Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 18161

  1   Le vendredi 5 juin 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  7   présentes.

  8   Madame la Greffière d'audience, est-ce que vous pourriez citer le numéro de

  9   l'affaire.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il

 11   s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et

 12   consorts.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière d'audience.

 14   Madame Gustafson, êtes-vous prête à continuer votre contre-interrogatoire.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Skare Ozbolt, je vous rappelle

 17   que vous êtes toujours sous serment prêté au début de votre déposition.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci. Peut-on revenir à la pièce P463 qui

 19   a été présentée ici hier.

 20   LE TÉMOIN: VESNA SKARE OZBOLT [Reprise]

 21   [Le témoin répond par l'interprète]

 22   Contre-interrogatoire par Mme Gustafson : [Suite]  

 23   Q.  [interprétation] Mme Skare Ozbolt, vous vous souviendrez que c'est une

 24   transcription de la réunion tenue entre le président Tudjman et le ministre

 25   Radic le 22 août 1995. Passons à la page 9 en anglais et en B/C/S, page 14.

 26   Hier, Mme Skare Ozbolt, je vous ai posé une question au sujet de la

 27   question de savoir si la déclaration du président Tudjman faite à M. Radic

 28   indiquant qu'ils devraient remplir les vols charter et les bateaux afin de

Page 18162

  1   faire venir les Croates de l'Argentine et de l'Australie, reflétait la

  2   volonté de remplir les espaces vides après l'opération Tempête avec les

  3   Croates.

  4   Et vous avez commencé votre réponse en disant :

  5   "Ceci reflétait la situation qui nécessitait que les espaces vides soient

  6   remplis, car sinon ça poserait un danger sur le plan stratégique. Il s'agit

  7   d'une zone très étroite, en face de la Republika Srpska, et si la région

  8   reste vide des personnes, il était possible que les biens soient démolis.

  9   Il était possible que des gens fassent irruption et il était absolument

 10   nécessaire de peupler les gens là-bas."

 11   Je souhaite maintenant que l'on passe à un autre paragraphe de la

 12   transcription où M. Radic parle, au fond de la page, en anglais et en

 13   B/C/S. C'est le deuxième paragraphe et il a dit :

 14   "Regardez maintenant, j'ai regardé autour de moi dans cette région. Les

 15   centres les plus importants sur lesquels il faudrait qu'on se concentre,

 16   s'agissant du retour, concernent l'intérêt national. J'ai essayé de faire

 17   les choses en suivant un ordre chronologique ou une espèce de hiérarchie, à

 18   mon avis, j'aimerais que l'on discute de cela.

 19   "La carte de l'ensemble de la région est d'importance stratégique en

 20   Croatie. J'ai fait cette carte en plusieurs couleurs différentes. C'était

 21   toujours un lieu critique, historiquement parlant, non pas Knin; ça, on y

 22   arrivera lentement.

 23   Si vous me demandez d'abord si j'y vais, j'ai fait cinq priorités suivant

 24   l'urgence du peuplement de ces endroits avec les Croates. Si vous me

 25   demandez la bonne chose ici, c'est la première et la deuxième priorité.

 26   Nous devrions faire revenir les Croates ici de manière urgente et cette

 27   région devrait, de manière urgente, être colonisée avec les Croates. De

 28   toute façon, nous ne devrions pas permettre plus de 10 % de Serbes d'être

Page 18163

  1   ici de nouveau, car c'est là que nous serons coupés."

  2   Le président : "Même pas 10%."

  3   Le Dr. Radic : "O.K. je parle de 10 %. Donc la première priorité de la

  4   colonisation est ici, à mon avis, Petrova et Svenska Gora, c'est là que

  5   nous devons établir une espèce de ville plus ou moins vite. Nous avons

  6   aussi Vojnic. Et Veljun, un endroit quelque peu plus petit. Mais Vojnic est

  7   plus grand.

  8   "Cependant, avec nos entreprises d'ouverture des usines, tout comme

  9   les Serbes l'ont fait à Licki Osijek, je me suis rendu à l'usine. Ça a

 10   l'air merveilleux. Ils ont construit des appartements pour 4 000 personnes,

 11   c'est là que nous pouvons faire venir les gens immédiatement et n'avoir

 12   personne quelque part dans cette région, nous devons construire."

 13   Ensuite il y a une conversation entre les deux. M. Radic continue

 14   concernant ce sujet à la page 16 du B/C/S et 11 en anglais. Deuxième

 15   paragraphe de nouveau. Au milieu, à peu près, il dit :

 16   "Je vais revenir à cela, notre Licki Osijek devrait être développée dans

 17   cette région et nous devons stimuler ceux qui sont à l'étranger et ceux qui

 18   sont temporairement dans la mesure du possible pour que rien ne nous arrive

 19   plus jamais ici."

 20   Et le président dit : "Ça n'arrivera jamais de nouveau."

 21   Lorsque M. Radic fait référence au fait que "rien ne devrait de nouveau

 22   leur arriver là-bas," il fait référence à ce qui s'est déroulé par rapport

 23   aux Croates entre 1991 et 1995; est-ce exact ?

 24   R.  J'espère que c'est le cas. Il est difficile d'expliquer et

 25   d'interpréter ce que M. Radic souhaitait dire au bout de 15 ans.

 26   Q.  Et la stratégie telle qu'elle a été exprimée ici, pour autant que vous

 27   le sachiez, concerne le fait de remplir ces espaces vides avec les Croates

 28   pour que rien n'arrive aux Croates dans cette région de nouveau; est-ce

Page 18164

  1   exact ?

  2   R.  En 1991, dans cette région-là, il y avait plus de 150 000 Croates qui

  3   avaient été expulsés en 1991. L'intention était de faire revenir ces

  4   Croates qui avaient été expulsés, de les faire revenir dans leurs foyers.

  5   Aujourd'hui il est difficile de faire des commentaires concernant ce que

  6   Jure Radic disait. Ses positions, souvent, et ses idées n'étaient pas

  7   acceptées; certaines oui, certaines non. Il était ministre chargé de la

  8   reconstruction et des réfugiés et il se trouvait face à un énorme défi

  9   concernant l'hébergement de ces personnes. Je ne dis pas que toutes les

 10   idées que cet homme avait étaient sages; au contraire, certaines ne

 11   l'étaient pas du tout. En ce qui concerne cette déclaration, déclaration

 12   que vous m'avez présentée indiquant que je l'avais faite hier, en ce qui

 13   concerne l'idée du président de remplir les bateaux et les avions avec des

 14   Croates de l'étranger et de les faire venir et de les peupler en Croatie,

 15   je pense que ceci a été calqué de manière erronée sur le sujet qui nous

 16   intéresse directement. Le sujet principalement concernait le retour des

 17   Croates qui avaient été expulsés de ces autres régions.

 18   Lorsque Tudjman parlait, lorsqu'il a parlé d'eux, souvent il pensait aux

 19   dirigeants de la Krajina. Par conséquent, ces transcriptions aussi

 20   reflètent de manière insuffisante la situation elle-même.

 21   Hier j'ai également indiqué que le problème de l'hébergement des réfugiés

 22   de la Bosnie-Herzégovine se posait, réfugiés qui arrivaient à ce moment-là

 23   de Banja Luka.

 24   Q.  Je souhaite simplement vous interrompre. Je pense que vous avez

 25   suffisamment répondu à mes questions. Je souhaite simplement que l'on

 26   revienne à ce que vous avez dit au début, vous avez dit que "souvent les

 27   opinions de M. Radic n'étaient pas acceptées."

 28   Mais n'est-il pas exact ici que lorsqu'il dit "de toute façon, nous ne

Page 18165

  1   devrions pas permettre à plus de 10 % de Serbes d'être ici de nouveau," le

  2   président dit "même pas 10 %," or ici le président, en réalité, accepte les

  3   opinions et le point de vue de M. Radic ?

  4   R.  Souvent, Franjo Tudjman tenait des propos différents face à chacun de

  5   ses ministres. Peut-être dans cette conversation il avait effectivement dit

  6   cela. Il faudrait voir le contexte. Il faudrait voir les gestes et tout ce

  7   qui s'est passé entre eux. Vraiment il m'est difficile de vous expliquer

  8   cela car ici nous ne voyons que la transcription. Cependant, rien de tout

  9   cela ne s'est déroulé par la suite.

 10   Q.  Merci. Je souhaite que l'on passe maintenant à la Loi relative à la

 11   propriété au sujet de laquelle vous avez déposé hier. On vous a posé des

 12   questions concernant les conditions de la vente de la propriété en vertu de

 13   la Loi portant sur la reprise temporaire et l'administration de la

 14   propriété. Vous avez dit dans votre déposition que :

 15   "Il n'y avait pas de telles conditions. Il était possible pour ceux qui ne

 16   souhaitaient pas rentrer en Croatie de vendre leur propriété."

 17   N'est-il pas exact, Madame Skare Ozbolt, qu'il y avait une disposition

 18   générale de cette loi qui visait à interdire la vente de ces propriétés de

 19   la part des propriétaires ?

 20   R.  Je ne comprends pas.

 21   Q.  La Loi portant sur la reprise temporaire de la propriété stipulait

 22   qu'il était interdit de vendre les propriétés en vertu de cette loi, que

 23   les Serbes qui avaient quitté la Krajina ne pouvaient pas vendre leurs

 24   propriétés; c'est exact, n'est-ce pas ?

 25   R.  Pas pour autant que je le sache. Le gouvernement avait adopté d'abord

 26   un décret en 1995 concernant la reprise temporaire de la propriété

 27   abandonnée. Par la suite, le parlement croate a adopté une loi qui était en

 28   vigueur jusqu'en 1998.

Page 18166

  1   Q.  Examinons maintenant cette loi.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il s'agit de D422. Peut-on d'abord

  3   examiner l'article 2, à la page 1 en anglais et 2 en B/C/S.

  4   Q.  Paragraphe 1 de l'article 2 est celui qui m'intéresse.

  5   Et c'est la disposition portant sur la propriété des Serbes qui ont quitté

  6   la Krajina et qui est maintenant en possession du gouvernement en vertu de

  7   cette disposition.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Je fais objection. Est-ce une question ? Si

  9   c'est une question ou déclaration de la part de Mme Gustafson. Si c'est une

 10   déclaration, je fais objection. Sinon il faut poser une question.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voulais simplement lire trois

 12   dispositions, ensuite poser la question.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que Mme Gustafson a tout

 14   simplement attiré l'attention sur cela et l'a résumé, ensuite elle va poser

 15   des questions.

 16   Poursuivez.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci. Peut-on maintenant examiner

 18   l'article 5 à la même page en B/C/S, et c'est la page suivante en anglais.

 19   Au paragraphe 1 de cet article, il y est fait référence aux personnes

 20   déplacées, réfugiées, les personnes qui rentrent, et ainsi de suite, à qui

 21   il est possible d'accorder cette propriété pour l'utilisation et la

 22   possession.

 23   Madame Ozbolt, les personnes qui devaient bénéficier de cette loi c'étaient

 24   les personnes déplacées en Croatie et en Bosnie et les réfugiés croates

 25   dont vous avez parlé hier; est-ce exact ?

 26   R.  Oui. Les personnes qui devaient utiliser ces maisons, ce sont les

 27   réfugiés dont le statut de réfugiés a été aboli, donc ils doivent revenir

 28   dans la région. Leurs maisons ont été détruites et ces personnes ont été

Page 18167

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7   

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18168

  1   installées de manière temporaire dans ces maisons abandonnées.

  2   Q.  Merci. Veuillez, s'il vous plaît, vous concentrer sur mes questions

  3   dans votre réponse.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on maintenant passer à l'article 11,

  5   qui figure à la page 4 en anglais et toujours la page 3 en B/C/S.

  6   Q.  Examinez, s'il vous plaît, le paragraphe 1 de cet article. Il s'agit là

  7   d'une disposition qui a permis, qui a donné aux Serbes qui avaient quitté

  8   la Krajina 90 jours pour qu'ils rentrent dans la République de Croatie et

  9   qu'ils revendiquent le retour de leurs propriétés; est-ce exact ?

 10   R.  C'est exact.

 11   Q.  Pour finir, peut-on passer à l'article 8, qui est à la page précédente

 12   en anglais; et c'est la même page en B/C/S.

 13   Il s'agit ici des deux premiers paragraphes qui m'intéressent. Dans le

 14   premier il est dit :

 15   "Tant que la propriété est gérée par la République de Croatie, son

 16   propriétaire ne peut pas se séparer, échanger, louer ou céder pour

 17   l'utilisation temporaire payée ou utile, prendre une hypothèque ou ajouter

 18   d'autres encombrements à cette propriété."

 19   Au paragraphe 2, il est dit : "Le gouvernement peut, aux fins du ministre

 20   de la Justice, exempté certaines propriétés de cette interdiction."

 21   Compte tenu de cela, est-ce que ceci vous rappelle de l'interdiction

 22   générale de la vente de la propriété d'après cette

 23   loi ?

 24   R.  Vraiment, je ne pourrais pas maintenant vous expliquer quelle était la

 25   différence entre les dispositions temporaires et permanentes. Il s'agissait

 26   ici d'une Loi relative à la reprise temporaire et la gestion temporaire.

 27   Donc il y avait toute une procédure qui s'est ensuivie, et tout ceux qui

 28   souhaitaient reprendre leur possession ont pu le faire ou ont pu la vendre

Page 18169

  1   ou ont pu l'échanger pour un autre endroit en Croatie.

  2   Il y avait plusieurs possibilités par rapport à ceux qui ne souhaitaient

  3   pas revenir et ceux qui souhaitaient revenir, donc il y avait tout un

  4   système qui a été élaboré. Quant à la question de savoir si le système

  5   était parfait, vraiment extrêmement efficace, certainement ce n'était pas

  6   le cas. Mais il faut absolument tenir compte des circonstances qui

  7   prévalaient là-bas à l'époque.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,

 10   et dans l'esprit de l'article 90(H) indiquant qu'il faut présenter sa thèse

 11   au témoin et indiquer à toutes les parties ces droits, je pense que la

 12   Chambre de première instance devrait donner l'instruction au bureau du

 13   Procureur de dire au témoin d'examiner l'article 7 aussi, qui portent sur

 14   les deux parties, le possesseur et le propriétaire.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Présenter la thèse au témoin -- je vais

 16   examiner maintenant l'article 90(H). Je ne l'ai pas sous les yeux pour le

 17   moment.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, cette disposition

 19   est sans pertinence.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Certainement pas.

 21   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 22   Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous tire l'article 90(H)(i) dans

 24   plusieurs catégories de ce qui peut faire l'objet du contre-interrogatoire.

 25   Le premier, c'est l'objet de l'interrogatoire principal; ensuite, c'est la

 26   crédibilité; troisièmement, la question de savoir si le témoin peut déposer

 27   et si c'est pertinent à l'affaire; dans ce cas-là, la partie qui procède au

 28   contre-interrogatoire peut aller au-delà. C'est la troisième catégorie.

Page 18170

  1   Je pense qu'au point (ii) on fait référence à la troisième catégorie. Mme

  2   Gustafson traite du sujet de l'interrogatoire principal.

  3   Madame Gustafson, vous pouvez poursuivre.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Est-ce que je peux --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Mme Gustafson peut poursuivre.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Est-ce qu'avant la deuxième pause ou après la

  7   pause je peux traiter de cela ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant la pause, vous aurez l'occasion de

  9   consigner au compte rendu d'audience ce que vous souhaitez.

 10   Poursuivez, Madame Gustafson.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Madame Skare Ozbolt, il y a quelques moments vous avez dit que cette

 13   loi était en place jusqu'en 1998. Vous avez parlé de ces dispositions

 14   temporaires, il y avait toute une procédure. Mais c'était une loi qui

 15   gérait, qui régissait la gestion, l'utilisation et la disposition de la

 16   propriété des Serbes de Krajina; est-ce

 17   exact ?

 18   R.  J'ai dit qu'en 1998 cette loi a cessé d'être en vigueur.

 19   Q.  [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai l'impression qu'on a entendu le

 21   français ici, j'aime bien le français. Mais ce n'est pas ça à quoi on

 22   s'attendait.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Donc on y dit :

 24   "Plus tard, le parlement croate a adopté une loi qui est restée en vigueur

 25   jusqu'en 1998."

 26   R.  Oui. Elle a cessé également d'être appliquée en 1998.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soyons clairs, concentrons-nous sur le

 28   sujet qu'on discute. Le témoin a dit que cette loi est restée en vigueur

Page 18171

  1   jusqu'en 1998 depuis le moment de son adoption. Alors essayons de ne pas

  2   mélanger les choses.

  3   Donc parlons maintenant de la loi à laquelle fait référence Mme Gustafson.

  4   Poursuivez, s'il vous plaît.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  6   Q.  Madame Skare Ozbolt, il y a eu un nouvel amendement porté à cette loi

  7   en janvier 1996, si vous vous souvenez. Par cet amendement, la limite de 90

  8   jours a été supprimée --

  9   M. KEHOE : [interprétation] Toutes mes excuses. Peut-on regarder la pièce

 10   P475 --

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est une question introductoire [phon].

 12   Je n'ai pas l'intention de présenter le document au témoin. Je n'ai pas

 13   suffisamment de temps pour ça.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, entendons d'abord Mme

 15   Gustafson, on verra sa question, puis si le témoin n'est pas d'accord avec

 16   ce que Mme Gustafson avance --

 17   M. KEHOE : [interprétation] Oui, pour les besoins du compte rendu, elle

 18   cite la pièce P454 [comme interprété].

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'étais justement en train de le dire à la

 20   Chambre, mais vous m'avez interrompue.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, hier j'ai demandé avec

 22   insistance à Mme Gustafson de ne pas intervenir sans grand besoin. Alors je

 23   vous demande la même chose. Elle est en train d'introduire sa question, y

 24   a-t-il quelque chose de faux dans ce qu'elle a dit jusqu'à maintenant, par

 25   exemple ?

 26   M. KEHOE : [hors micro]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous pose une question.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, vous savez très

Page 18172

  1   bien que ce n'est pas ce que je dis. J'ai dit tout simplement que le témoin

  2   a droit d'avoir le document sous les yeux.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Entendons d'abord Mme Gustafson, voyons

  4   ce qu'elle va lui demander. D'après ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant,

  5   rien de ce qu'elle a fait n'est pas inapproprié.

  6   Poursuivez, s'il vous plaît.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  8   Q.  Comme je le disais, par cet amendement le délai de 90 jours a été

  9   supprimé, ensuite il est prévu que le retour et la reprise des possessions

 10   par des personnes définies par l'article 2 de cette loi sera régi par un

 11   accord sur la normalisation des relations entre la Croatie et la RFY.

 12   C'est la pièce P475.

 13   Vous souvenez-vous d'un amendement de janvier 1996 ? Cette loi dans cette

 14   forme-là est restée --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, attendez --

 16   M. KEHOE : [interprétation] S'il vous plaît, Monsieur le Président --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 18   Madame Skare Ozbolt, Mme Gustafson attire votre attention sur un amendement

 19   de la loi et vous demande si vous souvenez-vous de cet amendement. Vous

 20   avez bien dit que oui. Alors si pour répondre à cette question vous avez

 21   besoin de consulter le document, on va vous le présenter, mais pour

 22   l'instant Mme Gustafson vous demande seulement si vous vous souvenez qu'il

 23   y a eu un amendement.

 24   Maintenant si pour la suite des questions vous ne pouvez pas donner de

 25   réponse sans consulter auparavant le document, alors demandez le document,

 26   mais écoutez bien la question qui sera posée. Peut-être qu'elle va vous

 27   demander si telle et telle information portant sur l'amendement sur cette

 28   loi était publiée dans la presse ou similaire. Dans ce cas-là, vous n'avez

Page 18173

  1   pas besoin de consulter le texte de cette loi. Mais si la question touche

  2   directement à la teneur, aux dispositions de cette loi, alors, oui, vous

  3   pouvez demander le texte.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

  5   Q.  Madame Skare Ozbolt, hier vous avez déclaré que cette loi ne permettait

  6   aucunement la confiscation de la propriété privée puisqu'elle est protégée

  7   par la loi en Croatie.

  8   Et en fait, la propriété privée est protégée en Croatie par la

  9   constitution. Son article 50.

 10   R.  [aucune interprétation] 

 11   Q.  [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous devez répondre à haute voix. Le

 13   fait que vous hochiez la tête ne peut pas être consigné.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout ce que vous venez de dire est exact.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 16   Q.  Il est également vrai qu'il a été établi que le conseil constitutionnel

 17   de la Croatie a établi que cette loi n'était pas en accord avec la

 18   constitution, et notamment son article 50.

 19   R.  Oui, exactement. C'est pour cette raison-là que cette loi a été

 20   abrogée.

 21   Q.  Et cela s'est passé en septembre 1997, n'est-ce pas ?

 22   R.  Je crois, un peu plus tard, mais si vous disposez de cette information-

 23   là, elle devrait être exacte.

 24   Q.  Bien, nous allons maintenant examiner cette décision. C'est la pièce

 25   D425.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page 8 de la version anglaise, page 6 de

 27   la version en B/C/S. C'est le paragraphe qui commence par la référence :

 28   "Article 50."

Page 18174

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18175

  1   Q.  Dans ce passage, on explique que l'article 50 de la constitution

  2   prévoit que "la loi peut, dans l'intérêt de la république - mais seulement

  3   contre une indemnisation calculée sur la valeur du marché - limiter ou

  4   confisquer la propriété."

  5   R.  Effectivement.

  6   Q.  Ensuite : "Par l'article 8, alinéas 1 et 5 de la loi contestée, le

  7   droit de propriété privée est limité, et ceci, sans aucune indemnisation

  8   prévue."

  9   Ensuite on va passer au paragraphe d'après, la dernière

 10   phrase :

 11   "Par conséquent, le conseil constitutionnel a conclu que les dispositions

 12   de l'article 8, paragraphes 1 et 5, sont contraires à la constitution."

 13   Alors cette décision-là dit la vérité au sujet de cette loi, à savoir que

 14   par cette loi on avait imposé des restrictions sur le droit de la propriété

 15   sans indemnisation.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 17   M. KEHOE : [interprétation] S'agit-il de la déposition faite par le témoin

 18   ou par le procureur ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'une question qui est

 20   certainement directrice, mais il s'agit également du contre-interrogatoire

 21   --

 22   M. KEHOE : [hors micro]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- alors peut-être qu'on peut discuter

 24   la formulation.

 25   Est-ce que c'est la vérité, et cetera, c'est peut-être discutable.

 26   Mais quant au reste, il est vrai que le conseil constitutionnel a établi

 27   comme un organe judiciaire que cette loi imposait des restrictions sur la

 28   propriété privée.

Page 18176

  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je peux poser la question de nouveau.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais Me Kuzmanovic s'est levé.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Cette restriction est limitée aux

  5   paragraphes 1 et 5 de l'article 8 --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et c'est justement pour cette

  7   raison-là que je voulais qu'on évite ce genre de commentaire. Donc

  8   limitons-nous à ce qui est indiqué dans cette décision. Nous souhaitons

  9   seulement entendre les commentaires de Mme Skare Ozbolt au sujet de cette

 10   décision et de ces articles. Donc essayons d'éviter les disputes, les

 11   discussions. Vous pourrez plus tard poser des questions. Pour l'instant,

 12   Mme Gustafson le fait.

 13   J'ai dit, peut-être que la manière dont la question était posée n'est pas

 14   suffisamment précise pour le goût de cette Chambre, mais nous parlons de ce

 15   paragraphe de cette décision émanant du conseil constitutionnel.

 16   Alors poursuivez, s'il vous plaît.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   R.  O.K.

 20   Q.  Hier vous avez déclaré que la loi ne permettait aucunement la

 21   confiscation de la propriété privée, parce que la propriété privée est

 22   protégée par la loi en Croatie. Donc ça veut dire que cela n'est pas vrai

 23   ce que vous avez déclaré hier, parce que cette loi-ci le permettait, n'est-

 24   ce pas ?

 25   R.  Je dois répéter ce que j'ai déjà dit hier. Il n'y a pas eu de

 26   confiscation de propriété. Il y a eu tout simplement une réquisition

 27   temporaire de cette propriété. Le conseil constitutionnel a qualifié

 28   certaines dispositions de cette loi comme contraires à la constitution. Il

Page 18177

  1   s'agit notamment de deux paragraphes d'un article qui prévoyaient ces

  2   confiscations sans une indemnisation. Je dois attirer votre attention sur

  3   le fait que cette année-là une agence immobilière a été créée dans le cadre

  4   de cet accord sur la normalisation des relations entre la Croatie et la

  5   Serbie.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Je me lève tout simplement afin qu'on vérifie

  8   l'interprétation page 16, ligne 18. Je pense que le témoin a utilisé un

  9   adjectif en parlant de la -- je ne veux pas répéter ce mot. Il y a tout

 10   simplement une phrase là qui finit dans la ligne 18. Elle a utilisé un

 11   autre adjectif pour décrire ceci. Peut-être qu'on peut lui demander de

 12   répéter ce qu'elle a dit.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   Vous parlez anglais. Pourriez-vous, s'il vous plaît, vérifier si ce

 15   qui est indiqué à la page précédente, ligne 18 jusqu'à la fin, correspond à

 16   ce que vous avez dit, s'il y a quelque chose qui manque.

 17   Ce qui est indiqué maintenant dans le compte rendu est : "Les deux articles

 18   de cette loi contraires à la constitution, parce que ces dispositions ne

 19   prévoyaient aucune indemnisation pour la propriété confisquée."

 20   Y a-t-il quelque chose qui manque ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, c'est ça le sens de ce que je dis,

 22   mais …

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va poursuivre.

 24   Maître Misetic, si vous pensez toujours qu'il y manque quelque chose, vous

 25   connaissez la procédure. Déposez votre demande, la Chambre l'examinera.

 26   Poursuivez, s'il vous plaît.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Vous avez dit tout à l'heure que cela a été corrigé plus tard. Vous

Page 18178

  1   avez dit : Je dois attirer votre attention sur le fait que cette année-là

  2   une agence immobilière a été créée.

  3   Alors pensez-vous à l'année 1997, l'année de cette décision ?

  4   R.  Je pense à 1998. C'est en 1997 que nous avons entamé le processus de la

  5   normalisation des relations entre la Serbie et la Croatie et cette question

  6   a été abordée dans ce cadre-là. Ensuite en 1998, cette agence immobilière a

  7   été créée et elle est active encore aujourd'hui.

  8   Q.  Merci. Je vais maintenant aborder un autre thème, à savoir les

  9   négociations de Genève dont vous avez déjà parlé. Vous avez déclaré dans

 10   votre déclaration et lors de votre déposition que :

 11   "Une réponse positive de la part des Serbes à Genève aurait signifié la

 12   mise en œuvre du même modèle de la réintégration pacifique qui avait déjà

 13   été mis en œuvre en Slavonie orientale."

 14   Alors la première question que j'aimerais poser porte sur la décision

 15   de lancer l'opération Tempête. Dans ce contexte, vous avez souligné

 16   l'importance d'accepter le refus du contingent de la RSK à Genève le 3

 17   août.

 18   Savez-vous qu'il y a eu plusieurs facteurs de nature militaire et politique

 19   qui ont conduit les dirigeants croates et le président Tudjman de

 20   considérer la situation du 3 août comme une occasion unique pour attaquer

 21   la Krajina ?

 22   R.  Je vous dirais très volontiers tout ce que je sais et tout ce que je

 23   savais, si vous pouvez être un peu plus précise et identifier ces facteurs

 24   militaires et politiques, je pourrais vous répondre.

 25   Q.  Bien, vous avez déclaré qu'il y avait eu une réunion du Conseil de

 26   sécurité de VONS le 3 août et que vous êtes arrivée à la fin de cette

 27   réunion avec M. Pasalic.

 28   Au début de cette réunion, le président Tudjman a déclaré qu'il avait reçu

Page 18179

  1   un appel de M. Pasalic de Genève, et qu'il y avait dit que les Serbes

  2   n'avaient pas accepté les propositions, que les négociations étaient

  3   arrivées à leur fin.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est la pièce D1454.

  5   Q.  Le président Tudjman a alors déclaré :

  6   "Pour ce qui me concerne, je pense que nous ne devons pas renoncer à notre

  7   décision à cause de l'opinion publique. Il est évident que les Serbes et

  8   ceux qui soutiennent une solution pacifique à ce problème n'ont pas leur

  9   mot à dire ici. Il n'y a aucune unité, les tiraillements vont se

 10   poursuivre.

 11   C'est également la preuve que l'équilibre de forces actuelles et la

 12   situation politique internationale sont tels que nous devrions être en

 13   mesure de mener cette action."

 14   Alors étiez-vous au courant du fait que le président Tudjman a essayé de

 15   prendre en compte tous ces facteurs - l'opinion publique, l'équilibre des

 16   forces, la situation internationale politique - pour arriver à cette

 17   décision ?

 18   R.  Les faits sont les suivants : la RSK a demandé et elle cherchait

 19   l'unification avec la Republika Srpska. Egalement, environ 6 000 soldats

 20   avec des équipements militaires sont arrivés dans la zone de la ville de

 21   Slunj où ils ont effectué des manœuvres. Il y avait un désaccord très grand

 22   dans la direction de la SAO Krajina; également la situation économique et

 23   les problèmes des réfugiés et l'impossibilité de communiquer avec d'autres

 24   parties de la Croatie.Donc tous ces événements-là, c'était très frustrant.

 25   Tous ces éléments ont dû être pris en compte au moment où la décision sur

 26   l'action Tempête a été prise, et je ne parle même pas ici d'autres facteurs

 27   relatifs à des événements à un niveau encore plus large en Bosnie-

 28   Herzégovine.

Page 18180

  1   Q.  Bien. Un peu plus tard, lors de cette réunion, M. Granic, le ministre

  2   de l'étranger --

  3   M. KEHOE : [interprétation] Peut-être il serait plus facile pour le témoin

  4   de lire le texte en croate, donc on peut l'afficher à l'écran.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, mais je voulais gagner du temps. Il

  6   s'agit d'un passage très court.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, on peut quand même le faire.

  8   Vous nous donnez les références, vous poursuivez la lecture et entre-temps

  9   le texte sera affiché.

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ce sera la pièce D1454.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, s'il vous plaît.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 13   Q.  M. Granic a dit :

 14   "Nous n'aurons plus d'occasion aussi bonne que celle-ci où Bihac sera en

 15   danger de vie. Toutes les pièces sont tombées dans ce puzzle. Tout ce qui

 16   concerne Srebrenica, Zepa, la déclaration de Split, le succès relatif à la

 17   fédération, la ville de Bihac en danger, l'échec des négociations, et

 18   cetera."

 19   R.  Oui, Granic parle d'un contexte plus large.

 20   Q.  Merci.

 21   J'aimerais maintenant aborder la situation politique et militaire prévalant

 22   à l'époque où le président Tudjman a décidé de ne pas recourir à l'usage de

 23   force militaire dans le secteur est.

 24   Et je pense que vous avez déclaré dans votre déclaration qu'il

 25   réfléchissait sur une opération qui pourrait être nommée l'opération Long

 26   saut, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous avez également, dans votre déclaration, fait référence au fait que

Page 18181

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18182

  1   le secteur est était d'une certaine manière intégré dans la RFY ?

  2   R.  Oui, dans l'intégralité, oui.

  3   Q.  Et l'armée de la RFY, la VJ, était une force beaucoup plus puissante

  4   que l'ARSK, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, bien évidemment.

  6   Q.  Et un conflit entre la HV et la VJ aurait été une affaire beaucoup plus

  7   grave que les escarmouches entre la HV et l'ARSK, n'est-ce pas ?

  8   R.  Si vous parlez d'un conflit éventuel dans la partie orientale de la

  9   Croatie, oui, vous avez raison. Un tel conflit aurait eu des conséquences

 10   terribles.

 11   Q.  C'est un facteur que le président Tudjman a dû prendre en compte, le

 12   risque qui conduirait la Serbie à s'engager militairement au cas d'une

 13   opération militaire dans le secteur est et que cet engagement militaire

 14   aurait des conséquences terribles, celles auxquelles vous faites référence

 15   ?

 16   R.  Franjo Tudjman, avant de devenir président était général, et

 17   connaissait très bien la situation et la manière de mener la guerre dans

 18   cette région-là. Il était absolument conscient des conséquences

 19   éventuelles. Il y avait en Croatie des personnes qui voulaient régler la

 20   question de la Slavonie orientale de manière militaire. Mais il ne les a

 21   pas laissées faire, il ne les a pas suivies.

 22   Q.  Il est vrai, n'est-ce pas, que le président Tudjman, tout en étant sûr

 23   qu'une attaque contre la Krajina et les secteurs nord et sud n'auraient pas

 24   conséquence à un conflit pour la Serbie, au contraire, considérait qu'une

 25   attaque dirigée vers le secteur est pourrait conduire à l'engagement

 26   militaire de la Serbie, n'est-ce

 27   pas ?

 28   R.  Oui, d'après toutes nos informations, Milosevic ne souhaitait pas

Page 18183

  1   renoncer à la partie orientale de la Croatie. Néanmoins, par des accords

  2   qui ont été signés ultérieurement, tout d'abord les accords de Dayton,

  3   ensuite d'autres accords, la situation a changé. Il s'agit des accords de

  4   Dayton et d'Erdut.

  5   Q.  J'aimerais maintenant qu'on examine rapidement le document P470.

  6   Savez-vous, Madame Skare Ozbolt, que le président Tudjman s'était réuni

  7   avec les dirigeants militaires et fonctionnaires du ministère de la Défense

  8   parmi lesquels le général Gotovina, le général Susak, afin de discuter les

  9   opérations militaires à conduire en Slavonie orientale.

 10   R.  Si vous me demandez si j'étais au courant de cette

 11   réunion ? Oui, très probablement. Mais s'agissant de la teneur des

 12   discussions lors de cette réunion, non.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Passons maintenant à la page 90 en

 14   anglais, 109 en B/C/S. Je pense que c'est en bas de page.

 15   Q.  Le président Tudjman dit :

 16   "Attendez que je vous dise pour Knin et tout ce que nous avons fait.

 17   J'étais sûr que la Serbie et la Yougoslavie n'allaient pas intervenir. Mais

 18   ici il faut compter sur une possible intervention. Alors je ferai tout ce

 19   qu'il faut pour l'éviter, mais très probablement il y en aura. C'est une

 20   différence très importante."

 21   Etiez-vous au courant de cette différence importante à laquelle fait

 22   référence le président Tudjman en comparant l'opération Tempête et une

 23   autre opération militaire potentielle en Slavonie orientale ?

 24   R.  Je peux vous parler seulement des conversations que j'ai eues moi-même

 25   avec le président quand il m'a expliqué pour quelles raisons il ne fallait

 26   pas chercher une solution militaire, parce que moi, ensuite, je devais

 27   présenter ce point de vue à d'autres personnes. Je trouvais ça tout à fait

 28   logique, tout à fait clair, alors qu'à cette époque-là, en 1995, très peu

Page 18184

  1   de personnes comprenaient notre point de vue.

  2   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez aussi qu'il y avait beaucoup de tensions

  3   faites sur la Croatie, surtout de la part des Etats-Unis, pour que la

  4   Croatie ne s'engage pas dans un conflit dans la Slavonie orientale ?

  5   R.  Je savais qu'il y avait beaucoup de discussions sur ce thème. Les

  6   Etats-Unis d'Amérique ont beaucoup participé à la résolution de la question

  7   de la Slavonie orientale, et c'est à la demande d'ailleurs de la Croatie

  8   que les Etats-Unis se sont engagés. C'était une des conditions de Dayton,

  9   c'est-à-dire que la Croatie a accepté cette voie après l'opération Tempête.

 10   Donc elle a accepté qu'un Américain soit placé à la tête de cette mission

 11   pour être sûr que la mission allait se dérouler dans les délais prévus, à

 12   savoir un an plus un an, maximum deux ans, et que tout allait être fait,

 13   tout ce qui a été prévu par l'accord d'Erdut.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais maintenant vous demander

 16   d'examiner la pièce P449.

 17   Q.  Là il s'agit de la transcription de la réunion que M. Tudjman a eue

 18   avec M. Holbrooke, avec le général Wesley Clark et l'ambassadeur Galbraith.

 19   Vous souvenez-vous de cette réunion qui a eu lieu le 19 août 1995 ?

 20   R.  Oui, j'ai été au courant de cela.

 21   Q.  Mais vous n'étiez pas présente, n'est-ce pas ?

 22   R.  Non.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pouvons-nous à présent examiner la page 4

 24   en anglais et la page 31 en B/C/S.

 25   La réunion a eu lieu le 18 août; peut-être que je me suis trompée.

 26   Q.  Là on va voir les propos de M. Holbrooke, c'est quelque chose qui

 27   figure en bas de la page en B/C/S.

 28   Il dit :

Page 18185

  1   "Je comprends, et je voudrais être très honnête, car notre gouvernement

  2   vous a envoyé différents signaux au sujet des activités militaires au cours

  3   de ces quelques mois. Au mois de novembre, on vous a demandé de ne pas

  4   attaquer, et vous ne l'avez pas fait. Au mois de mars, je suis venu ici en

  5   avion et nous nous sommes mis d'accord, ensuite Gore l'a annoncé à

  6   Copenhague, mais vous n'avez pas attaqué. Ensuite la guerre a recommencé.

  7   Quand la guerre a recommencé, vous êtes allés dans la Slavonie occidentale,

  8   et là l'ambassadeur Galbraith et moi-même nous avons compris quelle était

  9   l'importance stratégique de cette opération et on a insisté auprès des

 10   Serbes. Et à Washington, nous soutenions la thèse qu'il fallait absolument

 11   montrer une certaine compréhension par rapport à une opération militaire

 12   croate."

 13   Maintenant, la page suivante en B/C/S, s'il vous plaît. Donc c'est tout à

 14   fait en bas de la page.

 15   Ensuite il parle des négociations avant l'opération Tempête où il dit que :

 16   "Peter a parlé avec Babic au sujet du plan Z-4. Il y a eu beaucoup de

 17   confusion. C'était un triomphe du point de vue politique et militaire. Il

 18   en a profité à nouveau de la situation, il a à nouveau aidé. Le seul

 19   problème qui reste c'est le problème des réfugiés. Est-ce que vous pouvez

 20   faire revenir ces gens, vous pourriez faire un discours, leur dire que la

 21   guerre est terminée. La plupart ne vont pas revenir, mais dites-leur de

 22   revenir, mettez l'accent là-dessus…"

 23   Ensuite la page suivante en B/C/S. 

 24   Ensuite le président Tudjman dit : "Je serais bien content si 10 %

 25   d'entre eux revenaient."

 26   M. Holbrooke dit : "Ecoutez, dites-leur de revenir, proposez-leur de les

 27   dédommager. Mais on ne va pas parler des questions humanitaires pour

 28   l'instant, on ne va pas parler des hommes, ce n'est pas que je l'oublie,

Page 18186

  1   mais on va oublier un instant cela. C'est vrai que vous avez aidé à faire

  2   avancer les choses, et je voudrais que les choses soient claires. Je

  3   voudrais vous dire comment je me sens au fond de moi-même. Je pense que

  4   vous avez fait beaucoup pour faire avancer la paix. Mais je n'ai pas le

  5   même sentiment par rapport au secteur est, par rapport à la Slavonie

  6   orientale. Je suis convaincu que là il s'agirait d'une situation toute

  7   autre, car nous avons ici la frontière avec la Serbie…"

  8   Maintenant en bas de la page, s'il vous plaît, en anglais, c'est la page 34

  9   en B/C/S, le président Tudjman répond en disant :

 10   "Très bien, je suis d'accord, je suis prêt -- je veux vraiment que l'on

 11   trouve une solution pacifique."

 12   M. Holbrooke dit : "Oui, oui, je sais."

 13   Le président Tudjman dit : "Vous savez, 200 de mes soldats ont été tués… 1

 14   400 ont été blessés. Et effectivement, une solution pacifique serait tout à

 15   fait bienvenue. Même si l'opinion croate et l'armée, bien, ils sont tous

 16   prêts à lancer une opération…"

 17   Ensuite, M. Holbrooke dit : "Bien sûr. Mais si vous attaquez dans le

 18   secteur est et si Milosevic ne s'y mêle pas, vous allez gagner. Cela étant

 19   dit, nous ne pensons pas qu'il va pouvoir rester en retrait."

 20   Le président Tudjman répond : "Je le sais."

 21   Voilà, donc ça c'est un entretien qui parle de la situation militaire et

 22   politique de l'époque, n'est-ce pas, Madame, est-ce que cela correspond à

 23   votre souvenir ?

 24   R.  Oui, oui. Cela confirme d'ailleurs ce que je vous ai déjà dit.

 25   Q.  Vous avez directement participé aux négociations dans la Slavonie

 26   orientale, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Là l'ambassadeur Galbraith et M. Stoltenberg, ils ont tous les deux

Page 18187

  1   participé à ces négociations ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Je pense que vous avez dit qu'à la fin de tout cela l'accord d'Erdut a

  4   été signé le 12 novembre 2005 [comme interprété] ?

  5   R.  Oui, le 12 novembre 2005.

  6   Q.  M. Sarinic, qui était à la tête de l'équipe des négociateurs de la

  7   Croatie, c'est lui qui était le chef des négociateurs de votre côté, n'est-

  8   ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, je vais vous

 11   interrompre. Cela fait un moment qu'on vous écoute pour savoir quel était

 12   le contexte de ce qui s'est passé ou ce qui ne s'est pas passé en Slavonie

 13   orientale. Je ne dis pas que ce n'est pas pertinent du tout, mais si cela a

 14   une pertinence, cette pertinence est assez marginale.

 15   C'est pour cela qu'on se demande pendant combien de temps vous avez

 16   l'intention de poursuivre dans ce domaine.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que c'est

 18   quelque chose de tout à fait pertinent. Je voudrais vous demander de

 19   pouvoir vous en parler en l'absence du témoin.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Poursuivez dans ce cas-là, et

 21   allez-y plus directement. Parce que pour l'instant nous n'avons pas encore

 22   compris quelle est vraiment la pertinence de ces questions pour que vous y

 23   passiez autant de temps.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc essayez d'en venir au cœur de la

 26   question le plus rapidement possible.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 28   Q.  Ces négociations impliquaient les Serbes dans la Slavonie orientale,

Page 18188

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18189

  1   mais c'est vrai aussi que M. Milosevic avait son mot à dire dans ces

  2   négociations, il avait beaucoup d'influence du côté serbe dans ces

  3   négociations; est-ce exact ?

  4   R.  C'est vrai qu'il y a eu un certain nombre d'entretiens que Hrvoje

  5   Sarinic a eus avec Milosevic jusqu'en 1995.

  6   Q.  Au cours de ces entretiens, M. Sarinic a demandé à obtenir un accord

  7   avec M. Milosevic pour minimiser le nombre de Serbes qui allaient rester

  8   dans la Slavonie orientale et en Croatie, en général, ce qui impliquait

  9   aussi un possible échange des populations; est-ce exact ?

 10   R.  Non, ce n'est pas exact. On n'a jamais évoqué le nombre minimal de

 11   Serbes dans la Slavonie orientale. Moi, j'ai reçu des instructions très

 12   claires du président, car je lui ai demandé ce qu'il fallait que je fasse,

 13   quelle devait être ma position. Je lui ai demandé comment procéder alors

 14   que l'on avait 120 000 Serbes qui s'y trouvaient et il fallait ramener

 15   autant de Croates ? J'ai demandé tout simplement comment faire cela, et là

 16   il était très clair -- permettez-moi de terminer puisque là je suis en

 17   train de répondre à la question que vous venez de me poser.

 18   Donc toute la population serbe du cru devait absolument rester. Ceux qui

 19   étaient restés d'autres régions croates, et surtout de la région de Knin,

 20   bien, il fallait qu'ils retournent là-bas. Et ceux qui étaient venus de la

 21   Serbie propre et de la Republika Srpska, il fallait qu'ils y retournent en

 22   Yougoslavie, Serbie et la Republika Srpska.

 23   Q.  Vous avez dit que vous saviez que M. Sarinic négociait avec M.

 24   Milosevic. Est-ce que vous voulez dire qu'il n'a jamais discuté avec lui de

 25   la possibilité de procéder aux échanges des populations, les Serbes de la

 26   Slavonie orientale contre les Croates de Vojvodine, par exemple, vous

 27   n'êtes pas au courant de cela ?

 28   R.  Vous avez évoqué le nombre minimal de Serbes, ça c'est une question qui

Page 18190

  1   n'a jamais été évoquée. Ils ont essayé de trouver le moyen de déplacer ces

  2   gens de la façon que je viens de vous expliquer.

  3   Q.  On va voir ce qu'ils ont dit en réalité.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Là il s'agit de la pièce P465.

  5   Q.  Là c'est la transcription de la réunion du 29 août 1995 entre le

  6   président Tudjman et M. Sarinic. Au moment de cette réunion, M. Sarinic

  7   décrit une réunion qu'il a eue avec M. Milosevic, et lors de cette réunion

  8   il s'agissait de trouver une solution pour la Slavonie orientale.

  9   Est-ce que vous étiez au courant de cette réunion, soit de la réunion avec

 10   M. Milosevic, ou bien de la réunion qui s'est tenue par la suite entre M.

 11   Sarinic et M. Tudjman où l'on a évoqué justement cette réunion-là ?

 12   R.  Oui, j'ai été au courant de beaucoup de réunions, mais je n'étais pas

 13   vraiment au courant du contenu de chaque réunion, et je pense que vous

 14   allez comprendre les raisons pour ça.

 15   Q.  On va à présent passer à la page 6 en anglais et la page 7 en B/C/S.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, si à l'époque si vous

 17   aviez dit le P465 tout en donnant la page immédiatement, bien, on l'aurait

 18   eu immédiatement. Maintenant il faut qu'on attende.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. J'ai

 20   voulu tout simplement montrer la page de garde, mais la prochaine fois je

 21   vais donner la page immédiatement.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 24   Q.  Là, nous avons M. Sarinic qui décrit sa réunion avec Milosevic. Il dit

 25   :

 26   "Maintenant vous savez que la dernière fois je vous ai dit quel était son

 27   point de vue pour la Slavonie orientale, que tous ceux qui s'y trouvent

 28   devraient y rester. Cette fois-ci, il a dit lui-même qu'il fallait qu'il

Page 18191

  1   trouve une solution et il a proposé le scénario suivant, ce qui constituait

  2   une amélioration par rapport à la situation telle qu'elle était, mais ceci

  3   ne représentait toujours pas la meilleure des solutions. Il a dit : Tous

  4   ceux qui sont venus de l'extérieur devraient partir, tous les réfugiés

  5   croates doivent revenir. Il a dit : Ceux qui y sont à présent, qu'est-ce

  6   que je peux faire ? Je ne peux pas les expulser. On va avoir besoin d'un

  7   petit peu de temps avant que les choses ne se calment, ensuite on va voir

  8   ce que l'on va faire."

  9   M. Sarinic parle de la position précédente de Milosevic, qui avait dit que

 10   tous ceux qui étaient là devaient rester là-bas. En fait, il faisait

 11   référence à tous les Serbes qui se trouvaient sur le territoire de la

 12   Slavonie orientale; est-ce exact ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ensuite quand il parle de cette nouvelle proposition de Milosevic, qui

 15   constituait à dire que tous ceux qui sont venus de l'extérieur devaient

 16   partir, c'est une proposition nouvelle. Donc les Serbes qui se trouvent sur

 17   le territoire de la Slavonie orientale mais qui ne sont pas originaires de

 18   la région devraient quitter la Slavonie orientale; est-ce exact ?

 19   R.  Oui, ceux qui sont venus avec l'armée, d'ailleurs.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Maintenant je vais demander que l'on

 21   regarde la page suivante en anglais. C'est la page 8 en B/C/S. C'est en bas

 22   de la page en B/C/S.

 23   Q.  Ici le président Tudjman dit :

 24   "Mais vous avez vraiment dit que l'on pourrait le faire, échanger les

 25   Croates de Vojvodine ?"

 26   Tournez la page.

 27   Et M. Sarinic dit : "Oui, absolument, il était d'accord. A un moment donné

 28   je lui ai dit cela…"

Page 18192

  1   Et là, le président dit : "O.K. Dites-moi cela d'une façon chronologique.

  2   Décrivez-moi ce qui s'est passé."

  3   Donc là on fait référence à la proposition faite par M. Sarinic à M.

  4   Milosevic, à savoir que les Serbes de la Slavonie orientale soient échangés

  5   contre les Croates de Vojvodine. C'est exact, n'est-ce pas ?

  6   R.  Je pense que vous avez vraiment sorti ces informations du contexte.

  7   A l'époque, les Croates qui vivaient en Serbie vivaient dans des

  8   circonstances dramatiques. On les expulsait; on leur faisait peur; ils

  9   voulaient, eux-mêmes, quitter la Vojvodine.

 10   Une partie de la population serbe ne voulait absolument pas rester dans la

 11   Slavonie orientale. C'était cela la proposition, à savoir de procéder à un

 12   échange, à un déplacement humain de la population, c'est-à-dire de donner

 13   la possibilité à ceux qui ne voulaient plus vivre dans les Etats où ils

 14   vivaient de leur donner la possibilité de déménager.

 15   Donc il s'agissait d'un déménagement volontaire humain et pas forcé.

 16   Q.  Bien. Maintenant voyons ce qui se passe au moment des réunions qui se

 17   sont déroulées au cours des jours suivants. Ceci correspond au document

 18   P466.

 19   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page 4 en anglais, page 8 en B/C/S.

 20   Q.  Et lors de cette réunion, le président Tudjman discute des différentes

 21   propositions pour la Slavonie orientale avec un certain nombre de

 22   conseillers. Cette fois-ci le cercle est plus large : M. Granic, Jarnjak,

 23   Milas, Sarinic, Pasalic, Sokol, Valentic, et Susak. Je voudrais commencer

 24   là où M. Valentic prend la parole et il dit :

 25   "Je ne suis pas vraiment au courant de ces problèmes, mais je sais de notre

 26   département qu'on parle souvent d'un grand nombre de Serbes de la Slavonie

 27   occidentale qui habitent dans la zone de Baranja et Vukovar (ils sont au

 28   nombre de 30 000 à peu près). Ce qui veut dire qu'il faudrait s'attendre à

Page 18193

  1   ce qu'ils demandent à retourner dans la Slavonie occidentale."

  2   Le président Tudjman répond : "C'est un problème à part et il faudrait

  3   qu'on s'y penche."

  4   MME GUSTAFSON : [aucune interprétation]

  5   Q.  Et là M. Valentic dit -- et le président Tudjman continue :

  6   "Ce que je voudrais dire maintenant, c'est qu'on peut le dire comme cela.

  7   Les Serbes qui sont venus de Bosnie et d'autres endroits, il faudrait

  8   qu'ils partent, oui."

  9   M. Valentic dit : "Quoi ? Avec nos Serbes à nous ?"

 10   Et là quand il dit "nos Serbes," il parle des Serbes de Croatie, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Et le président Tudjman poursuit : "Avec nos Serbes, puis il faut qu'on

 14   soit très flexible à ce sujet à cause de la communauté internationale, il

 15   faudrait que l'on propose qu'on les échange contre les Croates de Vojvodine

 16   et de Serbie (mais on ne peut pas le dire par écrit)…"

 17   Et Milas dit : "Pourquoi ? C'est une possibilité qui a toujours été

 18   évoquées après la guerre."

 19   Le président : "Ecoutez, il vaut mieux de ne pas compliquer la vie ni pour

 20   eux ni pour nous."

 21   M. Milas dit : "Mais c'est une espèce d'option qui existe dans tous les

 22   accords internationaux, qui a toujours existé depuis la Première Guerre

 23   mondiale."

 24   Et M. Valentic dit : "Je pense que la plupart vont le faire, mais il

 25   faudrait le faire d'une façon très intelligente, et je vais prendre contact

 26   avec eux. Que je sache, et autant que je connais, Serbes, et je connais

 27   très bien, 80 % d'entre eux vont partir."

 28   Ensuite, tout en bas, il dit :

Page 18194

  1   "Et je ne pense pas qu'ils vont être nombreux à rester, mais je ne pense

  2   pas qu'il faudrait avancer cette proposition d'échange immédiatement. Il

  3   faut attendre un peu, pour le dire comme cela, il ne faut pas y aller trop

  4   vite."

  5   Le président : "Mais je dois dire que cette question reste ouverte,

  6   on l'a ouverte et ils l'ont posée."

  7   Madame Skare Ozbolt, cette conversation reflète la politique du

  8   gouvernement qui constituait à minimiser le nombre de Serbes qui devaient

  9   rester dans la Slavonie orientale et on évoquait la possibilité d'un

 10   échange des populations.

 11   R.  Non, je ne pense pas qu'il s'agit de minimiser le nombre de Serbes,

 12   parce que ceci voudrait dire que l'on voulait expulser les Serbes.

 13   Là, je pense qu'il s'agit de ces Serbes qui ne voulaient absolument

 14   pas rester en Croatie à aucun prix. Donc il ne s'agit pas de minimiser le

 15   nombre de Serbes en Croatie, mais il s'agit de ne pas forcer les Serbes qui

 16   ne veulent plus vivre en Croatie de continuer à y vivre.

 17   Q.  Madame Skare Ozbolt, dans cette réunion, ils ne parlaient pas

 18   d'arranger les gens qui veulent absolument quitter la Croatie. Vous pouvez

 19   l'appeler comme vous voulez, expulsion, échange ou déplacement humain. De

 20   quoi il s'agit ici ? Il s'agit de minimiser le nombre de Serbes qui

 21   resteraient dans la Slavonie orientale. C'est de cela que l'on parle dans

 22   ces négociations; est-ce exact ?

 23   R.  Non. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

 24   Je sais quelles étaient les options. Je sais quelle était la situation.

 25   Cela ne veut absolument pas dire que l'on veut minimiser le nombre de

 26   Serbes. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit dans cette conversation. De quoi

 27   il s'agit ? On se demandait ce qui allait se passer dans la région à partir

 28   du moment où un certain nombre de Serbes quittent la région.

Page 18195

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18196

  1   Je répète, je ne dis pas que toutes les idées avancées étaient superbes.

  2   Non, il y en avait qui étaient complètement stupides. Il y avait des gens

  3   qui avançaient des options pas trop intelligentes, là je parle du cercle de

  4   gens qui étaient autour du président. Mais il ne s'agissait pas de

  5   minimiser le nombre de Serbes après l'opération Eclair, et d'ailleurs il

  6   s'agit de la Slavonie occidentale et pas de la Slavonie orientale.

  7   Q.  Peut-être qu'il y a un problème de communication, parce

  8   qu'effectivement je parlais de la Slavonie orientale.

  9   R.  Ici il s'agit de la Slavonie occidentale. Dans ce transcript, c'est de

 10   cela qu'on parle.

 11   Q.  Donc M. Valentic parle du problème des Serbes de la Slavonie orientale

 12   qui souhaitent revenir en Slavonie occidentale, n'est-ce pas ? On peut

 13   revenir sur la page pour le vérifier.

 14   R.  Oui, il s'agit du retour des Serbes dans la Slavonie occidentale.

 15   Q.  Oui, on a parlé de cela. Mais ensuite, le président Tudjman dit :

 16   "De façon plus générale, les Serbes de Bosnie, ceux qui sont venus de

 17   Bosnie, il faudrait qu'ils partent."

 18   Et là, M. Valentic dit : "Avec nos Serbes à nous ?"

 19   Et le président Tudjman dit : "Oui, avec nos Serbes à nous" --

 20   R.  Ceux qui veulent partir de leur plein gré.

 21   Q.  C'est votre interprétation personnelle de ce que le président Tudjman

 22   disait ?

 23   R.  Ce sont mes connaissances personnelles.

 24   Q.  Mais vous n'avez pas assisté à cette réunion et --

 25   R.  Oui, je vous ai dit que je n'ai pas assisté à cette réunion, mais je

 26   parle d'après mes propres connaissances.

 27   C'est moi qui recevais les tâches concrètes qu'il fallait mettre en œuvre.

 28   Q.  Merci.

Page 18197

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, je sais que Me

  2   Kehoe souhaitait soulever quelque chose.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans ce cas-là, nous allons d'abord

  4   demander au témoin de prendre la pause, ensuite nous allons donner la

  5   parole à Me Kehoe et nous allons reprendre probablement à 11 heures moins

  6   05.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   Maintenant le moment a passé -- ceci concernait la discussion au sujet de

 11   D422, je me souviens que vous avez dit, Monsieur le Président lorsque nous

 12   menions des contre-interrogatoires, qu'il fallait placer les choses dans le

 13   contexte et j'ai totalement accepté ces instructions. Le fait de donner

 14   l'ensemble du contexte par rapport à ce qui se passait avec ces propriétés,

 15   l'Accusation souhaite que l'on se penche sur les articles 7 et 8. En fait,

 16   ces deux articles, il faut les regarder ensemble.

 17   Ma question ou mon objection, pour être tout à fait équitable vis-à-vis du

 18   témoin, concerne ces deux articles qui, visiblement, doivent être pris en

 19   considération ensemble et il faut donner l'ensemble du contexte par rapport

 20   à ce qui se passait. Et c'est moi qui vais couvrir cela lors des questions

 21   supplémentaires. C'est ce que je pensais dire à l'époque.

 22   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui.

 23   Madame Gustafson.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Mes questions portaient sur les

 25   interdictions en vertu de l'article 7, qui porte sur les interdictions de

 26   la vente des propriétés aux personnes qui avaient obtenu l'utilisation

 27   temporaire de ces propriétés. Je ne pense pas que c'était une mauvaise

 28   représentation des choses.

Page 18198

  1   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je vais traiter de cela.

  2   Je veux dire clairement ce qui avait été envisagé ou la ligne des questions

  3   portait sur les propriétés obtenues par le gouvernement croate qui,

  4   simplement, cédait cela à ces personnes. Et je pense que ce serait la

  5   manière appropriée de faire les choses; ces personnes ne pouvaient pas

  6   vendre ou disposer de ces biens immobiliers et les personnes qui étaient

  7   les propriétaires non plus, jusqu'à ce que la commission ne trouve une

  8   solution d'organisation -- 

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La commission dont vous parlez, peut-on

 10   voir à l'écran la pièce --

 11   M. KEHOE : [interprétation] D422.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le témoin dit dans sa déposition que la

 14   commission a été créée en 1998.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, il fallait demander à la

 16   commission -- peut-on voir ça à l'écran, 7 et 8.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Je regardais d'abord 4, car 4 porte sur

 18   l'établissement de la commission --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je demande tout d'abord

 20   d'avoir l'opportunité de lire 7 et 8. J'apprécie votre suggestion qu'il

 21   faut lire 4 aussi, mais je ne vous ai pas invité à m'expliquer 4.

 22   M. KEHOE : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez -- ou c'est moi qui vais

 24   poursuivre.

 25   Apparemment vous avez fait référence à la commission qui a été

 26   mentionnée au paragraphe 4, qui porte sur la commission établie par les

 27   autorités locales.

 28   Alors qu'apparemment, vous, Madame Gustafson, vous faites référence à une

Page 18199

  1   commission qui a été créée en 1998.

  2   Donc apparemment nous parlons de deux commissions différentes. Peut-on

  3   d'abord essayé d'éviter d'utiliser le même nom pour parler des institutions

  4   différentes.

  5   Si je me souviens bien, hier le témoin a souligné le fait que les

  6   propriétaires avaient le droit de vendre soit à l'Etat ou aux autres. Je

  7   pense que si l'on se concentre sur l'article 8 de cette loi, enfin, lorsque

  8   Mme Gustafson l'a fait, elle contestait cette liberté de vendre ou le fait

  9   que cette liberté de vendre était aussi illimitée ou complète que ce que le

 10   témoin disait hier. Puis un autre point qui complique de manière

 11   supplémentaire les choses est lié au fait que la situation a changé

 12   apparemment après la décision de la cour constitutionnelle, autrement dit

 13   nous devons prendre en considération ce qui était en vigueur en 1995, 1996,

 14   1997, ensuite, comme le témoin l'a indiqué, la situation a changé en 1998.

 15   Apparemment c'est la situation.

 16   Maintenant, si l'on essaye de dire que si le témoin a tellement attiré

 17   notre attention sur la liberté de vendre à qui que ce soit, demander auprès

 18   de Mme Gustafson de nous donner encore une fois une image d'ensemble par

 19   rapport aux droits de ceux qui étaient installés dans ces biens immobiliers

 20   qui n'avaient pas la possibilité de vendre, bien sûr, ceci complèterait

 21   l'image dans la mesure dans laquelle la Chambre n'a pas pu lire cela elle-

 22   même. Tout ce qui est contenu dans les documents ne doit pas toujours être

 23   présenté au témoin de manière complète. S'il serait injuste vis-à-vis du

 24   témoin de le faire, bien sûr, il faudrait donner le contexte. Mais compte

 25   tenu de la déposition du témoin hier, qui portait sur les droits des

 26   propriétaires de vendre à qui que ce soit, à qui ils souhaitaient vendre,

 27   je pense qu'il n'était pas inapproprié de la part de Mme Gustafson de se

 28   concentrer sur l'article 8.

Page 18200

  1   Essayons de demander auprès du témoin des clarifications au sujet de la

  2   déposition que vous, Maître Kehoe ou Madame Gustafson, considérez comme

  3   importantes. Essayons de nous abstenir des interruptions et interférences

  4   non nécessaires, si c'est l'autre partie qui mène cette partie de

  5   l'interrogatoire. L'image d'ensemble sera créée à la fin.

  6   M. KEHOE : [hors micro]

  7   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  8   M. KEHOE : [interprétation] Avec le micro, j'apprécie vos instructions.

  9   C'est tout ce que je souhaitais obtenir à l'époque, c'est-à-dire avoir une

 10   image d'ensemble, une image complète, car ça portait sur une confiscation

 11   des biens…

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] …Oui, mais qu'est-ce que ça veut dire

 13   sémantiquement parlant le fait de minimiser ? Si vous dites 10 % de Serbes,

 14   est-ce que c'est le fait de minimiser ? Non. Car 5 % est encore moins. Bien

 15   sûr, la confiscation doit être comprise dans ce contexte, au moins c'est

 16   ainsi que je comprends les choses, que la personne est privée des droits de

 17   propriété sans obtenir un montant acceptable pour cela, et que ce soit pour

 18   toujours ou pendant 30 ans ou pendant trois ans, ou simplement jusqu'au

 19   moment où la cour constitutionnelle prendra une autre décision ou toute

 20   autre cour qui pourrait changer cela de nouveau, nous ne sommes pas des

 21   imbéciles. Au moins j'espère que nous n'avons pas laissé cette impression.

 22   Si quelqu'un utilise le mot "confiscation," bien sûr, ceci est compris dans

 23   son contexte. Si vous regardez la confiscation, vous allez voir que dans de

 24   nombreux systèmes juridiques - c'est différent partout - ici nous avons la

 25   confiscation en tant que punition, confiscation en tant que protection des

 26   intérêts de l'Etat, confiscation -- c'était tout à fait clair que nous ne

 27   nous concentrions pas sur le mot "confiscation" pour ensuite entamer une

 28   étude juridique comparative portant sur le mot confiscation. Nous parlons

Page 18201

  1   de ce que Mme Gustafson trouve dans cette loi. Bien sûr, nous ne prenons

  2   pas cela pour de l'argent comptant, ce que Mme Gustafson comprend. Je veux

  3   dire, Mme Gustafson a parlé de l'attaque contre la Krajina. Nous pouvons

  4   passer une demi-heure sur la question de savoir si le fait de reprendre le

  5   contrôle territorial d'une région est une attaque ou pas. Nous comprenons

  6   la langue utilisée par Mme Gustafson et par vous-même dans son contexte, et

  7   nous espérons que les parties peuvent, au moins dans une certaine mesure,

  8   nous faire confiance que nous le faisons, car sinon je devrai informer le

  9   président que cette affaire durera deux fois plus longtemps que prévu.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi. Le bénéfice du doute va du côté de

 11   la Chambre. Je plaisantais.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous plaisantez. Même ça c'est clair

 13   pour nous, Maître Kehoe, que vous plaisantiez. Donc inutile de l'expliquer.

 14   Nous allons prendre maintenant une pause, et nous allons reprendre notre

 15   travail à onze heures et quart.

 16   --- L'audience est suspendue à 10 heures 45.

 17   [Le témoin vient à la barre]

 18   --- L'audience est reprise à 11 heures 15.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, Madame Gustafson,

 20   une question de procédure.

 21   Une demande a été déposée aux fins d'obtenir la déposition par le biais de

 22   la vidéoconférence pour le Témoin AG-61, le 15 juin. Si la Chambre a bien

 23   compris, toutes les parties sont d'accord pour qu'on puisse entendre sa

 24   déposition en une journée. Et c'est sur cette base-là, si elle est

 25   correctement comprise - et vous allez me dire immédiatement si j'ai bien

 26   compris ou pas - donc sur cette base-là, la Chambre accorde la demande de

 27   déposition par vidéoconférence. Une décision formelle suivra.

 28   Il y a toujours une demande en suspens portant sur un subpoena,

Page 18202

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18203

  1   conjonction à comparaître concernant le même témoin. La Chambre ne rendra

  2   pas immédiatement la décision sur cette deuxième demande, puisque nous

  3   avons l'impression que le témoin a déclaré qu'il était disposé à témoigner

  4   si cela se faisait par la vidéoconférence. Donc nous n'allons pas

  5   maintenant rendre cette décision, parce qu'il pourrait s'avérer qu'il n'y a

  6   pas lieu de la rendre, tout simplement.

  7   Alors après avoir réglé cette question de procédure, Madame

  8   Gustafson, veuillez poursuivre. La Chambre aimerait exprimer ses

  9   préoccupations au sujet des interruptions très fréquentes et à la manière

 10   dont vous avez procédé. Il vous a fallu 20 minutes pour démontrer un point

 11   qui nous paraît tout à fait clair.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

 13   Q.  Madame Skare Ozbolt, je souhaite vous poser maintenant une question au

 14   sujet de vos négociations à l'égard de la Slavonie orientale. Au cours de

 15   ces négociations, les dirigeants croates étaient préoccupés par le fait que

 16   les termes de cet accord pouvaient rendre possible le retour des Serbes en

 17   Krajina. Vous et M. Sarinic, vous avez cherché un accord visant à empêcher

 18   un tel retour.

 19   C'était la position de négociations que vous aviez prise, n'est-ce pas ?

 20   R.  Notre position dans les négociations était que les Serbes de Krajina

 21   pouvaient retourner dans la Krajina, au lieu de leurs résidences.

 22   Q.  Est-ce que vous en êtes sûre ?

 23   R.  Bien sûr.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on passer maintenant à la pièce P458,

 25   s'il vous plaît.

 26   Q.  Dans ces négociations, vous avez eu plusieurs discussions avec

 27   l'ambassadeur Galbraith, n'est-ce pas, vous et M. Sarinic ?

 28   R.  Oui.

Page 18204

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on maintenant examiner la page 46 en

  2   anglais et la quatrième traduction en B/C/S de cette pièce à conviction.

  3   Q.  Il s'agit là du journal diplomatique de l'ambassadeur Galbraith. Ce

  4   paragraphe en particulier est une entrée du 15 septembre. Il y est dit :

  5   "Nous avons eu une longue conversation au sujet du retour des réfugiés.

  6   Sarinic tenait la ligne dure au début. Il était également préoccupé de

  7   l'impact des changements démographiques dans le secteur est si les Serbes

  8   de Krajina et de la Slavonie occidentale y restaient. J'ai indiqué que par

  9   rapport aux Serbes de la Slavonie occidentale, il avait dit qu'ils

 10   pouvaient rester ou rentrer dans leurs foyers en Slavonie occidentale. Il a

 11   répondu que c'était il y a six mois et que les choses avaient changé.

 12   J'ai dit explicitement que les Etats-Unis pouvaient soutenir seulement un

 13   peuplement qui impliquait le droit des citoyens croates qui étaient des

 14   Serbes de rester en Croatie et de rentrer dans leurs foyers où qu'ils

 15   soient en Croatie."

 16   Un peu plus loin dans le texte, au paragraphe suivant, il a

 17   dit :

 18   "Il a ensuite dit que la clé était de savoir si les Croates pouvaient

 19   obtenir de nouveau leurs propriétés dans le secteur est. Si oui, le danger

 20   de peupler trop de Serbes originaires de l'extérieur de la région serait

 21   moindre. Je lui ai dit que les Serbes de la Slavonie orientale étaient déjà

 22   d'accord avec cela. Mais tout peuplement devait prévoir le droit des

 23   citoyens de Croatie, Croates et Serbes" --

 24   M. KEHOE : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante.

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Excusez-moi, peut-on passer à la page

 26   suivante.

 27   Q.  "…afin de se voir restituer leurs propriétés et rentrer dans leurs

 28   foyers. Il a souri et il a dit : Je m'attendais à ce que vous le disiez."

Page 18205

  1   Or, cette entrée reflète le fait que l'ambassadeur Galbraith avait insisté

  2   sur le fait que les citoyens croates devraient avoir le droit de rentrer

  3   chez eux où qu'ils soient en Croatie et M. Sarinic résiste cette idée,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Non, ce n'est pas exact. Sarinic ne s'opposait pas au retour de tout le

  6   monde chez lui. D'ailleurs, c'était la politique que nous avions mise en

  7   place, c'est-à-dire que tout le monde rentre chez lui. A cette époque-là,

  8   en Slavonie orientale, il y avait un grand nombre de réfugiés venant de la

  9   Krajina et le gouvernement de la Krajina les avait assurés au moment de

 10   leur départ de la Krajina, du fait que la Slavonie orientale allait être

 11   leur nouveau lieu de résidence permanent. Par conséquent, les gens

 12   croyaient qu'ils allaient y vivre de manière permanente. La preuve en est

 13   de nombreuses faites publiquement à la télévision par des gens de Krajina

 14   qui le disaient publiquement. Tout simplement, il était nécessaire de

 15   mettre de l'ordre dans la région de la Slavonie orientale.

 16   Par la suite, la procédure, tout le monde rentre chez lui, a été mise en

 17   œuvre.

 18   Q.  En réalité, M. Sarinic était préoccupé par le fait qu'au cours de la

 19   période de transition en Slavonie orientale, les Serbes de Krajina seraient

 20   entassés en Slavonie orientale et, de là, ils pourraient éventuellement

 21   rentrer en Krajina. Vous et lui, vous avez essayé d'empêcher cela, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Non, nous n'empêchions rien pendant cette période de transition. Nous

 24   avons mis en œuvre le retour de chacun chez lui. Donc celui qui vivait à

 25   Knin, en Krajina, et qu'il vivait en Slavonie orientale, cette personne est

 26   rentrée chez elle --

 27   Q.  Je vais vous interrompre, car ma question n'est pas ce qui s'est passé

 28   pendant la période de transition, mais ma question porte sur les

Page 18206

  1   préoccupations de M. Sarinic pendant les négociations --

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on passer maintenant à la page 54 en

  3   anglais. En B/C/S, il s'agit de la page 6.

  4   Q.  Il s'agit d'une entrée du 22 septembre. Est-ce que vous vous souvenez

  5   du fait que l'ambassadeur Galbraith, à l'époque, vous avait présenté un

  6   projet de plan pour la Slavonie orientale ?

  7   R.  Quel projet de plan ? Il n'y avait que l'accord d'Erdut qui était le

  8   projet de plan pour la Slavonie orientale. Rien d'autre.

  9   Q.  Bien. Dans cette entrée, l'ambassadeur Galbraith fait référence à un

 10   projet. Peut-être vous ne l'avez pas vu. Il dit :

 11   "J'ai présenté le plan de la Slavonie orientale à Sarinic, en lui

 12   donnant le cadre et le plan détaillé. Il a réagi avec colère, je pense que

 13   ceci a été provoqué surtout par l'emploi du mot "autonomie" dans le mémoire

 14   servant de cadre. Sa préoccupation réelle était que le plan pouvait

 15   permettre aux Serbes de Krajina de rentrer en Croatie par la petite porte

 16   de la Slavonie orientale, ce qui ne ferait pas seulement que changer

 17   l'équilibre ethnique, mais aurait l'effet de défaire la purification

 18   ethnique suite à l'opération Tempête. Je lui ai dit poliment que la Croatie

 19   allait devoir accepter le retour de ses citoyens et la mise en œuvre de sa

 20   constitution."

 21   Cette entrée reflète, n'est-ce pas, la préoccupation de M. Sarinic

 22   que la proposition de Galbraith allait permettre aux réfugiés serbes de

 23   Krajina d'être entassés dans le secteur est, ensuite rentrer chez eux,

 24   n'est-ce pas ?

 25   R.  Il faut tenir compte du fait que la date est le 22 septembre. A

 26   l'époque, il y avait des discussions au sujet de l'accord, qui aura le nom

 27   de l'accord d'Erdut par la suite. Ici Peter Galbraith ne renonce pas à son

 28   plan Z-4 et il a mentionné le mot "autonomie." Je suppose que c'est ce qui

Page 18207

  1   a vexé Hrvoje Sarinic à un tel point qu'il l'a même manifesté.

  2   Nous, à l'époque où il était question de l'accord d'Erdut, nous

  3   n'avons pas parlé des réfugiés, mais nous avons demandé d'avoir un cadre

  4   juridique sur la question de savoir comment il fallait mettre les choses en

  5   place et comment remplir tout ce qui devait être rempli au cours de la

  6   période de deux ans, allant de la démilitarisation jusqu'à la réintégration

  7   et réconciliation. Donc à l'époque, l'on ne parlait absolument pas du

  8   retour de chacun chez lui.

  9   Q.  Très bien. Regardons maintenant ce qui figure à la page 60 de la

 10   version anglaise et à l'avant-dernière page de la traduction en B/C/S. La

 11   date en question est le 2 octobre. Ce qui est indiqué ici :

 12   "Je suis revenu en avion et immédiatement allé voir Sarinic. C'était une

 13   personne très difficile à discuter, notamment des principes et surtout des

 14   droits de l'homme. Il voulait qu'il soit clair que le droit de retour

 15   valait seulement pour le secteur est et non pas plus largement, en disant

 16   que c'était un accord qui ne portait que sur le secteur est. Encore une

 17   fois, il a exprimé sa préoccupation par le fait que les Serbes pourraient

 18   s'entasser dans le secteur est en y envoyant les réfugiés de Krajina. Je

 19   lui ai dit que les Serbes ne voudront pas partager le secteur est, mais que

 20   la Croatie non plus ne pouvait pas échapper à ses obligations portant sur

 21   les droits de l'homme. La Croatie, j'ai dit, a accepté le droit au retour,

 22   et au point 6, il est indiqué les droits de l'homme reconnus

 23   internationalement au point le plus élevé. Les personnes pouvaient

 24   s'installer où ils souhaitaient. Vesna a dit que c'était avant la guerre.

 25   J'ai souligné que Tudjman avait dit à Clinton pendant la guerre que la 

 26   Croatie allait respecter les droits de l'homme."

 27   Quand on dit que Vesna on fait référence à vous, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

Page 18208

  1   Q.  Vous souvenez-vous que l'ambassadeur Galbraith vous avait dit que les

  2   gens devaient être libres de s'installer où ils le souhaitaient et que vous

  3   avez répondu à ceci : Oui, c'était avant la guerre ?

  4   R.  Notre discussion était bien plus longue que ceci, mais ce que j'ai

  5   voulu dire, c'était qu'il fallait rétablir la situation qui existait avant

  6   la guerre, avant 1991. C'était bien ça le sens de toute notre conversation.

  7   Nous garantissions, et cela a été fait, la Croatie a bien respecté

  8   l'article portant sur les droits de l'homme. Mais personne ne pouvait

  9   permettre que des personnes, qui ont quitté ce territoire pour une raison

 10   quelconque ou parce qu'ils ont été expulsés, commencent à s'installer

 11   partout où ils veulent en Croatie. Ils pouvaient s'installer où ils le

 12   souhaitaient, mais après avoir d'abord regagné leur foyer initial.

 13   Donc c'était ça la situation. Chacun rentre chez lui d'abord, là où il se

 14   trouvait avant 1991. Par la suite, il peut déménager là où il veut en

 15   Croatie. C'était ça la chose importante.

 16   Et c'est ce qu'elle a dit, Vesna. 

 17   Q.  Et vous avez bien dit ceci à l'ambassadeur Galbraith que c'était comme

 18   ça avant la guerre ?

 19   R.  Je vous ai répété maintenant ce que j'avais dit à l'ambassadeur. Ce qui

 20   est indiqué ici, évidemment, c'est bien trop court, complètement sorti du

 21   contexte, ça c'est son problème. C'est son journal. Mais je pense que même

 22   si vous le voulez bien, après l'explication que je viens de vous fournir,

 23   même cette citation aussi brève peut être comprise de manière adéquate.

 24   Q.  Merci. Même après la signature de l'accord d'Erdut, la politique de

 25   Tudjman a l'égard des Serbes de Krajina qui avaient quitté la Croatie était

 26   qu'ils ne pouvaient pas retourner en Croatie, du moins pas en grand nombre

 27   ?

 28   R.  Non, cela n'est pas exact.

Page 18209

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18210

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on m'afficher le document 7253 de la

  2   liste 65 ter, s'il vous plaît.

  3   Q.  Vous souvenez-vous d'un discours tenu par le président Tudjman à

  4   Vukovar, le 8 juin 1997 environ ?

  5   R.  Oui, je m'en souviens.

  6   Q.  Etiez-vous présente lors de ce discours ?

  7   R.  Je crois que oui.

  8   Q.  Bien

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page 4 du texte anglais, s'il vous plaît,

 10   et page 3, si je ne me trompe, de la version en B/C/S.

 11   Q.  En haut de la page en B/C/S, vous allez voir le passage suivant :

 12   "Mesdames et Messieurs, à tous les Serbes citoyens croates qui sont devenus

 13   des citoyens croates, qui se trouvent ici dans cette contrée et dans la

 14   contrée d'Osijek-Baranjak voisine et dans toute la zone de Dunav [comme

 15   interprété] croate, j'ai dit que s'ils souhaitent retourner à leurs foyers

 16   dans les parties occidentales de la Croatie depuis Pakrac jusqu'à Knin,

 17   qu'ils peuvent le faire. Déjà 14 500 sont retournés. S'ils ne souhaitent

 18   pas retourner, alors nous leur paierons des indemnités pour qu'ils puissent

 19   aller là où ils le souhaitent.

 20   "La Croatie, pour des raisons humanitaires, résoudra ou étudiera chacune de

 21   ces questions individuellement, la question des Serbes réfugiés de la

 22   Croatie, bien que je les ai invités, moi, en tant que le président de

 23   l'Etat d'y rester. Mais ils sont quand même partis. Nous allons donc

 24   étudier chaque cas individuellement. Et pour des raisons humanitaires, nous

 25   allons essayer de procéder au regroupement familial.

 26   "Bien évidemment, il n'y a pas question de retour de 150 000 ou 200 000

 27   personnes, parce que de nouveau nous allons dans ce cas-là avoir le conflit

 28   et la guerre, et personne ne peut nous forcer à le faire."

Page 18211

  1   Alors, le président Tudjman dit clairement ici que les Serbes de Krajina et

  2   de la Slavonie occidentale qui résidaient à ce moment-là en Slavonie

  3   orientale pouvaient rentrer chez eux; que les cas des Serbes en dehors de

  4   Croatie qui souhaitent retourner en Croatie pourront le faire mais que la

  5   grande majorité des Serbes de Krajina qui se trouvaient à ce moment-là en

  6   dehors de la Croatie ne seraient pas autorisés à retourner.

  7   R.  Ce qu'il dit ici est exact. Il a invité les Serbes à retourner chez

  8   eux, de prendre les papiers croates, les documents croates, de regagner

  9   leurs foyers, leurs lieux de résidence. Ensuite il parle d'un retour en

 10   masse de ceux qui ont causé la guerre, qui ont créé cette guerre. C'est à

 11   eux qu'il dit ici qu'eux ils ne pourront certainement pas retourner.

 12   Q.  Je dois vous interrompre.

 13   R.  Très bien.

 14   Q.  Vous parlez d'un retour en masse de ceux qui ont créé la guerre, causé

 15   la guerre. Est-ce que vous voulez dire que ces 150 000 à 200 000 Serbes de

 16   Krajina qui se trouvaient en dehors de Croatie, étaient ceux qui avaient

 17   créé la guerre, et qu'ils ne pouvaient pas retourner chez eux ? C'est ce

 18   qu'il veut dire ici ?

 19   R.  Je pense que c'est ce qu'il a dit. Il parle là de ceux qui ont créé la

 20   guerre et qui ont causé les atrocités en Croatie.

 21   Q.  Plus loin il dit :

 22   "De toute façon, eux-mêmes d'ailleurs, plus que 90 % ne souhaitent pas

 23   rentrer, donc l'histoire est telle qu'elle est. Vous savez qu'après la

 24   Deuxième Guerre mondiale plus de 12 millions de personnes ont été déplacées

 25   en Europe, un million de Grecs est retourné en Grèce. Après la Première

 26   Guerre mondiale, environ un million et demi de ce qu'on appelle les Turcs

 27   et les Musulmans sont retournés en Turquie, environ un million de Grecs en

 28   Grèce. Vous savez qu'aucun mal n'est pas entièrement mal. Dans chaque mal

Page 18212

  1   il y a un peu de bien aussi."

  2   Alors ici, le président Tudjman parle des transferts de population,

  3   déplacements des populations survenus après la Deuxième Guerre mondiale

  4   comme quelque chose de bien qui est ressorti du mal causé par la Deuxième

  5   Guerre mondiale, n'est-ce pas ?

  6   R.  Ecoutez, il faudra lire ce discours dans son intégralité pour pouvoir

  7   arriver à une conclusion sur le message que le président Tudjman voulait

  8   envoyer et aux Croates et aux Serbes de Vukovar. Il s'adresse ici et aux

  9   Serbes et aux Croates.

 10   Q.  Ici il dit que 150 000 Serbes ou 250 000 [comme interprété] Serbes qui

 11   se trouvent en dehors de la Croatie ne peuvent pas retourner. Ensuite il

 12   fait référence à 12 millions de personnes déplacées pendant la Deuxième

 13   Guerre mondiale en Europe, et il dit que "de chaque mal peut ressortir un

 14   bien."

 15   Ces transferts des populations ont été considérés dans ce discours comme un

 16   bien résultant du mal, n'est-ce pas ?

 17   R.  Son message, le message de ce discours est que la guerre qui a été

 18   causée par une politique de la Grande-Serbie a certaines conséquences et

 19   qu'après cette guerre très probablement rien ne sera plus le même parce

 20   qu'il y a des gens qui ne le souhaitent pas. Il parle ici des personnes qui

 21   ne souhaitent pas retourner, il parle en fait de ceux qui ne souhaitent pas

 22   accepter la Croatie comme leur Etat.

 23   Je peux maintenant essayer de vous éclaircir le contexte de tout ceci. Vous

 24   avez peut-être toute une autre perception de ce qui figure, mais pour

 25   comprendre ce discours il faut l'analyser dans le contexte de l'époque où

 26   il a été fait. Il envoie un message très clair aux Serbes qu'un

 27   commissariat a été créé qui serait chargé d'étudier chaque cas

 28   individuellement afin de permettre à ces personnes de reprendre une vie

Page 18213

  1   normale.

  2   Q.  Vous dites que : "Il a parlé de celui qui ne souhaitait pas accepter la

  3   Croatie comme leur Etat."

  4   Donc sa position a-t-elle été que 150 000 à 200 000 Serbes de Croatie, qui

  5   se trouvaient à l'époque en dehors de Croatie, que ces personnes-là

  6   n'avaient pas accepté l'Etat croate ?

  7   R.  Oui. Oui. Ceux qui tout simplement -- vous savez, il y avait beaucoup

  8   de gens qui se trouvaient sur des territoires occupés et qui ont déclaré

  9   qu'ils n'allaient plus jamais vivre en Croatie.

 10   Q.  Bien.

 11   Je vais maintenant aborder un autre sujet, c'est ce que vous avez déclaré

 12   hier devant cette Chambre portant sur les plaintes au sujet des crimes

 13   commis en Krajina lors de l'opération Tempête. Vous avez déclaré : "Tel

 14   comportement était entièrement inattendu."

 15   Et vous avez déclaré :

 16   "Personne au sein de notre gouvernement ne s'attendait à ce que les

 17   événements survenus suite à l'opération Tempête aient eu lieu. J'en ai

 18   parlé avec le président. Il était très, très énervé et en colère à cause de

 19   ceci."

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Je pense que vous avez déjà parlé de ceci lors de votre déposition,

 22   mais j'aimerais y revenir. Vous avez dit qu'un grand nombre de Croates a

 23   subi des souffrances pendant le régime de la RSK entre 1991 et 1995, n'est-

 24   ce pas ?

 25   R.  Oui, c'est exact. Environ 3 000 personnes, Croates et membres d'autres

 26   minorités ont été tués pendant l'occupation de la Krajina.

 27   Q.  Et un grand nombre d'entre eux a été expulsé, n'est-ce

 28   pas ?

Page 18214

  1   R.  Oui, depuis la zone de Krajina, 150 000 Croates ont été expulsés.

  2   Q.  Et le président Tudjman, ainsi que la plupart des habitants de la

  3   Croatie, étaient au courant de ceci, n'est-ce pas ?

  4   R.  Excusez-moi, mais je ne comprends pas. Il était au courant de quoi ?

  5   Q.  Au courant des crimes subis par les Croates à l'époque de la RSK,

  6   n'est-ce pas ? Il était au courant de ces crimes ? Il savait que 3 000

  7   personnes avaient été tuées, que des millions avaient été expulsées.

  8   R.  Il s'agit en fait d'un demi-million de personnes qui ont été expulsées

  9   dans toute la zone de la Republika Srpska Krajina, dans tous les secteurs,

 10   nord, sud, ouest et est, est un fait bien connu de tous en Croatie. Les 3

 11   000 personnes tuées, c'est l'information découlant de la FORPRONU. C'est la

 12   FORPRONU la source de cette information. Et à l'époque le président Tudjman

 13   n'était pas au courant de ceci.

 14   Q.  Je dois vous interrompre, vous avez immédiatement en fait répondu à ma

 15   question.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois dire quelque chose. Si vous

 17   n'avez pas posé cette question, je dois vous dire que d'ailleurs personne

 18   ne se douterait de la possibilité que le président Tudjman ait été au

 19   courant de ceci pendant quatre ans.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, mais je m'attendais à un oui

 21   simplement comme réponse.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais bon, c'est une question

 23   superflue quelle que soit la réponse à laquelle vous vous attendiez.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous pensez que les représailles en réponse aux crimes

 26   commis à l'encontre des Croates pouvaient être un facteur très important

 27   s'agissant des crimes commis suite à l'opération Tempête, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui, après, quand on a analysé ces événements, il s'est avéré que tout

Page 18215

  1   cela relevait des représailles, de la vengeance.

  2   Q.  Bien.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on maintenant retourner [comme

  4   interprété] à la pièce P455. Et je demanderais le versement du document

  5   précédent.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera P2536.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document est versé.

 10   Poursuivez, s'il vous plaît.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on passer à la page 2 de la version

 12   en B/C/S, première page en anglais.

 13   Q.  C'est le procès-verbal d'une réunion entre l'ambassadeur Galbraith et

 14   le président Tudjman du 10 août 1995.

 15   L'ambassadeur Galbraith décrit au président Tudjman un rapport qu'il a reçu

 16   et qui porte sur un incident survenu à Sisak. Il dit :

 17   "J'en ai parlé avec M. Sarinic. Je suis allé à Sisak hier et il paraît que

 18   dès que je suis parti, le premier de ces convois de Topusko est arrivé et a

 19   été exposé à une attaque de la masse qui s'est réunie sur place. Il paraît

 20   que les gens qui entouraient le convoi jetaient des briques, des pierres,

 21   sur le convoi en disant"--

 22   M. KAY : [interprétation] Je n'arrive pas à suivre ceci.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'ai demandé le document P455, peut-être

 24   que j'ai mal prononcé le numéro de la pièce à conviction ?

 25   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est mieux maintenant. Merci.

 27   Q.  Plus loin, il dit :

 28   "Dans ce reportage il a été clairement indiqué que les policiers croates,

Page 18216

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18217

  1   environ une cinquantaine, ainsi que des militaires, n'ont rien fait pour

  2   protéger les réfugiés. En fait, dans ce reportage il est indiqué que la

  3   plupart des membres du service de la Sécurité étaient en train de fumer

  4   sans réagir en baissant les bras, en se disant que la violence ne pouvait

  5   pas être évitée. Quelques-uns d'entre eux étaient en train de rire."

  6   En bas de ce discours il dit :

  7   "Dans de nombreux Etats démocratiques, le ministère de l'Intérieur, après

  8   de tels incidents, démissionnerait ou serait remplacé."

  9   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ensuite on voit la réponse du président,

 10   c'est à la page 2 du texte anglais, page 5 du texte en B/C/S. En bas de la

 11   page 2 en anglais, à peu près au milieu de la page du texte en B/C/S.

 12   Le président dit :

 13   "Monsieur l'Ambassadeur, nous ne pouvons pas régler ce problème sans avoir

 14   à l'esprit ce qui s'est passé en Croatie. En Croatie, fin 1991, 1992, et

 15   jusqu'à aujourd'hui, sans cesse, depuis les territoires croates occupés, et

 16   les Croates de Bosnie ont été tués et expulsés."

 17   Plus loin, page 4 du texte anglais, page 7 du texte en B/C/S, il dit :

 18   "Ces policiers, je vous assure, même s'ils n'ont pas été blessés lors de la

 19   guerre d'indépendance croate, ils ont certainement perdu soit un frère,

 20   soit un père, soit une sœur, soit une maison. Alors il faut le comprendre,

 21   il faut essayé de regarder les choses de son point de vue. Il est clair

 22   qu'il aurait dû arrêter ceci, que c'était son devoir, mais je dois

 23   m'occuper de tout."

 24   Madame Skare Ozbolt, ici le président Tudjman montre qu'il n'est pas du

 25   tout choqué après avoir vu ce rapport sur des crimes commis contre les

 26   Serbes. Il dit que c'est normal et tout à fait compréhensible dans les

 27   circonstances.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic.

Page 18218

  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Objection, la manière de décrire ces

  2   événements comme crimes contre les Serbes n'est pas acceptable. Il s'agit

  3   d'un comportement, il ne s'agit pas de crimes.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, je vais voir ceci.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Très bien. Très bien.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous devriez reformuler la question.

  7   Vous avez dit ceci, mais également qu'il considérait que ce comportement

  8   était normal et compréhensible. La normalité de ce comportement n'est pas

  9   quelque chose dont nous sommes censés parler ici.

 10   Alors reformulez la question.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais le faire.

 12   Q.  Le président Tudjman considérait ces incidents allégués comme des

 13   incidents incompréhensibles dans les circonstances qui prévalaient, n'est-

 14   ce pas?

 15   R.  Non, ce n'est pas vrai. Vous n'avez pas lu la première phrase qu'il a

 16   lue, à savoir qu'il avait donné l'ordre à son ministre de l'Intérieur de

 17   prendre toutes les mesures qui s'imposent et qu'il fallait qu'ils

 18   travaillent, s'il le faut, 20 heures par jour pour le mettre en œuvre.

 19   Ensuite il explique, c'était souvent le cas, il a essayé tout simplement de

 20   décrire à son interlocuteur la situation à laquelle il a été confronté dans

 21   son intégralité.

 22   Donc dans la première phrase, il a clairement dit qu'il avait instruit le

 23   ministre de l'Intérieur sur la conduite à adopter.

 24   Q.  Merci. Après avoir reçu un rapport semblable à celui fourni par

 25   l'ambassadeur Galbraith parlant des policiers qui se tenaient à côté en

 26   fumant, alors qu'on jetait des engrais et d'autres objets sur la colonne

 27   des réfugiés, à quoi vous attendiez-vous de la part du président Tudjman,

 28   qu'il exprime sa préoccupation à M. Jarnjak, de prononcer des mesures

Page 18219

  1   disciplinaires, de lui dire de trouver les auteurs ou quelque chose de tel

  2   ?

  3   R.  Puis-je ?

  4   Q.  [aucune interprétation]

  5   R.  D'habitude, après une telle conversation, le président prenait contact

  6   avec le ministre concerné, l'informait de la situation et il disait qu'il

  7   fallait améliorer la situation, prendre des mesures correctives. C'était

  8   son habitude. Donc je suppose qu'ici également il a dû réagir de la même

  9   manière.

 10   Q.  En fait, il a rencontré M. Jarnjak le lendemain; pièce P456, le procès-

 11   verbal du 11 août 1995, réunion à laquelle ont participé MM. Granic, Susak,

 12   Sarinic et Jarnjak.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page 2 du texte en anglais; page 3 du

 14   texte B/C/S, s'il vous plaît.

 15   Q.  Au milieu de la page, il décrit sa rencontre avec l'ambassadeur

 16   Galbraith. Il dit :

 17   "Il a demandé avec Sarinic si hier au matin, et après il me l'a répété, que

 18   le ministère de l'Intérieur démissionne, parce que la police avait permis

 19   aux gens de cracher et de jeter les pierres sur ceux qui quittaient, qui

 20   passaient par là."

 21   Ensuite il parle de l'administration américaine.

 22   Page suivante en anglais; page 5 en B/C/S, s'il vous plaît, où M. Granic

 23   parle des négociations, on dirait. Il fait référence à Babic et Martic, et

 24   il dit --

 25   Et là M. Susak dit : "Mais on a mis nos unités là-bas ?"

 26   Il répond : "Oui, bien sûr."

 27   Ensuite il dit : "Pupovac, qui était à Zagreb, il a participé à cela et il

 28   a fait beaucoup de bruit.

Page 18220

  1   Il était membre du parlement, n'est-ce pas, ce Pupovac, c'est un

  2   serbe.

  3   M. Jarnjak --

  4   R.  Oui, il fait partie du parlement encore, au jour d'aujourd'hui.

  5   Q.  Donc il a été appelé par une femme qui a dit que 99 % des Serbes qui

  6   sont passés par Sisak étaient passés à tabac. "C'était terrible, il fallait

  7   faire quelque chose à ce sujet. Ils ont appelé tout le monde. Milan Djukic

  8   m'a appelé hier."

  9   R.  Oui, oui.

 10   Q.  -- c'était un Serbe aussi, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  "Djukic m'a appelé hier; je n'étais pas là. Il voulait sans doute dire

 13   quelque chose à ce sujet, lui aussi. Et Dzakula, ce fils de pute qui pense

 14   exactement comme Pupovac et qui fait tout ce que Pupovac lui dit de faire."

 15   Et je pense qu'hier vous avez dit que Dzakula était le représentant des

 16   Serbes, n'est-ce pas, c'était un Serbe ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ensuite le président Tudjman dit :

 19   "Mais ce qu'Aahrens a dit en Allemagne aux Nations Unies, le représentant

 20   en Allemagne, à savoir que la logique de guerre a triomphé encore une fois

 21   sur le territoire de la Yougoslavie." 

 22   Ensuite M. Susak dit : "Nous avons mis toutes les unités, les

 23   brigades de la garde sont en vacances."

 24   Ensuite Jarnjak dit : "Il faudrait faire revenir celles qui sont à

 25   l'extérieur. Par exemple, j'étais avec la Brigade de Samobor, et là, ce

 26   sont les gens qui travaillent, des hommes d'affaires, des gens qui

 27   travaillent dans des entreprises. Il faut commencer à les faire revenir.

 28   Le président : "Messieurs, demain, je vais nager avec ma petite-fille, mais

Page 18221

  1   je ne vais pas être loin…"

  2   Donc là, le président Tudjman n'a pas du tout l'air inquiet et pas très

  3   intéressé par ce que dit M. Jarnjak au sujet de cet incident, n'est-ce pas

  4   ?

  5   R.  Non, je ne saurais être d'accord avec vous, parce qu'il s'agissait

  6   d'une réunion à laquelle ont participé plusieurs personnes. Il a sans doute

  7   appelé Jarnjak et lui a fait part de ce que l'ambassadeur Galbraith lui

  8   avait dit. Il a profité de cette réunion pour en informer les autres, tout

  9   simplement.

 10   Q.  Très bien.

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander la pièce 65 ter 7258,

 12   s'il vous plaît.

 13   Q.  Hier vous avez mentionné Slobodan Lang et vous avez dit que c'était le

 14   conseiller du président chargé des questions humanitaires.

 15   R.  C'est exact.

 16   Q.  Et vous aviez affaire avec lui, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Regardez la page de garde. Ici on voit le rapport sur la visite de la

 19   délégation européenne à Knin, en date du 9 octobre 1995.

 20   Est-ce que vous vous souvenez d'avoir reçu ce rapport ?

 21   R.  Oui, je l'ai reçu, tout comme de nombreux autres rapports.

 22   Q.  Normalement, le président recevait un exemplaire de ce rapport, n'est-

 23   ce pas ?

 24   R.  Oui, absolument.

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander que l'on examine la

 26   première page de ce rapport.

 27   Q.  On peut voir : Nous avons parlé avec le général Cermak et avec Petar

 28   Pasic, le représentant de l'ONURC et de la police de l'ONU avec les

Page 18222

  1   habitants serbes de Donji Lapac.

  2   Le premier point à l'ordre du jour, les problèmes présentés par les

  3   représentants internationaux. Au point 3, on peut voir :

  4   "Suivent et observent les tombes fraîches et les comparent avec le

  5   recensement de la population." Entre parenthèses "(c'est comme cela qu'ils

  6   ont découvert Varivode)."

  7   Est-ce que vous êtes au courant de cet incident, l'incident de Varivode où

  8   des Serbes ont été tués ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Là il s'agit d'un incident dont on a beaucoup parlé à l'époque, n'est-

 11   ce pas ?

 12   R.  Oui, absolument.

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Maintenant je vais vous demander de passer

 14   à la page 3 en anglais et en B/C/S.

 15   Q.  Au point 4, on peut lire :

 16   "Je pense que c'est très bien qu'ils aient fait un rapport sur les pertes

 17   avec les rapports quotidiens qui ont été faits au cours des deux derniers

 18   mois, mais ils doivent aussi faire une demande pour obtenir un rapport

 19   détaillé sur les pertes infligées au cours des quatre dernières années."

 20   Est-ce le reflet de la politique du bureau du président où l'on demandait

 21   que l'on établisse les données claires quant aux crimes perpétrés contre

 22   les Croates au cours des quatre dernières années ?

 23   R.  Contre tout le monde, y compris les Croates.

 24   Q.  On va regarder le deuxième point :

 25   "Je les ai avertis que la formule d'un retour global est complètement

 26   insensée si on ne veut pas vraiment aider les gens. Dans l'histoire, il n'y

 27   a jamais eu de tel retour, il n'y en aura pas cette fois-ci non plus."

 28   Là on parle du retour des Serbes de la Krajina, n'est-ce pas ?

Page 18223

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18224

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Puis juste au-dessus, au niveau du point 1, il dit :

  3   "Je dis qu'il est important de s'occuper des Serbes, des vieillards, et que

  4   ceci devrait être une priorité. Ils avaient été assez impressionnés par

  5   cela."

  6   Est-ce qu'on parle de ce projet, le projet dont vous avez parlé hier ?

  7   R.  Oui, oui.

  8   Q.  Est-ce que ce programme a été mis en œuvre au moment du rapport, à

  9   savoir autour du 9 octobre 1995 ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Merci.

 12   Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation]

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'est prolongé jusqu'en hiver.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander que ceci soit versé au

 15   dossier.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P2537.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci vient d'être versé au dossier.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 21   Q.  Maintenant nous allons aborder la question du général Cermak.

 22   Hier vous avez parlé du rôle du général Cermak. Vous avez dit :

 23   "Voyez-vous, si le président Tudjman avait voulu nommer un policier de la

 24   police civile, il l'aurait fait. On avait besoin de quelqu'un qui puisse

 25   rétablir la vie normale dans la région. On ne cherchait pas à établir un

 26   régime militaire, surtout en ayant à l'esprit la fragilité de la situation

 27   là-bas et vu les messages qui avaient été envoyés à la population à

 28   l'époque. On voulait que vous restiez dans le système en Croatie et que

Page 18225

  1   vous y soyez intégrés. La nomination d'un militaire ou d'un policier aurait

  2   envoyé le message contraire, et ce n'était pas notre objectif."

  3   Tout d'abord, vous avez dit que vous êtes allée à Knin à la mi-septembre et

  4   que vous êtes allée à la base de l'ONU. Est-ce que vous n'avez jamais

  5   visité Knin avant cela, au cours du mois d'août ou bien au cours du mois de

  6   septembre ?

  7   R.  Non, non.

  8   Q.  Donc pendant le mois d'août et le mois de septembre, vous n'y êtes

  9   allée qu'une seule fois ?

 10   R.  Oui, je pense que je n'y suis allée qu'une seule fois, oui.

 11   Q.  Saviez-vous que quand le président Tudjman a nommé M. Cermak, il l'a

 12   nommé au poste de chef de garnison de Knin ?

 13   R.  Oui, j'ai vu la décision portant sa nomination.

 14   Q.  Est-ce que vous savez quoi que ce soit au sujet du règlement de l'armée

 15   croate, est-ce que vous savez quelles sont les responsabilités, quel est le

 16   rôle d'un commandant de garnison ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Saviez-vous qu'à l'époque le général Cermak avait le grade de général

 19   de division au sein de l'armée croate ?

 20   R.  Oui, mais pas d'active.

 21   Q.  Donc vous voulez dire qu'il n'était pas un officier d'active au moment

 22   où il a été nommé par le président Tudjman ?

 23   R.  J'ai dit que c'était un homme d'affaires qui a été à la va-vite

 24   transféré à Knin.

 25   Q.  Est-ce que vous saviez qu'au mois d'août il avait signé des ordres en

 26   tant que commandant de la garnison de Knin en signant, Général de division

 27   Cermak ?

 28   R.  Non.

Page 18226

  1   Q.  Est-ce que vous savez combien de fois il a rencontré les représentants

  2   de la police civile ou militaire à Knin, de quoi il a discuté avec eux ?

  3   R.  Non, mais je vous ai déjà dit que je ne m'occupais pas de cela à

  4   l'époque. Ce n'était plus de mon ressort.

  5   Q.  Donc vous ne savez pas qu'à l'époque il est venu à Knin habillé d'un

  6   uniforme militaire, puisque nous avons vu des vidéos où on le voit habillé

  7   de la sorte ?

  8   R.  Mais je le savais, puisque je le voyais quotidiennement à la télé.

  9   Q.  Quand vous l'avez vu à la télévision, il portait un uniforme ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, que voulez-vous que ce

 11   témoin vous dise ? Est-ce qu'on va passer en revue tout ce qu'elle sait ou

 12   elle ne sait pas ?

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec quel but ? Parce que nous avons vu

 15   des vidéos et on est tout à fait capable de savoir comment il était vêtu.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Elle en a beaucoup parlé hier, Monsieur le

 17   Président. Et je voudrais tout simplement vérifier les fondements de ce

 18   qu'elle a raconté hier.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Concentrez-vous -- je peux

 20   imaginer qu'hier - c'était hier, je pense, oui - que le témoin a dit que

 21   quand M. Cermak est arrivé, il condamnait tous les crimes commis et qu'on

 22   le voyait à la télévision tous les jours.

 23   Je peux imaginer que ceci vous intéresse. Mais il est tout à fait clair que

 24   le témoin n'a que des informations restreintes par rapport aux événements,

 25   puisqu'elle a tout simplement regardé cela à la télévision.

 26   Je ne dis pas que vous ne devriez pas poser des questions à ce sujet, mais

 27   il faudrait vraiment être plus efficace en le faisant. Donc essayez d'aller

 28   droit au but et le plus rapidement possible.

Page 18227

  1   MME GUSTAFSON : [interprétation] C'était la dernière question que je

  2   voulais poser au témoin, Monsieur le Président.

  3   Q.  Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Là à nouveau, comme M. Kay, vous

  5   avez gagné votre course contre la montre.

  6   Est-ce que vous pourriez nous dire de combien de temps vous pensez avoir

  7   besoin.

  8   Monsieur Kehoe.

  9   M. KEHOE : [interprétation] J'ai besoin d'un quart d'heure, pas plus.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 11   Les autres équipes ?

 12   M. KAY : [interprétation] Je n'ai pas de questions.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Bien, 15 minutes au maximum.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci correspond à ce que nous

 15   avons prévu, puisque nous aussi nous avons des questions.

 16   Avant de lever, il y a un petit point qui a fait l'objet d'une conversation

 17   informelle entre la Défense Cermak et les Juges de la Chambre et on nous a

 18   dit que si l'ordre de comparution de témoins reste tel quel, M. Cermak

 19   préférerait ne pas être présent dans le prétoire le 18 et le 19 juin. Nous

 20   avons été informés des raisons de son absence. Nous avons aussi lu les

 21   échanges entre vous et votre conseil, Monsieur Cermak. Avant même de poser

 22   la question, je dois vous dire que ceci ne nous pose aucun problème. Il a

 23   absolument le droit de renoncer à son droit d'être présent le 18 et le 19

 24   juin.

 25   C'était tout simplement pour vous en informer, Monsieur Kay.

 26   M. KAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une pause

 28   et nous allons reprendre nos travaux à 12 heures 40.

Page 18228

  1   --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

  2   --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

  5   Nouvel interrogatoire par M. Kehoe : 

  6   Q. [interprétation] Madame Ozbolt, ça va être très bref. Je vais vous poser

  7   juste quelques questions. Dès le début, je souhaite que l'on présente la

  8   pièce P463. Ce sont des questions concernant la propriété temporaire.

  9   Dans toutes les réunions au sujet desquelles vous avez lu des documents

 10   dont vous avez entendu parler ou auxquelles vous avez participé concernant

 11   cette reprise temporaire de la propriété, est-ce que le général Gotovina

 12   participait de quelque manière que ce soit dans cette reprise temporaire de

 13   la propriété ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Est-ce qu'il a participé de quelque manière que ce soit dans la mise en

 16   œuvre à l'égard de cette loi portant sur la reprise temporaire de la

 17   propriété ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Peut-on maintenant revenir à la pièce qui est à l'écran. Il s'agit de

 20   la réunion du 22 août à laquelle ont participé M. Radic et le président. Il

 21   s'agit, en anglais, de la page 4. Je pense que c'est la page 7 en B/C/S.

 22   En bas de cette page, M. Radic note :

 23   "Cependant, je dois vous dire une chose, c'est que j'ai visité tout cela à

 24   la fois en voiture et en hélicoptère. Nos hommes ont beaucoup brûlé, ils

 25   ont brûlé aujourd'hui et hier. Monsieur le Président, ce n'est pas bien."

 26   Maintenant passons à la page suivante. Je ne sais pas si c'est nécessaire

 27   en B/C/S.

 28   En haut de la page, je continue :

Page 18229

  1   "Je suis allé à Kijevo pour voir. Je connais très bien cette région. Il y a

  2   un village de Cviljane, près de Kijevo, de taille égale, un village serbe

  3   où ils avaient rénové de jolies maisons et ils leur ont dit que tout avait

  4   été préservé. J'y suis allé le jour de l'Assomption afin de trouver que

  5   tout avait été brûlé."

  6   M. KEHOE : [interprétation] Passons à la page suivante en B/C/S, s'il vous

  7   plaît.

  8   Q.  "Non pas dans les villes, car les autorités avaient visiblement plus de

  9   pouvoir là-bas, mais dans le village."

 10   Je vais m'arrêter là momentanément. Madame Ozbolt, est-ce que vous avez

 11   l'impression, au cours de cette période, que les incidents étaient plus

 12   intenses dans les villages par rapport aux villes ?

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Quel est le fondement de cette question.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 15   M. KEHOE : [interprétation]

 16   Q.  Sur la base de vos conversations avec le président ou avec d'autres

 17   officiels du bureau du président, est-ce que vous avez eu l'impression qu'à

 18   l'époque il y avait plus d'incendies dans les villages que dans les villes

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Nous allons continuer avec la transcription :

 22   "Ce n'est pas l'armée; c'est le cinquième échelon, qui est placé sous le

 23   commandement de je ne sais qui -- quel type de drapeau. Placer l'uniforme,

 24   déambule. Ce sont de la pire racaille qui incendient et pillent tout

 25   autour."

 26   Est-ce que vous n'avez jamais entendu qui que ce soit que des autorités de

 27   la République de Croatie suggéraient qu'ils souhaitaient appliquer la

 28   méthode de pillage et d'incendie volontaire ?

Page 18230

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18231

  1   R.  Non, je n'ai pas entendu parler de cela.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons le paragraphe

  3   16 de l'acte d'accusation où l'on énumère plusieurs entités en tant

  4   qu'entités ayant aidé l'accusé lorsque les crimes ont été commis contre la

  5   population civile serbe et contre leurs biens et possessions. Et ma

  6   question suivante concerne ce paragraphe 16.

  7   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  8   M. KEHOE : [interprétation]

  9   Q.  Mis à part les officiels du gouvernement qui ont participé aux

 10   événements politiques et partis politiques de la République de Croatie,

 11   vous étiez membre des partis politiques de la République de Croatie aussi,

 12   n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Madame Ozbolt, dans toutes vos fonctions politiques et contacts

 15   gouvernementaux que vous avez eus, est-ce que vous n'avez jamais entendu

 16   des individus suggérer qu'ils souhaitaient que de tels pillages et

 17   incendies se déroulent ?

 18   R.  Non, je n'ai jamais entendu un quelconque officiel représentant du

 19   gouvernement dire quoi que ce soit comme cela ou donner l'ordre allant dans

 20   ce sens.

 21   Q.  Est-ce que vous n'avez jamais entendu une quelconque suggestion dans

 22   une quelconque de ces réunions avec les officiels et lors des réunions

 23   politiques que la République de Croatie voulait expulser les Serbes de la

 24   Krajina ?

 25   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler de cela. Je souhaite attirer votre

 26   attention sur la partie de la transcription hier concernant la

 27   participation aux affaires militaires.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, c'est à la page 18 147,

Page 18232

  1   ligne 5 à 14.

  2   "Question : Donc il est exact de dire que vous n'avez pas participé aux

  3   questions liées aux fonctions ou à l'opération de l'armée croate; est-ce

  4   exact ?

  5   Réponse : Vous avez raison.

  6   Question : Vous n'avez pas participé à la planification ou la mise en œuvre

  7   des opérations militaires non plus, n'est-ce pas ?

  8   Réponse : C'est exact.

  9   Question : Et vous n'avez pas assisté aux réunions militaires lorsque de

 10   telles opérations ont été planifiées, n'est-ce pas ?

 11   Réponse : Oui, c'est exact."

 12   Si on va un peu plus loin, est-ce que vous connaissez l'abréviation VONS ?

 13   R.  Bien sûr.

 14   Q.  Ça représente quoi ?

 15   R.  Il s'agit du Conseil de la Défense et de la sécurité nationale; il

 16   s'agit d'un organe consultatif du président de la République.

 17   Q.  Qui fait partie de cet organe ?

 18   R.  Il y avait des membres permanents du VONS et ceux qui étaient invités

 19   par le président à certaines réunions en fonction du sujet.

 20   Q.  Est-ce que parfois ces membres du VONS incluaient des ministres haut

 21   placés au sein du gouvernement croate ?

 22   R.  Effectivement, ils incluaient les ministres haut placés du gouvernement

 23   croate, donc il y avait le premier ministre, le président du parlement, les

 24   ministres des quatre ministères les plus importants. C'était le noyau dur

 25   du VONS.

 26   Q.  Est-ce que ceci inclut aussi le chef d'état-major de l'armée croate ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Au cours de ces réunions du VONS auxquelles vous avez participé --

Page 18233

  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Encore une fois, puis-je demander quel est

  2   le fondement de la question portant sur la fréquence de la présence du

  3   témoin.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Bien sûr.

  5   Q.  Est-ce que vous avez assisté à de telles réunions de VONS; et si oui,

  6   avec quelle fréquence ?

  7   R.  Ça dépendait. De temps en temps. J'y assistais souvent, mais pas

  8   toujours.

  9   Q.  S'agissant des réunions auxquelles vous n'aviez pas assisté en tant

 10   qu'adjointe du chef d'état-major, est-ce que vous traitiez des résultats de

 11   ces réunions avec le président et d'autres personnes présentes ?

 12   R.  Oui. J'étais au courant du contexte de la réunion.

 13   Q.  Au cours des réunions auxquelles vous avez assisté, tout comme les

 14   réunions au sujet desquelles vous avez été informée par la suite, est-ce

 15   qu'il a été question des actions de la police et des militaires lors de ces

 16   réunions du VONS ?

 17   R.  Est-ce que vous pouvez donner un peu plus de détails ?

 18   Q.  Bien, par exemple, lors des réunions du VONS, est-ce qu'il y avait des

 19   discussions concernant la question de savoir si une action militaire devait

 20   avoir lieu, comme par exemple, le 3 août, avant l'opération Tempête ?

 21   R.  Je pense que de tels VONS ne faisaient pas partie des réunions tenues

 22   pour une composition plus vaste, auxquelles j'ai assisté.

 23   Q.  S'agissant des réunions auxquelles vous avez assisté et au sujet

 24   desquelles vous avez été informée, est-ce que vous avez jamais entendu dire

 25   qu'il était question de la question de savoir si l'armée croate devait

 26   mener à bien une action militaire ou policière dans l'intention d'expulser

 27   les Serbes de la Krajina ?

 28   R.  Non.

Page 18234

  1   Q.  Maintenant, nous sautons à un autre sujet. Excusez-moi de le faire sans

  2   m'attarder.

  3   Une dernière question à ce sujet. Est-ce que lors de l'une de ces réunions

  4   du VONS auxquelles vous avez assisté ou au sujet de laquelle vous avez été

  5   informée par la suite, est-ce que vous avez jamais entendu dire que qui que

  6   ce soit, lors de ces réunions du VONS, aurait suggéré un plan visant à

  7   piller et incendier la Krajina après l'opération Tempête ?

  8   R.  Non, je n'ai jamais entendu parler de cela, et ceci n'était pas le sens

  9   ni la direction de la politique qui était appliquée.

 10   Q.  Madame Ozbolt, je souhaite que l'on traite maintenant de certains

 11   sujets abordés lors du contre-interrogatoire de Mme Gustafson concernant le

 12   retour des réfugiés.

 13   En automne 1995, et notamment en octobre, est-ce que vous étiez au courant

 14   d'un plan du retour des réfugiés qui avait été mis en place par le HCR ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Je vais attirer votre attention tout d'abord sur D690.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit là d'une

 18   déclaration de Mme Ogata, le Haut-Commissaire du HCR, en date du 10 octobre

 19   1995. Peut-on brièvement examiner la première page.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Madame Ozbolt, mais il n'y a pas

 22   de traduction en croate.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça va.

 24   M. KEHOE : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous connaissez Mme Ogata ?

 26   R.  Oui, je l'ai rencontrée plusieurs fois.

 27   Q.  Peut-on maintenant se tourner vers le bas de la page 3 du document. Et

 28   au dernier paragraphe, je vais simplement lire la première phrase. Mme

Page 18235

  1   Ogata dit :

  2   "Permettez-moi maintenant d'élaborer la question de la paix et du retour

  3   des réfugiés."

  4   Et passons maintenant à la page suivante et parlons du retour des

  5   réfugiés. Peut-on passer au deuxième paragraphe : 

  6   "Afin de mener à bien l'opération du retour, je dois souligner

  7   l'importance de la mise en place des principes humanitaires reconnus

  8   internationalement.

  9   "Tout d'abord, ça doit être fait de manière volontaire."

 10   Deux phrases plus loin -- pardon, ou plutôt, si l'on examine le

 11   paragraphe suivant :

 12   "Deuxièmement, la repatriation [phon] doit avoir lieu de manière

 13   organisée et progressive.

 14   Et si l'on passe à trois phrases plus loin :

 15   "Le fait de faire revenir un grand nombre de réfugiés dans les

 16   régions qui ne sont pas encore prêtes à les recevoir peut avoir des

 17   conséquences sérieuses, non pas seulement sur les réfugiés eux-mêmes, mais

 18   par rapport à la stabilité de la région en question."

 19   Puis, le paragraphe suivant.

 20   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on lire la dernière phrase aussi.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Oui, bien sûr.

 22   Q.  "Je pense particulièrement à la situation encore très fragile dans

 23   cette partie de la fédération. Ensuite, j'envisage le processus de

 24   repatriation en trois phases : Tout d'abord, le retour des personnes

 25   déplacées au sein de la Bosnie-Herzégovine et la Croatie."

 26   S'agissant de cette première phase, est-ce que c'est conforme, à votre

 27   avis, à ce dont il a été question, les gens qui devaient revenir chez eux,

 28   tout d'abord ?

Page 18236

  1   R.  Oui, c'était bien cela le sens. Et dans ce sens-là, nous avons parlé

  2   avec les représentants de la communauté internationale.

  3   Q.  Nous allons revenir maintenant à la dernière phrase de ce paragraphe,

  4   où est la question des deux phases suivantes.

  5   "La deuxième phrase [comme interprété] impliquerait le retour des autres

  6   républiques de l'ex-Yougoslavie et la troisième, le retour depuis les pays

  7   dans lesquels ces personnes ont bénéficié d'une protection temporaire ou

  8   installation."

  9   Est-ce que ce plan est conforme avec le plan proposé par les officiels au

 10   sein de la République de Croatie et qui a fait l'objet de discussions ?

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il n'y a pas de fondement pour cette

 12   question, puisqu'il n'y a pas eu d'élément de preuve et il n'a pas été dit

 13   dans la déposition de ce témoin qu'elle aurait participé à de tels plans.

 14   M. KEHOE : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que la question concerne la

 16   question de savoir si ces plans étaient conformes à sa participation

 17   présente.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je souhaite savoir si ce témoin est au

 19   courant des plans proposés et qui ont fait l'objet de discussions de la

 20   part des officiels, telle qu'elle-même au sein de la République de Croatie,

 21   avant qu'on ne lui pose la question de savoir si c'est conforme à quelque

 22   chose que le HCR a dit.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une objection

 24   intéressante, mais nous avons eu pendant deux heures un contre-

 25   interrogatoire, non seulement au sujet de cela --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous encourage pas dans ce sens-

 27   là, c'est-à-dire par rapport à l'exégèse, car nous avons eu beaucoup

 28   d'exercices de ce type ce matin.

Page 18237

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18238

  1   M. KEHOE : [interprétation]

  2   Q.  Madame Ozbolt, concernant ce retour par phase, dans cette lettre [phon]

  3   - et on le dit - est-ce que c'est conforme au plan de la République de

  4   Croatie concernant la proposition pour le retour des réfugiés ?

  5   R.  Nous avons eu beaucoup de contacts, très souvent, avec le Haut-

  6   Commissaire du HCR -- ou plutôt, avec le directeur du HCR pour la Croatie.

  7   Nous avons parlé des possibilités pour résoudre ces problèmes, et cela a

  8   été incarné dans un accord ultérieurement qui a été par la suite mis en

  9   œuvre.

 10   Q.  Bien. Et est-ce que le retour progressif est quelque chose qui est en

 11   accord avec les intentions de la République de Croatie ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci, Madame Ozbolt.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez déjà fini ? Bien.

 16   M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Merci.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, Maître Misetic [comme

 18   interprété].

 19   Contre-interrogatoire par M. Kuzmanovic : 

 20   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame.

 21   R.  Bonjour.

 22   Q.  Lors de votre déposition, on a parlé de la loi temporaire, provisoire

 23   sur la confiscation des biens privés. Il s'agissait tout simplement d'une

 24   confiscation, d'une appropriation des biens privés par des personnes et non

 25   pas par le gouvernement, n'est-ce pas ?

 26   R.  Ce que j'ai dit, c'est qu'il ne s'agissait pas là de la confiscation

 27   des biens, d'une confiscation permanente, mais d'une appropriation

 28   temporaire, provisoire.

Page 18239

  1   Q.  Bien.

  2   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Peut-on passer à la pièce D422, page 11 en

  3   croate et en anglais.

  4   Q.  En attendant que ceci soit affiché, je vous informe du fait que le

  5   document D422 est en fait le document par lequel la version finale de cette

  6   loi était présentée au parlement croate, et ici est, en fait, l'explication

  7   qui accompagne la version finale fournie par le gouvernement au Parlement.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce D427. Toutes mes

  9   excuses, page 9. 

 10   Remontez le haut de cette page, page 9 du texte anglais et du texte croate.

 11   Q.  Dans ce deuxième paragraphe qui assez long, à peu près au milieu, il y

 12   a une phrase qui commence par "ceci," "Ces biens, ces biens possédés par

 13   les personnes qui ont quitté la République de Croatie à partir du 17 août

 14   1990 et se trouvent maintenant dans des zones susmentionnées, ainsi que les

 15   biens possédés par les citoyens de ce qu'on appelle la République fédérale

 16   de Yougoslavie (Serbie et Monténégro), font maintenant l'objet de

 17   différentes formes de vol, pillage et démolition, et les organes compétents

 18   de la République de Croatie, malgré leurs efforts, ne peuvent pas protéger

 19   ces biens entièrement et avec succès, de même les intérêts de leurs

 20   propriétaires."

 21   Alors, Madame, est-ce que cela coïncide avec vos souvenirs, que l'objectif

 22   de cette loi avait été de protéger le biens et non pas de les confisquer ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Bien. Vous avez été ministre de la Justice de la République de Croatie

 25   pendant une époque, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Quand, à peu près ?

 28    R.  Fin 2003, début 2006.

Page 18240

  1   Q.  Et avant ceci, vous étiez membre soit du gouvernement, soit du

  2   parlement, une députée ?

  3   R.  Oui, j'étais députée. J'étais au parlement.

  4   Q.  Pendant la période où cette loi était en vigueur, avez-vous eu

  5   connaissance de cas où une telle maison, qui avait été provisoirement

  6   occupée, a été brûlée ou pillée par les personnes l'occupant de manière

  7   provisoire ?

  8   R.  Non. Les personnes qui occupaient ces maisons de manière provisoire ne

  9   les incendiaient pas et ne les pillaient pas.

 10   Q.  Cette loi, ou plutôt, une partie de cette loi a été jugée contraire à

 11   la constitution par le conseil constitutionnel croate. Et suite à ceci, à

 12   cette décision, le gouvernement croate a adopté une loi sur le retour des

 13   réfugiés et les biens des réfugiés ensemble, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et cette loi était utilisée afin que la question de la repatriation des

 16   biens pour la personne qui avait quitté le territoire de la République

 17   croate soit réglée ainsi que le retour des réfugiés ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Etiez-vous au courant du fait que sur les six cas portant sur les

 20   demandes de reddition des biens, conformément à l'ancienne loi déclarée

 21   contraire à la constitution par le conseil constitutionnel devant la Cour

 22   européenne des droits de l'homme, ont été jugés entre 2001 et 2007.

 23   R.  Oui, je le sais. Je sais que ces affaires existent.

 24   Q.  Savez-vous que dans au moins une de ces décisions rendues en août 2000

 25   [comme interprété], l'affaire Momcilovic contre la Croatie, que la cour a

 26   décidé qu'une loi de nature provisoire portant sur une appropriation

 27   provisoire des biens des réfugiés serbes n'était pas une loi

 28   discriminatoire à l'égard des habitants d'origine serbe ?

Page 18241

  1   R.  Oui, je suis au courant de cette décision, mais seulement très

  2   superficiellement.

  3   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci, Maître Kuzmanovic.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une question à

  7   poser.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, nous allons d'abord voir si la

  9   Chambre a des questions, ensuite nous vous donnerons la parole.

 10   C'est le Juge Gwaunza qui va vous poser une question, maintenant.

 11   Questions de la Cour : 

 12   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] J'ai juste une question qui porte

 13   sur ce qui figure au paragraphe 10 de votre déclaration d'octobre 2007,

 14   page 4.

 15   Vous y faites référence à des expériences positives de l'opération Eclair.

 16   J'ai l'impression que dans la dernière phrase de ce paragraphe, vous

 17   suggérez que cette même expérience positive n'a pas eu lieu en ce qui

 18   concerne M. Cermak et sa nomination au poste de commandant de la garnison

 19   de Knin. Alors, ce qui m'intéresse, c'est quelles sont les raisons de ceci,

 20   d'après vous ?

 21   R.  Madame le Juge, comme je l'ai déjà dit, l'idée a été d'adopter les

 22   aspects positifs de l'opération Eclair et de transposer ces aspects

 23   positifs à l'opération Tempête. Et c'est certainement pour cette raison-là

 24   que M. Cermak a été nommé à son poste.

 25   Tout d'abord, il voulait que l'équipe de la Slavonie orientale soit

 26   transférée entièrement dans la zone de l'opération Tempête, mais cela

 27   n'était pas possible parce que cette équipe avait encore à faire en

 28   Slavonie occidentale. En plus, cette zone-ci était beaucoup plus grande,

Page 18242

  1   beaucoup plus difficile à gérer et à conduire à l'état de normalisation.

  2   Donc cela exigeait des effectifs plus importants et, bien évidemment, les

  3   actes barbares, les incendies et les meurtres ont été une surprise pour

  4   tout le monde, comme je l'ai déjà dit, personne ne s'y attendait.

  5   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Merci.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Kinis a quelques questions pour

  8   vous aussi.

  9   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] J'enchaîne sur la question précédente,

 10   vous avez dit lors de votre déposition que le président était très inquiet

 11   à cause de la situation, qu'il était très en colère, et cetera.

 12   Pour l'instant je n'ai encore entendu aucune information portant sur les

 13   autorités, sur les pouvoirs du président, du moment où il était le

 14   commandant de l'armée et du conseil de la Défense.

 15   Quelles sont les mesures qu'il a préparées ou suggérées afin de revenir à

 16   ces situations ? Je vous demande de me répondre concrètement.

 17   R.  Le président a ordonné les enquêtes que les auteurs devaient être

 18   sanctionnés. Le procureur d'Etat ainsi que la police ont détenu environ 2

 19   000 personnes, et ces personnes ont fait l'objet d'une procédure.

 20   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Je ne considère pas ceci comme une

 21   réponse appropriée à ma question. J'aimerais qu'on s'y arrête un peu plus.

 22   Si l'on suit la chronologie des événements, ce qui s'est passé suite à

 23   cette opération Tempête, vous remarquerez que beaucoup d'observateurs

 24   internationaux ont envoyé des rapports, et que malgré ceci un contingent

 25   militaire se trouvait encore dans cette zone. On voit que les militaires

 26   s'occupaient de beaucoup de questions directement. Regardez, par exemple,

 27   le procès-verbal qui a été préparé par l'assistant du président où on voit

 28   que M. Radic l'informe de la situation.

Page 18243

  1   Malgré le fait que la situation a été très difficile, le 15 août un ordre a

  2   été donné, permettant à tout civil d'accéder librement dans cette zone. Je

  3   ne comprends pas de quelle manière pouvait-on empêcher de tels crimes, de

  4   telles atrocités, si l'on considère qu'il y a des régions qui étaient

  5   complètement en dehors du contrôle. Je dis que le président était

  6   entièrement au courant de ceci. Il ne s'agit pas là seulement des actes

  7   individuels, des cas isolés où quelqu'un aurait été traduit devant la

  8   justice. Je demande quelle est l'action prise au niveau de l'Etat, action

  9   concrète, mesure concrète ?

 10   R.  Vous voyez du procès-verbal que M. Radic s'est rendu dans cette zone,

 11   et sur ce qu'il a pu voir de ses propres yeux, il dit que d'après ces

 12   informations les crimes n'ont pas été commis par l'armée croate. C'était le

 13   travail conduit par des services civils. Je vous ai déjà dit que le

 14   président pensait qu'il s'agissait de sabotage et que quelqu'un souhaitait

 15   en faisant ceci porter atteinte aux effets positifs de l'opération Tempête.

 16   Pour cette raison, il a donné l'ordre d'ouvrir l'enquête afin

 17   d'identifier les auteurs de ces actes.

 18   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] J'aimerais bien vous poser une question

 19   maintenant au sujet de la nomination de M. Cermak.

 20   Dans votre déclaration, paragraphe 10, vous dites :

 21   "Je ne sais pas à qui répondait M. Cermak." Si j'ai bien compris, vous

 22   n'étiez pas en mesure non plus de nous expliquer quels étaient ses devoirs

 23   dans le cadre de cette fonction. Ce n'est pas très clair, je ne comprends

 24   pas pourquoi vous avez dit que le président avait voulu bénéficier des

 25   bonnes expériences de l'opération Eclair, et qu'il ne l'a pas fait.

 26   R.  Tout simplement parce que la zone sud est beaucoup plus grande que le

 27   secteur ouest. Ces événements sont survenus d'une manière tout à fait

 28   imprévisible, c'était une action inattendue. Cela a mis en question tout ce

Page 18244

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18245

  1   que nous avions initialement prévu de faire dans cette zone.

  2   Vous savez que la Slavonie occidentale est beaucoup plus petite; le secteur

  3   ouest est beaucoup plus petit que les secteurs nord et sud.

  4   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi aussi j'ai quelques questions pour

  6   vous.

  7   Vous avez parlé du fait que vous voyiez quotidiennement M. Cermak à la

  8   télévision, et vous avez dit cela quand on vous a demandé si M. Cermak

  9   condamnait les crimes commis.

 10   Je vous pose la question, et en même temps, je regarde un peu M. Kay. Est-

 11   ce que vous pourriez nous donner plus de détails au sujet de ces

 12   condamnations quotidiennes à la télévision quand il condamnait ces crimes ?

 13   On ne peut pas dire qu'on n'a pas vu à la télé M. Cermak, on l'a vu. Mais

 14   on ne nous a pas fourni de transmission de ses commentaires quotidiens où

 15   il condamnait les crimes commis.

 16   R.  Monsieur le Président, j'ai clairement dit que je l'ai vu tous les

 17   jours à la télé dans des situations différentes. Il faisait des

 18   commentaires des incidents différents et des événements différents.

 19   En ce qui concerne la commission de crimes, et tout ce qui s'est

 20   passé alors que ce n'était pas planifié à Knin et dans la région de Knin,

 21   tout le monde a condamné cela, en commençant par le président. C'était

 22   vraiment une véritable honte que ceci se produise.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis désolé, je vous ai posé

 24   une question précise au sujet de M. Cermak qui, comme vous dites, était

 25   présent tous les jours à la télé, où il donnait ses points de vue, et vous

 26   avez dit cela en répondant à une question qui vous a été posée, à savoir

 27   est-ce qu'il condamnait ces crimes. Vous avez répondu comme cela.

 28   Maintenant je vous demande davantage de détails. Nous n'avons pas vu

Page 18246

  1   de telles vidéos diffusées aussi fréquemment.

  2   R.  Je vais demander à l'équipe de la Défense de demander à obtenir les

  3   enregistrements de la télévision croate. Je le voyais dans de telle

  4   situation et je l'ai vu.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai demandé si vous étiez en

  6   mesure de me donner d'autres détails mise à part cette déclaration très

  7   générale, où vous dites que vous le voyiez tous les jours à la télévision

  8   dans ce contexte.

  9   Si vous n'êtes pas en mesure de le faire, dites-le-nous, si vous pouvez le

 10   faire, faites-le.

 11   R.  Je pense que je l'ai vu parler de cela et condamner ces crimes.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mais là vous répondez encore d'une

 13   façon générale. Vous ne savez pas quand, dans quel contexte par rapport à

 14   quel crime --

 15   R.  Non, malheureusement, non. Cela s'est produit il y a trop longtemps.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Je voudrais passer à la législation portant sur la confiscation temporaire

 18   et l'utilisation des biens. On a adopté l'article 10 de la loi, et dans ce

 19   texte on dit que si le propriétaire retourne dans l'espace de 90 jours

 20   après l'entrée en vigueur de la loi et demande que ses biens lui soient

 21   restaurés, dans ce cas-là une commission allait se réunir pour revoir la

 22   décision initiale.

 23   M. KEHOE : [interprétation] C'est l'article 11, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'article 11. Je suis en train

 25   d'examiner la pièce D427.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ceci devrait être la pièce P475.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P475.

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, l'autre c'était juste un projet.

Page 18247

  1   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Plutôt D422.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Juste avant, j'allais vous le dire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Ecoutez, je vais commencer

  5   par celui-ci, et je vous présente mes excuses. 422 ?

  6   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est la page 4.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui; 11, si quelqu'un ne demandait pas

  8   que ses biens lui soient restaurés dans l'espace de 90 jours, que se

  9   passait-il ? Est-ce qu'il perdait le droit à ses

 10    biens ?

 11   Je ne parle pas des lois qui ont été passées par la suite. Je parle

 12   uniquement de cette loi-là, la loi qui avait été adoptée.

 13   R.  Non, il ne perdait pas ses droits. Il s'agissait de récupérer la

 14   propriété de ses biens.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Je pense qu'il y a un problème

 16   d'interprétation avec la dernière réponse du témoin.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous répéter la dernière

 18   réponse.

 19   R.  J'ai dit qu'il ne perdait pas le droit d'être le propriétaire de ses

 20   biens. Ici on parlait justement du fait de récupérer son titre de

 21   propriété.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Ecoutez, je pense que ceci n'a pas été très

 23   bien traduit. Nous pensons que ceci n'a pas été bien traduit vers le

 24   croate.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Pourriez-vous nous dire quel

 26   est le mot en croate que vous avez à l'esprit.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Propriété. Cela a été traduit par un autre mot

 28   en anglais, possession.

Page 18248

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que je voudrais savoir c'est que ce

  2   passait-il si la personne donc ne demandait pas à sa voir restituer cette

  3   propriété?

  4   R.  Il aurait toujours le titre de propriété de ses biens, mais il n'en

  5   jouirait pas, c'est l'autre personne qui pourrait jouir de ses biens, à

  6   savoir y habiter, mais ça serait lui le propriétaire.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Je suis désolé.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, je regarde les

  9   cabines. J'ai fait des études de droit et je sais que c'est toujours

 10   difficile de voir la différence entre la propriété et la jouissance de

 11   cette propriété, titre de propriété et le fait de pouvoir habiter ou de

 12   jouir de sa propriété. C'est un terrain très difficile, Monsieur Misetic.

 13   D'après vous, quels seraient les termes de ce thème assez complexe ?

 14   M. MISETIC : [interprétation] Maintenant ça va. C'était le titre de

 15   propriété. Mais maintenant il y a un autre problème, page 83, ligne 10,

 16   elle a parlé de pouvoir jouir de sa propriété et y habiter.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que se passe-t-il ? Vous dites qu'il

 18   serait toujours propriétaire sans pouvoir jouir des droits de cette

 19   propriété, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui c'est exact. Il aurait fallu qu'il demande à pouvoir à nouveau

 21   jouir de cette propriété.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais il serait toujours le propriétaire.

 23   R.  Absolument.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il aurait toujours le titre de propriété

 25   ?

 26   R.  Effectivement.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'il y a eu des lois de

 28   passées au sujet de cela, de ce qui se passe après les 90 jours, parce que

Page 18249

  1   vous dites qu'il n'y avait rien qui se passait pendant 90 jours, mais est-

  2   ce que quoi que ce soit était changé par la suite ?

  3   R.  Les 90 jours, c'est le délai pour dire qu'on a l'intention de revenir

  4   résider dans sa propriété. Si un tel désir n'était pas exprimé, de façon

  5   temporaire les autres réfugiés étaient placés dans ces maisons. Par la

  6   suite, il y a eu d'autres textes de loi qui ont fait en sorte que si

  7   quelqu'un qui ne souhaite pas retourner vivre et jouir de sa propriété,

  8   cette personne avait la possibilité de vendre cette propriété à l'Etat.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais c'était vendu par qui ?

 10   R.  Le propriétaire qui habite en Serbie et qui ne souhaite pas rentrer en

 11   Croatie pouvait vendre sa propriété.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous --

 13   R.  A l'Etat.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et pas à un autre particulier ?

 15   R.  Si, ils pouvaient le faire aussi. Mais à l'époque, la situation était

 16   telle que ces biens ne valaient pas grand-chose. Le meilleur prix était

 17   offert par l'Etat, justement.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce le texte de loi annoncé

 19   dans l'article 15 qui dit :  

 20   "Une loi particulière va régir les questions de propriétés placées sous

 21   l'administration temporaire en vertu de ce texte de loi."

 22   Est-ce bien de cela que l'on parle ici ?

 23   R.  C'est possible, mais j'ai du mal à réagir, comme ça, à chaud.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A quel moment cette nouvelle législation

 25   est passée; est-ce que vous le savez ?

 26   R.  En 1998.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etait-ce après la décision de la cour

 28   constitutionnelle ?

Page 18250

  1   R.  Oui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il n'y a pas eu de texte d'adopté

  3   plus tôt que cela qui découlait de l'article 15, pas plus tôt que 1998 ?

  4   R.  La loi qui permettait la vente des biens immobiliers et leur achat a

  5   été adoptée plus tard en 1998.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui veut dire que les questions de

  7   propriété n'ont pas été régulées conformément à l'article 15 de ce texte de

  8   loi pendant une période de trois années; est-ce exact ?

  9   R.  Le texte de loi qui était en vigueur jusque-là, c'était celui qui

 10   portait sur l'expropriation temporaire.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais dans ce texte, on dit que les

 12   questions de propriété vont être par la suite régulées par une autre loi

 13   qui, comme vous venez de nous le dire, n'est pas entrée en vigueur avant

 14   que soit prise la décision de la cour constitutionnelle annulant ladite loi

 15   ?

 16   R.  Là, on parle de la procédure du parlement, de propositions de textes de

 17   lois. Je peux vous dire que la loi suivante, qui a été passée à ce sujet, a

 18   été passée en 1998. C'est tout ce que je peux vous dire.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc la première a été adoptée

 20   assez rapidement, puis après, la deuxième, il a fallu un petit peu de

 21   temps.

 22   On va passer à un autre sujet. Vous avez parlé du président Tudjman.

 23   Une des choses auxquelles j'ai constamment pensé par rapport aux crimes

 24   commis qui vous ont tous choqués, vous tous, peut-être que ce n'était pas

 25   dit très clairement. On ne savait pas exactement qui avait commis ces

 26   crimes, sans exclure la possibilité que c'étaient des civils, même s'ils

 27   étaient vêtus d'uniformes.

 28   Si vous voyez qu'il y a des choses comme ça qui se produisent à une échelle

Page 18251

 1  

 2  

 3  

 4  

 5  

 6  

 7  

 8  

 9  

10  

11  

12  

13  

14   Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

15   versions anglaise et française

16  

17  

18  

19  

20  

21  

22  

23  

24  

25  

26  

27  

28  

Page 18252

  1   assez importante, est-ce que l'on a jamais songé à avertir, de façon très

  2   ferme, la population de ne pas prendre part à tout cela ? Parce que vous

  3   nous avez dit que ce que vous avez envisagé de faire, c'était de faire des

  4   enquêtes, mais je me suis dit que le président de la République aurait pu

  5   comparaître à la télévision, de façon quotidienne, en disant : Ceci devrait

  6   s'arrêter, ceci ne devrait pas se produire.

  7   Est-ce que vous êtes au courant de telles actions entreprises par le

  8   président ?

  9   R.  Que je sache, le président a donné l'ordre aux ministres et au

 10   gouvernement ce qu'ils doivent faire à ce sujet.

 11   Maintenant vous me demandez s'il s'est adressé à la population en public.

 12   J'essaye d'y penser. Quand il s'est adressé au public, est-ce qu'il a parlé

 13   de cela; est-ce qu'il a condamné ces agissements; je pense que oui. Mais si

 14   vous me demandez quand, où, et cetera, cela ne me vient pas à l'esprit.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne dis pas de parler de cela. Je

 16   parle de s'adresser directement au peuple en disant : Nous avons entendu

 17   parler d'événements choquants. Tout le monde doit savoir que c'est quelque

 18   chose qu'on ne peut pas tolérer. Ceci doit cesser immédiatement, qui que ce

 19   soit qui ait commis ces crimes.

 20   Est-ce que vous vous souvenez de propos aussi fermes que cela ?

 21   R.  Non.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que vous saviez, est-ce que

 23   vous pensiez que le président, pour atteindre ses objectifs, utilisait la

 24   télévision et la radio ?

 25   R.  Cela dépendait, mais c'est vrai qu'il le faisait, oui.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous eu connaissance d'une

 27   situation quelconque où il aurait donné des instructions sur la manière de

 28   présenter certaines questions à la télévision afin que cette présentation

Page 18253

  1   soit aussi efficace que possible ?

  2   R.  Non.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que vous en savez, a-t-il été

  4   impliqué dans les détails liés à la manière de présenter les questions à la

  5   télévision ou laissait-il ceci entre les mains de quelqu'un d'autre ?

  6   R.  Je dois vous dire qu'il n'était pas très doué pour les médias. Ce sont

  7   d'habitude d'autres personnes qui s'en occupaient.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez dire pour les présenter --

  9   non, j'ai pas demandé de quelle manière il présentait ces questions-là lui-

 10   même, personnellement à la télévision, mais donnait-il des instructions sur

 11   la manière dont les autres devaient en parler et les présenter ?

 12   R.  Il avait des commentaires à faire, c'est vrai, mais il ne s'est pas

 13   montré particulièrement doué pour ça.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous jamais eu l'occasion de vous

 15   rendre compte du fait qu'il utilisait les médias afin de tromper l'opinion

 16   publique ?

 17   R.  Non. Malheureusement, il était trop direct. Il n'était pas du tout

 18   perfide. Il n'était pas capable de recourir à de tels moyens.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Gustafson n'est pas entrée dans les

 20   détails des réunions auxquelles vous n'avez pas participé, telle que celle

 21   du 31 juillet.

 22   Je vais donner lecture d'un passage, et relativement à votre dernière

 23   réponse, je vous demanderai de commenter.

 24   La discussion portait sur une éventuelle distribution de pamphlets dans ces

 25   zones nouvellement libérées.

 26   Alors le président dit :

 27   "Une telle brochure, le chaos généralisé, la victoire de l'armée croate,

 28   soutenue par la communauté internationale, et cetera." Donc là, il décrit

Page 18254

  1   tout ce qu'il y aura sur cette brochure.

  2   "Les Serbes, vous êtes déjà en train de vous retirer, et cetera, nous vous

  3   appelons à ne pas vous retirer d'ici. Nous vous garantissons…" Quelque

  4   chose manque ici. Puis "… cela signifie on leur donne une porte de sortie

  5   alors que nous prétendons de leur garantir leurs droits civiques."

  6   Vous dites qu'il était très droit, mais ce qu'on vient de lire suggère

  7   quelque chose de différent. Le message réel était différent de ce qu'il

  8   apparaissait être sur la surface.

  9   Pourriez-vous maintenant me donner des commentaires à ce sujet-là ?

 10   R.  Je parlais de ses interventions qui étaient toujours directes, jamais

 11   perfides. Vous savez, les actions de campagne n'ont jamais été conçues par

 12   lui. Il ne faisait qu'accepter ce qui lui a été proposé.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.

 14   Madame Gustafson, vous avez une question; c'est ça ?

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui. Pièce P466, je demanderais la page 25

 16   de l'anglais, 35 [comme interprété] du B/C/S.

 17   Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Gustafson : 

 18   Q.  [interprétation] Madame, tout à l'heure on vous a montré un document du

 19   UNHCR expliquant de quelle manière le retour des réfugiés devait

 20   s'effectuer. Ensuite on vous a demandé si ceci était consistant avec "ce

 21   que la République de Croatie avait l'intention de faire," concernant le

 22   retour des réfugiés. Alors j'ai juste une question à vous poser à ce sujet-

 23   ci. Par ailleurs, vous avez répondu affirmativement à cette question.

 24   Alors ça, c'est le procès-verbal d'une réunion qui a eu lieu le 30 août

 25   1995, en présence de MM. Granic, Jarnjak, Sarinic, Milas, Pasalic,

 26   Valentic, Sokol and Zuzul.

 27   M. Jarnjak dit --

 28   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce bien le document P466 ? Bien.

Page 18255

  1   Q.  Alors : "La question porte sur les Serbes qui arrivent par la Hongrie,

  2   qui arrivent à la frontière, parce qu'ils veulent rentrer."

  3   Le président demande : "Ont-ils des passeports ?

  4   "Jarnjak : Non, ils n'ont rien.

  5   "Sarinic : Ils ont des passeports yougoslaves.

  6   "Jarnjak : J'aimerais qu'on leur donne des instructions disant qu'ils

  7   doivent obtenir des visas d'entrée à Belgrade de notre bureau, si vous êtes

  8   d'accord.

  9   "Le président : Je ne donnerai rien. Vous devez donner des instructions à

 10   la douane. Ils ne doivent pas laisser ces personnes traverser la frontière

 11   sans documents."

 12   M. Sarinic dit alors : " Président, écoutez, si on nous inspirait de la

 13   manière dont cela se passe en Slavonie occidentale.

 14   C'était très bien pour nous, très positif, parce que personne n'est revenu.

 15   Laissons-les prendre attache avec les organisations humanitaires

 16   internationales, ensuite ces organisations devront nous donner --

 17   "Le président : Attends. Il vient d'un autre pays, ensuite le douanier,

 18   lui, il ne conduit pas une politique."

 19   Ensuite, à la page suivante en B/C/S. Un peu plus bas, on dit :

 20   "Cela signifie que nous ne devons pas donner des instructions, juste les

 21   informer qu'ils ne peuvent entrer."

 22   Ensuite, à la page suivante en anglais.

 23   M. Granic dit : "Conformément à l'accord de Belgrade, il y en a seulement

 24   204 qui sont enregistrés. Ils ont commencé à être enregistrés à Skopje et

 25   c'est ce qu'ils ont fait là-bas aussi. Et la troisième chose, c'est qu'ils

 26   ont commencé à venir ici sans documents."

 27   Ensuite, le président dit, page suivante en B/C/S :

 28   "Si vous laissez entrer 204 personnes aujourd'hui, vous allez en avoir

Page 18256

  1   demain, 1 204, et dans dix jours, 12 000. Pour l'instant, rien."

  2   Alors ma question est simple : étiez-vous au courant de la teneur de ces

  3   discussions ?

  4   R.  Je connaissais la teneur de ces discussions dans le contexte où souvent

  5   il a été décidé qu'il fallait permettre le retour à tous ceux qui

  6   disposaient de documents, c'est-à-dire il s'agissait des personnes qui

  7   souhaitaient continuer à vivre en Croatie et la condition préalable pour

  8   ceci a été qu'ils demandent des pièces d'identité croates.

  9   Q.  Je ne vous ai pas demandé si vous étiez au courant du contexte. Je vous

 10   ai demandé si vous étiez au courant de cette discussion particulière, de ce

 11   qui a été dit.

 12   R.  Je vous ai dit que s'agissant des réunions auxquelles je n'ai pas

 13   participé, que j'ai été informée du contexte dans lequel elles se sont

 14   déroulées. Donc je vous explique maintenant le contexte.

 15   Q.  Merci.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Très rapidement.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très rapidement. Je pensais qu'une

 19   question allait durer une minute, mais ça dure beaucoup plus longtemps.

 20   Allez-y.

 21   Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Kehoe : 

 22   Q.  [interprétation] Madame, connaissez-vous le discours tenu par le

 23   président Tudjman à Karlovac, le 26 août 1995 où il a condamné les crimes

 24   commis ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Peut-on afficher D1451 --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Est-ce que vous souhaitez des

 28   informations supplémentaires de la part de ce témoin ou vous voulez passer

Page 18257

  1   ma question dans un contexte donné ?

  2   M. KEHOE : [interprétation] C'est juste ce qu'il a déclaré sur le train de

  3   liberté pour montrer que cela est consistant avec ce qu'il lui a dit lors

  4   de leurs conversations privées.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais bon. Moi, j'ai posé la

  6   question qui portait sur sa manière de s'adresser à l'opinion publique. Ce

  7   qui m'intéressait principalement ce n'était pas ce qu'il disait en interne,

  8   mais ce qu'il disait à l'intention de l'opinion publique. Et cela est déjà

  9   consigné au compte rendu.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Non, ce n'est pas le cas.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. O.K. Très bien. Il faut voir ce

 12   que c'est. Bon.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Oui, D1451, mais pour l'instant c'est juste

 14   marqué aux fins d'identification.

 15   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 16   M. KEHOE : [interprétation] Et je peux vous dire que les cabines ont reçu

 17   la transcription.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Chers frères et sœurs croates et vous dans le monde qui ne savaient pas

 21   quelle était la situation en Croatie ou bien ne souhaitaient pas accepter

 22   cette Croatie souveraine, bien, je vais vous rappeler : Depuis les jours de

 23   la Bible de l'Ancien Testament qui a proclamé le principe œil pour œil,

 24   dent pour dent, et avec le Nouveau Testament, tout cela n'a pas réussi à

 25   calmer les gens qui ont souffert pour que plus jamais ceux qui ont fait du

 26   mal, bien, qu'on ne réponde pas avec du mal. Aucun Etat au monde, même pas

 27   les Etats les plus organisés, depuis les Etats-Unis d'Amérique jusqu'à la

 28   Grande-Bretagne, jusqu'Israël, n'ont jamais réussi à empêcher qu'au cours

Page 18258

  1   de leurs guerres il n'y a pas d'incident et nous n'avons pas pu le faire

  2   non plus. Même si nous condamnons tous les incidents et nous appelons le

  3   peuple croate de ne pas se venger, de ne pas détruire les maisons des

  4   Serbes qui sont partis parce que maintenant ce sont les biens croates.

  5   M. KEHOE : [interprétation]

  6   Q.  Madame Osbolt, est-ce que ce commentaire est conforme à ce que le

  7   président Tudjman vous a dit quand vous discutiez avec lui pendant cette

  8   période ?

  9   R.  Oui.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Nous allons verser le restant du document parce

 11   que nous n'avons pas le temps.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On me dit qu'il n'y a pas d'autre

 13   audience.

 14   Il vous reste encore combien de minutes, Monsieur Kehoe ?

 15   M. KEHOE : [interprétation] Deux minutes.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bon, on vous donne les deux

 17   minutes, Monsieur Kehoe.

 18   M. KEHOE : [interprétation] On poursuit.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Et il nous reste encore 380 000 réfugiés à héberger. Il faut les héberger

 22   dans des foyers, dans des maisons, dans les fermes qui restent qui se

 23   trouvent dans la terre croate et qui sont propriétés du peuple croate et de

 24   l'Etat croate.

 25   Et aujourd'hui, alors que 96 % du territoire croate a été libéré - et quand

 26   on parle de la souveraineté totale de la Croatie quand il s'agit du

 27   territoire de l'espace maritime, bien, nous en sommes à 97,5 % - donc

 28   aujourd'hui, alors qu'on célèbre cette réussite démocratique, la réussite

Page 18259

  1   de notre armée que nous avons réussi à créer avec la guerre patriotique

  2   dans des conditions où le monde entier était contre nous, aujourd'hui, ce

  3   peuple croate appelle aussi les Serbes qui restent d'accepter l'Etat croate

  4   comme leur Etat, leur patrie qui va leur garantir ici à Karlovac, qui a

  5   péri pourtant de leurs armes, car ils voulaient le conquérir, l'intégrer à

  6   la Grande-Serbie ainsi que partout ailleurs. Ils peuvent rester en tant que

  7   citoyens, mais bien sûr ne peuvent plus jamais rêver que Karlovac devient

  8   Kordunovac [phon] et qu'ils règnent sur toute la Croatie."

  9   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 10   M. KEHOE : [interprétation] Bien, avec ceci se termine cette vidéo. Et je

 11   vais demander quelle soit versée au dossier.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas

 13   d'objection, vous n'avez pas accepté de verser cela. Cela n'a pas été

 14   versé, mais cela a été versé directement pendant une session dédiée à la

 15   procédure. J'ai voulu tout simplement vous en avertir.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne me souviens pas de cela, mais --

 17   M. MISETIC : [interprétation] La base de cela --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. S'il y a des questions de

 19   procédure on peut en parler la semaine prochaine, tout simplement, parce

 20   que là on a vraiment dépassé les 17 minutes le temps qui nous est alloué.

 21   Bien, nous venons de voir quelque chose qui a une certaine pertinence.

 22   Ensuite s'il y a des questions de procédure relative à cela, bien, on va

 23   les évoquer par la suite. Mais je ne préfère pas continuer avec cela.

 24   Bien, s'il n'y a rien d'autre.

 25   Madame, je voudrais vous remercier d'être venue déposer ici à La Haye et

 26   d'avoir répondu à toutes les questions posées par toutes les parties et par

 27   les Juges. Je vous souhaite un bon voyage de retour.

 28   Madame l'Huissière, veuillez accompagner Mme Skare Ozbolt pour qu'elle

Page 18260

  1   sorte du prétoire.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous remercie. Nous allons

  4   siéger cinq jours dans la semaine du 22 au 26 juin. Cela n'a pas fait

  5   l'objet d'une ordonnance portant calendrier.

  6   [Le témoin se retire]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui va se passer au mois de juillet,

  8   on va encore voir. Cela dépend, on ne va pas en parler pour l'instant.

  9   Monsieur Kehoe, je vous demande à réfléchir à ce que vous allez faire avec

 10   D1478, D673, et on s'attend à avoir votre point de vue la semaine

 11   prochaine.

 12   Nous allons lever la séance jusqu'à lundi le 8 juin, et il faut que je

 13   regarde dans quel prétoire dans quelle salle d'audience. D'après ce que je

 14   vois, la salle d'audience numéro I.

 15   --- L'audience est levée à 14 heures 06 et reprendra le lundi 8 juin 2009,

 16   à 9 heures 00.

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28