Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 8 juin 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  6   Monsieur le Greffier, veuillez citer le numéro de l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

  8   chacun dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur

  9   contre Ante Gotovina et consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 11   J'ai appris que la Défense de M. Gotovina avait une question à soumettre

 12   aux Juges.

 13   Peut-on en parler en audience publique ?

 14   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, à vous.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, il y a un certain nombre

 17   de questions de procédure dont j'aimerais parler, notamment des points sur

 18   lesquels la Chambre a réservé son jugement. Nous sommes ramenés à la date

 19   du 24 juin, et ceci est évoqué en page 5 065, ligne 22 du compte rendu

 20   d'audience. Il y a également deux séquences vidéo qui sont annexées à ce

 21   compte rendu. Ces séquences vidéo ont été diffusées pendant le contre-

 22   interrogatoire de M. l'Ambassadeur Galbraith. M. Tieger a demandé quelle

 23   était la période pertinente et a réservé son avis tant qu'il ne recevait

 24   pas ce renseignement. Je pense que le moment est venu de préciser ce point,

 25   puisque les vidéos qui étaient endommagées ont été réparées.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il n'y a pas eu de numéro

 27   d'enregistrement aux fins d'identification assigné à ces documents ?

 28   M. KEHOE : [interprétation] Non.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, quand M. Tieger a posé

  2   la question pour la première fois, pensez-vous que le temps demandé est

  3   suffisant ?

  4   M. WAESPI : [interprétation] Je peux vérifier et vous informer plus tard.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'autres questions ?

  6   M. KEHOE : [interprétation] Dernier document, c'est le document D1451, la

  7   vidéo que nous avons diffusée à la fin de la journée de vendredi.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Je ne crois pas que le versement en ait été

 10   demandé officiellement. J'aimerais le faire maintenant, car cette vidéo a

 11   été enregistrée aux fins d'identification, mais j'en demande maintenant le

 12   versement complet.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 14   Ou devrais-je parler à Mme Gustafson.

 15   Est-ce que la vidéo a été diffusée entièrement ?

 16   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 17   Mme GUSTAFSON : [interprétation] La vidéo a été diffusée à la fin de

 18   l'audition du témoin entendu vendredi dernier. Je pensais que le versement

 19   en avait été demandé en tant que document versé automatiquement sans

 20   comparution d'un témoin, mais cela n'a pas été le cas et la Chambre ne l'a

 21   pas admis non plus au mois de mars. J'ai souligné cela au moment des faits,

 22   mais je fais remarquer que l'objection n'a aucune admission par rapport à

 23   ce versement, elle l'a indiqué vendredi.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui veut dire que --

 25   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pour l'instant, cette vidéo a le statut de

 26   document enregistré aux fins d'identification.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc enregistrée, mais pas encore

 28   admise. Nous allons vérifier et ferons ce qu'il importe de faire.

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  1   Maître Kehoe, nous vous en informerons après la première pause.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'autres questions ?

  4   M. KEHOE : [interprétation]  L'objection reposait sur le versement

  5   automatique pendant la présentation des moyens de l'Accusation. J'y

  6   reviendrai plus tard.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque vous en avez demandé le

  8   versement par le biais d'un nouveau témoin, il semble que l'objection

  9   élevée à l'époque ne s'applique plus aujourd'hui.

 10   M. KEHOE : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord.

 12   Alors, nous allons vérifier. D'autres questions ?

 13   M. KEHOE : [interprétation] L'autre question concerne la pièce P448. Il

 14   s'agit de la rencontre entre M. l'Ambassadeur Galbraith et le président

 15   Tudjman. Pendant le week-end, nous avons remarqué que la version diffusée

 16   n'était pas complète. La transcription et le compte rendu d'audience ne

 17   sont pas complets non plus, puisqu'il y a des commentaires de M.

 18   l'Ambassadeur Zuzul qui n'ont pas été entendus. Hier après-midi, pendant le

 19   débat, nous avons élaboré une transcription de ce passage de la vidéo et

 20   nous l'avons envoyée au bureau du Procureur. Mais la séquence vidéo en tant

 21   que telle, Monsieur le Président, a déjà été versée au dossier. Simplement,

 22   la transcription écrite n'était pas complète.

 23   Donc nous aimerions que les commentaires formulés par M. l'Ambassadeur

 24   Zuzul à la fin de cette réunion, puisqu'ils ont une extrême importance,

 25   soient versés également au dossier.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si la version audio est complète, je

 27   suppose que vous voulez vérifier l'exactitude de la transcription, Monsieur

 28   Waespi, ou est-ce que c'est la nature intégrale de la vidéo qui vous

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  1   intéresse.

  2   M. WAESPI : [interprétation] Je vais vérifier. En tout cas, le curseur

  3   temps s'est arrêté à 18 : 05. Donc cela signifiait qu'il devait y avoir une

  4   suite.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Ce qui revient à dire que le document 65 ter

  6   numéro 1D2719 - et je l'indique aux fins de la démonstration pour le moment

  7   - c'est le document que j'ai envoyé au bureau du Procureur hier, ou plutôt,

  8   que M. Katalinic a envoyé hier.

  9   C'est une suite de la transcription déjà prise en compte par la Chambre qui

 10   reprend la fin de la réunion enregistrée sur la cassette audio.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ceci pourrait être vérifié

 12   pendant la première pause, aujourd'hui ?

 13   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Car cela ne sert pas à grand-chose de le

 15   faire dans le prétoire.

 16   M. KEHOE : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la Chambre entendra les parties sur

 18   cette question après la pause.

 19   D'autres questions, Maître Kehoe ?

 20   M. KEHOE : [interprétation] Je crois que c'est tout pour le moment,

 21   Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois, mais la Chambre a reçu

 23   également un document contenant des renseignements complémentaires qui

 24   soulignent une erreur de traduction dans la pièce P461.

 25   M. KEHOE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est en cours de vérification.

 27   J'apprécierais beaucoup que la traduction soit vérifiée mais que la version

 28   audio le soit également ou, en tout cas, qu'on vérifie que la transcription

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  1   de la version audio est bien exacte, transcription des propos tenus en

  2   langue croate. Ensuite il conviendra de vérifier la traduction, bien

  3   entendu.

  4   Monsieur Waespi, à vous.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Oui. Nous élevons une objection par rapport au

  6   fait que le témoin parle d'une traduction, s'agissant d'une réunion à

  7   laquelle il a participé. Il y a encore certaines questions qui se posent au

  8   sujet de la transcription en tant que telle de la pièce P461. Et compte

  9   tenu des derniers commentaires de la Défense, je pense que c'était en avril

 10   de cette année que la traduction a été considérée comme exacte.

 11   Donc nous avons maintenant un témoin qui n'a pas assisté à la réunion, un

 12   témoin qui s'exprimera sur les faits, qui a écouté la cassette audio et a

 13   déclaré qu'il y avait des inexactitudes.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, je lis simplement pour ma part

 15   la feuille de renseignements complémentaires, qui n'est pas encore un

 16   élément de preuve pour le moment. Le témoin déclare qu'il y a une erreur de

 17   traduction. Il peut avoir son propre avis sur la traduction exacte. Bien

 18   entendu, s'il y a un doute - et je dirais que quelle que soit la personne

 19   qui indique la possibilité d'une erreur ou d'une inexactitude de

 20   traduction, il vaut toujours la peine de vérifier. Ce qui ne signifie pas

 21   que le témoin est habilité à témoigner à ce sujet, il n'est pas expert en

 22   interprétation ou en traduction. Ce n'est pas lui qui va attester

 23   l'exactitude de la traduction. Toutefois, si une personne parlant à la fois

 24   la langue croate et la langue anglaise affirme qu'il y a une inexactitude

 25   de traduction, ceci jette un doute sur les écritures dont la demande de

 26   versement est faite ou sur la traduction des procès-verbaux des réunions en

 27   question, et je crois que la portion de ce transcript présidentiel a été lu

 28   dans le prétoire vendredi dernier, c'était une version ancienne de la

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  1   traduction, en tout cas, la version qui a déjà été versée au dossier, rien

  2   de plus.

  3   Donc il importe de vérifier tout cela de très près. S'il y a une erreur,

  4   elle sera corrigée, bien entendu. S'il n'y en a pas, nous le constaterons

  5   après vérification des transcripts. Bien entendu, nous avons débattu de ces

  6   transcripts présidentiels. Je ne sais pas si ce débat est achevé, étant

  7   donné le doute qui pèse sur l'exactitude de la traduction. Mais si un

  8   problème grave se pose, il importe de le résoudre dans le plus grand

  9   détail, car ceci peut avoir une importance pour l'affaire.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur le Président,

 11   j'aimerais vous donner quelques éléments de contexte à vous et à

 12   l'Accusation.

 13   Apparemment, un mot est mis en cause et je ne parle pas le croate.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne parlons pas de cela pour le moment.

 15   S'il y a quelque chose à ajouter au débat qui a déjà eu lieu, il importe

 16   que participent au débat des croatophones [phon], des gens aptes à vérifier

 17   si le transcript est exact ou pas et si la traduction est exacte ou pas.

 18   S'il y a une erreur ou une omission, la Chambre devra intervenir et lancer

 19   un nouveau débat sur cette question. Mais, Maître Kehoe, je pense que le

 20   témoin ne doit pas être interrogé sur ce point pour le moment. Il est

 21   simplement un croatophone [phon] --

 22   M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi. J'ai besoin d'ajouter quelques

 23   commentaires au sujet des mots utilisés. Si j'ai bien compris après

 24   discussion avec le témoin, le mot contesté est un mot archaïque, qui est

 25   très rarement utilisé, et je crois qu'il est important de le savoir, car

 26   pour la vérification ceci peut avoir son poids. C'est un mot que l'on

 27   trouve à plusieurs reprises dans les transcripts des réunions avec M. le

 28   président Tudjman et uniquement avec lui. Je crois qu'il était important de

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  1   le savoir.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, présentez vos arguments

  3   rapidement.

  4   Maître Kehoe.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Je crois que c'est important, car les personnes

  6   qui parlaient au président Tudjman ont remarqué que le mot était utilisé

  7   très rarement et qu'il pouvait poser un problème d'interprétation. En tout

  8   cas c'est ce que m'a dit M. Zuzul.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Pas de problème. Ceci se

 10   rapportera à la connaissance des personnes qui s'acquitteront de la

 11   vérification de la traduction et de la transcription.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Je le disais, Monsieur le Président, simplement

 13   à titre d'information. J'avais l'intention, pendant mon interrogatoire

 14   principal, de donner la possibilité au témoin de s'expliquer sur son

 15   interprétation de ce terme.

 16   Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez m'entendre aborder.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'en discuterai avec mes collègues

 18   pendant la première pause.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'autres questions ?

 21   M. KEHOE : [interprétation] Je crois que c'est tout.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est tout pour ce matin.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez faire entrer votre témoin

 25   suivant.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 28   M. KEHOE : [interprétation] Il n'a pas demandé de mesures de protection.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de M. Miomir Zuzul, si j'ai

  2   bien compris.

  3   M. KEHOE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez faire

  5   entrer dans le prétoire M. Zuzul.

  6   Pendant que nous attendons l'entrée du témoin, Maître Kehoe, la pièce D147

  7   est une lettre qui existe en deux versions.

  8   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  9   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que nous

 10   pouvons retirer nos écritures au sujet de ce document; l'un des deux est

 11   signé, le premier ne l'est pas, mais les deux documents constituent la même

 12   lettre, Monsieur le Président, donc nous n'allons pas surcharger le compte

 13   rendu d'audience de remarques inutiles.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Cela libérera un numéro de pièce à

 15   conviction. Mais nous y reviendrons plus tard.

 16   Bonjour, Monsieur Zuzul.

 17   Monsieur Zuzul, avant que vous ne témoigniez, le Règlement de procédure et

 18   de preuve exige que vous prononciez une déclaration solennelle indiquant

 19   que vous vous apprêtez à dire la vérité, toute la vérité et rien que la

 20   vérité.

 21   Le texte de ce serment vous est tendu par l'huissier à l'instant. Je vous

 22   inviterais à le prononcer de vive voix.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je déclare

 24   solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

 25   vérité.

 26   LE TÉMOIN : MIOMIR ZUZUL [Assermenté]

 27   [Le témoin répond par l'interprète]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je sais que vous parlez un peu le

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  1   français, donc je vais me permettre d'utiliser également quelques mots

  2   français pour vous demander, Monsieur, de vous asseoir. Ceci pose un

  3   problème aux interprètes. En tout cas, je vous ai demandé de vous asseoir.

  4   Monsieur Zuzul, je vous ai entendu dire quelques mots en français, mais je

  5   suppose que vous voulez néanmoins témoigner dans votre langue maternelle,

  6   n'est-ce pas ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président. Je

  8   voulais simplement vous remerciez en langue française.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, êtes-vous prêt.

 10   Monsieur Zuzul, vous allez d'abord être interrogé par Me Kehoe, qui

 11   est le conseil de M. Gotovina.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Interrogatoire principal par M. Kehoe : 

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Votre Excellence.

 15   Monsieur, pouvez-vous décliner vos nom et prénom pour le compte rendu

 16   d'audience je vous prie.

 17   R.  Je m'appelle Miomir Zuzul et cela s'épelle M-i-o-m-i-r. Quant à mon nom

 18   de famille, il s'épelle Z-u-z-u-l.

 19   Q.  Votre Excellence, vous rappelez-vous avoir été interrogé par un membre

 20   de l'équipe chargé de la Défense du général Gotovina les 6 et 7 mai 2009

 21   ainsi que les 18, 19 et 20 mai 2009 ?

 22   R.  Oui, je m'en souviens.

 23   Q.  Vous rappelez-vous avoir signé une déclaration préliminaire le 20 mai

 24   2009 ?

 25   R.  Oui, je m'en souviens.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais

 27   l'affichage du document 65 ter numéro 1D2687, et si la chose est possible,

 28   j'aimerais que l'on fasse remettre à M. Zuzul un exemplaire papier de ce

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  1   document.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci semble faisable.

  3   M. KEHOE : [interprétation]

  4   Q.  Votre Excellence, avant d'entrer dans le prétoire ce matin, avez-vous

  5   eu la possibilité de relire le document que vous avez actuellement sous les

  6   yeux ?

  7   R.  Oui, Maître.

  8   Q.  C'est bien le document que vous avez signé, n'est-ce pas ?

  9   R.  Exact.

 10   Q.  Votre Excellence, pendant notre discussion d'hier, vous avez estimé

 11   nécessaire d'ajouter deux points d'information relatifs au travail que vous

 12   avez effectué avec l'OSCE, deux points que vous souhaitez ajouter à ce

 13   document et soumettre aux Juges de la Chambre de première instance ici même

 14   aujourd'hui. 

 15   Pouvez-vous le faire maintenant ?

 16   R.  Oui. J'ai remarqué que dans le récit de ma vie j'ai omis d'indiquer

 17   deux postes officiels importants que j'ai occupés et qui avaient un rapport

 18   avec les missions de paix auxquelles j'ai participé. J'ai occupé ces postes

 19   hors de la Croatie.

 20   En 2005, j'ai été intégré à un groupe comptant sept personnalités

 21   importantes de la communauté internationale, un groupe qui avait pour but

 22   d'élaborer une proposition quant aux modalités de réorganisation de l'OSCE,

 23   à savoir de l'organisation chargée de la sécurité et de la coopération

 24   européenne. Je crois avoir été choisi pour occuper cette fonction en grande

 25   partie grâce à l'expérience des pourparlers et des négociations qui est la

 26   mienne et dont il est déjà question dans ma déclaration préliminaire.

 27   Par ailleurs, en 2007, j'ai été nommé envoyé spécial de l'OSCE,

 28   organisation pour la sécurité et la coopération européenne, et ma mission

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  1   consistait à enquêter au sujet de ce qu'il est convenu d'appeler l'incident

  2   des roquettes en Géorgie, incident qui est à l'origine du conflit qui a

  3   opposé la Géorgie à la Russie au sujet de l'Ossetia méridional. J'ai soumis

  4   un rapport au conseil de l'OSCE à l'issue de ma mission comme le conseil me

  5   l'avait demandé.

  6   Q.  Autre point qui mérite notre attention, il figure au paragraphe 16 de

  7   votre déclaration préliminaire. Il y est question des réunions de presse

  8   régulières qui se tenaient à la "maison blanche" et plus particulièrement

  9   de la réunion du 3 août 1995. Je crois vous avoir entendu dire qu'il

 10   convient de lire 2 août au lieu de 3 août 1995.

 11   Ceci est-il exact, Votre Excellence ?

 12   R.  C'est exact. Je crois que cette réunion a eu lieu le 2 août.

 13   Q.  Une fois ces ajouts apportés à votre déclaration, Monsieur

 14   l'Ambassadeur, je vous demande à présent si je devais vous poser

 15   aujourd'hui les mêmes questions que celles qui vous ont été posées au cours

 16   des entretiens que vous avez eus avec des représentants du Tribunal durant

 17   le mois de mai 2009 et dont les réponses figurent dans votre déclaration

 18   préalable, est-ce qu'aujourd'hui vous fourniriez les mêmes réponses qu'à ce

 19   moment-là à ces mêmes

 20   questions ?

 21   R.  Je le ferais, oui.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 23   au dossier du document 65 ter numéro 1D2687.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 26   J'aimerais demander simplement si les conditions requises pour que la

 27   déclaration préalable soit considérée comme relevant de l'article 92 ter du

 28   Règlement sont bien réunies et ont été vérifiées.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense --

  2   M. WAESPI : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre.

  4   D'abord, la première question à poser consiste à se demander si la

  5   déclaration préliminaire reflète bien ce qu'a dit le témoin ? Deuxièmement,

  6   si, Votre Excellence, à l'époque où vous avez été interrogé, vous avez

  7   répondu aux questions en vous fondant sur les connaissances qui étaient les

  8   vôtres quant à la vérité. Et la troisième question qui se pose c'est est-ce

  9   que le témoin fournirait les mêmes réponses aujourd'hui aux questions

 10   posées à l'époque qu'il l'a fait à l'époque ?

 11   Bien entendu, il y a un certain chevauchement entre la deuxième et la

 12   troisième question, mais en général c'est ce qu'on demande au témoin,

 13   Maître Kehoe.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président. Je vais le

 15   faire immédiatement.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 17   M. KEHOE : [interprétation]

 18   Q.  Votre Excellence, nous parlons toujours de votre déclaration

 19   préliminaire. Rend-elle bien compte de ce que vous avez dit aux membres de

 20   l'équipe chargée de la Défense du général Gotovina pendant les entretiens

 21   que vous avez eus avec eux ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Au risque de me répéter, je vous demanderais si en se fondant sur ce

 24   que vous savez, vous avez apporté les réponses que vous avez apportées aux

 25   questions qui vous étaient posées dans un effort d'approcher la vérité au

 26   mieux de vos possibilités ?

 27   R.  Exact. Au mieux de mes possibilités et de ce que je savais.

 28   Q.  Enfin, encore une fois, est-ce que vous apporteriez aujourd'hui les

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  1   mêmes réponses aux questions qui vous ont été posées à l'époque par les

  2   membres chargés de la Défense du général Gotovina, c'est-à-dire au mois de

  3   mai 2009 ?

  4   R.  Oui.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande maintenant le

  6   versement au dossier du document 1D2687 sur la liste 65 ter.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce D1485.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1485 est admise en tant

 10   qu'élément de preuve.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai expliqué au témoin

 12   qu'il serait donné lecture d'un résumé de sa déposition aux fins d'informer

 13   le public des sujets qui seront abordés dans sa déposition. Donc avec

 14   l'autorisation de la Chambre, j'aimerais en donner lecture à présent.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Maître Kehoe.

 16   M. KEHOE : [interprétation] M. Zuzul a obtenu un doctorat de l'Université

 17   de Zagreb en 1987 et a commencé à travailler en tant qu'assistant

 18   professeur, puis professeur à l'Université de Zagreb et de Pittsburgh entre

 19   1987 et 1992. En mars 1992 à peu près, M. Zuzul a accepté le poste de vice-

 20   ministre des affaires étrangères de la République de Croatie.

 21   En juin 1992, M. Zuzul est devenu le conseiller à la sécurité nationale du

 22   président Tudjman.

 23   En 1993, M. Zuzul a été nommé au poste d'ambassadeur et de représentant

 24   permanent de la République de Croatie au bureau des Nations Unies de

 25   Genève. En cette qualité, M. Zuzul a été constamment en contact avec des

 26   représentants de la communauté internationale et a participé activement aux

 27   négociations visant à conclure un accord de paix en Bosnie-Herzégovine.

 28   Le 27 juin 1994, il a été nommé émissaire spécial du président dans le

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  1   cadre des négociations de paix qui se menaient avec le Groupe de contact et

  2   d'autres représentants de la communauté internationale. M. Zuzul a parlé

  3   dans sa déposition du fait que le président Tudjman et toute la direction

  4   politique de l'Etat ont fortement appuyé ces négociations de paix.

  5   En juillet 1995, des unités serbes placées sous le commandement de Ratko

  6   Mladic ont attaqué Srebrenica et d'autres enclaves de Bosnie en même temps

  7   que l'armée de la République serbe de Krajina lançait une attaque à partir

  8   du sol croate sur la poche de Bihac. La chute de Bihac a été appréciée

  9   comme constituant potentiellement une crise humanitaire et militaire pour

 10   la Croatie. En conséquence de quoi,  M. Zuzul a été envoyé à une conférence

 11   internationale à Londres afin de rechercher la possibilité d'une

 12   intervention internationale ou d'une intervention des forces croates à

 13   Bihac.

 14   Après la conférence de Londres, M. Zuzul a été envoyé à Split où

 15   l'accord de Split a été conclu sous l'égide des Etats-Unis et de l'Union

 16   européenne. L'accord de Split prévoyait une plus grande coopération entre

 17   la Croatie et les Musulmans de Bosnie et forces bosno-croates de Bosnie

 18   respectivement, et le général Gotovina a été nommé commandant des forces

 19   conjointes créées suite à cet accord.

 20   Après la conclusion de l'accord de Split, le général Gotovina a participé à

 21   quatre offensives militaires importantes, l'opération Eté 95, l'opération

 22   Tempête, l'opération Maestral et l'opération Déplacement vers le sud, qui

 23   ont créé les conditions pour que se mènent des pourparlers de paix et que

 24   soit signé l'accord de Dayton.

 25   S'agissant de l'opération Tempête, M. Zuzul a dit dans sa déposition que la

 26   décision de lancer cette opération n'a pas été prise avant la soirée du 3

 27   août 1995, après que les Serbes de Krajina ont refusé d'admettre la

 28   réintégration pacifique qui était discutée à Genève.

Page 18275

  1   M. Zuzul n'a jamais entendu parler de l'existence d'un quelconque prétendu

  2   plan visant à expulser les Serbes de Krajina. Bien au contraire, à

  3   plusieurs reprises, le président Tudjman a déclaré qu'il avait

  4   véritablement respecté les avertissements de la communauté internationale

  5   indiquant que toute opération militaire menée par la Croatie se devait de

  6   protéger la population civile serbe.

  7   Fin de lecture. Voici, Monsieur le Président, ce que l'on trouve dans le

  8   résumé de la déposition de M. l'Ambassadeur Zuzul.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kehoe.

 10   Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.

 11   M. KEHOE : [interprétation]

 12   Q.  Votre Excellence, j'appelle votre attention sur plusieurs points qui

 13   figurent dans votre déclaration préliminaire, à commencer par les

 14   paragraphes 5 et 6, où vous parlez du Groupe de contact et indiquez que

 15   vous étiez l'émissaire spécial auprès du Groupe de contact. Au paragraphe

 16   5, vous dites que vous avez reçu cette mission le 27 juin 1994.

 17   Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qu'était exactement le

 18   Groupe de contact et combien de temps vous avez occupé votre poste et ce

 19   que vous avez fait en qualité d'émissaire spécial ?

 20   R.  Ma mission en tant qu'ambassadeur auprès des Nations Unies à Genève

 21   consistait à participer aux négociations et à suivre de près le travail de

 22   la conférence sur l'ex-Yougoslavie.

 23   Fin 1993 et début 1994, il est apparu de façon assez nette que la

 24   conférence faisait face à une crise, ne parvenant pas à élaborer des

 25   modèles ou à déterminer des solutions susceptibles de mettre un terme à la

 26   guerre en Bosnie.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, mais la

 28   question ne consistait pas à vous demander de décrire le contexte de la

Page 18276

  1   création du Groupe de contact. La question qui vous a été posée consistait

  2   à vous demander : Pouvez-vous expliquer ce qu'était exactement le Groupe de

  3   contact, combien de temps vous avez occupé les fonctions qui vous ont été

  4   confiées et ce que vous avez fait dans le cadre de ces fonctions.

  5   Pourriez-vous, je vous prie, vous concentrer sur le côté très précis, la

  6   nature très précise de la question.

  7   Veuillez poursuivre, je vous prie.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Le Groupe de contact était en réalité une

  9   réaction à la situation qui prévalait et qui ne permettait pas de trouver

 10   une solution. Et c'est la raison pour laquelle j'ai commencé un petit peu à

 11   en parler au début de ma réponse.

 12   C'était une initiative des Etats-Unis. Il s'agissait d'un groupe ad hoc

 13   composé de cinq Etats qui pouvaient utiliser leur influence au niveau le

 14   plus élevé pour essayer d'arriver à une solution. Dans quelle mesure cette

 15   approche était efficace, cela s'est révélé de façon évidente lorsque l'on a

 16   réussi à mettre un terme à la guerre, c'est-à-dire la guerre entre les

 17   Croates et les Bosniaques, et que l'accord de Washington a été signé.

 18   Ensuite, dans une certaine mesure, de façon informelle et active, le

 19   travail de ce Groupe de contact composé de cinq Etats s'est poursuivi. Mon

 20   rôle consistait à maintenir des contacts réguliers avec le Groupe de

 21   contact, avec les Etats membres du Groupe de contact et de faire un

 22   rapport, tout d'abord au président de la République, et également de faire

 23   connaître les points de vue de la République de Croatie et de faire en

 24   sorte que la Croatie, à travers le Groupe de contact et son travail, puisse

 25   réaliser ses objectifs stratégiques et les objectifs les plus importants du

 26   Groupe de contact, qui étaient de mettre un terme à la guerre et d'arrêter

 27   l'agression serbe et de réintégrer toutes les régions occupées de la

 28   République de Croatie.

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  1   M. KEHOE : [interprétation]

  2   Q.  Avant d'aller trop loin sur ce point, vous avez dit que le Groupe de

  3   contact était composé de plusieurs Etats. Quels étaient les Etats qui

  4   composaient ce Groupe de contact ?

  5   R.  Il s'agissait des Etats-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, de

  6   l'Allemagne et de la Russie.

  7   Et quelquefois, d'autres pays de l'Union européenne participaient en

  8   fonction de la présidence de l'Union européenne.

  9   Q.  Vous nous parliez, Monsieur, d'objectifs stratégiques. Je voudrais vous

 10   demander de vous reporter à votre première phrase au paragraphe 6 où vous

 11   parlez des trois objectifs stratégiques de la République de Croatie. L'un

 12   étant de mettre un terme à la guerre, d'empêcher l'agression serbe;

 13   deuxièmement, de mettre en place un contrôle dans le cadre de frontières

 14   internationalement reconnues de la République de Croatie; troisièmement,

 15   l'intégration de la Croatie dans l'Europe et la communauté euro-atlantique. 

 16   Ces trois objectifs, s'agissait-il d'objectifs aussi importants les uns que

 17   les autres ? Ou certains étaient-ils plus importants que d'autres ?

 18   Pourriez-vous l'expliquer à la Chambre de première instance, nous dire

 19   quelle était la situation et ce que la République de Croatie essayait de

 20   réaliser et comment elle envisageait de le réaliser.

 21   R.  Dès le début, ou pour être plus précis, dès le début de l'agression

 22   serbe, ces trois objectifs, pour la République de Croatie, n'en formaient

 23   qu'un seul.

 24   Toutes les activités de la République de Croatie englobaient toujours ces

 25   trois objectifs.

 26   Q.  Pour reprendre le premier objectif, qui était de mettre un terme à la

 27   guerre et d'empêcher l'agression des Serbes, du point de vue de la

 28   République de Croatie, de quoi parlez-vous lorsque vous dites dans votre

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  1   déclaration préalable "empêcher l'agression serbe."

  2   De quelle agression serbe parlez-vous ?

  3   R.  Je pourrais, bien entendu, vous en dire long sur la question vue sous

  4   différents angles. Mais ce que je peux vous dire, de la façon la plus

  5   générale, dans ce contexte particulier, est qu'il existait une agression

  6   prévue dont l'objectif était d'occuper une partie importante du territoire

  7   de la République de Croatie et de s'approprier également d'un territoire

  8   plus vaste encore de la Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait d'une seule et

  9   même agression, indépendamment du fait que cela se passait sur le

 10   territoire de deux Etats reconnus au niveau international.

 11   L'objectif final était de créer ladite Grande-Serbie ou, comme cela était

 12   dit dans les plans sur lesquels se fondait l'agression, de créer un Etat

 13   qui engloberait l'ensemble des territoires où habitaient des Serbes.

 14   Q.  Permettez-moi de vous interrompre et nous allons accélérer un petit peu

 15   plus loin dans votre déclaration préalable. Vous parlez d'objectifs

 16   stratégiques, vous parlez d'arrêter l'agression. Pendant cette période, y

 17   avait-il une relation entre la diplomatie et les cercles militaires et

 18   parlait-on de la façon de réaliser ces objectifs ?

 19   R.  Cette relation a existé tout le long; autrement, il n'aurait pas été

 20   possible de coordonner les objectifs.

 21   Q.  Donc --

 22   R.  Dans le cadre de la constitution croate en vigueur à l'époque, la

 23   coordination se faisait au niveau du président de la république, ou plutôt,

 24   du bureau du président de la république.

 25   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, au fur et à mesure que nous avançons, vous

 26   parlez des objectifs stratégiques et vous étiez donc du côté diplomatique

 27   et, bien entendu, il y avait la composante militaire et les objectifs

 28   stratégiques, dont la réintégration des territoires occupés, comme vous

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  1   l'avez dit.

  2   Y avait-il une préférence de la part du président Tudjman sur la façon de

  3   réaliser ces objectifs stratégiques ? Y en avait-il sur le plan

  4   diplomatique, militaire ? Qu'est-ce qui l'intéressait dans la réalisation

  5   de ces objectifs et le fait que l'accent était mis sur les territoires

  6   occupés ?

  7   R.  Je peux dire, en toute conviction, que le président Tudjman préférait

  8   une solution pacifique - en d'autres termes, diplomatique - ou négociée. Je

  9   l'ai entendu le répéter à maintes reprises. J'ai entendu cette déclaration

 10   à maintes reprises et c'est la raison pour laquelle j'ose le citer de

 11   mémoire. Il a dit : Je négocierai même avec le diable si cela permettait de

 12   sauver des vies et amenait une solution pacifique.

 13   Je peux également témoigner du fait que toutes les instructions que j'ai

 14   reçues de sa part étaient de nature à essayer de résoudre la crise dans le

 15   cadre des négociations tout en réalisant les trois objectifs.

 16   Et je peux également témoigner du fait que le président Tudjman gardait

 17   toujours à l'esprit le fait que la guerre prendrait fin un jour, et que tôt

 18   ou tard la Croatie ferait partie d'une Europe intégrée ou, comme il le

 19   disait à l'époque, du monde occidental.

 20   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, si je pouvais vous poser une question --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, si vous le permettez.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela fait six minutes que nous écoutons

 24   une réponse à une question simple. Là vous ne pouvez pas vous attendre à

 25   autre chose que ce qui figure déjà dans la déclaration préalable, c'est-à-

 26   dire que l'accent a été mis sur la réintégration à travers une solution

 27   pacifique et que la solution militaire n'était pas celle qui était

 28   recherchée par les autorités croates, y compris le président Tudjman.

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  1   Bien. Il m'a fallu 30 secondes environ pour le dire. Pourquoi la Chambre

  2   doit-elle écouter quelque chose qui se veut une façon efficace d'introduire

  3   des éléments de preuve, alors que partout dans chaque ligne au paragraphe

  4   6, au paragraphe 15, partout nous retrouvons la même chose. Donc essayons

  5   de ne pas poursuivre de cette façon. Je pense que nous avons quatre heures

  6   d'annoncer et cela permettrait peut-être de réduire ce temps. Cela est

  7   répétitif, comme vous le savez, et cela ne dérange pas la Chambre de vous

  8   entendre et d'entendre une deuxième fois la même déclaration.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais six, sept minutes à écouter

 11   quelque chose qui apparaît clairement dans la déclaration préalable, bien

 12   entendu, ce ne sont pas exactement les mêmes termes, mais c'est à vous de

 13   bien cibler vos questions.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Tout à fait.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et d'interrompre le témoin s'il commence

 16   à utiliser des mots différents et qu'il les utilise de la même façon pour

 17   dire la même chose que ce que nous avons dans la déclaration.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, gardez cela à l'esprit.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Bien.

 21   Q.  En tenant compte de ce que le Président vient de dire, nous allons

 22   essayer d'avancer et de parler des conversations et des discussions et de

 23   le faire assez rapidement. Je pense que nous allons réussir à réaliser ces

 24   objectifs.

 25   Vous parlez donc de ces termes diplomatiques. Vous savez probablement que

 26   dans le cadre des négociations, le général Gotovina était en fait un

 27   responsable militaire, responsable des forces HV et HVO après l'accord de

 28   Split, comme vous l'avez noté au paragraphe 12 de votre accord.

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  1   Vous étiez à la réunion de Split le 22 juillet. Savez-vous si le général

  2   Gotovina avait été choisi pour cette mission ? En d'autres termes, est-ce

  3   que vous avez une idée de la situation en tant que personne qui était

  4   directement impliquée ?

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zuzul, dans votre déclaration

  6   vous avez dit qu'il n'était pas un ancien officier de la JNA, qu'il n'était

  7   pas impliqué dans la politique; c'est ce que j'ai cru comprendre.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Ça c'est dans les notes de récolement.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je lis ce que vous avez envoyé ce matin.

 10   Alors pourquoi pas si c'est ce qui est dit dans les notes de récolement,

 11   nous pourrions --

 12   M. KEHOE : [interprétation] J'essaie de ne pas l'orienter, Monsieur le

 13   Juge.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vais vous aider.

 15   Monsieur Zuzul, est-ce que c'est parce qu'il n'était pas un officier de la

 16   JNA et qu'il n'était pas impliqué dans la politique ? Est-ce que c'est ce

 17   qui faisait de lui un aussi bon choix pour cette mission ? 

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était mon impression, et quand j'ai dit ceci

 19   n'est pas consigné dans ma déclaration préliminaire, mais je l'ai dit au

 20   cours des entretiens. Quand j'ai dit que ceci était dû au fait qu'il

 21   n'avait pas d'activités politiques particulières, c'est que j'avais

 22   l'impression que c'était quelqu'un qui cherchait à acquérir une

 23   connaissance militaire approfondie, à acquérir un certain pouvoir sur le

 24   plan militaire et qu'il pouvait coopérer de bonne façon avec l'ABiH, parce

 25   que c'est précisément l'idée qui était défendue dans la déclaration de

 26   Split à l'issue des rencontres de négociations de Split.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous remercie.

 28   Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.

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  1   M. KEHOE : [interprétation]

  2   Q.  Portons maintenant notre attention sur le mois de juillet 1995 et

  3   parlons plus généralement de la situation qui prévalait à ce moment-là dans

  4   la poche de Bihac.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter

  6   numéro 1D1466, c'est une carte de la région qui a déjà été versée au

  7   dossier.

  8   Q.  Monsieur Zuzul, brièvement, pouvez-vous nous parler de vos contacts

  9   avec le président Tudjman et la communauté internationale au sujet des

 10   effets économiques dans la République serbe de Krajina, en tout cas c'est

 11   comme ça qu'on l'appelait, donc de la situation économique qui prévalait

 12   dans la République serbe de Krajina sur la Croatie pendant cette période;

 13   et si oui, que pouvez-vous en dire en termes économiques ?

 14   R.  Bien, nous en avons déjà parlé. Dès lors que ce qu'il est convenu

 15   d'appeler la République serbe de Krajina a été créée, elle a en fait divisé

 16   la Croatie en deux parties. Il est devenu très difficile, voire impossible

 17   par moment, de passer de l'une de ces parties à l'autre. Pendant toute la

 18   période concernée, la situation économique dans le sud de la Croatie, plus

 19   précisément en Dalmatie, était pratiquement détruite, en perdition, sans

 20   parler du fait que la prospérité économique reposait en grande partie sur

 21   le tourisme. Donc ceci est un fait de notoriété publique auquel la

 22   communauté internationale n'est pas parvenue à réagir de façon efficace.

 23   Q.  Votre Excellence, avez-vous eu connaissance de la conduite d'actions

 24   militaires conjointes par la République serbe de Krajina et l'armée des

 25   Bosno-Serbes dans la poche de Bihac en juillet 1995 ?

 26   R.  Oui, j'ai appris l'existence de ces actions, et elles nous ont beaucoup

 27   inquiétés compte tenu de leurs conséquences possibles, et notamment en

 28   raison du fait qu'elles risquaient de provoquer une catastrophe humanitaire

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  1   plus grave encore que celle qui existait déjà. Nous étions également

  2   inquiets en raison du fait --

  3   Q.  Une seconde, je vous prie. Non, excusez-moi, veuillez poursuivre votre

  4   réponse.

  5   R.  En deuxième lieu, nous étions d'avis que si les forces serbes - et

  6   lorsque je dis forces serbes, je pense aux forces serbes de Bosnie-

  7   Herzégovine, ainsi qu'aux forces serbes de Croatie qui se seraient alliées

  8   aux forces de la République de Serbie, donc à l'armée yougoslave - donc

  9   notre deuxième sujet d'inquiétude était que si ces forces réunies

 10   s'emparaient de Bihac, ceci serait synonyme de leur part d'une réalisation

 11   militaire de leur objectif stratégique, à savoir la création de la Grande-

 12   Serbie. Car dans ce cas, ces forces réunies auraient le contrôle d'un

 13   territoire compact s'étendant depuis les frontières avec la Roumanie et la

 14   Bulgarie, jusqu'à une zone se trouvant bien à l'intérieur de la République

 15   de Croatie à l'ouest.

 16   Q.  Je regarde la carte qui constitue la pièce D1466. Je vous demanderais

 17   de nous dire si vous voyez cette ligne noire représentant une ligne

 18   ferroviaire reliant Knin à Bihac et se poursuivant jusqu'à Banja Luka. Je

 19   sais que des témoins ont déjà indiqué que cette ligne de chemin de fer se

 20   poursuivait jusqu'à la Serbie.

 21   En vous fondant sur ce que vous savez du terrain et de la situation du

 22   chemin de fer en tant que tel, est-ce que cette ligne ferroviaire a eu une

 23   grande discussion [comme interprété] dans le cadre des discussions que vous

 24   avez eues avec les représentants de la communauté internationale s'agissant

 25   des conséquences éventuelles de sa capture ?

 26   R.  Ceci aurait donné aux forces serbes une voie de communication très

 27   pratique; en d'autres termes, cela leur aurait permis d'assurer des

 28   approvisionnements sans la moindre difficulté. Toute voie de communication

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  1   traversant la Bosnie-Herzégovine est plus utile s'il s'agit d'un chemin de

  2   fer et plus aisée à utiliser s'il s'agit d'un chemin de fer que d'une

  3   route. Puis sur le plan stratégique, ceci aurait renforcé les forces serbes

  4   sur le plan militaire, aussi bien en Bosnie-Herzégovine que dans les

  5   territoires occupés de Croatie.

  6   Q.  J'aimerais appeler votre attention --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je crois que ce n'est pas

  8   la première fois que nous entendons parler ici de l'importance stratégique

  9   qu'il y avait à prendre contrôle de cette partie, d'une partie au moins de

 10   Bihac en raison de la présence de cette ligne de chemin de fer.

 11   Mais ceci est-il un point contesté entre la Défense et l'Accusation,

 12   Monsieur Waespi ?

 13   M. WAESPI : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, puisque je crois

 15   comprendre qu'il n'y a pas contestation sur ce point, je ne pense pas qu'il

 16   soit nécessaire de poursuivre dans la voie actuelle qui consiste à

 17   recueillir une déposition qui fera double usage.

 18   Veuillez poursuivre.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'aimerais

 20   soumettre au témoin deux documents, je demande l'affichage du document

 21   1D2708 --

 22   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas noté le numéro.

 23   M. KEHOE : [interprétation] -- qui est un rapport de Son Excellence M.

 24   l'Ambassadeur Zuzul relatif à la réunion tenue à Londres le 21 juillet

 25   1995.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est le document qui fait

 27   l'objet de la requête d'ajout à la liste 65 ter ?

 28   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Occupons-nous d'abord de ce point.

  2   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection à l'ajout de l'un ou l'autre

  3   de ces deux documents.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas -- mais je crois qu'il y en

  5   avait cinq, Maître Kehoe, au total.

  6   M. KEHOE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vérifie s'il y a déjà eu demande de

  8   versement au dossier.

  9   Une requête en vue d'ajout à la liste 65 ter a été déposée avec cinq

 10   annexes, si je ne m'abuse, et cette requête présentée en croate et en

 11   anglais a été déposée quand exactement ? Parce que pour faire droit à une

 12   requête, je préférerais savoir quand elle a été déposée.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Le 4 juin 2009.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous parlons bien de la requête au vu

 15   d'ajout d'un certain nombre de documents à la liste 65 ter.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cinq documents devaient s'ajouter à

 18   la liste 65 ter qui a été déposée le 4 juin, et il est fait droit à cette

 19   requête par la Chambre.

 20   Veuillez poursuivre.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Sur ce document précis, Monsieur le Président,

 22   ce document est un rapport émanant de M. l'Ambassadeur Zuzul suite à sa

 23   rencontre avec un certain nombre de responsables du gouvernement des Etats-

 24   Unis pour discuter de la question de Bihac. Je demande l'affichage et le

 25   versement au dossier du document 65 ter 1D2008.

 26   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Ainsi que du document 1D2715, rapport de

 28   l'ambassadeur Zuzul suite à sa rencontre à Londres avec Klaus Kinkel et

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  1   avec M. l'Ambassadeur Steiner de la République d'Allemagne.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les dates de ces documents, je vous prie

  3   --

  4   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le premier date du 24 juillet --

  6   M. KEHOE : [interprétation] Exact.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le deuxième ?

  8   M. KEHOE : [interprétation] Le deuxième n'a pas de date. C'est une note

  9   relative à la réunion où nous lisons Londres, 20, 21 juillet 1995.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vois cela.

 11   Pas d'objection, Monsieur Waespi ?

 12   M. WAESPI : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ces documents deviennent la pièce D1486

 15   et D1487 respectivement, le document 1D2715 étant la pièce D1487.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les deux documents sont admis en tant

 17   qu'éléments de preuve.

 18   M. KEHOE : [interprétation]

 19   Q.  Passons au paragraphe 12 de votre déclaration préalable, où vous

 20   commencez à parler de l'accord de Split. J'aimerais que vous nous donniez

 21   un bref résumé de ce qui a mené à l'accord de Split et des objectifs

 22   poursuivis par cet accord, je vous prie.

 23   R.  En termes très brefs, je dirais que l'objet poursuivi par l'accord de

 24   Split consistait à créer une coopération militaire entre l'armée croate et

 25   le HVO, d'une part, et entre l'ABiH et l'armée croate, d'autre part, dans

 26   le but principal de défendre Bihac et de mettre un terme à l'agression

 27   serbe.

 28   Q.  Vous faites remarquer dans votre déclaration préliminaire au paragraphe

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  1   13 que la première opération qui a été menée après la conclusion de cet

  2   accord a été l'opération Eté 95 qui a débuté le 25 juillet, je vous renvoie

  3   donc au paragraphe 13 de votre déclaration préliminaire.

  4   Etiez-vous au courant à l'époque que le général Gotovina était le

  5   commandant chargé des opérations pour les forces conjointes à ce moment-là

  6   ?

  7   R.  Oui, je le savais.

  8   Q.  A peu près au même moment - car à cette époque-là vous meniez des

  9   négociations ponctuelles ici ou là - donc lorsque vous parliez de pénétrer

 10   dans Bihac, ou en tout cas, de mettre en œuvre l'opération Eté 95, est-ce

 11   que vous aviez également des consultations avec des représentants de la

 12   communauté internationale tels que, par exemple, des représentants des

 13   Etats-Unis, et pouvez-vous nous dire ce qui se passait durant ces

 14   rencontres ?

 15   R.  Je pense que la meilleure façon de répondre pour moi consiste à vous

 16   dire que M. l'Ambassadeur Galbraith se trouvait à Split pendant la réunion

 17   précédant la signature de l'accord, tout comme M. Schwartz-Schilling, que

 18   le chancelier Kohl d'Allemagne, avait également envoyé en tant que

 19   représentant compétent pour discuter avec le président Tudjman. Donc, bien

 20   entendu, la communauté internationale était au courant de ce qui se

 21   passait.

 22   Q.  Passons à une autre note relative à cela, Monsieur l'Ambassadeur, qui

 23   date du 25 juillet 1995, et qui constitue le document 65 ter 1D2709.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Dont je demande l'affichage sur les écrans.

 25   Q.  C'est une note, Votre Excellence, rédigée après votre rencontre avec M.

 26   l'Ambassadeur Galbraith.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant que nous attendons la réponse du

 28   témoin, je trouve tous les détails relatifs à cela au paragraphe 12 de la

Page 18289

  1   déclaration préliminaire du témoin, avec détails complémentaires au

  2   paragraphe 13.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'avez-vous fait en posant votre

  5   question au témoin pour empêcher qu'il ne répète simplement ce qui figure

  6   par écrit dans sa déclaration préliminaire ?

  7   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit simplement d'introduire la suite de

  8   mes questions, le nouveau thème que je vais aborder dans mon

  9   interrogatoire.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 11   M. KEHOE : [interprétation]

 12   Q.  Bien, regardons ce qui figure dans le document, c'est le bas de la page

 13   en anglais qui m'intéresse, dernier paragraphe, où nous lisons, je cite :

 14   "La démarche et la conversation que nous avons eues m'ont emmené à penser

 15   que les Etats-Unis estiment que l'intervention croate à Bihac est

 16   nécessaire, et qu'ils estiment que la République de Croatie va devoir

 17   intervenir de façon relativement manifeste à partir de plusieurs lieux."

 18   Alors, s'agissant de cela, j'ai indiqué, Votre Excellence, que ce que je

 19   vais maintenant vous soumettre servira de fondement à des questions

 20   complémentaires que je vous poserai ultérieurement au sujet de la période

 21   de l'opération Tempête et de la période ultérieure. Dans vos contacts avec

 22   le président Tudjman, est-ce que qu'un rapport aussi sensible que celui-ci,

 23   puisque vous avez dit qu'il l'était, s'il contenait la mention : N'attaquez

 24   pas, est-ce qu'il aurait été pris en compte par lui ?

 25   R.  Je suis certain que pour ma part j'aurais pris un tel rapport en compte

 26   si je devais prendre une décision dans un tel domaine.

 27   Q.  Mais qu'en est-il du président Tudjman ? Dans vos rapports avec le

 28   président Tudjman, est-ce que vous estimez qu'un tel rapport aurait été

Page 18290

  1   pris en compte par lui ?

  2   R.  C'est le président Tudjman qui aurait pris en compte un tel rapport

  3   contenant de tels renseignements. Il l'aurait fait dans tous les cas.

  4   Q.  Passons à la page suivante où nous trouvons une série de commentaires

  5   relatifs à cette rencontre, c'est la troisième page du document. Nous

  6   lisons, je cite :

  7   "Washington m'a, par conséquent, donné consigne de demander

  8   instamment un maximum de retenue aux forces du gouvernement croate."

  9   Et nous voyons que plus bas dans le texte, M. l'Ambassadeur Galbraith vous

 10   transmet personnellement des informations. Au deuxième tiret, nous lisons,

 11   je cite :

 12   "Veuillez à garantir la discipline dans les rangs de l'armée de façon à ce

 13   que les civils et les prisonniers de guerre soient traités dans le respect

 14   du droit international."

 15   Lorsque vous avez transmis ceci au président, lorsque vous lui en avez

 16   parlé, estimiez-vous que sur la base des contacts que vous aviez avec lui

 17   et que vous aviez eus avec lui à plusieurs reprises, les Etats-Unis

 18   souhaitaient s'assurer que les civils seraient protégés, premièrement; et

 19   deuxièmement, que les Etats-Unis souhaitaient que cet avertissement de leur

 20   part soit pris très au sérieux ?

 21   R.  Je pense que le président Tudjman a bien compris cela.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 23   au dossier du document 65 ter numéro 1D2709.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection, mais je tiens à dire que

 26   j'aimerais que l'on établisse pour quelle raison il y a un rapport entre la

 27   dernière page et la première page de ce document. Les deux premières pages

 28   semblent reprendre des propos rédigés de la main de M. Zuzul, mais la

Page 18291

  1   troisième semble être annexée au document.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre après avoir entendu

  3   le témoin s'exprimer sur ce point, qu'il s'agissait de notes prises par

  4   l'ambassadeur Galbraith qui, apparemment, ont été remises au témoin en

  5   annexe à la lettre qu'il devait envoyer au président Tudjman.

  6   C'est exact, Monsieur Zuzul ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qu'il y a d'annexé, c'est la démarche

  8   diplomatique remise à moi par M. l'Ambassadeur Galbraith dans laquelle est

  9   indiquée la position de son gouvernement et en jargon diplomatique, il

 10   s'agit donc d'une note qui décrit la position du gouvernement américain.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parlez-vous du paragraphe 13 de votre

 12   déclaration préliminaire; c'est bien cela ? De ce qui figure dans ce

 13   paragraphe ? Une démarche diplomatique qui vous a officiellement été remise

 14   de la part du gouvernement américain.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Exact.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne comprends pas une objection de

 17   votre part, Monsieur Waespi.Tout est clair.

 18   Monsieur le Greffier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document devient la pièce D1488 et est

 20   versée au dossier.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.

 22   M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 23   Q.  Passons à votre déclaration à partir du paragraphe 13, donc dernière

 24   ligne de ce paragraphe, je cite :

 25   "Plusieurs jours après la réussite de l'opération militaire menée le 29

 26   juillet 1995, M. l'Ambassadeur Galbraith a rencontré M. le ministre Susak

 27   et demandé à ce que la République de Croatie fasse preuve de retenue par

 28   rapport à de nouvelles actions militaires à l'avenir."

Page 18292

  1   Avant de vous poser ma question, j'aimerais vous soumettre quelques-uns des

  2   passages du journal de l'ambassadeur Galbraith, pièce P458. Notamment la

  3   rubrique concernant la journée du 29 juillet. Ce document n'existe qu'en

  4   anglais, Monsieur le Président. Page 17, en bas de page.

  5   Q.  Je cite :

  6   "J'ai reçu une démarche diplomatique qui me donnait consigne de rencontrer

  7   Tudjman ou le plus haut possible responsable officiel du gouvernement de

  8   Croatie afin d'insister auprès de lui pour que la Croatie retire ses forces

  9   ou s'abstienne de toute action militaire. Ceci constituait une légère

 10   évolution par rapport à notre position antérieure, selon laquelle les

 11   actions de la République de Croatie devaient être limitées.

 12   "Monsieur Susak est le seul haut responsable du gouvernement croate

 13   officiellement en ville, je l'ai appelé à 11 heures 30. Il était épuisé

 14   mais satisfait de ses succès récents. Il m'a écouté lorsque j'ai donné

 15   lecture des divers points figurant dans la démarche."

 16   Et là, j'aimerais que l'on affiche sur les écrans la page suivante, haut de

 17   la page. Je cite :

 18   "Que les troupes de la RSK semblent être en train de se retirer de Bihac.

 19   J'ai bondi en soulignant que l'offensive menée conjointement par le HVO et

 20   l'armée de Croatie était responsable de ces résultats, et que par

 21   conséquent, il n'y avait pas de raison pour une action immédiate de l'armée

 22   de Croatie en Krajina. Il a répondu -  quand je dis "il," il s'agit de M.

 23   Susak - "Si nous arrêtons, qu'est-ce qui se passera ? Ils reviendront et

 24   attaqueront dans deux semaines. Il m'a fourni d'autres détails de la

 25   situation militaire."

 26   Alors cette discussion, Votre Excellence, je veux dire est-ce que vous

 27   saviez que cette discussion avait eu lieu, oui ou non, et est-ce que vous

 28   pouvez dire aux Juges de la Chambre ce qu'il en est de ce dialogue entre M.

Page 18293

  1   l'Ambassadeur Galbraith et M. le ministre Susak et ce qui s'est passé par

  2   la suite ?

  3   R.  J'ai appris des détails au sujet de tout cela pendant les séances de

  4   récolement. Je n'en n'avais pas eu avant. Je parle de détails relatifs à

  5   cette démarche de l'ambassadeur Galbraith, qu'il m'aurait remise, et je

  6   n'étais pas informé du fait qu'il a présenté cela comme une démarche auprès

  7   de la République de Croatie passant par mon intermédiaire. S'il avait eu

  8   l'intention que tel soit le cas avec M. le ministre Susak, il n'aurait pas

  9   remis ce texte au ministre de la Défense. Ce que je sais et qui repose sur

 10   ce qui se passait à l'époque des faits, c'est que j'ai été invité par le

 11   président Tudjman qui m'a dit qu'il y avait des ambiguïtés dans les

 12   communications avec les Etats-Unis. Il évoquait, je suppose, la

 13   conversation entre M. le ministre Susak et M. l'Ambassadeur Galbraith. Le

 14   président Tudjman m'a demandé de me rendre à Washington pour parler

 15   directement avec des représentants du département d'Etat américain afin de

 16   préciser ce qu'il en était de ces communications et de se faire expliquer

 17   précisément la position des Etats-Unis.

 18   Q.  Au paragraphe 14 de votre déclaration préalable, vous remarquez que

 19   vous êtes effectivement rendu à Washington.

 20   M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche sur les écrans le

 21   document 65 ter numéro 1D1445, qui est une note rédigée à l'issue de cette

 22   réunion du 31 juillet avec M. l'Ambassadeur Holbrooke, M. l'ambassadeur

 23   Frasure et M. l'Ambassadeur Hill.

 24   Q.  Est-ce que vous aviez déjà vu cette note, Votre Excellence, où il est

 25   question de votre rencontre avec ces trois hommes ?

 26   R.  Exact.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Alors premier paragraphe, Monsieur le Greffier,

 28   je demanderais qu'on le montre à l'écran. Le paragraphe qui m'intéresse

Page 18294

  1   c'est celui qui commence un peu plus bas dans la page par le mot anglais

  2   "therefore."

  3   J'espère que la pagination en anglais et en croate est la même. Oui, c'est

  4   le cas. Très bien.

  5   Q.  Est-ce que vous voyez ce paragraphe, Votre Excellence, qui commence par

  6   le mot "donc…" ?

  7   Je cite : "Donc la République de Croatie poursuit ses efforts en vue

  8   de transformer ses succès militaires et ses actions militaires en atouts

  9   sur la voie de la réintégration pacifique, qui est son objectif primordial,

 10   réintégration pacifique de tous les territoires occupés dans la République

 11   de Croatie."

 12   Vous voyez ce passage, Votre Excellence ?

 13   R.  Oui. 

 14   Q.  Donc après l'opération Eté 95, l'objectif était d'obtenir la

 15   réintégration de tous les territoires occupés de la Krajina pacifiquement,

 16   mais est-ce que ce n'était pas en contradiction avec l'opération Eté 95 ?

 17   R.  Non, à aucun moment il n'y a eu abandon de l'idée de réintégrer les

 18   territoires occupés par des voies pacifiques. Si vous me permettez

 19   d'ajouter quelques mots, à tout moment, nous ne cessions de discuter de la

 20   réintégration pacifique des territoires occupés, mais il n'y avait pas que

 21   cela, il y avait aussi la Slavonie orientale et la Baranja.

 22   Q.  Commençons par parler de cela rapidement, après quoi nous reviendrons

 23   sur le sujet principal.

 24   Les négociations relatives à la réintégration de la Slavonie

 25   orientale et de la Baranja étaient-elles importantes aux yeux du président

 26   Tudjman, importantes au même titre que la réintégration de la Krajina ?

 27   R.  Les deux étaient sur un pied d'égalité entièrement.

 28   Q.  Et dès lors que nous parlons d'importance, le président Tudjman - et je

Page 18295

  1   vous demande de nous répondre en vous appuyant sur les conversations

  2   personnelles que vous avez eues avec lui - souhaitait-il la réintégration

  3   pacifique de tous les territoires dans la République de Croatie ?

  4   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que cette

  5   question est directrice.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble que la question soit

  7   directrice, mais une autre question m'est venue à l'esprit. Pour quel motif

  8   particulier faites-vous objection à des questions directrices, car ceci

  9   encore une fois ne semble être qu'une répétition de ce qui figure déjà peu

 10   ou prou dans la déclaration préliminaire du témoin.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Oui, c'est une répétition de la

 12   déclaration préliminaire et ce n'est donc pas pertinent.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas à ajuster votre motif à

 14   ce que je viens de dire, Monsieur.

 15   Maître Kehoe.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Je vais passer à un nouveau sujet. Nous

 17   reviendrons à la nature de ce débat et à ce qui s'est dit dans ce débat sur

 18   la base d'autres documents, mais pour l'instant, je retire ma question.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je ne crois pas que vous

 20   satisfassiez complètement mon inquiétude eu égard au bon emploi du temps

 21   qui vous est imparti.

 22   Veuillez procéder.  

 23   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 24   Q.  Donc page 2 du document, j'en demande l'affichage, deuxième paragraphe,

 25   celui qui commence par les mots : "Eu égard à."

 26   En fait le premier paragraphe complet de la page, je vous prie.

 27   Dans ce paragraphe nous lisons, je cite :

 28   "Eu égard à l'initiative prise par MM. Stoltenberg et Akashi, en

Page 18296

  1   rapport avec des négociations à venir avec les Serbes de Croatie des

  2   territoires occupés, M. l'Ambassadeur Zuzul a souligné que par le passé la

  3   Croatie a démontré sa volonté de négocier à tout moment et a souligné, par

  4   ailleurs, les doutes qui étaient les siens quant à la sincérité des désirs

  5   exprimés de mener des pourparlers constructifs en déclarant que ceci

  6   risquait de s'avérer une tentative de paralysie de la situation afin de

  7   gagner du temps."

  8   Quel est votre avis sur ce point, Monsieur. Est-ce que ceci s'est dit

  9   pendant la réunion ?

 10   R.  Si je me souviens bien, en tout cas mon sentiment était que la partie

 11   serbe envoyait un signal indiquant quelle n'était pas prête à négocier.

 12   Notre appréciation de tout cela a consisté que ce signal indiquait une

 13   absence de volonté de négocier sérieusement. Et il est exact que le but

 14   final était d'essayer d'éviter un affaiblissement encore plus considérable

 15   de leur situation militaire.

 16   M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page suivante

 17   de ce document, qui est la dernière paragraphe, premier paragraphe complet.

 18   On y trouve les demandes de M. l'Ambassadeur Holbrooke au cours de ces

 19   pourparlers. Sans lire tout le document, Votre Excellence, à la fin de

 20   votre réunion avec M. Holbrooke, pouvez-vous nous dire ce qui a été proposé

 21   comme étant la position des Etats-Unis du point de vue de l'avenir d'une

 22   éventuelle action militaire ?

 23   R.  Je dirais, au risque de me répéter, que s'agissant de ceci, mais

 24   également s'agissant de toute une série d'autres réunions avec d'autres

 25   représentants que j'ai eues pendant ces journées aux Etats-Unis, j'en suis

 26   arrivé à la conclusion que les Etats-Unis d'Amérique comprenaient

 27   parfaitement bien qu'en l'absence d'une intervention croate une tragédie se

 28   produirait sur le territoire de Bihac sur le plan humanitaire, que les

Page 18297

  1   Etats-Unis d'Amérique se sont rendu compte qu'une intervention conjointe

  2   des forces de l'armée de Croatie et des forces de l'ABiH pouvaient

  3   permettre de prévoir de grands succès militaires et que ces grands succès

  4   militaires avaient une possibilité d'aboutir pour la première fois à la

  5   mobilisation des forces militaires serbes ainsi qu'au renforcement de la

  6   fédération croato-bosniaque, ce qu'ils ont indiqué à plusieurs reprises.

  7   Q.  Excusez-moi --

  8   R.  Mais dans le même ordre d'idées --

  9   Q.  Pardon, j'aimerais revenir précisément sur l'offensive menée en

 10   Krajina, l'opération Tempête. Vous avez donc rencontré M. l'Ambassadeur

 11   Holbrooke et d'autres représentants américains. En vous fondant sur ce qui

 12   a été dit au cours de ces rencontres, pouvez-vous nous dire quelle a été la

 13   position exprimée par les Etats-Unis d'Amérique quant à la poursuite

 14   d'actions militaires visant à reprendre la Krajina serbe ?

 15   R.  Je pense que la position était la suivante : indépendamment du cours

 16   que pouvaient prendre les actions militaires - et cela n'a jamais été dit

 17   clairement quel était le cours que ces actions militaires ne devaient pas

 18   prendre - ils devaient s'occuper des forces internationales présentes dans

 19   la région et s'assurer qu'elles protégeaient bien les civils.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Juste une dernière question sur ce document,

 21   Monsieur le Président. Je sais que nous avons légèrement dépassé l'heure.

 22   Si nous allons au bas de la page au point 4, où il est dit :

 23   "Ils ont reconnu que les opérations entamées vont dans le sens de la

 24   réalisation d'une solution finale et qu'une mise en garde avait été mise

 25   pour ne pas utiliser les négociations comme une excuse empêchant leur

 26   réalisation."

 27   Est-ce que vous pourriez un petit peu élaborer sur ce point et dire

 28   ce que l'ambassadeur Holbrooke et d'autres vous disaient concernant le

Page 18298

  1   retard des négociations comme une excuse pour empêcher la réalisation

  2   d'actions militaires complètes. Quelle était votre compréhension de ceci

  3   lorsque vous essayiez de parler au président Tudjman et à d'autres ?

  4   R.  Mon impression générale était la suivante : d'un côté, il ne fallait

  5   jamais abandonner l'idée de trouver une solution au problème à travers des

  6   négociations; et d'autre part, dans une situation où il existait une

  7   possibilité de trouver une solution aux problèmes en termes réels à travers

  8   une victoire militaire sur les forces serbes, toute prétention de

  9   négociations visant à empêcher l'avancement des activités militaires se

 10   révérerait contre-productive, et ce, dans un tel contexte.

 11   Q.  Merci. Désolé, vous n'avez pas fini votre réponse ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zuzul, nous devons prendre une

 13   pause --

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout figure déjà dans le compte rendu

 15   d'audience.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Zuzul, nous avons une autre

 17   question de procédure dont nous devons traiter et qui n'a rien à voir avec

 18   votre déposition. Nous allons donc passer à huis clos partiel, donc je vais

 19   demander à l'huissier de vous escorter en dehors du prétoire.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   Nous allons très brièvement passer à huis clos partiel.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Président, nous sommes à huis clos

 23   partiel.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

  8   La question des deux documents D1478 et D637, dont j'ai parlé avant que le

  9   témoin n'entre dans le prétoire, le D1478, cette cote est maintenant

 10   libérée.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La différence avec le D637, c'est que le

 13   D637 comportait une page de couverture et apparemment cette page n'était

 14   pas signée, c'était une copie envoyée par fax de la lettre. Je considère,

 15   Monsieur Waespi, qu'il n'y a pas de problème concernant cette lettre signée

 16   qui, apparemment, a été envoyée, parce que c'est ce que dit la page de

 17   couverture de ce fax, envoyé ce jour. Elle stipule que ce document a été

 18   signé.

 19   Dans ces circonstances, nous gardons le D637.

 20   Nous reprendrons à 11 heures 10.

 21   --- L'audience est suspendue à 10 heures 43.

 22   --- L'audience est reprise à 11 heures 14.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, la Chambre s'est penchée

 24   sur la façon dont l'interrogatoire se déroule et considère que vu le fait

 25   qu'il y a des répétitions de la déclaration, répétitions d'autres éléments

 26   de preuve, et elle s'est également penchée sur la façon de centrer les

 27   questions et beaucoup d'autres questions concernant les détails du contexte

 28   et qu'il faudrait terminer le témoignage de ce témoin aujourd'hui. Vous

Page 18301

  1   avez demandé quatre heures, et vous avez pris trois heures et demie

  2   effectives en dehors des questions de procédure réglées dans la journée, la

  3   Chambre considère que même avec cette décision, que cela reste quand même

  4   assez généreux.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Si vous le permettez, je voudrais faire un

  6   commentaire pour le procès-verbal.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Je vais essayer de faire tout ce qui est en mon

  9   pouvoir pour terminer en temps voulu. Et je note pour le procès-verbal,

 10   Monsieur le Président, que pas une seule fois au cours de l'examen de

 11   l'Accusation une telle instruction n'a été donnée de votre part et j'ai

 12   essayé d'interrompre le témoin pour suivre vos instructions et essayer

 13   d'avancer aussi rapidement que possible. Et la Défense ne souhaite

 14   absolument pas rallonger, demander plus de temps et passer trop de temps

 15   sur cette information, et je voulais simplement insister qu'une telle

 16   demande n'a jamais été faite à l'Accusation en la coupant.

 17   Donc si vous le permettez, je voudrais maintenant passer à la pièce

 18   relevant du 65 ter 1D445 du 31 juillet 1995. C'est une note de M. Zuzul

 19   concernant la réunion à Washington.

 20   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document devient la pièce D1489.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et est versée au dossier.

 24   M. KEHOE : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, si vous le permettez, je voudrais reprendre en

 26   tenant compte de l'instruction donnée par le Président. Mon temps n'est pas

 27   [comme interprété] limité, si l'on pouvait donc reprendre et attendre la

 28   traduction avant que vous ne repreniez votre réponse. Les traducteurs, en

Page 18302

  1   fait, ont besoin de temps, et si nous pouvions essayer de tenir compte de

  2   cette difficulté sans aller trop lentement, cela permettrait d'avancer les

  3   choses plus rapidement. Et je voudrais également m'en tenir à l'ordonnance

  4   de la Chambre de première instance. D'accord, Monsieur ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Maintenant, si nous prenons le paragraphe 16 de votre déclaration

  7   concernant les trois conditions à Washington. Si des actions militaires

  8   devaient se poursuivre - ceci figure au milieu du paragraphe 16 -

  9   l'opération devait être menée rapidement. Deuxièmement, est-ce que vous

 10   reconnaissez l'opération -- un soin particulier devait être apporté à la

 11   sécurité et aux droits de l'homme dans les régions occupées; et

 12   troisièmement, il fallait garantir la sécurité.

 13   Et vous remarquerez également que le porte-parole de la Maison

 14   blanche a parlé de cela dans le cadre de conférences de presse. Et j'en

 15   viens maintenant au 1D2631 relevant du 65 ter. Je vous demanderais d'aller

 16   à la page 1 et à la deuxième page pour montrer les éléments de la

 17   conférence de presse, et ceci concerne également la correction que vous

 18   pourriez faire à cette déclaration. 

 19   Il s'agit simplement de la version anglaise, Monsieur le Président, comme

 20   vous pouvez le voir. Elle ne figure pas encore sur le prétoire

 21   électronique. Comme vous pouvez le voir, la date est celle du 3 pour une

 22   conférence de presse de M. McCannicks [phon], et si vous regardez la page

 23   2, en bas de la page, nous pouvons voir les domaines qui ont fait l'objet

 24   de discussions. Il s'agit de l'avant-dernier paragraphe qui porte sur des

 25   discussions avec les responsables croates.

 26   Est-ce là le commentaire auquel vous avez fait référence dans votre

 27   déclaration, Monsieur l'Ambassadeur ?

 28   R.  C'est exact.

Page 18303

  1   M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais maintenant verser au dossier le

  2   1D2631.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D1490.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et elle est versée au dossier.

  7   M. KEHOE : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais maintenant vous demander de

  9   regarder le paragraphe 20 de votre déclaration. La première ligne de cette

 10   déclaration, vous avez indiqué que la décision finale concernant le

 11   lancement de l'opération militaire pour la libération a été soulevée dans

 12   la session VONS le 3 août 1995.

 13   Et nous avons entendu dire que VONS, c'est le Conseil de sécurité nationale

 14   mis en place au sein du gouvernement, nous avons déjà entendu ce

 15   témoignage, un témoignage sur ce point auparavant.

 16     Donc je voudrais vous poser quelques questions. Avant ces discussions,

 17   étiez-vous au courant du fait qu'il y avait des réunions militaires avant

 18   cette réunion VONS, où des plans auraient été élaborés au niveau militaire

 19   pour la libération de ladite Krajina ?

 20   R.  Je ne peux pas dire que j'étais au courant de ces réunions de façon

 21   précise, mais il était simplement logique et on s'attendait à ce que de

 22   telles préparations aient été mises au point et soient menées.

 23   Q.  Bien, avec ces préparations auxquelles vous avez fait référence dont

 24   vous ne connaissez pas les détails, expliquez à la Chambre de première

 25   instance pourquoi vous avez conclu dans votre déclaration que la décision

 26   finale concernant le lancement de l'opération Tempête a été faite lors de

 27   la réunion VONS, le 3.

 28   R.  J'aimerais indiquer que VONS n'était pas un organe ad hoc. Mais plutôt,

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  1   que dans le cadre de la constitution de la République de Croatie d'alors,

  2   qui définit l'Etat comme un Etat semi-présidentiel, VONS était un organe au

  3   sein duquel des décisions étaient prises concernant des décisions

  4   stratégiques importantes, et ce, à différents niveaux de l'Etat. Ce n'était

  5   pas la première fois, il y en a eu beaucoup d'autres où ce type de

  6   décisions ont été prises par VONS.

  7   Q.  Bien, Monsieur l'Ambassadeur, d'une façon générale, étiez-vous au

  8   courant des discussions qui étaient menées à Genève juste avant ou

  9   simultanément à la réunion VONS ?

 10   R.  J'étais au courant de cela. Des négociations se sont déroulées avant la

 11   réunion VONS.

 12   Q.  Monsieur, j'aimerais très brièvement vous parler de l'acceptation ou de

 13   l'importance internationale, ou l'importance pour la communauté

 14   internationale d'accepter des opérations comme l'opération Tempête.

 15   Lorsque vous étiez à Washington - et ceci, en partant de votre expérience

 16   en tant que diplomate pendant de nombreuses années, et essentiellement, en

 17   tant qu'ambassadeur dans le cadre de vos contacts avec le président Tudjman

 18   - si Washington vous avait dit ou les responsables de Washington vous

 19   avaient dit au cours de ce voyage de ne pas poursuivre avec l'opération

 20   Tempête, est-ce que vous pensez que cette opération Tempête aurait pu être

 21   mise en place ?

 22   R.  A mon sens, si la réponse de Washington avait été d'avorter cette

 23   opération, le président Tudjman l'aurait avortée à l'époque. Et mon avis

 24   est basé non seulement sur mon expérience et mes contacts avec le président

 25   Tudjman, mais également sur un certain nombre d'autres cas similaires.

 26   Je souhaiterais vous donner un exemple tout à fait clair dans le cadre

 27   duquel le président Tudjman n'était pas seulement un homme d'Etat et un

 28   responsable politique mais également un général, et il a décidé d'arrêter

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  1   une opération militaire qui était menée en direction de Banja Luka, et

  2   c'était une situation très difficile pour lui, car il pensait que l'arrivée

  3   des Croates et des forces croates et bosniaques à Banja Luka constituerait

  4   une destruction complète de l'armée serbe. Néanmoins, il voulait la défaite

  5   de l'autre partie. Et souhaitant envoyer un message clair, parce qu'un

  6   message clair avait été envoyé par les Etats-Unis stipulant que cette

  7   opération devait être avortée, il a donc demandé que soit avancée cette

  8   opération. C'est une des raisons pour laquelle je suis sûr de ma conclusion

  9   dans les rapports, à savoir que les rapports de Washington et d'autres pays

 10   stipulaient en fait qu'ils souhaitaient qu'un terme soit mis à cette

 11   opération. Si cela avait été le cas, le président Tudjman l'aurait fait.

 12   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous nous avez parlé de diverses conditions et

 13   vous parlez maintenant des conditions que vous avancez dans le paragraphe

 14   16, conditions dans le cadre desquelles cette opération Tempête devait se

 15   dérouler.

 16   Sur la base de vos négociations avec le président Tudjman au cours de ces

 17   années et en tant que diplomate, est-ce que le président Tudjman aurait

 18   autorisé l'opération "Storm" à se dérouler de façon à violer les conditions

 19   qui avaient été stipulées par les responsables à Washington ? Et j'inclus

 20   dans cela le fait de tenir compte des civils et également les autres

 21   conditions qui étaient stipulées.

 22   R.  Je ne pense pas que le président Tudjman aurait ordonné quelque chose

 23   de la sorte.

 24   Si vous me permettez de faire un commentaire très brièvement. Je

 25   connaissais très bien le président Tudjman et je savais qu'il connaissait

 26   très bien les termes utilisés dans l'ancien système socialiste et qu'ils

 27   étaient d'une façon un peu différents. Je sais que le président Tudjman

 28   lui-même avait quelques doutes concernant le concept de droit de l'homme,

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  1   de liberté de la presse et autres dans le monde occidental. Néanmoins, en

  2   tant qu'homme d'Etat stratégique, le président Tudjman connaissait

  3   parfaitement la signification des relations de la Croatie avec les autres

  4   pays. En dépit de sa propre personnalité qu'il s'était forgée comme elle

  5   s'était forgée, il ne comprenait pas totalement les termes dans le sens où

  6   ils avaient été utilisés par les autres pays. Il n'aurait jamais fait quoi

  7   que ce soit qui aurait été contraire à la position d'autres pays, en

  8   particulier les Etats-Unis.

  9   Q.  Revenons une nouvelle fois sur cette journée du 3 août et la rencontre

 10   que vous avez eue avec M. l'Ambassadeur Galbraith avant la réunion du

 11   conseil de Défense et de Sécurité nationale croate.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P458. Page

 13   25 de la version anglaise où on voit la date et le paragraphe qui

 14   m'intéresse, c'est le deuxième paragraphe relatif à la journée du 3 août.

 15   Q.  Alors dans ce deuxième paragraphe, Votre Excellence, on trouve une

 16   rubrique qui concerne une réunion avec le président Tudjman finalement.

 17   Cela se poursuit en page suivante. Vous êtes arrivé au cours de cette

 18   réunion, n'est-ce pas ?

 19   R.  Exact, je suis arrivé durant la réunion.

 20   Q.  Et dans cette discussion, on peut lire les termes écrits qui indiquent

 21   ce qu'il en est, mais M. l'ambassadeur Galbraith demande d'être informé par

 22   le numéro deux.

 23   "Je demande qu'une déclaration précise et ferme soit faite. Je

 24   demande que les Croates soient avertis qu'une solution militaire, qui

 25   remplacerait l'attente actuelle si Babic en décidait dans une semaine,

 26   nuirait aux relations bilatérales."

 27   Alors quoi qu'il en soit, si nous nous penchons sur cette pièce P448

 28   - et j'appelle votre attention sur la page 3 de la version anglaise de ce

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  1   texte, P448.

  2   [Le conseil de la Défense se concerte]

  3   M. KEHOE : [interprétation] Affichage de la page suivante de la version

  4   anglaise, je vous prie.

  5   Cette page indique clairement ce qu'il en est. Donc pièce P448, page 24, on

  6   l'interroge au sujet de l'option militaire et il insiste sur la nécessité

  7   de lancer un avertissement quant au fait qu'une opération militaire, qui

  8   remplacerait l'attente du moment et qui viserait à voir si Babic agirait

  9   dans la semaine, risquerait de nuire aux relations bilatérales.

 10   Monsieur le Président, vous pouvez lire le reste de ce document où

 11   nous trouvons les propos de M. le secrétaire Hill. La lecture se suffit à

 12   elle-même et il est question d'un risque de nuire aux relations

 13   bilatérales.

 14   Excusez-moi. J'ai dit pièce P448, il s'agit de la pièce P458, page

 15   25.

 16   Alors prenons la transcription de cette réunion, nous voyons juste

 17   avant les propos du président que l'ambassadeur Galbraith dit et je cite :

 18   "Je dois vous dire, puisque j'ai parlé à des représentants à

 19   Washington, qu'au vu des évolutions récentes, si ce processus ne se voit

 20   pas accorder une certaine chance et si l'action militaire se poursuit dans

 21   les jours à venir, ce qui serait la signification qu'aucune chance n'a été

 22   donnée au processus, ceci pourrait avoir un effet important et négatif sur

 23   l'avenir de nos relations."

 24   Q.  Alors, Votre Excellence, vous étiez présent lorsque vous avez

 25   entendu ce commentaire. J'aimerais appeler votre attention sur la

 26   discussion qui a eu lieu tout à l'heure entre le Procureur et M. le

 27   Président de la Chambre au sujet de ces transcriptions où à la fin nous

 28   voyons que M. Galbraith dit :

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  1   "Il est vrai que le début de l'opération est prévue pour demain."

  2   Le président Tudjman déclare : "Oui, si Genève échoue."

  3   Et Galbraith répond : "Je vous remercie, M. le Président."

  4   Ensuite -- donnez-moi une seconde pour trouver le numéro.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Je voulais demander l'affichage à l'écran du

  6   document 65 ter 1D2719, où l'on voit l'équilibrage par M. l'ambassadeur

  7   Galbraith de tous les commentaires déjà formulés.

  8   Monsieur le Président, en fait je demande l'affichage sur les écrans du

  9   document 65 ter, numéro 1D2719. Excusez-moi de mon erreur de numérotation.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 12   "… De plus que M. Sarinic vient de le dire, l'un des membres de la

 13   délégation est M. Prijic qui est l'éminence grise de Martic --

 14   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas pu saisir le début de la vidéo.

 15   "M. Galbraith : Je comprends le début mais je crois savoir que M. Babic

 16   considère tout cela comme très sensible."

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me permets d'interrompre. Il faut que

 18   nous nous arrêtions. Je viens d'entendre l'interprète de la cabine

 19   française dire que les interprètes n'ont pas pu saisir le début de la

 20   vidéo. Et comme nous avons besoin de l'interprétation française de toute la

 21   vidéo, de son intégralité, je demanderais, Monsieur le Greffier, que l'on

 22   reprenne la diffusion de la vidéo à son début.

 23   M. KEHOE : [interprétation] En fait, ce que nous souhaitions, c'est arrêter

 24   la diffusion à certains moments. Est-ce que ceci aiderait les interprètes ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, Maître Kehoe.

 26   Je pense que la procédure consiste à ce qu'un interprète lise la

 27   transcription pour voir si elle est fidèle à l'originale et l'autre

 28   interprète. On ne peut pas reprendre la parole tant que l'interprétation

Page 18310

  1   n'est pas terminée.

  2   Je demanderais la rediffusion de la vidéo.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "L'interprète de Tudjman : Voyez-vous, Belgrade est en train de provoquer

  6   son assemblée, Milosevic --

  7   Tudjman : Non, Babic --

  8   L'interprète : Oui, Babic, excusez-moi. Milosevic déclare qu'il contrôle

  9   les généraux. Belgrade a nommé Mrksic au commandement à Knin, et pourtant

 10   ils envoient à Genève Novakovic. Tout ceci, encore une fois, démontre

 11   qu'encore une fois, on nous trompe. Par ailleurs, comme M. Sarinic vient de

 12   le dire, l'un des membres de la délégation est M. Prijic qui est l'éminence

 13   grise de M. Martic.

 14   Galbraith : Je comprends, mais je crois que Babic considère tout ceci comme

 15   très sensible. C'est ce que M. Stoltenberg a proposé et je crois que c'est

 16   ce qui est pris en compte.

 17   Tudjman : Il y a un membre de la délégation serbe, il y en a un autre, puis

 18   un autre, ils se remplacent, et voilà.

 19   Galbraith : Est-il vrai que l'opération doit, selon le plan, commencer

 20   demain ?

 21   Tudjman : Si les négociations n'aboutissent pas à Genève, alors oui.

 22   Galbraith : Merci beaucoup, Monsieur le Président."

 23   L'INTERPRÈTE : Quelques mots inaudibles.

 24   [voix sur voix]

 25   "Galbraith : Robert Finn.

 26   Tudjman : Finn.

 27   Galbraith : Donc vous pourrez le rencontrer quand j'aurai quitté la

 28   ville.

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  1   Zuzul : Monsieur le Président, lors de mes pourparlers à Washington,

  2   l'esprit qui présidait était le même que celui que vient d'exprimer en mots

  3   M. l'Ambassadeur Galbraith, mais à aucun moment il n'a été dit que nos

  4   relations bilatérales risquaient d'être réduites à néant.

  5   Galbraith : Je pense que c'est le résultat du sentiment indiquant

  6   qu'il y a une volonté sincère d'aboutir à la paix et c'est ce que j'ai

  7   ajouté à ce moment-là. Je souhaite savoir très franchement où en est la

  8   situation."

  9   M. KEHOE : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, après avoir entendu ce commentaire de M.

 11   l'Ambassadeur Galbraith, comme vous l'avez déjà dit à l'époque et encore

 12   aujourd'hui, Monsieur, croyez-vous que les avertissements complémentaires

 13   de M. Galbraith quant à l'effet négatif que tout ceci pourrait avoir sur

 14   les relations bilatérales, est-ce que vous pensez que ceci rendait

 15   fidèlement compte de la position officielle des Etats-Unis ?

 16   R.  Maintenant que je vois ces images - et d'ailleurs à l'époque des faits

 17   je suis intervenu dans ce sens - il me semble que M. Galbraith ajoute

 18   certains éléments, voire qu'il interprète certains éléments d'une façon qui

 19   n'était pas habituelle de la part des représentants officiels des Etats-

 20   Unis qui avaient été entendus sur ce sujet précédemment.

 21   Là, il est tout à fait clair qu'on est en présence d'une interprétation

 22   personnelle nouvelle de la part de M. Galbraith. A l'époque d'ailleurs,

 23   j'avais le sentiment que M. Galbraith, qui était mon ami et qui est

 24   toujours mon ami, avait la volonté de jouer un rôle personnel dans tout

 25   cela en promouvant le plan de paix dont il était l'auteur. Mais il me

 26   semblait déjà à l'époque - et il me semble encore aujourd'hui - qu'il n'est

 27   pas parvenu à présenter avec succès son plan de paix où que ce soit, même

 28   pas à Washington.

Page 18312

  1   Q.  Ce plan de paix dont vous parlez, est-ce que c'est le plan Z-4 ?

  2   R.  Exact. C'était le plan Z-4.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, nous demandons le

  4   versement au dossier du document 65 ter numéro 1D2719.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

  8   devient la pièce D1491.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1491 est admise au dossier en

 10   tant qu'élément de preuve.

 11   M. KEHOE : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais appeler votre attention sur la pièce

 13   D1454, qui est un procès-verbal de la réunion du Conseil de défense et de

 14   sécurité nationale croate. Cette réunion a bien eu lieu après la rencontre

 15   avec Son Excellence, l'Ambassadeur Galbraith, n'est-ce pas ?

 16   R.  Exact. Excusez-moi, il me semble qu'entre la réunion avec M. Galbraith

 17   et le début de la réunion du Conseil de défense et de sécurité nationale,

 18   le président Tudjman a reçu un autre représentant de Washington. Il me

 19   semble que ceci s'est situé entre les deux réunions.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.

 21   [Le conseil de la Défense se concerte]

 22   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, je viens d'entendre de la bouche

 23   de mon confrère, Me Misetic, qu'il y a peut-être eu une erreur.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut une correction.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, le témoin lui-même vient de

 26   voir qu'il y a eu un problème d'interprétation.

 27   Pourriez-vous nous expliquer ce qui n'a pas été repris dans ce que vous

 28   avez dit en croate au compte rendu en anglais.

Page 18313

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit en croate que, si je me souviens

  2   bien, M. le Président Tudjman a reçu une convocation de Genève, car notre

  3   délégation de négociateurs devait négocier avec les Serbes. Il a donc été

  4   informé de l'échec de ces pourparlers. Si je me souviens bien, cette

  5   information, il l'a reçue après notre rencontre avec M. Galbraith, mais

  6   avant notre réunion avec le VONS.

  7   M. KEHOE : [interprétation]

  8   Q.  Merci de cette précision, Monsieur l'Ambassadeur. Comme vous le voyez,

  9   nous avons maintenant sous les yeux la page de couverture du procès-verbal

 10   de cette réunion du Conseil de défense et de sécurité nationale croate, qui

 11   a commencé à 18 heures. Votre nom figure parmi les participants, il est

 12   consigné en dernier. Je crois que c'est par respect de l'ordre

 13   alphabétique.

 14   Je demanderais maintenant que l'on passe à la page 3 en anglais de ce

 15   document où l'on voit le commentaire que vous avez formulé au sujet de

 16   cette invitation venant de Genève.

 17   [Le conseil de la Défense se concerte]

 18   M. KEHOE : [interprétation]

 19   Q.  J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit juste après la réunion, à

 20   savoir nous ne souhaitons pas être battus dans ce jeu.

 21   Je cite : "Pasalic vient de m'appeler il y a cinq minutes de Genève et m'a

 22   dit que les Serbes n'acceptaient pas de consentir à nos propositions."

 23   Vous voyez ce passage en anglais sur l'écran, Monsieur l'Ambassadeur ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Toujours sur le même sujet, en vous fondant sur les contacts que vous

 26   avez pu avoir avec M. le Président Tudjman, avec les membres du Conseil de

 27   défense et de sécurité nationale croate et sur l'expérience que vous avez

 28   acquise pendant vos longues années de travail diplomatique, il est indiqué

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  1   au paragraphe 19 de votre déclaration préalable, dernière phrase, que le

  2   président Tudjman accordait toujours la priorité à la recherche d'une

  3   solution pacifique dès lors qu'existait une perspective minimale d'aboutir.

  4   Vous faites également remarquer que :

  5   "Si les Serbes avaient donné leur accord aux exigences croates

  6   formulées le 3 août, durant les pourparlers de paix, ceci aurait pu

  7   permettre d'entamer la réintégration de tous les territoires occupés."

  8   Conformément à cela, après l'appel téléphonique dont vous venez de parler,

  9   vous êtes la première personne qui a pris la parole durant la réunion après

 10   que le président a formulé toute une série de commentaires.

 11   Pages 4 et 5 de la version anglaise du texte dont je demande l'affichage.

 12   Je crois que la pagination est la même en langue croate.

 13   Donc vous avez été convoqué par le président Tudjman pour un entretien.

 14   Lorsque vous étiez à Washington, est-ce que vous avez reçu un appel du

 15   président Tudjman qui vous demandait de revenir pour vous entretenir avec

 16   les représentants du Conseil de défense et de sécurité croate ?

 17   R.  Exact. Le président m'a parlé et il m'a demandé quand je revenais. Et

 18   si je me souviens bien, il m'a demandé de revenir le plus vite possible,

 19   parce que juste après mon arrivée, il fallait que se tienne une réunion du

 20   VONS, conseil de défense et de sécurité croate.

 21   Q.  En vous fondant sur votre expérience - et je reviens sur un certain

 22   nombre d'objectifs stratégiques dont vous avez déjà parlé ici - donc je

 23   vous demande pourquoi vous pensez, Monsieur l'Ambassadeur, que le président

 24   Tudjman s'est adressé d'abord à M. le ministre Granic pour tenter d'obtenir

 25   une appréciation de tout cela par la communauté internationale ? Pourquoi ?

 26   R.  A mon avis, ceci venait du fait qu'il y avait trois objectifs

 27   stratégiques pour la Croatie et que M. le président Tudjman tenait compte

 28   de ces trois objectifs. Il savait, bien sûr, ce qu'allait lui dire M.

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  1   Granic à ce sujet, mais il voulait que chacun en soit informé et il tenait

  2   beaucoup à ce qu'avant de prendre une décision, les idées de chacun, quant

  3   à l'opinion de la communauté internationale et quant à l'avenir de la

  4   République de Croatie au sein de cette communauté internationale, que

  5   chacun soit donc informé de cela.

  6   Le président Tudjman n'improvisait pas, dès lors que des décisions de cette

  7   nature devaient être prises. Il est tout à fait manifeste qu'il accordait

  8   un poids considérable aux rapports que la Croatie entretenait avec le reste

  9   du monde, et il tenait beaucoup à ce que ce genre de questions soit

 10   évaluées et discutées avec le plus grand soin avant de prendre une

 11   quelconque décision.

 12   Q.  Page 5 du procès-verbal.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Je demande l'affichage de cette page.

 14   Q.  Vous continuez à parler des conditions émises par les Etats-Unis au

 15   cours des entretiens que vous avez pu avoir avec M. Holbrooke et au milieu

 16   de la page, vous faites remarquer, je cite :

 17   "Toutefois, le deuxième point, c'est qu'il importe d'accorder de

 18   l'attention aux civils et au sort que sera le sien. D'autant plus que ce

 19   sujet a été évoqué à plusieurs reprises au cours des négociations et de

 20   plus en plus au moment où on approchait de la fin de ces négociations."

 21   Encore une fois, Votre Excellence, en vous fondant sur votre expérience des

 22   contacts que vous avez eus avec le président Tudjman, est-ce que vous

 23   estimez qu'un tel sujet devait être discuté avec le plus grand sérieux

 24   avant qu'un accord soit donné à l'exécution de l'opération Tempête ?

 25   R.  Il est tout à fait certain qu'il a pris cet élément en compte. Comme

 26   vous le voyez, ici, je m'exprime sur un certain nombre de points qui ont

 27   déjà été abordés à Washington et ailleurs. Mais le président Tudjman savait

 28   bien ce que je m'apprêtais à dire, puisque je le lui avais déjà fait savoir

Page 18316

  1   verbalement.

  2   Donc il est tout à fait clair qu'il tient beaucoup à ce que je dise ce que

  3   j'ai dit de façon à ce que chacun soit informé et qu'au moment où la

  4   décision sera prise, toutes les personnes qui ont participé à la prise de

  5   décisions mais également à la mise en œuvre de cette décision, puissent

  6   tenir compte de ces propos, de ces préoccupations.

  7   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais

  8   maintenant l'aide de M. l'Ambassadeur pour discuter de ce que l'on trouve

  9   consigné sur les transcriptions de Brioni, car comme vous n'en

 10   disconviendrez pas, il semble important d'obtenir l'avis du témoin sur ce

 11   sujet important.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a réfléchi à la question,

 13   Maître Kehoe, pendant la pause, et la conclusion de la Chambre c'est que

 14   nous aimerions entendre le témoin s'exprimer sur son avis quant à l'emploi

 15   de certains termes durant ces réunions avec le président Tudjman.

 16   En revanche, la Chambre ne voit aucune utilité à entendre le témoin sur une

 17   telle interprétation étant donné qu'il n'a pas assisté à la réunion.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Je dirais en réponse, Monsieur le Président,

 19   que je sais bien que ce que j'ai dit vendredi a été consigné au compte

 20   rendu d'audience. J'ai parlé durant le contre-interrogatoire d'une

 21   interprétation demandée par le bureau du Procureur au sujet de ce qui

 22   s'était dit dans une réunion à laquelle le témoin ne participait pas.

 23   Mais, Monsieur le Président, étant donné les conséquences éventuelles pour

 24   la Chambre de ce sujet, je pense qu'il pourrait être important pour les

 25   Juges d'entendre au moins ce que le témoin pourrait dire sur l'usage de cet

 26   adjectif ou de ce verbe ainsi que de la forme verbale utilisée.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai déjà employé précédemment le mot

 28   exégèse à ce sujet, Monsieur, donc nous ne souhaitons pas d'exégèse. Nous

Page 18317

  1   aimerions que l'appréciation qui sera faite se limite très strictement au

  2   sujet.

  3   Madame Gustafson.

  4   Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais un commentaire, Monsieur le

  5   Président, sur les transcriptions pour contester l'intervention du témoin.

  6   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]   

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le témoin déjà entendu sur ce sujet a

  8   parlé dans un contexte tout à fait différent, car le but était de récuser

  9   ce document.

 10   Je vous remercie.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Mais nous avons ici les commentaires du témoin

 12   précédent suite à des questions qui ont été posées, des questions tout à

 13   fait habituelles consistant, par exemple, à demander au témoin : Si vous

 14   entendez tel mot, comment est-ce que vous l'interpréteriez ? Je crois qu'il

 15   n'est pas injuste de poser cette question au témoin, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'en réponse aux questions

 17   posées au témoin quant à ce que le témoin pourrait savoir du mode de

 18   pensée, si je puis m'exprimer ainsi, du président Tudjman, n'aurait aucune

 19   pertinence. Mais durant un contre-interrogatoire, bien sûr, la question

 20   peut être vue sous un autre angle.

 21   Je ne vais pas interdire vos questions, mais j'ai dit qu'une question

 22   courte sur le sujet suivie d'une réponse courte peut aider la Chambre. Mais

 23   ce que la Chambre tient beaucoup à éviter encore une fois, puisque la

 24   question n'est pas liée directement au témoin que nous entendons ici - je

 25   l'ai déjà dit précédemment - nous tenons beaucoup à éviter que quelqu'un

 26   puisse dire : J'ai vu M. Tudjman à la télévision, et se lance dans une

 27   exégèse ou une interprétation des propos de M. Tudjman, alors qu'il n'a pas

 28   participé à la réunion durant laquelle ce dernier s'est exprimé. Car nous

Page 18318

  1   pouvons toujours entendre 13 [comme interprété], 14 [comme interprété], 15

  2   interprétations différentes de ce que telle ou telle personne peut penser

  3   au sujet des propos tenus par M. Tudjman. Mais si n'est pas centré très

  4   précisément sur la réalité d'une participation à la réunion en question,

  5   cela n'a aucune utilité.

  6   M. KEHOE : [interprétation] En effet.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que comme je l'ai déjà dit, cela

  8   ne fait qu'ajouter à la lourdeur du compte rendu d'audience. Et ceci s'est

  9   déjà posé il y a un [comme interprété] an ou trois mois, et souvent nous

 10   entendons des témoins dire : Je comprends ce mot comme signifiant ceci ou

 11   cela, et ces interprétations n'ont guère d'utilité pour la Chambre.

 12   Veuillez poursuivre.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Pièce P461, Monsieur le Président. Page 29 de

 14   la version anglaise, page 55 de la version B/C/S. Il s'agit du procès-

 15   verbal qui a été rédigé suite à la réunion de Brioni. Ce n'est pas une

 16   sténotypie, c'est un procès-verbal établi après la réunion.

 17   Commentaires du président,  Et nous voyons M. Zuzul qui note. Je cite

 18   :

 19   "Un tract de ce genre, chaos général, victoire de l'armée croate appuyée

 20   par la communauté internationale, et cetera. Les Serbes se retirent déjà,

 21   et cetera. Et nous faisons appel à vous pour ne pas battre en retraite.

 22   Nous garantissons… Ceci signifie qu'on leur donne carte blanche, alors

 23   qu'on fait semblant de garantir les droits civiques, et cetera."

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi est debout.

 25   J'aimerais demander au témoin d'attendre avant de répondre que Me Kehoe en

 26   ait terminé.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Excusez-moi. Je voulais demander simplement

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  1   que le témoin puisse lire la version B/C/S.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Je pense qu'elle est à l'écran, Monsieur.

  3   Veuillez lire la version en B/C/S.

  4   Q.  Alors, vous avez dit qu'en lisant la version en B/C/S, vous aviez une

  5   interprétation un peu différente de ce qu'a dit le président Tudjman.

  6   J'aimerais que vous expliquiez rapidement sur ce point devant les Juges de

  7   la Chambre de première instance.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

  9   M. WAESPI : [interprétation] Toutes mes excuses, peut-être n'ai-je pas été

 10   clair. Je pense qu'il faudrait que le témoin lise à haute voix la version

 11   en B/C/S de façon à ce que nous ayons une interprétation des interprètes en

 12   cabine.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection, si c'est possible.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un premier pas, ce ne sera pas la

 16   solution définitive d'un problème qui concerne un document écrit ou un

 17   problème de traduction. Mais nous inviterons le témoin à lire à haute voix

 18   la ligne pertinente. Cela commence donc par - c'est le Président qui parle

 19   - il commence à parler par un tract de ce genre. Et c'est la dernière ligne

 20   de ce propos du président qui est pertinente.

 21   Pourriez-vous la lire, Monsieur, je vous prie.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] "Cela veut dire, leur ouvrir la voie de

 23   cette façon tout en faisant semblant de garantir les droits civiques, et

 24   cetera.

 25   M. KEHOE : [interprétation]

 26   Q.  Donc il y a un mot précis qui est utilisé. Vous voyez sa traduction

 27   anglaise, Monsieur ?

 28   R.  Je vois deux traductions différentes de ce mot, ce qui ne me surprend

Page 18320

  1   pas. Il y a une traduction au procès-verbal de la réunion et une

  2   interprétation faite par les interprètes de cabine qui sont différentes.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez répondre à la question qui vous

  4   a été posée par Me Kehoe. La Chambre, comme elle l'a déjà dit, accordera

  5   une attention tout à fait soigneuse à cette contradiction apparente dans la

  6   traduction de ce terme.

  7   Maître Kehoe, pourriez-vous reposer votre question.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  9   Q.  Votre Excellence, je vous ai demandé si ce mot qui est utilisé ici,

 10   puisqu'il a obtenu une certaine interprétation en anglais, je vous demande

 11   comment, vous, vous interprétez ce mot ?

 12   R.  Monsieur le Président, je ne suis pas un expert linguistique, mais je

 13   crois pouvoir me targuer de connaître assez bien et même très bien la

 14   langue croate et de connaître assez bien et même bien la langue anglaise.

 15   Donc, Monsieur le Président, je peux vous dire que ce terme "toboze" en

 16   croate a été traduit en anglais d'une façon qui ne convient pas à ce que

 17   l'on peut trouver dans un dictionnaire, et en tout cas pas à la façon dont

 18   M. le président Tudjman l'entendait.

 19   Si vous me permettez d'ajouter quelques mots, Monsieur le Président,

 20   le mot "toboze ou "tobozni" est utilisé très rarement dans la langue

 21   croate. Je ne connais que de très rares personnes qui pourraient utiliser

 22   ce terme dans la vie quotidienne. Mais le président Tudjman avait toutefois

 23   l'habitude assez courante d'utiliser ce terme dans toutes sortes de

 24   situations. Et la situation la plus fréquente dans laquelle M. le président

 25   Tudjman utilisait ce terme "toboze" ou "tobozni" c'était à un moment où il

 26   parlait de conceptions qu'il connaissait mais dont il n'était pas

 27   profondément convaincu. Et ceci rend bien compte de ce que j'ai déjà dit

 28   tout à l'heure.

Page 18321

  1   Et, Monsieur le Président, je pense qu'on peut vérifier ce que je suis en

  2   train de dire dans de nombreux documents, comme par exemple, la liberté de

  3   la presse. Il disait souvent, "toboze, liberté de la presse. Pour les

  4   droits de l'homme, il disait souvent "toboze" droits humains ou droits de

  5   l'homme. Donc il y avait de nombreuses conceptions de ce genre qu'il

  6   faisait précéder du mot "toboze."

  7   Et d'après mon interprétation, l'emploi de ce terme dans la bouche du

  8   président Tudjman était dû au fait qu'il abordait des conceptions qui

  9   avaient été abordées précédemment dans l'ancien système du pays d'une autre

 10   façon, donc il ajoutait le mot "toboze" pour caractériser la façon dont ces

 11   conceptions étaient abordées dans le régime existant avant dans le pays.

 12   Je pense donc qu'il est erroné de dire en anglais "pretending to," c'est-à-

 13   dire d'employer un verbe à la forme active. Il y a toutes sortes de façons

 14   d'interpréter et de traduire ce terme en anglais qui me paraîtrait

 15   acceptable, mais traduire ce terme par un verbe à la forme active me semble

 16   erroné et je pense que vous pouvez le vérifier auprès d'expert de la

 17   langue.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes invité à formuler votre

 19   commentaire sur ce sujet, Monsieur. Donc pourriez-vous nous dire -- vous

 20   avez pu dire quelle était votre façon d'interpréter cette ligne. Me Kehoe

 21   vous a demandé de le faire rapidement. Vous l'avez fait. Mais il n'est pas

 22   nécessaire que vous donniez votre commentaire négatif sur la façon dont

 23   d'autres personnes ont abordé ce problème de traduction. Pourriez-vous,

 24   quant à vous, maintenant nous dire ce que vous proposeriez comme

 25   traduction.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que le plus simple ce serait pour

 27   moi, en me fondant sur ma connaissance qui n'est pas totalement limitée de

 28   la langue anglaise, de vous dire comment j'aborderais ce problème.

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  1   Je dirais "meaning in that way the guaranty of so called civils rights" ce

  2   qui revient de cette façon  à garantir ce qu'il est convenu d'appeler les

  3   droits civiques. Et je pense que cette traduction est un peu différente et

  4   rend mieux compte de la réalité de ce que voulait dire le président

  5   Tudjman. Car si on utilise les mots, si on tient à utiliser les mots "to

  6   pretend" en anglais, on pourrait dire "guaranteed pretended civils rights,"

  7   donc à la forme passive, ce qui revient à qualifier les droits humains en

  8   question et qui n'a rien à voir avec l'emploi du verbe "to pretend"

  9   activement, c'est-à-dire ce qui n'a rien à voir avec le fait de dire "will

 10   pretend to guarantee."

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, veuillez poursuivre.

 12   M. KEHOE : [interprétation]

 13   Q.  J'aimerais que nous revenions sur la pièce D454 qui est un procès-

 14   verbal de la réunion VONS, c'est-à-dire du conseil de Défense et de

 15   Sécurité nationale croate et que nous reprenions notre débat là où nous

 16   l'avons laissé.

 17   Page 8 de la version anglaise, c'est M. Granic qui demande à prendre

 18   la parole. Excusez-moi, ce n'est pas le document D454 mais D1454.

 19   Puisque nous attendons que la version en B/C/S soit affichée, je sais que

 20   vous parlez anglais, Monsieur l'Ambassadeur, donc il s'agit en fait d'une

 21   traduction. Le président dit :

 22   "Qui souhaite intervenir ?

 23   Et vous voyez il dit : Je vous en prie, Mate."

 24   Vous avec M. Mate Granic qui intervient. Et il dit : J'ai eu des

 25   entretiens avec Kinkel ainsi qu'avec van den Broek. Alors qui étaient ces

 26   personnes, qui était Kinkel et qui était van den Broek ?

 27   R.  M. Kinkel était le ministre allemand des Affaires étrangères à

 28   l'époque. Alors que M. van den Broek était, quant à lui, à un moment donné,

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  1   le ministre néerlandais des Affaires étrangères. Toutefois, à ce moment-là

  2   je pense qu'il était le représentant de la   Commission européenne. Il

  3   s'est acquitté de plusieurs fonctions internationales, ce qui fait qu'il de

  4   très près l'évolution de la situation en ex-Yougoslavie.

  5   Q.  Avant de passer au paragraphe suivant -- mais en fait au vu de votre

  6   expérience diplomatique, pourquoi est-ce que le président souhaite entendre

  7   ce qui s'est passé entre M. Granic lors de ces discussions avec M. Kinkel

  8   et M. van den Broek ?

  9   R.  Bien, écoutez, manifestement le président voulait prendre connaissance

 10   de tout l'ensemble de la situation, ou plutôt, il voulait savoir ce que

 11   serait la situation internationale au cas où la Croatie envisageait une

 12   telle opération militaire.

 13   Q.  Voyez au paragraphe suivant il est indiqué par M. Granic :

 14   "Personne n'a rien dit de contraire pour ce qui est d'une action

 15   militaire éventuelle de notre côté."

 16   Vous le voyez cela ?

 17   R.  Oui, oui.

 18   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, ensuite le président pose la question et

 19   demande s'il y a des personnes qui ne sont pas d'accord. Il a demandé aux

 20   personnes qui faisaient partie de VONS lors de cette réunion s'ils étaient

 21   d'accord ou s'ils n'étaient pas d'accord, n'est-ce pas ?

 22   R.  Je ne sais pas comment lui-même a formulé cette question précise, mais

 23   il a demandé si tout le monde était d'accord avec la décision de lancer une

 24   opération militaire.

 25   Q.  Au vu des décalages dont il a été question à propos de la traduction

 26   par opposition à votre rapport où il était question de mettre en garde pour

 27   ce qui était de la situation des civils. Vous êtes ici maintenant et

 28   j'aimerais vous poser la question, est-ce que le président Tudjman

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  1   souhaitait une opération Tempête planifiée de cette façon et de telle façon

  2   que cela enfreignait les conditions qui avaient été avancées et établies

  3   par les Etats-Unis ou la communauté internationale ?

  4   R.  Je suis profondément convaincu qu'il ne souhaitait que cela. Le

  5   président Tudjman pensait que l'opération militaire serait effectuée et il

  6   pensait qu'elle serait effectuée de telle façon que cela renforcerait le

  7   soutien de la communauté internationale et le renforcement de sa

  8   considération. J'aimerais indiquer en fait que là nous ne voyons que

  9   certains aspects de la situation. Toutefois, le président Tudjman, à tout

 10   moment et partout, a toujours été conscient du fait qu'il y avait une autre

 11   région de la Croatie qui était occupée, il s'agissait donc de la région du

 12   Baranja et de la Slavonie orientale. Je l'ai entendu souvent y faire

 13   référence et nous avons d'ailleurs négocié cette question avec la

 14   communauté internationale à plusieurs reprises. En fait ce qu'il

 15   souhaitait, c'était -- il savait pertinemment qu'il ne pourrait résoudre

 16   cette question que grâce à la coopération avec les Etats-Unis d'Amérique.

 17   Au vu de cela et au vu des contacts que j'ai eus avec le président Tudjman,

 18   je suis personnellement convaincu qu'il n'aurait absolument pas pris une

 19   décision qui aurait été à l'encontre du message très clair que nous

 20   recevions de Washington, et d'après ce que vous voyez dans ce document, et

 21   que nous recevions d'autres pays avec qui nous avions des liens d'amitié.

 22   Q.  Alors, Monsieur l'Ambassadeur, pendant toutes vos réunions, lors de

 23   toutes les conversations que vous avez eues avec le président Tudjman ou

 24   avec les autres dirigeants de la République de Croatie, avez-vous jamais

 25   entendu une discussion où il aurait été question de planifier l'expulsion,

 26   en quelque sorte, de la population serbe de la Krajina ?

 27   R.  Des discussions dont le but aurait été la planification de l'expulsion

 28   de la population civile sont des discussions où je n'ai jamais participé,

Page 18325

  1   je n'ai jamais été informé de ce type de discussions qui auraient eu lieu.

  2   Moi-même ou encore la majorité des personnes qui représentaient la

  3   direction de la Croatie à l'époque et qui avaient une certaine compétence

  4   n'auraient jamais accepté ce genre de choses.

  5   Permettez-moi d'être encore plus précis. Je n'ai jamais entendu de la part

  6   du président Tudjman quoi que ce soit qui aurait visé cela et je n'ai

  7   jamais reçu de sa part des instructions ou des consignes qui auraient

  8   abouti à l'expulsion de la population civile de Croatie.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, juste pour éviter toute

 10   confusion, vous avez dit : "Moi-même ou la majorité des personnes qui

 11   formaient la direction de la Croatie à l'époque et qui avaient une certaine

 12   compétence auraient accepté quelque chose de ce style."

 13   Je suppose que lorsque vous faites référence à la planification de

 14   l'expulsion des Serbes, vous aviez l'intention de dire : N'auraient jamais

 15   accepté quelque chose de ce style; c'est cela ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait exact, Monsieur le Président. Je

 17   vous remercie de votre interprétation, parce qu'il se peut que j'aie parlé

 18   beaucoup trop vite et il se peut donc qu'il y ait eu un sens erroné qui se

 19   soit glissé dans ma phrase.

 20   Ce que je voulais dire, c'était que le VONS était composé par un certain

 21   nombre d'experts, d'intellectuels --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, non, non. Je voulais juste que

 23   soit consigné au compte rendu d'audience qu'une erreur s'est glissée. Je ne

 24   sais pas de qui vient l'erreur. Je ne voulais pas retraduire vos propos. Je

 25   voulais juste les comprendre, je les ai compris maintenant.

 26   Poursuivez.

 27   M. KEHOE : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, alors pour ce qui est maintenant des pillages

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  1   et des incendies, j'ai une question à vous poser : est-ce que vous avez

  2   jamais entendu un accord, un aval, une approbation qui a été donné par des

  3   autorités de la Krajina pour qu'après l'opération Tempête ce genre

  4   d'actions soient menées à bien pour justement chasser les Serbes et faire

  5   en sorte qu'ils ne reviennent pas ?

  6   R.  J'ai entendu des préoccupations exprimées, mais je n'ai jamais entendu

  7   une approbation.

  8   Q.  Quelles étaient ces préoccupations justement, puisque vous venez de

  9   parler de préoccupations ?

 10   R.  Etant donné que je communiquais essentiellement avec la communauté

 11   internationale, je peux vous dire, pour autant que je m'en souvienne, qu'à

 12   la suite de l'opération Tempête je n'ai jamais été informé du fait que la

 13   communauté internationale ou d'autres personnes auraient pu disposer de

 14   renseignements indiquant que ce genre d'événements s'étaient produits sur

 15   une grande échelle. Je n'ai jamais disposé de ce type de renseignements.

 16   Bien au contraire d'ailleurs. Il y a eu une intervention de la part de M.

 17   l'Ambassadeur Galbraith. M. l'Ambassadeur Galbraith avait rejoint un groupe

 18   de Serbes qui partait. Je suppose qu'il s'agissait d'une tentative qui

 19   était faite pour empêcher qu'il n'y ait des conséquences négatives.

 20   Donc j'ai invité M. l'Ambassadeur Galbraith, d'ailleurs il a été

 21   accompagné d'un certain nombre de délégués de très haut niveau des Etats-

 22   Unis, et je l'ai invité dans la région où j'ai été élevé moi-même. Je les

 23   ai invités à assister à un événement public. Mon intention était tout

 24   simplement qu'ils voient la réaction de la population lorsqu'elle allait le

 25   voir et lorsqu'elle allait voir la délégation américaine avec lui.

 26   D'ailleurs, personne n'a perçu ses appels à la protection des civils de

 27   façon négative.

 28   Je dirais d'ailleurs que le président Tudjman savait pertinemment

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  1   qu'ils avaient été invités et qu'ils ont participé à cette manifestation

  2   qui était en quelque sorte plutôt une célébration.

  3   Q.  Alors nous allons maintenant passer à certaines des négociations qui

  4   ont eu lieu juste après l'opération Tempête. J'aimerais attirer votre

  5   attention sur le paragraphe 24. Il s'agit justement des efforts

  6   diplomatiques qui ont été faits pour la Slavonie orientale. J'aimerais

  7   attirer votre attention sur le document P449.

  8   Mais avant, je vois qu'il est en train d'être affiché à l'écran, mais

  9   j'aimerais toutefois vous poser une question. Lorsque les premiers rapports

 10   ont été reçus, ces rapports à propos des incidents et des activités de

 11   pillage, j'aimerais savoir s'il y a eu des préoccupations qui ont été

 12   manifestées au sein du gouvernement croate; et le cas échéant, comment est-

 13   ce que ces préoccupations ont été manifestées, de quoi s'agissait-il ?

 14   R.  Je vous ai déjà dit que j'étais tout à fait conscient de ces

 15   préoccupations. J'en ai parlé avec M. le ministre Granic notamment, et je

 16   dois dire que nous avons tous les deux dit au président que nous ne

 17   devrions pas perdre de vue la réaction de la communauté internationale,

 18   qu'il fallait y songer, puisque c'était notre devoir que de le faire. Je

 19   peux vous dire maintenant que le président Tudjman était également

 20   préoccupé.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, lorsque vous utilisez ce

 22   terme en anglais, "concern," préoccupation, cela peut signifier deux choses

 23   ? Est-ce qu'il y avait des préoccupations à propos de ce qui s'était passé

 24   ou est-ce qu'il y avait des préoccupations parce que cela allait se passer

 25   ?

 26   M. KEHOE : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez entendu le Président de la Chambre,

 28   et puisque nous parlons de ces préoccupations, est-ce que le président

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  1   avait été informé et est-ce qu'il était préoccupé parce que cela s'était

  2   passé ou parce que cela risquait de se passer ? Donc est-ce que vous

  3   pourriez nous expliquer quelles étaient les préoccupations du président

  4   Tudjman et de M. Granic ? Et vous pourriez peut-être également nous

  5   expliquer quel fut l'impact potentiel sur les relations internationales

  6   avec les Etats-Unis, par exemple, et d'autres.

  7   R.  Je pense que nous pouvons utiliser le terme "préoccupation" pour parler

  8   des deux sens que l'on donne à ce terme, à savoir la préoccupation, parce

  9   que cela s'était passé et la préoccupation du fait de l'impact que cela

 10   aurait pu avoir, et cela était considéré comme tout à fait non souhaitable

 11   par tout le monde, y compris par le président Tudjman d'ailleurs.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soyez un peu plus concret, je vous prie,

 13   parce que vous parlez de faits, vous êtes en train d'établir une

 14   distinction théorique. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous avez

 15   appris à propos des préoccupations qui ont été exprimées et ressenties à la

 16   suite de ces incendies, de pillages et à la suite de ces incidents

 17   également, ce que vous avez appris ou vous avez tout simplement observé ces

 18   préoccupations ? Avez-vous vous-même fait l'expérience de ces

 19   préoccupations de façon concrète plutôt que de façon abstraite à la suite

 20   de ces pillages et incendies.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas dire à l'époque, je ne peux

 22   pas le dire maintenant, je ne peux pas avancer que je savais précisément ce

 23   qui se passait sur le terrain. Alors je vais être très honnête. Mon devoir

 24   n'était pas d'informer le président d'événements dont je savais très peu de

 25   choses. Toutefois, avec la manifestation des réactions de la part de la

 26   communauté internationale, et si je ne m'abuse, cela a commencé d'ailleurs

 27   à voir le jour à la fin du mois d'août, il y a eu des mises en garde qui

 28   ont été exprimées, puisqu'il a été dit que s'il y avait encore des

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  1   événements absolument inacceptables qui se dérouleraient sur le terrain,

  2   cela aurait pu avoir des répercussions pour les relations que nous avions

  3   tissées avec les Etats-Unis.  Alors à un moment donné, je ne m'en souviens

  4   pas quand exactement, j'en ai parlé avec le président et j'ai eu

  5   l'impression - et j'insiste sur le fait qu'il s'agissait d'une impression

  6   de ma part - mais j'ai eu l'impression, disais-je, qu'il était quand même

  7   préoccupé de la situation qui prévalait sur le terrain. C'était également

  8   mon impression - et je dois dire que nous en avons longuement parlé - j'ai

  9   eu l'impression donc que cela le préoccupait, car il pensait aux

 10   répercussions que cela pourrait avoir avec la communauté internationale,

 11   parce qu'à ce moment-là, le président Tudjman souhaitait rebondir à la

 12   suite de sa victoire au niveau des négociations qui allaient avoir lieu.

 13   C'est ainsi que j'ai perçu son point de vue. Il ne voulait pas que la

 14   situation qui prévalait sur le terrain sabote nos objectifs à un moment

 15   donné où il pensait qu'il se trouvait dans une bonne position de

 16   négociation pour le sort réservé à la Slavonie orientale et à Baranja.

 17   M. KEHOE : [interprétation]

 18   Q.  Donc au vu des discussions que vous avez eues avec lui, si cela aurait

 19   pu nuire aux relations établies avec les Etats-Unis, est-ce qu'il pensait

 20   que cela aurait pu avoir une incidence sur les négociations visant la

 21   réintégration pacifique de la Slavonie orientale dont vous parlez au

 22   paragraphe 24 ?

 23   R.  A l'époque, le président Tudjman était fermement convaincu que nous

 24   avions accepté le point de vue qui avait été exprimé par les Etats-Unis, à

 25   savoir qu'ils nous aideraient à trouver une solution au problème en

 26   Slavonie orientale et à Baranja. Je dois dire que j'en ai longuement parlé

 27   avec lui. Contrairement à d'autres personnes en Croatie, il était

 28   absolument convaincu que cette réintégration ne pourrait se produire que

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  1   par des moyens pacifiques et non pas par des moyens militaires. Il était

  2   absolument conscient du fait qu'il ne devait absolument faire quoi que ce

  3   soit pour laminer cette position vis-à-vis des Etats-Unis à une époque où,

  4   comme je l'ai déjà dit, cela n'était pas le point de vue de tout le monde

  5   en Croatie.

  6   Q.  Donc il s'agit de la ligne 14, puisque vous avez dit : Contrairement à

  7   d'autres en Croatie, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Alors j'aimerais aborder un autre sujet. Il s'agit en fait de toutes

 10   les négociations qui ont eu lieu après l'opération Tempête dont vous

 11   commencez à parler au paragraphe 24. Et vous voyez affiché à votre écran un

 12   procès-verbal d'une réunion qui a eu lieu le 18 août 1995. A la réunion il

 13   y avait M. Holbrooke, le général Wesley Clark ainsi que Son Excellence M.

 14   Galbraith.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Et je souhaiterais maintenant demander

 16   l'affichage de la page 7 dudit document.

 17   Q.  On vient de me dire que la traduction a été mise à jour et qu'il s'agit

 18   de la page 4, pour ce qui est de la traduction en version anglaise.

 19   Alors, Monsieur l'Ambassadeur, vous étiez présent lors de cette

 20   discussion, n'est-ce pas ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  On vient de me dire qu'il s'agit de la page 31 pour la version B/C/S ou

 23   34.

 24   Regardez le milieu de la page qui commence par les propos suivants : "Je

 25   comprends."

 26   Donc il s'agit de M. l'Ambassadeur Holbrooke qui dit : "Je comprends.

 27   Je souhaiterais être très honnête, parce que notre administration vous a

 28   transmis différents signaux à propos de l'activité militaire des derniers

Page 18332

  1   mois."

  2   Lorsque vous avez entendu cela, Monsieur l'Ambassadeur, comment est-ce que

  3   vous avez interprété son propos ? D'après vous, de quoi parlait-il ?

  4   R.  J'ai eu l'impression qu'il faisait référence aux différents modes de

  5   communication qui passaient parfois par l'ambassadeur Galbraith, parfois

  6   par l'ambassadeur Holbrooke, et parfois par moi. Je pense qu'il faisait

  7   référence à quelque chose dont nous avions parlé un peu plus tôt, à savoir

  8   il y avait certains messages et qui n'étaient pas toujours identiques.

  9   Q.  Je poursuis ma lecture :

 10   "En novembre, nous vous avons demandé de ne pas attaquer et vous n'avez pas

 11   attaqué. En mars, je suis venu ici et nous nous sommes mis d'accord, et

 12   vous et Gore l'avez annoncé à Copenhague, et vous n'avez pas attaqué."

 13   De quoi s'agit-il, Monsieur l'Ambassadeur ? De quoi est-il question là ?

 14   R.  Je donnerais une interprétation générale à ce sujet. Et en fait, cela

 15   fait référence à quelque chose dont j'ai parlé à plusieurs reprises.

 16   Chaque fois que le point de vue de la communauté internationale, plus

 17   précisément des Etats-Unis d'Amérique, qu'il ne fallait pas que nous

 18   lancions une opération militaire. Et à chaque fois que cela était formulé

 19   de telle façon que nous pensions que cette opération militaire allait

 20   menacer les bonnes relations que nous avions tissées, nous nous rangions à

 21   ce point de vue. C'est à cela qu'il fait référence M. l'Ambassadeur

 22   Holbrooke. Il fait référence à deux réunions extrêmement importantes qui

 23   ont eu lieu. Je vous l'ai déjà indiqué fréquemment d'ailleurs, lors de ces

 24   réunions, des discussions avaient eu lieu avec les Etats-Unis et ces

 25   discussions portaient sur le problème de la Slavonie orientale. Il y avait

 26   d'autres questions qui étaient abordées également. Mais j'ai toujours dit

 27   que le président Tudjman avait toujours eu présent à l'esprit la question

 28   de la réintégration de la Slavonie orientale et de la Baranja.

Page 18333

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

  2   J'aimerais juste également poser une question à M. Waespi. D'ailleurs il

  3   est question, donc il n'y a pas eu d'attaque. Alors le fait que lorsque les

  4   Etats-Unis transmettaient ce genre de signal et demandaient qu'il n'y ait

  5   pas d'attaque, est-ce que c'est une question qui fait l'objet d'un

  6   contentieux entre vous et Me Kehoe.

  7   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  8   M. WAESPI : [interprétation] Non. Je ne pense qu'il y ait eu de litige ou

  9   de contentieux, mais je sais qu'il y a eu beaucoup de correspondance et

 10   d'échanges avec M. l'Ambassadeur Galbraith, il a été question de feu vert

 11   qui a été donné.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela je le sais. Mais ça c'est

 13   autre chose. Alors si le signal transmis était, n'attaquez pas, est-ce

 14   qu'ils n'ont pas attaqué.

 15   Est-ce que cela a fait l'objet de litige ou de contentieux ?

 16   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais réfléchir à cette question

 17   pendant la pause, la pause qui ne va pas tarder d'ailleurs, si je ne

 18   m'abuse.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyez la différence qui a été établie

 20   entre -- alors maintenant il s'agit de savoir si ces signaux ont

 21   véritablement été transmis. Il se peut qu'il n'y ait pas eu de signal

 22   transmis, qu'il y a eu des signaux ambigus, par exemple. J'aimerais, pour

 23   le moment, vous poser cette question à propos de ce qu'avance Me Kehoe,

 24   apparemment maintenant, et j'aimerais savoir si le message transmis par les

 25   Etats-Unis était, il ne faut pas attaquer.

 26   Est-ce que l'intention du président Tudjman était toutefois d'attaquer.

 27   Voilà. Voilà la question que je vous pose, Monsieur Waespi mais vous nous

 28   transmettrez votre réponse après la pause.

Page 18334

  1   Maître Kehoe, est-ce que nous allons donner à M. Waespi la possibilité de

  2   réfléchir à tout cela maintenant ?

  3   M. KEHOE : [interprétation] Je serai ravi de régler cela. Parce qu'en fait

  4   vous avez posé la même question à M. Tieger, et il nous avait donné une

  5   réponse qui a été telle que j'ai retiré la question que je lui ai posée.

  6   Donc je pense que je serais satisfait d'avoir une réponse à cette question.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il va falloir que je vérifie si j'avais

  8   posé exactement la même question à M. Tieger. Mais bon, cela, certes,

  9   pourrait avoir son importance.

 10   Monsieur Zuzul, nous allons avoir une autre pause et nous reprendrons à 12

 11   heures 50.

 12   Et j'aimerais poser une question aux parties, ceci étant dit : quelle

 13   sera la durée des contre-interrogatoires ?

 14   Monsieur Waespi.

 15   M. WAESPI : [interprétation] Je pense que j'aurai besoin d'une séance, de

 16   toute façon donc, d'une heure et demie ou d'un peu plus, peut-être.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maître Cayley, qu'en est-il ?

 18   M. CAYLEY : [interprétation] Je pense avoir besoin de 15 minutes. Peut-être

 19   que je n'aurai même pas besoin de ce quart d'heure mais je vous tiendrai

 20   informer à la fin de l'audience.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic.

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ça sera à peu près la même chose. Donc de

 23   toute façon, je vous donnerai un renseignement plus précis demain,

 24   certainement pas aujourd'hui.

 25   Bien. Nous allons l'audience et nous reprendrons à 12 heures 50.

 26   --- L'audience est suspendue à 12 heures 29.

 27   --- L'audience est reprise à 12 heures 58.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, vous pouvez poursuivre.

Page 18335

  1   M. KEHOE : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, sur cette page en anglais, je pense vers la

  3   fin, et je pense que c'est la page suivante en version B/C/S, il y a un

  4   commentaire de l'ambassadeur Holbrooke sur lequel je souhaiterais attirer

  5   votre attention.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Si nous pouvions descendre un petit peu le long

  7   de cette page.

  8   Q.  Sur cette page, Monsieur l'Ambassadeur, en bas de la page en version

  9   anglaise, l'ambassadeur Holbrooke dit :

 10   "Comme vous le savez, nous disions en public que nous étions concernés,

 11   mais sur le plan privé vous saviez ce que nous souhaitions."

 12   Maintenant, pour en venir à votre déclaration, je voudrais préciser

 13   certaines choses dans votre déclaration et poser des questions d'ordre

 14   général.

 15   Vous aviez noté, et vous nous aviez dit au préalable, et vous aviez

 16   également noté au paragraphe 24, que le président Tudjman insistait sur

 17   l'implication des Etats-Unis dans les négociations sur la Slavonie. Je

 18   souhaiterais -- en fait, d'ailleurs à propos, est-ce que ces négociations

 19   ont donné des résultats positifs à la fin avec l'aide des Etats-Unis ?

 20   R.  Ces négociations ont donné des très bons résultats. Elles concernaient

 21   la réintégration pacifique de la Slavonie orientale, et c'était là un des

 22   rares succès complets de la communauté internationale dans la résolution de

 23   crise.

 24   Q.  Je voudrais quelque peu élargir la question et partir de la déclaration

 25   de l'ambassadeur Holbrooke et parler un petit peu du conflit en Bosnie par

 26   rapport à la Croatie, comment est-ce qu'il a commencé à s'étendre en Bosnie

 27   avec les Musulmans de Bosnie et le HVO. Est-ce que les Etats-Unis ont

 28   continué à participer ? Est-ce que le président et les autres ont continué

Page 18336

  1   à rencontrer les Etats-Unis pour demander leur aide et leurs conseils au

  2   cours du reste des combats avant Dayton ?

  3   R.  Cette communication avant les accords de Dayton s'est poursuivie à

  4   différents niveaux et de façon continue. Je pense qu'elles ont été très

  5   bien menées et étaient très importantes pour la préparation des accords de

  6   Dayton.

  7   Q.  Pour résumer, au paragraphe 24, vous parlez des opérations après

  8   l'accord de Split en été 1995, l'opération Tempête, l'opération Maestral,

  9   et l'opération Déplacement vers le sud. Est-ce que vous voyez la référence

 10   à ces opérations dans ce paragraphe, Monsieur ? Il s'agit du paragraphe 26.

 11   J'ai parlé du paragraphe 25, mais je voulais dire 26.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Maintenant nous avons tout

 13   l'éventail des paragraphes.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit du paragraphe 26.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 16   M. KEHOE : [interprétation]

 17   Q.  Vous dites là que le général Gotovina a joué un rôle essentiel dans ces

 18   opérations. Est-ce que vous savez si tout au long de ces opérations il

 19   était le commandant opérationnel responsable des forces conjointes HV HVO ?

 20   R.  Je ne peux pas dire que j'ai des informations précises et exactes, mais

 21   ce que je savais et ce que j'ai entendu en tant que diplomate, c'est

 22   précisément ce que vous avez dit, à savoir qu'il en était responsable et

 23   qu'il était extrêmement important pour ces opérations.

 24   Q.  Dans ces opérations, lorsque vous êtes enfin allé à Dayton - et vous

 25   faites référence dans une certaine mesure à cela au paragraphe 27 - est-ce

 26   que les négociateurs de la paix soit pendant Dayton, soit avant, est-ce

 27   qu'ils vous ont jamais exprimé leurs préoccupations concernant le travail

 28   mené par le général Gotovina et les forces armées concernant les Serbes de

Page 18337

  1   Bosnie ? Est-ce qu'ils vous ont jamais dit quoi que ce soit, et quelles

  2   étaient leurs

  3   idées ?

  4   R.  Tout ce que j'ai entendu à l'époque concernant le général Gotovina

  5   était des louanges concernant ses capacités militaires et sa capacité à

  6   mener des opérations militaires. Je ne me souviens vraiment pas avoir

  7   entendu quoi que ce soit à l'époque qui aille à l'encontre de cela.

  8   Q.  Au paragraphe 27 concernant cette dernière question, vous dites que

  9   lors de l'accord de Split, l'opération Tempête n'était pas seulement

 10   responsable de la libération de la Bosnie-Herzégovine, mais que grâce à ces

 11   opérations militaires les conditions avaient été mises en place pour

 12   réintégrer la Slavonie orientale de façon pacifique sans verser une goutte

 13   de sang.

 14   Est-ce que vous ajouteriez à cela l'opération Maestral et l'opération

 15   Déplacement vers le sud comme étant une partie intégrante de cette formule

 16   visant à rétablir la paix ?

 17   R.  Sans aucun doute. Je ne suis pas le seul à l'avoir dit, ce sont les

 18   analystes qui ont parlé de Dayton et qui étaient d'accord pour dire que

 19   l'une des conditions du succès de Dayton était la victoire militaire des

 20   forces croates de la HVO et de l'armée des Musulmans de Bosnie, et le fait

 21   d'avoir réussi à vaincre l'agression serbe.

 22   M. KEHOE : [interprétation] J'en ai terminé, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Merci d'avoir tenu l'horaire.

 24   Monsieur Cayley.

 25   M. CAYLEY : [interprétation] Je vais faire encore mieux, je n'ai aucune

 26   question.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous vous en êtes effectivement

 28   tout à fait tenus à l'heure.

Page 18338

  1   Monsieur Kay, est-ce que vous avez des questions ?

  2   M. KAY : [interprétation] Mieux encore, Monsieur le Président, je n'ai

  3   aucune question.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Waespi, est-ce que vous êtes prêt

  5   à commencer le contre-interrogatoire de votre témoin ?

  6   M. WAESPI : [interprétation] Si possible, je préférerais commencer demain

  7   matin. Je suis un petit peu étonné que la Défense n'ait pas profité de

  8   toute la séance d'aujourd'hui. Je pourrais, bien entendu, commencer si --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait essayer

 10   d'utiliser le temps qui nous est imparti. Ce ne sera pas dramatique. Je

 11   prévois qu'il y aura peut-être quelques trous au cours de la semaine, peut-

 12   être particulièrement jeudi…

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, je vous invite à

 15   commencer. J'ai déjà dit que j'ai une décision à rendre, ce que je ferai à

 16   la fin de cette séance. Elle est relativement courte, donc cela vous laisse

 17   environ une demi-heure.

 18   La Chambre ne sait jamais ce qui va se passer. Il se pourrait que le

 19   prochain témoin ait un mal de tête demain. Enfin, tout est possible. Tout

 20   peut arriver. Donc utilisons le temps que nous avons pendant que nous en

 21   disposons. Mais là encore, je ne veux pas réellement exercer de pression

 22   sur vous. Donc, une demi-heure.

 23   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Contre-interrogatoire par M. Waespi :   

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur l'Ambassadeur. Je suis sûr qu'avec

 26   votre expérience ce contre-interrogatoire sera moins dur que les entretiens

 27   que vous avez eus avec M. Sebastian il y a environ deux ans dans le cadre

 28   d'un contre-interrogatoire.

Page 18339

  1   Donc je voudrais commencer avec un point que vous avez soulevé dans votre

  2   déposition en tant que témoin au paragraphe 23. Il s'agit du D1485. Cela

  3   porte sur la mise en garde ou les conditions posées par les Américains

  4   concernant l'attaque dans le cadre de l'opération Tempête.

  5   Au paragraphe 23, il est dit que - ceci vers la fin du paragraphe :

  6   "De plus, la nécessité de protéger la population civile serbe est un point

  7   sur lequel l'accent était mis en particulier au cours des réunions. Du côté

  8   diplomatique, nous avons constamment mis en garde et insisté sur le fait

  9   que la communauté internationale allait accorder l'intérêt le plus

 10   important à cela, et je peux témoigner du fait que le président Tudjman a

 11   réellement respecté cela."

 12   Dans la phrase précédente, la réunion dont vous avez parlé, s'agissait-il

 13   de la réunion du VONS du 3 août 1995 ou est-ce que ces préoccupations

 14   concernant la protection de la population serbe ont justement été soulevées

 15   au cours de cette réunion ?

 16   R.  Non. Ce à quoi j'ai fait référence au paragraphe 23 portait sur la

 17   période après, non pas juste après la réunion du VONS. Pour être exact,

 18   lors de la réunion du VONS, j'ai présenté les points de vue de la

 19   communauté internationale. Ici cette préoccupation concerne un état de fait

 20   plus permanent et nous avons fait connaître les points de vue de la

 21   communauté internationale.

 22   Q.  Lorsque vous dites "nous," qu'entendez-vous par "nous" ?

 23   R.  Dans ce contexte, lorsque j'utilise le terme "nous," j'entends par là

 24   M. Granic, qui était le ministre des Affaires étrangères, M. Sanader, qui

 25   était alors le ministre adjoint aux Affaires étrangères, plusieurs

 26   ambassadeurs, qui avaient des contacts directs. En dehors de moi-même,

 27   l'ambassadeur auprès de Bruxelles également. Toutes ces personnes qui

 28   étaient à même d'avoir des contacts directs avec les organisations

Page 18340

  1   internationales ou avec les pays hôtes d'un côté, et de l'autre côté, le

  2   gouvernement croate.

  3   Q.  D'accord, je comprends maintenant. Donc ces inquiétudes sont des

  4   inquiétudes qui étaient exprimées par des représentants de la communauté

  5   internationale au moment où ils vous rencontraient; c'est bien ça ?

  6   R.  Je ne suis pas sûr qu'il soit exact que les choses se soient passées

  7   comme vous venez de le dire. Je crois que ce qui s'est passé correspond à

  8   ce que j'ai écrit dans ce document. Dans des rencontres avec des

  9   représentants de la communauté internationale, le caractère urgent de

 10   protéger les civils était souligné. Dans nos entretiens avec les

 11   représentants du gouvernement ou avec le président Tudjman, nous indiquions

 12   que la communauté internationale allait prêter une attention particulière à

 13   ce sujet et le gouvernement et le président tenaient compte de mes

 14   avertissements. Par ailleurs, si des événements survenaient qui allaient à

 15   l'encontre des positions exprimées par les représentants de la communauté

 16   internationale, d'après ce que j'avais dit, les réactions de cette

 17   communauté internationale seraient contraires à l'intérêt de la République

 18   de Croatie et nuiraient aux relations de celle-ci avec la communauté

 19   internationale.

 20   Q.  Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur.

 21   J'aimerais maintenant que nous passions à un autre sujet dont vous avez

 22   parlé dans votre déposition déjà, à savoir Bihac.

 23   Il est vrai, n'est-ce pas - et je demande l'affichage de la pièce P461,

 24   page 1 - que le président Tudjman a dit à tous les participants à cette

 25   réunion de Brioni, à l'époque, que la situation qui prévalait à Bihac ne

 26   constituait plus un prétexte pour poursuivre puisque la situation s'était

 27   apaisée ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, je pense que vous avez

Page 18341

  1   demandé au témoin ce que le président Tudjman avait dit à tous les

  2   participants d'une réunion à laquelle le témoin n'a pas participé, alors

  3   que les Juges de la Chambre se sont déjà dit réticents par rapport au fait

  4   d'entendre le témoin parler de ce qui se passait à des réunions auxquelles

  5   il n'avait pas assisté. Voilà exactement la situation dans laquelle je me

  6   trouve en ce moment alors que j'écoute cette déposition.

  7   Est-ce que telle était vraiment votre intention ?

  8   M. WAESPI : [interprétation] Je crois que le témoin a dit déjà dans sa

  9   déposition, et j'aimerais que l'on revienne sur la pièce P458.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous êtes en train de

 11   demander au témoin ce que le président Tudjman a dit à tous les

 12   participants à cette réunion et, en même temps, vous lui présentez un

 13   document qui reprend les propos du président Tudjman alors que le témoin

 14   n'était pas présent à la réunion en question.

 15   Est-ce que vous pensez que ceci est susceptible d'être significatif,

 16   eu égard aux renseignements que ceci permet aux Juges de la Chambre

 17   d'obtenir ?

 18   Je ne dis pas que le sujet en tant que tel ne doit pas être abordé

 19   dans votre contre-interrogatoire, mais je vous parle de la façon dont la

 20   chose se fait. Le témoin va vous dire : Je ne suis jamais allé à la réunion

 21   de Brioni. Quelqu'un peut me donner un document, je vais le lire et je vais

 22   vous dire ce que le président a dit en me fondant sur ce que je lis. Mais

 23   ça, vous pouvez poser cette question au témoin, mais pas lui demander :

 24   Est-il vrai qu'il a dit telle et telle chose ? Vous pouvez lui demander si

 25   ce qui est écrit au compte rendu est exact.

 26   Mais qu'est-ce que ça apporte ?

 27   M. WAESPI : [interprétation] Je crois que le témoin a déjà parlé dans sa

 28   déposition de ce sujet il y a un instant, Monsieur le Président. Je ne dis

Page 18342

  1   pas --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je ne suis pas en train de dire que

  3   vous ne devez pas aborder la question de Bihac et du rôle que -- et de la

  4   différence de situation à Bihac avant le 3 août et après le 3 août. Mais

  5   c'est tout simplement la façon dont vous le faites qui me pose problème.

  6   Monsieur Waespi, vous avez dit tout à l'heure que vous pouviez commencer et

  7   la Chambre a rendu sa décision sur la base des mots prononcés par vous.

  8   Mais commencer, ensuite attendre 20 minutes pour voir si quelque chose

  9   vient et ne voir rien venir, c'est une très grosse déception pour les Juges

 10   de la Chambre. Si vous dites : A partir de maintenant, je serai plus clair,

 11   vous pouvez le dire. Sinon vous dites : Je ne suis pas prêt et nous verrons

 12   si nous pouvons admettre ce qui sera proposé ultérieurement, parce que la

 13   réalité est la réalité. Si vous dites : Je peux poursuivre, poursuivez.

 14   Sinon peut-être pourra-t-on aborder tout cela la prochaine fois.

 15   M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais venir à la défense de mon collègue

 16   de l'Accusation, car il a entièrement le droit de tenir compte de ce que

 17   j'avais dit précédemment, à savoir que mon interrogatoire durerait toute

 18   l'audience d'aujourd'hui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de l'appui que vous apportez à

 20   votre collègue, Maître Kehoe. Mais compte tenu de ce qui a été dit et de ce

 21   que vous aviez dit précédemment, c'est effectivement l'impression que nous

 22   avons eue pendant un certain temps et que j'ai eue également.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Bien --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai eu l'impression que vous en auriez

 25   terminé à 12 heures 30.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Franchement, étant donné les admonestations de

 27   la Chambre, je voudrais simplement transmettre le message que j'ai à

 28   transmettre aux Juges de la Chambre étant donné ce qui vient d'être dit à

Page 18343

  1   M. Waespi.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que M. Waespi trouvera le

  3   soutien de Me Kehoe très utile.

  4   Serait-il plus sage que la Chambre décide de reprendre ses débats

  5   demain ?

  6   M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie. J'apprécie, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre décide dans ces conditions

 11   que vous poursuivrez votre contre-interrogatoire demain.

 12   Monsieur Zuzul, vous voyez, la vie dans un prétoire s'intègre à la vie de

 13   façon générale.

 14   Nous en avons donc terminé pour l'audience d'aujourd'hui, Monsieur

 15   Zuzul, et nous reprendrons nos débats demain matin. D'ici là, je vous donne

 16   consigne de ne parler à personne de la teneur de votre déposition, que cela

 17   concerne ce que vous avez déjà dit ou ce que vous vous apprêtez à dire dans

 18   votre déposition. Nous aurons plaisir à vous revoir dans une autre salle

 19   d'audience, d'ailleurs dans la salle d'audience numéro III demain, à 9

 20   heures du matin.

 21   Madame l'Huissier va maintenant pouvoir vous escorter hors de ce prétoire.

 22   [Le témoin quitte la barre]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci nous laisse le temps de

 24   rendre une décision. En fait, ce n'est pas véritablement une décision, ce

 25   sont plutôt les motifs qui sous-tendent une décision. Il s'agit donc des

 26   motifs en question s'agissant de la demande faite par le témoin numéro 13

 27   de mesures de protection.

 28   Le 12 février 2009, l'Accusation a demandé des mesures de protection,

Page 18344

  1   à savoir le huis clos complet et l'octroi d'un pseudonyme pour le témoin

  2   numéro 13.

  3   Le 23 février 2009, la Défense Cermak a répondu qu'elle était opposée à la

  4   demande de l'Accusation. Le même jour, la Défense Gotovina et la Défense

  5   Markac ont fait connaître la même réponse.

  6   Le 24 février 2009, la Chambre a fait droit à la demande de

  7   l'Accusation pour les raisons qui sont indiquées dans ce qui suit.

  8   Comme la Chambre l'a fait lors des décisions prises par elle précédemment

  9   au sujet de mesures de protection, la partie qui demande les mesures de

 10   protection pour un témoin est tenue de démontrer l'existence d'un risque

 11   objectif à la sécurité ou au bien-être du témoin ou de sa famille, au cas

 12   où l'on viendrait à savoir que ce témoin a déposé devant le Tribunal. La

 13   question de savoir si des mesures de protection doivent être accordées

 14   implique la nécessité d'un équilibre délicat entre les droits de l'accusé à

 15   un procès public, d'une part et d'autre part, les intérêts et la nécessité

 16   de protection de leur intimité pour les témoins et les victimes. A cet

 17   égard, la Chambre se rend entièrement compte qu'accorder des mesures de

 18   protection ne doit avoir aucun effet négatif sur le plein respect des

 19   droits de l'accusé, et en particulier du droit à ce que les témoins qui

 20   s'expriment contre lui soient interrogés.Même si l'octroi de mesures de

 21   protection est et doit être l'exception à la règle dans un procès public,

 22   il importe de ne pas fixer trop haut la barre qui constitue le seuil

 23   acceptable pour l'octroi de telles mesures. Par exemple, exclure des

 24   personnes qui n'ont été soumises à aucune menace, à aucun acte de

 25   harcèlement, saperait à la base l'objectif déclaré de ces mesures de

 26   protection, à savoir protéger contre un risque susceptible de survenir

 27   suite à la déposition du témoin. La Chambre doit, par conséquent, prendre

 28   un risque dans son appréciation et cette appréciation implique, par nature,

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  1   un certain niveau de précaution par rapport au risque de se tromper et de

  2   nuire à la sécurité. La Chambre ajoute ces quelques mots d'explication à sa

  3   démarche par rapport à l'octroi de mesures de protection de façon générale

  4   en l'espèce.

  5   Le témoin numéro 13 a exprimé des inquiétudes quant au fait de témoigner en

  6   public. C'est une Serbe qui ne réside pas en permanence en Croatie, mais y

  7   retourne régulièrement à partir du pays où elle réside. Le témoin numéro 13

  8   s'apprête à évoquer dans sa déposition un crime déterminé qui impliquerait

  9   un certain nombre de soldats croates et qui a eu lieu dans la région où

 10   réside ce témoin quand elle est en Croatie. Un jour alors que le témoin

 11   était temporairement de retour en Croatie, un policier sans uniforme, ainsi

 12   qu'un homme en civil, lui ont rendu visite et lui ont demandé de parler de

 13   ce qu'elle avait vécu en 1995 et de s'exprimer au sujet de l'un des

 14   accusés. Selon ce témoin, cet officier de police est revenu quelques

 15   semaines plus tard, mais cette fois-ci le témoin avait trop peur pour

 16   accepter de lui parler. Ces événements ont laissé une crainte durable dans

 17   l'esprit de ce témoin par rapport à sa déposition.

 18   Pour les motifs susmentionnés, et sans perdre de vue les

 19   considérations générales déjà évoquées, la Chambre estime que l'Accusation

 20   a démontré l'existence d'un risque objectif par rapport à la sécurité du

 21   témoin numéro 13, si l'on devait apprendre que celle-ci avait déposé devant

 22   le Tribunal. La Chambre a considéré au vu de la nature des éléments

 23   attendus dans la déposition de ce témoin, que toutes mesures de protection

 24   qui seraient en deçà de l'octroi d'un huis clos complet serait

 25   insuffisantes.

 26   Pour ces motifs, la Chambre fait droit à la demande de mesures de

 27   protection pour le témoin numéro 13, et ceci conclut l'exposé des motifs

 28   étayant la décision de la Chambre qui fait droit à la demande de mesures de

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  1   protection pour le témoin numéro 13.

  2   Je vous remercie. Nous suspendons l'audience pour aujourd'hui et nous

  3   reprendrons demain 9 juin à 9 heures dans la salle d'audience numéro III.

  4   --- L'audience est levée à 13 heures 26 et reprendra le mardi 9 juin 2009,

  5   à 9 heures 00.

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