiques qui ont été déployés par la

 20   République de Croatie afin de ramener pacifiquement les territoires occupés

 21   dans le cadre étatique et judiciaire créés par elle. Dans certain cas, là

 22   où les dirigeants serbes locaux ont fait preuve de raison et de réalisme,

 23   la réintégration s'est effectuée grâce à des accords pacifiques. Mais dans

 24   d'autres endroits, il a fallu recourir à l'action de l'armée et de la

 25   police en raison de l'échec de tous les pourparlers provoqués par

 26   l'attitude déraisonnable, irréaliste des autorités locales serbes. En bref,

 27   la Défense montrera que la République de Croatie s'est efforcée de

 28   réintégrer les territoires occupés sans recourir à la force en s'appuyant

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  1   sur la nouvelle législation mise en œuvre, en dépit du fait que

  2   l'artillerie de la Republika serbe de Krajina, de façon quotidienne et non

  3   sélective, pilonnait les villes croates par rapport à la portée de son

  4   artillerie; à savoir Osijek, Slavonski Brod, Nova Gradiska, Sisak,

  5   Karlovac, Ogulin, Gospic, Otocac, Sibenik, Zadar, Dubrovnik, et même la

  6   capitale, Zagreb.

  7   De nombreux civils ont été tués. Des dégâts matériels ont été énormes,

  8   dégâts économiques également. Le Procureur est parfaitement au courant de

  9   cela, et là je fais référence à l'affaire Martic qui a été jugée par cette

 10   Institution. Mais en dépit de ce pilonnage, les citoyens croates n'ont pas

 11   quitté leurs foyers en dépit de ce pilonnage à grande échelle. La

 12   République de Croatie avait voté une nouvelle loi constitutionnelle dès la

 13   mi-1992 en changeant la constitution. Cette loi définissait les droits

 14   humains et les libertés dont jouissait la population, mais aussi les droits

 15   des minorités ethniques présentes sur son territoire. Selon ces

 16   dispositions, on a créé deux zones distinctes avec un statut d'autonomie

 17   particulier; il s'agissait du district de Knin et de Glina, majoritairement

 18   peuplé de Serbes. Ainsi les citoyens serbes du cru se voyaient octroyer une

 19   certaine forme d'autonomie et de souveraineté au sein de la République de

 20   Croatie. Les dirigeants serbes locaux ont rejeté cette initiative, tout

 21   comme ils ont rejeté le plan Z-4 proposé par la communauté internationale,

 22   ce plan qui octroyait ce qu'il est convenu d'appeler la République serbe de

 23   Krajina, nombre d'attributs d'un Etat et une souveraineté importante,

 24   notamment une administration, un drapeau, une devise, une police qui lui

 25   sera propre.

 26   Dans le même ordre d'idées, la Défense montrera quelles sont les

 27   décisions qui ont été prises par la République de Croatie sur le plan

 28   judiciaire vis-à-vis de ceux qui ont participé à la rébellion armée des

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  1   Serbes locaux contre l'Etat croate et ses lois. La Défense présentera la

  2   Loi d'amnistie de 1992 qui a été prolongée par la Loi de l'annulation de

  3   toute poursuite judiciaire votée en 1995. Conformément à ces deux lois, la

  4   justice de la République de Croatie ne peut poursuivre que les auteurs qui

  5   auraient commis des crimes de guerre, ce qui constituera un devoir pour

  6   tout Etat respectueux du droit pénal international. Mais personne d'autre,

  7   comme par exemple les insurgés serbes locaux, les membres de l'ancienne

  8   armée du peuple yougoslave, et tous ceux qui auraient pris des armes contre

  9   la République de Croatie et qui auraient commis des crimes dans le cadre du

 10   droit pénal de la République de Croatie. Ils se verraient tous dans une

 11   situation où il serait impossible de poursuivre une action à l'encontre de

 12   ces personnes.

 13   De même, la Défense montrera que la République de Croatie a aussi déployé

 14   des efforts importants pour réintégrer les territoires occupés dans le

 15   giron de l'Etat croate. Fin 1994, un plan économique a été signé avec la

 16   République serbe de Krajina pour convaincre les dirigeants des insurgés

 17   serbes de la nécessité d'une réintégration pacifique et éviter le recours à

 18   la force armée par les forces armées croates.

 19   La Défense exposera ces faits aux Juges de la Chambre en leur soumettant de

 20   nombreux documents et témoignages qui attesteront de l'inexistence d'une

 21   quelconque entreprise criminelle commune de la part des plus hautes

 22   instances administratives de l'Etat croate, comme cela est indiqué dans

 23   l'acte d'accusation, et que l'accusé n'est pas pénalement responsable

 24   d'avoir participé à ces entreprises criminelles.

 25   L'une des bases fondamentales de cet acte d'accusation est la campagne

 26   orchestrée visant à faire partir la population serbe pendant et après

 27   l'opération Tempête. C'est là un fait incontestable, Messieurs et Madame le

 28   Juge, que les ressortissants serbes qui peuplaient majoritairement le

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  1   territoire de ce qu'il est convenu d'appeler la République serbe de

  2   Krajina, ont quitté le territoire en laissant derrière eux leurs

  3   habitations et leurs biens. Le Procureur affirme que l'exode des Serbes est

  4   la conséquence d'un comportement criminel des autorités croates et des

  5   accusés ayant participé à cette politique.

  6   Néanmoins, ce même Procureur cite dans l'acte d'accusation dressé contre

  7   Milan Martic - et je fais là référence au paragraphe 85 - qui indique que

  8   Milan Martic lui-même, en 1991, lui avait en personne rapporté que la

  9   population serbe se disait prête et désireuse de ne plus vivre en Croatie,

 10   et que les Serbes de Krajina souhaitaient vivre dans un Etat qu'ils

 11   partageraient avec d'autres serbes. En outre, dans ce même acte

 12   d'accusation au paragraphe 94, le Procureur cite une lettre envoyée par

 13   Milan Babic à la conférence de paix de La Haye le 5 septembre 1991, dans

 14   laquelle il était dit que la population serbe de Krajina avait décidé

 15   d'exercer sa souveraineté dans un Etat où résideraient également d'autres

 16   Serbes des Balkans. A l'évidence, ceci concernait un plan visant à

 17   instaurer une Grande-Serbie, et non un Etat croate souverain. Il est clair

 18   que la thèse défendue par le Procureur selon laquelle le gouvernement

 19   croate serait responsable du départ des Serbes de la Krajina n'est tout

 20   simplement pas exacte et ne correspond pas à la réalité des faits. Bien que

 21   le Procureur soit clairement conscient de la réalité et du mécanisme qui

 22   ont provoqué le départ des Serbes, il aurait donc dû être possible pour les

 23   parties de conclure un accord sur ces faits. Mais en l'absence d'un tel

 24   accord, la Défense montrera et démontrera au cours du procès que le départ

 25   massif de la population serbe du territoire croate occupé de façon

 26   temporaire était le résultat de l'idéologie politique défendue par les

 27   autorités de la Krajina, et que ce départ avait été préparé méticuleusement

 28   et avait été organisé soigneusement, car c'était une option politique dans

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  1   l'hypothèse d'une réintégration des territoires de Krajina dans l'Etat de

  2   la République de Croatie.

  3   Nous démontrerons également que les plans d'évacuation de la population

  4   existaient déjà en 1993. Et cette option politique des autorités de Krajina

  5   constituait une illustration concrète du fait que les dirigeants serbes

  6   avaient largement adopté l'idéologie politique défendue par le régime

  7   dirigé par Slobodan Milosevic, qui était le premier à avoir formulé et

  8   appliqué l'idéologie politique serbe stipulant "tous les Serbes dans un

  9   seul et même Etat."

 10   Les responsables politiques serbes ont adopté le même comportement vis-à-

 11   vis de la population serbe en Croatie pendant la réintégration pacifique de

 12   la région de Podunavlje et pendant la réintégration du territoire de

 13   Sarajevo et autour de Sarajevo et pendant la réintégration du territoire du

 14   Kosovo par la suite. Dans tous ces cas, soit sous l'effet d'une action de

 15   la communauté internationale ou suite à des pourparlers et des négociations

 16   bilatérales ou même à une intervention de l'armée ou de la police, en

 17   d'autres termes, lorsque les entités quasi étatiques créées par les Serbes

 18   ont été démantelées, le résultat a toujours été un exode organisé de la

 19   population serbe lorsque l'option politique avait échoué, à savoir la

 20   création d'une entité serbe dans un Etat dit indépendant et ayant toutes

 21   les caractéristiques d'un Etat soit une entité serbe indépendante promise à

 22   une intégration future au sein d'une Grande-Serbie. Il y a toujours eu un

 23   exode massif de ces populations.

 24   Et la Défense démontrera également que les dirigeants serbes de

 25   Krajina, tout au long de la période de l'occupation et de la mise en place

 26   d'un gouvernement illégale, n'ont cessé d'endoctriner la population en

 27   affirmant que le gouvernement croate était de nature oustachi et

 28   génocidaire, instillant ainsi chez les Serbes de la Krajina un sentiment de

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  1   crainte et d'anxiété à l'égard du gouvernement croate, ainsi qu'un

  2   sentiment de haine à l'égard de tous les Serbes de la Krajina dans le cadre

  3   de la propagande menée par les autorités.

  4   Dans un climat de peur et de haine, comme celui qui régnait et qui

  5   était imposé aux Serbes de la Krajina par la propagande de leur

  6   gouvernement, le succès remporté par l'action de l'armée et de la police

  7   croate était vécu comme un danger direct pour la vie et l'existence de la

  8   population. Ceci a été particulièrement vrai pour tous ceux qui avaient

  9   commis des crimes contre les membres de la minorité croate en Krajina.

 10   Après l'opération Tempête, en septembre 1995, un grand nombre de

 11   Croates ont été expulsés de la République de Bosnie-Herzégovine et la

 12   République de Croatie a été obligée de loger provisoirement ces personnes

 13   expulsées dans les foyers, les maisons des Serbes de Krajina qui les

 14   avaient abandonnées parce qu'il n'y avait pas d'autres logements

 15   disponibles.

 16   La Défense montrera à travers des exemples, qu'en juillet 1995, sur

 17   le territoire de la République de Croatie, il y avait 385 000 personnes et

 18   réfugiés.

 19   Madame, Monsieur les Juges, Monsieur le Président, dans le cadre d'un

 20   argument supplémentaire qui sera avancé par la Défense concernant

 21   l'expulsion préméditée de la population serbe du territoire de la Krajina

 22   par le gouvernement croate, elle montrera que la population serbe qui

 23   s'était enfuie pendant et avant l'opération Tempête, a commencé à retourner

 24   dans ses foyers une fois l'action terminée. Tout d'abord sur un plan

 25   individuel, puis de façon organisée, et tout ceci avec le consentement des

 26   autorités croates qui avaient remis à ceux qui revenaient dans le

 27   territoire les documents croates nécessaires, et ce, dans le cadre d'un

 28   effort organisé.

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  1   Le retour de la population serbe dans les territoires de Krajina est

  2   un processus continu qui ne pourrait et qui ne pouvait être achevé aussi

  3   rapidement qu'avait été organisé leur départ de la Krajina. Ce processus de

  4   retour est une question particulièrement complexe qui n'est pas uniquement

  5   de la compétence des autorités croates, mais qui est tout d'abord et avant

  6   tout une question d'accord interEtat et une action commune coordonnée par

  7   les Républiques de Croatie, de Bosnie-Herzégovine et de Serbie dans les

  8   territoires desquels la population qui s'était enfuie avait trouvé  un

  9   refuge temporaire en raison des opérations de guerre sur le territoire de

 10   l'ancienne Yougoslavie, ce refuge temporaire s'était souvent transformé en

 11   refuge permanent.

 12   La Défense montrera et prouvera les efforts des autorités croates

 13   pour permettre et encourager le retour des réfugiés et démontrera également

 14   qu'en l'an 2000, près de 245 000 réfugiés étaient retournés sur le

 15   territoire de la République de Croatie, parmi lesquels 122 500 Serbes ou

 16   réfugiés d'origine serbe qui s'étaient enfuis suite aux opérations Tempête

 17   et Flash. Ces faits que la Défense démontrera devant la Cour confirmeront

 18   la thèse selon laquelle il n'y avait pas d'intention de la part des

 19   autorités croates d'expulser de façon permanente des citoyens d'origine

 20   serbe de la République de Croatie. Parce que si ce que stipule l'Accusation

 21   avait été correct, alors les autorités croates n'auraient certainement pas

 22   permis sur le plan législatif ou logistique le retour d'un nombre aussi

 23   important de Serbes dans les foyers et les habitations qu'ils avaient

 24   abandonnées un petit peu plus tôt en République de Croatie.

 25   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le général Markac, au

 26   cours de la période couverte par l'acte d'accusation, était commandant des

 27   forces conjointes de la police spéciale de la République de Croatie et du

 28   ministère de l'Intérieur qui avait été mis en place pour participer à

Page 17852

  1   l'opération Tempête. La Défense démontrera que le rôle de la police

  2   spéciale dans l'opération Tempête avait un objectif bien particulier en

  3   conformité avec les compétences et la formation spéciale qu'avaient suivi

  4   les membres de la police spéciale. Le rôle des forces spéciales et de la

  5   police spéciale et des militaires était défini par l'état-major principal

  6   des forces armées de la RH auquel étaient subordonnées de façon ad hoc des

  7   forces spéciales du ministère de l'Intérieur avec la probation et moyennant

  8   un accord entre les ministres de l'Intérieur et de la Défense de la

  9   République de Croatie. Une telle solution concernant le rôle joué par la

 10   police spéciale a été mise en place par le commandant en chef des forces

 11   armées de la RH, le président Tudjman lui-même.

 12   Les forces spéciales avaient pour tâche de s'avancer et de s'engager

 13   dans des combats dans les terrains montagneux les plus durs sur le mont

 14   Velebit, là où l'ennemi ne s'attendait pas à une attaque. La Défense

 15   démontrera que les forces spéciales avaient pour tâche de s'engager dans

 16   des activités de combat et d'avancer le long d'axes clairement définis sans

 17   avoir à mettre en place un ordre public dans le territoire libéré grâce à

 18   leurs actions. La Défense démontrera qu'après la libération des territoires

 19   préalablement occupés, les autorités croates, dans un laps de temps court,

 20   ont mis en place leur propre administration en créant une administration de

 21   la police et --

 22   La Défense démontrera également que les forces spéciales avaient

 23   certaines tâches à accomplir dans le cadre des combats, et la tâche

 24   d'avancer le long de ces axes prédéfinis, et que les commandants des

 25   districts militaires de l'armée croate n'avaient aucun pouvoir et ne

 26   pouvaient émettre d'ordre à l'attention des membres de la police spéciale,

 27   qui ne recevaient leurs ordres que du chef de l'état-major principal de

 28   l'armée croate, et cet état-major commandait l'opération Tempête.

Page 17853

  1   La Défense démontrera que le général Markac n'a pas participé à la

  2   planification de l'opération Tempête, l'opération militaire Tempête, au

  3   sein de l'état-major principal et que, de ce fait, il n'a pas participé à

  4   la planification de l'utilisation d'une artillerie stratégique de la HV ni

  5   à l'identification de cibles d'artillerie dans les lignes arrières de

  6   l'ennemi. De la même façon, la Défense démontrera que le soutien de

  7   l'artillerie aux forces de police spéciale le long de l'axe de combat des

  8   forces conjointes avait également été ordonné par le chef de l'état-major

  9   principal de l'armée croate, en conformité avec des cibles d'artillerie

 10   stratégiques qui avaient été identifiées au préalable et/ou l'artillerie a

 11   apporté son soutien à la demande ad hoc des commandants des forces de

 12   police spéciale. L'utilisation de l'artillerie d'infanterie - et c'était là

 13   un élément de la police spéciale contre des points ennemis de résistance au

 14   cours du combat - était décidée de façon autonome par les commandants de la

 15   police spéciale sur leur axe de combat et leur axe d'avancement.

 16   La Défense démontrera qu'il n'y avait pas d'utilisation

 17   disproportionnée ou indiscriminée de l'artillerie tout au long des

 18   opérations de combat ni dans la préparation de l'exécution de l'opération

 19   Tempête. Au cours des préparatifs de cette opération, l'artillerie a été

 20   utilisée contre des cibles militaires préalablement identifiées en partant

 21   d'informations et de renseignements concernant le déploiement ennemi et les

 22   forces ennemies. Au cours du combat lui-même, des tirs d'artillerie ont été

 23   tirés contre des points de résistance ennemie en conformité avec des

 24   informations que les tireurs avaient reçues des personnes sur le terrain ou

 25   de commandants situés dans des axes d'attaque spécifiques.

 26   Nous montrerons devant cette Cour que la quantité de munitions

 27   utilisées pendant l'opération Tempête était considérablement inférieure à

 28   ce qui est normalement utilisé par les armées membres de l'alliance de

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  1   l'OTAN ou ce qui était utilisé par l'ancienne JNA ou par les armées membres

  2   de l'ancien pacte de Varsovie. L'Accusation, stipulant que les tirs

  3   d'artillerie des forces militaires et des forces de la police croate

  4   avaient été utilisés de façon indiscriminée pour intimider la population

  5   civile, n'est pas cohérente avec les faits et n'est tout simplement pas

  6   exacte. La population civile de Krajina n'a jamais été la cible de

  7   l'opération militaire ni de l'artillerie.

  8   La Défense démontrera lors de la présentation de ses moyens que les

  9   forces conjointes de la police spéciale ont avancé très rapidement en

 10   neutralisant la résistance ennemie, et qu'en quatre jours seulement, elles

 11   ont atteint la frontière de la République de Croatie et de la République de

 12   Bosnie-Herzégovine. C'est là la tâche qui leur avait été allouée sur ordre

 13   du responsable de l'état-major principal de la République de Croatie.

 14   Dans ce court laps de temps, les forces conjointes de la police

 15   spéciale ont parcouru, essentiellement à pied, une longue route à travers

 16   des terrains montagneux difficiles en utilisant de façon sporadique des

 17   véhicules légers pour le transport de personnes et d'équipement. Après être

 18   arrivées à la frontière de Bosnie-Herzégovine dans la région de Kulen

 19   Vakuf, les forces spéciales, membres des forces conjointes de la police

 20   spéciale de la République de Croatie, c'est-à-dire le MUP, ont reçu des

 21   ordres du chef de l'état-major de se retirer à leurs unités originales.

 22   A la suite de leur retrait, les forces spéciales ont reçu une nouvelle

 23   mission par le chef de l'état-major, à savoir de ratisser le terrain dans

 24   la région de Petrova Gora, région qui se trouve au-delà de l'étendue

 25   géographique couverte par l'acte d'accusation. Ce n'est que le 21 août

 26   1995, de nouveau à la suite des ordres donnés par le chef de l'état-major

 27   de l'armée croate, les forces spéciales sont retournées en Krajina avec

 28   pour mission de ratisser le terrain afin de neutraliser les mines et

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  1   explosifs qui étaient restés derrière, les dépôts de munitions ennemis,

  2   mission consistant à neutraliser également les champs de mines et de

  3   trouver et d'appréhender les terroristes, à savoir les membres armés qui

  4   sont restés derrière, les rebelles serbes.

  5   La Défense prouvera également que, dans la période entre le 8 août jusqu'au

  6   21 août 1995, les membres des forces conjointes de la police spéciale

  7   n'étaient physiquement pas présentes sur le territoire de Krajina, donc

  8   n'auraient pas pu commettre des crimes pour lesquels mon client est accusé,

  9   conformément à la théorie de la responsabilité de commandement.

 10   L'acte d'accusation prétend qu'au cours de la période qu'elle couvre, de

 11   juillet à septembre 1995, pour être plus précis, le 30 septembre 1995, sur

 12   le territoire couvert par l'acte d'accusation, il existait un conflit armé.

 13   La Défense démontrera que cette affirmation n'est pas basée sur les faits

 14   ni sur la loi et il est donc absolument impossible de trouver les accusés

 15   coupables en vertu des articles 3 et 5 du statut de ce Tribunal.

 16   La Défense démontrera les faits pertinents suivants : l'opération Tempête a

 17   débuté le 4 août 1995 et a duré 82 heures. Déjà au cours des deux premiers

 18   jours de l'opération, les dirigeants militaires et politiques de Krajina,

 19   ainsi que l'ensemble des forces armées de la République serbe de Krajina,

 20   la police et l'armée, s'étaient retirés, avaient quitté le territoire de

 21   Krajina de la République de Croatie et étaient passés sur le territoire de

 22   Bosnie-Herzégovine et, plus tard, en Serbie.

 23   Sur le territoire de la Krajina, que de tout petits groupes de rebelles

 24   serbes du cru et de volontaires étaient restés sur place, des volontaires

 25   qui étaient venus du territoire de Serbie et de Bosnie-Herzégovine, et ces

 26   groupes sont allés se cacher dans les montagnes et les forêts. Ces derniers

 27   résistaient de temps en temps aux autorités de la République de Croatie en

 28   menant des attaques terroristes. Sur la base de ces faits, la Défense

Page 17856

  1   jettera d'abord le fondement juridique pour prouver sa thèse qu'à un

  2   certain moment donné après l'opération Tempête, c'est-à-dire après le 8

  3   août 1993, sur le territoire couvert par l'acte d'accusation, il n'y avait

  4   pas de conflit armé, mais plutôt il existait un état de tension interne, ce

  5   qui est une catégorie factuelle et juridique qui, clairement, implique un

  6   niveau inférieur d'activités armées qui ne correspondent pas à la catégorie

  7   de conflit armé. Une telle situation juridique et factuelle tombe très

  8   clairement sous la juridiction claire des cours croates et ne tombe pas

  9   sous la juridiction des tribunaux internationaux.

 10   La Défense prouvera, en évoquant les sources du droit pénal international

 11   et la loi coutumier, que dans ce cas-ci il n'est pas possible d'appliquer

 12   les dispositions de l'article 3 et de l'article 5 du statut du Tribunal,

 13   lorsqu'il s'agit de prouver la responsabilité pénale de l'accusé qui,

 14   factuellement, porte sur les crimes commis après le 8 août 1995. Puisque

 15   d'après la Défense, il existait un Etat juridique de "debellatio," c'est-à-

 16   dire la cessation des hostilités avait déjà lieu. Notamment, la

 17   jurisprudence démontre très clairement que la définition juridique d'un

 18   conflit armé de cette catégorie, de la catégorie de conflit armé, exige

 19   cumulativement deux éléments factuels, notamment l'intensité du conflit et

 20   un niveau d'organisation des participants dans le cadre de ce conflit. La

 21   Défense démontrera qu'après la fin de l'opération Tempête, l'intensité du

 22   conflit existant entre les militaires croates et les autorités de police et

 23   des éléments des rebelles serbes était mineure.

 24   La Défense prouvera également qu'à la suite du départ de l'ensemble

 25   des dirigeants politiques et militaires des Serbes rebelles de la Krajina,

 26   la structure de commandement et de l'organisation des forces armées des

 27   Serbes de la Krajina rebelles n'existait simplement plus.

 28   Pour ce qui est des chefs d'accusation concernant l'omission alléguée de

Page 17857

  1   prévenir ou de punir les auteurs de crimes, la Défense démontrera que le

  2   général Markac a pris toutes les mesures nécessaires qu'un commandant

  3   raisonnable était en mesure de prendre afin d'obtenir les informations sur

  4   tout comportement illicite de ses subordonnés. Au contraire. Il n'existe

  5   absolument aucune information prouvant qu'une quelconque entité de la

  6   communauté internationale, telle le CRO des Nations Unies, le UNCIVPOL, le

  7   HCMM ou quelque autre entité domestique, soit la police criminelle, le SIS,

  8   le service de la sécurité du ministre de la Défense, le service chargé de

  9   la protection de l'ordre constitutionnel ou du procureur militaire ou

 10   civil. En d'autres mots, aucun de ces organes mentionnés ci-haut n'a jamais

 11   donné quelque rapport que ce soit ou quelque information que ce soit au

 12   général Markac, à savoir que les membres des forces conjointes de la police

 13   spéciale de l'unité antiterroriste de Lucko s'étaient livrés à des actes

 14   criminels et que le général Markac n'ait pas pris des mesures nécessaires

 15   ou qu'il ait omis d'exécuter son travail en tant que commandant. La Défense

 16   démontrera que le général Markac n'a jamais essayé de dissimuler de façon

 17   illicite quelque comportement illégal de ses unités subordonnées et n'a

 18   jamais essayé d'influencer quelque organe d'enquête ou de juridiction.

 19   La Défense démontrera également que le général Markac, en tant que

 20   commandant des forces conjointes, n'avait aucune autorité et n'avait pas

 21   non plus la mission de mener des enquêtes contre les auteurs de crimes et

 22   que cette tâche et cette autorité tombaient sous la juridiction de la

 23   police de l'intérieur enquêtant sur les crimes et de la police militaire du

 24   ministère de la Défense de la République de Croatie et tombaient également

 25   sous la juridiction des procureurs civils et militaires. La seule

 26   obligation qu'avait mon client était d'informer les autorités compétentes

 27   du gouvernement croate si les crimes avaient été commis ou d'être satisfait

 28   au-delà de tout doute raisonnable que ces organes avaient été informés du

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  1   comportement illicite de membres des forces conjointes de la police

  2   spéciale ou de l'unité antiterroriste Lucko, qui était une unité qui, par

  3   de sa création, avait été assignée en tant que partie intégrante du secteur

  4   de la police spéciale du MUP de la République de Croatie.

  5   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, eu égard au

  6   contexte factuel et juridique que la Défense présentera, nous croyons de

  7   façon très réaliste que la Chambre de première instance sera satisfaite du

  8   fait que mon client est innocent et rendra une décision juste acquittant le

  9   général Markac de toute culpabilité ou de toute responsabilité.

 10   Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mikulicic.

 12   Je souhaiterais dire, non pas au nom de la Chambre, mais je souhaiterais

 13   simplement vous faire une observation personnelle. Je voudrais réitérer

 14   quelques préoccupations que j'avais hier, à savoir préoccupations sur des

 15   éléments de preuve qui seront présentés pour ce qui est de la période entre

 16   1991 et 1995.

 17   Pour vous donner un exemple, à la page 9, à la ligne 23 et plus loin, vous

 18   avez dit : "La Défense démontrera qu'en libérant les territoires occupés,

 19   les forces armées de la République de Croatie a agi au nom et sous

 20   l'autorité d'un Etat souverain ayant une identité internationale

 21   juridique."

 22   Je n'ai personnellement jamais eu l'impression que ceci était contesté.

 23   Mais je me tourne maintenant vers l'Accusation pour voir si l'Accusation

 24   est d'avis que s'agissant de l'opération Tempête, lorsqu'on parle de

 25   territoires occupés et que ces derniers avaient été repris militairement,

 26   que les forces armées de la République de Croatie n'avaient pas seulement

 27   agi au nom d'un Etat sans une identité internationale juridique. Je n'ai

 28   jamais eu cette impression.

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  1   Me trompais-je ?

  2   M. HEDARALY : [interprétation] Non, Monsieur le Président, vous avez tout à

  3   fait raison.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  5   Donc, Monsieur Mikulicic, vous venez de nous dire que vous allez

  6   présenter des éléments de preuve qui ne sont incontestés. Hier et

  7   aujourd'hui, il a été question de la source des faits qui ont été présentés

  8   dans l'affaire Martic. Je ne sais pas maintenant si la Défense se penchera

  9   sur ceci, les événements qui se sont déroulés entre 1991 et 1994 pourraient

 10   avoir une prédominance, mais il est certain que la Chambre pourrait penser

 11   que vous pourriez accepter proprio motu certains éléments qui ont été

 12   décidés dans l'affaire Martic.

 13   Donc je me concentre sur ceci. Je ne vais pas dire que jusqu'à maintenant

 14   la Chambre n'avait pas connaissance du fait que la destruction des villages

 15   croates et que les meurtres tels que décrits dans le jugement Martic, la

 16   Chambre n'a jamais obtenu l'impression que ce n'était pas pertinent pour ce

 17   qui est de la présentation des moyens à décharge. Mais il semblerait qu'on

 18   accorderait une importance particulière à ceci. Il faudrait savoir de

 19   quelle façon il faut procéder de la façon la plus efficace lorsqu'il

 20   s'agira d'établir les faits qui se sont déroulés au cours de cette période,

 21   indépendamment, en fait, si ces faits avaient été expliqués, à savoir ce

 22   qui s'est passé avant ou après, mais simplement pour commencer au moins

 23   avec les faits.

 24   De plus j'ai une question à vous poser, Maître Mikulicic. Je fais référence

 25   à la page 13 du compte rendu d'audience. A la ligne 21, vous avez dit :

 26   "Même si l'Accusation elle-même a clairement connaissance des mécanismes et

 27   du départ des Serbes et que les faits pourraient être stipulés par le biais

 28   d'un accord entre les parties, en l'absence d'un tel accord, la Défense

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  1   démontrera et prouvera dans le cadre du procès qu'il y a eu un départ de

  2   grande envergure de la population serbe du territoire croate temporairement

  3   occupé et que ceci était un résultat d'une idéologie politique des

  4   autorités de la Krajina, et le départ en question avait été méticuleusement

  5   préparé et organisé en tant qu'option politique dans l'événement le

  6   territoire de la Krajina serait réintégré dans la République de Croatie."

  7   Je ne parle pas du fait que c'est une phrase qui prend sept lignes. Je ne

  8   vais pas faire de commentaire là-dessus. Elle est bien structurée,

  9   effectivement. Je ne dis pas que ce n'est pas une question importante,

 10   parce que je sais que la Défense Markac commencera à présenter des éléments

 11   de preuve là-dessus, mais le début de cette phrase, "Même si l'Accusation

 12   est très clairement au courant des motifs et des mécanismes," c'est comme

 13   si on disait qu'ils ne voulaient pas être d'accord pour quelque chose pour

 14   lequel eux-mêmes savent que c'est la vérité. Donc je ne sais pas si vous

 15   vouliez simplement exprimer le fait qu'un accord ne pouvait être fait sur

 16   ce point-là.

 17   Est-ce que c'est simplement une différente opinion, ou bien est-ce

 18   que vous vouliez simplement parler de mauvaise foi ?

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Non, c'est la différence d'opinion,

 20   Monsieur le Président. En fait c'est un désaccord entre nous. L'affirmation

 21   que j'ai faite selon laquelle l'Accusation est au courant de la situation

 22   découle de l'affaire Martic et de la position prise par l'Accusation dans

 23   l'affaire Martic.

 24   Donc c'est plutôt une conclusion qui est la mienne qu'un résultat d'un

 25   accord mutuel.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous dites que c'est plus qu'un

 27   désaccord.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est aussi ce que vous avez, c'est

  2   aussi l'impression que vous en avez eue lors de la présentation des moyens

  3   à charge dans l'affaire Martic.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, c'est exact.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Nous voulions également vous dire que nous

  7   avons ajouté sur notre liste 65 ter le mémoire préalable au procès de

  8   l'Accusation et les mémoires en clôture dans ces autres affaires. Je

  9   voulais simplement vous dire que nous avons pris les mémoires préalables au

 10   procès de l'affaire Martic en tant que faits déjà adjugés. Donc nous ne

 11   pouvions pas nous mettre d'accord sur les faits qui avaient déjà -- enfin,

 12   qui étaient allégués dans le mémoire préalable au procès. Et comme le

 13   disait Me Mikulicic, il y avait une politique délibérée par l'entreprise

 14   criminelle commune de Martic d'instaurer parmi la population la peur. Donc

 15   nous étions d'accord pour dire qu'en fait, simplement pour préciser le

 16   compte rendu d'audience où la Chambre de première instance, plus tard, doit

 17   employer ces pièces. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes servis

 18   de ces pièces, donc nous avons ajouté ces pièces sur la liste 65 ter.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. C'est une question, c'est

 20   très valable comme opinion, effectivement. Donc la Chambre de première

 21   instance estime qu'il n'est pas nécessaire de présenter ou de prouver des

 22   faits qui peuvent déjà être établis ou sur lesquels vous pouvez vous mettre

 23   d'accord, des faits qui ont déjà été adjugés sans entendre nécessairement

 24   ces éléments de preuve. Il n'est pas nécessaire de procéder de façon

 25   répétitive. Nous ne voulons pas dire que nous ne voulons pas entendre des

 26   éléments de preuve présentés, mais nous voulons simplement en arriver aux

 27   faits le plus rapidement possible. Et nous aimerions entendre de quelle

 28   façon ces faits sont interprétés par les parties, de quelle façon ces faits

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  1   sont abordés par les parties, quelle est l'opinion des parties sur ces

  2   faits, effectivement, lorsqu'il s'agit de questions qui se trouvent au cœur

  3   de ce procès, bien sûr.

  4   Je fais une observation similaire, je n'ai pas passé beaucoup de temps là-

  5   dessus encore, mais si Maître Mikulicic, par exemple, vous voulez établir

  6   qu'il y avait un accord économique auquel on était parvenu avec la RSK en

  7   1994, je ne sais pas si ceci est contesté, mais la signification de ceci

  8   peut être différente, en fait. Effectivement, j'ai entendu beaucoup de

  9   choses pour lesquelles j'ai été assez étonné de savoir qu'il y ait pu y

 10   avoir un accord à moins qu'il n'y ait des questions particulières portant

 11   sur cet accord précis, disons. Mais s'il était possible de se mettre

 12   d'accord, à ce moment-là, la Chambre pourrait évaluer ces éléments de fait

 13   lorsqu'on parle, par exemple, d'un élément, en fait, sachant très bien

 14   qu'un élément pour la Défense est tout à fait différent pour l'Accusation.

 15   Mais cela dit, je ne crois pas qu'il serait bien difficile d'établir, d'en

 16   arriver à un accord. Et je suis convaincu que les parties pourraient se

 17   mettre d'accord sur plusieurs points, par exemple. Par exemple, nous

 18   pourrions dire que nous avons remarqué qu'un accord existait sur ceci, ceci

 19   et cela, donc l'Accusation pourrait donner son aval, vous pourriez donc

 20   essayer de vous mettre d'accord sur ceci.

 21   Voici, c'étaient de brèves observations de ma part visant à essayer de

 22   donner des instructions, en fait, essayant de dire à la Défense de se

 23   concentrer sur les choses qui sont vraiment contestées afin de nous

 24   permettre à nous de nous concentrer sur les choses qui sont réellement

 25   importantes, qui sont des faits, donc de nous concentrer sur les questions

 26   factuelles, et vous pourriez vous mettre d'accord sur les faits qui ne sont

 27   pas contestés.

 28   [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

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  1   M. HEDARALY : [interprétation] Monsieur le Président, c'est la salle

  2   d'audience numéro I, mardi, le 2 juin. 

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voulais simplement vérifier si

  4   c'était exact. Alors vous avez certainement compris, n'est-ce pas, ma

  5   demande, ma supplique selon laquelle je vous demande d'employer de façon

  6   efficace le temps dans cette salle d'audience. Je voulais simplement

  7   vérifier si tout est conforme.

  8   Vous avez tout à fait raison, Monsieur Hedaraly. S'il n'y aucune question

  9   de procédure à soulever maintenant, nous allons lever l'audience et nous

 10   reprendrons nos travaux mardi le 2 juin, à 9 heures du matin dans la salle

 11   d'audience numéro I.

 12   --- L'audience est levée à 10 heures 41 et reprendra le mardi 2 juin 2009,

 13   à 9 heures 00.

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