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1 Le mardi 21 juillet 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous salue tous. Bonjour à toutes et
6 à tous.
7 Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-06-90-T, le Procureur contre
9 Gotovina et consorts.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
11 Maître Misetic ou Maître Kehoe, est-ce que la Défense Gotovina est prête à
12 citer son témoin suivant ?
13 M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors peut-on faire entrer le témoin.
15 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je préciser un
16 point. A l'issue des échanges en application de l'article 92 ter, j'ai
17 l'intention de verser au dossier quatre documents qui sont mentionnés dans
18 l'acte d'accusation, et c'est ce qui m'incite à en demander le versement.
19 Il s'agit des documents 2336, 3518, 667 et 3089 en application du 65 ter.
20 Il s'agit de lois qui seront mentionnées par le témoin dans la première
21 partie de son témoignage, et je ne vais pas en parler pendant
22 l'interrogatoire principal.
23 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.
25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces documents figurent sur votre liste
27 65 ter ?
28 M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
2 M. MISETIC : [interprétation] Sur la liste 65 ter de l'Accusation.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
4 Monsieur Matulovic, bonjour. Vous voyez qui s'adresse à vous ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En application de notre Règlement, vous
7 êtes tenu de prononcer une déclaration solennelle vous engageant à dire la
8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je vous demande de prononcer
9 le texte de cette déclaration à présent.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 LE TÉMOIN : ZORAN MATULOVIC [Assermenté]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Matulovic.
15 Je vous en prie, asseyez-vous.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est Me Misetic qui vous posera ses
18 questions en premier. C'est le Défenseur de M. Gotovina.
19 Vous avez la parole, Maître Misetic.
20 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 Interrogatoire principal par M. Misetic :
22 Q. [interprétation] Bonjour.
23 R. Bonjour.
24 Q. Pourriez-vous vous présenter, s'il vous plaît, décliner votre identité.
25 R. Zoran Matulovic.
26 Q. Je vous remercie. Monsieur Matulovic, avez-vous rencontré, le 31 mars
27 2006 ainsi que le 12 février 2007 et le 20 mai 2009, les représentants de
28 la Défense Gotovina ?
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1 R. Oui, je m'en souviens.
2 Q. Est-ce que vous avez pu revoir votre déclaration signée le 26 mai 2009,
3 sur la base des entretiens que vous avez eus et que nous venons de
4 mentionner ?
5 R. Oui.
6 M. MISETIC : [interprétation] Madame l'Huissière, je vais vous demander,
7 s'il vous plaît, de remettre un texte de cette déclaration en croate au
8 témoin.
9 Et je vais demander qu'on affiche 1D2697 à l'écran.
10 Q. Monsieur Matulovic, vous souhaitiez apporter une correction au
11 paragraphe premier de votre déclaration préalable. Est-ce que vous pourriez
12 préciser aux Juges de la Chambre de quoi il s'agit ?
13 R. Au paragraphe numéro 1, j'ai modifié les modalités de nomination des
14 juges aux tribunaux militaires dans les zones opérationnelles, puisque
15 c'est le ministre de la Défense, en se basant sur le décret en vigueur à
16 l'époque, qui nous a nommés à nos postes. C'est la seule chose que je
17 souhaitais modifier.
18 Q. Est-ce que nous pouvons préciser cela. Il agissait sur la proposition
19 de qui ?
20 R. C'était le ministre de la Justice qui l'a fait.
21 Q. Est-ce qu'il y a d'autres corrections à apporter à votre déclaration,
22 d'après vous ?
23 R. Pour l'instant, je pense qu'il n'y a pas lieu de corriger davantage.
24 Q. Au moment où vous avez fait votre déclaration aux membres de l'équipe
25 de Défense Gotovina, est-ce que vous avez répondu au mieux de vos
26 connaissances et en disant la vérité ?
27 R. Oui.
28 Q. Si je vous posais aujourd'hui les mêmes questions qui vous ont été
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1 posées par les représentants de la Défense Gotovina à ce moment-là, est-ce
2 que vous apporteriez les mêmes réponses aujourd'hui dans le Tribunal que
3 celles que vous avez apportées à l'époque ?
4 R. Je répondrais exactement de la même manière.
5 Q. Je vous remercie.
6 M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher la page de
7 garde, Madame la Greffière, s'il vous plaît.
8 Q. Est-ce que, Monsieur Matulovic, vous reconnaissez votre signature en
9 bas à droite ?
10 R. Oui.
11 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
12 versement de la pièce 65 ter 1D2697.
13 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1313.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce est versée au dossier.
17 M. MISETIC : [interprétation] A présent je demande le versement de quatre
18 documents dont il est question dans la déclaration préalable. Il s'agit des
19 documents sur la liste 65 ter 2336, 3518, 667 et 3089.
20 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Mahindaratne.
22 Madame la Greffière.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D1614, D1615, D1616 et D617, Monsieur
24 le Président, Madame, Monsieur les Juges.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D1014 jusqu'à D1017 sont
26 versées au dossier.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je tiens à apporter une correction au
28 compte rendu d'audience.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
2 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 1614 jusqu'à 1617.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est une omission de ma part. Donc
4 remplacez D1014 jusqu'à D1017 par les cotes qui sont déjà au compte rendu
5 d'audience. Donc il s'agit des pièces D1614 jusqu'à D1617. Ces documents
6 sont versés au dossier. Je note au passage que deux fois nous trouvons cela
7 dans le compte rendu d'audience, et la dernière série que je viens
8 d'énoncer est la bonne.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] D1013 est la cote qui figure pour la
10 déclaration préalable, mais je suppose que cela devrait être 1613.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 4, ligne 21, c'est là qu'il
12 convient d'apporter la correction. Il semble qu'une erreur s'est glissée.
13 Donc 1013 doit être remplacé par 1613. Je vous remercie.
14 Maître Misetic.
15 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai expliqué
16 au témoin la procédure s'agissant de la lecture du résumé. Avec votre
17 autorisation, je vous propose de donner lecture du résumé de sa déposition.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
19 M. MISETIC : [interprétation] Le témoin Zoran Matulovic est un juge qui
20 travaille au département des enquêtes criminelles du tribunal du comté de
21 Split. De 1992 jusqu'au décembre 1996, le juge Matulovic a occupé le poste
22 de juge au tribunal militaire de Split, et tout au long de l'année 1995, il
23 était président du tribunal militaire de Split.
24 Dans sa déclaration préalable, le juge Matulovic décrit certaines des
25 lois qui étaient en vigueur et qui régissaient le fonctionnement des
26 tribunaux militaires, y compris leur domaine de compétence, domaine qui
27 leur était conféré par la loi. Il fournit un aperçu du fonctionnement des
28 tribunaux militaires. C'est le ministère de la Justice qui était le
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1 ministère de tutelle pour les tribunaux militaires. C'est au ministère de
2 la Justice que rendaient compte les tribunaux militaires sur le
3 fonctionnement et les résultats de leur travail.
4 Après l'opération Tempête, les tribunaux militaires ont envoyé leurs
5 rapports au ministère de la Justice et au ministère des Affaires
6 étrangères, et c'est ce qu'ils ont fait tous les 15 jours. Si les tribunaux
7 militaires ne fonctionnaient pas correctement, s'ils ne s'acquittaient pas
8 correctement de leurs tâches, le ministère de la Justice était censé
9 prendre des mesures qui s'imposaient afin de régler le problème.
10 Le juge Matulovic affirme également dans sa déposition que les tribunaux
11 militaires n'avaient pas la compétence pour ce qui est des dossiers
12 relatifs aux crimes de guerre.
13 Dans des affaires où l'auteur du crime n'était pas connu, l'enquête était
14 toujours menée par le juge d'instruction du tribunal civil de district. Le
15 juge d'instruction du tribunal militaire rejoignait l'enquête au moment où
16 il était établi, au-delà de tout doute raisonnable, que l'auteur du crime
17 était un militaire.
18 Le juge Matulovic affirme dans sa déposition qu'il n'était pas possible
19 pour un commandant militaire d'exercer une influence sur l'activité des
20 tribunaux militaires. Il affirme également que les procureurs de la
21 république, ainsi que le procureur militaire, pouvaient enclencher des
22 procédures au pénal sur la base de toute information qui leur était
23 parvenue au sujet de la commission d'un crime ou délit, y compris sur la
24 base des informations reçues de la part des médias.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
26 M. MISETIC : [interprétation]
27 Q. Juge Matulovic, je vais vous poser quelques questions sur la base des
28 réponses que vous avez apportées dans votre déposition.
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1 Tout d'abord, pouvez-vous nous dire quel était le nombre de juges qui
2 travaillaient au tribunal militaire au mois d'août 1995, au tribunal
3 militaire de Split ?
4 R. Sur la base du décret portant création des tribunaux militaires dans
5 les zones opérationnelles, les tribunaux militaires comptaient un président
6 qui était lui aussi un juge, qui était saisi de différents dossiers, et en
7 plus de lui quatre juges. Mais le tribunal militaire de Split avait un
8 domaine de compétence territorial très large, et nous avions donc en plus
9 trois juges détachés à Zadar, à Sibenik et à Dubrovnik. Donc en tout, à ce
10 moment-là, il y avait huit juges employés par le tribunal militaire de
11 Split. Si je puis ajouter, les juges détachés se rendaient sur les lieux
12 pour dresser un constat lorsqu'il y avait urgence, et ils pouvaient être
13 membres des conseils des tribunaux militaires, puisque généralement c'était
14 trois juges professionnels, trois juges de carrière, s'il s'agissait
15 d'actes qui exigeaient des peines de plus de cinq ans de prison, et c'est
16 uniquement lorsque la peine encourue était une peine jusqu'au maximum de
17 cinq ans qu'il y avait un seul juge qui était saisi du dossier ou de
18 l'affaire.
19 Q. Vous anticipez ma question suivante. Alors est-ce que vous pouvez dire
20 aux juges de la Chambre, dans des affaires où la peine maximale encourue
21 était en deçà de cinq ans, s'il y avait appel ? Quelle était l'instance
22 d'appel et quelle était l'instance d'appel lorsque la peine encourue était
23 au-delà de cinq ans ?
24 R. Si le tribunal militaire avait jugé alors que c'était un seul juge qui
25 était saisi de l'affaire, lorsque ce n'était pas une affaire dont était
26 saisie une Chambre, c'est le tribunal du comté de Split qui agissait en
27 deuxième instance, en se pourvoyant un appel devant ce tribunal-là.
28 Q. Et lorsque c'était une chambre composée de trois juges qui avaient
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1 prononcé la sentence, et lorsque c'était une peine de plus de cinq ans de
2 prison, quelle était l'instance d'appel ?
3 R. A ce moment-là, on se pourvoyait en appel devant la Cour suprême de la
4 République de Croatie. C'était elle qui était l'instance d'appel.
5 Q. Pour autant que vous le sachiez, est-ce qu'il y a eu à ce moment-là des
6 instances d'appel militaires, des tribunaux d'appel militaires ?
7 R. Non, jamais il n'y en a eu dans notre système de justice, parce que
8 j'ai dit que les tribunaux militaires étaient placés directement sous
9 l'autorité du ministère de la Justice. Donc il n'y avait aucune instance
10 supérieure dans la filière militaire, pas de tribunal d'appel militaire.
11 Q. Monsieur Matulovic, les paragraphes 9 et 10 de votre déclaration,
12 prenons-les. Est-ce que vous pouvez préciser aux Juges, s'il vous plaît,
13 votre réponse lorsque vous dites que le juge d'instruction d'un tribunal
14 militaire rejoint l'enquête, ou prend part à l'enquête, à partir du moment
15 où il a été établi au-delà de tout doute que l'auteur du crime ou délit est
16 un soldat, une personne militaire ? Alors dites-nous, s'il vous plaît,
17 lorsqu'il y a eu commission d'un crime et lorsqu'il y a possibilité que ce
18 soit un membre de la HV qui est l'auteur de ce crime, est-ce que vous
19 pouvez expliquer à la Chambre quelle est la procédure qui est engagée ?
20 Qu'est-ce qui fait que c'est un tribunal militaire qui commence à prendre
21 part à l'enquête ? C'est-à-dire à quel stade précisément est-ce qu'il
22 intervient lorsqu'il y a juste une suspicion ?
23 R. Le juge d'un tribunal militaire agit de manière identique que lorsqu'il
24 s'agit de tribunaux civils. Donc le décret portant application du code de
25 procédure pénale le régit. Ça correspond à la procédure civile, mais
26 simplifiée pour accélérer la procédure.
27 Q. Je pense que j'ai mal formulé ma question. Je vais la reprendre.
28 R. Non, non, je suis tout à fait capable de répondre.
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1 Q. Bien.
2 R. Lorsque le juge d'instruction était de permanence, le juge
3 d'instruction militaire, et lorsqu'il y a eu commission d'un acte au pénal,
4 c'est soit la police militaire soit la police civile qui l'en informait. La
5 police civile l'informait toujours lorsqu'on n'était pas certain du statut,
6 de la qualité de l'auteur, donc est-ce qu'il s'agit d'un militaire ou pas.
7 S'il y avait urgence, donc s'il fallait dresser un constat de manière
8 urgente, et lorsqu'on ne pouvait pas connaître le statut de l'auteur, alors
9 c'est un juge d'instruction civile qui se rendait sur les lieu, mais s'il
10 était possible d'établir sur-le-champ que la personne suspectée est un
11 militaire, à ce moment-là, c'est le juge d'instruction militaire qui se
12 rendait sur les lieux et il agissait de concert avec le juge civil. Donc
13 pour se rendre sur les lieux, pour dresser le constat ou pour entreprendre
14 quelque action liée à l'enquête, quelque action urgente, il était essentiel
15 qu'au moment où le signalement a été fait, il était important de savoir que
16 le suspect est un militaire.
17 Q. Est-ce qu'il y a un cas de figure où le tribunal militaire a
18 compétence sur un crime où l'auteur est inconnu ?
19 R. Non. Non, justement, c'est ce que je viens de dire. C'est uniquement
20 lorsqu'on savait que c'est un militaire qui est l'auteur de l'acte.
21 Q. Et pour enchaîner sur la question de la compétence des tribunaux
22 militaires, est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre, s'il vous plaît,
23 si un crime est commis par un membre de la HV, mais cette personne a quitté
24 les rangs de la HV, pour quelque raison que ce soit, entre le moment où
25 l'acte a été commis et le moment où on dresse l'acte d'accusation, qui a
26 compétence à ce moment-là, c'est un tribunal civil ou militaire ?
27 R. Nous allons aborder maintenant la deuxième de la procédure au pénal.
28 Donc vous avez l'enquête qui a été déclenchée et qui a eu lieu et puis on
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1 arrive au moment où on dresse l'acte d'accusation. A ce moment-là, pour ce
2 qui est des tribunaux militaires et de leur compétence, la chose
3 essentielle est la suivante : l'accusé est-il encore membre de la HV ou ne
4 l'est-il plus. Si l'individu en question a été démobilisé avant que l'on ne
5 dresse l'acte d'accusation, cela relève, à partir de ce moment-là, de la
6 compétence des tribunaux civils. Prenons un cas de figure.
7 Vous avez un meurtre qui a été commis. Au moment de la commission de
8 l'acte, l'auteur était un militaire, on diligente une enquête qui est menée
9 par le juge d'instruction militaire. A la fin de l'enquête, c'est le
10 procureur militaire qui est saisi du dossier, c'est lui qui dresse l'acte
11 d'accusation si l'auteur est un militaire. S'il ne l'est pas,
12 automatiquement, au moment où on dresse l'acte d'accusation, ce sont les
13 tribunaux civils qui sont saisis du dossier et c'est eux qui se chargent de
14 la poursuite et de prendre toutes les mesures qui s'imposent par la suite.
15 Q. Pour enchaîner là-dessus, si, à partir du moment où le juge
16 d'instruction militaire a terminé sa partie du travail, il y a transfert de
17 compétences vers les tribunaux civils, est-ce qu'à partir de ce moment-là,
18 les tribunaux civils doivent reprendre l'enquête à partir du début ou est-
19 ce qu'ils héritent du dossier du procureur militaire ?
20 R. Ils reprennent là où l'enquête s'est terminée. Donc si l'enquête a été
21 terminée, c'est le dossier entier qui est transmis au tribunal civil. On ne
22 reprend pas les différentes phases de la procédure, on n'y revient plus.
23 M. MISETIC : [interprétation] Madame la Greffière, 65 ter 1333, s'il vous
24 plaît.
25 Q. Juge Matulovic, c'est le décret qui a été rendu par le président
26 Tudjman, le 30 novembre 1992. Prenons l'article premier, sa dernière phrase
27 où il est dit :
28 "Après le premier paragraphe, on ajoute le paragraphe 2 :
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1 'A titre exceptionnel, si l'auteur d'actes au pénal, dans les dossiers
2 pénaux tels que visés dans les paragraphes 1 et 4, alinéa premier du
3 présent article, si le statut de personnes militaires n'existe plus avant
4 que l'acte d'accusation ne soit dressé, ce sera le tribunal civil municipal
5 ou de district qui sera saisi de l'affaire.'"
6 R. Oui, c'est justement ce que je vous ai dit. Donc indépendamment du
7 stade qu'a atteint la procédure, au moment où il y a changement de statut,
8 ce sont les tribunaux civils qui auront la compétence à partir de ce
9 moment-là.
10 M. MISETIC : [interprétation] Je demande le versement de la pièce 1333 sur
11 la liste 65 ter.
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1618.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1618 est versée au dossier.
16 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
17 Q. Au paragraphe 15 de votre déclaration, vous avez indiqué que le
18 tribunal militaire remet des rapports sur son travail au ministère de la
19 justice et à la Cour suprême de la République de Croatie. Pouvez-vous
20 expliquer à la Chambre de première instance s'il y avait un problème dans
21 le fonctionnement du système de rapports, est-ce que c'était le ministère
22 de la Justice qui devait revoir ce travail et qui devait proposer des
23 solutions pour le mauvais fonctionnement du système du tribunal militaire ?
24 R. Le ministère de la Justice fait partie de l'administration et est lié
25 par son devoir et doit fournir tout ce dont les tribunaux peuvent avoir
26 besoin afin de fonctionner normalement, de mener les procédures normales.
27 Donc il s'agit essentiellement du ministère de la Justice qui était
28 responsable du travail des tribunaux militaires et les tribunaux militaires
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1 envoyaient un rapport concernant les affaires qui avaient été traitées au
2 ministère de la Justice chaque fois où il n'y avait plus de règles de
3 prescription. Donc tout se faisait sous la surveillance et la tutelle du
4 ministère de la Justice.
5 Q. Je voudrais maintenant attirer l'attention sur le paragraphe 11 de
6 votre déclaration où il vous a été demandé :
7 "Si c'était possible qu'un commandant militaire puisse influencer le
8 travail d'un tribunal militaire, et si tel est le cas, de quelle façon ?"
9 Votre réponse avait été :
10 "En aucune façon un commandant militaire ne peut influencer le travail d'un
11 tribunal militaire."
12 Je voudrais maintenant vous montrer un document qui avait été versé au
13 dossier et qui vous a été envoyé. Si nous pouvions prendre le document
14 P2251, s'il vous plaît.
15 Il s'agit d'un exemple d'un rapport journalier qui était envoyé par le 72e
16 Bataillon de la police militaire en service, et qui fait la liste de tous
17 les événements, des crimes, des problèmes d'ordre disciplinaire.
18 Et si nous pouvions passer à l'avant-dernière page de ce document,
19 s'il vous plaît. Et vous pouvez voir qu'il a été, entre autres, au point 6,
20 remis au tribunal militaire du district militaire de Split. Et au point 7,
21 on peut voir qu'il a été également remis au bureau du procureur militaire.
22 Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, à votre sens, vous receviez un
23 exemplaire de ces rapports journaliers du service du 72e Bataillon de la
24 police militaire?
25 R. Je souhaiterais insister au début de la page, que nous ne voyons pas,
26 mais si vous regardez de plus près, vous verrez que ce rapport avait été
27 signé par le responsable de la police militaire, ce qui donne une réponse
28 et qui explique pourquoi est-ce qu'il devait être envoyé. Parce que la
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1 police militaire, tout comme la police civile, travaille 24 heures sur 24,
2 et le responsable doit envoyer le rapport à tous ceux dont le nom figure
3 ici. Et le rapport contient également un rapport sur les infractions en
4 matière de discipline militaire indiquant s'il s'agissait d'infractions
5 militaires ou du non-respect de la discipline militaire, et également des
6 informations sur les crimes commis qui auraient pu être commis pendant le
7 service, et également d'autres points. Pourquoi est-ce que cela était
8 envoyé au tribunal militaire du district militaire de Split, nous
9 demandions à ce que le 72e Bataillon de la police militaire nous le
10 remette, mais je souhaiterais indiquer que la raison pour laquelle cela
11 nous avait été demandé et qu'il nous avait été demandé de rédiger des
12 rapports comme celui-ci, c'est que le juge de permanence et le juge
13 d'instruction, le lendemain, lorsqu'ils remettaient le dossier à quelqu'un
14 d'autre, pouvaient ainsi donner un aperçu de ce qui s'est passé, et les
15 juges militaires étaient ainsi à même de contrôler le travail de la police
16 militaire et de s'assurer que les rapports étaient envoyés en bonne et due
17 forme et régulièrement au tribunal. Et si quelque chose devait se produire
18 dans leur juridiction, dans leur domaine de compétence, elle ne pouvait se
19 produire sans que le procureur ou le juge d'instruction ne soit au courant.
20 Q. Expliquez-nous alors, si quelque chose dans le rapport journalier
21 montrait qu'il y avait eu, par exemple, un crime, et que le juge de
22 permanence recevait une copie de ce rapport journalier et remarquait qu'il
23 n'avait pas été avisé avant cela qu'un tel crime avait été commis, quelles
24 étaient les démarches que pouvait entreprendre le tribunal militaire ou le
25 procureur militaire ?
26 R. Pour ce qui est des démarches qu'il devait suivre si un crime venait à
27 être commis - et je parle de façon générale - le procureur militaire était
28 responsable. Dans notre système, le juge militaire ou le tribunal militaire
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1 ne peuvent rien faire de leur propre initiative parce que les procédures
2 doivent être lancées et doivent être menées par le procureur militaire.
3 S'il y avait eu omission dans le rapport, alors nous informions le
4 commandant du 72e Bataillon et également les plus hauts gradés de la police
5 militaire, parce que la personne qui était responsable de l'équipe devait
6 gérer cela. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu de problèmes similaires au
7 tribunal militaire de Split.
8 Q. Bien. Au numéro 2, vous verrez que ce document est également remis au
9 commandant du district militaire de Split, et au point 3, au commandant de
10 la garnison de Split. Est-ce que vous saviez -- ou est-ce que le commandant
11 du district militaire de Split avait un rôle à jouer et pouvait contrôler
12 le travail de la police militaire concernant les activités criminelles ?
13 R. Il ne pouvait pas réellement jouer un rôle parce que la police
14 militaire était gérée par la police militaire. Et pour ce qui est de la
15 soumission de rapports, aux points 2 et 3, au commandant du district
16 militaire de Split et de la garnison de Split, la réponse figure déjà dans
17 celle que je vous ai faite un petit peu plus tôt, à savoir que le rapport,
18 si vous regardez les choses de plus près, faisait mention également de
19 toutes les violations à l'encontre de la discipline militaire, et il est
20 normal, dans le cadre de la hiérarchie du système militaire que le
21 commandant du district militaire de Split et également la garnison de Split
22 soient mis au courant de toute infraction sur le plan disciplinaire au sein
23 des unités. Et ils devaient être au courant de ce qui se produisait. Et
24 j'insiste sur le fait que les procédures disciplinaires militaires et les
25 procédures pénales, s'il fallait entreprendre des démarches, n'avaient rien
26 à voir l'une avec l'autre. Il s'agissait de procédures totalement séparées.
27 Q. Permettez-moi de vous poser la question en tant que président du
28 tribunal militaire de Split, et sur toute cette période, est-ce que le
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1 général Gotovina, à votre connaissance, avait la possibilité d'influencer
2 le système de justice pénale militaire depuis le moment de l'enquête
3 jusqu'au prononcé du jugement ?
4 R. Si l'on tient compte de l'application de la Loi sur les procédures
5 pénales selon lesquelles les tribunaux militaires et civils avaient
6 compétence, M. Gotovina, en tant que commandant, n'avait absolument aucune
7 compétence dans les procédures pour influencer le travail d'un tribunal
8 militaire ou d'influencer le bureau du procureur militaire. Et permettez-
9 moi d'ajouter qu'au cours de ces cinq années, je n'ai personnellement
10 jamais entendu dire qu'il ait appelé quelqu'un ou quelqu'un l'ait appelé
11 s'il s'agissait d'une affaire qui était de la compétence de la cour.
12 Q. Les cinq années auxquelles vous faites référence sont les cinq années
13 pendant lesquelles vous étiez au tribunal militaire de Split ?
14 R. Oui. Oui, jusqu'au 6 décembre 1996.
15 Q. Je voudrais attirer votre attention sur une réunion qui s'est tenue au
16 ministère de la Défense en octobre 1995, et je voudrais que nous passions
17 au document 1D2784 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.
18 M. MISETIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, on vient
19 de me dire que je devrais demander l'autorisation d'ajouter cette pièce à
20 la liste du 65 ter.
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorisation vous est accordée.
23 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Il s'agit là d'une invitation qui a été envoyée à différentes
25 personnes, y compris tous les présidents du tribunal militaire et qui porte
26 sur une séance de travail qui devait se tenir le 19 octobre 1995 à 11
27 heures du matin au ministère de la Défense. Et les sujets qui devaient être
28 abordés étaient les problèmes que connaissaient les tribunaux militaires et
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1 le bureau des procureurs militaires dans leur travail concernant les
2 obligations juridiques du ministère de la Défense et de l'armée croate, en
3 particulier après les opérations Éclair et Tempête. Et le deuxième point
4 concernait des suggestions et des demandes des tribunaux militaires et des
5 bureaux du procureur militaire de l'Etat. Il y avait également deux autres
6 points.
7 Est-ce que vous vous souvenez avoir reçu cette invitation pour
8 assister à cette réunion le 19 octobre 1995 ?
9 R. Oui. Je me souviens avoir reçu cette invitation et avoir assisté
10 à cette réunion. Comme vous pouvez le voir, cette invitation avait été
11 envoyée au ministère de la Défense, et le ministre adjoint qui était à
12 l'époque M. Juras était responsable.
13 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé à
14 ce que cette pièce reçoive une cote et qu'elle soit versée au dossier.
15 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1619, Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D1619 est versée au dossier.
19 M. MISETIC : [interprétation] Merci.
20 Madame la Greffière, si nous pouvions avoir le document 4656 de la liste 65
21 ter, s'il vous plaît.
22 Q. Ce document est en date du 20 octobre 1995 et il avait été envoyé par
23 le ministère de la Défense à tous les présidents du tribunal militaire,
24 entre autres également.
25 Donc si nous tournons la page du document dans la version anglaise,
26 s'il vous plaît. Il s'agit de la page de couverture qui donne les
27 conclusions auxquelles ils sont arrivés lors de cette séance de travail le
28 19 octobre 1995. Si nous pouvions maintenant passer aux conclusions mêmes,
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1 à savoir le 1D2785 de la liste du 65 ter, s'il vous plaît.
2 On me dit également que je dois demander l'autorisation pour verser ce
3 document sur la liste du 65 ter. Là encore, il s'agit du document 1D2785 de
4 la liste 65 ter.
5 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorisation vous est accordée.
7 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. Le rapport -- et vous dites que vous avez assisté à la réunion. Le
9 rapport dit ce sont les conclusions de la réunion, et la première
10 conclusion est la suivante :
11 "Les participants, à l'unanimité, ont conclu que les travaux du
12 tribunal militaire et du bureau du procureur militaire ont contribué de
13 façon efficace au fonctionnement et à la protection de l'état de droit de
14 la République de Croatie."
15 Et si nous descendons au point 8 de ce document, il est dit également
16 que :
17 "Les participants à cette séance de travail ont unanimement conclu
18 que l'état basé sur la loi avait fonctionné effectivement et efficacement
19 dans la zone libérée de la République de Croatie lors des opérations Eclair
20 et Tempête, et les accusations de facteurs internes et externes
21 malintentionnés contre l'Etat croate et l'armée croate sont non fondées
22 dans la mesure où les instances compétentes des autorités avaient rempli
23 leurs obligations légales en temps voulu et de façon efficace."
24 Pouvez-vous nous expliquer ce que l'on entendait dans ces conclusions
25 ? En d'autres termes, est-ce que vous pouvez expliquer au Tribunal quelle
26 était l'opinion des participants à cette réunion concernant l'efficacité de
27 ce système de justice militaire pénale après l'opération Tempête jusqu'au
28 moment de cette réunion ?
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1 R. Comme vous pouvez le voir à la première page de ces conclusions,
2 il y est dit qu'après la tenue de cette réunion, les conclusions ont été
3 rédigées par l'administration des affaires juridiques, et je peux
4 interpréter ces conclusions données ici. Comme je les ai comprises, c'est
5 par la suite que j'ai constaté qu'il en était bien ainsi. Vous savez que
6 les responsabilités du tribunal militaire englobaient également les crimes
7 relevant de l'article 20 du code pénal, et il s'agit là de crimes relatifs
8 à la protection d'installations concernant la République de Croatie, tout
9 ce qui concernait son intégrité territoriale et tout ce qui était lié à
10 cela. Donc les tribunaux militaires avaient compétence sur ces crimes, et
11 il s'agissait par exemple de rébellions armées, de sabotage, d'opérations
12 terroristes, et tout ce qui était du même acabit, tout ce qui pouvait aller
13 à l'encontre de l'intégrité et mettre en danger l'intégrité de la
14 République de Croatie.
15 Après ces opérations Eclair et Tempête, le bureau du procureur militaire et
16 les tribunaux militaires ont travaillé de leur mieux. Les prisonniers ont
17 été traduits devant les tribunaux dans les régions où ils avaient été
18 arrêtés, et les procédures ont été menées rapidement. Et de façon générale,
19 cela a commencé par un interrogatoire de ces personnes, puis par toute la
20 période d'instruction et enfin, un acte d'accusation a été dressé.
21 J'en profite pour insister, et ceci est extrêmement important, que
22 dans le cas de ces crimes, si des procédures étaient menées concernant les
23 prisonniers, comme je l'ai dit, aucune affaire qui était de la compétence
24 du tribunal militaire à Split ne se relevait être problématique. Qu'est-ce
25 que j'entends par là ? J'entends par là qu'il n'y a pas eu un seul
26 prisonnier qui était maltraité de quelque façon que ce soit. Les procédures
27 ont été menées conformément à la Loi sur les procédures pénales et
28 conformément au code pénal. Il s'agissait là de la base utilisée pour mener
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1 ces procédures, et il y a eu beaucoup d'affaires de ce type parce que nous
2 avions un grand nombre de prisonniers. Et je pense de ce fait que les
3 conclusions qui ont été rédigées par l'administration des affaires
4 juridiques étaient bien rédigées et qu'en fait, cet état basé sur la loi
5 était extrêmement efficace dans les territoires nouvellement libérés de la
6 République de Croatie.
7 Q. Concernant les crimes qui avaient été commis après l'opération
8 Tempête par des membres de la HV, quelle était la conclusion des
9 participants à la réunion concernant l'efficacité de ce système de justice
10 pénale militaire dans la poursuite des membres de la HV qui avaient commis
11 un crime après l'opération Tempête ?
12 R. Bien, je pense que le point 8 des conclusions concerne également
13 les membres de la HV; en d'autres termes, toutes les procédures et les
14 démarches qui ont été entremises.
15 Q. Vous souvenez-vous de cas où les participants à la réunion, qu'il
16 s'agisse de tribunal militaire ou du bureau du procureur militaire ou un
17 autre participant à la réunion ait laissé entendre que des commandants
18 militaires devaient entreprendre des actions pour empêcher les crimes parce
19 que le système de justice pénale était incapable de faire face de façon
20 efficace à ce problème ?
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une
22 question directrice.
23 M. MISETIC : [interprétation] Je ne pense pas que la réponse soit contenue
24 dans la question, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous reformuler votre question.
26 M. MISETIC : [interprétation] Bien sûr.
27 Q. Y a-t-il eu des discussions lors de cette réunion du 19 concernant des
28 problèmes dans le fonctionnement du système de justice pénale militaire et
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1 qui auraient demandé à être traités ou à être gérés par des commandants
2 militaires ?
3 Permettez-moi de reformuler ma question. Nous allons d'abord --
4 R. Je peux répondre. Donc j'ai compris votre question. Si vous souhaitez
5 que je réponde, je suis prêt à le faire.
6 Q. Je vous en prie.
7 R. Ceci peut être lié à une chose dont j'ai déjà parlé, à savoir que les
8 commandants militaires ou toute personne au sein du système de défense ne
9 pouvait contrôler, ni n'avait la compétence pour influencer les travaux des
10 tribunaux militaires et des bureaux de procureurs militaires. S'il y avait
11 des problèmes - et j'insiste sur le "si", je ne dis pas qu'il y avait des
12 problèmes - mais s'il y avait eu des problèmes de discipline au sein des
13 unités, c'était une question d'ordre interne qui devait être gérée par les
14 commandants des unités. Et ceci se gérait au niveau du ministère de la
15 Défense des unités et de leurs commandants. Donc que les commandants aient
16 été satisfaits ou mécontents de ce qui était fait, c'est quelque chose qui
17 n'a pas fait l'objet de discussion lors de cette réunion, autant que je
18 puisse m'en souvenir parce que nous avons essentiellement parlé de crimes
19 et de délits d'ordre pénal. Et ceci était important sur le plan
20 international et national parce que tous deux surveillaient de très près de
21 ces tribunaux et les bureaux du procureur dans les diverses instances.
22 Q. Si nous pouvions maintenant passer au paragraphe 7 des conclusions de
23 cette réunion. Si nous pouvions revenir en arrière, à la page précédente
24 dans la version anglaise.
25 Il s'agit du paragraphe 7 à l'écran, Monsieur le Juge. Il est dit que l'une
26 des conclusions était la suivante :
27 "Le ministère de la Défense engagera toutes les unités, l'état-major
28 principal et les commandants des districts militaires à répondre aux
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1 requêtes de la cour en temps voulu. Il en va de même également concernant
2 les soumissions d'éléments de preuve nécessaires dans des affaires
3 particulières. Le MUP devra également apporter toute l'aide nécessaire
4 concernant la soumission de ces éléments de preuve."
5 Pouvez-vous expliquer au Tribunal à quoi ces conclusions font référence ?
6 De quoi s'agissait-il ?
7 R. Ces conclusions concernaient les travaux de la police militaire qui
8 devaient être actualisés au maximum car cela faisait partie de la
9 juridiction des tribunaux militaires. Lorsque l'on mène des enquêtes
10 complexes, en dehors du procès-verbal qui doit être rédigé, il faut
11 également relever des traces, des traces de sang, d'urine, et cetera, et il
12 y a beaucoup d'activités qui doivent être entreprises et qui sont
13 extrêmement importantes pour les travaux ultérieurs de la cour dans les
14 procédures d'enquête et d'instruction et nous souhaitions que cela soit à
15 jour autant que faire se peut. Et si les analyses devaient être faites dans
16 les cinq jours, il ne fallait pas attendre 15 jours pour obtenir les
17 résultats et ceci concernait essentiellement ce genre de coopération.
18 Q. A votre connaissance, y avait-il un problème jusqu'à cette réunion, au
19 niveau de la coopération avec l'état-major principal ou le commandement des
20 régions militaires, en matière de coopération dans les affaires criminelles
21 ?
22 R. Autant que je puisse m'en souvenir, la coopération était assez bonne.
23 Il n'y avait pas de problème important sur le plan des travaux du tribunal.
24 Peut-être à un moment donné, simplement parce que les unités étaient sur le
25 front, nous avons eu quelques problèmes mineurs concernant les injonctions
26 à comparaître qui devaient être remises et ces injonctions devaient être
27 remises au personnel militaire, comme au personnel de la police et ne
28 comportaient pas uniquement un nom et un prénom, mais simplement le nom de
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1 l'unité. Et que se passait-il ? L'unité était sur le terrain et il y avait
2 une personne de l'unité qui était responsable de la réception du courrier,
3 comme c'est le cas actuellement au sein de la police et de l'armée, et
4 cette personne était la seule et unique pouvant signer les récépissés de
5 documents. Et cette personne, à l'époque, n'avait pas beaucoup d'expérience
6 en la matière et il a pu se produire que sur l'injonction à comparaître, il
7 ait été écrit que telle ou telle personne était au front et cette
8 injonction à comparaître était renvoyée au tribunal. Le tribunal, ensuite,
9 se penchait là-dessus pour voir quel était le problème. Mais c'est quelque
10 chose que nous arrivions à résoudre de façon très efficace et très
11 rapidement et nous pouvions ainsi résoudre tous les problèmes. Donc ce
12 n'était pas un problème important que l'on pouvait interpréter comme étant
13 un désir de faire obstruction, mais c'était simplement dû à un manque
14 d'expérience de la part de la personne qui était responsable de cela.
15 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais verser le
16 document 4656 de la liste 65 ter et le 1D2785 de la liste 65 ter.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièces D1620 et D1621, Monsieur le
20 Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces deux pièces sont versées au dossier
22 comme éléments de preuve.
23 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Vous avez déjà parlé, Monsieur le Juge, du fait que votre juridiction
25 s'occupait de prisonniers -- excusez-moi, je souhaiterais vous montrer un
26 document sur cette question.
27 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande
28 l'autorisation d'ajouter à la liste 65 ter un document à notre liste de
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1 pièces.
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorisation vous est donnée.
4 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Madame la Greffière, si vous pouviez présenter à l'écran, s'il vous plaît,
6 le 1D2786 de la liste 65 ter.
7 Q. C'est une ordonnance rendue par un juge militaire le 8 août. Est-ce que
8 vous connaissez le juge Bosko Jurisic ?
9 R. Oui. Il était l'un des juges, à l'origine.
10 Q. C'est donc une ordonnance qui indique que -- non, pardon, c'est une
11 commission, une demande parce qu'elle dit --
12 R. Ce n'est pas effectivement une ordonnance. C'est une lettre.
13 Q. C'est une lettre qui demande en ce qui concerne des prisonniers, où ils
14 devraient être détenus, dans quelle prison; c'est bien cela ? A quel
15 endroit ?
16 R. Ceci a à voir avec des personnes qui avaient été arrêtées dans le cadre
17 de l'opération Tempête. Est-ce que je peux lire le document ?
18 Q. Je voudrais vous demander --
19 R. Il y a tous ceux qui avaient été arrêtés et contre lesquels une
20 décision avait déjà été prise de les mettre en détention et contre lesquels
21 un mandat avait été décerné portant qu'ils devaient être présentés au
22 tribunal de district de Zadar, indépendamment du fait de savoir si le
23 mandat demandait qu'ils soient également mis en détention dans d'autres
24 tribunaux de district et ainsi de suite. Donc c'est quelque chose qui est
25 rédigé par le juge militaire, Bosko Jurisic, après l'opération Tempête. Et
26 la seule raison pour laquelle de tels ordres sont dressés, c'est pour
27 accélérer la procédure autant que possible, c'est-à-dire pour réduire
28 autant que possible la possibilité pour que ces personnes qui étaient des
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1 prisonniers se retrouvent dans des situations difficiles, y compris les
2 problèmes de transport sur des distances de quelque 200 kilomètres, de
3 sorte qu'ils devaient être emmenés à la prison qui était la plus proche de
4 l'endroit où ils avaient été arrêtés. Et c'est de là que les procédures
5 devaient se dérouler. Tout ceci était fait de façon à accélérer les
6 procédures.
7 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que la
8 pièce 1D2786 de la liste 65 ter reçoive une cote, et je la présente pour
9 dépôt au dossier.
10 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
12 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce D1622, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1622 est admise au dossier
14 comme élément de preuve.
15 Monsieur Matulovic, je voudrais vous poser une question. Lorsque Me Misetic
16 vous a dit, Ceci est une ordonnance, vous l'avez immédiatement corrigé en
17 lui disant que c'était une lettre et non pas une ordonnance. Néanmoins, dix
18 lignes plus bas environ, vous avez dit que de tels ordres ou ordonnances
19 étaient donnés pour tel et tel objet. Et maintenant, je voudrais savoir si
20 cette lettre contient un ordre ou une instruction qui doit être suivi par
21 le destinataire ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous n'avez probablement pas bien entendu
23 lorsque j'ai dit que ça n'était pas une ordonnance ou un ordre, parce qu'un
24 ordre implique que quelqu'un reçoit un ordre. Ici, c'est un mémorandum qui
25 contient des instructions, donc ce sont deux notions différentes. Le juge
26 en l'espèce donne des instructions aux destinataires de procéder de telle
27 manière, dans toute la mesure du possible, et l'un des motifs pour lesquels
28 il voulait que ce soit fait de telle manière était parce que la prison de
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1 Split avait trop de prisonniers. Donc c'était là une solution pratique qui
2 était proposée. Là encore, ce n'était pas un ordre ou une ordonnance. Il
3 s'agit d'une instruction qui est donnée sous la forme d'une lettre ou d'un
4 mémorandum.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je pense -- enfin j'ai
6 remarqué que dans votre réponse, à moins qu'il y ait un problème
7 d'interprétation ou de traduction, la première chose que j'ai dit c'est que
8 vous avez corrigé M. Misetic quand il a utilisé le mot "ordre" ou
9 "ordonnance". Vous avez dit c'est une lettre.
10 Maintenant, est-ce que ceux qui étaient destinataires de cette lettre ou de
11 ces instructions avaient l'obligation de suivre ce qui était dit ou est-ce
12 qu'ils pouvaient dire, Nous avons essayé de faire les choses d'une autre
13 manière ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Si les conditions n'étaient pas réunies pour
15 permettre de faire ce qui était demandé dans cette lettre, et s'ils
16 n'agissaient pas conformément à ce qui était dit dans cette lettre, ils
17 devaient informer le juge du fait qu'ils n'avaient pas été en mesure de
18 suivre ses instructions, de sorte que des mesures puissent être prises afin
19 que les prisonniers puissent être emmenés ailleurs.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les conditions voulues étaient
21 réunies, est-ce que les destinataires avaient l'obligation de suivre les
22 instructions données ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Très probablement, le juge a rédigé ceci après
24 avoir consulté les personnes compétentes, premièrement dans la prison de
25 Zadar, puis les personnes compétentes, comme vous pouvez le voir, à la
26 police de Zadar-Knin, à l'administration, ce qui veut dire qu'un accord
27 avait déjà été arrangé et conclu, parce que pour toute mesure prise, il
28 fallait qu'il y ait une trace écrite dans le dossier. C'est la raison pour
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1 laquelle le juge a fait ceci, de sorte que quelqu'un, par la suite, ne
2 puisse pas dire, Pourquoi est-ce que ces personnes ont été transférées ici
3 et pas là, et ainsi de suite. Donc il était nécessaire d'avoir une trace
4 écrite afin que ces procédures puissent se poursuivre dès que possible.
5 Comme vous pouvez le voir, il y avait déjà des décisions qui avaient été
6 prises pour ce qui était de garder ces personnes en détention. Il y avait
7 eu des mandats qui avaient été décernés. Et basé sur les instructions
8 données par ce juge et avec l'acquiescement de la police de Zadar-Split,
9 ces personnes ont été emmenées à Zadar.
10 Nous avons eu des situations analogues par le passé où après certaines
11 opérations nous avons eu un grand nombre de prisonniers, de sorte que les
12 prisons, en plus des détenus qui s'y trouvaient déjà et des obligations
13 qu'ils avaient, ne pouvaient plus recevoir un nombre important de personnes
14 en plus. Et puisque tout ça --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en train de dépenser beaucoup
16 de temps sur ce qui, en pratique, pourrait s'opposer à ce qu'il valait
17 mieux faire de telle ou telle manière.
18 Ma question était une question différente. Ma question était : voici une
19 lettre qui est envoyée par le tribunal militaire de Split disant à
20 l'administration de Zadar-Knin ce qu'ils doivent faire avec leurs
21 prisonniers, tout au moins --
22 M. MISETIC : [interprétation] Peut-être que je pourrais présenter un
23 document qui pourrait éclaircir la situation.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors nous allons attendre et nous
25 verrons, mais je remarque que les réponses du témoin ne sont pas très
26 centrées sur la question que j'ai posée.
27 Veuillez poursuivre.
28 M. MISETIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur le Juge, allons-y pas à pas. Les personnes qui se trouvent en
2 détention, qui sont gardées par le MUP à ce moment-là, la question est de
3 savoir qui a formulé les accusations d'infractions pénales ? En d'autres
4 termes, quelle juridiction a commencé une instance au pénal pour des actes
5 contre la République de Croatie, est-ce que c'est le tribunal militaire ou
6 est-ce que c'est le tribunal civil ?
7 R. Le procureur militaire. Il s'agissait là de crimes ou d'infractions que
8 j'ai décrites plus tôt, relevant du chapitre 20 du code pénal.
9 Q. Donc dans cette situation, les personnes pour lesquelles un acte
10 d'accusation avait été lancé par le procureur militaire pour des
11 infractions ou crimes contre la Croatie auraient pu avoir été détenues par
12 le MUP, n'est-ce pas ? Et le juge donne des instructions sur ce qu'il faut
13 faire de ces personnes qui dépendent de lui, de son ressort, n'est-ce pas ?
14 R. Ils pouvaient se trouver dans le ressort du MUP et sous sa compétence,
15 mais la loi précise très nettement pour quelle durée. Et à ce moment-là, je
16 pense que la durée maximum était de 48 heures. Il est nécessaire de
17 regarder la disposition précise qui s'applique dans les procédures pénales
18 en ce qui concerne la période exacte pendant laquelle, à la suite de leur
19 arrestation, ils devaient être présentés à un juge d'instruction pour être
20 interrogés pour la suite de la procédure, c'est-à-dire que le MUP n'était
21 pas compétent pour décider de son propre chef combien de temps ils
22 pouvaient quelqu'un en détention. Ce sont là des dispositions extrêmement
23 précises à ce sujet.
24 Quant à cette lettre ou ce mémorandum, je n'arrive pas à voir -- ou plus
25 exactement, je peux voir seulement qu'il s'agit d'une décision visant à
26 mettre ces personnes en détention et qu'il y a également un mandat, et très
27 probablement, après ça, il y a eu une enquête, et ensuite encore, une
28 inculpation ou accusation.
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1 Q. Jetons un coup d'œil maintenant sur un autre document sur la question,
2 à savoir le 5277 de la liste 65 ter, Madame la Greffière.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis un petit peu dans la confusion
4 en ce qui concerne la dernière réponse. Vous avez dit, Quant à cette
5 lettre, je vois seulement qu'il s'agit d'une décision de mettre ces
6 personnes en détention et qu'il y avait également un mandat, et très
7 probablement, après cela, a suivi une enquête, et plus tard encore, une
8 inculpation ou accusation.
9 Est-ce que l'on pourrait voir à l'écran ce document, s'il vous plaît. Le
10 document précédent.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas besoin de ce document. J'ai
12 compris votre question, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, un instant, s'il vous plaît.
14 Parce que le document commence par ceci :
15 "Nous vous informons du fait que tous les accusés contre lesquels des
16 poursuites pénales ont été engagées pour des…"
17 Est-ce que ceci veut dire -- vous avez parlé de charges du chef
18 d'accusation de caractère pénal qui ont été engagées. S'agit-il de quelque
19 chose de différent du fait d'être accusé ou inculpé ? Là aussi, la
20 rédaction en anglais parle de "accusé", et parfois la distinction est faite
21 entre les personnes qui sont soupçonnées, les suspects, et les personnes
22 qui sont accusées. Ensuite, on lit plus loin que des poursuites ou une
23 instance au pénal a été engagée pour des infractions de caractère pénal.
24 Par conséquent, je voudrais essayer de comprendre et de concilier le fait
25 qu'il faut d'abord qu'une enquête ait lieu, et je ne comprends pas
26 pleinement cela, et je ne vois pas pourquoi il y a cette terminologie de
27 "accusé" par rapport à quelqu'un sur lequel des poursuites pénales ont été
28 engagées. Il faut que je comprenne comment tout ceci s'articule.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je vais revenir maintenant sur un certain
2 nombre de points et vous expliquer certains termes de la loi ou du droit
3 croate en matière de procédure pénale. Ceci pourrait peut-être éclaircir le
4 problème pour vous.
5 Dans la Loi concernant la procédure pénale, nous avons un terme qui
6 est le terme "suspect", il s'agit d'une personne qui est soupçonnée d'avoir
7 commis une infraction de caractère pénal. Et ensuite nous avons un autre
8 terme, le terme "accusé" et également le terme "inculpé". Et ensuite à la
9 fin de cette disposition, il est dit qu'un accusé relève de la disposition
10 juridique selon laquelle une personne est soupçonnée d'avoir commis une
11 infraction de caractère pénal, tandis que "inculpé" c'est une personne
12 contre laquelle une accusation a été lancée, et cette accusation a un
13 caractère final. Le mot "accusé" peut désigner une personne contre laquelle
14 une inculpation a été lancée, mais peut-être que cette inculpation n'est
15 pas définitive encore.
16 Je ne peux pas commenter cette lettre qui émane d'un de mes
17 collègues, parce qu'en l'espèce je pense qu'il y avait des accusés contre
18 lesquels un acte d'accusation avait été lancé, mais comme vous pouvez le
19 voir ensuite dans le texte, cet acte d'accusation n'a pas un caractère
20 définitif parce qu'il y a une décision qui est de les placer en détention
21 et il y a également un mandat qui est décerné.
22 Donc il peut y avoir détention dans une phase préalable à un procès,
23 dans des procédures préliminaires, mais à ce moment-là peut-être que la
24 personne ne peut être trouvée et n'est pas disponible pour comparaître
25 devant une juridiction. Et dans ce cas-là -- j'ai besoin de voir la liste,
26 mais peut-être que ce n'est pas essentiel, parmi ces personnes il y a ceux
27 qui se trouvaient en prison, et ceux qui faisaient peut-être l'objet d'une
28 enquête et qui n'étaient pas disponibles à ce moment-là.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je vous comprends bien, vous dites
2 que bien que votre réponse initialement était que c'était seulement
3 qu'après qu'une enquête était diligentée, par la suite, un acte
4 d'accusation serait lancé. Vous n'excluez pas la possibilité sur la base de
5 la terminologie employée que ceci puisse également s'appliquer à des
6 personnes ayant déjà fait l'objet d'une inculpation ou d'une accusation,
7 mais que peut-être l'acte n'avait pas encore reçu sa forme définitive, et
8 que les personnes en question pouvaient être encore en fuite, ou en tout
9 les cas contumaces. Je vous remercie de ces éclaircissements.
10 Veuillez poursuivre.
11 M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
12 On me signale que le document suivant que j'ai demandé, ça devrait être la
13 pièce P909.
14 Q. Il s'agit là d'un rapport du ministère de l'Intérieur daté du 21 août
15 1995 concernant la situation et le traitement -- non, excusez-moi. L'objet
16 c'est : "Rapport final sur le traitement de prisonniers de guerre dans les
17 centres de réception pour les prisonniers de guerre." Et je tourne la page
18 et je veux savoir si le comité international de la Croix-Rouge a eu accès à
19 des personnes, des prisonniers de guerre, pour autant que vous le sachiez,
20 y compris des personnes qui étaient détenues là sous la compétence du
21 tribunal militaire ?
22 R. Nous avions des visites régulièrement de représentants de la Croix-
23 Rouge, je veux dire de leur comité principal de Genève, qui régulièrement
24 venaient rendre visite à tous les prisonniers de guerre qui se trouvaient
25 dans le ressort et sous la compétence de la juridiction militaire à Split
26 et où étaient toutes les prisons, à Sibenik, Zadar et Dubrovnik. Ces
27 personnes à qui elles rendaient visite notamment avaient également le droit
28 d'écrire des lettres sur des cartes qui leur était fournies.
Page 20505
1 Q. Excusez-moi, je voudrais simplement vous poser une question
2 supplémentaire. Est-ce que la Croix-Rouge a jamais exprimé des
3 préoccupations concernant le traitement des prisonniers qui étaient détenus
4 dans le ressort de la juridiction militaire de Split ?
5 R. Non, jamais. Je sais qu'à la suite de leur demande, chaque fois qu'ils
6 venaient pour nous remercier de leur avoir permis d'effectuer une visite,
7 nous montrions ces lettres qui étaient adressées à des parents, à des
8 familles. Nous ne voulions pas lire ces lettres, parce que nous pensions
9 que c'était des questions privées, que tout un chacun leur écrivait, mais à
10 l'occasion, on regardait certaines des lettres qui étaient écrites par ces
11 prisonniers, et ils ne se sont jamais plaints dans ces lettres d'avoir
12 jamais été maltraités, que ce soit au moment de leur arrestation ou alors
13 qu'ils étaient en prison.
14 Q. Je voudrais maintenant appeler votre attention au paragraphe 1.5, qui
15 figure à la page 2 du texte anglais, et je pense que ça doit être la page
16 suivante pour la version croate.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, la réponse précédente
18 continue de me poser des problèmes.
19 Qui devait montrer des lettres qu'apparemment des prisonniers
20 envoyaient à leurs parents, qui montrait ces lettres ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Des représentants de la Croix-Rouge qui
22 venaient effectuer des visites informaient le tribunal de ce qu'ils avaient
23 fait. C'était eux qui informaient le tribunal. Ils en informeraient la
24 Chambre.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'ils avaient des
26 copies de ces lettres envoyées par les prisonniers ? Vous avez dit que :
27 "Si, à la suite de leur demande, chaque fois qu'ils venaient nous remercier
28 pour leur avoir permis d'effectuer une visite, on montrait ces lettres qui
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1 étaient adressées à leurs parents," et à ce que je comprends, c'est ce que
2 vous confirmez, à savoir que la Croix-Rouge montrait les lettres dont vous
3 avez dit que vous ne souhaitiez pas les lire, mais de temps à autre vous le
4 faisiez. De façon occasionnelle avez-vous dit :
5 "Nous regardions certaines des lettres écrites par ces prisonniers, et ils
6 ne se sont jamais plaints dans ces lettres d'avoir été maltraités," ce qui
7 suggère que vous les avez lues tout au moins de façon occasionnelle.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire que même aujourd'hui, lorsqu'il
9 s'agit de prisonniers qui écrivent des lettres à des parents ou qui que ce
10 soit d'autre, le tribunal a l'obligation de lire ces lettres avant de
11 donner accord, parce qu'il est interdit d'écrire dans les lettres quelque
12 chose qui concerne l'évolution de la procédure ou qui peut offenser le
13 tribunal, ou quoi que ce soit de cette nature. C'est la raison pour
14 laquelle la Croix-Rouge nous donnait cette lettre, et dans certains cas de
15 personnes qui étaient jugées pour certaines infractions graves contre la
16 République de Croatie, nous examinions ces lettres pour voir si une
17 personne faisait un commentaire concernant la façon dont fonctionnait les
18 tribunaux, s'ils écrivaient dans cette lettre quelque chose qu'ils
19 n'auraient pas dû y écrire. C'était la seule raison. Et comme je l'ai dit,
20 ceci se fait encore aujourd'hui pour s'assurer qu'il n'y a rien dans ces
21 lettres qui soit interdit.
22 Excusez-moi. On ne conservait jamais des copies de ces lettres dans
23 les dossiers du tribunal.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer maintenant de comprendre
25 ce que vous venez de dire dans votre déposition.
26 Alors qu'initialement vous avez dit que vous ne souhaitiez pas lire ces
27 lettres et que ce n'était que de façon occasionnelle que vous y jetteriez
28 un coup d'œil à certaines d'entre elles, ceci -- mais je ne suis pas en
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1 train de critiquer en aucune manière. Ceci était le contrôle ordinaire
2 d'une correspondance de prison que nous trouvons. Donc je vous ai posé la
3 question de savoir si vous aviez lu ou si vous lisiez, et vous avez plus ou
4 moins dit que la Croix-Rouge donnait ces lettres et que vous y jetiez un
5 coup d'œil. Maintenant, tout ceci, dans une réponse à la question de savoir
6 si la Croix-Rouge ne s'est jamais plainte concernant le traitement des
7 intéressés, parce que telle était la question qui vous a été posée par Me
8 Misetic, à savoir si la Croix-Rouge avait eu des problèmes. Votre réponse
9 s'est centrée intégralement sur ce que vous avez vu dans des lettres
10 concernant ce que les prisonniers, sachant qu'il y aurait, j'allais dire,
11 une sorte de censure normale dans des situations de détention, qu'il y
12 aurait des gens pour les lire. Mais savoir si la Croix-Rouge ne s'est
13 jamais plainte ou avait des commentaires à faire, cette question n'a jamais
14 été posée.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois avoir souligné qu'au début, nous
16 n'avons jamais eu de plaintes d'aucun prisonnier. Je dois faire remarquer
17 que dans ces lettres, s'ils ne voulaient pas écrire quelque chose à
18 quelqu'un, ils pouvaient écrire une sorte de plainte et je ne la verrais
19 jamais. Donc il n'y a jamais eu de plaintes, que ce soit prononcé
20 verbalement, pour ce qui est de la Croix-Rouge ou dans ces lettres, parce
21 que la Croix-Rouge aurait eu l'obligation de nous informer de cela.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre réponse a commencé par dire qu'il
23 n'y a jamais eu d'inquiétude exprimée par la Croix-Rouge, de sorte que
24 c'était les deux premiers mots, "non, jamais," et ensuite vous avez
25 expliqué ceci en vous référant exclusivement aux lettres que vous aviez
26 vues et qui vous avaient été données par la Croix-Rouge. Mais je comprends
27 que la Croix-Rouge elle-même, indépendamment de ce qui se trouvait dans les
28 lettres, n'a jamais exprimé aucune préoccupation. Est-ce que j'ai bien
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1 compris ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il n'y a jamais eu d'inquiétude ou de
3 préoccupation exprimée, que ce soit par la Croix-Rouge ou dans les lettres.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
5 Veuillez poursuivre.
6 Maître Misetic, je regarde la pendule. Je ne sais pas --
7 premièrement, je ne sais pas de combien de temps vous allez avoir besoin.
8 Deuxièmement, je ne sais pas si c'est un bon moment ou si le moment sera
9 venu bientôt.
10 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore peut-être
11 15 minutes de plaidoirie.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais écoutez, c'est trop. Ce serait
13 peut-être maintenant le moment qui convient pour faire une suspension
14 d'audience.
15 M. MISETIC : [interprétation] Ça me convient très bien.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, Monsieur Matulovic, nous allons
17 suspendre l'audience et nous reprendrons à 11 heures moins 5. L'audience
18 est suspendue.
19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.
20 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, veuillez poursuivre.
22 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 Q. Monsieur Matulovic, je vous ai montré le paragraphe 1.5. Quelques dates
24 sont évoquées ici au sujet des déplacements qui ont été faits pour rendre
25 visite aux prisonniers de guerre, des visites effectuées par des employés
26 de la Croix-Rouge de Genève, donc les 7, 10, 11, 19 août. Est-ce que cela
27 correspond à vos souvenirs, quelle était la fréquence de ces déplacements
28 effectués par le CICR de Genève pour se rendre auprès des prisonniers ?
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1 R. Je ne pourrais pas me rappeler aujourd'hui de la fréquence de ces
2 visites. Ces entrées correspondent à la date du mois d'août 1995. Là, ils
3 se sont rendus souvent auprès de ces prisonniers, mais même avant
4 l'opération Tempête, il leur est arrivé de venir. Ce n'était pas aussi
5 fréquent, mais c'était régulier.
6 Q. Prenons à présent le paragraphe 2.3. C'est la page 3 en anglais, page 3
7 en croate. Nous voyons ici les paragraphes qui font état du nombre total
8 des prisonniers de guerre. Sur le nombre total de prisonniers de guerre au
9 centre de réception du MUP, quel a été le nombre de ceux qui ont été amenés
10 par le juge d'instruction au tribunal militaire de Split. Donc, au
11 paragraphe 2.3, il est dit :
12 "Sur le nombre total, à savoir 183 prisonniers de guerre qui ont été amenés
13 au centre de réception des prisonniers de guerre, suite à un dépôt de
14 plaintes au pénal, le juge d'instruction au tribunal militaire de Split
15 s'est vu amener en tout 81 prisonniers.
16 "Sur le nombre total de prisonniers qui ont été amenés au juge
17 d'instruction, 72 ont été signalés suite à un doute fondé d'avoir commis un
18 crime ou délit tel que prévu à l'article premier du code de procédure
19 pénal…"
20 Nous avons aussi différentes références qui sont faites aux prisonniers de
21 guerre plus loin dans ce document, prisonniers de guerre détenus par le MUP
22 et des références portant sur le transfert devant les tribunaux militaires.
23 Est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi ces prisonniers ont été
24 transférés du MUP au tribunal militaire ?
25 Par exemple, je vais vous montrer un paragraphe de plus de ce document,
26 page 6 en anglais, paragraphe 4.1. Nous avons ici un tableau qui a été
27 dessiné, nous avons une mention, Pupovac Rade, dans la première ligne, a
28 été transféré le 9 août 1995 au tribunal militaire. Pourquoi est-ce qu'il a
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1 été placé entre les mains du tribunal militaire, donc enlevé au MUP ?
2 Pourquoi n'est-il plus sous la garde du MUP ?
3 R. Cette question, j'y ai déjà répondu lorsque je suis venu déposer
4 précédemment. Le code de procédure pénal prévoit des délais très précis, et
5 sur la base de ces dispositions, il convient d'engager la procédure dans
6 des délais prévus contre les accusés. Donc ils sont traduits devant le juge
7 d'instruction pour la suite de la procédure. Je n'ai plus le chiffre, je
8 pense que c'était 183 ou 181, le nombre que l'on voyait au document. Cela
9 correspond tout à fait à la pratique d'aujourd'hui. Lorsque vous avez
10 quelqu'un qui est un suspect, mais le doute n'est pas confirmé, alors on
11 abandonne les poursuites. C'est la raison peut-être pour laquelle on voit
12 qu'il y a une telle réduction du nombre de personnes. Donc on a relâché un
13 grand nombre de personnes.
14 Et puis j'ai parlé aussi de la procédure pénale précédemment. Si vous
15 vous penchez plus en avant sur ces articles, vous verrez qu'il s'agit là
16 des actes qui relèvent de la compétence du tribunal militaire, atteinte à
17 l'intégrité territoriale et autres actes contre l'Etat.
18 Q. Changeons de sujet à présent, si vous voulez bien. Parlons des
19 individus d'appartenance serbe qui se sont trouvés dans le camp des Nations
20 Unies à Knin. Pourriez-vous nous dire quel a été le rôle que vous avez
21 joué, eu égard aux détenus placés au camp de Knin ? Et je précise qu'il
22 s'agit des mois d'août et de septembre 1995.
23 R. S'agissant des individus qui se sont trouvés dans ce centre de
24 rassemblement au sud, si mes souvenirs sont bons, il s'agissait là de
25 prisonniers de guerre, et parmi eux il y avait des civils qui étaient en
26 fait des personnes déplacées qui se sont mises à l'abri. Ici, tout
27 simplement, nous avons reçu des données les concernant et on a mis sur
28 pied, je ne dirais pas une commission, mais un groupe composé des agents de
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1 police, des représentants des services de Renseignement, du procureur et du
2 tribunal militaire et même du tribunal du comté de Split.
3 Pourquoi est-ce qu'on a voulu créer ce groupe ? Justement, nous avons déjà
4 parlé de cela. Nous avons vu ce mémo ou ces instructions, à savoir dans ce
5 centre de rassemblement - je ne pourrais pas l'appeler camp - on y a vu
6 arriver un certain nombre de personnes qui faisaient déjà l'objet de
7 poursuites au pénal, et le danger auquel on était confronté c'est que ces
8 personnes se mélangent aux civils qui ne faisaient l'objet d'aucune
9 poursuite, et qu'à partir d'un certain moment où ils auront quitté la
10 Croatie ou ils auront fait l'objet d'échanges, par exemple, ils échappent à
11 la justice croate. Donc nous avions nos listes de noms, de prénoms, vous le
12 voyez par exemple dans ce tableau. Et le seul objectif, la seule finalité,
13 à nos yeux, nous les représentants de la justice, c'était de sélectionner
14 ces gens, de les identifier et de les traduire devant la justice, devant
15 les tribunaux, par exemple du district, s'il s'agissait de quelqu'un qui
16 était accusé d'avoir commis des crimes de guerre.
17 Et je précise qu'un officier de haut rang de la FORPRONU, me semble-t-il un
18 Français, a assisté à ces échanges. Donc pour chaque individu que nous
19 sommes venus rechercher dans ce centre de rassemblement, nous lui avons
20 présenté son dossier, le dossier y afférant qui venait des archives du
21 tribunal de Split.
22 Donc récapitulons la procédure déjà engagée contre cette personne.
23 Parmi ces individus qui faisaient l'objet de poursuites et en particulier
24 s'il s'agissait de crimes graves, à savoir de crimes de guerre, si on avait
25 laissé un tel individu partir librement de ces camps, les citoyens croates
26 auraient été fondés de nous le reprocher, nous reprocher le fait que des
27 criminels circulent librement et que d'autre part, nous nous occupons à
28 poursuivre pour des crimes beaucoup moins graves. Donc c'était ça
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1 l'objectif exclusif de ma participation à cette réunion.
2 M. MISETIC : [interprétation] 65 ter 2441, à présent. Madame la Greffière,
3 est-ce qu'on peut afficher ce document.
4 Q. Nous avons là un mémo, Monsieur Matulovic --
5 R. Je ne le vois pas pour le moment. Si.
6 Q. Nous avons un mémo qui a été rédigé par M. Husein Al-Alfi. Il fait son
7 rapport sur une réunion à laquelle vous avez assisté avec M. Zhang, Z-h-a-
8 n-g, les 20 et 21 septembre 1995. Vous vous rappelez avoir été présent à
9 une telle réunion ?
10 R. Un instant, s'il vous plaît. Non.
11 M. MISETIC : [interprétation] Tournons la page, s'il vous plaît.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
13 M. MISETIC : [interprétation]
14 Q. Le mémo serait une trace d'une conversation qui aurait eu lieu. Je
15 voudrais vous montrer le paragraphe 2 et vous poser ma question là-dessus.
16 Prenons également cette page en anglais. Merci. Donc il est dit pour ce qui
17 est des 38 personnes qui se sont trouvées dans le camp du secteur sud et
18 qui étaient des suspects :
19 "Le tribunal militaire de Split est saisi d'un seul dossier sur les 38; il
20 s'agit de Zdravko Djuric."
21 Est-ce que vous pouvez nous préciser, s'il vous plaît, pourquoi seul un
22 dossier aurait été entre les mains du tribunal militaire de Split?
23 R. Si vous m'y autorisez, j'aimerais juste répondre à votre question
24 précédente.
25 Après l'opération Tempête, j'ai eu nombre de réunions avec des
26 représentants de toutes sortes d'organisations, organisations non
27 gouvernementales, gouvernementales, et cetera, donc je ne peux pas me
28 rappeler tout cela. Quant à ce que nous voyons s'afficher à présent à
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1 l'écran, il est possible que cet homme soit venu et que nous ayons eu des
2 entretiens. Je ne pense pas que le document ait été monté de toute pièce.
3 On dit que c'était en septembre 1995 ou plus tard. C'est possible. Il est
4 possible que même avant cela il y ait eu un échange ou qu'on ait gracié des
5 gens et que M. Zdravko Djuric ait fait l'objet de poursuites par la suite.
6 Mais peut-être que l'acte qui a été commis relève du chapitre 20 ou de
7 l'article premier de la Loi sur les activités subversives.
8 Un instant, s'il vous plaît.
9 Mais justement, c'est ce que je dis au point 3. Je dis que ce n'est pas
10 avant le mois d'octobre 1995 qu'on s'occupera de ce dossier, donc c'est un
11 dossier qui est arrivé tardivement. Je ne me souviens plus des détails de
12 cette affaire.
13 Q. Est-ce que vous savez ce qu'il y en est des 37 autres individus ?
14 Qu'est-ce qu'on leur reproche ?
15 R. Sans aucun doute, c'était soit des actes de la compétence du tribunal
16 militaire ou éventuellement de crime de guerre. S'il y a eu commission de
17 ce crime ou si de tels dossiers ont existé, c'est le tribunal du comté qui
18 s'est vu renvoyer et relayer le dossier. Et s'il s'agissait de dossiers qui
19 relevaient de notre compétence, c'est le tribunal militaire qui s'en
20 occupait.
21 Q. Mais la deuxième phrase au paragraphe 2 dit :
22 "Le Juge Matulovic a confirmé que tous les accusés seraient détenus dans
23 une prison civile puisque les prisons militaires étaient réservées aux
24 militaires de la HV."
25 R. C'est exact, il n'y avait que les militaires de la HV qui relevaient
26 d'une procédure disciplinaire qui étaient placés en prison militaire. Et si
27 je ne me trompe pas, on les envoyait en prison pour des peines allant
28 jusqu'à deux mois dans des prisons militaires. Mais aucun civil qui se
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1 serait trouvé sous la compétence du tribunal militaire, après avoir été
2 amené devant le juge d'instruction, ne pouvait plus se trouver dans une
3 prison militaire.
4 Q. Et qu'en est-il des prisonniers de guerre, les membres de l'ARSK, donc
5 les militaires de l'armée de la soi-disant RSK, où est-ce qu'ils étaient
6 détenus ? Dans des prisons militaires ou civiles, ces individus-là ?
7 R. A nos yeux, aux yeux de la justice militaire, il n'y avait pas de
8 prisons militaires. Ces détenus ne pouvaient se trouver que dans des
9 prisons civiles.
10 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, 2441 sur la liste 65
11 ter, est-ce que ce document peut être versé au dossier ?
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1623.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle est versée au dossier.
16 M. MISETIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
17 Je vous remercie, Monsieur le Juge, d'avoir répondu à mes questions.
18 J'en ai terminé.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Misetic.
20 La Défense Cermak ?
21 M. CAYLEY : [interprétation] Non, nous n'avons pas de questions pour ce
22 témoin.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, et vous, la Défense
24 Markac ?
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, j'aurais quelques questions à poser,
26 peut-être une quinzaine de minutes.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est Me Mikulicic qui vous posera ses
28 questions dans le cadre de son contre-interrogatoire. Il représente M.
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1 Markac.
2 Contre-interrogatoire par M. Mikulicic :
3 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Matulovic.
4 R. Bonjour.
5 Q. Je vais poser quelques questions. Répondez au mieux de vos
6 connaissances et de vos souvenirs, s'il vous plaît.
7 S'agissant des tribunaux militaires, pourriez-vous nous préciser où ils
8 étaient basés physiquement ?
9 R. Comme cela est prévu par le décret, ils étaient dans les villes où
10 étaient basés les tribunaux du comté. Donc le tribunal militaire était
11 placé dans le bâtiment du tribunal de district à Zadar, dans le tribunal de
12 district. A Sibenik et à Dubrovnik également. C'est toujours le même
13 immeuble, le même bâtiment où se trouve le siège du tribunal de district.
14 Q. Très bien. Vous nous avez expliqué la procédure de nomination des juges
15 de tribunaux militaires par analogie avec la nomination des juges civils.
16 Mais qu'en est-il des employés de ces tribunaux; c'étaient des civils ou
17 des militaires ?
18 R. C'étaient des civils. Je vous l'ai dit, les tribunaux militaires
19 étaient placés sous la tutelle du ministère de la Justice, donc il n'était
20 pas possible qu'un employé du tribunal militaire, le personnel
21 administratif, le personnel du greffe, et cetera, que ce soit des
22 militaires. Donc c'étaient nos employés, des employés qui sont encore
23 aujourd'hui employés de ce tribunal. Il y en a qui sont partis, mais donc
24 c'étaient des employés des tribunaux civils.
25 Q. Et la rémunération, le salaire réservé aux juges et au personnel
26 administratif, qui versait cette rémunération ?
27 R. Le ministère de la Justice.
28 Q. Pour ce qui est des lois et des règlements qui régissaient le
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1 fonctionnement des tribunaux militaires, était-ce la législation civile
2 adaptée ou c'était d'autres textes de loi ?
3 R. Mais je vous l'ai dit d'emblée, il y a eu deux décrets qui ont été
4 passés, un qui portait sur l'organisation et le champ de compétences des
5 tribunaux militaires et puis l'autre sur l'application du code de procédure
6 pénale en situation de danger imminent de guerre, et cetera, pour ne pas
7 vous citer l'intitulé complet. Donc ce décret, tout comme le décret
8 d'application du code de procédure pénale qui était en vigueur et appliqué
9 par les tribunaux civils. Donc c'est la même chose, sauf que le décret
10 portant application du code de procédure pénale était réduit pour ce qui
11 est d'un certain nombre de dispositions; par exemple, le chapitre qui porte
12 sur la possibilité de se pourvoir en appel contre l'acte d'accusation --
13 enfin de contester l'acte d'accusation. Cette disposition a été enlevée
14 pour que la procédure soit la plus rapide possible.
15 Parce que nous savons tous, nous qui travaillons dans la justice, que
16 toute une série de facteurs conditionnent la rapidité des procédures et que
17 souvent les délais sont longs.
18 Excusez-moi, mais le code pénal, il a toujours a été le même.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, vous avez déjà entamé
20 votre question suivante alors que les interprètes étaient encore en train
21 de terminer la réponse précédente. Est-ce que vous pouvez ménager une
22 petite pause, s'il vous plaît, entre la question et la réponse.
23 Allez-y.
24 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
25 Q. Donc, Monsieur Matulovic, nous sommes en droit d'affirmer qu'il n'y
26 avait pas de "lois" ou de "règlements militaires" qui auraient été
27 appliqués par les tribunaux militaires en Croatie ?
28 R. Non, il n'y a pas ni de texte de loi militaire, ni de système
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1 judiciaire militaire. Tout était civil, en fait.
2 Q. Très bien. Et la cour martiale, est-ce que c'est une notion qui vous
3 est familière ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce qu'il y jamais eu la cour martiale en Croatie ? Est-ce que ça a
6 jamais existé ?
7 R. Si on remontait très, très loin dans l'histoire, ça je ne sais pas,
8 mais depuis que je travaille dans la justice, je n'ai jamais entendu parler
9 de quoi que ce soit qui ait une ressemblance avec ce qu'on appelle la cour
10 martiale.
11 M. MIKULICIC : [interprétation] Pour que le compte rendu soit tout à fait
12 précis, page 45, ligne 12, je pense que la traduction de la notion "prijeki
13 sud" [phon] n'est pas exact. Il est question ici de "martial law" et je
14 pense que c'était "martial court" qu'il faudrait dire.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez demander que l'on
16 procède à une vérification. On pourrait remplacer cette interprétation par
17 une autre, mais à en juger d'après la réponse, c'est assez claire ce que
18 vous avez voulu savoir.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, est-ce qu'il y a un
20 problème ?
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc vous demandez si quelque
23 chose a existé. On vous dit que ça n'a pas existé et donc il n'y a pas de
24 problème.
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Mais c'est ma question qui n'a pas été
26 correctement interprétée.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais je veux dire dans son
28 ensemble la question est claire.
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1 M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.
2 Q. Donc cette procédure que vous avez évoquée, cette procédure appliquée
3 par les tribunaux militaires et civils, elle comporte un certain nombre
4 d'étapes pour ainsi dire. Alors d'expérience, que diriez-vous, à partir du
5 moment où il y a eu signalement d'un crime ou délit commis, jusqu'au moment
6 où il y a le prononcé de la sentence, il s'écoule combien de temps à peu
7 près ?
8 R. Je n'ai pas entièrement compris votre question. Que voulez-vous dire,
9 période ? Quelle période ? Vous voulez dire combien ça a duré, combien de
10 temps ça a pris ou combien ça dure ? Et vous avez les différentes phases de
11 cette procédure, et je les ai évoquées précédemment. Vous avez la procédure
12 qui précède l'enquête. C'est la police qui s'en charge.
13 Q. Un instant.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais
15 intervenir de nouveau parce que le compte rendu d'audience me trouble.
16 Le témoin vient d'évoquer la procédure préalable à la procédure au pénal,
17 "predkazneni postupak", et on vient de traduire cela par "pre-trial
18 proceedings", et j'estime qu'il ne s'agit pas d'une traduction exacte,
19 parce que cela sous-entend que cela se passe devant un tribunal, mais ce
20 n'est pas vrai. Il s'agit là d'une partie de la procédure qui relève de la
21 compétence de la police et qui est distinct de la procédure qui se passe
22 devant un tribunal.
23 Nous en avons déjà parlé, vous vous souviendrez, et nous étions
24 d'accord avec ma consœur sur le fait que ce terme, cette expression
25 "predkazneni postupak" devrait être interprétée ou traduit par "pre-
26 criminal proceedings" en anglais.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Tout à fait, c'est très bien
28 que vous puissiez vous mettre d'accord sur la manière d'interpréter cela.
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1 Mais quand il s'agit de traduction de notions juridiques, le problème que
2 cela pose c'est qu'il n'y a pas toujours une correspondance parfaite entre
3 des systèmes judiciaires. Donc les notions juridiques ne sont pas
4 transposables tel quel d'un système à un autre. Donc c'est très bien que
5 vous cherchiez à vous mettre d'accord sur l'Accusation pour ce qui est de
6 la signification de ces termes. Ça, c'est très bien, quant à savoir s'il
7 s'agit de traduction erronée ou de traduction imparfaite, je pencherais
8 plutôt de ce côté-là, puisque procédure qui est préalable à la procédure au
9 pénal, écoutez, je ne suis pas un anglophone de naissance, mais ça pourrait
10 aussi semer un léger trouble sur le plan linguistique. Quant à savoir ce
11 que ça signifie "préalable au pénal", "pre-criminal" en anglais, et donc
12 est-ce que c'est avant qu'il y ait eu commission du crime, ou avant que
13 l'on ait déclenché des poursuites au pénal ? Je voudrais simplement que
14 vous preniez cela en considération. Il n'est pas facile de savoir
15 exactement à quel moment on peut dire qu'une traduction est bonne ou
16 mauvaise, et j'hésiterais personnellement à le faire. Vous avez des
17 concepts juridiques qui peuvent être propres à l'ex-Yougoslavie et à la
18 Croatie.
19 M. MIKULICIC : [interprétation] Mais peut-être que je pourrais
20 préciser cela.
21 Je présente mes excuses si je me suis mal exprimé. Je n'aurais
22 probablement pas dû parler de "mauvaise traduction", comme vous venez de le
23 signaler. C'est juste une différence entre deux systèmes juridiques, et
24 parfois il est très difficile de traduire cela.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au vu des explications que vous avez
26 fournies, je suis certain que les interprètes ont compris que vous ne
27 cherchiez pas à les critiquer.
28 Je vous prie de poursuivre.
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1 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie.
2 Q. Monsieur Matulovic, nous qui pratiquons le système judiciaire croate,
3 nous savons de quoi il s'agit précisément, mais ici la procédure est
4 légèrement différente. Est-ce que vous pourriez en quelques phrases nous
5 dire de quoi il s'agit lorsque nous parlons de cette "procédure préalable
6 aux poursuites au pénal" et qui s'en charge en Croatie dans le système
7 judiciaire croate ?
8 R. Avant de répondre à cette question, je souhaiterais dire quelque chose
9 parce que j'ai rencontré ces problèmes mineurs depuis que je travaillais au
10 tribunal militaire et lorsque j'ai été juge d'instruction, et j'ai toujours
11 insisté pour que ce que j'avais dit soit traduit mot à mot et précisément,
12 parce que chaque mot compte. Je ne dis pas qu'il est facile de traduire
13 chaque terme de notre Loi sur les poursuites au pénal, mais tout doit être
14 fait de façon aussi précise que possible, et d'après ce que j'ai dit et ce
15 que j'ai entendu, les interprètes font un bon travail ici, mais il est tout
16 à fait compréhensible qu'ils aient quelques problèmes avec certains termes.
17 Pourquoi est-ce que je dis tout cela ? J'ai été juge pendant 33 ans,
18 et je suis passé dans toutes sortes de tribunaux. Il est tout à fait clair
19 en ce qui me concerne qu'une mauvaise application de la terminologie
20 juridique peut poser problème, et c'est ce à quoi je m'attendais ici
21 lorsque l'on parle de poursuites préalables au pénal. Ce sont là des
22 poursuites qui sont menées par la police.
23 Je dois dire qu'à l'article 6 de la Loi sur les procédures pénales,
24 il est indiqué que lorsque les poursuites au pénal commencent, il y a là
25 une grosse différence. Les poursuites pénales sont fondées sur la demande
26 du procureur autorisé. Une fois qu'un procureur rédige une demande, qu'il
27 s'agisse d'une demande d'enquête ou d'un projet d'acte d'accusation, c'est
28 à ce moment-là que les poursuites pénales sont entamées et qu'elles se
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1 poursuivent sur une longue période, aussi longtemps que le procureur
2 continue d'agir. Et dans les procédures d'enquête, les procédures sont
3 lancées une fois que la demande d'entamer une requête a été déposée, et
4 cela se poursuit jusqu'au moment où un acte d'accusation est dressé ou
5 jusqu'au moment où le procureur décide de laisser tomber les accusations.
6 Je pense que j'ai maintenant précisé les différentes étapes et les
7 procédures pour que tout ceci soit clair pour chacun.
8 Q. Merci pour cette réponse.
9 Je voudrais maintenant revenir à ma première question, à savoir
10 combien de temps les procédures ont duré. Combien de temps ont-elles duré
11 pour certains crimes ? Je voudrais que vous puissiez me donner une idée
12 approximative. Est-ce que cela durait un mois, deux mois ou plus longtemps
13 ?
14 R. Même si vous me demandez de faire "une estimation", il est assez
15 difficile de faire une estimation et ceci parce que nous avons des
16 procédures pour des crimes moins sérieux où nous avons huit accusés et nous
17 avons des procédures pour un crime beaucoup plus grave où il n'y a qu'un
18 seul accusé. Donc la durée des procédures pénales dépend d'un grand nombre
19 de facteurs. Elle dépend du nombre d'accusés, des différentes étapes
20 nécessaires et il est donc difficile de donner une estimation même de façon
21 approximative.
22 Mais en tout état de cause, ces procédures ont été accélérées dans la
23 mesure du possible à l'époque et c'est la raison pour laquelle il y avait
24 cette disposition portant sur l'application de la Loi sur les procédures
25 pénales, de sorte qu'il y ait des motifs législatifs permettant d'accélérer
26 les procédures.
27 Q. Merci de votre réponse. Passons maintenant rapidement à un autre sujet.
28 Une fois que les procédures pénales ont été entamées, dans votre
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1 déclaration au paragraphe 17, vous avez indiqué qu'une fois qu'il y avait
2 un jugement, le ministère de la Justice était informé par la cour de façon
3 à pouvoir mener ses activités et à établir la situation de l'accusé. Ma
4 question est la suivante : est-ce qu'ils informaient les instances
5 militaires compétentes sur le fait que les procédures pénales avaient été
6 entamées et qu'il y avait eu une décision d'entamer une enquête ou une
7 décision de dresser un acte d'accusation ? Est-ce que c'est à ce moment-là
8 que l'information était passée ou est-ce que cette information n'était
9 donnée qu'au moment où un jugement final était prononcé ?
10 R. C'était un devoir qui incombait au tribunal dans le cadre de la loi. Le
11 ministère de la Justice, l'administration du personnel devaient être
12 informés, ainsi que le commandement de l'unité concernée et devaient être
13 informés du fait qu'un militaire croate était détenu par un juge
14 d'instruction, parce qu'il fallait toujours que l'on ait des informations
15 sur les allers et venues d'un militaire arrêté. Une fois que le jugement
16 avait été prononcé et que le militaire croate avait été déclaré coupable et
17 condamné, le tribunal devait envoyer un exemplaire de cette décision de
18 justice au ministère de la Justice, à l'administration du personnel parce
19 qu'en fonction de la législation, ils devaient décider de ce que l'on
20 ferait de ce militaire du fait de sa condamnation.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je vois que vous êtes
22 debout.
23 M. MISETIC : [interprétation] Oui. Si l'on pouvait vérifier la réponse du
24 témoin concernant le ministère concerné à la ligne 7 et également à la
25 ligne 13, s'il vous plaît.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas le ministère de la Justice.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A quel ministère vouliez-vous faire
28 référence ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait du ministère de la Défense.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ensuite, lorsque vous avez dit qu'il
3 était du devoir du tribunal d'envoyer un exemplaire du jugement au… est-ce
4 que vous souhaitiez également faire référence --
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ministère de la Défense.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ministère de la Défense. Lorsque vous
7 faisiez référence au ministère de la Justice, dans votre réponse --
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse. Un instant, s'il
9 vous plaît.
10 "…envoyer un exemplaire au ministère de la Justice." Non, ministère de la
11 Défense, là également.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces deux cas, lorsque l'on a parlé
13 du ministère de la Justice, le témoin souhaitait parler du ministère de la
14 Défense.
15 Vous pouvez poursuivre, Maître Mikulicic.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Président.
17 Q. Monsieur Matulovic, même question concernant maintenant les membres du
18 ministère de l'Intérieur. Quel était le devoir du tribunal si un membre du
19 ministère de l'Intérieur était détenu ou si une peine était prononcée à son
20 encontre ?
21 R. Le devoir restait le même, si ce n'est que cette information était
22 envoyée au ministère de l'Intérieur.
23 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci pour votre réponse, Monsieur
24 Matulovic.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Mikulicic.
26 Madame Mahindaratne, êtes-vous prête à commencer votre contre-
27 interrogatoire du témoin ?
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Président. Si vous me permettez un
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1 instant.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
3 Monsieur Matulovic, vous allez maintenant faire l'objet d'un contre-
4 interrogatoire qui sera mené par Mme Mahindaratne. Mme Mahindaratne est le
5 conseil de l'Accusation.
6 Vous pouvez poursuivre.
7 Contre-interrogatoire par Mme Mahindaratne :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Matulovic.
9 R. Bonjour.
10 Q. Monsieur Matulovic, il vous a été posé la question suivante, quand est-
11 ce qu'un tribunal militaire avait compétence dans une affaire particulière,
12 et votre réponse figure à la ligne 8 de la page 10 :
13 "Lorsqu'il était établi que le crime avait été commis par un militaire."
14 Maintenant, si un crime était commis dans une région qui était sous le
15 contrôle des militaires, est-ce qu'il n'était pas de la responsabilité de
16 la police militaire de mener une enquête sur ce crime et de s'assurer si
17 les membres de la HV étaient impliqués ?
18 R. J'ai déjà indiqué que la compétence territoriale était définie comme
19 étant la compétence du tribunal militaire de Split et elle spécifiait
20 également quelles étaient les régions de sa compétence. Dans certains
21 domaines de la cour il y avait plus d'activités que dans d'autres, et dans
22 d'autres il y en avait moins. Et si une armée sur ce territoire ou un
23 militaire avait commis un crime qui était de la compétence des tribunaux
24 militaires, naturellement, la police militaire, puis le procureur
25 militaire, puis les tribunaux militaires étaient concernés. Et néanmoins,
26 et je dois insister, je vous donnerai un exemple particulier.
27 Prenons l'exemple d'une ville qui tombe sous la compétence d'un tribunal
28 militaire à Split, dans cette ville, on a trouvé le corps d'une femme âgée
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1 qui avait été tuée, ce qui immédiatement a laissé entendre qu'il s'agissait
2 d'un crime contre un civil. Indépendamment du fait que ceci s'était déroulé
3 dans un territoire qui était de la compétence du tribunal militaire, cette
4 affaire a été prise en main par la police civile, par le procureur civil et
5 par un juge d'instruction civil, parce que vous avez probablement entendu
6 dire que les crimes de guerre n'étaient pas de la compétence des tribunaux
7 militaires. De ce fait, afin de déterminer le sujet de la compétence, il
8 n'était pas important de savoir si la région était sous le contrôle
9 militaire ou pas, mais plutôt d'établir les faits tels qu'ils s'étaient
10 déroulés.
11 Q. Suite à cela, et c'est également quelque chose que vous avez mentionné
12 dans votre déclaration --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je pourrais essayer de
14 comprendre plutôt le témoignage, votre question.
15 Madame Mahindaratne, votre question était la suivante: comment pouvez-vous
16 vous assurer qu'un membre de la HV était l'auteur ou pas. Oui ou non ?
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le témoin a donné une réponse très
19 claire sur un autre aspect de la compétence, à savoir comment est-ce que
20 vous pouviez vous assurer qu'il y avait eu crime ou pas, parce que vous
21 avez fait référence à une règle de compétence, qui est la suivante : en
22 dehors des crimes de guerre commis par des membres de la HV ou qu'il y
23 avait des raisons suffisantes de croire que les auteurs de ce crime étaient
24 des membres de la HV. Le témoin a donné une réponse qui était parfaitement
25 bonne, mais qui concernait quelque chose de différent, à savoir si
26 l'exclusion de crimes de guerre s'appliquait et comment est-ce que l'on
27 pouvait établir cela. Cela ne me dérange pas que vous posiez une question
28 et qu'il réponde à une autre question --
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'allais lui demander de préciser parce
2 que je voulais de là poursuivre sur un autre point.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
4 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Si vous me le permettez.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous permettrai de poursuivre, mais
6 je voulais simplement m'assurer que les questions et les réponses qui sont
7 données à cette question concernent le même sujet.
8 Vous pouvez poursuivre.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
10 Q. Monsieur Matulovic, votre témoignage stipule que les crimes de guerre
11 n'étaient pas de la compétence des tribunaux militaires. Est-il exact que
12 les crimes à la base des poursuites engagées, qui pouvaient faire l'objet
13 d'une poursuite pour crimes de guerre, pouvaient être considérés comme un
14 crime ordinaire dans les tribunaux militaires. Par exemple, s'il s'agissait
15 de tueries et que l'auteur pouvait être accusé dans le cadre de l'article
16 34 du code pénal devant un tribunal militaire; est-ce exact ?
17 R. Vous venez de me poser une question qui me trouble quelque peu et qui
18 n'est pas très précise. Je voudrais maintenant vous donner une réponse.
19 Un crime de guerre, c'est une chose. Il peut être commis sans même
20 commettre un meurtre. Un meurtre, c'est un crime contre la vie; c'est sa
21 définition.
22 Q. Monsieur Matulovic, ce que je voulais dire concernant un crime à la
23 base des poursuites engagées, qui pouvait être pris en charge par un
24 procureur comme crime de guerre, comme, par exemple, une tuerie ou tout
25 autre incident, est-ce que cela peut être considéré comme un crime
26 ordinaire dans le cadre de votre code pénal dans le tribunaux militaires.
27 Est-ce exact ?
28 R. S'il pouvait être établi immédiatement que c'est un meurtre - et cela
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1 est assez difficile au départ - et c'est la raison pour laquelle je vous ai
2 pris l'exemple d'une vieille dame tuée dans un lieu où des combats se
3 déroulaient, ceci immédiatement laisse entendre que ceci aurait pu être un
4 crime de guerre, parce que ce sont des civils qui sont touchés. Maintenant,
5 qu'il s'agisse d'un meurtre ou pas, c'est quelque chose que l'on peut
6 établir par la suite lors de l'enquête, et l'on peut arguer du fait que
7 s'il ne s'agissait pas d'un crime de guerre, mais plutôt d'un meurtre
8 ordinaire. Et s'il s'agissait d'un simple meurtre, et si c'est un meurtre
9 qui avait été commis par l'armée croate ou par un militaire croate, il
10 serait à ce moment-là jugé par un tribunal militaire, et il y a eu un
11 certain nombre de cas similaires.
12 Q. De la même façon, dans le cas de la destruction de propriété ou
13 d'incendie de biens, cela pourrait être jugé comme étant un crime ordinaire
14 dans les tribunaux militaires si l'auteur était un membre de la HV ?
15 R. J'ai déjà dit que tous les crimes qui étaient commis par des civils,
16 s'ils étaient commis par des soldats, à moins qu'il s'agisse de crimes de
17 guerre, étaient jugés devant des tribunaux militaires, à moins que ces
18 personnes aient cessé d'être des militaires avant que l'acte d'accusation
19 ne soit dressé et que les procédures ne soient lancées. C'est quelque chose
20 dont nous avons déjà parlé.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il y a là une certaine
22 confusion sur ce que vous souhaitez entendre de la bouche du témoin. Soit
23 le témoin ne comprend pas totalement, soit vous n'êtes pas suffisamment
24 précise. Permettez-moi de voir si je peux essayer -- d'abord, si je
25 comprends ce que vous souhaitez savoir, et deuxièmement, voir quelle serait
26 la réponse qui sera donnée par M. Matulovic.
27 Monsieur Matulovic, quelqu'un est tué - il s'agit d'un civil - et ceci dans
28 des circonstances qui laissent entendre qu'il pourrait s'agir d'un crime de
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1 guerre. En rédigeant les accusations portées contre la personne, on peut
2 laisser tomber les éléments spécifiques du meurtre en tant que crime de
3 guerre et simplement accuser une personne de meurtre, indépendamment du
4 fait qu'on peut ou non prouver les éléments qui en feraient un crime de
5 guerre, oui ou non ? Etait-il de la compétence du procureur militaire,
6 disons, de limiter les accusations portées à un meurtre ordinaire, ce qui
7 permettrait que s'exerce la compétence d'un tribunal militaire ?
8 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est bien là la question que
10 vous aviez à l'esprit, Madame Mahindaratne ?
11 Est-ce que vous pourriez répondre à cette question, Monsieur le Témoin.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous en venez précisément à ce que j'ai dit au
13 départ, à savoir que la question a créé quelque confusion et qu'elle
14 comporte en elle-même plusieurs éléments.
15 Le procureur militaire est la personne qui dirige les procédures et qui les
16 mène en collaboration avec le juge, à la fois pendant la phase de
17 l'enquête, de la mise en accusation et pendant le procès. C'est exactement
18 ce que j'ai dit, à savoir que cette question comportait plusieurs éléments
19 et que je ne pouvais y répondre de façon précise. Donc tout est question
20 d'évaluation fondée sur les faits, une évaluation par le procureur
21 militaire qui aurait pu travailler avec un collègue civil et qui aurait pu
22 dire, Regardez ce qu'il en est et essayons d'en discuter et de voir ce que
23 nous allons faire. Cela dépend du procureur.
24 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
26 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
27 Q. Maintenant, pour ce qui est de votre témoignage, vous dites que la
28 compétence du procureur militaire ou la compétence du tribunal militaire
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1 commence au moment où le statut de l'auteur est établi et qu'il est établi
2 qu'il est membre de la HV. Maintenant, ma première question est la suivante
3 : dans une région qui est sous contrôle militaire, où disons il y a eu un
4 certain nombre d'incendies des biens, est-ce qu'il n'est pas de la
5 responsabilité de la police militaire d'enquêter sur la question pour
6 établir --
7 R. Pas de questions directrices, s'il vous plaît.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a aucune objection contre les
9 questions directrices. Ces objections doivent venir de l'autre partie. Et
10 je comprends que là, votre position de témoin et votre rôle de juge se
11 mélangent quelque peu. Les questions directrices ne sont pas quelque chose
12 auquel vous pouvez faire objection et il est du rôle de la Cour de décider
13 dans quelle mesure les questions sont directrices.
14 Maintenant, je considère que c'était une question plutôt hypothétique que
15 directrice. Mme Mahindaratne sait que ce Tribunal n'aime pas beaucoup ces
16 questions basées sur des hypothèses, mais vous pouvez poursuivre.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 Q. N'est-il pas de la responsabilité de la police militaire d'enquêter sur
19 des crimes qui ont été commis dans une région qui est sous le contrôle des
20 militaires et d'établir si, en fait, des membres de la HV étaient impliqués
21 dans ce crime, et non pas d'établir le statut des auteurs ?
22 R. Bien. On pourrait donner deux réponses à cette question. Tout d'abord,
23 la police militaire dans la région qui est sous contrôle militaire, comme
24 vous venez de le dire, doit effectuer une sorte d'enquête de police. Dès
25 que quelque chose se produit, la police militaire - et là j'insiste une
26 fois de plus - indépendamment du fait qu'il s'agit d'une région sous
27 contrôle miliaire ou pas, doit agir si le suspect est un militaire sans
28 aucun doute. Et dans des régions que vous appelez des régions sous contrôle
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1 militaire, il se peut très bien que ce soit des civils qui sont
2 responsables d'un incendie, et qui aient mis le feu à des maisons pour se
3 venger. Et c'est peut-être une querelle qui remonte à 50 ans. Et dans ce
4 cas-là, c'est la police civile qui va agir et non pas la police militaire,
5 même si la région est sous contrôle militaire où la police civile pourrait
6 agir en coopération avec la police militaire.
7 Q. Ma question concernant les cas où le statut du suspect n'avait pas
8 encore pu être établi, mais le crime a été néanmoins commis dans une région
9 qui est sous contrôle militaire, n'est-il pas de la responsabilité de la
10 police militaire de mener une enquête, si en fait, des membres de la HV
11 sont impliqués ? C'est cela que je voulais dire. Nous ne parlons pas du
12 statut de l'auteur et si ce statut a déjà été établi ou pas.
13 M. MISETIC : [interprétation] Objection à la question qui crée quelque
14 confusion, parce que la deuxième partie de la question est en contradiction
15 avec la première. La première partie de la question dit :
16 "Dans les circonstances où le statut du suspect n'a pas encore été
17 établi…"
18 Et ensuite elle dit :
19 "Je parle de cas où le statut de la personne a déjà été établi, que
20 l'on sait qu'il s'agit d'un militaire."
21 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non. C'est --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Etablir le statut peut signifier
23 deux choses. Tout d'abord, qui est le suspect ? Est-ce qu'il s'agit d'un
24 militaire ou d'un civil à première vue ? Et deuxièmement, est-ce qu'une
25 personne portant un uniforme militaire est réellement un militaire ? Donc
26 c'est une question double.
27 Essayons une fois de plus de reformuler la question et de voir,
28 Madame Mahindaratne, si j'ai compris ce que vous essayez de demander au
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1 témoin.
2 Je vais aller à l'encontre de mes propres règles, c'est-à-dire que je vais
3 poser une question basée sur des hypothèses. Je vois une présence militaire
4 importante dans une certaine région où il ne reste pas beaucoup de civils.
5 J'ai entendu parler d'incendies commis dans cette période-là. Je suis un
6 officier de police militaire et je me trouve à une distance de 300 mètres
7 d'une habitation, et je vois quelques personnes portant un jerrycan, et je
8 vois également une maison en feu. Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que
9 je dois m'avancer pour voir si la personne portant un jerrycan est un civil
10 ou est-ce que je dois considérer qu'il n'est pas clair que ceux qui le plus
11 probablement ont mis le feu à cette habitation sont des militaires, et donc
12 je reste sans réagir ?
13 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, est-ce que c'est ce
15 que vous aviez à l'esprit ?
16 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin, est-ce que vous pourriez nous
18 dire ce qu'il faut faire à ce moment-là, Parce qu'il s'agit d'un officier
19 de la police militaire, et là, la réponse est beaucoup plus facile. Mais
20 est-il seul en la matière ? Est-ce qu'il doit y aller, essayer de voir ce
21 qui s'est produit ou est-ce qu'il doit se dire, On n'a pas pu établir de
22 façon suffisamment claire que c'est une question qui est de ma compétence
23 et que dois-je faire ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous en arrivons maintenant à des questions
25 qu'il aurait peut-être mieux valu poser à certains de ceux qui m'ont
26 précédé ici et qui ont parlé de la compétence de la police militaire. Mais
27 je vais essayer de donner une réponse à cette question, même si je ne
28 m'occupe pas de questions relatives à la police.
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1 Si la police voit directement se produire un acte illégal, tout
2 policier y compris un policier militaire doit agir et établir l'identité
3 des personnes présentes sur les lieux. Ceci est de leur compétence. Et s'il
4 est établi que ces personnes portant un jerrycan sont des civils, ils
5 prendront les mesures qui s'imposent. S'il est établi qu'aucune de ces
6 personnes n'est un militaire, ils agiront également en conséquence et
7 arrêteront ces personnes jusqu'à l'arrivée de la police civile. Et une fois
8 que celle-ci sera arrivée sur place, ils pourront coopérer avec elle pour
9 entreprendre certaines activités sur les lieux et essayer de préserver les
10 éléments de preuve.
11 Maintenant, je voudrais ajouter quelque chose à votre intention, Madame.
12 Les tribunaux militaires, s'ils apprennent que six personnes ont
13 commis un crime, et que sur ces six personnes cinq sont des civils et une
14 personne est un militaire, du fait de la présence même d'un seul militaire,
15 cela tombe sous leur compétence et ils peuvent à ce moment-là mener des
16 procédures nécessaires, ce qui est très important.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
18 Veuillez poursuivre, Madame Mahindaratne.
19 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Merci, Monsieur Matulovic, de ces réponses.
21 Q. Vous parlez de crimes de guerre et de poursuites relevant de la
22 compétence des tribunaux civils, ou devrais-je dire, des tribunaux de
23 district ou de comté. Est-ce que vous avez connaissance de crimes de guerre
24 et de poursuites qui auraient été menées au niveau de juridiction d'Etat ou
25 de district ou de comté contre des membres de la HV pour des crimes commis
26 en août et septembre 1995 ?
27 R. Non.
28 Q. On vous a montré un document, c'était Me Misetic, et c'était le
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1 document P2251.
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Madame la Greffière, s'il vous plaît,
3 pourriez-vous juste nous le faire voir.
4 Q. Monsieur le Témoin, on vous a demandé -- en fait, ce document, il y a
5 deux autres destinataires, le commandant de la région militaire de Split et
6 du commandement de la garnison de Split. Et on vous a demandé quel était le
7 but d'envoyer ces documents à ces deux destinataires. Votre réponse a été,
8 on la retrouve à la page 22, ligne 15, vous avez répondu :
9 "Les deux commandants doivent être au courant pour savoir s'il y a des
10 manquements à la discipline."
11 Et vous avez poursuivi en disant :
12 "Je souligne que les procédures disciplinaires militaires ainsi que
13 les procédures au pénal ont été tenues distinctes de ces rapports, à savoir
14 que tout ce qui a eu lieu, il y avait dissociation entre les deux."
15 C'est ça, votre réponse. N'est-il pas vrai qu'une infraction pénale dont
16 est l'auteur un membre de la HV est également considérée comme une
17 violation très importante de la discipline militaire en vertu du code de
18 discipline militaire ?
19 R. J'ai dit que dans les rapports quotidiens, les deux types d'infraction
20 à cette disposition concernant la discipline militaire étaient mentionnés,
21 en particulier dans ce document, il est question d'un terrible accident à
22 cause d'un excès de vitesse et ainsi de suite. Donc je voudrais à nouveau
23 souligner que les procédures pour les infractions à la discipline militaire
24 et les infractions pénales impliquent deux types de procédures différentes.
25 Ce qui veut dire qu'un militaire, de par sa conduite, a commis une
26 infraction, mais il ne doit pas être poursuivi ou puni par des mesures
27 disciplinaires, mais que s'il y a une infraction à la discipline, ceci ne
28 peut pas être traité de la même manière que s'il y a eu une infraction
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1 pénale parce que ce sont des lois différentes qui s'appliquent. Il pourrait
2 arriver qu'un militaire puisse commettre un délit ou une infraction, mais
3 en même temps qu'il ne s'agisse pas là d'un manquement à la discipline. En
4 tout état de cause, les procédures sont distinctes, de sorte que l'une
5 n'implique pas l'autre, ainsi que la façon dont ces procédures devront être
6 menées.
7 Et ici, spécifiquement dans ce document, vous pouvez voir à cause des
8 conditions de la route et à cause de la vitesse du véhicule, il y a eu un
9 accident de circulation. Il a renversé un piéton et ainsi de suite. Cette
10 personne traversait un passage pour piétons, c'est un accident de
11 circulation typique. La victime a été grièvement blessée. Maintenant, quant
12 à savoir si le commandant, en se fondant sur cette description des faits,
13 va également trouver là des éléments de violation de la discipline, ça,
14 c'est une question d'appréciation par le commandant. Il peut le faire, mais
15 il n'est pas obligé de le faire. Quant au procureur militaire, il
16 continuera à ce moment-là une procédure qui sera à ce moment-là transférée
17 au tribunal.
18 Q. N'est-il pas vrai qu'en vertu du code de discipline militaire,
19 une infraction pénale commise par un membre de la HV telle que de tuer ou
20 de détruire ou de brûler des biens ou un vol, serait considérée comme une
21 grave infraction à la discipline militaire ?
22 R. Là nous sommes en train de parler de responsabilité disciplinaire
23 et de procédure disciplinaire. Je peux répondre à cet aspect-là aussi et je
24 pense que ce sera clair qu'on verra comment ceci a eu lieu quand, en 1997,
25 je suis arrivé au tribunal militaire disciplinaire à Split. Peut-être qu'il
26 peut y avoir quelques difficultés à le comprendre, mais je vais essayer
27 d'être aussi précis que je le peux.
28 Dans la liste des manquements à la discipline, il y a donc les infractions
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1 disciplinaires, pas seulement les infractions qui sont moins graves comme
2 infractions à la discipline militaire, et celles qui sont des formes plus
3 graves d'infractions à la discipline militaire. Il est prescrit que la
4 violation ou l'infraction à la discipline, s'il s'agit d'un militaire
5 d'active et s'il y a des motifs raisonnables soupçonnés qu'un militaire
6 d'active a commis une infraction pour laquelle une procédure est engagée et
7 menée, parce que les institutions sont obligées de le faire, ceci est fait
8 d'office, il s'agit par exemple d'accidents de la circulation et autres
9 infractions de ce genre. Les motifs raisonnables qui existent, lorsque la
10 décision de commencer une enquête, font qu'à ce moment-là il s'ensuit une
11 inculpation. Et la personne pour laquelle il y a inculpation pour ce
12 manquement ou cette infraction, ceci ne comprend pas la description de
13 l'infraction étant donné que l'inculpation ou la décision de procéder à une
14 enquête la comprendra déjà, avec les éléments et détails concernant la
15 façon dont l'infraction a été commise, mais il est dit que telle et telle
16 personne, ayant tel ou tel grade ou non, a porté atteinte à l'honneur et à
17 la réputation de l'armée croate parce qu'une inculpation ou un acte
18 d'accusation a été dressé devant le tribunal de comté à Split parce que
19 l'infraction ou l'utilisation de drogues illicites, par exemple, en raison
20 du fait que l'acte d'accusation a été dressé, indépendamment de ce que
21 pourrait être le jugement, cette personne est responsable au plan
22 disciplinaire et donc cette procédure, s'il s'agit, par exemple, de
23 l'utilisation de drogues, se poursuivra devant une juridiction régulière
24 conformément à l'acte d'accusation qui a été dressé.
25 Donc j'espère que j'ai réussi à bien établir la distinction entre la
26 responsabilité du fait disciplinaire et la responsabilité pénale. Vous avez
27 vu dans l'exemple que j'ai mentionné là où la description des faits dans
28 l'acte d'accusation n'inclut pas nécessairement qu'une procédure
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1 disciplinaire aura lieu.
2 Q. Je pense que vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question,
3 Monsieur Matulovic. Ma question était : si nous avons un incident de
4 meurtre ou de destruction ou d'incendie de biens ou de vol commis par un
5 membre de la HV, est-ce que ce sera considéré comme une forme grave de
6 violation de la discipline militaire ? C'est une question à laquelle on
7 peut répondre par "oui" ou par "non."
8 M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions établir une date.
9 Je pense qu'il est important d'établir dans quel cadre temporel Mme
10 Mahindaratne s'exprime.
11 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Plus particulièrement, il s'agit d'une
12 l'infraction commise en août et septembre 1995.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà -- enfin, en ce qui concerne les
14 procédures disciplinaires avant 1995, je ne peux pas en parler parce que je
15 ne travaillais pas à cela. Ce n'était pas dans mes attributions. Il y avait
16 des juridictions disciplinaires spéciales ou ce qu'elles étaient appelées à
17 l'époque. Mais je vous dis qu'en principe, en reprenant cet exemple, s'il
18 s'agissait de quelque chose de grave parce que vous continuez à me dire
19 qu'il s'agit d'infractions graves telles qu'un incendie criminel ou un
20 meurtre, il y avait aussi des infractions moins graves, et à ce moment-là,
21 en tout état de cause, les conditions seraient réunies pour procéder à des
22 poursuites disciplinaires en raison du dommage à la réputation des forces
23 militaires. Et je pense que je ne peux pas donner de réponse plus précise
24 que celle-là.
25 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
26 Q. Monsieur Matulovic, je crois que vous avez là votre déclaration, la
27 page 7 de votre déclaration, et je vais parler du paragraphe 2 qui est là.
28 C'est juste le paragraphe qui précède la question numéro 6. Vous parlez
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1 d'enquêtes, et vous dites :
2 "De ce qui précède, il faut vous faire remarquer ceci. L'enquête n'est pas
3 diligentée par la police. L'enquête, du point de vue système judiciaire
4 croate, est une procédure judiciaire menée par la situation judicaire. Pour
5 les infractions pénales qui entrent dans la compétence des tribunaux
6 réguliers, l'enquête est menée par le juge d'instruction du tribunal de
7 comté. Et pour les infractions criminelles, ceci entre dans la compétence
8 des juridictions militaires et l'enquête est menée par le juge
9 d'instruction du tribunal militaire."
10 Maintenant, de façon à ce qu'un juge d'instruction procède à une enquête,
11 qu'il s'agisse d'un tribunal militaire ou d'un tribunal civil, le juge doit
12 recevoir un rapport concernant l'infraction, n'est-ce pas ?
13 R. Mais vous avez oublié quelque chose là, des détails qui me conduiraient
14 à donner une réponse appropriée.
15 Pour commencer, il est noté ici que l'enquête en question n'est pas menée
16 par la police. Si vous vous rappelez la réponse faite aux questions posées
17 par Me Mikulicic, j'ai souligné que l'un des stades de la procédure pénale
18 est une procédure préalable à des poursuites pénales dans lesquelles la
19 police est l'instance qui procède à ces actes. C'est une procédure
20 préalable à une procédure pénale avant enquête. Et si un juge doit
21 continuer à procéder à une enquête, il n'a pas besoin de recevoir des
22 rapports de façon à poursuivre son enquête, indépendamment de savoir s'il
23 s'agit d'un juge d'instruction militaire ou civil, et il faut qu'il ait,
24 comme je l'ai relevé dans la réponse à Me Mikulicic, il faut qu'il dispose
25 d'une demande aux fins d'enquête émanant du bureau du procureur qui est
26 chargé de l'affaire. De sorte qu'il peut s'agir d'un procureur au niveau
27 municipal ou du comté ou de l'Etat, au bureau du procureur ou d'un avocat
28 général. Je pense que ceci répondra à votre question.
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1 Permettez-moi de répéter qu'à ce stade de la procédure et dans la procédure
2 pénale, la loi qui s'applique, comme je l'ai déjà mentionné, il y a
3 précisément un article qui prévoit quand commence une procédure pénale. Et
4 ma réponse était et demeure qu'une procédure pénale ne commence pas après
5 que le juge ait reçu éventuellement un rapport, mais elle commence
6 lorsqu'il y a demande du procureur compétent exclusivement à l'égard de
7 cette requête.
8 Q. Maintenant, n'est-il pas vrai, de façon à ce que le procureur puisse
9 agir et présenter une demande à un juge d'instruction, que la police ou la
10 police militaire, selon les cas, doit avoir fourni ou présenté un rapport
11 qui l'informe du fait qu'une infraction pénale a été commise en indiquant
12 le lieu précis où elle a eu lieu ?
13 R. Pas seulement ça, mais de façon à ce que le juge d'instruction puisse
14 prendre des mesures quelles qu'elles soient par la suite. Au début, le lieu
15 n'est peut-être pas important, mais tous les autres éléments sont
16 importants, les éléments qui sont établis dans le processus préalable à une
17 procédure pénale, processus conduit par la police et sur la base desquelles
18 le procureur militaire, lorsque nous avions des juridictions militaires -
19 et maintenant ce serait un procureur civil - dirait à la police ce qu'il y
20 a lieu de faire ensuite, de façon à ce qu'il puisse, avec plus de succès,
21 présenter une demande d'enquête au juge d'instruction et lancer la
22 procédure d'enquête. Donc ceci relève exclusivement de la responsabilité du
23 procureur militaire, ou aujourd'hui, d'un procureur civil.
24 Q. Monsieur Matulovic, n'est-il pas vrai que pendant la période qui va
25 d'août à septembre 1995, il y a eu un grand nombre d'infractions commises
26 dans ce secteur qu'on a appelé l'ancien secteur sud, c'est peut-être une
27 région qui était de votre compétence ?
28 R. Je pense qu'une question ne devrait pas inclure une hypothèse selon
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1 laquelle un grand nombre d'infractions pénales ont été commises. Quel était
2 le nombre des infractions pénales qui ont été commises, personne ne peut le
3 savoir jusqu'à ce qu'une procédure commence. Et à ce moment-là, ça devient
4 une question justifiée : dans tous ces domaines, il y avait également des
5 civils, et ne pourrait-il pas s'être produit - et maintenant je vais moi-
6 même poser une question hypothétique, si vous me le permettez - que
7 quelqu'un qui quitte le secteur, comme nous l'avons dit, malgré le fait que
8 si je ne peux pas utiliser mon domicile, personne ne va l'utiliser, à ce
9 moment-là, il peut être incendié, et ce n'est pas un soldat croate ou un
10 civil croate qui part et ensuite détruit quelque chose de sorte que
11 personne ne puisse s'en servir. Et donc le grand nombre d'infractions
12 criminelles, je pense que c'est une expression qui est trop large.
13 Q. Monsieur Matulovic --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête là.
15 Monsieur Matulovic, Mme Mahindaratne a défini précisément une période. Elle
16 vous a posé la question de savoir s'il y avait eu un nombre important
17 d'infractions commises dans un secteur qui était connu précédemment sous le
18 nom de secteur sud, de sorte qu'elle donne également une indication
19 géographique. Elle a ajouté, "qui était un secteur entrant dans votre
20 ressort ou votre compétence." Et apparemment elle faisait allusion aux
21 limites géographiques de ce ressort. Bien que ceci puisse facilement être
22 mal compris comme indiquant une question de compétence ratione personae, il
23 s'agit des types de personnes qui entreraient dans ce type de compétence.
24 La dernière partie de la question est peut-être un peu plus problématique.
25 Maintenant, vous-même, dans votre réponse, vous vous êtes centré
26 essentiellement sur la dernière partie de la question.
27 Madame Mahindaratne, est-ce que vous avez l'intention de demander des
28 renseignements supplémentaires lorsque vous dit : "secteur sud, dans votre
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1 ressort," comme voulant dire que ceci inclut les limites territoriales en
2 ce qui la juridiction ratione personae, ou est-ce que vous vous référiez
3 exclusivement à des crimes commis dans le secteur géographique au cours de
4 cette période ?
5 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est cette deuxième description,
6 Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bon. Alors vous avez pris un risque
8 en employant le terme juridiction compétente au lieu de dire "dans le
9 secteur géographique qui était couvert par votre juridiction." De sorte que
10 --
11 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.
13 M. MISETIC : [interprétation] Juste un point pour éclaircir les choses un
14 peu plus. Je ne crois pas que ce soit contesté entre les parties, mais même
15 le ressort géographique, ce n'est pas le secteur sud. Donc si on pouvait
16 être un peu plus précis parce qu'il y a une partie du secteur sud -- une
17 partie importante du secteur sud qui ne serait pas entrée, du point de vue
18 géographique, dans cette compétence.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 Monsieur Matulovic, vous avez compris la référence qui est faite à la
21 juridiction comme étant une compétence qui s'exerce sur des membres de la
22 HV, tandis que Mme Mahindaratne voulait vous poser la question de savoir si
23 le secteur ou la zone dans laquelle vous aviez compétence, qu'il s'agisse
24 du secteur géographique, qui comprenait de grandes parties du secteur sud,
25 si le nombre de crimes commis au mois d'août et au mois de septembre 1995
26 était élevé. D'après ce que j'ai compris, il était relativement élevé par
27 rapport à d'autres périodes. Pourriez-vous maintenant répondre à cette
28 question, s'il vous plaît.
Page 20543
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Là encore, je vais répondre que cette idée ou
2 notion de grand nombre c'est très relatif. Trois meurtres ou assassinats
3 peuvent constituer un chiffre très important. Puis, six accidents de la
4 circulation peut être considéré comme un chiffre peu important dans la
5 structure des infractions commises. Donc nous ne pouvons pas parler d'une
6 façon générale d'un grand nombre d'infractions pénales. Étant donné qu'un
7 grand nombre d'infractions ont été commises, il y a eu tel nombre
8 d'infractions qui ont donné lieu à des poursuites. Et quel est ce nombre
9 d'infractions dont parle le procureur, je ne le sais pas. Je pense qu'il
10 aurait été plus intéressant de poser une telle question au bureau du
11 procureur militaire plutôt qu'à moi, parce que nous, nous nous occupions
12 des poursuites dans les affaires qui nous étaient soumises, les accusés que
13 nous avions. Et là je parle de façon hypothétique. Mais s'il y a eu dix
14 meurtres commis dans un secteur particulier, bien que ça n'a pas été le
15 cas, alors ce serait un chiffre relativement élevé. Mais s'il s'agissait de
16 vols où, par exemple, des motoculteurs auraient été volés, à ce moment-là,
17 on ne pourrait pas faire de comparaison. Donc c'est la raison pour laquelle
18 j'ai dit en commençant qu'un grand nombre d'infractions, et le Juge
19 Président m'a également posé la question, c'est une notion relative. Parce
20 que dans certaines infractions, certains délits, un grand nombre ne peut
21 pas vraiment être très grand, parfois pas. Ça dépend, et ceci ne devrait
22 pas donner lieu à un rapport de quantité.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, je suis en train de
24 regarder l'heure. Je ne sais pas si ceci est le moment qui conviendrait ou
25 si vous pouvez vous arrêter dans les cinq minutes qui viennent pour une
26 suspension de séance.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Si je
28 pouvais encore avoir les cinq minutes qui viennent.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Q. Laissez-moi être plus précise, Monsieur Matulovic. Laissez-moi prendre
4 un exemple, puisque si vous prenez l'exemple de Kistanje, qui est un
5 secteur qui se trouvait dans votre ressort, n'est-il pas vrai qu'au cours
6 de la période du mois d'août et septembre, il y a eu un nombre élevé de
7 destructions et d'incendies dans la municipalité de Kistanje ?
8 R. Là encore, je dois répondre qu'il faudrait avoir des éléments
9 concernant l'ensemble des cas, de tous les dossiers du tribunal militaire,
10 toutes les affaires qui ont été traitées, à la fois les affaires au niveau
11 du bureau du procureur militaire à Split, de façon à pouvoir dire s'il y a
12 vraiment eu autant d'infractions comme vous les appelez; combien
13 d'infractions et de délits ont fait l'objet de poursuites et savoir si
14 c'étaient véritablement ces infractions ou s'il s'est révélé par la suite
15 que c'était moins grave que cela. Il est difficile de pouvoir répondre à
16 cette question comme ça sans élément, plus particulièrement concernant le
17 secteur de Kistanje. Quant au secteur du tribunal militaire de Split, nous
18 étions responsable du point de vue territorial entre Split et Zadar, donc
19 nous devions également couvrir un territoire beaucoup plus vaste de façon à
20 savoir exactement ce qui s'est passé à Kistanje plutôt que de savoir s'il
21 s'agissait de dix ou 17 ou 12 maisons et s'il y a eu des vols ou des
22 cambriolages dans tel ou tel nombre. C'est très difficile. Il faudrait à ce
23 moment-là pouvoir voir chaque affaire. Il faudrait demander au procureur de
24 vous présenter ce qui a fait l'objet de rapport et ce qui a fait l'objet de
25 poursuite pendant cette période.
26 M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.
28 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
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1 Excusez-moi d'interrompre à nouveau, mais une question qui relève du
2 compte rendu et qui reste non réglée. Je veux parler de la responsabilité
3 territoriale du tribunal militaire de Split qui a été mentionnée à la page
4 71, lignes 15 et 16 de façon explicite. Je pense que le témoin a mentionné
5 d'autres villes. Pourrait-on répéter la question, s'il vous plaît.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous avons passé beaucoup de temps
7 compte tenu de l'essentiel de la teneur de la réponse, est-il vraiment
8 nécessaire d'éclaircir ceci du tout ? L'essentiel de la réponse -- nous ne
9 savons pas, parce que nous n'avons pas de renseignements suffisants.
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
11 Mais non, non, je me réfère à la responsabilité liée au territoire qui se
12 trouvait dans le ressort du tribunal militaire de Split où le témoin a
13 mentionné la ville de Split et une autre ville indépendamment de Zadar.
14 C'était ça ce que je voulais dire.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être qu'il serait plus rapide
16 de poser la question au témoin.
17 Alors vous avez mentionné le tribunal militaire de Split et son ressort
18 comme étant entre Split et Zadar et…
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Sibenik et Dubrovnik.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
21 Poursuivez, Madame Mahindaratne.
22 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
23 Q. Monsieur Matulovic, pendant l'année 1995, après que l'opération Tempête
24 ait pris fin, disons du 7 août 1995 à la fin de 1995, est-ce que vous avez
25 été, d'une manière ou d'une autre, informé du fait que la police militaire,
26 le 72e Bataillon de police militaire plus précisément, avait eu des
27 difficultés à faire face à leurs tâches par rapport à des enquêtes
28 relatives à des infractions pénales ?
Page 20546
1 R. La partie de ce qui était de la responsabilité de la police militaire,
2 c'était très important. La portée de leur responsabilité était très
3 importante. Comme je l'ai dit, il y avait également cette immense
4 responsabilité du point de vue territorial pour le tribunal militaire, et
5 je ne sais pas si la police militaire, avec un si grand nombre de tâches,
6 aurait eu des problèmes qui auraient entravé leur travail. Après tout, si
7 cela avait été le cas à ce stade, ils avaient l'obligation d'en informer
8 l'administration de la police militaire et non pas nous.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Ceci constitue une réponse à ma
10 question.
11 Monsieur le Président, je pense que ce serait un bon moment pour suspendre
12 l'audience.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Mahindaratne.
14 Monsieur Matulovic, nous allons suspendre l'audience. J'espère que la
15 question directrice ne vous dérange plus, mais vous avez été formé dans un
16 système qui n'était pas le système de la "common law"; il en va de même
17 pour moi. Donc indépendamment de savoir qui élève des objections et qui
18 tranche, dans l'intervalle, j'ai appris que les questions directrices sont
19 interdites lors d'un interrogatoire principal, mais pas tant dans le
20 contre-interrogatoire. On en apprend tous les jours.
21 Nous allons donc maintenant suspendre l'audience et nous reviendrons --
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi, Monsieur le
23 Président. Mais il faudrait que je pose une question.
24 La prochaine fois que nous allons nous voir, mais pas ici, peut-être
25 ailleurs, je voudrais vous montrer un certificat que j'ai reçu
26 personnellement du greffier de ce Tribunal après avoir achevé l'instruction
27 pour mener des procédures d'après le système anglo-saxon. Et l'une des
28 personnes qui enseignaient est Kenneth Scott. Je suis sûr qu'il est bien
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1 connu de mes collègues, voire peut-être de tout le monde. Je vous remercie.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de dire que vous vous
3 trouvez dans une meilleure situation que moi, parce que je n'ai pas reçu un
4 tel certificat, Monsieur Matulovic. Je voudrais simplement vous donner
5 quelque réconfort pour la suspension en ce qui concerne les questions
6 directrices lors des interrogatoires principaux par rapport aux contre-
7 interrogatoires.
8 Nous suspendons la séance et nous reprendrons à 13 heures moins 10.
9 --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.
10 --- L'audience est reprise à 12 heures 57.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, vous avez la
12 parole.
13 Pourriez-vous nous dire à peu près combien de temps il vous faudra encore ?
14 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Il me faudra à peu près une vingtaine
15 de minutes.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
18 Q. Page 26, ligne 15, Me Misetic vous a posé deux questions, Monsieur
19 Matulovic, et vous avez dit que les prisons à Split étaient surpeuplées et
20 qu'il y avait dans ces prisons beaucoup de prisonniers de guerre.
21 R. Je pense que ça a été mal interprété. En fait, j'allais dire que s'il y
22 avait eu trop de détenus dans les prisons, on aurait envoyé des prisonniers
23 ailleurs. Après ce type d'opération, normalement il y avait plus de
24 prisonniers qu'à d'autres moments, et tous n'étaient pas des prisonniers de
25 guerre, parce qu'il y avait, en parallèle, des procédures devant des
26 tribunaux de comtés et des tribunaux municipaux et leurs accusés se
27 trouvaient dans les mêmes locaux.
28 Q. On vous a montré un document, c'est Me Misetic qui vous l'a montré, la
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1 pièce P909, qui portait sur le nombre de prisonniers de guerre qui ont fait
2 l'objet de poursuites lancées par votre tribunal. Alors un autre document
3 également.
4 La pièce 7349 sur la liste 65 ter, s'il vous plaît.
5 Nous avons là un document qui a à voir avec cette réunion. C'est un compte
6 rendu d'une réunion tenue par des membres du secteur sud des Nations Unies
7 chargés de la Croatie avec vous le 8 janvier. Donc cela se réfère à la
8 réunion tenue le 5 janvier -- je vous présente mes excuses, donc le 5
9 janvier 1996, et il est dit :
10 "Vous trouverez ci-joint une liste de 219 détenus qui sont détenus par le
11 tribunal militaire de Split. A en juger d'après ce qu'en dit le président
12 Matulovic, président du tribunal, il n'y aura plus de procès devant ce
13 tribunal. D'après ce que je comprends, ce sera le tribunal du comté de
14 Split qui se chargera de juger ceux qui auront commis des crimes de
15 guerre."
16 Alors est-ce que vous pouvez dire combien de dossiers ont été traités par
17 le tribunal militaire de Split ?
18 R. Je ne peux que confirmer ce que l'on voit ici, à savoir que par un
19 texte qui a été rendu par le président de la République, feu président
20 Tudjman, il y a eu déclaration d'amnistie et ils ont tous été relâchés. En
21 fait, dans cette phrase, il est dit qu'il n'y aurait plus de procédures
22 devant ce tribunal pour des crimes de guerre allégués. Cela veut simplement
23 dire que ces gens-là n'étaient plus au tribunal et nous avons travaillé
24 pendant les sept mois à venir d'après ce qu'en dit ce document. Nous avons
25 engagé des poursuites contre d'autres procédures, nous les avons jugées, il
26 y en a beaucoup. Et pour ce qui est des prisonniers de guerre, il n'y en a
27 plus eu après cet acte de grâce. C'est juste ce qui est dit ici.
28 Q. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée pour ce qui est du nombre
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1 d'affaires dont a été saisi le tribunal militaire de Split contre les
2 prisonniers de guerre jusqu'à ce qu'il y ait amnistie ? Des milliers, des
3 centaines ?
4 R. Pas des milliers, des centaines, peut-être. Mais là je parle de nouveau
5 de ces prisonniers de guerre et uniquement des actes qui relèvent du
6 chapitre 20 du code pénal, donc ce qui relevait du tribunal militaire.
7 Mais je vais vous dire comment se sont produits ces relâches. Nous
8 avons eu 160 et quelque -- est-ce que cela vous intéresse ?
9 Q. Excusez-moi, je n'ai pas beaucoup de temps. Je voulais juste entendre
10 les chiffres.
11 En plus des procès intentés aux prisonniers de guerre, est-ce que le
12 tribunal militaire de Split a également jugé par contumax des membres de
13 l'ARSK ?
14 R. Mais il n'y avait pas lieu de les juger, parce que lorsqu'il s'agissait
15 d'actes qui portaient atteinte à la République de Croatie, à partir du
16 moment où il y a eu amnistie, on a abandonné la procédure. J'allais vous le
17 dire justement, vous m'avez interrompu. Donc j'allais vous préciser
18 exactement comment ça s'est passé dans la réalité, on mettait fin à la
19 détention. Indépendamment du stade qu'avaient atteint les poursuites, après
20 ils se sont retrouvés à la garde de la Croix-Rouge internationale ou ils se
21 rendaient où ils le voulaient.
22 Q. Excusez-moi, Monsieur, je ne souhaite pas vous interrompre ou me
23 comporter d'une manière qui ne serait pas courtoise, mais j'aimerais savoir
24 si jusqu'au moment où on a déclaré l'amnistie, est-ce qu'il y a eu des
25 procès qui ont été tenus devant le tribunal militaire de Split contre des
26 membres de l'ARSK par contumace ? Et là, je ne parle pas de ceux qui
27 étaient placés en détention. Je parle de ceux qui n'étaient pas en
28 détention.
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1 R. Vous vous référez uniquement au tribunal militaire ?
2 Q. Oui, tout à fait, votre tribunal.
3 R. Non.
4 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je vous remercie.
5 Monsieur le Président, je demande le versement de cette pièce.
6 M. MISETIC : [interprétation] Tout d'abord, normalement, à l'annexe, on
7 devrait trouver une liste, mais je ne vois pas cela.
8 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Il n'y avait pas de liste. Nous n'avons
9 pas obtenu de liste avec ce document. C'est la seule chose que nous avons.
10 M. MISETIC : [interprétation] Une deuxième question : est-ce que cela nous
11 a été communiqué en application de l'article 66 (B).
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui.
13 M. MISETIC : [interprétation] En ce cas-là, je n'ai pas d'objection.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière --
15 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Juste une seconde, s'il vous plaît,
16 Monsieur le Président.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P2596.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P2596 est versée au dossier.
19 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Je vais vous montrer rapidement, Monsieur Matulovic, quelques documents
21 et je vais vous interroger là-dessus.
22 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] 65 ter 7347, s'il vous plaît. La page
23 suivante, s'il vous plaît, Madame la Greffière.
24 Monsieur le Président, je note que la traduction anglaise comporte une
25 mauvaise pagination. La page 2 est en fait la page 3.
26 Est-ce que l'on pourrait, s'il vous plaît, nous afficher la page 3 en
27 anglais.
28 Q. Monsieur Matulovic, nous avons là un dossier sous les yeux, un dossier
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1 d'une affaire dont est saisi le tribunal militaire de Split, et nous avons
2 les noms des membres de la Chambre qui ont rendu le jugement. Il s'agit
3 d'un acquittement, et cette affaire concerne le pillage qui a été commis
4 par trois accusés, dont deux étaient des membres de la HV.
5 Est-ce que vous pouvez garder cette page, s'il vous plaît, pour l'instant.
6 Il est dit ici qu'un document figure à l'annexe de ce dossier, à savoir une
7 confirmation qui est fournie disant qu'il s'agissait de membres de l'armée
8 croate, donc Stipe Krajina et Mladen Bandic faisaient partie de la 5e
9 Compagnie du 83e Bataillon de police militaire.
10 Je voudrais maintenant que l'on affiche la page 6 en anglais et la page 5
11 en croate, s'il vous plaît.
12 C'est une note officielle suite à un entretien qui a été mené avec l'un des
13 accusés, avec Mladen Bandic, plus précisément. C'est le troisième
14 paragraphe de la traduction anglaise qui m'intéresse, le dernier
15 paragraphe, et en croate également. Il y est dit :
16 "Je," c'est l'accusé Mladen Bandic, "et l'autre accusé, nous nous sommes
17 rendus à 16 heures 30, dans la journée du 6 septembre 1995, à Knin…"
18 Plus loin dans le texte, il est dit :
19 "Je tiens à souligner que je suis une personne expulsée et que j'avais une
20 attestation pour une vache --" il s'agit de l'enlèvement du tracteur, "mais
21 je ne l'ai pas sur moi, car cette attestation était valable le jour où elle
22 a été délivrée et je ne m'en suis pas servi ce jour-là."
23 Monsieur le Président, il y a une erreur de transcription. Ligne 20, où il
24 est dit :
25 "Je tiens à souligner que je suis une personne expulsée," et non pas
26 "expérimentée" comme c'est dit dans le texte.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est corrigé.
28 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Passons à la page 8, s'il vous plaît,
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1 en anglais; page 6 en croate, à présent, Madame la Greffière.
2 Q. C'est une deuxième note officielle suite à l'entretien avec le deuxième
3 accusé, qui se lit comme suit :
4 "Le 6 septembre 1995, à 16 heures 30, Mladen Bandic" et l'autre accusé sont
5 arrivés ici. Puis six lignes plus loin dans le texte, il est dit :
6 "Je me suis trouvé sur le terrain la dernière fois où on délivrait les
7 attestations pour le bétail, mais le lendemain on a cessé de les délivrer.
8 Aujourd'hui, je me suis rendu à la municipalité de [inaudible], mais ils
9 m'ont dit qu'il n'y avait plus de vaches au centre de rassemblement et
10 qu'ils ont cessé de délivrer les attestations et qu'il fallait que je me
11 débrouille tout seul."
12 Alors j'ai d'autres documents à vous présenter.
13 J'aimerais que l'on verse au dossier le document.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons attendre que vous ayez posé
15 vos questions, puis cela nous permettra d'apprécier mieux la pertinence et
16 la valeur probante des documents que vous soumettez --
17 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- puisqu'il ne nous apparaît pas comme
19 étant parfaitement clair pour le moment que ces documents comportent une
20 valeur probante.
21 En attendant, vous avez demandé la présentation du document suivant.
22 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, c'est un document sur la liste 65
23 ter 3918A.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 79, ligne 15, vous avez dit "donner
25 attestation ou autorisation," c'était obtenir l'autorisation.
26 Allez-y, je vous en prie.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Nous avons là un dépôt de plainte au
28 pénal par la direction de Zadar-Knin, la police Zadar-Knin, et vous verrez
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1 en haut, à droite, il y a un cachet, un cachet du bureau du procureur
2 militaire de Split.
3 Je voudrais que l'on nous montre maintenant, s'il vous plaît, la page
4 6 en anglais; et en croate, je pense que c'est deux pages plus loin, Madame
5 la Greffière. Oui, c'est de ce document-ci qu'il s'agit.
6 Q. C'est là encore une note officielle où l'accusé se voit reprocher le
7 vol du bétail. Et le dernier paragraphe, s'il vous plaît, est-ce que vous
8 pouvez l'examiner en traduction anglaise. Il commence par :
9 "Afin d'obtenir neuf vaches, il s'est vu délivrer un reçu par le
10 commissaire du gouvernement chargé de la zone de Policnik le 12 septembre
11 1995."
12 Et puis quelques lignes plus loin, la dernière ligne, il est dit :
13 "Ils ont chargé neuf veaux et vers 17 heures 30, sur le chemin de
14 retour, ils ont été arrêtés à Gracac par des responsables du 3e poste de
15 police de la zone de Gracac. Puisque Baricevic et Karamarko sont membres de
16 l'armée croate, la police militaire a été appelée, et le commandant du 71e
17 Bataillon de police militaire, Ivica Miletic, a annulé leur reçu pour
18 transport de bétail, en déclarant qu'il était nul et non avenu. Et il leur
19 a dit de remettre ce bétail à la protection civile. Et puis ils ont été
20 escortés à la police militaire d'Udbina où on leur a dit que leur reçu
21 était valable et qu'ils pouvaient se rendre chez eux avec le bétail."
22 Maintenant, le troisième document, s'il vous plaît, 65 ter 4523.
23 Vous voyez, Monsieur Matulovic, qu'il s'agit là d'un ordre. Il est émis par
24 le groupe opérationnel Zadar, par le colonel Zuzul en date du 7 août. Il se
25 lit comme suit :
26 "En se fondant sur l'ordre émis par le commandant de la région militaire de
27 Split en date du 6 août 1995 portant sur le traitement régulier du butin de
28 guerre, ainsi que l'utilisation efficace des moyens matériels, et cetera,
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1 la 307e Base logistique rassemblera le bétail et la volaille sur le
2 territoire libéré, qui sera placé dans des fermes ou sera vendu
3 immédiatement au prix du marché, ce qui est le plus intéressant pour
4 l'armée croate."
5 Je voudrais maintenant le dernier document de cette série. Il s'agit du
6 document 65 ter 2265, s'il vous plaît.
7 Il s'agit d'une lettre qui a été envoyée par le ministre adjoint de
8 l'Intérieur, M. Josko Moric, à tous les membres de la police militaire, à
9 toutes les unités de la police militaire, et qui est également adressée aux
10 responsables de l'administration de la police militaire. Et si vous pouviez
11 passer à la page suivante pour la version anglaise du document, il est dit
12 :
13 "En suivant la situation dans la partie nord et sud de la zone
14 libérée, on a pu observer que certains représentants du gouvernement civil
15 avaient émis des certificats autorisant les citoyens à entrer et sortir, et
16 à même emmener les biens meubles. Il y a même eu des cas où ces certificats
17 n'avaient même pas été remplis, ils étaient laissés en blanc, donc
18 n'importe qui pouvait entrer des données concernant les biens qu'il ou elle
19 déplaçait."
20 Paragraphe suivant.
21 "Concernant ce qui a été susmentionné, l'état-major de l'Etat pour la
22 coordination des activités concernant le retour et l'établissement d'une
23 autorité civile et la normalisation de la vie dans les zones nouvellement
24 libérées ont ordonné aux responsables des comtés des zones nouvellement
25 libérées d'arrêter d'émettre ces certificats et ont annulé les certificats
26 qui avaient été émis préalablement."
27 Toutes les administrations de la police dans la région ont reçu instruction
28 concernant le traitement des personnes en possession de ces certificats, à
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1 savoir que ces certificats devaient être confisqués et qu'il fallait
2 déterminer le délit pénal.
3 "Je vous soumets donc une copie de la lettre de l'état-major de l'Etat pour
4 que la police militaire et les membres de la police militaire sachent quel
5 comportement et attitude adopter."
6 Monsieur Matulovic, ce que nous avons vu, c'est une des écritures de
7 dossier. Le premier document était inclus dans ce dossier et cela a été
8 enregistré par les premières notes de l'entretien. Le membre de la HV qui
9 avait été accusé avait utilisé comme défense le fait qu'il avait une
10 licence lui permettant de déplacer du bétail. Puis nous avons vu un
11 document similaire, il s'agissait du deuxième document, et ce dernier
12 document ici indique que des licences et des autorisations avaient été
13 émises pour déplacer les biens dans les régions libérées. Bien, en tant que
14 juge d'un tribunal militaire de cette région en particulier, étiez-vous au
15 courant de ce système qui permettrait d'émettre des licences pour déplacer
16 du bétail ou des biens privés dans ces zones libérées, licences qui
17 auraient été remises à des membres de la HV ou également à d'autres
18 personnes ?
19 R. Avant de répondre, j'ai vu six ou sept documents qui relèvent
20 d'événements totalement différents. Dans le premier document, il est
21 indiqué que deux personnes sont membres de la HV, et ensuite on parle de
22 plusieurs veaux; puis ensuite de vaches; puis de neuf vaches; et ensuite de
23 bétail, et cetera. Et puis vous m'avez montré un document stipulant qu'il
24 s'agissait d'une sorte de certificat. Il ne s'agissait pas d'un certificat,
25 il s'agissait d'un rapport sur un délit pénal; et ensuite il est dit qu'il
26 s'agissait du délit 126 qui est un cas de vol aggravé.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tous les documents qui vous sont montrés
28 ont un point en commun, à savoir que d'une façon ou d'une autre, référence
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1 est faite à ce que l'on appelle un certificat ou des documents qui,
2 semblerait-il, avaient été émis - qu'ils soient documentés ou pas - pour
3 légaliser le transport des biens. La question qui vous est posée par Mme
4 Mahindaratne était assez simple. Etiez-vous au courant de l'existence et de
5 l'émission de tels documents à cette époque ? Ou même comme elle l'a dit,
6 étiez-vous au courant de l'existence d'un système permettant d'émettre ce
7 type de document. Pourriez-vous répondre à cette question.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas au courant de cela parce que ce
9 n'était pas de la compétence des tribunaux militaires ou civils. Ces
10 documents avaient été émis dans des procédures administratives, et il
11 s'agit là de procédures différentes. Ces documents avaient été émis par des
12 instances administratives. Et si ces documents apparaissaient dans des
13 procédures pénales, on pouvait arguer du fait qu'il s'agissait peut-être de
14 faux, de faux rédigés par un employé d'une instance administrative, et l'on
15 pouvait également dire qu'il s'agissait d'un abus de position, et cetera.
16 De tels documents existaient dans l'un des cas, et ceci ne disculpait pas
17 la personne qui s'était appropriée un bien si par la suite on pouvait
18 établir qu'il ne s'agissait pas de bien abandonné, mais qu'il s'agissait de
19 bien appartenant à quelqu'un.
20 Je ne voudrais pas entrer dans une analyse juridique plus approfondie, mais
21 lorsqu'il s'agit de ces documents, la façon dont ils ont été émis, qu'ils
22 aient été documentés ou pas, si les informations y figurant étaient
23 précises ou pas, cela je ne le sais pas. Il s'agissait de documents émis
24 par des instances administrative, et toute question les concernant devrait
25 être posée aux instances administratives, car les tribunaux militaires ne
26 s'occupaient pas de ces documents qui n'étaient en rien de notre
27 compétence. Comme je l'ai dit, si de tels documents devraient être utilisés
28 dans une affaire en particulier, alors, oui, on pouvait aller un petit peu
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1 plus loin et voir avec des tribunaux civils pour s'assurer si quelqu'un
2 avait abusé de sa position, quelqu'un travaillant dans une instance
3 administrative, et avait émis des faux ou émis un document qui ne relevait
4 pas de son autorité.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Madame
6 Mahindaratne.
7 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Je voudrais verser ces quatre documents au dossier, Monsieur le Président.
9 M. MISETIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Objection basée sur…
11 M. MISETIC : [interprétation] Je regarde la page 81, lignes 5 à 7. Elle a
12 cité les documents et ces reçus, et il est indiqué :
13 "Ils ont ensuite été escortés au service pénal de la police militaire à
14 Udbina où on leur a dit que les reçus étaient valables et qu'ils pouvaient
15 rentrer chez eux avec leur bétail."
16 Nous avons eu un témoin ici, le chef de la police criminelle du 72e
17 Bataillon de la police militaire, qui aurait pu parler et avoir
18 connaissance personnellement de ces documents. Nous l'amenons ici afin de
19 pouvoir parler de ces questions.
20 La Cour se rappellera que nous avons passé trois heures de contre-
21 interrogatoire à parler de l'affaire Blaskic, et ces types de questions ne
22 lui ont pas été posés. Maintenant, nous posons des questions à un témoin
23 qui dit qu'il ne savait rien et n'est au courant en rien en la matière, et
24 il n'avait pas reçu un exemplaire de ces documents. Cela pose un préjudice
25 pour la Défense parce qu'un témoin qui a les connaissances et l'autorité
26 nécessaires n'a pas l'opportunité d'être nécessairement confronté à la
27 proposition que l'Accusation est en train d'essayer d'intégrer dans cette
28 affaire.
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1 Il ne faut pas que nous ayons à rappeler des témoins ou rappeler quelqu'un
2 d'autre pour parler de la question que l'Accusation a décidé de ne pas
3 traiter avec le témoin compétent, et nous faisons objection dans le cadre
4 de la Règle 90(H).
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les documents recevront une cote MFI
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Les pièces P2597, 2598, 2599 et 2600
7 reçoivent toutes une cote MFI, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
9 Madame Mahindaratne, vous aurez la possibilité, avant que le témoin ne
10 quitte, de répondre, s'il est nécessaire de le faire, et de répondre à ce
11 que Me Misetic a dit.
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Oui. Le témoin semble vouloir
14 dire quelque chose.
15 Oui, Monsieur Matulovic.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais
17 simplement insister sur le fait que ce document m'est présenté ici. C'est
18 un document du poste de police d'Udbina. Ce n'est pas du tout dans notre
19 territoire, donc le tribunal n'était simplement pas à même d'avoir
20 connaissance de ces documents.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous avez témoigné en
22 disant que ce type de document, vous les avez rencontrés, vous ne savez pas
23 qui les a émis, s'il s'agissait de faux ou pas, mais qu'en tous les cas, ça
24 n'était pas des documents qui avaient pu convaincre votre tribunal que ce
25 qui semblait être des délits n'étaient plus des délits sur la base de ces
26 documents, si je résume très brièvement et très succinctement votre
27 déposition sur ce point. Vous n'êtes pas au courant de l'existence d'un
28 système et vous n'êtes pas au courant de -- il est exact, vous avez raison
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1 en disant que l'un des exemples concernait une région géographique qui
2 n'était peut-être pas du domaine de compétence du tribunal militaire, et
3 c'est la raison pour laquelle ce témoin ne peut répondre.
4 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je prend note, Monsieur le Président,
5 mais je voudrais répondre à Me Misetic concernant le non-respect de la
6 Règle 90(H) où --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, une allégation concernant le non-
8 respect de la Règle 90(H) --
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] 90(H).
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- 90(H) -- nous pourrions également
11 voir ce que vous souhaitez dire sur ce point.
12 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation
13 sera obligée de dire quelque chose devant le témoin concernant la Règle
14 90(H), simplement si le témoin témoigne et adopte une position contraire à
15 la position prise par l'Accusation. Bien, le témoin précédent n'a pas fait
16 référence au pillage ou n'a pas poursuivi un type de témoignage qui
17 demanderait à ce que l'Accusation présente ces documents au témoin. Il n'y
18 a pas eu là d'infraction à la Règle 90(H) du fait de ne pas avoir montré
19 ces documents au témoin auquel Me Misetic fait référence.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends l'objection comme étant la
21 suivante, il n'est pas équitable de poser des questions à des témoins pour
22 soutenir votre propre affaire, alors qu'un témoin qui est plus approprié,
23 qui aurait des connaissances plus approfondies sur la question ne s'est pas
24 vu poser la question. Il ne s'agissait pas essentiellement de la situation
25 particulièrement soulevée par l'article 90(H) au petit "(iii)" à laquelle
26 Me Misetic a fait référence en tant que règle technique.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin est en
28 fait un témoin qui pourrait parler de ces questions parce que, comme nous
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1 l'avons vu dans ce document --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. En fait je pense que Me Misetic ne
3 contestait pas cela. Mais il a dit que vous ne pouviez simplement pas
4 choisir des témoins auxquels vous posiez ces questions et ne pas faire
5 attention à cela, au fait que des témoins pouvaient avoir une connaissance
6 plus approfondie de cette question. Est-ce que M. Misetic a raison ou pas,
7 c'est une autre question, mais essayons tout d'abord de comprendre quelle a
8 été l'objection et de comprendre avant de répondre. Monsieur Misetic,
9 corrigez-moi si je me trompe, il s'agissait simplement d'une réponse à
10 cette objection.
11 M. MISETIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, y a-t-il autre
13 chose ?
14 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ces documents recevront une cote
16 MFI. En fonction des limites imposant de présenter un certain matériel à
17 chaque témoin, chaque témoin pourra témoigner sur les questions, cela est
18 une question qui mérite un examen plus approfondi par la Chambre.
19 M. MISETIC : [interprétation] Si vous pouvez simplement ajouter un point
20 supplémentaire.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
22 M. MISETIC : [interprétation] Pièce 2597, MFI, elle contient également un
23 jugement dans lequel M. Matulovic était présent. Si le Procureur
24 envisageait de s'opposer également à ce jugement, il faudrait le dire au
25 témoin pendant qu'il est encore là. Rien ne m'a été dit à propos de ce
26 jugement, je voudrais simplement que cela figure au procès-verbal.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je ne sais pas si vous voulez --
28 s'il y a une autre intention, Madame Mahindaratne.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors vous pouvez continuer.
3 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une
4 correction qu'il faut faire au compte rendu d'audience. J'ai parlé d'un
5 document qui est le 3919A de la liste 65 ter, qui a été mal retranscrit,
6 puisque dans le procès-verbal on trouve 3918A. Je voudrais simplement que
7 cela soit corrigé dans le compte rendu d'audience.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela figure dans le compte rendu
9 d'audience.
10 Vous pouvez poursuivre.
11 Mme MAHINDARATNE : [interprétation]
12 Q. Monsieur Matulovic, ce sera ma dernière question.
13 Est-il exact que vous vous êtes rendu sur le lieu du crime à la demande de
14 la police militaire ou du procureur militaire ? Je m'excuse, j'ai fait une
15 erreur. Je m'excuse. Vous pouvez y aller.
16 R. Un juge ne se rend sur les lieux que s'il est un juge d'instruction et
17 qu'il est de permanence et s'il est informé du fait qu'un événement
18 contenant des éléments de crime s'est produit avec des conséquences
19 sérieuses. Donc s'il est informé par la police militaire qu'il y a eu un
20 accident sur la route ou que deux voitures sont entrées en collision et
21 qu'il y a des dommages mineurs, alors il ne se rend pas sur la scène. Mais
22 s'il s'agit d'un crime plus sérieux, c'est un droit qui est laissé à la
23 discrétion de chaque juge d'instruction, y compris moi-même, et je pouvais
24 décider si je me rendais sur les lieux ou pas. Je pouvais me rendre sur les
25 lieux lorsque j'étais informé du fait qu'il y avait un crime de commis et
26 lorsqu'un juge d'instruction se rendait sur les lieux du crime. Je pouvais
27 donc, de par ma présence, apporter quelque lumière sur l'incident et aider
28 peut-être mon collègue dans son travail. Maintenant que je décide ou pas de
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1 me rendre sur les lieux du crime, c'est quelque chose qui est laissé à la
2 discrétion de tout juge.
3 Q. Etes-vous à même de dire sur combien de lieux de crime vous vous êtes
4 rendu, je vous demande un chiffre approximatif, à la demande de la police
5 militaire et concernant le massacre de civils serbes commis après le 5
6 août, et ce, jusqu'à la fin du mois de septembre 1995 ? Je voudrais d'abord
7 vous demander si la police militaire ne vous a jamais demandé de vous
8 rendre sur les sites de crime pour des massacres de civils serbes commis
9 par des membres de la HV lors de cette période ?
10 R. Je ne sais pas du tout. S'il s'agissait d'une scène de crime d'un
11 meurtre, peu importe de qui il s'agissait, qu'il s'agisse d'un civil serbe
12 ou d'une autre personne, il était de mon devoir d'y aller s'il s'agissait
13 de crimes sérieux, de crimes ayant des conséquences importantes. Et s'il
14 s'agissait d'un territoire sous la juridiction du tribunal militaire de
15 Split, alors la personne qui se rendait sur les lieux en raison de
16 l'urgence de la procédure, du recueil de toute trace du meurtre, il pouvait
17 être soit le juge de Zadar, soit le juge de Dubrovnik ou un juge de Split.
18 Donc il était important que quelqu'un puisse se rendre sur les lieux du
19 crime aussi rapidement que possible, car cela garantissait la qualité de
20 l'établissement de --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons d'en rester au point simple et
22 au fait.
23 Vous n'êtes-vous jamais rendu sur les lieux d'un crime pour mener une
24 enquête sur les lieux en août et en septembre 1995, en tant que juge
25 d'instruction ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je m'en puisse m'en souvenir, non,
27 je ne l'ai pas fait personnellement. Peut-être que je l'ai fait, mais
28 autant que je m'en souvienne, je dirais, non. Vous avez dit à quelle
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1 période ? En août et en septembre.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 1995.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas vraiment.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il n'est pas nécessaire que je
5 vous demande si vous y êtes allé, qu'il s'agisse d'un meurtre ou pas, parce
6 que si vous ne vous souvenez pas y être allé, vous n'avez aucun souvenir du
7 type d'affaire sur laquelle vous avez pu mener une enquête.
8 Madame Mahindaratne.
9 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Q. Vous souvenez-vous au moins que la police militaire vous ait demandé de
11 vous rendre sur les lieux d'un crime au cours de cette période ?
12 R. J'ai dit que la police militaire ne pouvait pas demander cela. Elle
13 n'avait pas l'autorité pour demander à un juge de se rendre sur les lieux
14 d'un crime. Si c'était quelque chose de plus sérieux, elle avait
15 l'obligation d'informer le juge et c'est au juge qu'il incombait de décider
16 s'il voulait se rendre sur les lieux du crime ou pas. C'est une décision
17 qui était laissée à sa discrétion.
18 Q. Avez-vous été informé par la police militaire d'un crime en particulier
19 qui exigeait que vous vous rendiez sur les lieux d'un crime au cours de
20 cette période ?
21 R. A quel type de lieux de crime pensez-vous ou quel crime ?
22 Q. Je voudrais être un petit peu plus précise. Je parle de massacre de
23 civils, d'incendie ou de destruction de biens privés, et je pense qu'on ne
24 vous demandait pas de vous rendre sur les lieux d'un crime pour un vol ou
25 pour ce genre de crimes ?
26 R. Uniquement concernant les meurtres. Même à l'heure actuelle, les juges
27 d'instruction ne se rendent pas sur les lieux de crimes s'il s'agit
28 d'incendies, indépendamment de l'importance des dégâts.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Madame la Greffière, est-ce que je
2 pourrai maintenant voir le document 7348, s'il vous plaît.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, je voulais
4 simplement une précision concernant votre dernière réponse.
5 Vous avez dit "uniquement concernant les meurtres." Vous avez ensuite fait
6 référence au fait d'être informé par la police militaire de meurtres pour
7 lesquels vous auriez pu envisager ou pas de vous rendre sur les lieux de
8 crimes. Est-ce que c'est ainsi que je dois comprendre votre réponse ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais précisément comme j'ai répondu à la
10 question de Mme Mahindaratne, elle m'a demandé si j'étais allé sur des
11 lieux où il y avait eu des crimes. Ensuite elle a énuméré trois types de
12 crimes; les meurtres, les incendies et les vols qualifiés ou aggravés.
13 Comme je l'ai dit sur ces trois là, il n'y avait que les meurtres où on
14 avait l'obligation d'aller sur les lieux et d'être présent au cours de
15 l'enquête sur les lieux.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas une surprise pour
17 vous qu'il y ait cette confusion. Vous nous avez dit que vous aviez
18 l'obligation de vous y rendre. Puis-je conclure, d'après ce que vous avez
19 dit, que vous n'avez aucun souvenir d'être jamais allé sur des lieux en
20 tant que juge d'instruction, que vous n'avez jamais reçu de rapport de la
21 police militaire pour des meurtres, parce que vous nous avez dit que dans
22 de telles circonstances, vous auriez été obligé de vous y rendre, ou tout
23 au moins, vous n'avez aucun souvenir d'avoir jamais reçu un rapport relatif
24 à un meurtre ou un crime qui aurait été commis ? Est-ce que c'est une
25 conclusion qui est juste ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, dans l'ensemble, oui, bien que je
27 souhaite être un peu plus précis. Tous les rapports d'après l'information
28 selon laquelle il y aurait eu un meurtre commis n'étaient pas envoyés à un
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1 juge, mais à un procureur militaire ou à un procureur civil qui, à ce
2 moment-là, déterminait quelles mesures devaient être prises et comment
3 l'affaire devait être traitée par la suite.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'alors il serait juste de dire
5 comme conclusion que vous n'avez jamais reçu de demande d'un procureur
6 militaire d'aller enquêter sur les lieux d'un crime en ce qui concerne un
7 meurtre ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Un procureur militaire reçoit simultanément
9 des renseignements concernant la commission d'un crime en même temps que le
10 juge d'instruction les reçoit aussi. Et tous deux, après avoir reçu le
11 rapport, s'efforcent de communiquer et de se mettre d'accord sur qui va
12 faire quoi. Si le juge d'instruction décide d'aller sur les lieux du crime,
13 à ce moment-là, il y a une obligation pour le procureur militaire de
14 pouvoir être avec lui aussi, parce que le procureur militaire est aussi
15 intéressé à la procédure pénale par la suite.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai posé tout à
17 l'heure une question concernant des rapports reçus de la police militaire
18 et maintenant vous nous dites qu'un procureur militaire reçoit des
19 renseignements concernant un crime qui a été commis simultanément avec le
20 juge chargé de l'instruction, ce qui, tout au moins, laisse ouverte la
21 question de savoir si vous avez reçu ou non des rapports de ce genre.
22 Indépendamment de ce qui était le système, je vous demande si vous-même, en
23 août et septembre 1995, vous avez reçu des renseignements de la police, que
24 ce soit directement ou par un procureur militaire, concernant un meurtre
25 qui aurait été commis et sur la base duquel vous auriez examiné le point de
26 savoir si oui ou non vous auriez l'obligation de vous rendre sur les lieux
27 du crime pour procéder à une enquête ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, je souligne que s'il
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1 s'agissait d'un meurtre, il n'avait pas à examiner. Il fallait y aller,
2 indépendamment de savoir qui avait informé le juge d'instruction à ce
3 sujet.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ceci ne répond toujours pas à
5 ma question qui était que même si vous aviez l'obligation, à ce moment-là,
6 si vous estimez la question de savoir si vous étiez obligé d'y aller, à ce
7 moment-là, la réponse serait oui.
8 Ce que je voudrais savoir, et apparemment Mme Mahindaratne également, c'est
9 si vous avez jamais reçu de rapports concernant des meurtres dans ces
10 circonstances, et ce n'est pas ce qui était le système, je voulais savoir
11 si vous avez eu -- non, pas si vous avez eu à examiner la question, mais ce
12 que vous avez reçu ? Si vous avez jamais reçu un rapport concernant un
13 meurtre --
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de façon directe ou indirecte, vous
16 ne vous en souvenez pas ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne vous rappelez pas cela ou ça n'a
19 pas été le cas ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas du tout si j'ai reçu des
21 rapports concernant des meurtres, et moins encore si j'ai eu un doute
22 quelconque sur le point de savoir si je devais me rendre sur les lieux d'un
23 crime ou non. S'il y a eu des meurtres, à ce moment-là, il fallait y aller.
24 Permettez-moi de le répéter à nouveau.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
26 Madame Mahindaratne, veuillez poursuivre.
27 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 Q. Monsieur Matulovic, parlons d'incendie ou de feu. N'avez-vous jamais
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1 été informé par la police militaire ou ne vous a-t-elle jamais demandé ou
2 des procureurs militaires ne vous ont-ils jamais demandé de vous rendre sur
3 les lieux d'un crime où il y aurait un incendie ?
4 R. Comme je l'ai déjà dit, l'incendie criminel en tant qu'infraction
5 n'était pas couvert par l'obligation de se rendre sur les lieux du crime,
6 indépendamment de savoir s'il s'agissait de procureurs militaires, de
7 procureurs civils ou de juges. On devait aller procéder à des enquêtes sur
8 les lieux uniquement lorsqu'il s'agissait d'infractions pénales graves. De
9 sorte que s'il s'agissait d'incendie, ça pouvait être une maison qui avait
10 été incendiée, mais sans grand dommage subi, ça aurait pu être une meule de
11 foin, et à ce moment-là, nous étions un petit nombre. Dans un territoire
12 aussi vaste, il n'était pas nécessaire pour nous de nous rendre sur place
13 pour enquêter dans le cas de telles infractions. On laissait la police ou
14 la police militaire le faire et déterminer si les personnes étaient encore
15 des militaires d'active ou non ou s'ils avaient été et ne l'étaient plus,
16 donc leurs cas étaient instruits de façon régulière.
17 Q. Maintenant, Monsieur Matulovic --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, là encore je
19 voudrais bien comprendre cette réponse.
20 Est-ce que je dois comprendre, d'après votre réponse, qu'il se peut bien
21 que vous ayez reçu de telles informations concernant des incendies, mais
22 que, pour les raisons que vous avez expliquées, ceci n'aurait pas déclenché
23 pour vous la nécessité d'aller sur les lieux de l'infraction ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Toutefois, en même temps, il y avait un
25 motif pour le procureur militaire de poursuivre sa procédure, de
26 l'instruire, de suivre et surveiller la procédure.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les choses ne s'arrêtaient pas là, mais
28 à ce moment-là, il n'était pas nécessaire de se rendre sur les lieux.
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1 Veuillez poursuivre, Madame Mahindaratne.
2 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser
3 à ce témoin, Monsieur le Président. J'ai demandé un document, mais compte
4 tenu de la dernière réponse que nous avons entendue, il n'est pas
5 nécessaire pour moi de verser le document en question comme élément de
6 preuve au dossier.
7 Monsieur Matulovic, je vous remercie d'avoir répondu à mes questions.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Mahindaratne.
9 Y a-t-il des questions supplémentaires ?
10 Maître Misetic.
11 Je regarde la pendule. Néanmoins, je vous pose la question.
12 M. MISETIC : [interprétation] Ça dépend de savoir si on se réunit à nouveau
13 demain avec ce témoin ou non.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, ça dépend de savoir, dans une
15 certaine mesure, de votre réponse à la question, n'est-ce pas ? C'est
16 l'histoire de la poule et de l'œuf.
17 M. MISETIC : [interprétation] J'aurais environ deux questions à poser à ce
18 témoin. Ça peut prendre cinq minutes.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vais voir…
20 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux questions, ça peut aller.
22 M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Nouvel interrogatoire par M. Misetic :
24 Q. [interprétation] Monsieur Matulovic, on vous a posé des questions
25 relatives aux mesures disciplinaires. Je voudrais savoir de vous : à la fin
26 d'une affaire de caractère pénal, s'il y avait une reconnaissance de
27 culpabilité et condamnation, est-ce que votre tribunal confirait à ce
28 moment-là la question aux militaires en vue d'une procédure disciplinaire
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1 qui pourrait être entamée ou est-ce que ceci n'aurait lieu qu'une fois que
2 la reconnaissance de culpabilité aurait été prononcée ?
3 R. A partir du moment où une personne avait été reconnue coupable, j'ai
4 déjà dit qu'une copie du jugement serait envoyée à l'unité concernée ainsi
5 qu'au ministère de la Défense. Le fait d'avoir rendu ce jugement voulait
6 dire qu'une personne avait été reconnue coupable, mais ça n'était pas
7 nécessairement une condition pour que la question de la responsabilité
8 disciplinaire soit évoquée au niveau de l'unité. Ça pouvait être le cas,
9 mais pas nécessairement, et si le commandant de l'unité décidait que le
10 militaire en question était reconnu coupable et condamné pour cette
11 infraction. Je souligne qu'il y avait des infractions à la discipline,
12 également des infractions de caractère disciplinaire. Pour les manquements
13 à la discipline, le procureur militaire était responsable. C'était lui qui
14 décidait de la procédure disciplinaire à suivre. Quant aux infractions à la
15 discipline, c'était son supérieur direct.
16 M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup de cette réponse.
17 Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Misetic.
19 Je n'ai que quelques questions à poser et, avec l'indulgence des
20 interprètes et des sténographes, je pense pouvoir en terminer en cinq
21 minutes. Comme qu'on n'attend pas de pouvoir disposer de la salle
22 d'audience cet après-midi, je pose les questions suivantes.
23 Questions de la Cour :
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans votre déclaration, au paragraphe 3,
25 vous citez l'article 6 du décret qui définit les compétences des
26 juridictions militaires uniquement dans les cas d'affaires pénales. Je
27 voudrais relire la dernière partie de cet article, à savoir -- non, je
28 retire ma question.
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1 Je n'ai qu'une seule question à poser qui est de caractère général.
2 Si un commandant reçoit des informations, et là je parle d'un commandement
3 du haut rang, que dans son secteur de responsabilité, des incendies
4 criminels ont été commis, bien qu'il n'ait pas reçu tous les détails, mais
5 disons qu'il a reçu des renseignements selon lesquels des maisons ont été
6 incendiées dans plusieurs villages, mais si ces renseignements sont assez
7 vagues, compte tenu du devoir pour un commandant de prendre les mesures
8 nécessaires et raisonnables pour punir les auteurs de violations graves du
9 droit international humanitaire, de votre point de vue, quelles auraient
10 été, indépendamment des instructions que ceci ne devait pas se reproduire
11 dans la chaîne de commandement, quelles auraient été les voies à
12 disposition de ce commandant pour veiller à ce que ce qui était nécessaire
13 et raisonnable soit fait pour que les auteurs soient punis ? Que devait-il
14 faire ?
15 R. Si un commandant, quel que soit le niveau de son commandement, pouvait
16 évaluer cela, il aurait fallu du moins qu'il soit juriste. Il aurait fallu
17 qu'il connaisse le code pénal et tout ce qui a trait aux infractions
18 pénales et criminelles. Par conséquent, à mon avis, un commandant, une fois
19 qu'il aurait reçu des renseignements, en tant que profane qui ne connaît
20 pas bien le droit, il devait en informer la police militaire, qui devait
21 agir d'urgence pour établir la réalité de tous les faits en ce qui concerne
22 un certain acte et les actions illicites qui auraient été perpétrées dans
23 son secteur et dont il avait appris l'existence de façon indirecte. Donc il
24 n'était pas un témoin oculaire de ce qui s'était passé.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'un commandant, supposons un
26 commandant de région militaire, pouvait donner des ordres à la police
27 militaire d'enquêter sur de telles allégations selon lesquelles des crimes
28 ou délits auraient été commis éventuellement par des membres de ses forces
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1 ?
2 R. Il pouvait seulement informer la police militaire de cela, dans la
3 chaîne militaire, la voie hiérarchique. Il pouvait seulement informer les
4 policiers militaires de cela et la police militaire existait en tant que
5 groupe de professionnels chargés de suivre les questions d'infractions.
6 Même sans ces renseignements, s'ils avaient certains renseignements à ce
7 sujet, ils procéderaient automatiquement à certaines démarches de façon à
8 trouver les auteurs et à les faire poursuivre. C'est la raison pour
9 laquelle l'administration de la police militaire existait ainsi que les
10 bataillons. C'étaient des professionnels. C'étaient, en règle générale, des
11 gens qui connaissaient le droit, qui avaient une connaissance spécifique de
12 la façon d'agir de façon automatique dans de telles situations.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et dans le cas où ils ne pouvaient pas
14 trouver assez de temps ou ils avaient des priorités déjà fixées qui ne
15 correspondaient pas aux priorités que le commandant considérait comme étant
16 les bonnes, alors que pouvait-il faire d'autre que d'informer la police
17 militaire ? Que pouvait-il faire d'autre, ce commandant ?
18 R. Bien, il ne pouvait rien faire, parce que les renseignements envoyés à
19 la police militaire, cela voulait dire automatiquement - et là, nous
20 pouvons parler d'ordres, comme je l'ai fait dans mes ordonnances et les
21 instructions au début de ma déposition - les ordres devaient le faire de
22 façon à ce que l'on découvre qui étaient les auteurs de ces actes.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de ces réponses.
24 Est-ce que les questions des Juges ont provoqué la nécessité de poser
25 d'autres questions au témoin ? Monsieur Matulovic, ceci conclut votre
26 déposition devant cette Chambre. Je souhaite vous remercier d'être venu
27 jusqu'à La Haye pour répondre à toutes ces questions qui vous ont été
28 posées par les Juges et par les parties.
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1 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le
2 témoin ne puisse se retirer, étant donné ses réponses, nous nous posons la
3 question de savoir s'il n'y aurait pas une obligation au titre de l'article
4 90(H) en ce qui nous concerne de présenter à ce témoin les thèses de
5 l'Accusation.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai jamais su que des questions --
7 vous voudriez que --
8 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Les réponses, Monsieur le Président,
9 les réponses du témoin aux questions posées par les Juges.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense, en fait, qu'il n'y a pas
11 d'obligation qui découle des questions posées par les Juges. Il n'y a pas
12 d'obligation de présenter les thèses de l'Accusation ou les thèses de la
13 Défense au témoin. Tout au moins, je ne pense pas qu'il y ait de malentendu
14 à ce sujet --
15 Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je demandais simplement une directive
16 de votre part, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien, dans ce cas-là, je voudrais
18 suggérer que le témoin fasse l'objet d'un contre-interrogatoire par les
19 Juges et, à mon avis, tel n'est pas le cas ici, Madame Mahindaratne.
20 Puisque je n'entends pas d'autres voix à l'appui de votre suggestion, je
21 vais moi-même m'abstenir et je continue de remercier le témoin d'avoir
22 répondu à toutes les questions. Je vous souhaite un bon retour chez vous,
23 Monsieur Matulovic.
24 Madame l'Huissière, voulez-vous, s'il vous plaît, escorter le témoin hors
25 de la salle d'audience.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
27 [Le témoin se retire]
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite remercier les
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1 interprètes et sténographes d'avoir fait qu'il était possible que le témoin
2 termine sa déposition aujourd'hui.
3 Je lève la séance et j'ai reçu une note dans laquelle -- je voudrais savoir
4 dans quel prétoire nous allons continuer demain.
5 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kehoe.
7 M. KEHOE : [interprétation] Nous n'avons pas de témoin pour demain. Nous
8 avions ce témoin-ci qui était prévu pour aujourd'hui et demain. Et notre
9 prochain témoin, qui est le général Cross, un expert, n'arrivera pas avant
10 demain après-midi pour déposer jeudi et vendredi.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que ça n'est pas la première
12 fois que j'exprime, au nom de la Chambre, notre préoccupation concernant
13 ces questions. Pour ne pas dire -- enfin, je comprends les difficultés
14 qu'il y a à établir un calendrier, mais en même temps, ça se produit trop
15 souvent.
16 Avez-vous discuté de la question avec l'Accusation ? Savez-vous
17 combien de temps ils pensent qu'il leur faudra ?
18 M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai pas discuté de la question avec
19 l'Accusation sur le point de savoir de combien de temps ils auront besoin.
20 Tout simplement, le général Cross a subi une opération, pour commencer.
21 Sans entrer dans les détails et le caractère personnel, il ne pouvait pas
22 venir plus tôt, puis il a des obligations professionnelles. C'était la
23 première occasion dans laquelle il serait disponible et où nous pouvions le
24 faire venir.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la même chose s'est passée en
26 septembre et je pense que vous aviez reçu un courrier électronique à ce
27 sujet. Les questions d'emploi du temps, sans même envisager ce que la
28 partie adverse va faire, est une pratique inutile. C'est tout simplement
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1 une question de gestion pour le Tribunal. Si vous dites : Nous prévoyons
2 deux jours pour ce témoin et si vous prenez une heure et demie, comme ça a
3 été le cas pour Me Misetic, une heure ou près de deux heures, alors, bien
4 entendu, tout dépend de ce que la Défense de Cermak et de ce que
5 l'Accusation va faire. Par conséquent, si vous parlez d'une utilisation
6 efficace du temps d'audience, c'est une exigence minimum, dirais-je, de
7 façon à ce que l'on puisse utilement faire des emplois du temps.
8 Donc je comprends que nous ne pouvons pas changer la situation en ce qui
9 concerne demain et je comprends que si M. Cross a dû avoir une intervention
10 chirurgicale un jour plus tôt, l'ensemble du problème n'aurait pas existé.
11 M. KEHOE : [interprétation] Nous avons essayé d'utiliser de façon aussi
12 efficace que possible le temps de l'audience, et je pense que jusqu'à
13 présent nous avons réussi à le faire, mis à part tel ou tel événement qui
14 pourrait se produire. Mais en ce qui concerne ce cas précis, je vous
15 présente mes excuses, Monsieur le Président, ainsi qu'aux membres de la
16 Chambre.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas le sentiment que
18 nous avons. Nous avons une audience qui est possible, nous avons des
19 interprètes qui sont prêts, nous avons du personnel d'audience qui est à
20 disposition, et même si nous prenons le minimum de temps, la question
21 demeure : comment allons-nous utiliser le temps qui reste ? C'est
22 essentiellement à l'égard de ce problème que la Chambre est un peu
23 préoccupée en ce qui concerne l'évolution de la situation. En même temps,
24 la Chambre apprécie évidemment aussi que la conclusion de la présentation
25 des moyens Gotovina va, selon tout probabilité, avoir lieu au début de
26 septembre, mais nous avons maintenant posé des questions aux parties.
27 Nous reprendrons donc le jeudi 23 juillet, à 14 heures 15, dans la salle
28 d'audience numéro I.
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1 --- L'audience est levée à 14 heures 05 et reprendra le jeudi 23
2 juillet 2009, à 14 heures 15.
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